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du 19/03/09 au 16/04/09 | un gratuit qui se lit 17 La Culture en Couleurs?

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Actualité culturelle région PACA mars 2009

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du 19/03/09 au 16/04/09 | un gratuit qui se lit17

La Cultureen Couleurs?

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Politique culturelleBabel med Music 5Le MuCEM 7Carnavals 8, 9ThéâtreLe Massalia, la Criée 10Montévidéo, les Bernardines 11La Criée, le Gyptis, le Lenche 12Le Gymnase, le Merlan, la Minoterie 13Aix : Le Jeu de Paume, le 3bisf, Les Ateliers 14Komm’n’act, Aubagne, Théâtre et chanson, Châteauvallon 15Le Massalia, Grasse, Château-Arnoux, Cavaillon, Comoni, Vélo Théâtre 16Avignon, Draguignan 17Ouest Provence, Aix, Arles 18Port-de-Bouc, Martigues, Nîmes 19DanseLes Hivernales 20Le Merlan 21Aubagne, Château-Arnoux, Gap 22BNM, Draguignan 23Pavillon Noir, GTP, Ballet d’Europe 24Ouest Provence, Martigues, Cavaillon 25Cirque/Arts de la rueSirènes et midi net, Martigues, Briançon, Grasse 26Les Elancées, Avignon, Port-Saint-Louis 27MusiqueLyrique 28, 29Lyrique, symphonique, chambre 30, 31Contemporaine 32, 33Au programme 34, 35Nîmes, Latcho Divano 36Avec le temps, Le Lenche 37Concerts, au programme 38, 39CinémaAu programme, Digne, Image de Ville 40, 41ASPAS, AFLAM 42Arts visuelsGalerie du tableau, Rencontres du 9e art 43SMP, Ateliers d’artistes, Vieille Charité 44Villa Noailles, Saint-Rémy 45Au programme 46, 47LivresRencontres 48CoLibriS, Jeudis du comptoir, TPM 49Livres : jeunesse, littérature, arts, essais 50 à 53ÉconomieLa maladie des coûts 54PhilosophieLivres 55Les jeux du je 56, 57Sciences et techniquesEnvironnement 58RencontresAu programme 59PatrimoinePicasso, Les Baux 60ÉducationLa FAI AR, Théâtre Vitez, FNCTA 62

Bientôt les jours vont s’allonger, le ciel s’éclaircir, les rues separer à nouveaux des couleurs des arts, des carnavals. Chacun varemiser ses tenues chaudes et grises pour laisser apparaître sousles tissus frais la couleur de sa peau. Pourtant certains printempsauront la couleur de la peur, et la rue celle de la misère. Le tempsdes expulsions revient. Pas celles qui envoient hors de notreterritoire ceux qui n’ont pas eu le privilège d’y naître, celui-là n’ajamais cessé, même au fort de l’hiver. Non, le temps des expul-sions revient pour ceux qui ne peuvent pas payer leur loyer. Lapauvreté gagne, comme une fatalité que rien ne vient enrayer,et les expulsés seront cette année plus nombreux que jamais. Sous les pavés la plage ? Les manifestants battent le bitumesans espoir et sans enthousiasme, s’accrochant désespérémentau minimum vital que leur force de travail, jusque là, leurfournissait. Les réformes du système social sont un fiascoéconomique, masqué par la crise : ce sont Pierre Cahuc et AndréZylberberg, économistes assermentés, qui l’affirment1. Déjàchacun l’avait senti : travailler plus longtemps, plus durement,quand de moins en moins de gens ont accès à l’emploi et àl’achat, n’amène qu’à creuser le déficit des caisses. Le chômages’aggrave, les prix s’envolent, l’hôpital se délite, la culture parten lambeaux, et l’école publique meurt d’asphyxie. V’là l’printemps ? Pendant ce temps les entreprises du CAC 40 ontfait 54 milliards de bénéfice. Elles risquent, ô malheur, d’en faireun peu moins l’an prochain. Cela devrait nous affoler, mais cesont eux qui ont peur. Avez-vous vu le visage défait de LaurenceParisot lorsqu’elle a bredouillé : «Le système est clair, les salairesdoivent aller aux travailleurs, les dividendes aux entreprises» ?Partager les bénéfices, vous plaisantez monsieur le Président…Avez-vous si peur de la rue que vous envisagiez de démunir votrefrère du MEDEF ?Sous les pavés la plage. Les queues devant les cinémass’allongent, pour aller voir Welcome, et dire bienvenue enfin àceux qui vivent là. Monsieur Besson, lui aussi entre deux portes,bouillonne. Partout les bourgeons montrent leur nez. Laissons-les fleurir.AGNÈS FRESCHEL

1 Les réformes ratées du président Sarkozy, Flammarion, mars 2009

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V’là l’printemps

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Zibeline : Vous organisez deux manifestationsimportantes au Dock des Suds : La Fiesta et Babel Med.En quoi ces manifestations diffèrent-elles ?Bernard Aubert : D’abord la Fiesta a 17 ans, Babel Meden est à sa cinquième édition. Il y a 17 ans, program-mer des musiques du monde, des Suds en particulier,était audacieux. Maintenant cela l’est moins, et laFiesta a d’autres audaces, qui consistent à faire se croi-ser des publics très différents, à surprendre y comprisen invitant Bashung à côté de Maalesh ou d’HerbieHancock. Babel Med en revanche va chercher des artis-tes souvent inconnus, mais qui travaillent avec lestraditions musicales du monde.Babel Med est aussi une manifestation professionnelle.B.A. : Oui, avant tout. Il y a 30 concerts publics entrois jours, mais durant la journée Babel Med estouverte aux professionnels, acheteurs, programma-teurs, organisateurs de festivals, qui viennent visiterles stands des exposants, assister aux conférences puisaux concerts. C’est important aujourd’hui de défendrele concert, 80% des artistes en vivent. L’industrie dudisque s’effondrant, les gros festivals français deviennentrentables et sont rachetés par des sociétés américaines,tout comme les tourneurs. Nous voulons préserver le côtéartisanal et PME, nous nous battons pour que les festi-vals restent libres de leur programmation et ne sevoient pas imposer les artistes par les producteurs. Etpour que les groupes restent abordables pour de petitsfestivals, pour que la palette esthétique reste large…Comment définiriez-vous la palette esthétique deBabel Med ? Et plus exactement, comment peut-onse réclamer d’une «tradition contemporaine», ce quisemble a priori paradoxal ?Sami Sadak : C’est le problème de la musique tradi-tionnelle, qui est un mythe en fait. Même les musiquesles plus conservées changent par mini vagues, opèrentpar ruptures avec les traditions précédentes. Et puisqu’est-ce qu’une musique traditionnelle ? Quelle est sapureté ? Le flamenco date par exemple de la fin duXVIIIe, sa tradition se fixe à la fin du XIXe… c’est trèsrécent. Interpréter une tradition de façon contempo-

raine n’est donc pas une trahison, et le but de BabelMed n’est pas muséologique.À force de mixer les traditions du monde, n’en arrive-t-on pas à les araser, à en éliminer les originalités dansun geste unificateur ? Est-ce que toutes ces musiquesrevisitées ne finissent pas par sonner pareil ? S.S. : Non. On peut faire du rock teinté de traditioniranienne, qui sonnera différemment, et pas seulementà cause de la langue. À Bamako la techno n’a pas lemême son, même s’ils utilisent les mêmes machines.C’est une question d’instrumentation, mais aussi de ma-nière d’entrer dans la musique. De tradition, justement!Vous voulez donc couvrir toutes les esthétiques desmusiques du monde ?S.S. : Oui, c’est ça, depuis la plus traditionnelle, cellequi permet de défendre et transmettre des patri-moines en danger, ceux qui ne passent que de maîtreà élèves, jusqu’aux mariages les plus éclectiques.Olivier Rey : Nous faisons la différence entre Folklore,qui désigne la musique du passé, figée, souvent inau-thentique, et Tradition, qui suppose un mouvement.Et nous pensons qu’à Babel Med nous offrons unpanorama de ce qui s’écrit aujourd’hui. Comme SamKarpienia par exemple, qui est en train d’écrire la tradi-tion occitane contemporaine, loin des revendicationspasséistes ou identitaires du folklore provençal. Et quel est votre budget pour ces 3 jours de mani-festation ?Florence Chastanier : 850 000 euros, dont 350 000euros de la Région, notre partenaire principal, 20%de recettes propres seulement car nous pratiquons unepolitique de prix très bas, le reste provenant duConseil Général, mais surtout de sociétés musicalescomme la SACEM, l’ADAMI, le FCM, ou de partenairesprivés comme la Caisse d’Epargne, ou le PortAutonome… Pour combien de public ?F.C. : Environ 15000 personnes sont attendues àBabel Med.ENTRETIENS RÉALISÉS PAR AGNÈS FRESCHEL

05POLITIQUE CULTURELLEBABEL MED MUSIC

La cinquième édition de Babel Med s’annonce, fidèle à sonesprit initial, en pleine croissance en ces temps de crise dudisque. Zibeline a rencontré l’équipe dirigeante, qui expliquel’esprit de cette manifestation

Houria Aïchi, une des rares femmes invité�es, dans un monde de musiques ou� les femmes chantent

parfois, mais ne jouent jamais...

Babel Med Music 2008 © X-D.R.

Au programmeLe 26 mars à partir de 19h30Novalima (Pérou), Aronas (Nouvelle Zélande /GB), Wasis Diop (Sénégal / Fr), Sayon Bamba(Guinée / Fr), Houria Aïchi & L’Hijâz’car(Algérie / Fr), Kamel El Harrachi (Algérie / Fr),Fouad Didi et l’Orchestre Tarab (Algérie / Fr), Goldenberg & Schmuyle (Fr) Grail’Oli (Occitanie / Fr).Le 27 mars à partir de 18h30Yom (Fr), Baster (La Réunion / Fr), Deba(Mayotte / Fr), Nidi d’Arac (It), Mosaïca(Occitanie / Maroc), Zaman Fabriq (Egypte / Fr),Hemdem (Turquie), Frédéric Galliano KuduroSound System (Angola / Fr), Les Bantous de laCapitale (Congo).Le 28 mars à partir de 18h30Kora Jazz Trio (Guinée / Sénégal), KristinAsbjørnsen (Norvège), Moussu T e lei Jovents(Provence - Fr), Rupa & The April Fishes (USA), Dj ClicK (Roumanie / Fr / GB), Istanbul Calling(Turquie), Waed Bouhassoun (Syrie), AxivilAljamía (Andalousie - Esp), Le Bus Rouge (Fr),Sam Karpienia (Provence - Fr), Kumar (Cuba /Esp).

Babel Med Music, forum des musiquesdu 27 au 29 mars04 91 99 00 00www.docks-des-suds.org

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Au tour de Babel

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07POLITIQUE CULTURELLELE MUCEM

Après une période d’atermoiements financiers quiaura bloqué pendant deux ans sa construction, leMuCEM dispose désormais d’une nouvelle feuille deroute dictée par le Rapport à la Ministre de la cultureet de la communication relatif au MuCEM réalisépar Stéphane Martin1. Remis le 4 août 2008 àChristine Albanel et rendu public début mars, cerapport préconise, entre autres, le transfert del’intégralité des collections du MuCEM à Marseille(«une priorité») et le lancement de deux chantiersarchitecturaux confiés l’un à Corinne Vezzoni2 dansle quartier de la Belle de Mai destiné à conserver lescollections, l’autre à Rudy Ricciotti situé sur le môleportuaire du J4 («une urgence»). Jusqu’ici, rien debien nouveau, Stéphane Martin rappelant que «leMuCEM est un projet original dans le paysage muséalfrançais» par son approche pluridisciplinaire etculturelle, et «un équipement de prestige au cœurde Marseille.»

Questions d’argentLà où le rapport bouscule les idées originelles, c’estau sujet de l’usage du Fort Saint-Jean : en effet,l’équipe scientifique dirigée par Michel Colardelledevra réviser sa copie en concédant une partie deses espaces «à un exploitant privé à vocationculturelle (…) tandis qu’une exploitation mixtepourrait être envisagée pour l’espace d’expositionexistant, sur le modèle de la programmation de laGrande Halle de la Villette.» Changement de capdonc pour la Tour du roi René et la Chapelle de laCommande qui, si elles forment l’un des élémentsphare selon Stéphane Martin, devront être pour leMuCEM «un outil moins coûteux, voire une sourcede profit à moyen terme» en devenant «un lieu depatrimoine et de culture vivant et original, destinéà accueillir un très large public.»C’est pourquoi «le Fort Saint-Jean sera rendu auxMarseillais» selon le souhait de Jean-Claude Gaudin,le chantier de restauration, pris en charge à 100 %par l’État sur trois ans, étant le premier à démarrerconcrètement courant mars. Ce sera chose possiblepuisque le Département des recherches archéolo-giques subaquatiques et sous-marines (Drassm)vient d’achever son déménagement à l’Estaque. Ungroupe de travail se met en place pour réfléchir àdes usages plus ou moins privatisés, en lien avecles activités muséales, qui permettront de limiterles coûts de gestion et de fonctionnement. Car c’est bien d’argent dont il est question face àl’explosion du budget prévisionnel passé de 144millions d’euros en 2004 à 175 millions d’euros

aujourd’hui. Un budget réparti entre le ministèrede la Culture et de la Communication pour 60 % etles collectivités locales pour 40 % (Conseil général,Conseil régional et Ville de Marseille). Ce qui estune première ! Financer un Musée National par lebiais des collectivités territoriales ne s’était jamaisfait ! Les autres musées nationaux de cette ampleursont des établissements publics parisiens, financésexclusivement par l’État, et leurs recettes propres.Le MuCEM se fait à Marseille à condition qu’un «éta-blissement public de coopération culturelle» soitcréé et que les collectivités territoriales le financenten partie, ce qui n’est pas le cas pour le Louvre, oule musée d’Orsay, ou le musée du quai Branly…Ceci étant accepté, la seconde phase du «vrai re-démarrage» aura lieu en septembre 2009 avec, sitout va bien -et il y a urgence-, les premiers coupsde pioche du bâtiment de Rudy Ricciotti et ceuxdu Centre régional de la Méditerranée de StefanoBoeri.

Europe ou Méditerranée ?On doit cette soudaine accélération, explique DenisChevallier, directeur adjoint du MuCEM, à MarseilleProvence Capitale Européenne de la Culture 2013qui «a permis de remettre en marche le projet.»D’autant qu’une équipe de quatorze personnes,installées à Marseille, oeuvre à sa préfiguration enoffrant au public une visibilité des thèmes et despropos du futur MuCEM à travers des expositions…Il faut croire que les Marseillais ne sont pas indif-férents puisque 200 000 d’entre eux ont réponduprésent à ces divers rendez-vous.

Alors, comment se redéfinit aujourd’hui le projetmuséal ? Selon les vœux de Christine Albanel etles préconisations de Stéphane Martin, il s’agitd’abord de nommer un administrateur ou «homme-orchestre» à la tête d’un organisme de préfigurationpour piloter ce changement de cap… Reposition-nement du projet face aux nouveaux enjeux,redéfinition des axes thématiques (le religieux, laville, l’environnement et le développement durable,les migrations, les relations hommes-femmes), pour-suite de la campagne de recherche et d’acquisition,consolidation des partenariats locaux, nationauxet internationaux : la tâche sera rude. Notammentquand, comme le souligne Denis Chevallier, «le cœurdu musée de société est de croiser et de nouer ledialogue dans l’espace euroméditerranéen.» Faut-ilencore que cet espace soit circonscrit ! Car, lors deses vœux au monde de la culture à Nîmes, NicolasSarkozy a entériné le projet du MuCEM comme «muséedes arts et civilisations de la Méditerranée.» Etl’Europe, alors…? MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

(1) Stéphan Martin, Président-directeur général de l’établissement public du musée du quai Branlydepuis le 30 décembre 1998.

(2) Corinne Vezzoni, architecte des archives et de la bibliothèque départementales GastonDefferre inaugurée le 8 juin 2006

Pour accoucher de cet «espace magique ouvert sur la mer», il aura fallu dix ans, cinq ministres de la culture, un plan de relance, l’Union pour la Méditerranée, et le titre de Marseille Capitale européenne de la culture 2013. Pour qu’enfin cette «réinvention du musée ethnographique»voie le jour en 2012…

Le MuCEM,évolutions d’un projet

Le MuCEM, photo montage © Rudy Ricciotti Architecte

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En premier lieu, sa date. Elle dépend de la fête dePâques, fixée, depuis le Concile de Nicée en 325 ap.J.-C., au premier dimanche de la nouvelle lune quisuit le solstice de printemps (le 21 mars). Pour com-mémorer la mort et la résurrection du Christ, l’Égliseinstitua aussi le Carême -privation de nourriturependant les 40 jours qui précèdent le sacrifice. Avantd’entrer dans le Carême, au Mercredi des Cendres,viennent Mardi Gras et le Carnaval. Celui-ci débute3 jours avant le carême, mais parfois, selon les lieux,il commence à Noël ou à l’épiphanie... Évidemment les traditions païennes sont présentesdans cette fête, que l’on enracine bien volontiersdans les saturnales et les lupercales romaines.Mais ces rites du débordement et de l’excès s’inscri-vent, par contraste et rejet lors du carême, dans lesystème de la pénitence chrétienne. D’ailleurs leterme même de carnaval n’est pas attesté avant 1195,en Italie. Il dérive probablement de carnelevare quisignifie «diminuer la viande» ou d’autres expres-sions similaires comme «charnage» qui indique quel’on mange de la viande avant d’en être privé.

Renversement, contestation et mise au pasEn fait, le carnaval prend place dans une structura-tion du temps cyclique propre aux sociétés agraires.Dans un monde fragile, les communautés cherchaientdes repères et des assurances. Le temps annuel, répé-titif, se divisait alors en deux parties, calquées surles contingences du travail agricole : un temps fort etdense rempli de labeurs et de fêtes ; un temps faibleet dilué avec la mise en attente des activités agraires.La fête témoigne aussi des structures sociales et men-tales du temps : carnaval, comme les «fêtes de fous», est

le temps du renversement, de la contestation pourmieux affirmer la solidarité de la communauté. Ce sont les organisations de jeunesse qui jouent lerôle décisif. Déguisés, moqueurs, irrespectueuxenvers les adultes, les autorités et les mœurs, lesjeunes pren-nent pour un temps le pouvoir dansun monde à l’envers ! Ces jours de ripaille, de«gras», sont marqués aussi par des concours debâtons ou de couteaux où l’on met à mort coqs,cochons ou bœufs. Ces actes permettent d’éloignersymboliquement de la communauté les puissancesinfernales. Partout on joue ! Les dés et les cartes,bien sûr, mais aussi la soule qui oppose et soude lescommunautés ou les groupes d’âge. À ce temps de réjouissances et d’excès du monde

renversé, succède bientôt la mise en ordre. C’est lejugement de Carnaval : noyé, brûlé, il est souventmis à mort. Carême triomphe et, avec lui, vient leretour de l’ordre. Il faut noter d’ailleurs que la fête urbaine -les men-talités sont différentes en ville- se sépare de celledes villages. Les excès, bien plus importants,convainquent progressivement les bourgeois de lanécessité de contrôler les débordements. Àl’époque moderne, la foule devient spectatrice dedéfilés et mascarades organisés désormais par lesautorités municipales. On l’aura compris, cetteconception s’impose et donne aujourd’hui une fêteoù dominent les aspects joyeux et… économiques!RENÉ DIAZ

POLITIQUE CULTURELLE08 CARNAVALS

Fin mars ou début avril, les villes entrent en Carnaval, appelant les populations urbaines à la fête et au déguisement. Loin des défilés de la Côte d’Azur, auxquels touristes et habitantsassistent passivement, parqués dans des carrés délimités, certaines villes proposent aux citoyens de participer à la fête : en la préparant, en défilant, en se costumant eux-mêmes… S’agit-il de retrouver le «véritable» esprit de Carnaval ? Et d’où vient cette culture ? quel est son sens?Est-il judicieux d’y associer des Cies artistiques, des spectacles de rue ? Comment amener les populations à redevenir les maîtres d’œuvre de la fête de rue, qui, gratuite, leur est offerte ?Questions essentielles au moment où se concoctent les festivités de 2013… Par ailleurs, on peut se demander pourquoi rechercher l’esprit de Carnaval dans une société laïque ou plus personne (du moins les chrétiens et les athées…) ne pratique le carême. À quelle oppression cela sert-il aujourd’hui d’exutoire, de «Carnage» avant l’abstinence ? Pour répondre à cela un peu d’histoire, puis quelques rendez-vous !A.F.

Rio, Venise, Dunkerque ou Nice, le Carnaval est devenu une récréation que même les écoles s’appliquent à célébrer. On est bien loin du modèleoriginal, d’abord affaire religieuse!

Carnaval, une histoire de fous!

Le combat de Carnaval et Carê�me de Pieter Bruegel l'Ancien. Kunsthistorisches Museum de Vienne, 118x164,5 cm, 1559

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Martigues a la grosse tête ! Ce n’est pas une accusationgratuite mais un fait avéré, et vérifiable ! Car la villeest en effervescence pour préparer son carnaval, dont,vous l’aurez compris, le thème est cette grosse têtequi fait qu’ils «se la racontent grave», dans un déliredisco et freaks ! Mis en scène par la cie Madame Olivier,ce carnaval est porté par toute la population, par lesmaisons quartiers, les associations, qui travaillentd’arrache-pied à la construction de chars, bien sûr,mais aussi de costumes, ainsi qu’à l’invention d’unechorégraphie, mettant en synergie idées et savoir-faire dans une belle unité. Le projet artistique de la cie Madame Olivier permet àchacun de théâtraliser ses idées, dans la démesure,

l’insolite, l’autodérision. Partant sur une histoire un peufolle d’enfants prodiges de retour en ville après avoirvu et vécu des histoires particulières, tous les acteursde ce projet incroyable ont inventé qui une boule àfacette démesurée (vraiment !), qui un flipper géant,d’autres encore un juke box impressionnant… Quantaux Barjo five, du quartier de Bargemont, ils sont car-rément lancé les Jackson five… Après ça vous aurezcompris que ça va bouger, danser, lors de la Paradefinale du 29 mars (départ à 15h du parking duGénéral Leclerc), jusqu’au Bal final sur le parking duThéâtre des Salins, qui promet quelques bellessurprises !

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Mensuel gratuit paraissant le deuxième jeudi du moisEdité à 25 000 exemplaires

Edité par Zibeline SARL76 avenue de la Panouse | n°1113009 MarseilleDépôt légal : janvier 2008

Directrice de publicationAgnès Freschel

Imprimé par Rotimpress 17181 Aiguaviva (Esp.)

photo couverture© Agnès Mellon

Conception maquette Max Minniti

Rédactrice en chef Agnès Freschel [email protected] 06 09 08 30 34

Secrétaire de rédactionDominique Març[email protected] 23 00 65 42

Éducation Chris [email protected] 03 58 65 96

Arts VisuelsClaude [email protected] 25 54 42 22

LivresFred [email protected] 82 84 88 94

Musique et disquesJacques [email protected] 20 42 40 57

Frédéric [email protected] 03 99 40 07

[email protected] 29 07 76 39

CinémaAnnie [email protected] 86 94 70 44

Philosophie Régis [email protected]

Sciences et techniquesYves [email protected]

Histoire et patrimoineRené [email protected]

PolyvolantesMaryvonne [email protected] 62 10 15 75

Marie [email protected] 64 97 51 56

MaquettistePhilippe [email protected] 19 62 03 61

Ont également participé à ce numéro : Marie-Jo Dhô, Christine Rey,Pierre-Alain Hoyet, Delphine Michelangeli, Guilhem Bernard,Jordan Saïsset

Photographe : Agnès Mellon095 095 61 70

Responsable commercialeVéronique [email protected] 06 63 70 64 18

LA REGIE Jean-Michel Florand04 42 49 97 6006 22 17 07 56

À Arles, carnaval et festival des arts de la rue se trouventêtre, le temps d’un long week-end, très complémen-taires, le carnaval clôturant cette grande fête. Des artsde la rue qui sont décidément très présents, de Drôlesde Noëls au festival d’Objectif Rue, et qui offrent àtous des spectacles gratuits. Objectif Rue fait son carna-val, donc, mais avant il fait son festival, et commencepar décentraliser le spectacle Le Tennis, de la cie dumême nom, dans les villages de Moulès (le 19 mars à10h), Raphèle (le 19 mars à 15h), Salin-de-Giraud(le 20 à 10h) et Mas-Thibert (le 21 à 15h). Dans lesrues d’Arles, les festivités démarrent le samedi 21 dès14h30 avec la cie Un de plus et les marionnetteshumaines de son spectacle Trois, suivi des leçons dumontreur avec marionnettes, de la partie de Tennis,du théâtre d’ombre de la cie Lunasol et du spectacleenflammé de Bilbobasso. Quant au Carnaval à propre-ment parler, rendez-vous le lendemain (dimanche 22),dès 15h30 sur le boulevard des Lices, pour une paradeendiablée avec l’ensemble des compagnies, ainsi qu’undragon de 20m de long et 10m de haut… Les Fatched’eux clôtureront en chansons, après la crémation duCaramentran en fin de journée.

04 90 49 38 32

Marseille, sous tous les angles

Pile ou face ? Non ! Pile ET face, c’est le jeu proposécette année par le Carnaval de Marseille, un thème quigomme d’emblée l’uniformité, qui mêle joyeusement tousles contrastes, toutes les contradictions qui consti-tuent individus et sociétés. Le 4 avril, du Rond-pointdu Prado au parc Borely, c’est le défilé géant des huitcortèges des secteurs de Marseille qui marquera legrand final collectif, entre 15h30 et 18h, concocté par

le metteur en scène Pierre Puigcerver de la cie Deside-rata. Pour ce faire, chacun des huit secteurs est pilotépar une cie, avec l’aide des associations de quartier, departiculiers bénévoles… Dans les 11e et 12e, Com’expression organise les activi-tés sur le thème de Il était deux fois, prenant en comptela double personnalité des personnages des contes;Dans les 4e et 5e, la cie Chrysalides a travaillé sur le thèmePas de médaille sans revers ?, ou comment mêler lesinséparables chance et poisse ;Dans les 6e et 8e, la C.M.E. entraînera tout le monde Pileen face de la liberté ;Dans les 2e et 3e, les Têtes de l’art abordent La cadencedu double jeu ;Dans les 1er et 7e, Terre est mer nous affirme la Cie d’ici,avec deux rois/reines géant(e)s, une chèvre/sirène etun espadon/vache… ;Les 15e et 16e sont pilotés par la cie Charivari pour undessous des cartes qui fera tourner la roue du Tarot ;Les 9e et 10e suivent la Cie des Zinvertimbrés pour uneBiosphère party ;Quant aux 13e et 14e, ils seront les disciples de Moebiusdans La communauté de l’anneau de Léda Atomica,bousculant la notion de temps et de cycles. Chacun sera présent pour faire du grand final une para-de bigarrée et enjouée, jusqu’au Totem de l’arrivée, lebaldaquin géant, symbole collectif d’union dans ladiversité.

0810 813 813

Martigues m’as-tu vu !

Arles, art des rues

DOMINIQUE MARÇON

© Ville de M

arseille

carnaval 08 © photoclub martigues

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10 THÉÂTRE LE MASSALIA | LA CRIÉE

Depuis deux ans la coopération interrégionale entrela Wilaya d’Alger et la Région PACA permet à la Cie deZiani Chérif Ayad, El Gosto Théâtre, d’êtrerégulièrement présente à La Friche (également auSémaphore et aux Salins, voir p.19). Son théâtreancré dans le réel et dans l’histoire algérienne, et sasuite de tragédies, de résistances et de révoltes, nousrenvoie un autre écho de notre histoire à travers cequi se passe dans ce pays frère, de l’autre côté del’immigration, de la colonisation, de l’indépendance.L’Étoile et la comète, écrit en écho à Nedjma deKateb Yacine, replonge dans les années 90, aucœur de la terreur islamiste, quand des femmesincroyablement courageuses défilaient à visagedécouvert… Tandis que le Café du bonheur remonteplus loin, des années 30 à l’indépendance, à traversun spectacle musical qui sera accueilli dans le cadrechaleureux des cabarets de la criée (pourvu qu’ils nedisparaissent pas avec la réouverture du Théâtre !).Un théâtre algérien contemporain qui porte desinterrogations dramaturgiques particulières, liées àune tradition orale ; mais surtout une paroleessentielle pour tous ceux qui ont là-bas une partie deleurs racines, et n’ont pas vraiment l’occasiond’écouter un théâtre qui en parle.A.F.

Le café du Bonheur, chansons d’AlgérieDu 7 au 9 avrilLa Criée (cabaret)04 91 54 70 54www.theatre-lacriee.comL’Etoile et la comèteLes 10 et 11 avrilThéâtre Massalia04 95 04 95 70http://massalia.lafriche.org

Suite et fin de l’Entreprise

Opus 3 et 4 du quatuor hivernal proposé par FrançoisCervantes et son équipe : reprise de l’excellenteTabledu fond, créée en 2006, et création de la suite,Silence.Deux courtes pièces consacrées au rapportentre l’école et la famille, entre ce qu’on apprend aucollège et ce qu’on découvre par soi-même dans leslivres et ailleurs, entre les mots d’une mère désempa-rée et le silence de son adolescent de fils.Rires et larmes, amour et haine, absence et retrou-vailles, les deux spectacles mettent en scène un duode choc. Nicole Choukroun est d’une grande justes-se dans l’incarnation de cette maman aimante et perdue,qui se sent «immobile comme un bac de plantes àl’entrée des immeubles» ; dans le rôle pas toujours grati-fiant d’une mère échevelée et claudicante, elle touchepar son émouvante humanité, et sa force malgré tout.Quant à Stephan Pastor, encore une fois, bravo ! DansLa table du fond, il incarne, avec trois fois rien -unmasque, une blouse grise, un nez postiche…-, tousles personnages que la mère rencontre au collège,du concierge au directeur en passant par les profs,dont celle de maths. Succès garanti auprès du jeunepublic et remarquable travail d’acteur, que l’on salueaussi dans Silence où il campe parfaitement l’adogêné aux entournures.Mise en scène et scénographie séduisent égalementpar leur simplicité inventive. Comme toujours dansles spectacles de L’Entreprise, on est plongé dansun univers de décors allusifs et très concrets en mêmetemps : une salle de classe d’abord, un bar ensuite, l’unedevenant l’autre, avec presque rien, mais on y est. Letexte est à l’avenant, proche de tous les publics, par-fois trivial, souvent d’une poésie très contemporaine,qui fait voyager loin… C’est sans doute ça la magieCervantes.FRED ROBERT

La table du fond et Silence ont été joués en mars au Théâtre Massalia à La Friche Belle de Mai

À venir au MassaliaEn plus de la programmation d’El Gosto théâtre etdes ciné concerts du Cartoun Sardines (voir ci-des-sous) le Massalia, fidèle à ses proches, programme leThéâtre de Cuisine et la Cie belge Bronks. Deuxvaleurs sûres du Théâtre Jeune public !Katy Deville met donc en scène un texte deChristianCarrignon, avec deux comédiennes danseuses à auxorigines métissées : Louisa Amouche et PatriciaGuannel se demanderont donc si C’est encore loin?,interrogeant les enfants à partir de 10 ans sur ce qu’estune identité culturelle… du 20 au 28 mars.Quant aux Bronks ils sont magiques ! Pascale Platelsait inventer comme personne des mondes décalés,tout près des mythes mais à portée de main… Là ilsera question de Pignoufs… Jan, mélancolique, attendsa Reine de Saba. Et c’est une Blonde qui débarque,pas vraiment conforme… du 14 au 17 avril.A.F.

Théâtre Massalia04 95 04 95 70http://massalia.lafriche.org

Savoureuxmélanges

Le Cartoun Sardines fait son festival, et crée le 1er

Festival CinéThéâtre au Théâtre Massalia. Commeson nom l’indique, c’est un savant mélange de ciné-ma -chefs-d’œuvre du muet en noir et blanc- et dethéâtre, les comédiens jouant en direct avec le film.Ainsi Faust de Murnau (du 6 au 8 avril), Lulu dePabst(du 10 au 12 avril) et Le Bonheur de Medvedkine (du14 au 19 avril) s’en trouvent révélés, autant par lesvoix que par la musique improvisée, qui ajoutent unedimension supplémentaire aux images, les tirantsouvent vers un comique qu’elles ne possèdent pastoujours, ou dont elles raniment la désuétude. Devant,derrière ou sur l’écran, les comédiens cabotinent etjouent une partition commune ; Lulu est plus vivanteque jamais, le bonheur de Khmyr et Anna plusgrinçant, parodique. Quant à Faust, il est bien sûr plusdiabolique encore…DO. M.

1er Festival CinéThéâtredu 6 au 19 avrilThéâtre Massalia04 95 04 95 70http://massalia.lafriche.org

Théâtre d’Algérie

Silence © Christophe Raynaud de Lage

L'Étoile et la come�te © Yves Jeanmougin, Casbah, Alger 2003

Faust © Monsieur Elian Bacchini

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Bien gaillards, les trois petits jeunes ducollectif Ildi!Eldi comme ils disent,vont au turbin avec entrain et sansrechigner, nous offrent 45 minutes depur délire concoctées à partir del’adaptation habile d’une nouvelle deWill Self, sérieux coquin des Lettresanglaises, connu pour ses frasques dehaut vol (prise d’héroïne dans l’avionprivé de John Major) et son humour à laJonathan Swift. Vice-Versa c’est quoi ?Une farce de derrière la jambe, unebelle satire qui tourne en boucle etqui à chaque passage, telle une peloted’épingles, ramasse de nouveauxpiquants qui vont grossir un sens déra-pant: Mister Bull consulte / Le médecindiagnostique / La secrétaire com-mente / Le jeune et frais -comme soncaleçon- rugbyman consulte pour uneplaie derrière le genou / Le libidineuxet tortueux Margoulis diagnostique laprésence d’un joli petit vagin / Lapétulante secrétaire meneuse de jeucommente et fait tourner la machine

avec son micro virevoltant. Rythmeimpeccable, acteurs malicieux qui jouentà jouer, étonnés eux-mêmes d’être sibons à ça (Sophie Cattani, FrançoisSabourin et Antoine Oppenheimsemblent jouir de la situation) et dis-positif léger comme une table dedissection qui favorise la circulationdes incongruités. «Que c’est bon d’êtredemoiselle...» distille et détaille la voixde la mutine Colette Renard pendantque le drame se noue... C’est grinçantet bien huilé, choquant et délicieux ; onaimerait dire tout ça en anglais ofcourse ! MARIE-JO DHÔ

Vice-Versa de Will Self, adapté et mis en scène par le collectif Ildi/Eldi, a été présenté à Montévidéo du 17 au 25 février(créé à Actoral / Paris en 2008)

11MONTÉVIDÉO | LES BERNARDINES THÉÂTRE

Nicole Yanni a créé le Théâtre du PetitMatin dans une ancienne menuiserie.C’est peut-être pour cela qu’aujourd’huielle s’interroge sur le geste de l’artisan,de l’artiste, sur leur relation à l’objet,au produit. Du corps à l’ouvrage, pré-senté aux Bernardines, est le résultatd’une longue approche, d’un chemine-ment d’écriture. Nicole Yanni a d’abordfilmé des artisans sur leurs lieux detravail ; parallèlement se tenaient destables rondes d’artistes. Ensuite, unecommande a été passée au jeune auteurRonan Chéneau, dont les textes poé-tiques, fondés sur les répétitions et leséchos rythmiques, disent la complexitéd’une société capitaliste mondialiséeet proposent des façons d’être dans cemonde, pour l’«aimer malgré tout mainte-nant, avec nous dans le chaos, avec tousces objets».Sur le plateau, c’est la chronique duprojet qui est donnée à voir. Vidéos noiret blanc des artisans, discussions oumonologues des artistes (4 comédiens,dont un incarne l’auteur en train d’écrirele texte du spectacle), échanges decourriels Yanni / Chéneau en voix off,régie à vue, le spectacle vise à montrerl’expérience : le travail des artisansrencontrés, qu’on voit tous en train de

façonner la matière (viande, fleurs, boisde guitare, tissus et même boules depétanque) ; celui des artistes en train depréparer le spectacle, qui s’interrogentsur ce qui reste de leur travail lorsquela représentation est finie.Tout cela donne un drôle de résultat, unpeu atelier mal rangé. «Comment liertoutes ces choses ensemble ?» se de-mande d’ailleurs le comédien qui tientle rôle de l’auteur. Pourtant le spec-tacle fonctionne parce qu’il sonnesincère et que, sur fond de crise, il esttout entier une déclaration d’amour aumonde d’aujourd’hui que les deux actri-ces, Céline Greleauet Maude Buinoud,remarquables, profèrent avec drôlerieau début et à la fin. Dans ce corps à l’ouvrage, ils ont mistout leur cœur.FRED ROBERT

Du corps à l’ouvrage est créé aux Bernardines par la Cie Cela nefinira jamais jusqu’au 21 mars

À venir aux BernardinesEva Doumbiapoursuit son travail entrel’Afrique et la France, avec la mise enscène de deux textes africains On nepayera pas l’oxygène d’Aristide Tar-nagda etLe Grand Ecart de DieudonnéNiangouna. Des acteurs de tous leshorizons et origines se côtoient dansce projet créé à Brazzaville puis Bamako,et les deux courtes pièces, où il est ques-tion de temps et de mort, sont jouéesdans le même décor. Du 31 mars au 11avril.

