Modalité et enjeux de la relation consommateur...

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Cet article est disponible en ligne en format HTML à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFG&ID_NUMPUBLIE=RFG_145&ID_ARTICLE=RFG_145_0131 Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque par Benoît HEILBRUNN | Lavoisier | Revue française de gestion 2003/4 - n° 145 ISSN 0338-4551 | pages 131 à 144 Pour citer cet article : — Heilbrunn B., Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 131-144. Distribution électronique Cairn pour Lavoisier. © Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque

par Benoît HEILBRUNN

| Lavoisier | Revue française de gestion2003/4 - n° 145ISSN 0338-4551 | pages 131 à 144

Pour citer cet article : — Heilbrunn B., Modalité et enjeux de la relation consommateur-marque, Revue française de gestion 2003/4, n° 145, p. 131-144.

Distribution électronique Cairn pour Lavoisier.© Lavoisier. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Cet article met à jour lessoubassements théoriqueset idéologiques de l’idéedésormais communémentadmise de relationconsommateur-marque. La métaphore partenarialefondée sur un processus de personnification desmarques sous-tend unechaîne de valeurs qu’il estpossible de décoder commeautant d’étapes d’un récitmontrant le caractèreéminemment narratif decette relation. Par ailleurs,l’approche relationnelle de la marque qui remet encause certaines croyanceset pratiques du marketingdit classique, suppose un rôle déterminant du consommateur dans les processus de gestion de la marque

« Le Bibendum ferait-il un bon époux et un bon père de famille?

Ma réponse est oui, sans hésitation. D’ailleurs, je vis avec un homme comme lui… »,

Claude Sarraute, « L’épouse de Bibendum »,Parlez-nous de lui. Bibendum vu par…

Paris, Textuel, 1998

« Le bonhomme Michelin, fait d’une manière synthétique,paraît pourtant très humain. Enfant je n’avais aucune

difficulté à admettre l’existence de Bibendum. Il était un compagnon de jeux… »,

Maryvonne de Saint-Pulgent, « Un monument historique »,Parlez-nous de lui. Bibendum vu par…

Paris, Textuel, 1998

I l n’est aujourd’hui plus guère original ni outrageantde parler de relation consommateur-marque, tant lelien susceptible de lier le consommateur à la marque

est perçu comme analogue au processus complexemêlant des « dimensions cognitives, affectives et com-portementales façonnant la relation entre deux indivi-dus » (Blackston, 1993). Certains auteurs vont à cet

D O S S I E R

PAR BENOÎT HEILBRUNN

Modalité et enjeuxde la relationconsommateur-marque

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égard jusqu’à proposer la notion de marquerelationnelle (Degon, 2001) en mettantl’emphase sur une sorte d’expérience com-mune se construisant au fil du temps etcontribuant à la création et à l’entretiend’un capital de confiance (Nuss, 2000).Alors que cette approche relationnelle de lamarque est en passe de devenir un truismede la littérature marketing, il convient peut-être de se demander d’où procède le déve-loppement d’une telle approche, dansquelle mesure la relation est davantagequ’une métaphore pour comprendre lesinteractions entre le consommateur et lamarque et quelles sont les modalités decette relation particulière.

De l’approche dyadique à l’approcherelationnelle

Le succès de la notion de relation consom-mateur-marque signifie que le regard portétant sur le consommateur que sur la marqueont considérablement évolué au cours desdeux dernières décennies. L’analyse despratiques de consommation a en effet large-ment évolué du fait notamment de la priseen compte croissante des facteurs émotion-nels, hédoniques et affectifs. Ainsi, laconsommation n’est plus réduite au seulacte d’achat mais englobe un ensembled’activités débordant le champ du « mar-chandisable » et renvoyant à des pratiquesidentitaires par lesquelles les individus

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Tableau 1LES INTERACTIONS CONSOMMATEUR-MARQUE

COMME CHAÎNE DE VALEURS

Étapes dans le processus deconsommation

Décision d’achat

Expérimentation du produit/service

Évaluation post-achat

Sources de valeur de la marque pour le consommateur

– Réduit les coûts de recherche d’information,– Permet une identification rapide,– Réduit la complexité du choix,– Donne un référentiel,– Procure de la réassurance et réduit le niveau de

risque perçu,– Facilite la lecture du produit,– Etc.

