Le comportement du consommateur face aux marques de ...

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MBAYE FALL DIALLO Labo LSMRC, Univ Lille Nord de France-Skema Business School VARIA DOI:10.3166/RFG.243.33-51 © 2014 Lavoisier Le comportement du consommateur face aux marques de distributeur au Brésil Une étude qualitative Cette recherche a pour objectif d’étudier les facteurs explicatifs du comportement d’achat envers les marques de distributeur (MDD) auprès des consommateurs d’un pays émergent (le Brésil), tout en prenant en compte la présence de distributeurs locaux et internationaux sur ce marché. Les résultats de l’étude qualitative menée montrent que les variables d’image sont des facteurs déterminants du choix d’une MDD dans ce pays à côté des variables perceptuelles, attitudinales et sociodémographiques. L’importance de l’image du point de vente semble conférer un statut de marques aux MDD. Les résultats montrent aussi que les consommateurs brésiliens se distinguent de ceux des pays industrialisés au niveau de certains comportements de consommation. Les résultats de la recherche sont discutés et les implications managériales présentées.

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MBAYE FALL DIALLO Labo LSMRC, Univ Lille Nord de France-Skema Business School
VA R I A
DOI:10.3166/RFG.243.33-51 © 2014 Lavoisier
Le comportement du consommateur face aux marques de distributeur au Brésil Une étude qualitative
Cette recherche a pour objectif d’étudier les facteurs explicatifs du comportement d’achat envers les marques de distributeur (MDD) auprès des consommateurs d’un pays émergent (le Brésil), tout en prenant en compte la présence de distributeurs locaux et internationaux sur ce marché. Les résultats de l’étude qualitative menée montrent que les variables d’image sont des facteurs déterminants du choix d’une MDD dans ce pays à côté des variables perceptuelles, attitudinales et sociodémographiques. L’importance de l’image du point de vente semble conférer un statut de marques aux MDD. Les résultats montrent aussi que les consommateurs brésiliens se distinguent de ceux des pays industrialisés au niveau de certains comportements de consommation. Les résultats de la recherche sont discutés et les implications managériales présentées.
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Les études des organismes spécialisés montrent une montée progressive et irrémédiable des parts de marché
des marques de distributeur (MDD), qui atteignent aujourd’hui près de 40 % des ventes en volume de produits alimentaires de grande consommation1. Cependant, les parts de marché des MDD restent variables selon les pays (environ 19 % aux États-Unis, 25 % en France, 40 % en Grande-Bretagne et 50 % en Suisse) et selon les catégories de produits (fortes dans le secteur alimentaire et moins importantes dans le secteur de l’hygiène-beauté). Les recherches sur les MDD montrent globalement deux tendances claires. D’une part, les parts de marché des MDD dans les pays industrialisés continuent d’évoluer malgré la forte concurrence des distributeurs dans ces pays (Kapferer, 2007). D’autre part, les MDD commencent à se développer dans les pays émergents où elles ont des perspectives de croissance impor- tantes, un intérêt stratégique compte tenu de leur avantage prix et un potentiel en tant qu’outil de segmentation de ces marchés (Cao et Dupuis, 2010 ; Diallo, 2012). Les pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, etc.) sont par ailleurs un important sujet d’étude (Cao et Dupuis, 2010). Pen- dant longtemps, ces pays ont été caractéri- sés par des marchés fragmentés où l’unité de prise de décision était le magasin indi- viduel. Il n’y avait donc pas de chaînes de magasins pouvant constituer un système de distribution (Sternquist, 2007). En effet, ils ont souvent cumulé plusieurs contraintes : peu de moyens logistiques, des sociétés dichotomiques, un manque de règlemen-
tation, etc. (Amine, 2012). De ce fait, les stratégies de marques de commerce étaient quasi inexistantes. Aujourd’hui, les pays émergents pré- sentent un attrait extrêmement fort pour les entreprises commerciales innovantes : les vastes marchés en expansion, le niveau technologique en progression rapide et la forte demande de transfert de technologies peuvent assurer aux distributeurs interna- tionaux un développement rapide. De plus, les consommateurs de ces pays émergents ont des niveaux de revenus croissants et fréquentent davantage les enseignes de dis- tribution moderne (Amine, 2012). Pourtant, la plupart des recherches existantes sur les MDD portent essentiellement sur les pays industrialisés. Par conséquent, il est aujourd’hui nécessaire de mener plus de recherches sur ces pays émergents, afin de mieux comprendre le comportement des consommateurs de ces pays, mais égale- ment pour améliorer la validité empirique des modèles de recherche en marketing (Burgess et Steenkamp, 2006). L’objectif de cette recherche est d’étu- dier les comportements de consommation envers les produits MDD dans un pays émergent (le Brésil), afin de proposer un cadre intégrateur des facteurs explicatifs de l’achat des MDD. De manière complémen- taire, cette recherche se propose d’étudier la perception des consommateurs de la MDD en prenant en compte un enjeu majeur : la présence des MDD de distributeurs interna- tionaux et locaux dans les pays émergents. Cette recherche est organisée comme suit : d’abord, nous analysons le cadre théorique
1. Source : PLMA Yearbook 2011 : http://www.plmainternational.com/pressupdate/pressupdate_new02. asp?language=en. Cependant, si on prend en compte le non-alimentaire (ex. hygiène-beauté), ce chiffre doit être revu à la baisse.
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et le contexte empirique de l’étude. Ensuite, les résultats de la recherche sont présentés. Enfin, la conclusion est l’occasion de pré- senter les implications managériales de la recherche, d’en souligner les limites et de proposer de futures pistes de recherche.
I – CADRE THÉORIQUE ET PRÉSENTATION DE L’ÉTUDE EMPIRIQUE
Nous présentons d’abord le cadre concep- tuel et théorique avant d’exposer le cadre contextuel de l’étude empirique et la méthodologie.