Théâtre des Bernardines04 91 24 30 40www.theatre-bernardines.org

Matière à discoursDeux hommes et un vagin

Vice-versa © Agne�s Mellon

Du corps a� l'ouvrage © Claudine Bertomeu

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LA CRIÉE | LE GYPTIS | LE LENCHE THÉÂTRE12

Mars en musique est fini (voir p 37), laCie du mini théâtre est en résidence àAlger, mais le théâtre du panier nechôme pas pour autant ! Pendant quela Cie algéroise El gosto joue des textesde Ziani Chérif Ayad un peu partoutdans le département (voir p 10), leThéâtre de la Mer, marseillais, re-prend au Lenche Les Oranges, d’AzizChouaki, auteur algérien qui vit enFrance depuis 20 ans. Reprend et crée,puisqu’en 2005 Akel Akianavait montéla première partie, sur les envolées etsoubresauts de l’Indépendance, vue etracontée par un homme-monde depuisson balcon. La seconde partie du texte, Akel Akiann’avait pu la monter, faute de temps,de financements… Elle suit le même fil,mais s’attache à l’Algérie algérienne,après le départ définitif des colons.Toujours porté par Belkacem Tir,comédien danseur attaché au Théâtrede la Mer depuis sa création. Car lethéâtre de la mer a bientôt 30 ans, etdepuis ce temps il n’a pas changé decap, allant toujours vers ceux qui nefranchissent pas naturellement lesportes des théâtres pour les aider àfaire le pas. Qu’il puisse aujourd’huimonter ce second volet d’un textemagnifique, dans ce qu’il dit et dans sadramaturgie particulière, est lecouronnement d’un travail de terrain,et d’un parcours artistique enconstante progression.A.F.

Les OrangesMes Akel Akian1ère partie du 31 mars au 4 avril 2nde partie du 7 au 11 avrilThéâtre de Lenche04 91 91 52 22www.theatredelenche.info

La Criée ouvre ses portes à AlfredoArias, chantre d’un théâtre déjantétout à la fois grinçant et joyeux, d’humeurcarnavalesque. En commençant parson Cabaret Brecht Tango Broadway (du19 au 21 mars) dans le hall accueillantaménagé en petit théâtre musical, pourun cabaret très music-hall, mais aussipolitique, avec les songs de Brecht etWeill, et la mémoire populaire des trot-toirs argentins et new yorkais, le toutporté par Sandra Guida et Alejandra

Radano, accompagnées au piano parEzéquiel Spucches.Quant au spectacle Divino amore, il seraaccueilli hors les murs au Gymnase(du 24 au 28 mars). Arias y explore lamémoire kitsch de la troupe romained’Origlia Palmi, mélangeant en un joyeuxbric-à-brac les mystères chrétiens et lefolklore gay… On y retrouvera les deuxchanteuses, et la géniale Marilù Marini,dans un pastiche de revue avec paillet-tes, strass et déguisements colorés…

Une toute autre humeur prendra placeau mois d’avril : le cabaret sera algérien(du 7 au 9 avril, voir p 10) tandis que laFriche accueillera à nouveau la pro-grammation hors les murs, avec unepièce très intéressante de Rémi deVos. Débrayage analyse en effet àtravers une série de courtes saynètesles situations d’oppression du mondedu travail en crise : chômage, rythmesinfernaux, aliénations, intégration parles salariés du discours des patrons,conséquences dans la sphère privée,le couple et la famille. La société y estobservée au scalpel, dans une écriturequi n’hésite pas à accélérer, à devenirféroce, à embrayer vers des momentsde folie, surréalistes et drôles… Lapièce est mise en scène par EricVignier, familier de l’écrivain. Écrite ily a dix ans, elle n’a rien perdu, hélas,de sa brûlante actualité…AGNÈS FRESCHEL

La Criée04 91 54 70 54www.theatre-lacriee.com

Star déchueAdapter Sunset boulevardpour la scènepouvait sembler un projet absurde : lefilm est un tel chef-d’œuvre, quel estdonc l’intérêt de l’entreprise ? Pourtantcela fonctionne : parce que le huis closde l’intrigue a effectivement quelquechose de théâtral, parce que Gloria, lastar du muet dont il est question, avaitun jeu très théâtral, et parce que la scé-nographie choisie par Jacques Hansen,un grand escalier où tout se joue, desimages projetées sur un écran transpa-rent, est à la fois cinématographique,stylisée, simple et belle… L’autre pari du spectacle était de miser

sur les points communs entre FrançoiseChatôt et le personnage de Gloria. Lacomédienne parvient sans peine à fairesentir les côtés pitoyables de son per-sonnage, pantin mécanique, décalé duréel, vivant d’illusions depuis toujours,et plus encore depuis qu’elle n’est plusbelle, plus star, plus rien. Las, l’émotionne parvient pas à franchir la rampe,parce que Françoise Chatôt, qui de faitn’est pas atteinte de la folie véritablede Gloria, ne peut en épouser naturel-lement les contours, et qu’en mêmetemps elle ne construit pas son per-sonnage, le metteur en scène ayant

visiblement misé sur des ressemblancestout à fait illusoires. Du coup FrançoiseChatôt n’est pas Gloria, et ne l’incarnepas non plus. En face d’elle les autresne peuvent pas jouer, et la pièce, malgrédes éclairs, manque de force, derythme, et d’intérêt.A.F.

Gloria est joué au Gyptis jusqu’au 21 mars

À venir au GyptisJuste avant le spectacle de Musicatreize(L’Arbalète magique le 16 avril, voirp 33), le Gyptis continuera à soutenirles compagnies de la région en accueil-lant la cie varoise Uppercuthéâtre.Depuis 2006 son Caligula est régu-lièrement repris dans la région. Lapièce de Camus sera jouée du 31 marsau 4 avril, dans une mise en scène deLaurent Ziveri remarquable, par sascénographie, sa direction d’acteurs etson intelligence d’un texte acrobatique…

CaligulaThéâtre Gyptisdu 31 mars au 4 avril 04 91 11 00 91www.theatregyptis.com

L’Algérie vue d’ici

Des deux côtés de la folie

De�brayage © A. Fonteray

Les Oranges © Agne�s Fuzibet

Gloria © F. Mouren-Provensal

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Théâtre du Gymnase0820 000 422www.lestheatres.net

Dans le cadre du Mois de la femme,Pierrette Monticelli a la très bonneidée de reprendre La femme changéeen bûche, qu’elle avait créé en 2007.Le texte de Marie N’Diaye est particu-lièrement savoureux : un de ces contesphilosophiques où la rencontre avec lediable coïncide avec le surgissementd’un inexprimable désir, et où la puni-tion, pour celle qui désira des escarpinsrouges, et se complut en vengeance,est la pétrification. En bûche pourtant,qui flotte. Un texte très féminin, discretpastiche de Kafka, mais où il est ques-tion de maternité et d’abandon, duplaisir et de la douleur aussi de marchersur des talons, de frôler les murs… Lemonologue est porté avec modestie etsensibilité par la comédienne, et par

les flûtes de Dominique Bouzon quil’accompagnent joliment.A.F.

La Femme changée en bûcheDu 26 au 29 marsLa Minoterie04 91 90 07 94www.minoterie.org

Le monde du théâtre est tel que, lorsqu’on se présente avecmodestie, que l’on brise le cérémonial, qu’on s’adresse aupublic comme à des copains, qu’on ne dissimule pas leplaisir qu’il y a à être là, généreux, sur scène, mais qu’aucontraire on renchérit, on attend les spectateurs en musiqueaux portes du spectacle, on remercie chacun… le monde duthéâtre est tel donc, que cet enthousiasme, cette manièred’être réellement populaire nativement sans doute, éveillesouvent la condescendance du «milieu». Pourtant le théâtrepopulaire de Philippe Car n’a rien à envier aux plus grands!Son Bourgeois Gentilhomme lui ressemble : c’est un clowntouchant, décalé où il est, à côté de ses chaussures qui leblessent horriblement, mais qu’il garde parce qu’un tailleurpour gentilhomme les a faites pour lui. Adaptant sans complexele texte de Molière comme on s’empare d’une intrigue com-mune, d’une histoire populaire, il en garde le plus comique :les scènes d’apprentissage où Jourdain se ridiculise, les dou-bles quiproquos des jeunes premiers, la grande «Truquerie»…Il y rajoute un jeu de marionnettes à taille humaine -magni-fiques créations, très bien manipulées-, une musique sympa(malgré les vilains sons synthé) interprétée en partie endirect, beaucoup de références japonisantes, un jeu declown constant, et le talent sans faille de Valérie Bournet.Ça marche, c’est beau et drôle, et on a rarement vu le publicdu Gymnase si enthousiaste!AGNÈS FRESCHEL

Le Bourgeois gentilhommed’après Molière est créé au Gymnase jusqu’au 21 mars par l’Agence de voyages imaginaires

À venir au GymnaseVous voulez connaître toutes les raisons de ne pas manquerOncle Vania du 8 au 16 avril ? Et bien, d’abord, c’est unepièce majeure d’un auteur majeur, le moment où Tchékhovsait le plus parfaitement mettre en scène les conflitshistoriques dans une sorte de laboratoire intime, familial,avec des personnages d’une complexité qui n’enlève rien àleur évidence… Ensuite, c’est Claudia Stavisky qui dirige,une des plus grandes, des plus classiques, des plus sûres denos metteurs en scène. Enfin, sur le plateau, il y auraPhilippe Torreton en médecin (séduisant) malgré lui, maisaussi la délicieuse et âcre Agnès Sourdillon, l’inénarrableDidier Bénureau, et la très talentueuse Marie Bunel.Convaincus ?

LE GYMNASE | LE MERLAN | LA MINOTERIE 13

Molière est son voisinDepuis plus de vingt ans Philippe Car pratique un théâtre populaire singulier.Drôle, musical, sympathique et… bourré de talent.

Ce que jouir veut direAprès ses spectacles autour des femmes(voir p 21) le Merlan propose un nouveaucycle, toujours autour des thématiquesdu corps : Sexamor s’interroge sur lesrelations entre le sexe et l’amour.Forcément liés ? Pas toujours ? Antino-miques ? Non… L’érotisme est-il toujourstabou au théâtre ? Le sexe, commel’écrit Nathalie Marteau directricedes lieux, nous fait-il «accéder à notreêtre authentique», ou n’est-ce encorequ’un mythe, celui d’une authenticitétout aussi illusoire que celle de notre«être» (voir p. 56) ? Quelques réponsesà ces questions surgiront peut-être, àtravers un duo/ duel de Pierre Meunier(Sexamor, à partir de 15 ans), deuxcourts spectacles pour adultes deFrançois Chaignaud et CeciliaBengolea (Pâquerette et Sylphide, surla pénétration et la réincarnation) etune expérience en tête-à-tête avecFrançois Chaignaud (Aussi bien que

ton cœur ouvre-moi les genoux, lecturepersonnelle de sonnets érotiques, rueGrignan, sur réservation). Probléma-tiques soulevées également lors d’undébat avec Marcela Yacub, unelecture de texte sur «La chose» parPierre Meunier à L’histoire de l’œil,des projections…

SexamorDu 30 mars au 4 avrilThéâtre du Merlan04 91 11 19 20www.merlan.org

Le Bourgeois gentilhomme © Agne�s Mellon

Sylphides © Donatien Veismann

© D. Bouzon

Femmes de bois

THÉÂTRE

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L’expérience qui consiste à montrer aupublic un chantier de création est tou-jours périlleuse. Eva Doumbia (La Partdu pauvre) et Claudia Schapira (NucleoBartolomeu) l’ont vécue l’autre jour au3bisf à Aix où elles présentaient lesprémices de Je t’écris... le métissage nes’arrête t-il pas où commence l’oubli (duvoyage) ? Un état de création plein depromesses, bourré de bonnes inten-tions et de belles idées, même si saforme actuelle devra se débarrasser desscories dues à sa jeunesse : un rythmequi s’essouffle, quelques longueurs etcertains caractères stéréotypés (ladroguée, la paumée…). «Il y a encoretrois semaines, il n’y avait rien, expliqueEva Doumbia en introduction à la pré-sentation, sauf des gens, un auteur, desmusiciens, un propos et des question-nements. C’est un processus de«digestion» que l’on restitue ici.» Car leprojet est plus vaste encore, véritableaventure artistique et humaine au longcours déployée sur plusieurs années etterritoires, entre la France et le Brésil.Sur le plateau, acteurs-chanteurs etmusiciens racontent des tranches devie coupées et décalées (pour reprendrel’une des danses de l’Afrique de l’Ouest)mises bout à bout, traversées desmêmes sentiments de solitude que l’onsoit à Alger ou à Sao Paulo, au Rwandaou à Marseille. L’exil, l’identité, lafratrie, l’abandon, l’oubli, l’amour : desthèmes universels habitent France,

Gladys, Christine ou Ibrahim… Si l’en-semble est encore un peu décousu, cesdestins croisés entaillés d’une mêmecicatrice devraient vite trouver le bontempo pour parler d’une seule voix. Touten conservant leurs multiples accents.MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Je t’écris... a été présenté le 27 fév au 3bisf à Aix

14 THÉÂTRE AIX: JEU DE PAUME | LE 3BISF | LES ATELIERS

Aux Ateliers on fait du théâtre avec lecœur, et ça se sent. Le public se serresur les bancs inconfortables, heureuxd’être là, et ça cause avant, après, dans

le hall étroit. La relation qui s’instaureentre les comédiens et ceux qui lesregardent est précieuse, immédiate-ment chaleureuse, pas un brin dans laconsommation. Ce soir-là, le spectaclequi se jouait n’était pourtant pas desplus faciles : les aphorismes antisociauxde Giorno, new yorkais road writer,étaient assénés, dédoublés, repétés surun mode systématique, déstructurésencore eux qui déjà ne manquaient pasde dynamite. Alice Chenu, petite comé-dienne butée, concentré d’énergie, lesdeux danseurs qui occupaient l’espacedes mots de la grâce de leur corps (déci-dément Emma Gustaffson est d’unerare splendeur) étaient mis en scène

par Alain Simonmaître des lieux, quifaisait lui même quelques apparitionsdécalées, comiques, parmi ces jeunesgens. Tout le monde est une déceptiontotale, disait le titre : le constat est radical,mais le spectacle, désordonné commele monde, violent comme lui, était portépar un esprit de résistance aux conven-tions théâtrales et sociales. L’avenirn’est pas si noir !A.F.

Tout le monde est une déceptiontotale, d’après John Giorno, mis en scène par Alain Simon, a été crée aux Ateliers (Aix) du 16 au 20 fév

Tisser ensemble des textes de Rémide Vos, Fabrice Melquiot, FrançoisMonnié, les lier par une vraie écriture,celle de Valérie Grail qui fait aussi lamise en scène, filer une intrigue -celled’une audition où le texte de chacunest un fragment de ce qu’il est- pouvait

sembler une bonne idée. Parce queces écritures sont fortes, parce que lescomédiens choisis sont excellents,parce que la mise en abyme du métierd’acteur, complété par un regard sur sesconditions de travail, et la marchandi-sation de la condition d’artiste (audition

ou casting ?) est un projet intéressant. Las le tout ne fait pas texte. Pour tisseril faut avoir du métier, et sans doute unmatériau moins disparate. Des momentssurnagent, magnifiques, séquences detextes drôles, cruels, véritables, criti-ques du monde du spectacle, de sessnobismes et des désirs de midinettequ’il suscite, apologie de ses enthou-siasmes aussi, face à la beauté… Maisle tout est décousu, pour filer la méta-phore de lingère. Vraiment dommage.Parce que ça peut donner au publicpeu familier de ces écritures l’idéequ’elles ont peu de sens ; mais surtoutparce qu’on sent qu’avec une vraietension dramatique ces acteurs-là etcette mise en scène auraient pu fairedes merveilles. On frôle le montage detextes façon atelier de théâtre, ouspectacle de sortie d’école…AGNÈS FRESCHEL

La Chance de ma vie a été joué du 10 au 14 mars au Jeu de Paume

À venir au Jeu de PaumeRouge Carmen, de Juliette Deschamps,la fille. Si l’opéra demeure la plus con-nue des œuvres lyriques françaises, lanouvelle de Mérimée qui l’inspira l’estun peu moins. Juliette Deschamps aconcentré l’action sur la fin de l’histoire,l’ultime rencontre de Don José et deCarmen, et a imaginé une pièce musi-cale en 11 tableaux, sur fond deflamenco. Sur scène un groupe de 5musiciens, dont Antonio Moya, re-donne au drame une couleur moinsopératique : le flamenco prit son essorà peu près à cette époque là, quandMérimée inventait sa cigarière… du 24au 28 mars.

Pas si décevant !

Nouveau chantier métissé

Tisser les textes

la chance de ma vie © Miche� le Laurent

Tout le monde est une de�ception totale, Alain Simonet Emma Gustafsson © X-D.R.

© Luaa Gabanini

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KOMM’N’ACT | AUBAGNE | THÉÂTRE ET CHANSON | CHÂTEAUVALLON 15

Sur les hauteurs de Toulon se trouveencore le CNCDC de Châteauvallon…avec son histoire mouvementée, sesparadoxes… actuellement en difficultésà cause de son statut ambigu héritédes oppositions avec l’ex-mairie FN…

mais aussi à cause d’une communi-cation opaque, et d’une illisibilité quasiconstante de sa programmation. Pour-tant elle est irréprochable et ses sallessont souvent pleines, et plus encore sesspectacles d’été, dans la magie de sonamphithéâtre face au soleil couchant ! Il ne manque donc pas de raisons pouraller à Châteauvallon : parce que Buffardy passe comme ailleurs ((Not) a lovesong le 23 mars, voir page 21) ; parceque Lagarce surtout, et un de ses plusbeaux textes : Le Pays lointain, ultime,posthume même. Le constat tragiqued’une jeunesse épuisée, qui vient réglerses dernières affaires familiales, maisest habité encore d’une bouleversanteenvie de vivre. Un texte que la Cie LesPossédés porte avec force… sur leshauteurs !A.F.

Châteauvallon (83)04 94 22 02 02www.chateauvallon.com

Jeune création européenneLe deuxième volet de Komm’n’act auralieu du 14 au 21 avril : l’occasion de voirle travail de création de jeunes euro-péens dans 5 lieux de Marseille (LaMinoterie, les Bernardines, Histoirede l’œil, la Compagnie et Montévi-déo). C’est donc par la mise en synergieque cet événement peut avoir lieu, quipermettra de voir 9 propositions : 1 régio-nale (Charles-Éric Petit) 2 autresfrançaises (The kisses cause trouble etBenjamin Bodi) et 5 européennes (Slo-venie, Espagne, Allemagne, Portugal,Autriche), plus la création des lauréatsde Komm’n’act 01, qui avait eu lieu en

2006 au Théâtre Vitez (Aix). Créationde Paulo Guerreiro, Marion Abeille,Geoffrey Coppiniqui ont répété en rési-dence au Théâtre Durance (04), à laTannerie de Barjols (83) et à la Minoterie.Beaucoup de performances, de la vidéo,du numérique, un peu de musique binaireet de danse minimale, et pas de texteau programme. L’avenir du théâtren’est pas forcément là, mais ce n’estqu’en y allant que vous en aurez lecœur net !A.F.

www.komm-n-act.com

Spectacle Rimbaud… L’occasion deretrouver des textes que l’on aime, laferveur d’Isabelle Bloch-Delahaie quiinterprète les poèmes mis en musiquepar Léo Ferré… Et c’est la respirationdu chanteur poète disparu qui nousreprend, avec ses pauses, ses sonsétouffés, son approche du mondelyrique, passionnée, sensuelle … Mais ily a aussi les créations de la chanteuse,sept, toutes intéressantes dans leurlecture juste et enthousiaste destextes. Isabelle, sœur d’Arthur, croiseses lettres avec celles de son frère,chacun s’approchant du génie, mêmesi l’une l’ignore tandis que l’autre levit... Le spectacle mélange les genres,les atmosphères, passant de lasensible interprétation en duo de

Sensation aux emportements sublimesdu Bateau Ivre. Incandescenceaffirmée, voulue, Isabelle Bloch-Delahaie brûle ici d’une émotion quientraîne son équipe, (MathieuRavera, magnifique au piano, à laguitare et dans les duos) dans unethéâtralisation sobre et efficace. Unbeau spectacle, qui ne triche jamais.Aux rappels, les bouquets embaument,ça sent le mimosa, et on emporte ceparfum avec soi comme des échos depoèmes…MARYVONNE COLOMBANI

Et toi tu marcheras dans le soleiljusqu’au 22 marsThéâtre et chanson, Aix04 42 27 37 39

L’humain en questionIssu d’un travail de recherche de deuxans sur les ouvrières des manufacturesde tabac de la Belle de Mai, Carmen-seitas, le spectacle d’Edmonde Franchiévoque l’histoire de la Seita, convoquela mémoire de ces femmes «oubliées»de l’Histoire, et plus généralement ladisparition d’un monde ouvrier (voir Zib15). Sans oublier le chœur de l’Académiedu chant populaire, dirigé par Alain Aubin(voir page 30), qui ponctue musicale-ment toutes ces scènes de vie. Le 28mars. À noter que le spectacle est aussijoué le 5 mai au Sémaphore à Port-de-Bouc (04 42 06 39 09).En partenariat avec la cie tunisienne

Radhedh, La cie Alzhar s’empare del’œuvre de. Koltès, Dans la solitudedes champs de coton, dans une miseen scène de Jeanne Poitevin. HeykelMani et Maxime Carasso campent lesdeux protagonistes inséparables d’undeal, métaphore sensible et troublantedes échanges humains en général. Le17 avril.DO.M.

Le Comœdia, Aubagne04 42 18 19 88www.aubagne.com

Sur les hauteurs

Deux Isabelles pourRimbaud

Pays Lointain © Les Possedes

Et toi tu marcheras dans le soleil © Christiane Robin

Carmenseitas © Agne�s Mellon

THÉÂTRE

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16 THÉÂTRE MASSALIA | GRASSE | CHÂTEAU-ARNOUX | CAVAILLON

RocambolesquePlace à la parole poétique, démesurée, subversive de Rodrigo Garcia, quel’Interlude Théâtre/Oratorio transpose dans un théâtre musical énergique etimagéJardinage humain, comme nombre de textes deRodrigo Garcia, brosse un portrait sans concessiond’une société de consommation annihilante, dont onsubit, encore et toujours, les effets dévastateurs surla pensée. Ici ce ne sont pas les jardins qu’on cultive,mais bien l’humain, par le biais d’un zapping quisurvole les enfants, les chiens, l’économie, le foot(«On peut apprendre à jouer au foot dans n’importe

quel coin, mais on peut aussi apprendre à lire, à écrireet à penser dans n’importe quel coin.»), les téléphonesportables… En 49 fragments, 3 listes et 18 dessins,sous-titre de la pièce, Eva Vallejo (à la mise enscène) et Bruno Soulier (pour la musique)entremêlent habilement texte et musique, dans unconcert rock décapant.DOMINIQUE MARÇON

Jardinage humainle 31 marsThéâtre de Grasse (06)04 93 40 53 00www.theatredegrasse.com

le 3 avrilThéâtre Durance, Château-Arnoux (04)04 92 64 27 34www.theatredurance.com

Encloses

La Casa de Bernarda Alba est peut êtrele chef-d’œuvre de Garcia Lorca.Posthume, terriblement pessimiste,écrite en 1936 quand le franquismegagnait et détruisait tous les rêves, ellemet en scène une aristocratie espa-gnole provinciale repliée sur des a prioride caste, un enfer de religiosité, une pru-derie qui empeste la perversité. Les huitfemmes enfermées dans leur huis closvolontaire y sont atroces de désirs re-foulés. La Piccola Compagnia dellaMagnolia, en résidence au ThéâtreDurance, montre cette mécanique, cetteinhumanité si pure et belle grâce à desmasques, des maquillages, des marion-nettes. Une façon de mettre à distance,et de s’adresser aussi aux plus jeunes,à travers ce chef-d’œuvre tragique.A.F.

La Casa de Bernarda Albale 27 marsThéâtre Durance, Château-Arnoux (04)04 92 64 27 34www.theatredurance.com

RéalisteDrôle d’histoire, embrouillée et terrible, que nousconte Les Ateliers de la Colline. La Tête à claquesc’est Stef, ou Mika, pas facile de démêler cela, ils sontjumeaux. Pour leur 12e anniversaire leur maman avaitpréparé un grand repas, qui n’a pas eu lieu. Et pourcause : l’un des deux avait été accusé d’avoir

provoqué des incendies, et arrêté le jour même…Douze ans après les voilà réunis autour d’un festin oùsont conviés de drôles d’invités, des poupéesfabriquées au fil des années, qui les aideront àdébrouiller le récit épique de leur vie. Coupables ?Boucs émissaires ? Seule certitude : ils ont été mis auban du petit village dans lequel ils vivent, etstigmatisés dès leur plus jeune âge, subissant unehistoire qui les dépasse. Auteur et metteur en scène,Jean Lambert offre un texte très humain, loin de toutmisérabilisme. Pour enfants à partir de 9 ans.DO.M.

Tête à claquesle 14 avrilScène Nationale de Cavaillon (84)04 90 78 64 64www.theatredecavaillon.com

Jardinage humain © X-D.R

Te�te a� claques © Lou He�rion

Casa de Bernarda Alba © X-D.R

La terre et le cielLe problème avec le théâtre d’objet est que sa poésieest fragile. Lorsqu’il manque de magie, d’esprit mutin,la fraîcheur enfantine qu’il transporte peut dégénéreren infantilisme mièvre. Ce n’est pas tout à fait le casavec Première neige : des moments tendres, la grâcede la danseuse, une belle opposition entre le terrienet l’aérien permettent d’éviter le pire. Mais on le frôle,à plusieurs endroits, faute d’écriture… Car dessinerdeux traits sur une feuille transparente, faire couler del’eau, tomber de la neige, ne suffit pas à alléger un jeuqui ressemble à s’y méprendre à ceux des enfantsdans les cours de récré. Qui font semblant, et s’endélectent, mais ont du mal à comprendre que les

adultes en fassent autant eux qui, à leur âge, ne sontplus censés se déguiser en Blanche Neige ous’écrouler quand on fait «Pan» avec un revolver à deuxdoigts… Mais le spectacle reste joli, et il suffirait peut-être d’un rien, d’une grâce de plus, d’uneaccélération, pour qu’il décolle…

Première neige à été joué au Théâtre Massalia du 13 au 17 mars, puis sera repris à Arles le 18 mars,aux Comoni (le Revest-les-Eaux) les 24 et 25 mars,au Théâtre Durance (Château-Arnoux) le 1er avril, et au Vélo Théâtre du 2 au 4 avril

Premie�re Neige © Ve� lo The�a�tre

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THÉÂTRE 17AVIGNON | DRAGUIGNAN

Criante vérité

Coédité par le Mémorial de la Shoah et les éditionsCalmann-Lévy, Des Voix sous la cendre est un recueil detextes poignants, témoignages terribles de Sonderkom-mando (équipe spéciale) constitué de juifs, détenus ducamp d’Auschwitz-Birkenau, contraints de décharger leschambres à gaz et de brûler les cadavres. Parmi ces voix,celle de Zalmen Gradowski, dont un carnet d’écritsfut découvert en mars 1945 lors de fouilles effectuéesprès du crématoire III de Birkenau, à l’intérieur d’unegourde allemande en aluminium fermée par un bouchonen métal. Membre très actif du mouvement clandestin

qui s’était formé au sein du Sonderkommando, il futprobablement tué lors de la révolte d’octobre 1944. Untexte laissé «en souvenir pour le futur monde de paix afinqu’on sache ce qui s’est passé ici […] Puisse l’avenirprononcer son jugement sur la base de ses notes, puissele monde y apercevoir au moins un pâle reflet du mondetragique dans lequel nous avons vécu…» Alain Timarmet en scène ce texte bouleversant, dans lequels’immerge le comédien François Clavier.Dans un esprit plus léger, la cie STAR Théâtre plongedans l’univers de Dickens avec Scrooge, d’après Unchant de Noël, et force masques et marionnettes. EtAnne Mauberret qui joue tous les personnages avecbrio.DO.M.

Une voix sous la cendremes Alain TimarDu 26 au 29 mars

ScroogeCie STAR ThéâtreLes 15 et 16 avrilThéâtre des Halles, Avignon (84)04 90 85 52 57www.theatredeshalles.com

Morale de l’histoire

Créée en 2005 au Théâtre du Chêne noir par GérardGélas, On ne badine pas avec l’amour est reprise pourun soir dans la salle avignonnaise. Il signait là une miseen scène alerte, jouant sur le décalage entre costumesd’époque, décors contemporains (et modulables,démultipliant les points de vue et les espaces) et airsjazzy, et s’appuyant sur le jeu impeccable descomédiens. Mélange savoureux et jubilatoire.

Puis le Théâtre du Kronope -de retour au Chêne Noiraprès Knock, Le Bossu et Le Malade imaginaire-, seservant de boîtes à histoires musicales comme d’uncoffre aux trésors, mettra en jeu les Fables de LaFontaine. Un théâtre où les masques et les costumesentraînent petits et grands dans l’univers grinçant etféerique du Loup et l’Agneau, La Cigale et la Fourmi, LeLion et le Rat…DO.M.

On ne badine pas avec l’amourle 2 avril

Les Fablesle 15 avrilThéâtre du Chêne Noir, Avignon (84)04 90 82 40 57www.chenenoir.fr

Mystère visibleImages vidéo, musique, lumières… Mis en scène parJean-Louis Kamoun, Le Petit Prince est ici réinventé, toutdroit sorti de l’imaginaire de l’aviateur, qui convoqueaussi le businessman, l’allumeur de réverbères, lerenard… Effets spéciaux, images animées (OlivierDurand) se substituent parfois au texte, les comédiensjouant aussi avec ce décor mouvant ou fixe très coloré.La beauté du texte n’en est que plus évidente.DO.M.

Le petit PrinceLes 15 et 17 avrilThéâtre du Balcon , Avignon (84)04 90 85 00 80www.theatredubalcon.org

En quête du pèreDouze ans après sa création, Wajdi Mouawad remonteLittoral. Une nouvelle mise en scène, avec une nouvelleéquipe, la cie Au carré de l’hypoténuse, et le souci dene pas trahir celui qu’il était alors, de «rester vivant etredonner à l’histoire sa présence.» Une histoire toujoursancrée dans la mémoire, la filiation, l’amour et l’exil, quiraconte le voyage initiatique d’un jeune garçon «quicherche un lieu de paix pour la sépulture de son père.»Au cours de son périple, au Liban, il rencontre une filleen colère, qui a perdu le sien il y a longtemps. Deuxréalités vont se confronter, qui l’aideront à se découvrir,à comprendre l’histoire d’une guerre qu’il porte en lui

mais qu’il ne connaît pas. Wajdi Mouawad est l’artiste associé du prochain Festivald’Avignon.DO.M.

LittoralWajdi MouawadLe 17 avrilThéâtres en Dracénie (Draguignan)04 94 50 59 59www.theatresendracenie.com

Réveillons-nous !Le printemps s’annonce, et pour l’accueillir comme il sedoit, la jeune grenouille Ranelot se précipite chez sonmeilleur ami Bufolet le crapaud. Les deux compères vontalors vivre des événements qui vont transformer lespetites choses de la vie en aventures, avec humour etcomplicité. Sophie Museur, du Théâtre des 4 mains/Canard Noir adapte le conte d’Arnold Lobel, où troiscomédiens/manipulateurs de marionnettes évoluentdans un décor champêtre au plus près des spectateurs…À partir de 3 ans.DO.M.

Ranelot et BufoletThéâtre des 4 mainsLe 18 avrilThéâtre des Doms (Avignon)04 90 14 07 99www.lesdoms.be

Franc�ois Clavier © Coco Felgeirolles

Ranelot et Bufolet © X-D.R

Casa de Bernarda Alba © X-D.R

Le Petit prince © X-D.R

On ne badine pas avec l'amour © Manuel Pascual

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18 THÉÂTRE OUEST PROVENCE | AIX | ARLES

Guy Pierre Couleau a créé à Gap unetrès belle version des Mains Sales, deSartre (voir Zib 15), particulièrementpertinente dans ces temps où la gauchetente de toute part de se refonder…Une histoire d’alliance, de trahison etde pureté rendue parfaitement par descomédiens rompus à cette langue théâ-trale didactique, mais puissante.Pièce savoureuse de Nathalie Sarraute,Pour un oui ou pour un non s’enrouleautour de ces quelques mots anodins:«C’est bien… ça» Si ce n’est que le ton,comment dire, condescendant ? va dé-clencher, chez les deux amis qui seretrouvent après s’être «un peu» perdusde vue, une joute verbale d’une granderichesse. Non-dits explicités, sous-entendus ressassés s’invitent dans cetteconversation où la communications’expose dans son impossibilité à cir-convenir l’éprouvé. Dans l’adaptation

en langue des signes de l’Internatio-nal Visual Theatre, mis en scène parPhilippe Carbonneaux, les rôles sontjoués pour la première fois par deuxfemmes, deux comédiennes sourdes(Emmanuelle Laboritet Chantal Lien-nel) doublées par deux comédiensmasculins. Un double langage, unedouble identité qui restitue l’écriture deNathalie Sarraute.DO.M. ET A.F.

Les Mains Salesle 10 avrilPour un oui ou pour un nonle 14 avrilThéâtre de l’Olivier (Istres)04 42 56 48 48www.scenesetcines.fr

Sur le pouceTout le monde connaît le Petit Poucet,le plus petit de la fratrie mais le plusmalin, et donc le seul à pouvoir sauverses frères de l’horrible fin promise parl’Ogre et les ramener à la maison lesbras chargés d’or et d’argent… La cieitalienne Accademia Perduta/Roma-gnia Teatri rend compte de l’universnoir du conte de Perrault. Seul enscène, Claudio Casadio campe le

décor, manipule des objets qui, entreses doigts, donnent vie à tous lespersonnages.DO.M.

Le Petit Poucetmes Gianni BissacaLe 7 avrilThéâtre de Fos04 42 11 01 99

Leçon de vieImmense succès et imposture littéraire,qui valut à son auteur Emile Ajar/Romain Gary d’obtenir son secondPrix Goncourt en 1975, La Vie devantsoi est aussi un succès théâtral, l’adap-

tation de Xavier Jaillard ayant d’ores etdéjà remporté les Molières 2008 dumeilleur spectacle de théâtre privé, dela meilleure adaptation et de la meil-leure actrice pour Myriam Boyer. Cettedernière incarne bien sûr Madame Rosa,ancienne prostituée au grand cœur,juive déportée à Auschwitz et qui s’estoccupée d’enfants «nés de travers»,comme le jeune Momo, qui vit avecelle depuis l’âge de trois ans. Un face àface qui révèle avec beaucoup d’émo-tions la tolérance et l’humanité despersonnages.DO.M.

La Vie devant soimes Didier Longle 2 avrilThéâtre de la Colonne (Miramas)04 90 58 37 86www.scenesetcines.fr

La Vie devant soi © Agence Enguerand

Les Mains sales © Synchro X

Il faut dire que la metteur en scène a faitappel, pour la traduction adaptation, àAlain Badiou, philosophe qui sait expli-citer les rapports entre passion et raison,légitimité et légalité. Ces deux conflitssont au cœur de la pièce de Kleist,marquée dans la mémoire collectivefrançaise par l’interprétation très senti-mentale de Gérard Philipe. Marie-JoséMalisvoulait renouer avec sa dimensionpolitique, et réfléchir au rapport du hérosà la loi, qui le dépasse en un sens parsa puissance (la raison du plus fort…)mais qu’il domine par la légitimité, ou labeauté de ses actions.La pièce de Kleist met en effet en jeuun prince emprisonné pour avoir gagné

une bataille… en contrevenant auxordres de l’Électeur de Brandebourg.Chacun veut le sauver, surtout Nathalie,fille de l’Électeur mais bien sûr amou-reuse du héros. Ceci dit même le peuple,l’armée, les ministres désirent sa grâce…Même le destin (l’inconscient ?), qui s’ex-prime dans de belles scènes nocturnes.Seule la Loi le condamne, Loi qu’ilintègre d’ailleurs, qu’il approuve…Marie-José Malis n’a donc pas voulufaire de cette pièce une apologie de larésistance à l’injustice, mais une ré-flexion sur l’exception, la dérogation…en cherchant un jeu contemporain«naturel», y compris dans ses débor-dements romantiques. Mais sans rien

enlever à sa longueur : 3h20 sansentracte. Quand on aime le théâtre onne compte pas le temps !AGNÈS FRESCHEL

Le Prince de HombourgVon KleistMes Marie José MalisThéâtre Vitez (Aix)Les 2 et 3 avril04 42 59 94 37 www.theatre-vitez.comThéâtre d’Arles Les 7 et 8 avril04 90 52 51 51www.theatre-arles.com

Illégitime loi ?Marie-José Malis vient de créer Le prince de Hombourg à Toulouse et Montpellier : son spectacle arrive à Aix et Arles, encensé par la critique…

Sartre et Sarraute

Le Prince de Hombourg © Franc�ois-Xavier Tourot

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19THÉÂTREPORT-DE-BOUC | MARTIGUES | NÎMES

En habits de parade«On a tous les jours 20 ans» proclame le Théâtre Le Sémaphoredepuis le début de la saison. Une vingtième saison au coursde laquelle on retrouve, au fil des spectacles, les compa-gnons fidèles, à l’image de la cie Agence de voyagesimaginairesde Philippe Car ou encore Jean-Louis Hourdinqui seront présents pour la soirée anniversaire. Une véritable

fête, puisque le Théâtre sera investit dès 18h30 par les comé-diens de l’Agence, en fanfare avec Wonderbrass et avec d’autressurprises dont un buffet, un cabaret imaginaire… Puis Jean-Louis Hourdin jouera Ça respire toujours avec Pierre Henriet Éloïse Brunet, un spectacle en hommage à l’oralité, à DarioFo et à Franca Rame, au théâtre et à ses divers artisanats…

Précédemment, en coréalisation avecles centres sociaux Nelson Mandela(le 14 avril) et Jacques Brel (le 15 avril),Pierre Henri, aven-turier de la langueaccompagné de l’accordéonistePatrick Fournier, jouera Fracas,hommage à l’art du verbe.DO.M.

