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    e eUlnza lnea3F littraire Numro 38 Du 1'" .au 15 fvrier 1970

    Entretien avecA. Liehmsur la .Tchcoslovaquie

    GaraudySimonede Beauvo .et la vieillesse

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    e eUlnza lnea3F littraire Numro 38 Du 1'" .au 15 fvrier 1970

    Entretien avecA. Liehmsur la .Tchcoslovaquie

    GaraudySimonede Beauvo .et la vieillesse

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    SOMMAIRE

    a L E L I V R E Shnone de BeauvouD E L A Q U I N Z A I N E

    l i R O M A N S . .R A N A I S Jean Cayrol R O M A N S Ahdjamil NourpissovS O V I E T I Q U E S Iouri Tynianov E N T R E T I E N S E C R E T

    La vieillesse

    Histoire d'une prairieLa saison des preuvesLa mort du VazirMoukhtar

    pa r Anne Fabre-Luce

    pa r Maurice Chavardspa r Yolande Caronpar Alain ClervalPropos recueillis pa rPierre Bourgeade

    Vicente AleixandreLiehm : l 'intel lectuel fai t exploserles mythes

    par Serge FauchereauPropos recueillis parGilles Lapouge

    18 E X P O S I T I O N St8 P O L I T I Q U B

    18 T B E A T R B1 0Il

    1 4 C I N B M A16 P B U I L L B T O N

    Louis AragonMichel ButorEugne IonescoElsa TrioletDadoRoger Garaudy

    Eugne IonescoJean VauthierWitold Gombrowicz

    Je n'ai jamais appris crire ou par Claude Bonnefoyles incipitLes mots dans la peintureDcouvertesLa mise en motsUn peup le de monstres par Franoise ChoayLe grand tournant par Jean Didierdu socialismeJeux de massacre par Shnone BenmussaLe sang par Gilles SandierOprette par Lucien GoldmannLa nuit des Morts-vivants par Roger DadounW par Georges Perec

    Crdits photographiques

    L a Q u in za in eu.-..u.

    2

    Franois Erval, Maurice Nadeau.

    Conseiller : Joseph Breithach.Comit de rdaction :Georges Balandier, Bernard Cazes,Franoise Choay,Franois Chtelet,Dominique Fernandez. Marc Ferro,Gilles Lapouge,Gilbert Walusinski.

    Secrtariat de la rdaction :Anne Sarraute.

    Courrier lit traire :Adelaide Blasquez.

    Rdaction, administration :'3 , rue duTemple, Paris-4e.Tlphone: 887-48-58.

    Publicit lit traire :22, rue de Grenelle, Par is-7eTlphone : 222-94-03.Publicit gnrale : au journal.Prix du n' au Canada: 75 cent...Abonnements :Un an : 58 F, vingt-trois numros.Six mois : 34 F, douze numros.Etudiants: r ducti on de 20 %.Etranger : Un an : 70 F.Six mois : 40 F.Pour tout changement d'adresseenvoyer 3 t imbres 0,30 F.Rglement par mandat, chquebancair e, chque pos ta l :C.C.P. Paris 15.551.53.Directeur de la publicationFranois Emanuel.Imprimerie: GraphiquesCambo.Printed in France

    p. 3

    p. 5p. 7p. 11

    p. 14p. 15p. 16p. 18p. 19p. 20p. 21p. 22p. 25

    David Levine(c) Opera Mundi e tNew York ReviewVascoRoger-ViolletGallimardGallimardGallimardSkiraSkiraRobert DavidMagnum. D.R.Grard AmsellemBernandBernandD.R.

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    LE LIVRE DB

    Les bouches inutilesLA QUINZAINE

    1imone de Beauvoir

    La 1'ieillesseGallimard d. 604 p.

    Assumer Je totalit de lacondition humaine, c'est refu-ser une vision abstraite desmoments qui la constituent.Plus encore que le monde del'enfance et celui de l'adoles-cence que l'univers desadultes laisse se refermer sureux-mmes et sur l'avenirqu'ils ont devant eux -nous nous masquons notrepropre devenir qui comprendune priode Insouponnablepour nous, la priode crpusculaire qui s'achve par. lessanglantes mathmatiques dela mort . L'essai de Simonede Beauvoir rpond donc toutd'abord une exigence delucidit concernant la condltlon humaine comme totalitexisten tiel le vcue jusqu'son dnouement.A cet te luc id it s'ajoutent la

    gnrosit d'une cause plaideret la gravit d'un propos quis'attache l 'tude de l 'tape laplus dshrite et la plus ngativede la prsence humaine dans lemonde.Comment assumer la vieillesseet se penser cet autre venir

    dont les carac t ri st iques ne sontqu e des manques par r appo rt notre ralit prsente ? Qu 'y a t. i ld'inluctable dans la vieillesse etdans quel le me8ure la socit enest.elle responsable? Tel les sontle8 questions auxquelles Simone deBeauvoi r t en te d'apporter unerponse, rponse qu i est ellemmeune accusation contre une socitcoupable d'omission et de cruautquand il s'agit de ces bouchesi nu ti le s don t elle parat seule-ment at tendre qu'elles cessent deternir le miro ir de leur souffle.

    Le dclin de la vie apparatcomme une exprience existen-tielle totale, dont on peut consi-drer les diverses composantes dupoint de vue social et du point devue du mode nouveau d'tredans-l emonde que constitue la vieil-lesse. Cette man i re d 'e xi st erimplique une analyse des rapportsspcifiques que le viei llard entre-tient avec son propre corp8, avecautrui, ainsi que celle de ses modes

    d'insertion par rapport l'Hilitoireet ses act ivits personnelles.Pas plus qu'on ne saurait l 'isoler

    de l 'ensemble du processus vital,la vieillesse ne tre dtachedu systme de valeurs dans lequell'individu volue. Le sens de lavieillesse, c'est le seM que leshommes ac co rde nt leur em tence, c'est leur systme global devaleurs qui le dfinit .

    Du point de vue e thnologique,on constate que les socits s'accor.dent pour exalter la vigueur et lasant ; e ll es redoutent le spectaclede l' u su re de la nature et ma-nifestent des attitudes ambival en tes devant la vieillesse : lesindividus gs sont so it limin spour des raisons purement cono.miques, soit p ars de prestige etde pouvoirs magiques . I l apparattoutefois que l e dveloppementprogressif des socits correspond une indiffrence croissante leurgard.

    Du point de vue historique,l 'image brouille et contradictoireque nous avons de la vieillessecorrespond l'histoire des classessociales. Cette histoire n'est d 'ai l-leurs pas distincte de celle desadultes. Ell e en est plutt le n-gatif, car le vieillard n'est ni unemonnaie d'change, ni un produc-teur, il n'elt qu'ur u! char ge .Si ct'rtaines socits on t accord la vieillesse une place privilgiedans leur sys tme de classes - leculte des hommes gs en tant qu esaints en Chine. les assemblesreligieuses comme le Sanhdrinh breu , o u pol it iq ue comme la Grousia J) ou l 'Aropage grecs - l es aspec ts r id icules ethasssables de la vieillesse n'en on ttoujours pas moins f ai t l 'objet decomdies ou de sat ires : ct dumythe de l'ge serein , il y ales vieux hl iast es bel liqueux etl ub riques ; e t para ll lement aux artes moriendi JI de la fin duMoyen Age surgissent l es gro te s-ques et sniles amoureux de Boc-cace, prcds de l'odieuse Cles-tina de Rojas.Ce n'est qu'au xx sicle que lavieillesse parat moins ridiculiseet moins isole. On la pein t de ma-nire plus raliste (dans la Terrede Zola , ou dans un Cur Simplede F1auber t). Mais au xx sicle

    l 'clatement de la cellule familialeen tant que tel le renvoie le vie il -lard un nouv el exil. D ans le

    Simone de Beauvoir.

    monde contemporain, seul l'indi-vidu privilgi peut prtendre finir dignement. Quant il ne l 'estpas, il es t simplement un mort en8ursis en butte aux manuvres desgnrations actives pour l'ex-ploiter dans son exil. Mis au rebuttrop tt par une retraite qui netient pas compte de 8a longvit, ilvgte, abandonn des 8iens etlivr une socit qui l ui donnejuste assel: pour se maintenir lalisire de la mort, c 'e8t dire trop pour rnonrir pt pa.. pour vivrf! .. . Il souffre donc la{ois de l a s ol it ude, de l'indigenceprolonge et d'une sant qu i sedtriore un peu plu8 chaque jour.Condamn parfois finir commegrabataire dans les mouroirs,.pitoyables que sont les h08pices,i l doi t a ff ront er t ou t seul l 'indi-

    gnit de sa condition et l'angoissde l a mor t.Le vieillard, homme ou femmeest un tre dpossd de son sendan8 la socit. I l est peu peupriv de ses raisons de vivre quandi l entre, avec la snescence, danun monde crpusculaire o il ssent tranger p ar r app or t cequ'il c ro it encore tr e. Ceux queSartre appelle les irralisablesvivent une crise d'identificationt ragique au cour8 de laquelle lesignes ambigus ou manife8te8 deleur dchance physique ne sonsai8is comme tels qu e pa r leregard des autres. Pour l 'individuen effet, l'ge n'existe pas ; laconseence du naufrage nouvient d'autrui. (Edgar Morin 8OUligne hien aussi: l a mor t, c 'e s

    La Quinzaine littraire, du 1" au 15 fvrier 1910

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    INFORMAT IONS

    9baone de . . . .voir

    Anne Fabre.Luce

    Gide el l di......_e

    8ditioll

    Les Disques Lucien Ads (141. rueLafayette, ParlsX') d itent en deuxdisques l'e ssent iel des Entretiensd'Andr Gide avec Jean Amrouche,raliss en 1949 pour la Radiodiffusionfranaise.

    Bruno Roy, diteur l'enseigne deFata Morgana (15, rue Daru, Montpel-lier) annonce la publication de cahierspriodiques inti tuls Sdition. etconsacrs des thmes comme lamort, l'utopie, le sacr', le riv.,l'amour... -. Ils contribueraient cons-truire un ordre insurg en un tempso sont rcuprs Breton et le surralisme, Bataille et Acphale, GilberLecomte et le Grand Jeu", et que,face cette dcomposition, toute&les fuites paraissent de mise". 125personne nommment dsignes, equi vont de Pierre Alechinsky KatebYacine, sont sommes de rpondre cet appel.

    qu'Heinrich vivra dans la solitude etle souvenir amer de ses jeunes an-nes. Pourtant , quand i l apprend queThomas doit subir une dangereuse in-tervention chirurgicale, i l lui tlgraphie son at tachemen t absolu. etl 'Impossibi li t de continuer vivresans lui.

    plans psychologique, physiologi-que, social et existentiel. C'estcela que Simone de Beauvoi r a faitavec la plu8 grande objec tivi tpo88ible dan8 cet e8sai qu'on l ir acomme un roman,A de trs rare8 excep ti ons, cetravail est libre de t ou te allu8ionper80nnelle; les documents rem-placent ic i la biographie. Pourtantchacun saura reconna tre derrirel'objectivit (2) du discours lasingularit d'une exprience etl'universalit d'un destin qui nousconcerne tous au mme ti tre .

    C 'es t peut-t re pa r ce t oubli desoi dan8 l'criture, pa r son engage-ment dans le destin d'autrui, etcet te man i re unique qu' el le ade r es te r con temporai ne d 'e ll e-mme, que S imone de Beauvoi rralise la forme la plus haute dela fidlit soi.

    1. L'uvre de Beckeu e st l a reprsentation ficlive de ce thtre crpusculaire del'homme.2. Le cas de Lamarline payanl ) d'unemauvaise vieillesse son auitude de r ac-tionnaire en pol it ique est tou tefo is t rscontestable.