– Décroît le niveau de risque (physique, psychologique,fonctionnel),

– Assure une reproductibilité de l’expérience,– Procure un moyen d’expression identitaire,– Permet d’exprimer des valeurs profondes,– Etc.

– Procure de la satisfaction,– Donne un référentiel affectif et émotionnel récurrent,– Permet de combattre l’incertitude de

l’environnement,– Procure une forte valeur relationnelle,– Etc.

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manipulent, et échangent du sens et desvaleurs au-delà de l’aspect strictement fonc-tionnel des biens et services. Corollaire-ment, le regard porté sur la marque a égale-ment évolué d’une approche considérant lamarque essentiellement comme un signe dedifférentiation et d’identification vers uneconception holiste dans laquelle on consi-dère la marque comme une machine narra-tive dont la fonction est de produire et detransmettre du sens. La valeur d’une marquepeut donc se comprendre comme une chaînede bénéfices couvrant l’ensemble des nœudsde contact (regarder, toucher, acheter, prépa-rer, ranger, jeter, etc.) impliqués dans l’ex-périence de consommation du produit ou deservice. La relation peut alors se lire comme

une chaîne de valeur se décomposant en dif-férentes étapes qui sont liées à la création etau développement de la valeur de la marquedans le temps.Cette chaîne de valeur montre que les inter-actions entre la marque et le consommateurpeuvent se comprendre sous forme essen-tiellement temporelle, dynamique et sym-biotique. En effet, plutôt que de considérerd’une part, le consommateur et d’autre part,la marque (c’est-à-dire le sujet et l’objetselon un geste caractéristique de la penséeoccidentale), l’emphase peut être mise surl’alchimie consommateur-marque quitte àsubstantialiser cette relation en abandon-nant une vision purement dyadique et tran-sactionnelle.

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Tableau 2D’UNE APPROCHE DUELLE À UNE APPROCHE RELATIONNELLE

DE LA MARQUE

Approche duelle

– Substantialisation des acteurs et de l’objet(le bien).

– Analyse de la prise de décision duconsommateur (choix de la marque).

– Emphase des études sur les comportements:(essai, achat, réachat).

– Rôle considéré prépondérant de l’infor-mation et des processus cognitifs.

– Utilisation de modèles essentiellementprobabilistes.

– Accent sur la transaction entreprise-consommateur.

– Approche essentiellement DÉCISION-NELLE du consommateur-acheteur.

Approche relationnelle

– Substantialisation de la relation entre les acteurs(le lien).

– Analyse de l’ensemble du processus deconsommation : prise de décision, utilisation,activités post-achat.

– Emphase sur les attitudes à l’égard de la marque(confiance, attachement, engagement voireaddiction).

– Intégration des dimensions affectives, desémotions et des représentations imaginairesvéhiculées par les marques.

– Introduction de méthodes plus impressionnistes(éthologie, ethnologie, socio-sémiotique).

– Accent sur la relation consommateur-marque.

– Approche essentiellement EXPERIENTIELLEde l’individu-consommateur.

Source : inspiré de Dupuy et Thoenig (1989) ; Filser (1996).

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La métaphore relationnelle traduit doncune évolution paradigmatique dont rendcompte le tableau 1. L’approche relation-nelle va de pair avec l’abandon d’unevision strictement comportementale etdécisionnelle de l’achat pour comprendrela consommation comme un ensembled’attitudes, d’émotions et de représenta-tions susceptibles de fournir une expé-rience. Dans un ouvrage, R. McKennadéfinit d’ailleurs la marque comme une« expérience active »1, signifiant ainsi quela marque devient un prisme de perceptiondu monde voire dans certains cas un parte-naire de l’environnement familier et affec-tif des consommateurs.

