L'Ecole valaisanne, octobre 1980

29
Octobre 1 980 N° 2

description

Finges

Transcript of L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Page 1: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Qu'il s'agisse d'instrum,ents à cJayiers ou à cordes, à vent ou a perCUSS1?n,

mécaniques ou électroniques ...

Nous vous conseillons pour . la location, pour la vente, pour les échanges réparations, remises en état, accordages, etc.

1: CI

HugMusique .= La grande maison à la grande expérience

etau choix de grandes marques

Successeurs de Hall~nbarter22 10 63 Sion, 15 , rue des Remparts tel. (027)

Notre force

c 'est le choix

@P60~ SI:l,~\"1

. - 1 tu a'te.le 't 19~Q le "'-il la" ~o't.e .... po'" r-,eau

S.~H,"II.

ITJ Meubles et

~ Machines de bureau &. Papeterie Atelier de réparations

02624344

Itll~I~I~N MARTIGNY Place de la Poste

SION Place du Midi 48 . MONTHEY Place de l'Hôtel de Ville

TOUT POUR TOUS

AUX

GRANDS MAGASINS

INNOVATION.

Brigue - Viège

Sierre - Martigny

Commandes

téléphoniques

Livraisons à domicile

Octobre 1 980 N° 2

Page 2: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Q\

Votre tableau noir remplit-il encore toutes ses fonctions?

o y écrit-on facilement? o Est-il facile à nettoyer? o Lit-on facilement ce qui s'y trouve? o Peut-on y fixer des objets aimantés? o Est-il antireflets? o Ses réglures sont-elles impeccables? o Sa surface est-elle endommagée? o Est-il facile à déplacer?

Que faire quand vous découvrez un défaut? Si votre tableau noir présentait tel ou tel défaut, c'est-à-dire, s'il ne répondait plus entièrement aux besoins de l'enseignement, l'un de nos spécialistes pourrait vous aider. Il se fera un plaisir de l'examiner gratuitement et

sans engagement pour vous et vous dira - si un nettoyage approfondi spécial pourrait le remettre en état,

-si sa surface doit être restaurée, -si tout le tableau doit être remplacé.

Adressez-vous donc aux spécialistes

téléphone

L'ÉCOLE VALAISANNE

RÉDACTEUR

DÉLAI DE RÉDACTION

ÉDITION, ADMINISTRA TION, RÉDACTION

IMPRESSION, EXPÉDITION

ABONNEMENT ANNUEL

T ARIF DE PUBLICITÉ

DONNÉES TECHNIQUES

RÉGIE DES ANNONCES:

ENCART

Bulletin mensuel du personnel enseignant du Valais romand

Octobre 1980 XXVe année

paraît à Sion le 15 de chaque mois,juillet et août exceptés.

M. Jean-François Lovey.

Le 25 de chaque mois. (Documents photographiques en noir et blanc).

ODIS, Gravelone 5, 1950 Sion, tél. (027) 21 62 86.

Imprimerie Valprint S.A., Sion.

Fr. 20.~, CCP 19 - 12, Etat du Valais, Sion (pour le personnel ensei­gnant, l'abonnement est retenu sur le traitement).

Couverture : 4~page

avec 1 couleur (minimum lOfais) mais avec changement de texte possible

III page Fr. 3500.-1/2 page Fr. 1800.-114 page Fr. 1000.-118 page Fr. 600.-

Pages intérieures:

111pageFr. 300.-112 page Fr. 160.-113 page Fr. 120.-114 page Fr. 90.-118 page Fr. 50.-

2 e et 3"paW)s avec 1 couleur (minimum IOjois) mais avec changement de texte possible

I I I page Fr. 3200.-1/2 page Fr. 1650.-114 page Fr. 900.-118 page Fr. 500.-

Rabais pour ordres fermes: 5 fois: 5 %, lOfais: 10 (Yo.

Délai des annonces: le 1 er de chaque mois. Surface de la composition: 155 x 230 mm. Impression: offset.

Publicitas S.A., Sion, tél. (027) 21 21 Il et ses agences de Brigue, Martigny, Monthey.

Les encarts sont acceptés. Prière de se renseigner de cas en cas au­près de Publicitas S.A.

Page 3: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

( SOMMAIRE

ÉDITORIAL par Jean-François Lovey ........ ... ... ........................... ................................ ..... ............... .

GÉOLOGIE par Marcel Burri ...... .. ......... ............................... ........ , .... ..................................................... .

ÉVOLUTION DE LA VÉGÉTATION par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier ................ .. ..... .. ....................... .

VÉGÉTATION DE FINGES par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier .. .. ................... .. ......................... .

LE PIN par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier ................ .. .. ............................. .

LA FAUNE DES FORÊTS par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier .

FORÊT DE FEUILLUS par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier ...................................... ........... .

LES PAPILLONS par Nicolas von Roten .............. ..... ...................... , ..................... .. ........ .. .............. ... ... ... .

'LE RHÔNE par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier ............. .. ................... ... ..... ... .. ..

LES ÉTANGS . par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier .. ...... .... .. .. .. ... .. .. ... .. .. ... .. .. ... .. ... . .

LES LI B ELLU LES par René-Pierre Bille ........................................ .. ................... .. .. ............ ..... ..................... ..

CONSERVATION DE FINGES par Françoise Gard et Pierre-Alain Oggier

BI B LI 0 G RAP HIE .................................. .. ..... .... .. .................... .. ......... .. ....... ...................... .

NOTES SUR LA BATAILLE DE FINGES ET SUR L'INSURRECTION VALAISANNE DE 1799 par Michel Salamin ................ .... ............ .. ... ................................... .......... ........ .............. .... .. ANNEXE INFORMATIVE L'AE PSVR p ra pas e" . .. ................ .. .... ............................ ... .. ... ....................................... .... .

l '

2 î

2

2~

21

3L

3i

4'

4

Il est bon parfois de perturber l'océan des routines; sur le bleu des habitudes habilement ancrées perce alors un brin d'étonnement que nous avons l'audace de croire salvateur.

L'Ecole valaisanne est certes une revue à résonance corporative; les enseignants du canton paient pour la voir paraÎtre, ils sont donc en droit d'y retrouver le compte de leurs légitimes attentes. C'est ainsi qu'un effort est fait, mensuellement, pour y équilibrer les informa­tions officielles, les enseignements didactiques, les points de vue personnels et les questions strictement pédagogiques.

. Cependant, une tradition, judicieusement instaurée par mon prédé­cesseur en ces lieux, veut que l'on rompe quelquefois le rythme régulier, pourvoyeur de monotonie, et que l'Ecole valaisanne s'ha­bille d'ambition, proposant un numéro entier consacré à un sujet unique. Moins qu'un essai; à peine un dossier. Ce travail se parera modestement du nom de contribution.

* * *

Finges n'est pas une bannière pour une écologie qui se lèverait tard, ni une futaie de nostalgies bucoliques. C'est une étoile de notre pa­trI,moine naturel, un guide de ce qui fut, un jalon de ce qui sera. En cette année où plusieurs expositions souligneront l'importance et la beauté de ce lieu privilégié, il nous a semblé intéressant de consa­crer un numéro spécial, certes point exhaustif, à ce qui fait /'intérêt de cette région. Convoqués pour cette humble célébration, l'histo­rien et le géologue rejoindront le biologiste et le poète, tissant de la pinède chatoyante un ensemble coloré.

Si ce document n'est pas utilisable dans son ensemble en classe, s'il est des considérations complexes et des classifications techni­ques ardues, osons imaginer ce travail comme une plaquette d 'ar­chives, comme une source de renseignements, comme ' un mo­ment de suggestions .ou, mieux encore, comme une invite à la dé­couverte de la noble forêt.

Et, de grâce, si l'impatience un jour vous guettait en feuilletant ce numéro, épargnez-lui l'épreuve du feu . A Finges trop d'écorces se sont déjà noircies sur trop de résines torturées.

Jean-François Lovey

Il va de soi que les chiffres, thèses ou opinions ici avancés n'engagent .que leurs au­teurs .

3

Page 4: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

FINGES - GÉOLOGIE

Les collines sur lesquelles croît la forêt de Finges ont une origi­ne complexe reconstituée grâce aux formations géologiques su­perposées. Elles nous racontent toute l'histoire récente des ver­sants 'de la vallée du Rhône .

Il faut d 'abord remarquer que ces collines se prolongent vers l'aval, dans les collines de la région sierroise. Plus en aval en­core, la plaine est à nouveau plus régulière, à l'exception de petites collines qui émergent des alluvions jusqu'à Granges . La carte géologique (fig. 1) montre aussi que sur la colline de Géronde, de la moraine cons­titue le sommet de la colline . Les collines sont constituées de blocs de toutes tailles, de nature calcaire, intimement mélangés. Il s'agit d'un ' ancien éboulement descendu de la région de Varne­ralp, en rive droite de la vallée . L'origine de c~ phénomène im­pressionnant èst la suivante :

Il ya environ 15 000 ans les gla­ciers occupaieht encore la vallée du Rhône, mais ils commen­çaient à perdre de l'épaisseur. A ce stade cependant ils érodent encore et creusent une auge as­sez profonde dans la partie bas­se de la vallée (fig. 2, 1). Com­me ils fondent de plus en plus, il arrive un mom'ent où ils laissent à nu la base du versant ; celui-ci a donc perdu son appui en glace qui assurait sa stabilité (fig. 2,2). Sur la rive droite, les condi­tions sont particulièrement pré­caires, parce que les couches sont inclinées parallèlement à la pente du terrain. C'est alors que l'éboulement se produit (fig. 2, 3) et du matériel remplit le fond de la vallée . Une partie de ce matériel repo,se sur le versant, une autre . partie repose sur le

4

Niche d'a rrachement et plan de glissement de l'éboulement de Finges

. glacier. La surface sur laquelle l'éboulement s'est déplacé est encore parfaitement visible : c 'est la grande pente calcaire qui domine Salgesch, traversée par deux bisses . Elle est elle­même dominée par des parois qui sont la niche d'arrachement de l'éboulement. Le matériel tombé sur le glacier sera entraî­né vers l'aval, et c'est la raison pour laquelle on en retrouve jus- : qu'à Granges, soit à 13 km . Mais le glacier finira de fondre et le matériel qui le recouvre s'en­foncera avec la disparition de la glace, donnant des collines rela­tivement basses, comparées à celles qu i sont restées posees sur le versant (Ravyr, région de Miège etc .. ) Tout ceci s 'est passé il ya environ 12 000 ans.

Mais 'l'histoire de Finges n'est pas term inée pour autant. Un nouveau retour de froid va faire descendre les glaciers des val­lées latérales jusque dans la val­lée du Rhône (fig. 3). Le glacier

débouchant du val d'Anniviers dépose ses moraines sur la col­line de Géronde et sur quelques collines plus en aval, (mais ces collines ont été partiellement détru ites par l'hom me, et les tra­ces de cet ancien glacier ont été effacées) . Ce glacier du val d'An­niviers allait buter contre le ver­sant droit de la vallée; il faisait donc barrage à l'écoulement des eaux qui s'accumulèrent à

son amont, et forment un grand lac . Les traces de ce lac se trou­vent sous forme de sables dépo­sés entre et parfois sur les colli­nes (fig. 4). C'est aussi à son existence que les collines de la forêt de Finges doivent leur for­me arrondie : l'érosion due aux vagues adoucit les formes qui restent anguleuses ailleurs (Gê­ronde aplanie par le glacier d'Anniviers, Ravyr anguleuse, etc ... ). Ce lac était présent il ya un peu plus de 10 000 ans .

Un trait marquant de cette partie de la vallée est la présence du

gigantesque cône d'alluvions de l'iligraben, occupé par la forêt, en am ont de l'exploitation agri­cole de Finges . Il a donc été édi­fié par le torrent qui évacue le matériel de l'impressionnant cir­que d'érosion, situé entre le Gor­betsch et 1'[lIhorn . La carte de la figure 3 montre que si la vallée était presque partout occupée par des glaciers, la région en face de Loèche faisait excep­tion, et que notre cône d 'allu­vions était déjà en voie d'édifica­tion .

La carte (fig_ 1) porte encore un figuré non expliqué : les masses tassées . Il s'agit d'une sorte d'éboulement qui aurait un peu raté . Donc des masses de ro­ches qui se sont détachées du versant, mais sans vraiment s'écrouler. On reconnaît les masses tassées au fa it que la roche y paraît saine et intacte, mais qu 'en fait, elle n'est plus exactement là où elle devrait être . La région de Planige, qui domine M iège, en ~st un bel exemple .' Il en est de même pour la région de Varneralp, où d'immenses panneaux . ont amorcé une chute vers la vallée lors du départ du grand éboule­ment, mais sont finalement res­tées à mi-chemin. Elles partiront peut-être une fois .

Un s:eul glissement de terrain est spectaculaire, mais un peu hors de notre champ d'intérêt. Il s'am orce en-dessous de Mon­tana-Village, dans les affleure­ments blancs de Gypse, et des­cend jusqu'à la vallée du Rhône . Il est actuellement stabilisé .

Le seul versant stable est celui de Gorbetsch en rive gauche, dominant la route cantonale à Finges . Sa résistance se traduit

~AI1""",d,RhÔ",

~:';'1\~ .. , ~ô~:,:: :::'~'b:, ' .m.", N_ch. d',arra,ch,m,n(

/:J' p',nd. ,"",m.n,

:'Y:l ::~::::: :: :::::: ':,:::~,' . vV v '1 V""n' on ""'m.nl

........ ...=--J VPfsanl .n gllsum.nl

~v" .. n""'bI.

Figure 1

[

",m

'OOOm

UOm

Figure 2

2

3

5

Page 5: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

par le fait qu'il est plus raide. De grands voiles d'éboulis partielle­ment alimentés par les avalan­ches, tapissent son pied .

Belle région en vérité: glisse­ments, tassements, éboule­ments, éboulis, cônes d'allu­vions, tout y est sur une surface très réduite.

M. Burri

Figure 3

Figure 4

6

ÉVOLUTION DE LA

VÉGÉTATION

Lors du retrait des glaciers la vé­gétation recolonisa, peu è ~eu le terrain abandonne . Differents groupes de plantes e,nvahirent successivement la reglon de Finges .

La géobotanique, qui étudie la distribution des plantes à la lu­mière des migrations passées et des conditions climatiques

Carte de l'Europe il y a 20000 ans

D Calottes glaciaires

~ 00 Tou.ndra

M Toundra boisée

mJI]] Forêt de conifères

~ Forêt de feuillus

Q .. 'Steppe à graminées

actuelles, va nous permettre de comprendre pourquoi la forêt de Finges est une pinède plutôt qu'une chênaie ou une forêt de mélèzes *.

La masse d'eau retenue dans les glaciers a causé une modification du contou rd e l'Eu­rope par abaissement du niveau des mers (Carte d'a près Moreau R.E. 1972)

* Analyse pollinique La reconstitution du couvert végéta l de l'Europe postglaciaire est basée sur l'étude des grains de po llen fossiles stockés à l'abri de l'oxygène dans les tourbières .

Les plantes supérieures produisent du pollen caractéristique de chaque espèce L'étu­de de leur fréquence respective dans les couches de tourbe, datées par la méthode du carbone 14, permet d'établir les dates d'apparition des plantes dans une localité et leur importance.

P~r le regroupement d'études régionales il a été possible de dresser l'histoire de la vé­getatlon européenne.

Il ya 20 000 ans, parallèlement à l'avancée des glaciers alpins sur le plateau su isse jusqu'au Jura, les glaciers scandinaves descendaient sur le nord de l'Europe jusqu'au 55 e parallèle environ . Entre les 2 calottes gla­ciaires, le climat boréal ne per­mettait plus que la survie d'une maigre toundra à lichen et mousses, agrémentée de quel­ques plantes naines dans les endroits les plus favorables , Les arbres ne subsistaient plus que sur le littoral de la Méditerranée et de la mer Morte .

Il y a 16 000 ans environ une di­minution de la pluviosité accom­pagnée d'une augmentation de la température moyenne provo­quent le recul des glaciers. La toundra suit la frange des gla­ciers vers le nord et vers les Al­pes; les steppes de l'est, beau­coup plus riches que la toundra, s'insèrent entre les deux et se maintiennent en Europe centra­le tant que le climat ne permet pas l'installation des arbres.

Préboréal

En raison du réchauffement per­sistant du climat, la forêt a pu re­conquérir les terrains abandon­nés par les glaciers. Le pin, arbre pionnier qui s'accommode de sols très pauvres et qui ne croît bien qu'en pleine lumière, fut le premier à recoloniser l'Europe à partir du sud-est où il s'était maintenu pendant la glaciation.

7

Page 6: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Carte schématique de la végétation de l'Europe au préboréal (8000-7000 av. J .-c.)

ITIIIl Pin

§ Bouleau

S Feuillus

Dans son aire le pin occupe toutes les stations sauf dans le nord où le bouleau, aussi frustre que lui, réussit mieux sur les sols humides ou argileux

En Valais

Dans les vallées des Alpes éga­Iement le pin suit le retrait des glaciers et pénètre en VS par le défilé de St-Maurice . On appelle cette . période (préboréal, 8000-7000 avant J .-C.): l'ère du pin . Le pin sylvestre (que l'on trouve à Finges) et le pin à cro­chet, en montagne, dom ina ient la scène.

A u boréal (7000-5000 avant J.-C.), le climat toujours sec se réchauffe encore et permet à

des essences thermophiles (qUI ont be.soin de chaleur) de concurrencer le pin, sur un sol enrichi justement par des siè· cles de présence du pin. Les chênes et l'orme s'introduisenl progressivement à partir du sud. A la suite de ce réchauffement le noisetier se retire ,vers le nord. Au sud-est l'épicéa commence son voyage qui l'amènera jus· qu'aux Alpes; au sud de l'arc al· pin le sapin blanc s'apprête à franchir les cols (Simplon, Luk· manier) ...

Sous le pin qui forme des boise­ments clairs, quelques élé­ments de la flore des steppes de l'Asie centrale ont pu se mainte­nir. (Par exemple : onosma de Suisse, astragale, éphèdre, ar­moise, plumet) . En 8000 avant J .-c., le mélèze a déjà colonisé les montagnes d'Autriche et at­teint les Grisons, l'arolle est bien ïnstallé en Valais. Tous deux ont survécu en Sibérie sous un cli­mat continental trop sec pour que des glaciers aient pu se for­mer. A la fin du préboréal au nord des Alpes le noisetier va jouer un rôle de premier plan et prépare le sol pour ses succes­seurs plus délicats .

Carte schématique de la végétation de l'Europe à la fin du boréal (5000-4000 av. J .-c.) .

DTI Pin en densité plus faible

§ Chênaie

8

Essence de lumière, le pin est éliminé des forêts trop sombres de chênes et d'ormes: c'est la fin de l'ère du pin . Désormais il ne subsistera que sur les sols pauvres ou les climats trop ru­des pour ces feuillus: climats froids de Scandinavie, sols sa­blonneux d 'Allemagne, climat continental et sols pauvres des vallées internes·des Alpes .

Une riche flore d'origine médi­terranéenne accompagne le chêne pubescent (euphraise, coronille, bugrane, germandrée, petit chêne ... ). A cette époque, la rencontre des espèces venues d'Asie (espèces sarmatiques) et

Carte de répartition actuelle du pin en Europe

de Méditerranée formaient un cortège floristique bien plus ri­che qu'aujourd'hui .

Dès 3000 ans avantJ.-C. l'hu­midité augmente . Le pin voit de nouveaux concurrents arriver en Europe centrale : le hêtre coloni­se les sols pauvres sous un cli­mat humide et relativement chaud; le charme, le frêne et le tilleul préfèrent un sol évolué; enfin l'aulne, l'épicéa et le sapin blanc supportent le froid et se tiendront à plus haute altitude .

