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LA NUIT DES MASQUES LE VERDI DE LEO NUCCI L'ÂME RUSSE DE FERRUCCIO FURLANETTO LE CHARME DE LAWRENCE BROWNLEE CHAMPAGNE ! LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE RING : 2 ÈME JOURNÉE SI SIEGFRIED M’ÉTAIT CONTÉ 17 N°17 | DÉCEMBRE 2013 EMMÈNE-MOI AU BALLET LE GRAND THÉÂTRE ATTIRE LES NOUVEAUX TALENTS LA CHAUVE-SOURIS FAIT BRILLER LES FÊTES DE FIN D'ANNÉE LES ABONNÉS DU TEMPS BÉNÉFICIENT DE 15% DE RÉDUCTION AU GRAND THÉÂTRE. VOUS ÊTES + DE 8000 ABONNÉS

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Journal du Cercle et du Grand Théâtre de Genève Décembre 2013 N°17

Transcript of ACT-0 n°17

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LA NUIT DES MASQUES

L E V E R DI DELEO NUCCI

L ' Â M E RUS S E DE FERRUCCIO FURLANETTOL E C H A R M E DE LAWRENCE BROWNLEE

CHAMPAGNE !

LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

RING : 2ÈME JOURNÉE

SI SIEGFRIEDM’ÉTAIT CONTÉ

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EMMÈNE-MOI AU BALLETLE GRAND THÉÂTRE ATTIRE LES NOUVEAUXTALENTS

LA CHAUVE-SOURIS FAIT BRILLER LES FÊTES DE FIN D'ANNÉE

LES ABONNÉS DU TEMPSBÉNÉFICIENT DE 15%

DE RÉDUCTIONAU GRAND THÉÂTRE.

VOUS ÊTES + DE

8000ABONNÉS

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C hères lectrices,Chers lecteurs, et cher public,Plus de 8 000 abonnés, 71 352 places ven-dues au début du mois de novembre… À l’approche des fêtes, encouragés par le

public en constante augmentation et un début de sai-son plus que satisfaisant, soutenus fermement par notre Conseil de fondation, ainsi que par le Conseil adminis-tratif de la ville de Genève à la recherche des meilleures solutions pour défendre l’un de ses fleurons, nous ne pou-vons que nous réjouir et vous inviter à la fête, place de Neuve. N’oublions pas, « Sa Majesté Champagne est roi » et il est toujours bon de se ressourcer loin des ambiances moroses qui semblent vouloir phagocyter notre époque.La célèbre Chauve-souris, en langue française, est de re-tour au Grand Théâtre dans une production qui venait de Glyndebourne, et qui depuis est allée à Graz, après avoir été présentée, en allemand, en décembre 2008 à Genève. Parmi les chanteurs-acteurs de renom, sous la baguette de Theodor Guschlbauer, vous aurez le plaisir et le bon-heur de retrouver l’immense talent du clown Dimitri qui incarnera le fameux gardien de prison, Frosch. Nul doute qu’il nous réservera un moment unique dont il a le se-cret, une grande première sur la scène genevoise et pour le chef-d’œuvre indétrônable de Johann Strauss.Il serait dommage de manquer le retour à Genève du grand baryton verdien, Leo Nucci, preuve vivante que le chant et l’art sont de véritables élixirs pour une éternelle jeunesse et d’un bien-être qu’il convient de partager avant de tourner la page d’une année nouvelle.À la fin du mois de janvier, vous pourrez découvrir un nouveau volet du Ring des Nibelungen qui vous attend nom-breux, dans son intégralité, au mois de mai. Un instant le mythe sera suspendu et laissera place au conte, au héros qui ne connaît pas la peur. Entre ses nombreuses tournées internationales, le Ballet du Grand Théâtre fera escale au BFM et vous invitera à partager un nouveau programme sur des musiques de Gustav Mahler en compagnie de Ken Ossola, chorégraphe et ancien danseur du Ballet.Bien que la fête soit de mise, n’oublions pas que les che-mins vers les cimes de l’excellence sont longs et ardus. C’est pourquoi nous avons besoin de votre enthou-siasme et de votre soutien constants.Avec toutes les équipes du Grand Théâtre et tous les artistes qui nous rejoignent tout au long des saisons, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année ! Nos vœux les meilleurs vous accompagnent et nous sommes heureux de vous retrouver de plus en plus nombreux dans cette institution qui est la vôtre.Bon Noël et heureuse année 2014 !

Tobias RichterDirecteur général

Directeur de la publication Tobias Richter

Responsable éditorial Albert Garnier

Responsable graphique & artistique Aimery Chaigne

Ont collaboré à ce numéroKathereen Abhervé, Bienassis, Gisèle de Neuve, Daniel Dollé, Albert Garnier, Sandra Gonzalez, Frédéric Leyat, Wladislas Marian, Benoît Payn, Christopher Park.

Impression SRO-Kundig Parution 4 éditions par annéeAchevé d’imprimer en décembre 20136 000 exemplaires

Il a été tiré 40 000 exemplaires de ce numéro et encarté dans le quotidien LE TEMPS

11, bd du Théâtre CP 5126 CH-1211 Genève 11 T +41 22 322 50 00F +41 22 322 50 [email protected]

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BUZZ OP 2-5Quoi de neuf dans le monde de l’opéra

à Genève et ailleurs

OPÉRATION 6-15La force anarchiste de La Chauve-souris

Dimitri, le poète ambulantUne opérette avec un grand « O »

Siegfried... un conte ?

ON STAGE 16-21Rigoletto, c’est lui !

L’âme russe de Ferruccio FurlanettoLawrence Brownlee : « Every Time I Feel the Spirit »

CARNET DU CERCLE 22-23Le Cercle on stage

EN BALLET 24-27

Les nouveaux visages du Ballet PLEIN FEUX 28

La cuisine des accessoiristes

DIDACTIQUE 30-35Chère Gisèle

Les ados et WagnerPartager sa passion avec Labo-M+1

AGENDA 36

LA NUIT DES MASQUES

L E V E R DI DELEO NUCCI

L ' Â M E RUS S E DE FERRUCIO FURLANETTOL E C H A R M E DE LAWRENCE BROWNLEE

CHAMPAGNE POUR TOUT LE MONDE !

LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

L'ANNEAU EST POUR LUI

SI SIEGFRIEDM’ÉTAIT CONTÉ

N° 17

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2013

BALLET POUR TOUSLE GRAND THÉÂTRE ATTIRE LES NOUVEAUXTALENTS

LA CHAUVE-SOURIS FAIT BRILLER LES FÊTES DE FIN D'ANNÉE

LES ABONNÉS DU TEMPSBÉNÉFICIENT DE 15%

DE RÉDUCTIONAU GRAND THÉÂTRE.

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Photo de couvertureLa soprano Noëmi

Nadelmann incarne Rosalinde dans

La Chauve-souris ce mois de décembre.© GTG/ISABELLE MEISTER

DA : AIMERY CHAIGNE

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La divaaux pieds nusOn est venu de loin pour assister à la prestation genevoise d’Anna Caterina Antonacci en Brunehild dans le Sigurd d’Ernest Reyer au Victoria Hall en octobre dernier. Le San Francisco Opera a envoyé deux de ses collaborateurs, Jon Finck et Cory Weaver, organiser une séance photo de la grande artiste lyrique ita-lienne. Des images prises dans un décor discrètement gene-vois, qu’on devine à peine être le Grand Théâtre, qui servi-ront pour le lancement international de l’opéra dramatique La Ciociara du compositeur italien Marco Tutino, basé sur le grand film éponyme de Vittorio de Sica (plus connu en fran-çais sous le titre La Paysanne aux pieds nus), tourné en 1960 avec Sophia Loren dans le rôle-titre. La première de cet opéra aura lieu en juin 2015 à San Francisco, sous la direction musi-cale de Nicola Luisotti (directeur musical du SFO et du Teatro San Carlo de Naples) dans une mise en scène de Francesca Zambello, qui signa elle-même plusieurs mises en scène au Grand Théâtre sous Hugues Gall et Renée Auphan (Billy Budd,

Aida, La Dame de pique…). Le service d’habillage du Grand Théâtre, avec beaucoup d’en-thousiasme et de compétence, a permis qu’Anna Caterina Antonacci retrouve sur ces photos la même apparence que Sophia Loren dans le film : robe de chambre et négligé de ména-gère romaine ou encore cette célèbre robe à pois, que rava-geront les Goumiers marocains sur la route vers Rome. ChP

Moscou, place Neuve Le 11 octobre dernier, la scène du Grand Théâtre se désintéresse des arts lyriques et de la danse pour se consacrer, une soirée n’est pas coutume, au théâtre parlé. Quand on sait qui est l’invité, on comprend l’importance de cet accueil. Le Théâtre d’Art de Moscou (MXT), fondé en 1898 par les grands hommes de théâtre Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko, est au théâtre de langue russe ce que la Comédie-Française et la Royal Shakespeare Company sont au théâtre francophone et anglophone. Leur présence à Genève, lors des Russian Cultural Seasons, pour une représentation surtitrée de la pièce La Dernière Victime (Последняя жертва, 1877) d’Alexandre Ostrovski, le « Shakespeare russe », a généré une vague d’intérêt telle que cette représentation unique a fait salle comble. La com-munauté russophone de Genève a eu le plaisir d’y retrouver de

grands artistes de la scène dra-matique russe contemporaine, comme Oleg Tabakov et Marina Zoudina. Les quelques places qui restaient ont fait le bonheur des amateurs d’une forme de jeu théâtral qui a défini la grande époque du Strasberg Institute et de l’Actors’ Studio. ChP

Un maître s’est tu…Le 7 octobre 2013, le monde artistique et une foule d’inconnus pleu-raient Patrice Chéreau, emporté à l’âge de 68 ans par un cancer. À 19h, à l’hôpital Beaujon de Clichy, le dernier rideau était tombé. Le 16 oc-tobre, le ciel était gris place St-Sulpice où il aimait venir contempler le tableau de Delacroix La lutte de Jacob avec l’ange dans l’église où la foule nombreuse, les bras chargés de fleurs blanches, était venue lui rendre un dernier hommage. Tous étaient au rendez-vous pour dire un dernier adieu à un homme unique qu’ils admiraient et qui séduisait par sa droiture et son talent hors du commun. Tous ceux qui étaient présents et ceux retenus loin avaient le cœur noué et ne l’oublieront jamais. Il venait de donner au Festival d’Aix-en-Provence une sublime version d’Elektra unanimement plébiscitée et ovation-née et préparait pour l’Odéon une nouvelle mise en scène de Comme il vous plaira de William Shakespeare. Richard Peduzzi, son fidèle scé-nographe, évoqua l’artiste par des images fortes et Waltraud Meier chanta deux lieder extraits des Wesendonck-Lieder de Richard Wagner.Personne ne pourra oublier son passage au Théâtre des Amandiers de Nanterre, ses mises en scène d’opéra, sa dizaine de films, notamment La Reine Margot, sans oublier le fameux Ring des Nibelungen à Bayreuth à l’occasion du centenaire de la création de l’œuvre, qui fit couler tant d’encre et qui lui valut des menaces de mort dans un premier temps.Certes, ce n’était pas un homme facile mais il était extrêmement atta-chant. Il avait une grande force de persuasion et parvenait à obtenir le meilleur de ses acteurs avec un grand raffinement. Exigeant, passion-né et vif, il était un immense artiste, il était l’Art, un maître d’opéra qui avait su métamorphoser les chanteurs en de véritables acteurs. Dans une âme blessée, il avait su puiser d’énigmatiques ressources et une hypersensibilité qu’il aimait faire partager. Le Grand Théâtre n’a pas eu le privilège de profiter de son immense talent, mais voulait s’associer à cette tristesse qui a envahi le monde du spectacle au mois d’octobre 2013. Nombreux sont les artistes qui viennent au Grand Théâtre qui ont travaillé avec Patrice Chéreau ou qui l’ont connu. Son nom restera gravé dans les mémoires du monde du spectacle, et pas seulement. DD

« Il y a chez moi une réflexion sur la violence et la maladie

qui se rejoignent en une même peur de la mort. »

« C’était un metteur en scène d’une grande culture, et d’une extrême délicatesse, traversé par une inquiétude, même après tout ce qu’il

avait fait. J’ai adoré ses films, que j’ai vu adolescent, il faut dire que c’est aussi un très

grand cinéaste, en plus d’un grand metteur en scène de théâtre et d’opéra. »

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8000c’est le nombre d’abon-nements que nous avons atteint à l’heure d’imprimer ces lignes. Ce succès n’est pos-sible que grâce à vous, nos fidèles spectateurs. La direction du Grand Théâtre de Genève et le personnel s’associent aux artistes pour vous remercier chaleureuse-ment de votre confiance sans cesse renouvelée.

Réveillon masquéLe 31 décembre, à l’issue de la dernière représentation

de La Chauve-souris, le Grand Théâtre vous propose de

fêter le réveillon de fin d’année dans ses foyers. Dans

une ambiance festive et conviviale, un dîner de fête

vous sera servi autour de tables de 10 convives pour

un prix de Fr. 195.- tout compris. 150 places sont dispo-

nibles (priorité aux abonnés du Grand Théâtre).

Que de maux divers dans l’his-toire de la médecine interne à l’opéra ! Tuberculose chez Vio-letta, psychoses hallucinatoires chez Lucia, Elvira et tant d’autres, allusions codées à la syphilis dans Parsifal, choléra et sida dans des œuvres plus contemporaines…Moins nombreux sont les cas de blessures, plaies et bobos externes sur la scène lyrique. Un cas célèbre retient cepen-dant l’attention : cette fameuse entorse, simulée par Figaro, qu’il se serait occasionnée en sautant dans le jardin depuis le cabinet de la Comtesse. Une « entorse » qu’il doit défendre et illustrer auprès de son rival, le Comte Almaviva.

Or, dans un revers ironique de fortunes, en ouverture de saison au Grand Théâtre de Genève, c’est au Comte Almaviva, en la personne du Bruno Taddia qu’est arrivée, non pas une « torsion du nerf du pied » mais une fracture ouverte du pied droit, occasion-née par un sprint à la poursuite d’un tram, place du Cirque, qui s’est soldé par une vilaine chute. La veille, le baryton italien était en scène pour la première des Nozze di Figaro. Heureusement, pour les cinq représentations sui-vantes, le Grec Aris Argiris et le Finlandais Tommi Hakala ont pu sauter à pieds joints dans le cos-tume d’Almaviva. ChP

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Accusé, levez-vous !Les travers des êtres humains appelés à des destinées hors du com-mun sont une source intarissable de curiosité, sans doute légitime et souvent excessive, de la part de la postérité. Dérives incesto-pédophiles de Woody Allen, la sulfureuse reprise de carrière de Bertrand Cantat ou le créateur de mode John Galliano, s’abîmant dans des faits de violence, aggravés d’insultes racistes et antisé-mites, ont tous alimenté la chronique et les potins. Heureusement que Richard Wagner, lui, vivait à une époque où l’on savait mieux se tenir et comment professer son antisémitisme de manière efficace, sans avoir recours à des coups de gueule éméchés sur les terrasses du Marais. Non, Wagner n’a jamais dû essuyer un shitstorm de son vivant, mais depuis son ascension au Walhalla, le « cas Wagner » est un dossier qui est loin d’être clos. Au Grand Théâtre de Genève, en l’hon-neur du bicentenaire de la naissance du Vieux Mage, on a sollicité la fine fleur du prétoire et du plateau télé pour le rouvrir devant la Ré-publique en émoi, pour la première d’une série de quatre spectacles, où Marc Bonnant et Bernard-Henri Lévy ont tenu respectivement les rôles d’avocats de la défense et de l’accusation, et le comédien Alain Carré campait l’accusé. Preuve de l’intérêt que peuvent générer des odeurs de soufre vieilles de 130 ans (ou du talent oratoire de nos deux Démosthènes), la première audience du Cas Wagner a généré une telle affluence qu’il a fallu ouvrir l’amphithéâtre pour répondre aux demandes. ChP

