quinzaine littéraire 84

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e e Ulnzalne La 3F littéraire Numéro 84 Du 1- au 15 décembre 1969 un inédit de arl e Le père de Jacquou le Croquant ·Claude Roy. Le Journal d'Anaïs Nin

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quinzaine littéraire numéro 84, décembre 1969, inédit de Boukharine

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e eUlnzalneLa3F littéraire Numéro 84 Du 1- au 15 décembre 1969

un inéditde

•arl e

Le père de

Jacquou le Croquant·Claude Roy. Le Journal d'Anaïs Nin

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SOMMAIRE

a LE LIVRE Claude RoyDE LA QUINZAINE

5 TELEVISION Eugène Le Roy

8 ROMANS FRANÇAIS Jacques HenricMichel Huriet

'1 Rachel Mizrahi

8 MEMOIRES Anais Nin

10 INEDIT Change 4

Moi Je

Jacquou le CroquantL'Ennemi de la mort

ArchéesLa Fête de la dédicR('eHarry

Journal 1931-1934

La modeL'invention (extraits)

Lettre à l'Union des Ecrivains

par Maurice Nadeau

par Michèle Albrand

par Josane Duranteau.par Alain Clervalpar Marie-Claude de Brunhoff

par Diane Fernandez

Propos recueillis parPierre Bourgeade

Poèmes élisabéthains traduits parPhilippe de Rothschild

La dimension cachée par Jean DuvignaudLa forme et le sensL'univers de Rembrandt par Jean SelzLes plus belles eaux-fortes dt'Rembrandt

Eloge de la société de consommation par Bernard Cazes

La guerre et le socialismerévolutionnaire

La vie de cour dons l'ancien Japonau temps du prince Gengi

wLeonora CarringtonLa mise en pièces du « Cid »La Paix

Publicité littéraire :22, rue de Grenelle, Paris-7e•Téléphone : 222-94-03.

Publicité générale : au journal.

Prix du n· au Canada: 75 cents.

Abonnements :Un an : 58 F, vingt-trois numéros.Six mois : 34 F, douze numéros.Etranger:Un an : 70 F. Six mois : 40 F.Pour tout changement d'adresse :envoyer 3 timbres à 0,30 F.Règlement par mandat, chèquebancaire, chèque postal :C.C.P. Paris 15.551.53.

Directeur de la publication :François Emanuel.

Imprimerie: Graphiques Gambon

Printed in France

par M.-C. de B.

par Georges Perec

par Simone Benmussapar Gilles Sandier

Crédits photographiques

p. 3 D.R.D.R.

p. 5 Photo X.p. 6 Le Seuil, éd.

Gallimard éd.

p. 7 Grasset éd.

p. 8 Stock éd.

p. 10 Vasco.

p. 16 Galerie Denise René.

p. 17 D.R.

p. 18 D.R.

p.20 Roger Viollet.

p.22 Roger Viollet.

p. 23 Roger Viollet.

p.26 D.R.

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LE LIVRE DB

L'histoire d'une conversionLA QUINZAINE

La Quinzaine littéraire, du 1'" au 15 décembre 1969

1916 : Claude Roy et son père. CT",u!,' Roy et son fils.

mais comme à regret et en secherchant beaucoup d'excuses, etl'on peut se demander si son sen·timent de culpabilité ne vient pasen partie de ce qu'il a confonduMaurras avec Lénine, ThierryMaulnier avec la Liberté de Dela-croix. Il s'amuse à noter les pali-nodies de. bien des têtes pensantesentre 1930 et 1940 et cela faitcertes de curieux itinéraires enzigzags, mais son « socialismenational :. est·il justifié par leserrements de Mauriac, de Drieu,de Giono ou de Nizan ? Il fautplutôt le féliciter d'avoir changéde camp en un temps où il y avaitpéril à le faire, et si de nouveau,mais cette fois à propos du stali-nisme, il s'est nourri d'illusions,s'il s'en nourrit encore à proposdu rôle qu'aurait pu jouer Mau-rice Thorez (où est-il allé cher·cher que le « fils du peupleaurait pu être autre chose que cequ'il a été : un parfait valet deStaline ?), du moins, à la diffé-rence de la plupart de ses cama-rades du Parti, a·t·il tiré du Rap-port Krouchtchev les conclusionsqui s'imposaient. Peut·être n'est.ce pas encore là l'essentiel : « Mavéritable mutation intérieure, laplus profonde au moins, ce n'estpas le passage d'un projet chime·rique de socialisme aristocratico·fasciste (un socialisme en cluzm·bre, une utopie amère élaborée envase clos) à finsertion volontairedans le grand projet collectif dusocialisme réel, à fadhésion aILP.C.F. Ma vraie conversion radio

1956

La tentation politique

Toutefois, si les écrivains quicomptent, entre la fin du règnede Louis XIV et la Révolution,sont tous un peu penseurs et phi.losophes, ou encore réformateursdes· mœurs, ceux d'après 1920n'ont guère évité la tentation poli-tique, de Malraux à Drieu ou Ara·gon jusqu'à Gide (qui retrouvaainsi une seconde jeunesse). Clau-de Roy, qui a vingt ans en 1935et ne se prend pas e n cor epour un écrivain, commence parla politique et prend le mauvaischemin. Il en convient, certes,

désir d'approcher en perfectiondeux grands modèles: l'un, Tché-khov, qu'on pourrait appeler sonmaître de vie (pour ne pas direde morale), l'autre à qui il res-semble davantage par sa mobilitéd'esprit, sa curiosité en tous do-maines, son intelligence, son côtéde brillant touche-à-tout : « Di-derot est mon maître. Maître dela recherche du constant dans fin-constance, du vrai dans la versa-tilité, du pur dans le mélange.Maître du zig-zag d'aigle, de ladiagonale vertigineuse qui saisitle fil des choses dans la transver·sale du multiple... :. Vertu desmodèles : Léautaud, également,se serait volontiers vu en fils spi.rituel du plus spirituel des filsdu XVIIIe siècle. Chacun voit sonmodèle avec ses lunettes.

suspecté du péché d'existentia·lisme par les staliniens, du péchéde stalinisme par les sartriens, dupéché de scepticisme par les oppo-sitionnels, et du péché d'aristocra-tisme p,ar tout le monde. Mais lamenJeille des menJeilles, c'est quej'assumais à la fois tous ces péchés-là, prêt à m'en confesser, et à de-mander poliment fabsolution. :.Le ton est plus gouailleur

qu'amer ou désespéré. Claude Royne se sent pas coupable à la façonde Kafka, et il ne se prend pas autragique. Néanmoins, et ce seraune surprise pour beaucoup deceux qui le voient virevolter avectant d'aisance, de virtuosité, demaîtrise, il se sent comme toutun chacun (surtout parmi les écri-vains) mal à l'aise dans sa peau,timide (mais oui), peu confianten ses dons (qu'on peut pourtantlui envier) et souvent porté à «enfaire trop:. (et le sachant au mo-ment même, ce qui n'arrange pasles choses). Voilà qui nous le rendproche et, par ce regard porté surlui-même sans complaisance nimasochisme, encore plus sympa-thique: s'il agace parfois, ils'agace davantage encore.Puisqu'il en est à se juger

mais c'est d'un jugement continuqu'il s'agit quand on se tientcomme cela sous le regard durantpresque cinq cents pages - il nedélire pas non plus quant à sontalent d'écrivain. Il en voit leslimites et on le trouve même unpeu sévère à son endroit. Il estvrai qu'il est aiguillonné par le

De cette séquestration date sansdoute pour Claude Roy un senti-ment de culpabilité qui ne l'aguère quitté et qu'il discerneencore en lui vingt ans plus tard :« Ainsi je réussissais aux alen-tours de 1950 la menJeille d'être

D'abord, il y eut l'enfant. PourClaude Roy, pas plus intéressant,sympathique ou malheureux quebeaucoup d'autres, entre un pèrefroid et distant, une mère de têteun peu légère, en somme des pa-rents mal assortis que la GrandeGuerre avait fait se rencontrersous l'édredon rouge d'un lit cam-pagnard, en pleine ligne de feu.n était officier, elle était postière,et cela faisait plus de quatre ansqu'ils se donnaient mutuellementdu plaisir. L'enfant ni pré-vu ni souhaité. Ils seront désor-mais tenus de se marier et de vivreensemble. Qui paiera les pots cas-sés ? Le jeune Claude, condamnéà sept ans de prison au lycéed'Angoulême.

L'omoier et la postière

Voilà bien un t i t r e à laClaude Roy. En forme d'ai-mable provocation à Pascal,en dépit de Montaigne etde Jean-Jacques, en dépit detous ceux qui se sont fait unnom en littérature par confes-sions, autobiographies et jour-naux intimes. Mais c'est aussiune façon d'annoncer la cou-leur. Et, en fin de compte,il y a là moins de désinvolturequ'il n'y paraît.

Si « le « Moi je » n'est pas poli »,Claude Roy, il est « par-

fois utile pour apprendre enfin àdire nous. Ce que cet « essaid'autobiographie veut surtoutmontrer c'est le passage du « jeau « nous ou encore, la façondont un jeune homme qui seprend pour le centre du mondefinit par insérer sa « petite his-toire personnelle :. dans « lagrande liistoire des hommesNous sommes conviés à accompa-gner le récitant dans la premièreétape de son voyage.

1Claude RoyMoi jeGallimard, éd., 480 p.

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INFORMATIONS

43 rue du Paria 4.c.c.P. 15.SH.53 Paris

La QuinzaineUnir.lre

ses qu'elle a connues au cours deces douze mois, des souvenirs de lavie en U.R.S.S. et sur la grande etpetite histoire du Kremlin.Chez le même éditeur paraît un

ouvrage collectif sous la direction deJean Chevalier et Alain Gheerbrant :Dictionnaire des symboles. Il s'agitd'une vaste anthologie abondammentillustrée de l'imaginaire et de l'in-conscient collectif : les mythes, lesrêves, les couleurs, les gestes, lesformes, les figures, les coutumes, etc,répertoriés et expliqués par une équI-pe d'ethnologues, d'historiens et depsychanalystes.Aux Presses Universitaires de

France, on annonce un nouveau re-cueil de textes de Freud inédits enFrance et traduits par Jean Laplancheet Denise Berger : la Vie sexuelle.Signalons également, traduit pourla première fois en français, uncommentaire du Monde comme vo-lonté et représentation de Schopen-hauer : De la volonté dans la nature,ainsi qu'un ouvrage qui rassemble lesécrits pédagogiques d'Henri Wallon :la Pensée pédagogique d'Henri Wal-lon, par Tran-Thong.Les quatre Grands Prix de l'Hu-

mour Noir ont été décernés pour1969 à Arrabal pour l'ensemble deson théâtre, à Yolande Paris pourson roman Une Fève et deux étages(Losfeld), au dessinateur Gourmelinpour ses Chefs-d'œuvre du dessin(Planète) et enfin au chanteur noirYvan Labéjof pour son disque Lichezles chiens... (Vogue).Le prix Marie Noël 1969 a été at·

tribué à Robert Gavrel pour l'ensem-ble de son œuvre (sept recueils depoèmes parus chez Jean Grassin :les Soleils noirs, le Sang des am-phores, En marge de la nuit, Au lar·ge de l'amour, les Etranges, Sous lesigne de Vénus, les Sept miroirs).Pierre Basson a obtenu le prix du

Roman Populiste pour son roman, laTête, paru chez Julliard, tandis queJean Davray est lauréat du prix Com-bat pour son roman le Désert, publiéchez Fayard.

80uscrit un abonnemento d'un an 58 F 1 Etranger 70 F

o de six mois 34 F 1 Etranger 40 Frèglement joint paro mandat postal 0 chèque postalo chèque bancaire

Renvoyez celle carte à

M.

vm.Date

A paraîtreA l'occasion du centenaire de la

naissance de Gandhi, les éditions Al-bin Michel nous proposent, sous letitre de Gandhi et Romain Rolland,un ouvrage où se trouvent rassem-blés, outre la Correspondance entreles deux hommes, des extraits duJournal de R. Rolland et des textes.divers.Dans la collection «U 2 • Etudes

allemandes ., chez Armand Colin, pa-raît une étude de François Reitel,consacrée aux deux Allemagnescontemporaines, dans les perspecti-ves de la géographie humaine : lesAllemagnes, les hommes, la terre, lesrégions. Une brève géographie régio-nale de l'Allemagne ainsi qu'une bi-bliographie et des documents en al-lemand complètent cet ouvrage quimet l'accent sur le milieu humain, etsur les aspects économiques et dé-mographiques des deux pays.Sous la direction de Pierre Daninos

est publié à «Edition Spéciale. unlivre intitulé le Pouvoir aux enfants etoù cinquante enfants, filles et garçonsde tous milieux, ont raconté et expli-qué ce qu'ils pensaient de la vie, dela mort, des villes, de l'argent, de laguerre, de la politique. L'ouvrage,d'une drôlerie irrésistible, est promisà un grand succès de librairie.Chez Fayard, Michel Tatu nous

présente, dans la collection «En tou-te liberté., un ensemble de textesd'Alexandre Dubcek : Du printemps àl'hIver de Prague.

Après Vingt lettres à un ami, paruen 1967 aux éditions du Seuil (voirle n° 39 de la Quinzaine), et où Svet-lana Alliluyeva nous racontait son en-fance et la mort de son père, la fillede Staline publie un nouveau livrequi commence par son départ pourl'Inde avec les cendres de son mari ets'achève un an après, en décembre1967 aux Etats-Unis : En une seuleannée (Robert Laffont). On y trouveramêlé au récit des tribulations dlver-

sauté, et définitivement. En pre-nant congé du « jeune hommeplutôt bête» (il se calomnie) qu'ila tout de même pris plaisir à nousmontrer, Claude Roy débouchesur un « nous » qui formera lamatière de son deuxième tome.Il faudrait dire un mot de la

façon dont Claude Roy conçoitqu'on puisse parler de soi, en cemoment. Ni à la façon de Jean-Jacques, cela va sans dire, ni àcelle de Gide, ni même à celle deMichel Leiris. Mais qui doit bien,peut-être, aux unes et aux autrestout en s'affirmant originale. L'ap-pellera-t-on butinage ? On pense-ra au papillon qui vole de thèmeen thème, de buisson en buisson(selon la saison, le lieu ou l'évé-nement), alors qu'il faut plutôtévoquer l'abeille, dont la ré-flexion, on le sait, s'appelle« miel ». Nous ne pouvons plusnous accommoder d'un discourssuivi, Claude Royen est le pre-mier persuadé, et pour une véritéplus approchée, une portée plusgrande de la parole, il nous fautlaisser tomber chevilles et articu-lations. La logique, y compris lalogique du souvenir, n'ont quefaire là où le regard fouille dansce qui ressemble plus à un débar-ras (notre vie passée) qu'à unrayon de conserves pour tempsfuturs. Le coq y fait bon ménageavec l'âne et il y aurait de lacruauté à les séparer. Le sérieuxpeut avoir le pied léger. Le ba-vardage même se fait excuser parle charme de la voix. Bref, ClaudeRoy chante juste, dans son ton etson registre. C'est vraiment plai-sir de l'entendre.

Maurice Nadeau

P.S. le suis très touché par lesnombreuses marques d'estime oud'amitié venues des lecteurs et amisde la Quinzaine littéraire à l'occa-sion du Prix qui m'a été décerné.le les en remercie de tout cœur.A propos de ma démission du

Renaudot, je dirais simplement quele choix du lauréat de cette année,choix acquis précipitamment et sansdiscussion préalable, ne répond pasau sentiment que je me fais d'unerécompense destinée jusqu'à présentà honorer le talent plutôt que lamédiocrité. Directeur d'une collec-tion qui publie aussi des jeunesromanciers, j'avais en outre desraisons personnelles de me trouverde plus en plus mal à l'aise à l'inté·rieur d'un jury chargé de distinguerles mérites des uns et des autres.

Une nouvellefamille

Dès ce moment, celui qui avaittendance, entre un père trop dis-tant et une mère frivole, à setenir pour un orphelin, découvreou retrouve une famille. Dès cemoment il fait bon ménage aveclui-même. Dès ce moment ils'aperçoit que son destin person-nel prend un sens en s'insérantdans une histoire plus vaste : «DeStalingrad à Chateaubriant, deMadrid à Canton, d'Athènes àBelgrade, les hommes les pluslucides et les plus courageux demon temps avaient une penséecommune qui inspirait une actioncommune. En devenant un mem-bre de la grande armée de la rai-son militante, je devenais un mil-lionnième de cette masse réflé-chie. :. Si l'enthousiasme anciens'est, depuis, quelque peu refroidi,il n'empêche que le pas a été

cale, c'est le passage de fespritd'aristocratie à fesprit de démo-cratie, que l essaie de vivre tota-lement. (Y parvenir, une autreaffaire). »« Conversion » qui a demandé

du temps et qui ne découle pasd'une « révélation ». Quand lecaporal de blindés Claude Roys'évade du camp de Lorraine oùles Allemands le retiennent pri-sonnier, c'est pour faire confianceà Pétain et débarquer à Vichy oùil trouve de l'embauche. Il est,certes encore, en excellente com-pagnie, de Pierre Schaeffer àEmmanuel Mounier et AlbertOllivier, et n'est-il pas piquantqu'il entre en rapport avec Aragonet le couple qui n'est pas encoredevenu fameux par un article de« l'Action Française» où il célè-bre le poète du Crève-cœur ?Durant cinq mois il assure desémissions littéraires à la «. RadioNationale ». Assurément, leschoses étaient moins nettes ouplus compliquées qu'elles ne nousle paraissent aujourd'hui et Clau-de Roy peut en effet tirer quelquefierté de cette « guérilla de plu-me » qui va le conduire à la ré-sistance active, puis au Parti. Lemédiateur, on le sait, fut Aragon,« l'enchanteur Merlin des mots »qui lave le pénitent de tout sen-timent de culpabilité par unephrase magique : « Petit, rim-portant ce n'est pas d'où on vient,c'est où on va. »

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TBLEVISION

Du fond des âgesEugène Le Roy/acquou le CroquantCalmann-Lévy éd., 357 P .

L'Ennemi de la mortCalmann-Lévy, 326 p.

Il avait toutes les qualitéspour ne pas • réussir » : ti-mide, fier, intransigeant, ré-volté, révolutionnaire, mau-vaise tête, entêté, libertaire,antl - bonapartiste, anti - bour-geois, mangeur de curés, antl-tout ce qui était bas, servile,vulgaire.

Marchant ainsi dans la vie, Eugè-ne Le Roy n'a pris aucun détour, ac-cepté aucun compromis ; mépri-sant Batteries, mondanités, intri-gues, richesse, décorations. Des amisl'avaient pressé pourtant de propo·ser son œuvre à l'Académie. Il selaissa entraîner et fut refusé : «( Lesujet de votre roman a paru iciinopportun, séditieux et révolu!ion-naire et, malgré les grands élogesdonnés à votre talent... ». Ici, c'étaiten 1900. Soixante·neuf ans plustard, /acquou le Croquant est venduà plus de 150.000 exemplaires enmoins de deux mois, tandis qu'estréédité l'Ennemi de la mort, sondernier ouvrage, le plus désespéréde tous.Les œuvres de Le Roy ont été ré-

vélées grAce à des rencontres heu-reuses. Celle, en gare de Thiviers,d'un critique littéraire - Alcide Du-solier - avec le feuilleton le Moulindu Frau. Celle, avec /acquou leCroquant, de Stellio Lorenzi qui,des bûchers du Thabor à l'incendiede l'Herm en Périgord, a ce don deranimer les grands feux oubliés et,en six samedis soirs, de faire, de cequasi.inconnu, un auteur enfin cé·lèbre.Eugène Le Roy : il est l'homme

des contrastes, des heurts violents.Racé et fruste, farouche et tendre,c'est tout un pays reflété en lui, lePérigord, plateaux désolés où nepoussent que pierres à Beur de terre,forêts sauvages de la Double véné·neuse ou de la Barade aux loups,jusqu'à la riche vallée de champs detabac et de blé. Né au Château deHautefort où sa mère est lingère,élevé en pleine campagne, il estfrappé aussitôt par la misère et lesdifférences sociales. Il est et resterafils de cette terre, y plongeant pro-fondément ses racines, lui qui ja-

mais, sous les orages, ne baissera latête, cette tête remplie de rêves etdes visions des grands hommes de laRévolution.Alors, d'un trait manichéen, il di·

vise l'humanité en deux camps :nantis et gueux, bons et méchants.Simpliste? Non. Car, ce parti étantpris, il ne met pas en scène destypes, mais des gens qu'il connaîtbien et, grâce à son talent satirique,sa verve et son humour, ou bien sapitié tendre, en quelques mots, ildonne vie à des personnages qui rap-pellent parfois les pélerins de Chau-cer vers Canterbury, allant leur pe-tit trot.D'un côté, le défilé des puissants :