Soirée anniversairele 17 avrilThéâtre Le Sémaphore, Port-de-Bouc04 42 06 39 09www.theatre-semaphore-portdebouc.com

Dorin en clowns

Michel Froehly et sa cie L’heure duloup sont des familiers de l’écriture dePhilippe Dorin. Ils ont monté ensem-ble un pertinent Bouge plus !, unimpertinent Christ sans hache…, lesautres auteurs qu’ils affectionnent sontValletti ou Dubillard. C’est dire s’ilsaiment la belle langue de théâtre ! AvecOne two one two three four (oui oui cecompte que font les musiciens pourpartir en mesure), ils continuent àadjoindre musique et texte, pour unspectacle tout à fait singulier. Uneépopée de cinq personnages, jouéspar trois acteurs, qui partent on ne saitoù, périplent, discutent, comptabilisentle réel, s’engueulent, repartent, rencon-trent d’autres gars, et s’interrompentpour des moments de poésie tout à faitincongrus. Les comédiens, l’un cabo-tin, l’autre féroce, et la troisième vivecomme une pétarade retenue, jouentavec le public, hilare, complice, diable-ment bien intentionné du Périscope.Un joli moment de théâtre convivial,dont on ressort sans trop savoir ce quis’y est passé, en regrettant la musiquepas à la hauteur, mais en ayant trouvélà l’ambiance qu’on aime dans lessalles de spectacle : celle du partage,de l’étonnement, et de l’énergiedécalée du réel. AGNÈS FRESCHEL

One two one… a été joué au Théâtre du Périscope de Nîmesdu 24 au 28 février

Fracas © X-D.R.

Philippe Dorin © Leila Bousnina

Pour la 2e édition de Mare Nostrum, temps fort qui rassembledes propositions théâtrales et musicales des pays du pour-tour de la Méditerranée, le Théâtre des Salins reçoit, pour lethéâtre, les metteurs en scène algériens Ziani Cherif Ayadet Taoufik Jebali, et le flamboyant acteur portugais TiagoRodrigues.Le Café du bonheur, accueilli en partenariat avec Le Séma-phore, se jouera le 25 mars dans le bar «Paradis» (quartierSaint-Roch), à Martigues, la veille au restaurant «Le Marakkech»de Port-de-Bouc. Des lieux propices à la rencontre et à laconvivialité, où deux grands artistes algériens, MohammedBoualleg et Tarik Bouarrara raconteront l’histoire de leurpays. Entre théâtre et music-hall, sketchs et chansons humo-ristiques, le spectacle fait renaître l’histoire populaire deschansonniers, des années 30 à l’indépendance. Le Sémaphoreaccueillera par ailleurs L’Étoile et la comète, création deAreski Mellal mise en scène par Ziani Cherif Ayad (les27 et 28 mars, voir également p 10).Le 25 mars, au Théâtre des Salins cette fois, Taoufik Jebalimet en scène Le Fou de Khalil Gibran, dans un spectacle

qui allie à la fois la musique, le théâtre,la danse et les images, mêlant le théâtrearabe traditionnel et les techniquesmodernes. Enfin, seul en scène, et à lamanière d’un conférencier, TiagoRodrigues racontera sa rencontreavec la ville de Beyrouth, oscillant entreconte philosophique et fantastique(L’Homme d’hier, les 26 et 27 mars) :un voyage où il rencontre son ombreprojetée dans toutes les époques de laville, et comme arrêtée à ses différentstraumatismes…DOMINIQUE MARÇON

Mare NostrumDu 24 au 28 mars

À venir aux SalinsLe 3 avril (annulation de la représentation du 4) YannickJaulin contera ses démons, ceux d’un homme «qui aimaittellement les histoires qu’il s’est fait avoir par l’une d’elles.»Leçon de vie d’un Terrien dont on suit le parcours pas à pas,d’une enfance rêveuse à l’enrôlement dans une secte… Les 16 et 17 avril les deux volets de Je Tremble seront sur lascène de Martigues. Ce n’est pas le meilleur Pommerat,et le second volet surtout traîne en fantasmes. Mais c’est duPommerat tout de même, avec ses éclairs de lumière,d’émotion, de révolte. De génie ?

Théâtre Les Salins (Martigues)04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.fr

Théâtre Le Sémaphore (Port-de-Bouc)04 42 06 39 09www.theatre-portdebouc.com

Le Fou © X-D.R.

Ailleurs, la curiosité

Le Prince de Hombourg © Franc�ois-Xavier Tourot

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20 DANSE LES HIVERNALES

À côté de la transe

À la Chartreuse, Arles, Cavaillon, et partout dans Avignon, les Hivernales ont une fois encore réchauffé nos vacances d’hiver…

Entre danse et théâtre, Entracte, de JosefNadj, traduit les représentations du Yiking ou Livre des transformations, imagemathématique du monde au cœur de lapensée chinoise depuis des millénaires,basée sur le système binaire du yin et duyang. Sur scène un double quatuor, quatredanseurs et quatre musiciens, occupel’espace ; la musique d’Akosh Szelevényi(improvisations jazz) est au cœur du dispo-sitif, puissante, omniprésente, phagocytel’espace dansé. L’énergie qu’elle insuffleporte les corps instables des danseurs,sans cesse en mouvements, brisés parfoismais toujours reliés les uns aux autres.

Nadj poursuit aussi son travail plastique,transformant, dans un duo d’une étrangebeauté, les pieds de Marlène Rostaing(seule femme !) en pinceau trempé dansl’encre rouge ; ou créant d’étranges ta-bleaux d’ombres chinoises derrière desparavents éclairés de lumières mou-vantes… moments trop rares : le tempss’étire, ouïe et vision se perdent dans unerecherche de transe totale, pas vraimentatteinte.DO.M.

Entracte a été dansée les 26 et 27février au Théâtre de Cavaillon

In Side ©Ste�phane Gladyszewski

© Fre�de�ric Desmesures

3 ans pour concevoir ce Bel Aujourd’hui,projet un peu fou autour du poèteMallarmé, touche à tout à la divagationprolixe. 1 parcours-spectacle en 5 volets,pour le 140e anniversaire de l’écritured’Igitur, 3h30 de déambulation pour unpublic partagé au haZard en 4 tribus.Passant d’un lieu à l’autre, découvrant aupassage des petits solos dansés, il enprofite pour visiter une Chartreuse auxmystères infinis. La plasticienne JoëlleMolina a conçu une exposition inspiréedes liens (posthumes) de Mallarmé avecla psychanalyse, qu’elle déroule en «cham-bres des mystères d’Igitur» Visite guidéetrépidante qui, à moins d’être déjà initiéà la rhétorique mallarméenne (pentagram-me stphn ? un coup de dé ? le psaltérion?)laisse le spectateur encombré de mys-tères... S’ensuit une conférence des plussérieuses, par Philippe Verrièle qui litdeux courtes fictions sur l’écrivain et sonrapport à la danse... Dans la cave des 25

toises, Jean-Christophe Paré fait défilersur le sable 12 danseurs dans descostumes surprenants, conçus à partird’un journal de mode que Mallarméécrivit... Mention spéciale aux costumesmasculins ! Puis, ailleurs, deux jeunes dan-seuses offrent une délicieuse leçon dedanse (classique), telle que le poète putla découvrir au XIXe. Enfin le public réunis’installe dans le Tinel pour assister auspectacle d’Andy de Groat à partir de laFolie d’Igitur, bercé entre Chopin et Radio-head. Un peu fourre tout, à la cacophoniebabélienne pas toujours lisible mais avecdes danseurs investis et étonnants, et sur-tout une peuplade d’individus, de masquesà gaz et de petites souris, aussi étrangesque différents.DELPHINE MICHELANGELI

Mallarmé le Bel Aujourd’huia été joué les 19, 20 et 21 fév à La Chartreuse

Déambulation Mallarméenne PourquoiQuatorze ?La création de David Wampach estexemplaire des impasses persistantesd’une certaine (non)danse contemporaine.Confrontées à un manque de moyenschronique elle présente au public desbout à bout d’impros, plus ou moins co-dées, interprétées par des corps sansaucune technique de danse. On y trouve,immanquablement, ce que les stages fontfaire aux débutants-avancés pour lesfamiliariser avec l’autre, et l’espace scéni-que : on marche en crabe, côte à côte,on réagit à des impulsions communes,on traverse en latéral, en diagonale, enrasant les murs, on joue avec le corpsinerte de l’autre, on rit, on crie, on ahane,on pleure, on se lâche. C’est agaçant, en-nuyeux, puis franchement énervant. Les45 minutes s’éternisent… La seule bonneidée, justement, est de ne pas faire durerQuatorze plus longtemps. Car cela nuitterriblement à l’image de la danse contem-poraine, ce n’importe quoi justifiantsouvent le discours réac du «il y a tropd’artistes», ou trop de spectacles. Quandon n’a rien à dire, pas de moyens, pasd’idée, pas d’interprètes, ce qui peut ar-river à tout artiste un jour ou l’autre, il nefaut pas se présenter devant un public…AGNÈS FRESCHEL

Quatorze a été dansé le 23 fév à Benoît XII, Avignon

La persistancedu pample-mousse

Le parcours proposé par le plasticienquébequois Stéphane Gladyszewski àl’intérieur de la Maison Jean Vilar estbluffant. Jouant d’effets d’optique, de per-sistance rétinienne, il fait entrevoir desfantômes de corps, des traces, des om-bres, des spectres un instant allumés quiréapparaissent un peu plus loin, des corpssoudain nus, flashés, des pamplemous-ses qui semblent posséder une lumièreintérieure lorsqu’on les écorche. Leshumains ont des queues de reptiles, desmasques d’argiles, et l’on traverse troissalles pour les suivre In Side, dans un petitthéâtre d’ombre où les images projetéessur les corps se multiplient jusqu’à fairedisparaître la sensation même du réel.Est-il là, ce corps qui se dédouble ? Quevoit-on ? On n’en sait rien, mais on devineque tout cela est simple, artisanal commeles illusions de Méliès. Mais tout à l’in-térieur des yeux.AGNÈS FRESCHEL

In Side a été dansé à la Maison JeanVilar, Avignon, du 22 au 24 fév

Ces corps de femmes

Le dernier spectacle deMichel Schweizer,ôQueens, reprend les ingrédients desprécédents : des chiens, des corps ensemi-représentation, des discours sur lemonde et sa marchandisation… Là encore,comme dans Kingsson pendant masculin,il expérimente l’effet de discours entre-croisés : celui d’une danseuse classique,d’une strip-teaseuse et d’une culturistequi parlent de leur rapport narcissiqueet/ou douloureux à leur corps, et le met-tent en scène ; le «discours intérieur» deschiens philosophes filmés en gros plans;le sien, lui qui cette fois est à la fois séduc-teur, compagnon et metteur en scène de

ces femmes qui se livrent. Même si onne comprend pas vraiment le sens de lavidéo introductive, même si par momentsça prend un peu trop son temps, c’estencore plus fort que Kings, parce que lediscours ambigu sur la meute masculinea fait place à une démonstration plus sen-sible, qui se permet d’être nettementdrôle, ou nettement émue, comme quandla voix masquée chante la Mort de Didonpendant que l’effeuilleuse s’exécute… AGNÈS FRESCHEL

ôQueens a été dansé au Théâtre d’Arles le 24 fev

Voyages d’hiver

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21DANSELE MERLAN

In Side ©Ste�phane Gladyszewski

Il y a une chose que les hommes ou-blient souvent, (et la psychanalyse ?),c’est que les femmes naissent du corpsd’une femme, et que leur rapport auxautres corps féminins est teinté de nos-talgie, et du même désir de retour aubercail qu’ils éprouvent… La dernièrescène de Correspondances, où lesdeux danseuses s’attachent à desmamelles de latex, les palpent, les tètent,puis s’aspergent de lait, s’y roulent et s’y

délectent… le rappelle avec force!Car le duo de Kettly Noël et NelisiweXaba explore avec une gaieté neuveles rapports qu’ont entre elles les fem-mes. Apprêtées, rivales, à nu, ludiques,délirantes, elles jouent ensemble, sedonnent des ordres, les contournentavec humour, miment à l’unisson desparoles, se menacent de leurs talonsaiguilles. Magnifiques oui, fémininesoui, soumises non, comme elles disent.C’est drôle, jusqu’à la fin émouvante.Autre chose : ce spectacle joué pardeux femmes noires pourrait l’être pardes blanches ou des jaunes (sauf pourle contraste du lait répandu ?). Parcequ’encore une fois l’origine qu’ellesnous montrent n’est pas celui de nosattentes…A.F.

Correspondances a été présenté au Merlan du 8 au 11 mars, authéâtre d’Arles le 13 mars, et serajoué à Cavaillon du 6 au 10 avril entournée Nomades

Le deuxième sexe au premier planAu Merlan des femmes ont dansé. Mais avant un homme a parlé d’elles, comme il avait parlé d’eux

Douleur intarissableLe cœur et le corps à vif, les trois inter-prètes des Inconsolés disent avecradicalité la cruauté des relationshumaines. Si le chorégraphe fait enten-dre des bribes du Roi des Aulnes deGoethe et des extraits de l’albumPersuasion de Throbbing Gristle, c’estpour amplifier la désespérance del’Etre : le père, l’enfant, la sœur, lamère… Personnages de fiction ? Sou-venirs d’enfance ? Figures poétiques ?Peu importe, Alain Buffard livre savision mortifère de l’amour et du désa-mour, de l’alliance et de la «désalliance»à travers la chute vertigineuse des corps.Des corps en souffrance quasi perma-nente, tout autant physique que morale,livrés à nu sur le plateau, la peau offerteà la lumière crue et au regard fixe duspectateur, lui-même frôlant l’asphyxiedans la pénombre. Face à la mise endanger de leur intégrité, les danseurs -dont Alain Buffard- sont exceptionnelsde concentration et de force, provo-quant le malaise quand la violencescande leurs mouvements et la sexua-

lité dicte leurs postures. Un malaise quiperdure longtemps encore lorsque latragédie se déplace derrière un écranvidéo, filtre adoucissant et protecteurentre la réalité et la fiction, la moraleet l’innommable, la domination et ladépendance. Mais de quels mondessont-ils les survivants, ces corps sup-pliciés à la manière de Francis Bacon,masques grimaçants ou yeux bandés,gisants revenus d’entre les morts pourchuchoter à l’oreille des vivantsquelques vers de Goethe ?MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

(Not) a love song n’est pas la plusgrande réussite de Buffard. Quoi qu’ilfasse, et même si ses interprètes sontmagnifiques, quelque chose d’un peuplaqué demeure dans cette démons-tration de féminités mise en scène parun homme. Son regard les interrogebien dans leur être et non dans leurimage, pourtant. Mais la suite de sé-quences reste comme à la surface deleur peau. Les Inconsolés, avec lesmêmes procédés de correspondancefloue entre la nostalgie de la musique

et l’esquisse de gestuelles référencées-comme si les corps prenaient desposes entrevues sur des tableaux, deschromos, des magazines- semblenettement plus «vécus»…A.F.

Les Inconsolés a été présenté au Merlan le 23 fév,

(Not) a love song le 21 fév au Merlan,et le 24 fev au Théâtre de Nîmes et 26 au 28 marsau Pavillon Noir

Vacuité féminineNadia Beugré est dans une démarcheautobiochorégraphique assez tou-chante. Parce que l’être qu’elle présentesur scène est complexe, riche decontradictions même : androgyne,musclée, noire, elle se présente crânerasé, en marcel kaki… Entre deux

sexes elle semble aussi entre deuxdanses -gagnée parfois par l’Afrique,puis retournant à la contemporaine.Son solo, construit sur des lignesdroites -elle traverse la scène endiagonales ou longe les murs- offrehélas une progression limitée, dupresque rien à des moments net-tement plus dansés, jusqu’au constatd’un pénis absent. Dommage, car laprésence est forte, loin d’être videjustement dans cet espace, et lemusicien qui l’accompagne est parti-culièrement intéressant lui aussi dansses paradoxes : faisant jaillir des sonsafricains de sa batterie, il arrache desfrottements improvisés aux instru-ments traditionnels…A.F.

Un espace vide, moia été présenté au Merlan du 8 au 11 mars

L’origine du monde

Not inside

Les Inconsolé�s © Marc Domage

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Nadia Beugré © EFitte-Duval

Correspondances ©

Eric Boudet

Page 22: zibeline n°17

DANSE22 AUBAGNE | CHÂTEAU-ARNOUX | GAP

La scène Nationale de Gap accueilleelle aussi un programme de Soli. Maisles interprètes seront des danseuses :Hélène Cathala, ancienne danseusede la Cie Bagouet, en sept tableauxécrits depuis son intimité, interprèteShagga, portrait en noir, nuisette et basdentelle, d’une femme chez elle, quipense à un homme. Puis Julie Dossavi,danseuse Guinéenne qui accompagnela cie Salia Nî Seydou, danse un soloécrit pour elle par Daniel Larrieu,intitulé À chaque vent le papillon sedéplace sur le saule (les 19 et 20 mars).

La scène de Gap accueillera ensuiteune familière des lieux : la chorégrapheNathalie Pernette a conçu pour lessix danseurs de sa Cie un Repas, spec-tacle se déroulant tout entier autourd’une table, le temps d’un dîner (le 14avril). Postures, regards, objets et gestesd’un repas de famille sont regardés à laloupe, les tensions et les complicitésaussi, menées jusqu’au bout des fantas-mes… jusqu’à ce que les couvertsdeviennent des instruments d’agres-sion…. A.F.

La PasserelleScène Nationale de Gap (05)04 92 52 52 52www.ville-gap.fr

Pour chacunDanse en avril 2009 le confirme ! Chaque année le théâtred’Aubagne réussit un festival particulièrement pertinent,attentif aux chorégraphes d’ici mais pas queUn des problèmes de la danse àAubagne est la taille du plateau duComœdia : problème résolu depuis queDanse en avril investit la grande sallede la Penne-sur-Huveaune. MêmeMaguy Marin y était à l’aise ! Cette annéeelle accueillera, en ouverture du Festival,les 31 mars et 1er avril, le Ballet d’Europe(voir page 24), et un autre spectacle aidéà la diffusion par le dispositif Saison 131 :Et pluie c’est tout, chorégraphié et inter-prété par Wendy Cornu et HélènePeureux, un duo pour enfants autourde l’excitation physique que provoquela pluie (le 1er avril à 15h). Puis retour au Comœdia, qui abriteradonc de petites et moyennes formes :le très joli trio pour enfants de MichelKelemenis, L’Amoureuse de MonsieurMuscle, pièce mutine et anatomique (le2 avril); deux pièces de Sylvain Groud,magnifique danseur devenu chorégra-phe, ancien de chez Preljocaj, qui viendraoffrir un avant goût de sa prochainecréation Cordes, et un retour sur Batailleintime, un duo formidable créé avec le

comédien Bruno Bayeux sur un textede Topor (le 4 avril).La semaine suivante débutera par unduo et un solo «regardé» de Gallotta :Sunset fratell et l’Incessante (le 8 avril),deux pièces très émues, sur la mortbrutale et le temps qui transforme leregard amoureux ; et le deuxième week-end se passera dehors, en espérant fairementir l’adage, et que le fil d’avril pourracette année encore se découvrir. Car ExNihilo performera trois fois ses Trajetsde vie trajets de ville les 10 et 11 avril, etThierry Thieu Niang, toujours à larecherche de la danse de chacun, feravibrer ensemble 25 amateurs de 7 à77 ans (L’échange les 11 et 12 avril).Quinze jours de danse qui, tout en pro-grammant très volontairement deschorégraphes qui vivent et travaillentici, restent attentifs à faciliter l’accès àla danse : des enfants, des gens quipassent, et de tous ceux qui veulent semettre en mouvement…AGNÈS FRESCHEL

Danse en avrilEspace de La Penne sur Huveaune04 91 24 70 42Théâtre Comœdia, Aubagne04 42 18 19 88www.aubagne.com

1 Un dispositif du département 13 qui prend en charge une partie del’achat de certains spectacles, éditéssur un catalogue pour les petites et moyennes communes. L’aide étantinversement proportionnelle à la taille de la commune, le dispositifpermet, depuis des années, une meilleure diffusion territoriale du spectacle vivant.

Le solo est un exercice peu pratiquédans le hip hop : bien sûr il y a des mo-ments de démo solitaire, défi jeté à laface de l’autre, performatif. Mais peude véritables pièces courtes formantun tout expressif. Trois danseurs de lacie Rêvolution se livrent donc à cetexercice d’écriture sur leur propre corps,explorant l’une la répulsion, l’autre la bes-tialité, et le troisième l’abandon (le 21mars). Les trois soli seront précédés d’untravail du chorégraphe William Petitavec un groupe d’amateurs, à qui il atransmis une de ses pièces Elan C.Quant à la cie Käfig, elle a eu la bonneidée de reprendre le quintet masculin

qui assis sa notoriété : Récital est uneexplosion festive, un festival de figuresépoustouflantes et joyeuses qui sortentla danse hip hop des clichés de la musi-que hip hop, pour la plonger dans unrécital acoustique classique, traficotéet commenté par la musique de FranckII Louise. La pièce a fait date, pas parhasard (le 10 avril)…A.F.

Théâtre DuranceChâteau-Arnoux (04)04 92 64 27 34www.theatredurance.com

Femmes à la Passerelle !Break !Deux soirées hip hop au théâtre Durance :la reprise de Récital et la soirée de Soli

Soli - cie Rê�volution © Jean-Jacques Mahé�

Cie Sylvain Groud, Bataille intime © David Morganti

Le Repas © Se�bastien Laurent

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23DANSEBNM | DRAGUIGNAN

La deuxième promotion de DANCE, programme euro-péen de formation de jeunes danseurs chorégraphes,a littéralement bluffé le public du Grand Studio duBNM. La première manquait de qualités techniques,même si leur inventivité chorégraphique pointaitsous la maladresse. Cette promo là est parfaite.Techniquement d’abord, ce sont de bons danseurscontemporains, rapides, souples, athlétiques et précis.Certains sont d’ores et déjà des interprètes de grandtalent, comme Malgorzata Czajowska, Noémie Etlin,Juan Corres… Mais surtout, malgré leur jeune âge, ils sont capablesde concevoir un programme : la succession des pièces,alternant duos, brefs soli et trios pour finir sur unegrande forme, des musiques aussi, de Chopin à Bjorken passant par de la bonne électro, des tonalités,

intimistes ou drôles, mécaniques ou débridées…construisent un spectacle de près de deux heuressans un gramme d’ennui. Toutes les pièces ne sont pasdu même niveau d’écriture mais aucune n’est ridiculeou vaine, ce qui est rarissime lors des cartes blancheslaissées aux interprètes ici ou là ! Ainsi Samuel Denton,Giacomo Corvana, Juan Corres… (par exemple) sem-blent maîtriser toutes les difficultés de l’écriturechorégraphique, depuis les unissons et les portés,jusqu’à la danse au sol, la théâtralité, la musicalité,l’écriture de l’espace et de la lumière. Seul un trajetclair parfois leur manque, un propos lisible… On se réjouit donc que le Ballet National de Marseilleengage quatre de ces jeunes gens ! et qu’après leurprestation au Pavillon Noir (voir p 24) on les retrouvebientôt réunis pour danser Success Story à Marseille…

Mais on déplore d’autant plus quecette formation, si efficace semble-t-ildans sa pluridisciplinarité, et sonprojet de former des danseurs/créateurs, s’achève au bout de cesdeux seules promos !AGNÈS FRESCHEL

La Carte Blanche aux stagiaires de DANCE s’est déroulée les 27 et 28 fév dans le Grand Studio du Ballet National de Marseille

Vive le Vent !Tous les ans la scène de Draguignan,conventionnée pour la danse, concocteau mois d’avril un programme particu-lièrement pertinent. Cela s’appelle lesVents du levant, parce que c’estplutôt tourné vers l’Orient, le sud entous cas, sans exotisme : de la dansecontemporaine et non ethnique, maisteintée d’horizons lointains.Cette année encore le programme estéquilibré et très alléchant : musicalsouvent, puisque le sublime flamencod’Israel Galvan se joue autant qu’il sedanse (La Edad de oro le 24 mars), queSidi Larbi Cherkaoui cherche sonOrigine (les 11 et12 avril) en se plongeantdans la musique d’Hildegarde vonBingen autant que dans de chantsmaronites. Sa pièce libre, puissante,parle avec une force nouvelle de cettedifficulté à concilier deux origines, àvivre dans un monde où les corps,lorsqu’ils ne sont pas séparés dans descases, s’entrechoquent avec lesautres, leur mémoire, le réel… La création d’Abou Lagraa raconte un

peu la même histoire. Paradoxalement,puisque c’est un duo d’amour, interpré-té avec sa femme, magnifique. Mais làencore la musique, l’eau, la lumière,semblent tisser des arabesques contrai-gnantes, des obstacles internes, etdessiner des frontières qui contrarientle destin des corps. Jusqu’à ce qu’ils s’ysoumettent… Un très beau duo, intituléD’eux sens, le 7 avril. Et puis un solosoufi de Ziya Azazi, intitulé explicite-ment Dervish (le 28 mars) et… il y aFebre, le spectacle hallucinant de la CieMembros, sur les enfants des rues bré-siliens. Violent, fait de beauté brute etde nudité sensuelle, sexuelle ; mortelleaussi, déchirante. À ne pas rater, le 31mars, même si on le déconseille aux en-fants et aux âmes sensibles (prudes ?).Dans un genre tout autre, hip hoppourtant par moments, mais plus légeret ludique, la Bossa Fataka de Rameau(le 3 avril). Tout le talent desMontalvo/Hervieu (voir p 25) au service d’unerevisitation visuelle du baroque : uneépoque, mais aussi une folie, un tempo,

une jubilation… Dans le genre plus léger,pour les enfants aussi, le groupeNocesraconte l’histoire de Bubulle, le poissonrouge disparu (Du sirop dans l’eau le 15avril). À Lorgues, parce que la Dracénieça n’est pas que Draguignan, même sile plateau y est parfait pour la danse !AGNÈS FRESCHEL

Les Vents du Levantdu 24 mars au 15 avrilThéâtres en Dracénie, (83)04 94 50 59 50www.theatresendracenie.com

Quelle promo !

© Agnès Mellon

Fèbre © Agnès Mellon

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Good Morning, Mr. Gershwin, la dernière mosaïque chorégra-phique de José Montalvo et Dominique Hervieu, ressembleà une coupe de champagne. Elle pétille, fait tourner la têteet donne des fourmis dans les jambes tant la jubilation desinterprètes est généreuse. Sur scène et sur grand écran, leduo complice fait swinguer quinze danseurs pour rendrehommage au compositeur américain, dont il avait déjà saluéle talent en montant Porgy and Bess. Cet univers musicalsemble fait pour eux, immense collage de genres et detechniques, de virtuosité et de fantaisie, l’interactivité entrele plateau et l’image vidéo fonction-nant, comme toujours, avec justesse.De saynètes dansées insouciantes entableaux musicaux plus graves, GoodMorning, Mr. Gershwin fait revivre lesannées 30 à Broadway, les premiersriffs syncopés du jazz, l’âpreté de lamusique noire américaine, les effetsde la dépression américaine… Lespectacle se lit comme une revue demusic-hall, si prisée à l’époque, portéeici par des danseurs et des chanteursfidèles à l’esprit des comédies musi-cales américaines. Les Pin Up, lesnaïades et autres Betty Boop ne sontjamais bien loin, même si le spectaclen’oublie pas les tristes souvenirs de laségrégation raciale ! Avec leur feu

d’artifice d’images énergiques, les deux chorégraphes ontrelevé le défi de l’écriture musicale foisonnante de Gershwinen inventant leur propre partition. Celle qui sait si bienchahuter les codes du jazz, du hip hop, de la danse classiqueet des claquettes.MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Good Morning, Mr. Gershwin a été présenté au Grand Théâtre de Provence (Aix) du 18 au 21 février

PAVILLON NOIR | GTP | BALLET D’EUROPEDANSE24

Entre deux créations et tournées, leBallet d’europe ne chôme pas et seproduit un peu partout dans la région.À Vitrolles d’abord, le 21 mars, avecune reprise de la pièce que GeorgesAppaix avait créée Pour Eux, travaillantsur ces corps à la technique classiquepour les amener vers une gestuelle plus«naturelle». Jean-Charles Gil y repren-dra aussi FOLAVI, une pièce gaie ettonique autour de Vivaldi, et Schubertin love, romantique à souhait… Dans le cadre du dispositif Saison 13un double programme tournera dans ledépartement, tout d’abord à la Penne-sur-Huveaune dans le cadre de Danseen avril (le 31 mars, voir p 22), puis àRognac (le 17 avril), Pertuis… Autourd’eux articule des pièces écrites pourou par les formidables danseurs de laCie : celle d’Appaix, et Histoire d’Eux,une pièce variable faite de courtes créa-tions des danseurs et de Jean-CharlesGil, autour d’une scénographie com-mune, comme toujours confiée àJean-Michel Bruyère.A.F.

Ballet d’Europe04 96 13 01 12www.balletdeurope.org

Art et libertéMonument aux morts, avertissementaux vivants, À nos héros de Preljocajdonne lieu à diverses interprétations.Mais reprendre aujourd’hui cette piècede 1986, profondément engagée con-tre le totalitarisme, n’est certainementpas innocent… Déconcertante par sesrépétitions qui parfois atteignent l’insou-tenable, comme ce bond répété centfois, ces gestes mécaniques qui seheurtent à l’impossible dépassementdes corps, aspirations avortées au pieddu monument aux formes géométriqueset écrasantes, la chorégraphie est admi-rablement servie par les jeunes danseursde la formation D.A.N.C.E. (voir p.23).Les moments musicaux alternent avecdes silences où les corps créent alorsleurs propres rythmes. La musique deMarc Khanneentraîne ces mouvementsqui rappellent l’esthétique du réalismesoviétique, tandis que le lyrisme desextraits de Khatchatourian apporteun contrepoint de rêve, d’idéal impos-sible, inatteignable et condamné. Leseffets de lumière, merveilleux, nousplongent dans des tableaux cinétiques.Et que dire de ce passage poétique oùles mains des danseurs étendus, seules

encore vivantes, tissent les rayons delumière… Magique.

À nos héros a été dansé au Pavillon Noir du 13 au 15 mars

À venir au Pavillon NoirOutre (Not) a love song d’AlainBuffard (du 26 au 28 mars, voir page21), le pavillon Noir programmera Les4 saisons, une pièce écrite en 2005par Preljocaj et guidée par un désir delégèreté, de couleurs, de pétillancevisuelle. Aidé par les inventions loufdin-gues de «basse technologie» inventéespar Fabrice Hyber, le chorégrapheatteint la légèreté et l’enthousiasmeprintanier, mais sème le trouble égale-ment, avec des jeux de masques, dedoubles et de mort… du 6 au 10 avril,dans le cadre des Rencontres du 9eart.Le Pavillon corsaire accueillera égale-ment Waxtaan de Germaine Accogny,une pièce portée par huit danseursafricains exceptionnels, accompagnéspar des percussions omniprésentes.La chorégraphe y ridiculise l’attitude deces hommes africains qui serrent desmains, engoncés dans leurs costumes

et encombrés d’attachés case, maissont gagnés, hors de leur sphère socia-le, par une frénésie de danse africaine…Un propos intéressant, parfois carica-tural dans la forme dramatique qu’ilemprunte… du 15 au 17 avril.A.F.

Pavillon Noir 0811 020 111www.preljocaj.org

Y’a d’la joie !

Sur le terrain

A nos he�ros © Agne�s Mellon

Ballet d'Europe © Agne�s Mellon

© L. Philippe - CCN de Cre�teil

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À Miramas, le théâtre de La Colonne accueille lesdanseurs et percussionnistes brésiliens du Balé deRua. À travers danses et rythmes, ils racontentl’histoire d’un groupe d’amis issus des quartierspopulaires de Uberlandia, petite ville de la région duMinas Gerais, «qui repeignent le monde tout encouleurs, grâce à la magie du rêve et de la danse» enune quinzaine de tableaux (le 31 mars).À Fos, Laurence Vielle (auteure du texte etinterprète) et Jean-Michel Agius (chorégraphe etvidéaste) jouent et dansent État de marche, un élogeà la lenteur, à la beauté des paysages oubliés, auvoyage(le 4 avril). À l’origine de ce spectacle, unvoyage de 600 kms entrepris ensemble, à pied, deBruxelles à Paris. Durant la marche se sont crééesdes danses et des images, magnifiées sur scène parla musique originale jouée en direct par C.Graindorge au violon et E. Rabinovitch à la batterie. Le17 avril, les danseurs de la cie Fêtes Galantes, surune chorégraphie de Béatrice Massin, dessinent

avec Que ma joie demeure des figures abstraites surles Concertos Brandebourgeois de Bach, redonnant àla danse baroque ses lettres de noblesse, et unecouleur nouvelle.Au Théâtre de l’Olivier, à Istres, la cie Rêvolution,dans Urban ballet, unit gestuelle hip hop et précisionde la danse classique, fusionne les genres en quatreacte-tableaux sur des musiques de Ravel, Debussy,Xenakis et Franck II Louise (le 20 mars). Quant auBallet National de l’Opéra du Rhin, il danseCoppélia ou la fille aux yeux d’émail, sur unechorégraphie revisitée par le chorégraphe norvégienJo Strømgren (le 3 avril).DO.M.

Miramas, Théâtre La Colonne, 04 90 58 37 86Fos, Le Théâtre, 04 42 11 01 99Istres, L’Olivier, 04 42 56 48 48www.scenesetcines.fr

25DANSEOUEST PROVENCE | MARTIGUES | CAVAILLON

Un spectacle pour enfant qui joue avec les mots etles corps ? Léa, portée par trois danseuses encouettes blondes et robes courtes, traverse son livrepour trouver, derrière les mots, les lettres qui lacomposent… C’est le A de Léa, à voir dès trois ans.Petiteshistoires.com peut aussi se voir en famille,parce qu’il joue sur autre chose qui attire les enfants:le hip hop, qui raconte des corps là encore àl’envers… Dans le genre, Accrorap fait partie desplus forts. Car leur regard sur leur enfance est loind’être lénifiant !A.F.

Le A de léaCie du nouveau jourle 1er avril à 15hpetiteshistoires.comle 8 avrilScène nationale des Salins, Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.fr

Histoires de tempo

Afrique rouge

Avant d’accueillir en avril Kettly Noël et NelisiweXaba (voir page 20), le Théâtre de Cavaillon prête sagrande scène à Salia nï Seydou, deux chorégraphesafricains qui expérimentent une très belle danseathlétique, africaine par ses racines et surtout par sonpropos, et profondément contemporaine. Leurs septdanseurs sont accompagnés par quatre musiciens et

un diseur plutôt traditionnnels quant à eux, pourévoquer une Poussière de sang, la violence qui s’abatsur l’Afrique sans crier gare, sans épargnerd’interstices, directement sur les corps.A.F.

Poussière de sangSeydou Boro et Salia SanouLe 31 marsCorrespondancesKettly Noel et Nelisiwe XabaDu 6 au 10 avrilTournée Nomade(s)Scène Nationale de Cavaillon (84)04 90 78 64 64www.theatredecavaillon.com

Enfants et plus

Urban Ballet © X-D.R.

Poussie�res de sang © Antoine Tempé�

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26 CIRQUE/ARTS DE LA RUE SIRÈNES |MARTIGUES | BRIANÇON | GRASSE

À Briançon le trio des Cousins trans-formera la scène du Cadran en pistede jonglage… et de rires ! Car les troisclowns sont capables de jongler avecn’importe quoi, mêmes des sacs enplastique. Mais surtout ils inventent ununivers burlesque inscrit dans unquotidien onirique, et drôle dès l’en-fance, parce que leurs gestes décalésnous parlent à tous… Leur spectacleviendra ensuite à Port-de-Bouc, auSémaphore (le 15 mai). Ne le manquezpas !ÀGrasse aussi un spectacle de clown:Ludor Citrik reprend même la traditiondu nez rouge et des yeux cernés deblanc ! Mais il est loin de l’Auguste,traîne derrière lui un caddie et un airde marginal, et proclame : Je ne suispas un numéro !Une nouvelle école duclown, théâtrale, politique, salutaire…À Château-Arnoux c’est un cirquetrès différent qui s’accrochera auxcintres. Parallèle 26de Sylvie Guillerminet Guy Carrara (Cie Archaos) tente unedanse de l’équilibre, perchée, acro-batique. Un peu ennuyeuse à lacréation, contenant une violence et ununivers trash mal justifié, mais impres-sionnante de virtuosité, et de volontéd’aller jusqu’au bout de l’acrobatie, enla transformant en geste dansé…Enfin, à Martigues, les frères Formanvous emmèneront sous leur chapi-teau… pour un spectacle plus théâtral

pourtant que circassien ! Leur Oblu-darium (l’exposition des Obluda, desmonstres), est un monde d’illusion, desalle obscure… Car les deux Tchèquessont des magiciens de la marionnetteet, leur petit orchestre aidant, ils voustrimballent vers l’est, les Tziganes, l’oret la pourpre, et ses nostalgiesmerveilleuses…A.F.