E stravolto lo nervo del piè

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Né à Téhéran en 1929, Lotfollah Mansouri, dit Lotfi, commença par faire des études de médecine à l’Université de Californie à Los Angeles, mais fut rapidement attiré par le monde du théâtre musical. Pendant

les années soixante, il vécut en Suisse entre Genève et Zurich, où il jeta les bases de sa carrière prolifique de metteur en scène d’opéra, de ballet et de spectacles dra-matiques. Pendant dix ans, il a joué un rôle clé au sein de l’institution de la place de Neuve. Il a rejoint l’équipe de Herbert Graf (1965-1973) en 1965, lorsque ce dernier devient la proie de la maladie, Lofti assure avec beau-coup de détermination et de professionnalisme le bon fonctionnement du théâtre. Il veille au bon déroulement et à la qualité artistique des productions de l’opéra et du ballet, il signe de nombreuses mises en scène à Genève (21) et dans le monde entier, et supervise les produc-tions chorégraphiques du Grand Théâtre. Très rapide-ment, la ville de Genève voit naître une personnalité in-contournable du monde lyrique. Il travaillera également avec l’opéra de Zurich et quittera la Suisse en 1976, pour accepter la charge de directeur général de la Canadian Opera Company à Toronto. Ses activités de direction, programmation et administration de la principale com-pagnie lyrique canadienne ne l’ont pourtant pas empê-ché de signer une trentaine de mises en scène d’opéra pendant les douze années de son intendance à Toronto.C’est pendant ses années à la Canadian Opera Company que Lotfi Mansouri introduit, en 1983 lors d’une pro-duction d’Elektra de Richard Strauss, la projection sur un écran horizontal au-dessus du cadre de scène  pendant la représentation, de la traduction anglaise du livret de l’œuvre. Initialement décrié par les puristes et traditio-nalistes du monde lyrique, le surtitrage s’est depuis im-posé, avec d’autres formes de traduction synchronique,

dans presque toutes les maisons d’opéra du monde. Lotfi Mansouri poursuivit sa carrière à la tête de l’opéra de San Francisco, où il exerça la charge de directeur gé-néral entre 1988 et 2001. Il y augmenta le répertoire, no-tamment en introduisant le répertoire russe et plusieurs importantes commandes contemporaines (dont  Dead Man Walking  de Jake Heggie). Il y œuvra aussi comme bâtisseur, en pilotant la reconstruction du War Memorial Opera House gravement endommagé après le tremble-ment de terre de 1989. La même année, il signa dans le New York Times une lettre d’opinion contre le projet de loi du sénateur républicain Jesse Helms empêchant tout soutien financier du programme fédéral étasunien pour les arts à des productions jugées obscènes ou in-décentes. Selon Lotfi Mansouri, cette loi pouvait com-promettre le financement de productions de certaines des plus grandes œuvres du répertoire lyrique, telles que Salome ou Die Walküre. Actif dans sa retraite comme formateur et mémorialiste, Lotfi Mansouri fut nommé en 2001 chevalier de l’ordre français des Arts et des Lettres.Il laisse dans le deuil son épouse Marjorie, née Thompson, et leur fille la Dre Shireen Mansouri. DD & ChP

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LUNDI MARDI MERCREDI JEUDI VENDREDI WEEK-END

Le Grand Théâtre de Genève a appris avec beaucoup de tristesse le décès suite à un cancer du pancréas, le 30 août dernier à San Francisco de Lotfi Mansouri, metteur en scène, directeur d’opéra et collaborateur du Grand Théâtre de Genève de 1965 à 1975.

par Daniel Dollé & Christopher Park

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Lotfi Mansouri est directeur général du San Francisco Opera de 1988 à 2001. Ici dans le hall de l'opéra en 1997.

(ci-dessous)

En 1983, il introduit des surtitres au-dessus du cadre de scène dans une production d’Elektra par la Canadian Opera Company.

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«L’opéra est le plus grand banquet des arts créé par l’esprit

humain, où chacun peut y retrouver ce qu’il aime le plus. »

CITATION DE LOTFI MANSOURI SUR UN BAS-RELIEF COMMÉMORATIF

DANS LE FOYER DE L’OPÉRA DE SAN FRANCISCO

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Christopher park Stephen Lawless, cette production de Die Fledermaus a eu une longévité impressionnante. Pouvez-vous nous en raconter la genèse et les caractéristiques?stephen LawLess La création a eu lieu au Festival de Glyndebourne en 2003, puis deux reprises en 2006, l’une à Glyndebourne et puis nous l’avons ensuite emmenée en tournée britannique. En 2008, le Grand Théâtre de Genève s’est porté acquéreur de la production, pour la remonter à l’occasion des fêtes de fin d’année. Elle a en-suite voyagé en Autriche, à Graz en 2010 et me revoici à Genève pour fêter ses 10 ans ! À titre d’anecdote, depuis la reprise à Graz, j’ai monté deux nouvelles productions de l’œuvre, l’une à Pékin, l’autre à Séoul. J’aurai donc mis en scène Die Fledermaus en anglais, en allemand, en mandarin, en coréen et maintenant, en français !Chp Où cela va-t-il s’arrêter ???sL Eh bien, c’est difficile à dire. Die Fledermaus est une œuvre qui n’est pas sans problèmes, à l’instar de Die Zauberflöte, par exemple. Cela tient surtout à la spécifici-té de l’humour viennois. Quand nous avons créé la pro-duction à Glyndebourne – et le même problème s’est posé à Genève, ainsi qu’à Pékin, même s’il s’agissait de deux productions différentes – nous avons essayé d’ex-traire l’œuvre le plus possible de son contexte viennois, de l’ouvrir de manière à la délocaliser, en quelque sorte. C’est d’ailleurs intéressant d’observer ce qui s’est passé lorsque nous l’avons remontée à Graz, avec des artistes venus du Wiener Volksoper pour la plupart. Certains ont trouvé cela très gratifiant de ne pas avoir à refaire le boniment classique viennois qu’ils avaient joué mille

> LA CHAUVE-SOURIS de Johann Strauss fils DIRECTION MUSICALE Theodor Guschlbauer MISE EN SCÈNE Stephen Lawless ROSALINDE Noëmi Nadelmann EISENSTEIN Nicolas Rivenq DR FALKE Dominique Côté ALFRED Marc Laho ADELE Teodora Gheorghiu

FRANK René Schirrer FROSCH Dimitri Au Grand Théâtre 13 | 15 | 17 | 21 | 22 | 28 | 30 | 31 décembre 2013

Depuis les années 1980, cet Anglais cosmopolite fréquente les scènes

lyriques du monde et leurs publics se délectent de ses mises en scène,

où percent le regard social acéré et l’humour mordant de la tradition

théâtrale de son pays, tout en faisant preuve du plus grand respect et

d’une fascination sincère pour la culture des spectateurs chez qui il

échoue. À Genève pour remonter sa Fledermaus de 2008 en une

Chauve-souris au parfum vienno-genevois, Stephen Lawless parle à

ACT-O de sa mise en scène jeune de dix ans.

Un entretien avec Christopher Park

La force anarchiste de La Chauve-souris

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fois auparavant dans Die Fledermaus, mais pour d’autres, j’ai vraiment dû lutter pour les persuader de sortir de ce moule. Ce n’est pas que notre production n’ait aucune caractéristique viennoise, loin de là ! Les références vi-suelles aux Wiener Werkstätte, à Gustav Klimt abondent. Mais le problème de base, c’est qu’on croit souvent que parce qu’il s’agit d’une opérette, que les règles drama-tiques normales ne s’appliquent pas et qu’on peut faire n’importe quoi parce que cela n’a pas d’importance. Pour ma part, j’observe dans Die Fledermaus une intrigue très serrée dans sa structure et je voulais respecter cela et mettre en avant cette caractéristique fondamentale de l’œuvre qui est d’être une pièce de théâtre en musique. Lorsque nous avons crée la production en 2003, on ve-nait de publier une nouvelle édition critique de la par-tition où figuraient tous les dialogues précédant la cen-sure impériale. Une quantité massive de texte pour ce qui, en fin de compte, n’était que très peu de musique à l’origine. Nous avons donc voulu déballer tout cela et dé-caler chronologiquement l’intrigue à l’époque de Freud nous a permis, d’une certaine façon de regarder l’œuvre depuis un point de vue extérieur à Vienne, plutôt que depuis une perspective d’intériorité viennoise.Chp Glyndebourne, Graz, Genève : comment avez-vous fait évoluer votre mise en scène tout au long de ce parcours ? Y a-t-il eu beaucoup de changements ?sL Il y en a eu pas mal, en effet. Au niveau, notamment des dialogues parlés qui sont le véhicule principal de l’ac-tion dramatique. Les airs nous parlent des états d’âme des personnages, mais, à part le finale de l’acte II, il y a très peu dans les numéros musicaux qui nous renseigne

sur l’intrigue. Les évolutions concernent surtout les dia-logues parlés et cela a eu une influence, à son tour, sur ce qui s’est passé au niveau de la production. Lorsque nous avons créé cette mise en scène à Glyndebourne, on nous a demandé de faire la production en langue allemande, ce qui à mon avis n’était pas judicieux. Nous avons réali-sé une version anglaise pour la reprise en 2006, en repre-nant le scripte que nous avions fait traduire en allemand pour la création. On peut dire que ces dialogues ont fait leur propre chemin dans la vie, car ils sont en ce mo-ment utilisés dans des productions du English National Opera, du Portland Opera. Mais nous les avons considé-rablement raccourcis, par rapport à la création de 2003 où ils étaient bien trop longs ! En les réduisant et en les raffinant, on constate nécessairement des modifications à l’intrigue. Pour ma part, j’ai toujours trouvé la musique de Die Fledermaus d’un raffinement incroyable, ce qui n’est pas toujours l’impression qu’une représentation de l’œuvre dans le style du Volksoper de Vienne (le berceau spirituel de l’œuvre, même si ce n’est pas le lieu de sa création) peut vous laisser. Je crois que la donner en ver-sion française pourrait faire ressortir le côté sophistiqué et raffiné de l’œuvre.Chp Vous parlez du raffinement musical de Die Fledermaus mais est-ce que La Chauve-souris sera nécessairement plus raffinée au niveau dramatique parce qu’elle est donnée dans une version française ?sL À mon avis, l’humour français est bien plus sophis-tiqué que l’humour viennois qui a tendance à être très…Chp Jovial ?Vous êtes bien charitable… Pour moi, l’humour viennois

La force anarchiste de La Chauve-souris

(ci-dessus)

La fête bat son plein, le champagne coule à flots à la fin de l’acte II, avant que l’horloge ne sonne les six heures : Eisenstein et Frank doivent retourner à la prison.(page de gauche)

Stephen Lawless lors des premières répétitions de la production en 2008.

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est souvent assez lourd et je rencontre le même pro-blème en mettant en scène Die Zauberflöte. Alors com-ment en faire ressortir le côté sophistiqué, malgré ce côté un peu boulevardier ? La structure tripartite de la pièce nous aide en cela. L’intrigue traverse trois milieux sociaux  : une demeure bourgeoise d’abord, enfin une fête chez un aristocrate fortuné et puis c’est la descente dans un milieu très populaire, celui de la prison. C’est cela que je trouve intéressant, parce qu’il y a trois sortes d’humour différent qui sont en jeu. Avec Frosch, par exemple, c’est inévitable, même si, dans la version de la création, Frosch n’est qu’un personnage tout à fait mi-neur. Ce n’est qu’à partir de la deuxième génération des mises en scène de Fledermaus (en temps historique, deux ou trois ans), des interprètes comme Alexander Girardi ont fait de ce rôle improvisé l’un des éléments essentiels du succès d’une Fledermaus. Le choix de Dimitri pour l’incarner peut justement faire toute la différence dans le degré de raffinement de l’humour imparti à l’œuvre.Chp Votre Fledermaus de 2008 va donc se métamor-phoser en une Chauve-souris, pour les Fêtes de fin d’année 2013, avec son cortège de valses, de polkas, de galops et de cet humour viennois que vous vous pro-mettez d’alléger. Il y a aussi, dans votre perspective, un côté sérieux à l’œuvre…sL Lorsque la nouvelle édition de la partition m’est tombée entre les mains en 2002, l’une des premières choses à attirer mon attention fut un élément du premier dialogue entre Rosalinde et Alfred au début du premier acte où elle perd un peu patience avec lui et s’exclame : « Pour l’amour de Dieu ! » et il lui répond : « Mais il n’y a pas de Dieu.  » Et on est obligé de s’arrêter et de se demander qu’est-ce qui se passe. Cette réplique, nous ne nous en sommes jamais servis et nous ne nous en servirons probablement jamais mais elle nous oblige à considérer que l’œuvre a des enjeux très sérieux. Il y a aussi, dans la partition de Strauss, notamment le chœur du tutoiement du deuxième acte (« Douï dou, douï dou »), une mélancolie qui frise par moments le pathologique. On pourrait dire que l’un des modèles artistiques pour cette œuvre, c’est Le Nozze di Figaro. On y retrouve aussi un rôle travesti, un mari volage, un avocat incompétent et bègue… Et, grâce à Figaro, nous savons qu’observer les personnages qui se permettent des écarts à la fidé-lité matrimoniale, c’est très divertissant, surtout quand ils ont aussi peu de succès qu’Eisenstein en la matière. Mais dans la psychologie des personnages, c’est une af-faire très sérieuse, voire douloureuse. C’est cela que j’en-tends dans le chœur du tutoiement  ; c’est précisément sur ce fond de fête brillante chez Orlofsky, où tout est permis et à disposition, que l’on atteint le côté obscur du cœur de Die Fledermaus. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avons voulu déplacer le contexte historique de l’œuvre vers le début du XXème siècle, pour accentuer son caractère sexuellement licencieux, cette sexualité sans vergogne qui émane des œuvres de Klimt et de Schiele. Vu de cette façon, la figure de Falke devient particulièrement intéressante, dans la mesure où, dans l’intrigue, sa réputation sociale a été complètement sa-pée par le tour pendable que lui a joué Eisenstein – et Dieu sait, qu’à Vienne, tout tient à la réputation. Dès ce moment, l’idée de la vengeance devient capitale, cru-ciale, tout ce qu’il y a de plus sérieux dans la tête de Falke, que nous avons imaginé comme une sorte d’incar-nation freudienne, et cette vengeance pourrait effecti-

Le clown Dimitri interprète Frosch, le gardien de la prison dans cette reprise en français de La Chauve-souris.

D epuis la création de l’œuvre de Johann Strauss, au Theater an der Wien en 1874, il existe une longue tradition quant à la distribution du rôle de Frosch, le gardien de prison de l’acte III de La Chauve-souris.

Ce rôle est toujours confié à un grand comédien ou à un cabarettiste, qui porte un regard satirique sur les situa-tions, notamment politiques, du moment. Otto Schenk, comédien remarquable et metteur en scène dont vous avez pu voir il y a deux saisons Der Rosenkavalier, une des ses nombreuses réalisations, reste un Frosch célèbre. Nous pourrions encore citer bien d’autres acteurs qui ont mar-qué ce rôle du geôlier pris de boisson, entre autres Helmut Lohner ou Bernard Alane. Sur la scène de Neuve, certains d’entre vous auront pu applaudir dans ce rôle devenu lé-gendaire Robert Manuel, Jean Vigny, né à Genève engagé à la Comédie et qui participa à certaines productions du Grand Théâtre, ou encore Ossy Kolmann, célèbre comé-dien, cabarettiste et chanteur membre de la troupe du Volksoper de Vienne pendant vingt ans.En respectant cette longue tradition et après une discus-sion avec le metteur en scène Stephen Lawless, il nous a paru intéressant de faire appel à un personnage hors du commun et qui a fait les riches heures du cirque national Knie, le clown Dimitri qui partout triomphe. Il y a peu de temps, il nous offrait avec sa compagnie une Histoire du sol-dat qui restera dans les mémoires des petits et des grands. Avec son art si particulier, il avait su donner une nouvelle dimension au chef d’œuvre de Stravinsky.Vous le connaissez tous, ce petit homme au sourire per-

manent avec sa coiffure à la Beatles, celui pour qui l’art est essentiel : c’est le clown Dimitri, le seul à être passé

du théâtre au cirque, en n’abandonnant jamais le théâtre. Il reste un poète ambulant. À près de 80 ans, il est toujours actif et plein d’idées. Il est heureux de monter sur les planches, et lorsque nous lui avons par-

lé du rôle de Frosch, ses yeux se sont illuminés encore davantage et se sont mis à briller. Non sans appréhension

et hésitation, il a accepté de relever ce nouveau défi, per-suadé que le rire est indispensable. Celui, pour qui l’hu-

mour et l’amour sont indissociables, ne cache pas son enthousiasme pour cette nouvelle aventure. Dès notre premier entretien, il échafaudait déjà un concept pour ce personnage du gardien de prison, si connu par ceux qui se laissent éconduire par l’empereur de la valse.Gageons qu’il nous réservera bien des surprises et qu’il donnera au personnage de Frosch une dimension sup-plémentaire tout en respectant les traditions de l’ou-vrage. Probablement, nous fera-t-il prisonnier de son charme et de son talent une nouvelle fois. Une raison

supplémentaire de passer un moment festif en notre compagnie. TR

par Tobias Richter

Dimitri,le poète ambulant

« Je me nourris d’art, je m’en

délecte comme d’un nectar. »