1. Cadre conceptuel et théorique
Les marques de distributeur
Les chercheurs se sont peu intéressés à la définition de la MDD, car pendant longtemps la MDD a été considérée comme « une pâle copie » des marques de fabricant (Breton, 2004). Le développement des MDD dans les rayons des enseignes de distribution a poussé certains auteurs et surtout le législateur (en France) à apporter une définition du terme MDD pour une plus grande clarté concep- tuelle. De manière générale, on définit les MDD comme des produits de consommation fabriqués par ou au nom des distributeurs et vendus sous le nom du distributeur dans ses propres magasins. Dans le contexte français, le législateur définit la MDD comme suit : « Est considéré comme produit vendu sous la MDD le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprise qui en assure la vente au détail et qui est propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu. » (Article 62 de la loi
sur les nouvelles régulations économiques de 2001). Il convient cependant de souligner que derrière cette définition se cachent diffé- rentes stratégies et différents types de MDD. Généralement, on distingue deux stratégies de marquage des MDD : la marque d’en- seigne et la marque propre (Breton, 2004 ; Binninger, 2007). La marque d’enseigne est plus facile à identifier en linéaire car elle porte le nom de l’enseigne (Casino, Mono- prix, etc.). Elle peut être déclinée sous les produits cœur de gamme indépendamment du secteur et peut signer à la fois des produits alimentaires et non alimentaires (Breton, 2004). Quant à la marque propre, elle porte un nom différent de celui de l’enseigne. Elle peut recouvrir deux réalités distinctes : d’un coté des marques dont les attributs relèvent majoritairement d’une imitation des codes du leader (Pâturages de France), de l’autre, des marques plus récentes qui développent une offre originale, apportant de la valeur ajoutée et de la différenciation (Reflets de France ou Monoprix Bio). Dans les marchés émergents, le développe- ment des MDD est généralement lié à l’in- ternationalisation des enseignes occiden- tales comme Carrefour au Brésil, Casino au Vietnam ou encore Wal-Mart en Chine. Les parts de marché des MDD sont relativement faibles dans ces pays (inférieures à 10 %), mais leur taux de croissance reste élevé2. Cependant, la situation diffère d’un pays à l’autre. Ainsi, malgré le développement de la distribution moderne en Chine, les parts de marché des MDD tournent autour de 4 %. Mais, les prévisions misent sur 10 % ou plus à l’horizon 2020-2025 dans un pays émergent comme l’Inde3. La situation est
2. Cependant, à notre connaissance, aucun chiffre concernant la croissance des MDD dans les pays émergents n’est disponible.
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similaire dans les pays d’Amérique latine où les parts de marché représentent approxi- mativement 5 % (4,8 % au Brésil in 2010 contre 5,1 % en 2008)4. Par conséquent, malgré l’émergence d’une classe moyenne et la modernisation de la distribution brési- lienne, la croissance des MDD reste encore faible au Brésil. Cette situation contraste avec celle de la Colombie où les consom- mateurs adoptent davantage les MDD dont les parts de marché sont passées de 5,7 % en 2008 à 14 % en 20115, grâce aux efforts d’enseignes régionales comme Falabella ou encore Ripley. Concernant les types de MDD, il n’existe aucune typologie officielle appliquée au Brésil ou aux pays émergents de manière générale. Cependant, la typo- logie proposée par Kumar et Steenkamp (2007) peut être utilisée pour analyser la situation du Brésil (tableau 1). On constate globalement la présence de tous les types de MDD sur ce marché. Toutefois, les MDD cœur de gamme sont les plus connues par les consommateurs grâce à la présence du nom de l’enseigne sur ces produits. Les MDD premium sont proposées, mais elles sont plutôt considérées comme de vraies marques (exemples Taeq et Casino bio).
Les facteurs explicatifs du comportement d’achat envers la MDD
Plusieurs recherches se sont penchées sur l’identification des facteurs explicatifs de l’achat des produits MDD ainsi que sur l’in- fluence des facteurs sociodémographiques sur l’achat de ces produits. On peut distin-
guer trois types de variables : les variables perceptuelles liées au consommateur, les variables liées au point de vente ou au pro- duit et les variables sociodémographiques.
Les variables liées au consommateur
Parmi les facteurs explicatifs de l’achat de la MDD, il faut d’abord noter la place essentielle qu’occupent les caractéristiques perceptuelles comme la qualité perçue, le prix perçu, la valeur perçue, etc. (Jin et Suh, 2005). Les MDD conduisent en effet à des prix perçus plus bas puisque leur offre diminue les prix en général. Elles sont aussi un élément additionnel dans la concurrence verticale entre les distributeurs et les produc- teurs et abaisseraient donc les prix. Il s’agit d’un avantage essentiel pour les distributeurs opérant dans des pays émergents où des seg- ments entiers de consommateurs ont encore des revenus faibles. La qualité perçue a été également considérée comme une variable importante dans le choix des produits MDD. Très souvent, les notions de rapport qualité/ prix ou encore de perception de la valeur (qualité obtenue pour le prix payé) ont été utilisées pour étudier l’effet combiné du prix et de la qualité sur le comportement d’achat envers les produits MDD. Les variables de personnalité ont aussi été considérées comme des facteurs de choix des MDD dans divers pays et dans des contextes variés. Par exemple, selon Jin et Suh (2005), sur le marché sud-coréen, « l’innovativité » est un déterminant important de l’inten- tion d’achat de la MDD dans ce pays. Or,
3. Source : http://www.thehindubusinessline.com/companies/india-likely-to-overtake-china-in-private-food-labels/ article5079780.ece 4. Source : http://www.lavaltechnopole.org/cailt/en/2013/10/16/private-labels-a-business-opportunity-for-expor- ters-but-not-in-every-country/ 5. Source : http://www.lavaltechnopole.org/cailt/en/2013/10/16/private-labels-a-business-opportunity-for-expor- ters-but-not-in-every-country/
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Tableau 1 – Synthèse des types de MDD.