De la marque personne à la marque partenaire

Le fait de considérer la marque comme unepersonne est pourtant un phénomène intrin-sèque au phénomène de marquage et reflètecomme l’avait entrevu G. Péninou il y atrente ans une transition historique d’uneéconomie de production fondée sur le réa-lisme de la matière (les produits ont un nomgénérique) à une économie de la marquefondée sur le symbolisme de la personne (leproduit marqué est doté d’un nom proprequi l’individualise) (Péninou, 1972). Lasociété publicitaire repose d’ailleurs impli-citement sur un phénomène de personnifi-cation des marques qui peut prendre plu-sieurs formes :– l’utilisation de technique d’animation des produits dans la publicité (exemplecélèbre des pommes frites dans la publicitéVégétaline) ;

– le recours à une mascotte animalière ouhumaine (le maïs du Géant Vert, le célèbreBibendum de Michelin) ;– l’humanisation des produits dans la publi-cité (exemple des premières publicités de laRenault 5) ;– l’anthropomorphisation des objets grâceau design : Keptchupy d’Amora, La Pammyde Virgin Cola qui reprend les formes ducorps de Pamela Anderson, les formesféminines de la bouteille de Contrex quiviennent rappeler le fameux « contrat min-ceur » de la marque, etc. ;– le recours à des mécanismes d’identifi-cation projective dans la rhétorique publici-taire du type « Ma Corsa c’est tout moi » ou« En Devernoy je suis moi », etc.L’économie des marques repose notam-ment sur une capacité à doter la marque decaractéristiques humaines telles quel’identité, le charisme (Smothers, 1993), lapersonnalité, (Aaker, 1997), le caractère,le genre, le statut social (Mc Cracken,1993). Ces constants déplacements de sens(displaced meaning) comme les appelleMc Cracken, montrent la prééminence designifications culturelles délibérémentextraites de la vie quotidienne et relogéesdans un domaine culturel extrêmementdifférent, à savoir l’univers des produits etdes marques (Mc Cracken, 1988). Lamétaphore relationnelle renvoie notam-ment au fait que certains consommateursemploient un registre affectif pour parlerde leur marque préférée. Le climat culturelsemble d’ailleurs être tout à fait propice àla personnification de la marque. En effet,les relations avec les marques peuvent se

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1. R. McKenna (1997).

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comprendre comme l’extension ou le subs-titut symbolique de relations personnellesdans les sociétés matérialistes. La marque-personne viendrait compenser le phéno-mène de dissolution du lien social, four-nissant des relations propres à nourrir(symboliquement du moins) le « soi vide »auquel prédispose l’abandon de la tradi-tion et de la communauté dans la sociétémoderne et la dissolution du lien social. Ladoxa marketing insiste d’ailleurs sur lepseudo-pouvoir des marques à réinvestir lecorps social d’une valeur de lien, en sesubstituant symboliquement aux liensinterpersonnels. Comme l’a très biendémontré Fournier, les consommateursn’achètent pas une marque de façon régu-lière pour des raisons de performance oude supériorité perçue mais parce qu’ilssont impliqués dans des relations avec unecollectivité de marques qui apportent dusens à leur vie. Ces significations peuventêtre fonctionnelles et émotionnelles maistoutes sont délibérées et ont une forte réso-nance identitaire (Fournier, 1998).

Fidélité et relation

Qu’on le veuille ou non, l’idée de relationconsommateur-marque est avant tout unerevisitation de la notion de fidélité. Mis apart les travaux pionniers de Jacoby etChestnut (1978) définissant la fidélitécomme un ensemble d’attitudes très favo-rables à l’égard de la marque, l’approchetraditionnelle de la fidélité réduisait tropsouvent à n’être qu’un processus de déci-sion essentiellement cognitif et à visée uti-litaire et recourrait essentiellement à desméthodes probabilistes d’analyse des pra-tiques d’achat via l’analyse des séquencesd’achat ou du taux de nourriture (la propor-tion représentée par la marque dans les