Nansac, Puygolfier, Auberoque,bourgeois « emparticulés » et leursintermédiaires, régisseurs, gabelous,gendarmes et, parmi eux, voilà«l'huissier Laguyonnas sur sa ju-ment grise, avec sa figure en lamede couteau, ses petits favoris jauneset son air chattemitte », qui se rendau Frau et puis, venant remplacerle protecteur de Jacquou, «un granddiable de curé, sec comme un pendud'été, de poil rouge, torcol, avec degros yeux ronds et un nez crochu ».Et cet autre, qui gesticule de mau·vais gré autour de l'arbre tout neufde la Liberté : « le curé Pinot pritle goupülon et fit le tour de l'arbreen marmottant des oremus, et enl'aspergeant d'eau bénite avec un pe-tit coup sec, comme qui dit : si tupouvais en crever! ».De l'autre côté, c'est le long cor-

tège des Misérables : enfants aban-donnés qui n'échappent pas à leurdestin : Nicette, séduite, se laissantcouler au fond de l'eau, Miloumourant sur l'échafaud (dans la pe-tite Nicette et le grand Müou - Cal·mann·Lévy, 1901), Damase, tué enAfrique (Dans Mademoiselle de laRalphie . Rieder, 1921), paysansen guenilles qui font mourir leurbienfaiteur (dans l'Ennemi de lamort), paysans humiliés, expulsés,arrêtés, héroïques.Et c'est, sur eux, la Grande Peur

de la Faim, venant du fond des âges,peur du manque de pain, de l'oragequi monte et crève, du feu éteintsoudain, malheur collé à la peau,décor de chaumière du Petit Pou-cet et de forêts de pauvres bûche·rons, la Mort cheminant à leurs cô-tés, tandis qu'ils vont, ployant ledos.Là aussi, Le Roy reste simple, les

décrivant sans emphase, tel qu'il lesconnaît, mais intervenant de tempsen temps dans son récit, à la maniè-re du XVIIIe siècle, pour s'excla-

mer, s'indigner, s'attendrir: «( Ah!Les braves cœurs ! Les pauvresgens! ».Alors, aussitôt, sur ces bonnes pa-

roles, il est trop facile de sortir lesétiquettes : mélodrame, Epinal, réa·lisme socialiste! En fait, Le Roy .par ses qualités et ses défauts - nesaurait être rattaché à aucune éco-le. Il est, en littérature comme danssa vie, un vieux solitaire, un origi-nal, un pur, un écrivain de cœurqui aime à raisonner, un « naïf » àl'écriture spontanée, vigoureuse, al-lant bon rythme, poétique dans sarusticité simple avec, de phrase enphrase, l'écho de rimes retrouvées.Ce fut aussi un homme déchiré :

il plaçait si haut son idéal révolu-tionnaire, et l'éthique devant l'ac-compagner, qu'il ne pouvait qu'êtreblessé par la réalité. Les révolutionspassent, les vertus civiques se per-dent. Le progrès qu'il rêvait l'in-quiète maintenant: «Nous auronsplus d'ingénieurs, de professeurs etd'apprentis sous.préfets, mais moinsd'hommes ». Déçu par le présent,angoissé par l'avenir, ses livres se·ront sa compensation.Cet homme de progrès s'y montre

tourné vers un passé auquel il seraccroche d'autant plus désespéré.ment qu'il le sait condamné. Il veuttout en garder. c'est sa faiblesse :gestes, légendes, recettes, patoiseries,proverbes. Là, le conservateur demusée folklorique qu'il devient gê-ne terriblement l'écrivain. Sur cemonde déjà dépassé, il projette lerécit imaginé de sa revanche. Legeste symbolique de Jacquou jetantsa torche aux fagots pour brûler cet-

te nouvelle Bastille venge non seule-ment le père bagnard et la mèreépuisée, non seulement les onclesNougaret, les soldats Damase, tousles curés Bonal chassés par l'évêché,mais il venge aussi les déceptionsde ce rêveur aux cheveux blancs, àla grande barbe en broussaille, qua-rante·huitard aux haines vigoureu-ses, cet «( éclopé de la hagarre du 16mai» comme il aimait s'appeler ettous ceux qui ont pu croire, com-me lui, qu'un soir le monde allaitchanger (ce Ça marche, il y a desbarricades à Paris, le Vieux va dé-guerpir ! ») (sic), éclopés des Maispassés et à venir, tous les déçus deslendemains désenchantés.Lorenzi l'a compris et il a su être

fidèle à ce message. Dégageant l'in·trigue du détail provincial, il a ra-massé les situations, groupé plu-sieurs personnages en un seul. En·fin, il a su trouver les visages, lesvoix, les silences et surtout les re-gards . ce furent les grands mo-ments de son émission - regard dupetit garçon levé vers le père au pi.lori ou vers la mère délirant, re·gard de l'enfance, de l'Innoncenceface au Mal, ouvert grand sur unmonde d'épouvante qu'il ne com·prend pas, regard de tous les en·fants traqués de tous les temps etqui semblent tous poser la mêmequestion muette pour laquelle on ahonte d'être adultes et de ne pou-voir répondre, impuissants et com·plices. C'est alors sur nous que seretourne la camera, sur nous,voyeurs de la vision d'un malheurqui n'a cessé d'être actuel.

Michèle Albrand

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969 5

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ROMANS

FRANÇAIS

Une lecture •actIve

1Jacques HenricArchéesLe Seuil éd., 144 p.

Ce premier roman se refuse à of·frir une intrigue ou un scénarioqu'on puisse prendre pour le romanlui-même, comme il arrive le plussouvent. C'est une lecture active etresponsable qu'il exige, et qui sep opose de présenter Archées doitsavoir ne présenter en fait que lalecture dont il est lui·même l'auteur.L'archée, c'est à la fois la portée del'arc, et l'acte de tirer. C'est donc àla fois une décision et son exécution,c'est le passage de l'état de reposet d'attente à l'engagemenrirréversi-ble dans le temps, puisque la flèchene peut se rattraper. On n'efface pas,mais on recommence. C'est de nou-veau l'état blanc, de nouveau la ten-sion et l'engagement. Jamais, ici,nous ne VOYOIUl la cihle, avec le ré·sultat du tir, mais chaque fois leparcours, depuis le point de départqui est toute l'économie d'un espritet d'un corps devenus ensemble lelancement de la flèche.La main qui écrit trace une tra·

jectoire rectiligne, mais elle ne lepeut qu'au moyen de cent mille pe-

tits guerriers longs ou trapus, lepoids du corps en avant comme ilconvient aux soldats de plomb à lacharge, et le jambage arrière tirévers la gauche de la feuille de pa-pier ; la frise de leur procession dé·crit le trajet un du texte en voie des'écrire, comme aussi la flèche deZénon d'Elée le long de son par-cours est immobile sur un nombre

incalculable de positions. La pagese couvre de ces trajectoires tou-jours recommencées de la gauchevers la droite, comme le livre deJacques Henric se constitue des re-prises et variations de l'archée quise veut, se cherche, et se donne,pour retrouver l'état de repos, l'étatde gauche, l'état blanc, mais por·teur déjà de l'intention qui ne peutmanquer de se livrer à l'acte. Elandirect, fait de patiences et d'impa-tiences les unes aux autres néces-saires.L'acte de l'archer engage ses ta-

lons, ses jarrets, ses cuisses, son ven-tre, sa poitrine et son dos, ses épau-les, ses deux bras et ses mains, soncou, son regard, et - tout cela mobi-lisé - immobilise souverainement sapensée. Le Zen enseigne qu'en cetart, le succès se donne à qui ne leveut, ni ne le cherche, ni ne le dési-re plus. L'échec est distraction, etla pensée même de l'acte est une dis-traction. L'acte, c'est l'impensable,en somme: le Zen et Zénon s'accor-dent là-dessus. (Pour la raison uni-verselle, quel mauvais moment àpasser).C'est parce que l'essentiel de l'ac-

te a toujours échappé qu'il faut bienqu'on le recommence.

Tout acte est attaque. Les actesde la guerre et ceux de l'amour sontà l'image du tir à l'arc. Aussi unearchée en appelle-t-elle d'analogues,à travers un temps historique procheou lointain, personnel ou non. Etpeut venir un certain lit hlanc, - oubien surgissent, dans la plaine encouleurs, les vaillants aïeux au ma·tin du combat. Jouent ensemble,l'une avec l'autre, de très vieilles etintimes expériences qui ne sontqu'une. Car ce sont d'autres archées,et la même : vivre, c'est constaterperpétuellement l'échec, puisquecontinuer, c'est recommencer, es-sayer encore, et encore. Ecrire,n'est·ce pas toujours échouer, et re·partir?Composé de séquences brèves et.

tendues comme le moment d'une vi·sée, coupé de blancs qui sont le re-pos, le temps mort, et le temps mê-me, qui abandonne, qui sépare, etqui relie les actes manqués, ce ro-man ne pouvait que ne pas s'ache·ver : aussi laisse·t-ille lecteur, com-me il était logique, sur une virgule,et le grand blanc préalable à d'au-tres recommenceme:ots, d'autres vi·sées, d'autres archées, ailleurs quedans ce volume-là...

/osane Duranteau

Le #passe intact1Michel HurietLa Fête de la dédicaceGallimard éd. 196 p.

Longue litanie, incantation parodiquequi répète, tantôt par dérison, tantôtpar désespoir, l'antienne nostalgique duretour au pays natal, adieu ironique etdéchirant à sa jeunesse, qui tisse capri.cieusement le contrepoint du passé auprésent, la longue phrase souple, inci·sive, pudique, sans virgule ni ponctua·tion, suspendue comme une liane entredeux paragraphes, court sinueuse et"agabonde sans s'arrêter, pour s'enfler,symphonique, jusqu'à l'instant de cul.miner dans l'acmé final, au terme de cetrès remarquable premier roman.e Heureux qui, comme Ulysse... ).

Michel Huriet a fait d'une commémo·ration la matière et le thème de sonlivre, ce salut doux·amer que le voya·geur adresse aux années qui ont fui.De passage dans sa ville natale pour lasignature de son premier livre, entredeux haltes d'une vie nomade, le nar·rateur, diplomate, retrouve dans lalibrairie où, jeune homme, il feuilletaitavidement les bouquins, le cortège desamis et connaissances qui traversèrentson enfance et son adolescence. De sonprofesseur de lettres, ce bon Mathieu,qui lui promettait un avenir médiocre

1

à son ami Creusat, radiologue dans lesquartiers pauvres et à Marianne, la pre-mière femme de sa vie. Discret, subtil,l'auteur narrateur se donne licence, letemps d'une dédicace, cette fête fragile,de comparer le jeune homme triste etincenain de ses débuts à cet auteurcélébré dans sa ville natale et quisavoure à peine - il a trop consciencede la vanité d'être un auteur - le dé·menti que le présent inflige au passé.Au regard de la mauvaise foi quiincline tout bomme à affecter d'un coef·ficient positif le maigre butin qu'il arecueilli, le narrateur mesure l'écbecif!évitable.Entre les pages de son livre, la Tour

de Londres, se glisse l'essaim des ima·ges et des visages qui refluent vers luicomme l'ombre et la douleur. C'estsur les ruines d'un bonheur adolescentqui paraissait indestructible, entre leicoupes sombres de la mort qu'il a puécrire son livre. Tous les êtres, figu.rants ou amis, autour de qui s'organisala jeunesse de Jean.Paul N.. ne répon.dent pas à l'appel désordonné des sou·venirs. Voilé par l'humour, retenu pareette forme de pudeur naturelle auxAnglais, un accent sensible et désin-volte donne à ce récit une laveuraiguë.Mais c'est Marianne, amie d'enfance,

élevée avec lui comme une sœur, au·près de qui il a éprouvé les premierstroubles de la sensualité amoureuse,métamorphosée en bourgeoise et mèrede famille, qui raccorde Jean·Paul N.à un passé aussi intact, aussi explosifqu'au premier jour. Au cours de lasoirée qui les réunit en tête à tête,Jean.Paul N., avec une douceur opinâ.tre, à travers détours et précautions quitrahissent le trouble et la peur, ramèneinvinciblement la jeune femme à leurcomplicité d'autrefois, comme à l'oréed'une région brûlante vers où ils trem·blent de retourner. A ce jeu où tha-cun cherche à faire chanceler l'autre,ils n'oseront, en définitive, accomplirle pas décisif. L'homme de lettres pu·sillanime, ayant vaincu jusqu'à la vio·lence de son désir et voulant que seconfondent la réalité de son livre avecla vérité de sa vie (ce livre préfigurantsa rencontre avec la jeune femme, enses moindres détails), reculera, aprèsavoir déclenché en Marianne la tem·pête refoulée, mais toujours violente,d'un amour qui l'effraye, moins devantl'aveu d'un désarroi que devant lacrainte de trahir son livre et la stu·pidité de vieillir.Michel Huriet joue avec une virtuo·

sité incisive de l'équivoque entre l'écri·vain personnage et le héros consacré

par son pays natal, enchanté de fairefigure, mais il sait très bien qu'à jouerles auteurs, on n'est pas assuré de Jedevenir. D'où la liberté de ce récitqui ménage sans cesse les lignes defuite par où s'échappe l'imaginaireJean.Paul N. nous livrant son art poé·tique en même temps qu'il convoqueles souvenirs dont il a nourri son livre.C'est pourquoi il conclura: c Voilà.Un nouveau livre a commencé de nai·tre et c'est moi.:.

ATain CT",,"'"

MicheL t1UTI"t.

Page 7: quinzaine littéraire 84

A contre-courant

Rédacteur en chef:Henri DELUY

ghiannis riaos

Maurice regnautbernard vargaftighenri deluy

tibulle, properce:deux poèmes d'amouret de paixadaptés par pierre macris

avec: philippe boyer, jean.paul cassagnac, henri deluy,alain lance, pierre lusson, philippe mano, dimitri mir-kine, christian prigent, rnitsou ronat, paul· louis rossi,jacques roubaud, élisabeth roudinesco, j.-l. steinmetz.

41/42Situation de IITel Q!!elll

et problèmesde l'avant-garde (1)

numéro double: 6,30 F.

action poetique

PJ. OSWALD, 14· HonfteurC.C.P. Rouen 2201 05 V.

et dès que Rachel Mizrahi veut en·trer dans les problèmes métaphysi.ques, dès qu'elle pense « trop ll, lalégèreté disparaît sous des idéesconventionnellement non·conven·tionnelles et cela devient très en·nuyeux.Harry est un jeune demi.juif aIle·

mand élevé en Palestine par une mè-re.poule qui se sacrifie. Cette mèrequi ne parle que « mèrement » ou« poulement II ou « sucrement IImeurt heureusement. Et Harry quise croit inhumain parce que tout cequi est humain lui est étranger, fai·sant la queue pour entrer dans uncinéma, est enrôlé dans l'armée an·glaise. Tout surpris, il se retrouveau milieu de la campagne d'Italieoù tandis qu'il court parmi les obuset divers projectiles, il voit Dieu :« Dieu était énorme. Il avait une forme de pied... il se déplaçait posantson pied au hasard et pensant à au-tre chose, très haut et ailleurs. Iln'était ni un œil ni une main. Dieuétait un pied ll.

Des champs de bataille, Harry ar-rive en libérateur de camp deconcentration. Il y trouve même unhomme en pyjama rayé qui ne veutpas quitter ce lieu d'asile... Dansl'ancien appartement de ses parents,Harry rencontre une prostituée quia un mari aveugle et sourd, il s'ap·pelle Œdipe, la guerre de Russie luia dévoré les doigts de pieds et geléla cervelle... Harry a un ami, soldatcomme lui, qui souffre de troublesdentaires et métaphysiques. Pourl'aider, Harry étudie la Mort à tra-vers les âges puis, avec des justi-ciers, il assassine, en privé, desanciens nazis qui osaient calmementrevivre en pantoufles. Il se querelleavec une dame de la Croix Rouge,et toujours avec son esprit contes-taire, il aborde le problème du 55,de la patrie (cette patronne de bor-del), de la guerre, de la paresse,de la liberté, des raisons de vivre,etc. Il rencontre même un hommequi croit en Dieu !Rien n'étonne Harry qui réagit

comme tout jeune homme bien, àrebrousse·poil, à contre·courant.Harry est un bon personnage anti-sartrien et ces aventures voltairien·nes lui ont révélé la logique deschoses: le jour de la bombe d'Hi·roshima « partout où il portait sonregard il ne voyait que le néant. Iln'y avait absolument rien à faireet il le fit ll.Ce premier roman est comme une

pomme verte: à la fois sympathiqueet horripilant.

Marie·Claude de Brunhoff

Rachel Mizrahi.

Dès l'abord, l'écriture de ce r0-man nous fait hausser les sourcils.Les phrases semblent écartelées, cou-pées en tranches puis recollées parhasard. Les noms deviennent adver-bes, les proverbes sont pris au piedde la lettre, les répétitions irQniquesbalancent la phrase. Un esprit fron·deur s'est·il mis en tête de démante-ler la grande famille des Analyses,les Logiques comme les Grammati-cales?

Rachel Mizrahi est polyglotte : àhuit ans elle écrit en hébreu, à quin-ze elle apprend le français pour lireBaudelaire, puis elle vient à Parispour étudier le chinois... Née à Var·sovie, élevée en Israël, elle sait l'al·lemand et le polonais, et naturelle·ment l'anglais. En collaborationavec Christiane Rochefort elle a tra-duit En Flagrant Délire de JohnLennon.Les tournures diverses de tous ces

langages sont jetées tout à trac surun français calme, mais pimentéd'humour juif (l'humour acide dePhilip Roth, pas celui de Malamud).Le résultat surprend, réjouit et aga-ce tout à la fois. L'agacement vientde ce que nous voulons constam·ment être divertis par ces acrobatiesverbales et ces images saugrenues,

1Rachel MizrahiHarryGrasset éd., 288 p.

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969 7

Page 8: quinzaine littéraire 84

M.BMOIRE8

L'arithm.êtique de1Anaïs Ninloumal 1931.1934.

Stock éd., 384 p.

Le loumal d'Anais Nin con·tient, bien sûr, de remarquablesportraits de Henry Miller, OttoRank, Allendy, Artaud pendantles années 1931·1934 qui, à euxseuls, suffiraient à captiver lelecteur. Mais le personnage leplus intéressant de cet itinéraireintérieur est celui qu'Anaïs Nincrée à partir d'elle-même. Sym-biose exceptionnelle entre la fem·me et l'écriture, lieu où les man·ques et les frustrations se con·frontent aux mots, cette œuvres'impose par son absolue néces-sité. L'idée parfois fausse que l'onse fait du journal intime commeenlisement dans les c délices del'omphalopsychie (le terme estd'Amiel) trouve ici un éclatantdémenti. Les retours en arrièred'Anaïs Nin sont dominés par unmouvement en avant vers uneintégrité nouvelle : se rassembler,se retrouver, se re-créer, tel estson but pour conjurer une enfancedont il lui reste une sensation derupture et de discontinuité. « J'aile sentiment qu'un choc initial arompu mon unité, que je suis unmiroir brisé ». L'image d'un mi-roir brisé se rencontre égalementchez Virginia Wooll et l'on sedemande si cette commune angois-se de la désintégration ne s'ali-mente pas à une même source :le vain désir de retenir une figurepaternelle absente ou hors d'at·teinte. Le « choc auquel Anaisse réfère eut lieu lorsque, âgée dedouze ans, elle vit partir un pèredécidé à vivre seul. Il en résultachez elle, comme Rank le lui fitobserver, une intense culpabilité :n'est-on pas coupable de ne passavoir se faire aimer? L'atmos-phère douloureuse où se déroulecette reconstruction d'une iden-tité entamée, l'obligation où setrouve Nin d'accumuler desamours fragmentaires dans l'es-poir de compenser le premieramour blessé, nous entraînentloin des complaisances et des res-sassements.Ce Journal, tel un être vivant,

joue des rôles multiples : il esttantôt le père absent, tantôt leconfident qui console, tantôtl'amant, car Nin, le monde exté-rieur quitté, brûlante de hâte, sejette sur son lit pour le rédiger.Il est le gardien jaloux qui éloigne

8

Anai.! Nin à 12 am.

et protège des hommes, le rivaldu père et du psychanalyste,comme il est aussi appât, hameçonoù mordent les esprits masculinsintrigués. (Le Journal est souventlu par Miller et par Rank). Tell'androgyne, il cumule les deuxsexes : on y trouve aussi bien ladouce atmosphère des compagniesféminines que les prises de cons-cience par où Nin s'identifie àl'artiste, à l'écrivain et à l'ana·lyste. Si, dans ce mouvant miroir,le visage paternel de Joaquin Nin,pianiste, don juan cabotin etcharmeur, alterne avec l'ombregrave et virile de la mère; si lapersonnalité de Henry Miller,figure complexe d'initiateur et depère-enfant, alterne avec celle deJune, alors sa femme, « étrangeforce masculine » réfugiée dans lamythomanie, c'est que Nin esttantôt sous l'empire du masculin,tantôt sous l'emprise du féminin.Elle se cherche à travers les deuxsexes. Non qu'elle soit obsédéepar une narcissique contempla-tion, mais elle s'efforce d'opéreren elle-même la fusion des con-traires. Tel nous apparaît le sensprofond de ce va-et-vient entre lesépoux Miller qu'elle essaye moinsde séparer qu'elle ne tente de les

traduire l'un à l'autre. Dans sonattraction pour June, plutôt qu'unbanal érotisme, ne faut-il pas voirla fascination qu'exerce sur elleune femme en q!elque sorte ledouble du père : mythomane,artiste, évasive comme Joaquin,comédienne, incohérente, impos-sible à cerner ? Et ce désir derecomposer à travers autrui l'uni-té du couple, n'est·il pas la raisonpour laquelle, si jeune, Nin setourne vers l'œuvre de Lawrencesur qui elle écrit un essai pleind'intuitions (1) ? Il y a, entreLawrence et elle, des affinités quiparaissent liées à une nostalgiecommune : réunir ce qui fut,dans leur jeunesse, brutalementopposé.Commencé sous forme de Lettre

que la petite fille, pour attirer surelle l'attention et l'amour du père,eut voulu lui faire parvenir (maispas plus que l'autre, cette Lettreau père ne fut lue par son desti-nataire) le journal est donc essen-tiellement dialogue. Il se veutégalement auto-analyse. Nin avouepourtant qu'elle n'aurait jamaispu se détacher de ces pages, ni lesdétacher d'elle-même, sans le se-cours d'une psychanalyse véri-table. Analyse commencée par

Allendy, continuée par Rank,mais terminée, de façon ortho-doxe, par une femme. Peut·être letransfert sur une figure mater·nelle lui était-il indispensable?On soupçonne que la solidaritéde Nin avec la femme, sa com-préhension si profonde du mondeféminin (qui éclate dans l'épisodeJune) comme sa poursuite deshommages masculins et son désirde séduire des hommes (tous prêtsà être séduits) s'expliquent sur-tout par une souterraine fidélitéà une mère abandonnée qu'elleaimerait venger. Il y a dans cejournal de nombreuses scènes oùl'enfance est comme mimée. Parexemple celle où Nin, obligée des'avouer que son père fabule,éclate en reproches. « Continuedonc », s'écrie le père, « Dis-moimaintenant que je ne sais pasaimer, dis-moi tout ce que ta mèreme disait », scène où c'est l'hom-me lui-même qui la force à tenirun rôle de mère. « Yavais rim-pression de ne plus être moi, trêtrema mère, travoir un corps las deservir et de donner ». Sans douteest-ce de la répétition obstinée detelles situations que provient chezNin la prédominance de l'instinctmaternel, instinct qui la pousse

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Le récit du délogé, de Roger Caillois

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vient de paraître

Abonnement 55 F

Diane Fernandez

(1) D.H. Lawrence, un unpro-fessionnal Study dont les volumessuivants sont traduits.(2) Les miroirs dans le jardin.

Stock 1962. Une espionne dans lamaison de l'amour. Stock 1964.

