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UNIVERSITE PARIS 12 VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL ****************** ANNEE 2013 N° 1052 THESE POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Anesthésie-Réanimation Présentée et soutenue publiquement le 15/10/2013 à Créteil Par Jérôme CECCHINI Né le 11/12/1982 à Champigny Etude DREPANOREA: épidémiologie descriptive et pronostic des patients drépanocytaires adultes admis en réanimation PRESIDENT DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA M. le Pr Armand MEKONTSO DESSAP BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE DIRECTEUR DE THESE : Mme le Pr Muriel FARTOUKH Signature du Cachet de la bibliothèque Président de thèse universitaire

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UNIVERSITE PARIS 12 VAL-DE-MARNE

FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL

******************

ANNEE 2013 N° 1052

THESE

POUR LE DIPLOME D'ETAT

DE

DOCTEUR EN MEDECINE

Discipline : Anesthésie-Réanimation

Présentée et soutenue publiquement le 15/10/2013 à Créteil

Par

Jérôme CECCHINI

Né le 11/12/1982 à Champigny

Etude DREPANOREA: épidémiologie descriptive et pronostic des patients

drépanocytaires adultes admis en réanimation

PRESIDENT DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA

M. le Pr Armand MEKONTSO DESSAP BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE

DIRECTEUR DE THESE :

Mme le Pr Muriel FARTOUKH

Signature du Cachet de la bibliothèque

Président de thèse universitaire

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Remerciements

A Monsieur le Professeur Armand MEKONTSO-DESSAP,

Tu me fais l’honneur de présider cette thèse.

Cela fait maintenant huit ans, mais je me rappelle encore de nombres de tes

enseignements alors que j’étais externe dans le service. Ta pédagogie a sans aucun

doute contribué à m’orienter vers la réanimation, devenue au cours du temps plus

qu’un métier, une passion. Trouves ici l’expression de ma reconnaissance, et mes

remerciements.

A Madame le Professeur Muriel FARTOUKH,

Tu as été l’instigatrice de cette thèse et tu m’as fait l’honneur de diriger ce travail.

Débuté en Novembre 2010, la route a été longue avant que ce projet soit mené à bien.

Tu es pourtant toujours rester disponible, déterminée, et ouverte à la discussion. Ton

enseignement, tes connaissances, ainsi que tes qualités humaines, font que travailler à

tes côtés a été pour moi une véritable chance. J’ai conscience du temps que tu as passé

pour permettre l’aboutissement de ce travail et espère que ce travail a été à la hauteur

de tes attentes. Je te remercie pour ta confiance et tes conseils. Trouves ici le

témoignage de ma reconnaissance, mon profond respect et mes remerciements.

A Monsieur le Professeur Alexandre DEMOULE,

Tu me fais l’honneur de juger ce travail.

Tu m’as permis d’intégrer une équipe de recherche dynamique et motivée pour mon

Master. Tes connaissances, ta disponibilité et tes conseils ont été pour moi riches

d’enseignement au cours de cette année. Trouves ici l’expression de ma

reconnaissance, et mes remerciements.

A Monsieur le Docteur Richard BOITEAU,

Tu me fais l’honneur de juger ce travail.

Je te remercie car c’est à tes côtés qu’est né pour moi l’intérêt que je porte pour les

domaines de la physiologie respiratoire et de la ventilation mécanique. Ta culture

médicale sans faille et tes qualités humaines font de toi un exemple. Trouves ici le

témoignage de ma reconnaissance, mon profond respect et mes remerciements.

Je remercie les Dr Michel DJIBRE, Dr Antoine PARROT, Dr François LIONNET, Pr Robert

GIROT, Dr Katia STANKOVIC pour leur aide précieuse à la réalisation de ce travail.

3

A l’ensemble des médecins qui m’ont accompagné, formé, et transmis leurs savoir et passion

de la médecine tout au long de mes sept années d’internat. Leurs différences culturelles

médicales et scientifiques ont été pour moi une véritable richesse :

Dr ESTEVE, Dr KRIEGEL, Dr GOATER, Dr GHIMOUZ, pour m’avoir transmis leur

immense expérience de la pose des cathéters centraux.

Dr COOK, Dr SCHERRER, Dr FERRAND, pour m’avoir initié aux rudiments de la

réanimation chirurgicale et traumatologique.

Dr BOITEAU, Dr ABADIE, Dr VAN DE LOUW, Dr HOURS, Dr BEDON-CARTE,

avec qui j’ai beaucoup appris et pu faire mes premières armes, seul en garde. Merci

pour vos conseils et votre bonne humeur.

Dr MARECHAL, Dr LE FOLL, Dr LEMBERT, pour leur apprentissage de

l’anesthésie en obstétrique, leur conseil et leur bonne humeur.

Pr FARTOUKH, Dr PARROT, Dr DJIBRE, pour ces années à avoir pu travailler avec

vous. J’ai appris à vos côtés ce qu’était le raisonnement médical et pu approcher le

monde passionnant de la pneumologie. C’est avec vous qu’est né l’aventure

« drépanocytose ».

Pr BRUN-BUISSON, Pr MEKONTSO-DESSAP, Dr DE PROST, Dr

CUQUEMELLE, Dr RAZAZI, Dr THILLE, Dr SCHORTGEN, pour leur accueil au

sein du service et la richesse d’enseignement qu’ils m’ont apporté.

Pr SIMILOWSKI, Pr DEMOULE, Dr SCHMIDT, Dr RAUX et toute l’équipe du

LPPR (Pierantonio, Anna, Louis, Elise, Félix, Marie-Cécile), pour m’avoir transmis le

goût pour la recherche en physiologie respiratoire. J’ai tellement appris en travaillant

avec vous.

Dr ADAVANE, Dr DUFOUR, Dr FLEURY, Dr EDHERY, Pr COHEN, qui m’ont

accepté dans un univers cardiologique maintenant moins obscur. Ils m’ont appris avec

rigueur et patience l’échocardiographie.

A mes collègues internes et pour la plupart déjà Docteur :

Benjamin, Céline, Tai, Huy-Long, Sihem, Momo, Hassen, Seb, Marion, Florent,

Gabriel, Hélène, Aurélie, Nicolas, Franck, Sandrine(s), Héléna, Julie, Thomas.

A l’ensemble des équipes paramédicales qui m’ont entouré tout au long de mes stages.

A mes amis, pour tous les bons moments passés ensemble mais aussi pour ceux à venir :

Rosco, Nicu, TG, Pattou, Gaëlle, Yann, Fanch, Vince, Tétard, Marie, Emilie, Laetitia,

Fred, Pierrot, Jordi, Hicham, Solène.

A mes passions,

La Musique et la Montagne, véritables sources de sérénité.

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Enfin, je dédie ma thèse à

Mes parents. Merci pour les valeurs que vous m’avez inculqué, votre soutien, votre

confiance, pour tout.

Touch, ma petite chérie de toujours. Merci d’être là et de m’avoir toujours soutenu

dans mes décisions.

Gabin, mon fils. Merci pour le bonnheur que tu m’apportes au quotidien.

Claire, ma grande sœur. Nos chemins en apparence opposés n’en sont pas moins

similaires de par la détermination qu’ils nécessitent. Merci.

A ma grand mère.

A la mémoire de mon Papy et de mon Tonton.

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Table des matières

1 Introduction ..................................................................................................................................................... 8

1.1 Epidémiologie de la drépanocytose en France ............................................................................ 8

1.2 Mortalité et manifestations aiguës au cours de la drépanocytose adulte ......................... 9

1.3 Position du problème et objectifs de l’étude .............................................................................. 10

2 Patients et méthodes .................................................................................................................................. 12

2.1 Population ................................................................................................................................................ 12

2.2 Recueil des données ............................................................................................................................. 12

2.2.1 Données démographiques, anamnestiques et caractéristiques de base ........ 12

2.2.2 Séjour à l’hôpital et en réanimation .............................................................................. 13

2.2.3 Prise en charge thérapeutique ........................................................................................ 14

2.3 Analyse statistique ................................................................................................................................ 15

2.4 Ethique ...................................................................................................................................................... 16

3 Résultats .......................................................................................................................................................... 17

3.1 Population ................................................................................................................................................ 20

3.2 Données avant l’admission en réanimation ................................................................................ 22

3.2.1 Parcours à l’hôpital .............................................................................................................. 22

3.2.2 Motifs d’admission à l’hôpital .......................................................................................... 22

3.2.3 Caractéristiques clinique et biologique dans les 48 heures précédant

l’admission en réanimation ............................................................................................................. 22

3.2.4 Prise en charge thérapeutique ........................................................................................ 22

3.3 A l’admission en réanimation ........................................................................................................... 26

3.3.1 Motifs d’admission et diagnostics en réanimation .................................................. 26

3.3.2 Caractéristiques cliniques et biologiques ................................................................... 29

3.3.3 Prise en charge thérapeutique ....................................................................................... 29

3.4 Mortalité ................................................................................................................................................... 32

3.5 Facteurs prédictifs d’évolution défavorable ............................................................................... 34

4 Discussion ....................................................................................................................................................... 37

4.1 Limites ....................................................................................................................................................... 37

4.2 Intérêt des unités de surveillance continue ................................................................................ 38

4.3 Le génophénotype drépanocytaire : un faux ami...................................................................... 38

4.4 Facteurs prédictifs d’évolution défavorable ............................................................................... 39

4.5 Transfusion .............................................................................................................................................. 41

6

5 Conclusion ....................................................................................................................................................... 43

6 Bibliographie ................................................................................................................................................. 44

7 Annexe .............................................................................................................................................................. 48

7

Liste des abréviations

AVC: accident vasculaire cérébral

CGR: concentré de globules rouges

CVO: crise vaso-occlusive

DFG: débit de filtration glomérulaire

ECMO: oxygénation par membrane extra-corporelle

ED: évolution défavorable

EF: évolution favorable

EVA: échelle visuelle analogique

Hb: hémoglobine

HbF: hémoglobine fœtale

IC 95%: intervalle de confiance à 95%

LDH: lactate déshydrogénase

NO: monoxyde d’azote

RC: rapport des cotes

ROC: Receiver Operating Characteristic

SDMV: syndrome de défaillance multiviscérale

SDRA: syndrome de détresse respiratoire aiguë

SpO2: saturation pulsée en oxygène

STA: syndrome thoracique aigu

8

1 Introduction

Les syndromes drépanocytaires majeurs regroupent un ensemble de maladies génétiques de

l’hémoglobine de transmission autosomique récessive, caractérisées par la présence d’une

hémoglobine anormale, l’hémoglobine S (HbS). La polymérisation de l’HbS, à l’origine de la

falciformation des hématies, est au centre du processus physiopathologique de la maladie

drépanocytaire et à l’origine des principales manifestations cliniques, associant une anémie

hémolytique chronique et des phénomènes vaso-occlusifs. Ainsi, différents génotypes sont

associés à un syndrome drépanocytaire majeur et vont déterminer en partie la présentation

clinique: drépanocytose homozygote SS (le plus fréquent), drépanocytose hétérozygote

composite (e.g. SC, Sβ-thalassémie) [1]. Cependant, la grande variabilité inter- et intra-

individuelle de l’expression phénotypique de la maladie drépanocytaire, allant de formes

quasi-silencieuses à des formes associées à une morbidité importante, rend compte d’une

physiopathologie complexe impliquant de nombreux mécanismes modulateurs [2-4].