achats consacrés par un consommateur àune catégorie de produits donnée) ; de cefait, la notion de fidélité a progressivementperdu de son sens en étant progressivementassimilée à de la simple inertie comporte-mentale. Or l’observation des consomma-teurs montre rapidement qu’il est importantde distinguer une fidélité passive effective-ment liée à une « routinisation » des com-portements d’achat et une fidélité plusactive liée à une attitude très favorable,voire une affection forte à l’égard de lamarque. L’approche décisionnelle de laconsommation, en assimilant peu ou prou lamarque à une entité strictement fonction-nelle a notamment eu pour conséquence delaisser dans l’ombre un aspect important dela marque, à savoir « les relations de typetalismaniques qu’entretiennent les consom-mateurs à l’égard des biens consommés »(Belk et al., 1989).Or, qu’est-ce étymologiquement que lafidélité ? Si l’on suit les propositions deE. Benveniste dans son Vocabulaires desinstitutions indo-européennes, on peutcomprendre la notion de fidélité person-nelle comme « la liaison qui s’établitentre un homme qui détient l’autorité etcelui qui lui est soumis par engagementpersonnel ». Le nom d’action tiré de cetteracine a connu un grand développementd’où dérivent des formes modernes dontles unes désignent le pacte, l’alliance,l’accord, la foi jurée, tandis que d’autres,verbes ou substantifs, ont le sens de« donner confiance, rassurer, consoler »mais aussi « lier par une promesse ».L’étymologie indique donc ici clairementque la fidélité n’est pas affaire de com-portement uniquement mais qu’elleindique une promesse, c’est-à-dire unerelation.

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La relation consommateur-marque vue comme une histoire

Pourquoi alors ne pas envisager la relationconsommateur-marque comme une his-toire, à partir du moment où une histoire esten fait une série d’événements disposés lelong d’une séquence temporelle? CommeAristote le fait remarquer dans sa Poétique,toute histoire doit être unifiée et identifiéepar une interconnection d’événements etdoit nécessairement représenter des événe-ments comme se succédant les uns auxautres le long d’une séquence causale pro-bable. La relation consommateur-marquepeut donc se lire comme un récit dont onpeut mettre à jour l’organisation structu-relle. Pour comprendre l’organisation mini-male de l’histoire qui lie le consommateur àla marque, souvenons-nous qu’un récit esttoujours fondé sur un problème à résoudre.Les problèmes que peuvent expérimenterun consommateur sont de plusieurs ordres :avoir faim ou soif, avoir besoin de se dépla-cer, avoir envie de dépaysement, etc. Ainsi,le récit est mis en branle par une situationd’insatisfaction qui devient un moteur (ausens ou l’on parle de motivation en psycho-logie) pour le consommateur.Le récit est alors le processus par lequel ceproblème du consommateur va être résolupar la marque à travers une séquenced’étapes ou plus exactement de fonctionsqui révèlent l’existence d’une structure nar-rative canonique :– une épreuve qualifiante: la marque doit montrer qu’elle est dotée de compé-tences pour résoudre le problème duconsommateur ;– une épreuve décisive: la marque doitaccomplir un programme d’actions en sur-montant un certain nombre de défis quiéprouvent ses compétences ;

– une épreuve glorifiante: la marque estreconnue sur la base de ses agissements etaccomplissements.Ces trois mouvements dessinent la figure duschéma narratif, un des principaux apportsde la sémiotique structurale, qui se décom-pose en 4 étapes :– un contrat: à l’intérieur d’un système devaleurs, la marque s’engage à effectuer unprogramme d’actions ;– une phase de monstration de compé-tences : la marque doit montrer qu’elle dis-pose des compétences nécessaires pouraccomplir le programme induit par lecontrat ;– une phase de performance qui rendcompte de l’exécution du programme et quirenvoie la phase d’expérimentation propre-ment dite du produit ou du service ;– une sanctionqui rend compte de la com-paraison du programme accompli et de lamission initiale. Cette sanction peut êtrepositive (la marque est glorifiée) ou néga-tive (la marque est déchue si elle n’a pumener à bien sa mission).

Les dimensions de la relationconsommateur-marque

Le travail pionnier de Fournier (1994,1998) a permis de mettre en évidence lesdifférentes modalités de la relation consom-mateur-marque. Un construit à six facetteslui permet d’appréhender la qualité rela-tionnelle entre le consommateur et lamarque. La durée de ce type de relation nedépend pas exclusivement de l’existence desentiments positifs du consommateur àl’égard de la marque ; elle renvoie en fait àdes facteurs tels que l’existence d’un atta-chement affectif, de liens comportementauxet de croyances cognitives qui se combinentpour contribuer à la durabilité et à la force