être cette obstination bienheu-reuse est·elle due à l'influence deRank. dont on sait les travaux surle mythe de la naissance duhéros, car on constate chez sonélève un souci de revenir auxsources, comme prélude d'une re·naissance, d'un rétablissement dumoi, opérés grâce à « f arithméti·que de finconscient qui tend àf équilibre des forces ». Il est cer-tain que Nin a su se nourrir deson Journal plus qu'il ne s'estnourri d'elle. Elle s'est guérie dela hantise de tout noter, de toutconserver, dont l'origine est sansdoute le geste d'une petite fillevainement agrippée à l'étoffecruelle et fuyante du manteaupaternel, geste dont elle a con-juré l'amertume et l'angoisse :« Il n'est pas obligatoire d'être àjamais marqué par le premiermoule

Qu'est-ce que la Métaphysique?

Cahier 14

Le cahier 15 F.

Rappel : cahier 9, Lou Salomé Andreas-RilkeCahier 13, le Cantique des Cantiques.)

Cahiers de littératureen librairie et Nouveau Quartier Latin

78, boulevard St-Michel, Paris-16'

COMMERCE

M. HEIDEGGER(traduction nouvelle de Roger Munier, préférée par l'auteur.)

et

vers des hommes ployés, euxaussi, sous le joug du passé. D'oùdes réflexions pénétrantes surl'œuvre de Miller : « lutte pourtriompher de la femme, de lamère, de la femme en lui inter-prétation qui éclaire la misogynieet pourrait s'appliquer à certainstextes de Lawrence. D'où égale-ment cette noire berceuse qu'ellechante à l'enfant qu'elle attend,mais n'aura jamais : « Tu serasun enfant sans père comme j'étaisun enfant sans père... Tu feraismieux de mourir parce que dansce monde il n'existe pas de vraipère... L'homme est un enfant quia peur de la paternité ». Il estremarquable de voir comment Nina su mettre cet instinct de créa-tion au service de l'art et desamitiés. Ses amis masculins l'ontsouvent poussée à délaisser sonJournal pour le domaine pure-ment imaginaire du roman, maissi Nin a composé toute une œuvreà laquelle elle donna le titre glo-bal de Cities of the Interior, (2)elle n'abandonna jamais sescahiers et leur quête libératrice.Quelle entreprise plus romanesqueque de s'enfanter soi-même? Peut-

l'inconscient

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969 9

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Change: la mode, l'inventionEffets de mode

Ce nouveau volume collectif de la sérieChange? C'est le conflit et le contre-tempsde l'invention et de son piège : la mode.Ou ce qui a été nommé la rhétorique demode, ou l'écriture de mode : " dans ceprésent absolu, dogmatique, vengeur, oùla Mode parle? -êurieusement, cliaque grande secousse

qui s'est emparée de l'écriture littéraire- grande prose balzacienne, ou rupturepoétique mallarméenne - est accompa·gnée par une critique ironique de l'effetde mode. Balzac dénombre" les mots àla mode ». Mallarmé fonde, dirige et rédigependant plusieurs mois " La DernièreMode ".Ici une autre méthode est essayée : cere

tains" mots à la mode - sont retrouvésdans leur contexte le plus ancien, et ainsicomme démontés et mis à nu. Cette" ultra·nudité ", remarquait Butor, que la Mode apour fonction tout à la fois de désigneret de voiler.Démonter le lexique et la syntaxe de

mode. en les écartant de la main, c'est enmême temps se donner une chance dedévêtir et de toucher le corps même dela langue qui s'invente.

Jean·Pierre Faye publie unnouveau volume de "Chan·ge -. Celui-ci s'intitule " laMode, l'Invention - et com·porte des études de MichelButor. Jean-Paul Aron. RolandBarthes, Claude Ollier. JeanParis, etc. Ce volume com·prend également des " Frag·ments - de Balzac ou de Mal·larmé, des définitions de die·tlonnaire dont quelques·unessont piquantes et très actuel·les.

Balzao: Le démodéCette phrase : Ce qui n'est pas

à la mode, renferme dans sa courtecontexture le catalogue complet desgloires déchues; elle enserre danssept petits mots l'histoire des mé·rites méconnus, et des sots recon·nus; des femmes passées et desbeaux en perruque; elle met surla même ligne les banquiers écono·mes, les juges inamovibles, les 221,les voitures jaunes, les héros dejuillet et les chiens anglais.La plèbe de nos lecteurs d'ima·

giner peut-être que nous faisonsde la gratuité ou de la passion :nullement ; nous regardons et nousécrivons. En France tout est mode :mais trois jours suffisent à user lagloire la plus haute, le succès leplus éclatant. Trois jours c'esttout: le quatrième, on importune,le cinquième, on ennuie, le sixièmeon vous hait, et l'on vous proscrit,le septième. Ce fut le temps defaire le monde.« De ce qui n'est pas à la mode D,

La Mode, Paris, oct.·nov.-déc. 1830,t. 5, p. 300.

10

Qu'on le veuille ou non, tousceux qui font métier d'écrire sontassez subtilement mis désormaissous le joug d'une mode intellec·tuelle, à tous les niveaux de seseffets possibles, qui pour se parerdes plumes de la tolérance n'en apas moins la peau peu perméableà tout ce qui pourrait indiquer unëvéritable subversion des formes etdes sens.

Ainsi l'on voit s'instaurer unepression, voire un terrorisme, dela mode dont l'effet de censures'avère à l'usage autrement plussubtil et plus efficace que la désor·mais folklorique interdiction àl'affichage dont s'amusent encorenos ancêtres, les descendants desGaulois. L'ordre social établi laisseapparaître de trop belles conver·gences d'intérêts entre ceux quiorganisent la répression et ceux qui,dans le champ particulier de laproduction littéraire, s'y asservis·sent si volontiers, pour qu'on n'ymette pas de part et d'autre un peude bonne volonté.

Pour avoir jeté bas les idoles del'unité métaphysique, l'écrivain,parmi d'autres, n'en a pas perdupour autant le goût de l'idolâtrie(adoration qui va du pareil aumême, en confondant dangeureuse.ment l'un et l'autre). Qu'il se laisseprendre si volontiers au contrat demode «( fais ce qui me plaît et jete dirai qui tu es » - très provisoi.rement) tient à ce qu'il y trouve

J. P. F.

une possibilité d'être que rien nelui garantit plus par ailleurs : ledroit d'émarger à certains registres,et de reconnaître ici ou là, à défautd'une œuvre ou de lui-même, aumoins l'orthographe d'un nom quipourrait être le sien.La mode intellectuelle qui nous

occupe aurait alors pour fonctiond'écarter son nouvel objet, l'écri·ture, de ce lieu des corps où désiret sens se prennent ensemble. Cequi va bien dans le sens d'une so-ciété plus soucieuse du maintiend'un ordre, destiné à juguler lesforces du désir, que de l'inventiond'un monde qui se soucierait d'arti·culer ces forces entre elles.

Encore qu'en votre mode, ma-dame, vous mettiez infiniment plusd'audace - et d'humour - quenous n'en mettons dans la nôtre:peut.être parce que vous n'avez pastout à fait perdu le goût, vous, defaire de votre parure l'instrumentde votre plaisir.

Philippe Boyer

Déf"mition8MODE, s1. Ce qui est du plus grandusage à l'égard des choses qui dé·pendent du goût et du caprice deshommes.

NOUVEAU VOCABULAIRE

ou Dictionnaire portatif de la Lan·gue française, avec la prononcia-tion,Contenant une définition claire

et précise de tous les mots, leurgenre, et les différentes acceptionsdans lesquelles ils sont ou peuventêtre employés, tant dans leur senspropre que leur sens figuré;Augmenté de tous les mots intro-

duits par la Révolution.An XII (1803)

MODE, s. m. / disposition régu.lière; / ton dans lequel une pièceest composée; ou Mœuf, manièrede conjuguer, terme de philosophie,forme, manière d'être; -, s. f.Mas, usage (dans les mœurs, lesvêtements, les plaisirs, les maniè·res); usage actuel, mais passager,dépendant du goût, du caprice;manière.

DICTIONNAIRE UNIVERSELde Pierre -Claude -Victoire Boiste6< édition, augmentée par l'auteurde nouveaux exemples de phrasesformant une collection de maximeset pensées morales de bons au-teurs, etc. (1803).

MODALISTE, s. m. partisan desmodes, ibid.Si la nature laissait une femme

telle que la mode l'arrange, elleserait inconsolable.ibid.TEXTUAIRE, adj., s. m., livre où

il n'y a que le texte; qui sait bienle texte (des lois); s. m. pl. sec·taires qui ne s'attachent qu'au texte(des livres saints).

DICTIONNAIRE UNIVERSELde Boiste, 1823

Page 11: quinzaine littéraire 84

La lettre de Soljenitsyne LUCIENELIA

Moscou (A.F.P.). - L'écrivainsoviétique Alexandre Soljenitsyne,exclu ces jours derniers de l'Uniondes Ecrivains de la R.S.F.S.R. (Rus-sie), a protesté violemment contrecette exclusion en envoyant à cetteunion la « lettre ouverte » suivante :

« Il est honteux que vous ayezainsi foulé aux pieds vos propresstatuts. Vous m'avez exclu sans queje fusse présent, comme s'il y avaitle feu, sans même m'avoir envoyéune convocation ou un télégramme,sans même m'avoir donné les qua-tre heures nécessaires pour venir deRiazan et assister à la séance.» Vous avez montré clairement

que la décision a précédé 1'« exa-men». Vous était-il plus facile detrouver, en mon absence, de nouvel·les accusations ? Aviez-vous peurd'être obligés de m'accorder dixminutes pour répondre ?» Je suis donc obligé de rempla.

cer ma réponse par cette lettre.

La conscience (et la gloire) deslettres rus ses contemporaines,Alexandre Soljenitsyne, a été exclude l'Union des Ecrivains soviétiques.A· ses persécuteurs, l'auteur d'Unejournée d'Ivan Denissovitch a ré·pondu par la lettre que nous pu·blions (dans une traduction del'A.F.P.).Une vague d'indignation soulève

la·plupart des intellectuels du mon-de entier contre une mesure stupidesans doute mais d'une terrible effi.cacité : mis hors d'état de publieren URSS, Soljenitsyne est désormaismis officiellement horsd'écrire.En France, signalons parmi

les protestataires deux organisationsgénéralement amies de l'URSS : leComité national des Ecrivains etl'Union des Ecrivains.

» Essuyez le cadran de l'horloge.Vos montres sont en retard par rap·port à notre temps. Ecartez leslourds rideaux que vous aimez tant.Vous ne soupçonnez même pas quedehors il fait jour. Ce n'est plus letemps des sourds, l'époque sombreoù il n'y avait pas d'issue, où ilvous avait plu d'exclure Akhma·tova. Et ce n'est plus, non plus,l'époque de la timidité et des tempsfrileux où vous aviez exclu Paster·nak. en poussant des hurlements.» Cette honte ne vous a·t-elle pas

suffi ?» Voulez·vous l'épaissir? Mais

l'heure est proche où chacun d'en·

tre vous cherchera à rayer la signa-ture apposée sous la résolution priseaujourd'hui. »» Aveugles guides d'aveugles,

vous ne remarquez même pas quevous allez dans la direction oppo-sée à celle que vous aviez annon-cée. En ce temps de crise, vousêtes incapables de proposer à notresociété, qui est gravement malade,quoi que ce soit de constructif, quoique ce soit de bon, sinon votrehaine, votre vigilance, votre « teniret ne pas lâcher ».

Votre stupidité» Vos articles épais tombent en

lambeaux, votre stupidité s'animemollement, mais il n'y a pas d'ar-guments. Il y a seulement le voteà l'unanimité et les mesures admi-nistratives. Et c'est pourquoi, à lalettre de Lidia Tchoukovskaya, quiest l'orgueil de la littérature russeengagée, ni Cholokhov ni vous tousn'avez osé répondre. Mais les pincesadministratives vont se refermer surelle. Comment as-tu pu admettrequ'on lise ton livre qui n'a pas étéédité ? Quand les autorités ont déci-dé de ne pas éditer, étouffe-toi,n'existe pas, ne permets à personnede te lire.» On prépare aussi l'exclusion de

Lev Kopelev, ancien combattant dufront, qui a déjà fait dix ans decamp alors qu'il était innocent. Maismaintenant il est coupable. Pour-quoi donc intervenir en faveur despersécutés ? Pourquoi donc a-t·il ré-vélé des entretiens secrets avec unepersonnalité influente ? Mais pour-quoi donc avez·vous de telles conver-sations que vous cachez au peuple ?Ne nous avait-on pas promis, il y acinquante ans, qu'il n'y aurait plusjamais de diplomatie secrète. d'en-tretiens secrets, de nominations etde limogeages secrets et incompré-hensihles, que les masses discute-raient de tout ouvertement ?

» Les « ennemis vont entendre »,voilà votre excuse. Les « ennemis »éternels et permanents donnent unejustification facile à l'existence devos fonctions et au fait que vousexistez. Comme s'il n'y avait pasd'ennemis quand on nous avait pro-mis que la vérité serait toujours diteimmédiatement. Mais que feriez-vous sans ennemis ? Vous ne pour-riez même pas vivre sans ennemis.La haine, la haine qui ne le cèdeen rien à la haine raciale, est deve-nue votre atmosphère stérile. Maisc'est ainsi qu'on perd le sens del'humanité intégrale et unique et

que sa perte se rapproche. Si de-main les glaces de l'Antarctique fon·daient, l'humanité tout entière cou-lerait. Et alors, à qui enfoncerez-vous dans la tête l'idée de la « luttede classe » ?» Et je ne parle même pas de

ce qui se passera quand les quel-ques bipèdes encore vivants erre·ront sur la Terre devenue radio-active et mourront. Il est temps dese rappeler que nous appartenonsd'abord à l'humanité, que l'hommes'est distingué de l'animal par lapensée et le langage. Et que leshommes, naturellement, doiventêtre libres. Et que si on les enchaînenous reviendrons au stade de l'ani-mal.» La proclamation publique des

faits d'une manière honnête etcomplète : voilà la première condi-tion de santé de toute société, ycompris la nôtre. Celui qui ne veutpas de cela, celui qui ne se souciepas de la patrie, celui-là ne pensequ'à son intérêt. Celui qui ne veutpas de cela pour la patrie, celui-làne veut pas la guérir de ses mala-dies, mais seulement les faire entrerà l'intérieur pour que la putréfac-tion se produise là.

» Novembre, 1969.» Alexandre Soljenitsyne.»

vient de paraître

EÉPHÉMÈREN° 11

Georges BatailleLe Coupable

(pages retranchées)

Philippe DenisCahiers d'ombres

Michel LeirisPlus rien

Yves BonnefoyDans le leurre du seuil

André du Bouchet.. ·figure

Laura RidingPoet: a lying ward

Pascal QuignardLa parole et le bouclier

dessins de Tàpies et de Dürer

Ed. de la Fondation Maeght10 rue Treilhard, Paris 8

Les ratésdelaDiaspora"Odyssée pitoyable et mirobo-lante d'un Tartarin de Damas...lyrique, bavard, mais avec le bon-heur d'expression des conteursde l'Orient... Lucien Elia réussitlà le roman picaresque d'undrame sans larmes... "

MATTHIEU GALEYL'Express

"Lucien Elia plonge dans le tor-rent de son sujet avec une vo-lupté, une envie de tout montrer,de tout nommer, qui font de ce"roman" un document passion-nant, une suite un peu étourdis-sante de tableaux de mœurs.scénes familiéres et folkloriques,leçons de vocabulaire. de liturgie.de gastronomie."

FRANCOIS NOURISSIERLes Nouvelles Littéraires

r-T-.....

FLAMMARIONLa Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969 11

Page 12: quinzaine littéraire 84

eUI est-ce?

Pierre Bourgeade a rencontré un certainnombre d'écrivains à qui il a posé desquestions inusitées. Elles ne se rappor-tent ni à leur vie ni à leur œuvre, maisà ce qu'Ils ont en eux de caché, de secret,d'Imaginaire, ce qu'en somme, ils ont faitpasser dans leurs ouvrages, sans toujoursen être conscients. et qu'Ils n'auraient pastoujours envie de révéler.Il y avait là. pour la Quinzaine littéraire

la possibilité d'un jeu. Qui est l'écrivainrencontré par Pierre Bourgeade?Les lecteurs qui nous envoient une ré·

ponse juste, dans le délai d'un mols,bénéficient d'un abonnement de troismois (ou, S'ils sont abonnés, voient leurabonnement prolongé de trois mois). Ceuxqui auront découvert tous les écrivainsinterrogés (ou presque tous) recevrontde la Quinzaine littéraire un cadeau.

Les écrivains interrogés jusqu'à présentétaient François Mauriac, André Pieyre deMandiargues, J.M.G. Le Clézio. NathalieSarraute, Eugène Ionesco, Pierre Klossow·ski, Raymond Queneau. Marguerite Durasest le huitième et Claude Roy le neuvième.

Qui répond aujourd'hui aux questions dePierre Bourgeade?

RECHERCHES

P. B. Vous le revoyez?X. Oui. Dans d'autres rêves.

çais, peut-être?

P. B. Dans la Quinzaine litté-raire, en tout cas. Mais le Chas-seUl' Français est plus lu. A unecertaine époque, je correspon·dais avec des espions, ou plutôt,avec une jeune fille très timide,ce qui fait que je n'avais pas osélui donner mon nom, mais unfaux nom. Je donnai ce faux nomà une boîte postale privée etj'allai y chercher mon courrier;je ne reçus qu'une seule lettre.Un jour que je venais en vainchercher du courrier, je vis deuxou trois messieurs retirer leleur : ils ployaient sous le poidsde centaines de missives. Latenancière de l'officine melaissa entendre qu'il s'agissaitde correspondants du ChasseurFrançais.

X. Bien sOr 1 Je Joue le Jeu.Ce sont des gens Jeunes quiécrivent. Pas une seule personneâgée. Des jeunes filles, des écri·vains, des peintres, des em·ployés de bureau. L'un de cescorrespondants m'a téléphoné.Il ne voulait pas m'écrire. Il vou-lait absolument me voir. Il vou-lait absolument me remettre sonrêve « en mains propres D. C'estl'expression qu'II a utilisée.

P. B. Vous avez été chercherle rêve?

P. B. Allez-vous à ces ren·dez-vous?

P. B. Tous les lelisent.

X. J'al reçu beaucoup de let-tres. On demande à rencontrerle collectionneur.

X. C'est là que Je dols met-tre mon annonce 1

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P. B. Oui. J'avais découpél'annonce. Je Ils les petites an-nonces tous les jours.

dans France-Soir pour recher-cher des rêves?

X. CHERCHE REVES POURCOLLECTION. Mon nom. Monadresse. J'ai eu beaucoup de ré-ponses. J'ai fait paraître l'an-nonce une seule fols, Il y a plusd'un an, et je reçois encore deslettres. J'en ai reçu plusieursces jours-ei.

P. B. Ça ne m'étonne pas.

X. Les gens ont écrit. Télé-phoné. Maintenant, je voudraisfaire paraître une nouvelle an-nonce. Dans le Chasseur Fran-

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P. B. Dans quelles circons-tances.X. Je suis avec lui. Nous de-

vons partir. Nous devons partirtrès vite. Il ne reste que septminutes. SEPT MINUTES. Je faisma valise, aussi vite que jepeux, et au fur et à mesure queje la fais, elle se vide. Elle ne seremplit pas. Je la remplis dejournaux. Je n'emporte que desjournaux. Le type me dit : « Faisvite. Fais vite•• La valise n'estjamais prête. Tout d'un coup jeme dis : « Ce n'est pas : septminutes. C'est : cette minute.»C'est un jeu de mots. Vous savezque j'ai fait passer une annonce

P. B. Des trucs qui font peur.

X. Par exemple.

P. B. Je suis en haut d'unemontagne. Je regarde les nua-ges, en bas. Ils montent. QuandIls m'atteidront, je mourrai. Cen'est pas des nuages, c'est ungaz. Je ne peux pas m'échapper.Ils montent. Ils m'atteignent. Jeme réveille.

P. B. Oui.

X. Il en est sorti.

X. Oui. Et vous?

Pierre Bourgeade. Vous rê-vez?

X. Je fais souvent un rêveanalogue. Je suis devant unemontagne. Je la regarde. Je medis: « Ce n'est pas une mon-tagne. C'est de l'eau. C'est unemontagne d'eau. Elle va m'écra-ser. D Je me fais peur. Je dirigemon cauchemar.

X. Souvent?

P. B. Quelquefois.

X. Quoi 7

P. B. Un autre.

X. Je suis avec un ami, auMexique. Il grimpe sur une pyra·mide, une de ces pyramides àmarches. C'est un effort ter-rible. Il arrive en haut. Là, ilgrave nos deux noms sur lapierre et il pisse dessus.

P. B. Et après?

X. Après, Il descend et Ilentre à la Trappe.

P. B. Ciel 1

13

Page 13: quinzaine littéraire 84

J:NTRJ:TIJ:N

SJ:CRJ:T

X. Oui. Sur les quais. Dansun petit café, sur les quais.

P. B. Il avait le rêve à lamain?

X. Non. Il m'avait dit: ft J'au-rai France-Soir à la main•• Jesuis entré dans le café. Il y avaitplusieurs hommes. Ils lisaienttous France-Soir. Nous noussommes trouvés quand même.Je reçois des lettres d'Injuresquelquefois. On me dit : « Sa-laud. -

P. B. Vous répondez à cha-que lettre?

X. OuI. Sauf aux injures. Onme pose des questions : « Est-ceque vous échangez les rêves?Est-ce que vous les achetez?Est-ce que vous avez l'intentionde les publier?n. -

P. B. Montrez m'en un.

a mis dans sa lettre des mor-ceaux d'écorce de platane. Desdébris de rêve.

P. B. Faites-vous des rêvesprémonitoires?

X. Presque jamais. Mais ilm'est arrivé plusieurs fois derêver quelque chose qui allaitarriver dans la vie de quelqu'und'autre. Par exemple, une nuit,je rêve d'une amie qui me dit :« It's a midget•• « Midget .,c'est un mot anglais peu cou-rant qui veut dire « naine -. Lelendemain mon amie me racontecette histoire : une femme vientla voir, lui parle longuement desa Jeune fille, des soucis qu'ellelui donne, etc. Mon amie écoute.La jeune fille entre. C'est unenaine.

P. B. La mère ne l'avait pasdit?

Pyramides humides

Transports en commun

Rêves pour collection.