Devant ces pressions l'aire du pin est considérablement rétré­cie, de même que celle de la flo­re des steppes .

Le visage végétal de l'Europe est donc le résultat de migrations savamment orchestrées par les variations de température et de pluviosité agissant sur les exi­gences écologiques de chaque plante . Le pin ne se maintient plus que sur les sols particuliè­rement pauvres où la vitalité des autres essences est réduite, dans les climats trop secs pour le hêtre, l'aulne et le sapin blanc et dans les régions où les gels tardifs ne permettent pas aux essences méditerranéennes de survivre .

Dans ces pinèdes une partie de la flore sarmatique et méditerra­néenne cohabite encore.

Nos pinèdes sont des forêts reli­ques qui méritent toute notre at­tention en raison de leur riches­se floristique et faunistique et en raison de leur équilibre pré­caire: sous le climat actuel elles pourraient ne pas régénérer si l'homme la dégradait trop bruta­lement.

Finges

Par son étendue et par la riches­se de sa flore, la pinède de Fin­ges est une des plus importan­tes station relique d'Europe cen­trale.

Finges est une des localités les plus sèches de Suisse et cette sécheresse a diminué la concur­rence d'autres espèces d'arbres .

Stations

Chippis Sierre Sion Martigny Brigue Lausa nne Genève

Précipita tions annuelles en mm

549 575 580 771 725

1084 902

9

Page 7: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Cette sécheresse, liée aux écarts thermiques et aux gels tardifs de la plaine valaisanne rappelle un climat continental et a contribué à maintenir dans la pinède de Finges un grand nom­bre d'espèces sarmatiques (ori­gine asiatique) arrivées au pré­boréal . D'autre part la tempéra­ture estivale est suffisamment élevée pour avoir permis la survi­vance d'une partie de la flore méditerranéenne arrivée avec le chêne pu bescent.

Enfin le sol particulièrement per­méable de l'éboulement ne re­tient pas l'eau et ajoute à la ru­desse des conditions climati­ques, ce qui limite encore les colonisateurs potentiels .

Toutes ces conditions réunies expliquent l'étonnante' richesse floristique de Finges issue de l'interaction des influences mé­diterranéenne, asiatique et euro­péenne . C'est elle qui confère à la pinède de Finges son aspect absolument unique mais aussi sa fragilité : l'équilibre entre ces espèces d'origine différente s'est établie au cours de millé­naires sous une succession de climats différents et ne se main­tient qu'en raison des condi­tions locales particulières .

Liées à ces conditions climati ­ques et botaniques une ento­mofaune (insectes) particulière­ment riche a pu se développer et augmente l'intérêt de Finges

10

Francoise Gard Pierre-Alain Oggier

\ , ,~ , -:.. \

','

, , "', ~

M ême à l'intérieur de son aire de répartition le pin n'habite que les stati ons non favora bles aux autres ess ences . En Suisse: les va llées sèches, les va llées à fœhn et les crê­tes du Ju ra

r;;;] l!!!J

unn ~ ~ ~ [ill

Pinèdes

Forêt rive raine

Forêt de chênes pubescents

VÉGÉTATION 1

DE FINGES

o

Forêt de boulea ux

Pl antation de feuillu s (peupliers, trem bles, E:m ;. )

Etendues de graviers et de sa ules buissonnants

Surface cultivée

~ Surface brûlée truJ

Routes cantonales

Etangs: 1. Etang presque dépourvu de végétation 2. Etang atterri Q~

3. Rosensee ~I!~ 4 Grossee . ~~' -5 Pfafforetsee ~:: ;-;-:.: :~ ,

1 -iL ·~~ ...... , .. . rl/~~. :~\~: .0:::: .. . ~;~ .... r--j ll~~o"~ .:.:.~-<: ;/ : .. :-, ~.: '- ·:9:0~ ~ .... _r- :::~:/ ••••• ' . .::l

t7 _--~ ~~ l ' •••• " • :: ::. • ~~ •• • . ', ,,(

ÎN / ..----/~~~I'-~~\n .. ~/ · _·~ "'HG s •• ••• c.°.:::::::::t ;~ // f''''~. D "'\ ~. · .. · · . · · · · .. · .-,

~·</ér~'~~:~,~:~.:'~ , · ~~;-.:::::::::::::~) -~i...(" •• ~ •••• • 4 ••••••••• • ---;J~ ••••• ••••• ~

· · : ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ : : : : : : : : · · · . : : : : : : ~ ~ ';':1·,(~3 E ;. ~.

co"

(Lorsque l'on parle de la région de Finges sont inclus évidemment le Rhône et ses berges de même que le cône de l'iligraben) .

Nos pinèdes valaisannes ont été assez peu étudiées; on peut tout de même en distinguer 2 types à Finges.

1. L'une, unique en Europe, strictement localisée à la région de l'éboulement de Sierre est une pinède à euphraise visqueuse (eu­phrasia viscosa).

Touffes claires de petites co ronilles au m il ie u du tapi s de rais ins d 'ours dans la pinède à euphraise .

Plante discrète d'origine médi­terranéenne localisée en Suisse dans la vallée du Rhône entre Ardon et Binn . La tige, ramifiée, atteint 10 à 40 cm. de haut; les feuilles entières, étroitement lancéolées sont opposées . Tige et feuilles sont couvertes de pe­tits poils . De la fin de l'été au dé­but de l'automne apparaissent de petites fleurs jaune clair de moins de 1 cm .

Elle occupe les sols squeletti­ques, extrêmement secs de la région des collines . La strate ar­borescente, peu dense est constituée par une race rabou­grie du pin sylvestre, le pin gris . Même âgé de 100 ans il dépas­se rarement 8-10 m . de haut et 10-20 cm . de diamètre . Le sol bénéficie ainsi d'une bonne in­solation.

La strate herbacée, qu i ne re­couvre pas le 100 % du sol com­prend toute une série de plantes subméditerranéennes et quel­ques espèces sarmatiques . Les mousses en sont pratiquement absentes .

Outre l'euphraise visqueuse, la petite coronille (coronilla mini­ma), le bugrane nain (ononis pu­silla), l'astragale de Montpellier (astragalus monspessulanus) et le limodore à feuilles avortées (Iimodorum abortivum), sans être forcément communes, sont les plantes qui caractérisent la pinède à euphraise visqueuse .

La petite coronille est une légu­mineuse jaune foncé (15-25 cm .) fréquente à Finges . Les feuilles composées sont abon­dantes . La plante fleurit au prin­temps tardif et en été et ne se trouve en Suisse qu'entre Sierre et Guttet.

11

Page 8: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Le bugrane noir, légumineuso jaune (10-30 cm .), se reconnaît à ses feu illes trifoliolées den­tées : la base de la tige est li­gneuse. La plante fleurit en été et est assez abondante en Va­lais.

Astragale de Montpellier, légu­mineuse, dont les fleurs pour­pres fleurissent de mai à juillet, ses feuilles sont composées de 25-41 folioles rondes; elle 'se trouve dans tout le sud de la Suisse.

Limodore à feuilles avortées, grande orchidée (30-80 cm.) dont les fleurs violet cla ir ne fleu­rissent en juin que si le temps est suffisamment chaud et sec; sa longue et épaisse hampe d'un bleu violacé ne porte pas de feuilles mais de courtes grai­nes écailleuses; elle est sapro­phyle ce qui signifie qu'elle se nourrit de végétaux morts. Cette très belle orchidée a une aire de répartition en Europe centrale assez large mais est partout très rare .

On rencontre aussi d'autres es­pèces qui, salls être strictement liées à ce type de pinède, sont très abondantes à Finges, com­me le raisin d'ours (arctostaphy­los ura-urst) et le polygale (poly­gala chamaebuxus). Ces deux buissons rampants aux feuilles épaisses et persistantes recou­vrent la plus grande partie du sol .

Le raisin d'ours, d'origine arcti­que fleurit d'avril à juin; ses co­rolles blanches forment une pe­tite grappe terminale; ses fruits rouges sont farineux et renfer­ment 5 noyaux. Ils sont le régal de nombreux oiseaux qui contri­buent à la propagation de l'es­pèce. Le po.'ygale petit bu is don-

12

ne à la même époque des fleurs jaunes et blanches ressemblant à un papillon aux ailes dé­ployées.

La région de Cordonna formée par le même matériel que les collines de Finges abrite le même type de pinède et mérite par conséquent le même intérêt et sauvegarde.

2. Le 2 e type de pinède, de plus belle venue et plus répan­du, croît sur le sol' profond du cône de déjection de l'IIlgraben et dans quelques dépress ions entre les collines . C'est la pinè­de à laiche blanche (carex alba).

La laiche blanche est une herbe voisine des graminées mais s'en distinguant par sa tige à section triangulaire et non circu­laire. Elle se reconnaît à ses touffes émettant de longs sto­lons, à ses feuilles étroites et . aux épis blanchâtres. Elle fleurit dès avril et. forme la plus grande partie du tapis végétal de cette pinède .

Les pins sont plus beaux et peu­vent atteindre 15-20 m. dans les meilleures conditions . Leur écorce rose saumon leur ont valu le nom de pin rouge.

La strate herbacée est moins va­riée et les espèces d'origine mé­diterranéenne et asiatique sont rares voire absentes . Il n'y a plus de sol nu. La relative humidité permet à de nombreuses mous­ses de pousser. Ce même type de pinède se retrouve au Bois noir ou sur le coteau du Cor­betsch par exemple mais la bruyère incarnate (erica carnea) supplante la laiche blanche .

Les plantes caractérisant cette pinède sont l'épipactis rouge (epipactis atropurpurea), la goo­dyère rampante (goodyera re­pens), le polygale petit buis, la pyrole verdâtre (pyrola chloran-tha). .

Epipactis

Cette orchidée pourpre pouvant atteindre 60 cm . de haut est fré-

- !istt"'Q5Qle

de '(ortf pe'/ier -

'lai'? -

_ri irt(o dore ci

fe"i/les al/ortles _

13

Page 9: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

./'

. /. / ,

.' ( /,' f i '

~\I '.·;,:;r/, '/ '1 ' / A:./ P'Q'Ic~e ..

Goo c/ye're

rQ"7f1Q'l.t~ -

quente à Finges; sa tige, légère­ment duveteuse est garnie de grandes feuilles oblongues et rugueuses, vous la trouverez en fleurde la mi-juin à la mi-juillet.

La goodyère rampante est une autre orchidée qui n'est pas rare à Finges mais peu visible; elle. dresse parmi les herbes son épi de 8-20 cm ., garni, de la mi-juin à la mi-juillet, de petites fleurs blanches plumeuses; les gran­des feuilles sont localisées à la base de la tige seulement.

La pyrole verdâtre a des feu illes rondes, persistantes, d'un vert sombre qui contraste avec la co­rolle blanc-jaunâtre . Elle fleurit en juin-ju illet.

3. Il existe en Valais un troisiè­me type de pinède: une variante plus pauvre de la pinède à eu­phraise visqueuse dans les sta­tions ' présentant des conditions intermédiaires entre ces deux

dernières . Il s'agit de la pinède bugrane à feuilles rondes (ono­nis rotundifo/ia) qui occupe les coteaux valaisans de Charrat­Saillon jusqu'en amont de Bri­gue ainsi que quelques vallées latérales comme Bagnes et le Lbtschental .

La magnifique astragale de Montpellier, le bugrane à feuil­les rondes, la saponaire, le poly­gale petit buis y sont fréquents.

Les corolles roses du bugrane à feuilles rondes s'épanouissent au soleil de fin juin-juillet.

A part les plantes caractéristi­ques qui ont servi à définir les associations, une foule d'autres espèces, aux exigences écologi­ques moins précises, contri­buent à la beauté des forêts de pins. En mars déjà la potentille pubescente illumine de ses touffes jau ne vif l'herbe encore sèche, la pulsatille des monta-

gnes dresse ses corolles d'un violet endeu illé qu i seront bien­tôt remplacées par une tête échevelée . En mars également fleurit l'hépatique sans feuille à cette époque; celles-ci apparaî­tront après la floraison et accu­muleront les réserves nécessai­res pour la floraison de l'année suivante .

Plus tard, au milieu de l'abon­dante floraison nous relèverons, arbitrairement, quelques plan­tes très courantes comme le mélampyre des prés, un parasi­te à fleurs jaunes qui vit aux dé­pens des gra minées, la german­drée petit chêne, une petite la-

. biée rampante à souche ligneu­se, les euphorbes caractéris i­sées par leur latex blanc; ou d~autres, très belles, tel le lys, l'œillet des fleuristes ou les or­chidées (p/atanthère, orchis, cé­pha/anthère, néottie nid d'oi­seau .. .) qu'il n'est pas nécessai­re de présenter.

Francoise Gard Pierre-A/ain Oggier

15

Page 10: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

LE PIN Francaise Gard Pierr~-A/ain Oggier

pins, elles sont groupées par; (pin sylvestre, pin de montagne pin noir) ou par 5 (arolle = pir cembrot); chez le mélèze par 2( à 40 sur de courts rameaux laté raux.

Les aiguilles du pin sylvestre e' du pin de montagne mesuren' 10 à 15 cm ., celles du pin noir,4 à 7 cm .

. Reproduction du pin

Les fleurs mâles du, pin, localisées à la base des rameaux de l'année, ne vivent que quelques mOIs et IIberent leur pollen en mai-juin

Sur le cerisier, les organes mâ· les et femelles sont réunis dans la même fleur. Chez le saule il existe des arbres mâles et des arbres femelles. Le pin présente un cas intermédiaire: fleurs mâ· les et femelles fleurissent sur un même arbre mais sur des ra· meaux différents.

Parmi les plantes à graines (phanérogames) on distingue les plantes à graines envelop­pées (angiospermes), groupe de beaucoup le plus abondant de la flore actuelle, et' les plantes à graines nues (gymnospermes) où les ovules ne sont pas enfer­mées dans un ovaire mais por­tées sur un carpelle (feuille spé­cialisée) .

Les gymnospermes constituent un groupe en voie de disparition, apparu avant les angiospermes, dès la fin du primaire. Après un apogée au secondaire le groupe ne fait que régresser.

Chez nous les gymnospermes ne comptent que deux classes dont la principale est celle des conifères que l'on divise en 3 fa­milles :

- les taxacées, représentées par l'if

- les cupressacées, représen­tées par le cyprès et le gené­vrier

- les pinacées, représentées par les pins, mélèzes, sapins et épicéas

Chez les sapins et les épicéas, les aiguilles (qui sont les feuil­les) sont solitaires; chez les

Les fleurs mâles, groupées à la base des pousses de l'année, produisent leur pollen en mai· juin, puis se fanent et tombent. Il suffit de secouer les rameaux à cette époque pour voir s'envo· 1er un nuage jaune . Au hasard

Les fl~urs fe;nelles, du pin apparaissent au sommet des rameaux de l'année. Elles ne sont fecondees qu une annee après avoir reçu le pollen: c'est alors que le cône com· mence sa crOissance

du vent le pollen va aller fécon­der les jeunes cônes femelles, semblables à de petits pois rou­ges qui se dressent au sommet des rameaux de l'année.

La fécondation proprement dite n'a lieu qu'une année plus tard; c'est alors que la petite boule rouge commence sa croissance pour donner la pomme de pin . Les graines, protégées chacune par une écaille, vont mettre 2 ans pour mûrir. Et au printemps de la troisième année, par temps sec, on peut entendre les craquements des écailles des cônes mûres qui libèrent chacu ­ne 2 semence's ailées. Que l'une d'elles rencontrent des condi­tions favorables pour germer, elle donnera au jeune pin au port conique d'abord puis, par ralentissement et arrêt de la croissance de la cime, et par disparition de branches inférieu­res, le pin plus âgé prendra un aspect de parasol.

La faune caractéristique du pin Un grand nombre d 'espèces d'insectes vit aux dépens du pin. Certains vivent sur l'arbre vivant, d'autres tirent profit du bois mort.

Le plus souvent ces paras ites sont maintenus en nombre suf­fisamfnent faible par leurs pr'é­dateurs (oiseaux ou autres in­sectes) pour ne pas causer de dégâts irréversibles à la forêt. D'autre part, ils sont indispensa­bles pour assurer la disparition du bois mort, soit directement par ingestion, soit indirectement en favorisant la pénétration de champignons par les ouvertures creusées, soit en attirant les pics qui, pour s'en nourrir, dé­Cortiquent les troncs .

Lorsque le cône femelle a 2 ans les graines commencent à mûrir. Elles seront libérées à la fin de la troisième année du cône

Quelques coléoptères fré-quents: - L'Hylésine du pin

(mye/ophl/us piniperda) est un petit coléoptère de 1 cm. 1/2 qui essaime fin mars début avril. Il choisit de préférence des arbres récemment tombés ou malades sous l'écorce desquels la femelle va .creuser son systè­me de couloirs. Les larves s'y développent et en ju illet, les jeu­nes hylés i nes vont se creuser un couloir de sortie et voler jusqu'à la couronne de l'arbre. Ils se nourrissent de pousses de 1 ou 2 ans qu'ils évident. ' Les pous­ses vont tomber lors d'un coup de vent et laisser à leur place un petit entonnoir de résine dans lequel le coléoptère va passer l'hiver.

- L'Hylésine mineur du pin (m. minor)

ressemble au précédent essai­me légèrement plus tard et creuse des couloirs de ponte

moins profondément dans l'écorce; il occupe en général les branches de l'arbre.

- L'Hylobe brun (hy/obius abiestis)

est un charançon brun d'un peu plus de 1,5 cm . aux élytres poin­tillées de jaune. Il se réveille de son sommeil hivernal en avril­mai et affectionne les zones peu touffues et bien ensoleillées des forêts de pins, mais aussi d'épi­céas. Ce coléoptère fréquent se nourrit de l'écorce des branches ou des racines, ce qui peut pro­voquer la mort de l'arbre .

Un grand nombre de lépidoptè­res parasitent aussi le pin . Envi­ron 90 espèces de papillons en majorité nocturne, pondent sur cette essence où leurs chenilles trouvent leur nourriture . Toutes ne sont pas exclusives .du pin . Nous avons fait un choix des plus courants qui peuvent s'ob­server à Finges.

17

Page 11: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

~~-=~~~----------~--~--- --~~~==~----~----~==============~~~~~====~~

LA FAUNE DES FORÊTS

- Le processionnaire du pin (thaumetopoea pityocampa)

est un petit lépidoptère de 1,5 cm . qui va déposer ses œufs en massue autour d'une aiguille de pin dont se nourriront les futures chenilles; celles-ci apparaissent en juillet et tissent d'emblée un nid de soie destiné à les proté­ger; un nombre impressionnant de chenilles habitent cette de:­meure visible sur un grand nom­bre de pins à Finges . La nuit, el­les s'en vont en longs cortèges, vers leur lieu de nourriture . La chenille de tête tisse un fil que toutes suivront et renforceront. Après avoir dépouillé le rameau choisi de ses aiguilles, elles re­gagnent, grâce au fil conduc­teur, leur demeure soyeuse . La procession cessera en août­septembre lorsque les chenilles se transformeront en chrysali­des pour passer l'hiver. - La tordeuse du pin

(evetria buo/iana) L'adulte est un microlépidoptère de la taille d'une mite, qui essai­me un soir de juillet; la femelle dépose ses œufs un à un sur l'écorce de jeunes pins . La che­nille, au corps brun clair rougeâ­tre et à tête claire, s'en ira à la re­cherche d'un bourgeon pour s'y enfoncer et hiberner. Elle se nourrira de la pousse au prin­temps suivant. - La nonne

(/ymantia monacha) est un ennemi redoutable pour le pin car les chenilles peuvent le dénuder complètement de ses aiguilles et provoquer ainsi sa mort. L'adulte est un beau papillon d'un peu plus de 2 cm ., aux ailes antérieures blanches ornées de demi-élipses noires; l'abdomen de la femelle est rou­geâtre. On peut l'apercevoir folâ­trer à la tombée de la nuit.