1.1 Epidémiologie de la drépanocytose en France

Au cours des dernières décennies, les données épidémiologiques de la drépanocytose en

France métropolitaine se sont largement modifiées sous les effets conjugués des gains

d’espérance de vie des malades drépanocytaires et de l’accroissement des populations

migrantes d’origine antillaise ou africaine. Les données issues du dépistage néonatal de la

drépanocytose font état d’une incidence annuelle de 1 pour 2300 naissances, à l’origine de

350 nouveaux cas par an diagnostiqués en France métropolitaine, pour la majorité en Ile de

France (1 cas pour 900 naissances) où la drépanocytose représente la maladie génétique la

plus fréquente, dépassant ici le cadre nosologique des maladies rares [5, 6]. Bien que sa

prévalence exacte reste difficile à connaître, le nombre de personnes en France ayant un

syndrome drépanocytaire majeur est actuellement estimé à plus de 7000 [6].

Une meilleure compréhension physiopathologique de la maladie, les nombreux progrès dans

la prise en charge thérapeutique, notamment pédiatrique, et la mise en place d’un programme

de dépistage néonatal généralisé des nouveau-nés à risque, permettent actuellement à plus de

90% des enfants d’atteindre l’âge adulte [7, 8]. Eu égard à l’amélioration de l’espérance de

vie, approchant 50 ans dans les pays développés comme la France [6, 9], la proportion

d’adultes actuellement estimée à 40% tend à augmenter et devrait atteindre 75% dans 10 à 15

ans à venir.

9

L’apparition d’une population d’adultes drépanocytaires croissante et vieillissante conduit

actuellement à de multiples problèmes de prise en charge, tant pour l’organisation générale

des soins qu’à l’échelle individuelle. En effet, le caractère systémique de la maladie

drépanocytaire s’illustre avec l’âge par le développement d’atteintes chroniques d’organe (e.g.

insuffisance rénale, vasculopathie cérébrale, hypertension pulmonaire, ostéonécrose)

auxquelles vont s’associer des complications indirectes liées au traitement (e.g.

hémochromatose post-transfusionnelle), l’ensemble contribuant à la morbi-mortalité de la

maladie [8, 10, 11].

1.2 Mortalité et manifestations aiguës au cours de la drépanocytose adulte

Malgré l’allongement au cours du temps de l’espérance de vie, les manifestations vaso-

occlusives demeurent la principale cause de décès chez les patients drépanocytaires adultes

[9, 12, 13]. Ces manifestations vaso-occlusives regroupent un ensemble de présentations

cliniques d’un même continuum physiopathologique, de gravité croissante allant de la simple

crise vaso-occlusive (CVO) au syndrome thoracique aigu (STA) voire à la survenue d’une

défaillance multiviscérale [12-17].

Le syndrome thoracique aigu représente à la fois la première manifestation vaso-occlusive

conduisant à une admission en réanimation, et la principale cause de décès dans les pays

développés [12, 13] avec un taux de mortalité de 4% chez l’adulte [18]. Il est défini par

l’apparition d’un nouvel infiltrat pulmonaire radiologique associé à une douleur thoracique,

une fièvre, une polypnée, des sibilants ou une toux. Il conduit à une agression pulmonaire

aiguë dont la gravité peut varier, allant de formes relativement mineures à des formes sévères

telles que le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) [14, 17-20]. Le STA est

déclenché par divers causes et facteurs potentiellement associés [19]: hypoventilation

alvéolaire secondaire à des infarctus osseux de la cage thoracique à l’origine d’une polypnée

superficielle [21] et d’atélectasies; embolies graisseuses de moelle osseuse [20, 22-24];

infections pulmonaires bactériennes ou virales [20]; thrombi artériels pulmonaires in situ [25].

Ces facteurs vont contribuer au déclenchement d’un cercle vicieux en favorisant l’hypoxie

alvéolaire régionale, la falciformation des hématies et puis leur séquestration intra-vasculaire

(i.e. vaso-occlusion), aggravant alors les phénomènes inflammatoires déjà présents ainsi que

l’hypoxie [19].

10

Le syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV). La majorité des CVO évolue

favorablement en quelques jours. Cependant, une crise en apparence simple peut s’aggraver

brutalement et entrainer une défaillance d’organes multiviscérale mettant en jeu le pronostic

vital, même chez des patients auparavant pauci-symptomatiques [16]. Il semblerait que ces

épisodes soient précédés d’une crise «inhabituelle» avec notamment des douleurs plus

intenses [16]. Les hypothèses physiopathologiques sont basées sur la présence d’occlusions

microvasculaires à l’origine d’une ischémie tissulaire diffuse, elle-même aggravée par la

survenue d’une hypoxémie ou d’une majoration de l’anémie, contribuant toutes deux à une

baisse du contenu artériel en oxygène. Par ailleurs, des évènements tels qu’une embolie

graisseuse ou une infection peuvent être à la fois facteur déclenchant et facteur aggravant la

crise [16].

Les infections bactériennes représentent la seconde cause de mortalité chez l’adulte

drépanocytaire [12]. Différents mécanismes sont à l’origine d’une susceptibilité accrue aux

infections bactériennes au cours de la drépanocytose, notamment aux bactéries encapsulées

telles que Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae et Salmonella sp:

hyposplénisme ou asplénisme fonctionnel, altération de la voie alterne du complément,

moindre réponse des polynucléaires neutrophiles aux cytokines, déficit en zinc [26]. La

prévalence des infections documentées en réanimation est peu connue mais pourrait

représenter 25% des admissions en réanimation [15].

Les accidents vasculaires cérébraux (AVC), principalement de nature hémorragique chez

l’adulte, sont également une cause non négligeable de décès avec un taux de mortalité

pouvant atteindre 24% [9, 13, 27]. Ils concernent essentiellement les patients âgés de 20 à 30

ans et sont associés au syndrome de MoyaMoya ou à des anévrysmes cérébraux, représentant

le stade le plus tardif de la vasculopathie cérébrale observée chez les patients drépanocytaires

[28]. Bien que l’incidence des AVC ischémiques soit plus élevée chez les enfants, les adultes

âgés de plus de 30 ans sont à risque, mais avec un faible taux de mortalité.

1.3 Position du problème et objectifs de l’étude

Les modifications du paysage démographique, ainsi que la multiplicité des complications

aiguës qui lui est associée font de la drépanocytose une pathologie d’intérêt en réanimation

adulte. En effet, la moitié des décès de l’adulte drépanocytaire survient en réanimation [12].

Les motifs d’admission en réanimation se distinguent en complication spécifique de la

11

drépanocytose (e.g. manifestation vaso-occlusive, décompensation d’une atteinte d’organe

chronique), ou non spécifique mais potentiellement déclencheur de manifestations vaso-

occlusives graves.

Malgré les avancées sur la prise en charge au long cours des patients drépanocytaires, les

études ciblant les patients adultes admis en réanimation n’ont pas suggéré d'amélioration du

pronostic au cours du temps, avec un taux de mortalité en réanimation stable de l'ordre de

20% [14, 15, 29]. La série britannique récente de Gardner et al. [14] montrait que la moitié

des décès survenait le jour de l’admission en réanimation, et suggérait que la durée de séjour

hospitalier précédant l’admission en réanimation était plus longue chez les patients décédés.

Ces données et d’autres [20] suggèrent que l’évaluation de la gravité des manifestations vaso-

occlusives est essentielle, afin d’éviter un retard de prise en charge qui pourrait participer à

l’évolution défavorable voire au décès des patients drépanocytaires adultes admis en secteur

conventionnel de médecine.

Cette étude a pour objectifs 1) de décrire les caractéristiques cliniques, la prise en charge

thérapeutique et le pronostic des patients drépanocytaires adultes admis en réanimation et

unité de surveillance continue d’un hôpital universitaire centre de référence de la

drépanocytose; et 2) d’étudier les facteurs prédictifs précoces d’une évolution défavorable, à

partir des données cliniques et biologiques disponibles à l’admission en réanimation.

12

2 Patients et méthodes

Il s’agit d’une étude rétrospective observationnelle d’une cohorte de patients drépanocytaires

adultes hospitalisés dans l’unité de Réanimation médicale du Service de Pneumologie et

Réanimation de l’hôpital Tenon, unité comprenant 8 lits de réanimation et 6 lits de

surveillance continue. Une cohorte de 620 patients drépanocytaires adultes est actuellement

suivie à l’hôpital Tenon, au sein du service de Médecine Interne faisant partie intégrante du

Centre de référence pour les syndromes drépanocytaires majeurs pour la prise en charge de

l’enfant à l’adulte, dont les Coordonnateurs sont le Pr F. Galacteros, Service des maladies

génétiques du globule rouge, hôpital Henri Mondor, AP-HP, et le Pr R. Girot, Service

d’hématologie biologique, hôpital Tenon, AP-HP.

2.1 Population

Les patients drépanocytaires âgés de plus de 16 ans admis en réanimation et surveillance

continue à l’Hôpital Tenon entre Janvier 2004 et Août 2010 étaient éligibles. Les admissions

pour raisons organisationnelles (e.g. admissions pour inclusion dans l’étude iNOSTA*,

surveillance systématique dans la période du post-partum) étaient exclues de l’analyse, de

même que celles pour lesquelles le dossier n’avait pu être retrouvé. La décision d’admission

en réanimation était basée sur le jugement clinique du réanimateur et du médecin référent de

la drépanocytose.