    Fischer Verlag, Francfort, publie lacorrespondance change durant leurvie par les deux frres Mann : Tho-mas, devenu le plus clbre, et Heinr lch, galement romancier, mais surtout connu hors d'Allemagne par lefilm (l'Ange bleu) que tira Pabst deDer Unterlan, avec Marlne Dietr ich.

    qu'il peut manife8ter pa r rappor t autrui et pa r rapport soi-mmesont des a sp ec ts positif8 de 8acondition ; mai8 ils 80nt malheu-reusement touU8 le plus souventpa r le dsenchantement et l 'amer-t ume i rrmdiables que 8uscitentla dchance physique, l a rvol tecontre la finitude, et le dcalagede l'tre vis--vis de lui -mme etdu monde dans lequel i l survit ,Pour l 'auteu r, l a vieillesse est

    insparable du concept de classedes diverses socits et le scandalede l'indigence s embl e avo ir trelativement pall i pa r des me-sures tatiques dans les pays socia-listes.Ce que ce livre apporte, c 'e st unpoi nt de vue nouveau sur la conti-nuit et la discontinuit de l 'tredans le monde : envisage commeun e phase exi st en ti el le par ti cu-lire dans la total it de la prsenceau monde, la vieille8se se prsentecomme une problmatique globalede l'individu e t non comme l e 8im-pIe dc lin de l'ge adult e. La 8p-cifit de ses problmes se devaitd'tre mise jour et faire l 'objetd'une tude 8ystmatique aux

    Il ex is ta une r ival it et mme unejalousie entre les deux frres ds ledbut de leur carrire, Thomas se montrant le plus agressi f. La Grande Guer-re les vit se placer dans des campsantagonistes, Heinrich s'attaquant aumil itar isme allemand - qu' il avait dnonc dans ses romans - et condamnant la violation de la neutralit belge, Thomas se plaant sans rserveaux cts de son pays en guerre. Plusfondamentalement, ils n'avaient pas lamme conception de la l it t ra tu re :Heinrich la voyai t surtout comme unecri ti que de l 'o rdre social, Thomas luidonnait une porte mtaphysique. Lal ittrature, critiI son fr re, est unevo ie vers la mort. Par cet te voie, i l estpossible d 'a tteindre le ple oppos :la vie". Aprs le riche mariage deThomas, Heinrich se demande si cette mor t qui mne la vie" ne passerait pas, pour son frre, par lesuccs lit trair e comme moyen derussite sociale". Thomas Mann, eneffet, a connu avec les Budclenbrooksun succs qui s'affirme avec TonloKr6ger. Durant la Seconde GuerreMondiale, Thomas trouvera une nouvel le audience aux EtatsUnis, a lors

    appel et une disponibil it qu'ilne possde plus.Le vie il la rd aUronte donc un edouble finitude, celle de sa durepropre e t celle de son histoire sin-gulire.Dans ses rapports avec l'His-

    toire, l 'homme g perd sesi l lusions mais aU8si ses enthousias-mes ; i l t end juger les si tuationsprsentes d'aprs de8 expriencelldont les leon8 sont parfois pri-mes. Il hsite se contester lui-mme, c 'e st - -d ire changerpour r este r le mme . I l semblequ'il vive l'Histoire d u monde l'intrieur de sa propre histoireet qu e le poid8 de celle-ci l'en-t raine irr8is tiblement vers unconservatisme politique.La vie quotidienne du vieillard

    est un alanguissement progrellifde8 appti t8 vitaux. Le8 r80nances8'mou8sent, l'inertie du corps e tde l 'e8pri t contr ibuent lu i don-ne r un e vi8ion creuse , celle del a mor t de8 chose8 dan8 un mondeus pa r son regard. Quand i l n'estpa8 la proie d'ambitions ab8traitesqui redonnent 8a vie un semblantde but, le vieillard 80mbre dansles habitudes et l a rou ti ne scun-8ante qui lu i procurent l'illu8ionde la totalit d'un monde jamai .vanoui. Il entretient avec lesobjet8 de8 rapports magique8 ; ilslui t iennent lieu d'identit, mais8'i1S sont un refuge contre l 'an-goisse, il en 80nt aus8i la 80urcecon8tante car le8 autre8 Il mena-cen t son univers et le8 chose8 qu'ily enferme. Il se sent exclu dumonde des adulte8 et se venged'eux en refusant de jouer le jeu;il se f erme aux sent imen ts , auxprojets et intriorise son draUle.Parfois, se rendant compte quelpoint il est .dsormais libre parrapport a u monde, il adopte desconduites dlinquantes. Il estcelui qu i n' a plus rien perdre.. .

    Pour Simone de Beauvoi r, l avieillesse es t la plup art d u tempsun chec. Seules des circonstancesmatrielles et physiques part icu-lirement fastes peuvent en faireun e russite. En gnral, le fait dedcouvrir que la vie ne va nullepart et que l 'exi st ence n'est aufond qu'une passion inutileplonge l'tre dans la tristesse.Pour tan t, la vision luc ide de cet tedpossession devrait permettrel'authenticit souveraine de celuiqu i se trouve ainsi coup de sesprojets dans le monde. La matriseque donne l 'exprience, la libert

    les autreS)1 dans l'Homme et laMort). L'homme refuse de vieillire t, cont ra irement ce qu e l 'oncroit, ses instincts l 'engagent aussidans ce refus. Pou r l e vieillard, lemonde demenre ro tique, mais sesdsirs deviennent des inassouvisse-ments rpts. Faute d'objet (sondsir tant ni pa r la socit) , i lse rfugie dans le f an ta sme. La libration des instincts qu'onse plat voir dans la vieillesseest un poncif commode dont usentles actifs Il contre des tres deve-nus inutilisables pour eux.

    Par rapport au temps, la vieil-lesse est absence de projet. Toutse situe derrire elle, tel u n en-soiimmuable. E tre vieux, c'est aussitre en perptuel dcalage pa rrapport au prsent et pa r rappor t cette absence de devenir . C 'es tpourquoi les vieillards on t recoursaux souvenirs pour rcuprer un esorte d'identit ; on l es voi t deve-nir les proies consentantes d'ima-ges qu i leur procurent l ' il lus iond'un pour-soi, c'est--dire' d'unavenir pass dont ils ne peuventplus jouir. Mais ce faux avenirsouUre d'une pauvret essentielledue la perte de la m moire quifait s 'crouler l 'difice des imagesressuscite8. Pourtant, c'e8t lepass qu i nous t ient puisque lefutur ne le l ai8se pa8 rejoindreet qu'il gli8se aU88i au pa8s ennOU8 Houant dan8 notre d8ird'absolu et de plnitude d'tre. (1)

    La vieillesse implique aussi unchangement qual it at if de l'avenirpour l'individu. Celui-ci se trouvepris ent re un aveni r l im it e t unpass fig, il ne peu t rien changer cet tat de choses qu i paraitle rapprocher sans cesse d e la purecontingence. Il se trouve dpassp ar l e savoir des autres tandis quele sien fait obstacle son volutionintellectuelle. Le poids fig del 'acquis l'empche de p rvo ir unavenir d'o il sera d'ailleursabsent. Seuls, les grands crateurs,ceux dont l 'art es t indfinimento uv er t (comme la peinture et lamusique) peuvent ra li se r dans lavieillesse le couronnement de leuruvre. Quant l ' cr ivai n, quichoisit l'imaginaire afin de com-muniquer une exprience person-nelle sur le mode de l 'universel,il voit l'inutilit de l'inven-tion. La c ra in te de se rpter,et l 'approfondissement du silenceintrieur qui s 'installe en lui , sup-priment l 'espace romanesque quitait associ un e tension, un4

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    ROMANS L'im.postureFRANAIS

    1ean Cayrol

    Histoire d'une prairieLe Seuil d., 176 p.On crit t ou jours le mmel iv re . Que peu t en effet pro-pager une cr itu re, sinon lesrapports de l 'cr ivain avec lemonde, et son angoisse, sesinterrogations. son espoir?Depuis vingt-cinq ans, JeanCayrol est ce pote, ce roman-cier t raqu qui tente d'chap-per l 'obsess ion du mal enapprivoisant ses souvenirs(ceux notamment de l'uni-vers lazaren de Mauthausen,o il fu t dport en 1942)et ses phobies (la menaceeschatologique que font pla-

    ner sur nos ttes science ettechnique). Entre le gnocidenazi et le pantoclasme ato-mique. l'homme n'a qu'unemarge de plus en plus rduitede scurit, une parcelle-refuge. une. prairie. au senscayrolien.

    Dan s le texte introductif sonroman, Jean Cayrol cr i t : Uneprai ri e, c 'e st un lieu communidal, le l ieu de dpar t et de desti .nation ; le hau t l ieu e t le lieu denaissance; bref, le l ieu dit . Espacevivant et libre, vide et occup, que,la nature emploie faire fructifier,ou dt ru ir e, que les hommes-conservent pour leurs exploits-comme pour leurs dfaites, qu i seconsume de ses propres feux.

    La prairie - cette prairie-l -apparat au premier plan commela patrie convoi te, v io le, dfen-due dans la rage, abandonne dansla rvolte ou la l as si tu de . Ausecond plan, elle est le monde,champ d'exprience et matrice del'humanit. Allant d'un plan l 'autre, le romancier passe gale.men t d 'une poque l 'autre: onse trouve ainsi tour tour dansl'anticipation (aprs UDe guerreapocalyptique date de 1999), dansun p r sen t aux c ont our s fluidesmais aux allusions prcises (Ausch-witz, l e V ie tnam, l e Biafra), dansun pass de p rhi st oi re ou deguerres, de conqutes, de dpr-dations et de dynas ti es eur o-pennes (Franois 1"", Henri VIII).

    La squence d'ouverture me t enscne un garon nomm Jo etIrish Closet, fi lle de globe-trotter,

    bavarde et fofolle, installs l 'un etl 'autre sous des arbres dont lesramures sont en matire plastique,d on t la c ime est un radar et dontles nuds, su r les troncs, serventd'couteurs. Par terre, une verdure drisoire, achete au mtre,en crylon, de haut-parleurs nasillant longueur desoire des lettres d'amour pourmilitaires en danger. Ainsi, laprairie de l 're post-atomique etspatiale : un univers dsol, st-rile, su r un qui.vive perptuel, mentalit concentrationnaire.

    UDe ohute.peotaoulaireVient ensuite, en flash-back,

    une chute spectaculaire : celle deJo - second Icare si on ent endla ch ute au sens propre; Adamdchu si on l'entend au figur -suivie du mar iage du hros (atmos.phre p ay sann e, saine b ri t ,nourr iture e t pouse plantureu-ses), soudain interromnu pa r lecrpitement des mitrailleuses : lague rr e, que les buveurs viennentde stigmatiser, r avage mai son etcultures. Jo, spar de sa femme,s urvit, da ns un monde d'appa-rence prhistorique. I l est pourvud'une nouvelle compagne : Lna,mais ne doi t son salut qu' l'oubliet l 'anonymat . L'His toire s'ins-tallant dans l 'apocrYDhe, malfonde, anormale, et rduisant sesdjs tances , ses diffrences, Joest en que lque so rt e annul. Per-sonnage tvpiquement cayrolien, ilrevi.ent de loin, avec des gestesf lo ttants de ressuscit, et ces yeuxgars de qu i a vu l'envers de lavie.Nouveaux avatars. D'un cheval

    de boi s aux flancs creux jaillit un earme de soudards qu i veulentenlever Lna. Contrefaon mytho.logique.. Des Peaux-Rouges lan-cent des f lches s if fl an tes. .. Desfumeurs de hasch isch s'installentau beau milieu de la prairie.. .Imagerie enfantine et journalisti-qu e : c 'e st p re sque l a bande des-sine, drision de l a c rat ion lit-traire. Le cheval de Troie, la belle Hl ne (Lna ), les In -diens d'Amrique? De l'hrosmepa r procuration, pour Jo; un eferie qu i se droule sous ses yeux,dont r ie n n 'e st c rdi bl e s inon l esymbole : l'ternel comhat del 'Ange contre la Bte.

    Jean Cayrol, pa r Vasco.

    .Dans une scne presque insou-tenable, Jsus s'avance au-dessusdes g ramines , t enan t e nt re sesbras son pre, corps osseux, recro-quevill su r lui-mme. Il l'avaitramen du camp de Mauthauseno, reconnu comme Juif, il avaitt supplici. Une pancarte pen -dait son cou , o tait calligra-phi en lettres gothiques: Joseph,Juif suicid. Pou r n ou rri r lafoule titubante de tous les affams,de tous les e str op i s, d e t ou s lestorturs de l'Histoire, Jsus mul -tiplie des pains et des poissons,l esquel s, pchs sans doute dansla mer nippone, ou Palomares,et contamins pa r radioactivit,provoquent des morts atroces .. .

    De tmoin, JOO se fait a lo rs dnonciateur. I l dplore, accuse, r i-diculise pa r un travestissementd'une noire ironie. Sur des pancar-tes fiches en terre, il proclame :Qui trop embrase mal teint, ou : Situ veux la paix, prpare en salmisla colombe. Ap rs le passage deJsus, il parodie le Sermo... sur lamontagne : Bienheureux, les rac-teurs de type amricain uraniumenrichi! Bienheureux, le s t es ti -cules en f ibres acryliques ! Mal-heur aux ordinateurs qui on t destrous de mmoire! Saint BellTlphone, priez pour nous !