Les CousinsLes 24 et 25 marsLe Cadran, Briançon (05)04 92 25 52 52

Obludariumdu 10 au 18 avrilScène Nationale des Salins,Martigues04 42 49 02 00www.theatre-des-salins.fr

Je ne suis pas un numéroLes 14 et 15 avrilThéâtre de Grasse (06)04 93 40 53 00http://theatredegrasse.com

Parallèle 26Les 17 et 18 avrilThéâtre Durance, Château-Arnoux(04)04 92 64 27 34www.theatredurance.com

Obludarium © Christian Berthelot

La sirène de The Trader Kolwezidiamond bandet Caroline Seligétaitfondée sur une métaphore simple… Decelles qui marchent lors des spec-tacles de rue ! Sur l’estrade, une hôtesseet un steward vous embarquent, endécalant juste ce qu’il faut le ritueld’accueil à bord, sur un vol en proie à

des perturbations monétaires. Les me-sures de sécurité sont en adéquation !Vous vous mettez en place, guidé parun commandant de bord tranquille-ment cynique, ancien restaurateur.Spécialité : le parachute doré, à basede désossements, d’additions saléeset de monnaie flambée… Les spectac-

teurs entrent en piste en bons passagers,reçoivent leurs petits parachutes aux-quels pendouillent des petits soldatsdorés, prêts à l’assaut… Bel humoursur la crise, et ceux qui s’en sortent ! A.F.

À venir à sirène et midi netEn avril, Cyril Jaubert d’Opéra Pagaïet les Apprentis de la FAI AR (voir page62) présenteront douze fictions ima-ginées autour de ces douze minutes.Ce que font et pensent les gens, chezeux, pendant que les sirènes reten-tissent, et les habitants de la place del’opéra pendant que la place de l’opérase couvre de monde…

Vue sur RueLe 1er avril à midi netPlace de l’opérawww.lieuxpublics.com

Ça plane pour eux !

Un peu partout dans larégion le cirque s’arrêtedans les théâtres…

Tours de pistes

Paralle� le 26 © Agne�s Mellon

© Vincent Lucas

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Sur la piste ovale du cirque Trottolaévoluent trois personnages silencieux,empêtrés par des ballots de chiffonsqu’ils trimballent d’un bout à l’autre, avecplus ou moins de facilité. Lui est im-mense et porte (Bonaventure Gacon),elle est petite et voltige (Titoune), etle troisième, anguleux, jongle (MadsRosenbeck) ; tous trois se scrutent,se lancent des regards appuyés, seportent et s’élancent, retombent surleurs pieds. La magie de l’équilibre estmise en scène, avec une bonne dosede poésie et pas mal d’humour.Toujours à la limite de la chute, parfoisprétendument maladroite, ils créentdes tableaux qui, de comiques, devien-nent simplement magnifiques. Balaiset ballots sont là les agrès modernesde ce cirque fragile, où la performancephysique s’invite presque en intruse...

Danse de papierDélicate petite chose construitedirectement sur scène, Krafff est unpersonnage de papier kraft plus vraique nature. Confronté au danseur YanRaballand, ce grand corps chiffonné,fait de nœuds et de torsades, se déplie,esquisse quelques pas, se mesure.Commence alors une chorégraphiesurprenante, basée sur le mouvementjuste, une souplesse feinte où l’illusiondu geste répété n’en est que plus tou-chante. Une aventure singulière unit cecorps de papier et quatre interprètesqui, dans l’ombre, le manipulent à vue,souples et discrets, sensibles aumoindre froissement… Et lorsque toutprend fin, on se prend à rêver au salutfinal de ce grand corps tout froissé…DOMINIQUE MARÇON

Krafff a été dansé le 20 fév à la Colonne, Volchok a été joué du 17 au 21 fév sous chapiteau à Istres et sera aux Salins du 12 au 16 mai

27CIRQUE/ARTS DE LA RUELES ÉLANCÉES | AVIGNON | PORT-SAINT-LOUIS

Étranges légèretésLes Élancées ont fini leurs tours de pistes, s’affirmant cette année encore comme une manifestation populaire,pluridisciplinaire et transgénérationnelle. Retour sur deux moments légers…

Krafff © Jolfre

Personnage emblématique de la scènecircassienne, le clown est mis à l’hon-neur depuis 6 ans lors du festivalavignonnais Cité Nez Clown. La pro-grammation concoctée parl’association d’étudiantsCulture.com permet d’éla-borer un nouveau regardsur le clown, mais aussi decheminer dans divers lieuxde la ville (Universitéd’Avignon, Théâtres des Doms,de la Poulie et Golovine, la MaisonJean Vilar, la Place des Corps-Saints), et même jusqu’à l’Akwaba àChâteauneuf-de-Gadagne. Au program-me : Avanti ! ou l’histoire des débuts del’humanité mimés et dansés par lestrois cies Côté Jardin, OrangeSanguine et Casquette ; le solo deBruno, un clown original qui réinventele monde avec une chaise et un piano;des Valseuses effrontées et com-plices, au chant et à l’accordéon ; unelecture de Sur le quai, d’Alain Gras, etd’extraits de textes sur le thème duclown ; une création de la cie DisBonjour à la Dame où il sera questiond’un frigo, de perruques… et de poésie;la projection du documentaire Agatheet le clown de Gilles Bannier (2006)…Et pour clore ces trois jours, le Clown

Fritz viendra semer la confusion et lafolie avec son spectacle Kluntet.DO.M.

Cité Nez Clowndu 18 au 21 marsAssociation Culture.comAvignon (84)06 87 91 05 46

Clown, et alors ?

Actuellement en résidence au CitronJaune (Port-Saint-Louis), la cie 1 Wattprésentera Le Mur dans le Centre Villeles 14 (à 10h et 15h) et 15 avril (à11h et14h). Deux ouvriers, dont l’unique ob-jectif est de construire un mur en brique,quelque part dans une ville, un mur quifinira forcément par questionner, dé-ranger peut-être, perturber sûrement.Les deux protagonistes commencentdonc par le Chantier, où se mêlent desréflexions sur les matériaux, les matiè-res, les sons et les gestes répétitifs,énergiques et quasi ritualisés ; puis sepose l’inévitable question des Voisins,et de la cohabitation qu’elle induit ;celle des frontières, surtout en tempsde guerre quand il s’agit de défendreson territoire ; et la Fuite pour finir. Letout en poursuivant le chantier. Entrecorps physique et corps poétique, 1Watt pose son équilibre burlesque.

Le Mur1 WattLes 14 et 15 avrilPort-Saint-Louis-du-Rhône04 42 48 40 04

Attentiontravaux !

Fritz © X-D.R.

© X-D.R

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28 MUSIQUE LYRIQUE

La «trilogie sacrée» d’Hector Berlioz,composée en 1854, rencontra un véri-table succès lors de sa création. Le textenon liturgique, écrit par le compositeurlui-même, rapproche l’œuvre d’un oratorio. Fidèle à cet esprit, le parti pris de la miseen scène, confiée à Frédéric Andrau,était des plus sobres. L’épure des décors,des costumes (Luc Londiveau) et de lamise en lumière complétée par la vidéo(Ivan Mathis) relevait d’un choix judi-cieux, compte tenu de la sophisticationesthétique de la partition, qui semblepréfigurer parfois la modalité chère auxcompositeurs français de la fin du XIXesiècle. Une œuvre interprétée ici avec une ex-trême précision par l’orchestre et leschœurs. Quant aux solistes (AviKlemberg, Blandine Staskiewicz,Thomas Dolié, Paul Gay et Jean-MarieFrémeau), ils ont enthousiasmé le publicpar un chant et une diction remarqua-bles de précision et de justesse. Ce quileur a permis de conter clairement cettehistoire en trois parties (le songed’Hérode, la fuite en Égypte et l’arrivéeà Saïs), le tout ponctué de merveilleuxpassages de chœurs tantôt aériens, pro-ches de la monodie grégorienne, tantôtenflammés et plus typiques d’un roman-

tisme dont Berlioz avait le secret.L’ensemble plongeait donc commeidéalement les spectateurs au cœurmême du mysticisme inhérent au sujet.Encore une belle réussite de l’opéra deToulon !EMILIEN MOREAU

L’enfance du Christ de Berlioz a été chanté à l’Opéra de Toulon les 27 fév et 1er mars

Pirate au Balcon !Opéra de Marseille, dimanche 22 février :voilà près de trois heures que la sopranoÁngeles Blancas Gulín surmonte avecbrio les éprouvantes difficultés vocaleset scéniques de son personnage : labelle Imogène, devenue folle, assisteau supplice de son amant Il PirataGualtiero. Son chant généreux et sontimbre superbe se parent, au final, desons filés sensibles, de phrasés sou-ples… le rideau tombe… on est sousle charme ! C’est cet instant que choisitun malotru pour lancer d’un balconsupérieur un «Ouh !» sonore, sans douteruminé depuis le 1er acte (on trouve sonplaisir où l’on peut !), incompréhen-sible, indécent et méchant ! Pourquoidonc à l’Opéra quelques spectateurs,planqués et anonymes, se prennent-ilspour des supporters de foot huant uneéquipe décevante ?D’autant qu’il n’y a aucune raison à unetelle ostensible réprobation ! La diva a

tout pour elle : charme et voix sublime.Le plateau vocal a illustré à souhait lepur bel-canto de Bellini : du ténor lyriqueGiuseppe Gipali, dans le rôle titre, ausolide baryton Fabio Maria Capitunacci,jusqu’aux seconds rôles de MurielleOger-Tomao ou Ugo Guargliardo… Et

le chœur et l’orchestre furent dirigés parl’impeccable Fabrizio Maria Carminati. Quant à la mise en scène (Stephen Med-calf) réactualisée dans un climat deguerre (une dictature militaire et despartisans s’affrontent), si elle comportesomme toute quelques maladresses,

elle ne mérite pas de tels emporte-ments ! Elle sert d’écrin à un drame rare(dernière représentation à Marseille en1838), bien ficelé, de la veine de Normaou La Sonnambula. La mer y est omni-présente, violente, l’expression tragiquedes dilemmes s’ancre dans une réalitécrédible, le tout au service d’un roman-tisme affirmé. Et du chant souverain !JACQUES FRESCHEL

Il Pirata de Bellinia été chanté à l’Opéra de Marseille du 17 au 25 fév

L’orchestre et les chœurs de l’opéra de Toulon ProvenceMéditerranée, ainsi que cinq solistes placés sous la direction de Laurent Petitgirard interprétaientL’enfance du Christ

Berlioz mystique

Il Pirata © Christian Dresse

Blandine Staskiewicz © X-D.R.

L’Opéra d’Avignon a présenté les 13 et14 mars Les orages désirés, œuvre lyri-que en un acte et 4 tableaux, née de lapassion de Gérard Condé (musique) etChristian Wasselin (livret) pour HectorBerlioz. Cet opéra, coproduit avec lethéâtre de Reims, fut commandé en2003 par le Festival de Radio-Francepour commémorer le bicentenaire de lanaissance de Berlioz Le jeune musicien, joué par Anne Rodier,a 15 ans ici, et l’histoire s’attache à sespremiers rêves, à ses tourments amou-reux et au refuge qu’il souhaite trouverdans la musique. Il veut «chevaucherles comètes et trouver le repos entre cielet mer.»Le titre, emprunté à Chateaubriand, ainspiré le librettiste à l’âme romantiquepour qui cet ouvrage délivre un mes-sage : «Devant un amour impossible,douloureux, seule la musique peut sauverl’âme. D’autres formes d’art aussi, maisla musique a un côté ailé, immatériel,qui peut vous soulever complètement...»Enveloppé par une musique originale etlyrique, le texte nous interroge sur laVie, l’Amour et le pouvoir de la Musi-que. La partition de Gérard Condé, trèsfrançaise, cite Berlioz mais rappelleaussi Ravel et Fauré, s’inscrivant dansleur filiation, et renouant avec desmélodies consonantes. Et comme lechante le personnage du jeune Berlioz,«La musique… est plus grande que lajoie, plus vaste que l’Amour…»CHRISTINE REY

Un défi pourl’Odéon

Lakmé est l’un des plus beaux opérasfrançais du XIXe siècle. Programmer cetouvrage dans une salle peu habituée àce répertoire était délicat… Jack Gervais,metteur en scène habitué de l’Odéon,utilise au mieux les personnages etl’histoire afin de gratifier le public detableaux très poétiques. L’orchestres’en sort plutôt bien sous la solide direc-tion de Bruno Conti. Le seul bémolest l’hétérogénéité de la distribution.Frédérique Varda assume le rôle-titreavec un timbre et une conduite vocaleadaptée malgré quelques signes defaiblesse dans certaines vocalises. Lavoix de Frédéric Mazzotta aux aigusbrillants, semble en retrait dans lemédium, mais les exigences musicaleset vocales de l’ouvrage sont nombreuseset complexes. En revanche, Alain Fondaryn’a rien perdu de son incroyable pres-tance et du timbre qui a fait son succès!Les seconds rôles, formés pour la plu-part au conservatoire de Marseille,assurent parfaitement leurs parties. Ledéfi de l’exigence est relevé !GUILHEM BERNARD

Levez-vousvite, oragesdésirés…

Entre deux opérettes le théâtre de la Canebièrea programmé Lakmé deDelibes. Choix judicieux !

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Après le succès du Bourgeois gentil-homme, représenté dans sa versionoriginale avec les ballets et inter-mèdes de Lully, le couple BenjaminLazar (mise en scène) et VincentDumestre (direction musicale) réci-dive avec l’exhumation de la premièreTragédie Lyrique de l’histoire del’opéra français. De fait, en 1673(année de la disparition de Molière),Lully et Quinault (livret) fixent avecCadmus et Hermione les bases d’unmodèle qui fera les beaux jours del’Académie Royale de musique deLouis XIV : ouverture majestueuse àla française suivie d’un fugato vif,récitatif épousant la prosodie dufrançais entrecoupé d’ariosos, divertis-sements dansés, présence importantedu chœur, narration mêlant inspi-ration antique, pastorale, pathos etcomédie… De plus, l’œuvre recèledes éléments brillants, émouvants :ici une Chaconne et ses infinies varia-tions, là un magnifique air désespéré«Belle Hermione, hélas !…» (Cadmus :acte 5).

Spectacle total et authentiqueLe miracle de ce spectacle total,mêlant chorégraphie, voix, musiqueet poésie, des décors et costumesd’une plastique somptueuse, résidedans sa volonté de reconstituer legenre tel qu’il aurait été créé à

l’époque. Le résultat est féerique ! Lestrente-cinq chanteurs et danseurs duPoème Harmonique suivent à lalettre une diction appropriée, unegestuelle codifiée, toujours face aupublic. Des «machines» envoient desDieux dans les cintres trôner sur destrapèzes… Un dragon surgit, unegrotte embrasée s’ouvre, le ciel et lesbosquets se meuvent dans des pers-pectives fabuleuses sous un éclairageà la chandelle, en clairs-obscurs, desdrapés dorés et des plumes africainesmulticolores virevoltent, des géantsimposants se pétrifient, des soldats-chenille surgissent de leur matrice…Et dans la fosse, on dénombre autantde jeunes musiciens qui distillent surleurs violes, flûtes à bec, théorbes,clavecins, hautbois et bassonsbaroques, des dynamiques tourbillon-nantes, binaire ou ternaire, des dansespastorales, de sinfonies festives… Le public aixois ne s’est pas trompéen acclamant la troupe : ce théâtre-là est rarissime !JACQUES FRESCHEL

Merveille du grand siècleLa reconstitution historique de Cadmus et Hermione de Lully donnée au Grand Théâtre de Provence le 10 mars fut un enchantement

Cadmus et Hermione © Agne�s Mellon

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Le remarquable falsettiste Alain Aubinse livrait à un exercice périlleux le 28février dans la salle conviviale deLéda Atomica. Le spectacle, d’appa-rence informel, unit spectateurs etchanteur. Ce dernier raconte, se ra-conte, «s’égarpille» avec bonheur,suscite le chômage des contraltosféminines, rassemble les fragmentséparpillés de sa vie qui l’ont conduità la musique, au chant. Le pick up dela sœur aînée lutte contre le phono-graphe du grand-père, les 78 tours,l’odeur de papier kraft jauni et de ba-kélite… Les Platters contre les «Roses

blanches pour ma jolie Maman»… Il ya Mémé Aline, et ses touchantes vieil-leries, la toccata de Bach, Pierre et leloup avec un canard qui éveille lacarrière d’hautboïste, et puis surtout,la RÉVÉLATION de la voix de contreténor grâce au petit poste Sondor. Lavoix devient alors un «instrumentcosmique pour ne pas dire céleste» ! Ily a Elisabeth, le professeur de chant,inénarrable, «monte le palais monpetit !», mais surtout un amour, MariaCallas… Il y a aussi Alain Aubin, qui chante,nous entraîne dans son univers, nousfait chanter aussi, «giroflée, girofla»…«Le chant est une affaire de collectif» !Avec l’Abbé Pierre il s’exclame «quela voix des hommes sans voix empêcheles puissants de dormir !» Évocationde la merveilleuse aventure del’Académie du Chant Populaire…Reprenant la métaphore initiale deson spectacle, «la musique est l’ali-ment de l’amour» (Shakespeare),Alain Aubin conclut «c’est juste pourdire je t’aime»… Nous aussi ! Mercipour ce moment de joie !MARYVONNE COLOMBANI

MUSIQUE30 LYRIQUE | SYMPHONIQUE | CHAMBRE

Deux symphonies de Mozart (n° 25 et40), les deux seules écrites en solmineur, ont ouvert et clos ce concert,le 6 mars en Avignon, une fois deplus brillamment dirigé par JonathanSchiffman à la tête de l’OLRAP. Auxcôtés du maître salzbourgeois, deuxcompositeurs italiens au programme :Luigi Dallapiccola (Piccola MusicaNotturna) et Luciano Berio, décédéen 2004, dont les Folk Songs, inter-prétés par la jeune Cristina Zavalloni,ont remporté un énorme succès : ces11 chansons populaires furent arran-gées, et parfois composées comme demalicieuses impostures, par Beriopour Cathy Berberian : sa femme,elle-même compositrice, était unechanteuse merveilleuse d’intelligence,d’invention et de sensibilité. Lesorchestrations, contemporaines, deces chansons populaires, sont d’unesubtilité inégalée. On retiendra latroisième, Loosin yelav, poignanted’émotion décrivant le lever de la

lune un soir en Arménie (pays d’ori-gine de Cathy Berberian), et lader-nière, Azerbaijan love song,entraînante à souhait, bissée par lepublic. Berio savait y faire !CHRISTINE REY

La voix et TitanLe concert symphonique du 4 marsà l’Opéra de Marseille reposait surun crescendo très bien construitCela commençait par deux airs d’opéra de Mozart,récitatifs et mélodie, chantés avec bravoure et sen-sibilité par Rachel Harnisch. Et de la bravoure il enfallait : Mozart n’épargnait pas ses sopranos, lesfaisaient monter haut, très haut, sans préparation,sans soutien ochestral, à découvert… La jeune so-prano, gracieuse, semblait presque soulagée aprèsces acrobaties là d’aborder des extraits de Salomé :là encore la tessiture est acrobatique, mais du moinsRichard Strauss ménage ses entrées ! L’orchestresuit, précède, accompagne, dirigé avec beaucoupde sentiment par Cyril Diederich, à l’aise dans celyrisme post romantique qui enfle, emporte etredescend comme on laisse échapper son souffle…Entracte. L’orchestre s’étoffe encore un peu, gagneen pupitres, se fait grand symphonique, philhar-monique : c’est Mahler que l’on aborde, sa première,la «Titan», monumentale bien nommée. On s’accro-che à son siège, on attend le souffle… ça commencemal. Le chef, tout à la fabrique de ses emporte-ments futurs, des deux crescendos qui doivent venirsoulever l’enthousiasme, en oublie que la mise enplace est subtile, néglige de battre, laisse les musi-ciens perdus décaler (juste un peu) leurs entrées,hésiter, couiner même par moments. Le premiermouvement, pointilliste, perd un peu l’équilibre.Puis cela se reprend, la mayonnaise monte pendantla fugue, le hautbois, le violon, le violoncelle don-nent le ton de l’émotion, et Cyril Diederich lanceles watts, bondissant littéralement de son estrade,envolé, emportant avec lui les cordes qui sonnent,les bois qui enflent, les timbales, et les cuivres quise lèvent. Le public à son tour retient son souffle,l’explosion est physique, le halètement, qui recom-mence, recommence et enfle encore quand on lecroyait au bout. Quand cela s’arrête enfin le publiccrie littéralement, surpris d’enthousiasme. Allez donc écouter les orchestres. En vrai. AprèsMahler les montagnes russes, les feux d’artifices, lamusique amplifiée, tout vous paraîtra fade…AGNÈS FRESCHEL

Égarpillage sentimental

Berio à la fête

Alain Aubin© Max Minniti

Cristina Zavalloni © Maki Galimberti

Rachel Harnisch © Priska Ketterer, Luzern

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21h05. Station Alexandre. On attend, en ce 14 mars,que les retardataires quittent le restaurant mitoyenpour rejoindre le gros du public confortablementinstallé dans le hall de l’ancienne gare de triage duCanet. Au centre de la structure Eiffel se dresse unSteinway... Mais il faudra encore attendre pour l’en-tendre sonner, car, en prélude, Pierre Lemarquis,neuro-musicologue et conférencier éprouvé, exposeen audio-vidéo les facultés expertes du cerveaumozartien, explique comment le jeune musicien apu mémoriser le fameux Miserere d’Allegri gardésecret en la Chapelle Sixtine. Au bout d’une analysedocumentée, on comprend comment Wolfgang pou-vait «en block» envisager mentalement un opusmusical et non dans sa continuité temporelle… Aufinal, il semblerait même que la partition papalene fut pas si difficile que cela à mémoriser !Puis une jeune femme descend l’escalier et attaqueavec délicatesse la première Sonate de jeunesse duprogramme. On est d’emblée séduit par le toucherd’Edna Stern, la qualité sonore tout en nuances etsensibilité développés par l’artiste. En sourdine etsubtiles résonances, son Mozart est infiniment ten-dre, nocturne et cependant lumineux… ludique aussi,comme dans les élégantes Variations sur le thèmeAh ! Vous dirai-je maman ou le 1er mouvement souple-ment balancé de la Sonate en la Majeur. Un récitalponctué par une «Marche turque» inventive et libreà souhait et par un aperçu du somptueux disqueBach que la pianiste vient de graver (Zig-ZagTerritoires 090104) !JACQUES FRESCHEL

Le lendemain, c’est Frédéric Isoletta(dont on lit la plume experte dans ces colonnes)qui livrait les secrets des Femmes de Mozart en compagnie de la soprano Lucile Pessey, en attendant le spectacle de Frédéric Ortizsur Don Juan : 3e volet du festival consacré à Mozart (le 21 mars à 21h et 22 mars à 15h).

31

Ravel BioLa petite salle du Musée des Tapisseries (Aix) accueillait le 13 marsun nouveau concert dans le cadre de la conviviale et éclectique association Art et BuffetConcert Ravel suivi de dégustation de vin bio duDomaine de la Brillane. La Zibeline, exceptionnel-lement abstème ce soir-là, se contenta du breuvagemusical et conçut de belles ivresses. Présentationenjouée des œuvres, analysées en détail pour la cir-constance afin de permettre à tout public d’encomprendre et d’en apprécier les beautés… La Sonate pour violon et violoncelle, dédiée à ClaudeDebussy, exigeante et subtile mettait particuliè-rement en valeur le velouté, la profondeur des deuxinstruments, exécution sensible et virtuose à la fois,avec des passages à faire pâlir d’envie Paganini dansle quatrième mouvement, sans compter le feu d’arti-fice des pizzicati du deuxième, l’ampleur dépouilléedu mouvement lent, avec le rendu d’un quatuor. LeTrio en la mineur pour piano, violon et violoncelle(à André Gédalge) aux accents debussystes fut inter-

prété avec magnifique élan, et même si la partitionfut qualifiée de «perturbante» dans les commen-taires, Florence Cabrita au piano, Noël Cabrita DosSantos au violon, Yannick Callier au violoncelle,nous ont emportés dans la sublime «poussière denotes» de la passacaille, éblouis par l’enchevêtre-ment incroyable des thèmes qui tissaient uneharmonie nouvelle et envoûtante. «Obstiné violon,coquin violoncelle et charmante pianiste» affirmaitNoël Cabrita… en tout cas, un ensemble solaire quia illuminé de son talent Un cœur en hiver,hommage au film de Claude Sautet tout entierbaigné de ce Trio.MARYVONNE COLOMBANI

Brahms humainLe 14 mars, le GTP accueillait le chœur Accentus pour la représentation du Requiem Allemand de Brahms, dans sa version de Londres, avec deux pianosCe Requiem se nomme allemand, car il est écritdans cette langue et non en latin. Inspiré de textesde la bible de Luther, l’atmosphère et le proposdifférent profondément des autres requiem et s’adres-sent davantage aux vivants, concédant une placeminime à la déploration. Le texte courait dans unsurtitrage discret et utile à la compréhension del’œuvre. Les images liées à la terre, aux moissons,à la joie d’un travail récompensé, abondent. Il n’ya guère d’inquiétude dans ce requiem où domine lemode majeur. Souvent le chœur, dirigé avec unegrande finesse par Laurence Equilbey, exulte. Lesvoix sont remarquablement placées, connaissent de

beaux vibratos. Chaque choriste se sent soliste,l’union de ces voix produit un effet large et irisé.C’est un bonheur que de les entendre dans cettepartition ! Les solistes, Jutta Böhnert, soprano, etEdwin Crossley-Mercier, baryton, sont véritable-ment sublimes, accompagnés aussi par les deux starsdu piano, Brigitte Engerer et Nicolas Angelich.Cependant, malgré l’indéniable qualité des interprè-tes, nous ne sommes pas transportés, extasiés.Est-ce lié à l’œuvre que Brahms qualifiait de«requiem humain», où l’on ne sent pas comme chezMozart le poids écrasant de Dieu ?M.C.

Station Mozart

Le choeur Accentus © Agne�s Mellon

Edna Stern © X-D.R

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32 MUSIQUE CONTEMPORAINE

C’est à guichet plus que fermé queson altesse l’alto s’est présenté, encortège, dans le Grand Foyer de l’Opérade Marseille le 21 février. Du 4e concer-to royal et sonore de Telemann joué àdix, à des transcriptions signéesPuccini, Villa-Lobos ou Gershwin, ona touché du doigt (et de l’oreille !)toutes les qualités d’un pupitre, ac-cordé une quinte plus bas que sesfrères-violons, peu souvent sous leslimelights, mais précieux goujon del’orchestre philharmonique. Benjamin Clasen, en luxueux MonsieurLoyal, a présenté un programme festifarticulé autour de points d’orgue. Dansun florilège tiré de West Side Story, ladynamique meneuse de troupe MagaliDemesse a fait preuve d’une inven-tion, d’un sens mélodique et d’unesensibilité hors pair : une vraie artistese cache sous cette bonne humeur-là !Dans un pot-pourri hispanisant, on aégalement apprécié la classe de la«guest-star» Jean-Baptiste Brunier(alto solo de l’Orchestre de RadioFrance)… sans oublier la somptueusesonorité de Cécile Florentin dansune antique Sonate pour violes deLeclair !J.F.

Le Père SchoenbergLe 17 février, dans la continuité du «Portrait composé» surl’École de Vienne (avec en particulier une très belle inter-prétation du Pierrot lunairede Schoenberg, voir Zib 16), RaoulLay a mis en regard le père de l’atonalité avec des composi-teurs contemporains. Paradoxalement (mais est-ce unhasard?), c’est une œuvre encore tonale que le directeur del’ensemble musical a convoquée. Si la Symphonie de chambre(transcrite pour quintette par Webern) torture les règles del’harmonie clas-sique, la pousse dans ses derniers retranche-ments, elle s’appuie cependant sur des formes traditionnelles,des accords parfaits pur jus. L’opus conserve, de surcroît, unlyrisme ancré dans le post-romantisme viennois : vertu queles musiciens ont su rendre à souhait. Autour du piano cen-tral (Hubert Reynouard), le violon (Yann Le Roux-Sèdes)et le violoncelle (Guillaume Rabier), la flûte (CharlotteCampana) et la clarinette (Linda Amrani) ont réponduau doigt et à l’anche à la direction sans faille, analytique etexpressive du maestro, faisant sonner l’opus à l’image d’unorchestre au complet !Du coup, on saisit plus clairement ce qui conduit NicolasBacri vers un néo-classicisme digéré, à l’image du Scherzoou de la basse obstinée de Night Music (2001), FrançoisNarboni à construire ses effets de souffles et percussionsmécaniques dans Plérôme des éons (1998-2004), ou TristanMurail à explorer le phénomène nano-acoustique dans son«manifeste» spectral : Treize couleurs du soleil couchant(1978). Un récital qui, outre son intérêt artistique, éclairechacun sur les diverses écoles de la musique d’aujourd’hui…JACQUES FRESCHEL

Son altessel’altoL’ensemble Télémaque poursuit son «Cycle de concerts thématiques et historiques»

en partenariat avec la Bibliothèque départementale

Guillaume Rabier © Agnès Mellon

À venir pour TélémaqueParce que la musique d’aujourd’huiprend aussi racine dans le roman-tisme, l’Ensemble Télémaque aucomplet inaugure un ambitieux pro-gramme pour tous les amoureux (etnous sommes nombreux !) des Liederde Schubert et Schumann. De fameuxpoèmes chantés du premier et lacitadelle romantique que constitue lecycle Les Amours du Poète sont inter-prétés par le ténor Fabrice Mantegnaet la soprano Brigitte Peyré. Les com-positeurs s’inscrivent ainsi dans unefiliation inattendue, reprenant la tra-ition de l’orchestration de Lieder : lesaccompagnements originaux à l’or-chestre sont réalisés (voire réécrits…)par Bernard Campana (Schubert) etRaoul Lay (Schumann). Ce dernierdirige, en regard, un de ses opus mo-derne et lyrique, inspiré également deSchumann, de son romantisme intimeet de ses larmes : WanderLied.

SchubertmanniaThéâtre des Salins, MartiguesLe 21 mars à 20h04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr

C’est la quinzième ! Bel exploit pourun concert de musique contempo-raine ! On (ré)entendra le PortraitMessiaen dressé par la compagniemusicale, dont le succès repose, depuisplus d’un an, sur la qualité de ses inter-prètes et une proposition pédagogiqueintelligente : celle d’apprendre à écouterdes opus, certes modernes, mais écrits«pour tous» par Debussy

(Syrinx, Reflets dans l’eau) ou Boulez(Dérives I) et dont le point d’orgueaffiché est le sublime Quatuor pour lafin du temps de Messiaen. (Concertcommenté le 17 avril à 20h30 àl’église de Trets - 04 42 61 23 75).

Ensemble Télémaque04 91 39 29 13www.ensemble-telemaque.com

Brahms l’aïeulLe concert du 17 février à la Société de Musique de chambre de Marseille présentait un double intérêt : celui d’entendre trois jeunes solistes bourrés de talent et deuxsuperbes Trios d’esthétiques distinctes, séparés par plus d’un siècle d’histoire musicale. Au Trio en mi bémol op.40 de Brahms,drainant une pure sève romantique,David Guerrier (cor à piston ou na-turel), Nicolas Dautricourt (violon)et Bertrand Chamayou (piano) ontopposé un chef-d’œuvre moderne : leTriode Ligeti. Composé par le Hongroisen 1982 «en hommage» à Brahms,l’opus épouse la même structure «clas-sique» en quatre mouvements avecScherzo, donne au cor une fonction po-laire, enchaîne pulsation haletante et

marche bancale, jusqu’au lamentofinal où le lyrisme l’emporte. Lorsquele continuum sonore s’éteint peu à peu,qu’il nous semble entendre, au sond’harmoniques de violons s’extirpantde fréquences profondes au cor, unchant multiphonique de moines tibé-tains, on se dit qu’on est bien loin dutraitement thématique de 1864…mais qu’au demeurant une poésiecommune traverse ces œuvres !J.F.

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C’est à guichet plus que fermé queson altesse l’alto s’est présenté, encortège, dans le Grand Foyer de l’Opérade Marseille le 21 février. Du 4e concer-to royal et sonore de Telemann joué àdix, à des transcriptions signéesPuccini, Villa-Lobos ou Gershwin, ona touché du doigt (et de l’oreille !)toutes les qualités d’un pupitre, ac-cordé une quinte plus bas que sesfrères-violons, peu souvent sous leslimelights, mais précieux goujon del’orchestre philharmonique. Benjamin Clasen, en luxueux MonsieurLoyal, a présenté un programme festifarticulé autour de points d’orgue. Dansun florilège tiré de West Side Story, ladynamique meneuse de troupe MagaliDemesse a fait preuve d’une inven-tion, d’un sens mélodique et d’unesensibilité hors pair : une vraie artistese cache sous cette bonne humeur-là !Dans un pot-pourri hispanisant, on aégalement apprécié la classe de la«guest-star» Jean-Baptiste Brunier(alto solo de l’Orchestre de RadioFrance)… sans oublier la somptueusesonorité de Cécile Florentin dansune antique Sonate pour violes deLeclair !J.F.

Un siècle déjà que Marinetti publiait àla une du Figaro le manifeste d’un mou-vement avant-gardiste aux contoursradicaux, le Futurisme. L’Institut Cul-turel Italien, avec le soutien d’Ars Centrod’Arte et du Centre Franco Allemand deProvence, a transformé pour l’occasionMontévidéo en Ristorante Santo FoodTurismo afin d’accueillir le concert visuelde Rochus Aust par l’ensemble Re-LoadFutura. Avant le véritable repas, l’équipecosmopolite nourrit son public attablépar des mots, des images et du son,dans la tradition de l’alimentation radiopronée par Marinetti. Le manifeste desdroits culinaires et ses 150000 plats quidisparaissent chaque année est alorsposé sur la table, sous les directives etles invectives du chef de cuisine et dechant Fosco Perinti dont la double per-formance est à souligner ! Des plats,féminins ou masculins, saucés de sonset de coquillages, de trompettes, des des-sertes de tables sauvages et jouissives,se succèdent… Et cette dégustation demets immatériels s’avère être un pré-ambule consistant au véritable repasfuturiste concocté par Fabienne Sitri.Et on apprécie la pasta que les futu-ristes voulaient tout simplement fairedisparaître !FRÉDÉRIC ISOLETTA

À venir au GrimLa quatrième édition des RencontresSons de Plateaux organisées par le Grimà Montévidéo se déroulera du 7 au 12avril. La ville sur un plateau avec RadioGrenouille et Arte Radio ouvrira lesfestivités avec un panorama sonore àNotre-Dame de la Garde, suivi d’uneémission en direct de Montévidéo avecDaniel Deshays (7/4). Place ensuite àLa Théâtralité du Son pour une créationmondiale de Carlos Roque Alsina etGaston et Brigitte Sylvestre, suivi d’unetable ronde en présence des artistes etdes compositeurs Jean-François Peyretet Franck Smith. Le point d’orgue decette soirée sera le concert électroacous-tique de Bérangère Maximin (9/4). Unerétrospective du cinéma abstrait Abs-tracta avec une performance de SaulSaguati et Audrey Colaniz de Basmatiaccompagnée par les musiciens de l’ate-lier d’improvisation dirigé par Jean-MarcMontera aura lieu le lendemain (10/4).Le Son dans l’Art Contemporain sera lethème d’une table ronde avec, entreautres, Dominique Petitgand en préam-bule à la diffusion d’une de ses pièces etd’autres plasticiens comme Fabien Artalet Pierre Andrieux. Un concert d’YvesRobert et de Jean-Marie Maddeddu clô-turera la soirée (11/4). Ces quatrièmesrencontres se termineront par une CarteBlanche à Extérieur Nuit où JacquesRozier sera l’invité d’une table ronde inti-tulée Son et Cinéma. Suivront la projectionde Adieu Philippine et Supplément auvoyage du même auteur (12/4).

Sons de plateaux04 91 04 69 59www.grim-marseille.com

Retour vers le Futur

Soire�e futuriste© pgondard

Concerts «à quai»…L’activité de Musicatreize s’intensifie«au large», en récitals lointains… etc’est donc avec intérêt qu’on retrouveles musiciens de Roland Hayrabedian «àquai» pour, enfin, un concert marseillais!Leur programme s’articule autour d’unepièce encore toute empreinte de roman-tisme, Der Abend de Richard Strauss, etd’un classique de XXe siècle : TroisFantaisies de Ligeti. On découvre égale-ment des extraits de Fontaines d’Israëlde Johann Hermann Schein et unrécent opus de Philippe Gouttenoire :O strana morte. (le 26 mars à 20h auTemple Grignan). On retrouve également le Chœurcontemporain, partenaire historique

de Musicatreize, dans une Messe deBrahms, des Chants populaires deKomitas et Suite de la nuit d’Edith Canatde Chizy (le 12 avril à 20h à l’égliseSaint-Augustin 04 91 93 41 22).

…et conte vietnamien.Parmi la série de Contes créés parMusicatreize, L’Arbalète magique deTôn-Thât Tiêt recueille un réel succès.Au fil d’une tournée française, le spec-tacle, mis en scène par Charles-HenryBradier, arrive dans la région. On avaitpu, jusqu’alors, entendre l’opus dansune version «de concert» ou sous laforme d’un livre/CD (Actes-Sud). Onviendra donc nombreux (re)découvrir

l’univers sonore de l’auteur des musi-ques des films L’Odeur de la papayeverte ou Cyclo… pour un fin mariage demusique savante occidentale et d’unorient originel… et une fable fonda-trice du royaume du Vietnam, mêlant lesacré, l’historique et le merveilleux ! (le14 avril à 21h à St-Martin de Crau, 0490 47 06 80. Le 16 avril à 19h15 -scolaire à 14h- au Théâtre Gyptis.Atelier d’écoute à l’Alcazar le 28 mars à17h).JACQUES FRESCHEL

Musicatreize04 91 11 00 91www.musicatreize.org

Singulière manifestationorganisée le 21 février auGrim pour le centenaire duFuturisme : performance etconcert visuel, suivis d’unrepas futuriste !