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de la relation. Les six facettes de la relationsont définies par Fournier comme étant :– L’ intimité: des structures de connaissancerelativement élaborées caractérisées par deriches couches de sens témoignant d’un fortdegré d’intimité sont souvent liées à desrelations fortes. L’intimité peut ici prendrela forme de connaissances relativement pré-cises sur les qualités fonctionnelles de lamarque, sur la parfaite mémorisation degimmicks publicitaires ou sur la connais-sance des mascottes de la marque, ainsi quesur le recours à des petits noms pourdénommer la marque. L’ensemble de cesprocédés donne aux consommateurs dessortes de moyens permettant de personnali-ser et de conserver en mémoire des infor-mations sur la marque. Cette facette d’inti-mité renvoie donc à l’ensemble desprocédures narratives par lesquelles la

marque est investie d’un sens personnelcumulatif par le consommateur ;– L’amour/la passion: cette facette renvoiebien évidemment au domaine des relationsinterpersonnelles et montre que la relationconsommateur-marque va bien au-delà de lasimple préférence de marque. Ainsi lesrépondants évoquent-ils par exemple un étatde manque quand ils n’ont pas utilisé lamarque pendant un moment. La marque estdans ce cas considérée comme irrempla-çable et unique quitte à susciter une véri-table angoisse de séparation. Cette facetterenvoie à un spectre d’émotions s’étageantde la simple affection à la passion pour lamarque. Des sentiments amoureux dévelop-pés à l’égard de la marque sont dans ce casliés à une perception biaisée et positive de lamarque qui rend d’ailleurs difficile la com-paraison avec des marques substituables ;

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Tableau 3LE FONCTIONNEMENT NARRATIF DE LA RELATION

CONSOMMATEUR-MARQUE

Étape duprocessusnarratif

Phasecorrespondantedans relation

consommateur-marque

Compétences

La marque afficheson savoir-faire etses compétences.

Découverte du contrat(ou promesse) demarque à travers desopérations decommunication(publicité, visite enmagasin, discussionavec un vendeur,contact avec leproduit, etc.).

Contrat

La marque s’engageà travers un contratde marque quipromet de résoudrele problème initialdu consommateur.

Acceptation ducontrat de marque(achat ou réachat duproduit).

Performance

Mise en œuvredu contrat de marque.

Confrontationdu consommateuret du produit à traversdes activités de consommation(rangement,utilisation,bichonnage, etc.).

Sanctions

Confrontationdu résultat avecle contrat initial.

Comportementspost-utilisation+ : réachat,attachement,prescription, etc.– : abandon de lamarque,– : réclamation,bouche à oreillenégatif, etc.

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– La connection au soi: cette facette de laqualité relationnelle reflète le degré aveclequel la marque entre en résonance identi-taire avec le consommateur en lui permet-tant d’exprimer des éléments significatifsde son identité. Les registres de connecti-vité concernent des orientations tempo-relles très larges (du passé au lointain aufutur proche) et renvoient surtout à diffé-rentes acceptions du soi (soi réel, soi passé,soi possible, soi désiré). De fortes connecti-vités avec la marque contribuent au main-tien de la relation à travers la cultivation desentiments protecteurs d’unicité, de dépen-dance et d’encouragement à la tolérancedans le cas de situations d’adversité ;– L’ interdépendancequi implique des inter-actions fréquentes avec la marque (à traversnotamment des habitudes de consomma-tion) mais aussi le fait que la marque peut

contribuer à intensifier certaines expé-riences vécues par le consommateur. Lesrituels de consommation sont centraux à cetégard puisqu’ils contribuent à renforcer etcélébrer l’interdépendance ;– L’engagement: un fort niveau d’engage-ment, c’est-à-dire la ferme intention de secomporter d’une façon à favoriser la longé-vité de la relation, est également une facetteimportante de la qualité relationnelle. Lesrépondants expriment ainsi des engage-ments affectifs comme l’exclusivité ;– La qualité partenariale de la marque:comme dans le domaine marital, la satisfac-tion et la force de la relation dépendent dansune large mesure du calibre perçu du rôled’enactementdu partenaire. Il s’agit ici dela façon dont un consommateur évalue lacapacité de la marque à jouer un véritablerôle partenarial. Cette qualité partenariale

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Figure 1LE SYSTÈME DE QUALITÉ DE LA RELATION CONSOMMATEUR-MARQUE

Source : adapté de Fournier (1994).