    Jamais vision plus pessimiste nenous avait t donne pa r J e.anCayrol. Cette Histoire d'une prai-rie nous apprend que Dieu es tmort, que la terre es t un universde totale, sans rdemp-

    tion poseible. Du paradis originelil ne reste qu e certains momen ts , pa r exemple q u a n dl 'homme jette su r l e sable f in lafemme qu'il aime, ou sur un talusou dans le lisr d'un champ, lalaisse macrer ses baisers el'ouvre son soleil .. . L'ternites t une paille terrestre qui pourr it v ite , et l 'homme luimmn'est qu'une chimre ou du f oin , ne s'organisant que poudtruire , toute terre qu i n' a patrahi son idal, libre d'interprteellemme ses balbutiements et lanaissance de ses semailles. De laprairie qui nous fu t donne enpartage, nous avons fait un charnier. Comme Jo , nous pouvonsabandonner la partie, brader ledomaine en cr ivan t l'entrecc Terrain vendre. Libre desuite. Et filer vers la lu ne. Detoutes les solutions finalesencore la moins mauvaise .

    A un autre niveau de lecture , laprairie sans cesse dtruite et re-naissante peut figurer le texteromanesque qui , se corrompanau fur et mesure qu'il se crecompose et dcompose une dissertation dont l'expos est draisonnable, les arguments primsla conclu.sion, une redite. Si le mots sont aussi des demeures - comme l'affirmait le t it re d 'unrecueil de pomes pub li en 1952par Jean Cayrol - ils peuvendevenir un e prison. L'crivainrefusant de s' y enfermer, les mineTous le s moyen s lui sont bonsNous l'avons vu u ser d e l a parodiet de ) a con tr ef acon . Le strotype, ) e c li ch , dvoys de leusens, lu i servent de dynamiteSans oubl ie r l a confronta tion explosive de mots voisins et diffrents (

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    B O I I A N S U ne trilogiekazakh

    .

    Hemingwaya laiss dans ses papiers posthumes un roman de science-fiction. Sa veuve vient d'annoncer que ce livre paratra bientt.En mme temps, elle a dclar que la correspondance d'Heming-way, fort importante, ne pourra tre publie avant de nom-breuses annes.Albert Speerministre de la production allemand pendant les dernires annesde la guerre, qui avait t condamn vingt ans de prison auprocs de Nuremberg, vient de publier ses mmoires qui jettentune lumire nouvelle sur ces annes terribles. En Allemagne,son livre a dj vendu 150.000 exemplaires et aux Etats-Unis,les deux plus grands clubs de livres, le Book of the monthclub et la Literary Guild ont choisi - fait sans prcdent -ses mmoires comme leur livre du mois, ce qui lui assureun succs immense. Ce volume sera publi en France parStock.Les matres d'aujourd'huies t une nouvelle collection qui parat en Angleterre et elle seraconsacre aux penseurs les plus Influents de notre poque.Les cinq premiers volumes traitent de Camus, Lvi-Strauss,Marcuse, Guevara et Fanon. Les cinq prochains seront consacrs Chomsky, Freud, Lukacs, MacLuhan et Wittgenstein. Cettesrie sera publie en France par Robert Laffont.Harcourt, Brsce,un des plus Importants diteurs amricains, vient d'acqurirdeux maisons d'ditions scientifiques en Europe. Il s'agit d'unditeur allemand et d'un diteur sul,se.

    Abdjamil NourpissovLa saison des preuvesAdapt du k az akhpa r Iouri Kazakovtrad. pa r Lily DenisGallimard d., 312 p.

    Depuis plus ieurs annes dj,les productions cuturelles en pro-venance d'U.R.S.S. s'efforcent deprsenter un panorama pluscomplet de l 'Uni on toute entiremme si l es l iv res originaires deRussie forment encore la majorit .Citons, entre aut res, dans le do-maine cinmatographique, le fiJmturkhmne, l'Epreuve ou l'intres-sante Chute des feuilles d'originegorgienne. Toutes ces uvrestmoignent d'une couleur origina-le, mariant la fois les exigencespro-sovitiques et l'expressiond'un ar t neu f bien que profond-ment enracin.Ce s on t l d 'a il le ur s les carac-tristiques premires de la trilogiedu romancier kazakh AbdjamilNourpissov dont nous connaissonsmaintenant deux volumes : le Cr-puscule et au jourd 'hu i la Saisondes preuves. Pour fixer lesesprits, rappelons que la rpubli-que kazakh est situe au sud-ouestde l'U.R.S.S. et qu'elle es t aussiinconnue du Moscovite moyen quedu Parisien. Si bien que l 'exotisme

    A L'ETRANGER

    qui n 'est pas l 'un des moindresattraits de ces romans joue autan tpour nous que pour le lecteursovitique. Du r es te , L ily D enisdont on sait les qual its de traduc-trice, les a adapts du russe aprsque le romancier Iouri Kazakovles ai t lui -mme t ranscr it s duKazakh.Ces romans sont d'abord la chro-nique d'un groupe de nomadesgardiens de troupeaux. Nous som-mes, quand s'ouvre le roman, en1914 : force d'tre maltraitspa r les notables kazakhs , ils on trenonc parcour ir la steppe qu ili: Heure l'absinthe amre pourdevenir pcheurs su r les bords dela mer d'Aral.

    Les rivalits des clans, l'exploi-tation des hommes pa r les propri-taires de la pcherie, l a d omin a-tion brutale des ba s (Kazakhsriches), tels sont l es lments decette fresque amre , de ce tableauaux couleurs sombres de la ralitkazakh jus te avant la Rvolution.Si Nourpissov insiste sur la condi-tion fminine, c 'e st p eu t- t rep ar ce que celle-ci est le sibrne leplus ne t de la ralit sociale dupays : la polygamie tant de rgledans ce monde clos su r lui-mme,ni l'pouse mal-aime ou dlais-se, ni les enfants n'ont le moindrerecours.

    Tous ces hros sont-ils irrm-diablement condamns tre et

    n'tre qu e des victimes impuis-santes e t cr as es? Le prochainvolume nous donnera la rponse e ton peut deviner q ue la Rvolu-tion sovitique apportera des am-liorations consquentes.

    L'important n 'est pas l . L 'im -portant est dans cette sve quicircule tout a u lo ng d e c ette chro-nique, dans cet lan qui la tra-verse, dans la puissance qui l a sou-lve. Je ne prendrai commeexemple que le personnage d'Ela-mn : c'est un simple pcheur,pouss pa r les vnements pluttque les provoquant, ballon auxmains d'Allah. Pourtant Nour-pissov en fait le contraire d'unecaricature : le hros garde tOUejours sa d igni t d'homme et sonporirait es t hauss au niveau del'archtype. On pense au portraitd u ju ste dans la Maison 'de Ma-triona d'Alexandre Soljenitsyne.Son histoire tourne l'popelorsque Elamn, sous l'effet de lacolre, commet un meu rt re et es tenvoy en Sibrie. L'admirablees t dans le mlange ra li s pa rNourpissov de lyrisme et de di-dactisme moral. En Sibrie, ildcouvre un autre monde quis'veille l a pol it ique . Il com-prend que son aoul n'est pas leseul souHrir et que l'injusticergne partout. Priv de femmecomme de travail, il prend cons-cience de s.a condition et , sonretour, il avait compris que sonpeuple ne pouvait pas continuer vivre sans fai re sa propre rvo-lution. Et la Rvolution, a s 'ap-prenait chez les Russes . Ce qui,du reste, l'poque tait vrai.

    Qu'en notre xx sicle, l 'heurede Joyce e t de Fau lkne r, l 'heurede la destruction des formes, un etelle littrature qu i se fonde uni-quement sur l e lyr isme interne , surles racines reliant un crivain etune terre ingrate, qu'une tellelittrature puisse nous mouvoirpa r sa simplicit mme n'est pasle moins par adoxal de ce beauroman. Prs de Nourpissov, noscrivains dits d e n at ur e J) sem-blent sophistiqus. Il s'agit vrai-semblablement d'une sorte de lo-g ique des l i ttratures dont le m canisme n' a encore jamais ttudi. En d'autres termes, pourl 'ouv rage qui nous occupe, peut-tre peut-on conclure schmati-quement que t ou te littrature na-tio na le, d oi t fatalement, sesdbuts, produire ses Gorgiques...

    y olancle Caron

    1Iouri Tynianov.La mort du Vazir-MoukhtarTrad. du russepa r Lily DenisGallim.ard d., 544 p.Auteur, avec Roman Jakobson

    d'nne thorie de la littrature ras-semblant l es t h se s des li: forma-listes russes, Tynianov est l 'undes prcurseurs considrer la lit-trature comme un phnomnespcifique, relevant d'une scienceautonome.On peut l ir e les uvres de fiction

    d e Tyn ianov sans r ien connat redes id es d velopp es da ns lescrits thoriques , comme Archaques et Novateurs, Dostoevsky etGogol. Cependant, certains textereproduits dans Change per-mettent d 'apercevoir le sens queTynianov donne l'ironie. Il dfi-nit la parod ie comme l a drisiond'un genre littraire pa r son antiphrase, permettant de f ai re saisirle passage d'un mode d'expressionau suivant, la naissance d'unef orme nouve ll e pa r destructiond'une forme ancienne. En outre, isout ient que c 'es t l 'tat du langagequi fa it la socit, la structure fo-dale de l 'Empire russe et les vicis-s it ud es d e l'Histoire s'inscrivant, leur tour, dans les avatars dudiscours. Dans le Lieutenant Kij,la transcription d'un copiste mala-dro it donna it naissance un offi.cier qu e l 'arbitraire d 'une dcisioncondamnait la Sibrie. C'e st auniveau de la parole crite e t pa rl eque se t rouvai t l e l ie u d'une d-portation abusive.

    UD e vas t efresqueLa Mort du Vazir-Moukhtar est

    un e vaste fresque historiquesitue, comme le Disgraci, sous ler gne de Nicolas 1er , l 'apoge duromantisme russe. Pouchkine estalors dans toute sa gloire. Le perosonnage principal est un po te ediplomate, Alexandre Griboiedovbal lo tt d 'Occ iden t en Orienpe ndan t l'u lt im e anne de sonexistence. Il est l 'a ut eu r d 'unecomd ie c l b re, le Malheurd'avoir trop d'esprit, qui ne seraj amais reprsente de son vivant.

    Au printemps 1828, il arrive Saint-Ptersbourg, de P er se o iconduit les pourparlers qui abou

    tiront la paix de Tourkmantchacependant qu'une autre guerre s

    6

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    Portrait de l'aen diplomateprpare contre les Turcs. Les am bitions russes su r la Transcaucasieon t t e n partie attises pa r l'An-gleterre qu i joue des rivalits entrep rin ce s p er sans prtendants autrne, pour pouvoir, sa guise,consolider son tablissement dansles Indes.

    Griboiedov espre que le sout iende l'influent Paskevitch, commandant en chef de l 'a rme du Cau..case et favori de Nicolas 1er , lu ipermettra de conve rt ir l e Tsa r son ambitieux projet : c r er uneeompagnie orientale, sous la forme.d'une socits de capitaux, chargede la mise en valeur de la Gorgie.n en serai t le directeur . Mais il a.compt sans la mfiance hosti le dutnbreux Nesse lrode, cet Alle-mand contrefait dont Nicolas l' " afait le chef de sa diplomatie.Griboiedov est compromettant c ause de ses sympathies pour lesDcabristes, ses ides librales, sacausticit frondeuse. En effet, troisans p lu s tt, le 14 dcembre 1825,place du Snat , clat ai t l a rvoltede r giment s mutin s q ui seraaffreusement rprime. Tous ceuxqui o nt p ar tic ip l'insurrectionseront condamns la forteresseou la maison des morts.

    Pourtant, ds son arnvee Saint-Ptersbourg, Griboiedov, gri-s pa r le succs, recherch parles salons et les jol ies femmes,Illonge dans le tourbillon de la viemondaine. Et nous gotons un vifplaisir, comme dans Guerre etPaix, au spect ac le d'une socitbrillante. Mais s'il le couvred'honneurs, l e pouvoir n' a rien de

    Grand prix de posiede Provence

    Sous le haut patronage de M. AndrChamson, de l 'Acadmie franaise,l 'Acadmie potique de Provence vadcerner ses Grands Prix, ce t t auchteau de Lourmarin, v il la Md ic isde la Provence : Prix de 500 F pour leManuscr it d 'un jeune pote; de 250 Fpour un Essai; de 125 F chacun pourdes Recueils de vers classiques etnon traditionnels.Rglement demander d'urgence auprsident J. Mompeut, 04 - Moustiers-Ste-Marie. Joindre enveloppe timbre.