2.2 Recueil des données

2.2.1 Données démographiques, anamnestiques et caractéristiques de base

Les dates d’admission à l’hôpital et en réanimation, les données anthropométriques (âge,

sexe, taille, poids, indice de masse corporelle), ainsi que les caractéristiques de base des

patients étaient recueillies. Ces dernières comprenaient le type d’hémoglobinopathie

(homozygotie HbSS, hétérozygotie composite, coexistence d’une -thalassémie) et les

données biologiques à l’état stable (i.e. obtenues au cours d’une visite de routine, à distance

* L’étude iNOSTA est un essai randomisé évaluant l’efficacité et la tolérance du monoxyde d’azote inhalé (iNO)

au cours des STA.

13

d’au moins 1 mois d’un événement aigu et 3 mois d’une transfusion, exceptés pour les

patients bénéficiant d’un programme d’échange transfusionnel): hémoglobine (Hb), taux

d’hémoglobine fœtale (HbF), lactate déshydrogénase (LDH), créatininémie et débit de

filtration glomérulaire (DFG) estimée par la formule Modification of Diet in Renal Disease

(MDRD). Les atteintes spécifiques d’organes (i.e. les complications aiguës et chroniques de la

drépanocytose) étaient recherchées, pour évaluer la sévérité de la maladie drépanocytaire,

chiffrée par l’utilisation du score de Hebbel et al. [30] (tableau A1 en annexe). Les atteintes

d’organes en rapport avec la drépanocytose étaient renseignées comme suit: fréquence des

crises vaso-occlusives ayant nécessité une hospitalisation au cours de la dernière année,

antécédents de STA documenté, néphropathie (microalbuminurie, protéinurie, insuffisance

rénale chronique*

), hypertension pulmonaire†

, rétinopathie proliférante, vasculopathie

cérébrale (AVC ischémique patent ou latent, AVC hémorragique), ulcère de jambe,

priapisme, ostéonécrose aseptique, et lithiase vésiculaire. La prise au long cours d’acide

folique, d’hydroxyurée, d’érythropoïétine, de chélateurs du fer, ainsi que la nécessité d’un

programme d’échange transfusionnel étaient également recueillies.

2.2.2 Séjour à l’hôpital et en réanimation

Pour chaque épisode, les données clinico-biologiques à l’admission en réanimation ainsi que

dans les 48 heures précédentes étaient recueillies. Seules les moins bonnes valeurs des

données cliniques et biologiques durant les 48 heures précédant l’admission en réanimation

étaient retenues. Les données cliniques comprenaient la fréquence cardiaque, la fréquence

respiratoire, la pression artérielle, la saturation pulsée en oxygène (SpO2), et l’évaluation

visuelle analogique (EVA) de la douleur. Les données biologiques comprenaient les valeurs

d’Hb (et ses variations par rapport à l’état stable), les comptes plaquettaire et leucocytaire, le

taux de LDH, la biologie hépatique (aspartate et alanine aminotransférase, ASAT et ALAT),

le taux de prothrombine, et la créatininémie. Pour les patients homozygotes, le taux le plus

bas d’HbS obtenu après transfusion était recueilli.

La survenue des défaillances d’organe à l’admission ou au cours du séjour en réanimation

était notée. Une insuffisance respiratoire aiguë était définie par une SpO2 < 90% en air

* L’insuffisance rénale chronique était définie par valeur du DFG < 60 mL/min/1,73m

2.

† L’hypertension pulmonaire était définie par des valeurs de vitesse de régurgitation tricuspide > 2,5 m/s (en

échocardiographie), ou de pression artérielle pulmonaire moyenne ≥ 25 mmHg (en cathétérisme cardiaque droit).

14

ambiant, une fréquence respiratoire > 30 par minute, ou la nécessité de ventilation mécanique.

Un état de choc était défini par une hypotension artérielle (i.e. diminution d’au moins 40

mmHg de la pression artérielle systolique par rapport à l’état de base ou pression artérielle

systolique < 90 mmHg) persistante malgré un remplissage vasculaire adapté [31]. Une

insuffisance rénale aigüe était définie par une augmentation absolue de la créatininémie

26,4 mol/L ou relative 1,5 fois sa valeur de base [32]. Enfin, une défaillance multiviscérale

était définie par l’existence d’au moins trois défaillances d’organe.

La gravité des épisodes était évaluée par l’indice de gravité simplifié (IGS II) [33]. Le cas

échéant, la cause du décès était explorée dans la mesure du possible.

2.2.3 Prise en charge thérapeutique

Du fait du caractère rétrospectif de l’étude, les choix thérapeutiques et d’investigation

diagnostique restaient à la libre appréciation du praticien en charge du patient, mais la

présence de protocoles locaux de prise en charge de la drépanocytose et de ses complications

a très probablement contribué à une standardisation des pratiques. Des recommandations ont

fait l’objet d’une mise au point et étaient pour la plupart déjà appliquées au début de l’étude

[34].

La prise en charge thérapeutique était standardisée: repos au lit, oxygénothérapie, hydratation

intraveineuse (30 ml/kg/jour), supplémentation en acide folique, analgésie, transfusion

sanguine le cas échéant [34]. L’analgésie était multimodale et comportait l’administration

intraveineuse de morphine en analgésie contrôlée par le patient (PCA). Trois modalités

thérapeutiques transfusionnelles étaient pratiquées, selon la situation clinique et le niveau

d’hémoglobine: transfusion simple, exsanguino-transfusion, ou saignée seule. Les

antibiotiques étaient administrés chaque fois qu’une infection était suspectée ou confirmée.

L’inhalation de monoxyde d’azote (iNO) était utilisée en cas de STA sévère.

Le diagnostic d’infection était retenu devant la mise en évidence de bactérie, champignon, ou

virus dans le sang, les voies aériennes inférieures, les urines, ou tout site normalement stérile.

En cas de température > 38,5°C, une paire d’hémocultures et un examen cytobactériologique

des urines étaient réalisés; en cas de STA, des prélèvements respiratoires (examen

cytobactériologique des crachats, prélèvement bronchique distal protégé, ou lavage broncho-

alvéolaire), et la recherche des antigènes solubles Legionella pneumophila et Streptococcus

15

pneumoniae dans les urines étaient réalisés. Les autres prélèvements microbiologiques étaient

guidés par l’examen clinique.

2.3 Analyse statistique

Les analyses statistiques ont été conduites grâce au logiciel Stata (StataCorp LP, Texas, Etats-

Unis). Les variables continues étaient exprimées en médiane (interquartile 25-75%) et les

variables nominales en nombre (pourcentage).

Deux groupes d’épisodes étaient distingués selon la survenue d’une évolution défavorable qui

représentait le critère de jugement principal. L’évolution défavorable était définie par le

recours à un support d’organe [ventilation mécanique, administration d’amines vaso-actives,

épuration extra-rénale (en dehors des patients en hémodialyse chronique), ou oxygénation par

membrane extra-corporelle (ECMO)], ou le décès. L’analyse comparative entre les deux

groupes d’évolution favorable (groupe EF) et défavorable (groupe ED) a utilisé le test du

Chi2 ou le test exact de Fisher pour les données catégorielles, et le test non paramétrique U de

Mann Withney pour les variables continues.

Les variations intra-groupe des variables continues et catégorielles ont respectivement utilisé

les tests non paramétriques de Wilcoxon et de Mc Nemar.

Les associations brutes entre chaque facteur prédictif potentiel et l’évolution défavorable

étaient quantifiées par les rapports des cotes (RC) et leurs intervalles de confiance à 95% (IC).

Les facteurs prédictifs analysés incluaient les caractéristiques de base et les caractéristiques

clinico-biologiques à l’admission en réanimation. Les variables stratifiées en plusieurs classes

étaient dichotomisées en variables binaires, selon leur distribution en analyse univariée et leur

pertinence clinique. Une probabilité p d’erreur de type 1 inférieure à 0,05 était considérée

comme statistiquement significative. Les facteurs prédictifs indépendants d’une évolution

défavorable étaient alors déterminés en utilisant un modèle de régression logistique multivarié

pas à pas descendant. Afin d’éviter un sur-ajustement, le nombre d’évènements par variable

entrés dans le modèle multivarié final était en moyenne de 1 pour 10 [35]. Les variables

intégrées dans le modèle multivarié étaitent associées à une valeur de p ≤ 0,15 en analyse

univariée. Un test de validité de l’ajustement (Hosmer-Lemeshow) [36] ainsi que l’aire sous

la courbe Receiver Operating Characteristic (ROC) [37] étaient réalisés afin d’évaluer la

calibration et la discrimination du modèle final.

16

2.4 Ethique

Cette étude a été menée après l’obtention en Mai 2011 d’un avis favorable du Comité de

Protection des Personnes Ile de France V auquel ce projet de type «évaluation des soins

courants» a été soumis.

17

3 Résultats

Durant la période de l’étude, 147 patients ont été transférés dans l’unité de réanimation et

surveillance continue, réalisant au total 167 admissions. Vingt-neuf admissions étaient

exclues de l’analyse pour données manquantes (n=3), raisons organisationnelles (n=17), ou

surveillance systématique de la période du post-partum (n=9). Au total, 138 admissions

étaient analysées chez 119 patients (fig. 1.). L’admission initiale en réanimation et

surveillance continue était indiquée pour respectivement 40 et 98 épisodes. L’évolution en

réanimation était considérée défavorable au cours de 28 épisodes (20%) chez 26 patients

(groupe ED), et favorable pour 110 épisodes (80%) chez 93 patients (groupe EF) (fig. 2.).

18

Figure 1. Diagramme de flux

Durant la période de l’étude, 143 patients ont été transférés en réanimation et surveillance continue,

totalisant 183 admissions. Parmi ces admissions, 21 étaient exclues du fait de données manquantes

(n=3), d’une admission pour des raisons organisationnelles (n=17) ou d’une surveillance dans la

période du postpartum (n=9). Au total, 138 admissions étaient analysées chez 119 patients,

comprenant 19 patients hospitalisés à 2 reprises.