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de la marque est à son tour décomposableen 5 dimensions :1. une perception positive de l’orientationde la marque à l’égard du consommateur,2. des jugements sur la fiabilité et la prédic-tabilité de la marque dans l’exécution deson rôle partenarial,3. des jugements sur l’adhésion de lamarque aux diverses règles qui composentimplicitement le contrat relationnel,4. une confiance ou la foi dans le fait que lamarque est capable de répondre aux attenteset,5. une confiance dans la capacité de lamarque à répondre de ses actions.

Les enseignements de la relationconsommateur-marque

L’approche relationnelle de la marquecontraste avec une approche transaction-nelle et opportuniste de la marque et signi-fie un changement conséquent dans lamanière d’aborder les consommateurs.Elle induit notamment pour le brandmanager:– La capacité à passer outre la distinctiontraditionnelle entre le consommateur et lamarque pour considérer la relation commepremière et potentiellement fondatrice desens ;– La prise en compte des facteurs émotion-nels et affectifs dans la compréhension desactes de consommation et d’achat de lamarque ;– L’acceptation de l’interdépendance rela-tionnelle en évaluant les actions suscep-tibles d’affecter le consommateur en modi-fiant ses perceptions ou ses connaissancesde la marque comme partenaire.– La mise en œuvre d’une structure d’inter-dépendance permettant de gérer les réac-tions des consommateurs vis-à-vis des évo-

lutions de la marque. Ainsi une gestioninefficace de plaintes de consommateurs,des décisions de repositionnement dras-tique ou le retrait d’une marque du marché(Chambourcy, L’Alsacienne) ou d’une mas-cotte (Grosquick pour Nesquik) peuventinduire de très fortes réactions de la part duconsommateur. Certaines entreprises tellesque Kodak, Colgate Palmolive, Amex ouDanone ont d’ailleurs institutionnalisé larelation avec le consommateur en créantdes structures dédiées ; ainsi, le centre d’ap-pel Danone Conseil fonctionne en continuet répond à toute question relative à la nutri-tion. Plus de la moitié des appels ne concer-nent plus directement les produits Danone,preuve que cette marque est devenue unvéritable partenaire-conseil grâce à sa légi-timité à parler d’autre chose que d’elle-même et de ses produits ;– La capacité à tenir compte des avis duconsommateur dans les schémas d’évolu-tion de la marque (la marque ThierryMugler implique largement ses consomma-trices dans l’évolution de ses gammes deproduits) en mettant en œuvre des compor-tements de marque qui impliquent leconsommateur (il s’agit donc ici essentiel-lement de considérer l’interdépendantecomme possible et même souhaitable) ;– La mise en place de groupes de manage-ment relationnel chargés de suivre certainsconsommateurs à travers le cycle de vierelationnel en leur proposant des produitsrépondant le plus précisément possible àl’évolution de leurs attentes.En définitive, l’approche relationnelle de lamarque impose un copilotage de la marqueet donc l’acceptation par le brand managerque la gestion de la marque ne dépend plusexclusivement de l’entreprise, mais peutêtre entretenue par les consommateurs.

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L’entreprise n’est plus alors considéréecomme un pôle de la relation mais davan-tage comme un support de la relation ; ils’agit pour l’entreprise d’accepter une pertede volonté de contrôle de la relation avecses consommateurs.

Les limites de l’approche relationnellede la marque

Le maintien de la relation avec le consom-mateur à travers des programmes relation-nels, – tendance originellement à l’œuvredans le domaine des services (hôtel,banque, transport aérien, etc.) – s’adressedésormais aux biens de grande consomma-tion via notamment des relations interac-tives. Mais cette approche présente d’emblée plusieurs écueils. Ainsi, l’instru-mentalisation du client qui consiste à consi-dérer le client comme un capital et à parlerde sa «Life time value» ne représente pasfranchement un progrès significatif dansl’humanisation des rapports sociaux. Ils’agit ni plus ni moins de reproduire àgrande échelle la relation personnelle quiexistait auparavant entre le client et soncommerçant de quartier, à travers des outilstels que le mailing, le phoning, et autresmédias interactifs. Qu’est en effet le marke-ting relationnel poussé à outrance, si cen’est l’industrialisation (à l’aide notammentde protocoles relationnels) de la relationentre un consommateur et cet être propre-ment métaphorique qu’est la marque? Lasubstantialisation de cette relation participede ce phénomène de désenchantement dumonde par lequel les liens sociaux se dis-tendent. Dans une culture narcissiqued’affirmation du soi, les marques peuventfinalement devenir de véritables « hybridessociaux, quasi-objets et quasi-sujets quiviennent de plus en plus remplacer l’autre