    Le VII' Jeu des Troubadours. auralieu seulement en 1971.(Communiqu)

    Le hros du roman de Tyn ianov :l'crivain-diplomate Griboedov,auteurde Malheur d 'avoir t rop d'esprit ll.plus press que d'loigner Griboie-dov. Conseiller dil Collge, c'est--dire at tach d'ambassade, il estlev au rang de Conseiller d'Etat,pri de re joindre rapidement sonnouveau pos te , auprs d'Abbas-Mirz.a en Perse, a fin de ve ille r l'excution du Tra it qui prvoitla leve des kourours (monnaiep er sa ne) d on t la Russie a le plusgrand besoin pour mener sa cam-pagne contre la Turquie. et la res-titution des migrs poli tiques etdes dserteurs.Rendu sa solitude, Griboiedov,

    figure de l'artiste grandi pa rl 'chec , rejo in t petites tapesles routes du Sud . Tif li s, Tebriz,Thran , Homme en exil , mcon-nu , n 'a yant p ou r foyer que lapoussire de ses bottes , fai sant sasocit des hommes et des femmesde rencontre, il approfondi l 'nig-me de l'artiste face son des ti n.En mditant su r le sens de la vie,l'amour, la mort, le bonheur et ledchirement d'tre. Son accent fai tl'originalit de cet te uvre, sa for-ce et sa grandeur. La dsillusion senourrit d' ironie , le t ragique affleu-re sous le voile de l 'enjouement etdu dtachement . La t en ta tion del'Orient es t le mirage d'un potequ i mprise les contingences

    quand elles ne son t pas la mesurede son imagination.

    Nesselrode et Nicolas 1er , quiignoren t l e dlabrement conomi.que, les querelles intest ines o sedfait l'empire des Kadjars, som-ment le Vazir-Moukhtar de rejoin.dre Thran, d'obtenir du Shahl'assistance financire dont Paske-vich a besoin. Mais l'Angleterrea fait tenir en sous-main au Shahd'Iran la promesse d'une allianceturque, s'il refuse de cder auxexigences russes. Et c'est ainsi queGriboiedov pris dans les rets d'unepolitique sur laquelle il n' aaucune prise s'achemine vers sondestin. Des intrigues de s ra il la cour du Shah provoquerontl 'meute o il prit.

    Le t rait de Tourkmantcha , aurespect duquel il a veill avec unpoint d'honneur absurde e t dses-pr, est donc la paro le qui a d cid du cours des choses. Lui, lepote libral don t l 'uvre ridicu-lise l'obscurantisme des Romanov,est la vic tim e des cap ri ces de latyr anni e. D 'o la ds il lusion quimarque les derniers jours deGriboiedov.

    Tynianov a orgamse son romanpique en squences rapides, saisiesau vol, qu i expriment admirable-

    ment l'effervescence qui cou rt surla terre au-del du sens profond qu iinforme les manifestations de lavie. Le df il des hommes et deschoses vues procurent un enchan-tement qui ne se dissipe jamais, etpar les yeux d'un infatigable potese dploient l'acclration, le bouil-lonnement somptueux de l'Orient.Le pouvoir visionnaire de Tynia.

    nov est servi pa r une rudition La conna is sance d esdesseins de la politique russe , desdtours anecdotiques de l'Histoire,le tableau raffin de l'Empire desKadjars donnent cette vocationune prcision envotante. Maisj amai s Tyn ianov ne s' es t p roposde restituer l 'histoire dans sa vrit . Ca r selon lui, dans le tissuser r des fai ts , accde l a d igni td'vnement ce qu i a t nommdans l a pouss i re de signes innombrables. Alain Clerval1. Avant la Mort du Vaz ir -Moukhtaron avait pu lire, en franais, deTynianov : le Disgraci, roma n et leLieutenant Kij, nouvelles, dans lamme collection, aux mmes dit ions. LaMort du Vazir-Moukhtar a rcemmenobtenu le prix Halprine-Kaminsky poul a bel le traduction de Lily Denis.

    La Quinzaine littraire, du 1- au 15 lvrier 1970 7

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    uiest-ce?Pierre Bourgeade a rencontr un certainnombre d'crivains qui il a pos desquest ions inusites. Elles ne se rappor-tent ni leur vie ni leur uvre, mais

    ce, qu'Ils ont en eux de cach, de secret ,d'imaginaire, ce qu'en somme, il s ont faitpasser dans leurs ouvrages, sans toujoursen tre conscients, et qu'ils n'auraient pastoujours envie de rvler.Il y a'l(ait l, pour la Quinzaine littraire,

    la poss ibil it d'un jeu. Oui est l'crivainrencontr par Pierre Bourgeade?le s lecteurs qui nous envo ient une r-ponse juste, dans le dlai d'un mois,bnficient d'un abonnement de troismois (ou, s'ils sont abonns, voien t leurabonnement prolong de t rois mois). Ceuxqui auront dcouvert tous les crivainsinterrogs (ou presque tous) recevrontde la Quinzaine littraire un cadeau.

    le s crivains interrogs jusqu' prsenttaient Franois Mauriac, Andr Pieyre deMandiargues, J.M.G. le Clzio, NathalieSarraute, Eugne Ionesco, Pierre Klossow-ski, Raymond Oueneau, Marguerite Duras, Roy, Joyce Mansour.Oui rpond aujourd'hu i aux quest ions dePierre Bourgeade?

    tPierre Bourgeade. Ouel estce jeu?X. D'abord une forme, Iciparticulirement dgnre, depome, qu'on pourrai t san sdoute un peu mieux Identifieren dnombrant les questions etles' rponses et en s'interro-geant sur leur rpartition; maison ne serai t pas vraiment plusavanc aprs. Ensuite, c'estaussi une sorte de centon, ouun driv lointain du cadavreexquis.P.B. Vous avez eu desvisions?X. If Y a quelques annes,oui, dans une grot te du Valais

    (Suisse), le grand saint Bernardm'est apparu dans toute sasplendeur. Rien ne saurait expri-mer l' mot ion qu'alors je res-sentis.P.B. Vous sentez-vous dansvotre tat normal?

    P.B. Ou'est-ce que le mondesi ce n'est cette chose que nousportons dans le cur?X. Ce sont (entre autres.mais cet entre autres finit par

    devenir primordial) des encyclo-pdies et des dictionnaires, toutun rseau de livres, quelquechose comme un gigantesquepuzzle que l'on passe son temps faire et dfaire; c'est--direencore une fois un jeu, mais unjeu terrible: on a bea.u essayerd'en comprendre les rgles, on.sait d'avance que toute stratgienous conduira invitablement la dfaite. (1/ existe quelquechose pourtant qui ressemble une parade: c'est une phrase de8

    Kafka (je cite de mmoire) :. c Dans le combat entre le mondeet toi, seconde le monde . Maisje pense qu'elle est d'une appli-cation difficlfe.)

    P.B. Pourquoi pleurez-vous?X. Je ne pleure plus guredsormais.P.B. Pourquoi le sourire deMona Lisa tait-i l la plus myst-rieuse de toutes les expressionshumaines?X. L'tait-il vraiment? Ce quime plat surtout dans la Joconde,c'est d'abord qu'on ai t pu don-ner quelques centaines d'expli-cations sur son sourire, dontun nombre non ngligeable dethses de mdecine (/a Jocondeavait une crise de foie, la

    Joconde tait e n c e i n t e, laJoconde avai t t rcemmentopre d'un bec-de-livre, laJoconde tait un homme, laJoconde tait muette, la Jocondetait dente, etc.), ensuite etsurtout , que, depuis p lusieursannes, les travaux de jocondo-logie et de jocondoe/astie aientfait des progrs suffisammentfoudroyants pour rendre inutiletoute contemplat ion de l 'or igi -nal: la Joconde tient mainte-nant dans la peinture peu prsle rle que la vache 10 tient dansles mots croiss, ce qui n'estvraiment que justice si l'onconsidre la ccit peu prstotale laquelle on est condam-n en face du tableau.p.s. Si on teignait le plafon-nier? D'accord?

    3P.B. Oui, vous connaissant,croirait que vous aimez lafoule?X. U'n de mes hros favoris(un.personnage, bien sr, de fic-

    tion) a di t fort justement (enanglais, mals je peux traduire) :c J'aime l'humanit; ce sont lesgens que je ne peux pas blai-rer. . Pendant trs longtemps,une de mes ambit ions les plustenaces a t de devenir parfai-tement asocial. J 'avais des dis-positions. Mais a me demandaittout de mme des efforts consi-drables et finalement j' y ai peu prs renonc.

    P.B. Mais comment diableavez-vous pu gaspil ler ainsi desmouches?X. C'est le mtier qui veuta. If y a beau y avoir six pattespar mouche, c'est par milliersque nous devons les amputer sinous voulons arriver crirequelque chose qui se tienne.P.B. Avez - vous que 1quechose ajouter?

    4P.B. Ulysse n'esti1 pas, avecses plans, ses horai res et sesprcisions, la splendide agonied'un genre?X. Voil une question commeje les aime. Elle est si belle quece n'est mme pas la peine d'yrpondre. Elle est mme un peutrop belle. En fait, elle ne veutpas dire grand chose. S'il s'agitd'Homre, les plans, les horaires

    et les prcisions d'Ulysse nemesemblent pas y avoir une telleimportance (s'il s ' ta it fi l'inspiration du moment, a n'au-rait rien chang: tout taitprvu, mme la mto); s'ils'agit de Joyce, parler d'agonieet de splendeur me parat d'unebanalit futile.P.B. Pourquoi Achille dpas-se-t-il la tortue?X. C'est un, problmed'arithmtique: Achil le mesure

    '1,80 m et la tor tue seulemen40 cm (ce qui est dj pasmal pour une tortue): Achilledpasse donc la . tortue de :1,80 - 0,40 = 1,40 m.

    P.B. l'histoire de Bouvard ePcuchet est-elle d'une simpl icit trompeuse ?X. Trompeuse, en effet, c'esbien le mot qui convient. Je n'endonnerai comme exemple que lepremier paragraphe du l ivre ( jecite encore de mmoire et il ya un adverbe dont je ne suis pastrs sr) : c Comme il faisaitune chaleur de 33 degrs, leBouvard, bourdon, tait compltement dsert.. On en dduiimmdiatement que voi l l unMonsieur qui, vu la tempratureambiante, a le cafard et se senvide. Or ce n'est pas ausssimple et mme la suite du livreprouve que c'est exactement lecontraire.P.B. la vie est-elle une mala-die de l'esprit?

    &)P.B. Ouels crimes le condUi-sirent au bagne maritime etquelle foi lu i permit de souleverla montagne?X. Un ange, un nom, un rvel u qu' il osa estimer, un Ulysse,une Ophlie, un mir, un Pyra-

    me, un gabelou, une hrsie,une noce, un semis?P.B. Pourraisje, dans vingtans, dcouvr ir au bord de lamer un promeneur couvert d 'ungrand manteau, lui parler del'Allemagne et de H it le r, trebrusquement saisi de panique,soulever les pans de son man-teau, voir sa boutonnire lacroix gamme, et bgayer:

    Alors, Hitler, c'est vous? X. Non. Hitler, s'il existe, est

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    Andr Pieyre de Mandiargues

    La Joconde et le sourireAelaille et la tortue.Hitler et les singes

    devenu chauve et borgne. etvous l'auriez tout de suitereconnu.

    Shak peal'8 paul

    POEMESELISABETHAINS120 des plus beaux textes de la posie mtaphysique etamoureuse choisis, traduits et prsents parPHILIPPE DE ROTHSCHILDPrface d'Andr Pieyre de .andlargue.Introduction de Stephen SpenderUn tour de force,qui nous vaut une nouvelle reprsentation mouvante,musicale et"colore d'aprs le jeu original. Des miroirs o la posie anglaise se p;olonge en reflets d'images et en chos de sonorits d'unevirtuosit souveraine.

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    P.B. J'ai ador des amantsdont l 'un ava it des oreilles cou-pes, un au tre un lger bgaie-ment , un autre trois doigts cou-ps. Dois-je voir l l'origine demes perversits amoureuses?X. Est-il vrai que j'aime lesmonstres? Un, peut-tre. Maisje ne crois pas que ce soit unmonstre. JI faudrai t chercherail leurs l 'origine de mon got(prononc) pour les tratolo-gies li ttraires.P.B. Qui tes-vous?