18

Ce papillon courant essaime en juillet-août. La femelle enfonce ses œufs sous l'écorce, et, en avril de l'année suivante en sorti­ront des chenilles grisâtres , au dos orné d'une ligne brune inter­rompue par une tache ovale clai­re et aux flancs garnis de touffes de longues soies. Les chenilles de nonnes se nourrissent d'ai­guilles de pin de préférence mais, si, pendues au bout du fil qu'elles se sont tiss'ées, elles at­teignent par balancement un ar­bre voisin d'une autre espèce, elles s'en contenteront. Elles se transforment en chrysa­lide en juin-juillet attachées au pied du tronc par un fil tissé . Une invasion de nonnes est pé­riodique et s'enraie par l'appari­tion d'une maladie qui décime la quasi totalité des chenilles . Un autre moyen de lutte est de pré­server ses prédateurs naturels contre l'ichneumon. Ce fantasti­que hyménopètre enfonce sa longue tanière dans les bois pour pondre son œuf sur l'œuf ou la larve du papillon, qui ne pourra pas se développer. - Le Bombix du pin

(Dendro/imus pin!) Ce papillon, nocturne égaIe­ment, passe ses journées collé contre le tronc, invis ible grâce au mimétisme parfait de sa cou­leur. Il apparaît dans nos forêts à la fin juillet. La femelle dépose ses œufs sur une branchette. 2-3 semaines plus tard appa­raissent de grosses chenilles brunâtres, garnies de touffes de soie dont 2, de couleur bleue, sur les segments antérieurs, qui s'hérissent lorsque la chenille est en position de défense. Cet­te dernière se nourrit des aiguil­les de la couronne jusqu'au pre­mières gelées . Elles descendent passer l'hiver au pied de l'arbre .

- Le Sphynx du pin (hy/oicus pinastn)

C'est un gros papillon; comrnf tous les sphynx, il ferme, au re· pos, les ailes horizontalemen1 en delta sur le dos . La phase adulte vole en juin-juillet et buti· ne le soir, aspirant avec sa Ion· gue trompe, sans se poser, le nectar des chèvre-feuilles ou des tilleuls. La femelle dépose ses œufs isolément ou en petits groupes sur les aiguilles de pin que les chenilles dévoreront tOU1 l'été . La chenille est nue, de tein· te générale verte; elle est rayée longitudinalement de jau­ne et de blanc sur les flancs, de rouge sur le dos; une corne dé· corative se dresse à l'arrière. Dès octobre, la chrysalide hiber­ne dans le sol. Cette espèce, ja­mais abondante, ne cause pas de dégâts importants. Les insectes ne sont pas les seuls à tirer profit du pin: quel­ques plantes parasites égaIe­ment cet arbre, entre autres, le gui . - Le gui est une plante chlorophyllienne, c'est-à-dire qu'elle a des feuilles vertes capables de photosynthé­tiser. Malgré cela elle tire le prin­cipal de ses ressources de son hôte par des suçoirs ramifiés qui pénètrent sous l'écorce dans le bois .

. C'est un épiphyte pUisqu'il croît sur son hôte . Le fruit du gui est une baie blanchâtre, visqueuse dont se régalent les grives drai­nes. Dans nos régions cette gri­ve hiverne grâce au gui, mais elle lui rend bien ce service en répandant ses semences qui ressortent intactes du tube di­gestif. Il existe plusieurs races de gu i adaptés à des essences hôtes différentes: .pin, épicéa, pommier, poirier, etc .. .

1. Les oiseaux

La forêt de Finges abrite une foule d'oiseaux. Certains sont strictement forestiers et ac~om­plissent toutes leurs actlvltes en forêt (recherche de nOUrriture, ponte .. . ) comme le pic. D'autres y nichent mais se nourrissent dans les terrains ouverts envI­ronnants comme le pigeon ra-

mier. D'autre part, parm i les oiseaux forestiers, certains sont stricte­ment liés aux conifères, d'autres auX feuillus et un troisième grou­pe s'accommode fort bien des , deux types d'arbres . Seules les trois mésanges sont exclusive­ment conifères :

- La mésange huppée, facilement reconnaissable à sa petite crête mouchetée qu'elle dresse lorsqu'elle est excitée;

- La mésange noire, dont la teinte générale grisâ­tre et l'absence de barre ven­trale', médiane la distingue de la charbonnière;

- Enfin, la mésange alpestre, brunâtre à calotte noire . '

Toutes les trois nichent dans des cavités et recherchent des insectes sur les branches et le tronc; elles piquent également quelques semences .

Les spécialistes des feu illus sont plus nombreux. Vous les trouverez à Finges dans la ripi­sylve (forêt des rives) et dans les zones de boisement des bou­leaux et peupliers . Le rossignol, difficile à voir mais que l'on entend chanter jour et nuit, est particulièrement abon­dant dans les buissons de sau­les le long du Rhône et dans les bouleaux de l'incendie du cône .

Le pouillot siffleur est un autre spécialiste des feuillus. ~ous l'entendrez égréner son mélan­colique dû, dû, dû .. , -dans les trembles qui bordent le bisse au fond du cône entrecoupés de pit pit pit ts irrrrrrr.

Dans les hautes frond~:isons de la ripisylve, lorsque rés'ônne les didelio du loriot il vaut la peine de s'arrêter . p'our chercher ce magnifique oiseau jaune et noir si habile à se dissimuler dans le feuillage . Mais attention" ne voùs laissez pas prendre par l'imitation del'étourneau.

La mésange nonette ne se dis­tingue de sa sœur jumelle la mésange 'alpestre que par la voix (et le biotope) .

Dans les mêmes endroits se rencontre le plus petit des pics: l'épeichette, le seul pic à fré­quenter exclusivement les feuil­lus. Mais à Finges, le pic vert et le pic épeiche préfèrent aussi creuser leurs cavités dans le bois tendre des saules ou des trembles de la ripisylve .

Le pic noir, le géant de la famille, niche au pied du coteau où les arbres sont plus gros.

La famille des pics illustre bien la division des ressources entre espèces semblables, chacune exploitant les parties de l'arb~e où elle est le plus efficace : le piC noir sur le tronc, le pic épeichet­te sur les rameaux les plus fins, les 2 autres sont intermédiaires .

Les pics ne sont pas les seuls à vivre indifférem ment dans les fo­rêts de conifères ou de feuillus.

En mars déjà des bribribribri puissants permettent de trouver la sittelle . Elle élève sa nichée dans les cavités de pics, si l'ou-

verture est trop grande, elle en maconne une partie pour l'adap­ter ~ sa taille .

Le bouvreuil, chapeau noir, manteau gris, plastron rouge, se signale dans les sous-bois touf­fus par une douce mélodie qui sonne faux.

Le pinson des arbres est l'oi­seau le plus courant des milieux arborisés .

C'est dans la zone broussailleu­se du Rottensand, que-vous' ren­contrerez la linotte qui aime éta­blir son nid dans un genévrier.

Le pigeon ramier s'envole bruyamment à notre approche; leurs nids sont bien visibles mais le moindre dérangement lu i fera abandonner ses deux œufs.

A Finges la table est mise pour la grive draine friande de baies du gui . Les semences qui ne sont pas digérées vont germer sur la branche où la grive va lais­ser tom ber sa fiente .

Au lever du jour la puissante voix de la grive musicienne fait résonner les frondaisons,

Le rouge-gorge et le troglodyte à queue tronquée sont des spé­cialistes des fourrés; ils se faufi­lent toujours près du sol sauf pour chanter,

Le geai est le seul corvidé fores­tier de Finges. En automne il vi­site les chênaies pour en récol­ter les glands; leurs cris aigres trahissent leur présence .

La pie et la corneille établissent leur nid dans la forêt mais se nourrissent dans la zone culti­vée du domaine de Finges.

Restent encore les rapaces que vous pouvez observer sans trop de difficulté: la buse, le milan

19

Page 12: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

noir avec sa queue fourchue, l'épervier et l'autour qui nichent dans le secret de la forêt mais vont chasser dans la région en­vironnante.

Ceci n'est pas une liste exhaus- . tive de l'avifaune de Finges mais simplement une liste des oi­seaux les plus faciles à observer.

2. Les mammifères

S'il ya un certain nombre d 'orni­thologues ou d'entomologues (intéressés aux insectes), il y a bien peu de mammalogistes amateurs. C'est que la faune de quelque importance a presque disparu de nos régions et que parmi nos mammifères sauva­ges seuls l'écureuil et le cha­mois sont diurnes. N'attendez pas le lever du jour, ne craignez pas le froid, soyez patients et te­naces et la forêt s'animera de­vantvous.

Mais l'animal laisse sur son passage toute une série de tra­ces facilement repérables pour l'œil attentif du'promeneur.

Il n'est pas besoin de présenter l'écureuil mais son nid peut­être? C'est une petite boule de branches et de mousse serrées contre le tronc d'un pin, posée sur une branche qui lui suffira pour élever 3 à 7 petits. La fe­melle met bas 2 fois par année de février à juin . L'écureuil se nourrit de graines, de noisettes, de glands ... mais aussi d'insec­tes ou d'œufs pillés . Les cônes de pin dont ils se sont rassasiés sont rongés tandis que ceux dé­cortiqués par les pics ont toutes les écailles écartées .

Le renard est relativement fré­quent à Finges . C'est aux mois de janvier-février, par nu its de lune, qu 'on peut le surprendre en rut. Le reste de l'année il est plus discret et silencieux. Il pas­se son temps à chasser mulots, campagnols et autres rongeurs . En hiver il ne dédaigne pas la charogne et sait même tirer parti des gadoues qui souillent Fin­ges .

U ne série de petits creux rem­plis de crottes trahissent un ter-

rier de blaireau occupé. Leurs traces sont souvent visibles sur les chemins poussiéreux. Et si d'aventure vous croisez un blai­reau partant en chasse, prenez rendez-vous, il sera là demain à la même heure .

Le lièvre n'est pas beaucoup plus fréquent à Finges qu'ail­leurs en Valais. L.es biocides uti­lisés en agriculture ont eu raison de lui .

Le cerf, bientôt réintroduit par­tout en Valais, ne manque pas à Finges; toutefois, ici, c'est un nomade qui ne fait que transiter d'un coteau à l'autre en fonction des saisons ou qui vient boire au Rhône.

Le chevreu il se reprodu it dans les endroits les plus discrets de Finges : vous ne le rencontrerez pas souvent le long du parcours Vita .

Francoise Gard Pierre-A/ain Oggier

FORÊT DE FEUILLUS

Au milieu de ces diverses asso­ciations de pins on trouve, dans des stations aux conditions par­ticulières quelques boisements de feuillus . Au sommet des plus hautes collines, dans les mê­mes conditions de sécheresse que le pin mais sous un climat moins contrasté (absence de gels printaniers) et mieux enso­leillé, le chêne pubescent forme de petites chênaies hébergeant un cortège de plantes méditer­ranéennes différentes de celles de la pinède; les buissons y sont beaucoup plus nombreux. C'est là que les soirs de ju in on peut observer le vol des lucanes cerf­volant, un de nos plus grands coléoptères puisqu'il peut at­teindre 7 cm . de long. L'adulte ne vit guère plus de quatre se­maines, juste le temps néces­saire à la reproduction; la larve de son côté, passera 4 à 5 ans dans le bois pourri . Ce magnifi­que insecte doit son nom aux mandibules du mâle qui rappel­lent les bois d'un cerf.

En Valais, la chênaie à chênes pubescents se retrouve, sous différents faciès, sur le coteau à l'adret où elle a d'ailleurs ten­dance à céder le pas à la vigne.

La même essence ainsi que le bouleau forment un boisement seco.ndaire sous les lignes à haute tension du cône de 1'111-graben où les pins ne suppor­tent pas l'abattage répété ..

Dans la même région, le bou­leau couvre encore de grandes surfaces où il est facile de re­connaître les traces de l'incen­die de 1962 (60 ha) . Là, sous le climat actuel (qui est favorable aux concurrents du pin) et plus encore à cause du fluor le pin s'est vu devancé par ce feuillu à

croissance rapide . Dans la zone brûlée des collines, où les conditions sont plus rudes , au­cun n'a réussi à cicatriser la plaie de l'incendie d'avril 1964 (42 ha) .

Ailleurs l'homme est intervenu directement en plantant des mélèzes dans la pinède de Fin­ges, procédé qui est fort regret­table puisqu'il modifie la végéta­tion herbacée.

Sur les rives et certaines îles du Rhône les inondations récurren­tes et l'apport massif d'élé­ments nutritifs expliquent le succès ' des feuillus. Dans ces régions se forme un boisement luxuriant, la ripisylve, de saules arborescents, de peupliers, de trembles et de bouleaux. Le sous-bois est envahi de brous­sailles, aulnes, saules buisson­nants, viornes, cournouillers, au­bépines ...

La steppe

La steppe ou pelouse sèche est un milieu caractéristique du Va­lais: on la trouve sur les coteaux ensoleillés où la forêt n'a pas pu prendre pied, soit parce .que le sol est trop mince (sur un affleu­rement rocheux par exemple) soit que l'homme y ait long­temps fait paître du petit bétail (chèvre, mouton) . Les écarts de température au sol sont accen­tués par l'absence d'arbre : le cli­mat rappelle d'autant plus celui des steppes ' continentales d'Asie.

A Finges ce milieu est presque inexistant. A part quelques mou­choirs de poche dans les colli­nes, on le trouve sous forme de prairie sèche fauchée aux alen­tours des fermes de M ilieren, ou bien représenté par quelques-

Le stipe penné ou plumet

uns de ses éléments seulement dans la région brûlée des colli­nes.

Dans ces pelouses fleurit la pul­satille des montagnes, deux pe­tites orchidées - l'orchis brûlé et l'orchis à bouffon peuvent être localement abondantes. Au premier printemps la potentille pubescente colore ces pelouses en jaune; mais c'est en juin, lorsque le plumet fleurit, qu'il faut voir onduler au vent ces élé­gantes graminées blondes.

Francoise Gard Pierre-A/ain Oggier

21

Page 13: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

LES PAPILLONS

A part quelques espèces com­munes il est impossible de dé­terminer un papillon sans le capturer. Dans cette optique présenter .Ies papillons de Fin­ges est une affaire de spécialis­te qui s'adressent à des person­nes intéressées .

Plutôt que de donner la liste des espèces recensées à Finges, nous allons essayer d 'expliquer Un des mécanismes qui règlent la distribution des papillons .

On ne peut pas souvent dire qu'un papillon est rare, màis plutôt qu'jlest localisé. La raison en est simple . C'est à la chenille qu'échoit la tâche d'accumuler des réserves pour se transfor­mer en chrYsalide puis en papil­lon . Celle-ci passe sa vie à man­ger. Par souci d'efficacité cha­que espèce est adaptée par son régime alimentaire, par son mi­métisme de camouflage ou quelque autre raison à une feuil-le de plante.

En corollaire. les papillons adul­tes doivent déposer leurs œufs sur ou à proximité de ces plan­tes hôtes: ils ne s'en éloignent donc guère . C'est ainsi qu'jl est possible d'observer de nom­breux individus d'une espèce sur de petites surfaces, de moins d'un hectare parfois .

De là vient que dans un milieu uniforme - une monoculture par exemple - une seule espè­ce sera abondante, alors qu'à Finges , où la richesse et la diver­sité végétale n'ont plus à être démontrées des dizaines d 'es­pèces vont se partager l'espace, ne se rencontrant chacune en abondance que dans les envi­rons de sa plante nourricièr~ .

En Suisse, une centaine d'espè­ces ne se trouvent qu'en Valais .

22

L'origine géographique de ces espèces est à mettre en parallè­le avec l'histoire de la végéta­tion . Tout comme pour les plan­tes, le Valais abrite des insectes steppiques qui sont des reliques de la faune d'époques antérieu­res, réfugiées plus au sud pen­dant la glaciation; des insectes descendus du nord avec les gla­ciers et qui se sont fixés sur les som mets des Alpes; enfin des insectes du midi arrivés en Va­lais lors du réchauffement post­glaciaire et qui ont pu se mainte­nir dans les stations chaudes de la rive droite du Rhôn'e.

Le refuge des plantes est auss i le refuge des insectes . En Va­lais, ces espèces se trouvent dans une foule d'habitats reli­ques dispersés . Finges est en soi un petit Valais réunissant sur une surface relativement petite, une grande quantité de milieux très riches et ainsi la plupart de ces espèces de papillons à la fois . Voici une liste de quelques espèces qu 'on ne manquera pas d'observer lors de promena­des dans cette région :

Les satyridés, dont les chenilles vivent sur les graminées les plus diverses, se rencontrent un peu partout : le demi-deuil par exem­ple, qui doit son nom à sa teinte blanche et noire, le petit sylvan­dre, hôte des graminées des mi­lieux secs comme les fétuques .

Les nymphal ides sont souvent' de grande taille ; ils se recon­naissent à leurs ailes aux bords découpés et aux couleurs vives : le sylvain azuré est l'hôte du chè­vre-feuille, la chenille de la petite tortue se rencontre entre autre sur les orties; le morio se recon­naît à ses ailes d 'un brun noir pourpré, bordées postérieure­ment d'une bande crème . Le

paon du jour appartient égaie­ment à cette famille .

Qui n'a pas vu ces petits papil­lons bleus ou parfois bruns que sont les Iycaenidés? l'argus bleu-nacré et l'argus bleu­céleste vivent sur des légumi­neuses et plus spécialement Sur l'hypprocrepis; le demi-argus s 'attroupe volontiers en grand nombre au bord des flaques d'eau des chemins .

Bien d'autres papillons mérite­raient mention : le gazé, le citron, le damier, le tabac d'Espagne, le robert, le diable ..

Ajoutons une liste de papillons moins répandus qui pour la plu­part ne possèdent pas de noms français .

Le lecteur intéressé pourra à l'ai­de d'une littérature spécialisée trouver détail et description ainsi que la figure représentant le pa­pillon .

Cette liste mentionne des spéci­mens qui, dans notre pays, ne se rencontrent qu'en Valais, et particulièrement au bois de Fin­ges.

l)iurnes

1. Lampides Boeticus Linné

2. /o/ana /o/as Ochsenheimer

3 . Macu/ineaAr/on Obscura Christ.

4 . Pyrgus Friti//arius Va/esia­ca Ruhl

Nocturnes

1. Eucharia Casta Esper

2 . Ochrop/eura Cande/isca Denis et Schiffermüller

3 . Ch ersotis Rectangu/a Denis et Schiffermüller

4. Spae/otis Senna Hanner

5. H e/iophobus Kitti Schawerda

6. Hadena /rregu/aris H ufnagel

7. Hadena Laudeti Boisduval

8. M ythimna Sicu/a Scirpi f. montium Boisduval

9 . Conistra Torrida 15. Sterrha Ca/unetaria Va/e-Lederer siaria

10. Eute/ia Adu/atrix Püngeler Haner

11 . Panchrysia V-Argentum 16. Hemerophi/a Nyctherme-Esper ra ria

12 . Horisme Testaceata Hübner Hübner

13. Eupithecia Orphnata 17. Synopsia Soc/aria Bohatsch Hübner

14. Eupithecia Graphata Seta-ceata 18. Peribatodes Perversaria Dietze Boisduval

Nico/as von Roten

Page 14: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

LE RHÔNE

Entre la source et l'embouchure du Rhône on distingue un cours supérieur torrentiel à forte pente qui irrigue les prairies de la val­lée de Conches, un cours infé­rieur paresseux et navigable en aval de Lyon. Le Rhône de Fin­ges appartient au cours inter­médiaire.