(l’humain) dans le processus de construc-tion identitaire » (Cova et Cova, 2001).Par ailleurs, il est possible de remettre encause l’usage parfois abusif que les entre-prises font du marketing relationnel (à tra-vers la notion de Customer RelationshipManagement) pour essayer de densifier larelation du consommateur à l’égard de lamarque. D’abord, il ne faut pas sous-évaluerl’ensemble des coûts (et notamment lescoûts cachés) souvent prohibitifs de l’entre-tien d’une relation durable à l’égard duconsommateur, notamment dans les secteurscomme l’automobile pour lesquels le cycled’achat est long. La logique selon laquelle lafidélisation est moins coûteuse que laconquête de client qui sous-tend l’évolutionexponentielle du marketing dit relationnelpeut ainsi dans certains cas être démentie. Enoutre, l’entretien de cette relation peut appa-raître factice aux yeux du consommateur quipeut pour le moins être étonné (voire irrité)de recevoir un mailing lui souhaitant unjoyeux anniversaire. Plus encore, le marke-ting relationnel peut conduire à des effetscontraires à ceux escomptés pour des raisonstelles que le sentiment de violation de la vieprivée, de manipulation du consommateur,de déséquilibre dans la relation voire dedéshumanisation de la relation conduisant àune sorte d’isolement des individus clients(Cova et Cova, 2001). À l’idée d’un marke-ting relationnel, on peut donc opposer l’idéed’un marketing tribal qui considère non pasla relation comme un moyen de toucher sonbut – à savoir l’individu – mais comme unobjectif à travers des émotions partagées.

De la marque relationnelle à la marquecommunautaire

Alors que la consommation est devenuecentrale dans la façon dont les individus

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élaborent leur identité sociale, « ce qui peutréunir beaucoup d’individus aujourd’hui,c’est de consommer la même chose, encommun, au même moment » (Cova etCova, 2001).La communauté des bikers, qui sont lesadeptes de la marque Harley Davidson, meten évidence un certain nombre de caracté-ristiques analysées par des sociologues etdes anthropologues (notamment par Shouten et McAlexander, 1995), au nombredesquelles :– la conscience des membres de former unesous-culture de consommation,– un fort de gré de marginalité assumée àtravers un statut revendiqué d’outsider,– les fortes connexions qu’entretiennent lesmembres de la communauté,– l’existence d’un ethos partagé autour de lamarque à travers des modes de socialisationparticulier et des statuts hiérarchiques àl’intérieur du groupe,– le rôle important de la marque dans laformation de l’identité individuelle desmembres et comme transformateur del’identité, notamment en ce qui concerneles catégories de produits à forte visibilitésociale ou a forte résonance affective(chaussures, vêtements, véhicules motori-sés, équipement sportif, etc.). Autrementdit la communautarisation qu’autorisentles marques ne fonctionne à l’évidenceque dans certaines situations d’usage bien particulières.Les marques seraient donc susceptiblesde susciter des comportements de naturetribale et répondent à un ensemble dedésirs qui outrepassent les attentes tradi-tionnelles des consommateurs à l’égarddes marques (Cova et Cova, 2001), etnotamment :