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    Le jour o les troupes russes envahirent la Tchcoslovaquie, en aot 196B. on a pdire que Moscou jetait sechars contre les mots, les milions de mots qui s'taienmis grouiller dans le beaprintemps de Prague. Et cetes la formule est excessivemais il est vrai que depuiplusieurs annes la paroltait entre en insurrection Prague, elle tait sortie dses souterrains et de ses cachots et e ll e ava it ravag lsocit stalinienne.

    Les mots avaient dferlcomme une mare, il s avaietout emport sur leur passaget, dans les dcombres devieille charpente, d'autres moavaient succd pour remplacele systme dur et glac du stalinisme par un socialisme quet respect la face humaine

    De l'aventure de ces motde leur rvol te et de leur fteplusieurs l ivres tmoignent ajourd'hui. L'un des plus mouvants (1) prsente le compterendu du congrs tenu par le P.C. tchque b,arbe des Russes. partir d22 aot , dans une usine dsafecte. Ce l ivre est beau. l'austrit des discours y est sancesse brise par les chos dl 'orage qui tourne sur l e pays

    Un second l ivre (2) , cr it paPavel Tigrid (exil, lui . depu1948) dessine J'insol ite figurde Dubcek, cette espce dsaint gar vingt ans dans lstalinisme, homme innocent, puet faible et qui obit la passion de Prague plus qu'il negouverne. Un troisime ouvrage (3). enf in, nous donne entendre les mots eux-mmes. lepremires paroles de ce discours qui devait dclencher J'insurrection.

    C'est un journaliste deLiterarni noviny, Antonin liehmqui a organis le volumel iehm, bien avant le printemp68. appartenait cette brigadd'intellectuels qui refusai t lvisage devenu monstrueux dstalinisme. Entre 1966 et 196Bdonc, il interroge ses amis. Beaucoup ont le mme ge que lula quarantaine. comme Kundera

    seconde p art ie d u livre, l'AmpleRegard. La foule ne nivle pa s lesindividualits, elle ne les confond,ni ne les diminue : elle les rvle.Loin de s'y perdre , le pote s'ydcouvre un je multipli :

    Doucement tu drives.Tu vas sous la pousse berceuse,Comme balanc, calm.Et tu entends une rumeur dense,Comme un cantique assourdi.Des milliers de curs font un seul

    curQui t 'emporte .On ret rouve ici l'enthousiasmed'un Wal t Whi tman , chant re dela vie unanime, prt embrasser

    aussi d'autres cieux, d'autres cli-mats . Cela n' a cependant r iende dmesur ; le pote n'est pa sdestin n'expr imer que des sen-timents et des motions publiques.Comme chac un d an s la foule, ilest res t un individu, et c'est dansc et te mesur e qu'il peu t chant erpour d'autres individus, pour. tous.Si le pote chante pour tous (Elpoeta canta por todos, titre dupome dont nous avons extrait let!vers prcdents) , c 'est grce l'amour, amour, paisible sjoursilencieux permettant de regar.der, voir, sentir, pntrer, commu-nier, couter . Etre, tre, exister .Le pote est le visiteur inspirchez les autres hommes, mais c'estchez lui, dans ses motions privesqu'il trouve les pomes qui on t leplus d' impact: retour au Regardde l 'enfant comme p lu s t t dansOmbre du Paradis, ce pome samre ou ce pome bouleversant la femme vieillissante :

    Serge Fauchereau

    Et maintenant je te regarde.Soudain de derrire toiJe t'ai regarde.

    Quel long regard tu as jet aumiroir o tu te fais.Tu n' y tais pas. Et une femmeseule, fatigue,Lasse comme par une longue

    veille qui durerait toute la vie,S'est regarde dans le miroirEt s'y est reconnue.On atteint l l 'autre extrmit

    de l'Histoire du Cur. On s'estachemin travers l'enfance etl'ge d'homme vers la vieillesseet le Regard final. C'es t toute unevie en un livre que VicenteAleixandre a droule pour lelecteur.

    jours scrupuleusement agenc, defaon former une suite continueayant un commencement prcis,une fin ncessaire. Il y a peu dechances qu'un choix anthologiquepuisse jamais prsenter la posied'Aleixandre de faon satisfai-sante.Tout au long de son uvre , lethme essentiel d'Aleixandre,c omme de tant d'autres surralis-tes, a toujours t l'amour. Leprsent l ivre s 'ouvre donc sur unesuite de pomes consacrs au re-gard partag, l'amour, tumulteet paix:Lorsque tu es couche ici,Dans la pnombre de la chambre,Comme le s ilence qu i rgne aprsl'amour.Je monte lgrement du fond demon reposJusqu' tes bords tnu.s, ternes,Qui doucement existent.Et de la main je repasse les limitesdlicatesDe ton tre en retraiteEt je sens la discrte vritmusicaleDe ton corps qui, il y a un instant,En dsordre, comme un feuchantait.Or pour Aleixandre, l 'amour del'h omme et de la femme c'estaussi l 'amour de tous, principe

    vital, principe social : De l 'hori.zon d'un homme l'horizon detous, disait Paul Eluard dont lenom rev ient sans cesse l'espritlorsqu'on li t Histoire du Cur. Lepote n'est pas celui qu i regardeIl sueurs et peines, et tracas, etla foule , il entre dans la foulecomme un nageur dans la mer,mtaphore r('urrente dans la

    IOUscrit un abonnemento d'un an 58 F 1 Etranger 70 Fo de six mois 34 F 1 Etranger 40 Frglement joint paro mandat postal 0 chque postalo chque bancaireRenvoyez celle carte

    M..ur-vm.Da"

    1Vicente AleixandreHistoire du curtrad. et prsentpa r J. ComincioliEd. Rf'!ncontre, 160 p.N en 1898, Vicente Aleixandre

    appartient une gnration dontles noms de Lorca , A lber ti ouMiguel Hernandez nous sont fami-liers. De tous ces potes, il es tcelui q ui est le plus proche d e nossurralistes, ses contemporains.Ses premiers recueils, et parti-culirement la Destruction oul'Amour, en 1933, laissrent dfer-le r une profusion d 'images i rr a-tionnelles alo rs u ni qu es da ns laposie espagnole; seuls, les Sud-Amricains Cesar Vallejo et PabloNeruda travaillaient dans cettedirection. Puis ce fut la GuerreCivile ; la posie espagnole en fu tdvaste : de ses meilleurs potes,la plupart furent tus ou exils.VicenteAleixandre, l 'un des rares,resta en Espagne ; i l laissera pour-tant s ' coul er d ix annes avantde publier un nouveau recue il ,Ombre du Paradis, en 1944. D'au-tres volumes al la ient suivre, dontHistoire du Cur, tablissantAleixandre comme l 'un des plusgrands potes en langue espagnoleaujourd'hui.Au lieu de prsenter un choix

    de pomes tirs des diffrents re-cueils du pote, le traducteur achoisi de traduire la totalitd'Histoire du Cur. C'tait agirsagement puisque cette uvreoccupe une place centrale dans l aproduction d 'Ale ixandre C 'tai tsurtout r es pe ct er l a volont dupote dont chaque recueil e st t ou -

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    Liehm: l'intellectuelfait exploser les mythes

    I Quinzaine littraire, du 1- au 15 /vr!r 1970

    Eduard Goldstcker.

    Je crois mme qu' Praguecertains ont souponn les crvains d'ambitions politiques. Laliste d'un soi d isant ministr:avait t, il Y a longtemps, citpar la radioPrague, avec poupremier ministre Goldstcker epour ministres peu prs lehommes que vous avez interrogs?

    la fin de la Russie des Tsars, lparole de Tolstoi, mme cellede Oostoievsky, deviennent proles politiques, comme auJourd'hui, dans le dsert du stailnisme, celle de Soljenitsyne.

    A.L. Voyons, ce n 'est pas sr ieux, tous ces gens-l, Il s n'avalent d 'autre souel que de quitte r la place publique et de r..trouver un statut d'crivainVous savez, au printmps 68J'ai rencontr un cinaste trsengag et Je lui al di t : Bienmaintenant, qu'est-ee que tu vasfaire quand tout est permis? et lui Nous avons fait notredevoir. Enfin, Je vals pouvoime replie r, peut-tre faire unfilm sur l 'amour -.I l faut ajouter cependant quel'histoire tchque a prpar lescrivains partager le combapolitique. Je m'en explique danle livre mals, en gros, disonsque la Tchcoslovaquie est leseul pays europen qui, partidu dbut duXvue sicle' n'aipas possd de noblesse natlonale. En Tchcoslovaquie, ,c'esla culture qui a pris cette placeds la fin du XVIIIe. Nos crtvains ont donc une longue habitude d'tre au service d'u..._ cause, le fusil l'paule. Cela .provoqu des consquences

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    Milan Kundera.

    t is te est anarchiste. Il est l'en-nemi des pouvoirs, de tout cequi est tabli, Il prospecte l'inconnu. Sa morale est trangre celle de la collectivit. Il peuttre hippy ou bien v ivre commeun duc, Il peut tre un mariexemplaire ou avoi r v ingt fem-mes, il occupe une situati onsingulire et solitaire.

    Seulement, I l ar ri ve des mo-ments, dans la vie des socits,o l 'intel lectuel est contraint plonger dans la pol it ique. C'estle temps des tnbres et desmythes. Ouand jl y a, en plus, ca-rence 'totale de la atructure p0 -litique, la culture assume lerle de la po lit ique . L 'Intellec-tuel s'installe cette place lais-se vacante par la politique.La seule parole de l'crivainprend pouvoir po lit ique , car lamorale et la pol it ique s'identifient dans leur absence. Il di tque ce qui est blanc n'est pasnoir. I l di t qu' II ne faut pas volerni tuer les vieux. Et comme celane va pas de sol, il fait- polltiquement exploser les choses.C'est ce qui a eu lieu Prague,non seulement partir' de Jan-vier 68, mals bien avant, commele montrent les interviews pourla plupar t antrieures. Remar-quez, dans l'histoire, on a desexemples analogues : au XVIIIesicle ,franais, dans le dp-rissement du pouvoir monarchlque, ce sont les intellectuelsqui ont assum la polit ique, faitexploser les mythes, prpar lavoie. Mme chose pour une partie du romantisme allemand. A

    Antonin L!hrn.

    A.L. Je crois que l'homme p0 -litique et l 'crivain remplissentdeux rles diffrents, antago-nistes, mme s'ils sont compl- Par sa nature, l 'ar

    Vous d ites que la socit stalinienne est apolitique. Mais.pour cette raison mme, est-ceque les cr ivains n'y taient pasbeaucoup plus pol it iss que nesont des crivains occiden-taux?

    dire, au milieu d'un bols et dansla nui t. On d istingue mal les ar-bres, on entend des bruits lndistincts et menaants, on nesalt Jamais qui est coupable,onne sait pas d'o v ient le pr il nimme sa gravit.Dans cette pnombre, quelleest la fonct ion de l 'Intel lectuel ?Il n'a pas un rle dir igeant mais,par sa formation, il est l pourvoir ce que ne voient pas e"-core les autres. Les intellectuels ,tchques ont allum deslanternes, e lles ont pe rm is devoir que ce monstre terrible,qui faisait si peur, ce n'taitqu'un tronon d'arbre et que cebruit inquitant, c'tait une sou-ris dans un fourr. On a pu, ain-si, montrer qu'il y avait un sentier, une vague Issue vers lalumire. Et en effet, quand l'au-be est venue, au printemps,tout l monde a vu au grand Jource que les intellectuels avalentsouponn.

    Ces treize interviews compo-sent un gros livre. Les conversa-t ions sont longues, sr ieuses etminutieuses, intel li gemment,conduites. Chaque voix est bientimbre et rvle sa singularit,mais l'trange est que, sous desaccents divers, on dirait qu'uneseule parole s'exprime, celle-l mme qui devai t c rie r, quel-ques mois plus tard, dans lasaison exal te de Prague. Sar-tre ne s 'y est pas tromp qui adonn au recueil une longue pr-face - le socialisme qui venaitdu froid: texte rageur, emport.d'une verve amre o l'on re-,trouve le ton de ses mei lleurespages polmiques, la prface Fanon, la prface Nizan. Jamais Sartre n'avait profr, surla Chose qu 'est devenuel'esprance communiste, desvrits plus pres.