Cette fols, il s'est passé quelque chose de bizarre. Sur 31 réponses reçues,24 désignent Michel Butor comme ('écrivain avec qui s'est entretenu PierreBourgeade. Trois de nos lecteurs seulement ont reconnu Claude Roy : M. VictorCherner à Paris 19', Mlle Nicole Gilbert à Paris 15' (4" réponse Juste),Mlle Rose Fer à Nyons. S'il est vrai que beaucoup des paroles de Claude Royeussent pu être prononcées par Michel Butor, et s'II est vrai encore que nosdeux écrivains ont beaucoup de goûts en commun (pour Jules Verne, parexemple, ou pour Proust, et c'est à propos de ces deux exemples que sontsurtout nées les erreurs d'Identification), Il n'en reste pas moins qu'on pour.rait, sur d'autres Indices Il est vrai, difficilement les confondre. Quoiqu'il ensoit,citons la lettre de Nicole Gilbert :Chère Quinzaine,Quand on Joue à l'Interviewé mystérieux, on ne publie pas, quinze Jour.

avant, un • Mol Je • trop révélateur 1Exemples : le roman d'amour déçu, et aussi le goût de Proust - qui serait

banal s'II n'était pas exprimé en reprenant l'Image de la fleur Japonaise utiliséeJustement par Giraudoux à propos de Proust (et l'on sait combien Claude Ro.yaime et connait Giraudoux).A partir de là, tout est clair : la Chine, Alice au Pays des Merveilles, etc.

Nicole Gilbert

X. Mals je ne peux pas 1C'est impossible. Quelqu'un meconfie un rêve. Je ne peux abso-lument pas le montrer.

P. B. C'est vrai.

X. On me demande aussi s'IIexiste un club. Les gens sonttrès seuls. Ils aimeraient entrerdans une société secrète. Unesociété de rêve en commun. Detransports en commun.

P. B. Ce n'est pas possible?

X. Non. On ne peut pas rêverà deux. Ni à plusieurs. N'est-cepas?

P. B.. n

X. Tiens, vous êtes commemoi, quand on vous interroge,vous mettez votre main sur votrebouche, vous mordez vos doigtset vos lèvres.

P. B. Oui.

X. On s'explique aussi. Onm'envoie le rêve et, avec lerêve, le mode d'emploi. te J'avaisfait ceci la veille. C'est parceque, etc. )J On m'envoie des des-sins explicatifs.

P. B. Erotiques?

X. Parfois. Les hommes. Pasles femmes. Un jour, quelqu'un

X. Non. Elle avait tout dit,sauf ça.

P. B. Une naine?

X. Oui.

P. B. Mince!

X. Oui. Il est vrai que j'ai faitaussi, un jour, un vrai rêve pré-monitoire. J'étais en voyage àl'étranger. Je vais voir des amisqui habitent une sorte de grandH.L.M. Je couche chez eux. Lanuit je rêve que je suis contrele mur de l'H.L.M., que quelquechose m'écrase contre le muravec une force insensée. C'estune sensation aHreuse. Impres-sion de mourir. Envie de chanter,de vomir, de rire. Et une volx ditque le lendemain quelqu'un vamourir là. Un enfant. Or il n'yavait pas d'enfant dans cette fa-mille. Je n'ai prévenu personne.Le lendemain, un petit garçonest venu faire une course dansl'immeuble. Il a mis la tête dansla cage pour voir si l'ascenseurarrivait. Il a eu la tête écrasée.

P. B. C'est affreux.

X. Oui. Dans Borges, il y ades rêves plus eHrayants en-core. Un homme rêve tous lesjours d'un condamné qu'on con-duit au supplice, le visage cou-vert d'une cagoule. Il se réveilletoujours à temps. Il ne sait pas

qui est sous la cagoule. Un Jour,il ne se réveille pas au mêmeendroit. Le rêve continue. Ilarrive jusqu'au lieu du supplice.On enlève la cagoule. C'est lui.

P. B. Je ne connaissais pasce récit. Mais je pense souventà celui des deux théologiens.Deux théologiens se combattent.L'un fait que l'autre brûle vif.Puis lUi-même est brûlé vif. Ilarrive devant Dieu. Il volt alorsque, pour Dieu, son ennemi et luisont la même personne. Borgesest un génie.

X. Oui, Il a dit qu'II ne savaitpas s'il était lui-même ou s'ilétait un autre en train de rêverqu'il était Borges.

P. B. Il est peut-être moi?Borges : Bourgeade. C'est lamême chose. Dommage que jen'en sois pas sûr.

X. Mais oui. Qui êtes-vous?

P. B. Et vous? Qui êtes-vous?

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969 13

Page 14: quinzaine littéraire 84

INÉDIT

Deux poètes cc métaphysiques "

L'Homme a des serviteursPlus qu'il n'en peut connaître. Errant il gronde.

S'en prend à qui lui veut du bien.Pâle et hâve de mal et peur.

o torce d'amour ! L'Homme est un monde.Un autre est son soutien.

John Donne (1572-1631)Chansons et Sonnets. 1633

Etre un sujet soumis d'une fidèle ?Vénus entend mes soupirs et me jureSur le plus doux d'amour, sur sa variété,Qu'elle n'en a rien su ; ce ne peut s'accepter.Elle va, s'informe, vient et m'assureHélas, les pauvres, deux ou troisHérétiques d'amour, d'émois,

Rien si loin n'est alléQu'Homme n'ait pris, tenu pour prise et proie.

Son œil enclot l'astre volé.Si peut qu'il soit, il est la sphère.

L'herbe vive en nos 'chairs soigne et côtoieL'ami qui la requière.

Oui, j'aime et la blonde et la rousse. CelleQui s'offre abondante ou qu'indigence trahit,Celle à s'en aller seule ou par masques et ris,Celle des foins ou du faubourg la belle,Celle qui croit ou le prétend,Celle œil-éponge et larmoyant,Ou, bouchon sec, sans un pleur pour autant,Oui j'aime, toi, toutes, elles et elles,Oui j'aime qui je sais est l'infidèle.

N'est-il quelque vice qui te séduise ?N'est·ce point ton tour, tel pour ta mère ce fut?Les vieux vices usés, un nouveau cherches-tu ?L'homme fidèle est-ce là ta hantise ?Ne l'est aucun, point ne le sois•J'en veux, prend-en, tous deux vingt fois.Vole-moi, mais sans lien, et lâche-moi.Dois-je pour exercer sur toi mon zèle,

L'étoile, Un lit défait.La nuit, le rideau qu'un soleil dépose.

Chants d'aube et le cerveau renaît.Toute chose en chacun s'inscrit.

En nos chairs au fait d'être, à notre espritMiroite effet et cause.

L'Homme est toute symétrie.Bel équilibre membre à membre tel

Tout de l'univers monde à mondeChaque au plus distant fraternel.

Pieds et tête, l'intimité les lieCommme aux lunes, aux ondes.

L'HOMME

D'une constance alarmante font loi.Soit, leur ai.je dit: Tu te veux fidèle?Qui fidèle est se fie à l'infidèle.

glaise. Nous donnons deuxpoèmes de deux des plusgrands poètes métaphysiques.Ils sont précédés de quelquesextraits d'une étude de Ste-phen Spender qui présentece volume.

copes habituent le regard auxImages de la lune. le. astro-nomes font état de surprenantesétoiles, de téméraires comètes.L'époque élisabéthaine est

celle où l'on passe de l'étatféodal au monde moderne Indi·vidu'alisé, où le héros, en dépitde forces hostiles agissantes, se. lance dans de grandes aven·tures.l'accent est mis sur la nou-

veauté. L'art nait d'un conflitentre l'inédit audacieux et lesvoles - presque antiques -du classicisme. La· poésie élisa·béthalne - elle est en cela dela Renaissance - veut absorberle plus d'Idées nouvelles, dematériaux nouveaux tirés des• Terres-Neuves • sans cesserde poursuivre les leçons desclassiques, les règles héritéesde l'antiquité. Laissant de côtéceux qui veulent Innover' pourseulement Innover, l'origina)ltéélisabéthaine est d'assimiler lenouveau mals de retourner aus·sitôt aux sources anciennes.Elle diffère en cela de la démar·che moderne qui, pour suivre.les lois de l'invention scientlfl·que, Impose le neuf, efface lepassé soudain suranné. C'étaitalors l'occupation de nouveauxterritoires que l'on voulait colo-niser et cultiver avec les Ins-truments des anciennes clvlli·satlons.

Shakespeare Introduit plus demots nouveaux dans sa poésiequ'aucun autre poète. PourtantIl se moque de la mode et del'écriture qui recherche unique-ment la nouveauté. Les Elisabé·thalns s'arrangent pour absorberles Idées, les changements deleur temps, sans pour autantadmettre une littérature sansprécédents, qui ne pourrait êtrejugée par les normes du passé.Il se méfient de l'originalité, Ilsont peur d'un avenir qui englou·tirait le passé, Ils en appellentà Rome et Athènes.

Stephen Spender.

Pour nou., Angl.I., pen.er• EII••béth.ln -, ç'est voir unep6rlode qui commence bienavant et s'étend bien af)rèl lesquarante-clnq ans, 1558-1603. durègne d'Elisabeth. L'aube de lapoésie élisabéthaine commenceavec les Tudor, sous le règne deson père Henri VIII, se poursuitaprès elle jusque dans les pé-nombres et le. Incertitudes desrègnes Jacobins et Carollnlens(James 1"', Charles 1er, CharlesIl). La période Tudor·Ellsabeth,c'est le .olell du premier matin,.lIlonn6, d'éclairs de violence.Puis vient une grande plainede paix toute relative, entrecou-pée de guerres, de menaces,d'alarmes et terreurs. l'époques'achève dans l'obscurité d'uncrépuscule mourant. Plus tard,s'élèvera un nouvel astre luml·neux, la lune puritaine de Mil·ton, face au grand soleil élisa-béthain.Nous qui sommes de l'Ile, en

relisant les poèmes de cetteanthologie, nous voyons les re·flets de l'aube, puis du pleinjour, enfin de la nuit envahis-sante. Tableau qu'historiens oucritiques se plairont à rectifier.Ainsi, la poésie des débuts, sur·tout celle de Wyatt, est pluscomplexe qu'II ne parait. La plustardive, celle de George Herbert,retourne à l'innocence. C'est audéclin du règne d'Elisabeth età l'arrivée de James 1er que lapoésie anglaise perd de sonInnocence, s'enfonce en unecomplexité croissante, mais àtravers de nouvelles richessesIl y passe comme un regretde la lumineuse simplicité duvrai grand Jour élisabéthain.Fier, Il y attache son nom.

Etre moderne c'est se laisserenvahir par des théories, desdécouvertes. Elles mettent encause valeurs et croyances dontles hommes se èroyaient sars.Copernic, dont les théories sontlargement répandues, déloge laterre du centre du système80lalre. Les Inventions concré-tisent les théories. Des téles·

Lea Editions Seghers pu-blient un recueil de • poèmesélisabéthains,. choisis ettraduits par Philippe de Roth-schild. Del contemporainsde Shakespeare jusqu1auxpoètes métaphysiques, on ysuit le touts de la poésie an-

Georges Herbert (1593. 1633)Le Tempk. 1633

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Page 15: quinzaine littéraire 84

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La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969

On peut, à de rares exceptions près, considérer la litté-rature épistolaire comme un genre disparu. Elle n'apas survécu à la généralisation de l'usage du télé-phone. Depuis «Le Trésor épistolaire de la France»d'Eugène Crépet paru en 1865, il n'existait aucUneanthologie importante de la correspondance française.Le moment est donc vènu de dresser un bilan de cegenre littéraire tenant compte des admirables décou-vertes faites par de nombreux chercheurs et amateursdepuis le début du siècle. Ce choix des plus belles etintéressantes lettres en langue française vous letrouverez dans les sept magnifiques volumes parusaux Editions f?.encontre sous la direction d'AndréMAISON. Il constitue une riche et passionnantedocumentation historique, sociale et humaine, de lavie de la France du XVIe au xxe siècle. .5R.

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Page 16: quinzaine littéraire 84

ARTS

La dimension cachée

Vasarely : Hommage à Malevitch, 1952·1958

Jean-Louis FerrierLa forme et le sensDenoël, éd. 217 pages.

Entretiens avec VasarelyP. Belfond, éd. 182 p.

Quelque chose a changé dansl'appropriation de la peinturepar le langage - et peut-êtred'abord ceci que l'on ne traiteplus la peinture comme unlangage... V 0 ici quelquesannées, la présentation desfigures plastiques excitait uncurieux dévergondage méta-physique, d'autant plus frap-pant qu'il répondait à l'im-pressionnisme des critiques.

En présentant la Forme et lesens, Jean-Louis Ferrier estimequ'il propose des éléments pourune sociologie de l'art: il s'agitd'expliquer et de rendre comptedu texte pictural et du systèmequ'il implique, lequel englobeà la fois le peintre, le mondeoù il s'enracine et les prolon-gements de son expression surles publics qu'il touche avecplus ou moins de rapidité. Onvoit qu'il s'agit de tout autrechose que d'associer librementdes idées abstraites à proposde la peinture.Certes, on reconnaît dans ce

parti-pris l'écho de la réflexionde Merleau-Ponty (dont on saitl'importance qu'il attachait à lafin de sa vie, au déchiffrementde l'art des peintres) et dePierre Francastel. Au-delà ouen-deçà des théories ou desesthétiques, la trame même desœuvres propose un ensemblede signifiants dont nous devonsen somme chercher la significa-tion. Renversement qui expliquepeut-être l'élément passionnelqu'entretient l'existence d'uneœuvre d'art.De tous les textes contenus

dans la Forme et le sens, l'ana·lyse que propose J.-L. Ferrierde l'œuvre de Klee est sansdoute la plus frappante. Il existeen somme assez peu d'étudessur Klee qui cherchent à expli-quer le cheminement de cettecréation à travers les spécula-tions rigoureuses du plus pré-médité des peintres contempo-rains.On suit donc les démarches

de ce que Ferrier appelle • un

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imaginaire opératoire " qu'ilserait aussi vain de déduire desidéologies successives et pastoujours cohérentes du Bauhausque de tirer comme l'ont faitcertains critiques américainsd'une sensibilité mystique. Dèslors, il ne s'agit pas de nommerle fantastique ou l'onirisme,mais de comprendre pour quelleraison l'onirisme et le fantas-tique (désignés par nous) sontdes instruments de spéculationagissant sur la matière ou, pluslargement, le cosmos.Si « les formes sont des

forces dans les tableaux deKlee n, cela signifie d'abord quele système du peintre est deconstruire un univers, sansdoute plongé dans le clair-obscur de la connaissance inté-rieure (non de la subjectivité!)

mais qui rende compte de lacomposition des choses réelles,un visage, un paysage. Il s'agitd'un .. fait de civilisation" com-parable à celui qui, au XVIe siè-cle, entraîne certains savantset certains peintres à recons-truire l'anatomie du corpshumain.On voit que la méthode de

Ferrier peut aider la peinture àretrouver son statut de spécu-lation objective sur la réalité.Parlant des nouvelles recher-ches picturales américaines ous'entretenant avec Vasarely, ilesquisse un système de lan-gage capable de rendre comptedu système pictural.Bien entendu, la civilisation

technicienne n'est pas un spec-tacle pour le peintre, pas plusque la civilisation italienne au

Quattrocento n'était un spec-tacle pour Vasari ou Pierodella Francesca. Il s'agit de toutautre chose, puisque le peintrea à intervenir dans cet universoù se mêlent les constructionsétablies par le passé et les nou-velles esquisses d'une structureencore non formulée. On saitque les peintres italiens n'ontpas vu Florence dans son archi-tecture nouvelle, mais qu'ils ontconstruit par avance une ville,image systématique de ce quedevait être le monde en devenir.Ainsi, Vasarely ou les jeunes

peintres américains. Mais pastout avec le même bonheur.Pour les uns, comme Rauschen-berg, il s'agit peut-être de dé-truire le monde établi, la civili-sation américaine, en la disqua-lifiant par d'absurdes (apparem-ment) rençontres de signes. Etc'est un peu ce que Manet avaitréussi en tirant d'un Giorgionecélèbre et académisé la repré-sentation d'une fille nue au mi·lieu de rapins habillés. Ferriera raison d'évoquer ce rappro-chement.Pour d'autres, et précisément

Vasarely, il s'agit de définir paravance (un peu comme l'avaittenté Klee) le système dumonde lui-même, tel qu'il résultede l'action de l'histoire contem·poraine et de l'action des tech·niques. A la folie technocratiquedéchaînée, le peintre objectel'inquiète recherche d'une grillecachée sous l'apparente bonneconscience de notre monde.On dira que l' • éthIque" de

Vasarely n'entraîne pas uneadhésion révolutionnaire. Maisl'idéologie se soucie-t-elle d'in-tégrer la recherche qui creusesous le monde pour trouver lelangage caché ? Les • socia-listes " du temps de Marx semoquaient de cette • classe so-ciale " qu'ils prétendaient nevoir nulle part. Evidemment, laforme interne et dynamique dela matière sociale n'éclate pasen plein jour: elle est une cons-truction utopique dont la suitedes événements seule apportela preuve. Elle est en sommeun pari. Et la peinture, le sys-tème des peintres tel que ledéfinit J.-L. Ferrier, sont, euxaussi, un pari sur la connais-

1

sance du monde.

Jean Duvignaud

Page 17: quinzaine littéraire 84

La •BlaIn de ReBlbrandt

Rembrandt : /éaru·Christ présenté au peuple (1655).

1Henry BonnierL'Univers de Rembrandt80 reprod. de dessins.Henri Scrépel, éd. 120 p.

Exposition Les plus belleseaux·fortes de RembrandtCatalogue préfacé parMaurice Serullaz et Frits Lugt.Musée du Louvre,Galerie Mollien.

Les ouvrages et les exposi·tions consacrés à Rembrandt,en cette année du troisièmecentenaire de sa mort, nousentraînent à unè nouvelleexploration de son œuvre,dont l'étendue et la disper·sion font que nul peintre,parmi les plus célèbres, n'est,en vérité, aussi mal connu.Rares, en effet, sont ceux quipeuvent se flatter d'avoir vuplus qu'une faible partie dessix cents peintures, des troiscents gravures et des innom·brables dessins qu'il a lais-sés, et la connaissance desimportantes collections hol·landaises et anglaises ne sau·rait dispenser de celle desvingt-quatre Rem b r and tconservés à Léningrad, auMusée de l'Ermitage.

Il est néanmoins plus facilede voir les tableaux que les des·sins, et c'est pourquoi l'onprendra grand plaisir au choixqu'en a fait, dans son livre,Henry Bonnier. Dans cet Universde Rembrandt, l'auteur retracel'histoire de tout ce qui futeffectivement pour le peintreun « univers» sans doute limitédans l'espace, mais d'une ri·chesse illimitée dans la visionde son esprit créateur.Ces dessins à la plume d'oie

ou au roseau, à l'encre de Chineet, surtout, au lavis de bistre,montrent l'importance de cesprocédés dans l'œuvre de Rem-brandt et comment ce fut pourlui un moyen d'expression inter-médiaire entre le tracé purementlinéaire et la peinture. LesChaumières sou s un cield'orage, la Vue de Londres, uneSainte Famille, sont, en outre,des dessins ayant trouvé dansleur exécution même, dans leurcoloration monochrome mais

combien nuancée, leur proprefinalité, alors que certainsautres, mais non moins remar-quables, ne sont que des exer·cices graphiques ou des étudesen vue d'un travail plus poussé.Mais ce qui donne à nos yeux

tant de prix à ces dessins oùl'on peut suivre sur le papierle mouvement même de la mainde Rembrandt, et ce qui différen·cie essentiellement l'esprit d'untel travail de celui de sa pein-ture, c'est l'extraordinaire liber-té avec laquelle cette main s'estexprimée, sûre d'elle, sûre deson pouvoir évocateur, mêmealors que les formes sont, enquelques traits, plus suggéréesque décrites.Cette main de Rembrandt,

c'est elle aussi qui nous étonneet qui nous éblouit dans le tra-vail, cette fois longuement éla-boré, de ses eaux-fortes dont lesplus belles pièces, plus de deux

cents, nous sont montrées àl'exposition du Louvre. Ici, nouspouvons suivre les intentionsdu graveur et la progression deses idées relatives à la façonde concevoir un sujet au furet à mesure qu'il le voyait appa·raÎtre sur le cuivre, et nous lessuivons d'autant mieux qu'unesuccession d'états pour unemême gravure nous permet devoir les changements apportéspar l'artiste en reprenant laplanche à l'acide ou à la pointesèche, et en modifiant les encra-ges et les papiers. (Signalonsla perfection des épreuves expo-sées, la plupart d'entre ellesayant été tirées par Rembrandtlui·même sur sa propre presse).C'e,st ainsi que, dans bien descas, on peut constater la dispa-rition progressive des détails,un acheminement vers ('obscuret cet attachement toujours plusrigoureux à la lumière essentiel·

le : répandue d'abord largementsur la scène - comme dans legroupe de Jésus-Christ au tom·beau - elle se réduit peu à peuà n'être plus qu'une mystérieuseirradiation des personnages eux-mêmes et devient, au dernierétat, un éclairage à peine suffi·sant à déchiffrer les trois ouquatre principales figures émer·geant des ténèbres.Rembrandt reste ainsi dans

ses eaux·fortes ce qu'il s'estmontré dans ses peintures, una mou r eux de l'ombre, unenfouisseur dans le secret de lanuit des parcelles d'or qui sour-dement brillent du feu de la ré·vélatlon. Opération à la· folsmystique et alchimique, où lethéâtre de la Bible transformechaque acte en mystère, apporteà chaque drame, dans l'opacitéde la souffrance et du malheur,ces quelques gouttes de soleilqui propagent l'espoir.

La Quinzaine littéraire, du 1"' au 15 décembre 1969 17

Page 18: quinzaine littéraire 84

Rembrandt : Adam et Eve (1638), détail.