L'Arbalete magique ©

Gw

ennegan 2007

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Violon et pianoMarie Cosso (violon) et BéatriceMeissner (piano) jouent Brahms,Massenet (Méditation de Thaïs) etBeethoven («Le printemps»).

Le 21 mars à 20h Église adventiste de St-TroncMarseille04 91 26 20 14

QuintetteL’Ensemble Pythéas en quintette -Yann Le Roux-Sèdeset Cécile Gouiran(violons), Pascale Guérin (alto),Guillaume Rabier (violoncelle) etLinda Amrani (clarinette)- jouentBoccherini, Mozart, Haydn et l’Opus115 de Brahms.

Le 27 mars à 20h30Villa Magalone, Marseille04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.com

Coda russeC’est une tradition : peu avant sondernier concert de l’année, la Sociétéde Musique de Chambre de Marseilleannonce la saison à venir. En 2009-2010, pour les 90 ans de la vieilleinstitution phocéenne, les sociétairesentendront les Quatuor Prazak etModigliani, les pianistes ElenaRozanova, Laurent Cabasso, PascalAmoyel, les violoncellistes FrançoisSalque et Emmanuelle Bertrand…dans des grands opus du répertoire ! Quant au dernier concert en question,il affiche un programme russe :Borodine, Tchaïkovski et Chosta-kovitch par les jeunes et talentueuxlauréats du concours de Bordeaux2007, le Quatuor Atrium !

Le 7 avril à 20h30Faculté de MédecineLe concert est offert aux nouveauxsociétaires désirant adhérer pour lasaison 2009-2010.

Printemps de l’orgueLes amis de l’orgue de Sainte-Marguerite annoncent un printempsorganistique riche en concerts. À rai-son d’une heure d’orgue tous les deuxdimanches, la musique ancienne seraà l’honneur sur l’instrument récent dePhilippe Quoirin. Michel Pellegrin(22/3), André Rossiavec Patrice Barseyau hautbois et François Olivier deSardan au violoncelle (5/4) etBenoit Dumon avec la sopranoAnnabelle Sodi (19/4) servirontBach, Buxtehude, Corelli et consorts.F.I.

Eglise de Sainte-Marguerite,Marseille - 04 91 75 17 60Entrée libre. 17h.

Saison au fémininUne série de 4 concerts sur l’annéesur le thème de la féminité à traversles âges nous est proposée à laBastide de la Magalone parl’ensemble Cantatrix Sopranica. Lasensualité des Leçons des ténèbres deFrançois Couperin et de MichelDelalande sera au menu du vendrediSaint, en regard d’une pièce contem-poraine de la compositrice KaijaSaariaho. À géométrie variable, l’en-semble sera composé des soprani AnnePérissé dit Préchacqet Hélène Richer,de l’organiste Isabelle Chevalier etde la gambiste et violoncelliste baro-que Anne Garance Fabre dit Garrus.F.I.

Le 10 avril à 20h30Villa Magalone, Marseille04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.com

Piano et violoncelleLe formidable duo Michel Dalberto(piano) et Henri Demarquette (vio-loncelle) interprète des Sonates,Fantaisie et transcriptions de Liederde Schubert et Brahms.

Le 16 avril à 20h30 Jeu de Paume, Aix04 42 99 12 19 www.concertsdaix.com

Quatuor à cordesLe quatuor «Opus 16» -Cécile Jean-neney et Cathy Benoist (violons),Denis Emeric (alto) et CélineBardin-Soumier (violoncelle)- joueHaydn, Leleu et Schubert.

Le 22 mars à 17h Le Castellet04 94 32 79 13 www.lessoireesducastellet.org

MUSIQUE 34 AU PROGRAMME

Poème électroniqueLe Flâneur de Jean-Louis Clot avecAlain Aubin, Félicitas Bergmann,Laurent Grauer et Marie Prost.Technique/informatique : Gmem.

Le 28 mars, 21hThéâtre Marélios, La Valette du Var04 94 23 62 06www.lavalette83.fr

AcousmatiqueLes Acousmonautes proposent derencontrer le compositeur ChristianZanetti et de découvrir ses opus lorsdes traditionnelles Foliephoniesinitiées par Lucie Prod’homme.

Le 30 mars à 18h15 et 20h30 Cité de la Musique 04.91.39.28.28 www.citemusique-marseille.com

«Du romantisme àl’électroacoutique»Eric Charray (clarinette), AlainPelissier (alto), Jacques Raynaut(piano) et Lucie Prod’homme(création électroacoustique), noustransportent, au fil de l’histoire de lamusique, de Schubert à la musiqued’aujourd’hui.

Le 24 mars, 20h30Cité de la Musique04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.com

Tambourinaires«Carte blanche» à un trio féminin –Vaïana Lacombe, Rosine Lecocq,Marion Osellame- qui, soufflant dansleur flûtet à trois trous (galoubet) etfrappant sur leur tambourin, chan-tent la Provence et nous fontdécouvrir des répertoires méconnus…

Le 24 mars à 19h Chapelle des Oblats, Aix04 42 99 37 11 www.orphee.org

Polyphonies corsesJean-Paul Poletti et le Chœurd’hommes de Sartène chantent lespolyphonies de l’Ile de Beauté

Le 3 avril à 20h Cathédrale St-Sauveur, Aix0892 68 36 22www.aixenmusique.fr

Rencontres et concoursDeux jours de Rencontres en Dracénieet quatorze chorales en compétitionpour le 7e Concours de Chorales deDraguignan.

Du 27 au 29 marsconcours le 29 mars de 10h à 18h.Espace Saint Exupéry Draguignanwww.aicler-provence.fr

LiederLe Chœur de chambre Asmarâ dirigépar Samuel Coquard propose un«voyage initiatique» autour de Liederpour chœur de Schubert et Brahmsavec Magali Frandon au piano.

Le 30 mars à 20h30Jeu de Paume, Aix04 42 99 12 19www.concertsdaix.comLe 1er avril à 20h30Temple Grignan, Marseille04 91 11 78 42www.maitrise13.com

Mère douloureuse…L’ensemble Baroques-Graffiti, dirigédu clavecin par Jean-Paul Serra,propose un programme somptueuxautour des Stabat Mater de Vivaldi etAlessandro Scarlatti. Avec BénédictePereira (soprano) et MadeleineWebb (mezzo).

Le 2 avril à 20h30 Chapelle des Oblats, AixLe 3 avril à 20h30Église Notre-Dame du Mont,Marseille04 91 64 03 46www.baroquesgraffiti.com

Passion johanniqueLa chorale du Roy d’Espagne,l’Ensemble Musical Méditerranéenet l’Orchestre Serge Paloyaninterprètent la monumentale Passionselon St-Jean de J. S. Bach.

Le 3 avril à 20hÉglise St-Cannat, MarseilleLe 5 avril à 15hCathédrale St-Sauveur, Aix04 91 40 14 05www.choraleduroydespagne.fr

Musique de Chambre

Baroque

Contemporain

Chœur Monde

Orgue de Ste Marguerite © X-D.R.

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Trilogie BachLa 24e Semaine Sainte arlésienne se décline enune trilogie majeure autour de Johann SebastianBach : L’Art de la Fugue est interprété par unquatuor de violes de gambe, des Sonates sontjouées au féminin par Stéphanie-Marie Degand(violon baroque), Marianne Müller (viole degambe) et Violaine Cochard (clavecin), quand lasoprano Agnès Mellon chante et dirige l’EnsembleBarcarolle pour des Cantates, Suites et Sonates.

Les 7, 8 et 9 avril à 20h30Le Méjan, Arles04 90 49 56 78 www.lemejan.com

Estienne l’aixoisGuy Laurent conclut traditionnellement son 18e

Festival de Musique Sacrée le jour de Pâques par

un concert festif avec les Vêpres d’un Confesseur deMozart et le Concerto pour violon BWV 1042 de Bach(le 12 avril à 16h30 à la Cathédrale St-Sauveur àAix - Concert donné également à Marseille le 14avril à 20h30 à L’église St-Laurent / La Tourette). Mais l’ensemble vocal et instrumental exhume etdéfend également un maître aixois baroque en lapersonne de François Estienne (1674-1755) et son«Exaudiat te Dominus». À découvrir en amont lorsd’un Concert-lecture (le 31 mars à 19h au Templede la rue Masse à Aix– entrée libre) et uneConférence illustrée (le 1er avril à 18h30 la Cité dulivre à Aix – entrée libre).

Festes d’Orphée04 42 99 37 11www.orphee.org

L’Opéra éclaté propose des «adaptations» tout à lafois vivifiantes et accessibles de classiques durépertoire lyrique. Son Barbier de Séville italien, misen scène par Olivier Desbordes, dont les récitatifschantés sont remplacés par des extraits du textefrançais de Beaumarchais, devrait susciter l’enthou-siasme des cités alpines de Veynes, Serres, Tallard,L’Argentière, Guillestre, Chabottes et Embrun.Accompagnement réduit pour piano et sextuor,

pour des Excentrés alpins qui depuis des annéesamènent les meilleurs spectacles jusque dans lesvallées les plus encaissées, l’hiver…

Du 24 mars au 6 avrilLa Passerelle, Gap04 92 52 52 52Le Cadran, Briançon04 92 25 52 52www.opera-eclate.com

Symphonique & récitalsGrand Théâtre à perdre haleineAprès que la comédie musicale Fame, tirée du filméponyme, a fait escale à Aix pour cinq représen-tations en français (du 25 au 29 mars), on entend,pour un récital unique, l’un des plus fameux contre-ténor de sa génération. Andreas Scholl chante lescélèbres Nisi Dominus et Stabat mater de Vivaldiaccompagné par l’Orchestre de chambre de Bâle (le31 mars).Le mois d’avril est riche en événements : le fadolusitanien de Cristina Branco séduit les amateurs(2 avril), avant le concert des Lauréats HSBC 2008de l’Académie du Festival d’Aix (3 avril).Emmanuelle Haïm dirige Le Concert d’Astréedans l’oratorio La Résurrection du jeune Haendel (9avril)… et l’on n’oublie pas un dernier regard posésur Mozart par François-Xavier Roth et sonorchestre Les Siècles qui s’attachent à des opuspour flûte du salzbourgeois (les 14 et 15 avril).

Grand Théâtre de Provence, Aix04 42 91 69 69www.legrandtheatre.net

Mozart et SalieriLa pianiste Anne Queffelec et l’Orchestre del’Opéra de Toulon (dir. Giuliano Carella) proposentune affiche alliant les deux rivaux croqués sur latoile par Milos Forman en 1984 : Salieri (SymphonieVeneziana) et Mozart (Concerto n°27 et Symphonien°41« Jupiter »). En collaboration avec le Festival de musique deToulon et sa Région.

Le 9 avril à 21hPalais Neptune, Toulon04 94 92 70 78www.operadetoulon.fr

Piano romantiqueLa pianiste Arminé Sogomonyan propose unprogramme alléchant associant Bach (Partita),Scarlatti (Sonates), Brahms (Intermezzi) et unmorceau de bravoure des récitals virtuoses :Carnaval de Schumann.

Le 9 avril à 18h30Musée des Tapisseries, Aix0892 68 36 22www.aixenmusique.fr

Opus russes et pianiste chinoisL’OLRAP dirigé par Rossen Milanov et le violonisteSergej Krijlov jouent un programme russe :Concerto de Tchaïkovski, Symphonie «classique» deProkofiev (le 10 avril à 20h30 à Montfavet). Lepianiste chinois Xu Zhong donne un récitalannonçant la Sonate en si mineur de Liszt, desPréludes de Debussy, Petrouchka de Stravinsky (le14 avril à 20h30).

Opera théâtre, Avignon04 90 82 81 40www.operatheatredavignon.fr

Il y a plus de vingt ans l’Opéra de Marseille créait,en France, la version originale de Jenufa entchèque, avec une Leonie Rysanek qui fit sensation!Depuis, ce chef-d’œuvre, signé Leós Janacek audébut du XXe siècle, est devenu l’un des fleuronsdes scènes lyriques, bien au-delà de l’hexagone.Autrement dit, c’est désormais un «classique» ! Ilfaut dire que l’histoire de cet infanticide ruralcontient des scènes expressives et saisissantesd’une rare puissance. Cette production de l’Opéra d’Angers/Nantes,primée en 2007 par le syndicat Professionnel de laCritique, mise en scène par le couple Patrice Caurieret Moshe Leiser, propose d’entendre la formidableNadine Secunde dans l’écrasante figure maternelleKostelnica… mais aussi la soprano Olga Guryakovadans le rôle titre, les ténors Hugh Smith (Laca) etJesús Garcia (Steva) sous la direction musicale deMark Shanahan (les 31 mars, 2 et 7 avril à 20h etle 5 avril à 14h30).Le tonitruant Requiem de Verdi est un des piliers durépertoire de musique sacrée. Outre sa majesté, ilséduit par son aspect dramatique et sa verve mélo-

dique. On réserve au plus vite pour deux dates quirempliront, à n’en pas douter, la grande salle del’opéra municipal. D’autant que le quatuor vocal estsuperbe avec Ana María Sanchez (soprano), DoloraZajick (mezzo), Giuseppe Gipali (Ténor), OrlinAnastassov (basse). Pinchas Steinberg dirigel’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra maison avec leChœur Orpheus de Sofia (le 17 avril à 20h et 19avril à 17h).

Opéra de Marseille04 91 55 11 10http://opera.marseille.fr

Chefs-d’œuvre !

Titus magnanimeUne nouvelle production de La Clémence de Titus deMozart est à découvrir sur la scène avignonnaiseavec le ténor Gilles Ragon pour le rôle titre,Ermonela Jaho, Karine Deshaye… dans une miseen scène d’Alain Garichot (le 29 mars à 14h30 et

le 31 mars à 20h30). Les solistes du CNIPAL propo-sent leur Aper’opéra (le 21 mars à 17h au foyer).

Opéra théâtre d’Avignon04 90 82 81 40www.operatheatredavignon.fr

LyriqueTournée des faîtes

Semaine pascale

JACQUES FRESCHEL

Jenufa © Vincent Jacques

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36 MUSIQUE NÎMES | LATCHO DIVANO

Du 24 au 28 mars L’expérience japonaise va boule-verser pour la deuxième fois la ville. Il y a deux ans-c’est une biennale- l’expérience fut forte, la pro-grammation résolument contemporaine, électronique,surprenante, fondée sur des mondes plastiquesvirtuels, stylisés, souvent sans chair mais pas sansémotion. Les Nîmois, embarqués dans l’aventure,

ont d’emblée joué le jeu, partant à la découverted’artistes jeunes, inconnus souvent en Europe, etaux démarches difficilement identifiables…Cette année Nîmes parie sur ce même désir d’aven-ture… En partenariat avec le label SONORE, lamanifestation sera très musicale, avec 13 concerts(voir p 39) électro et acoustique, ou mixte… oùl’on apprendra que si les Japonais aiment essentiel-lement les sons déchirés et synthétiques, ils peuventaussi être mambo, et chantent beaucoup… Ces concerts, toujours accompagnés d’effets visuels,ne sont pas très éloignés des expos, performanceset parades proposées : car les artistes contem-

Nîmes Nippon

Tous les deux ans désormais Nîmes abandonne son ses attacheslatines, son passé romain, son airde corrida et ses allures flamencapour devenir Japonaise !

Kentaro © X-D.R.

Cette manifestation se signale par sadiversité puisqu’elle propose confé-rences, musiques, expositions, théâtre,cinéma dans différents lieux de laville. Un unique et bel objectif : appro-cher et faire connaître la culturetsigane. Avec une palette des musiques tsi-ganes en Europe : du swing manouche,le 3 avril à la Cité de la Musique,avec Mandino Reinhardt, le compo-siteur de la musique de Swing de TonyGatliff, présenté le 11 avril au Variétés;le 8 avril, au Cabaret Aléatoire, durom rock avec Erica et Emigrante,Erica, une jeune Rom d’origine hon-groise, accompagnée de sept musiciensdont le guitariste compositeur, SergeLeonardi. Et bien sûr, aussi, desgroupes régionaux…Au J4 sous chapiteau le spectacle deKésaj Tchavé (du 2 au 5 avril), danseet musique d’enfants roms de bidon-

villes slovaques, formés par IvanAkimov, qui parlera de ce généreuxprojet le 2 avril après un desconcerts.L’image aussi permettra d’approcherla culture Rom : des expositions dephotographies de Laurence Janner,qui parcourt la Roumanie depuis huitans, de Marina Obradovic qui estallée à la rencontre des Roms de laBelle de Mai, de Vincent Sojic etRichard Melka ; et des films :Poligono Sur de Dominique Abel,une femme qui a voulu chercher lesracines du flamenco dans un quartierde Séville, le quartier des Très Mil, le7 avril au Variétés où se dérouleraaussi la soirée documentaire, le 8avril, avec Stella de Vanina Vignal etSonya et sa famille de la Slovaque,Daniela Rusnokova.Mais les mots ne seront pas en reste:Patrick Williams parlera des «Gitans,

Roms et Manouches», François Billardde Django Reinhardt. Au BadaboumThéâtre des représentations théâ-trales intéresseront les plus jeunes,un conte traditionnel tsigane hon-grois mis en scène par LaurenceJanner et Le Cirque de l’ours Pirouettede la cie Audigane, ainsi que desLecturbulences, récits tsiganes propo-sés par trois comédiennes. Et le 8 avril, journée internationale

du peuple Rom, Romano dives, auCabaret aléatoire avec La Mascaradepar la Fanfare Vagabontu !ANNIE GAVA

Latcho Divano09 52 72 89 28www.latcho-divano.com

Bel échange C’est ce que signifie Latcho Divano, le nom du Festivaldont la deuxième édition se déroulera du 1er au 11 avrilà Marseille

porains, inspirés par des courants phare commeDumb Type, inventent actuellement un art mixteaux couleurs futuristes. Le son et l’image dessinentles mêmes univers sans nature et semble-t-il sansnostalgie, séduisants de stylisation, de rapidité etde maîtrise des techniques numériques. En revanche la danse contemporaine, moins cour-tisée par les jeunes japonais, prendra à Nîmes descouleurs de chair particulières : avec Kentaro!!,proposition d’un jeune breaker, Project Oh!yamainterprété sans fard par 5 danseuses déjantées, etBaby.Q, aux effets visuels d’avant-garde, Nîmesmise sur des spectacles très variés… À découvrir, puisque tous ces spectacles viennentpour la première fois en France !AGNÈS FRESCHEL

L’expérience japonaiseDu 24 au 28 marsThéâtre de Nîmes, Odéon… (30)04 66 36 65 00www.theatredenimes.com

La Fanfare Vagabontu © Bari Bahtali

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MUSIQUEAVEC LE TEMPS | LENCHE 37

Et pour quelques airs de plus…De la chanson dans l’ «R», qu’elle soit rétro, rock, rap oureggae, pour clôturer le festival Avec le TempsAprès les grands airs de Sophie, labouffée d’air pur de MuRat, et lesdeux membres des WRiggles qui nemanquent pas d’air en s’exprimantdésormais en duo, d’autres scènesdéclineront la variété française d’unenouvelle ère : de trottoir en comptoir,on partagera une tranche d’humouret d’amour sur un air d’accordéon(Zaza FouRnier le 19/3, malheureu-sement sans ClaRika qui a annulé satournée), on écoutera les banlieusardslivrer leur cafard et leur désespoir(MeRlot et David LafoRe le 20/3),

ou avoir l’air Zen avec ThomasFeRsen sur des ballades jamaïcaineset des guitares hawaïennes. Le Festival s’évade aussi vers d’autresaires musicales, nous transportant duCri du Port avec le Jazz de MélanieDahan et son quartet (20/3) jusqu’auLenche avec les marseillais d’Alcazpour une rencontre où l’on se diratout (23/3), au Théâtre de l’Oeuvreavec Jean-Louis Cadoré et Mancer,pour finir en courant d’air (concertsgratuits) à l’Intermédiaire (LouisVille le 20/3, Mi et Eddy la Gooyatshle 21/3). Dans l’air du temps, ThierryBrayer propose même un petittremplin pour les chanteurs en herbe,les sélectionnés seront en piste le 23à 13h30 au Café Julien et la finalesuivra à 16h30. Deux bouffées d’air enfin : le retoursur scène de Pigalle (le 21/3) avecles énergiques Debout sur le Zinc etun plateau slam avec Abd Al Maliket Ysaë (25/3). Et cette premièrepartie marseillaise sera à découvrir

lors d’un show case le 20 dans leslocaux de Guimik, rue Sénac. Le Slamn’est pas d’la poésie en l’air, maisplutôt l’air qu’ont aujourd’hui les vers,on ne doit pas le critiquer sévère... X-RAY

Poésie tactile à la mode pragoiseDans le cadre de Mars en musique, le théâtre de Lencheavait invité la cie franco pragoise Golem Théâtre, quidéfend les auteurs français en Tchéquie et les auteurstchèques en France. Une lecture expressive est intelligem-ment mise en scène par Frederika Smetana et MichalLaznovsky. Tout commence par le piano jazz léger etconvivial de Premyl Rut, qui chante aussi des airs desannées trente du mouvement du théâtre libre. (Quellebelle langue, le tchèque !). C’est drôle, spirituel, enlevé.La première partie du spectacle tricote chants et lectures,Karel Capek, Jiri Kolar, Ladislav Novak, Vaclav Havel, oncultive alors des fleurs sur les balcons, dans les gares,jamais chez les percepteurs !, un art d’aimer cocasse, il ya aussi des recettes énormes, «bon appétit !», et despoèmes impossibles que sert avec virtuosité l’actrice,

Marketa Potuzakova, «oiseau» (42 fois répété !), unedéclaration d’amour en langage cybernétique, 0/1/0/1/0.La deuxième partie est consacrée à Bohumil Hrabal, Lesnoces dans la maison. Rencontres, interdictions, livres aupilon, difficulté de vivre, boisson, humour, et le visageradieux d’une compagne exceptionnelle… et la musiquepertinente de Jiri Neuzil. Un très beau spectacle : c’étaitla première fois que cette troupe se produisait à Marseille,elle reviendra à l’automne prochain, nous lui souhaitonsla foule qu’elle mérite !MARYVONNE COLOMBANI

Le Golem Théâtre s’est produit au théâtre de Lenche du 3 au 7 mars dans le cadre de Mars en Musique

Abd Al Malik © X-D.R. Zaza Fournier © X-D.R.

Petites recettes pragoises © X-D.R

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38 MUSIQUE CONCERTS

Réouvert depuis peu sur le CoursJulien, le Planet Mundo K’fé fait reve-nir dans notre ville les sons Afro Beatet Cubains des New yorkais de Kokolo(27/3), avant un mois d’avril résolu-ment funk (les 3 et 10/4) avec les DJde Souled Out puis Selecter thePunisher. Après avoir rencontré à laMéson le hongrois Akosh Szelevényi(le S de Akosh S. Unit), dans unemini résidence expérimentale de troisjours (du 21 au 23/3), on sera surprisd’y entendre des standards éthio-piens, ces mélodies vocales de l’aged’or rendus célèbres via le labelEthiopiques, en version instrumen-tale avec les cuivres de l’ImperialTiger Orchestra de Suisse (17/4).Boa Fé sera en concert gratuit le10/4 à Aubagne pour la manifes-tation du RAMA. On peut aussi fairela Grande Nouba sur des rythmes arabo-andalous à l’honneur à Martigues dans

le Festival Mare Nostrum du 24 au28/3. Le jazz se déclinera façonSamba avec Stacey Kent (25/3) àSix-Fours (Espace Malraux). Même leReggae se met à l’heure européenne,l’allemand Sebastian Sturm (4/4)passera par Toulon à l’Oméga, lehollandais Ziggi par la MJCd’Aubagne (17/4) pour deux uniquesdates dans le sud, tandis que notreDub Akom local recevra le seuljamaïcain en déplacement, AnthonyJohn (11/4) aux Salons de la Valette(83)… Et même le Rap français(Rohff le 10/4) ou la Variétéfrançaise (Anaïs le 4/4, et ThomasDutronc le 16/4) s’exportera dans lasalle du Dock des Suds. On ne pourrapas rater les prestations de BaCissoko et Grace, tous deux entournée, au Nomad’ Café pour legriot guinéen (17/4), ou à l’Omégapour la folkeuse reggae (27/3), avec

la divine Sandra Nkakké.Les couleurs de Marseille se dévoilenttoujours au Printemps, et encore unefois, il faudra faire un choix avectoutes ces dates… Quant au poissond’Avril de cette année, ce ne sera pasle scat de Al Jarreau, il est confirméau Palais des Congrés (1er/4).X.RAY

Casse-têteEt si le printemps commençait par swinger ? Triadeet Mikko Innanen seront au Moulin à Jazz deCharlie Free à Vitrolles pour une soirée hors dessentiers battus (28/3). Quelques walking bass plusloin, l’AJMI d’Avignon à la Manutention accueille leMélanie Dahan quartet «la princesse et lescroque-notes» (20/3), Les Larmes du Clown pourun ciné-concert à Utopia (26/3), le Jazz Story n°5Eddie Costa ou le malentendu (27/3), l’ArthurKell quartet «Traveller» (5/4) et le Laure Donatquintet (10/4). Rien n’empêche de faire un crochetpar La Gare de Coustelet pour écouter le MaxiMonster Music Show (21/3) et Ba Cissoko (28/3). Retour à Marseille avec un programme chargé à laMeson : flamenco d’Antonio Negro (3/4) et deSarah Moha (4/4), électro pop avec So ? Mash !(10/4), afro-cubain avec Cachimbo (11/4), et jazzswing pour le Trio Tentik (12/4). Jazz encore àAllauch au Carré de Soi avec le French Sumo(20/3), ou ambiance moins feutrée à la Machine àCoudre avec les chinois Xiao He et les canadiensVialka (22/3), le garage blues de Cut in the hillgang (24/3), le rock électro des Polypes et deJolie Police (27/3), sans oublier les affectueux ZeCardiacs (28/3). Mais l’Espace Julien peut suffire au bonheur :après Avec le temps (voir p 37), les déjantésWampas (26/3), sans oublier La Chanson duDimanche (1er/4), le punk rock de The Unseen etOrange Agent (6/4), le jazz de Raul Midon, ChinaMoses et Raphael Lemonnier (7/4) et les Ghinzu(10/4). Les nightclubbers pourront toujours setourner vers le Poste à Galène et la pop belge

d’Absynthe Minded (28/3), des Legendary PinkDots (12/4) et des désormais incontournablesFelipecha (18/4).Toujours accueillante, la petite salle du Paradoxprogrammera sur ses planches le rock de Monzon(23/3), la fanfare tzigane Sarda Orchestra (26/3)et le duo jazzy Mamzell Match (31/3). Ce n’estbien sur qu’une sélection, rien ne vous empêched’aller giter à l’Estaque sur le bateau Inga desRiaux avec bebop dance floor et surtout live musictous les mardi : le trio Etriba (24/3) et le Patsy

Quartet (31/3). Mais attention, talons interdits àbord !Enfin, trois dates pour ne pas rater le duo Vis àVies dans notre région : Cabriès (4/4), Aurons(5/4) et Saint-Chamas (10/4) accueilleront cesjoyeux lurons qui ne laissent que de bons souvenirspartout où ils passent. Emouvant, vitaminé etchargé d’émotion, l’heureux alliage sonore etartistique concocté par Myriam Daups et GérardDahan a de quoi séduire...FRÉDÉRIC ISOLETTA

Et encore…Un vrai melting pot de concerts des 4 coins du monde à l’honneur ce mois ci !

Kokolo Band © X-D.R.

Vis a� Vies © Sarah Lesven

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MARSEILLECabaret Aléatoire : Soirée Valérie : Minitel Rose,Anoraak, Collège, Russ Chimes (20/3), AddictedElectro Party (21/3), Kill the Dj/Battant RealizeParty (27/3), In Bed with Jarring Effects (28/3), DjMuggs, Maniacx, Dj Rebel (3/4), In Bed with Bi-pôle (4/4), Latcho Divano : fanfare Vagabontu,Emigrante, Dj Soumnakaï, Vj Champi (8/4),Jennifer Cardini, Seb Bromberger (10/4), Markovo,Squarepusher (15/4)

04 95 04 95 09www.cabaret-aleatoire.com

Cité de la Musique : Nicolas Dary/Alain Jean-Marie(23/3), Du romantisme à l’électroacoustique(24/3), Zou, shake that thing ! de Moussu T e LeiJovents (26/3), Scène ouverte au jazz (30/3)

04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.com

Dôme : Benabar, Charlotte Marin (9/4)04 91 12 21 21

El ache de Cuba : Barrio Jabour (19 et 26/3),Maudit Comptoir (20/3), Dj Sky & Dj God save the45 tours (21/3), Mingus Family (27/3), stage dePandeiro avec Sérgio Bacalhau (28/3, 11h à 15h),Full Jazz Attitude quintet (17/4)

04 91 42 99 79www.elachedecuba.com

Embobineuse : Ancient Mith, Zoën, Askanius(20/3), Nagual, Animal Hospital (25/3), projectiondu film Choron Dernière de Pierre Carles et EricMartin, avec performance de Félix Fujikoon etMiamiam (28/3)

04 91 50 66 09www.lembobineuse.biz

Tankono : Aniruddha, Apurba Mukherjee (19/3),Sayon Bamba Camara (21/3), Tropical Swing(27/3), Superfly All Stars (4/4), Duval MC, Apkass(9 et 11/4), Yancouba Diébaté (10/4), Little Big(16/4)

06 43 21 54 29http://tankoko.online.fr

AIXLe Korigan : Curtiss, Mary has a qun, Everlyn, Syopsis(20/3), Clover Seeds, Tal K Mas, Holophonics, RescueRangers (27/3), All Damned (28/3), Soul Stereo,Jumping Lion (3/4), Mindlaq Project, Nocive (10/4)

04 42 54 23 37Luynes

Le Pasino : Maxime Le Forestier (20/3), Serge Lama(27/3), La Route fleurie (6/4)

04 42 59 69 00www.pasino-aixenprovence.com

Théâtre et Chansons : Vincent Gaffet (4 et 5/4),Voyage en Aragon (17 au 19/4)

04 42 27 37 39www.theatre-et-chansons.com

AUBAGNEL’Escale : Bizet était une femme (20/3), BaCissoko, Seydou Drame (11/4), Ziggi, Messengers(17/4)

06 29 75 09 71www.mjcaubagne.fr

BERREForum : Cinémusique sur le Québec : projectionde La Grande séduction de Jean-Jacques Pouliot,suivi de Yves Lambert et le Bébert Orchestra (26/3)

04 42 10 23 60www.forumdeberre.com

CHÂTEAU-ARNOUX/SAINT-AUBANThéâtre Durance : Elisabeth Kontomanou (20/3),Atelier de musique improvisée (14/4)

04 92 64 27 34www.theatredurance.com

BRIANÇONThéâtre Le Cadran : L’instrument à pression (3/4),Ali Baba et les 40 voleurs, ciné-concert par la cie LaCordonnerie (15/4), Ilene Barnes (17/4)

04 92 25 52 52

HYÈRESThéâtre Denis : Hugh Coltman, Jil is Lucky (20/3),Festival faveurs de printemps : Clare & The Reasons,Tamara Williamson (16/4), Sammy Decoster,SvenSson (17/4), Sebastien Schuller, JimYamouridis (18/4)

04 94 35 48 77www.tandem83.com

TOULONOméga Live : Hip hop convict support, part 2(20/3), The Dynamics, Shaolin Temple Defenders(21/3), Grace, Sandra Nkake (27/3), Soirée LocalHeroes (28/3), festival Les Fantaisies toulonnaises:Thomas VDB, La Chanson du dimanche (3/4),Sebastian Sturm, Danakil (4/4), Dub Invaders, HighTone Crew sound system (10/4)

04 98 070 070www.tandem83.com

NÎMESThéâtre : L’expérience japonaise : YMCK (24/3 à20h au Théâtre), Chimidoro (24/3 à 22h30 àl’Odéon), Ruins alone (25/3 à 20h au Théâtre),Kicell (25/3 à 22h30 à l’Odéon), Akane Hosaka etYudaya jazz (26/3 à 22h à l’Odéon), Erina Koyama(27/3 à 20h au Théâtre), Maruosa et De De Mouse(27/3 à 22h à l’Odéon), Kan Mikami (28/3 à 15h àla Cour d’appel), Asa Chang & Junray (28/3 à 20hau Théâtre), Doddodo et Tokyo Panorama Mamboboys (28/3 à 22h à l’Odéon)

04 66 36 65 00, www.theatredenimes.com

39MUSIQUE AU PROGRAMME

Jazz attitudeJazz tous azimuts à la Cité de la Musique ! D’avril à juin, la salle marseillaise accueille degrands noms de la scène jazz, à commencer par unJazz de nuit, en collaboration avec le Festival Jazzdes 5 continents (le 2 avril). Une sorte de mise enoreille avec, excusez du peu, Jean-Luc Di Fraya auchant et percu, Jean-Christophe Maillard au sazélectrique (luth turc), Luis Winsberg à la guitare,au saz et au chant et Julien Lourau au saxo,Nasser Soltani à la percu… Les élèves d’ensemblesjazz de la Cité ouvriront la soirée, tandis que Dj Oilterminera la nuit. En parallèle, du 2 avril au 22 mai, deux expositionspareront les murs de la Cité de photos issues l’unede la collection de Serge Mercier, l’autre du regardde Laurence Fillon sur les femmes dans le mondedu jazz.Le 3 avril, c’est avec Latcho Divano (voir p 36) ques’afficheront les grands noms du jazz manouche :Mandino Reinhardt (solo guitare), MarcelLoeffler (accordéon), Sony Reinhardt (chant),Claudius Dupont (contrebasse) et FrankiMehrstein (guitare rythmique) dans un concerttrès swing. Les 6 avril et 25 mai, Scènes ouvertes avec lesélèves du jazz band, les ensembles jazz et lesenseignants de la Cité de la Musique, entrestandards et compositions propres, sans oublier lebœuf final avec le public. Plus tard, en mai, jazzfusion avec le groupe Synop-Sis (le 11), et en juinswing avec le Philippe Petrucciani quartet (le 8).DO.M.

Cité de la Musique04 91 39 28 28www.citemusique-marseille.com

Julien Lourau © X-D.R

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40 CINÉMA

Les Rendez-vous d’AnnieSamedi 21 mars à partir de 16h 30 l’Alhambra CinéMarseille en partenariat avec Les Mains Uniespropose un ciné tajine spectacle : Le Frabyle, unspectacle de Tayeb Belmihoud, «spectacle de tousles mélanges, des mélanges réussis ou ratés, destraditions différentes…» ; Si Mohand U M’hand,l’insoumis, un film de Rachid Benallal et LiazidKhodja qui trace le portrait du grand poète kabylede la fin du siècle dernier.

Réservation impérative au 04 91 46 02 83 [email protected]

Mercredi 25 mars à 20h30, l’Alhambra Ciné Marseille propose le dernier film de Laurent Chevallier,Expérience africaine, qui suit la découverte par six adolescents, élèves du collège de Marciac, des racines dujazz et d’une autre culture ; d’abord leur apprentissage avec les musiciens du groupe guinéen Folifo, composédes anciens musiciens de Momo Wandel, le doyen du jazz africain et leur prestation au grand concert au 30e

festival «Jazz in Marciac». Dans la deuxième partie, la caméra les suit à Conakry, dans les familles des musiciensde Folifo, et recueille leurs réflexions tout au long de ce voyage musical, culturel et humain.

Débat avec le réalisateur après la projection.04 91 46 02 83www.alhambracine.com

Vendredi 27 mars à 20h au cinéma Variétés, dansle cadre du festival Migrations et Exils, projection dufilm de Tarik Teguia, Inland (Gabbla) en sa présence.Malek, un topographe d’une quarantaine d’années,accepte une mission dans une région de l’Ouestalgérien. Arrivé sur le site, il commence par remettre enétat le camp de base, décimé lors d’une attaque desintégristes. Dans la nuit, son sommeil est perturbé pardes déflagrations. Le lendemain, Malek voit desgendarmes et des villageois s’affairer autour de corpsmutilés. Puis, il trouve cachée une jeune femme noire,qui parle mal l’anglais et ne veut pas donner son nom…Le film est au Variétés à partir du 25 mars

Vendredi 27 mars à 17 h 30, à l’Espace Culture,projection du documentaire Marseille Couleur Ebène.Vous pourrez rencontrer son réalisateur, AbrahamAzie, alias Abrams DJ, qui a arpenté la ville deux ansdurant, à la rencontre de sa «diaspora noire».

Du 18 au 31 mars au Cinéma Mazarin-Aix, dixième quinzaine de Cinéma hispanique en collaboration avecl’association La Noria, une douzaine de films dont Cartes postales de Leningrad de Mariana Rondon, Si loinde Tania Hermida et Une histoire du tango de Caroline Neal.Puis du 8 au 21 avril se tiendra la 8e édition du festival La confusion des genres, des films qui ont jalonnél’histoire du cinéma gay et lesbien, des avant-premières et des rencontres avec des réalisateurs dont PascalAlex Vincent et l’équipe de Je te mangerais, premier film de Sophie Laloy.

www.lescinemasaixois.com

Du 26 au 29 mars 2009 se dérouleraà Rousset la 7e édition du FestivalProvence Terre de Cinéma (voir Zib16)

Les Films du Delta04 42 53 36 39www.filmsdelta.com

Du 31 mars au 7 avril, au cinéma les Arcades de Salon sedérouleront les 19e Rencontres cinématographiques :32 films de 25 pays, de Bosnie au Mali en passant par laMalaisie ou la Norvège… dont le beau film palestinien d’AnneMarie Jacir, Le sel de la mer, le superbe film bosniaquePremières neiges, Le cahier de Hana Makhmalbaf,Françaisede Souad El Bouhati, Le Roi et le Clown de Lee Jun-Ik ouL’île de Pavel Lounguine…Amor Hakkar sera présent pour présenter La maison jaunede même que Vincent Dietschy pour Didine et l’équiped’un film italien, inédit en France, Il vento fa il suo giro deGiorgio Diritti. Autre film inédit, un documentaire musical,Rythm is it de Thomas Grube sur l’orchestre philharmo-nique de Berlin. Pour les plus jeunes un ciné goûter, le samedi, autour du Baldes Lucioles, quatre courts métrages de Lettonie mettanten scène des insectes. Quant aux lycéens, ils pourront voirJoe Strummer : The Future is Unwritten de Julien Temple surle leader des Clash.Pour les cinéphiles, du répertoire : De l’influence des rayonsgamma sur le comportement des marguerites de Paul

Newman et L’Esprit de la ruche de Victor Erice. Enfin, lesamateurs de courts métrages auront leur séance (gratuite)en présence de Lionel Vania Arazi qui a réalisé Le Secretde Cassandre.