* Les raisons organisationnelles correspondent aux patients admis pour la réalisation de l’étude

iNOSTA, un essai randomisé évaluant l’efficacité et la tolérance du monoxyde d’azote (NO) inhalé au

cours du syndrome thoracique aigu de gravité faible à modérée.

19

Figure 2. Délai entre l’admission à l’hôpital et le transfert en réanimation et unité de

surveillance continue

L’admission en réanimation était indiquée d’emblée au cours de 40 épisodes, parmi lesquels 18

évoluaient défavorablement. Quatre-vint dix huit épisodes étaient admis en surveillance continue,

parmi lesquels 10 évoluaient défavorablement, nécessitant un transfert secondaire en réanimation.

20

3.1 Population

Les caractéristiques de base de la population étudiée sont détaillées dans le tableau 1. Il

n’existait pas de différences entre les groupes ED et EF, en dehors de l’insuffisance rénale

chronique, plus fréquente dans le groupe ED (p=0,001). La sévérité de la maladie

drépanocytaire évaluée par le score de Hebbel était similaire entre les deux groupes [4 points

(1-7.5) dans le groupe ED vs. 4 points (2-8) dans le groupe EF; p=0,7].

21

Tableau 1. Caractéristiques de base des épisodes

Tous les

épisodes,

n=138

Evolution

favorable,

n=110

Evolution

défavorable,

n=28

p

Sexe (h), n (%) 70 (51) 60 (55) 10 (36) 0,075

Age (années), médiane (IQ) 26 (21-30) 26 (21-30) 26 (22-34) 0,5

IMC (kg/m2), médiane (IQ)

21 (19-23) 20 (19-23) 22 (20-23) 0,05

Type d’hémoglobinopathie, n (%) Homozygote SS

Hétérozygote composite

SC

S+ thalassémie

S0 thalassémie

SDPunjab

Alpha-thalassémie

119 (86)

19 (14)

12 (9)

1 (1)

4 (3)

2 (1)

22 (16)

96 (87)

14 (13)

9 (8)

1 (1)

3 (3)

1 (1)

17 (15)

23 (82)

5 (18)

3 (11)

0 (0)

1 (4)

1 (4)

5 (18)

0,5

0,8

Atteintes d’organes spécifiques, n (%)

Antécédent de syndrome thoracique aigu

Au moins 1 hospitalisation dans l’année

Lithiase vésiculaire

Microalbuminurie ou protéinurie

Insuffisance rénale chronique *

Ulcère de jambe

Ostéonécrose aseptique

Rétinopathie

Priapisme †

Vasculopathie cérébrale

Hypertension pulmonaire ‡

Nécrose papillaire

Splénectomie

91 (66)

93 (67)

102 (74)

52 (38)

6 (4)

17 (12)

34 (25)

37 (27)

12 (17)

12 (9)

25 (18)

4 (3)

14 (10)

75 (68)

78 (71)

83 (75)

37 (34)

1 (1)

14 (13)

27 (25)

29 (26)

11 (18)

9 (8)

20 (18)

3 (3)

13 (12)

16 (57)

15 (54)

19 (68)

15 (54)

5 (18)

3 (11)

7 (25)

8 (29)

1 (10)

3 (11)

5 (18)

1 (4)

1 (4)

0,3

0,08

0,5

0,1

0,001

0,8

0,9

0,8

0,5

0,7

0,9

0,8

0,2

Score de Hebbel, médiane (IQ) 4 (2-8) 4 (2-8) 4 (1-7,5) 0,7

Immunodépression, n (%) § 5 (4) 3 (3) 2 (7) 0,3

Valeurs biologiques de base, médiane (IQ)

Hémoglobine totale (g/dL)

Hémoglobine fœtale (%)

Lactate déshydrogénase (UI/L)

Ferritine (mg/L)

Créatininémie (mol/L)

DFG (mL/min/1,73m2)

8.5 (8-9,7)

5.2 (2.1-8,9)

393 (304-558)

240 (87-897)

60 (50-71)

140 (110-171)

8.7 (8-9,7)

5.3 (2.0-9,1)

381 (304-510)

273 (89-838)

59 (49-68)

143 (114-178)

8.3 (7.3-9,8)

4.5 (2.1-8,0)

441 (326-625)

195 (47-897)

62 (50-88)

123 (92-146)

0,4

0,9

0,2

0,5

0,08

0,005

Traitement au long cours, n (%)

Supplémentation en acide folique

Hydroxycarbamide

Programme d’échange transfusionnel

Erythropoïétine

Chélateurs du fer

Oxygénothérapie

Pénicilline

132 (96)

25 (18)

12 (9)

6 (4)

8 (6)

5 (4)

11 (8)

104 (96)

21 (19)

10 (9)

3 (3)

5 (5)

4 (4)

9 (8)

28 (100)

4 (14)

2 (7)

3 (11)

3 (11)

1 (4)

2 (7)

0,2

0,6

0,7

0,06

0,2

0,9

0,9

Les données sont présentées en médiane (interquartile IQ 25-75%) ou nombre (%).

p indique les valeurs de p des analyses statistiques comparant le groupe défavorable au groupe

favorable.

Abréviations: DFG, débit de filtration glomérulaire; IMC, indice de masse corporelle.

* L’insuffisance rénale chronique était définie par une valeur du DFG < 60 mL/min/1,73m2.

† En excluant les femmes.

‡ L’hypertension pulmonaire était définie par des valeurs de vitesse de régurgitation tricuspide > 2,5

m/s (échocardiographie-doppler), ou de pression artérielle pulmonaire moyenne ≥ 25 mmHg

(cathétérisme cardiaque droit). § L’immunodépression comprenait l’infection par le VIH, un traitement au long cours par

immunosuppresseurs ou corticoïdes.

22

3.2 Données avant l’admission en réanimation

3.2.1 Parcours à l’hôpital

La majorité des épisodes était précédée par une hospitalisation dans un service de médecine

(n=106; 77%) pour une durée médiane de 3 jours (2-6) [3 jours (2-4) dans le groupe ED vs. 4

jours (2-6) dans le groupe EF; p=0.6].

3.2.2 Motifs d’admission à l’hôpital

Les motifs d’admission à l’hôpital étaient majoritairement en rapport avec des complications

aiguës de la drépanocytose, essentiellement CVO osseuse (n=88; 64%) et STA (n=28; 20%).

Les situations particulièrement à risque chez les patients drépanocytaires, telles que la

grossesse, le postpartum ou la période péri-opératoire [12, 38-42] étaient retrouvées

respectivement au cours de 5 (4%), 10 (7%) et 11 (8%) épisodes.

3.2.3 Caractéristiques clinique et biologique dans les 48 heures précédant

l’admission en réanimation

Comparativement au groupe EF, le groupe ED était caractérisé dans les 48 heures précédant

l’admission en réanimation par une fréquence respiratoire et une température plus élevées; un

taux d’hémoglobine et un compte plaquettaire plus bas; des niveaux de créatininémie et

d’ASAT plus élevés (tous p<0,05) (tableau 2). Au sein de chaque groupe, des variations

significatives dans les 48 heures précédant l’admission en réanimation étaient retrouvées pour

la fréquence respiratoire, le score EVA de douleur, la température, et le compte plaquettaire.

En revanche, il n’y avait pas de variation significative des valeurs d’hémoglobine et de

créatininémie dans les 48 heures précédant l’admission en réanimation au sein du groupe ED

(tableau 3).

3.2.4 Prise en charge thérapeutique

La prise en charge thérapeutique avant l’admission en réanimation était similaire entre les

deux groupes, incluant l’administration d’une analgésie morphinique (83%), d’anti-

23

inflammatoires non stéroïdiens (26%), de corticoïdes (4%), d’une antibiothérapie (66%), et

d’une thrombo-prophylaxie (32%). Une transfusion sanguine était réalisée chez 41 épisodes

(30%) avant l’admission en réanimation. La proportion d’épisodes transfusés avant

l’admission en réanimation ne différait pas entre les groupes ED et EF (6/28, 21% vs. 35/110,

32%; p=0,3). Ni le délai entre l’admission à l’hôpital et la première transfusion [2 jours (1-4)

vs. 2 jours (1-4); p=0,2], ni le nombre de concentrés de globules rouges (CGR) transfusés

avant l’admission en réanimation [2 (0-2) vs. 2 (2-4); p=0,3] ne différaient entre les deux

groupes.

24

Tableau 2. Caractéristiques des épisodes dans les 48 heures précédant le transfert en réanimation et à l’admission en réanimation

Données

manquantes,

n *

Evolution favorable,

n=110

Evolution défavorable,

n=28

Au cours des 48 h

précédentes

A l’admission en

réanimation

Au cours des 48 h

précédentes

A l’admission en

réanimation

Caractéristiques cliniques, médiane (IQ)

Fréquence cardiaque (/min) 51/2 106 (93-120) 98 (86-115)† 114 (100-133) 113 (100-126)

Pression artérielle systolique (mmHg) 52/4 120 (107-135) 122 (114-138) 108 (100-131) 120 (108-137)

Pression artérielle diastolique (mmHg) 53/4 69 (60-77) 70 (60-80) 60 (55-75) 61 (58-75)

Fréquence respiratoire (/min) 63/19 28 (22-35)† 24 (18-30)

† 35 (30-40)

† 32 (24-40)

EVA de la douleur (points) ** 65/31 8 (7-10) 6 (4-8) 8 (7-9) 4 (2-7)

Température (°C) 34/13 38,5 (37,7-39)† 37,8 (37,2-38,6) 39,0 (38,5-39,4)

† 37,9 (37,4-38,4)

Score IGS II (points) NA/0 13 (9-18)† 25 (20-37)

Valeurs biologiques, médiane (IQ)

Hémoglobine (g/dL) 2/0 8,1 (6,8-9,3)† 7,9 (7,1-8.9)

† 7,4 (5,8-8,1)

† 7.2 (5.4-7.7)

Leucocytes (109/L) 2/0 16.7 (12,7-19,9) 16,2 (12,8-20,8) 16,8 (14,0-19,1) 16,4 (12,0-23,9)

Plaquettes (109/L) 3/0 319 (223-454)

† 295 (226-404)

† 267 (166-338)

† 210 (128-299)

Lactate déshydrogénase (UI/L) 13/4 557 (390-992) 563 (377-1102) 862 (428-1331) 914 (452-1511)

Bilirubine totale (mol/L) 19/6 58 (36-91) 51 (30-88) 44 (36-105) 76 (34-105)

ASAT (UI/L) 22/5 56 (38-82)† 59 (37-94)

† 68 (54-110)

† 85 (49-267)

ALAT (UI/L) 22/5 38 (26-53) 37 (25-59) 34 (22-56) 40 (26-63)

Taux de prothrombine (%) 34/32 80 (69-91) 81 (66-89)† 76 (59-90) 68 (46-89)

Créatininémie (mol/L) 9/0 61 (48-71)† 57 (47-69)

† 63 (53-111)

† 68 (52-162)

Protéine C réactive (mg/L) ND/7 139 (44-226) 169 (104-217)

Les données sont présentées en médiane (interquartile 25-75%).