Les marques génériques « Generic
marque enseigne
– Moins cher – Ancrage fort sur le prix
– Maximisation du rapport qualité/prix. – Amélioration de la qualité
– Maximisation du rapport qualité/prix. – Différentiation par l’innovation
– Territoire unique de consommation – Innovation forte et valeur ajoutée forte
Objectif pour le distributeur
– Marges élevées – Réduire le pouvoir de négociation des industriels
– Maintien des marges/produit – Extension de la MDD – Construire une image d’enseigne
– Différencier l’enseigne par des marques spécifiques – Fidéliser – Marges élevées
Niveau de qualité perçue vis-à-vis des marques nationales
– Bas – Perçues comme des sous-marques
– Moyen et variable – Perçues comme inférieures aux marques nationales
– Élevé et stable – Perçu comme comparable aux marques nationales voire supérieures
– Hautement élevé – Perçues comme des marques à forte valeur ajoutée
Critère d’achat Prix Prix Rapport qualité/ prix
Recette spécifique produit
Premiers prix comme No 1, Bien vu, etc.
Marque Carrefour, Casino, Auchan, U…
Reflets de France, Tesco Finest, etc.
Situation sur le marché brésilien
Produits sans marque d’Extra au Brésil. Ces produits sont destinés à des consommateurs moins aisés mais ayant accès à la distribution moderne
Carnes de l’enseigne Carrefour au Brésil. Cette MDD a un bon rapport qualité/prix ; elle est destinée à une classe moyenne inférieure
Carrefour, Extra au Brésil. Ces MDD sont considérées comme de bonne qualité et sont destinées à une classe moyenne supérieure
Teaq (bio) de l’enseigne Pao Açucar au Brésil. Ces MDD sont destinées à des consommateurs aisés
Source : adapté de Kumar et Steenkamp (2007).
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l’intention d’achat est considérée comme un antécédent du choix d’une marque voire une variable proxy du choix de la marque. Les relations entre les variables attitudinales et l’achat des MDD ont également fait l’objet de recherches. Ainsi, plusieurs études ont déjà mis en évidence l’influence de l’atti- tude envers les MDD sur l’achat des MDD (Burton et al., 1998). Des recherches dans le contexte de pays émergents ont confirmé cette relation entre l’attitude générale envers les produits MDD et l’intention d’achat de la MDD (Jin et Suh, 2005).
Les variables sociodémographiques
Parmi l’ensemble des éléments que l’on peut utiliser pour décrire le comportement d’un consommateur envers les MDD, les variables sociodémographiques sont sans doute celles qui ont le plus souvent été étudiées dans la littérature. Cependant, la plupart des recherches débouchent sur des résultats non concluants (Mieres et al., 2006). Ainsi, concernant l’âge, certaines recherches ont trouvé que les jeunes étaient plus enclins à acheter les MDD, alors que d’autres travaux n’ont mis en évidence aucun lien significatif entre l’âge et le choix des MDD (Burton et al., 1998). De même, un lien significatif a été mis en exergue entre le niveau de revenus et le choix des produits MDD, les consommateurs à revenu faible étant considérés comme plus enclins à acheter les produits MDD au vu de leur avantage prix, comparés aux marques natio- nales (Richardson et al., 1996).
Les facteurs liés au point de vente ou au produit
Plusieurs facteurs liés au point de vente et au produit ont été considérés comme ayant une influence sur le choix des pro-
duits MDD. Ainsi, les facteurs d’image sont importants dans le choix des MDD (image du magasin, image de marque, image du pays d’origine de l’enseigne, etc.). Plus particulièrement, l’image du magasin est une variable essentielle pour les MDD pour trois principales raisons : le magasin est souvent le principal vecteur de communication des MDD (Breton, 2004), l’image du magasin est étroitement liée à l’image des MDD et une bonne image du magasin est un facteur de fidélisation avec la MDD. L’image du pays d’origine est un facteur important lorsque les MDD appar- tiennent à une enseigne étrangère dont le pays d’origine est un pays plus avancé (cf. Lupton et al., 2010). Le caractère local versus étranger de la marque devient alors un enjeu stratégique à prendre en compte dans la concurrence entre les enseignes locales et les enseignes étrangères (Batra et al., 2000 ; Cheng et al., 2007). La familia- rité avec le point de vente peut également jouer un rôle important dans le choix des produits MDD. Elle peut en effet avoir un rôle important sur la perception du consommateur en influençant la lisibilité et la stimulation perçues. Certaines études ont montré que lorsque la familiarité est élevée, le consommateur perçoit le magasin comme étant moins stimulant et plus lisible. Mais de manière générale, on considère que la familiarité avec un objet (marque, produit, lieu de vente, etc.) réduit l’incer- titude liée à son achat. Concernant les variables liées au produit, de nombreuses recherches s’accordent à reconnaître que la catégorie de produit influence les compor- tements d’achat envers la MDD (Breton, 2004). En effet, les consommateurs sont enclins à acheter la MDD quand le produit est basique ou fonctionnel, le risque perçu
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dans la catégorie de produit est faible, s’il y a peu de variation de qualité perçue entre les marques nationales et les MDD et s’il y a peu de variation de qualité perçue entre les MDD.