DIMITRI

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vement saborder le mariage d’Eisenstein et Rosalinde. Nous avons eu la main un peu plus lourde, au niveau des références freudiennes, dans la version anglaise, sans doute parce que nous étions plus à l’aise pour les jeux de mots…Chp Comme celui du « Freudian slip » du Docteur Blind surpris en sous-vêtements féminins affriolants ?sL Certainement, l’un de nos meilleurs ! Qui ne fonc-tionnera sans doute pas en français, et nous avions eu un peu de peine à en tirer un bon mot en allemand, en 2008. Le regretté ténor anglais Robert Tear, qui était un grand ami, avait joué Blind à Glyndebourne et me disait peu avant de mourir : « Tu m’as donné la meilleure blague de ma carrière ! ». Lorsqu’il a fallu traduire ce moment précis en mandarin et en coréen, Eisenstein dit : « C’est quoi, ça  », et Blind répond : « Tout le monde a le droit d’avoir un hobby. » Ce qui n’a, hélas, pas du tout la même force comique…Chp Cela nous ramène, tout naturellement, au côté riant et pas sérieux de La Chauve-souris, dans la version française que vous nous préparez. Comment avez-vous abordé cette version française classique adap-tée par Paul Ferrier en 1904 où toutes les références viennoises sont éliminées, y compris les noms des per-sonnages (Eisenstein devient Gaillardin ; Rosalinde, Caroline, etc.), et remplacées par des références à Paris et à la culture française ?sL Lorsqu’on nous a remis la partition de la version française de Ferrier, dans une première réunion de tra-

vail avec le Grand Théâtre de Genève, j’ai parcouru la partition et j’ai tout de suite dit : « Désolé, je ne crois pas que ça va marcher. Ceci se passe à Paris et notre mise en scène est essentiellement viennoise.  » J’ai donc in-sisté pour que les personnages gardent leurs noms alle-mands, et qu’on adapte les références explicites à Paris et à la France dans le livret. Chp Mais ces différences vont au-delà des simples questions lexicales. Le Gaillardin de la version de Ferrier est un petit bourgeois prétentieux de banlieue qui est totalement hors milieu chez Orlofsky, alors que Gabriel von Eisenstein occupe un rang relativement élevé dans la hiérarchie sociale viennoise. Cette cou-leur française, un peu gauloise, des personnages va-t-elle vous poser problème ?sL C’est une question à laquelle je pourrai mieux ré-pondre une fois que nous serons en train de répéter avec ce texte. Je crois qu’il va falloir tenter d’harmoni-ser un peu les qualités du livret 1904 avec nos dialogues d’aujourd’hui. Nicolas Rivenq, notre Eisenstein, avec qui j’ai travaillé à quelques reprises et qui est devenu un ami, va certainement s’asseoir avec moi et passer le tout au crible de son flair dramatique pour que le texte soit cohérent. Le problème de toute représentation scé-nique en traduction, c’est tout le temps qu’on passe, en répétition, à essayer d’ajuster la traduction à la vision dramatique que l’on a de l’œuvre en question. Et puis, si la version de Ferrier a les couleurs un peu grivoises de Feydeau, ce n’est pas nécessairement un désavan-

(ci-dessus)

Au début du troisième acte, Frank, le directeur de la prison a des visions et se remet difficilement de la nuit d’ivresse qu’il vient de passer.

Conversation entre Daniel Dollé et le chef d’orchestre Theodor Guschlbauer

Une opérette avec un grand « O »DanieL DoLLé Une année après le krach boursier de 1873, Die Fledermaus, opérette qui dépeint une société exubérante et excessive, est créée au Theater an der Wien. L’accueil du public viennois est mitigé. Il faut dire que le contexte de la création de cette œuvre n’était pas des plus propices…theoDor GusChLbauer En effet, l’Autriche-Hongrie se trouve alors dans une situation extrêmement difficile. Tous les conflits dans lesquels elle s’est engagée ont été perdus, que ce soit contre l’Italie en 1859 ou contre la Prusse en 1866. Ce pays très catholique et militairement décrédi-bilisé, mené par François-Joseph – souverain connu pour sa bigoterie – stagne dans une situation politique plutôt morose dans les années 1870. Le chômage est en hausse et la pauvreté ne cesse de progresser. Tout comme son époux, Sissi la belle impératrice que l’on voit parcourir le monde et qui fut d’ailleurs assassinée à Genève, n’est que la façade trompeuse d’un empire en plein déclin. En somme, cette opérette n’est pas extrêmement joyeuse. On sait qu’Eisenstein est un rentier. Il n’est pas âgé mais il touche déjà une retraite. À la fin d’un bal particulière-ment arrosé, il a abandonné son ami Falke ivre mort sous un arbre dans un déguisement de chauve-souris. Quant à

la fête chez le Prince Orlofsky, il ne s’agit pas d’un bal impé-rial. On y croise la petite bourgeoisie, des pseudo-artistes, un directeur de prison, un rentier, bref : des parvenus. Au fond, cette histoire n’est pas si drôle. DD Tu abordes là un aspect important de La Chauve-souris : la question sociale. Il s’agit en quelque sorte d’une photographie d’une société qui semble toujours actuelle. Une société qui ne sait plus trop ce que s’amuser et faire la fête veut dire. Tout se déroule au détriment de quelqu’un. Je dirais presque qu’il s’agit d’une pièce de boulevard tra-gique. Dans ce sens, on a affaire à des individus qui vivent dans un contexte socio-culturel très particulier.tG On est au fond à la veille de la Première Guerre, même si le conflit mondial débutera quarante ans plus tard. Il est évident que la situation n’était pas évidente. DD Cette situation est également marquée par une bourgeoisie qui monte, alors que l’aristocratie fait déjà presque partie du passé. Ces petits bourgeois se ren-contrent dans un cercle restreint. On peut résumer les agissements de ce petit monde en une phrase : l’un des personnages a promis à celui qui ne pouvait plus se diver-tir de le faire rire malgré cette situation. Voilà tout le pari

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de l’intrigue qui va se dérouler chez le Prince Orlofsky.tG Toujours dans cette atmosphère décadente, Orlofsky est d’ailleurs un prince russe certes avec beaucoup d’argent, mais qui s’ennuie passablement. Ce n’est qu’un prince quelconque comme il y en avait alors des milliers. Il représente à merveille ce demi-monde puisque chez lui, il n’accueille pas des aristocrates. Tous viennent pour s’amuser, Eisenstein tout autant que Rosalinde.DD Comment Strauss s’est emparé du sujet de Die Fledermaus, qui provient en fait de la pièce française Le Réveillon, pour en faire une des grandes œuvres du répertoire ? tG En effet, c’est certainement la plus fameuse opérette du répertoire. Musicalement, Strauss qui frisait la cinquan-taine, était au sommet. La machinerie des Strauss tournait à merveille et rapportait énormément d’argent à cette fa-mille de musiciens qui accumulaient les succès. Je pense que ce thème l’a intéressé car il ne s’agit pas simplement d’une pure comédie mais il y a quelque chose de grave et de tragique, une forme de nostalgie tout à fait viennoise d’un empire déjà en déclin. À ce moment, les Viennois ne voulaient pas y croire et se pensaient invulnérables. DD Très souvent, même dans un pièce que l’on quali-fie de « légère », derrière une apparence de comédie se cachent des messages que l’on ne pourrait pas formuler sur un autre ton. Plus directe, la satire a toujours quelque chose de blessant. En m’identifiant à ces personnages, je le prendrais mal, mais lorsque je garde une certaine

Eisenstein d’être un marquis, Rosalinde d’être une com-tesse hongroise… C’est un humour universel mais qu’on cultive à la perfection dans le théâtre anglais, comme dans Wilde ou Shaw…Chp … Qui sont dans l’air du temps de votre production qui semble située exactement entre The Importance of Being Earnest et Pygmalion ! Pour conclure, parlons un peu de l’esprit suisse et genevois de ce qui nous attend en décembre sur la scène du Grand Théâtre…sL Je me souviens que le public de la générale, en 2008, avait ri de bon cœur à notre version allemande, alors que la réaction du public de la première avait été, comment dire, un peu plus retenue. J’espère que nous pourrons encore plus les séduire en 2013 avec l’aide des chanteurs lyriques de renom suisses et français de notre distribution, comme Marie-Claude Chappuis et Nicolas Rivenq. Et puis il y a Dimitri… Pour être franc, je n’avais jamais entendu parler de cet artiste. J’ai donc été voir ce que je pouvais trouver de lui sur YouTube et après trois minutes, je me suis dit : « C’est génial, il est fantastique, c’est exactement le Frosch qu’il nous faut. » Après toutes ces années à remonter cette production, il y a une chose dont je suis sûr : c’est qu’il ne faut rien écrire pour le mo-nologue de Frosch. Mais Dimitri me semble également être une force très anarchiste, n’est-ce pas ?Chp C’est un clown et traditionnellement les clowns sont là pour mettre un peu de désordre dans l’arène…Lorsque nous avons monté Die Fledermaus à Pékin, nous avons travaillé avec un célèbre acteur comique chinois

tage. La farce ne dépasse jamais un certain niveau, de toutes façons. D’ailleurs, les librettistes originaux de Die Fledermaus se sont inspirés d’une pièce de boulevard française Le Réveillon de Meilhac et Halévy, donc l’œuvre possède cette qualité par nature, ce serait impossible de l’en départir.Chp Au fond, Stephen Lawless, n’êtes-vous pas en train de nous berner un peu  ? Votre Chauve-souris n’est ni viennoise, ni parisienne, ni genevoise… elle est anglaise !sL Vous savez, nous parlons de l’œuvre comme d’une farce, mais elle a quelque chose en plus, particulièrement dans sa version originale, qui me semble être profondé-ment anglais, c’est son comique social. Nous venons de dire qu’Eisenstein est prétentieux : avez-vous remarqué que le moment où Falke arrive finalement à persuader Eisenstein d’aller chez Orlofsky, c’est quand il lui dit qu’il lui faudra se faire passer pour un marquis. Bien sûr, ce genre d’esprit de parvenu est drôle dans toutes les lan-gues du monde, mais il faut reconnaître que c’est dans le théâtre de langue anglaise qu’on tire le meilleur parti comique de ceux qui font semblant d’être d’un meilleur rang qu’ils ne le sont en réalité. Dans Die Fledermaus, tout le monde fait semblant  : Adele d’être une actrice,

(ci-dessous)

C’est le chef Theodor Guschlbauer qui dirige cette opérette avec un grand «O».

suite de l’article

Stephen Lawless, la force anarchiste de la Chauve-souris

suite de l’article

Une opérette avec un grand « O »

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distance, le message passe mieux. Voilà qui explique, du moins en partie, pourquoi le public n’a pas été subjugué lors des premières représentations de l’œuvre.tG Tu as tout à fait raison, avec la distance instaurée par un ton plus léger, on parvient à exprimer des choses de façon bien plus profonde. DD Je n’ose pas te demander le nombre de fois que tu as dirigé La Chauve-souris… Mais il s’agit de la première version en français, c’est bien juste ?tG Oui, il faut dire que durant ma carrière, j’ai très sou-vent dirigé cette fabuleuse opérette. J’ai même eu l’occa-sion de travailler avec de très grands chanteurs comme Edita Gruberová, Edda Moser, Lucia Popp, Bernd Weikl ou Gundula Janowitz, pour ne citer qu’eux. Et après tant de Fledermaus, c’est la première fois que je dirige La Chauve-souris. Au départ, il était question de le faire avec les textes chantés en allemand et les dialogues en français, comme je l’ai par exemple fait pour La Flûte enchantée à Tokyo. Avec les dialogues en japonais, nous avons eu un très grand succès ! Si l’on revient à La Chauve-souris, la version « dans la langue de Molière » marche très bien, j’ai déjà travaillé avec certains chanteurs de la production qui connais-saient la partition originale mais n’avaient pas encore abordé la version française. C’est tout à fait autre chose. Il est en fait plus difficile de devoir tout à coup apprendre le rôle de la version française alors que l’on connait le rôle de la version allemande, que d’apprendre un nouveau rôle. Je comprends aussi tout à fait que le public a à cœur de comprendre le texte qui est non seulement drôle mais également marqué par les nombreuses intrigues qui font toute la richesse dramatique de cette œuvre. Il faut que le public puisse suivre de près le déroulement de la pièce qui ne se résume pas à une simple drôlerie.

DD Et de cette façon, on revient à nouveau aux racines de ce texte, la pièce de théâtre d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Et parmi le défilé de tubes musicaux qui com-posent La Chauve-souris, quels sont tes passages favoris ?tG De l’ouverture jusqu’au dernier air d’Adele, il n’y a que des highlights dans La Chauve-souris ! Ce que j’aime surtout, et c’est une première pour moi, c’est que les danses russe, écossaise, bohémienne et hongroise que Strauss avait conçues pour cette opérette seront jouées à l’occasion de cette production genevoise. Je trouve cela bien de revenir à l’intention originale de Strauss. D’autre part, on rajoute la Polka, le Furioso et les autres danses comme il est d’usage. Le duo d’Adele et Alfred est mer-veilleux, et que dire de la valse « Douïdou » à l’acte II et la csárdás de Rosalinde à l’acte III ? Plus que de simples nu-méros musicaux, ce sont de véritables scènes musicales. DD La fameuse csárdás de Rosalinde, ne se situe d’ail-leurs pas à ce moment précis de l’opérette par hasard. Elle n’a rien de décoratif, elle a une véritable fonction.tG Oui, comme un point culminant au centre de l’œuvre, avec un avant et un après. La Chauve-souris est en ce sens un chef d’œuvre absolu qui dépasse la simple étiquette d’opérette. On a là une opérette avec un grand « O » qui bénéficie de la profondeur dramatique d’une pièce de théâtre et déploie une superbe musique alliant gaieté et légèreté, une musique aux mélodies inspirées et aux or-chestrations subtiles. On ne dispose que de très peu d’ou-vrages du même acabit. Et même si on dit que La Chauve-souris est programmée dans la moitié des théâtres lors des fêtes de fin d’année, il ne me semble pas qu’elle soit autant jouée que ça. Certes, elle est extrêmement connue. Mais c’est un peu comme la 5ème symphonie de Beethoven, on ne l’entend pas si souvent que ça en concert.

Chen Peisi que j’ai rencontré avant le début des répé-titions et nous avons discuté, avec un interprète. Vous savez bien que l’humour est l’une des choses les plus difficiles à traduire, parce qu’imprévisible. Il avait certai-nement vu des vidéos de l’œuvre avant notre rencontre et puis après avoir discuté un certain temps, il me de-mande : « Mais qu’est-ce que je vais faire avec le pot de chambre ? », un accessoire qui faisait visiblement partie de la production qu’il avait vue en vidéo. Et dès qu’il a fait part de ses soucis à propos du pot de chambre, je me suis dit, non sans un certain soulagement, « Ouf, on parle la même langue… » car effectivement l’humour sca-tologique est universel. Mais je crois qu’on va chercher d’autres ressorts comiques pour Genève où ce genre de blague risque de moins bien passer. Le troisième acte de Fledermaus, et c’est là où je veux en venir, introduit une forme différente d’humour. Nous nous trouvons dans un décor plus prolétaire et l’humour devient par conséquent aussi plus prolétaire et je crois qu’il faut s’en réjouir !Chp Le mot de la fin ?sL Eh bien oui, il y a quelque chose que j’aimerais rele-ver. Vous savez que Die Fledermaus a été créée en 1874, un an après un énorme krach boursier à Vienne. Or dans la succession de reprises à Glyndebourne, Genève et Graz, sans parler de mes incursions avec l’œuvre à Pékin et Séoul, j’ai constaté qu’une bonne quantité de l’humour que nous faisons part dans la direction du monde de la finance. Je me souviens bien qu’avec notre Frosch de l’époque, l’acteur et chanteur allemand Uwe Schönbeck,

nous avions imaginé quelques blagues du genre « Quelles genres de personnes trouve-t-on en prison par les temps qui courent ? Les gens peu recommandables, comme les voleurs à la tire, les escrocs, les banquiers… » Ça les a fait bien rire à la générale, mais beaucoup moins à la première. Et maintenant, nous revenons à Genève dans un climat économique différent, quatre ans après, où le monde de la finance suisse est un peu déstabilisé par les négociations sur le secret bancaire. Cela ne va pas manquer de nous inspirer et j’espère qu’avec Dimitri nous pourrons imaginer quelques répliques un peu cin-glantes, après tout cette Chauve-souris a des griffes et des dents ; elle est un peu vampire sur les bords ! ChP

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Le ballet des serveurs de café au milieu de l’acte II.