* Les données manquantes sont exprimées en nombre de données manquantes dans les 48 heures précédentes / à l’admission en réanimation.

Abréviations: EVA, échelle visuelle analogique; ND, non disponible.

** La douleur était évaluée par une échelle visuelle analogique allant de 0 (aucune douleur) à 10 (douleur extrêmement sévère). † Différence significative entre les deux groupes (p < 0,05).

25

Tableau 3. Variations intra-groupe des données cliniques et biologiques durant les 48 heures précédant l’admission en réanimation

Evolution favorable,

n=110

Evolution défavorable,

n=28

Tous les épisodes

n=138

Changements cliniques

Valeurs [médiane (IQ)] au cours des 48

heures précédant l’admission en

réanimation

P1

Valeurs [médiane (IQ)] au cours des 48

heures précédant l’admission en

réanimation

P2 P3

Fréquence cardiaque (/min) 106 (93-120) / 98 (86-115) 0,5 114 (100-133) / 113 (100-126) 0.8 0,5

Pression artérielle systolique (mmHg) 120 (107-135) / 122 (114-138) 0,1 108 (100-131) / 120 (108-137) 0,05 0,03

Pression artérielle diastolique (mmHg) 69 (60-77) / 70 (60-80) 0,5 60 (55-75) / 61 (58-75) 0,1 0,2

Fréquence respiratoire (/min) 28 (22-35) / 24 (18-30) 0,002 35 (30-40) / 32 (24-40) 0,08 0,0003

EVA de la douleur (points) * 8 (7-10) / 6 (4-8) 0,0001 8 (7-9) / 4 (2-7) 0,02 0,00001

Température (°C) 38,5 (37,7-39) / 37,8 (37,2-38,6) 0,004 39,0 (38,5-39,4) / 37,9 (37,4-38,4) 0,006 0,0001

Changements biologiques

Hémoglobine (g/dL) 8,1 (6,8-9,3) / 7,9 (7,1-8,9) 0,02 7,4 (5,8-8,1) / 7,2 (5,4-7,7) 0,2 0,007

Leucocytes (109/L) 16,7 (12,7-19,9) / 16,2 (12,8-20,8) 0,5 16,8 (14,0-19,1) / 16,4 (12,0-23,9) 0,5 0,8

Plaquettes (109/L) 319 (223-454) / 295 (226-404) 0,0001 267 (166-338) / 210 (128-299) 0,03 0,00001

Lactate déshydrogénase (UI/L) 557 (390-992) / 563 (377-1102) 0,9 862 (428-1331) / 914 (452-1511) 0,6 0,9

Bilirubine totale (mol/L) 58 (36-91) / 51 (30-88) 0,7 44 (36-105) / 76 (34-105) 0,3 0,4

ASAT (UI/L) 56 (38-82) / 59 (37-94) 0,6 68 (54-110) / 85 (49-267) 0,4 0,9

ALAT (UI/L) 38 (26-53) / 37 (25-59) 0,7 34 (22-56) / 40 (26-63) 0,2 0,8

Taux de prothrombine (%) 80 (69-91) / 81 (66-89) 0,3 76 (59-90) / 68 (46-89) 0,5 0,2

Créatininémie (mol/L) 61 (48-71) / 57 (47-69) 0,02 63 (53-111) / 68 (52-162) 0,9 0,03

Les données sont présentées en médiane (interquartile 25-75%). Les valeurs de p font référence aux changements intra-groupe (P1 au sein du groupe

d’évolution favorable ; P2 au sein du groupe d’évolution défavorable) et aux changements globaux (P3).

Abréviations: EVA, échelle visuelle analogique.

* La douleur était évaluée par une échelle visuelle analogique allant de 0 (aucune douleur) à 10 (douleur extrêmement sévère).

26

3.3 A l’admission en réanimation

3.3.1 Motifs d’admission et diagnostics en réanimation

Une insuffisance respiratoire aiguë (n=68; 49%), un état de choc (n=10; 7%), ou une

insuffisance rénale aiguë (n=14; 10%) étaient diagnostiqués au cours de 74 épisodes (54%) à

l’admission en réanimation. Le STA était le principal diagnostic à l’admission en réanimation

(n=99; 72%), alors qu’il ne représentait que 20% des diagnostics initiaux à l’arrivée à

l’hôpital (tableau 3). Seuls 8 épisodes étaient hospitalisés en réanimation pour des motifs sans

rapport avec la drépanocytose: hémorragie du postpartum (n=1), infection des tissus mous

(n=1), grippe A(H1N1) (n=1), pneumocystose pulmonaire (n=1), hémorragie génitale (n=1),

bronchospasme (n=1), et épanchement pleural parapneumonique (n=2) (tableau 4).

Une infection était microbiologiquement documentée au cours de 29 épisodes (21%), plus

souvent dans le groupe ED que dans le groupe EF. Les sites infectés étaient en majorité les

poumons, le sang, et les urines. Les trois principaux pathogènes retrouvés étaient

Streptococcus pneumoniae, Klebsiella pneumoniae et Escherichia coli (tableau 5).

27

Tableau 4. Diagnostics en réanimation

Diagnostics No (%)

Respiratoire

Syndrome thoracique aigu 99 (72)

Embolie pulmonaire 2 (1)

Epanchement pleural 2 (1)

Autres * 2 (1)

Cardio-vasculaire

Choc 10 (6)

Défaillance multiviscérale † 7 (4)

Cœur pulmonaire aigu ‡ 15 (37)

Œdème pulmonaire 2 (1)

Rénale

Insuffisance rénale aiguë § 14 (9)

Neurologique

Surdosage morphinique 7 (5)

Syndrome d’encéphalopathie postérieure

réversible

1 (1)

Eclampsie 1 (1)

Vasculopathie cérébrale ll 3 (2)

Hématologique

Hyperhémolyse post-transfusionnelle 7 (4)

Nécrose médullaire 2 (1)

Erythtroblastopénie 2 (1)

Séquestration splénique 1 (1) Les données sont présentées en nombre (%).

* Une pneumocystose pulmonaire et un bronchospasme. † La défaillance multi-viscérale correspondait à la présence d’au moins 3 défaillances aiguës d’organe.

‡ Une échocardiographie était disponible pour 41 épisodes. Le diagnostic de cœur pulmonaire aigu

était porté devant l’association d’une dyskinésie du septum interventriculaire et d’une dilatation du

ventricule droit [43]. §

Seuls les épisodes ayant présenté une insuffisance rénale aiguë à l’admission en réanimation sont

présentés. ll Une crise convulsive et 2 accidents vasculaires cérébraux hémorragiques.

28

Tableau 5. Sites et pathogènes impliqués au cours des infections microbiologiquement

documentées

Site infectieux Pathogène No (%)

Sang*

Klebsiella pneumoniae 1

Candida albicans 1

Aeromonas caviae 1

Staphylococcus aureus 1

Total 4

Voies respiratoires basses

Streptococcus pneumoniae 5

Streptococcus anginosus † 1

Klebsiella pneumoniae 2

Staphylococcus aureus 1

Gram-negative bacillus 1

Stomatococcus mucilaginosus 1

Pseudomonas aeruginosa 2

Mucormycosis 1

Pneumocystis jirovecii 1

Influenza A virus 2

Total 17

Urinaire

Escherichia coli 3

Klebsiella pneumoniae 2

Enterococcus faecalis 1

Total 6

Divers

Streptococcus pneumoniae (méningite) 1

Infection à Parvovirus B19 2

Infection à Cytomegalovirus 2

Cholécystite 1

Klebsiella pneumoniae (sinusite) 1

Total 7

Les données sont présentées en nombre (%).

* Comprenant 1 infection sur cathéter. †

Pleurésie purulente.

29

3.3.2 Caractéristiques cliniques et biologiques

A l’admission en réanimation, la fréquence cardiaque et la fréquence respiratoire étaient plus

élevées dans le groupe ED. Le groupe ED était également caractérisé par un taux

d’hémoglobine plus bas en valeur absolue et diminuant de façon plus importante par rapport à

l’état de base, un compte plaquettaire plus bas, un TP plus bas, et des valeurs d’ASAT et de

créatinémie plus élevées, comparativement au groupe EF (tous p<0,05) (tableau 2).

3.3.3 Prise en charge thérapeutique (tableau 6)

Vingt-cinq épisodes (18%) étaient traités par ventilation mécanique, dont 21 STA. La

ventilation non invasive était initiée au cours de 21 épisodes, parmi lesquels 11 étaient

secondairement intubés. Au total, la ventilation invasive était utilisée pour 15 épisodes (11%)

pour une durée médiane de 9 jours (1-13). Des traitements vaso-actifs étaient administrés à 10

episodes (7%). Une insuffisance rénale aiguë était diagnostiquée au cours de 14 épisodes

(10%) à l’admission en réanimation, parmi lesquels 10 recevaient une épuration extra-rénale

(tableau 7).

A l’admission en réanimation, 44 patients additionnels étaient transfusés. Au total, durant

l’ensemble de l’hospitalisation, une transfusion sanguine était administrée au cours de 115

épisodes (83%), comprenant 28 épisodes (100%) dans le groupe ED et 86 épisodes (79%)

dans le groupes EF. Les modalités transfusionnelles comprenaient la transfusion sanguine

seule, la saignée, ou les deux (exsanguino-transfusion) respectivement dans 86, 11 et 47

épisodes. Le nombre total de CGR administrés était significativement plus élevé dans le

groupe ED, comparativement au groupe EF [5 (4-8) vs. 2 (2-3); p<0,001].

La durée médiane de séjour en réanimation était de 4 jours (2-7). Elle était plus longue dans le

groupe ED (9 jours, 6-11), comparativement au groupe EF (3 jours, 2-5; p<0,001).