    Vaculik, Putik, mais d'autressont plus gs - Novomesky estn en 1904 - et d'autres plusjeunes - Pavel a un peu plus detrente ans. De sorte que troisgnrations dialoguent par lemoyen des questions de liehm.

    A.L. Il n'y a pas Identit en-tre politique et culture, di tliehm. Les intellectuels ne sontpas destins Jouer un rledirecteur dans la politique.Mais pour nombre de raisons -Les unes lies l'histoire du,ays, les autres al:lX circons-tances, les Intellectue ls sonttoujours obl igs de se mler depolitique. En Tchcoslovaquie,pour les deux raisons, cetteobligation est devenue encoreplus imprieuse qu'ailleurs.

    Laissons Sartre et interro-geons liehm lui-mme, c'est-dire ses tre ize, compagnonsde combat; pour lui deman-der d'abord, co m men t laculture et la politique se sont,trouv conc ider dans la Tch--coslovaquie de ces annes.

    Je m'explique. La socit sta-IIInlenne, contrairement ce,que l 'on prtend, est une soci-t totalement apolitique. Cheznous, comme partou t, le stali-nisme fonctionnait en outre,dans une socit non structure,amorphe. On vivait dans une-aorte de tnbre, comment

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    Antonin Liehm

    cheuses: par exemple l'absenced 'un grand roman tchque auXIX'. Mals le fait est que l'habitude de servir est si ancrequ'en 19481950, quand nousavons t sollicits par le sociaIIsme, on a rpondu 80 %.Contrairement ce qui s'estPass dans les autres dmocraties populaires, il n'y a pas eud'migration intellectuelle cheznous, ou si peu. Aujourd'hui,c'est pareil. Il y a des cr ivains l'tranger, mais il s ne songentqu' rentrer Prague, reprendre le service. Ils se senten tresponsables du pays. Personnene. se considre commit exil .Oui, c'est une chose surpre-nante, cette rpugnance desTchques s'exiler, Il faudraitune longue tude sociologique.Il Y a un trait qui me frappe,dans votre l iv re, c'est le nat ionalisme trs profond de tousces crivains.A.L. Il ne faut pas parler denationalisme, c'est autre chose.Nous tenons nos racines, nos traditions, c'est vrai. C'estque notre indpendance est r-cente, elle date de 1918 et encore, depuis, on nous l'a souventconf isque. Si bien qu' II ne . 'agi t pas de nationalisme au sensconqurant, cela ne voudraitrien dire pour un petit pays.Non, Il s'agit d'un dfi : Malgr tout, ce petit pays, nousl 'empcherons de sombrer -.C'est moins du nationalismequ'une volont de surv ie. -C'est le mme rflexe qui afonctionn dans l'attaque du sta-linisme. Notez bien : pas un:seul de ces crivains ne rvo-que en doute le socialisme.N'est-ce pas encore un dfi? Ceaocia lisme, auquel nous avonse", avec passion et qui est de-

    venu vomir, eh bien, on va,quand mme en. faire quelque.chose, on va le sauver. Notreidal de 48 a t f lou. Nousnous sentons en mme tempsresponsables et victimes. Nousprouverons quenotre Idal a tPervert i mais que notre foi dans soc ial isme rel demeure intacte.Votre livre est passionnantparce que, t ravers le cas tchque, les dbats qu'il soulve

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    nous concernent tous - la possibilit d'un autre modle desocialisme, la diffrence desgnrations, le statut de l'intellectuel dans la socit, etc.Vousmmes, vous tes enFrance depuis prs de deux ans.Estce qu'il vous arrive de senti r une sorte de coupure entrevous et les intel lectuels occi-dentaux?A.L. La f rance, je la connaisdepuis longtemps. Si ra i v.cumes premires barricades Prague, en 1945, J'al connu lessecondes Paris, en mal 68.Mais l n'est pas la quest ion.Les Inter lectuels f ranais sont

    un peu particuliers. Ils pestentsans arrt contre le nationalisme, mals, dans le domaine cultu-rel, i ls Ignor.nt rsolument toutce qui n'est pas franais. C'estun cas unique, mals mme lesIntelle ctuels des autres paysoccidentaux ont une vis ion partlelle du monde. Il leur manquela connaissance de cette deux ime dimension europennequi est le monde de l'Est. Ilsvlvnt dans un univers unldlmenslonnel a lors que lbas, l'Est se poursuit depuis ving tans, une exprience dramatiqueet capitale, celle du stalinisme,c'est -di re une volont gn-reuse et dtourne. Naturellement, l 'Intel lectuel de l 'Est estlui aussi priv d'une secondedimension, celle de l'exprienceoccidentale, mais Il est tou t demme mieux Inform de ce quise fait chez vous que vous dece qui se fait chez nous. CetteIgnorance est grave. C'est cequi vous donne tant de difficults interprter les rares manlfestatlons qui vous parviennent de l'Est. Vous lisezSoljenitsyne, vous lisez Kunde-ra et vous croyez avoir comprismes expriences. Vous allez voirRoublev et vous n 'y discernezqu'une renaissance de la rel igiosit russe.C'est peut-t re Ici qu'appara t la fonct ion relle d 'un livrecomme celui-cI : Il vous offre, vous occidentaux, cette exp-r ience concrte de l 'Est, il dfiIlit cette seconde dimensionfaute de laquelle on ne saur. litf ormu le r le monde contempo-rain. Et le jour o ces deux exprlences fusionneront, on pour

    ra enf in concevoir un monde bidimensionnel - un monde rel.Mals, Il y a autre chose.Considrez notre histoire rcente. Depuis quarante ans, nousavons tout subi - de la dmo-cratie au fasc isme, de la tyrannie la libert, de l'espoirsocialiste sa dr ision sta li nlenne, du printemps de Prague sa nuit. La consquence estqu'en face d'un Intellectuelfranais de mon ge, j'ai l'impression d ' tre ter ri bl ementvieux. Remarquez, si un crivain f ranais nous reproche den't re pas assez radicaux, Jecomprends qu'il nous adressece reproche - oui, Je le comprends, mals un peu comme jecomprends si mon fils, g devlngt-c lnq ans, me faisait desreproches semblables.Cette sagesse n'est pas rsignation,.mais une vision srieuse des houles de l'histoire etde la polit ique. Flous encoreune fois, privs de leur esprance', les intellectuels tchquesn 'ont pas pris cong de l 'espoi rmme si cet espoir.: est devenuplus grave et plus dur. lbas,la nuit est revenue, elle estpeuttre plus paisse qu'elle nele fut , mais les hommes ne sontplus les mmes. I ls se retrou-

    vent dans leur fort et dansleurs tnbres et si l 'issue s'estreferme, i ls se souviennent, ils ne marchent plus cornme un troupeau et l 'on ne pourra plus faire d'eux ce que l'onveut: Ce n'tait pas l'aurore,di t Sartre, ce n'tait pas l'aloue tte : depuis, le socialismeest retomb dans la longue nuitde son moyen ge ... Restent cesvoix, gerbes slovaques et tchques, gerbes de souffles coups, encore chaudes et vives,dmenties, irrfutes -. Restent ces voix, leur cho dans celivre, et cet te mmoire grce laquelle rien sans doute ne seraplus comme avant.

    Propos recueil lis parGilles Lapouge

    (1) Le congrs c landestin : prfacede Jir i Pellkan. col l. Combats. LeSeuil d.(2) La chute Irrsistible d'AlexandreDubcek, CalmannLvy d.(3) T ro i s gnrations, d'Antonin. Liehm. Prface de J.-P. Sartre.Gallimard d .

    INFORMAT IONS

    Le club photographique de Paris prsente du 15 fvrier au 17 fvrier unexposit ion consacre aux reportagede Raymond dit Yvon.(Maison des Jeunes et de la Culturde Parls-MouHetard. 55, rue MouHetard. Paris-S'. Ouvert de 18 23 heures) .Au programme du Thtre de Satrouvil le :Cinma : le vendredi 6 fvrier 197 21 h., L'Arche. de Shu Shuenle vendredi 27 fvrier 1970 21 h Antonio das Mortes. de GlaubeRocha.Varits: le jeudi 19 fvrier 21 hle vendredi 20 fvrier il 21 h.: le samedl 21 fvrier 21 h., le guitar istargentin Atahualpa YupanquI.Le Centre National d'Art Contemporain Inaugure un nouveau domaine dses act iv its en organisant une srd'expositions Itinrantes, travers lemuses de provinces et les maisonde la cu lture, consacres aux pr lncpaux artistes contemporains. La premire expos it ion, qui se t iendra d10 janvier au 2 fvrier au muse mnlclpal des Sables-d'Olonne, rassemble vingt uvres de Jean Hlion chosies parmi celles que le peintreralises au cours des dix dernireannes.A. paral i reDominique Desanti, qui publie "internationale communiste dans la colection Etudes et Documents chePayot, prsente, aux Presses Universtal res, les Le tt res il Karl et Lui.Kautsky de Rosa Luxemburg.Buche t/Chaste l annonce un HenrMiller dans "Intimit de WalteSchmiele, Psychologie et alchimie dJung, et la rdition du Karl Marx dLon Trotsky.8peotaeleL'Orbe, Thtre exprimental dRouen, prsentera Oratorio Concentrationnaire les 18 et 19 fvrier lCit Universitaire.Ce spectacle, dans lequel s'exprimla hantise de la vio lence, Invente unouveau rappor t avec le spectateu

    libre d'a ller et venir comme il veuautour du spectacle, qui des projecteursouvrent des aires de jeu successives. Ainsi, s'avanant ou se reculant. peut-il choisi r son angle de vuet son degr de participation.Quelques grandes voix (Lautramont. SalntJean-dela-Crolx...) montent du texte. et affirment l'universalit de la souttrance.A Avignon l ' t dernier , l 'O ra to ritait jou dans une cour d 'cole, danlaquel le les feux plongeant des miradors reconst itua ient l 'unive rs de violence subie des camps. Il sera dplus haut intrt de le voir s'organiseaussi dans une salle.

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    18,10

    ECONOMIEET SOCIALISME

    BIBLIOTHEQUESOCIALISTE

    GERARD ALTBABEOppression e tl ibra t ion dansl ' imaginaireLes communautsvi llageoises de la cteorientale de Madagascar26,70

    THEORIE

    MICHEL FICHANTet MICHEL PECHEUXSur l 'h is toiredessCIences

    ALAIN BADIOULe conceptdemodle

    8.60

    26,70

    1180 CHRISTIAN PALLOIX. Problmes de lacroIssance enconomie ouver te(Documen.'s, tudes etrecherches 1)

    G. HAUPT et J.J. MARIE18.10 Les bo lcheviks

    CAHIERS LIBRES

    TEXTES A L'APPUI

    ROGER GENTIS TAMI TIDAFILes murs de l 'a si le L ' ag r icu lt ur e5,90 algr ienne et sesAMILCAR CABRAL

    Le pouvoir perspectives dedes a rmes 5.90 dveloppement(Documen's, 'udese ' recherches 2) 18.10

    GERARD CHALIANDLut te arme enAfrique (dition 1969) 8.60ERNEST MANDELLa rponsesocialis te audfi amr ica inGUY CAROLa mdecineen quest ion 14.80 A. EMMANUELWOLFGANG ABENDROTH, L'change ingaletc. ( in. 'roduc' ion de Ch. Bettelheim.)Entre t iens avec 23,70Georg LukacsDENIS LANGLOISPanagoul is ,le sang de la Grce

    5,90

    MAURICE DOBBEtudes su r ledveloppement ducapi ta l i sme(BOUB la direction de)P. de COMARMONDet C.DUCHETRacisme e t Socit18.10Cl. BLANCHEBENVENISTEet A. CHUVELL'or thographe

    ....c. WRIGHT MILLS par eux-memes 23,70L'l i te du pouvoir SAMUEL BERNsnlNBARRINGTON MOORE Auguste BlanquiLes origines 23,70socia les de ladic ta ture e tde la dmocrat ie 26,70JEANYVESPOUILLOUXLire les "Essais"de Monta igne 5,90ANDRE GUNDER.FRANKLe dveloppementdu sous-dveloppement 23.70. . . . . . . . DAMODAR D. KOSAMBIL'Inde anc ienne 23,70

    ELISE FREINETNaissance d'unepdagogiepopulaire(2 e dition) 20.80

    J.W.

    La majeure partie de cett e revueest const it ue par des tex tes indi tsd'Antonin Artaud ainsi que par uncommentaire de Pauie Thvenin qui aune connaissance t rs pro fonde dupote. On retiendra galement l'tudede Jean Ricardou sur Raymond Rous-sel.