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D ès 1845, à l’époque où Richard Wagner compose Lohengrin, il est hanté par l’idée d’un grand drame dont Siegfried serait le centre. Il avait découvert le héros sous le nom de Sigurd dans les Eddas scandi-

naves. Ce jeune personnage héroïque incarnait l’ivresse printanière de l’humanité et répondait à son aspiration de grandeur épique. En 1848, Richard Wagner écrit un bref essai : Der Nibelungen Mythus : Als Entwurf zu einem Drama (Le mythe des Nibelungen : comme projet d’un drame). Il écrit un premier poème dramatique : Siegfrieds Tod (La Mort de Siegfried) qui sera à l’origine de la Troisième Journée du Ring des Nibelungen : Götterdämmerung (Le Crépuscule des dieux). En 1851, il écrit, en quelques semaines Der Junge Siegfried (Le Jeune Siegfried), qui deviendra Siegfried que nous découvrirons fin janvier et début février 2014. Wagner n’est pas à un paradoxe près, il réalise une composition à rebours. Tout au long de sa genèse, l’œuvre monumentale subit une métamorphose progressive qui suit celle de la maturation de l’artiste. Au commencement, c’est Siegfried qui fascine Wagner, quatre ans plus tard, le centre de gra-vité de l’œuvre s’est déplacé, la vraie tragédie devient celle de Wotan, en qui se joue la tragédie humaine aux yeux du compositeurs. Une soif insatiable de grandeur, une perpé-tuelle insatisfaction deviennent une course à l’abîme qui mènera Wotan à sa perte. George Bernard Shaw, célèbre dramaturge et auteur de pièces de théâtre et du Parfait wa-gnérien, voit en Siegfried un Bakounine, un ami de Wagner, un révolutionnaire resté à Dresde où la révolution gronde à la fin des années quarante.

LE PROJET SE DESSINELe 20 novembre 1851, depuis Albisbrunn, Richard Wagner écrit à Franz Liszt : « Quant à toi, mon cher Liszt, je te dirai par force que ma résolution d’écrire un nouvel opéra pour Weimar a subi des modifications si essen-tielles que je ne puis plus l’admettre comme telle.

Siegfried... un conte ?

Deuxième journée du Ring

par Daniel Dollé

> SIEGFRIED de Richard Wagner DIRECTION MUSICALE Ingo Metzmacher MISE EN SCÈNE Dieter Dorn

DÉCORS & COSTUMES Jürgen Rose SIEGFRIED John Daszak BRÜNNHILDE Petra Lang LE VOYAGEUR Tómas Tómasson MIME Andreas Conrad ALBERICH John Lundgren ERDA Maria Radner

FAFNER Steven Humes L’OISEAU DE LA FORÊT Regula Mühlemann Au Grand Théâtre

30 janvier & 2 | 5 | 8 février 2014 16 | 23 mai 2014 (pendant les cycles complets du Ring)

Sur le rocher, entouré de flammes, la vierge guerrière dort. Par un dernier baiser, Wotan a retiré sa divinité à sa fille chérie. À présent, Wotan va cesser toute action,

il n’apparaîtra plus dans Siegfried que sous les traits d’un voyageur méditatif qui erre à travers le monde. Son ambition s’est éteinte, son règne touche à sa fin,

et lorsque Siegfried brisera sa lance, il renoncera définitivement à ses rêves de puissance. Siegmund est mort, Sieglinde est enceinte, elle va mourir en couche

– comme la sœur de Richard Wagner. Elle mettra au monde un descendant des Wälsungs, Siegfried qui sera

élevé par Mime, le frère d’Alberich qui a prononcé l’anathème, la malédiction de l’or et qui attend le

moment propice pour récupérer et l’anneau, et le heaume magique en possession du géant Fafner. Ce

dernier veille sur le trésor dans une grotte, dans la forêt, non loin de la forge de Mime qui compte sur Siegfried

pour vaincre le dragon et lui rapporter le trésor.

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Siegfried... un conte ?

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Siegfried forge NotungPlanches 64-65 extraites de SiegfriedAlex Alice, 2007 Editions DargaudBande dessinée

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Siegfried forge NotungDesssin extrait d’une bande-dessinée allemande des années 70.

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Apprends donc l’histoire rigoureusement vraie du projet d’artiste qui m’occupe depuis assez longtemps et la tour-nure qu’il a dû prendre fatalement.Pendant l’automne de l’année 1848, je commençai à es-quisser le mythe complet des Nibelungen, tel qu’il m’ap-partient désormais à titre de propriété poétique. Une première tentative, faite pour donner une des péripéties principales de la grande action à jouer sur notre théâtre, fut La Mort de Siegfried. Après de longues hésitations, j’étais enfin (dans l’automne 1850) sur le point d’ébau-cher l’exécution musicale de ce drame, lorsque dans l’impossibilité, encore une fois reconnue par moi, de le représenter n’importe où d’une manière satisfaisante me détourna de cette entreprise. Pour sortir de cette désespérante situation d’esprit, j’écrivis le livre intitulé Opéra et drame. Mais, au printemps dernier, tu m’as tel-lement électrisé par ton article sur Lohengrin que, vite, je me remis avec entrain à l’exécution d’un drame – pour l’amour de toi. Je te l’ai écrit à cette époque. Cependant, La Mort de Siegfried était impossible pour le moment, je le savais : je voyais bien qu’il fallait préparer son appa-rition par un autre drame, et c’est ainsi que j’adoptais un plan que je caressais depuis longtemps, celui qui consiste à faire du la jeunesse de Siegfried le sujet d’un poème (Le Jeune Siegfried) : dans ce drame tout ce qui est, soit raconté, soit supposé à moitié connu dans La Mort de Siegfried devait être présenté d’une manière vrai-ment objective, en traits vifs et lumineux. Ce poème fut vite ébauché et achevé. Lorsque je voulus te l’envoyer, j’éprouvai d’abord un singulier embarras : il me semblait impossible de te l’expédier sans plus de façons : je me disais que je te devais bien des explications, tant sur la manière dont le sujet avait été traité que sur la manière dont il fallait comprendre le poème lui-même. En pre-mier lieu m’apparut donc la nécessité d’éclairer mes amis sur bien des points avant de me présenter devant eux avec ce poème  : j’écrivis à cet effet la préface très

détaillée de mes trois poèmes d’opéra, préface dont il a déjà été question. Puis je voulus aborder la composi-tion musicale ; je m’aperçus avec joie que la musique qui devait accompagner ces vers venait de la manière la plus naturelle et la plus facile, pour ainsi dire d’elle-même. Seulement, dès le début de mon travail, je sentais que je minerais tout à fait ma santé si je négligeais de la réta-blir complètement pour céder sur l’heure au besoin de produire, probablement pour ne m’interrompre jamais et exécuter tout d’un trait le travail commencé. Lorsque je m’installais dans l’établissement hydrothérapique, je sentis enfin la nécessité de t’envoyer le poème ; mais fait bizarre, toujours quelque chose m’en empêchait  ; mal-gré moi, j’hésitais, car il me semblait que la connaissance de ce poème commencerait par te jeter dans un certain embarras, que tu te demanderais ce que tu devais en faire, s’il fallait fonder des espoirs sur lui ou s’en méfier. Ici, en y réfléchissant froidement, j’ai fini par voir clair dans mon projet : il m’apparaît maintenant avec toutes ses conséquences logiques. Ecoute-moi !Le Jeune Siegfried n’est lui-même qu’un fragment, et il ne peut produire son impression exacte et certaine comme tout isolé qu’à la condition d’avoir sa place nécessaire dans le tout complet, et, cette place, je la lui assigne, conformément au plan que j’ai conçu, en même temps qu’à La Mort de Siegfried. Dans ces deux drames, quan-tité de rapports nécessaires n’ont figure qu’en récit ou même ont été laissés à l’imagination de l’auditeur ; tout ce qui donne à l’action et aux personnages de ces deux drames leur signification extrêmement saisissante et féconde a dû s’effacer à la représentation et n’être pré-sent qu’à la pensée. Or, d’après ma conviction intime que je viens d’acquérir, une œuvre d’art, et par la suite, le drame seul ne peuvent produire leur plein effet que si, dans les moments importants, l’intention poétique est révélée complètement aux sens. Il m’est permis, il m’est possible moins qu’à personne de pécher contre une vé-

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Hagen, le fils d’Alberich.Avec Siegfried, nous serions presque tentés de dire qu’il s’agit d’un hymne à la nature tant la forêt est omnipré-sente. Dans Die Walküre l’univers féminin était domi-nant, ici se sont les hommes qui règnent en maîtres sur les deux premiers actes. Mime a recueilli Siegfried et veut lui faire croire qu’il est son père, mais le héros, qui ne connaît pas la peur, se méfie et exige du forgeron une épée qui ne se brise pas. Chaque fois que Mime réussit, l’adolescent la casse, une seule pourrait lui convenir  : c’est Notung dont il conserve les morceaux que Sieglinde lui a confiés en mourant. Toutes les tentatives pour re-forger Notung ont échoué. Un voyageur inconnu, Wotan entre dans la forge et nargue Mime. Lorsqu’à la troisième question, le forgeron ne peut répondre, Wotan lui laisse la vie et la lègue au héros qui ne connaît pas la peur que Mime essaye de lui enseigner sans réussir. Lorsque Siegfried revient, il réduit les fragments de Notung en fine poussière. Il active le soufflet de la forge et entonne un chant bien connu, pendant ce temps, Mime mijote un poison pour assassiner Siegfried lorsqu’il aura vaincu le dragon. Ainsi Mime échappera à son destin, s’emparera de l’anneau et détiendra, enfin, le pouvoir suprême.Près de l’antre de Fafner, Alberich veille, il est persua-dé que Wotan qui se faufile entre les arbres vient aider Siegfried. Le Dieu ne peut rien, ni pour, ni contre l’ado-lescent. Le Dieu des Dieux avertit Alberich que son seul rival est Mime qui arrive en conduisant Siegfried. Ce der-nier songe à sa mère tandis que la forêt s’éveille au cours d’une page d’une subtile poésie qui rappelle le dialogue de Sieglinde et de Siegmund. Ici l’humain est lié au cosmos. C’est un temps de suspension dans la marche inéluctable des catastrophes, c’est le printemps. Siegfried cherche à converser avec l’oiseau de la forêt. Mais lorsqu’il se met à sonner du cor, Fafner se réveille et se dresse face au héros. Le combat sera bref. En portant à ses lèvres ses doigts trempés de sang, Siegfried comprend soudain le langage de l’oiseau. Ce dernier lui révèle la puissance de l’or et le pouvoir du heaume magique. Il apprend à l’adolescent la traîtrise de Mime que Siegfried tue sans hésiter, avant de poursuivre le dialogue avec l’oiseau qui lui apprend que non loin, sur un rocher solitaire, la plus belle des femmes, Brünnhilde, attend son héros sans peur. Siegfried s’élance à la conquête de la Walkyrie.En vain, Wotan interroge Erda une dernière fois. Le des-tin doit s’accomplir, les Dieux vont vers leur perte. Dans un dernier sursaut d’orgueil, Wotan tente de barrer la route à Siegfried qui lui brise sa lance et poursuit son chemin vers les flammes.Sur le rocher, Siegfried découvre Brünnhilde endormie. Bouleversé, il réveille la vierge par un baiser qui rani-mera la Walkyrie. C’est l’éveil de l’amour, le passage de l’adolescence à l’état adulte. S’en suit un sublime duo d’amour qui rappelle la plénitude d’émotion de l’acte II de Tristan und Isolde. Brünnhilde doit accepter son destin de femme. L’amour terrestre a envahi la Déesse d’hier, dans une magie musicale indescriptible, elle se jette dans les bras du héros et lie son sort au destin de Siegfried, ignorant que ce destin les conduira à la pire des tragédies. Cette étreinte se prolongera dans la der-nière journée du Ring des Nibelungen : Götterdämmerung.

LE HÉROS D’UN CONTESiegfried constitue un intermède heureux dans la marche inexorable vers Le Crépuscule des dieux, l’issue des deux

rité reconnue par moi-même.Il faut donc que je présente mon mythe tout entier dans sa signification la plus profonde et la plus étendue, sous les traits les plus nets que l’art puisse lui donner, afin de les faire comprendre parfaitement ; et il ne doit rien rester en lui qui ait besoin d’être complété par la pen-sée, par la réflexion ; il faut que tout être sensible et sans prévention puisse comprendre l’ensemble grâce à ses organes perceptifs, car à ce prix seulement il peut se pénétrer des moindres détails.Il me reste donc encore deux moments principaux de mon mythe à représenter, et tous deux sont indiqués dans Le Jeune Siegfried : le premier dans le long récit que fait Brünnhilde après son réveil (acte III) : le second dans la scène entre Alberich et le Voyageur (acte II), et entre le Voyageur et Mime (acte I). […] Ce plan porte sur trois drames : 1. La Walkyrie , 2. Le Jeune Siegfried et 3. La Mort de Siegfried. Pour donner le tout complet, il faut que ces trois drames soient encore précédés d’un grand pro-logue : l’Enlèvement de l’Or du Rhin. Ce prologue a pour objet la complète représentation de tout ce qui a trait à cet enlèvement, l’origine du trésor des Nibelungen, le ravissement de ce trésor par Wotan et la malédiction d’Alberich, faits qui figurent dans Le Jeune Siegfried sous forme de récit. […]Puissé-je toujours trouver en toi l’ami et le compagnon bienveillant que tu es et que tu fus pour moi, et qu’em-brasse de tout cœur, avec fraternité et reconnaissance.Ton / très obligeant / Richard Wagner »

CE QUE NOUS RACONTE SIEGFRIEDIl semblerait que l’empereur Frédéric Ier, dit Barberousse, soit pour Wagner la plus glorieuse incarnation historique de Siegfried. D’ailleurs n’avait-il pas imaginé d’écrire un opéra sur Barberousse ? Très rapidement le compositeur dépasse le point de vue qui voudrait que Siegfried soit un rédempteur socialiste venu pour abolir le règne du capital et de la loi. Le motif central de l’œuvre est le conflit entre l’or et l’amour, entre la volonté de puissance et l’altruisme. À présent, le règne des Dieux court à sa fin, ils sont condam-nés à disparaître dans les ténèbres du néant.Wotan voit grandir Siegfried avec délectation. Il ne doit rien aux Dieux et vit en symbiose avec la nature. Il com-prend les murmures de la forêt, il comprend le langage des oiseaux. Peut-être, est-il nature lui-même. L’instinct et ses impulsions le guident. Contre lui, Wotan ne pour-ra rien et lorsqu’il essaye de protéger, une ultime fois sa fille chérie, sa lance se brise contre Notung, l’épée qu’il a laissée en héritage à son petit-fils. Wotan ne peut plus rien, il lui reste à attendre sa fin. Siegfried va s’unir avec sa fille. Mais il succombera à la malédiction de l’or et tra-hira sa fiancée. Il devra expier son erreur sous la lance de

(ci-dessus)

Maquette des décors pour la scène de Siegfried combattant

le dragon Fafner.

(ci-dessous)

Lors d’un essai scénique en juillet 2013, des figurants

miment l’une des scènes de Siegfried.