2. Présentation du contexte de l’étude empirique et de la méthodologie
Cette recherche a été menée dans le contexte du marché brésilien qui est l’une des desti- nations prioritaires des grands distribu- teurs dans leur expansion internationale (AT Kearney, 2010). Plusieurs arguments militent en faveur de l’étude de ce marché : une population importante (190 millions), des ressources naturelles énormes, des taux de croissance économique corrects, l’émer- gence d’une classe moyenne et des parts de marché des MDD en croissance à la suite des différentes stratégies développées par les distributeurs locaux comme le groupe Pao Açucar ou étrangers comme Carrefour (Alexander et de Lira e Silva, 2002 ; Diallo, 2012). Aujourd’hui, la grande distribution brésilienne à dominante alimentaire est composée d’acteurs internationaux (Car- refour, Wal-Mart, Casino, etc.) et d’acteurs locaux (Compagnie brésilienne de distribu- tion principalement). Elle représente plus de 5,5 % du PIB et plus de 800 000 emplois6. C’est un secteur important et diversifié en termes de format (hypermarché, supermar- ché, supérette, etc.). Cependant, la grande distribution orga- nisée (46 % du marché) doit faire face à la concurrence du commerce informel. Les enseignes Carrefour et Extra (format hypermarché) de Brasilia sont analysées
dans l’étude empirique qui a eu lieu à Bra- silia. Les deux enseignes étudiées ont été choisies pour leur représentativité au niveau national, pour leurs programmes MDD et pour adéquation par rapport à la probléma- tique de cette recherche (enseigne locale/ internationale). Le choix des rayons étudiés a été guidé par la disponibilité des produits MDD puisque les MDD ne sont pas encore présentes dans tous les rayons sur le marché brésilien. Par ailleurs, les deux enseignes ont un positionnement comparable du point de vue de la composition de l’assortiment et de la clientèle ciblée (clients aisés et classe moyenne vivant en milieu urbain). L’en- seigne Carrefour est leader sur le marché brésilien (environ 14 % des parts de marché en 2008). Elle est présente au Brésil depuis 1975 et propose au consommateur brésilien plusieurs formats de magasins (172 hyper- marchés, 49 supermarchés et 376 hard dis- count en 2009)7. Le multiformat permet au groupe d’adapter sa stratégie d’expansion aux spécificités du marché brésilien. Depuis la crise née en 1998, Carrefour a commencé à se développer en supermarché, avec les magasins « Carrefour Bairro » qui ont rem- placé les supermarchés Champion en 2006 et en hard discount avec l’enseigne « Dia ». Quant à l’enseigne locale Extra, elle appar- tient au Groupo Pão de Açúcar (GPA) dont le réseau se compose de 1 640 magasins en 2012. Présent dans plusieurs formats (hypermarché, supermarché, supérette, etc.), GPA8 est le premier employeur privé du pays avec des perspectives de croissance importantes pour les années futures, notam- ment dans le domaine du e-commerce.
6. Source : http://www.carrefour.com/cdc/groupe/nos-activites/carnet-de-voyage/bresil.html 7. Source : Rapport annuel Carrefour (2009). 8. Il convient de noter que le groupe français Casino détient la majorité du capital du GPA depuis 2012.
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L’encadré ci-dessous présente la démarche
méthodologique retenue dans ce travail.
II – RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
Nous présentons les résultats de cette
recherche suite aux analyses de contenu et
lexicales et proposons un cadre conceptuel
explicatif des déterminants du choix de la
MDD.
Les consommateurs interrogés s’accordent
à reconnaître que la qualité, le prix et le
rapport qualité/prix sont des déterminants
importants du choix des MDD. En effet,
pour le consommateur brésilien, certains
produits MDD restent encore liés au prix.
Pour eux, l’avantage de ces MDD, c’est
surtout le bon prix : « L’avantage prix des
MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Cette recherche s’appuie sur une triangulation méthodologique qui implique de considérer un point de vue unique à partir de sources différentes ou indépendantes et permet ainsi de dépasser l’opposition quantitatif/qualitatif. Dans cette recherche, elle est utilisée pour apprécier le comportement d’achat envers les MDD sous divers angles d’approches. On peut distinguer quatre types de triangulation en fonction de la combinaison des sources de données, des chercheurs, des théories et des méthodes. C’est la combinaison des méthodes qui est choisie dans cette recherche. En effet, en combinant des méthodes différentes, on ouvre la voie à des interprétations plus riches et potentiellement plus valides (Evrard et al., 2009). En même temps, on limite les biais personnels et méthodologiques parfois associés aux études qualitatives en renforçant la validité externe des résultats. Des objectifs divers ont été assignés à chacune des méthodes utilisées (cf. tableau 2). L’idée de base a consisté à recueillir des informations variées pour une meilleure compréhension des comportements de consommation envers les produits MDD sur le marché brésilien. Concernant la méthode d’analyse des données, l’analyse de contenu et l’analyse lexicale ont été retenues pour leur complémentarité. L’analyse de contenu a permis de dégager les thèmes liés au comportement d’achat envers les MDD et de les catégoriser, alors que l’ana- lyse lexicale a donné l’occasion de confirmer la catégorisation grâce à la quantification des occurrences (Evrard et al., 2009). Les sources secondaires proviennent des sources internes et externes aux enseignes étudiées. Les sources primaires sont issues d’entretiens réalisés auprès des consommateurs (24 entretiens semi-directifs) et de managers des deux enseignes (8 entretiens en profondeur) (cf. tableaux 3 et 4). Le principe de saturation a servi de base à la détermination de la taille de l’échantillon auprès des consommateurs, alors que l’échan- tillon auprès des managers est un échantillon de convenance. Les entretiens, qui ont duré une heure en moyenne chacun, ont été enregistrés et ont fait l’objet d’une retranscription complète.