Mais, génial metteur en scènede .Jésus guérissant les malades(la fameuse Pièce aux cent flo-rins) , des Trois Croix, de la Pré-sentation au Temple, de la Mortde la Vierge, l'aquafortiste estaussi le paysagiste le plus atten·tif aux simples spectacles de lanature. La Chaumière à lagrange de foin, le Paysage auxtrois arbres, le Paysage auxtrois chaumières, le Bouquet debols, sont des œuvres qui, plusque toute autre peut-être, rejoi-gnent, par une sorte de nervo-sité naturelle du trait, la libertédes dessins.Une des planches les plus

curieuses de l'exposition' duLouvre est une Fuite en Egyptepour laquelle Rembrandt, vers1653, utilisa un cuivre déjà gra·

vé par Hercules Seghers. Ilreprésentait Tobie traînant (parterre) son grand poisson et suivide l'Ange Raphaël portant sonépée, figures que Rembrandteffaça sur le métal pour lesremplacer dans le même pay-sage (si typiquement segher-sien) par la Sainte Famille enroute vers l'Egypte. Une épreuvede la planche de Seghers tiréeavant ces transformations per-met de la comparer avec lestrois états dus au travail déRembrandt. (N'oublions pas quecelui-ci, dan s la collectiond'œuvres d'art qu'il dut se rési-gner à vendre en 1657, possédaithuit tableaux de Seghers). Or,ceux que cette « collaboration •a pu étonner - indigner ouenchanter ? - seront peut-être

intéressés de savoir qu'un troi-sième auteur doit être cité danscette composition : Adam Els-heimer, dont un dessin conservéau Fitzwilliam Museum de Cam-bridge montre les figures deTobie traînant (par terre) songrand poisson et suivi de l'AngeRaphaël portant son épée, dansune attitude en tout point sem-

blable à celle des figures deSeghers. Le minuscule village,dont on voit le clocher pointerdans le lointain, existe, lui aussi,dans le dessin d'Elsheimer qui,d'autre part, peignit une Fuiteen Egypte dont s'inspira Rem-brandt. Ce fut peut-être pour luiune manière de la lui restituer.

Jean Selz

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Page 19: quinzaine littéraire 84

ÉCONOMIE

La société de consommationPOLITIQUE

La QuinzaineUü6rair.

ABONN'EZ-vous(1) Cahiers de l'Institut de,.

Science Economie Appliquée, sé-rie M, n° 17 (juin 1963).

d'une société sans contrainte, oùles sacrifices de tous ordres se né-gocjeraient sur la base d'un.échange purement volontaire ?Ses observations touchant les dé·buts de l'histoire des Etats-Unis(pp. 248-249), où la « fonctionpolitique était une fonctioncomme les autres » pourraient lelaisser penser. Mais on ne sauraitpour autant lui imputer' une con.fiance aveugle dans l'échange gé.néralisé comme fondement de lavie sociale, car il li bien éonscienceque la politique, comme les biensde consommation, répond à unbesoin que l'o'n ne peut pas éli·miner en le niant : « la vie poli.tique, pbur l'homme, est psycho.logiquement, et aussi spirituelle.ment, plus satisfaisante que l acti·vité économique, parce' qu'ellel exprime à la fois plus profondé•.ment et plus totalement» (p. .Elle satisfait ce que Ruyer, dansun texte fort brillant paru il y: aquelques années (1), appelait la« nutrition psychique L'ennui,c'est que l'aliment risque souventde se transformer en poison...Peut-on extraire de ce livre

quelques vues sur l'avenir?L'Eloge est fort sévère pour laprospective, qu'il définit comme·:« spéculation + irresponsabilité+ citations de Paul Valéry(p. 132),' tout en marquant enmême temps les limites des pro;jections quantitatives à long ter·me. Mais il ne s'interdit cepen·dant pas de suggérer la possibi.lité que l'économie de marchéfinisse ,ar s'effondrer sous lepoids des dépenses improductivesde la société politique, ce quiobligerait ensuite à redécouvrirpetit à petit les éIements de basede l'efficacité économique, dontl'humanité ne peut plus se passerdurablement à moins de vivre « àla simienne (ce qui, âu fond, sepratique déjà...). Perspective qui,après tout, n'a rien d'absurde, eta en tout cas le mérite de nousfaire quitter les sentiers battusdes orthodoxies régnantes. Mais ons'est peut-être déjà rendu compteque Ruyer ne cherchait pas à seconformer : malgré un usage unpeu trop laxiste du mot « clercson livre aurait, je crois, grande.ment plu à Julien Benda.

Bernard Cazes

fendre n'importe quel investisse·ment, à partir du moment où sesrésultats sont intangibles ou n'ap-paraissent qu'à très long terme.3° La relation de causalité entre

un avantage, même bien tangible(comme par exemple unsement de la production natio-nale), et les facteurs qui l'ontengendré n'est pas toujours aiséeà déceler, comme en témoignenttoutes les discussions entre spécia.listes sur les « retombées » posi-tives des grands programmes amé-ricains militaires et spatial,lx. Cesprogrammes constituent-ils unmoteur de la croissance écono·mique sans lequel celle·ci auraitété moins élevée, ou bien faut-iln'y v.oir qu'un luxe accessible auxpays riches, et à ces pays seule-ment ? Dans le même ordred'idées, le secteur tertiaire, au-qu,el l'auteur consacre plusieurspages pleines de verve satirique,est-il appelé à un fort développe.ment parce qu'il est fournisseurde « services » (et non de biensmatériels), article très demandédans une société dont le niveaude vie s'élève, ou bien parce qu'ilconstitue une enclave impuné-ment « improductive », où l'onn'a pas à faire la preuve de sarentabilité, sociale ou non, puis-que la demande est souvent ali-mentée par des fonds publics, etque l'offre concerne Souvent, elleaussi, des avantages intangibles(éducation, culture, par exemple) ?Avouons qu'il n'y a pas de réponsesimple, et que l'auteùr marquesouvent des points incontestables,surtout 'lorsqu'il traite de la so·ciété française, où la promotionest . plus volontiers recherchéedans la « cléricature que dansle secteur des entreprises.De même on ne peut qu'être

d'accord avec lui lorsqu'il notequ'un système de production réglépar le mouvement ·des prix. etassujetti à la règle du résultatbénéficiaire, c'est-à-dire d'unexcès des revenus obtenus lesdépenses engagées, comporte' desgarde-fous internes puisqu'il nepeut pas continuer très longtempsà fonctionner à perte, alors quetoute régulation non économiquepeut s'aider de .. la contrainte oudes motivations psychologiquespour masquer ses erreurs decalcul.

·,Faut·il alors taxer Ruyer d'uto-pisme, et le soupçonner de

risque trompeur. Le lecteurbiaisé ou peu averti des questionséconoJ;JlÏques l'isque de ne voir là·dedans qu'un simple plaidoyerpour la consommation privée, etun dénigrement systématique detoute action de l'Etat sur la struc·ture de la demande. Il y a decela bie!! sûr, et l'on pourraits'amuser à faire un parallèle entreRuyer et le' Milton Friedman deFreedom and Capitalism. En untemps qui, comme le nôtre, aenfin pris conscience de l'impor-tance économique et sociale deséquipements dits collectifs, pren-dre position pour une modérationdes dépenses publiques semble lesigne d'un esprit réactionnaire oupasséiste.Ce serait oublier ce que les dé·

fenseurs les plus lucides des « con-sommations collectives saventbien, et que l'on peut résumerdans les trois points suivants:1° Si les mécanismes du marché,

c'est·à-dire la régulation de l'offreet de la demande par le jeu desprix sont toujours utilisés (voire« redécouverts dans les pays del'Est) alors qu'on ne s'éclaire plusà la lampe à pétrole, ce n'est pasà la suite d'une inexplicable aber-ration mentale, mais à cause desavantages fonctionnelles qu'ilsprésentent, et notamment la pos-sibilité de décentraliser les déci-sions jusqu'au niveau dee ména-ges, leur permettant ainsi de pra·tiquer ce que Ruyer appelle joli-ment l' « autogestion de leursalaire2° Dire que la lIne

opération doit s'apprécier nonseulement sur le plan économique,mais aussi sur le plan social, c'estposer un problème réel, mais cen'est pas le résoudre, tant s'enfaut, car il n'est que trop tentantd'invoquer une rentabilité socialedifficilement vérifiable pour dé-

Raymond RuyerEloge de la lociétéde comommationCalmann.Lévy éd., 331 p.

abonnez-VOUS

Dans une interview récente àFrance.Culture, l'auteur a expli-qué la genèse de ce livre au titreagressif, en la faisant remonteraux travaux qu'il a effectués il y aune vingtaine d'années sur l'uto-pie (cf. son livre l'Utopie et leIUtopies, P.U.F., 1950), et quil'amenèrent à constater à' la foisla place éminente faite à l'éduca-tion par la }>lupart des utopistes,et leur horreur de l'argent, ducommerce et, plus généralementde l'économie - deux sentimentsqu'il n'a pas eu de mal àretrouver én observant la réalitédu xx' siècle.Il faut également mentionner,

pour bien comprendre l'espritd'un ouvrage singulièrement atta·chant malgré quelques outrances,une phrase telle que celle·ci(p. 258) : « La marche de lhis-toire ne peut s'interpréter par lalutte des classes à lintérieur d'unsystème économique. Elle n'estpas une dialectique, qu'elle soità base d'idées ou d'imtitutions-technico.économiques. Elle estune oscillationentre la production économiqueet le détournement de cette pro-duction par les pouvoirs politiquespour des fins variées Ce détour-nement prend des formes varia·bles d'une société ou d'une épo.que à l'autre, mais il se traduittoujours par une utilisation desressources procurées par la vieéconomique en vue d'utilisationsd'ordre politique, religieux, cul-turel, etc., différentes de cellesqui résultent de la logique deléchange.C'est là que le titre du livre.

La Quinzaine littéraire, du' 1" au 15 décembre 1969 19

Page 20: quinzaine littéraire 84

IN&DIT

Boukharine ••Nicolas Boukharine se trou-vait aux Etats-Unis lors-qu'éclata la révolution defévrier 1917. Depuis le débutde la guerre, il avait adoptéles positions pacifistes lesplus radicales, celles de lag a u che zimmerwaldienne.Toutefois, lorsque ce grouperefusa de collaborer avecceux qui, tout en condamnant.Ies naufrageurs de l'Inter-nationale -, n'avaient pasrompu avec eux, beaucoupjugèrent cette position dan-gereuse parce qu'elle isolaitles dirigeants des travail-leurs. Il fallait que tous lesgroupes en lutte contre le tsa-risme serrent les rangs. Lesmilitants qui éditaient NasheSiovo, organe des • unitai-res - de Trotsky, tout commele groupe bolchévik de NovyiMir, à New York, avec Bou-

kharine, Maiskl et Manouilski,jugèrent, comme Martov, quele sectarisme de Lénine étaitdangereux et ils s'écartèrentun peu de lui. Boukharine seséparait également de Léninesur un autre point, celui dudroit des nations à l'auto-détermination. Alors que Lé-nine voulait surtout utiliser laforce dissolvante des mouve-·ments nationaux pour aiderà la destruction de l'Etat,Boukharine jugeait que lalutte nationale n'était légitime,que dans les pays coloniauxoù l'idée socialiste n'avait pasencore pénétré. Par ailleurs,car, au stade actuel du déve-loppement des Etats multina-tionaux (Autriche, Hongrie,Russie, etc.), la victoire desmouvements • nationaux -serait en fait celle de la bour-geoisie qui verrait ainsi se

renforcer son influence etson pouvoir.Ces divergences n'empêchè-rent pas Boukharine, dès sonretour en Russie au début demai 1917, de se placer auxcôtés de Lénine, à la gauchedu parti. A Moscou, il fondaavec Olminski un hebdoma-daire, Spartak, qui définissaitainsi la ligne à suivre: • Nousautres socialistes, avont étéjusqu'à présent plus démocra-tes que socialistes. (u.) Dé-sormais, il faut être plussocialistes que démocrates,ne pas mener le combat seu-lement contre la bourgeoisiemais aussi contre tous lessociaux-démocrates qui sontplus démocrates que socia-listes. -Le texte que nous présentonsici est signé N.B. Il est extrait

du numéro 1 de Spartak, datédu 20 mai 1917. C'est sansdoute le premier texte publiépar Boukharine depuis sonretour en Russie. Si la para-bole de Schulz et Sidorov aété imaginée pour les besoinsde cette publication populairedestinée au grand public (etdont il ne reste aujourd'huiqu'un ou deux exemplaires),les autres passages de cetexte reprennent les idéesénoncées dans l'Economiemondiale et l'Impérialisme.On note que Boukharine n'ex-plique pas l'attitude de laclasse ouvrière dans les paysbelligérants de la même façonque Lénine et que la • trahi-son - des chefs de la social-démocratie y est présentéed'une toute autre manière.

Marc Ferro

Dans les milieux ouvriers,deux points de vue se sont tou-jours opposés en ce qui concer-ne le problème de la guerre :une perspective petite bourgeoi-se et une perspective proléta-rienne. La· première considèreavant tout les intérêts de la pa-trie capitaliste, seule-ment la démocratisation de l'or-

gouvernemental. La secondeprend pour mesure les intérêtsdu prolétariat international, lesintérêts de la révolution interna-tionale.Il n'y a rien d'étonnant à ce

que le premier point de vuepuisse exister parmi les prolétai-res. Les travailleurs ne sauraientprendre conscience, du premier.coup, des antagonismes qui op-.posent leurs intérêts propres àceux de leurs maîtres. De mê-me, ils ne sauraient mesurertout de suite combien le mouve-ment révolutionnaire internatio-nal est important pour eux etifs se consacrent plutôt à la dé-fense de leur pays, autant direà la défense du système étati-que mis en place par ceux quiles exploitent et les assujettis-sent.La bourgeoisie dispose d'une

grande quantité de moyens pourmystifier les travailleurs. Il suf-fit de mentionner ces journauxqui, au jour le jour, mentent, ca-lomnient, dénaturent les faits,égarent et trompent les masses.

20

Boukharine.

Cela explique comment la bour-geoisie peut assujettir lesesprits.Nous sommes actuellement à

une époque où l'ensemble desrapports sociaux traditionnelséclate sous la pression des évé-nements. La guerre mondiale adéchaîné un ouragan (...). Lapaix sera faite par d'autres quepar ceux qui en sont à l'origineou qui l'ont déclenchée.La guerre actuelle est une

guerre capitaliste. Et chaqueguerre capitaliste est un cas par-ticulier de la concurrence entreles différents groupes pour lepartage des revenus que peutprocurer le travail fourni par lesclasses exploitées. De nos jours,la concurrence entre les capita-listes a sensiblement changé denature. Dans les pays de tran-sition elle porte presque exclu-sivement sur la concurrence àl'extérieur, c'est-à-dire contredes capitalistes étrangers poùrla domination du marché mon-dial. A l'intérieur des frontièresde chaque pays capitaliste, legros capital a entièrement do-mestiqué la petite production. Ila unifié la vie économique, pris,dans son étau d'acier, les mono-poles industriels, les a associésaux grosses banques qu'il a pla-cées à sa tête. Ainsi s'est cons-tituée la puissance formidabledu capital financier, unifiant labanque et l'industrie, plaçant

Page 21: quinzaine littéraire 84

La guerre et lesocialisme révolutioDnaire

tout l'appareil économique entreles mains d'un petit groupe dedirecteurs de banques et de roisde l'industrie. L'artisanat fut ré-duit à rien, la petite industriesubit le même sort. Les fortunesmoyennes se métamorphosèrenten appendice du gros capital. Iln'y eut plus guère de concur-rence éntre capitalistes car il n'yavait plus personne à vaincre:tout était entre les mains d'unpetit groupe qui monopolisait laproduction. La vie économiqued'un pays devenait le patrimoinedespotiquement géré par La cli-que qui était à la tête du capitalfinancier.Mais si la concurrence dépé-

rissait à l'intérieur des pays ca-pitalistes, cela ne signifiait pasqu'elle eût disparu. Au contrai-re. Elle renaissait avec unepuissance redoublée entre lesnations, c'ast-à-dire entre leursclasses dirigeantes. Naguère larivalité s'exerçait à l'Intérieurdes frontières; avec la forma-tion des trusts, chacun d'entreeux est entré en concurrenceavec les autres. Aujourd'hui,chaque grand Etat (Grande-Bre-tagne, Allemagne, Amérique)s'est converti en une sorte desuper-trust, qui mène le combatavec un autre dans le but de separtager les pays. faibles etattardés.La guerre est un des moyens

employés pour atteindre ce but.L'arme en est l'appareil d'Etat,gagné par le militarisme et mili-tarisé. L'Etat lui-même (la patriecapitaliste) n'est en fait que laforme organisationnelle ques'est donnée un groupe de bour-geois qui ne veulent pas seule-ment 'préserver leurs biens maisaccroître leur puissance pouraugmenter privilèges et revenus.Ainsi, l'Etat est une sorte degigantesque association d'entre-preneurs, le trust d'un capitalis-me d'Etat; le pouvoir exécutif(le ministère) constitue la direc-tion de cette énorme firme. L'en-trée d'une paire de soi-disantsocialistes dans l'un de ces gou-vernements ne change rien à l'af-faire. C'est un peu comme si lespatrons, pour calmer les travail-leurs, les Invitaient à participeraux bénéfices et, pour ce faire,'cooptaient deux d'entre eux quiseraient autorisés à avoir accèsau bureau du Directeur Général.La forme de régime choisie parla bourgeoisie ne change rien à

l'affaire. Naturellement, pour laclasse ouvrière, la nature du ré-gime n'est pas indifférente, car,en république, elle peut mieuxmener la lutte des classes qu'enmonarchie. Mais, au fond, la for-me que prend le pouvoir bour-geois ne modifie en rien seslimites.Ainsi, à notre époque, la

concurrence entre les capitalis-tes est, en gros, une concur-rence à l'échelle mondiale entredes groupes d'alliés qui pren-nent le nom de • grandes puis-sances • ou encore de .patries•.Elles s'en prennent avant toutaux petits pays : • sauvages •des pays tropicaux, Etats de-meurés agricoles comme la Tur-quie, la Serbie etc; et puis leursintérêts se heurtent lors du par-tage.La concurrence des patries

capitalistes est devenue parti-culièrement acharnée ces der-nières années parce que lesgrands carnassiers ont déjà pilléet partagé entre eux le mondeentier. Il leur faut penser à unre-partage, à un pillage de l'unpar l'autre. Voilà pourquoi nousparlons de guerre inexpiable,et que nous disons que seule larévolution du prolétariat socia-liste pourra y mettre fin.Voyons maintenant quels sont

les intérêts des travailleurs dansles guerres de ce type. La poli-tique de pillage d'un gouverne-ment bourgeois peut apporteraux travai lieurs un mieux-êtretemporaire. C'est un fait. Ayantpillé les terre des autres, ayantconquis de nouvelles sources dematières premières, a yan t.acquis de nouveaux débouchés,occupant de nouveaux territoi-res où les capitaux peuvent seplacer avec profit, la bourgeoisiedéveloppe en force son écono-mie. L'industrie croît plus vite,la demande en travailleurs aug-mente, les salaires montent.Pour dire vrai, dans les colonies,les bourgeois écorchent vifs lespeu pie s • demi· sauvages .,quand ils leur apportent la • civi-lisation européenne ., en ne don-nant aux travailleurs qu'un soupour vivre.La victoire de • la patrie. po-

se des problèmes de même na-ture. Certes, elle permet un dé-veloppement plus rapide de l'in-dustrie et les bourgeois peuvent,en quelque sorte, en partager les

ériclosfeldéditecemois-ci5grandslivres

quinontpasbesoindeprixlittéraire

emmanuellearsan"les tartuffes du meilleur monde se signent, puis joignent lesmains quand passe emmanuelle, (n,) emmanuelle se promènede blanc vêtue et comme les anges ne pensent qu'à imiter ses

ébats, l'enfer sera bientôt désert", raymond marquès,nouvelles de l'érosphère 30,85 f.

michèle firk"suicidée" par la police guatémaltèque en septembre 1968,michèle firk avait écrit: ': .. je représente tout;ce\qui fait horreur:un terrain mouvant, l'insécurité, l'instabilité, ''l'as.ociabilité'',il n'en sera que plus facile de me condamner au nom d'un goûtsuspect pour" les aventures" et le Il tiers monde" et de faire

oublier qu'il s'agit avant tout d'un combat politique",écrits 10,20 f.

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Il entre toutes, d'un pouvoir alertant",il attirait l'attention sur elle, dès 1952, la caractérisant comme

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swilawtoraprès cela, les audaces du living theater paraissent désuètes

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La Quinzaine llttéraire, du 1" au 15 àécembre 1969

Page 22: quinzaine littéraire 84

Boukharine

De gauche à droite : Kuuain.en, Boukharine et MolotoV.

profits avec les ouvriers, leurdonnànt une augmentation pourservices rendus. En cas de dé-faite, les bénéfices des fabri-cants diminuent, les salaires su-bissent également une baisse.Voilà ce qui lie les intérêts descapitalistes et les intérêts desouvriers L ..) et qui fait que,dans la majorité des pays, audébut de la guerre les ouvriersont suivi leur gouvernement.Cette façon de voir fut celle dessociaux - patriotes, petits - bour-geois du type Scheidemann,Plekhanov, Guesde, à la traînedes impérialistes. Leur théorieest l'expression exacte, la justi-fication " immortelle» de cetteharmonie des intérêts entre leCapital et le Travail. Mais la pra-tique, entrer dans le gouverne-ment de la bourgeoisie commel'ont fait Thomas, Vandervelde,'Sembat, Tseretelli, émane desintérêts généraux de l'Etat bour-geois. Pourquoi disons-nous quecette théorie et cette pratique

22

constituent une trahison des in-térêts du prolétariat?

Prenons un exemple. Imagi-nons deux usines géantes, l'uneappartenant à Schulz, l'autre àSidorov. Dans la première tra-vaillent des Allemands, dans laseconde des Russes. Ils se li-vrent une concurrence à mort.Ils ont déjà absorbé leursconcurrents de petite taille et selivrent à des accrochages fu-rieux. Et voilà que Schulz va voirses ouvriers et leur dit : cc Nosaffaires se présentent d'one fa-çon telle que de deux chosesl'une: ou bien notre usine péritou bien c'est celle des Sidorov;si vous m'aidez à écraser cesgros porcs de Russes, tout irabien pour nous et vous recevrezune augmentation ». De son côté,Sidorov s'adresse à ses ouvrierset leur dit : " Mes enfants, lesAllemands sont en train de nousavoir; nous sommes dans unemauvaise passe, donnez-moi un

coup de main, je vous donneraiune augmentation ». Supposonsque les ouvriers écoutent leursmaîtres, qu'ils les aident, cau-sa.nt toutes les" crasses» pos-sibles, les Allemands aux Rus-ses et réciproquement. Suppo-sons que, dans cette épreuve,Schulz l'emporte. Il avale lesentreprises de Sidorov, agranditla sienne, utilise les ouvriers deSidorov. Ses ouvriers (alle-mands) reçoivent une augmen-tation.