30

Tableau 6. Traitements et devenir en réanimation

Données manquantes,

n

Tous les épisodes,

n=138

Evolution favorable,

n=110

Evolution défavorable,

n=28 P

Transfusion *

Transfusion, n (%) 0 115 (83) 87 (79) 28 (100) 0,008

Nombre total de CGR, médiane (IQ) 1 2 (2-4) 2 (2-3) 5 (4-8) <0,001

Délai à la première transfusion (jours), médiane (IQ) † 1 2 (1-4) 2 (1-4) 2 (1-3.5) 0,5

Hémoglobine S (%), médiane (IQ) ‡ 42 54 (39-64) 60 (43-65) 42 (18-51) 0,001

Traitements administrés en réanimation, n (%)

Antalgiques morphiniques 3 118 (85) 94 (85) 24 (86) 0,09

Antalgiques non morphiniques 4 126 (91) 103 (94) 23 (82) 0,05

AINS 0 4 (3) 3 (3) 1 (4) 0,8

Corticoïdes 0 4 (3) 1 (1) 3 (11) 0,006

Antibiotiques 0 126 (91) 99 (90) 27 (96) 0,3

Thromboprophylaxie 3 122 (88) 95 (86) 27 (96) 0,3

Support d’organe en réanimation, n (%)

NO inhalé 0 12 (9) 0 (0) 12 (43) <0,001

Ventilation mécanique 0 25 (18) 0 (0) 25 (89) <0,001

Ventilation non invasive 0 21 (15) 0 (0) 21 (75) <0,001

Ventilation invasive 0 15 (11) 0 (0) 15 (54) <0,001

ECMO § 0 3 (2) 0 (0) 3 (11) 0,001

Catécholamines 0 10 (7) 0 (0) 10 (36) <0,001

Epuration extra-rénale 0 10 (7) 0 (0) 10 (36) <0,001

> 2 supports d’organe 0 12 (9) 0 (0) 12 (43) <0,001

Devenir

Durée de séjour (jours), médiane (IQ) 0 4,0 (2,0-7,0) 3,0 (2,0-5,0) 9,0 (6,0-11,0) <0,001

Décès, n (%) 0 9 (7) 0 (0) 9 (32) <0,001

Les données sont présentées en médiane (interquartile 25-75%) ou nombre (%). p indique les valeurs de p des analyses statistiques comparant les 2 groupes.

Abréviations: AINS, anti-inflammatoire non stéroïdien; CGR, concentré de globules rouges; ECMO, oxygénation extra-corporelle par membrane. * Correspond aux actes transfusionnels (transfusion simple et/ou exsanguino-transfusion) réalisés durant l’ensemble de l’hospitalisation.

† Délai entre l’admission à l’hôpital et la première transfusion.

‡ La valeur la plus basse d’hémoglobine S obtenue après transfusion était recueillie chez les patients homozygotes.

§ Une ECMO veino-veineuse pour hypoxémie réfractaire et 2 ECMO veino-artérielle pour arrêt cardiaque compliquant un cœur pulmonaire aigu (1 embolie

pulmonaire et 1 défaillance multiviscérale). Ces 3 patients sont décédés.

31

Tableau 7. Caractéristiques des épisodes avec insuffisance rénale aiguë à l’admission en

réanimation

Tous les épisodes

avec IRA,

n=14

Sans EER,

n=8

EER,

n=6

Maladie rénale pré-existante

Microalbuminurie ou protéinurie, n (%) 10 (71) 6 (75) 4 (67)

Insuffisance rénale chronique, n (%) 4 (29) 2 (25) 2 (33)

Stades d’IRA, n (%) *

DFG de base, mL/min/1,73m2, médiane (IQ) 99 (58-141) 125 (86-149) 87 (43-99)

Stade 1 10 (71) 7 (88) 3 (50)

Stade 2 2 (14) 0 (0) 2 (33)

Stade 3 2 (14) 1 (13) 1 (17)

Augmentation de la créatininémie, % † 160 (150-210) 160 (150-170) 200 (170-260)

Evolution défavorable

Nombre, n (%) 10 (71) 4 (50) 6 (100)

Nécessité de supports d’organes autres qu’une

EER, n (%) 8 (57) 4 (50) 4 (67)

AINS avant l’admission en réanimation

Nombre, n (%) 3 (21) 2 (25) 1 (17)

Les données sont présentées en médiane (interquartile IQ 25-75%) ou nombre (%).

Abréviations: AINS, anti-inflammatoires non stéroïdiens; DFG, débit de filtration glomérulaire; EER,

épuration extra-rénale; IRA, insuffisance rénale aiguë. * Le stade d’insuffisance rénale aiguë était determine à partir de la valeur de la créatininémie à

l’admission en réanimation et définie de la façon suivante [32]: stade 1: augmentation de la créatininémie ≥ 26.4 µmol/L ou augmentation de la créatininémie

par rapport

à sa valeur de base ≥ 150-200%.

stade 2: augmentation de la créatininémie par rapport à sa valeur de base > 200-300%.

stade 3: augmentation de la créatininémie par rapport à sa valeur de base > 300% ou

créatininémie ≥ 354 µmol/L avec une augmentation aiguë d’au moins 44 µmol/L. † comparativement à la valeur de base de la créatininémie.

32

3.4 Mortalité

Au total, 9 patients (7%) sont décédés en réanimation, tous du fait de complications de la

drépanocytose (tableau 8). Quatre de ces patients présentaient une maladie drépanocytaire

peu sévère, comme l’indiquait un score de Hebbel ≤ 3 et l’absence de traitement spécifique au

long cours. Tous les patients présentaient un cœur pulmonaire aigu au moment du décès,

excepté un dont la cause du décès était un AVC hémorragique. De façon intéressante, un seul

des patients décédés avait été transfusé avant l’admission en réanimation. Aucun décès n’est

survenu après la sortie de réanimation.

Par ailleurs, au cours de la période de l’étude, il était noté la survenue de 3 décès

supplémentaires parmi la cohorte de patients drépanocytaires suivis à l’Hôpital Tenon.

33

Tableau 8. Description des décès en réanimation

Patients, No 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Caractéristiques de base

Age (années) 37 22 22 25 25 19 22 29 38

Sexe femme femme homme homme homme femme homme femme homme

Type d’hémoglobinopathie SS SS SS SC SS SS SS SC SS

Score de Hebbel (points) 4 4 12 2 0 0 7 3 6

Antécédent de STA Oui Non Oui Non Non Non Oui Oui Oui

Hypertension pulmonaire Oui Non Non Non - Oui - Non -

Hydroxycarbamide Oui Oui Non No Non Non Oui Non Non

Programme d’échange transfusionnel Non Non Oui Non Non Non Non Non Non

Episode actuel

Délai (jours) entre

admission à l’hôpital et en réanimation

admission en réanimation et décès

admission à l’hôpital et décès

2

< 1

2

0

42

42

10

12

22

11

< 1

11

2

9

11

0

9

9

3

8

11

2

14

16

2

1

3

Motif d’admission à l’hôpital CVO STA IRA SDMV STA CVO CVO CVO CVO

Transfusion avant l’admission en réanimation Oui No No No No No No No No

Motif d’admission en réanimation ACR STA HIA STA STA STA STA SDMV HPT

Score IGS II (points) 80 25 38 81 22 56 22 34 98

IRA à l’admission en réanimation Oui Non Oui Non Oui Oui Non Oui Non

Présence d’un coeur pulmonaire aigu * Oui Oui Non Oui Oui Oui Oui Oui Oui

Cause du décès SDMV SDRA AVCH EP SDRA SDMV SDRA SDMV SDMV Abréviations: ACR, arrêt cardio-respiratoire; AVCH, accident vasculaire cérébral hémorragique; CVO, crise vaso-occlusive; EP, embolie pulmonaire; HIA,

hémorragie intra-alvéolaire; HPT, hyperhémolyse post-transfusionnelle; IRA, insuffisance rénale aiguë; SDMV, syndrome de défaillance; SDRA, syndrome

de détresse respiratoire aiguë; STA, syndrome thoracique aigu.

* Le diagnostic de cœur pulmonaire aigu était porté devant l’association d’une dyskinésie du septum interventriculaire et d’une dilatation du ventricule droit

[43].

34

3.5 Facteurs prédictifs d’évolution défavorable

En analyse multivariée, un taux d’hémoglobine ≤7.8 g/dL (RC 3,6, IC 95% IC 1,1-11,9), une

fréquence respiratoire ≥32/min (RC 5,6, IC 95% 1,8-17,2) et une insuffisance rénale aiguë à

l’admission en réanimation (RC 11,5, IC 95% 2,5-52,6) étaient indépendamment associées à

une évolution défavorable (tableau 9). L’aire sous la courbe ROC était de 0,79 (IC 95% 0,67-

0,91), ce qui indique une bonne discrimination du modèle, et le test de Hosmer-Lemeshow

suggérait une calibration correcte (chi2=3,7; p=0,45) (fig. 3.).