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humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves attendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par rem-porter la victoire. » Dans cette longue saga, le conte était devenu indispen-sable, comme une respiration. Il apporte la fraîcheur de la nature, un amour, au terme de nombreuses épreuves, qui pourrait être salvateur. Mais ne l’oublions pas, il ne s’adresse pas qu’aux enfants, il n’y a pas d’âge pour leur leçon, les adultes ont également besoin d’enchan-tement et qu’on leur rappelle que souvent la victoire est au bout des difficultés. Bruno Bettelheim nous rappelle qu’il serait dangereux de vouloir narrer des contes avec des intentions didactiques : « Raconter un conte de fées, exprimer toutes les images qu’il contient, c’est un peu semer des graines dans l’esprit de l’enfant. Certaines commenceront tout de suite à faire leur travail dans le conscient ; d’autres stimuleront des processus dans l’inconscient. D’autres encore vont rester longtemps en sommeil jusqu’à ce que l’esprit de l’enfant ait atteint un stade favorable à leur germination, et d’autres ne pren-dront jamais racine. » N’en va-t-il pas de même avec nous lorsque nous sommes spectateurs ?Est-ce un conte (initiatique), est-ce un mythe, est-ce un drame socialiste ou encore une pièce à tendance anar-chiste ? Wagner ne peut en aucun cas se résumer à un ensemble de symboles, c’est pourquoi Ingo Metzmacher, Dieter Dorn et son équipe ont voulu nous conter une his-toires avec les moyens du théâtre, en nous laissant le soin d’analyser, d’interpréter ce contraste entre résignation et joie de vivre, dans un rapport sublime entre la parole et la musique. D’un bout à l’autre, nous serons avec Wagner ou contre lui, mais l’indifférence ne sera jamais à l’ordre du jour. Siegfried demeure la pièce classique par excel-lence, car l’équilibre entre parole et musique n’est jamais rompu, alors que Götterdämmerung reste une symphonie sur la mort des Dieux. Ce serait une grande erreur de ne pas écouter et de ne pas plonger dans l’ensemble de la Tétralogie, malgré sa longueur qui parfois effraye, car on passerait à côté de l’essentiel d’une œuvre toujours enviée, jamais égalée. Richard Wagner restera un magné-tiseur. Et Nietzsche dans Le Cas Wagner, tout en combat-tant le compositeur et en lui préférant Bizet et sa Carmen, écrit : « Malgré tout, il faut commencer par être wagné-rien. » Alors nous ne serons pas étonnés que nombreux sont ceux qui voudraient gravir la verte colline bavaroise, et faire partie des rares élus chaque année pour célébrer la grandeur et le talent du compositeur qui, avec Goethe, demeure un des jalons de l’art allemand, et ce malgré les restrictions sur l’homme, ses écrits et ses compositions. Ne perdons jamais de vue, que nul ne saurait être respon-sable des agissements de sa descendance. DD

héros, apparemment libres, reste un instant suspendu. La belle et la bête se rencontrent. Siegfried restera une illustration des théories freudiennes sur la sexualité. Dans ses écrits sur Richard Wagner, Thomas Mann dé-clare que le compositeur a « introduit la psychologie » dans le mythe. Probablement, Wagner a-t-il exprimé plus qu’il ne pensait. La relation entre les personnages de la Tétralogie est très aboutie. La tendresse immense entre Wotan et Brünnhilde les unit, mais les conduit égale-ment au drame. Dans les mythes qui ont inspiré le com-positeur, on ne trouve rien de tel.Thomas Mann, dans son Essai sur le théâtre, écrit : « Personne n’a-t-il remarqué la similitude de Siegfried avec la marionnette des foires ? » Pour corroborer cette idée, on peut lire dans le journal de Cosima, le 21 jan-vier 1869 : « Le soir, nous avons terminé la lecture du jeu médiéval de Faust, en y prenant un réel intérêt et en riant de tout cœur. Kasperl est quand même un tout autre personnage que le Grazioso espagnol et l’Arlequin italien et comme il témoigne des dons dramatiques des Allemands ! Magnifique clair de lune que nous saluons l’un et l’autre. » Elle continue : « Siegfried et Fafner sont des marionnettes, et Richard affirme que la bête qui veut l’engloutir est du même type. » Goethe nous rappelle qu’un conte est une histoire qui rend vraisemblable des événements impossibles dans des conditions plausibles ou improbables. Dès 1851, Richard Wagner informe Theodor Uhlig de la similitude entre Siegfried et l’ado-lescent du conte de Grimm Histoire de celui qui s’en alla pour apprendre la peur. Nous vous raconterons cette his-toire dans le programme de Siegfried. Le musicologue Carl Dalhaus (1928-1989) affirme que « Siegfried est un conte, un contrepoint du mythe tragique qui précède Le Crépuscule des dieux. »La peur, la mort et la quête de l’amour sont souvent les moteurs de l’action des héros qui peuplent les contes de notre enfance. L’amour ne peut être atteint qu’à la suite d’épreuves initiatiques, non dépourvues de dangers. Au terme des épreuves, la récompense du héros, il trouve le bonheur dans l’amour, fut-il éphémère. La bête disparaît et fait place à l’enchantement.

SiegfriedHeil der Welt, / Der Brünnhilde lebt ! / Sie wacht, sie lebt, / sie lacht mir entgegen ! / Prangend strahlt mir / Brünnhildes Stern ! Gloire au monde / où vit Brünnhilde ! / Elle se ré-veille, elle vit, / elle me dédie son sourire ! / L’étoile éclatante de Brünnhilde / brille pour moi !BrünnhildeGötterdämm’rung, / dunkle herauf ! / Nacht der Vernichtung, / neble herein ! / Mir strahlt zur Stunde / Siegfriedes Stern. Crépuscule des dieux, / monte au ciel ! / Nuit de l’anéantissement, / répands ton brouillard ! / L’étoile de Siegfried / me luit à présent.

Le rideau tombe sur les deux amants, persuadés qu’ils sont l’un pour l’autre l’amour rayonnant et la riante mort.Siegfried et Brünnhilde sont soumis à des épreuves, dé-pendant de leur sexe, qui interviennent au moment de leur maturité sexuelle. Dans la Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim affirme : « Une chose et certaine : le Conte aide l’enfant à grandir. […] Le message que les contes de fées, de mille manières différentes, délivrent à l’enfant : que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence

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(ci-dessus, en haut)

La marionnette des foires similaire à Siegfried ? C’est ce que semble penser Thomas Mann dans son Essai sur le théâtre.

(en-dessous)

Illustration d’une édition du conte de Grimm Histoire de celui qui s’en alla pour apprendre la peur.

Enfin, lorsque Mime est également occis, la solitude, dans sa plénitude, apparaît douloureusement pour cet adolescent pétulant et arrogant. L’ours, le loup et le dragon sont ses compagnons, l’oiseau, dont il comprend à présent le langage, représente le seul être dont il se sent proche.RICHARD WAGNER AU ROI LOUIS II DE BAVIÈRE, LE 23 FÉVRIER 1869

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D ans Le Progrès du 6 août 2013, on pouvait lire sous la plume d’Antonio Mafra : « Dire que Patriza Ciofi (Gilda) et Leo Nucci (Rigoletto) ont enflammé les Chorégies d’Orange relève de l’euphémisme. Les

deux interprètes ont suscité l’émotion et l’admiration d’un public médusé par les sons filés et les aigus ciselés de la diva, la puissance, le souffle et surtout le moelleux de la voix de l’un des plus grands barytons verdiens de ces trois dernières décennies qui affiche crânement ses 71 ans. […] Un triomphe pour ce concert d’anthologie conclu, comme tout le monde s’y attendait, par ce fameux “air de la vengeance” de Rigoletto, chanté une première fois, en-suite bissé, puis trissé sous la pression des acclamations. Soudain, un frisson a parcouru les gradins où des milliers de spectateurs se sont levés, comme un seul homme, pour saluer la performance. Bravo les artistes ! »Sa dernière venue à Genève remonte au 19 avril 1985 pour un récital accompagné par Paolo Marcarini. Auparavant, sur la scène de la place de Neuve, il avait interprété Giorgio Germont dans La Traviata et Figaro dans Il Barbiere di Siviglia. Ce jeune homme a séduit les mélomanes du monde entier et continue à séduire. Quarante ans de carrière, 72 rôles à son répertoire, Leo Nucci ne s’est jamais laissé griser par le succès. Certes ses apparitions se font rares, mais lorsqu’il paraît, quelle présence et que d’émotions ! L’artiste n’est que passion et les personnages de Verdi qu’il a interprétés somptueu-sement lui ont appris l’humanité.Leo Nucci est né à Castiglione dei Pepoli près de Bologne. Fils d’un maréchal-ferrant et d’une couturière, il se desti-nait à la mécanique, à travailler dans l’automobile, chez Fiat. Il adorait chanter. Un jour, Mario Bigazzi, profes-seur de chant, l’entend et souhaite rencontrer celui qui

possède « cette voix divine ». Des moteurs de voiture, du cambouis, il part à la conquête des plus grandes scènes lyriques internationales. En 1967, il remporte un prix en interprétant Figaro, un rôle avec lequel il fait ses débuts la même année à Spoleto. Il débute à La Scala le 30 jan-vier 1977, en remplaçant Angelo Romero dans Il Barbiere di Siviglia. Il revient dans le temple lyrique milanais dès 1978, pour interpréter le rôle de Rodrigo dans Don Carlo, sous la baguette de Claudio Abbado. En 1980, il fait ses débuts au Met, aux côtés de Katia Ricciarelli et de Luciano Pavarotti dans Un ballo in maschera. En 2007, il a fêté ses 30 ans à la Scala. Il a également été nommé Kammersänger et Ehrenmitglied par le Wiener Staatsoper.C’est en 1973 qu’il chante son premier Rigoletto. Depuis il a interprété ce rôle fétiche près de 500 fois, même si Rigoletto n’est pas son opéra préféré. Difficile de comptabiliser le nombre de ses représentations, plus de 3 000 probable-ment, et la plupart d’entre elles avec des rôles verdiens, dans pratiquement tous les grands théâtres du monde. Il ne se prend jamais pour l’artiste ; pour lui, le seul artiste est le compositeur, notamment Verdi qu’il considère comme intemporel, qui sait parler des sentiments, des relations humaines et qui a l’intuition de l’humanité. Verdi, lui est devenu si familier, qu’à chaque pause, qu’à chaque expres-sion, il peut donner une signification. Aussi, à chaque re-présentation, il est ravi de rencontrer le génie de Verdi et de faire découvrir des œuvres qu’on croyait connaître, et qui, avec son interprétation, prennent un nouveau visage, une nouvelle dimension. Il a choisi Verdi – c’est un choix personnel – tout en interprétant Scarpia, Sharpless, Gianni Schicchi, ou encore Figaro de Il Barbiere di Siviglia. Ses opé-ras préférés sont La Traviata et Carmen. Il n’a jamais redouté les Sols et les aigus qui terminent les airs de bravoure et de-meure un des grands maîtres de la cabalette. Il a enregistré

Rigoletto c’est lui ! par Daniel Dollé

> LEO NUCCI Baryton ITALIAN OPERA CHAMBER QUINTET DIRECTION & PIANO Paolo Marcarini VIOLON Pierantonio Cazzulani ALTO Christian Serazzi VIOLONCELLE Andrea Cavuoto

HARPE Marta Pettoni Au Grand Théâtre Vendredi 20 décembre 2013

Ses rôles verdiensAmonasro AidaEzio AttilaRodrigo Don CarloCarlo V ErnaniFalstaff, Ford FalstaffFrancesco Foscari I Due FoscariGuido di Monforte I Vespri sicilianiConte di Luna Il TrovatoreDon Carlo La Forza del destinoGiorgio Germont La TraviataMiller Luisa MillerMacbeth MacbethNabucco NabuccoIago OtelloRigoletto RigolettoSimone, Paolo Simon BoccanegraStankar StiffelioRenato Un ballo in maschera

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Rigoletto c’est lui !

(à gauche, en haut)

Rigoletto est le rôle fétiche de Leo Nucci. Il l’a chanté près de 500 fois. En septembre dernier, c’était à La Scala qu’il a entonné le fameux « air de la vengeance ».

(en-dessous)

l’Italian Opera Chamber Quintet accompagne Leo Nucci pour sa tournée de récital Tutto Verdi «La Parola scenica ».

et chanté sous la direction des plus grands maestros : Herbert von Karajan, Georg Solti, Riccardo Muti, Claudio Abbado, Carlos Kleiber, Lorin Maazel, Riccardo Chailly, James Levine, Zubin Mehta, Carlo Maria Giulini, Giuseppe Patanè, Nello Santi, Bruno Bartoletti, Daniel Oren… Il a éga-lement participé à deux films d’opéra, Il Barbiere di Siviglia et Macbeth de Claude d’Anna, présenté à Cannes en 1987.Être un divo ne la jamais intéressé, il a toujours voulu être un serviteur du théâtre et de la musique, en se passion-nant pour l’humanité qui a subi bien des métamorphoses durant une longue carrière qu’il a mené intelligemment. Sa philosophie pourrait se résumer en une simple for-mule : « mieux vaut faire une chose bien que plusieurs mal ». Il ne s’est jamais jeter goulûment sur tout le réper-toire qui pouvait convenir à sa voix. Peut-être, est-ce là le secret de sa longévité ? Leo Nucci cite volontiers le grand ténor, Alfredo Kraus, aujourd’hui disparu, comme exemple. Le temps n’a pas de prise sur lui, il demeure un artiste sincère, généreux et humain. Son côté buffone, son côté cabotin ne peut que séduire. Osons le dire, il fait partie des monstres sacrés du lyrique et est devenu une légende vivante. Il appartient à l’histoire de l’opéra. Il serait impardonnable de ne pas être au Grand Théâtre le 20 décembre 2013 pour fêter le retour de cet artiste exceptionnel. Sa capacité, à plus de 70 ans, de bisser ou de trisser les airs au cours d’une soirée, fait de lui un prodige. Sa voix résiste au temps, ses talents de comédien sont intacts et il communique une énergie, une joie de vivre sans commune mesure. Et n’oublions jamais, pour Leo Nucci, il n’y a pas d’art sans humanité. Nous serons tous au rendez-vous pour ovationner ce talent rare et précieux accompagné par Paolo Marcarini et son ensemble pour interpréter La Parola scenica. Était-il possible d’imaginer plus beau cadeau pour les fêtes de fin d’année ? DD

Verdi, alla Nucci La Preghiera del poeta (Sei Romanze)

Sgombra, o gentil, dall’ansia mente (Sei Romanze)

Deh, pietoso, oh Addolorata (Sei Romanze)

Dio di Giuda (Nabucco, 4ème partie : l’Idole brisée, Scène 1 - Nabucco)

O vecchio cor, che batte (I Due Foscari, Acte I, scène 4 - Francesco Foscari)

Dagl’immortali vertici (Attila, Acte II, scène 1 - Ezio)

L’EsuleDi Provenza il mar (La Traviata, Acte II - Giorgio Germont)

In braccio alle dovizie (I Vespri siciliani, Acte III, Scène 1 - Guido di Monforte)

Eri tu che macchiavi quell’anima (Un ballo in maschera, Acte III, scène 1 - Renato)

Io morrò, ma lieto in core (Don Carlo, Acte IV, scène 2 - Rodrigo)

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I van Melnikov, Fédor Chaliapine, Boris Christoff, Yevgeny Nesterenko, Ferruccio Furlanetto  : leur point commun  ? De la première représentation en 1874 aux productions les plus récentes de Boris Godounov, célèbre ouvrage de Moussorgski, toutes

ces basses ont marqué l’histoire de l’interprétation du rôle-titre. Si la présence d’un nom aux résonnances méridio-nales parmi tous ces patronymes slaves peut surprendre, il n’empêche que depuis quelques temps, Ferruccio Furlanetto est l’un des rares artistes européens à faire l’una-nimité dans le répertoire russe. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il est le premier chanteur italien à s’être produit sur la scène du Théâtre Mariinski dans le rôle du tsar régi-cide. Et sa réputation est toujours d’actualité : cette saison, le chanteur est Boris au Staatsoper de Vienne dans la mise en scène de Yannis Kokkos et en version concert en compa-gnie de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dirigé par le talentueux Tugan Sokhiev, à l’occasion d’une tournée franco-espagnole qui l’emmène de Toulouse à Barcelone, en passant par la salle Pleyel de Paris.La renommée de Ferruccio Furlanetto ne se résume pas à ces brillantes interprétations du répertoire lyrique russe. La carrière du chanteur originaire du Frioul débute en 1975 à l’opéra de Trieste, où il participe à de nombreuses productions avant de partir à la conquête des grandes mai-sons lyriques. En 1979, il est Banco dans un Macbeth dirigé par Claudio Abbado à la Scala de Milan. Il fait ensuite son apparition sur les grandes scènes d’Europe et d’outre-Atlantique. En 1980, James Levine l’invite au Met de New York pour interpréter le Grand Inquisiteur dans Don Carlo. En 1985, il est Figaro pour ses débuts au Staatsoper de Vienne, un rôle qu’il incarnera encore une année plus tard pour sa première invitation au Festival de Salzbourg. Le Grand Théâtre de Genève l’a accueilli à deux reprises pour Le Nozze di Figaro, lors de la création en 1988 et de la reprise en 1993 d’une production mise en scène par l’An-glais Nicholas Hytner et dirigée par Armin Jordan, habitué de la fosse genevoise – lors de la reprise du spectacle, la Comtesse n’était autre que Renée Fleming ! Vingt après sa dernière apparition sur la scène de Neuve, le pimpant Figaro a muri. Il revient sous les traits d’un personnage plus mature, marqué par les aspérités de la vie. Un avatar de Boris Godounov en quelque sorte, qui

incarne l’esprit de fatalité propre à l’âme russe. Ferruccio Furlanetto se dit d’ailleurs fasciné par « toute la douleur et la tristesse qu’une histoire chargée en tragédies a profon-dément ancré dans la musique russe ». Le programme du récital puise dans l’œuvre de deux des plus grands com-positeurs russes. En première partie, la basse italienne interprétera en compagnie de son pianiste ukrainien une série de romances de Serge Rachmaninov qu’il avoue apprécier tout particulièrement pour leur « tendance à exploiter le registre aigu de la voix de baryton », ce qui lui offre l’opportunité de « garder la forme vocale en culti-vant les aigus ». La suite du récital est dédiée à Modeste Moussorgski. Après quelques-unes de ses romances, ses Chants et Danses de la Mort cloront la soirée en beauté. Considéré comme un chef d’œuvre du genre, ce cycle de l’auteur des Tableaux d’une exposition dresse une série de portraits de la Grande Faucheuse, qui au fil des quatre romances, prend tour à tour les traits d’une nourrice, d’un chanteur de sérénade, d’un officier de la cavalerie ou se manifeste à travers une tempête glaciale.« Ma voix pour toi est à la fois tendre et langoureuse, / Elle trouble tard le silence de la nuit » : ces vers de Pouchkine, mis en musique dans l’une des romances de Moussorgski, frappent tant ils sont entourés par la singulière aura de la prémonition. Comme si la venue du Boris italien pour ce récital présageait une soirée musicale hors du commun, qui devait profondément marquer les esprits. BP

par Benoît Payn

> FERRUCCIO FURLANETTO Basse PIANO Igor Tchetuev Au Grand Théâtre 12 janvier 2014

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Les derniers enregistrements

DON QUICHOTTEMassenetA. Kiknadze, A. Serov, E. Vindau, Y. Matochkina, C. D’OnofrioMariinsky OrchestraDM :Valery GergievMariinski, 2012B006UM0570

SONGSMoussorgski, RachmaninovPiano : Igor TchetuevPrestige Classics Vienna 2010B0043Y4NEI

IL BARBIERE DI SIVIGLIARossiniThe Royal Opera House Orchestra and ChorusDM : Antonio Pappano MS : M. Leiser & P. CaurierVirgin Classics, 2010B0039I1HN4

MACBETHVerdiOrchestre et Chœur de l’Opéra national de ParisDM : Teodor CurrentzisMS : Dmitri TcherniakovBel Air Classiques, 2011B004QDNSJC

Pour son retour sur la scène de Neuve, Ferruccio Furlanetto et son

fidèle accompagnateur Igor Tchetuev invitent le public genevois à un voyage

musical au cœur de la Russie des derniers tsars. Avec au programme

des romances de Rachmaninov et Moussorgski, ce récital

exceptionnel nous plongera dans l’imaginaire et la sensibilité russe.