Les semaines passent ( ...).Un beau jour, les ouvriers alle-mands veulent faire grève. Maisles ouvriers d'origine russe lesgênent, ils n'ont rien de communavec eux et ne veulent pas d'his-toires. Désormais, Schùlz peutfaire ce qu'il veut des uns et desautres. Désarmés, ses ouvriersallemands ne peuvent plus nifaire grève ni répondre. La soli-darité des travailleurs est bri-sée, Schulz l'a étranglée à la

gloire de sa puissance. Ainsi,les ouvriers ont vendu leurs inté-rêts à long terme pour une poi-gnée de roubles ou de marks etils se sont vendus eux-mêmes( ...).Telle est la situation à laquelle

amènent, à l'échelle mondiale,les appels de Scheidemann etde Plekhanov. Pour eux, ce qui.compte avant tout, ce sont lesintérêts de la "patrie.; maisil s'agit en réalité des intérêtsde l'Etat bourgeois, des affairesde l'Etat bourgeois qui coïnci-dent seulement avec les intérêtsimmêdiats de la classe ouvrièrede tel ou tel pays et qui sontabsolument opposés aux inté-rêts à long terme de cette mêmeclasse ouvrière, au mouvementouvrier dans son ensemble,c'est-à-dire aux intérêts de la ré-volution socialiste et à la libéra-tion de la classe ouvrière •. ( ...).

(signé N.B.)• Dans Spartak du 20 mai 1917, p.3à 6.

Page 23: quinzaine littéraire 84

BI8TOIBB

Le Japon du siècle

Peinture japoaaüe L'offrande de branchu MerU..

1Ivan MorrisLa vie de courdans rancien Japonau temps du Prince GenjiGallimard éd., 322 p.

Comment vivait-on auJapon à la fin du X· siècle,à l'époque du Prince Genji,le héros du célèbre romande Murasaki Shikibu? Nousnous tromperions en imagi-nant les images classiques desamouraïs, de geishas... Lamusique Samisen, et la céré-monie du thé, rien de toutcela n'existait.

A l'époque de la grande CIVI-lisation Heian, la cour vivait dansle culte de la Beauté, le raffine·ment était poussé jusqu'au plusinfime détail. La chose de loinla plus importante était la nais-sance. Etre bien né était unecondition sine qua non. Lesnobles de la cour méprisaient toutle reste, les provinciaux étaientconsidérés comme de pauvres ba·lourds, les militaires n'attiraientpas un regard, quant au reste dela population il n'existait paspour ces esthètes vivant en vaseclos. Etre exilé signifiait mourirde chagrin.Nous sommes bien renseignés

sur la vie patricienne de cetteépoque grâce à deux· ouvragesécrits par des romancières de lacour au temps des Fujiwara: SeiShônagon, l'auteur des Notes deChevet et Murasaki Shikibu quia écrit le premier roman psycho-logique: Le roman de Genji, 54chapitres ou livres (plus de 1.100pages en traduction), un romaninachevé deux fois plus long queDon Quichotte ou Guerre et Paix,mais ne représentant que les deuxtiers d'A la Recherche du TempsPerdu avec lequel il a de grandessimilitudes. Les lecteurs passion.nés du Romàn de Genji (dont latraduction anglaise d'Arthur Wa·ley fait loi) n'hésitent pas à com·parer Murasaki à Marcel Proust.Plus de dix mille ouvrages ont

été écrits sur le Roman de Genji.Celui·ci comble nos vœux: touty est clair, précis,. expliqué aveccalme et admiration. Professeurde langue et civilisation japonaiseà l'Université de Columbia, IvanMorris a traduit les Notes de Che-vet en anglais, et s'est imprégnéde l'esprit de cette époque. N'en-·

tre-t-il pas en guerre contre unhistorien écossais qui traite lesaristocrates de la période Heiande «dilettantes gloutons, avides,frivoles, souvent ignoblement li·cencieux, totalement efféminés,.incapables d'aucune action no·ble... » ?Ivan Morris nous raconte Heian

Kyô, la cité de la Paix et de laTranquillité, avec ses larges ave·nues plantées de saules et organi.sées géométriquement, commeManhattan. Le charme des sai·sons, de la lumière, de la roséedevant lesquels seuls les rustresdemeuraient insensibles. La pé-nombre des maisons toujours ou·vertes où les écrans d'apparat(kicho) permettaient seuls un sen·timent d'intimité. Cette pénom-bre fut à l'origine de Qlaint im·broglio sentimental. Et le froidqui y régnait en hiver a provoquéune mode extrêmement élaborée,manteaux et gilets s'enfilant lesuns sur les autres. Cet assemblagedonnait lieu à des subtilités decouleurs difficilement concevablesmaintenant. Si un personnage nesavait pas harmoniser parfaite.ment la couleur de la doublured'une de ses manches avec le tondu reste de ses vêtements, il rece-vait un regard glacial de mépris.Tout était inspiré par la civili-

sation chinoise, mais de deux siè-cles auparavant... Un lettré (ettout courtisan devait être lettré)se devait d'écrire et de parlerchinois, seules les femmes pou-vaient écrire en japonais. La cal·ligraphie tenait une place dange-reuse parmi ces adorateurs de laBeauté. On croyait, en effet, quela manière dont quelqu'un se ser-vait de son pinceau indiquait sasensibilité, son éducation, sa per-sonnalité. Mal écrire ou ne pasêtre capable de composer un poè-me à tout bout de champ étaientdes tares absolument rédhibitoi-res. L'envoi d'une lettre étaitentouré de conventions artistiquesmultiples. Tout d'abord, Il fallaitchoisir une feuille de papier dontl'épaisseur, la dimension, le des-sin et la couleur convenaient auxsentiments que l'on voulait expri-mer, selon la saison et même letemps. Le teXte était généralementune poésie de trente-et-une sylla-bes. Des bien· établis gui-daient le pliage du billet, quiétait ensuite attaché à une petitebranche .de. feuillage. ou à unbouton de Heur, puis confié à unmessager. les lettres, considérées

comme un des Beaux Arts, ne pou·vaient donc pas garder de carac-tère privé, ce qui provoquait, bienentendu, des complications inter-minables, utiles aux romancières.

Des concours de poésie, de mu·sique et même de parfum passion-naient aussi ces oisifs constam·ment occupés. Chacun se devaitd'inventer soi·même son propreparfum. Le Prince Genji était,bien entendu, un maître en lamatière. Il dansait aussi fort bien.Le voir danser Les Vagues de laMer Bleue fut un instant d'uneextraordinaire beauté, raconteMme Murasaki; le nom de Genji,Prince de Lumière, paraissait plusque jamais lui convenir.

L'époque était donc fort paci-fique, les ministres Fujiwara gou·vernaient au milieu des intriguesde palais.. S'il n'y eut pas d'empe.reur Fujiwara, leur influencedura fort longtemps; beaucoupd'épouses d'empereurs et de trèshauts fonctionnaires étaient Fuji.wara, Mme Murasaki descendaitd'une branche cadette.

La société Heian était basée surune hiérarchie très rigide : selonle rang tout était réglé par un·ordre rigoureux, la couleur desrobes, la hauteur des portes d'en-trée, le genre de calèche que l'on.pouvait posséder, les femmes quel'on pouvait épouser. La polyga-

mie régnait sans trop de drames,les dames jalouses n'avaient pasle droit de montrer leurs senti-ments. La litote était toute puis-sante. La crainte de se montrertrop explicite l'emportait toujourssur celle d'être obscur. L'on voitici comhien l'intervention clari-ficatrice de Ivan Morris est né-cessaire.

L'attitude Heian ressemblait Ir-l'idéal de ·la Renaissance, lasprezzatura, qui dédaignait toutce qui était guindé et académique.Le culte de l'esthétique fixait lecadre à l'intérieur duquel lesgens «bien exprimaient et pou-vaient ressentir leUrs émotions.Bien que la sensibilité fût la mar-que du vrai gentilhomme, elle setransformait rarement en passionromantique, cela aurait été fortchoquant. L'influence bouddhiste,l'idée que le monde physique est·une illusion, que la vie n'a pasplus de consistance que la roséeou le fil de la vierge jetait lespersonnages du monde de Genjidans des rêves mélancoliques. Ilétait de bon ton d'être mélanco-lique.

Le Karma,· les tabous, les su-perstitions régissaient aussi la viede ces personnages fort habiles àles utiliser à leur avantage. Querépliquer devant un drapeau ta-bou accroché à la fenêtre d'unedame? Comment protester de-

La Quinzaine littéraire, du 1· au 15 àécemlJre 1969 23

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COLLECTIONS

Le Japon

vant une superstition: une anec-dote de Sei Shônagon est bienconnue: alors qu'elle racontaitune histoire à l'Impératrice, uneautre courtisane éternua: celavoulait dire que Sei Shônagonétait une menteuse...

L'irréalité de ce monde est misen lumière par le titre du dernierchapitre du Roman de Genji : LePont Flottant des Rêves. C'estune des nombreuses clefs de l'ou-vrage:

Tandis que je franchis le pontQui passe sur la rivière YumeJe vois que notre mondeEst lui aussi comme un pontflottant de rêves.

Marie,CÙlude de Brunhoff

FEUILLETON

DossiersdesLettres Nouvelles

Le prestige dont jouit la collectiondes • Lettres Nouvelles" lui attireun grand nombre de manuscrits quesa vocation exclusivement romanes-que ne lui permet pas d'accueillir,en dépit de tout l'Intérêt qu'ils peu-vent bien souvent présenter et del'audience qu'ils ne manqueraient pasd'atteindre. Des extraits de ces ou-vrages nous sont fréquemment pro-posés dans la revue du même nom,mais Il est bien évident que c'est làune solution de pis-ailer et que, d'au-tre part, par ses dimensions et sonrythme de parution, celle-ci n'est pastoujours en mesure de à la

poussée de l'actualité. Autant de rai-sons qui devaient tout naturellementamener Maurice Nadeau à constituerune collection consacrée à des ouvra-ges de réflexion sur la littérature,l'art, la politique ou l'événement ain-si que sur les grands courants de lapensée contemporaine dans les dif-férents domaines des sciences hu-maines.

Les • Dossiers des Lettres Nou-velles", créés en 1962, comptent au-jourd'hUi une trentaine de titres etgroupent, sous cette dénomination gé-nérale, tout un ensemble d'ouvragessur des sujets très divers mais quiont pour commun' dénominateur l'ori-ginalité de l'approche et la rigueurde la formulation. On y trouvera no-tamment des études littéraires : MI·chel Leiris et la quadrature du cer-cie, par Maurice Nadeau; Cha·briand et le Temps perdu, par AndréVial ; Queneau déchiffré, par ClaudeSimonnet; le Second volume de Bou-vard et Pécuchet, par Geneviève Bol-lème; Gustave Flaubert, écrivain, parMaurice Nadeau (qui vient d'obtenir

pour cet essai le Grand Prix de laCritique 1969).

Nous sont également proposéesdes études sur l'art, le cinéma outout autre problème de l'actualitéculturelle : la Réussite et l'échec dePicasso, par John Berger, ou leRoyaume millénaire de Jérôme Bosch,par Wilhelm Fraenger (voir les nO' 65et 15 de la Quinzaine); le Cinémaest mort, vive le cinéma (l'Inventiondu magnétoscope), par Roger Boussi-not; le Happening, par Jean-JacquesLebel.

Des essais historiques, philosophi-ques, sociologiques, psychanalyti-ques : Culture et mise en condition,par H. M. Enzensberger; les Fanatl·ques de l'apocalypse, étude sur leshérésies millénaires du Moyen Age,par Norman Cohn; Parole donnée, re-cueil d'articles, parus dans diversesrevues, sur la religion et les tradi-tions musulmanes, par Louis Massi-gnon; Fourier aujourd'hui, par EmileLehouck (voir le n° 19 de la Quinzai-ne) : Eros et Thanatos (un des grands

par Georges Perec

Ré$umé des chapitres précédents :Le f'lê(lrrateur, dont on a, entre temps, enfin appris le nom: GaspardWinckler, a un entretien avec un inconnu qui, d'emblée, lui poseune question surprenante.

- Vous ne comprenez pas ? me demanda au bout d'un instantOtto Apfelstahl, en me regardant par-dessus sa tasse de thé.- Disons que votre question est pour le moins ambiguë.- Ambiguë?- Il n'y a pas qu'une seule personne qui m'ait, comme vous

dites, donné mon nom.- Je vais donc vous préciser ma question, puisque vous pensez

que cela est nécessaire; je ne fais pas allusion à votre père, nià l'un des membres de votre famille ou de votre entourage dontvous pourriez tenir votre prénom, c'est une coutume, je crois,encore assez répandue; je ne pense pas non plus à l'individu qui,il y a cinq ans, vous a fourni votre actuelle identité, mais, bel etbien, à celui dont vous portez le nom.- A celui dont je porte le nom! m'exclamai-je.- Vous l'ignoriez?- Je l'ignorais, en effet. Et que fait cet autre Gaspard?- Nous voudrions bien le savoir. C'est d'ailleurs, pour ne rien

vous cacher, le but de cette entrevue.- Je ne vois pas en quoi je pourrais vous être utile. J'ai toujours

pensé que les papiers que l'on m'avait donnés étaient faux.- Gaspard Winckler était à l'époque un enfant de huit ans. Il

était sourd-muet. Sa mère, Caecilia, était une cantatrice autri-chienne, mondialement connue, qui s'était réfugiée en Suissependant la guerre. Gaspard était un garçon malingre et rachitique,que son infirmité condamnait à un isolement presque total. Ilpassait la plupart de ses journées accroupi dans un coin de sachambre, négligeant les fastueux jouets que sa mère ou sesproches lui offraient quotidiennement, refusant presque toujoursde se nourrir. Pour vaincre cet état de prostration qui la désespérait,sa mère résolut de lui faire faire le tour du monde; elle espéraitque la découverte de nouveaux horizons, les changements de climatet de rythme de vie auraient un effet salutaire sur son fils etpeut-être même déclencheraient un processus au terme duquel ilpourrait recouvrer l'ouïe et la parole car, tous les médecins consul-

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succès de la collection) et le Corpsd'amour, par Norman Brown.

Des essais politiques : Trotsky vi.vant, par Pierre Naville (dont JorgeSemprun prépare actuellement uneadaptation cinématographique) et Lit·térature et révolution, par Léon Trots-ky; les Dirigeants soviétiques et lalutte pour le pouvoir, par Boris l. Ni-colaevski; les Juifs de France et l'Etatd'Israël, paru tout récemment.

Des témoignages et des documentsd'actualité : les Nôtres (vie et mortd'un agent soviétique), par ElisabethPoretski (voir le n° 77 de la Quinzai-ne); Mémoire pour la réhabilitationde Zinoviev, par Gérard Rosenthal ;les Vautours de la guerre froide etle F.B.I. inconnu, par Fred J. Cook(voir le nO 8 de la Quinzaine); lesDrogués de la rue, par J. Larner etR. Tefferteller (enquête menée à NewYork dans la faune des drogués parces deux sociologues et constitué parles confessions hallucinantes qu'ilsont enregistrées au magnétophone(voir le n° 22 de la Quinzaine).

En préparation :

Souvenirs et réflexions - recueild'essais sur la Tchécoslovaqulè, parle philosophe est-allemand Ernst Fis-cher, exclu du parti à la suite de sesécrits et de ses déclarations publi-ques à propos de l'agression soviéti-que.

Art et révolution - une étude deJohn Berger sur le sculpteur sovié-tique Neizvestny (voir le n° 18 de laQuinzaine) •

Les oppositions à Franco - le fruitd'une enquête menée pendant deuxans à travers toute l'Espagne dans lesmilieux de l'opposition, par le jour-naliste espagnol Sergio Vilar.

Œuvres choisies - réédition revueet largement augmentée d'un ouvra-ge paru chez Julliard et qui rassem-ble les principaux essais historiqueset philosophiques de Walter Benjamin.

Dans le poing de la révolution - unlivre de José Ygleslas qui décrit lavie d'une petite ville cubaine.

PIERRE-GEORGES CASTEX

BAUDELAIRECRITIQUE D'ARTLes textes de l'écrivain voisinent avec les reproductions des œuvresd'art évoquées. Cet album est précédé d'une étude qui décrit lesaspects principaux de la critique baudelairienne.

PAUL SURER

CINQUANTEANSDE THEATRE

Large panorama de l'activité dramatique en France depuis la fin dela première guerre mondiale jusqu'à nos jours.

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tés étaient formels sur ce point, aucune lésion interne, aucundérèglement génétique, aucune malformation anatomique ou phy-siologique n'étaient responsables de sa surdimutité qui ne pouvaitêtre imputée qu'à un traumatisme enfantin dont, malheureusement,les tenants et les aboutissants étaient encore inconnus bien quel'enfant ait été montré à de nombreux psychiatres.- Tout ceci, me direz-vous, semble n'avoir que peu de rapport

avec votre propre aventure et ne vous explique toujours pascomment vous avez pu vous retrouver sous l'idendité de ce pauvreenfant. Pour le comprendre, il vous faut d'abord savoir que, à lafois par précaution et par goût du travail bien fait, l'Organisationde Soutien qui vous prit en mains ne se servait pas de faux papiers,mais de passeports, pièces d'identité et tampons authentiquesqui lui étaient fournis par des employés d'administration acquisà sa cause. Il se trouve que que le fonctionnaire genevois quidevait s'occuper de votre cas mourut trois jours avant votre arrivéeen Suisse, sans avoir rien préparé, alors que l'on avait déjà fixétous les relais, toutes les étapes de votre voyage ultérieur. L'orga·nisation fut prise de court. C'est -alors qu'intervint CaeciliaWinckler, qui appartenait à cette organisation, qui en était mêmeune des principales responsables eri Suisse. Et c'est ainsi que,pour parer au plus pressé, l'on vous remit le passeport, à peinemaquillé, qu'elle avait fait établir quelques semaines auparavantpour son propre fils.- Et lui?- Les règlements internationaux admettent volontiers qu'un

enfant mineur partage le passeport d'un de ses parents.- Mais que serait-il arrivé ensuite?- Rien, je suppose; ils se seraient arrangés pour que Gaspard

ait un autre passeport; je ne pense pas qu'ils aient songé à vousredemander un jour le vôtre.- Alors pourquoi pensez-vous que j'aurais pu les rencontrer?- Vous ai-je dit quelque chose de semblable ? Vous ne me

laissez pas continuer : quelques semaines après votre passage à

La Quinzaine littéraire, àu 1- au 15 àéceml)re 1969

Genève, lorsqu'il fut sûr que. vous étiez en sécurité, Caecilia etGaspard partirent pour Trieste, où ils embarquèrent à bord d'unyacht de 25 mètres, le Sylvandre, un magnifique bâtiment capablede leur faire traverser les typhons. Ils étaient six à. bord :Caecilia, Gaspard, Hugh Barton, un ami de Caecilia qui était enquelque sorte le commandant de bord, deux matelots maltais quifaisaient aussi fonction de stewart et de cuisinier, et un jeuneprécepteur, Angus Pilgrim, spécialisé dans l'éducation des sourds-muets. Il ne semble pas, contrairement à l'espoir de Caecilia, quele voyage ait amélioré l'état de Gaspard qui, la plupart du temps,restait dans sa cabine et ne consentait qu'exceptionnellement àmonter sur le pont pour regarder la mer. De la lecture des lettresque Caecilia, Hugh Barton, Angus Pilgrim, et même Zeppo et Felipe,les deux matelos, écrivirent à cette époque, et que, pour desraisons que vous comprendrez plus tard, j'ai été amené à consulter,il se dégage, au fil des mois, une impression poignante: ce voyage,conçu avant tout comme une cure, perd peu à peu sa raison d'être;il s'avère de plus en plus qu'il a été inutile de l'entreprendre, maisil n'y a non plus aucune raison de l'interrompre; le bateau erre,poussé par les vents, d'une côte à l'autre, d'un port à l'autre,s'arrête un mois ici, trois mois là, cherchant de plus en plusvainement l'espace, la crique, l'horizon, la plage ou la jetée où lemiracle pourrait se produire; et le plus étrange est encore queplus le voyage se poursuit et plus chacun semble persuadé qu'untel endroit existe, qu'il y a quelque part sur la mer une île, unatoll, un roc, un cap où soudain tout pourra arriver, où tout sedéchirera, tout s'éclairera, qu'il suffira d'une aurore un peu parti-culière, ou d'un coucher de soleil, ou de n'importe quel événementsublime ou dérisoire, un passage d'oiseaux, un troupeau debaleines, la pluie, le calme plat, la torpeur d'une journée torride. Etchacun se raccroche à cette illusion, jusqu'au jour où, au largede la Terre de Feu, pris dans une de ces soudaines tornades quisont là-bas presque quotidiennes, le bateau sombre.

(à suivre)

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TRÉATRB

A travers le m.iroir

COLLECTION c L'AGE D'OR.DIRIGEE PAR HENRI PARISOT

UNE CHEMISE

créée, il y a quelque dix ans,dans des décors et des costu-mes de l'auteur.Pénélope a dix-huit ans. Elle

vit avec sa nourrice au sixièmeétage de la grande maison deses parents. Si elle est restéeenfermée si longtemps • en-haut., dans cette nursery,c'est qu'il vaut mieux ne pasla montrer trop longtempsen société, sa grande imagi-nation et sa sensibilité excep-tionnelle risqueraient de dérou-ter les gens mal informés.Pénélope vit avec ses jouetset sa nourrice. de temps entemps surveillée par sa gouver-nante, une sorte de fée cara-bosse, seul lien avec le mondedes adultes. Son frère vient lachercher car, pour ses dix-huitans, un dîner est offert en sonhonneur « en bas •.Ses désirs, son imagination

transfigurent les personnages.Elle tire à elle le réel et le resti-tue dans l'horreur ou dans la fée-rie. Elle remet les personnagesdans les cauchemars qui luiconviennent et qui leur convien-nent. Amoureuse de son che-val à bascule, elle se transfigu-rera elle-même en cheval pourse confondre' avec lui. Sa mères'échappera de son tombeau,amoureuse elle aussi du che-val et le disputant à sa fille.Toute la lignée fèmelle sortiradu cercueil mais les hommesde la famille Quatrepieds euxaussi, horde de fantômes, vien-dront de la terre pour tuer lecheval, le père les dirigeantavec l'angoisse accrochée àses longs cheveux, alors queles arbres, dans le jardin blanc,s'évanouissent de peur.L'humour, pas un instant, ne

fait défaut à Leonora Carring-ton. Elle utilise un bric-à-bracde fantômes et de fées cara·bosses en feignant d'y croireet pour prendre au piège desa véritable magie, de ses vraisfantômes, de ses vrais délires.Pénélope a traversé le miroir

comme ('Alice de Lewis Car-roll. Lire Leonora Carrington,voir Pénélope, c'est pénétrerdans l'imaginaire, c'est partici-per à la transparence, lutteryeux ouverts avec l'invisible,élargir le champ du possible,c'est porter une attention indif-férente aux événements lesplus surprenants, c'est nes'étonner de rien.