A l'époque des grands endigue­ments du siècle passé, les ingé­nieurs ont épargné le Rhône de Finges afin qu'il serve de dépo­toir aux énormes crues boueu­ses de l'IIlgraben les jours d'ora­ge. Là, sur 7 .km ., l'eau du Rhône pouvait s'étaler sur toute la plai­ne soit sur une largeur de 100 à 500m .

Durant les crues estivales tous les bras étaient inondés, les îles les plus basses disparaissaient sous les flots et pouvaient être emportées. En se retirant, les eaux assagies déposaient le matériel qu'elles transportaient, créant de nouvelles îles, obs­truant les bras . Ainsi à la crue

Dans la forêt riveraine

24

lJaut~s caux

huuten c~ux

do + 1.> Ùû.~ :.H": Z eaUX

Profil schématique d'une berge du Rhône à Finges En HAUT : a) Zone des plantes alpines à enracinement profond; b) Zone de buissons (saules, argousier et tamarin); c) Forêt riveraine EN BAS: En fait cette description théorique ne correspond plus tout à fait à la réalité: en raison de l'abaissement des eaux, certains secteurs montrent une intrication pous­sée de la zone b) dans a). D'ici quelques années la zone a) pourrait bien disparaître

suivante le fleuve creusait un nouveau lit évitant les îles et les bras surélevés .

C'était le dernier troncon de Rhône libre et sauvage. '

En 1963-65 sur demande des propriétaires, on a construit une digue sous prétexte de protéger la pinède du Rottensand contre le fleuve avec lequel elle fleurtait depuis des millénaires .

Il y a 2 ans, on a doublé la pre­mière digue de Salquenen (1955) pour pousser le Rhône contre les collines de Millieren .

Il y a une année, on a resserré l'endiguement à Sierre sur 500 m. lors de la construction du pont.

A chaque intervention, toujours plus fréquente, le Rhône se rétrécit un peu. A quand un Rhô­ne canalisé là aussi?

Une deuxième particularité du Rhône de Finges est sa pente particulièrement forte . La masse alluvionnaire descendue de 1'111-graben a refoulé le fleuve au pied du coteau de Varone . Le barrage ainsi formé a contribué

à hausser petit à petit la plaine en amont par sédimentation du Rhône ralenti .

On devine encore, dans la région d'Agarn, l'ancien lit du Rhône sous forme de gravières ou d'étangs .

En 7 km., de la Souste à Chippis, le Rhône perd les 90 m . ainsi gagnés (613 m.-527 m.) par une série de petits rapides qui contribuent à donner à ce tron­çon son aspecttumultueux.

C'est cette dénivellation qu'ex­ploite l'usine électrique de Chip­pis en captant les eaux à la Souste. Lorsqu'on connaît l'im­portance du régime et du volu­me des eaux dans le modelage du paysage et des communau­tés végétales et animales fluvia­les, on ne peut pas être surpris des modifications apportées par ces captations qui détournent tout le débit d'étiage laissant ainsi le Rhône à sec certains jours d'hiver.'

1. Végétation des rives

Le régime des eaux exerce une influence marquée sur la végé-

tation des rives. Entre la limite du lit mineur toujours en eau et les terres voisines inondées par les crues d'années exception­nellement pluviales seulement, les plantes vont former diverses ceintures végétales adaptées aux conditions variables suivan­tes: fréquence et durée des inondations, force du courant, structure du sol, gravier, sable, limon et apport d'éléments nu­tritifs .

a) Dans la zone inondée dès les premières crues de mai et jusqu'en juillet, les plantes ne disposent que de 2 à 3 mois pour boucler leur cycle. Comme aucune plante ne résiste à la vio­lence du courant qui arrache tout sur son . passage, seules des plantes annuelles peuvent s'y installer avec succès.

Sur les graviers ce sont les re­nouées et les chenopodes, sur les sables et limons s'y ajoutent quelques composées jaunes et des graminées (la flouve, l'avoi­ne, etc .· .. ).

Plusieurs plantes alpestres comme la linaire des Alpes, l'épilobe de Fleischer (voir cha­pitre : « Forêts de feu illus») ou la gypsophile rampante, dont les semences sont descendues avec les torrents, ont germé sur ces p'rerriers du Rhône qui rap­pellent des éboulis alpins. Avec le thym serpolet, l'anthyllide vul­néraire, le lottier corniculé et le rinanthe velu, ils agrémentent les rives du Rhône . Ce milieu se caractérise par son ensoleille­ment et l'absence de concurren­ce pour les quelques' plantes qui y croissent en touffes disper­sées .

Plus haut sur la berge la durée d'inondation et la violence du

L'épervière à feuilles de statice : une composée alpine, pionnière des rives du Rhône

courant diminuent : c'est là que croît l'alpiste . Il rappelle le ro­seau par son aspect, mais est plus souple et supporte les sub­mersions par l'eau courante. Par son réseau de racines il contri­bue à consolider les berges, mais il ne parvient pas à former de l'humus, le matériel mort étant régulièrement emporté par les flots. A Finges il est localisé (en petit nombre) sur les berges des bras morts. b) Vient ensuite la zone à sau­les buissonnants . La plupart des espèces qui colonisent ces lieux ont des feuilles étroites et allon­gées, des tiges très souples qui offrent peu de résistance au courant. Les saules eux-mêmes ont la vie dure : cachés et aplatis sous du matériel apporté par les eaux ils peuvent envoyer des re­jets. Ce sont surtout le saule à trois étamines, le saule blanc et le saule pourpre capables de co­loniser sable et gravier et dont les graines ne germeraient pas à

l'ombre de la ripisylve voisine . Ils ne sont pas seuls : l'argousier et la myricaire habitent les mêmes stations.

c) Enfin dans les zones qui ne sont guère atteintes que par les hautes eaux, éloignées du cou­rant principal, le dérangement mécanique de la végétation est minime. Sur ces sols enrichis par les déchets organiques et minéraux croît une forêt riverai­ne (ripisylve) à aulnes blancs, saules blancs, trembles, peu­pliers noirs, bouleaux et frênes, l'épervière à feuilles de statice. En sous-bois on remarque sur­tout la viorne obier (ou boule de neige), le cornouiller sanguin, la viorne lantane (ou mancienne) et l'aubépine. Il ya peu de plan­tes herbacées : quelques touffes de grandes laiches et des rqn­ces. Le houblon, une des rares liane des régions tempérées, se mêle à tous les étages, ainsi que la doute-amère .

25

Page 15: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

d) Sur les îles se succèdent les mêmes formations mais la ripisylve n'apparaît pas .

Dans la partie amont de Finges, tout particulièrement dans le Rottensand, la forêt riveraine ty­pique n'existe pas . Avant que la digue ne soit érigée, les îlots les plus hauts supportaient déjà un boisement de pins . Actuelle­ment rien n'est plus inondé et le pin colonise les anciens bras du Rhône . U ne seule île couverte de pins se trouve encore dans le lit du Rhône .

Les digues ont mis une grande partie du lit à l'abri des eaux : dé­sormais la brousse de saules colonise les graviers et prépare le chemin à la forêt.

A l'intérieur des digues l'ampli­tude des crues a été fortement réduite par les captations; cer­taines îles se sont rapidement recouvertes de buissons .

Par ces deux mécanismes, l'étendue des zones de graviers diminue dramatiquement. Le milieu se simplifie et perd ses éléments les plus caractéristi ­ques et les plus rares, à savoir les étendues de sable et de gra­vier nus ainsi que la faune et la flore qui leur sont liés .

2. FauneduRhône

En ce qui concerne la faune, l'in­térêt du Rhône (éside donc avant tout dans les surfaces fré­quemment inondées et sans cesse remises à nus par les crues. Ces milieux particuliers sont strictement localisés aux ri­ves des fleuves libres.

Le petit gravelot pond ses 4 œufs au beau milieu des bancs de gravier tandis que le chevalier guignette préfère les déposer au

26

Le terrain de chasse des petits gravelots et chevaliers guignettes

pied d 'un saule isolé entre deux touffes d'herbes . Tous deux chassent les nombreux insectes qu i hantent ces étendues grave­leuses . Si le gravelot est discret, la gu ignette se repère à des s if­flements pu issants et à son vol aux battements rythmés, rasant l'eau.' Tous deux ne séjournent chez nous que le temps d'élever des jeunes, et passent l'hiver en Afrique . En raison de la disparition de leur biotope, on ne trouve plus en Suisse que 15 à 20 couples de petits gravelots dont 1 à Fin­.ges et 100 à 120 couples de guignettes dont moins de 10 à_ Finges . Ces deux échassiers sont sur la liste des oiseaux en disparition de Suisse. Le castor, récemment réintro­duit à Grône, fait quelques visi­tes à la ripisylve de Finges, mais les digues qui y ont supprimé l'eau, empêchent hélas une ins­tallation définitive . " serait pour­tant facile de lui offrir des condi­tions favorables.

La loutre, lé seul mammifère prédateur de poissons, a dispa­ru depuis .Iongtemps, d'abord poursuivie par les pêcheurs, en­suite privée de nourriture par la pollution des eaux.

La musaraigne d'eau, noire des­sus, blanche dessous, est tou­jours présente, mais difficile à voir. Plus modeste, elle se c.ontente d'insectes . Un peu comme le cincle, elle plonge sous l'eau pour les capturer, puis vient les manger sur la ber-

1 ge.

Sur les rives du Rhône, mais dans l'eau, d'étranges «tubes à pattes» se déplacent en ram­pant laissant une trace vermi­forme dans la vase derrière eux. Ce sont des phryganes. Ce sont précisément ces larves enfer­mées dans un fourreau de leur fabrication, que le cincle et la musaraigne chassaient les trui­tes en sont également friandes et certains pêcheurs les utilisent comme appât.

En automne, lors de l'éclosion, des milliers de phryganes adul­tes envahissent les abords des rivières et en certains endroits, s'écrasent en masse sur les pa­re-bri se des voitures.

Un autre groupe d'insectes aquatiques, les éphémères, vit dans le Rhône . Vous les trouve­rez sur la face inférieure des blocs ramassés dans l'eau . Leur corps aplati dorso-ventralement leur permet de rés ister au cou­rant et les rend facilement re­connaissables . De nouveau il s'agit d'une larve dont la phase adulte est ailée . C'est la brièveté de la vie adulte qui leur a valu ce nom : en quelques heures mâles et femelles se reproduisent puis meurent.

Les berges sablonneuses cons­tituent l'autre intérêt faunistique de ce Rhône de Finges .

En se promenant l'été sur les berges sablonneuses, on ne peut manquer de voir un coléop­tère rapide à la course et pro­mpt à s'envoler à la moindre alerte pour se poser quelques mètres plus loin . Avec un peu de patience, il est facile de retrou­ver la cicindelle au manteau vert ponctué de blanc. Après quel­ques instants d'immobilité, elle reprendra son incessante chas­se aUx insectes, particulière­ment aux fourmis . La larve plus discrète vit dans un terrier.

La guêpe fouisseuse ou ammo­phile est un autre prédateur- des étendues dégagées où elle cherche inlassablement des chenilles pour ses larves. D'as­sez grande taille, elle se caracté­rise par son abdomen «pédon­culé» barré de rouge. Elle pond ses œufs dans des terriers où elle ravitaillera ses larves avec des proies vivantes mais paraly­sées .

Le martin-pêcheur, éclair bleu annoncé par un tît tît puissant n'est guère fréquent en Suisse: ici ,la pollution lui enlève sa nour­riture, les alevins; là une correc­tion de rivière lui supprime la berge sablonneuse et abrupte où il creusait son terrier.

A Finges, 3 couples au moins trouvent encore un site pour ni­cher et compensent la diminu­tion des alevins dans le Rhône par des excursions dans les piscicultures .. .

Enfin la bergeronnette grise et le rouge-queue noir, sans être liés à l'eau, apprécient beaucoup les étendues de gravier pour nicher.

En hiver, le cincle plongeur, pou­le brune à bavette blanche et queue courte, plonge sous l'eau à la recherche de larve d'insec­tes . " n'est pas rare de rencon­trer des canards colverts ou des hérons cendrés au repos, bien en sécurité sur quelque gros bloc isolé au milieu des flots .

Le lézard des murailles est par­tout à l'aise dans les rocailles, ici, les digues du Rhône et les champs de gros blocs, à l'abri des eaux, lui offrent un habitat idéal.

La grande couleuvre d'esculape, d'un beau vert bronzé et au ven­tre jaune, est difficile à découvrir dans la végétation luxuriante de la ripisylve . C'est un redoutable prédateur de micromammifères et à l'occasion, de nichées de fauvettes ou de grives.

Francoise Gard Pierre-A/ain Oggier

Page 16: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

LES ÉTANGS

Un étang est une étendue per­manente d'eau stagnante em­plissant une dépression peu ' profonde colonisé par de la vé­gétation aquatique. Selon l'origi­ne de la dépression, on peut dis­tinguer deux types d'étangs à Finges :

- les laissés du Rhône, d'an­ciens bras abandonnés rem­plis par les hautes eaux ou par la nappe phréatique (sour­ces);

- les dépressions étanches de l'éboulement de la Varneralp où s'accumulent les eaux de pluie et de ruissellement.

Les premiers ont presque com­plètement disparu, victimes des endiguements.

Au centre de Finges, les étangs des collines sont plus qu'un oa­sis de fraîcheur: ils permettent au cortège d'espèces animales et végétales liées aux eaux sta­gnantes de s'installer et contri-

Zonation de la végétation

sur la rive d'un étang

28

Gr8.ld1e ]aicl.e

buent ainsi à la diversité biologi­que de Finges .

1. La végétation Sur le pourtour des étangs se développe une végétation aqua­tique ·spécialisée . Des ceintures d'espèces différentes se succè­dent du milieu de l'étang en di­rection de la terre ferme en fonc­tion de la profondeurde l'eau .

Les a/gues

Pour examiner le phytoplancton il suffit de déposer sous le mi­croscope une goutte d'eau pré-

. levée dans un étang . Quelques types d'algues sont représen­tées dans le schéma et leur nom indiqué.

Une grande abondance d'al...: gues filamenteuses (spyrogyra par exemple) visibles à l'œil nu sous forme d'une« mousse» ver­te, visqueuse flottant à la surfa­ce traduit une pollution.

Un bras du Rhône qui n'est plus inondé se transforme en étang

C'est un apport excessif d'azote ou de phosphate qui provoque leur prolifération au détriment des autres algues . Comme elles

. _ --) o

libèrent dans l'atmosphère l'oxy­gène produit. les réserves dans l'eau dimi-nuent et l'étang s'as­phyxie peu à peu ce qui cause la mort de tous les animaux munis de branchies .

Les lustres d'eau (chara) sont des algues multicellulaires de grande taille, à tige couverte de calcaire, rèche et cassante. La ceinture de roseaux qui fait écran et leur localisation sous l'eau rend difficile leur observa­tion à Finges.

Les plantes supérieures La même remarque s'applique aux potamots . Toutefois on peut facilement observer de petites prairies subaquatiques de ces derniers dans certaines laisses du Rhône autour desquelles il n'y a pas de ceinture de roseaux. En été la hampe florale se dres­se hors de l'eau. Dans la catégorie des plantes flottantes le nénuphar est mal­heureusement absent du Valais. Avec un peu de patience (ou de chance selon la saison) on trou­vera la lentille d'eau, qui, malgré sa faible taille (à peine 1 cm '. de diamètre) peut former un tapis vert de plusieurs dizaines de mètres carrés. Ce sont surtout les ceintures de grandes plantes qui retiennent l'atte~.tion du promeneur à Fin­ges . Le roseau peut prendre pied jus­que sous 1 ou 2 mètres d'eau et porter ses fleurs à 2,5 à 3,5 m. au-dessus du niveau de l'eau. Dans de bonnes conditions il forme des peuplements' si den­ses qu'à peine 1 % de la lumière du soleil atteint le sol à ses pieds : de là la pauvreté de la flo­re des roselières. A Finges il règne en maître autour de tous les étangs.

La partie immergée du roseau ne peut pas photosynthétiser, contrairement à la tige verte du jonc des tonneliers . Grâce à cet­te particularité, ce dernier peut s'enraciner au moins à 5 m. et former une ceinture plus loin au large. Il y a qu.elques plants au Pfafforetsee (étang du débarca­dère) et à l'étang en voie d'atter­rissement.

La massette à larges feuilles a les mêmes exigences que le ro­seau . Dans la même zone, elle

forme des peuplements alter­nants en mosaïque avec lui, mais rarement mêlés. Cette dis­tribution est fixée par le hasard du prem ier installé . C'est surtout au Rosensee que l'on peut voir les massettes qui occupent la rive ouest.

Une autre plante de grande tail­le croît sur la rive ouest du Gros­see. /1 s'agit du marisque à feuil­les en scie (essayer de le tou­cher) . Cette plante exige un sol calcaire, ne supporte ni les varia-

~ 1

- - - -Trois stades de l'atterrissement d'un étang

Page 17: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

tions du niveau de l'eau (elle meurt noyée) ni les eaux trop ri­ches en éléments nutritifs . (Pour cette dernière raison elle se raré­fie en Suisse) .

La partie aérienne de ces plan­tes meurt chaque année, il en résulte une accumulation de matière organique qui peut at­teindre 15 t./ha/an . Il est dès lors facile de comprendre le phénomène de l'atterrissement : lentement le niveau du sol mon­te, l'étang se comble et les cein­tures se resserrent vers le centre de l'étang .

A main gauche le long de la rou­te de la gravière de Finges on peut observer un étang presque complètement atterri: déjà des saules ont pris pied au milieu des roseaux. Sur la rive ouest une prairie à grandes laiches a pu se former sur la nouvelle rive horizontale et périodiquement inondée . Autour des autres étangs dont nous venons de parler, l'atterrissement n'est pas suffisamment avancé et les ri ­ves encore trop raides pour per­mettre l'existence de cette cein­ture .

Il est facile d'imaginer l'avenir: dans quelques années les sau­les, les bouleaux et les pins qui ont déjà colonisé la prairie à grandes laiches vont former une forêt d 'abord humide, puis de plus en plus sèche et enfin une pinède à laiches blanches (une petite laiche) impossible à dis­tinguer des autres,

Entretien

Dans un monde où la nature est reine, des étangs meurent et d'autres les remplacent, actuel­lement même le Rhône ne peut plus créer des étangs . Dans ces

30

Prairies à grandes laiches sur la rive oues t de l'étang atterri

conditions il devient nécessaire de freiner le processus d'atter­rissement soit en recreusant pé­riodiquement les étangs, soit en fauchant et exportant la litière chaque automne .

2 . La faune dés étangs

Les étangs constituent un mon­de presque fermé sur lui-même : il a ses producteurs , les plantes dont nous venons de parler, et ses consommateurs . Dans cha­que groupe taxonom ique se re­crutent des consommateurs pri­maires et secondaires, c 'est-à­dire des herbivores et des carni-' vores .

Les invertébrés - Les préda­teurs Le dytique est un gros coléoptè­re pouvant atteindre 3 cm . de long. Comme il ne possèd.e pas de branchies il doit monter à la surface de temps en temps pour faire ses réserves d'oxygène. Pour ce faire , il applique la partie

postérieure de son abdomen contre la surface et soulève déli­catement les élytres pour stoc­ker l'air en-dessous . Adultes et larves sont de terribles préda­teurs capables de s 'attaquer même à des tétards .