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Tableau 2 – Synthèse des objectifs, méthodes de recueil et sources de l’étude
Étude documentaire Entretiens/managers Entretiens/ consommateurs
Objectifs
– Compléter la revue de la littérature ; – Avoir des informations secondaires
Avoir le point de vue de managers sur les facteurs d’achat et la perception des MDD
Recueillir une information primaire sur les MDD (les motivations d’achat et la perception des produits MDD)
Méthode d’analyse de données
Analyse de contenu manuelle
– Analyse de contenu sous Sphinx Lexica – Analyse lexicale sous Sphinx Lexica
– Analyse de contenu sous Sphinx Lexica – Analyse lexicale sous Sphinx Lexica
Techniques de recueil utilisées
Citation directe Test d’association
Citation directe
Managers de divers secteurs/rayons
Consommateurs de diverses catégories socioprofessionnelles, d’âge et de sexe différents
Tableau 3 – Profil des 24 répondants/consommateurs
No. Âge Sexe CSP Durée No. Âge Sexe CSP Durée
1 26 F Doctorante 1h 13 54 M Chef d’entreprise 1h
2 20 F Junior consultant 45 min 14 35 F Commercial 45 min
3 29 F Stagiaire 1h 15 28 M Caissier 1h
4 19 M Junior consultant 45 min 16 68 F Retraité 50 min
5 32 M Doctorante 1h 17 42 F Chômeur 1h
6 72 F Professeur 1h10 18 51 M Fonctionnaire 1h
7 22 M Junior consultant 1h 19 43 M Professeur 1h
8 56 M Professeur 1h20 20 52 M Ouvrier 55 min
9 37 F Chercheur 1h25 21 38 F Ménagère 50 min
10 46 F Ménagère 1h15 22 44 F Réceptionniste 50 min
11 38 F Fonctionnaire 50 min 23 28 M Sportif 1h
12 42 F Ménagère 1h15 24 30 F Ménagère 50 min
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MDD, c’est que même si on n’a pas assez d’argent on peut quand même acheter. » (consommateur 4). « L’avantage des MDD, c’est surtout le prix et la possibilité de les tester à moindre coût. » (consommateur 7). Cependant, le prix est souvent considéré de façon dynamique. En effet, il est éva- lué soit de façon comparative : « je fais toujours attention aux prix des MDD des autres magasins » (consommateur 13), soit de façon large : « avec le bon prix des MDD, je peux acheter plus que ce que je voulais » (consommateur 6). Le prix est aussi très souvent associé à la qualité dans l’évaluation des produits MDD : « Il y a le prix mais le premier facteur que je regarde moi c’est d’abord la qualité. » (consom- mateur 12). Donc, globalement, c’est le rapport qualité/prix ou la perception de la valeur des MDD que les répondants jugent important. Par ailleurs, selon cer- tains managers interviewés, le succès crois- sant des MDD au Brésil est lié à leur bon rapport qualité/prix comme en témoignent
les propos suivants : « Les consommateurs achètent les MDD car ils savent que ces marques ont un bon rapport qualité/prix. » (manager 1).
L’attitude envers les marques de distributeur
La majorité des répondants consommateurs qui disent avoir une attitude positive envers les produits MDD affirment qu’ils achètent aussi les MDD quand ils font les achats : « Je vois les MDD d’un bon œil et je les choisis régulièrement. Pour moi, elles per- mettent d’avoir plus de pouvoir d’achat » (consommateur 4) ; « Je considère les MDD positivement maintenant même si au début j’avais des craintes concernant leur qualité. J’en choisis à chaque fois que je fais les achats. » (consommateur 7). Les répondants ayant une attitude défavorable envers les MDD affirment souvent ne pas les choisir dans la plupart de leurs visites en magasin : « Moi je n’aime pas ces produits- là [MDD]. Je ne les choisis pas. Je préfère
Tableau 4 – Profil des 8 répondants/managers
Carrefour Extra
N° Âge Sexe Fonction Durée N° Âge Sexe Fonction Durée
1 37 M Directeur de
magasin 1h30 5 36 M
Responsable produits « Casino »
1h35
fruits » 1h 7 31 F
Responsable rayon « viande, poisson »
« boisson et sirop » 1h
Le consommateur face aux marques de distributeur au Brésil 43
les produits plus chers mais de très bonne qualité. » (consommateur 16).
Le risque perçu vis-à-vis des MDD
Il convient également de souligner que les MDD sont souvent associées à un certain risque. Il s’agit surtout d’un risque finan- cier : « Quand je vois un nouveau produit MDD avec un très bon prix, j’ai peur de l’acheter et perdre mon argent comme ça. » (consommateur 6) ou encore d’un risque fonctionnel : « Parfois, j’ai envie d’acheter plus de MDD mais je ne sais pas si elles vont me satisfaire ou pas au niveau de la qualité ; je préfère donc acheter souvent les grandes marques. » (consommateur 17). Du côté des managers, on reconnait éga- lement que le risque perçu est l’un des facteurs de blocage du choix des produits MDD : « Un de nos principaux problèmes est l’accès à la publicité (à la télévision) car elle coûte cher. Comme les consommateurs ne voient pas nos produits MDD à la télé- vision, ils pensent que ce sont de mauvais produits, donc des produits risqués. On a un travail d’image à faire pour remédier à cela. Mais nos produits sont bons et sont sans risque. » (manager 1).
Les variables sociodémographiques
Il ressort des analyses que certaines variables sociodémographiques semblent avoir une influence sur le choix des pro- duits MDD. D’une part, les répondants de sexe féminin semblent avoir une attitude positive plus élevée que les hommes pour le choix des produits MDD (48 % contre 32 %). D’autre part, les jeunes (moins de 30 ans) semblent être moins portés vers les produits MDD quand ils ont le choix (38 % d’entre eux ont une attitude positive envers les MDD) alors que les répondants
plus âgés voient les MDD d’un bon œil dans l’ensemble (55 % d’entre eux ont une attitude positive envers les MDD). Ces résultats doivent cependant être considérés avec précaution car les répondants excluent souvent les MDD « prémium » (Teaq et Casino par exemple) de leur évaluation de l’attitude envers les MDD.