Simone Benmussa

DE

FLANELLE

DE NUIT

chants des cannibales. «Ceux-ci portent des instruments di-vers et chantent dans n'im-porte quel ordre avec des voixd'oiseaux, de chiens, de petitsenfants, de vieillards, d'auto-bus, d'objets cassés, de joyeux,de noyés, aigus, plats, tout cequ'on voudra. Un soprano avecune voix d'eunuque vêtu d'œil-lets d'Inde, chante en solo detemps en temps.»Une des pièces de Leonora

Carrington, Pénélope, vie n td'être représentée à la Bien-nale de Paris, dans une miseen scène de Catherine Monod.Alejandro Todorowsky l'avait

est devenu Noiravec une horrible explosiona éclaté un dimancheAucun des hommes d'Etats n'apu accoucher d'autre choseque de bruit. •

Par une contagion étrange, lanature, les animaux, les mèresmeurent. Il faut, pour que lavie ne s'éteigne pas, retrouverla mère qui pondra un œuf fer-tile. C'est une autruche quisera ce messie de la fécon-dité. L'Autruche fait son appa-rition accompagnée par les

et le Papé s'offrent. pour sau·ver le monde, à se faire fécon-der. Et c'est le rat qui lit, dansle journal. le résultat de cesétranges grossesses.

«Etendu, dans le Vatican, lePape

Cœur brisé,car inséminé par un cardinalaprès neuf mois a seulementpété.

Wilson n'a pas eu meilleurechance que le Pape.

Mais Nixon, gonflé, sansconnaissance,

énorme de semenceastronautique

parLEONOR.A

CARRINGTON

feuilles, de clairons de feutrecomme • sortant du plasma ter·restre., ou de mer qui se• casse • sur une plage. Ce dé-cor cède la place à une façadede salon de beauté en ruinesoù apparaissent des femmesencapuchonnées qui s'écrou-lent avec des. gestes d'insec-tes sous une pluie d'insecti-cide.. Tous ces êtres repré-sentent notre monde actuel oùse propagent des maladies lu-naires. Les hommes sont desvermines atteints d'une lèpremalsaine, Harold w.i1son, Nixon

Pén'lope, de Leonora Car-rlngton, a été représentée lorsde la dernière biennale deParis. La pièce paraîtra dansle prochain numéro des ca·hiers Renaud-Barrault (édl·tians Gallimard).

Leonora Carrlngton est pein-tre, poète, auteur dramatique.Elle a appartenu au groupesurréaliste alors qu'elle étaitjeune et avait fait la connais·sance de Max Ernst. L'aventurede l'imaginaire, Leonora Car·rlngton l'a vécue pleinement etdouloureusement. Elle râcontecette expérience dans un admi·rable récit, En-bas, paru en1945, aux Editions de la RevueFontaine.Dans ce récit, les fulguran-

ces de l'intuition traversent etéclairent de longs momentsd'abandon aux forces profon·des du subconscient. C'estdans l'intervalle de ces batte-ments lumineux que le lecteurentrevoit des formes fantasti-ques, un univers dont l'éclai-rage dévie les contours. Cettedémarche de "esprit ouvre unchemin de la connaissance.C'est par ces révélations suc-cessives que Leonora Carring-ton a exploré toutes les res-sources de sa sensibilité. Ellea minutieusement aiguisé saperception de la nature. Ellesavait que son corps, dans unrapport étroit et précis avec leschoses, arriverait à la faire pé-nétrer plus avant dans la con·naissance du monde que l'ondit • fantastique. par ignoran-ce et qui n'est souvent qu'unepatiente captation des irradia-tions qui émanent des êtres,des objets, des animaux.Dans Opere sinistre, qu'elle

vient de terminer, Leonora Car-rington met en scène un mon-de apocalyptique où des bébésmorts, un rat sur roues, desastronautes, des cannibales arc·en-ciel, un shaman, des léo-pards, autruches, antilopes,kangourous, poissons, et desanimaux fabuleux: bœuf, aigle,lion, ange, des mains, un ordi·nateur, un escargot qui tientune feuille dans son bec, touteune faune en panique grouilledans une coquille Saint-Jacquessur un fond sonore de portesqui claquent, de spasmes de

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Deux •contestatIons1Roger PlanchonLa mise en pièces du « Cid»

Th. Montparnasse.

1AristophaneLa PaixLyon. Théâtre du S".

Phallus partout. Même Lyonn'est plus pudibonde. Dans lespectacle de Maréchal (La Paix,d'Aristophane) , il se dresse,plus ou moins métaphorique, àchaque détour du dialogue oudu chœur, symbole empanachédes joies et libertés de la paixretrouvée. Dans le spectacle dePlanchon, passé de Villeurbanneà Paris, il a, beau, ce phallus, dé-signer l'érotisme '(dénoncé ouglorifié ? C'est ambigu) de lasociété de consommation, Iln'en est pas moins ---' tout enor, précis, gonflable, et deuxmètres de haut - objet de fièreallure : ce spectacle a aa Tourde Pise.

Cette • mise en pièces - duCid, qui se termine par une miseen boîte de Hair, une mise àmort de Pierre Corneille, et unemise en conserves de produitsculturels, est un spectacleburlesque, exceptionnellementéblouissant. Il ne dit pas grand-chose, en teut cas rien de radi-cal, sur la signification actuelledu théâtre et de la culture dansla société où nous sommes(c'est pourtant" le propos), maisl'intelligence et le brio de j)lan-chon ont un étrange pouvoir deméduser.

Une aréation aolleoûve

Née de Mai 68, de sesdébats, de ses séquelles (Plan-chon conduisait alors le • col-loque de Villeurbanne -), cettecréation collective tient à sedater: un ballet en voiles rougeset noirs (la Loïe Fuller à l'heurede mai), avec inscriptions à labombe à peinture, est là pourmettre le sceau : cette scène,mi-épique, mi-ironique, résumetoute l'ambiguïté du spectacle.D'autres, avant Planchon,

avaient parlé, sur la scène, desproblèmes, des contradictions,voire des impossibilités du théâ-tre dans la société qui est la'nôtre. Gignoux, dans Une trèscourte soirée, parlait pertinem-ment, en avril 6S, du théâtre• d'avant mai -. Chéreau, dansLe prix de la révolte au marchénoir, envisageant le théâtre.. d'après mai -, exprimait desdoutes et la probable impuis-sance politique du théâtre.

Planahon joue et ruse

Dan s l'un et l'autre deces spectacles le pro p 0 sétait c 1air, et la sincéritéévidente, voire convaincante.On n'en peut pas dire autantde cette mise en pièces :à force d'être virtuose et rusé,à la fois insolent et remarqua-blement prudent, on ne sait plustrop ce que Planchon veut dire,sinon le plaisir que l'exercicelui donne, à lui et à sa troupe.Dans Les, tro,is mousquetaires,il parlait du théltre en metteuren scène, et ce spectacle avaitla clarté d'une épure. Parlant icien animateur (contestataire,s'entend) d'un ensemble cultu-,rel, il ruse et joue, il • s'avancemasqué -. Dans un spectaclesans réelle agressivité il bro-cerde en brouillant les pistes;Il a beau se brocarder lui-même,le jeu n'est pas sans complai-sance narcissique; ce spectacleest fait pour les copains, lesmandarins que nous sommes, etpour les bourgeois en lisièrede bourgeoisie, intelligemmentépris du théâtre, ce pandémo-nium aujourd'hui en folie. Ledébut est assez fulgurant : surune scène où l'on joue Le Cid,une guimbarde fait irruption,portant M. Fafurle, Françaismoyen ml-poujadiste, mi-contes-tataire (remarquable Je a nBouise) et sa double épouse, laménagère et la demi-mondaineévaporée (géniale Loleh Bellon) ,toutes deux lectrices de Elle etde Marie-Claire. Et Hellzapoppincommence, ou un film de JerryLewis (puisque Planchon entends'y référer) : dans un tohu-bohulaborieusement délirant, conduitdans le style des • comics -,les pétards fusent dans l'Hôtelde la Culture, où règnent lesclassiques Vaubourdolle. Maiscela s'essouffle vite, et le rire

s'amenuise : l'inspiration (oula force d'attaque) du texte fai-sant défaut, la machinerie sedéchaîne. Chaque mot, chaqueimage, chaque situation estimmédiatement illustrée en gagsvisuels, dans un déluge de gad-gets jaillis de partout, des cin-tres, des trappes et des cou-lisses. Ce bric-à-brac en délire,qui veut nous étourdir, est trèsvite exténuant. • Le théâtre,c'est n'importe quoi, à conditionde le rendre théâtral -, nous ditle texte. Eh oui... Et puis, quePlanchon m'excuse (il sait l'ad-miration et l'amitié que j'ai pour,lui), si je ne Rarle plus en cri-tique théâtral. Mais quand on asubi les grandes manœuvrespolicières d'un certain samedi,quand on a vu ses amis arrêtés• préventivement -, ou frappéset jetés à l'hôpital parce. qu'ilsrefusaient une certaine • cul-ture -, c'est-à-dIre une certainesociété, on est moins disposé àaccueillir avec connivence desjeux de théâtre, brillants et ano-dins, sur cette même • culture -,des jeux qui peuvent apparaîtrealors un peu anachroniques,voire déplaoés. '

Un m•••age a ••ea aourt

Mieux vaut peut-être alors -puisque le spectacle de Plan-chon entend se situer dans lesillage d'Aristophane - mettrecarrément sur la scène, et sansaucune référence à l'actualité,un moment de la' politique grec-que, en l'occurrence la Guerredu Péloponèse, comme l'a faitMaréchal en mettant en scèneLa Paix en tant que simple témoi-gnage historique et dionysiaque.Je ne suis pas fort épris decette pièce, avec ses relentsde poujadIsme aristophanesque.-Ecrite contre les va-t-en-guerred'Athènes et de Sparte, et pouraider à la signature de la paix(quelques mois après, en 421,la fragile Paix de Nicias inter-venait), cette œuvre n'en a pasmoins un message assez court,en somme celui-ci : • Arrêtez laguerre; la paix, c'est: bouffez,buvez, baisez, faites des enfantset retournez au bon vieux tempsde nos pères Travail, famille,patrie, et retour à la terre, leprogramme n'est guère exaltant.On a beau nouS rappeler aussique le rire d'Aristophane porte

sur nos désirs et besoins 'natu-rels, sans interdits ni tabous,sur tout cela que notretion chrétienne et· boLlrgeoisenous a appris à taire etser, il n'en reste pas moins quece rire fait long feu. Aristophanen'est pas Rabelais, ni Shakes-peare ; on est loin du rire pro-gressiste de l'un, qui décape,jette bas les masques, fait ta-ble rase, comme de l'obscénitéshakespearienne, ce sceau glo-rieux posé sur l'humaine et tra·gique ,condition. Quant à laguerre, on attend aûjourd'hui,sur elle, d'autres explications,celles de Brecht par exemple.

Un appel à la liberté,

Cela dit, et c'est là l'intel·ligence de Maréchal,' ce spec-tacle, par Soh dionysisme mêmeparvient à nous dire plus que lapièce ne' nous dit. Dans les, do-cuments par quoi Maréchalnous éclaire son spectacle, oncite Nietzsche: • Qu'est-ce que'la fête? un temps hors du tempsquotidien, ûn temps libéré detout ce qui entrave et limite. Al'ordre d'une existence soumiseaux interdits sacrés en profaness'oppose l'effervescence de la·fête -, et le commentaireajoute: • le théâtre, comme lafête peut être, par la -libérationdes forces créatrices, esquissed'une vie nouvelle, d'une libertéqui peut alors trouver le goût etdes raisons de • changer la

-. Dans la mesure où lespectacle de Maréchal. appuyésur le texte intelligent et sen-sible de Debidour, est très pré-cisément une orchestration,assez magistrale, de' ce thème,il est superbe, et fort. Le déchaηnement physique' des comé-diens, l'intelligence de "orga-nisation et de l'animation del'espace, la vigueur du rythme,la cocasserie des musiques, lebondissement dionysiaque de laverve et de' la vie, la forced'expression des masques deJacques Angéniol, tout celadonne à ce spectacle une puis-sance d'éclatement. un pouvoird'appel (d'appel à la liberté),plus • révolutionnaires - en unsens que la contestation trophabile d'une. culture - dont ondemeure complice.

Gilles Sandier

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969

Page 28: quinzaine littéraire 84

TOUS LES LIVRES

Livres publiésJean XXIIILettre. il ma familleTraduit de l'italienpar Ph. Rouillard,J. Lonchampt,S. Couquet et A. MarinNomb. lIIustr. hors-texteCerf, 1008 p., 50 F.727 lettres qui couvrentla vie de ce pape dontva être engagé sous peule procèsde canonisation.

Paul LesourdJ.-M. BenjaminLe. mystère.du Padre Plo12 photos hors-texte352 p., 19,20 F.La vie du capucinsitgmatisé dontle procès encanonisation va bientôtêtre entrepris.

M6mo1re. deMademoiselle Avrillionsur l'Imp6rlltriceJoHphIne• Le Temps Retrouvé.Mercure de France,384 p., 23,90 FLes savoureux Mémoiresde celle qui futla confidenteet une Image Intimeet Insolite de Bonaparte.

Maurice ParturlerMomy et son tempsNomb. illustrationsHachette, 320 p., 25 F.Un ouvrage appuyé surdes documents Inéditset qui nous présenteIl la fols le portraitde l'hommeet du politicien.

• George SandCorreaponclanceTome VI{1143-Juin 1145)Textes réunis, clas.éset annotéspar George. Lubin17 reproductionsGarnier, 1088 p., 45 F.532 nouvelles lettres,dont 324 entièrementinédites, de cettecorrespondance qui aobtenu en 1967 le prixde l'édition critique.

par Marc BarollLettres Modernes,652 p., 70 F.

Konrad AdenauerM6molre•• Tome III{1956-1963)Hachette, 400 p., 50 F.Voir le n° 56de la Quinzaine.

BIOGRAPIIIE8MEMOIRE8CORRE8PON-DANCES

Jacques ChardonneCe que je voulaisvou. dire aujourd'huiGrasset, 256 p., 20 F.Un recueil de lettresqui révèlentun Chardonneprimesautieret Inattendu.

Marivlc CharpentierGandhIFrance-Empire,304 p., 19,20 F.A l'occaliiondu centenairede la naissancede Ghandi, une étudesur le philosophe.le moraliste et l'hommed'Etat.

• Antonin ArtaudLettre. il GénlcaAthena.lou1 frontispice,12 planches hors-texteGallimard, 394 p., 26 F.Des lettres écrites entre1921 et 1940 et où • Stéphane MallarméArtaud, psychopathe Correspondance IIIde génie, décrl,t (1886-1889)Il la femme qu il aime Recueillie, classée

tourments et annotéed un h?mme enfermé par H. Mondordans 1absolu Gallimard, 448 p., 32 F,de lui-même. Un recueil de lettres

adressées aux nombreuxcorrespondantsfrançais et étrangersde Mallarmé, alorscélèbre, et qui contientdes document capitauxsur son Idéal poétique.

• Maurice DommangetAugu.te BlanquiDes origine•il la révolution de 1148(Premier. combatset première. prisons)Mouton, 352 p., 39 F.La première partied'une biographiede· • L'Enfermé ",par un spécialistedu mouvement socialet de la révolutionfrançaise.

Jean-Claude GulllebaudPierre VellletetChaban-Delmasou l'art d'Itre heureuxen politiqueGrasset, 256 p., 17 F.Le portraitet la biographie politiquede ce personnagecomplexe. par deuxreporters Il -Sud-Ouest-.

Emile ZolaLe• .Rougon-Mac:quartTome 1Préface deJ.-C. Le Blond-Zola76 illustrationsSeuil, 688 p., 20 F

H. P. LovecraftDagon et ..tre. récitade terreurPréface de F. TruchaudTraduit de l'anglaispar Paule PérezP. Belfond, 352 p., 26 F.

H. P. LovecraftLa couleur tombéedu dei.Traduit de l'américainpar Jacques PapyDenoël, 240 p., 8,50 F.

Jean de La FontaineFable.illustrationsde Daniel BillonHachette, 129 p., 15 F.

REEDITION

Vahé GodelSignes particuliersGrasset, 96 p., 9 F.

Jean Ethlers·BlalsA.lesGrasset, 96 p., 9 F.

Pierre Dalle NogareCorp. ImaginaireCollection • Poésie -Flammarion, 80 p., 7,50 F.

POE81E

tous les aspectsdu talentde cette romancière.

Emile ZolaLe ventre de PariaEdition établieet présentée

Marcel ProustA la recherche du tempsperdu - Tome VI :La prisonnière (suite)et Ui20 planches hors-textede Philippe Juillan• La Gerbe Illustrée -Gallimard, 496 p., 85 F.

• Edmond JabèsElyaGallimard, 132 p., 11 F.

• René de ObaldiaInnocentl....Grasset, 228 p., 15 F.

• Jean RhysLes tigre••ontplu. beaux il voirTraduit de l'anglaispar Pierre LeyrisMercure de France,240 p.• 22,90 F.Un recueil de nouvellesqui nous révèle

.Jean RhysBonjour minuitTraduit de l'anglaispar J. Bernard• Lettres Nouvelles •Denoël, 224 p., 20,30 F•Une grandeanglaise qui publiapour la première fois,en 1939 et queles Anglais viennentde redécouvrir.

.Hermann Peter PiwlttR6clt d'un hôtel meubl6Traduit de l'allemandpar Anne GauduGallimard, 200 p., 14 F.Dix nouvelles en prosepar un des écrivainsles plus originauxde la nouvellegénération allemande.

Arthur MillerEnchantéde vou. connaitreet autre. nouvelle.Traduit de l'américainpar J. RosenthalR. Laffont, 360 p., 22 F.Neuf récits par "auteurdes • Sorcièresde SaJem. et de• La mortd'un commls·voyageur -.

Richard MathesonJe .ul. une légendeL'homme qui rétrécitTraduits de l'américainpar Claude EisenDenoël, 192 p et 208 p.,8,50 F le volume.Deux romansfantastiques.

• Lettres Nouvelles-256 p., 20,80 F.

.!\ travers la vied'une petite villehongroise aprèsla guerre, l'enfantement,dans la douleur,d'une démocratiepopulaire européenne.

• Abdéjamil NourpélssovLa saison de. épreuve.Adapté du kazakhpar louri Kazakov.Traduction françaisede L. DenisGallimard, 320 p., 22 F.Un roman qui fait suiteau • Crépuscule. etnous montreles premiersbalbutiements de l'espritrévolutionnairechez les habitantsdes steppesd'Asie Centrale.

une nouvelle collectionconsacrée Il cettelittératurede l'imaginaire.

Alexis SocratosEro. et Paych6Préface de M. GallLosfeld, 254p., 30 F.Une fantaisie érotiqueoù se mêlent le vieuxthème d'Eros etde Psyché et les thèsesmarcuslennes surla libérationde l'homme.

J.E. SwllawtorHomo wotlcu. re.Losfeld, 194 p., 24,60 F.Une descriptionanticipée et quelquepeu parodique de ceque serait une sociétéfondée surla primauté du sexe.

• Eugène Le RoyL'ennemi de la mortCalmann-Lévy,326 p., 14,40 F.Par l'auteur de• Jacquou le Croquant -,un roman régionalisteet populaire dont lehéros, un médecin, estun champion de labonté absolue.Réédition.

Pierre VéryUn grand patronLe tu'rl...urRencontre,504 p., 18,30 F.Réédités en un seulvolume, deux desmeilleurs roman.de P. Véry.

Catherinede PrémonvilfeLe. drap. de papierTable Ronde,256 p., 17,50 F.Une chronique Illa fols sévère etlucide d'un certainmilieu très parisien.

• Albert MemmlLe .corplonou la confianceImaginaire3 hors-texteGallimard, 304 p., 22 F.Par l'auteur de : • Lalibération du Juif-et de • La statuede sel. (voir le n° 16de la Quinzaine).

• Victor HatarAnlbelTraduit du hongroispar G. Kassaiet J. F-aure-Cou.ln

Gilbert CesbronJe sul.......... te peau.Uiffont, 352 p., 14,30 F.L'Itinéraire spirituel decieux jeunes Noirs• Européanisés. qui,leur diplôme en mains,retrouvent l'Afrique.

René BarjavelLe dlllble l'emporteDenoêl, 240 p., 8,50 F.R66dltlon d'un despremiers romansde science-fictionde l'auteur.

Emmanuelle ArsanNouvelle. der6ro....recouverture de Ch. LuuIlIu.tratlons deR. BertrandLo.feld, 218 p., 30, 85 F.Un recueil de nouvellesfrotlques par l'auteurcf • Emmanuelle -.

J. Paço d'ArcosCellule 27Table Ronde,192 p., 18,70 F.Deux femmes enferméesdans la même celluled'une prison et dansle souvenir de l'hommequi a marqué le\lr vie.

René BarjavelLft chemin. deKatmandouPresses de la Cité,384 p., 17 F.Le dernier roman del'auteur de • La nuitdes temps -, dontl'adaptationcinématographiquepas.e actuellement surles écrans parisiens.

aOMAN8l'aANçAI8

Fritz LelberLev..-bondCollection • Ailleurset· demain-Laffont, 408 p., 20 F.Un roman de science-fiction qui Inaugure

Jacques Chenevièreo.phM ou 1'6cole.. ....liment.Rencontre,.p., 18,30F.Un recueil de nouvellespleine. d'Invention etde tendresse contenue.

• luclen EllaL.. ,rat6.de la diasporaFlammarion, 416 p., 25 F.Un roman plein decharme et d'humour,dan. la traditionde • "6&ole juiveam6rlcalne -.

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du 5 au 20 novembre 1969Mercure de France,208 p., 13,50 F.Un témoignage sur lagrande misèrede l'enseignementprimaire en mêmetemps qu'un documentsocial et humainsur un petit villagede Lozère.

William BurroughsApomorphineTrad. de l'américainpar M. Beachet C. PélieuL'Herne, 104 p., 11 F.Ecrite à l'intentionde son fils, uneconfession de l'auteurdu • Festin nu _contre la 9rogue.

Sacha SimonLa gageure soviétiqueLaffont, 384 p., 18 F.L'U.R.S.S. vue par lereporter du - Figaro -,qui fut envoyépermanent dans ce pays.