L'âme russe de Ferruccio Furlanetto

Ferrucio Furlanetto est Boris Godounov au Lyric

Opera de Chicago en 2011.

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L'âme russe de Ferruccio Furlanetto

29 novembre,1er décembre 2013Boris Godounov Moussorgski(Boris Godounov)Bolshoi de Moscou

5 - 17 décembre 2013Aida Verdi(Ramfis)Teatro San Carlo de Naples

23 - 31 janvier 2014Boris Godounov Moussorgski(Boris Godounov)Staatsoper de Vienne

3 - 13 février 2014Boris Godounov Moussorgski(version concert)(Boris Godounov)Orchestre national du Capitole de Toulouse – Dir. Tugan SokhievSalle Pleyel de Paris, Capitole de Toulouse, Auditori de Barcelone, etc.

26 février 2014Récital Moussorgski-RachmaninovIgor Tchetuev, pianoPhilharmonie de Berlin

3 mars 2014RécitalIgor Tchetuev, pianoScala de Milan

20 mars 2014Requiem VerdiSan Diego Symphony – Dir. M. ZanettiSan Diego Opera

5 - 14 avril 2014Don Quichotte Massenet(Don Quichotte)San Diego Opera

9 - 24 mai 2014Don Quichotte Massenet(Don Quichotte)Canadian Opera Company de Toronto

11 - 17 juin 2014I Vespri siciliani Verdi(version concert)(Giovanni di Procida)Teatro Real de Madrid

Son agenda

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B elcantiste jusqu’aux os, le ténor étasunien Lawrence Brownlee habite avec une ai-sance impressionnante les rôles de ténor lyrique des opéras de Rossini, Bellini et Donizetti. Doté d’une rare agilité vocale,

ses coloratures l’ont déjà consacré comme l’un des ar-tistes les plus demandés dans son répertoire à travers le monde. Né à Youngstown dans l’état de l’Ohio, Lawrence Brownlee reçoit sa formation aux États-Unis et inaugure sa carrière professionnelle au Virginia Opera en 2002 avec un rôle qui est devenu sa carte de visite, celui d’Al-maviva dans Le Barbier de Séville. Le jeune chanteur s’est vite fait entendre  : on lui propose la même année un début européen dans le même rôle… à La Scala. Le mou-vement est lancé : Lawrence Brownlee a brillé pendant ces dix dernières années au Metropolitan de New York (où il donne la réplique à Renée Fleming dans l’Armida de Rossini), à Berlin au Staatsoper, à Washington, San Diego, Madrid et Baden-Baden.Lawrence Brownlee vit à Atlanta, dans l’état de Géorgie, avec son épouse et leurs deux enfants. Jeune trente-naire, il n’a pas seulement l’âge des rôles qui lui ont fait sa réputation : Lindoro (L’Italiana in Algeri), Don Ramiro (La Cenerentola), Le Comte Ory, Narciso (Il Turco in

Italia), mais les interprète aussi avec un dynamisme dra-matique convaincant qui ajoute au charme du bel canto lumineux que l’artiste produit sans effort apparent.Connu déjà du public suisse par ses prestations aux opé-ras de Lausanne (Lindoro de L’Italiana in Algeri) et de Saint-Gall (Elvino de La Sonnambula), la première presta-tion de Lawrence Brownlee auprès du public genevois a été son Almaviva du Barbiere di Siviglia, mis en scène par Damiano Michieletto, dans la reprise de septembre 2012.Lawrence Brownlee revient donc à Genève en janvier 2014 dans la peau du récitaliste, avec un programme où le bel canto brille… par son absence ! Quel meilleur environnement, intime et individuel, pour qu’un artiste prouve que son talent va bien au-delà des idées reçues à son sujet ? La formule a convaincu le public de Carnegie Hall, car c’est avec ce même programme que Lawrence Brownlee a fait ses débuts triomphants dans le grand lieu de la musique new-yorkaise, en mars 2013.Pour la mise en bouche, quelques airs de chambre de Verdi (dont le célèbre Brindisi, offert en juin dernier par Barbara Frittoli). Et pour le reste de la soirée, Lawrence Brownlee s’offre un aller simple dans la musique du XXème, voire du XXIème siècle. Son excellente diction fran-çaise épousera avec bonheur les contours de quelques mélodies de Francis Poulenc, avant de passer outre-Danube, pour faire honneur à des lieds de l’Autrichien Joseph Marx (1882-1964), où se mêlent influences slaves et italiennes dans un lyrisme tout impressionniste. Ce programme polyglotte se poursuit, en deuxième par-tie, par un saut dans l’hispanité de l’hémisphère sud : les Cinq chansons populaires argentines, dans les arrange-ments audacieux d’Alberto Ginastera.Pour clore son récital, Lawrence Brownlee nous fait res-pirer l’air de son pays : d’abord, quelques extraits des 14 Songs (2006) de Ben Moore, aux mélodies engageantes et au lyrisme inspiré par le souffle de poètes comme W. B. Yeats et James Joyce. L’artiste terminera avec quelques échantillons d’un projet qui lui tient particu-lièrement à cœur, Spiritual Sketches : un florilège de spi-rituals, dans des arrangements de son ami et collègue Damien Sneed, où les deux artistes afro-américains ont rassemblé les éléments de jazz, de gospel et des chants religieux issus de l’esclavage, pour un vibrant hommage à la tradition musicale, à la fois liturgique et populaire, qui a nourri leurs jeunesses. ChP

par Christopher Park

> LAWRENCE BROWNLEE Ténor PIANO Christophe Larrieu Au Grand Théâtre 21 janvier 2014

« Every Time I Feel the Spirit »

Les derniers enregistrements

SPIRITUAL SKETCHESPiano : Damien SneedLeChateau Earl Records, 2013B00DE0SZ96

ARMIDARossiniRenée Fleming (Armida)Lawrence Brownlee (Rinaldo)DM : Ricardo Frizza MS : Mary ZimmermanThe Metropolitan Opera Orchestra, Chorus and Ballet Decca 2011B004CPJC8U

Lawrence Brownlee :

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« Every Time I Feel the Spirit »

10 & 24 janvier 2014L’Elisir d’Amore Donizetti(Nemorino)Staatsoper de Vienne

29, 30, 31 décembre 2013 & 1er janvier 2014Concert du Nouvel AnTeatro La Fenice, Venise

4 - 12 février 2014La Cenerentola Rossini(Don Ramiro)Bayerische Staatsoper, Munich

16 - 24 février 2014Il Turco in Italia Rossini(Don Narciso)Bayerische Staatsoper, Munich

17 avril - 10 mai 2014I Puritani Bellini(Lord Arturo Talbo)The Metropolitan Opera, New York

Juillet 2014Il Turco in Italia Rossini(Don Narciso)Festival d’Aix-en-Provence

Son agenda

(à gauche)

Lawrence Brownlee est Almaviva dans la production de Il Barbiere di Siviglia en septembre 2012 à Genève.©

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O bureau

M. Luc Argand, présidentM. Pierre-Alain Wavre, vice-président M. Gabriel Safdié, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaireMme Françoise de Mestral

autres membres Du Comité

S. A. S. la Princesse Andrienne d’ArenbergMme Vanessa Mathysen-GerstMme Brigitte VielleM. Gerson Waechter

membres bienfaiteurs

M. et Mme Luc ArgandMme René AugereauM. et Mme Claude DemoleM. et Mme Guy DemoleFondation de bienfaisance de la banque PictetFondation Hans WilsdorfM. et Mme Pierre KellerMM. Lombard Odier & CieM. et Mme Yves OltramareMrs Laurel Polleys-CamusUnion Bancaire Privée – UBP SAM. Pierre-Alain WavreM. et Mme Gérard Wertheimer

membres inDiviDueLs

S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’ArcisS. A. S. La Princesse Etienne d’ArenbergMme Dominique ArpelsM. Ronald AsmarMme Véronique BarbeyMme Christine Batruch-HawrylyshynM. et Mme Gérard BauerMme Maria Pilar de la BéraudièreM. et Mme Philippe BertheratMme Antoine BestMme Saskia van BeuningenMme Françoise BodmerM. Jean BonnaProf. et Mme Julien BogousslavskyMme Christiane BoulangerComtesse Brandolini d’AddaMme Robert BrinerMme Caroline CaffinM. et Mme Alexandre CatsiapisMme Maria Livanos CattauiMme Muriel Chaponnière-RochatMme Anne ChevalleyM. et Mme Neville CookM. Jean-Pierre CubizolleM. et Mme Olivier DunantMme Denise Elfen-LaniadoMme Maria EmbiricosMme Diane Etter-SoutterMme Clarina FirmenichMme Pierre-Claude FournetM. et Mme Eric FreymondMme Elka Gouzer-WaechterMme Claudia GroothaertM. et Mme Philippe Gudin de La SablonnièreMme Bernard HacciusM. Alex HoffmannM. et Mme Philippe JabreM. et Mme Eric JacquetM. Romain JordanMme Madeleine KogevinasM. et Mme Jean KohlerM. David LachatM. Marko LacinM. et Mme Pierre LardyMme Guy LefortMme Eric LescureMme Eva Lundin

M. Ian LundinM. Bernard MachMme France Majoie Le LousM. et Mme Colin MaltbyM. Thierry de MarignacMme Mark Mathysen-GerstM. Bertrand MausMme Anne MausM. et Mme Charles de MestralMme Vera MichalskiM. et Mme Francis MinkoffM. et Mme Bernard MomméjaM. et Mme Christopher Mouravieff-ApostolMme Pierre-Yves Mourgue d’AlgueM. et Mme Trifon NatsisMme Laurence NavilleM. et Mme Philippe NordmannM. et Mme Alan ParkerM. et Mme Shelby du PasquierMme Sibylle PastréM. Jacques PerrotM. et Mme Gilles PetitpierreM. et Mme Charles PictetM. et Mme Guillaume PictetM. et Mme Ivan PictetM. et Mme Jean-François PissettazMme Françoise PropperComte de ProyartMme Ruth RappaportM. et Mme Andreas RötheliM. Jean-Louis du Roy de BlicquyM. et Mme Gabriel SafdiéComte et Comtesse de Saint-PierreM. Vincenzo Salina AmoriniM. et Mme Paul SaurelM. Julien SchoenlaubBaron et Baronne SeillièreM. Thierry ServantMarquis et Marquise Enrico SpinolaMme Christiane SteckM. André-Pierre TardyM. et Mme Riccardo TattoniM. et Mme Kamen TrollerM. Richard de TscharnerM. et Mme Gérard TurpinM. et Mme Jean-Luc VermeulenM. Pierre VernesM. et Mme Julien VielleM. et Mme Olivier VodozM. Gerson WaechterMme Véronique WalterM. et Mme Lionel de WeckMme Paul-Annik WeillerMme Julie Wynne

membres institutionneLs

1875 Finance SABanque Pâris Bertrand Sturdza SAChristie’s (International) SACredit Suisse SAFondation BNP Paribas SuisseFondation BruGivaudan SAGonet & Cie, Banquiers PrivésH de P (Holding de Picciotto) SAJT International SA Lenz & StaehelinMKB Conseil & CoachingLa Réserve, GenèveSGS SAVacheron Constantin

Organe de révision : Plafida

Compte bancaire N° 530 290 MM. Pictet & Cie

REJOIGNEZ-NOUS !Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique, chorégraphique et dramatique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes.Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier des avantages suivants :• Priorité de placement• Service de billetterie

personnalisé• Echange de billets• Dîner de gala à l’issue de

l’Assemblée Générale• Cocktails d’entractes réservés

aux membres• Voyages lyriques• Conférences thématiques

« Les Métiers de l’Opéra »• Visites des coulisses et des

ateliers du Grand Théâtre• Rencontre avec les artistes• Possibilité d’assister aux

répétitions générales• Abonnement au journal ACT-O• Envoi des programmes• Vestiaire privé

Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement :Madame Gwénola Trutat (le matin, entre 8 h et 12 h)T + 41 22 321 85 77 F + 41 22 321 85 [email protected] Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11

Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.

Le carnet du Cercle

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Le carnet du Cercle

L e 11 novembre, Le Cercle du Grand Théâtre tenait son assemblée générale, l’occasion pour les membres et leur président Luc Argand d’évoquer avec le directeur géné-ral Tobias Richter et la présidente de la

Fondation Lorella Bertani les succès de la saison passée qui a vu plus de 130 000 spectateurs franchir les portes de la place de neuve.Les 8 000 abonnés et les succès artistiques de la saison en cours ont eux aussi été salués par l’assistance avant que ne soient abordés les dossiers brûlants, tels que les embarras budgétaires récurrents du Grand Théâtre de Genève et les travaux 2015.Sur ce thème sollicitant toutes les énergies du Grand Théâtre et de ses soutiens et amis, les différentes options ont été présentées. Chacun sait que le soutien du Cercle est un précieux atout au moment où l’engouement excep-tionnel que rencontre le Grand Théâtre et sa programma-tion artistique pourrait être coupé dans son élan du fait de l’indisponibilité du bâtiment de la place de Neuve pen-dant deux saisons. Clôturant l’assemblée générale, le traditionnel repas sur la scène de Die Walküre a encore une fois enchanté les

convives. Le décor féérique réalisé par les équipes du Grand Théâtre a quand à lui sublimé les prestations des Walkyries : Ahlima Mhamdi, Stephanie Lauricella, toutes les deux membres de la Troupe des jeunes solistes en rési-dence, ainsi que Lucie Roche et Katia Levin qui, accom-pagnées de Todd Camburn au piano, ont offert une déli-cieuse mise en bouche musicale. AG

Le Cercle on stage

L’assemblée générale du Cercle a eu lieu dans le grand foyer du Grand Théâtre.

par Albert Garnier

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Ahlima Mhamdi accompagnée au piano par Todd Camburn au pied du frêne de Die Walküre pour cette soirée féérique.

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Louise BilleOrigine : Française d’origine belge.Formation : J’ai effectué l’intégralité de ma for-mation à l’École supérieure de danse Rosela Hightower, à Cannes, c’est à dire de 11 ans à 20 ans. Avant de venir à Genève… j’ai également travaillé avec Claude Brumachon dans le cadre de la varia-tion d’EAT avec le Ministère de la culture.Rôle modèle ou role model : Je n’ai pas de rôle mo-dèle cependant je suis souvent touché par les rôles déchirés, un personnage qui tombe dans une cer-taine folie. Giselle serait donc un exemple. Impressions de Genève ? Mes premières impres-sions de Genève furent très bonnes. J’étais impres-sionnée par la beauté de la ville entre lac et mon-tagne. Je me suis toute suite imaginée y vivre.La danse, c’est important parce que… ça représente tout ce que je suis. Elle me permet d’être moi-même, épanouie, confiante en moi-même et en l’avenir. Elle me permet également de continuelle-ment me remettre en question.Quand je ne danse pas... je vois les amis, ma famille. J’aime beaucoup écouter de la musique et donc as-sister à des concerts. J’aime la découverte.Si le Ballet du GTG était un plat cuisiné… je le ver-rais plutôt épicé avec le mélange de beaucoup de saveurs qui lieraient à la fois quelque chose de classique mais explosif en bouche. Pourquoi pas un couscous ?