La notonecte, comme le dyti­que, possède de longues pattes postérieures ciliées qui lui ser­vent de rames . Elle présente la particularité de se promener sur le dos juste sàus la surface de l'eau . Elle mesure 1,5 cm. envi­ron . Le gerris (8-18 mm .) glisse à la surface de l'eau, appuyé sur les pattes antérieures et postérieu­res, se propulsant à l'aide de la paire médiane. Comme la noto­necte, il se nourrit d'insectes vi­vants, tombés à la surface de l'eau et qu'tl repère aux vibra­tions qu'ils provoquent. .

Le gyrin (6 mm .) nage égaIe­ment à la surface, où sa couleur bleutée le fait facilement repé-

rer. On l'appelle aussi ({tourni­quet» en raison de l'habitude qu'il a de nager en cercles. La nèpe (16-23 mm . sans son siphon) se déplace sur la vase ou la végétation, souvent près

de la surface pour garder le contact avec l'atmosphère par le biais de son siphon anal . Avec ses pattes antérieures transfor­mées en organes préhensibles elle capture toutes sortes de lar­ves aquatiques.

Les larves de libellules sont éga­Iement des prédateurs suba-

quatiques particul ièrement effi­caces et nombreux (voir le cha­pitre des libellules) . Les herbivores Les copépodes et les daphnies sont deux crustacés de petite

taille (moins de 1 mm .) qui se nourrissent de plancton végétal (algues microscopiques) . A l'œil nu on voit de minuscules points blancs qui progressent par mouvements saccadés.

Quelques insectes prédateurs des étangs

// /'

rctcnecte

(v'..,'e de l'Tc,fil)

------b p

-.- \ \ ,

. ' ~ - ' ". ./

\ )

Page 18: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

La larve de maustique se tient en général pendue à la surface par san siphan respirataire; en cas d'alerte elle gagne le fand à la nage. A l'aide de ses palpes

elle provaque un mauvement taurbillannaire de l'eau (vair flè­che sur le dessin) qui lui amène le planctan animal et végétal di­rectement à la bauche .

j-= -i .--

- 1 --= t~\:-r..',Tll ~ e et "'ÇL ~eve ~

La larve des phryganes vit dans un faurreau qu'elle se canstruit avec des débris végétaux, les phryganes des rivières canstrui­sent des faurreaux en graviers et en sable.

Lc~~tc c~ue : :S~ ~: / ~ lé;Lc rte

Phryganes et plécaptères se nourrissent d'algues m icrosca­piques qui végètent sur les feuil­les des plantes supérieures au de déchets végétaux tambés au fond .

L'adulte ne vit guère plus de temps qu'il ne lu i en faut paur se reproduire (de quelques j'Ours à quelques semaines) alars que la larve vit de 1 à 3 ans .

Le stratiame est une m'Ouche assezjalie à l'abdamen taché de jaune et d'Ont la larve vermifarme possède une partie pastérieure téléscapique capable de s 'allan­ger, au baut de laquelle une touffe de pails marque l'auvertu­re de l'arifice respirataire .

La larve se naurrit de débris ani­maux et végétaux flattant dans l'eau .

Les limnées et les planarbes sont deux types «d'escargats» aquatiques . Ils se naurrissent de plantes supérieures, d'algues et de débris végétaux. Ils ne pas­sèdent pas de branchies et sant contraints de manter régulière­ment en surface faire le plein d'oxygène.

Les batraciens et les reptiles

En Valais peu d'espèces de ba­traciens dépassent Martigny vers 1 ~8mant. A Finges il est pas­sible de rencantrer le discret tri­ton alpestre au ventre de feu sé­paré du d'Os sambre par une li­gne de paints nairs.

Au premier printemps, la gre­nouille rousse vient à l'eau dé­poser ses œufs en masses géla­tineuses flattantes, ce travail ac­compli, elle regagne la campa­gne au les bais h·umides . Passé la pante, elle n'apparaît que de nuit au les jaurnées pluvieuses .

Si l'an ne vait guère les œufs de la grenauille verte parce qu'ils caulent, il est par cantre aisé de l'entendre : le chant des chœurs de 2-3 individus parte facile­ment à 1 km . en terrain dégagé . Camme elle reste à l'eau t'Out l'été sa rencantre est facile, en­care qu'il faille l'avair vue avant le«plauf».

Le crapaud cammun fraie à la même épaque que la grenauille rousse . La femelle, chevauchée par le mâle, dépase ses œufs nairs en chapelet caractéristi­que au fand des étangs .

Le crapaud sanneur d'Oit san nam à san chant méladieux; il passe l'été dans des flaques d'eau croupissante . Si san d'Os est cauvert de pustules, san ventre nair marbré de jaune 'Offre un spectacle du plus bel eftet.

Au mament de la reproductian, grenouilles et crapauds sant particulièrement vulnérables larsqu'ils traversent en masse les chaussées à grand trafic : un peu d'attentian de la part des autamabilistes permettrait de sauver des papulatians entières en vaie d'exterminatian .

La cauleuvre à callier d'Oit san nam aux deux taches claires qui lui fant une espèce de callier sur la nuque. Elle sait fart bien nager sur et saus l'eau 'Où elle chasse les grenauilles et les tritans. Elle capture également des micro­mammifères (mulats et campa­gnals) .

Les oiseaux

Une petite fauvette des roseaux, la rousserolle effarvatte, établit san nid tressé sur 3 au 4 tiges de roseaux entre 1 m . et1 ,5 m. au-dessus de l'eau . Chez naus

c 'est un des hôtes préféré du caucau .

Le butor blangias est un petit héron de 30 cm . environ qui de­vient chaque année plus rare, en grande partie à cause de la dé­gradatian des roselières 'Où il établit san nid : il n'en reste plus guère que 40 cauples en Suis­se . Il se naurrit principalement de paissans .

Le râle d'eau aux flancs rayés ne sart guère de la roselière n'On plus : paur recannaÎtre sa pré­sence il faut être attentif à sa vaix qui fait penser à des cris de garets qu~ l'an égargerait.

Le grèbe castagneux, la poule d 'eau, la faulque et le canard calvert s'abservent plus facile­ment. En mai-juin des familles entières se déplacent à la nage sur les étangs .

Le premier se naurrit de petits pais sans , les autres sant herbi­vares se naurrissant aux 4/5 de plantes aquatiques (characées et patamats) de semences, vai­re de lentilles d'eau (paur le cal­vert), mais ne négligent pas du frai de pais san, des mallusques, des tétards, des jeunes gre­n'Ouilles à l'accasian. Le calvert est même grand destructeur de larves de maustiques .

Enfin, le martin-pêcheur et le hé- 1

ron cendré viennent aux étangs se ravitailler en paissans, le der­nier surtaut en hiver.

Francoise Gard Pierre-A/ain Oggier

Page 19: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

LES LIBELLULES DE FINGES

Parmi les innombrables formes d'insectes qui peuplent la forêt de Finges et les rives du Rhône, les représentants de l'ordre des odonates, c'est-à-dire les libellu­les, sont sans doute les plus élé­gants, les plus aisément obser­vables et les plus répandus pen­dant la belle saison. Avec le per­fectionnement de la technique photographique, il est devenu . possible assez récemment de pénétrer plus avant dans l'inti­mité de cet univers fascinant et grandiose. C'est surtout au mo­ment des éclosions, de l'accou­plement et de la ponte que l'?n pourra faire des découvertes In­

téressantes sur un bon nombre d'espèces . Disons d 'emblée que les libellules de Finges . se divisent en deux groupes bien distincts, celui des zygoptères nommés populairement «De­moiselles» et celui des anisop­tères ou libellules proprement dites . En fait. le premier groupe comprend de nombreuses peti­tes espèces au corps très mince et allongé, aux ailes rigoureuse­ment pareilles, et tenues appli­quées l'une contre l'autre au re­pos, tandis que les anisoptères ont un corps plus massif, une taille plus forte, des ailes plus larges, tenues consta m ment grandes ouvertes, sauf au mo­ment de l'éclosion.

La première libellule que l'on pourra rencontrer à Finges dès les belles journées . de mars dans les endroits secs et bien ensoleillés est le leste brun (sympecma fusca), petite espè­ce vOisine des agrions, à l'abdo­men beige clair dessous, tandi~ qu'il est coloré de brun cUivre sur le dessus, ainsi que sur la tête et le thorax. Cette libellule d'aspect fragile est pourtant

34

Eclosion de l'a nax empereur. La grande libellule se tient agrippée solidement à sa co­que nymphale . Les ailes ont presque ac hevé leur d évelopp~ment. Elle~ sont e ncor~ opaqu es, mais deViendront Insensiblement tran sparentes . L abdomen s allongera en core et dépassera fin alement l'extrémité des ades tout ~n prenant ~u volum e. PUIS la li­bellule rejettera par l'anus des gouttes translucides et 1 abdomen s amincira progressI­vement

l'une des seules espèces à pas­ser nos hivers rigoureux à l'état d'imago, cachée sous les her­bes et les feuilles sèches. On la découvrira donc en mars dans des endroits souvent fort éloi­gnés de l'eau, posée sur les vieux chaumes des graminées . Mais dès la fin de ce mois et surtout en avril par temps enso­leillé, les lestes bru ns regagnent les étangs de Finges pour s'ac­coupler et pondre leurs œufs dans les débris morts des joncs­et des roseaux qu i flottent à la surfàce de l'eau . Chose curieu ­se, sous l'action des chaudes journées de printemps, la teinte du dessus des yeux de cette li­bellule passe du brun sombre à un très beau bleu! C'est vers la fin avril ou au début de mai se­lon la température que deux au ­tres espèces très communes sur tous les étangs de Finges

apparaissent simultanément et parfois en masse pour la raison bien simple que leurs éclosions s 'effectuent presque toutes à quelques jours d ' interv?"e . Il

. s'agit de la libellule quadnmacu­lée (Iibellula quadrimaculata) au èorps d'un brun jaunâtre chez les deux sexes et qui devient plus ou moins' gris avec l'âge ~t de la cordulie bronzée (cordulla aenea) d'une teinte générale as­sez sombre, mais avec de su­perbes reflets violacés ou dorés sur le thorax et parfois l'abdo­men . Toutes deux font partie du groupe des anisoptères, leur vol est puissant et soutenu ; le mâle de la cordulie bronzée est passé maître dans l'art de faire du vol sur place, tenant alors l'abdo­men un peu relevé, mais le corps parfaitement droit. il paraît immobile, tant ses ailes battent rapidement. Les femelles de ces

deux es pèces déposent leurs œufs la plupart du temps en eau libre, descendant rapidement toutes les 3 à 4 secondes à la surface en tapant l'élément li­quide avec l'extrémité de leur abdom en. A chaque coup, ' une dizaine d 'œufs apparaissent à la fois et tombent lentement au fond de l'étang .Les larves m et­tent deux à trois ans avant de quitter l'eau et de grimper le long des tiges de vieux ro seaux desséchés pour éclore . Rien n'est plus passionnant que de suivre du regard les différentes phases de ces éclosions qui ont lieu habituellement en plein so­leil, au ssi bien pour la cordulie que pour la libellule quadrima­culée . La coque de la nymphe solidement agrippée au roseau comm ence par se fendre sur le dessus du thorax et l'imago ap­paraît peu à peu, dégageant len­tement et l'une après l'autre ses pattes des fourreaux de la dé­pouille. La libellule se penche de plus en plus en arrière à mesure qu'ell e dégage son abdomen et finit par pendre le long de sa co­que, retenue seulement par l'ex­trémité de son ventre . Au bout d'une heure - parfois bien da­vanta ge sBlon la température! - l'insecte se redresse brus­quem ent sur sa coque, dégage ensuite le reste de son abdo­men db fourreau larvaire et com­mence immédiatement à déve­lopper ses ailes . Ces dernières, semblables d'abord à de petits sacs mous d 'un demi centimè­tre, s'allongent rapidement; d'abord opaques, elles devien­nent insensiblement transluci­des, après quoi l'abdomen gon­fle démesurément. puis expulse à différentes reprises par l'anus un liquide aussi transparent que de l'eau et tout en s'allongeant

encore, perd peu à peu de son volume pour prendre sa forme définitive . Trois à quatre heures à partir du début de l'éclosion, notre libellule est prête à pren­dre le vol , mais elle n'acquerra sa coloration définitive qu'au bout de plu sieurs jours!

C'est également en mai qu 'avec un peu de chance, l'on découvri­ra peut-être, posée au sommet d'un roseau, la libellule dépri­mée (Iibellula depressa) de la même taille que les précéden­tes, mais reconnaissable au pre­mier coup d'œil à son abdomen plus large et plus aplati qu 'aucu­ne autre espèce. Le mâle a le ventre presque entièrement bleu avec quelques splendides ta­ches jaunes citron sur les côtés, le thorax et la tête brunâtres et de larges taches noirâtres à la base des ailes . La femelle se distingue aisément du mâle par son abdomen brun olive avec les mêmes taches jaune vif sur les côtés . Cette belle espèce n'est pas très commune à Fin­ges et paraît même absente de certains étangs . " y a des éclo­sions jusqu'en août. Toujours au mois de mai, deux «Demoi­selles» apparaissent en grand nombre sur toutes les pièces d'eau de la pinède: il s'agit de l'agrion jouvencelle (agrion puel­la) le plus commun et le mieux connu de tous les agrions d'Eu­rope èentrale et l'agrion porte­coupes (enallagma cyathige­rum). Les mâles de ces deux jo­lies petites espèces qui appar­tiennent donc au groupe des zy­goptères, ont le corps d'un su­perbe bleu d'azur avec des des­sins noirs très nettement délimi­tés, ce qui permet de les déter.,. miner à coup sûr. La femelle de l'agrion jouvencelle a le dessus

de l'abdomen d'un noir brillant à reflets bronzés, les côtés du tho­rax, les yeux, les flancs et la par­tie ventrale de l'abdomen d'un vert doré ou jaunâtre, tandis que la femelle de l'agrion porte­coupes a les parties claires du , corps d'un brun assez pâle tour­nant souvent au gris rosé, au bleu ou vert. En juin , les pontes collectives des agrions jouven­celles battent leur plein et il m'est arrivé d'en compter jus­qu'à trente couples posés sur le même débris de bois flottant et en train de pondre fébrilement. tandis que les mâles dressés verticalement en l'air et mainte­nus seulement au prothorax des femelles par leurs pinces anales composaient un tableau des plus extraordinaires! Encore plus curieuse peut-être est la fa­culté de.s agrions porte-coupes de descendre parfois jusqu'à 30 ou 40 cm . sous l'eau pour effec­tuer leur ponte . Les femelles li­bérées des mâles entrent carré- . ment sous la surface de l'élé­ment ' liquide, se retournent et descendent la tête la première le long de certaines tiges aquati­ques en arquant leur corps de façon à enfoncer leur tarière du côté opposé à leurs pattes. Elles peuvent demeurer ainsi plus d'une heure sous l'eau, entière­ment occupées · à leur ponte, mais deviennent souvent la proie rêvée des carassins et des tanches ou même parfois des larves de grandes libellules . Par les chaudes nuit de mai ou de juin, la larve - nymphe de l'anax empereur (anax imperator) grimpe lentement le long d 'un roseau ou d 'une tige de masset-te afin d'effectuer son éclosion. C'est un rare et prodigieux spec­tacle que d'assister à la naissan-ce de notre plus grande libellule

35

Page 20: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

d'Europe; les différentes phases de cette éclosion semblent être un peu plus rapides que celles des autres grands anisoptères et il faut compter environ 3 heu­res depuis le moment où le tho­rax de la nymphe se fend jusqu'à l'instant où le superbe insecte prend son vol, soit habituelle­ment aux premières lueurs de l'aurore. D'abord d'un beau vert pom me avec le ventre violacé, le mâle de l'anax empereur voit son abdomen devenir bleu au bout de quelques jours, tandis que la bande médiane tourne au noir le plus profond . Il n'en est pas de même pour la femelle qu i, de verdâtre vire au vert bleuâtre avec la raie médiane d'un brun rougeâtre et les ailes très légèrement lavées de brun jaune. Deux autres aeschnes éclosent également en mai ou au début de juin sur les bords de la plupart des étangs de Finges. Il s'agit de l'aeschne isocèle (aeschna isosce/es) et de l'aeschne bleue (aeschna cya­nea). L'aeschne isocèle est faci­lement reconnaissable au trian­gle jaune clair bien marqué sur le deuxième segment chez les deux sexes, alors que tout le res­te du corps est roux et les yeux verdâtres . La larve de l'aeschne isocèle paraît très noire peu avant son éclos ion et ses mou­vements m'ont toujours paru plus vifs que ceux de la larve de l'anax. Cette belle libellule n'est pas très commune à Finges et il en est de même de l'aeschne bleue pourtant largement répandue en Europ·e centrale. Comme son nom l'indique, le mâle a l'abdo­men marqué de bleu, de vert et de noir brillant les yeux bleuâ­tres, le thorax vert traversé de bandes noires, tandis que chez

36

la femelle toutes les parties clai­res du corps sont vertes sans trace de bleu et les parties som­bres d'un beau brun rougeâtre. Cette libellule non seulement n'est pas farouche et vole par­fois très loin de l'eau, mais bien souvent elle semble curieuse de l'homme et s'en approche à moins d'un mètre . Bien que les éclosions de cette magnifique espèce s'échelonnent de la fin mai à la fin juin et parfois seule­ment en juillet l'adulte ne s'ob­selYe à· Finges que beaucoup plus tard, en août ou en septem-'bre, tellement l'aeschne bleue a l'humeur vagabonde et· s'éloi­gne de ses eaux natales les pre­mières semaines de son exis­tence . En septembre, il n'est pas rare de la voir voler au-dessus des roselières en compagnie d'un ou deux mâles d'aeschne des joncs (aeschna joncea). Cette dernière espèce lui res­semble beaucoup par la taille et les teintes d'où le vert est ce­pendant absent mais elle est plutôt rare en plaine et fréquente d'ordinaire les lacs alpins, de sorte que sa présence reste oc­casionnelle dans la région qui nous occupe. Je l'ai pourtant observée régulièrement chaque automne en petit nombre sans être absolument certain qu'elle s'y reproduit! D'autres libellules de taille moindre que les précé­dentes vivent encore à Finges,' entre autre la leucorrhine à front blanc (/eucorrhina a/bifrons) que j'ai photographiée pour la première fois dans la région le 11 juin 1978. Son abdomen est assez terne, d'aspect grisâtre avec quelques traces de bleu sur le 3 e et 4 e segment de l'ab­domen . Enfin, dès le mois de juillet, c'est-à-dire assez tard dans la saison, apparaissent de

nombreux sympetrum (vraisem­blablement : sympetrum vu/ga­tum ou sympetrum sangui­neum). La détermination exacte de ces libellules pose quelques problèmes, tant certains mâles sont voisins d'aspect les uns des autres quelque soit leur es­pèce. Ils sont caractérisés par un abdomen presque toujours coloré de rouge vif, tandis que celui des femelles varie de l'ocre brun au gris ou au jaune. La pon­te des sympetrum est caracté­ristique. Le couple vole en tan­dem au-dessus de l'eau ou de la vase, et la femelle abaisse tou­tes les 3 à 4 secondes son ab­domen jusqu'à toucher la surfa­ce de l'élément liquide de son extrém ité, lâchant à chaque fois quelques œufs . Ces derniers descendent lentement sur le fond ou sont confiés à la vase humide . En septembre, l'on aura peut-être la chance de surpren­dre sur les tiges des saules bor­dant certains étangs, quelques couples du leste vert (/estes viri­dis) en train de pondre . Ces charmantes libellules un peu plus forte de taille que les agrions, mais tout aussi déliées de corps, sont ornées de mer­veilleux reflets vert doré ou cui­vré selon l'âge. Les couples, le moment venu, s'agrippent soli­dement aux tiges vivantes des saules, de préférence sur ceux qui s'avancent au-dessus des eaux, pour y confier leur ponte. La femelle presque toujours ac­compagnée du mâle qui la tient par le prothorax, enfonce son oviscapte à intervalles réguliers dans l'écorce tendre de la tige choisie et dépose à chaque en­taille ainsi faite un œuf. Son ab­domen est alors complètement recourbé et l'insecte s'aide de ses pattes pour enfoncer avec

plus de force la partie cornée et tranchante de sa tarière ou ovis­capte . Untel spectacle est tout simplement fascinant, mais il est assez rare d'y ass ister, le les­te vert se montrant assez farou­che à cette période et reprenant facilement son vol .