Les Rencontres cinématographiques de Salon04 90 56 35 74www.rencontres-cinesalon.org

Jeudi 2 avril à 20h30, à l’Alhambra, enprésence de son réalisateur FabriceCoppin, Première épée : Hugo, âgé dequinze ans ne pense qu’aux taureaux !L’heure de la première mise à mort estarrivée, un rituel qui marquera sonpassage à l’âge adulte.Du 25 mars au 5 avril, à l’Alhambra,cinquante-six ans après sa sortie, re-prise de Le Petit Fugitifde Morris Engel,Ruth Orkin et Ray Ashley, lion d’ar-gent au festival de Venise, un film sanslequel ni les 400 Coups ni A bout de

souffle n’auraient existé, comme l’a dé-claré Truffaut.Et si vous n’avez toujours pas vu lepetit bijou d’Agnès Varda, Les Plagesd’Agnès, vous avez encore une chance:il est programmé tous les vendredisjusqu’au 24 avril à 21h !

04 91 46 02 83www.alhambracine.com

ANNIE GAVA

Du 1er au 14 avril, dans le cadre desRencontres du 9e Art (voir p 43), l’Ins-titut de l’Image, à Aix, proposeHistoires de cow-boy. Le 5 avril à 14h,le dessinateur de Valérian, J-C Mézières,viendra parler de son amour des grandsespaces et de l’Ouest sauvage à l’oc-casion de la projection du film de DavidMiller, Lonely Are the Brave.

Institut de l’Image www.institut-image.org

Expérience africainede Laurent Chevallier

Le Petit fugitif de Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley

Premières neiges, le cahier de Hana Makhmalbaf

AU PROGRAMME | DIGNE | IMAGE DE VILLE

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Du 6 au 9 avril, à Digne-les-Bains, les37e Rencontres cinématographi-ques : projections et rencontres avecdes cinéastes, dont Khalil JoreigeavecJe veux voir et Khiam, EmmanuelFinkiel pour Nulle part, terre promise etRabah Ameur-Zaïmechepour Derniermaquis.Séverin Blanchet présentera lasérie Enfants de Kaboul, série de cinqcourts métrages réalisés par des réali-sateurs afghans. Un jury, présidé par

Paul Otchakovsky-Laurens, attribuerale prix de la ville de Digne au meilleurcourt métrage.

Rencontres Cinématographiquesde Digne-les-Bains et des Alpes de Haute-ProvenceCentre Culturel René Char, Digne(04)04 92 32 29 33www.unautrecinema.com

Du 8 au 14 avril, Image de ville présenteles quatrièmes Journées du Film surl’environnement,consacrées au mon-de paysan. Projections, au pays d’Aix,de 55 films, fictions et documentaires,rencontres et débats avec des cinéasteset des spécialistes des questions agri-coles, expositions de photographiesautour de quatre thèmes : Être paysanaujourd’hui, pour quelle agriculture ? ;Entre ville et campagne ; La crise alimen-taire mondiale ; Entre producteurs etconsommateurs.Champs, contrechampspropose ainside voir des films fondateurs commeFarrebique (1947) et Biquefarre (1984)de Georges Rouquier, des films plusrécents comme Profils paysans 1 et 2 etLa vie moderne de Raymond Depar-don, Les terriens d’Ariane Doublet ouL’Apprenti, le premier long métrage deSamuel Collardey, permettant de ré-fléchir sur la vie quotidienne desagriculteurs, leur avenir…Le 11 avril l’accent sera mis sur les

cinéastes italiens avec Parabole d’or etPastori di Orgosolode Vittorio de Seta,Biutiful cauntride Esmeralda Calabria,Il vento fa il suo giro de Giorgio Dirittiet Padre Padrone des frères Taviani.Pour les plus jeunes, Chicken Run deNick Park et Peter Lord, La ferme desanimaux de Joy Batchelor et JohnHalas, Guerre et paix dans le potagerde Jean-Yves Collet, Patate et le jardinpotager de Damien Louche-Pélissieret Benoît Chieux...Une occasion pour tous les urbains dedébattre avec des réalisateurs et desspécialistes des questions agricoles, etd’«environnement» (voir p. 58).A.G.

Champs, contrechampsJournées du Film surl’environnementImage de ville, Aix04 42 63 45 09www.imagedeville.org

Cinéma paysanNulle part terre promise de Emmanuel Finkiel

L'Apprenti de Samuel Collardey

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Hors le coup d’envoi au CRDP le 26 marsavec deux films argentins et la soirée declôture au cinéma Le Madeleine, c’està la salle SEITA de la Friche que se dé-roulera l’ensemble de la manifestation,présidée par le réalisateur argentin CarlosSorin, qui a obtenu un Lion d’argent à laMostra de Venise et le Goya (César espa-gnol) du meilleur film étranger pour sonpremier long métrage La pelicula del Reyen 1986.«La venue de Carlos Sorin à Marseille seraun moment fort, précise Léonor Harispe,coordinatrice des Rencontres. C’est lui quidonnera la «leçon de cinéma», mise enplace avec L’IUFM. Nous projetterons enavant-première son dernier film, La Ventana,un film en rupture avec tout ce qu’il a réa-lisé jusque là : l’histoire d’un vieux monsieur,en Patagonie, qui attend à la fenêtre, (la ven-tana) son fils qu’il n’a pas vu depuis desannées… Un film magnifique ! Et AtahualpaLichy a programmé son premier long mé-trage, Bombon El Perro (2004), que nousproposons aussi en séances scolaires.»

Compétitions, rétrospective,avant-premières…Sept films seront en compétition pour leColibri d’or : outre La Ventana, le dernierfilm du réalisateur de Mon Ami Machuca,Andrés Wood, La buena Vida, une visioncritique de la société chilienne d’au-jourd’hui ; La Morenita du mexicain, AlanJonsson Gavica ; un film inédit portori-cain, d’Adorno Irrizarri et Emilio RodriguezVasquez, El Clown qui raconte l’histoired’un clown d’un cirque de village, partitravailler en ville dans la publicité…Il y aura aussi un film vénézuélien, El Tintede la famaainsi que Chega de saudade,dela réalisatrice brésilienne, Lais Bodansky.Une rétrospective permettra de revoir lesclassiques de l’humour latino, dont LaMuerte de un burocrata et La Estrategia del

caracol, et de découvrir Estrellas, le docu-mentaire de Federico León et MarcosMartinezsur Villa 21, un studio de cinémadans un bidonville de Buenos Aires qui aobtenu le prix spécial du Jury au BuenosAires Festival Internacional de Cine Inde-pendiente (BAFICI).Ce ne sera pas le seul documentaire; leFIDoffrira sa Carte Blanche,et, en avant-première mondiale, Valeria dos Santoset Philippe Claudeprésenteront Paraguay,une révolution par les urnes, une tentativede comprendre pourquoi la société para-guayenne confie son destin aux mainsd’un religieux.Et comme les autres années, des courtsmétrages seront en compétition : 14 ontété sélectionnés, représentant 8 pays.Chaque projection sera suivie d’un buffetet le 27 marson pourra écouter un concertde Liubila, un trio de «musiques hispani-ques populaires revisitées.» Des projections

auront lieu aussi à La Ciotat, Manosque,Saint-BonnetetForcalquier… Pourtant,comme beaucoup de manifestations, leurbudget est plus que serré et c’est grâceau dynamisme et aux bonnes volontésque les amoureux du cinéma latino pour-ront voir tous ces films !ANNIE GAVA

ASPAS04 91 48 78 51www.aspas-marseille.org

42 CINÉMA ASPAS | AFLAM

Organisées par Solidarité Provence Amérique du Sud,les 11e Rencontres du cinéma sud-américain se tiendront à Marseille du 26 mars au 3 avril

Si les films sont peu nombreux avant les années 80, après, ilsne manquent pas, surtout ceux qui parlent de l’émigration maghré-bine comme Traversées du Tunisien Mahmoud benMahmoud,Visa, la dictée du Tunisien Ibrahim Letayef, Paris-sur mer duMarocain Mounir Abbar, Visa pour un rêve, de l’AlgérienneSamia Chala., Bye bye de Karim Dridi, ou La faute à Voltaired’Abdellatif Kechiche…Seront abordées aussi d’autres émigrations comme celle duProche-Orient vers l’Amérique latine avec Ila Ayn ? du LibanaisGeorges Nasser, ou vers le golfe avec La Sueur des palmiersde l’Égyptien Radwan El Kashef ; les migrations intérieuresavec À Casablanca les anges ne volent pas, du MarocainMohamed Asli, ou les déplacements qui font naître de nouvellesformes d’esclavage avec Bonne à vendre de la Libanaise DimaEl Joundi.

RencontresCertains cinéastes seront présents : le 2 avril, à 20h 30, NadiaKamel présentera Salade Maison. «L’histoire est simple. Mamère, Mary, est une salade de religions, de cultures et de gens.Elle est juive, catholique et musulmane. Elle est italienne et égyp-tienne. Elle est communiste, féministe et pacifiste d’instinct…»Le 3 avril à 20h30, Brahim Fritahprésentera Le Tableau : l’oncledu réalisateur revoit un tableau d’El Jadida, sa ville natale, qu’ila peint trente ans auparavant à son arrivée en France, et ilraconte sa jeunesse au Maroc, son départ, sa vie d’ouvrier à larégie Renault. Et le 4 avril à 14h00, La femme seule, le récit parune jeune Togolaise de son esclavage.Bourlem Guerdjou sera présent lui aussi le 4 pour parler deVivre au Paradis un film qu’il a réalisé en 1999. Participera àl’échange, à 20h30, Stéphanie Alexandre responsable de l’audio-visuel auprès de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration.Le 5 avril à 14h,Marie Vanaret et Aurélien Desclozeaux, sonchorégraphe interprète, présenteront O.S., le un parcours d’unimmigré du Maghreb devenant ouvrier spécialisé en métropoledans les années 50, le premier solo de Triptyque Soul.Le même jour, Serène Delmas, de La Cinémathèque de Toulouse,viendra présenter deux films : Aventure en France de Jean-PaulNgassa à 16h et Pierre et Djemila de Gérard Blain à 18h.26 films, 12 pays, une exposition de Kamel Khélif et SamihaDriss, de la danse, des débats, deux projections hors Marseille,à Gardanne et Port-de-Bouc, le programme est alléchant !A.G.

Aflam Cinéma les Variétés04 91 47 73 94www.aflam.fr

Déplacements et errances

Ola ! Des films latino !

Comment les cinémas arabes ont-ilsabordé l’émigration, son histoire, ses conséquences, et l’exil ? Telle est la problématique de l’AFLAM du 2 au 5 avril

La Faute a� Voltaire d’Abdellatif Kechiche

Carlos Sorin © Rolando Jurado

Chega de saudade de Lais Bodansky

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43ARTS VISUELSGALERIE DU TABLEAU | RENCONTRES DU 9e ART

Plus de 70 auteurs, 12 expositions, 35000 visiteursattendus : les chiffres des Rencontres du 9e artexplosent ! En six ans, le festival de la bande dessinéeet autres arts associés s’est fait une place sous lesoleil d’Aix-en-Provence malgré l’image de «villeconservatrice» qui lui colle à la peau. Plus largementencore sur le territoire de la Communauté du Paysd’Aix, sillonné par des Caravanes BD customiséespar les auteurs, lieux insolites pour des workshops etdes rencontres sur le thème «Picasso n’existe pas»…Ce succès populaire, les Rencontres le doivent sansdoute à leur esprit fédérateur qui entraîne tous les

musées à introduire leloup dans la bergerie enaccrochant des BD àleurs cimaises, et toutesles galeries, les librairieset les bibliothèques àjouer le jeu. Elles le doi-vent également à leurvolonté de coller àl’image de leur grandfrère, le Festival d’An-goulême, qui innove etrebondit sans cesse. ÀAix donc, le public aurarendez-vous avec desœuvres (parmi les accrochages, Lucy, L’espoir auMuséum d’histoire naturelle et Ginkgo à la Cité dulivre pour le jeune public), des auteurs (dont unerencontre entre Bilal et Preljocaj, dix-huit ans aprèsRoméo et Juliette), des réalisateurs (Jean-ClaudeMézières pour Histoires de Cow Boys et PierreCarles pour Choron dernière en avant-premièrerégionale). Et de la performance pour un Concert dedessins mêlant les encres de Vincent Vanoli auxsons pop rock de Lauter. Tiens, tiens, une forme iné-dite lancée à Angoulême pour sa 32e édition ! C’étaitil y a quatre ans…MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Les Rencontres du 9e artdu 24 mars au 25 avrilJournées rencontres et dédicacesles 3, 4 et 5 avril à la Cité du livreAix-en-Provence et Pays d’Aixwww.bd-aix.com

Nouvelle séquence illustrée à Aix

© Gingko

Enki Bilal Casterman

Qu’est-ce qui mesure 16m2, a reçu plus de six centsartistes, huit cents expos en presque vingt ans, etplafonne à 30 000 euros de budget annuel actuelle-ment ? Dès sa création en 1990 par Bernard Plasseet l’association Diem Perdidi, la Galerie du Tableaua été conçue selon le concept un artiste, une œuvre,une semaine. Le premier : Max Ernst et un de ses microbes.Sélection au felling et éclectisme comme principe.Vernissage chaque lundi à 18h30.Visite d’atelier ensuite et plus si affinités.Avec Porte Avion et Athanor, elle constitue le trium-virat historique des galeries d’art contemporain àMarseille. Mais plus pour très longtemps ! ChezAthanor, Jean-Pierre Alis tirera définitivement lerideau aux vacances d’été, et Bernard Plasse envi-sage de décrocher les cimaises avant la fin del’année s’il ne trouve pas un lieu plus adapté. A 74

ans, toujours des projets derrière la moustache, illaisse poindre une certaine lassitude. Le marché del’art à Marseille ? «Il y a peu de collectionneurs surMarseille, et ils vont acheter à Paris ou ailleurs,souvent plus cher, des artistes que nous montronsici!». Les institutions muséales ? «En bientôt vingtans, je n’ai pas eu un achat du Frac, alors que j’aiprésenté des pièces qui sont aujourd’hui au Frac.»Quant à Marseille 2013, «…sollicité au début et puisplus rien. Ce sont les arts de la rue qui les intéres-sent. Ça risque de se rapprocher plus du carnaval deNice que du Louvre ou de Beaubourg» et «ce quimanque à la ville, ce sont des gens compétentsentourés de professionnels.» Ici le musée d’art«contemporain» n’en a gardé que le sigle entre [].Alors Bernard Plasse avance l’idée de le ramener encentre ville «avec 700 à 1000m2 en trois parties : tou-jours les 16 de la galerie, et le reste donné en partieen gestion à une galerie de renommée internationalesur deux ans, et en partie en expo permanente avecdes artistes d’ici. Avec des vernissages simultanés.Les gens, les collectionneurs viendraient acheterplus facilement !»Malgré l’amertume, les projets ne manquent pas.

Pour cette année un triptyque Toronto, Hambourg,Marseille, Marseille s’invite à Toronto ; en mai, un livreen hommage à deux grands poètes actuels vivant àMarseille, Jean-Jacques Viton et Liliane Giraudon,entretiens avec Xavier Girard ; pour fin 2009-2010, Unpeu plus au sud qui réunira des artistes du Maghrebet des œuvres itinérantes intégrant lumière et éner-gie solaire. Pour l’heure, Bernard Plasse souhaite unautre lieu plus commode pour la Galerie du tableau,ou… son arrêt. Il a rendez-vous le 7 avril.

Galerie du Tableau04 91 57 05 34www.galeriedutableau.free.fr

prochains artistes jusqu’en maiChristophe Boursault (prix Mourlot 2008)Marie-Hélène FrabaJack JeffreyLaurent SeptierRaphael Boccanfuso

Le 37 rue Sylvabelle à Marseille a vu défiler des générationsd’artistes contemporains. Et ça continue. Mais la Galerie du Tableau est en sursis…

16m2 et plus

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44 ARTS VISUELS SMP | ATELIERS D’ARTISTES | VIEILLE CHARITÉ

Originellement appelée La Nébuleuse, l’expositionapparaît aux Ateliers d’artistes de la Ville de Mar-seille sous l’intitulé Puits des mondes dans unescénographie signée Sylvain Roca, des environ-nements et des installations conçus par ÉlodieMoirenc. Un projet tricoté dans la continuité d’unepremière expérience en binôme au Château deLauris, et vivement accueilli par l’AssociationChâteau de Servières qui, pour le coup, a totalementrepensé ses espaces. Parce que «la propositionest ténue, dense, souligne Martine Robin, com-missaire d’exposition, parce qu’elle est vivante.C’est un travail sur les formes, les matières, l’espace,la couleur : la base même des arts plastiques»…On pénètre dans ce puits sans fond par une anti-chambre recouverte de dessins gais et «enfantins»avant de déboucher sur des sas obscurs où l’oncircule et déambule à sa guise. Dans une succes-sion d’espaces fictifs qui brouillent les repères,dans un entre-deux instable, on découvre la Matrice,le Trou noir, le Trou blanc, la Grotte, la Salle secrètedes sculptures, les Spectres comme autant d’œuvresmises bout à bout «sous forme de collections».L’ensemble évoque une combinaison théâtralisée,à réinventer sans cesse, où les matériaux et la lu-mière ont remplacé le dialogue des mots et le jeudes acteurs. Sylvain Roca y met en scène le vocabu-laire d’Élodie Moirenc, ses matériaux -opaques outransparents, lisses ou rugueux-, ses perspec-

tives -tronquées parfois-, ses laies de papier peinten lambeaux, ses colliers de perles géants sansdébut ni fin… Mais que se passe-t-il donc derrièrele rideau ? Au fond de la pièce ? Là-bas, au boutdu couloir ? Rien d’éternel, juste des visionsimmatérielles, tels les chemins de Lilliputienstracés à coup de gommettes.MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Puits des mondesÉlodie Moirenc et Sylvain Rocajusqu’au 11 avrilAteliers d’artistes de la Ville de Marseille04 91 85 42 78

SMP accueille une série de dessins de Sylvie Picmontrés pour la première fois en France et unprojet, Determinant hidden spaces, produit avecl’aide de la galerie et son responsable StéphaneMagat. On peut avoir un double sentiment lors-qu’on retrouve ce travail. D’une part, une certaineséduction poétique suggérée par ces espaces néogéométriques inclassables et une technique dudessin très veloutée (crayon sur papier préparé àl’acrylique). Telle cette Black Suite de 2002 mon-trée à Montréal, et pour la première fois en Franceà SMP. D’autre part, un sentiment de déjà vu, derépétition tellement la manière est caractéristiquede l’artiste. On se penchera alors vers les deuxcaisses en bois brut d’un mètre cube environinstallées dans la seconde salle. Un petit hublotrectangulaire permet d’observer à l’intérieur dechacune. Les parois sont recouvertes de formescurvilignes peintes en mi-teintes. L’effet premierdonne la sensation d’anamorphose proche dutravail de Georges Rousse mis en boîte. Il sembleque l’effet recherché visuellement est d’annulerla présence réelle du volume cubique et d’auto-riser le flottement du regard dans un autre espaceainsi révélé sans limites. D’où le titre du projet. Onretrouve ici une des préoccupations qui hantentles œuvres de l’artiste. Mais, à cause d’une miseen lumière trop crue, l’illusion ne fonctionne pascomplètement. «Il faut que j’atténue la lumièredans les angles car on les voit encore trop» avoue-t-elle.Un petit réglage seulement pour que tout tombeà Pic !

Determinant hidden spacesSylvie PicJusqu’au 25 avrilSMP04 91 64 74 46www.s-m-p.org

Des mondes nébuleux

Boi�tes - Determinant Hidden Spaces, 2009

Puits des mondes, Elodie Moirenc et Sylvain Roca, salle 3

En parodiant Hector Obalk àpropos d’Andy Warhol, onpourrait dire de Bernard Buffetqu’il n’est pas un (très) grandartiste. Pourtant le pape du popbadait le peintre français dit-on !Alors qu’a-t-on à se mettre sousla dent sous les voûtes de laVieille Charité ? Une soixantained’œuvres de 1947 à 1999, issuesde collections particulières, d’unartiste notoire pour sa mise auban de la grande histoire de l’art!Vilains tableaux disaient-ils,vilaine était donc la critique.L’argument est bien court. Àl’inverse, affirmer que BernardBuffet fait jeu égal avec Picassopour avoir été précurseur dansl’art du XXe siècle (lire le catalogue), constitue unethèse plutôt excessive. En regard des Futuristes,Surréalistes, Dadaïstes ou Constructivistes,l’esthétique développée se résume à quelquestraits caricaturaux. Mais à y regarder de près, biendes œuvres traduisent une empathie tragiqueavec le genre humain. Dommage que le style prennele dessus, sauf dans La Merréalisé en 1960, la seuleœuvre de facture abstraite présentée ici. Un écartpour le pape de la figuration, ou une autre voie ?Les organisateurs souhaitaient une réhabilitationen lui dédiant une grande exposition. Est-ce ungrand projet dans l’ambitieuse programmation

d’une ville sacrée capitale européenne de laculture ? La question du Buffet reste posée.C.L.

Bernard BuffetJusqu’au 7 juinCentre de la Vieille Charité0810 813 813Allo mairie 0 810 813 813

CatalogueBernard Buffet, Indigènes éditions, 2008

Buffet froid ?Systèmes

Le grand jeu II, huile sur toile, 130x162cm, 1977 © Galerie Maurice Garnier

Pierre Tal-Coat, Vols d'oiseaux passant un reflet 1965, huile sur toile, 122 x 196 cm, Collection particulie� re, © Jean-Louis Losi

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ARTS VISUELSVILLA NOAILLES | SAINT-RÉMY

À Hyères, la Villa Noailles a recoursaux moyens les plus traditionnelsque sont la photographie, les planset quelques maquettes pour étayerson propos. L’ensemble est un peusec, contrebalancé fort heureuse-ment par deux vidéos qui, outre laclarté du propos de Patrick Bouchainet du témoignage d’André Lefèvre,rendent l’architecture plus «vivante».Sans oublier la participation de RudyRicciotti qui évoque l’intelligence etla générosité constructive de ceuxqu’il nomme«architectes voyageurs.»D’aucuns qualifient leurs réalisa-tions de réussite environnementale mettant en œuvre«un autre rapport au monde.» Ainsi Patrick Bouchainparle de «réussite exceptionnelle» à propos «d’uneœuvre entière, sincère et spirituelle.» L’exposition toutentière est un plaidoyer en faveur du cabinet, les partispris d’intégration au paysage, l’utilisation des pierresnaturelles, la réalisation de toits-jardins, les cheminspiétonniers, l’interpénétration entre les espaces inté-rieurs et extérieurs… Quand d’autres s’insurgent contre

le bétonnage du littoral varois comme ce fut le cas dudomaine du Gaou Bénat transformé en hameaux ! Il fautreconnaître néanmoins que, si l’avancée du béton surles forêts de pins et les restanques est regrettable, AndréLefèvre et Jean Aubert ont réussi à se faire tout petitsface à Dame nature, rendant quasiment invisibles leursconstructions entre terre et mer.MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Conçue pour des initiés de l’architecture,l’exposition Architecture de la disparition rendhommage à AndréLefèvre et Jean Aubertqui, dès les années 50,réalisèrent «de véritablesarchitectures à l’échelle du paysage»

Architecture de la… discorde

© Olivier Amsellem, Villa La Le�zardie�re

Le grand jeu II, huile sur toile, 130x162cm, 1977 © Galerie Maurice Garnier

De Château Noir en Provence oùPierre Tal-Coat vécut une quinzained’années, à la Chartreuse de Dormonten Normandie où il poursuivit«inlassablement sa quête vers unefusion du spirituel et de la matière»,le musée Estrine à Saint-Rémy-de-Provence nous invite à marcher

dans ses pas. Car de flânerie il enquestion ici, et de traces aussi, Tal-Coat étant un infatigable promeneurtout autant qu’un peintre des em-preintes. Né en 1905, Pierre Tal-Coatfit mille et un métiers avant de seconsacrer exclusivement à la pein-ture à partir des années 1924, et

jusqu’à sa mort en 1985. Sur sa route,deux hommes et deux rencontresfondatrices, l’une avec le philosopheHenri Maldiney, qui «ouvre son œil àl’émotion comme une expérience dela vie, de la réalité», l’autre avec lepoète André du Bouchet qui lui fitsentir pleinement l’état «d’être dansle paysage.»Si l’exposition se concentre sur unedizaine d’années, elle n’en offre pasmoins la quintessence de son œuvreen prise permanente avec la nature,sans que jamais il ne l’imite ou ne lacopie. La nature –«celle de la réalitéoriginelle»- est comme un secondsouffle, une architecture divine, uneconstruction mentale quand, sur latoile, il n’en conserve que les lignesde force. Celui dont le nom signifieen breton «front de bois» n’a cesséd’affiner son vocabulaire où la ligneet la bande, rectilignes ou circu-laires, sont omniprésentes, où legeste suspendu se heurte à l’hori-

Architecture de la disparitionjusqu’au 5 avrilVilla Noailles, Hyères (83)04 98 08 01 98

Lignes de faillezon, à la saillie d’une pierre, frôle larugosité d’une écorce, se perd dansune faille vertigineuse. Aquatique,minérale ou végétale, Tal-Coatrépétait qu’il voulait «rentrer enelle», écrivait qu’il voulait «repré-senter la nature de manière intuitive.»Et toutes ses recherches sur la cou-leur pure, la matière, la lumière ontété une réponse plastique à unequête d’une représentation sen-suelle. Au point d’atteindre les rivesd’une «abstraction» silencieuse. Car Tal-Coat fut aussi le peintre dela solitude et de la méditation.MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Pierre Tal-Coat, De Château Noirà DormontMusée Estrine, St-Rémy-de-Provencejusqu’au 14 juin04 90 92 34 72

Pierre Tal-Coat, Vols d'oiseaux passant un reflet 1965, huile sur toile, 122 x 196 cm, Collection particulie� re, © Jean-Louis Losi

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Oeuvre de M

oss, l'un des artistes fugurant dans la collection Sotta

46 ARTS VISUELS AU PROGRAMME

[Saint-Cyr-sur-Mer]Un grand bonheur, toujours, que celui de retrouver Anne et Henri Sotta et leur collection (en partie car elle compte plus de 1000 œuvres), miroir de leurs relations avec les artistes plutôt que bourse d’investissement sans risques ! À Saint-Cyr-sur-Mer, une sélection d’œuvres représentatives de l’Art brut et de l’Art singulier trouveront leur place dans cette anciennecâprerie réhabilitée en Centre d’art.

Sotta, de la collection aux expositionsjusqu’au 26 avrilCentre d’art Sébastien, St Cyr-sur-Mer (83)04 94 26 19 20

[Atelier de Visu]L’Atelier de Visu nous offre l’une des très rares occasions de voir, en France, les travaux photographiques

noir et blanc de Tore Sandahl qui vit et travaille à Stockholm. Comme une histoire sans paroles, ses personnages anonymes sont cadrés avec une extrême rigueur, dans un halo infini de gris et de blanc

qui souligne les reliefs.

Tore SandahlStolen Momentsjusqu’au 10 avril

Atelier de Visu, Marseille04 91 47 60 07

[Galerie Dukan & Hourdequin]On n’avait pas vu pareil univers depuis les pré-raphaèlites… De loin, les œuvres ressemblent à des photographies numériques ; de près, ce sont des huiles sur toile ou sur papier d’une facturehyperréaliste : la méprise est telle qu’elle trouble les sens. Le modèle, toujours le même, incarne la beauté féminine, une certaine idée de l’éternelle jeunesse, la nature empirique, la rédemption après la mort… L’origine du monde, peut-être ?

Ygal OzeriPetite mortjusqu’au 16 maiGalerie Dukan & Hourdequin, Marseille (1er).www.dukanhourdequin.com

[Saint-Quentin-la-Poterie]Sans attendre la remise des prix du Festival européen des arts céramiques

2009, décerné le jour de l’inauguration le 12 juillet prochain, le Musée de la poterie méditerranéenne rassemble les créations de vingtcéramistes représentatifs de la diversité des courants, des inspirations et des techniques actuels. Un florilège d’inventivité, de haute technicité,

d’humour et de poésie donnant à la «terre» toute sa vivacité.

Musée de la poterie méditerranéenneLa Jeune céramique européenne

Du 4 avril au 27 septembreSaint-Quentin la Poterie (Gard)

04 66 03 65 86MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Frydman Kuhn Couturethe� ie� re

Stolen Moments, Courtesy Tore Sandahl

Yigal Ozeri (2008), huile sur toile 20 x 30 cm

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[De la photographie et du spectacle]Guy Le Querrec (Magnum Photos) est l’invité d’honneur du 43e SalonPhotographique d’Allauch, cadré sur le thème de la photographie

et le spectacle. Une exposition Jazz de J à ZZ lui est consacrée à la galerie duVieux Bassin et le soir du vernissage, vendredi 17, rencontre débat, projectionset signatures. Comme à l’accoutumée, Jean-Louis Amoroso et l’associationPhocal ont soigné le reste du programme avec de nombreuses expositions

et évènements dans la ville : les heureux élus de ce 43e concours, sans compter les rencontres, débats, portes ouvertes, soirées et projections,

à découvrir dans le détail sur www.phocal.org.

43e Salon Photographique d’Allauchdu 17 avril au 10 mai

divers lieux04 91 10 49 20

[Vitrine, vidéo, installation]Où il est question de portraitsbrouillés, de sacrifice, de vampirisation : le visage del’actrice Gene Tierney (dans le filmd’Otto Preminger, Laura) mixé avecles traits de Dora Maar (La Femmeen Pleurs de Picasso, version TateGallery). Où l’on voit une sélectiondes 12 installations de la série Les Larmes de Lora conçue parLaurent Fiévet, en partenariat avec la galerie parisienne La Ferronnerie.

Laurent FiévetLes Larmes de Lora - ReflusJusqu’au 11 avrilOù - lieu d’exposition pour l’art actuel04 91 81 64 34

CLAUDE LORIN

Frydman Kuhn Couturethe� ie� re

Les Larmes de Lora, Laurent Fie�vet

Photographie de Guy Le Querrec

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RENCONTRES48 LIVRES

L’histoire de l’art européen s’est fabriquéepour parties sur des conceptions d’avant-garde, de révolution ou encore dethéories de la table rase. Les Futuristesfont figure de référence en la matière.Le Centre Pompidou avec quelquestemps d’avance célébrait l’anniversairede sa naissance (20 février 1909) et Mar-seille, respectueuse pour une fois ducalendrier, modestement lui rend hom-mage sous plusieurs formes. À Montévidéoétait proposé un repas inspiré des règlesde la cuisine totale futuriste (voir p 33)et au Cipm, après un vernissage/lecturele 20 février, une sage exposition intituléeLe Futur a 100 ans court jusqu’en avril.

En hommage discret, Yvan Messac aconçu une série de dix gouaches deformat affiche en s’inspirant des codesgraphiques du mouvement italien.Noir, blanc et rehauts colorés issus dudrapeau transalpin par endroits, chaquepièce évoque l’iconographie (l’imageriementale ?) produite par et autour de cemouvement : portraits stylisés de sesreprésentants, textes obliques, contrastesmarqués dans l’esprit constructiviste ouateliers de mai 68. Pas tout à fait illustration ni redon-dance, ces images sont complétées pardes livres, documents d’époque oufacsimilés. Parmi ceux-ci deux pagesédifiantes intitulées Sintesi Futuristadella Guerra en disent long sur la concep-tion supérieure qu’avaient ces artistes deleur pays sur les autres européens ! Larévolution et/ou la guerre comme avant-garde artistique ? Brrr…!C.L.

Hommage graphique au FuturismeIvan MessacJusqu’au 4 avrilCentre International de Poésie deMarseille04 91 91 26 45www.cipmmarseille.com

Format à l’italienne

Ivan Messac, 2008

Bien avant le début des échanges, l’auditorium de labibliothèque était bondé. Mieux valait arriver à l’heure pourvoir celui qui déplace les foules et dont le succès ne se démentpas. L’immeuble Yacoubian vient de fêter son millionièmeexemplaire ; de 2002 à 2007, il est resté le roman le plusvendu dans le monde arabe, détrôné en 2007 par… Chicago,le 2e best-seller de ce dentiste cairote devenu écrivain ! Lui-même n’a pas l’air d’en revenir. Pourtant, dans un excellentfrançais, il essaie de cerner les raisons de l’écho immense deses romans, et aussi celles qui l’ont poussé vers l’écriture,même s’il reste dentiste à temps partiel, ses patientsconstituant d’excellentes sources d’inspiration. La littérature,pour lui, est un moyen privilégié de comprendre les autres etd’explorer des domaines nouveaux ; elle nécessite ouvertured’esprit et tolérance. «Tout ce que j’ai écrit a dépassé lesbarrières», déclare-t-il. C’est sans doute cette liberté que seslecteurs apprécient. Comme ils apprécient la vérité humainede l’Égypte qui transparaît dans ses romans, bien loin dufolklore orientaliste, et le combat qu’il mène contre toutes les

formes d’hypocrisie.Cette rencontre a permis de mesurer la bonhomie de l’auteur,ses talents de conteur, son humour. Une soirée vivante,chaleureuse, à l’image de l’invité vedette, que d’autres acteursont également bonifiée : le lecteur public Marc Roger qui aenchanté la salle d’extraits choisi, puis Gilles Gauthier, dontl’excellence des traductions a été saluée par le publicarabophone. Ce diplomate en poste au Yemen a insisté surl’accueil favorable qu’il reçoit dans le monde arabe grâce àson travail de traducteur, soulignant une ouverture d’espritque les Occidentaux ont, selon lui, une regrettable tendanceà nier.Longtemps après la fin des débats, El Aswany était toujoursassiégé par les lecteurs venus faire dédicacer leurs livres. Pas letemps de faire une pause ! Il a pourtant gardé le sourire et euun mot gentil pour chacun. On aurait tous voulu êtreégyptiens (voir p. 51).FRED ROBERT

El Aswany fait salles comblesLe romancier égyptien était invité le 10 mars au Méjan et le 11 mars à la BibliothèqueDépartementale pour deux rencontres organisées par Thierry Fabre, Actes Sudet La pensée de midi

Alaa El Aswany © Marc Melki

Dans le cadre du cycle aubagnaisMauvais genre, la MJC a proposé decélébrer la Journée Internationaledes Femmes par l’exposition de pein-ture Reg’Art installée dans le superbelieu entièrement rénové de la galeriemunicipale : les Pénitents Noirs.Cetteancienne chapelle de St Michel accueilledes expositions depuis 2001. 80 artistesfemmes d’Aubagne et la région ontproposé peintures ou sculptures sur lathématique du corps et de ses repré-sentations. L’installation séduisante desachets de plastique rose de CarolineAvias donne une note festive et ironi-que.à l’ensemble. Les propositions sonttrès variées et de niveau différents, larègle étant qu’il n’y a pas de sélection.L’oeil se promène donc de peinturesfiguratives ou abstraites assez criardes àdes propositions nuancées et sensiblesplus abouties, comme les 9 carrés blancscontenant chacun un dyptique de des-sins raffinés de Martine Rastello, etles corps suggérés de Clodine Plongeurou Cincia, des sculptures de papier deMalooka, en terre de Martine Pellegatti,en bois flotté de Nicole Agoutin... Onremarque aussi le travail de MichèleAlexandre qui évoque Alechinsky sansle copier. Exposition jusqu’au 22 mars.CB

À venir dans le cadre de mauvais genre...- Rencontre littéraire avec RégineDesforges, le 28 mars à 17h, dans la salle «adultes»;- Journée professionnelle(bibliothécaire et documentalistes)proposée avec le COBIAC, l’ARL,l’ABF et la bibliothèquedépartementale des BdR sur la littérature populaire. Le 30 mars de 9h à 17h. - Concert hard rock donné par la Maison des activités socio-culturelle de La Penne-sur-Huveaune.Le 3 avril à 18h.- Conférence-concert de SébastienDouzal, guitariste soliste. Le 17 avril à 18h.Conférence-concert : Isabelle Terjan(pianiste) et Christelle Neuillet(clarinettiste et violoniste) raconterontles destins croisés de femmescourageuses ayant ouvert la voie à l’épanouissement artistique des femmes du XXe siècle. Le 25 avril à 17h.