2. Les variables liées au distributeur ou au produit
L’image du point de vente
La variable image a été considérée comme un facteur essentiel sur le marché brésilien. Des actions de publicité sur le lieu de vente sont entreprises pour améliorer l’image du magasin et par conséquent celle des MDD (Étude documentaire). Les consommateurs ont souvent mis en exergue l’importance de la bonne image du magasin définie comme « la propreté du magasin », « la compétence du personnel », « l’organisa- tion des rayons », « la qualité des installa- tions physiques », etc. Pour les managers, une bonne image participe à la fidélisation des clients : « Pour nous, une bonne image permet de fidéliser les clients. Grâce aux cartes de fidélité, cartes de paiement, ser- vices annexes, etc., nous essayons aussi de mieux promouvoir nos produits MDD. » (manager 6). Or, la fidélité du client génère de nombreux bénéfices car un client fidèle achète davantage, accepte de payer des prix plus élevés et développe un bouche à oreille positif dans son entourage.
La familiarité au magasin
Certains répondants ont émis l’idée que leur familiarité avec le point de vente joue en faveur de leur choix des produits MDD. Cependant, la familiarité n’a pas toujours été appréhendée directement dans
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les réponses. Ainsi, l’ancienneté et la fré- quence des visites en magasin ont été uti- lisées par certains répondants consomma- teurs comme pouvant jouer en faveur ou en défaveur de leur choix des produits MDD : « Je fais les achats à Carrefour depuis plus de 15 ans. Je vais toujours là-bas car je me sens bien à l’aise dans les rayons. Je fais donc entièrement confiance aux MDD Carrefour que j’achète régulièrement. » (consommateur 16) ; « Je viens plusieurs fois faire les achats dans le magasin dans le mois. Comme je vois souvent les produits MDD d’Extra, je les essaie à chaque fois. Finalement, je les aime bien. » (consom- mateur 3). Les managers affirment égale- ment miser sur les consommateurs fami- liers pour promouvoir les MDD : « Nous essayons de familiariser les clients au magasin en faisant différentes campagnes de promotion pour les attirer le plus fré- quemment possible. Ils sont plus à même d’être des porte-paroles de nos produits MDD. » (manager 5).
La perception de l’origine de l’enseigne
Les recherches antérieures ont montré que le pays origine d’une enseigne peut influencer positivement ou négativement le choix des produits et marques vendus dans l’enseigne (Batra et al., 2000). Nous avons donc inclus une enseigne d’origine locale et une enseigne d’origine étrangère dans cette recherche pour étudier la per- ception de l’origine de l’enseigne sur le choix des produits MDD. Cependant, les clients ne semblent pas réellement faire la distinction entre les deux enseignes en termes « locale versus étrangère ». Pour la plupart d’entre eux, ces enseignes sont brésiliennes. Ce résultat est donc en contra- diction avec ceux trouvés dans d’autres
pays émergents comme Taïwan où la dis- tinction est clairement faite entre enseignes locales et enseignes étrangères (Cheng et al., 2007). Cela est en réalité lié au fait que l’enseigne Carrefour est implan- tée au Brésil depuis les années 1970 et se comporte comme un distributeur local (stratégie caméléon) contrairement à une enseigne comme Wal-Mart qui affiche son origine américaine. Notons toutefois que l’enseigne Extra met « l’accent sur l’ori- gine française des MDD Casino » vendues dans ses magasins. Cependant, ces produits Casino ne sont pas considérés comme des MDD par les consommateurs mais comme de vraies marques. En effet, Casino joue sur l’image de la France en vendant ses produits à des prix plus chers que ceux des marques nationales. C’est un posi- tionnement premium qui est donc adopté par l’intermédiaire d’une MDD cœur de gamme. La communication autour de ces produits est également cohérente avec le positionnement premium puisque les mes- sages publicitaires sur le lieu de vente mettent en évidence la provenance directe de ces produits de la France.
La catégorie de produits
Nous avons souligné plus haut que les consommateurs prenaient en compte le risque associé aux produits MDD. Cepen- dant, il faut tout de même préciser que la perception du risque dépend en réalité de la catégorie de produits considérée : « Moi je veux acheter les MDD à nouveau parce que jusqu’à maintenant, je ne suis pas déçue avec elles (...) Mais je pense que tout dépend des types de produits. » (consommateur 2). Ce résultat est en adéquation avec ceux trouvés dans les recherches antérieures sur d’autres pays émergents comme la Corée du Sud
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(Jin et Suh, 2005). Par ailleurs, les consom- mateurs ne prennent pas toujours la mesure des actions entreprises par les enseignes étudiées en vue de développer les tendances de consommation (bio) sur diverses caté- gories de produits. Par exemple, ils ne sont souvent pas au courant de l’existence de MDD bio : « Moi, je pense que le bio c’est bon pour la santé mais je n’ai jamais vu la catégorie de produit bio chez Extra ou chez Carrefour. » (consommateurs 11). Or, les managers interrogés ont souvent insisté sur la mise en place d’un rayon bio pour suivre les tendances de consommation. « Nous avons mis en place une gamme large de produits MDD bio qui assure une qualité supérieure à nos clients. Il s’agit de la MDD Teaq. On propose également des MDD bio Casino directement venues de la France. » (manager 6). À la suite de l’analyse de contenu, nous avons effectué une analyse lexicale sur le discours des consommateurs et sur celui des managers. L’analyse lexicale est basée sur l’étude de la fréquence des mots (Evrard et al., 2009). Elle vient compléter les ana- lyses de contenu thématiques réalisées. Les résultats soulignent la présence de deux types de facteurs au niveau des consom- mateurs. D’une part, nous avons identifié des facteurs perceptuels liés au prix et à la qualité (16 % des occurrences pour le prix perçu et 15 % pour la qualité perçue). D’autre part, les facteurs d’image sont également associés à la MDD (13 % des occurrences pour l’image du magasin et 12 % pour l’image des produits MDD). Les mêmes conclusions peuvent être faites au
niveau des managers (19 % des occurrences pour la qualité perçue ; 17 % pour le prix perçu, 15 % pour l’image du magasin et 15 % pour l’image des produits)9. Globale- ment, l’analyse lexicale a permis de confir- mer les résultats de l’analyse de contenu en mettant en évidence des convergences et des divergences de perceptions entre les cibles interrogées. En nous basant conjointement sur l’analyse du cadre théorique et sur les résultats de l’analyse qualitative, le cadre intégrateur est proposé ci-après (figure 1). D’abord, quatre variables indépendantes sont sup- posées influencer le choix de la MDD directement ou indirectement (perception de l’image du magasin, image-prix perçue des MDD de l’enseigne, perception de la valeur et attitude envers les produits MDD). Ensuite, l’intention d’achat est considérée comme une variable médiatrice entre cer- taines variables explicatives (perception de la valeur, image du magasin, image-prix perçue des MDD de l’enseigne) et le choix de la MDD. Enfin, plusieurs variables sont supposées avoir une influence modératrice sur les relations entre les variables étudiées (risque perçu envers les MDD, familiarité avec le magasin, catégorie de produits, per- ception du caractère local ou international de l’enseigne). Les variables sociodémo- graphiques (âge, sexe, revenu familial, etc.) sont traitées comme des variables de contrôle (covariables) car ce choix per- met de les introduire simultanément et de façon incrémentale pour contrôler leurs effets combinés ou isolés sur le choix de la MDD.