Ce petit tour d'horizon sur les principales espèces de libellules vivant à Finges touche à sa fin et la liste des espèces citées n'est nullement exhaustive! "faudrait

encore y ajouter l'agrion élégant (ischnura e/egans) pas très commun dans la région étudiée, sans doute parce qu'il préfère des étangs moins riches en vé­gétation et le calopterix vierge (ca/opterix virgo) qui hante les petits canaux de Finges bordés de buissons et dont le vol nup­tial . de toute beauté paraît parti­culier aux deux espèces de ca­lopterix européens . Ces libellu­les ont toutes deux le corps noir parcouru d'extraordinaires re-

flets bleu vert, les pattes noires et les ailes noirâtres à reflets bleus, .mais la femelle du calop­tenx vierge se distingue aisé­ment du mâle par son thorax et son abdomen dorés ou cuivrés et ses ailes hyalines toujours plus ou moins teintées de brun. C'est l'un des plus beaux insec­tes de Finges, mais il n'est nulle part très commun!

Texte et photo René-P. Bi//e

Page 21: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

CONSERVA.TION DE FINGES

Finges est avant tout un monde végétal en soi, une sorte de «fo­rêt vierge», une des plus belles pinèdes d 'Europe centrale; c'est aussi un fleuve libre; pour beau­coup, enfin, un paysage grandio­se de collines et de forêts, alliant l'eau et la sécheresse .

Sur chacun de ces visages de Finges pèse une menace.

La forêt

Le feu

La végétation typique, la pinède, est à la merci d'un incendie . Les deux grandes cicatrices aux en­trées de la forêt sont là pour nous rappeler la fragilité de ce milieu, incapable de se régéné­rer dans les conditions actuel­les. Chacun devrait y songer avant de jeter un mégot ou d'y faire une grillade. La loi sur les incendies interdit d'allumer un feu à moins de 20 m . des lisiè-

res .

Le fluor

Le lent épuisement des arbres par le fluor est un mal bien plus sournois. La contamination de nos 'forêts de pins par les com­posés fluorés émis par les usi­nes d'aluminium est un phéno­mène connu de longue date . Lors de la fabrication de l'alumi­nium, de la cryolithe (F6 A 1 Na3) est ajoutée à la bauxite pour abaisser la température de fu-

sion .

L'épuration des fumées qui s'échappent des hauts-four­neaux n'est pas complète et des

. vapeurs fluorées, entre autre d'acide fluorihydrique (J F) se répandent dans l'atmosphère . Cet acide très corrosif çause des dégâts aux végétaux : des

nécroses, séparées du tissu vi­vant par une bande brun foncé, apparaissent à l'extrémité des aiguilles et se déplacent vers la base . La destruction d'un grand nombre d'aiguilles ralentit la croissance de l'arbre et finit par causer sa mort prématurée . Les dégâts se manifestent égaIe­ment dans la structure des cer­nes annuels : les cernes d'un ar­bre malade sont tous sembla­bles et de petite taille, ceux d'un arbre sain sont larges et varient en parallèle avec la pluviosité, étant plus larges les années hu­mides que les années sèches.

Outre le fluor gazeux directe­ment accumulé dans les tissus, des poussières fluorées adhè­rent aux aiguilles . Les années pluvieuses ces pouss ières sont entraînées vers le sol, alors que les années sèches ces pouss iè­res vont doubler la quantité de fluor sur les feuilles et augmen­ter les dégâts . Le fluor s' accu­mule durant toute la vie de la feuille : ainsi s'explique la sensi­bilité plus grande des pins, qui gardent leurs aigu illes 2-3 ans, par rapport à celle des mélèzes à feuilles caduques. Lors de la décomposition de ces aiguilles après leur chute, ces poussières parviennent au sol. Le fluor natu­rellement présent dans le sol, l'est sous forme de combinai­sons très peu solubles dans' l'eau (CaF2 = fluorure de cal­cium, par exemple); il n'est prati­quement pas assimilable par les plantes qui le filtrent au niveau des radicules .

Le fluor en excès, non précipité, mobilise et rend inutilisable pour les plantes une quantité non négligeable de matière or­ganique .

La teneur moyenne naturelle en fluor est inférieure à 10 ppm (partie par million + mg./kg . de poids sec) pour une plante . Une étude en cours de l'institut fédé­rai de recherche forestière confirme cette valeur pour des échantillons prélevés dans la vallée de Bagnes (7,8 ppm) ou dans la région de Sion (4,3 .ppm) et démontre l'étendue de la pollution aux environs de Chippis (120,5 ppm). A Finges, les concentrations décroissent à mesure que l'on s 'éloigne de l'usine : plus de 500 ppm dans les collines à 1 km . de l'usine et moins de 100 ppm dans le Rot­tensand ou sur le cône de 1'111-graben à 6 km. de l'usine . Il en va de même pour la teneur du sol en fluor soluble à l'eau : entre 10 et 20 fois supérieure à la nor­male à 1 km . de l'usine, elle ne retrouve sa valeur naturelle qu'à 10 km . de l'usine (15 ppm ; va­leur naturelle + 7 -10 ppm) .

A Finges, où le sol pauvre et le climat particulièrement sec per­mettent tout juste la survie du pin, arbre fruste s'il en est, l'arri­vée en masse d'un élément toxi­que ne peut avoir que des as­pects négatifs qui appellent une attention partiGulière .

On peut se demander dans quelle mesure cette forêt affai­blie n'offrait pas un meilleur ma­tériel aux flammes? Tant dans les zones' brûlées qu'à côté, les forestiers ont tenté de rempla­cer le pin par des essences résistant au fluor . C'est ainsi que sont apparus les bouquets de mélèzes . Certes il s'agit en­core d'arbres, mais la nature Y perd au change : la nature du sol se modifie et ne permet plus la survie de la flore compagne du pin .

Les constructions

Enfin cette même pinède doit encore céder de grandes surfa­ces ICI pour un camping, là pour un stade, ailleurs pourdes cultu ­res, une route ou une ligne à haute tension . Lentement la fo­rêt recule devant ces agres­sions.

Dans le cadre de la construction de l'autoroute en Valais 2 varian- . tes existent pour la traversée de Finges : dans le premier cas, un viaduc à 4 pistes, quittant Sierre dans la région de Salquenen, re­joindrait Loèche en enjambant la voi e CFF sous l'église de Va­rone; l'autre alternative consis­terait en une transformation de la route cantonale en route na­tionale . Quelle que soit la solu ­tion choisie, soit le Rhône et tout le paysage, soit la forêt, vont payer un lourd tribu à la vitesse .

Une telle merveille, épargnée jusqu'à maintenant dans son ensemble, ne vaut-elle pas quel­ques km . d'autoroute?

Le public

Sur la surface restante, la pres­sion des promeneurs se fait plus grande. Par leur nombre d'abord, ils apportent de l'exté­rieur une foule de semences et de petits insectes, pris dans leurs :chaussures par exemple, qUI vont perturber les commu­nautés fragiles de ces sous-bois secs . Cet effet, marqué surtout dans la région des collines, peut ' être limité en évitant de quitter les sentiers déjà fort nom breux.

Si on ne peut leur en vouloir pour ce phénomène qui échappe en grande partie à leur volonté, il en va tout autrement pour les pa­r~sseux qui se croient obligés d amener leur voiture sur les

lieux du pique-nique afin d'écou­ter la radio; ni pour celui qui, en­laissant courir son chien sans surveillance, dérange le gibier ; il n'est pas rare qu'au printemps, un jeune faon se fasse tuer par l'un d'eux.

Ceci ne signifi'e pas que pour protéger notre nature il faille re­noncer à s 'y promener : un chan­gement d'attitude peut suppri ­mer en grande partie cet impact négatif; il peut surtout accroître le plais ir du promeneur.

Il est facile de faire un effort lors­que l'on en a compris les rai­sons, il n'est pas désagréable de découvrir soi-même ces rai­sons par l'observation de la na­ture ou la lecture .

L'armée Lors de l'aménagement de pla­ces de tirs ou d'exercices de ca­mouflage dans le Rottensand l'armée se soucie peu des pin~ rabougris ou des violiers du Va­lais (matthiola va/lesiaca), une crucifère qui ne croît en Suisse qu'en 4-5 localités du Valais, où elle a été décrite pour la prem iè­re fois . Par ses places de tirs, l'armée a besoin de zones vastes et inha­bitées, c'est parce que de telles régions se raréfient en Suisse qu'elle augmente sa présence à Finges . Malheureusement, le même processus y concentre les pro­meneurs avides de nature, d'es­pace ou de calme . . Enfin nombre d'espèces animales ou végéta­les, bannies des zones ou culti­vées, y ont leur dernier refuge.

Désormais Finges doit assurer plusieurs fonctions simultané­ment. Si une de ces tâches de­vient prépondérante, tout le sec­teur est perdu pour les autres .

Dans ce sens, nous sommes en droit d'exiger de l'armée, com­me du public, le respect de ces lieux. Les étangs Nous avons exposé plus haut le phénomène naturel d'atterris­sement des étangs . La conser­vation de ces milieux humides passe par le fauchage annuel et l'exportation de la litière ou par le recreusement périodique . A . l'heure actuelle ce problème n'est de loin pas crucial à Fin­ges : la surface d'eau libre est encore importante .

Par contre, la pollution par les égouts de certaines habitations vois ines est à ce point concen­trée que le nez seul suffit à s 'en rendre compte . Nous l'avons dit plus haut, dans une première phase la pollution se traduit par un enrichissement quantitatif de la biomasse de l'étang, la mort par asphyxie n'intervient que plus tard . Dans ce cas précis, il serait souhaitable de prendre des mesures avant que les com­munautés ne soient appauvries.

Le poisson rouge que l'on trouve dans les étangs de Finges n'a rien à y faire! C'est une erreur de ramener de vacances des escar­gots, des grenouilles ou des rep­tiles pour peupler des milieux du Valais ou de semer dans la natu­re des plantes sélectionnées par les fleuristes . La plupart du temps ces animaux ou ces plan­tes peu mobiles ont développé des races locales adaptées aux conditions écologiques . Si l'in­troduction d'autres races ne fera pas disparaître à coup sûr les ra­ces locales, elle enlèvera par contre toute poss ibilité future de comprendre le mécanisme d'évolution ou d'utiliser ces ra­ces spé'cialisées .

Page 22: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Le Rhône

Dans la situation actuelle, et pour longtemps, il ne paraît pas concevable de supprimer la cap­tation d'eau à la Souste, aussi, ne nous attarderons-nous pas sur ces effets (voir cependant le chapitre Rhône) .

Par contre, il est poss ible de cor­riger les conséquences désas­treuses de l'exploitation des gra­viers et des endiguements, sans grands frais.

C'est le creusement localisé et en profondeur qui transforme le Rhône en lac, cause la dispari­tion des îles et l'envahissement des bancs de graviers par les saules. Il suffirait d'extraire le matériel en couches horizonta­les étendues sur toute la surface du Rhône pour recréer la zone inondable et faire reculer la brousse de saules .

Personne ne conteste l'utilité d'une digue pour protéger les

cultures de Salquenen, mais pourquoi deux digues parallèles sur la même rive?

Ce troncon de Rhône mérite que l'on ch~rche d'autres solütions pour lu i éviter le sort réservé à toutes nos rivières . Chaque na­turaliste garde le secret espoir de voir un jour disparaître la di­gue du Rottensand, et le Rhône vagabonder à nouveau dans cet-

te pinède. Francoise Gard Pierre-A/ain Oggier

BIBLIOGRAPHIE

Evolution de la végétation

BURNAND, J . (1976). - Ouercu s pubescens - Walder und ihre bko logischen Grenzen im Wallis. (Zentralalpen) Geobot. Inst. der ETH .

HESS, U\NDOLT und HIRZEL (1967) . - Flora der Schweiz. Birkhauser Verlag .

LANDOLT et CORBAZ (1969) . - Notre flore alpine. Ed. CAS.

STRAKA, H. (1970) . - Pollenanalyse und Vegetationsge­schichte. Die Neue Brehm Bücherei .

Végétation de Finges BINZ, A. et THOMMEM, E. (1966) . -Adapt. P. Villaret. Flore de la Suisse. Ed. du Griffon .

BRAUN-BU\N OUET, J. (1961) . - Die Inneralpine Trockenve­getation. G. FischerVeriag.

BRAUN-BLANOUET, J. et RICHARD, R. (1949) . - Groupe­ments végétaux et sols du bassin de Sierre. Bull . Murith . 66 : 106- 132.

GAM S, H. (1926-27) . - Histoire du Bois-No ir et des autres pi­neraies du Valais . Bull. Murith. 44.

LANDOLT, E. (1970) . -Adapt.J .-L. Richard . Plantes protégées de Suisse. LSPN .

RICHARD, J .-L (1978) . - La forêt naturelle et sa flore . Pages 61-86 de nos forêts: un monde à découvrir. Office du livre.

Lepin AMMANN, G. (1965) . - Kerfe des Waldes . Verlag Neumann­Neudamm

VEDEL, H, U\NGE, J . et LUZU, G. -Arbres et arbustes de nos forêts et jardins . Nathan.

Végétation du Rhône èt des étangs ELLENBERG, H. (1978) . - Vegetation Mitteleuropas mit den Alpen . Ulmer.

IMBODEN, Ch. (1976) . - Eaux vivantes . LSPN.

Faurie de la forêt, du Rhône et des étangs AUBERT, J.-F. (1961). - Papillons d 'Europe 1. (1968)- Papil­lons d'Europe Il . Delachaux et Niestlé.

BRUDERER, B. et Thônen, W . (1977) . - Adapt. P. Géroudet. Liste rouge des espèces d'oiseaux menacées et rares en Suis­se. Nos oiseaux 34. Fasc. spécial.

DORST, J . (1971) . - Les oiseaux dans leur milieu. Ed . Rencon­tre.

DOnRENS, E. (1963) . - Batraciens et reptiles d'Europe. Dela­chaux et Niestlé.

GÉROU DET, P. (1961 ). - Les passereaux 1. (1963) . - Les pas­sereaux Il . Les passereaux III . (1959) . - Les palmipèdes .

(1965) . - Les rapaces . (1978) . - Grands échassiers, gallina­cés et râles . (1967) - Les échassiers . Delachaux et Niestlé.

HAINARD, R. (1961) . - Mammifères sauvages d'Europe 1 et Il . Delachaux et Niestlé.

HIGGINS, L.G. et NORMAN, D.R. (1971) . - Guide des papil­lons d'Europe. Delachaux et Niestlé.

PILLET, J .-M. et GARD, N. (1979) . - Contribution à l'étude des reptiles en Valais. Bull . Murith . 96: 85-113 .

RAPPAZ.- Les papillons du Valais .

ROBERT, P.-A. (1958) .- Les libellules . Delachaux et Niestlé.

ROBERT, P.-A. (1960) . - Les insectes 1 et Il . Delachaux et Niestlé.

Conservation de Finges FLÜHLER, H, KELLER, Th. et SCHERRER, H.U. (1979) . - Les dégâts forestiers en Valais . Bull . Murith . 96: 4-22 .

HELLER, R. (1969) . - Biologie végétale . Il. Nutrition et métabo­lisme. Masson.

RAMADE, F. (1974) . - Eléments d'écologie appliquée. Edis­cience.

Page 23: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

NOTES SUR LA BA T AILLE DE FINGES

ET SUR L'INSURRECTION VALAISANNE DE 1799

~ Dans l'histoire contemporaine du Valais, l'insurrection de 1799

[ représente un épisode impor­r tant. Que la population de la ( moitié du Valais ait osé s 'oppo-1 ser à la volonté du gouverne-1 ment helvétique et qu'elle ait eu

l'audace de défier la puissance ( du Directoire de Paris, en voilà

assez pour satisfaire notre or-1 gueil national . Pour les contem­

porains de 1799, il ne s'agissait , que de défendre leur indépen­, dance et de conserver intactes

leurs habitudes sociales, reli­gieuses et politiques . Les condi­tions de la politique internatio­nale du moment semblent leur échapper. Leur comportement en dépend néanmoins .

La situation internationale

Depuis 1797, la France ne ces ­se pas d'accentuer la rupture de l'équilibre européen . Elle favori ­se le départ de Bonaparte pour l'expédition d'Egypte . Elle renfor­ce sa politique méditerranéen­ne par la prise de Malte. Elle rêve de poursuivre l'Angleterre jusqu'aux Indes . Elle envisage de pactiser avec la Turquie pour faire de la Méditerranée «une mer exclusivement française». Elle échafaude des plans pour imposer ses conditions à toutes les puissances du continent.

Mais l'amiral Nelson réduit à néant ces illusions quand, au terme de la bataille d'Aboukir, il détruit la flotte française. L'An­gleterre sait qu'il lui faut encore, pour abattre sa rivale, ranimer la guerre sur le continent en fai­sant l'union de l'Autriche et de la Russie contre la France. A Na­ples, l'amiral Nelson pousse la reine Marie-:-Caroline à envahir la

42

République romaine proclamée le 6 janvier 1798. Le tsar Paul 1 er, devenu l'allié de la Turquie depuis l'expédition d'Egypte, réussit à s'ouvrir la Méditerra­née. Il s'institue protecteur de l'ordre de Malte et de la cour de Naples . L'Autriche accepte l'ai­de militaire de la Russie à l'occa­sion d'un conflit éventuel qui l'opposera aux armées françai­ses .

La fondation de la République parthénopéenne, le 23 janvier 1799, met en branle la seconde coalition dont le but non avoué est de reprendre à la France les conquêtes de la Révolut ion . Les adversaires n'ont qu'à disposer leurs armées avant d'engager les hostilités . .

Avec ses 45 000 hom mes de l'armée du Danube, le général Jean-Baptiste Jourdan doit en­vahir l'Allemagne du Sud . Jean Bernadotte le couvrira sur le Rhin avec ses 30 000 soldats . Un peu plus au sud, André Mas­séna conquerra les Grisons et menacera le Tyrol tandis que Jo­seph Schérer rassem blera 45 000 combattants sur l'Adi­ge, dans l'Italie du nord. Pour soutenir Victor Moreau dans le Milanais, Jacques Macdonald y ramènera l'armée de Naples .

Dans le camp opposé, l'archi-' duc Charles commande une ar­mée de 75 000 hommes can­tonnés dans la Bavière; 20 000 autres gardent le Tyrol alors que 60 000, en Vénétie, obéissent aux ordres de Paul Kray. Celui-ci attend l'aide des 18 000 Russes que le général Alexis Souvarov conduit avec ra­pidité à travers les territoires au­trichiens.

La politique helvétique

Ces remue-ménage d'ordre poli­tique et militaire suscitent des réactions dans les sphères diri­geantes du régime helvétique .

Le 30 novembre 1798, le minis­tre plénipotentiaire français Henri Perrochel conclut avec le ministre Louis Bégoz une convention pour la levée de 18 000 auxiliaires . Ces volontai­res, équipés, armés et soldés par le gouvernement français, se recrutent avec de telles difficul­tés que les autorités helvétiques décrètent la levée du contingent sur toutes les communes du pays dans la proportion de qua­tre hom mes pour cent citoyens actifs et la peine de mort contre les réca Icitra nts .