Le deuxième genre

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Organisées par l’Association Des Auteursaux Lecteurs (ADAAL), en partenariatavec Solidarité Provence/Amérique duSud (ASPAS) et Libraires à Marseille,ces Journées du Livre sud américainne sont pas tout à fait une première :elles ont déjà eu lieu en mars 2008,mais la manifestation souhaite désormais

mettre l’accent sur la création littéraired’Amérique latine, afin d’apporter uneaide concrète à la reconnaissance et à ladiffusion de leurs œuvres en France. Lecontexte marseillais semble propice à unetelle manifestation, grâce à l’ASPAS,mais également à des libraires et édi-teurs comme Jacques Aubergy. Finconnaisseur du Mexique où il a créé en2003 le prix Antonin Artaud, directeurde la collection L’Atinoir, il sera l’un desinvités de ce festival qui rassemblera desauteurs latino américains aussi fameuxque le Chilien Luis Sepulveda ou leMexicain Paco Ignacio Taibo II, etdes Français amoureux de ce continentet de cette littérature, prolifique et trèsvivante, mais finalement peu traduite.Au programme de ces rencontres, lec-tures, tables rondes, séances de dédicaces,stands et spectacles à la Criée ou laBMVR Alcazar, mais aussi sous unchapiteau aux Réformés. Le festival seconclura en musique par une fiesta àl’Academia del Tango Argentino.FRED ROBERT

CoLibriSJournées du Livre latino américainles 19, 20 et 21 mars04 91 42 68 64

49LIVRESCOLIBRIS | JEUDIS DU COMPTOIR | TPM

Lorsqu’ils n’écrivent pas de fictions, l’un est archéologue,l’autre anthropologue ; deux décrypteurs des traces et descomportements humains. Blas de Roblès a travaillé plus de10 ans à la rédaction du foisonnant Là où les tigres sont chezeux (voir p. 51), presque 800 pages d’un récit polymorphe,baroque, à l’image du personnage central, le jésuite AthanaseKircher, que le romancier qualifie de «Géo Trouvetout du XVIIe

siècle». Galiber livre aujourd’hui le second volet de ce quideviendra sans doute une trilogie. L’autre, un récit court,écrit en un an, qui procède par brefs chapitres, comme «parpromenades» précise Galibert. Blas de Roblès a suivi dès l’ori-gine un plan très précis, a organisé les strates de son romancomme des jeux de miroirs, en «a fugué les thèmes» d’un récità l’autre, dans le désir de «raconter des histoires» et de jouer

avec le lecteur. Galiber semble «écrire parsurprise» et il parle de son texte, de sespersonnages comme s’ils advenaient àson insu.Pourtant, dans la luxuriance ou ledépouillement, tous deux questionnentles origines, l’identité et l’existencehumaines. Tous deux naviguent sur lesespaces illimités de la fiction, dans lesillage des Borges, Cortazar et Calvino.Une croisière de luxe.F. R.

Prochain Jeudi du Comptoir, le 2 avril à 17h30, à la Caravelle, autour de l’humour et du théâtre

Que viva CoLibriS !Après le Salon parisien du Livre, consacré au Mexique, et juste avant les 11e Rencontres du Cinéma Sud-Américain (voir p 42), un nouveau venu sur la scène littéraire marseillaise : le Festival CoLibris

Hissez haut les couleurs du roman !Le 5 mars, sous une forte brise, la Caravelle a appareillé pour les nouveaux mondesromanesques en compagnie de Jean-Marie Blas de Roblès et de Charlie Galiber

Pierre Guéry est poète et performeur;la poésie, il la pratique tous les jours,toute l’année. C’est pourquoi il ne peutse satisfaire de ce que le Printempsdes Poètes tend à devenir, un ritueld’animations dénué de sens. Il faut fêterla poésie comme on fête les femmes oules amoureux ! Alors, pour rendre unhommage authentique à ce genre quilui est cher, il a pris le contrepied de lamanifestation : fi du thème national,place aux poètes in live et en VO.Peuple et Culture a ainsi invité auThéâtre du Petit Matin deux poètesde langue arabe, le Marocain Moham-med El Amraoui et le LibanaisYoussef Haddad, pour une perfor-mance poétique et sonore avec lemusicien Antoine Birot. Exorcismeset Arabesques a séduit le public venunombreux malgré le mistral glacial seréchauffer aux accents d’un verbecontemporain scandé, proféré, psal-modié parfois, en français et en arabe,dans une jubilation évidente.Les 4 intervenants ont montré avectalent que la poésie se vit avec le corps,se chante, s’échange. Que c’est ainsiqu’elle reste vive.FRED ROBERT

Pierre Guéry et l’association Peuple et Culture Marseilleont présenté vendredi 6 mars au Théâtre du Petit Matin Exorcismes et Arabesques

À lire :M. El Amraoui : La lune, les divisions(éd. Poésie-rencontres) et Collision(éd. Villemorges). Y. Haddad : Exorcismes et Au deçà de là (éd. L’Harmattan bilinguePoètes des Cinq Continents).

Délices del’a(d)diction

Jean-Marie Blas de Roblès © Michel Diedisheim

Luis Sepulveda © Daniel Mordzinski

Paco Ignacio Taibo II © John Foley - Opale

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50 LIVRES JEUNESSE

Les 3 romans à l’honneur mettent enlumière, chacun à sa manière, les mo-ments difficiles de la construction desoi.

Le garçon qui se rêvesirène...Depuis 10 ans, Adèle conduit la navettescolaire dans une région de montagne,de neige et de vent. Au cours de ses trajetselle se raconte, remonte dans ses sou-venirs, sans ordre, au rythme de sesémotions. Sa parole se déroule commeles lacets de la route, l’enfance et de l’ado-lescence sont évoquées comme les piècesd’un puzzle que le lecteur actif recons-titue peu à peu. Dans une langue lyriqueet rugueuse, Emmanuele Pagano faitsurgir le masculin dans le féminin : carAdèle, enfant, était un garçon. Enfanceavec le «grand petit frère» Axel, dans laferme du fond, à aider le père ou lamère aux travaux, à courir dans les bois,à écouter l’histoire de La petite sirène quise voulait «fendue» pour son prince, àassister la mère pour ses fausses couches.Puis à la fin de l’adolescence, la décisionde l’opération, l’opposition d’Axel quise réfugie dans son métier silencieux decordiste... Un jour de tempête la navetteest bloquée dans la neige ; Adèle guideses adolescents vers une grotte pour ypasser la nuit. Une nuit de révélation…

... celui qui parle aux animaux…La romancière américaine Mary Relin-des Ellis a livré un premier roman defacture assez classique qui nous plonge

au cœur de la sauvage région duWisconsin, dans un milieu de rudespaysans. Une chronique familiale dou-loureuse avec un père lâche et alcooliquequi bat sa femme et va jusqu’à mutilerson plus jeune fils, Bill, tandis que l’aînés’est enrôlé pour le Vietnam où il trou-vera une mort atroce. Bill sombre dansle désespoir, la mère frôle la folie.L’amour de la terre et de la nature leurpermettent peu à peu de se recons-truire. Le récit donne alternativementla parole aux différents protagonistes,permettant de lever peu à peu des zonesd’ombre, chacun évoquant son enfance,ses affections ou ses terreurs. Les bles-sures des guerres, les mentalités étriquéesdes petites villes servent de cadre à lalente remontée vers la vie et la recons-truction de Bill, de sa mère. Lors de sa rencontre avec les lycéens deBrignoles, l’auteure a souligné l’impor-tance qu’elle accorde au sort des enfantset des femmes sur lequel pèse encoretrop souvent le silence des familles etdes autorités. Discours engagé qui aséduit les lycéens !

…et celui sui suit sa Chance !Prenez un personnage à la Forest Gump,une émission tv du genre Pékin express,qui copierait Jules Verne, des luttes depouvoir entre les magnats de la presse,des auditeurs fascinés, comme dans leTruman show, vous aurez une petiteidée du contenu de ce livre de ThierryMaugenest, totalement jubilatoire.Pourtant, le personnage central serait

mort ? C’est par un faisceau de témoi-gnages subjectifs que le lecteur est amenéà le cerner. Sullivan Chance a été sélec-tionné pour effectuer un Tour du mondeen 80 jours, sans un sou en poche, sousle regard permanent des caméras. Sontour du monde ressemble davantage àune errance intérieure, étrange, avec desrencontres extraordinaires… Quête dela vérité d’un être dont le comporte-ment nous dépasse, démystification desapparences, recherche de soi, du bonheur,du sens de la vie. À cela, ajoutez unecritique cinglante de notre mondehyper médiatisé, une satire de la globa-lisation de l’image, ah ! les poissons enplastique de pêche miraculeuse et lescampements «authentiques» ! Profondet léger à la fois, ce livre est attachant, etdonne certainement aux ados une leçonde vie, les amenant à s’interroger sur cequi est essentiel. CHRIS BOURGUE ET MARYVONNE COLOMBANI

Les adolescents troglodytes Emmanuelle PaganoP.O.L, 14,90 euros

WisconsinMary Relindes EllisBuchet-Chastel, 22 euros

Audimat CircusThierry MaugenestLiana Levi, 17 euros

Quel éveil !Consacrer une semaine au(x) livre(s) pour les enfants,des touts petits aux plus grands (de 0 à 6 ans), c’est ceque propose depuis neuf ans l’association istréenneVille Lecture avec Lire et Grandir. Un événementqui prend en compte, dès le plus jeune âge,l’appréhension de l’écrit par le biais d’écoutes de récits,de contes, par la manipulation de l’objet-livre, par larencontre avec des auteurs, des illustrateurs, mais quis’adresse aussi à leurs parents ainsi qu’auxprofessionnels du livre et de la petite enfance. Cetteannée l’association invite Christian Bruel, éditeur(éd. Être) et auteur d’album, qui propose notamment

une rencontre/débat tout public autour du thème Lesalbums jeunesse importants du demi-siècle écoulé (le 27mars à l’Espace 233 à Istres). De nombreux auteurset illustrateurs seront également présents, parmilesquels Corinne Dreyfuss, Stéphanie Blake,Aurélia Grandin et Cyril Hahn, ainsi qu’EdméeCannard, dont une exposition de 22 planches seravisible au Centre Culturel de Fos (du 24 au 28mars), Charlotte Mollet, qui exposera ses œuvres à laMédiathèque Intercommunale de Miramas (du12 au 28 mars), et Serge Bloch, qui présenteratravaux de presse et personnels au CAC à Istres (du

24 mars au 12 avril). Ils seront tous là le 28 mars lorsde la journée dédicaces/rencontres. Sans oublier lesateliers d’éveil musical, les spectacles, et le programmespécialement concocté par le cinéma l’Odyssée les28 et 29 mars…DO.M.

Lire et Grandirdu 24 au 28 marsVille Lecture04 42 55 70 60

Le 2e Forum du Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région PACA a réuni son public et ses auteurs à Cannes. Une nouvelle fois l’enthousiasme a été vif !

L’adolescence en résonance

Christian Bruel © X-D.R

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51LIVRESLITTÉRATURE

Vous aimez les romans mondes, les histoires qui fontvoyager dans le temps et dans l’espace ? Vous êtes frianddes Mille et une nuits, des feuilletons du XIXe siècle,des romans sud américains ? Vous adorez vous perdredans des histoires qui se reflètent les unes les autres,selon une partition narrative savamment composée ?Vous appréciez les clins d’œil et les pièges de l’auteur ? Le3e roman de Jean-Marie Blas de Roblès est pour vous.Un manuscrit de 1200 pages, 800 à l’arrivée, Là où lestigres sont chez eux (le titre déjà est une invite) se dévore etapporte brillamment la preuve du talent de «raconteurd’histoires» de son auteur. De sa maestria polygrapheaussi. Sur la base des prétendus mémoires d’un discipled’Athanase Kircher, c’est la biographie, pour une grandepart inventée, de ce jésuite «dinosaure de l’humanisme»qui scande les 32 chapitres du roman. Imitation de lalangue du dix-septième siècle pour cette hagiographied’un homme qui a traversé le siècle, a été adulé par sespairs et s’est trompé sur tout. Dans cet homme quis’accroche à son savoir ancien (gigantesque) et refuse

de voir la rationalité naissante, dans ce siècle qui vacillesur ses bases, bouleversé par la Guerre de Trente Ans,Blas de Roblès voit une image en miroir de notre épo-que. C’est ce qui l’a conduit à «fuguer ces thèmes» dansle Nordeste brésilien contemporain. Il mêle ainsi, avecdes effets d’attente jouissifs, d’autres histoires à la prin-cipale, selon un jeu de reflets subtil, et s’essaie à toutessortes de sous-genres : roman de mœurs, intriguepolitico-policière, récit d’aventures dans la jungle, romanérotique, mais aussi carnets, notes de travail, articlesd’encyclopédie… avant un «triste épilogue» qui tisseensemble les fils épars.Variations anamorphiques, écriture inspirée… Blas deRoblès compose un univers d’une éblouissanteoriginalité.FRED ROBERT

Là où les tigres sont chez euxJean-Marie Blas de Roblèséd. Zulma, 24,50 euros

Baroque flamboyant

Les rencontres avec les écrivains précisent parfois despoints importants de la genèse des œuvres et permet-tent d’y voir plus clair. C’est ce qui s’est produit pourle 3e ouvrage traduit d’Alaa El Aswany, J’aurais vouluêtre égyptien, recueil composé d’une novella et de 9nouvelles plus courtes. Ce troisième opus, malgréquelques fulgurances, était quelque peu décevant :impression d’une certaine platitude, particulièrementdans les récits d’enfance ; clichés dans la description decertains personnages, surtout les figures féminines,quasiment toutes gratifiées d’une «bouche miniature»ou de «bras marmoréens». Bref, on ne retrouvait quetrop rarement l’énergie féroce et l’humour décapantauquel le romancier dentiste du Caire nous avaithabitués.Grâce aux rencontres organisées par la Pensée de Midi(voir p 48) tout s’explique ! Ce troisième ouvrage éditéet traduit est en réalité le premier qu’El Aswany a écrit,

au moment où il a décidé d’entrer en littérature, dansles années 1980. En raison, entre autres, du récit quil’ouvre et dont le narrateur déçu vilipende l’Égypte etles Égyptiens, ce volume a été refusé trois fois parl’Office du livre égyptien.Aujourd’hui, célébrité aidant, un tel refus n’est plusenvisageable et la parution de ces textes intéressera lesfans de L’immeuble Yacoubian et de Chicago. Car au filde ces récits brefs, c’est un monde qui se met en place.Les thèmes chers à El Aswany sont déjà là : hypocrisie,corruption, érotisme, cruauté… Les personnagesvivants, contradictoires, très humains, aussi. Commeles fondations de l’immeuble à venir.FRED ROBERT

J’aurais voulu être égyptienAlaa El Aswanyéd. Actes Sud, Bleu, 19,50 euros

Une curieuse odeur de merCurieux titre que celui de Iode, pour un roman noir,vraiment très noir. L’intrigue n’est pas ce qui frappe leplus dans ce court roman de Juan Hernandez Luna,mais un sentiment d’étrangeté, de malaise qui envahitle lecteur. Souvent les récits à la première personnerapprochent lecteur et héros, créant une empathie plusou moins profonde, qui assurément permet de com-prendre les remuements de l’âme du personnage. Ici,cette alchimie n’opère pas, ne peut opérer. Le «je» duprotagoniste reste étranger, irrémédiablement, inattei-gnable dans son appréhension du monde. Condamnépar sa nature albinos à la nuit, rejeté par les autres, ilcollectionne les coquillages, massacre les poulaillers,commet des meurtres abominables, pour se protéger,pour répondre à des pulsions, insondables, parleadmirablement bien de Vivaldi ou de Beethoven enmélomane averti ! Les personnages qui l’entourent

valent encore moins que lui, une mère folle, calcu-latrice, sainte aussi, un docteur corrompu, des chauffeursde bus maffieux, violeurs… Un monde qui ne connaîtpas d’innocence. Un étrange balancement s’opère entre l’amoralité etl’immoralité, la conscience du mal et le mal comme étatde nature. Le roman commence par la nuit, fausse-ment conformiste, et nous entraîne dans une réflexionsur l’autre, avec parfois de très belles images, commecette «rue (qui) laisse voir son arête décharnée». Unroman dont on ne sort pas indemne.MARYVONNE COLOMBANI

IodeJuan Hernandez LunaTr Jacques Aubergy Editions L’Atinoir, 12 euros

Un univers en construction

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LIVRES52 ARTS

Le photographe Marco Zanta a parcouru plusieursvilles d’Europe pendant quatre années et tiré de super-bes clichés qui ont été présentés lors d’une expositionitinérante (voir Zib’ 16) et rassemblés de manièrepérenne dans ce livre. Le choix éditorial donne la partbelle aux images après deux courtes présentations deGiovanna Calvenzi et Gabriel Bauret, en anglais (?!),mais traduites en français dans un feuillet inséré. Lesapproches du photographe varient d’un regard voisindu documentaire (Helsinki, Berlin, Barcelone…) à unevision plus plasticienne (Rotterdam, Vienne…). Cesquatre-vingt-dix images de bon format -20x25cm- et

à la reproduction exemplaire (celles notamment où seconfrontent patrimoine et contemporanéité commeà Birmingham, Graz, Manchester ou Londres) provo-quent sans artifice aucun, alors qu’on pourrait croireparfois à un montage, un étrange sentiment d’irréalité.Comme une intrusion de science-fiction. Zanta renou-velle notre regard sur notre urbanité en montrantcomment l’esthétique architecturale fait aussi imageet signe, le «landmark». Ce magnifique livre pourrait faire office de vade-mecumde luxe pour l’amateur d’architecture européenne, horspoids et format. Sauf que l’index reste dans le secret

des lieux : il ne nous livre ni les noms des architectes,ni celui des bâtiments réalisés. Les provençaux recon-naîtront cependant le Stadium de Ricciotti à Vitrollesmais signalé à… Aix-en-Provence ! Un détail.

C.L.

UrbanEuropeMarco Zantaédition Contrasto,2008, 43,95 euros

Comment rient-ils ?Humour et Dérision constitue le catalogue de l’expo-sition proposée par Regards de Provence au PalaisCarli à Marseille (voir Zib’16). Il reprend, à quelques-unes près, les œuvres exposées en adoptant le formatà l’italienne et la couverture rigide chers aux respon-sables de la fondation, constituant ainsi au fur et àmesure des projets une forme de collection.L’ouvrage est organisé en trois grandes parties, tous lestextes sont signés de Bernard Muntaner. L’intro-duction cerne logiquement les deux notions en jeu,appuyée par plusieurs exemples pris dans l’histoire desarts. Bien amenée, elle nous laisse sur une question,

les pistes de réflexion engagées interrogeant la valeursociale du critiquable et du risible, donc la capacité detolérance. La seconde partie est constituée alphabétique-ment des œuvres sous forme de vignettes accompagnéesde commentaires individualisés. Enfin, la troisièmepropose ces mêmes œuvres en grand format avec uneprésentation du travail de l’artiste et sa biographie, seizeen tout, d’Albajar&Altarriba à Zevort en passant parDe Tournadre, Garcin ou Ramette. L’avantage dulivre sur l’exposition est notamment de pouvoir com-parer grâce à ces références les différentes démarches. Un projet agréable, où des propositions d’humour

plus radical n’ont pas été conviées, si on considère unepériode très récente frappée de divers anathèmes, oud’égarements politiques.CLAUDE LORIN

Humour et dérisionEdition FondationRegards deProvence, 2009, 35 euros

Landmark

L’architecture et la musique ont toujours entretenudes rapports distants malgré les nombreuses analogiesqui lient ces deux arts : comme le disait Goethe, «l’archi-tecture est une musique pétrifiée» ! Pourtant la démarchede Xenakis, à la fois compositeur et architecte, demeuresingulière. Également mathématicien et auteur d’uneœuvre protéiforme où les lois arithmétiques jouerontun rôle majeur, Xenakis est l’auteur de nombreux écritssur l’architecture et sur les relations qu’elle entretientavec la musique. Pour la première fois, l’ensemble deces précieuses notes est regroupé dans un ouvrage grâceau concours de Sharon Kanach, compositrice et an-

cienne élève du maître. Édité aux éditions Parenthèses,Musique de l’architecture est structuré en quatreparties : Les années Le Corbusier ; La ville cosmique etautres écrits ; Xenakis, architecte indépendant ; Les Poly-topes. Il est agrémenté de nombreuses illustrations,croquis, esquisses et photos originales (Pavillon Philips,Couvent de la Tourette, Diatope de Beaubourg…). Ensomme, un outil indispensable pour bien comprendrela démarche d’un artiste investi dans la création, décla-rant justement «l’originalité est une nécessité absolue desurvie de l’espèce humaine.»FRÉDÉRIC ISOLETTA

Musique del’architectureIannis XenakisEd. Parenthèses, 28 euros

Architecture sonore

À l’heure où les magazines Le Monde de la Musique etClassica fusionnent, ce livre tombe à pic. C’est que lesecteur pointu de la diffusion musicale, argumentéeet intelligente, est en péril. Peut-être le lectorat se réduit-il au fil des ans…? Pourtant le spectacle vivant fait recette:les 130000 entrées aux dernières «Folles Journées»nantaises le prouvent… Mais, de fait, on soutient peu volontiers un espace àl’audience réduite, jugé de plus élitiste. Il faut dire qu’àforce de scander (par souci démocratique !) que tout sevaut, de nommer Victoires de la «musique» ce quidevrait s’appeler Victoires de la «chanson», de placersur un même plan musical une symphonie de Mozartet le rap ou le rock (même dans l’Éducation nationale,même au bac !) on aboutit au résultat inverse : les réper-toires proposés se réduisent à peau de chagrin et la

musique classique est confinée dans un placard dontplus personne, bientôt, ne possèdera la clé… qui ouvrepourtant la porte de plaisirs ineffables.Ce livre intitulé Radio est celui d’un amoureux des noteset des mots. Dominique Jameux fut producteur surla France Musique pendant plus de trente-cinq ans : quen’a-t-il agacé en parlant «sur» la musique ! C’est juste-ment la parole qu’il défend à la radio, celle qui fouille,analyse, informe -allusion non-dissimulée à la concur-rente Radio-Classique qui, la plupart du temps, diffuseun flot sonore sans commentaire et n’exigeant pasnécessairement une écoute «active». Avec ses 1% d’audience, France Musique est fragile.Dominique Jameux en défend le principe et les pro-fessionnels qui y travaillent, loue le «gai savoir», évoqueson expérience derrière les micros, et livre, d’anecdotes

en souvenirs, ses humeurs sur «l’inanité ambiante» eninvoquant la culture comme parade possible…JACQUES FRESCHEL

Radio

Dominique Jameux

Editions Fayard. 14 euros

Micros intelligents

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53LIVRESESSAIS

Les éditions Albiana exhument unouvrage tout à fait incroyable, en latin,et qui est sans doute destiné à de longsdéveloppements. Déjà l’histoire dutexte est digne d’un roman. VirNemoris(L’homme du bois sacré) est composé aucours des années qui suivirent la défaitede Pascal Paoli, en 1769 à Ponte Nuovo,défaite qui entraîna la dissolution de latoute récente nation corse. Ce n’estqu’après la mort de son auteur, et enItalie, que le texte sera publié parSalvatore Viale et Niccolo Tommaseo, àFlorence en 1846 ! Dans le recueil desLettere di Pasquale de’Paoli, pour comblerun vide de deux ans dans cette corres-pondance ! C’est la première fois que cegrand poème est traduit, (par les soinsde François-Michel Durazzo), etpublié en France !Deux chants composent ce poèmeépique en beaux hexamètres dactyliques.Giuseppe Ottaviano Nobili- Savelli sesert, en fin lettré, des fleurs de rhétoriquequ’il maîtrise de par sa fréquentation

des textes latins, (il est un brillant tra-ducteur d’Horace), pour chanter soncompagnon d’armes, le fameux «curéde Guagno» qui, selon la légende seraretrouvé mort un crucifix dans unemain, un poignard dans l’autre, imagevibrante d’un homme qui sacrifia toutà son peuple. Pourquoi écrire encore en latin auXVIIIe ? Parce que l’épopée est le genrele plus haut, la langue latine permet icid’atteindre la gloire et l’universalité.L’originalité profonde de ce texte résidedans le fait que la légende se tisse aumoment même où elle est vécue. Lesévènements rapportés sont contempo-rains de l’auteur et, déjà, lespersonnages évoqués prennent unestature légendaire : si le récit s’attache àla figure de Domenico Leca (le curéde Guagno), de superbes pages sontconsacrées à la gloire de Pascal Paoli,homme des Lumières, cultivé et subtil,versé dans l’art de la guerre, mais aussidans celui de la politique, du droit, de

l’organi-sation de l’État. N’a-t-il pasmis en place le premier essai dedémocratie suivant les principes desphilosophes de son temps dont ilsuscitera l’admiration? Savelli chanteun combat qui est le sien et qui rejointcelui de Pascal Paoli. Il n’est cependantpas au service de quelqu’un, mais auservice de la liberté.

Comment lire Vir Nemoris ?Pourquoi donc un texte de cettequalité, de cette ampleur, n’a-t-il pas euauparavant la place qu’il méritait ? Vaevictis ? Un mythe qui ne conforteraitpas ou qui contredirait le mythenational serait-il impardonnable ? Faut-il toujours évacuer ce qui gêne etétouffer des moments dont on ne peuttirer de gloire ? N’est-ce pas cependantle meilleur moyen de laisser, encultivant les ignorances, la place auxmouvements les plus extrêmes, les plusétriqués, les plus dangereux ?L’Italie fasciste s’en empara… il serait

sans doute intéressant d’en tirer leçon.Car l’intérêt de cet ouvrage courageuxest triple, les beautés latines de cetteépopée, l’éclairage historique, le problè-me aigu de sa réception… MARYVONNE COLOMBANI

Vir Nemoris, Circinellu ou L’homme du bois sacréGiuseppe Ottaviano Nobili-SavelliEditions Albiana Centre d’études Salvatore-Viale 15 euros

Un mythe corse

Le menu principal nous propose plu-sieurs entrées : le Film, avec seschapitres; Voyage ; Vauban vu par ;Mémoires à sa façon ; Histoire(s). À direvrai, l’interface est un peu déroutantecar on aura tendance à cliquer sur «LeFilm», comme on le ferait pour com-mencer la lecture d’un quelconqueDVD. Or, pour saisir vraiment toute larichesse de l’œuvre et du personnage, ilfaut parcourir l’ensemble des entrées, cequi se révèle d’un grand intérêt. Le filmprincipal, consacré à Mont-Dauphin,citadelle majeure de l’architecte du roi,dévoile les arcanes de cette place remar-quable et stratégiquement déterminante-en tout cas au moment de sa construc-tion. Il illustre à merveille le systèmeVauban : ses conceptions, sa maîtrisetechnique, son fonctionnement commespécialiste du génie. On saisit, à traversce lieu où se mêle concret et utopie,combien le projet reflète l’homme.Les autres parties du disque permettentd’ailleurs de comprendre les ressorts decette œuvre. Elles décrivent et décry-ptent l’homme sous forme de courtesinterviewes. Accompagnés par la voixde Charles Berling, on y suit les tracesde Vauban de son Morvan natal jusqu’àla cour du roi ; on comprend mieux sesdésirs et ses rêves, les difficultés de la

tâche accomplie et la dure vie qu’il mène.On y découvre ce que le royaume doità l’homme autant du point de vue mili-taire, scientifique qu’intellectuel. On ytraverse également cinq autres villes ouforts construits ou modifiés par Vauban,Saint-Vincent-les-Forts, Briançon, leFort Saint Nicolas, et deux sujets remar-quables sur le fort de Bouc ou le tableaude Vernet sur le port de Toulon. En 45films courts, que vous pouvez égale-ment retrouver sur le site de Image, Sonet Compagnie, qui a édité le DVD avecl’aide du Conseil régional PACA. RENÉ DIAZ

Voyage avec Sébastien de VaubanDe la frontière des Alpes au littoralméditerranéenréalisation Bénédicte SireDVDinteractif, durée 3h30,Muséofilmswww.voyageavecvauban.com

Vauban multimédiaLe tricentenaire de la mortde Vauban a été l’occasiond’une célébration, ce fut«l’année Vauban». Bon nombre d’ouvrages ont été publiés, et ce DVDinteractif s’inscritnaturellement dans cette suite !

Portrait de Vauban

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54 ÉCONOMIE LA MALADIE DES COÛTS

Une consultation prend (presque) autant detemps qu’il y a 30 ans et il en va de même pour unspectacle d’une heure trente. Doit-on les blâmerpour cela ? Certainement pas. Une médecine dequalité requiert un temps de diagnostic incom-pressible et un spectacle plus court n’est pasmeilleur ; il est simplement... moins long !Dans les secteurs qui connaissent des gains deproductivité (agriculture et industrie pour fairecourt), ces gains se partagent entre baisses deprix, hausses de salaire et des revenus au capital.Ils sont la cause fondamentale de l’enrichisse-ment d’une économie. Leur absence dans certainesactivités artistiques pourrait donc impliquer unestagnation des revenus des artistes sur une longuepériode, la même chose étant valable pour lesmédecins.On comprend facilement les difficultés engen-drées : un comédien aujourd’hui pourrait-il gagnerla même chose qu’au temps de Molière ? Alorsque les gains de productivité profitent aux autressecteurs, ceux qui n’en connaissent que peudoivent pourtant accroître la rémunération destravailleurs, sous peine de ne plus pouvoir recruter.Ce qui est problématique pour le spectacle vivant,dont la part des coûts en main d’œuvre est essen-tielle dans les coûts totaux. Les prix des spectaclescroissent régulièrement, au rythme des gains deproductivité moyens du reste de l’économie, pourabsorber des coûts eux-mêmes toujours crois-sants (ce qui est vrai pour l’acteur l’est aussi pourle technicien).

Baisse des coûts ou nouveaux revenusL’économiste américain William Baumol (en 1965)a donné à ce phénomène le nom de «maladie descoûts» (cost disease). Cette maladie touche laplupart des services intensifs en main d’œuvre(l’enseignement et les services de santé en géné-ral, mais aussi la coiffure). Dans le spectaclevivant, les conséquences sur la demande sontimportantes (le cinéma en souffre nettementmoins, par la possibilité de multiplier les formesde diffusion et d’étaler plus largement les coûts).Maintenir des prix qui rencontrent une demandenécessite de baisser les coûts, ou de trouver denouveaux revenus. Aux États-Unis, de nombreuses troupes ont ainsi

historiquement misé sur la baisse des coûts, aveccomme effet une forme de création orientée parl’impératif qu’ils induisent : moins d’acteurs,décors dépouillés, etc. ou limitation du nombre decréations. Globalement, cette option a conduit àplus de concentration, un formatage capable depasser les frontières pour se rentabiliser et, endéfinitive, une offre moins diversifiée. L’usage deproduits dérivés ou de ventes de l’œuvre sous desformes connexes (télévision, disque, vidéo) estune solution usitée, mais intrinsèquement insuf-fisante. Le théâtre est avant tout un vécu en directet un formatage motivé par des fins commer-ciales peut produire des altérations de l’œuvreregrettables artistiquement parlant.En France, le système de l’intermittence est uneforme de réponse indirecte (voir Zib’16). Lessubventions publiques ont retenu un modèle in-verse des choix privés anglo-saxons, en misantsur la multitude des financements. La démarchefavorise le bouillonnement des créations, mais setraduit également par un grand nombre de guichetsde subventions qui n’accompagnent pas toujourssuffisamment les créateurs, devant répondre à denombreuses demandes avec des moyens limités.Or, dans ce cadre, encore plus quand le volumeglobal des subventions ne suit pas la hausse descoûts, les chasseurs de subventions les plusefficaces ne sont pas forcément les producteursles plus créatifs !

Que voulons-nous ?Quel que soit le modèle retenu, la maladie descoûts est donc loin d’être soignée. Elle reposecruellement la question première d’une économiede la culture : que sommes-nous prêts à payer

pour la culture ? Individuellement, d’abord. Avantd’invoquer un quelconque complot à la haussedes prix, il faut se rappeler de la maladie descoûts et s’interroger sur ce que l’on fait des gainsde pouvoir d’achat issus d’autres domaines. Sichacun est libre de ses choix de consommation,s’insurger contre le prix élevé des spectacles etchanger souvent de téléphone mobile (à des prixtoujours plus intéressants !) est une attitudegrotesque, à l’aune de la maladie des coûts.Collectivement, ensuite, cette dernière pousse laporte des politiques culturelles, notamment dansce qui touche à l’accès à la culture. Si l’on pense,par exemple, à ceux qui n’ont pas les moyens dechanger de mobile tous les mois, la hausse desprix est une incitation à moins consommer deculture. Doit-on la corriger par le biais d’unesubvention ?STÉPHANE MÉNIA

© Tonkin Prod.

Le médecin et le comédien ont un point encommun. Ils sontincapables deréaliser des gains de productivitésignificatifs !

L’artiste malade des coûts

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LIVRES 55PHILOSOPHIE

Le rapport entre théâtre et politique semble être plusune thématique absurde qu’une véritable inter-rogation. Alors qu’il est censé interroger les passionset les combats humains, pourquoi se désintéresse-t-ilde la lutte essentielle : celles d’hommes et de femmesqui prennent en main leur destin ? Qu’est-il advenudu théâtre militant ?Il est en fait assez rare d’entendre au théâtre des textespolitiques qui ne soient pas des clichés. Quels sont lestextes politiques de 2008 ? Le silence des communistes ?Le titre porte en lui déjà le cliché, et puis on savaitqu’ils étaient aveugles sur Staline. Le superbe Méphistofor ever : qu’il était dangereux de faire des compro-missions avec le régime nazi ? Le cristal et la fuméed’Attali et Mesguish : que les nazis traitaient les juifscomme des choses ? De Gaulle en mai : que le pouvoirde droite était de droite ?Le caractère critique de certaines pièces permet sou-vent de se réclamer d’une subversion politique peueffective ; citons Brecht : «beaucoup font les braves commesi les canons étaient braqués sur eux, et non simplementdes lorgnettes de théâtre et crient de vagues et généralesrevendications à la face d’un monde où l’on aime les gensinoffensifs.» Mais aujourd’hui le théâtre est tellementasservi à son système de subventionnement quemonter un Brecht, une pièce sur la colonisation commeMadagascar 47 peut attirer les foudres économiquesdes collectivités territoriales… Être critique est déjàcourageux, ce qui ne saurait faire oublier que ce n’estpas subversif.

MilitantLe livre d’Olivier Neveux tombe à point nommé pournous rappeler cette expérience et nécessité du théâtremilitant. Il part de deux constatations :- «Un théâtre exempt de signification politique participeà la reproduction des idéologies dominantes» ;- Il n’y a pas de raison pour que «la valeur ou l’intérêtartistique d’une œuvre militante lui soit par principerefusée».Il relève ainsi «l’étrange paradoxe d’une époque où le dédainenvers toute forme d’engagement apparaît comme le signeextrême d’affranchissement» et «où toute volonté de transfor-mer l’état des choses» est perçue comme «le témoignaged’une soumission écœurante ou suspecte.».À ce propos Neveux rappelle la position de Sartredans son essai qu’est-ce que la littérature ?, reprenant àson compte l’idée de Pascalque nous sommes toujoursembarqués : «un écrivain est engagé lorsqu’il tâche àprendre la conscience la plus lucide et la plus entière d’êtreembarqué.»D’où je parle ? Quels sont les déterminants qui me pous-sent à produire cette œuvre ? De quelle idéologie est-ellela reproduction ? Qu’est-ce que je combats ? Être dansl’ignorance de ce questionnement produit un art quine fait que reproduire l’injustice du monde. L’artisteest lui aussi embarqué même dans l’état d’apesanteursociale où il évolue.

Histoire de l’engagementAlors que dit Neveux du théâtre de Vilar, monumentdu théâtre populaire ? Il n’oublie pas qu’il fut critiquéen son temps, parce qu’il prônait, dans une sociétédivisée, le rassemblement au théâtre de toutes les classessociales, pacifiées le temps de la représentation ; cethéâtre, pour certains, faisait peu de cas des affronte-ments de classes qui structurent la société.Neveux se souvient aussi du théâtre de l’anarchied’Armand Gatti, théâtre tout entier tourné vers lapossibilité d’une transformation radicale de l’ordredes choses, vers la création hic et nunc de résistances :lorsqu’il revient sur l’exécution de Sacco et Vanzetti(Chant public devant deux chaises électriques en 1966),loin de toute reconstitution, Gatti ne s’intéresse qu’àla possibilité de construire leur lutte, de faire qu’ils nesoient pas à nouveau exécutés «ce soir».L’auteur rappelle aussi que le soutien du PCF allaità cette époque essentiellement au Théâtre NationalPopulaire et aux centres : l’enjeu politique se réduisaità élargir quantitativement l’accès à la culture, nulbesoin de révolutionner les œuvres et les pratiquesartistiques. Et le rapproche du phénomène Boal : en1977 sort le théâtre de l’opprimé d’Augusto Boal. «Ondétruit tout d’abord la barrière entre acteurs et specta-teurs : tous doivent jouer, tous doivent être les protagonistesdes transformations nécessaires de la société.» Un théâtreparticipatif fondé sur une analyse des situationsd’oppressions, qui sont décrites, prises en main etretournées par les opprimés eux-mêmes.Olivier Neveux écrit également des pages éclairantessur André Benedetto, sur le théâtre de 68, sur latroupe Z, sur Dario Fo, sur Badiou, sur les pièces post1995 et 2001, sur Jolie Môme, sur la Cartoucherie…Et conclut : «le théâtre n’a jamais cessé d’être politique ;il n’est pas jusqu’à son silence ou son déni des conjecturessociales historiques qui ne soit par lui-même politique.Soit le théâtre a sa place dans les luttes à venir. Soit ilfaudra sans regrets se passer de lui.»Un livre essentiel pour reprendre espoir dans le lienentre art et politique.RÉGIS VLACHOS

Théâtre en lutteOlivier Neveux la découverte, 23 euros

Théâtre et politiqueCrise, remise en cause du capitalisme, glissement des richesses en faveur du capital au détriment du travail, multiplication des luttesdes salariés… et pendant ce temps de quoi parle le théâtre ?