9. Nous précisons que ces chiffres n’ont pas une représentativité statistique, mais permettent d’avoir une vision globale des facteurs importants dans le comportement d’achat des consommateurs ou managers interrogés.
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III – CONCLUSION, DISCUSSION ET IMPLICATIONS
Cette recherche s’inscrit dans la conti- nuité des travaux antérieurs qui mettent en évidence l’importance croissante de la marque pour le distributeur (Binninger, 2007 ; Jara et Cliquet, 2012 ; Diallo et al., 2013). Elle a permis de proposer un cadre intégrateur qui montre que les facteurs explicatifs de l’achat de la MDD dans un pays émergent sont multiples et variés. Les variables d’image (image du magasin
et image-prix des MDD) jouent un rôle fondamental dans le choix des MDD au Brésil, contrairement aux pays industria- lisés où les facteurs perceptuels (rapport qualité/prix perçu notamment) expliquent davantage le choix des MDD (Burton et al., 1998 ; Diallo et al., 2013). D’autres facteurs plus classiques interviennent aussi dans les choix des MDD dans le pays étudié comme le risque perçu, l’attitude envers les MDD, la familiarité avec le magasin, etc. Cette dernière variable est importante dans
Figure 1 – Cadre intégrateur explicatif du comportement d’achat des produits MDD
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le contexte des pays émergents de manière générale où les consommateurs ont un taux de fréquentation de la distribution moderne beaucoup plus faible que les consomma- teurs des pays industrialisés. Le cadre intégrateur proposé présente l’avantage de considérer simultanément des variables perceptuelles, des variables socio- démographiques et des variables d’image, alors que les recherches antérieures s’in- téressaient principalement aux deux pre- mières variables (Jin et Suh, 2005 ; Burton et al., 1998). Cela s’explique par le fait que les MDD ont été pendant longtemps considérées comme des « non-marques » ou des « quasi-marques » (Breton, 2004), alors que leur amélioration qualitative sug- gère de mieux prendre en compte les fac- teurs d’image. Les travaux de Wu et al. (2011) sur le marché taïwanais confirment l’importance de se focaliser davantage sur l’image du point de vente dans les pays émergents, contrairement aux pays indus- trialisés (Jara et Cliquet, 2012 ; Diallo et alii, 2013). Il faut également noter que la complémentarité entre les analyses de contenu et l’analyse lexicale au niveau des consommateurs et des managers a permis de valider les résultats obtenus d’un point de vue du sens, de la réalité et de la crédibi- lité. En effet, les travaux actuels sur les pays émergents adoptent généralement soit une approche centrée sur le consommateur, soit une approche managériale. En combinant les deux approches, ce travail a montré que la vision des managers ne coïncide pas tou- jours avec celle des consommateurs. Sur ces bases, cette recherche comporte plusieurs implications managériales utiles aux distributeurs internationaux opérant sur le marché brésilien. Il convient d’abord de souligner la place non négligeable qu’oc-
cupent les variables perceptuelles liées au prix (prix perçu, rapport qualité/prix, etc.) dans le choix de la MDD sur le marché brésilien. Il s’agit donc d’une confirmation des recherches antérieures sur des pays industrialisés (Burton et al., 1998) ou sur d’autres pays émergents comme la Corée du Sud ou encore Taïwan (cf. Jin et Suh, 2005). Ce résultat s’explique principalement par le fait que le Brésil est encore marqué par une faiblesse du niveau de revenus d’une partie de la population. C’est un résultat important pour les enseignes promotrices de produits MDD au Brésil et dans les pays émergents de façon générale. En effet, on sait que la MDD a un avantage sur les marques natio- nales au niveau du prix. Donc, les managers doivent prendre conscience de l’importance de la MDD en tant qu’outil de segmentation dans ce pays émergent, encore marqué par des inégalités de revenus assez fortes. Ensuite, les résultats de cette recherche montrent que, contrairement aux consom- mateurs des pays industrialisés, les consom- mateurs brésiliens semblent aussi accor- der une importance majeure aux variables d’image en général dans le choix des pro- duits MDD. Ainsi, l’image du magasin et l’image-prix perçue des MDD ont été consi- dérées comme des déterminants importants du choix de la MDD. En se focalisant sur l’image du magasin dans leurs com- portements d’achat, ces consommateurs semblent attribuer un statut de marque aux MDD. En effet, dans les recherches anté- rieures, les variables d’image ont été surtout associées aux grandes marques (marques de fabricant), alors que la MDD a été plutôt considérée comme « une pâle copie » des marques nationales (Breton, 2004). Donc, les managers opérant sur le marché bré- silien doivent mieux gérer les variables