Les danseurs répondent aux questions de Christopher Park

La danse, discipline physique difficile, exigeante, haute en risques. Le ballet, lieu de création et de rencontre, mais aussi d’essai, de passage, de chemins qui se séparent. On sait qu’entre les limites physiques et les choix personnels, le renouvellement de l’effectif des danseurs au Ballet du Grand Théâtre est une réalité de chaque début de saison. Cependant, la rentrée 2013 se signale par un nombre particulièrement élevé de nouveaux visages dans la troupe. Huit en tout, cinq femmes, trois hommes, venus d’horizons proches ou lointains. Nous leur avons demandé de se présenter au public du Grand Théâtre sur ces pages, avec leurs mots et leurs images d’eux-mêmes.

Les nouveaux visages du Ballet

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Nahuel VegaOrigine : Je viens de Mar del Plata, dans la province de Buenos Aires en Argentine.Formation : En 2002, l’Escola do Teatro Bolshoi no Brasil à Joinville (Brésil), puis de 2003 à 2005, l’Escuela Municipal de Danza Norma-Fontela à Mar del Plata. De 2006 à 2009, je suis retourné à l’Escola Bolshoi pour une formation technique en danse contemporaine, et de 2010 à 2011, j’ai suivi l’Atelier de danse contemporaine du Teatro San Martín à Buenos Aires et participé au Prix de Lausanne, où cinq écoles différentes m’ont proposé une bourse d’études. J’ai opté pour l’École supérieure de danse Rosela Hightower à Cannes que j’ai quitté en 2013.Avant de venir à Genève… j’ai eu l’occasion de beaucoup voyager pour participer à des ateliers avec diffé-rentes compagnies, j’ai aussi fait une demi-saison avec le Ballet d’Europe de Jean-Charles Gil à Marseille. J’ai même été invité à danser à Tbilissi en Géorgie pour une création avec Mariam Aleksidze.Rôle modèle ou role model : Je n’en ai pas vraiment parce que je crois que tout le monde est différent et que l’on ne doit pas se comparer aux autres ou les suivre à la trace. Mais je suis en train d’apprendre beaucoup avec mon collègue Nathanaël Marie et je le considère comme un exemple. Impressions de Genève ? Genève m’enchante, je n’ai connu que du bonheur depuis mon arrivée. Des col-lègues sympathiques, excellents dan-seurs, un répertoire très varié et puis, c’est un grand plaisir de venir tous les jours fréquenter le studio du Grand Théâtre.La danse, c’est important parce que… j’ai du plaisir à me lever tôt tous les jours et d’exprimer qui je suis avec mon corps pendant sept heures par jour. Il faut beaucoup aimer cela. Comme disait Bruce Lee : « Express yourself ! »Quand je ne danse pas... À dire vrai, nous n’avons pas beaucoup de temps libre, donc quand je ne suis pas en train de danser, je dois être en train de cuisiner, à la salle de bain ou en train de dormir. J’aime les promenades, si j’ai le temps, et le contact avec diffé-rentes langues et cultures. Et si je ne peux pas voyager dans un endroit, je me renseigne tout seul et je découvre en lisant les choses qui m’intéressent.

Ornella CapeceOrigine : Je suis Italienne et je viens de Palerme, en Sicile.Formation : J’ai fait mes six années de formation à l’École du Ballet de Hambourg.Avant de venir à Genève… j’étais à l’École du Ballet de Hambourg !Rôle modèle ou role model : Ma mère m’a encouragée à prendre des cours de ballet quand j’étais petite et j’ai été mordue dès le premier cours. Pour ce qui est des rôles modèles, ceux qu’il faut danser avec toute son âme sont mes préférés. Impressions de Genève ? Je me sens comme chez moi ici, j’adore.La danse, c’est important parce que… c’est le meilleur moyen que je connaisse pour m’exprimer et me sentir pleinement moi-même. Par la danse, je perçois plus profon-dément la joie, le malheur, la richesse, la pauvreté…Quand je ne danse pas... je me sens comme une personne normale, mais il y a toujours le sentiment qu’il manque une part de moi-même. Pendant toute l’année dernière je n’ai pas pu danser et je me suis sentie comme réduite au silence.Si le Ballet du GTG était un plat cuisiné… Ce serait une génoise au cacao, nappée de chocolat à la crème chantilly !

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Andie MasazzaOrigine : Je suis Française et je viens de Paris.Formation : J’ai commencé la danse à l’Académie de danse de Rambouillet avec Monique Le Dilly. J’ai ensuite poursuivi au CNSMD de Paris.Avant de venir à Genève… je dansais pour les Ballets Jazz de Montréal. J’y suis restée trois ans. Auparavant, j’ai passé une année aux Ballets de Lorraine.Rôle Modèle ou role model : Gainsbourg est un vrai artiste. Je reste fascinée par son talent, sa folie, son assu-rance, son goût et son dégoût qu’il avait pour la vie. Un méli-mélo d’émotions qu’il a transmis à son public. Impressions de Genève ? J’adore. J’avais peur de m’ennuyer après avoir toujours vécu dans des grandes villes comme Paris ou Montréal, mais en fait c’est super agréable et calme de vivre ici, surtout quand on est bien entouré.La danse, c’est important parce que : que ce soit en pointes, en chaussons, pieds nus, en baskets ou en talons aiguilles : je m’éclate !Quand je ne danse pas... j’essaie de rester super active. Je vais à Paris voir ma famille et mes amis, je m’occupe de mon petit chien, je vais souvent au restaurant, je fais la fête, je bave devant le magasin Louboutin et je fais du shopping !Si le Ballet du GTG était un plat cuisiné… Un filet mignon.

Geoffrey Van DyckOrigine : Je suis de nationalité française.Formation : De 10 à 18 ans, j’ai appris à danser dans un centre social à Thaon (Vosges), puis de 18 à 20 ans, à l’Académie internationale de la danse à Paris, puis de 20 à 23 ans, j’ai suivi la filière de danse contemporaine au CNSMD de Lyon.Avant de venir à Genève… Je terminais ma troi-sième année de formation au conservatoire de danse de Lyon.Rôle Modèle ou role model : Il existe dans mon ima-gination comme l’image du danseur que j’aime-rais être, sinon je ne me référence pas à quelqu’un en particulier.Impressions de Genève ? C’est une ville agréable et riche en rencontres.La danse, c’est important parce que… cela permet d’évacuer certaines énergies et de travailler à la fois sur le corps et le mental ce qui m’aide dans ma vie personnelle. Et surtout J’AIME ÇA !Quand je ne danse pas, je... prends du temps pour moi et mes proches. Je vis sans penser à la danse ce qui me permet de la nourrir par la suite.

Céline AllainOrigine : Française.Formation : De 2006 à 2008, l’Académie Princesse-Grace des Ballets de Monte-Carlo puis en 2008 j’ai intégré le Cannes Jeune Ballet de l’École supé-rieure de danse Rosela-Hightower jusqu’en 2012.Avant de venir à Genève… j’ai dansé lors de la sai-son 2012-2013 au Ballet d’Europe de Marseille, sous la direction de Jean-Charles Gil.Rôle Modèle ou role model : Beaucoup de gens ont réussi à faire des choses exceptionnelles tout sim-plement parce qu’ils sont resté eux-mêmes, c’est pourquoi je suis mon propre chemin.Impressions de Genève ? Très jolie ville vivante et accueillante mais ayant vécu dans le Sud, je vais devoir m’habituer au froid.La danse, c’est important... parce qu’une passion est une chose qu’on ne pourra jamais vous enlever.Quand je ne danse pas... je ne suis pas différente.Si le Ballet du GTG était un plat cuisiné… Un fon-dant au chocolat ; c’est beau et bon mais le meilleur reste à venir !

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Angela Lee RebeloOrigine : Originaire du Portugal, je suis née à Johannesbourg en Afrique du Sud, où j’ai vécu pendant 19 ans.Formation : J’ai développé une profonde passion pour la danse et l’interprétation scénique dès l’âge de 4 ans. J’ai reçu ma véritable formation professionnelle auprès de Martin Schönberg, figure importante de la danse et de la pédagogie de la danse en Afrique du Sud. J’ai ensuite intégré sa compagnie, le Ballet Theatre Afrikan. Parallèlement, j’ai aussi obtenu un diplôme d’enseignante de la méthode Cecchetti en ballet classique, ainsi que d’enseignante de gymnastique Pilates.Avant de venir à Genève… Je suis partie vivre en Californie en 2007, et j’ai dansé avec le State Street Ballet de Santa Barbara, une compagnie néo-classique avec laquelle j’ai tourné aux États-Unis, où j’ai pu danser plusieurs premiers rôles, œuvres classiques ou nouvelles créations. Dans mon temps libre, j’enseignais la danse aux étu-diants et aux adultes dans différentes écoles de Los Angeles et de San Diego.Rôle modèle ou role model : Pour moi, toute personne qui travaille avec passion, dévotion, intention et intégrité est une source d’inspiration ! Mes role models sont les êtres humains qui ont ces qualités, d’une manière ou d’une autre.Impressions de Genève ? Une ville accueillante qui fonctionne de manière sophistiquée ! Traverser le lac pour se rendre au travail ou dans des commerces, respirer un air frais, sous un beau ciel, entourée de bâtiments his-toriques qui rappellent l’importance de l’ordre et de la raison, c’est un privilège ! Venant des États-Unis, où tout est ouvert 24 heures sur 24, j’ai naturellement dû faire quelques ajustements à ma manière de vivre, mais cela m’oblige à m’organiser et donc avoir du temps pour réfléchir aux choses les plus importantes. J’aimerais aussi

pouvoir m’impliquer dans la communauté de la danse locale, par l’enseignement ou les ateliers.La danse, c’est important parce que… simplement dit, c’est un moyen de s’exprimer, mais pour moi c’est une façon personnelle pour faire parler son âme : la danse implique le corps et le corps abrite l’être intérieur. La danse donne la liberté au danseur d’exprimer et au spec-tateur d’interpréter, dans les deux cas, la danse provoque le sentiment, l’émotion et cela est important pour tous les corps, pour tous les êtres humains.Quand je ne danse pas... j’aime aller en salle de sport et faire un peu de cross training, de natation, quelques haltères ou alors des sports au grand air, comme le pad-dleboard en été. Je suis aussi une adepte du yoga. Les questions de santé et rééducation physique ainsi que la prévention des blessures sportives me fascinent. Si le Ballet du GTG était un plat cuisiné… Pour moi, ce serait une pâtisserie, ou une boîte de biscotti, faite avec les meilleurs ingrédients bio, sans gluten, pour accompa-gner un excellent espresso ou un cappucino. Toujours de bon goût, quelle que soit l’heure du jour ou la saison !

Xavier JuyonOrigine : Je suis né à Bayonne et je suis de nationalité française.Formation : J’ai été formé au conservatoire de Dax par Axelle Barrau, puis j’ai poursuivi ma formation auprès de Wayne Byars, Attilio Labis, Cyril Atanasoff et Rudy Bryars.Avant de venir à Genève… j’appartenais au corps de ballet de l’Opéra national de Bordeaux, après quoi j’ai tenu un poste de demi-soliste à l’opéra de Nice.Rôle modèle ou role model : J’admire énormément des gens, artistes ou pas, mais je n’ai pas forcément de modèle car nous sommes tous différents. Impressions de Genève ? C’est une ville culturellement riche, qui rassemble des per-sonnes aux origines très éclectiques.La danse, c’est important parce que… j’aime ça et ça me permet de m’évader ainsi que de rencontrer des personnes merveilleuses qui m’apportent beaucoup.Quand je ne danse pas... J’aime voyager, passer du temps entre amis et prendre le temps d’apprécier ce qui m’entoure.Si le Ballet du GTG était un plat cuisiné… Une fondue.

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U n aspirateur dans La Chauve-souris ? Détendez-vous, ce n’est pas pour aspirer ce mammifère volant, mais pour Adele qui, d’ailleurs, en fera un usage très subtil en l’utilisant comme interférence.

Qu’entend-on par « accessoire » ?En théâtre, tous les articles présents sur la scène, autres que les décors sont appelés accessoires. Les meubles et autres gros objets sont des accessoires de décor. Les objets manipulés par les comédiens pendant le spectacle sont des accessoires de jeu. Ajoutons à cela les armes, les effets de pyrotechnie et de fumée qui font partie des responsabilités du service accessoires.Pas moins de 223 accessoires viennent habiter les diffé-rents décors de cette très belle production de Stephen Lawless. Mais de quoi parlons-nous précisément ici ?De meubles : 3 sofas, 5 chaises, 1 grande banquette pour piano à queue, 1 portemanteau, 1 tandem, 1 secrétaire et son fauteuil, entre autres. De nourriture : 3 tranches de concombres, une soupe, des pastilles, 3 tranches de jambon de Parme, un peu de salade mêlée ainsi que bien évidemment en cette occa-sion, du champagne. Une tête de sanglier vient complé-ter le côté « gastronomique » .Dans le jargon des accessoiristes, nous parlons très sou-vent de  « consommables ». Et dans cette production, il y en a beaucoup. Viennent s’ajouter aux aliments : des cigarettes (fausses bien sûr !), des journaux, des maga-zines, des petits carnets avec crayon, des cartons d’invi-tation, des dossiers remplis de factures, des fleurs. Ces accessoires-là sont les plus courants et aussi les plus simples à fournir. Mais ce n’est pas toujours le cas. Pour le deuxième acte de La Chauve-souris, une peau d’ours est en création : l’ours au carré.

Comment se passe l’opération ? Explications des accessoi-ristes : « Au départ, nous avons une tête d’ours en Sagex (polystyrène expansé) moulée à laquelle nous allons insé-rer la mâchoire, la langue, les yeux (en plastique) et les oreilles (en papier cartonné) obtenus auprès d’un four-nisseur pour taxidermistes. Pour cela, il faudra creuser dans le Sagex de façon précise pour y placer la mâchoire munie des dents. Il en va de même pour les yeux, puis les oreilles que nous retaillerons puisque celles-ci corres-pondent à un ours brun et sont donc plus grandes, (celles de l’ours blanc sont plus petites). Suivra l’habillage de la tête qui, au fond, est le plus délicat, car il faudra en suivre le contour. Puis, nous découperons la peau afin d’obtenir la silhouette de l’ours. Un ours blanc, debout, mesure près de 2 mètres. Pour cela, nous disposons entre 6 et 8 mètres carrés de peau synthétique. Il faut qu’elle soit à la fois, solide et confortable, car nous savons qu’elle sera manipulée par les chanteurs (le Prince Orlofsky couché dessus est tiré par Eisenstein). C’est pour cela que nous mettons une deuxième couche de renfort, en simili-cuir, qui pourra résister à tous ces gestes. » Au delà de l’accessoire en soi, il y a aussi la quantité de celui-ci. Pour La Chauve-souris, il nous a fallu trou-ver 40 paires de menottes (une pour chaque choriste), 22 cannes, 20 lorgnettes, plus une grande quantité de bouteilles de champagne qui s’élève comme une mon-tagne placée sur la tournette (grand plateau tournant) lors d’une manœuvre technique si rapide qu’elle est dite « précipité ». Il faudra compter au moins une centaine de bouteilles pour faire illusion !Heureusement que notre vampire ne consomme pas de sang ! Ah, le sang… il fera certainement l’objet d’une de nos prochaines rencontres. CV

par Cecilia Viola

La cuisine des accessoiristes

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La Fondation BNP Paribas en Suisse encourage La Fondation BNP Paribas en Suisse encourage La Fondation BNP Paribas en Suisse encourage la création culturelle et la préservation du la création culturelle et la préservation du la création culturelle et la préservation du patrimoine des musées. Elle est le partenaire patrimoine des musées. Elle est le partenaire patrimoine des musées. Elle est le partenaire fondateur et principal de la Troupe des jeunes fondateur et principal de la Troupe des jeunes fondateur et principal de la Troupe des jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre de Genève. solistes en résidence au Grand Théâtre de Genève. solistes en résidence au Grand Théâtre de Genève.

Elle s’engage aussi pour la recherche dans Elle s’engage aussi pour la recherche dans Elle s’engage aussi pour la recherche dans le domaine de la santé ainsi que dans de le domaine de la santé ainsi que dans de le domaine de la santé ainsi que dans de multiples projets en faveur de l’éducation multiples projets en faveur de l’éducation multiples projets en faveur de l’éducation et de la solidarité.et de la solidarité.et de la solidarité.

NOUS SOUTENONSLES JEUNES SOLISTES

EN RÉSIDENCEAU GRAND THÉÂTRE

DE GENÈVE.

(ci-dessus)

La fontaine de coupes où Eisenstein verse le champagne à la fin de l’acte II.

(en-haut à gauche)

Un tas de bouteilles de champagne destiné à prendre place sur le plateau tournant.(en-haut à droite)

« L’ours au carré » en fabrication dans les ateliers des accessoiristes au Grand Théâtre.