    Les revuesChange (no 4).Poursu ivant son tude sur les d if f -rentes composantes de la crat ion,l' . atelier. de Change, sous la direc-tion de Jean Pierre Faye, s'attaque au-jourd'hui l 'invention et sa subver-sion, la mode. De cet ensemble, onl ir a avec profit l'tude de Faye surMal larm, la bel le nouve lle de Claudeallier et des indi ts d 'Oss ip Brik, l 'undes futur ist es russes les plus incon-nus dans notre pays.

    Les Temps modernes (no 281).La Tchcoslovaquie, Madagascar, lesocialisme au moment de la premirl'guerre mondiale, tels son t les p rl nc lpaux sujets d'tude de ce numro.Jacques Garel li s'en prend JacquesDerrida propos de la conception dutemps dans la phi losophie occidentaleet Ren Leibowitz Arthur Rubinstein

    su r son personnage tel qu' il apparatdans le film de Reichenbach. Enfin, uncr ivain qu'on suppose grec, AndonisDoriadis, publie un pome qui, d-fau t d ' tre potique, a le mr ite de lavhmence et de la gnrosit.Mtamorphoses (no 10:11).Dans ce copieux numro de cetterevue uniquement consacre la po-sie, les ttes d 'a ff iche sont occupespar Lopold-Sedar Senghor, ValentinePenrose et Marce l Balu, mais on au-rait tort de ne pas li re les tex tes deGeorges Drano, de Vera Feyder, deClaire Laffay, d'Oleg Ibrahimoff, et sur-tout de Jean'Laude.

    Nouvelle Revue Franaise (n 205).C'est sur une magistrale suite depomes, Le Stratge, de Jean Gros-jean, que s'ouvre ce numro de jan-vier. Autre intrt majeur de cettelivraison: des indits de Gide, notam-ment une lettre Jean Paulhan datantde juillet 1937 o l'on peut lire parexemo le : ce Ouant la nouvelle deSartr, je la t iens pour un chef-d'uvre. Voici longtemps que je n'avaisrlPon 1:1 qui me rjou it ce point. Ouelest donc ce nouveau Jean-Paul? Ilme semble qu'on peut beaucoup atten-dre de lu i ...

    Les Lettres Nouvelles (dcembre 1969-janvier 1970).Ce numro s'ouvre sur une sriede pomes de Wiiliam Carlos WiIl iams dont l 'impor tance est encoretrop iJnore dans no tre pays. Aut reple d 'a tt ract ion : une nouvel le ton-nante de Bustos Domecq, c'est--direde Borges et Casares. Un textecurieux du musicien amricain JohnCage, un extrait du prochain romande Genevive Serreau et, sur le planpolitique, un article trs prcis surles Panthres noi res de Ronald Steelcompltent cet intressant numro.

    T-el Ouel (no 39).

    Nouveauts

    Parmi les rditions, s ignalons cel ledes Jeux africains d'Ernst Jnger (voirles nOS 65 et 86 de la Ouinzaine) ; laMaison du retour curant, par PierreMac Orlan, et la Pche miraculeuse,par Guy de Pourtals, deux romans pa-rus il y a prs de trente ans; lesuvres compltes d 'Anton in Artauddont le tome l, paratre en janvier,sera augment de lettres et de docu-ments indits .Aux di ti ons du Seuil nous est pro-pose avec Autobiographies une rdi-t ion de deux fragments autobiographi-ques de Pierre Emmanuel : Oui estcet homme, publi en 1948 et J'Ou-vrier de la onzime heure, pub li en1953. L'ouvrage comprendra en outreun long pome indi t : Jacob.Chez le mme diteur nous sontprsentes deux autres rditions im-por tantes : la Famil le de Pascal Duar-.te, chef-d'uvre du romancier espa-gnol Camilo-Jos Cela ( vo ir le nO 47de la Ouinza ine ), et l'Homme et la

    mor t, par Edgar Mor in (1951).Dans la col lect ion L iber t de l'es-prit . de Calmann-Lvy pa rai t un ou-vrage dont la premire dition fran-aise date de '1947 mais auquel sesthses prmonitoires confrent aujour-d 'hu i une grande actua li t : l'Ere desorganisateurs, par James Burnham oce philosophe amricain, affili en 1933 la IV' Internationale. expose lesraisons fondamentales de sa ruptureavec Trotsky en 1940 et prvoit l 'av-nemen t d'une classe nouvell e, cel ledes dir igeants futurs d'une socit quine sera ni cap it al ist e ni social ist e etvers laquelle tendent aussi bienl'URSS que les Etats-Unis.

    Rditions

    Chez Gallimard, l 'anne s'ouvre surtoute une sr ie d 'impor tantes rdi -t ions. Les uvres compltes de Geor-ges Batai lle comprendront d ix volu-mes rpartis en six t omes - p lusieur stomes tant ddoubls. Les deux pre-miers volumes (composant le tomeipremier) rassemblent les c ri ts de8ataille de 1922 1940 avec, notam-ment, l'Histoire de l'il (1929), l'Anussolaire (1931) et trois f ragments de"Expr ience intrieure : le Labyr inthe, Bleu du ciel, Sacri fices.

    Martin Kay a runi les uvrescompl tes de l 'un des reprsentantsles plus importants du mouvement Da-da : Jacques Rigault. Les Ecri ts deJacques Rigaut comprendront des tex-tes en partie indits et qui se prsen-tent souvent sous forme de courtsf ragments ou d 'aphor ismes dont cer-tains ont parus dans la revue Litt--rature. e t d' aut res ont t publ is en1934 par Raoul Roussy de Sal ies dans'un recueil intitul Papiers Posthumes.Pour Bharatarunit l 'ensemble destudes et essais que Ren Daumal(voir les nO 56 et 61 de la Quinzaine)a consacrs la l it t ra tu re hindoue,a insi que les f ragments de t raduct ionqu'il nous a laisss des Upanishads, dela Bhagavad Gita, du tht re de Bh.rata et du Rig Vda.

    La Quinzaine littraire, du 1- au 15 lvrier 1970 13

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    Les voies de

    1ugne IonescoDcouvertes, 130 p. Skira d .1ouis Aragon Je n'ai jamais appris crireou les i ncip itSkira d., ] 60 p.1ichel ButorLes mots dans la Skira d., 188 p.1

    lsa Triolet La mise en motsSkira d., 146 p.

    peinture

    Voici des livres si jolis, sic la irement mis en p age sqU'ils ne semblent pas nousentraner dans l'envers deslivres. De mme l'uvreacheve masque les cheminspar lesque ls est pass soncrateur. Or c'est un retoursur ces chemins qu'AlbertSki ra et Gatan Picon invi-tent les meilleurs crivainsd 'aujourd 'hui, de Michaux Robbe-Grillet, de .Leiris Fou-cault, d'Asturias Drren-matt.Signs respectivement Elsa Trio-

    let, Aragon, Ionesco et Butor, lesquat re premiers volumes de leurcollection Les sentiers d e l a cra-tion )) tmoignent de l ' intr t d 'unte l projet . Mieux, ils rvlent sous

    la diversit des rponses, l 'unitde la collection.

    Cette unit, cer tes, est d'abordextrieure, dans une prsentation,p re sque une mise en scne trssoigne qui, de la c ou ver tu re a ufi l des pages, no n pas prolonge letexte pa r l'image, mais confrontel 'i nt er roga tion de l 'cr ivain sur lemouvement mme de sa crationavec le geste achev du peintre- lui-mme dans le cas d'Ionesco,ceux dont l'inspiration consonnent, riment avec la leur pourAragon ou Triolet - met en par aI .lle deux modes d'expression,dvoile leur parent ou leur oppOsit ion, voi re, la limite, souligneleur possible fusion. Plus profon .dment, l'unit se situe au niveaumme de la question en ce qu ecelle-ci oblige chacun revenir ses commencements o u, c om me le

    magIcIen devant la fou le scepque, retourner ses poches.

    Ds que la rponse prend corpque chacun conte ou feint dconter son itinraire, ses f au x pet ses lans , l es impass es ou lvoies royales dans lesquelles i lpu s'engager, la varit ncessarement s 'impose. Su r les sent iede la cration, en effet, chacnn v son pas. Mieux, le vrai cratechoisit ses sentiers, ou plutt linvente, quit te ensui te les pacourir jusqu'au ressassement oul'puisement. E t s'il t en te d e ldcrire , de nous montre r pa r qusaut il est pass de l 'un l'autrvoici qu'il les redcouvre, et aveux sa jeunesse ou ses proprsecrets, qu'il devient l e h r os dson propre r oman ou, s'il es t rmancier comme Aragon ou Elsde l'envers de ses romans.

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    la cration

    romanLettre Dora

    Claude Bonnefoy

    ment. Il ment comme le rossignolla nuit. IIS'ils llemhlent s'accorder, tOU8

    ces crivains s 'accordent surtoutpour nous dire qu' il n 'y a pa s derecette, qu'il es t possihle pourch acun d e remettre ses pas dansses pas su r les sentiers de sa pro-pr e cration, mais non de dirCcomment quitter les sentiers hattuspour trouver une cr it ur e q uidbouche su r de nouveaux paysages., Les cls qu'ils donnent, oufeignent de donner, ne valent quepour eux. Ainsi, collectiond'Albert Skira et Gaf;tan Piconest.elle promise une inpuisahlvarit.

    IDOMINIQUEFERNANDEl

    taille son chemin dans la fortdes s ignes, i ls coutent, ils attendent, ils tentent d'tre la foisl'oiseau et l'oiseleur. Je mejette l 'eau des phrases commeon crie. Comme on a peur.. . di tAragon. Ecr ir e c 'e st i nven te r,, .. , .c est Imaginer, c est Inventer etconstruire la fois .. . c'est dcou-vrir ll , di t Ionesco. Et quand ilaffirme: L'imagination ne peu tmentir puisqu'elle se dvoile, puis-qu'elle est dvoilement, puis-qu'elle elft construction. L'inven-tion est le contraire du men,Ilonge ll , Il rejoint l 'auteur dule mentir-vrai ou Elsa Trioletcitant Klehnikov su r la couverturetle son livre : I l ment div ine

    Dessin de Ionesco.me e" mots ( et c et te exp re s.sion, la m e en mots , ne l'at e ll e pas choisi pour titre causede sa consonance avec la Me mort afin de miux marquer l 'incessant croisement des deuxuvres ? ). Et Aragon, dans sonessai d'une grande lucidit maisqui semhle tout d e p rimesa ut ,conte, depuis ses premires tentatives d'enfant, la naissance de touss es l iv re s, l 'apparition de leurpremire phr as e (de leur incipit). Il di t comment celle.ci,beaucoup p lu s qu'une rflexionvolontaire a command l'organi.sation, la construct ion de chaqueuvre, souvent pa r raction contrel 'uvre prcdente, tout nouveauroman ayant pour fonction de nierou plutt de dpasser l e r oman antrieur. S i b ien que mon histoireen tant qu'crivain ne peut se comprendre si l'on n' y dcle cetteperptuelle dialectique tournecontre moimme ll .

    Mais non, dira-t-on, ce n'est pasvrai. Aragon, Ionesco, certesremontent leur enfance, la premire histoire dicte, au prem:erlivre lu , Elsa Triolet aussi quandelle voque son hilinguisme et lesinventions que dans le jeu de lamise en mots une langue communique l 'autre. Butor fait tout lecontraire. Il refuse de parler delui. Du Matre de Moulins GillesSegal, il ne parle que de peintres,i l erre sur les sentiers de la cra.tion picturale. Sans dou te . Sonpropos es t hien d'analyser la man i re d on t le s signes crits, desinitiales insres l 'une dans l 'autre.de la signature d 'A lber t Dr er.aux devises des hlasons, du nom ou.des emh lmes des s ai nts dans les

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    EXPOSITION Un peuple deIl faut aJier voir l'expositionDado au C.N.A.C. (1). D'abordparce qu'elle situe et confirme

    ave.c clat la p lace majeure quece peintre occupe dans l'art ac-tuel. Ensuite parce qu'elle offrel 'occasion d'une mditation surla ou plutt les peintures ac-t ue lles , dont elle peut contr i-buer dfinir l' ho rizon, lesoptions et les destinations.l 'uvre de Dado est malconnue du public parisien quil'a rencontre l'occasion detrois exposit ions espaces (2)(1958, 1964, 1967) et dans lafulgurance de quelques salons

    ou manifestat ions collectives.Au jourd'hu i e ll e est montrepour la premire fois dans unespace la mesure des gran-des toiles o se dploie lemieux l'architectonique com-plexe de Dado.