– un désir de relation immédiateet de liend’affection en rupture avec les rôles sociauxréifiés et les obligations sociales,– un désir de connexion collective en réac-tion à ce qui peut apparaître comme dange-reux ou conflictuel dans une société plurali-sée et atomisée,– un désir d’expérience d’un tout qui ait dusens, d’un sentiment d’appartenir à quelquechose qui nous dépasse pour vivre avecquelque chose de plus fort que soi,– un désir de résurgence de traditions per-dues ou érodées.Ce type de comportements tribauxconcourent au développement de commu-nautés de marques comme l’ont très fine-ment analysé Muniz et O’Guinn (2001) ;communautés qui peuvent se comprendrecomme un ensemble structuré de relationssociales entre les utilisateurs d’unemarque dont l’affinité, la culture et l’his-toire dérivent de la consommation de cettemarque. Ces consommateurs partagent unethos et un sens du devoir à l’égard de lacommunauté dans son ensemble et de tousses membres. Les membres de cette com-munauté participent à la constructionsociale de la marque. Elles n’ont pas defrontière géographique mais présententnéanmoins quelques caractéristiques auxnombres desquelles :– une fidélité exclusive de nature opposi-tionnelle (c’est-à-dire qui est dirigée contrele concurrent idéologique principal :exemple Saab/Volvo ; Mercedes/BMW ;IBM/Apple, etc.),– un engagement à l’égard de la marque(notamment lorsque celle-ci est attaquée ouen péril),– le recrutement et l’assistance de nouveauxmembres dans l’usage de la marque

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(notamment pour les produits avec uneforte dimension technique),– un ensemble de rites et de traditions quipermettent de donner du sens à la commu-nauté et de la perpétuer.L’approche tribale signifie notamment lapossibilité d’envisager une relation à lamarque qui ne passe plus tant par des cartesde fidélité ou des bulletins d’informationque par des rituels, objets cultes, ou lieuxqui fondent l’expérience communautaire dela marque mais aussi la capacité à raisonneren termes de communauté signifiante, c’est-à-dire le regroupement d’individus autourd’un intérêt, d’une émotion ou d’une pas-sion partagée plutôt qu’en termes de seg-ment (qui est un regroupement a priori deconsommateurs qui ne sont pas forcémentliés les uns aux autres).Au-delà de l’aspect strictement managérial,l’approche relationnelle et/ou tribale de la

marque signifie une évolution majeure desmodalités de constitution des agrégatshumains en lieu et place des liens deparenté et de famille traditionnels. Cetteévolution emblématise par là même un« champ politique à adhésion multiple quireprésente sans nulle doute l’une des singu-larités de la collectivité d’aujourd’hui. Elleaccompagne la naissance et la généralisa-tion d’un corps social morcelé en démocra-tie » (Quessada, 2000).

CONCLUSION

Le succès de l’approche relationnelle de lamarque pose alors ultimement la questiondu rôle et de la fonction des marques dansla société contemporaine. La marque ren-verrait à un double ancrage religieux etpolitique (Quessada, 2000) ; religieux parceque la marque reprend en la rationalisant

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Figure 2L’APPROCHE RELATIONNELLE VS TRIBALE DU CONSOMMATEUR

Source : adapté de Cova et Cova (2001).

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l’idée religieuse d’une entité puissante et« bienveillante », d’une sorte de « grandautre » qui est à l’origine du pouvoir et quidonne du sens à nos existences ; politique,du fait de la fonction éminemment reliantede la marque qui instaure un double sys-tème de relation : entre des individus parti-culiers et la marque d’une part (selon leprincipe de segmentation), entre les indivi-dus entre eux en donnant l’impressionqu’une communauté existe (d’où parexemple la notion de marketing tribal). Ens’inscrivant dans un registre relationnel, lamarque, rentre directement en rivalité avecle théologico-politique en ce qu’elle « sepense comme mode d’organisation et derégulation du lien social » (Quessada,2000). En intervenant au plus intime de ce

qui tisse les modes de socialité, les marquesemplissent aujourd’hui une véritable fonc-tion organisationnelle. Cette fonction rentreviolemment en concurrence avec les modestraditionnels de répartition des liens tradi-tionnels (comme les liens de parenté) pourpresque les remplacer. D’ailleurs, ainsi quele rappelle Benveniste, dans le vocabulaireféodal germanique latinisé,trustis désignele lien de fidélité et aussi ceux qui se sontengagés et qui forment la suite d’un person-nage. L’on comprend alors mieux que dansle giron des travaux sur la relation consom-mateur-marque s’inscrivent des recherchessur la confiance, la promesse, le contrat demarque, l’engagement ; voire la sujétion etla dépendance à la marque.

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