RBLIGION

A.G. DickensLa contre-réformeColl. - HistoirE}illustrée de l'Europe-Flammarion, 216 p., 14 F,La réforme catholiqueau siècle d'Ignacede Loyola et deSaint Vincent de Paul.

Henri de LubacL'église dans la

Louis CoacheVers l'apostasiegénêraleTable Ronde,280 p., 16 F.Un recueil de textesécrits entre 1964et 1969 et où l'auteurdénonce le cancerqui, selon lui, rongel'église actuelle,

au siècle des Lumières(Des origines à 1715).Mouton, 499 p., 49 F.Les grandes coalitionsd'intérêt pendantles dernières annéesdu règne de Louis XIV.

Claude Palllat20 ans qui déchirèrentla FranceTome 1 : Le guêpier32 p. de photosLaffont, 630 p., 32 F.Le dossier de ladécolonisation d'aprèsles archives secrètes.

Captain ArmandBiafra vaincra24 photos h. t.France-Empire,272 p., 19,20 F.La guerre du Biafraracontée par unmercenaire blanc.

ECONOMIE

DOCUM:IINTS

Pierre M. ClairMais que font·i1sde la Sécurité Sociale?Préface de P. JoxeIII. de R.S. CruzCercle du LivreEconomique éd.,128 p., 9,80 FPour une - Sécuritésocialiste - : une étudeprospective desambitions, des moyenset des résultatsde cette Institutionconsidérée commefondamentale.par 75 % des Français.

• Huguette BastideInstitutricede village

dans tous les domainesde la biologieet de la psychologiehumaines.

HISTOIRI:---------.Claude Mettra

Le grand printempsdes gueux(Chron!que de l'an 1525) • Georges BortoliCollection • R - Vivre à MoscouA. Balland, 192 p., 15 F. Laffont 232 p 15 FLa révolte de ,., .cent mille paysans Par journalistesous l'égide des de. 1O.R.T.F., qui aprophètes séjourné en U.R.S.S.révolutionnaires: un janvier 1966drame qui s'éteindra a décembre 1968.dans le sang etoù sombrerala civilisation allemande.

Atlas historiqueProvence, ComtatVenaissin, Principautéde Monaco, Principautéd'Orange, Comte de Nice326 cartes en couleursA. Colin, 240 p., 240 F.De la préhistoire à la• régionalisation _la sommedes connaissancesactuelles sur une régionparticulièrement richeen témoins du passé.

Raymon CartierHistoire mondialede l'après-guerreTome 1·: 1945-1953De la fin de la guerreà la mort de Staline350 documentsPresses de la Cité,432 p., 100 F.La marche du mondedepuis la signaturede la capitulationallemande jusqu'auxlisières de l'actualité.

Pierre DockèsL'espace dansla pensée économique- Nouvelle BibliothèqueScientifique -Flammarion, 464 p., 32 F.Les causes profondesde l'évolutionéconomiquede l'Occident à traversles œuvresdes économistesdes XVI', XVII' et XVIII'siècles.

Claude·Frédéric LévyCapitalistes et pouvoir

Henri GuilleminPas à pasGallimard, 466 p., 29 F.Où le célèbrepamphlétaire s'expliquesur le cheminementde quarante annéesde travail.

Albert PieFreud et la moraleCerf, 192 p., 15 F.La doctrinepsychanalytiqueconsidérée commeune éthique.

Roger BuvatLa cellule végétaleNombr. illm:trationsHachette, 256 p., 15 F.Les découvertes dela cytologie végétalegrâce à l'utilisationdu microscopeélectronique.

E. V. DiinikenPrésencedes extra-terrestresTraduit de "allemandpar Bernard KreissLaffont. 248 p., 17 F.Dans la collection- Enigmes de l'univers-un ouvrage qui présenteune thèse des plustroublantes sur l'originedes civilisationshumaines.

V.B. DrôscherLe langage secretdes animauxtraduit de l'allemandpar Denise Meunier16 p. hors·texteLaffont, 312 p., 22 F.Dans la nouvellecollection

Jean-Claude RuwetEthologieCh. Dessart éd.,238 p., 16 F, diff. Sedim.Les grandes idéesmaîtressesde cette étudedu comportementdes animaux donton saitles répercussions

Max GalloHistoire del'Espagne franquiste48 p. de photosLaffont, 472 p., 28 F.Trente annéesde dictature franquiste.Les trente annéesles plus mal connues,et pour cause,

. de l'histoire• Jeune SCience -, de l'Espagne.un ouvrage présentantles plus récentes • Piotr Grigorenkodécouvertes des savants Staline et la deuxièmesur le comportement guerre mondialeanimaI. Tradv't du russe

par Olivier SimonL'Herne, 146 p., 20 F.Un réquisitoireimpitoyable contrela flagranteincompétence etla - myopie criminelle l>

de Staline et du systèmestalinien.

SCIENCES

• Henri MichauxFaçons d'endormi,façons d'éveilléGallimard, 248 p., 22 F.Les mécanismes t1u rêveet de la rêverieanalysés, sous un jourinattendu, par le pluslucide des poèt.es.

PHILOSOPHIELINGUISTIQUE

Georges ElgozyParadoxesde la publicitéDenoël. 208 p., 15,60 F.Un -essai·manifeste -sur la publicité,par l'auteurdu • Paradoxedes technocrates -.

II:SSAIS

• La philosophie• Le savoir moderne »Denoël, 554 p., 49, 25 F.Un ouvrage pratiquequi répond à l'ensembledes questions que lenon-spécialiste peut seposer dans ce domaine.

• François RichaudeauLa lisibilité- Médiations -Gonthier, 304 p., 30,20 F.De l'analyse structurelleet sémantiquede la phraseaux techniquesd'une lecture rapideet d'une bonnemémorisation.

.Henri SérouyaLes étapesde la philosophie juiveTome 1 : AntiquitéhébraïqueGrasset, 480 p., 36 F.La formationde la pensée juive:la philosophiede la Bible, l'apportde Philon,la psychologieet la morale du Talmud,la métaphysiquede la Kabbale.

• Georges HaldasJardin des espérancesRencontre, 304 p.,18,30 F.Un recueil de sixchroniques consacréesaux gens, aux paysageset aux destinsde quelques hommes,

CRITIQUI:HISTOIRII:LITT:l:RAIRB

Lawrence J. FriedmanUs et abusde· la psychanalyseTraduit de l'américainpar Sylvie LarochePlanète, 192 p., 16,60 F.La psychanalyse,ce qu'elle est,comment on l'emploie.

E. de La RochefoucauldFemmes d'hieret d'aujourd'huiGrasset, 240 p., 18 F.Les femmesdans la littératurefrançaise du GrandSiècle au • nouveauroman -.

• Configuration critiqued'Edgar Allan PoeOuvrage collectifLettres Modernes,256 p., 28 F.Edgar Poe aujourd'huI.

• Barbey d'AurevillyOuvrage collectif sousla direction de J. PetitLettres Modernes,160 p., 20 F.Les techniquesromanesquesde Barbey <d'Aurevilly.

• Jean PaulusLa fonction symboliqueet le langagedans les manuelset traités de psychologieet sciences humaines.Ch. Dessard éd.,173 p., 33 F., diff. Sedim.Un ouvrage fondé surles travaux de Janet,Wallon, Piaget ainsi quesur ceux de Saussure,Benveniste Sapiret Chomsky.

Laslo HavasLouis PauwelsLes derniers joursde la monogamieMercure de France,340 p., 27 F,Une enquêtesociologique sur la crisedu couple moderne.

• Claude RivièreL'objet socialEssai d'épistémologiesociologiqueLibrairie Marcel Rivière.380 p., 22 F.Un ouvrage situéau confluentde la sociologieet de la philosophiedes scienceset abondammentdocumenté.

.. PrévostThomas More et la crisede la pensee européenne8 hors-textede Hans HolbeinMame, 412 p., 40 F.La synthèsed'une longue suitede rechercheset de réflexionssur l'œuvre de Moreconsidérée au pointde vue philosophiqueet littéraire.

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969

Page 30: quinzaine littéraire 84

Livres publiés du 6 au 20 novembre 1889

Anne LoeschLes imbéciles en 1lbet16Hachette, 224 p., 18 F.Une satire férocedes • aliénations •propres il notre temps.

Germaine PrudhommeauGeneviève GuillotGrammaire de Ja.danse classiquePréface de P. Gaxotte.25 photoset nombreux croquisHachette, 320 p., 38 F,A la fois un manuelet un dictionnairedestiné auxet aux danseursaussi bienqu'aux amateurs.

Jean MerrienLe de bi merLattont, 376 p., 30 F.Folklore et légendesdes marins de tousles temps et de tousles pays.

F. Pointlb gastronomieillustrationsde Dunoyercie Segonzac.-Flammarion, 180 p., 65 F.Les secretsde ce restaurateurde Vienne,l'un des plus célèbresdu monde.

GuIde cie la sent6et de la maladie• Guide pratiqueoenoël de la viequotidienne •O8noël, 256 p., 19,60 F.Le bilandes InnombrablesRlOyens dont chacundispose aujourd'hUIpour lutter contrela maladie.

Proverbes et dictonscatal_Edition bilingueprésentéepar H. GuiterR. Morel, 37 F.Un nouveau titrede la collection• Traditionspopulaires •.

Jacques KermoalLe retour du G6néralA. 8alland, 180 p., 12 f.Dans la collection• Politique-Fiction •un livre d'humourpolitique.

MerYemes du mondeet cie l'universTrès nombreuses photo8-Coll. • Réalités •Hachette, 329 p., 100 F,Les prodiges naturelset les prodigesde la créationhumaine.

R. Frison-RocheNahanniTrappeurset prospecteursdu Grand Nord42 photographies dePierre TairrazArthaud, 296 p.. 26 F.Le récit de la dernièreexpédition deR. Frison-Rochechez les Indiensdu Cercle Polaire.

Jacques Faizant-Les capricesde MarianneDenoël, 120 p., 12,50 F.Un an de vie politiqueet sociale misen humouret en dessins.

AdamL'humour cles BelgesDenoél, 132 p., 12,50 F.Les différentspersonnagesde la comédie humaineque la Belgique met enscène depuisdes siècles.

Gérard de NervalErreur de nom ouLe Café du théitreprécédé de Le nouveaugenre ou Le caf6 d'unthéâtreEdition établie etprésentée parJ. Senelier3 fac-similésLettres Modernes,112 p., 14 F.Une comédie vaudevilleInédite.

Alberto MoraviaLe monde est cequ'II estAdapté de l'Italienpar Albert HubonFlammarion, 176 p., 10 F.La pièce créée authéâtre des Célestinsà Lyon, le 25 septembreet qui se joueactuellement auThéâtre de l'Œuvreà Paris.

du westem (1962·1119)par Jean A. GillLettres Modernes,132 p., 15 F.

Le westernTextes réunis parHenri Agel, suivi deEvolution et renouveau

Noël BurchPraxis du clnéme12 planches hors texteGallimard. 264 p., 20 F.Un examensystématique du cinémaà partir de ses choixpratiques et de laréalité artistiqueque ces choixsuggèrent.

Jean AnouilhCher Antoineou l'amour rat6Table Ronde,224 p., 12,50 F.La dernière piècede Jean Anouilh.

Jo..ph Sima92 reproductionsen noir, 4 reproductionsen couleur • Lee StrasbergCatalogue édité par Le travaille Centre National d'Art à l'Actors StudioContemporain Trad. de l'américainil l'occasion de par Dominique Minotl'exposition de l'œuvre Gallimard, 368 p., 24 F.du peintre au L'enseignement ilMusée National travers l'enregistrementd'Art Moderne qui a été fait de se8Dlff. Mlnard, 120 p. 20 F. cours (voir le n° 37

de la Quinzaine).A. t'SerstevensIntimité de Venl..12 dessins d'A. Doré80 photographiesArthaud, 348 p., 50 F.Collection• Les beaux pays •.

Alexander UbermanLa Grèce, dieux et artIntroduction deR. GravesCommentairesdes photographiesde I.C. Love148 p. Illustréesen couleur et 12 en noirArthaud, 224 p., 130 F.La civilisation grecquesur le continentet dans les îles,il travers les monumentset les œuvres d'art.

Jules-David PrownBarbara RoseLa peinture américaine100 reproductionsen coul.Ski ra, 240 p., 160 F.Des portraitistesde l'époque colonialeaux • mlnlmallstes •new-yorkalsd'aujourd'huI.

peintures des grottespréhistoriques.

TBÉATR.-CINRMA

La France au tempsdes mammouths200 ill. en noir eten couleursHachette, 280 p.. 45 F.La civilisation deschasseurs. en France,quelques dizaines demilliers d'années avantnotre ère, d'après les

Salvedor oallLa vie secriltede Salvador Dall4 cahiers de 8 p.de hors-texteTable Ronde,312 p.,' 31 F.Où Dall él.èveun monument il sapropre gloireRéédition.

Tout l'œuvrepeint cie Velazquez• Les Classiquesde l'Art.Flammarion, 22 F.Un portrait completdu peintre à traverssa vie et son œuvre.

• Albert GleizesPul...nce du cubl.....Minard, 360 p., 29 F.Quinze articleséchelonnés de 1925il 1944 ·et qui nousproposent desdocuments et des

- témoignages Ignoréssur l'histoire ducubisme.

analysée etaccompagnéede documents Inédits.

Pierre Dubourg-NovesGuyenne romane28 pl. hélioet 14 hors-texteen couleursZodiaque, 368 p., 40 F.Les principalesrichesses artistiquesde cette province,chevets, façades,chapiteaux, églises, etc.

Gaston DiehlModigliani170 reproductionsdont 50 en couleursFlammarion, 96 p., 18 F.Tous les aspects(et les moins connus)de l'œuvre peint,sculpté, et dessinéde ModiglianI.

• Albert GleizesVers une conscienceplastiqueLa forme de l'histoire66 p. d'IllustrationsMlnard, 484 p., 150 F.Une étude sémiologiquede l'œuvre d'arten tant que témoinde la périodicitéqui règle la Viedes sociétés.

16 p. de plans originaux,40 dessins et croquisOffice du Livre,200 p., 45 F.Le sens profond decet art al}alysé il traversles circonstanceshistoriqueset religieuses qui l'ontvu s'épanouir.

Cent clés pourcomprendre une villa'ouvrage collectifR. Morel, 96 p., 18 F.Une nouvelle• 'encyclopédle •il la portée de tous,dans la série• Architecture •.

Pierre CourthionSeurat48 pl. en couleurs64 III. en noirCercle d'Art,162 p., 103 F.L'œuvre du chefde l'écale..éa·lmpressionnlste

Raymond CognlatFeno..208 i11. dont 36 encouleursTexte en français,espagnol. &ngtalset allemandPoligrafa-Weber,310 p., 54L'œuvre du sculpteurcatalan : cinquanteannées. de travaux.

ChagallLithographie IIIPréface de Julien CainCatalogue et noticesde F. Mourlotet Ch. Sorlier197 reproductionsdont 151 en couleursCouvertureet. frontispicede Marc ChagallA. éd.,182 p., 245 F.L'ensemble deslithographies réaliséespar Chagall .de 1962 il 1968.

Albert ColombetBourgogne et Morvan180 p. Illustréesen héliogravureArthaud, 332 p., 50 F.Collection• Les beaux pays ••

Pauf W'arnlerPressentir la lumlilre

Cerf, 200 p., 17 F.Le journal d-un prêtreau rayonnementexceptionnel.

cri.. IlCtUelleCerf, 100 p., 9,90 F.Un théologien

·Ia cr.lse actuellede rEgllse et dltcomment 'Ia surmonter.

Marlène TulnlngaLes religieusesGrasset, 248 p., 16 F.La révolution,.silencieuse malspuissante, qui soulève. aujourd'hui le mondepresque Inconnudes religieuses.

L'art du monde·tome Il :L'Amériqueprécolombienne300 illustrations en noiret en couleursRencontre, 264 p.,42,60 F.Le deuxième ouvraged'une nouvelle collectionqui comprendra18 volumes.

.Olivier BelgbederLexique des symbole.2 pl. couleurs,155 photos, 1 carteet 111 figures ln-texteZodiaque, 448 p., 60 F.les clés fondamentalesde la. symboliqueromane.

Yves BottlneauBaroque IbériqueEspagne, Portugal,Amérique latinePhotographiesd'Y. Bu.tler'84 pl. en héliogravure,

.ART8

Jean-Pierre ManlgnePour une po6t1que• cie la folCerf, 192 p., 18 F. • Catalogue des travauxUn essai sur le mystère de Jean Dubuffetsymbolique et sur Fascicule Xl, style de toute Vaches. Petites statuestMologle. de la vie précaire

Présentationde Max LoreauWeber, 136 p., 170 F..Peintures, dessinset sculptures (en papier,en mâchefer, en éponge,en éharbon de bois)de l'année 1954.

, Henry BonnlerL'univers de Rembrandt80 repr.oductionsen coul.Henri Screpel éd., .120 poo 34,50 F.L'évolutionde Rembrandtet le sens profondde son œuvre étudiésil travers ses carnetsde dessins.

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GallimardGaUlmard

GallimardGallimardDenoëlGallimardMinuit

Entretiens avec George LukacaThéorl. et pratique de la psychana-lyseLa pro.. du mondeLa vie de cour clans l'anctenJapon au tempa du Prince GenilKeyne.

Bianche·NelgeFaçons d'endormi, façon d'évelll6Bonjour minuitLa licorneLes guérlllères

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1. Henri Charrière Papillon (Laffont) 1 42. Robert Sabatier Les allumettes suédoises (Albln- 3 2

Michel)3. Pierre Schoendorffer L'adieu au roi (Grasset) 4 2·4. Louis Vallon L'anti-de Gaulle (Le Seuil) 15. Lucien Bodard Le massacre des (Gallimard) 16. Christiane Collange Madame et le management (Tchou) 6 27. Eugène Le Roy Jacquou le Croquant (Calmann·Lévy) 18. Simone Berteaut Piaf (Laffont) 2 39. Pierre Bercot Vieillesse du prince (Plon) 5. 210. Peter Townsend Un duel d'aigles (Laffont) 1

W. AbendrothErnest Jones

M. Merleau.PontyIvan Morris

E...I•

Michael Stewart

Donald BarthelmeHenri MichauxJean RhysMartin WalserMonique Wittig

L1ttératur.

Claude LepelleyL'Empire romainet le christianismeFlammarion/Questions d'histoireLes relationscomplexeset contradictoiresentre le monde romainet le christianisme•

Théodosius DobshanskyL'hérédité etla nature humaineFlammarion/ScienceLes problèmes del'origine de la vie,le rôle de l'hérédité etde . l'environnement,l'Influence des.rec.herchesscientifiques surl'ensemble dela société.

Didier DeleuleLa psychologie,mythe scientifiqueLaffont/Libertés.Un bilan sévèrede la psychologiemoderne,par un jeune maitreassistantde psychologie.

Théodoslus DobshanskyL'héréditéet la nature humaineFlammarion / Science.

S. 1. WitkiewiczLes cordonniers.Pièce scientifiqueen trois actesavec des chansonnettes.Textes françaisde K. Chanskaet J. Lacarrlère.Gallimard / Théâtredu Monde EntierLa dernière piècede l'auteur.de • La Mère •et de• La métaphysiqued'un veau à deux têtes.(voir le n° 80 dela Quinzaine).

IN.DITS

dans notre mondeactuel l'inépuisablethème des Atrides

B. ChesserLes relations sexuellesdes 15-20 ans.Marabout Université.Les vrais problèmes quise posentdans ce doma.ineau-delàd'un déferlementd'Informations.dlsco/dantessexuelles anarchiqpe.et d'une explosion

Anne PhilipeLe temps d'un soupirLivre de Poche.

Morris WestL'ambassadeurLivre de Poche.

Henriette JeilnekLa vache multicoloreLivre de Poche.

Elio VlttorinlConversationen SicileLivre de Poche.

TU*ATRB

J.•J. RousseauLes rêveriesdu promeneursoiltalre .Garnier Flammarion

Pierre ReverdyPlupart du tempsTomes 1 et Il1915-1922Gallimard/Poésie

Philippe ErlangerCharles VIIet son mystèreLivre de Poche.

BSSAI8

Emile ZolaLa vérité en marcheL'affaire DreyfusGarnier Flammarion

James SaundersUn parfum de fleursTrad. de l'anglai,llpar Jacques BrunlusGallimardThéâtre du MondeEntierUne pièce Insoliteet macabre qui futprésentée en 1967au Théâtre La Bruyèredans une miseen scènede Georges Vltaly.

Jean.Jacques VaroujeanLa ville en hautde la collineGallimardManteau d'Arlequin.Une pièce.où se trouve transpos'

Laurent TallhadeImb6clles et. gredinsLaffont/L1bertésLes· articles. polémiquesde ce grandpamphlétairedes années· 1900• enragé • avantla lettre.

Hans Georg RauchDessins à regarderde près100 dessinsPlanète, 96 p., 37,50 F.Un dessinateursatirique allemanddes plus Insoiltes,né à Beriln en 1939.

Henry Jame!!Nouvell•• :.

La mort du lionBilingueAobler.f'ammarlon.

Jean RomeufLes gaîtés bourgeoisesFlammarion,224 p., 14 F.Une étude corrosivedu systèmebourgeoiset de ses technocrates.

Jean GionoL'oiseau baguéLivre de Poche.

GogolNouvellesukralnlenn••Livre de Poche

Barbey d'AurevillyUn pritr. mariéLivre de Poche

A.J. CroninL'arbre de JudasLivre de Poche

FlaubertL'éducatfonsentimentaleGarnier Flammarion

Jean·Jacques SempéMarcellin CaillouDenoël, 96 p., 19,80 F.Traduite en dessinspar le célèbrehumoriste,une histoire d'amitiépleine de tendresseet dè drôlerie.

Livresdepoche

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969

Page 32: quinzaine littéraire 84

LE MONDEDE CHAGALL

Un livre né d'une rencontre et d'une amitié.C'est ainsi que, depuis 1949, lzis est devenu le biographe visuel de Marc Chagall,

c'est ainsi que s'est créé, image par image ,un livre auquel Roy McMullenallait conférer, par son .analyse et son interprétation de l'œuvre dans son ensemble,

la portée et le sens d'une ouverture vers «Le Monde de Chagall»,

Photographies d ' lzisTexte de Roy McMullen

Un vol. de 2<58 pages, format 250 x300 mm, 69 reproductions de tableaux et de dessins de Chagall,92 documents photographiques, 56 illustrations en quadrichromie. Relié pleine toile.

Sous jaquette illustrée en couleurs UOF.

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