Rien de pire comme question ! Pour les Grecs de lapériode homérique, le vrai ne s’oppose pas au fauxmais à l’oubli nous rappelait Détienne dans les maîtresde vérité dans la Grèce archaïque ; le mot grec aletheiasignifie «ce qu’il ne faut pas oublier». Mais nous n’en sommes plus là. Dans leur dernièrelivraison, les éditions Agone donnent la parole à unphilosophe analytique qui s’inquiète du relati-visme généralisé qui entoure l’idée de vérité. Peut-onmettre sur le même plan les croyances partagées parun peuple et la science, cette dernière n’étant plusqu’une des multiples façons de connaître le monde ?Ce relativisme, on le doit au constructivisme qui estla théorie définissant les vérités comme des construc-tions sociales. Ainsi à la Renaissance, des contraintesesthétiques auraient poussé Copernic à mettre le soleilau centre, et les théories scientifiques actuelles seraientdépendantes de contraintes techniques.Voilà le constructivisme que décide de combattreBoghossian.À la différence de beaucoup de livres de philosophieanalytique, celui ci est agréable à lire ; la philosophieanalytique décortique habituellement tout ce qui toucheà la vérité, et passe des pages à se demander ce quesignifie «il pleut dehors», «l’actuel roi de France est chauve».Rien de tel chez Boghossian qui va au vif et à l’éclat dusujet, et non dans ses poubelles.Ses analyses serrées sont claires et on lui sait gré desdistinctions entre raison épistémique et pragmatiquelorsqu’il s’en prend au pari de Pascal, pour qui la véritén’est qu’une valeur pour ce qui est de l’existence de dieu. Idem pour la nuance entre croyance justifiée et con-naissance. Pour les Grecs anciens, que la Terre soit plateétait justifié ; pour autant ce n’en était pas une connais-sance : «Pour qu’une croyance vaille comme connaissanceelle ne doit pas seulement être justifiée, elle doit être vraie.»Mais ceci se ramène très simplement pour l’auteur àdes principes fondamentaux, dont la validité ne peutêtre dérivée de celle d’un autre principe épistémique.Un livre très instructif dans son domaine; le seul repro-che est son incompréhension -comme toute œuvre dephilosophie analytique anglo-saxonne- des recherchessubversives de la philosophie de l’histoire. Va-t-on repro-cher à Marx le principe de la lutte des classes parcequ’il n’est pas assez clair sur l’idée de vérité ? Absurde.Impossible réconciliation entre les philosophies d’outre-Manche, d’outre-Atlantique et continentale ?R.V.

La peur du savoir Sur le relativisme et le constructivisme de la connaissance Paul BoghossianAgone, 20 euros

«C’est vrai?»

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56 PHILOSOPHIE LES JEUX DU JE

Pas de «je» grecLe «connais-toi toi-même» est certainement la citation la plusconnue de la civilisation occidentale ; elle est aussi, et de ce fait,celle qui plus que tout autre ne veut rien dire. Se connaîtreou savoir ce que ce petit mot de «je» veut dire est la plus in-croyable des absurdités (avec cette autre qui est de vouloirmoraliser le capitalisme ?). Ça ne veut rien dire parce quecomme l’avait bien vu le papet de la philosophie, Socrate,on est soi-même le moins bien placé pour se voir.Déjà il faut préciser ce fameux passage ; c’est Critias qui rap-porte cet adage de l’oracle de Delphes et Socrate qui le tourneen dérision, avec son goût impayable pour les métaphores.Une connaissance qui voudrait se connaître c’est ça :Socrate - Voici. Demande-toi si tu peux concevoir une vue quine soit pas la vue des choses qu’aperçoivent les autres vues, maisqui serait la vue d’elle-même et des autres vues et aussi de ce quin’est pas vue, qui ne verrait aucune couleur, bien qu’elle soit unevue, mais qui se percevrait elle-même et les autres vues. Crois-tuqu’une pareille vue puisse exister ? (Charmide).Rien à voir avec le «je» me direz vous ; si, un peu tout de même.Mais le «je» est une invention récente ; pour les Grecs, seulel’idée de sujet comme support de prédicats existe : tellequalité pour telle chose, la qualité étant le prédicat, et la chose

LesJeuxdu je

Le titre est un peu facile mais pour le coup il n’est pas tiré par les cheveux:les trois sens du mot «jeu» collent tout à fait aux ambiguïtés sémantiques et existentielles du premier des sujets. Pourquoi parler du «je» alors? Et bien déjà parce que c’est le début de toute pensée. Quoique… Les bonsmarxistes pourraient se scandaliser de cette proposition ! «Ce n’est pas la consciencedes hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience.» Mais nous n’aborderons pas cette question, mais une autre, parallèle : être soi-même ne veut rien dire !

le support ; cette chose ils l’appellenthupokeimenon, ce qui ne peut être quele support de prédicats et ne peut jamaisêtre le prédicat d’autre chose. Bon onsimplifie, mais c’est à peu près ça, et onvous épargne les références à Aristote.

Le «je» pensantCe support de prédicat va donc s’éten-dre à l’âme humaine avec Descartes:elle sera le support d’expériences, devécu, mais surtout ce qui restera aubout d’une démarche qui vise à con-naître la vérité. Le «je» de Descartes estce résidu-là.Expliquons-nous plus clairement ; l’enjeudu fameux «je pense donc je suis» n’estpas directement de s’intéresser au «je»,au sujet, à son petit moi enfermé dansune petite cabane où il n’aurait riend’autre à faire que de s’émerveiller de-vant un poêle à bois. Descartes se posetout d’abord la question de savoir cequi est vrai ; et même plus, il met endoute ce qui est certain, c’est à dire est-ce qu’il y a des choses dans ce mondedont on ne puisse pas douter : deux plusdeux font quatre, le monde existe, j’aideux bras ? Et bien tout cela n’est pas sicertain ; je peux en douter figurez-vous.Tout d’abord parce que peut-être qu’ence moment je rêve, puisque quand nousrêvons nous ne nous disons pas quenous rêvons mais nous pensons vraimentvivre ce qui se passe ; il n’y a aucuncritère qui permette de distinguer aveccertitude la veille du sommeil. Et quantà l’addition de base, en dernier recoursse dit Descartes, peut être est-ce un malingénie qui me trompe, et me fait croireque 2+2=4. Alors là vous me direz il yva un peu fort avec son malin génie !Ben oui c’est lui qui inspirera Matrix,vous ne saviez pas ? Descartes avant Nemo relève le défi,ferme ses deux petits poings et crochetdu gauche, coup de pied, droite, gaucheau malin génie et brandissement ducogito dans la foulée : «Mais il y a un jene sais quel trompeur très puissant et trèsrusé qui emploie toute son industrie à me

tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il metrompe; et qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saura jamaisfaire que je ne sois rien tant que je penserai être quelque chose. Desorte qu’après y avoir bien pensé et avoir soigneusement examinétoutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant quecette proposition : je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutesles fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit.»Voilà comment on en arrive à ce grand moment de laphilosophy story ! Le «je», l’ego est ce reste, ce résidu intuitif.Descartes en fera même une chose ; et là il poussera lebouchon un peu loin.

Pas d’ergoDéjà cette affaire du «je» qui existe ne va pas de soi. Nietzschela qualifiera de fiction grammaticale : «Est-il donc interditd’user de quelque ironie à l’égard du sujet, de l’attribut et del’objet ? Le philosophe n’aurait-il pas le droit de s’élever au-dessusde la foi qui régit la grammaire ?» (Par delà le bien et le mal).Les contraintes du langage nous conduisent à poser un sujet,un verbe, un «je pense». Est-ce à dire que le «je» existe parce quele prédicat «pense» est vérifié ? Les contraintes formelles dulangage sont-elles une garantie à l’existence réelle ? bien sûrque non ; c’est confondre le mot et la chose…Mais la plus belle critique du «cogito» est celle de Foucault(voir Zib 16) : «Ce double mouvement propre au cogito mo-derne explique pourquoi le «Je pense» ne conduit pas à l’évidencedu Je suis» ; aussitôt, en effet, que le «Je pense» s’est montré engagé

Narcisse, Le Caravage, 1599

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dans toute une épaisseur où il est quasi présent, qu’ilanime mais sur le mode ambigu d’une veille sommeil-lante, il n’est plus possible d’en faire suivre l’affirmationque «Je suis» : puis-je dire, en effet, que je suis ce langageque je parle et où ma pensée se glisse au point de trouveren lui le système de toutes ses possibilités propres, mais quin’existe pourtant que dans la lourdeur de sédimentationsqu’elle ne sera jamais capable d’actualiser entièrement ?»Le thème de la mort de l’homme et du sujet esttout entier engagé dans cette critique qui synthétisel’enfouissement du sujet dans les lourdeurs de lamétaphysique pour Nietzsche, par les conditions deproductions pour Marx et par l’inconscient pourFreud.

Pas de métaphysique du «je»Tout aussi forte est la critique de Kant sur cetteévidence du «je» posé comme une réalité ; Kant ladémontera dans son ouvrage à l’eau de rose, Critiquede la raison pure, au cœur d’un chapitre très racoleurintitulé les paralogismes de la psychologie rationnelle. Aufait, quezaco un paralogisme ? Un abus de langage,une généralisation, du genre : je bouge mon brasdonc je suis libre. Un autre ? Le corps humain est unassemblage étonnamment complexe donc quelqu’una dû y penser, en faire les plans sur ordi, le vouloir ;donc Dieu existe. Idem pour le «je pense» dira Kant, qui n’implique enrien qu’il y ait une âme, un substrat, un quelque chose.Le sujet est d’abord une fonction, support de déter-minations, d’activités diverses et variées : «ce n’est queparce que je puis saisir en une seule conscience le divers deces représentations que je les nomme, toutes, mes représen-tations ; car, sans cela, j’aurais un moi aussi divers et d’autantde couleurs qu’il y a de représentations dont j’ai conscience.»C’est dire qu’être soi c’est se saisir comme unité, savoirque ce qui s’est passé il y a une minute et ce qui sepasse maintenant sont bien des expériences de mapensée ; sinon je serais autant de personnes que j’ai depensées ou d’expériences ; forme de schizophrénieexponentielle.

«je» pratiqueDonc rien ne permet de poser le postulat de l’existenced’une chose qu’on nommerait je, âme, et qui existerait.Qu’il y ait de la pensée en nous est un fait ; qu’il y ait

une métaphysique du je est un pas qu’il ne faut pasfranchir… Ceci dit c’est ce qu’ont fait toutes les reli-gions, qui sont des concentrés de tous les paralogismesdécrits plus hauts.Une fois dégagé du terrain théorique, le sujet peutenfin se mettre à jouer sur le terrain de la pratique, quien philosophie désigne la morale ; il n’y a plus à cher-cher ce qu’il est mais ce qu’il a à faire ; il se définit parsa fonction, il est soi, il est personne. Le sujet commepersonne implique de renoncer à savoir ce qu’est lesujet, pour mesurer son pouvoir d’être, la capacité qu’ila d’être tel ou tel. La personne ne se comprend alorsque dans son rapport aux autres et à des prescriptionsqui lui préexistent, elle se comprend dans son ancragemondain. C’est dans les trois commerces de Montaigne que l’onretrouve cette belle volatilité existentielle du sujet :«Notre principale suffisance, c’est savoir s’appliquer àdivers usages. C’est être, mais ce n’est pas vivre, que setenir attaché et obligé par nécessité à un seul train. Lesplus belles âmes sont celles qui ont le plus de variétés et desouplesse(…) Si c’était à moi à me dresser à ma mode, il

n’est aucune si bonne façon où je voulusse être fiché pourne m’en savoir dépendre. La vie est un mouvement inégal,irrégulier et multiforme. Ce n’est pas être ami de soi etmoins encore maître, c’est en être esclave, de se suivreincessamment et être si pris à ses inclinations, qu’on enpuisse fourvoyer, qu’on ne les puisse tordre.» (Essais, III,3) C’est bien dans les flottements du monde ques’enracine le sens du sujet ; nous sommes pris dansune pluralité de «commerces» qui dessinent les diffé-rents registres, les différents jeux de notre existence ; lepassage de l’un à l’autre s’appelle subjectivité.

Les jeuxÀ défaut d’être soi il n’y a plus qu’à jouer ; tiens c’estquoi au fait le jeu ? Au premier sens le ludique, les jeuxquoi ; et puis le jeu du comédien qui fait semblant,du musicien qui interprète; et puis cette idée demobilité : un rouage qui a du jeu, qui bouge. Peut êtreest-ce à ce dernier sens que pense Montaigne ?Être soi-même ne veut rien dire. Nous n’y croyonsqu’au prix de prétentions intenables, d’histoires dé-posées tel un vernis superficiel sur des moi-peau nonapprêtés pour les recevoir. «Le je est une fiction dontnous sommes les co-auteurs» dit Imre Kertesz dans Unautre.Nous croyons que «je» est pour fuir le jeu, l’angoissedes possibles ouverts. Notre liberté en fait.RÉGIS VLACHOS

René Descartes par Frans Hals

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Le spectacle humain dans son immense décor environ-nemental tourne-t-il à la tragédie ? L’homme-dieu,maître de lui comme de l’univers, à la fois acteur etmetteur en scène de son propre rôle sur le monde,depuis quelques années s’interroge sur la validitédu scénario qu’il écrit. Quel curieux regard, quis’imagine extérieur aux conséquences de ses proprespratiques ! Car croire agir sur un «environnement»disjoint de soi-même, c’est se comporter en schizo-phrène qui sépare l’action de ses conséquences. Une civilisation qui considère l’Autre comme simple«environnement» souffre d’ethnocentrisme patho-logique, et seul un «je» mégalomaniaque désiremaîtriser le monde où et d’où il vit. Quand l’alterego devient garniture, objet, et entre dans le décorenvironnemental, le malaise de la civilisation at-teint son comble. L’homme devient un costume, unmasque, l’individualisme se met à environner, àcerner l’humain. Le sujet considère l’Autre commeobjet consommable. Ainsi l’Autre environnementals’achète, se vend, s’échange. Mais voici que cet Autre déplacé, modifié, horrifié,souillé, pollué s’impose à la réalité subjective : lestortues carnivores importées des tropiques et ache-tées pour amuser l’enfant-objet sont rejetées dansles mares et les rivières où elles dévorent lespoissons, quand ce ne sont pas les alligators, lesserpents boa ou les tarentules que l’on retrouvedans nos parcs. On prend un chien ou un chat, auxvacances on le jette. L’environnement triomphe del’environné.

Rat ? le bol !C’est sans doute ce fond de questionnement philoso-phique que l’on eut souhaité trouver dans l’expositiondu Muséum d’Histoire Naturelle de Marseille autitre alléchant de Marseille ville sauvage (jusqu’au20 sept). Hélas, le manque criant de moyens dontsouffre ce lieu mythique, où tant de vocations scien-tifiques locales se sont forgées, ne permet en aucunefaçon à cette exposition d’exprimer le fond épisté-mologique évoqué dans son titre. À l’heure où Marseille a remporté le titre de capitaleeuropéenne de la culture et alors que son maireclame qu’il veut placer notre ville parmi les meil-leures dans les domaines scientifiques et techniques,il est absurde que d’aussi faibles moyens soientdévolus pour la diffusion de la culture dans cesdomaines. Comme toute exposition réalisée sansmoyens, la part excessive des commentaires écritsla rend fastidieuse et surtout inaccessible auxenfants. La faiblesse de l’interactivité n’aide pas àexpliciter le message.

On eut aimé que la «sauvagerie» de Marseille soitévoquée sur tous les plans ; qu’un parallèle soitmené entre le développement de la faune animalequi s’est spécifiquement adaptée au milieu urbainet sa commensalité avec la faune humaine dans sapropre adaptation à l’enfer citadin. Dans ce cadre,il eut été intéressant que les questions d’écologiepolitique soient abordées sous leurs aspectssociologiques. Une triste vidéo de tristes informations de«LachaineMarseille» donne tribune à la responsablemunicipale à l’hygiène et la santé publique. Ellevante les mérites du million huit cent mille ratsnoirs et d’égout «assistants indispensables» au

dégagement des ordures ménagères et brillantscureurs des conduites d’évacuation. Le moniteurvidéo participe d’une scène reconstituée assez«new age», tas d’immondices où «grouillent»quelques rats empaillés pour illustrer de façon«vivante» les mérites de nos éboueurs intérimaires.Notre déléguée municipale à l’hygiène a oubliédans son panégyrique du rat d’égout de préciserqu’ils sont les seuls travailleurs sans papiers àMarseille que personne ne cherche à concentrer aucentre de rétention d’Arenc. Mais il est vrai qu’ilstravaillent toujours plus pour manger plus !Marseille ville sauvage, avez-vous dit ?YVES BERCHADSKY

ENVIRONNEMENT58 SCIENCES ET TECHNIQUES

Espérons que l’exposition Télescopium qui débuteau Muséum le 10 mars échappera à la pusillanimitéculturelle scientifique municipale ! En collaborationavec l’Observatoire de Marseille, le Muséumparticipe à la célébration de l’année mondiale del’astronomie qui commémore, en 2009, les 400 ansde la construction par Galilée (en mai 1609) de sonpremier télescope. Cette exposition devrait nouspermettre de découvrir les différentes techniquesoptiques qui ont permis à l’humanité depuis 400ans de s’environner de la conscience de sonunivers lointain.

HYPERLINK «http://www.museum-marseille.org»www.museum-marseille.orgPalais Longchamp, 04 91 14 59 55

Dans notre proche environnement et en toujoursen toute urbanité, l’association Image de Villeorganise la 4e édition des Journées du film surl’environnement (voir p 41) du 8 au 14 avril 2009.Ce sera l’occasion pour le Zibelécolo, dans l’en-vironnement aixois, «de rencontrer cinéastes,scientifiques, agriculteurs, réalisateurs et spécialistesdes questions environnementales et aborder, à partirdu cinéma, des questions de vie quotidienne quireprésentent un enjeu essentiel pour l’avenir de laplanète.»

HYPERLINK «http://www.imagedeville.org»www.imagedeville.orgEspace Forbin, Aix, 04 42 63 45 09

Envie(ron)ronnement, ethnoou égocentrisme ?Beaucoup de manifestations

de culture scientifique gravitent autour des questions «d’environ-nement». Préoccupation réelle ou matraquage à but lucratif ?

Au Programme

© Tonkin Prod.

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RENCONTRES 59

AIX-EN-PROVENCEThéâtre des Ateliers – 04 42 38 10 45Rencontre publique avec le metteur enscène Pascal Rambert. Le 1er avril à 21h.

Théâtre du Manguier – 04 42 96 33 31Dans le cadre de la semaine de la languefrançaise, le Théâtre du Manguier explorel’avenir et propose C’est pour demain !?,des rencontres singulières et musico-théâtrales itinérantes, dans les rues de laville. Jusqu’au 31 mars.

ISTRESADAPP – 04 42 34 20 65Conférence monographique de Cathe-rine Soria sur Boltanski. Le 26 mars à18h30 au cinéma Le Coluche.

MARSEILLEBMVR Alcazar – 04 91 55 56 34Quelle place pour les femmes dans les filièresscientifiques ? Conférence d’Assia Ben-abdallah, chercheur au Centre deMathématiques et Informatique àl’Université de Provence, dans le cadre ducycle Sciences et Sociétés de l’associationTous Chercheurs. Le 21 mars à 15h à l’Auditorium.

Espaceculture – 04 96 11 04 60Conférence de Claude Camous, Mirabeauà Marseille, l’homme du 23 mars. Le 23 mars à 17h. Conférence de Rémy Kerténian,Histoire de bijoux. Le 28 mars à 11h.

ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 00Conférence de Elisabeth Lalou : Lesenquêtes, l’enquêteur et le prince (fin XIIIe –début XIVe siècle). Le 20 mars à 18h30.

Rencontre avec Jean Contrucci, journa-liste, écrivain, auteur de romans policiers,autour des Nouveaux mystères de Marseille.Le 24 mars à 18h30.

Bibliothèque départementale deprêt – 04 91 08 62 08Ecrivains en dialogue : Pascal Jourdanareçoit Linda Lê (In Memorial et Au fondde l’inconnu pour trouver du nouveau parus

aux éd. Bourgois) et Mathieu Terence(Technosmose, Gallimard et Les Filles del’ombre, Phébus) pour une discussion quiportera sue Écrire toujours, par effroi, paramour… Le 7 avril à 18h30.Rencontre-débat autour de la parution deL’Iran derrière le voile (La Pensée de midi),avec Christian Bromberger, AgnèsDevictor et Mina Saïdi-Shahrouz,auteurs du dossier. Animé par ThierryFabre, rédacteur en chef de La pensée demidi. Le 14 avril à 18h30.

Institut culturel italien – 04 91 48 51 94Le roman épique italien : rencontre avecles auteurs Wu Ming I, Simone Sarasso,Gianni Biondillo, Alessandro Bertante,Antonio Scurati et Giuseppe Gennaautour de ce nouveau courant littéraire.Table ronde le 30 mars au Centre aixoisd’Études Romanes à 15h30, à l’asso-ciation Trinacria à 19h30 et le 31 mars àl’Institut à 18h.

Librairie Païdos – 04 91 48 31 00Objectif 20 000 € pour sauver Païdos :les 21 et 22 mars, la librairie ouvre grandses portes et lance un appel à soutien. Ellepropose toute la journée des rencontresautour du livre avec des intervenants,auteurs, éditeurs, de la musique (DevilCrockett, jazz manouche…).

Echange et diffusion des savoirs – 04 96 11 24 50De la prévention sociale de la délinquance àla dissuasion urbaine du crime : conférencede Jacques Donzelot, maître de conféren-ces en sociologie politique à l’UniversitéParis X. Spécialiste de l’étude des ques-tions sociales et urbaines. Comment est-onpassé de la volonté de soigner les causessociologiques de la délinquance à la simpledissuasion du passage à l’acte ? Le 26 mars.Quelle subjectivité produit le néolibéralisme?Conférence de Jean-Pierre Lebrun, psy-chiatre et psychanalyste. Commentallons-nous riposter à cette invitation à nouscroire libérés de la condition humaine ?Le 2 avril.La grande régression, conférence de JacquesGénéreux, économiste, professeur à

l’Institut d’études politiques de Paris. Lamodernité libérale achevée, le défi du XXe

siècle sera d’inventer une nouvelle moder-nité fondée sur les liens sociaux quilibèrent l’individu et non plus sur la libé-ration individuelle qui délie les humains.Ou de repartir dans une grande régression.Le 9 avril.Toutes les conférences ont lieu à 18h45 àL’Hôtel du Département.

Société des Amis du MuCEM – 04 96 13 80 90Conférence de Michel Bozon, Docteuren anthropologie sociale, Directeur àl’institut d’études démographiques, surHommes, femmes et sexualité au Nord et auSud. Denis Chevallier, directeur-adjointdu MuCEM parlera de la muséographie.Le 26 mars à 18h, salle de conférences deL’Espace Mode, 11 La Canebière.

Espace Leclere - 04 91 50 00 00Conférence de François Giraud, historien,sur La Croix d’Anjou au cœur de la Pro-vence (6e centenaire de la naissance du RoiRené). L’auteur signera son ouvrage cejour-là. Le 23 mars à 18h.

Approches Cultures et Territoires –04 91 63 59 88Conférence de Saïd Bouamama, socio-logue, sur Immigration, discours et réalités:les idéologies en question. Le 26 mars à18h30, salle Artémis de la Cité des asso-ciations.

Maison-Blanche, mairie du 9e et du 10earrondissement de Marseille, s’intéresse àl’histoire de la mode marseillaiseen met-tant à l’honneur couturières, brodeuses,modistes de 1950 à 2008. Le Musée de laMode a prêté 20 tenues de coktail ou desoirée en hommage aux artisanes qui ontcontribué à développer l’économie de laville. À découvrir dans les beaux salons dela bastide qui ouvrent sur le jardin ! Du13 mars au 10 avril, 150 bd Paul Claudel,13009.

MARTIGUESMusée Ziem - 04 42 41 39 60Dans le cadre de l’exposition de sculp-tures de Miró, La Métaphore de l’objet,

conférence de Francesc Vicens, pre-mier directeur de la Fondation Miró, JoanMiró, l’artiste et l’ami. Le 19 mars à 17h30;conférence de Catherine Soria sur Lasculpture d’assemblage au XXe siècle. Le 9avril à 17h30.

SALONAgglopole Provence - 04 90 44 85 72Dans le cadre de la 4e édition de LireEnsemble (du 15 au 30 mai), sont orga-nisés deux concours de nouvelles :le 1er, ouvert aux collégiens et lycéens duterritoire d’Agglopole Provence, sur lethème Ma Mère, femme de Méditerranéele 2e, ouvert aux femmes n’ayant jamaispublié, organisé par le Forum FemmesMéditerranée de Marseille, sur le thèmede La rueLes nouvelles doivent parvenir en 4 exem-plaires avant le 1er mai au Service CultureConcours de nouvelles 2009 de l’Agglo-pole Provence (197 rue du Pavillon – BP274 – Square du docteur François Blanc– 13666 Salon-de-Provence, [email protected]).

TARASCONChâteau royal de Provence – 04 90 91 51 29A l’occasion du 600e anniversaire de lanaissance de René d’Anjou, comte deProvence, le Château royal vous invite àfêter Pâques en Famille, les 11, 12 et 13avril : visites théâtralisées, ateliers pourenfants, visites «chocolats» ; expositionsdes œuvres contemporaines de l’artistejaponais Hachiro Kanno ; concert deL’Hostel Dieu de Lyon dirigé parFranck-Emmanuel Comte, LesLamentations de Jean Gilles (le 12 avril à16h).

TOULONAssociation pour les Musées deToulon – 04 94 36 81 00Conférence de Sylvie Pic : Artcontemporain et sciences. Le 26 marsà 17h30 à la Fnac.

AU PROGRAMME

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Car nombreux sont les peintres etécrivains qui ont su apprécier la Pro-vence, sa lumière ciselante, son climat,ses paysages variés. Ce sont ces raisonsqui ont amené le Comité Régional deTourisme PACA à créer un itinérairetouristique «sur les traces de Picasso»en Provence et Côte d’Azur. En effet le fondateur du cubisme, ori-ginaire du sud espagnol, éprouva unegrande fascination pour le paysageprovençal. Il vint s’installer à «l’abridu monde» dans la région, à plusieursreprises. De Arles à Cannes, en passantpar Vauvenargues et Mougins, petitvillage situé sur les hauteurs de Cannesoù il mourut en 1973, il s’imprégnades paysages, dont les empreintes ap-paraissent dans ses toiles et ses écrits.Et Cézanne fut un de ses véritablesmaître à peindre, qu’il allait jusqu’àqualifier de «père en peinture».

Des œuvres et des lieuxL’itinéraire permet de relier plusieursexpositions majeures. La première, auMusée Picasso d’Antibes du 28 marsau 28 juin. En dehors de son impres-sionnante collection permanente, elleprésentera près de 200 pièces, pein-tures, sculptures et céramiques de L’èredu Renouveau 1945-1949, pendantlaquelle il peignit La joie de vivre. Lesecond rendez-vous est donné à Aix,du 25 mai au 27 septembre aumuséeGranet afin de mettre en valeur l’in-fluence qu’a eue Cézanne sur l’artisteespagnol, à travers 70 œuvres dePicasso mises en regard de 30 tableauxdu peintre aixois.Trois autres musées possédant despièces majeures proposent de visiterleurs fonds : le musée Angladon enAvignon (Picasso, Van Gogh, Modi-gliani), le musée Réattu à Arles (2peintures et 57 dessins) et bien sûr le

Musée National Picasso à Vallauris,avec ses deux œuvres majeures, LaGuerre et La Paix.Le château de Vauvenargues, situé aupied du massif de la Sainte-Victoire,dans lequel il vécut quelques mois de1959 à 1965, ouvrira également sesportes au public : l’occasion de s’im-merger dans l’univers intime de l’artiste,de découvrir l’atelier dans lequel il réa-lisa de nombreuses œuvres sera ainsidonnée à 19 personnes par demi-heure,amenées d’Aix par navette, configu-ration des lieux oblige !

Mode d’emploiUn parcours, jalonné de onze étapes(villes, villages et campagnes) édité surpapier à 80000 exemplaires en anglaiset en français, est diffusé dans les prin-cipaux bureaux d’accueil touristiquerégionaux. Les amateurs de peinture,de sculpture, de dessin, de céramiqueou de photographie pourront égale-ment y trouver des étapes actives, pours’exercer à travers divers ateliers orga-nisés par des artistes de la région. En parallèle, un site Internet est égale-ment mis en ligne. Il guide l’internaute

au travers d’une carte interactive com-plétée, pour chaque étape, de nombreuxtextes explicatifs. Afin d’organiser sonséjour, le touriste culturel, d’ici ou d’ail-leurs, pourra également y réserverson hébergement ! JORDAN SAÏSSET

60 PATRIMOINE PICASSO

Les pratiques de tourisme culturel se développent et notre région, parmi les plus visitées du monde,possède à ce titre des atouts indéniables…

Itinéraire Picasso en PACAComité Régional de Tourisme04 91 56 47 00www.decouverte-paca.comwww.picassoenprovencecotedazur.com

L’ami d’Orphée dans la carrièreC’est sous les traits d’un ami d’Orphée, joué par Cocteau,que Picasso entra pour la première fois dans les carrièresdes Baux-de-Provence en 1959. Cinquante ans plus tard,ces lieux magiques lui rendent un bel hommage.Gianfranco Iannuzzi, artiste multimédia, Renato Gatto,vocaliste, Massimiliano Siccardi, vidéaste, artistemultimédia, ont uni leurs talents pour offrir un spectacleexceptionnel. Reprenant à l’envers la démarche de Picasso,«je ne peints pas ce que je vois, mais ce que je pense», G.Iannuzzi décompose les tableaux, nous permettant d’enretrouver la structure profonde. Par cette démarchedidactique, Guernica se retrouve dans un premier tempsdécomposé : chaque élément en émerge dans sa beauténue, puis s’assemble, reconstitue progressivement, dansun jeu d’échos savamment orchestrés sur les parois de lacarrière, l’intégralité de l’œuvre. Les tableaux sont ainsi non seulement projetés, mais misen scène, démultipliés dans un kaléidoscope géant. Lespeintures cubistes épousant les formes géométriques desmurs semblent en être l’émanation naturelle. Il y acependant de l’ordre dans cette débauche sublime decouleurs et de formes, sept séquences constituent autantde chapitres qui, par touches successives, apprennent àcerner ou du moins à percevoir le mouvement de l’œuvrede celui qui affirmait avoir mis toute la vie pour réussir àpeindre comme un enfant. Émotion de voir les lignes

s’enrouler sur les murs et devenir sens… entendre et voirl’artiste s’emparer de sa toile !… Les femmes de sa vieglissent sur les blocs heurtés, l’évolution de la techniquedu peintre marque le temps, plus sûrement encore que lesdates qui s’affichent. Les périodes s’enchaînent, néo-classicisme, cubisme, période bleue, période rose… Labande son, pertinente, accompagne les projections,Carmen illustre le Minotaure et la tauromachie, la violencedes formes, des ombres noires qui s’animent… Lescarrières se muent en grottes préhistoriques...C’est une ronde endiablée qui clôt cette plongée dansl’œuvre, rythmée par le mouvement tournoyant de lamusique de 8 1/2 de Nino Rota. Les saltimbanquesdansent sur les murs. Immergés dans l’œuvre, le publicmarche sur les toiles projetées sur le sol, s’intégrant à cetunivers. Un moment unique ! MARYVONNE COLOMBANI

PicassoLa Cathédrale d’imagesLes Baux-de-ProvenceJusqu’au 3 janv 201004 90 54 38 65 www.cathedrale-images.com

Itinéraire Picasso

© Succession Picasso 2009

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Au terme de 18 mois d’une intensiveformation, 13 magiciens, appelés Ap-prentis, ont offert leurs Reflets, éclatsde spectacles futurs. Chacun avec sesexigences artistiques propres a travailléaux Pays-Bas, en Espagne, en Roumanieet dans plusieurs lieux d’accueil enFrance ; ils se sont confrontés aux for-mes d’arts en espace public, au jeu del’acteur, à l’objet scénographique, à lapratique obligatoire d’un instrument.En se demandant bien sûr commentintégrer le territoire et faire participerle public à la création (voir Zib’11).La première soirée a été ouverte parDaniel Hermann, adjoint à la Culturede Marseille, puis Dominique Trichet,directeur, Michel Crespin, grand initia-teur, Denis Trouxe, président, PascaleReynier, déléguée à la Culture de laMairie de secteur et Wladyslaw

Znorko, maître des lieux. Tous ontsalué la richesse du projet, sa dimen-sion européenne. Le public a ensuitevisité les 13 installations des Apprentis,espaces privés, univers d’objets récu-pérés, de photos, d’éléments naturels,introductions à leur projet créatif.Les trois jours suivants, les présenta-tions orales se sont déroulées devantdes Auditeurs et des Observateurs(artistes, diffuseurs, institutionnels,professionnels...) précisant le sujet, lagenèse, les perspectives et les besoinspour passer à la réalisation d’un spec-tacle fini. Des tables rondes ont concernéles relations de la FAI AR avec la pro-fession, l’avenir des artistes dans leurvie professionnelle.

Univers insolitesLes Apprentis ont souvent participéavec complicité et amitié aux propo-sitions de leurs camarades. Impressionsnostalgiques de Jérémie Steil dont leprojet s’inspire du vécu de ses 2 arrières-grands-pères, combattants de la guerrede 14, chacun d’un côté de la frontière;danse et univers féminin avec Géraldine

Salmon ; travail en ville avec situationsinsolites et video pour Lili Jenks ; ré-flexion bouchère sur le cochon envisagécomme l’avenir de l’homme par BertaTarrago ; univers urbain et réflexionssur l’espace public avec Hélène Sanier,Jana Heilmann, Ferran Orobitg,Bouèb ; la vie d’une tête sans corpsde Prisca Villa ; corps dansant etvideo avec Naïm Abdelhakmi ; voyageintérieur et loup-garou pour MickaëlSanchez ; rêves et illusions poétiquespour Julie Mercier et Kurt Demey.Le spectateur est intrigué, conquis parl’originalité et la richesse des propo-sitions. On ne peut que souhaiter bonneroute à ces artistes enthousiastes etgénéreux !CHRIS BOURGUE

Le Panorama des Chantierss’est tenu du 10 au 14 marsL’appel à canditature pour la 3e promotion (octobre 2009-mars 2011) est ouvert jusqu’au 31 marswww.faiar.org

LA FAI AR | THÉÂTRE VITEZ | FNCTA

La Formation Itinérantedes Arts de la Rue (FAI AR)a présenté le Panorama deses Chantiers, à la GareFranche, à St Antoine

Décapant et cousu main !Installé au cœur du Campus universitaire, le théâtreAntoine Vitez a une programmation résolumentcontemporaine en prise avec les enjeux du mondeactuel. Il permet aux étudiants en Arts du Spectacle,section Théâtre, de l’Université de Provence des’impliquer dans la théorie et la pratique théâtralestout au long de leur cursus.Personne ne voit la vidéo, de Martin Crimp met enscène des sondeurs, des enquêtes sur la consom-mation, parle de l’aliénation à concevoir la vie à traversle panier de la ménagère. On s’aperçoit vite qu’entrepizzas surgelées, café soluble et tampons hygiéni-ques, sous la banalité du discours affleure le constatd’une incapacité structurelle à épouser sans dommageles valeurs marchandes. La langue est celle de la rue,avec ses hésitations bafouillées, son vocabulairepauvre ; les personnages perdent, à ce jeu, touteconsistance humaine.

Nanouk Broche, enseignante à l’Université, maisaussi comédienne et metteuse en scène, a réglé lespectacle en 19 jours : «Avec les restrictions debudget on ne peut plus se permettre d’y consacrer un

mois !» Le résultat est très convaincant, les étudiants-comédiens sont investis à fond, la mise en scène estintelligente, permettant la participation des 24étudiants grâce à des chœurs insérés entre les actes,empruntant des répliques à Joyce, Jelinek, Godard,Barker ou Marivaux, les cinq personnages étantinterprétés par différents comédiens à chaque acte.L’ensemble est décapant, surtout quand lumières etmusique s’en mêlent ! Quant à la régie, l’assistanat,la communication, la scénographie, ils ont aussi étégérés par les étudiants. Du cousu main !C.B.

Personne ne voit la video s’est joué du 3 au 7 mars au Théâtre Vitez à Aix en Provencewww.theatre-vitez.com

Amateurs en scène !La Fédération Nationale desCompagnies de Théâtre etd’Animation (FNCTA) desBdR propose pour sa 11e

année 10 spectacles d’avrilà juinDébut au Gyptis, le 10 avril, avec unecréation de la Cie Tiramisù, Un vénitienen Turquie, dans la bonne tradition dela Commedia dell’arte dans laquelle latroupe s’est spécialisée. Le 16 avril, LaCriée accueillera une conférence deJean Caune, comédien, metteur enscène et professeur à l’Université deGrenoble s’interrogera sur l’existenceou non d’une esthétique du théâtreamateur. Toujours à La Criée, AnniePerrotproposera le 17 avril une lectureen espace d’extraits de 3 auteurscontemporains : L’inconvenant deGildas Bourdet, Art de YasminaReza et Musée haut, musée bas deJean-Michel Ribes, interrogations surnotre relation à l’Art.Rendez-vous dans le prochain Zib’pour la suite des festivités !C.B.

Spectacles et conférence à 20h3004 91 61 15 37www.fncta.fr

La bonne Fée et ses Apprentis

L'espace de Bouèb ©algo2009 Elle e� tait une fois... de Ge�raldine Salmon © algo2009

Personne ne voit la vide�o © X-D.R.

ÉDUCATION62

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