Simultanément, les cantons re­çoivent l'ordre de procéder à la création d'une milice dont feront partie tous les citoyens actifs de 25 à 40 ans . Mais le manque d'enthousiasme du peuple pour le régime helvétique et les sou­haits de succès que nombre de cantons forment pour les ar­mées alliées ralentissent l'appli­.cation de la loi relative à l'organi­sation de la milice . Pour réduire l'opposition que provoque cette loi, les Conseils législatifs pro­noncent la peine de mort contre quiconque refusera de marcher avec le corps d'élite et contre toute personne qui, par des ac­tions ou par des paroles favori­sera ou encouragera d'autres in­dividus à ne pas défendre le pays .

Les frais qu'occasionne l'organi­sation de ra milice obligent le gouvernement à lever des im­pôts exorbitants . Le peuple, dans l'incertitude du lendemain, diffère le plus possible de les ac-

quitter. Le 30 mars 1799, les Cons eils législatifs demandent que soit levé un subside de guerre. Le jour suivant, le Direc­toire arrête que chaque contri­buable versera, au début de cha­que mois, une contribution vo­lontaire «aussi longtemps que les bes oins extraordinaires de la guerre l'exigeront». Mais les fonds escomptés ne rentrent pas . Il ne reste plus au Directoi­re qu 'à prendre des mesures ex­traordinaires pour obtenir la ren­trée des impôts .

Les prodromes de J'insurrec­tion valaisanne

L'application des lois sur l'orga­nisati on de la milice et sur la perception des impôts incite le Haut-Valais à prendre les ar­mes. Mais les causes de l'insur­recti on résultent d'autres cir­constances encore. Il n'est, pour s'en convaincre, que de relire le rapport que Charles-Emmanuel de Rivaz écrit au ministre de l'In­térieur, Je29 août 1799 :

«Cette aversion dans la partie. al ­lemande -a eu pour principales caus es la ~éfiance qui, dès ' les pref1liers moments de la Révo­lution , a fait craindre pour la conse rvation des autels ou du culte catholique, et le regret aux anciennes formes populaires, à ces assemblées de commune, à ces repas publics, au droit per­sonn el de suffrage et à toutes les in stitutions de ce genre qui leur étaient si chères.»

«A ces deux sentiments se sont joints ensuite l'aversion pour les Impôts qu'ils ne connaissent pas et la formation de la milice sa mise en activité, la crainte d~ la voir envoyée hors de la Suisse et confondue avec les troupes

françaises . C'est le mélange de tous ces sentiments réunis qui a amené le peuple au point d'exaspération qui lui a fait pren­dre les armes dans le moment que la guerre avec l'Autriche lui a fait espérer la faire avec suc­cès .»

Aux premiers jours du mois d'avril 1799, l'esprit public est des plus mauvais dans les dis­tricts haut-valaisans . Les com­munes de Reckingen, d'Ernen et de Fieschertal ne remettent que des listes incomplètes des ci­toyens astreints au service mili ­taire . Celles d'Obergesteln, d'Obervvald, de Binn et de Lax ne réagissent même pas à la de­mande du préfet national de les lui envoyer. Le fanatisme se met de la partie . C'est ce que consta ­te Charles-Emmanuel de Rivaz dans une lettre au Directoire, da­tée du 1 er avril :

«J'apprends que ces gens font des prières et qu'ils se croient sûrs de l'assistance divine dans leur plan de désobéissance. j'ai su par le canal de l'agent de Viè­ge qu'on' répandait le bruit parmi le peuple qu'il existait des pro­phéties; que ces prophéties avaient annoncé la défaite des Valai sans près du pont de la Morge [c'est celle du 17 mai 1798], mais qu 'elles annon­çaient que quinze mois après ces mêmes Valaisans triomphe­raient dans la plaine entre Glis et Brigue.»

L'agent de Grengiols avertit le sous-préfet de Brigue qu'il lui est impossible de publier les lois dans sa commune, qu 'on y dit volontairement falsifiées tou­tes les nouvelles fournies par le gouvernement helvétique et que les Autrichiens passent pour les maîtres des Grisons , L'agent de

Mund donne sa démissi~n car il se refuse à soutenir plus long­temps un régime honni par le peuple . Les communes de Zer­matt, de Taesch et de Randa prêtent une oreille complaisante à l'annonce des victoires autri­chiennes que les émissaires du district d'Ernen viennent leur conter, Partout, ce ne sont que propos séditieux à l'adresse du régime helvétique et vantardises mensongères à l'égard des ar­mées étrangères .

La situation empire quotidien­nement. Le sous-préfet du dis­trict d 'Ernen qui a reçu la loi du 30 mars sur la création de la mi­lice n'ose ni la distribuer aux agents, ni la publier de peur de susciter des émeutes que des agitateurs seraient prêts à ex­ploiter. A Grengiols, l'arbre de la liberté est abattu dans la nuit du 6 au 7 avril; on pousse des cris de joie et on tire des coups de feu . L'agent craint de réagir et le sous-préfet a la certitude que le peuple résisterait ouvertement si le gouvernement s'avisait d !envoyer des troupes pour réta­blir l'ordre . Les agents du district de Stalden ne correspondent plus avec le sous-préfet dont ils dépendent. En présence des agents dont ils savent l'impuis­sance, des hom mes parlent de révolte, de massacre et de sang versé si on les contraint à mar­cher avec la milice .

L'insurrection haut-valaisanne

L'hostilité au régime constitu­tionnel s'accroît au point qu'à la mi-avril des assemblées se réu­nissent à Brigue. Les partici­pants y jurent solennellement :

«que pas un homme du district n 'en sortirait comme soldat;

43

Page 24: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

qu'ils ne porteraient pas les ar­mes contre l'Empereur; qu'ils ne se sépareraient ni se délaisse­raient les uns les autres, et que leur sainte religion serait défen­due au péril de tous.»

Dès lors, les troupes du Haut­Valais et celles de leurs adver­saires prennent position dans la région de Sierre. Le 19 avril, le commissaire du gouvernement helvétique, Andréas Buxtorf, et le sous-préfet du district de Sier­re Mathias Monnier, .établis­s~nt un poste de 12 hommes à la Raspille sous le commande­ment de Maurice Baud et un au­tre, au pont du Rhône, fort de 9 hommes sous les ordres d'un dénommé Imhoff.

Les 20, 21 et 22 avril, des ren­forts helvétiques du bataillon d'élite, au nombre de 1 200 hommes, occupent une ligne qui va de Saint-Maurice-de­Laques à Chippis en passant par Venthône, M iège, la Raspille et le pont du Rhône. Les insur­gés prennent position de Varone à Finges. Jusqu'au 1 er mai, les armées restent l'arme au pied tandis qu'à l'arrière retentit le tocsin dont l'appel rassemble tous les hommes valides .

Bien que le calme règne encore le 1 er mai, on remarque pour­tant, depuis Sierre, beaucoup de mouvements chez les troupes insurgées . Dans son Journal de campagne, Louis de Courten re­late que les troupes constitu­tionnelles avaient quelques indi­ces selon lesquelles les Haut­Valaisans passeraient à l'atta­que le 2 mai, jour de l'Ascen­sion .

Les renseignements qu'il insère dans son Journal, à cette date, ne manquent pas de précision :

44

«Effectivement l'armée des in­surgés se mit en mouvement dès le grand matin pour cher­cher à tourner nos forces, et en­velopper dans Sierre l'artillerie et le commissaire du gouverne­ment. Nos avant-postes après avoir fait très peu de résistance se replièrent en désordre lais­sant en arrière plusieurs des leurs qui furent faits prisonniers . Il est à remarquer que dans cet­te circonstance beaucoup d'in­dividus des communes de Ven­thône, de Miège et de Saint­Maurice-de-Laques, faisant par­tie des élites du district de Sier­re, tournèrent leurs armes contre leurs camarades et se rangèrent du parti des insurgés . Il était 9 heures du matin et l'on était à la grand-messe lorsqu'on battit la générale. «Les insurgés gagnaient nos flancs et ils eussent réussi à nous couper la retraite si, d'une part, ils ne se fussent amusés à boire dans les différents villages situés sur les flancs de la mon­tagne et si, de l'autre, le com­missaire du gouvernement avec les troupes et l'artillerie n'eût fait une vigoureuse résistance au pont du Rhône . Enfin la retraite fut ordonnée et elle s'effectua sans désordre le même jour jus­qu 'à Riddes, après avoir fait ra­fraîchir l'armée à Sion et pourvu à ce que la Chambre administra­tive pu isse se retirer avec les pa-' piers du gouvernement et la Caisse nationale .» Pierre-Joseph de Chastonay a rédigé une relation plus précise et plus pittoresque de cette jour­née . Il vaut la peine de la relire : «Ledit 2 mai ayant été jour de fête, j'ai assisté aux offices de la paroisse . Immédiatement avant que la messe paroissiale dût com mencer, l'ex-sautier Steger

entre dans l'église en s'écriant à la porte.à pleine gueule : «La guerre commence, la messe est finie!» Quelle confusion! Tout le monde sort avec précipitation. Comme l'attaque se fit près de Cordonne dans la montagne, le danger était peu sensible à Sier­re : la plupart rentrent dans l'égli­se, et notre curé dit une ,messe basse . De retour chez moi, je vois la troupe en ordre de batail­le dans mon verger et on tira quelques coups de canon . Les insurgés étaient dans le bois de Finges et une partie sur le mon­ticule de Ravouire où ils ne pou­vaient être aperçus que difficile­ment. Une balle siffla à mes oreilles et me fit rentrer bien vite dans ma maison . Je trouve ma femme et mes enfants épou­vantés et en pleurs, surpris et consternés; je ne savais que de­venir. Dans le même moment mon beau-frère entre et me conduit avec ma femme et mes enfants dans sa maison à Sierre pour nous éloigner du champ de bataille; à peine rendus chez lui, nous vîmes nos défenseurs tourner les talons. Les rues .n'étaient pas assez larges pour 'fuir; dans moins d'une demi-heure il n'y avait plus ni Bas­Valaisans, ni Vaudois dans Sier­re que les insurgés (qui poursui­vaient les fuyards de près) avaient déjà investi. Quoique j'avais lieu de tout craindre de la part des rebelles, je n'avais ce­pendant ni le temps, ni l'occa­sion de me sauver avec ma fa­mille que je ne voulais ni ne pou­vais abandonner. Mon beau­frère a eu la complaisance d'ai­ler en avant pour épier si je pou­vais rentrer chez moi avec sécu­rité . Un des commandants, nommé Walther, après bien des questions l'accorda.

Les autres colonnes suivaient success ivement. Dès leur en­trée/ des boutiques des patrio­tes furent mises sous le scellé, des caves enfoncées; on a bu dans une seule cave apparte­nant à un citoyen fonctionnaire , on a bu 23 setiers de vin . Plu­sieurs autorités constituées et nommément le président du tri­bunal du district de Sierre furent saisi s. Cétaie!!t les premières scènes quela présence des mu­tins a produites à Sierre. Je me suis employé incontinent et j'ai eu le bonheur de réussir à déli­vrer le même soir ledit président de la détention dans laquelle il était à Loèche, lorsque j'ai été averti que le même sort m'atten­dait. On n 'entendait que des menaces ; l'on ne voyait que de la rag e.» Poursuivant leur progression, les in surgés entrent à Sion sans coup férir . Ils y festoient trois jours durant. Le 5 mai, ils mar­chent contre les Bas-Valaisans qui se replient en désordre jus­qu'au p'ont du Trient. Le 1 er ba­taillon de la 11 Oe demi-brigade, commandée par le général Lol­lier, les rejoint durant la nuit avec 40 hu ssards. Le lendemain, l'ar­mée constitutionnelle grossie de plu sieurs compagnies de ca­rabini ers du Léman se retire avant I:aube sur les postes de la Barma"et d'Evionnaz. Elle fait en­voyer alors ,des éclaireurs au bac d'Outre-Rhône, aux Follatères et à la Barma . Dans l'après-midi, 10 hu ssards du ge régiment par­tent en reconnaissance dans la région de Martigny avec deux Compagnies de grenadiers de la 110e demi-brigade . Assaillies par les insurgés, celles-ci bat­tent en retraite, confiantes 'dans l'arm ée qui marche à leur se­COurs et qui se déploie dans la

plaine en avant du pont du Trient. Les Hauts-Valaisans, peu désireux d 'engager le combat en rase campagne, effectuent un repli rapide jusqu'en amont de Sjerre.

Le 7 mai, l'armée constitution­nelle se lance à leur poursuite. Mais à Riddes, la reconstruction du pont du Rhône, coupé pen­dant la nuit par les insurgés, ra­lentit leur progression . A huit heures du soir, l'armée franchit le fleuve et campe au pont de la Morge, d'où elle se porte, le 8 mai, au-delà de Glarey, en amont de Sierre .

Dès l'aube, l'armée prend ses dispositions pour l'attaque du poste de Varone et de celui des Echelles qu'elle effectue le 10 mai . L'entreprise est couronnée de succès mais, par suite d'un malentendu, ces deux postes sont abandonnés le même jour. Puis les belligérants s 'observent jusqu'au 1 5 mai. Ils ne troublent le calme de ces journées que par quelques escarmouches et

par des proclamations sangui­naires .

Les troupes constitutionnelles repartent à l'attaque, le 15 mai. Louis de Courten le mentionne dans son Journal :

«L'armée attaque les insurgés sur les retranchements du bois de Finges et en même temps sur Varone, la Daia et les Echel­les. L'attaque de Finges était fausse. L'on n'avait d'autre but que de s'emparer du poste de Varone, des Echelles et de la Daia. On y réussit avec perte de quelques hommes et de beau­coup de blessés . On profite de cet avantage pour établir un camp de 1 500 hommes dans les trois postes , une batterie de trois pièces ' près de l'église de Varone et une autre pièce aux Echelles.»

Le lendemain, les opérations se poursuivent :

«L'armée attaque les retranche­ments des insurgés dans la fo­rêt de Finges et ne peut parvenir

45

Page 25: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

à les forcer. Le combat dure de­puis huit heures du matin jus­qu'à quatre heures du soir, sans succès . Cette attaque coûte bien des hommes et beaucoup de blessés .»

Dès lors, jusqu'au 27 mai, les armées restent en présence, or­ganisant leurs retranchements, fortifiants leurs postes .

Le combat de Finges

Tandis que le général de division Lauthier Xaintrailles rejoint le camp de Sierre avec une partie de son état-major et des hus­sards du ge régiment, les Haut­Valaisans s'impatientent de de­meurer inactifs. Selon Louis de Courten, ils engagent des opé­rations militaires dès le matin du 27 mai :

«Les insurgés attaquent vers les sept heures du matin notre ar­mée sur ses flancs et sur son centre, délogent les postes de Varone et des Echelles, s'empa­rent de trois pièces de canon qui les défendent. Le feu dure jus­qu'à sept heures du soir. Les in­surgés étaient parvenus à ga­gner les flancs de l'armée jus­qu'à la Raspille et Chippis . Mais la vigoureuse résistance du pont du Rhône qui fut coupé en cette occasion, le jeu des batteries qui le protégeaient, obligèrent les insurgés à se replier pendant la nuit dans leurs retranche­ments du bois de Finges . Arrivée ce soir au camp de Sierre de la 8g e brigade .»

Forte de ce nouvel appui, l'ar­mée constitutionnelle n'hésite pas à poursuivre immédiate­ment les opérations. C'est enco­re Louis de Courten qu'il faut re­lire: «L'armée combinée se met en marche vers: les deux heures du

46

matin sur deux colonnes, l'une se dirigeant sur Varone et Loè­che, l'autre sur les retranche­ments de Finges . Cette division de l'armée se trouve à la portée du mousquet des retranche­ments à la pointe du jour et sans tirer un seul coup de fusil (mal­gré le feu très vif des insurgés qui ne dura au plus que dix mi­nutes), emporte les retranche­ments à la baïonnette . L'armée, et notamment la 8g e demi­brigade, perdit en cette attaque beaucoup d'hommes parmi les­quels plusieurs officiers de dis­tinction . Les insurgés firent une perte considérable; leurs retran­chements étaient jonchés de morts de même que le chem in qui conduit au torrent de l'!llgra­ben . Pendant que la division de gauche se porte sur Loèche et met le feu à la commune de Va­rone, celle de droite passe outre, met le feu au bois de Finges, en­suite à Agarn et Ems, et va cam­per dans les plaines de Tourte­magne.»

Il existe un autre témoignage, bien plus intéressant encore, sur cet épisode des combats . Son auteur s'appelle Michel Sierro . Il est notaire de profes­sion, à Hérémence. L'extrait que voici décrit le comportement des troupes en présence depuis la mi-mai jusqu'au moment de la défaite des Haut-Valaisans,' les 27 et 28 mai:

«Du côté de Varone, on jouait le même rôle . Tantôt les Alle­mands descendaient jusqu 'à Varone pour en chasser les Français, tantôt ceux-ci les re­poussaient jusqu'à la Daia . Mais à Varone, diverses cruau­tés se commirent de part et d'autre. Les Allemands, les pre­miers, un jour, se saisirent de

deux Vaudois qui n'avaient pas eu le temps de s'enfuir, ils leur coupèrent les oreilles, le nez et les doigts, puis les renvoyèrent tout nus dans leur camp. Un au­tre jour que les Vaudois et d'au­tres soldats remontèrent à Varo­ne, ils réussirent à chasser leurs adversaires et à se saisir de qua­tre filles armées. Par vengeance, ils infligèrent à celles-ci toutes les injures que la pudeur peut subir, leur coupèrent les seins, leur brûlèrent les cheveux et les renvoyèrent toutes nues vers les leurs . «Redescendant une nouvelle fois sur Varone, et ayant pu cap­turer trois soldats vaudois, les Allemands les entraînèrent dans une forge et cassèrent la tête sur l'enclume à deux d'entre eux, renvoyant le troisième à son camp pour qu'il pût narrer le sort de ses compagnons.

«Les Français ne tardèrent pas à tirer vengeance de cette nouvel­le cruauté; renforçant la troupe envoyée sur Varone, ils repous­sèrent l'ennemi jusqu'à la Daia et tous ceux qui tombèrent entre leurs mains furent fusillés ou sa­brés sans miséricorde; de plus ils incendièrent le village de Va­rone avec l'église, bien que cel­le-ci se trouvât à une certaine distance du village . On attribua aux Vaudois l'idée de détruire aussi la maison de Dieu .