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d’image en vue de fidéliser les clients et ainsi augmenter les ventes de MDD en mettant l’accent sur les différents aspects de l’image du point de vente : l’agencement, l’organisation de la marchandise et le ser- vice personnel notamment. Une attention particulière doit être mise sur le personnel de contact car les consommateurs brésiliens ont des attentes élevées en termes de qualité de service et d’interaction sociale dans le point de vente. De surcroît, dans le contexte brésilien, il faudrait également mieux élaborer la com- munication sur les MDD, encore à un état embryonnaire, pour réduire le risque perçu lié à certaines gammes de MDD. Il faut sou- ligner que le risque perçu a été considéré comme une variable qui influence négati- vement la valeur perçue des MDD dans un marché émergent comme l’Afrique du Sud (Beneke et al., 2013). La communication sur les MDD devrait également identifier les avantages distinctifs des enseignes étu- diées car les consommateurs ne semblent pas pouvoir différencier singulièrement les MDD de Carrefour de celles d’Extra en termes de perception MDD locales/étran- gères, contrairement aux consommateurs taïwanais par exemple (Cheng et al., 2007) ou aux consommateurs chinois (Lupton et al., 2010). L’absence de distinction claire dans la perception des MDD de l’enseigne locale Extra comparée à l’enseigne étran- gère Carrefour pourrait également être liée à la « stratégie caméléon »10 de Carrefour au Brésil. En effet, l’enseigne Carrefour a pris l’option de se faire passer pour un distributeur local pour éviter d’être asso- ciée à l’image de cherté attribuée aux pro-
duits français de manière générale. Cette « stratégie caméléon » explique par ailleurs l’absence d’influence de l’image du pays d’origine dans le choix des MDD de Carre- four au Brésil. Or, dans les pays émergents, cette variable est jugée comme un facteur important dans le choix d’une marque qui provient d’un pays plus développé (Batra et al., 2000). Une solution intéressante pour Carrefour, comme pour la plupart des enseignes occi- dentales implantées au Brésil, serait de cla- rifier son assortiment de marques qui reste encore flou en termes de positionnement. L’assortiment actuel de MDD de Carrefour est principalement composé de sa MDD standard et de quelques-unes de ses MDD premium. Or, celles-ci sont perçues comme des marques nationales. Il serait donc inté- ressant de lancer d’autres gammes de MDD pour satisfaire les besoins des différents segments de clients. Une telle option per- mettrait à l’enseigne Carrefour d’être plus en phase avec les consommateurs bré- siliens, mais également de reprendre de l’avance sur les enseignes concurrentes comme Extra et Wal-Mart qui, aujourd’hui, gagnent des parts de marché au détriment de Carrefour. Ces deux enseignes concur- rentes ont en effet l’avantage d’être plus ancrées dans le contexte local. Il convient cependant de noter une différence fonda- mentale dans l’ancrage local entre Extra et Wal-Mart. L’enseigne Extra est ancrée au contexte local dans la mesure où c’est une enseigne locale bien appréciée du consom- mateur brésilien. Par contre, l’enseigne Wal-Mart est ancrée dans le contexte local grâce à une politique de rachat de leaders
10. Le terme est emprunté à Léo et al. (2006) qui ont étudié ce type de stratégie dans le contexte de l’internationa- lisation des PME de service.
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régionaux qui ont gardé leur positionne- ment et leur nom d’origine (ex. Bompreco, Sonae, Todo Dia, etc.). Enfin, il faut éviter l’erreur qui consiste à penser qu’on peut transposer dans les pays émergents les stratégies MDD qui ont fait leurs preuves dans les pays industrialisés. Une approche contingente doit donc être privilégiée. En effet, les pays émergents ont parfois des caractéristiques qui leur sont propres en matière de consommation. Par exemple, cette recherche a montré que les problématiques de bio et de commerce équitable, très présentes auprès des consom- mateurs des pays développés, ne semblaient pas être d’une importance majeure dans le choix des produits MDD par les consom- mateurs sur le marché brésilien. Soulignons aussi l’existence de travaux allant dans ce sens même dans les pays industrialisés (Larceneux et al., 2012). Toutefois, le fait que les problématiques bio et de dévelop- pement durable ne soient pas prises en compte par les consommateurs brésiliens actuellement ne signifie pas qu’elles ne le deviendront pas dans un avenir plus ou moins proche. Cela est peut-être lié à un déficit de communication concernant les produits MDD bio. Malgré ces multiples apports, cette recherche comporte des limites qui consti- tuent autant de pistes pour les recherches
futures. D’abord, elle a été menée auprès des consommateurs d’un seul pays émergent (Brésil) et sur deux enseignes (Carrefour et Extra). La taille de l’échantillon limite donc la capacité de généralisation des résultats à d’autres pays émergents. En effet, les pays émergents ont des caractéristiques diverses avec des différences culturelles parfois considérables (Diallo, 2012). Il serait donc utile de répliquer cette recherche dans d’autres pays émergents d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ou d’Europe. Par ail- leurs, sur le plan méthodologique, il serait intéressant d’utiliser une combinaison des méthodes différente de celle utilisée dans ce travail. Par exemple, les recherches futures pourraient s’intéresser à la méthode d’ob- servation qui est intéressante dans le sens où elle se base sur l’étude du comportement des consommateurs en magasin sans que ceux-ci ne s’en rendent compte (Evrard et al., 2009). Elle serait peut-être plus à même de montrer les comportements inconscients des consommateurs que les techniques uti- lisées lors des entretiens. Enfin, il convien- drait de valider un modèle conceptuel basé sur le cadre conceptuel proposé sur un plan quantitatif (ex. par questionnaire). On four- nirait ainsi un important levier d’action aux distributeurs étrangers et locaux opérant dans les pays émergents en général et sur le marché brésilien en particulier.
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