35

Figure 3. Courbes ROC pour le score IGS II et le modèle multivarié de régression logistique

L’aire sous la courbe (ASC) ROC était de 0,79 (IC 95% 0,67-0,91), ce qui indique une bonne

discrimination du modèle. Le modèle a été comparé au score IGS II qui obtenait une aire sous la

courbe ROC de 0,86 (IC 95% 0,77-0,95). Les aires sous les courbes ROC n’étaient pas différentes

(P=0,3)

36

Tableau 9. Facteurs prédictifs d’une évolution défavorable en réanimation

N Evolution défavorable

n (%)

Analyse univariée Analyse multivariée

RC (IC à 95%) P RC (IC à 95%) P

Sexe

Homme

Femme

69

67

10 (14)

17 (25)

1

0.5 (0,2-1,2)

0,1

Variables non entrées

dans le modèle multivarié

Age, années

< 32

≥ 32

118

18

21 (18)

6 (33)

1

2.3 (0,8-6,9)

0,1

Drépanocytose homozygote

Non

Oui

19

117

5 (26)

22 (19)

1

0,6 (0,2-1,9)

0,4

Fréquence respiratoire, /min < 32

≥ 32

92

25

11 (12)

11 (44)

1

5,8 (2,1-15,9)

0,001 5,6 (1,8-17,2) 0,003

Hémoglobine, g/dL

> 7,8

≤ 7,8

63

73

5 (8)

22 (30)

1

5,0 (1,8-14,2)

0,002 3,6 (1,1-11,9) 0,04

Insuffisance rénale aiguë

Non

Oui

122

14

17 (14)

10 (71)

1

15,4 (4,3-54,9)

0,0001 11,5 (2,5-52,6) 0,002

IC, intervalle de confiance; RC, rapport des cotes

37

4 Discussion

Dans cette étude, nous avons cherché à identifier les facteurs prédictifs précoces d’une

évolution défavorable, définie par le recours à une suppléance d’organe ou le décès, chez des

patients drépanocytaires adultes admis dans l'unité de réanimation médicale d’un centre de

référence de la drépanocytose. Le transfert dans notre unité était essentiellement indiqué pour

des complications spécifiques de la drépanocytose, au premier rang desquelles le STA

représentait le principal diagnostic à l’admission. Vingt pour cent des épisodes étaient

marqués par une évolution défavorable, annoncée par des signes d’une crise drépanocytaire

plus agressive, comme le suggérait le profil clinico-biologique précédant l’admission en

réanimation, avec une chute plus profonde et soutenue de l’hémoglobine, une fréquence

respiratoire plus élevée, et la survenue plus fréquente d’une insuffisance rénale aiguë à

l’admission en réanimation.

4.1 Limites

Notre étude a plusieurs limites. Du fait de son caractère monocentrique, nos résultats ne

peuvent pas être extrapolés à d’autres unités de réanimation. De plus, cette étude a été

conduite dans un centre de référence avec une expérience de la maladie drépanocytaire, ce qui

peut limiter la généralisation de nos résultats. Le caractère rétrospectif de cette étude n’a pas

permis le recueil exhaustif des données. Ces données manquantes concernaient

essentiellement la période avant l’admission en réanimation.

Le recrutement essentiellement médical de notre unité de réanimation n’a permis d’inclure

dans l’étude que peu de patients chirurgicaux. Pourtant, la période post-opératoire apparaît

être une période à risque chez le patient drépanocytaire, avec une incidence de complications

sérieuses ou menaçant le pronostic vital de 20%, principalement le STA [41]. Sa

physiopathologie n’est pas parfaitement comprise mais semble être plus complexe que

l’augmentation de la falciformation, avec notamment un rôle important de la dysfonction

endothéliale [38, 44]. Il est possible que ce point explique certaines des différences observées

avec d’autres séries [14].

38

4.2 Intérêt des unités de surveillance continue

Contrairement à d’autres séries centrées sur les patients drépanocytaires adultes admis en

réanimation [14], nous avons choisi d’analyser à la fois les admissions en réanimation et en

unité de surveillance continue, et ce afin de couvrir le spectre complet des patients à risque de

mauvais pronostic. Les patients analysés dans notre travail étaient régulièrement suivis et pris

en charge dans notre centre, avaient des caractéristiques cliniques usuelles de la

drépanocytose, et des atteintes chroniques d’organe attendues, ainsi qu'une prise en charge

thérapeutique habituellement recommandée [8, 45]. Près de 90% de ces patients étaient

homozygotes, 20% recevaient de l’hydroxyurée et 10% bénéficiaient d’un programme

d’échange transfusionnel. La plupart des patients étaient d’abord hospitalisés dans des

services de médecine, adressés par le service d’accueil des urgences pour une CVO simple, et

développaient secondairement un STA, comme précédemment rapporté [19, 20]. Vingt pour

cent des épisodes avaient une évolution défavorable par la suite, parmi lesquels un tiers était

initialement admis en unité de surveillance continue. Ces observations soulignent l’utilité de

telles unités pour les patients drépanocytaires nécessitant une hospitalisation, afin d’éviter tout

retard à la prise en charge en cas de dégradation clinique. Vichinsky et al. ont déjà suggéré

qu’une surveillance rapprochée des patients drépanocytaires hospitalisés pour une

manifestation vaso-occlusive était nécessaire afin d’éviter l’évolution vers un STA, qui est la

seconde manifestation aiguë spécifique de la drépanocytose en fréquence [46] et le diagnostic

le plus fréquent au moment du décès [13]. De plus, eu égard au risque de surdosage

morphinique souligné dans un récent rapport d’experts britanniques [9], il apparaît évident

que les patients présentant une CVO simple mais nécessitant de fortes doses de morphiniques

vont bénéficier d’une surveillance rapprochée (niveau d’analgésie, état de vigilance, survenue

d’une dépression respiratoire). Ces CVO dites hyperalgiques sans stigmates d’atteintes

organiques autres qu’osseuses représentaient 15% des admissions en unité de surveillance

continue dans notre série et évoluait pour l’ensemble favorablement.

4.3 Le génophénotype drépanocytaire : un faux ami

Les caractéristiques de base des épisodes avec ou sans évolution défavorable ne différaient

pas entre les deux groupes, comme le montrent les scores de Hebbel, la fréquence des

atteintes chroniques d’organe et les traitements administrés au long cours. Quatre patients

décédés présentaient une maladie drépanocytaire en apparence peu sévère. En effet, la

39

littérature fait état d’un tiers de décès de l’adulte chez des patients auparavant pauci-

symptomatiques (i.e. sans atteinte manifeste d’organe liée à la drépanocytose) [12, 13]. Le

caractère soudain, inattendu et rapide de ces décès [13, 47] explique les difficultés à identifier

les épisodes vaso-occlusifs allant évoluer en quelques heures vers un syndrome de défaillance

multiviscérale et réalisant ce que nous appelons le syndrome catastrophique de la

drépanocytose. Ces épisodes sont caractérisés par une crise inhabituelle avec notamment des

douleurs plus intenses, suivie d’un intervalle libre de quelques heures à quelques jours avant

la survenue d’une chute brutale du taux d’hémoglobine, d’une thrombopénie, d’une

insuffisance respiratoire aiguë, et de troubles de conscience [16, 48]. Les hypothèses

physiopathologiques sont basées sur la présence d’occlusions microvasculaires à l’origine

d’une ischémie tissulaire diffuse, elle-même aggravée par la survenue d’une hypoxémie ou

d’une majoration de l’anémie, contribuant toutes deux à une baisse du contenu artériel en

oxygène. Par ailleurs, des évènements tels qu’une embolie graisseuse, une infection, peuvent

être à la fois un facteur déclenchant et aggravant la crise [16, 48].

Alors que de larges études épidémiologiques ont rapporté une moindre morbidité ainsi qu’une

augmentation de l’espérance de vie des patients avec une drépanocytose SC [49, 50], presque

20% des patients avec une évolution défavorable étaient hétérozygotes composites dans notre

étude.

Ainsi, nos résultats suggèrent, qu’à l’échelle individuelle, et quel que soit le génotype

(homozygote ou hétérozygote composite) ou le phénotype (avec ou sans atteinte chronique

d’organe), les patients drépanocytaires sont à risque d’évolution défavorable lorsqu’ils sont

hospitalisés pour une CVO.

4.4 Facteurs prédictifs d’évolution défavorable

Au total, 28 épisodes (20%) étaient associés à une évolution défavorable, comprenant le

recours à un support d’organe ou le décès. La ventilation mécanique était le principal support

d’organe, essentiellement indiquée pour une insuffisance respiratoire aiguë compliquant un

STA, en accord avec d’autres séries [20, 51]. Il y avait 9 décès en réanimation, dont la cause

était en rapport avec une manifestation aiguë de la drépanocytose dans tous les cas,

comprenant AVC, SDRA, et défaillance multiviscérale comme déjà décrit [9, 12-14, 16].

40

Le groupe ED avait une fréquence respiratoire et une température plus élevées, une

hémoglobine et un compte plaquettaire plus bas, ainsi que des valeurs de créatininémie et

d’ASAT plus élevées au cours des 48 heures précédant l’admission en réanimation,

comparativement au groupe avec évolution favorable. Ces différences peuvent suggérer une

gravité plus importante de l’épisode aigu avec une évolution plus rapide et non ou mal

contrôlée, malgré un traitement adapté. Cette hypothèse peut être soutenue par le fait que les

deux groupes recevaient un traitement intra-hospitalier initial similaire, administré dans des

délais comparables, notamment en ce qui concerne le traitement transfusionnel. Cependant, le

groupe d’évolution défavorable était caractérisé par une chute plus profonde de

l’hémoglobine à l’admission en réanimation; ceci était associé à d’autres marqueurs de

l’hémolyse tels que la valeur de LDH qui avait tendance à être plus élevée. Il a d’ailleurs été

récemment suggéré que la valeur de LDH est un marqueur prédictif de mauvais pronostic

chez les patients drépanocytaires adultes hospitalisés dans les Services de médecine [52]. De

façon intéressante, il y avait une diminution significative du compte plaquettaire et du taux de

prothrombine, et une augmentation de la créatininémie, pouvant refléter une atteinte aiguë

plus sévère et plus diffuse. Ainsi, une chute soutenue de l’hémoglobine associée à une atteinte

systémique (pulmonaire, hépatique, rénale, et de la moelle osseuse) pourraient être

considérées comme des marqueurs de gravité de la crise et alerter le praticien en charge d’un

patient drépanocytaire adulte hospitalisé en Service de médecine depuis 72 heures.

Nous avons montré qu’un taux d’hémoglobine ≤ 7,8 g/dL, une fréquence respiratoire ≥ 32

cycles/min et une insuffisance rénale aiguë à l’admission en réanimation étaient

indépendamment associés à une évolution défavorable.

L’insuffisance rénale aiguë a déjà été identifiée comme un marqueur de gravité d’une crise

drépanocytaire [53]. La physiopathologie de cette insuffisance rénale aiguë pourrait impliquer

une dysfonction ventriculaire droite, fréquemment retrouvée au cours des formes sévères de

STA [51, 53]. Cependant, la participation de médicaments néphrotoxiques ne peut être exclue

dans la mesure où 3 patients sur les 4 ayant reçu des anti-inflammatoires non stéroïdiens

présentaient une insuffisance rénale aiguë à l’admission. Il reste intéressant de noter que la

majorité des IRA à l’admission en réanimation était peu sévère (i.e. classe 1), et de fait les

valeurs absolues de créatininémie peu élevées. Ces résultats, associés au fait qu’une

hyperfiltration glomérulaire premier stade de la néphropathie drépanocytaire – soit

fréquemment retrouvée au cours de la drépanocytose [54, 55], concourent probablement au

retard à l’identification des patients à risque d’évolution défavorable.