    Il ne s'agit pas au C.N.A.C.d'une rtrospective. le s organi-

    La vieille femme amoureuse. 1963.

    1.

    sateurs, ont voulu montrer, travers des toiles majeures, letravai l que nous ignorions, destrois dernires annes et mmedes derniers jours puisqu'unepeint ure conue et achevedans les quelques jours prc-dant le vernissage, voisine avecdes uvres dont l'laborations'est poursuivie pendant des an-nes. Mais ces toi les i ls ontconfront en contre-point. grou-ps dans une salle unique, part des autres, les principauxjalons qui dfinissent le chemi-nement de Dado depuis qu'gde 26 ans, il quitta son Montngro natal pour venir en fran-ce, en 1956.Depuis, dans cet art de f igu-res fantastiques, organisesdans un espace complexe maisnon perspectif, surgies d'undessin impitoyable sous lescou leurs les plus tendres, pres-que prcieuses, pas de muta-t ion, ni de rvolution, ma is une

    volution par dveloppement dethmes peu peu synthtiss.Au fi l du temps, dans le sur-gissement progressif d'un peu-p le de monst res, l'univers de laregression peu peu s'affirme,abmant et confondant hommes,animaux, vgtaux dans la puis-sance du minral qui ne cessede s'effriter pour cependant toutengloutir. Si la premire toilede 1956 voque un jeu de mcano e t f ait appel des formesgomtr iques qu'on ne retrou -vera plus, les bbs que letemps transformera en ftussont dj prsents, de mmequ'une organisat ion compactede l'espace qui m le et intriqueles lments htrognes. Qua-tre annes sparent cette toiledu clbre et toujours merveil-leux Thomas More, premier ma-nifeste du double thme de laptrification et de la drliction.A la revoir aprs des annes,cette image conserve son pou-voir de fascination : figure dont

    le visage s'estompe dans la prcision d'un craqulement qudans le mme temps lzarde erode, te l un mur sur le poinde s'crouler, vtements, bretsmains. la technique est la mme dans le Phi losophe dont seule fauteui l merge ironiquemendu dsastre, tanais que la tteles mains et les pieds, tout ptrifis qu'ils soient, prolifrendj comme des vgtaux.la dissolution prend ensuiteune forme rad icale dans un moment pointilliste qui fixe sansdoute dsormais pour Dado lestatut du dtail : dans son pullulement il nie tou t rc it possib le . Et une fois marque la puis

    sance engloutissante du gologique, le thme vgtal s'affirme son tour dans les annes1965-1966 en deux temps obsessionnels . D'abord dans les ftus-tubercu les o les yeux des jardiniers deviennent de vr itables prunel les, dans les ttes-citrouilles aux contours dcoups, dans les membres qubourgeonnent et prennent raci-ne. Puis dans l'envahissemendes intrieurs, viscres et cervelles: c'est alors une srie detoiles aux tons pastel trs plesqui semblent presqu'effaces(Le nid de chouettes ou le BusPal ladium), o dans un espacecompltement rempl i apparatl ' identi t dirsoire de ce qu'onnomme intrieur ou extrieuri den tiques rhizmes de chairsmolles, roses et bleutes.Quoi de nouveau depuis 1967 ?Mmes monstres sous de nou-veaux avatars, mme obsessionfondamentale. Mais une exp-r ience nouvelle et importantepour ce peintre du fantastiquedont la vision s'al imente pour-

    Du 2 au 21 fvrier 1970(de 10 12 h et de 14 18 h)sauf le dimanche

    GALERIE 99, rue des Beaux-Arts,75-Paris-6 e - T l. ODE 00-29ANTOINETTE MONDONprsenteles peintures rcentes deJean-Pierre HAMONETle lundi 2 fvrier 1970(Vernissagede 18 22 heures)

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    (1) Centre National d'Art Contempo-porain jusqu'au 23 fvrier.

    du 3 au 28 Fvrier

    28 F26 F24 F

    27 F29,80 F

    29,80 F

    vient de paratre

    sous la direction de Roger Caratini

    chez votre libraire

    prface de Maurice Le Lannou. professeur au Col lge de France

    n 6VISAGES DE LA TERRE(Gographie)

    4 LE MONDE ANTIQUE prface de Pierre Grimal3 PHILOSOPHIES ET RELIGIONS p rface de Georges Pascal2 ASTRONOMIE prface de Paul Couderc

    5 (a) DE L'ANTIQUIT A NOS JOURS: L'EUROPEprface de Robert Aron5 (b) DE L' A NOS JOURS:LE MONDE MOINS L'EUROPEprface de Claude Fohlen

    1 LA VIE ANIMALE

    Bordas.Encyclopdie

    Franoise Choay

    (2) Galer ie Danie l Cordier en 1960 et1964. Galerie Andr-Franois Petit1967.

    de l'individu Dado, c'est notrehistoricit qui affleure dans cestoiles consacres la dgrada-tion : puisqu'elles expriment,sans la mdia tion des mots , ledsespoir absolu devant la mortdes dieux et la non-naissancede l'homme englu dans l'ani-malit, la vgtalit, menacpar la ptrification.Et c'est merveille de voir leclassicisme des moyens mis auservice de cette vision : virtuo-sit du dessinateur (qu'il fau-dra exposer un jour), matrisedu color is te dont l 'ir on ie estnourrie des leons du pass,

    XVIe et XVIIIe sicles en parti -culier.Le fait que la peint ure de Da-do nous concerne ici et mainte-nant avec pareille acuit prouvela prennit d'une certaine f igu-ration classique. Il fait aussiapparatre la rpartition toujoursplus accuse de la peinture ac-tuelle. Il existe bien aujourd'huideux peintures. L'une qui a vu sesuccder pop, op, et qui aprs lemini-mal nous amnera sansdoute le maxi-mal. Branche surl'extriorit, vivant et s'pui-sant au rythme extnuant de lamode vestimentaire et desmass-media, elle a pour desti-nat ion de structurer notre envi-ronnement. (Le sens cach despremiers Martial Raysse n'est-il pas, entre autres, l'actuelleaffiche de Michel Polnareff?).A cet art de la ponctuation, s'op-pose l'autre peinture qui alimen-te la rpression, la recherche dusens, qui est faite pour unecontemplation que l 'image c las-sique, neutre, possde toujoursle pouvoir de satisfaire. Et dansun accrochage de l'intell igenceet de la splendeur duquel i l fautrendre hommage aux organisa-teurs, Dado tmoigne de la v ita-lit de cette peinture-l.

    bALl:rUI: rdVE DROITE3, r ue Duras - Paris 8" - 26533-45MOURAUD

    tant de quotidiennet : Dado arencontr la mer ou plus exacte-ment la plage, puisqu'aussibien son lment est la terre,et non l'eau, ni l'air (le cieltant seulement chez lui pr-texte contraste). Les plagessont pour lui l'occasion d'unenouvelle organisation de l'es-pace, moins baroque, ordonnepar zones paral lles, de haut enbas et o, pour la premire fois,s'opre la fusion des rgnesminral, vgtal, animal - es-prit aussi - : la comparaisondu Footballeur (1964) avec laLocomot ive (1969) est ce tgard trs clairante. Dans lesdeux cas, la forme centrale quise dessine sur fond de ciel estpratiquement semblable. Ce quidiffre, c'est l 'organisation deslments dont e lle est forme:beaucoup plus complexe, diver-sifie, et synthtique en 1969o, de plus, une nouvelle dimen-sion temporelle succde l'an-cienne simultanit, grce lahirarchisation du dtai l.La cOilf rontat ion des uvresrcentes et anciennes dissipe auC.N.A.C. les ambiguts que pou-vaient laisser natre les toilesisoles. le dtail anecdotiqueperd toute autonomie, son pul-lulement marquant la mort du" sujet -. De mme est balayela tentation d'intgrer Dado dansla tradition du fantast ique bos-chien ou dans la postrit dusurralisme. Certes il use dela tratologie et d'une imageriequi dfie apparemment le ra-alisme de la quotidiennet. Ce-pendant il n'y a plus dans lapeinture de Dado ni rcit, ni h is-toire, au service d'une idolo-gie; et if ne s'agit pas davan-tage d'onirisme, d'vocationsymbolique de l'inconscient oud'exploration de couches ar-chologiques. .En fait, la vision de Dado estune cosmologie. Cosmologiequi , malgr l 'apparence pass-iste de son criture (e t c'est lle lien essentiel avec le surra-lisme) es t d'une extraordinaireactivit. Bien davantage que leshorreurs de la guerre et del'aprs-guerre voques dansl'Entretien avec Dado du cata-IO.1ue.. bien m.ieux Q.ue .1 'hi.sro.i.r.e

    monstres

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    POLITIQUE Pour un socialismedmocratique

    1oger Garaudy

    Le grand tournant du socialismeColl. IdesGallimard d .On conna t le mot: Il fautvingt ans pour. fa ire un homome, ,une seconde pour ledtruire Elargissons: il fautvingt ans pour faire un stali-n ien, quelques minutes pourle librer de sa logique ma-lade. Avec ou sans autocri-tique !...

    Regardez Roger Garaudy : saineducation bourgeoise, teinte dechristianisme et de mauria.cisme, rvlation communilte,fidlit pathtique aprs le- pacte amenant l e jeune hommeen camp de concentration alg.r ien, dput aprs la victoire et larsistance, l eader de la pense thorzienne et farouche pourfendeurd'hrtiques. Et pour tant, pour lu iaussi, aprs Lefebvre, aprs Mori n (1), aprs tant d'autres,l'heure sonne de l'interrogationgnrale. I l es t intressant de constater que le mouvement stalinienmult ipl ie rgul irement les prtextes: l'Espagne, la Yougoslavie,la Hongrie, la Chine, la Tchcos.lovaquie. Dtruire, ditellesemble dire la bureaucrat ie tabl ieen place de 1;. Rvolution.

    L u c pou bellesde l 'histoire lt

    n fut un temps o ces hrtiquesse perdaient dans ce qu e les agentsdu rgime appelaient alors les4( poubelles de l'histoire . Mais ilen va de ces poubelles commede celles o Beckett loge ses perosonnages : elles servent de tribune.On y parle souvent plus haut etplus ne t que du haut des logesfleuries de l ' appareil .

    Ainsi, Roger Garaudy. La Tch.coslovaquie lu i rvle dans uneillumination fulgurante la vanitd'un systme qu'il n'avait jusquel jamais mis en cause, jamaiscontest, futce intrieurement. Ily dcouvre non seulement la seuleralit ouver te au socialime mondial, mais aussi l'impitoyable exi-gence de la bureaucratie de l 'appa.reil sovitique d 'craser tout cequ i se rclame du communisme au18

    Roger Garaudy.

    sens p lein d u mot, c'estdire dela dmoc ra ti e d ir ec te con tr l epa r les intresss euxmmes.. .

    Et de l ivre en livre, pa r un glis.sement rapide mais imperceptible,du Problme chinois Pour unmodle franais du socialisme (2)jusqu' ce dernier ouvrage qui sertde plate-forme toute l'opposjtioncommuniste et qu i dominera sonprochain Congrs, Garaudy s'tonne d 'avoir si longtemps sub i la fas-cination bureaucratique, et suggre des voies nouvelles .Le livre es t vif, aigu, a is lire.Le marxisme de Garaudy n'est

    certainement pas celui d'Althus.ser, l'actuel idologue de labureaucratie officielle du partif ranais. Le marxisme de Garaudyn'est pas philosophique, il tented'tre raliste, c'est-dire lni-nien.

    Deuxmodl..

    L'auteur examine donc l es deuxmodles proposs l'avenir de lap lan te , le modle am ric ain etle modle sovitique. C'est pourrappeler que l e c ap it al isme danssa phase la plus dveloppe neressemble en r ien au cap it al ismedu sicle dernier et que Je marxisme le plus consquent ne

    consiste pa s ramener magique.ment les socits en l 'tat ou ellestaient au temps des premireslocomotives, mais le s itue r danssa vrit prsente': celle de lacyberntique et de l'a'utomation.Le rgime amricain est devenuun complexe militaire industrielqu i porte avec lu i ses chances desurvie et ses chances de des truc tion ou d'volut ion. Ce n'est pa sen attendant que joue la l oi de la(( pauprisation absolue que s'ef.fondrera la puissance capitaliste.C 'e st e n d v elo pp an t elle-mmeses possibilits