«Le général Xaintrailles, voyant que tous les efforts accomplis n'avaient pu abattre l'ennemi, résolut d'entreprendre une nou­velle tentative plus vigoureuse . A cet effet, il fit venir 5 000 hom­mes de troupes fraîches et un jour qui présageait une nuit som bre et orageuse, il fit avan­cer son armée jusqu'aux près de Finges pour attaquer l'adversai-

re avec vivacité, mais avec ordre de rétrograder aussitôt pour amener les Allemands à conti­nuer la lutte près du pont de Sierre. C'est ce qui fut exécuté le matin du 27 mai; le combat s'engagea vers le pont et dura toute la journée avec beaucoup de vivacité, mais sans victoire; vers le soir, cependant, les Fran­çais firent irruption au-delà du pont, amenant avec eux ' une grande provision d'eau-de-vie, feignant de s'en servir pour en­flammer l'ardeur de leurs com­battants. Les Haut-Valaisans les repoussèrent aisément, ne se doutÛlt pas que la reculade de l'ennemi était le fait d'une ruse stratégique. Ainsi la forte provi­sion d'eau-de-vie tomba en leurs mains pendant que les Français se retirèrent tranquille­mentdans leurcamp. «Ivres de gloire, les Allemands se retirèrent aussi dans leur re­tranchement.; mais pour se re­mettre des fatigues de cette pé­nible journée, ils crurent ne mieux faire que de consommer

la liqueur spiritueuse abandon­née traîtreusement par l'adver­saire. Les copieuses libations procurèrent bientôt un lourd sommeil. Au camp de Sierre, au milieu de cette nuit sombre, on sonne l'alarme et tous s'apprê­tent à partir pour Finges dans le plus grand silence. L'avant­garde arrive au Grand Finges sans rencontrer le moindre obs­tacle . Vers la fontaine sise au pied des prés, ils aperçurent la garde allemande endormie; seule la sentinelle se promenait sur la route. Au moment du re­tour de celle-ci, on l'abattit à coup de sabre, puis s'avançant vers la garde en rampant à terre, ils la massacrèrent sans que celle-ci eût le temps de donner le moindre signal; après quoi on éteignit les feux du bivouac, et l'armée s'étant déployée sur toute la largeur de la prairie, elle s'élance en silence, mais avec promptitude jusqu'au bord de la grande tranchée et là, comme en un coup de foudre, le signal du combat se donne au bruit de

tous les instruments; puis les Français foncent avec furie sur l'ennemi, massacrant tous ceux qu'ils rencontrent. Les Alle­mands, à peine secoués de leur torpeur, opposèrent une résis­tance inattendue et acharnée, semant la mort dans le camp adverse . «Les Français reconnurent plus tard que, sans la cavalerie qui, en enfonçant l'armée alleman­de, jeta la terreur parmi eux, ils auraient été contraints d'aban­donner l'attaque, malgré leur su­périorité numérique.

«Mais, hélas! c'en était fait des Haut-Valaisans. La cavalerie française saccagea ensuite le bourg de Loèche, tandis que l'on se battait encore aux Finges et que l'artillerie vomissait le car­nage de toute part.

«Ayant perdu tout espoir, les Al­lemands s'enfuirent éperdu­ment dans une affreuse cons­ternation .» Quand, peu d'années après ces événements, Christian Massy, paysan de Grimentz, rédige sa Chronique, il ne contient pas son émotion au souvenir des pertes qu'il a subies en cette oc­casion et des malheurs que lui­même et ses compatriotes ont éprouvés du fait de la guerre: «Quoi de plus alarmant pour no­tre pauvre district alors où l'on ne voyait que pillage et désordre à Sierre, où c 'était le théâtre fou­droyant de la guerre . Car pour vérité, j'ai dit que les souvenirs de ce spectacle nous faisaient verser des larmes de sang. Ô pauvres infortunés habitants du Haut-Valais! Tu n'as jamais vu de pareilles conjonctures! Per­sonne n'osait presque sortir à Sier~e car les menaces et les en­trevues étaient si pu familières

Page 26: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

qu'ils portaient la terreur au plus hardi; ce qui obligea nous au­tres Anniviards d'abandonner nos foyers, nos propriétés, en un mot tout ce qui nous apparte­nait. Si on voulait aller dehors, il fallait aller par le pont de Chalais pour éviter les insultes des mé­chants; on allait dans ses pro­pres édifices avec plus de fré­missements que n'y vont les vo­leurs pour y commettre des vols : et en effet on s'assemblait une couble, les uns faisaient la garde et les autres cachaient et chargeaient. Dans ce moment la vie n'était pas en assurance; à plus forte raison n'étaient-ils moins nos édifices . Le désastre que les Français et Vaudois ont commis est grand car 'tout ce qu'on peut se figurer de mal ils l'ont commis: le démon même n'en aurait pas pu faire de plus que casser et briser toutes les portes, fenêtres, coffres, soient été fermés ou non, prendre le vin et tonneaux et tirer dehors les cercles de fer. Ce qu'il ya encore de pire, le vin qu'ils ne pouvaient pas boire ils arrosaient la terre des caves; mes pieds ont sub­mergé tandis que la bouche en séchait ne pouvant pas se sou­lager. L'évaluation de ma perte a approché 40 écus.

»Tous les coins et recoins des appartements étaient ravagés, le foin tout mangé ou fauché pour la cavalerie; ils mangeaient déjà les fruitages immaturés au mois de juin; tous les apparte­ments des Anniviards, ils ne semblaient que des retraites et des cavernes de voleurs! Proche du camp de Glarey et par là ils détruisaient des granges de fond en comble pour brûler; la plus grande partie des prés n'avaient pas un fétu de vert: tel

est le fléau de la guerre . De plus nous étions obligés de faire la garde dans plusieurs poste comme Niouc, Pland Pallet. Pontis, Pont Boréa à Vissoie, Giete, jusqu'à 60 hommes par jour! On obligea tous les ci­toyens de prêter la main à la construction des retranche­ments et batterie. Je passe sous silence toutes les autres calami­tés qui désolèrent le peuple, déjà dites, et portons-nous en esprit avec contemplation au lieu tragique et sanglant qui est les tranchées de Finges, dont j'ai parlé tantôt du retranche­ment des Allemands . Après qu'ils eurent fait plusieurs atta­ques, ne pouvant être vain­queurs ni les uns ni les autres, les Français animés de leur fu­reur ordinaire propre aux insen­sés se portèrent en grande hâte avant le jour sur leurs tranchées sans y lâcher aucun coup de fu­sil, mais ils s'approchèrent in­trépidement avec les armes blanches; les Français pour pouvoir mieux se connaître, il leur a été ordonné de tourner leur chapeau sur le front d'una­nime. Ils le firent et se jetèrent sans pitié et sans grâce sur ces infortunés victimes endurcies dans leur égarement.»

L'effondrement de la résistan­ce haut-valaisanne

Le soir de la bataille de Finges, les troupes françaises et consti­tutionnelles bivouaquent aux environs de Tourtemagne. Elles ne s'accordent pourtant point de répit. En effet. Lou is de Cour­ten rapporte dans son Journal, au 29 mai :

« Les grenadiers et les hussards d'avant-garde arrivent devant Viège, éprouvent de la résistan-

ce au pont qu'ils trouvent coupé. Les insurgés apercevant une co­lonne d'infanterie qui filait déjà depuis Loèche sur la rive droite du Rhône, craignant d'être cou­pés, se retirent de Viège. Les hussards passent la rivière de Viège avec les grenadiers en croupe et tombent encore assez à temps sur les insurgés pour leur tuer plusieurs hommes se sauvant à travers le bourg . Ce soir coucha à Turtig le général Xaintrailles, avec le commissai­re du gouvernement.»

Le jour suivant, la division de gauche marche sur Naters; elle éprouve de la résistance au pont du Rhône . La division de droite progresse jusqu'en amont de Viège. Le 31 mai, elle se porte sur le Simplon et elle prend po­sition à la Tavernette. 'Le même jour, la division de gauche s'em­pare de Morel après une légère escarmouche. C'est alors que Xaintrailles offre la paix aux insurgés à condition qu'ils déposent les armes et qu'ils livrent un otage par locali­té . Mais les Haut-Valaisans, fa­natisés par l'espoir de recevoir

: des secours autrichiens, ne donnent qu'une réponse évasi­ve; ils s'apprêtent même à résis­ter militairement aux proposi­tions qui leur sont adressées. Jusqu'au 8 juin, la division de droite demeure à la Tavernette tandis que celle de gauche, sous la conduite de Lollier, s'empare de Lax, I.e 3 juin, après un combat au cours duquel 300 soldats autrichiens sont faits prisonniers. Le 6, elle occupe Er­ne n, puis Münster, deux jours plus tard .

Les 9 et 10 juin, la situation manque de fluidité. Les contin­gents armés du Haut-Valais se

débandent ; les renforts autri­chiens ne sont pas suffisam­ment nombreux pour oser af­fronter les Français qui crai­gnent pourtant d'être pris à re­vers. Louis de Courten se fait l'écho de ces appréhensions :

«La division de gauche reçoit l'ordre d'évacuer pendant la nuit ·Ia vallée de Conches . L'état­major se replie également en partie . Le général Xaintrailles vient coucher à Loèche, et le commissaire du gouvernement à Sion . Deux bataillons aux or­dres du chef de brigade Lollier reçoivent l'ordre de se porter dans la vallée de Viège par où l'arm ée qui se trouvait en

Conches et à Brigue pouvait être coupée. Ce même jour, la retrai­te totale de l'armée fut ordonnée et les ordres en conséquence furent adressés aux municipali­tés de Sierre, Sion, Martigny et Saint-Maurice de préparer les vi­vres et les logements aux demi­brigades de l'armée qui devaient arriver successivement et à des jours différents, indiqués dans ses ordres . Ce même jour, me repliant de Brigue sur Sierre, j'ai fait rencontre à Agarn vis-à-vis Loèche d'un courrier veste rou ­ge et parements bleus qui se rendait porteur d'ordres auprès du général Xaintrailles . On assu­rait que ce courrier était dépê­ché par le général Masséna.»

Le lendemain, 10 juin, Louis de Courten poursuit ses constata­tions :

«On en fut convaincu lorsque le général Xaintrailles donna l'or­dre de reprendre sur le champ le poste de Morel à l'entrée de la vallée de Conches et qu'il fit at­taquer par le corps du citoyen Roger Fontenai les Autrichiens postés à l'hôpital du Simplon; il parvient au sommet de cette montagne, mais le feu des re­tranchements ennemis entas­sés les uns sur les autres l'obli­ge de se replier et de venir re­prendre son poste de la Taver­nette . L'autre division comman­dée par le citoyen chef de briga-

Page 27: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

de Lollier attaque les Autri­chiens dans la vallée de Viège et leur fait 200 prisonniers parmi. lesquels 5 officiers; il s'empare du pont de Stalden qui commu­nique à deux vallées dont l'une conduit à l'hôpital sur le haut du Simplon. Ces différentes atta­ques sont dirigées par les ordres du général Jacopin. Le général Xaintrailles, de Loèche arrive à Sierre et le commissaire du gou­vernement, de Sion arrive égaIe­ment à Sierre.»

Xaintrailles et Buxtorf y tiennent une conférence passablement houleuse à l'issue de laquelle le commissaire du gouvernement helvétique présente sa dém is­sion au Directoire . Les dépréda­tions que le général tolère de la part de ses troupes, les exac­tions qu'il commet lui-même et le dédain qu'il manifeste à l'égard des autorités constitu­tionnelles motivent la démarche de Buxtorf.

Pendant plusieurs semaines, les armées restent face à face,

50

dans une inaction presque tota­le . En effet, l'archiduc Charles ne s'estime pas suffisamment fort, avec ses 78 000 hommes dis­sém inés de la Forêt-Noire au Gothard, pour poursuivre sa marche en avant afin de chasser les troupes françaisE)s hors de la Suisse. D'autre part, Masséna attend des renforts avant d'en­treprendre de nouvelles opéra­tions militaires.

Ce n'est que le 14 août que les mouvements de troupes repren­nent car Masséna veut absolu­ment empêcher la jonction des Autrichiens et du corps auxiliai­re russe en marche vers la Suis­se . Les 15 et 16, le général Tur­reau, qui remplace Xaintrailles depuis les derniers jours du mois de juin, attaque le prince de Rohan qu'il bouscule jusqu'à Domodossola et le colonel Strauch qui s 'enfuit par la Furka . La colonne Gudin remonte l'Aar. Elle peut ainsi, par le Grimsel, la Furka et la vallée d'Urseren, opé­rer sa jonction avec les troupes

de la division Lecourbe, près du Pont du Diable.

Dès lors, les guerres de la se­conde coalition se déroulent ·­hors du territoire valaisan. Si­m ultanément, l'insurrection haut-valaisanne est mâtée .

La détresse du pays après J'in­surrection

Au terme des opérations militai­res, l'état de détresse du pays dépasse tout Ge que l'on peut imaginer. Pour s'en faire une idée correcte, il faudrait invento­rier, pour chaque commune, les pertes subies par les collectivi­tés publiques et par les particu­liers; il importerait de dénom­brer le nombre des morts, des blessés et des orphelins; il conviendrait d'estimer aussi le relâchement des mœurs causé par la présence des armées étrangères et par l'insurrection elle-même.

Pour éviter des énumérations fastidieuses et forcément in-

complètes, il suffit de retenir deux témoignages.

Le premier provient d'un particu­lier qui, à des préoccupations eschatologiques, joint constam­ment les émotions ressenties au cours de ces mois de mal­heur. Il faut donc laisser parler Christian Massy:

«C'est dans ces jours terribles et malheureux qu'il se fit le plus horrible carnage par les campa­gnes et les villages; les villages, quelques-uns sont incendiés; les campagnes, fanées et flé­tries par les passants; les égli­ses, pillées; les vases sacrés, profanés; les osties, foulées au pied; les ornements sacerdo-

taux, exposés à la risée et au plus grand mépris, jusque même à s'en servir pour orner leurs chevaux. Les hommes tués ou exilés et réfugiés dan~ les pays étrangers, les femmes et les filles violées, les enfants orphelins, les prés abandonn-és à la merci du temps, les champs point moissonnés, une partie coupée est restée sur la place; et le peuple crie miséricorde et demande des subsides ; le cou­pable s'est évadé, l'innocent est opprimé, la nature déplore avec profusion les malheurs du temps, toutes les créatures ani­mées et inanimées ont partagé entre elles les fléaux que la main vengeresse de son formateur

. ...

souverain leur a imposés . ( .. . ) Par conséquent les jours pré­sents, ce sont des jours de péni­tence, des jours de salut pour les uns, mais liberté que trop fa­milière pour les autres. Malheur à l'homme sur lequel la liberté sera imprimée sur lui au jour de sa vengeance éternelle! Liberté exécrable, le ciel t'a abhorrée, l'enfer est ton principe, la terre en est aux alarmes, l'univers en­tier est dans la consternation! Liberté, instrument aveugle et séduisant, jusqu'à quand per­vertirez-vous les nations? Fasse le ciel vous ensevelir dans le plus profond oubli! Tel est le dé­sir de notre cœur et la joie im­mortelle de notre âme qui fait

Page 28: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

profession de vivre chrétienne­ment.»

Au lyrisme du paysan chrétien bouleversé par les excès du siè­cle, il peut être utile d'opposer le réalisme de l'homme politique. Pourquoi ne pas relire ces quel­ques lignes d'une lettre que Charles-Emmanuel de Rivaz écrivait au ministre de l'Intérieur, le 29 août 1799 ?

«Ce pays est ruiné par les dévas­tations qu'y a laissé commettre le général Xaintrailles pendant près d'un mois et que le soldat familiarisé avec le désordre y a encore continué depuis lors . Les maisons sont complètement saccagées . Il y a eu des bâti­ments couverts en bois dont on a pris le toit pour le brûler, des portes, des planchers, des fenê­tres brisées et enlevées . Tous les morceaux de fer qu'on a pu arracher des murs l'on été; les cercles des tonneaux ont été pris; les douves en ont été brû­lées; des murs ont été démolis dans l'espérance d'y trouver de l'argent caché; les caves ont été fouillées jusqu'à six pieds de profondeur, et des fondements de maison dégradés dans le même but, ainsi que des cime­tières ". Le bétail de toute espè­ce a disparu dans la partie bas­se de la vallée. Les soldats, dans les communes, tuaient tout ce qu'ils rencontraient, et grand nombre de ces animaux ont pourri sur place sans aucune utilité pour la subsistance des troupes .»

L'aversion de la population valai­sanne, de celle du Haut-Valais surtout, pour le régime helvéti­que et pour la France qui l'impo­se au pays, s'explique en partie par les excès de la guerre. La

52

France se voulait messianique; elle se disait l'apôtre de la liber­té; elle faisait preuve de prosély­tisme républicain . Elle oubliait alors délibérément la mise en garde de Robespierre selon la­quelle les peuples n'aiment pas

les missionnaires armés . Après bien d'autres peuples, les Valai­sans administraient la preuve que le dictateur de la Conven­tion ne s'était point trompé en l'occurence.

Michel Salamin

Bibliographie

SALAMIN, Michel - Histoire politique du Valais sous la République helvétique, 7798-1802, dans Val/esia, 1957, pp . 1-280.

SALAM 1 N, Michel - La double relation de Louis-François-Regis de Courten sur l'insurrection de 1799, dans Pages militaires sierroires, Sierre, ·1962, pp. 53-80.

SALAM 1 N, Michel - Pierre­Joseph de Chastonay et l'insur­rection de 1799. [Suivi de :] An­nexe. Memoire justificatif de p'-J. de Chastonay, Sierre, 28 novembre 1799, dans Annales Valaisannes, 1955, pp. 241-270.

SALAMIN, Michel et GHIKA Grégoire - La chronique de Christian Massy de Grimen tz, Anniviers, pour les annees 7790-7840, dans Val/esia, 1960, pp. 297-345.

SALAM 1 N, Michel - Le Valais de 7798 à 7940, precede d'un resume de l'histoire valaisanne des origines à 7798, Sierre, 1978,325 p.

SIERRO, Michel - Combat de Finges (mai 7799). D'après le notaire Michel Sierro, fils de l'agent d'Heremence à cette date, dans Annales Valaisan­nes, 1936, pp . 102-104.

nllilll.C:!a1i Fabrique d'engins de gymnastique,

de sports et de jeux

1l~!::n~h~~e~~~!~G 9642 Ebnat-Kappel SG r;; (074) 3 24 24

Qualité . suisse, propre production,

service garanti dans toute la Suisse.

Vente directe de la fabrique aux écoles, sociétés,

autorités et privés

53

Page 29: L'Ecole valaisanne, octobre 1980

Programme d'activité 1980-81

56

27 septembre 29 novembre 17-18janvier81 28 fév.-1 mars

28 mars

20-25 avril Mai 30mai 22-24 juin

Cours: course d'orientation à Montana Tournoi de B B à Sierre Cours de ski de fond à La Fouly Concours de ski de l'AEPSVR Géant. - Ski de fond Assemblée générale Tournoi de volleyball à Monthey Cours de ski Sortie (hélico - avion) Tournoi de football à St-Maurice Cours de natation à Brigerbad

Tous les enseignants peuvent participer à ces activités sportives. Des renseignements détaillés vous seront donnés dans l'Ecole va­laisanne du mois qui précède une de ces activités. Pour toute autre information, téléphonez chez Conrad Zengaffinen au (027) 38 1824, Nicolas Métrai/1er au (027) 232756.

Salutations sportives, La Commission technique

CA ISSE D'ÉPARGNE DU VALAIS

FI Il lE JE

CEV

La banque régionale va­laisanne

IlE

LE FONDS JEUNESSE DE LA CEV

créé à l'occasion de son Centena i re récompense des performances particulièrement méritoires de jeunes valaisannes et valaisans de touteS professions

Demandez des renseignements complém'entaires à nos guichets

CAISSE D'ÉPARGNE DU VALAIS

REX ROTARY P4 Le nouveau rétroprojecteur

Demandez une démonstration

Service de vente et d'entretien

SION Av, Pratifori

(027) 23 34 10

SIERRE A. Gén,-Guisan (027) 55 17 34

GRATUIT - AVIS AU PERSONNEL ENSEIGNANT

Le TeS met à votre disposition gratuitement un important ma­tériel d' éducation et d'information rout ière (cahiers à colorier, concours, ' affiches, brochures, jeux, films, diaposit ives, matériel didactique (à l'OD IS Brigue, Sion, St -Maurice) etc ,)

Pensez à la sécurité de vos éléves!

A votre service:

TOU RING - CLUB VALAIS

Avenue de la Gare 20 Bâtiment Mutua

1950 Sion Téléphone (027) 23 1321

HERMES

w·········· .......... ........... ......... -,,?lB RUDAZ-ELSIG et Cie

Rue de Lausanne 8 - SION