41

Contrairement à l’étude britannique récente qui suggérait un retard à l’admission en

réanimation des patients adultes drépanocytaires qui allaient décéder [14], il n’y avait pas de

différence entre les groupes évolution défavorable et favorable pour le délai de transfert en

réanimation dans notre série. Cette différence pourrait être en rapport avec une politique

d’admission plus large en réanimation des patients drépanocytaires dans notre centre, et

pourrait expliquer les différences de profil des patients sélectionnés pour une admission en

réanimation dans les deux séries. De plus, le début de la crise, critère probablement plus

pertinent sur le plan clinique, n’a pu être recueilli et il ne peut être exclu qu’un retard à

l’hospitalisation par rapport au début de la crise ait été un facteur favorisant la survenue d’une

évolution défavorable.

4.5 Transfusion

La transfusion sanguine demeure la pierre angulaire du traitement des manifestations vaso-

occlusives sévères [45, 56]. Seule ou associée à une saignée (i.e. exsanguino-transfusion), la

transfusion, par l’augmentation de la concentration d’hémoglobine totale et/ou la diminution

du taux d’HbS, va permettre d’augmenter la capacité de transport en oxygène, diminuer la

viscosité sanguine totale (en l’absence d’élévation de l’hématocrite > 35%), et ainsi réduire

les phénomènes de falciformation [57, 58]. Dans notre série, la première transfusion était

généralement réalisée au cours des deux premiers jours d’hospitalisation dans les deux

groupes, bien que le groupe ED ait une tendance à avoir reçu moins de produits sanguins

avant l’admission en réanimation, et ce malgré une anémie plus marquée. Aucun des patients

décédés n’avait été transfusé avant l’admission en réanimation, en dehors d’un patient dont le

décès était en rapport avec un AVC hémorragique. Cependant, les indications de la

transfusion se doivent d’être limitées et réfléchies [34, 45] dans la mesure où la transfusion

expose à des complications sévères telles que des réactions d’hémolyse post-transfusionnelles

retardés ou immédiates, compliquant 4% de l’ensemble des transfusions réalisées chez des

patients drépanocytaires [59], et d’ailleurs à l’origine d’un décès dans notre étude. Cette

réaction survient après allo-immunisation anti-érythrocytaire dont plusieurs facteurs

concourent à sa survenue plus fréquente chez les patients drépanocytaires: disparité

d’expression des antigènes de groupe sanguin à la surface des hématies entre donneurs de

sang, majoritairement caucasiens, et receveurs, majoritairement afro-antillais [60, 61];

expositions multiples aux transfusions; possibilité de phénotypes érythrocytaires rares chez

42

ces patients [62]. Certaines caractéristiques particulières aux patients drépanocytaires de ces

réactions transfusionnelles conduisant à un tableau d’hyperhémolyse retardée ont amené

certains auteurs à individualiser un syndrome d’hyperhémolyse post-transfusionnelle du

drépanocytaire associant dans les jours ou semaines suivant une transfusion le développement

ou la majoration de symptômes évocateurs d’une CVO osseuse, une réticulocytopénie

marquée, et une anémie plus marquée qu’avant transfusion, rendant compte de l’hémolyse à

la fois des hématies transfusées et des hématies du receveur [63]. Toute nouvelle transfusion

peut exacerber l’hémolyse et les manifestations vaso-occlusives qui l’accompagnent, pouvant

conduire au maximum à un syndrome de défaillance multiviscérale [63]. Ce risque

d’aggravation souligne l’importance de la reconnaissance de ce diagnostic et justifie une prise

en charge spécifique urgente, consistant à éviter autant que faire se peut (i.e. pronostic vital en

jeu) toute nouvelle transfusion par l’administration d’érythropoïétine voire

d’immunoglobulines intraveineuses ou de corticoïdes [34].

De façon intéressante, la transfusion était en apparence finalement efficace dans le groupe

ED, comme le montre les taux d’HbS après transfusion plus bas dans le sous-groupe de

patients homozygotes. Ces résultats reflètent l’incapacité à casser un cercle vicieux

d’hémolyse dans certains cas, en accord avec les nombreuses observations mentionnant la

dégradation de l’état clinique malgré une prise en charge transfusionnelle agressive et efficace

[12, 18, 64, 65].

Eu égard 1) aux similitudes dans leur présentation sémiologique entre le syndrome

catastrophique de la drépanocytose et les syndromes de microangiopathie thrombotique [66];

2) à l’efficacité des échanges plasmatiques au cours de certains épisodes vaso-occlusifs

sévères [65]; 3) à l’accumulation de multimères de haut poids moléculaire du facteur von

Willebrand au cours des CVO [67]; la question du diagnostic différentiel avec un syndrome

de microangiopathie thrombotique, ou du moins de son association physiopathologique au

cours des évènements vaso-occlusifs sévères mérite d’être soulevée et fait actuellement

l’objet d’une investigation clinique (Etude d’ADAMTS13, la métalloprotéase du facteur

Willebrand, dans un modèle de thrombose de la microcirculation : la drépanocytose, PHRC

2010).

43

5 Conclusion

Pour conclure ce travail, les patients drépanocytaires sont à haut risque de complications

lorsqu’ils sont admis en réanimation, y compris les patients ayant une maladie drépanocytaire

peu sévère à l'état stable. Le STA demeure le principal diagnostic à l’admission en

réanimation. Les praticiens en charge de ces patients doivent reconnaître les signes

d’agressivité de la manifestation aiguë, tels qu’une chute profonde et soutenue de

l’hémoglobine associée à des désordres généraux impliquant les poumons et les reins, malgré

une prise en charge optimale dans les Services de médecine. Ces marqueurs de gravité

devraient être intégrés dans la décision d’un transfert précoce en réanimation, ou du moins

dans une unité intermédiaire. Des études prospectives sont nécessaires pour confirmer nos

résultats.

44

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48

7 Annexe

Tableau A1. Score de sévérité décrit par Hebbel et al. [30], modifié par Lee et al. [68]

Manifestations cliniques Points

Crise douloureuse sévère définie comme un

évènement douloureux aigu nécessitant une

hospitalisation et l’administration de morphine

< 1 par an: 0 point

1 à 2 par an: 1 point

3 à 5 par an: 2 points

> 5 par an: 3 points

Atteinte du système nerveux central

documentée à l’IRM ou l’ARM (et

l’artériographie conventionnelle)

Absence de lésion: 0 point

Diagnostic d’AVC (symptomatique ou

silencieux), ou vasculopathie cérébrale: 2

points

Rétinopathie proliférante Absence de lésion: 0 point

Actuelle ou ancienne: 1 point

Ulcère de jambe

Aucune lésion: 0 point

Antécédent ou présence d’un ulcère de jambe:

2 points

Ostéonécrose aseptique documentée à la

radiographie et/ou l’IRM

Aucune lésion osseuse: 0 point

Ostéonécrose aseptique: 2 points par site

Hématurie secondaire à une nécrose papillaire Aucun épisode: 0 point

Antécédent d’hématurie: 1 point

Syndrome thoracique aigu diagnostiqué

devant l’association de douleurs thoraciques,

dyspnée, et d’infiltrats pulmonaires à la

radiographie de thorax

Aucun épisode: 0 point

Antécédent de syndrome thoracique aigu

documenté: 2 points par épisode

Priapisme Aucun antécédent de priapisme: 0 point

Antécédent de priapisme aigu: 1 point

49

2013

CECCHINI Jérôme

PRESIDENT DE THESE: M. le Pr Armand MEKONTSO DESSAP

DIRECTEUR DE THESE: Mme le Pr Muriel FARTOUKH

Etude DREPANOREA: épidémiologie descriptive et pronostic des patients drépanocytaires

adultes admis en réanimation

Introduction. Les avancées thérapeutiques des dernières décennies dans le domaine de la

drépanocytose ont bouleversé le paysage démographique de la maladie avec une

augmentation du nombre de patients atteignant l’âge adulte. Alors que près de la moitié des

patients drépanocytaires adultes décèdent en réanimation, peu d’études se sont intéressées aux

caractéristiques et au pronostic de ces patients admis en réanimation. Les objectifs de ce

travail étaient de décrire les caractéristiques des patients drépanocytaires adultes admis en

réanimation, et d'identifier des facteurs prédictifs précoces d'une évolution défavorable (ED),

définie par le recours à un support d’organe ou le décès.

Méthodes. Etude de cohorte observationnelle rétrospective de patients drépanocytaires adultes

admis en réanimation sur une période de 6 ans.

Résultats. 138 admissions en réanimation ont été analysés chez 119 patients. La majorité des

motifs d’admission en réanimation était en rapport avec une complication de la

drépanocytose, principalement le syndrome thoracique aigu. La ventilation mécanique, les

traitements vaso-actifs et l’épuration extra-rénale étaient administrés respectivement dans 25

(18%), 10 (7%) et 10 (7%) épisodes. Le groupe ED (n = 28, 20%) était caractérisé par une

crise plus sévère dans les 48 heures précédant l'admission en réanimation, avec une fréquence

respiratoire plus élevée (FR), une insuffisance rénale aiguë (IRA) plus fréquente et une chute

plus importante de l'hémoglobine (p <0,01). Au total, 9 patients (7%) sont décédés en

réanimation, tous du fait de complications de la drépanocytose. Aucune des caractéristiques

de base de la drépanocytose ne prédisait avec précision une ED. En analyse multivariée, un

taux d’hémoglobine ≤ 7,8 g/dl, une FR ≥ 32 /min et une IRA à l'admission en réanimation

étaient indépendamment associés à une ED.

Conclusion. Les patients drépanocytaires sont à haut risque de complications lorsqu’ils sont

admis en réanimation, y compris ceux ayant une maladie drépanocytaire peu sévère à l'état

stable. Une chute soutenue de l'hémoglobine, une détresse respiratoire aiguë et une IRA à

l'admission sont des facteurs prédictifs indépendants d'une évolution défavorable.

MOTS-CLES: DREPANOCYTOSE; SUPPORT D’ORGANE; MORTALITE; PRONOSTIC;

PREDICTION

ADRESSE DE L’U.F.R.: 8, Rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL

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