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La cuisine des accessoiristes

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NOUS SOUTENONSLES JEUNES SOLISTES

EN RÉSIDENCEAU GRAND THÉÂTRE

DE GENÈVE.

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Gisèle se rappelle avoir connu ses premiers émois devant le corps masculin lorsque sa grand-mère Idelette de Neuve l’emmena pour la première fois au Grand Théâtre en 1950 à l’âge de huit ans pour voir Printemps ou Le jeune homme admiré par les femmes, mémorable ballet de Delly et Willy Flay – livret et musique de Henri Gagnebin. C’est aussi à cette occasion qu’elle vit sa grand-mère rouer de coups d’éventail leur voisin de loge, un haut fonctionnaire persan du BIT qui essayait de tromper son ennui en prisant discrètement de l’opium. Depuis cette première leçon de plaisir et savoir-vivre, Gisèle est devenue experte en l’art de conjuguer un amour infini des arts de la scène avec une tenue impeccable en salle. Nul détail, petit ou grand, qui incommode notre Cher Public ne lui est indifférent. Chère Gisèle, que nous dit votre courrier ?

Vesti la giubba

Une chronique de Gisèle de Neuve illustrée par bienassis

Chère Gisèle,La saison des frimas étant bientôt arrivée, je vous écris au sujet des vestiaires du Grand Théâtre. L’an dernier, mon épouse et moi-même avons été quelque peu cho-qués lorsqu’après une longue représentation et une encore plus longue attente devant un vestiaire pris d’as-saut, nous avons retrouvé le manteau de fourrure de ma femme empalé à une patère tel un vulgaire morceau de viande sur un crochet de boucher. Soutenez l’effort des quelques personnes qui cherchent encore à s’habiller correctement pour se rendre au Grand Théâtre!

E. Lafaccia-InfarinaCher Monsieur,Suite à votre courrier, je me suis rendue en mission d’observation dans les coursives du Grand Théâtre pour interroger les charmantes personnes qui s’occupent attentivement de mon astrakan hérité de Grand-Maman Idelette. Effectivement, les structures de suspension vestimentaire en exercice ne sont guère plus évoluées qu’un vestiaire de gymnase soviétique. Ceci dit, l’ex-morceau d’agneau mort-né que je leur confie n’a jamais souffert de mauvais traitements aux mains du person-nel du Grand Théâtre ; il tient, comme sa propriétaire, une forme olympique ! Mais votre appel ne restera pas lettre morte : on m’assure que des cintres, robustes à souhait, sont désormais présents dans nos vestiaires, sur simple demande, pour le traitement éthique des animaux décédés. Votre dévouée, Gisèle de Neuve

Chère Gisèle...Savoir-vivre au Grand Théâtre

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Et Satan conduit le bal !Chère Gisèle,Je suis la victime, lors de mes visites au Grand Théâtre, d’un phénomène dont la régularité troublante me porte à chercher des explications d’ordre surnaturel, là où mon naturel nordique habituellement si cartésien est com-plètement pris au dépourvu.Où que je sois assise en salle, il se trouve inévitablement que le siège devant le mien est occupé par une personne (bien) plus grande que moi. Et si cette personne est à peu près de ma modeste taille, sa coiffure a inévitable-ment un volume considérable, de nature non seulement à bloquer ma perspective sur la scène, mais aussi préci-sément la partie du décor où se jouent tous les éléments décisifs de l’intrigue. La malédiction des grands specta-teurs me poursuit lorsque je suis à l’amphithéâtre. Ils passent alors derrière moi et le dossier de mon siège et toute ma rangée tremblent sous les coups de genou et de pied, chaque fois qu’ils ajustent leur position. Ne me dites pas, chère Gisèle, qu’il ne s’agit là que d’une simple coïncidence !

Ulrica Arvidson

 Chère Ulrica,Votre plainte ne m’est hélas que trop connue ! Si nom-breux sont les commentaires que je reçois au sujet des champs de vision obstrués par des brushings trop volumineux et des dossiers de fauteuil entrés au ré-pertoire des instruments de percussion, qu’on pour-rait envisager la fondation d’un Club des Victimes de Circonstances Inexplicables au Grand Théâtre pour leur soutien psychologique mutuel. Un jeune abonné de la saison lyrique, aussi un petit gabarit, me racontait son bonheur de trouver enfin la place devant la sienne vide et au moment où l’obscurité se fait en salle, un individu d’un mètre nonante-cinq décide de quitter sa place en bout de rangée et d’occuper le fauteuil vide. Les gens de scène sont, c’est connu, de grands supers-titieux mais je vous assure, chère Ulrica, que les spec-tateurs des arts vivants ont parfois tout autant raison qu’eux de soupçonner la présence active de diablotins dans les capitonnages de velours rouge. Bien que le per-sonnel de salle soit constamment à l’affût des démons qui font de nos paradis lyriques un enfer – Aznatel et Smartphonias en particulier – ni eux, ni vous, ni moi ne pouvons rien (à moins peut-être vous armer d’un gou-pillon et d’un rehausseur de place, qui vous sera fourni gratuitement au vestiaire) contre la loi de la diablerie maximale qui fait que tout ce qui peut mal tourner tourne mal, mise en œuvre par ce suppôt de Satan des salles d’opéra, le démon Murphystophélès.Votre dévouée, Gisèle de Neuve

Chère Gisèle...

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L a réponse sera la plupart du temps assez optimiste pour autant que les jeunes spectateurs aient été préparés. Et côté préparation, le service pédagogique du Grand Théâtre de Genève s’y entend : jamais

des élèves ne seront invités à un spectacle sans un travail préalable. Effectivement chaque ouvrage de la saison fait l’objet d’une attention particulière et donne lieu à la réalisation de dossiers pédagogiques, véritables « modes d’emploi pour assister à un opéra ou à un ballet », conçus à l’intention des enseignants ayant en charge les futurs élèves-spectateurs. De plus des parcours pédagogiques « à la carte » servent de guide aux élèves quels que soient leur âge et leur niveau de formation musicale.

DES PARCOURS PÉDAGOGIQUES D’ENFERCette préparation très complète se décline en plusieurs activités allant de la découverte des métiers de metteur en scène et de scénographe, à la pratique de la danse et du chant lyrique. C’est ainsi qu’au mois de décembre, les élèves dès la 5ème primaire découvriront la musique joyeuse et dansante de La Chauve-souris de Johann Strauss fils, en exécutant leurs premiers pas de valse et de polka sous les ors du foyer Second Empire du Grand Théâtre. On se souvient encore d’avoir entendu, lors des ateliers de chant préparant les élèves à Die Walküre, des

et Wagnerpar Kathereen Abhervé

classes entières de collégiens chanter à tue-tête, après 90 minutes d’un laborieux apprentissage, l’air de la Walkyrie Gerhilde « Hojotoho ! Hojotoho ! Heia – ha ! »Complétant ces activités, des visites approfondies des coulisses du Grand Théâtre et de ses ateliers permettent aux élèves de tous âges de se familiariser avec certains métiers dont la plupart les intéressent voire les intriguent, comme celui de perruquier. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’un élève, subjugué par la réserve de favoris, de sourcils et de barbichettes, a osé… la barbe postiche. La réserve de costumes reste toutefois le must de ces activités et plus précisément lorsque les élèves sont invités à essayer robes à paniers, cuirasses et pourpoints, chapeaux à plume et casques. Quelques téméraires s’essaient même au maniement de l’épée et du fusil et découvrent avec délice le faux sang qui fait tellement vrai  ! Ces moments d’exception s’achèvent généralement dans un brouhaha de cour de récréation, par de folles séances de photo.

ET WAGNER ?Contrairement à toutes les idées reçues, les jeunes qui découvrent l’opéra, après avoir remisé leurs a priori sur l’art lyrique, ne font généralement aucune distinction entre Wagner, Puccini, Verdi ou Mozart. En règle générale, ils considèrent que tous ces compositeurs font partie des temps anciens  et que forcément il s’agit de

Les ados

Depuis sa création il y a une douzaine d’années,le service pédagogique du Grand Théâtre de Genève se trouve confronté

à une question récurrente lorsqu’une nouvelle saison programmeune œuvre de Wagner, voire les trois Journées de la Tétralogie comme cette

année. On se demande alors si les adolescents, en sautantd’emblée dans la « Case Wagner », ne seront pas rebutés par la longueur

des ouvrages du maître de Bayreuth et de ce fait complètement« dégoutés par l’opéra » avant même d’en avoir découvert les arcanes.

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musique classique bien éloignée de celle que la plupart d’entre eux écoutent ou exécutent. C’est pourquoi les huit classes retenues pour Die Walküre, soit environ 160 élèves de 14 à 19 ans, n’ont montré aucune appréhension pour aborder cette Première Journée du Ring et se sont par ailleurs prêtés de bonne grâce aux vocalises des Walkyries sous les conseils avisés de la cantatrice Marie-Camille Vaquié en charge de l’atelier de chant.Au tombé de rideau de la répétition générale de La Walkyrie, une élève de 3ème année de l’École de commerce Henri Dunant constatait même avec un certain humour que « finalement ce n’était pas tellement plus long que les épisodes de la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux… » Ainsi, après avoir assisté sans broncher à ces 4 h 30 de musique, les adolescents ne semblaient pas particulièrement impressionnés par la musique de « ce Wagner» tant redouté des néophytes, quoique certains élèves interrogés à ce sujet aient tout de même trouvé «  l’opéra très long, voire trop long  ». Une élève a par ailleurs précisé qu’elle trouvait que cet ouvrage était trop long et pas approprié pour un premier opéra. Mais tout n’est peut-être pas perdu puisqu’elle a ajouté « qu’elle espérait qu’une nouvelle expérience à l’opéra la fasse changer d’avis… »La plupart d’entre eux ont toutefois reconnu avoir été très impressionnés par la voix des femmes qu’ils ont trouvées extraordinaires, sublimes. Certains qui

s’imaginaient voir des cuirasses et des armes miroitantes, ont reconnu avoir été déçus par la sobriété des costumes. D’autres plus prosaïques ont profité des entractes pour partager au restaurant du sous-sol mis à leur disposition, un buffet canadien largement arrosé de coca et de soda. À noter enfin qu’une enseignante du cycle d’orientation qui avoue avoir appréhendé d’emmener ses élèves de 10ème année voir ce spectacle, s’est réjouie d’apprendre par quelques-uns de ses collègues, que ses élèves avaient insisté pour leur chanter les « Hojotoho » appris au Grand Théâtre.Force est de constater qu’après la double expérience tentée la saison dernière avec L’Or du Rhin et cette année avec Die Walküre, les élèves, s’ils n’ont pas été totalement transportés par la musique et ne deviennent pas forcément des wagnériens convaincus, se sont montrés intéressés par la saga des habitants du Walhalla qu’ils ont identifiés sans peine aux héros de la grandiose aventure épique du Seigneur des Anneaux de J. R. R. Tolkien mise en images par Peter Jackson. Il y en a même certains en option musique qui espèrent être à nouveau invités à la répétition générale de Siegfried… et pourquoi pas à celle de Götterdämmerung. Leur grand regret étant d’avoir « loupé » le prologue du Ring programmé la saison dernière…De quoi être quelque peu rassuré pour la relève ! KA

(ci-dessus)

La réserve de costumes et le service de maquillage et perruques font le bonheur des élèves participant au programme pédagogique.

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Siegfried, avez-vous commandé un taxi

pour rentrer du Grand théâtre ?

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Abonnés au Grand Théâtre ?Les transports publics vous sont offerts deux heures avant et deux heures après votre spectacle.

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dates de leur abonnement pour venir en compagnie d’une deuxième personne sans limite d’âge. À la date d’échéance du 2 octobre, 53 adhérentes et adhérents Labo-M avaient participé au concours. Nous qui nous attendions à une bousculade générale pour profiter de l’offre avons été surpris, mais heureux malgré tout de ne pas devoir recourir au tirage au sort et de pouvoir satisfaire l’ensemble des participantes et participants. À l’exception de quatre cartes réponses qui nous ont été remises sans spécifier le nom de l’abonné. Si d’aventure ces personnes lisaient ces lignes, qu’elles se fassent connaître auprès de la billetterie du Grand Théâtre.Carine Druelle, responsable ad intérim de la billetterie, et son équipe, non contents de faire le nécessaire pour que les invitations de Labo-M+1 puissent être contiguës à la place de l’adhérentes ou adhérent Labo-M, ont également tenté de faire concorder ces participants anonymes avec les dates de représentation qu’ils avaient tout de même pensé à ajouter, mais sans succès. Merci donc à l’équipe de la billetterie qui a su répondre aux premiers choix de presque tout le monde (seul 11 inscriptions ont été gratifiées d’un deuxième choix), merci au Cercle du Grand Théâtre pour son esprit de mécénat direct et son sens de l’ouverture aux nouveaux publics, et merci enfin aux adhérents et adhérentes Labo-M qui ne craignent pas de convier leurs proches à partager leur passion pour les arts vivants sur la grande scène de Neuve. ChP

D epuis 2008, Labo-M, le club du public jeune adultes du Grand Théâtre de Genève, propose aux abonnées et abonnés entre 18 et 30 ans une ouverture privilégiée sur le monde de la danse et

de l’opéra. Cette option est proposée automatiquement et gratuitement lorsqu’une personne de moins de 31 ans conclut un abonnement au Grand Théâtre  : en adhérant à Labo-M, on est invité à un programme varié de rencontres, de visites et de conférences autour de nos spectacles. On bénéficie en outre des rafraîchissements gratuits de l’Espace Labo-M du premier balcon pendant les entractes, moments conviviaux où les Labo-M peuvent échanger, réseauter, débattre du mérite de notre offre artistique, voire flirter… Les avantages de l’adhésion à Labo-M sont déjà intéressants  – avantages tarifaires, surclassements, billets de dernière minute – mais récemment une généreuse initiative du Cercle du Grand Théâtre les a rendus carrément alléchants. Grâce à un financement spécifique du Cercle, nous avons pu proposer en début de saison 13-14 aux adhérentes et adhérents Labo-M un avantage exclusif : obtenir une invitation associée à un spectacle de leur abonnement. Le Concours Labo-M+1 a proposé aux 184 adhérentes et adhérents Labo-M, dès le début septembre, 100 invitations à tirer au sort. Recevant une carte de participation par courriel et courrier postal, les adhérentes et adhérents Labo-M indiquaient deux

avec Labo-M+1par Christopher Park

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e m m e n e z - l e sà l’ o p é r a !

c o n c o u r s+1

(ci-dessus)

Yamina Djilani et Sophia Skourikhine, déléguées culturelles Labo-M, aux Welcome Days de l’université de Genève.

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RECEVEZ ACT-O CHEZ VOUSABONNEMENT POUR UN AN 4 NUMÉROS SUISSE FR. 20.- ÉTRANGER FR. 30.-

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À RETOURNER AU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVEAbonnement ACT-O / 11 bd du Théâtre, CP 5126 - CH 1211 Genève 11

REMPLISSEZ CE BULLETIN EN LETTRES CAPITALES.REMPLISSEZ CE BULLETIN EN LETTRES CAPITALES.

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BALLET

MÉMOIRE DE L'OMBREAu Grand Théâtre12 | 13 | 14 | 15 | 18 | 19 | 20 février 2014 à 19 h 3016 février 2014 à 15 hMusiques de Gustav MahlerChorégraphie Ken Ossola Arrangement musical Julien TarrideDécors & costumes Nicolas MusinLumières Harrys Picot Ballet du Grand ThéâtreCréation mondiale

Conférence de présentationpar Jean-Pierre PastoriMardi 11 février 2014 à 18 h 15

OPÉRA

NABUCCODramma lirico en quatre parties

Au Grand Théâtre28 février 2014 à 19 h 301er | 4 | 6 | 7 | 8 | 10 mars 2014 à 19 h302 mars 2014 à 15 hDirection musicale John Fiore Mise en scène & décors Roland AeschlimannCollaboratrice à la mise en scène& expression corporelle Andrea K. SchlehweinCostumes Andrea Schmidt-FuttererLumières Simon TrottetAvec Franco Vassallo, Roman Burdenko,Leonardo Capalbo, Roberto Scandiuzzi, Marco Spotti, Csilla Boross, Elizabeth Blancke-Biggs, Ahlima Mhamdi,Khachik Matevosyan, Elisa CenniChœur du Grand ThéâtreOrchestre de la Suisse RomandeNouvelle production

Conférence de présentationpar Alberto MattioliJeudi 27 février 2014 à 18 h 15

SPECTACLE

LE CAS WAGNERAu foyer du Grand ThéâtreVendredi 31 janvier 2014 à 19 h 30Deuxième épisode L'HommeMarc Bonnant, Bernard-Henri Lévy et Alain Carré mettent en scène le « Procès » de Richard Wagner.

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