Palestine n°55

13
TRIMESTRIEL N°55 – JANVIER/FÉVRIER/MARS 2013 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130 palestine BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624 Bab el Shams, une forme de résistance populaire et créative Face à l’annonce de la construction de 3 000 nouveaux logements israéliens sur le site d’E1 en Palestine occupée, le Comité de coordination de lutte populaire a appelé les Palestiniens à venir y installer des tentes sur le site en question. Plus de vingt tentes y ont été érigées pendant deux jours, constituant un campement baptisé Bab el Shams (la Porte du Soleil) avant d’en être délogées par la force par l’armée israélienne. © Activestills.org SOMMAIRE DOSSIER : Reconnaissance de l’État de Palestine > 3 – 9 Élections israélienne > 10 DOSSIER : Gaza à nouveau sous les bombes > 12 Prisonniers palestiniens > 18 News du BDS > 21

description

Bulletin de l'Association Belgo-Palestinienne janvier-février-mars 2013

Transcript of Palestine n°55

Page 1: Palestine n°55

TRIMESTRIEL N°55 – JANVIER/FÉVRIER/MARS 2013 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

palestineBULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL

Belgique/BelgiëP.P.

Bruxelles X1/1624

Bab el Shams, une forme de résistance populaire et créativeFace à l’annonce de la construction de 3000 nouveaux logements israéliens sur le site d’E1 en Palestine

occupée, le Comité de coordination de lutte populaire a appelé les Palestiniens à venir y installer des tentes sur le site en question. Plus de vingt tentes y ont été érigées pendant deux jours, constituant un campement

baptisé Bab el Shams (la Porte du Soleil) avant d’en être délogées par la force par l’armée israélienne.

© A

ctiv

estil

ls.o

rg

SOMMAIREDOSSIER : Reconnaissance de l’État de Palestine > 3 – 9Élections israélienne > 10DOSSIER : Gaza à nouveau sous les bombes > 12Prisonniers palestiniens > 18News du BDS > 21

Page 2: Palestine n°55

Combien de fois les Palestiniens auront-ils entendu cette ritournelledans la bouche des Occidentaux à chaque fois qu’ils ont demandéla reconnaissance de leur État ? C’est encore ce refrain qu’en-tonnait M. Didier Reynders au lendemain de sa nomination auposte de ministre des Affaires étrangères de Belgique. Et voilà ce qu’il répondait à la lettre que lui adressait l’ABP le 24 janvier2012: « Même s’il s’agit d’une décision nationale, je suis d’avisqu’une approche concertée au niveau européen s’impose dansce dossier de reconnaissance. L’UE est prête à reconnaître l’Étatde Palestine une fois que les conditions nécessaires à sa recon-naissance seront réunies. Il s’agit là, selon moi, d’une formulationdynamique et non pas d’une position statique sans aucuneconnexion avec l’évolution de la situation.» Or aujourd’hui, la situation a changé pour deux motifs.

Tout d’abord, la Palestine est reconnue en tant qu’État souverainen droit tant à l’Unesco que par l’Assemblée générale des NationsUnies. Ce sont là des reconnaissances auxquelles la Belgique s’estd’ailleurs associée et qui doivent, ainsi que l’a recommandé leSénat dans une résolution, conduire l’État belge à établir des rela-tions diplomatiques bilatérales complètes avec l’Etat de Palestine.La reconnaissance de l’État de Palestine sur les frontières fixées en1967 est indispensable afin de pourvoir de manière positive et directe à la sauvegarde des droits territoriaux des Palestiniens. Celadevient d’autant plus urgent au moment où le gouvernement de M. Netanyahou accélère la colonisation des terres palestiniennes. Chacun sait la faiblesse de la Haute Représentante de l’UE, la baronne Ashton, qui colle aux basques de M. Tony Blair dont onconnaît par ailleurs l’attentisme favorable à Israël. À l’issue du voteà l’Assemblée générale des Nations unies, le quartet doit être dénoncé, M. Blair démissionné et l’ONU doit reprendre l’initiative,ce qui est son rôle. C’est au secrétaire général des Nations uniesde prendre les mesures indispensables pour mettre fin à l’occupa-tion de la Palestine par Israël et aux annexions de territoires. Lespays européens qui ont voté en faveur de la Palestine à l’ONU doi-vent se mettre d’accord pour encourager et soutenir ces mesures.

Le deuxième motif réside dans la conduite inacceptable du gou-vernement israélien, seul pays du Conseil des droits de l’Homme

des Nations unies à s’être soustrait, lors de la 22e session (février-mars 2013) de ce dernier, à l’examen périodique universel. Le New York Times de ce 29 janvier l’a dénoncé en ces termes :« Israel boycotts U.N. Rights Review ». Quant aux ambassadeursaméricains et canadiens, ils ont aussitôt dénoncé l’attitude d’Israël.Les deux grands alliés d’Israël craignent en effet que d’autresÉtats ne lui emboîtent le pas. Il est plus que temps de rappeler legouvernement israélien à ses obligations internationales. Exigerle respect des droits des Palestiniens ne constitue en rien un acteinamical à son égard mais est le simple rappel d’une obligation detous les États au regard du droit international et des conventionsque l’État d’Israël a d’ailleurs ratifiées.

La reconnaissance de l’État de Palestine par la Belgique consti-tuera un signal fort en direction des autorités israéliennes et signi-fiera clairement que seules des négociations dans le cadre onusienet dans le respect des résolutions du Conseil et de l’Assemblée générale sont en mesure d’aboutir à une paix juste et durable. Ce sera aussi pour la Belgique l’occasion de rendre hommage demanière exemplaire à l’un des plus remarquables représentants dela cause palestinienne dans notre pays, notre ami Chawki Armali.

palestine no 55Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche,

Nadia Farkh, Pierre Galand, Julien Masri, Christiane Schomblond,Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée.

Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl

Siège social rue Stévin, 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles

tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / [email protected]

IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BBGraphisme Dominique Hambye & Élise DebounyAvec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

palestine 03 DOSSIER

« IN DUE « TIME »»

p par Pierre Galand, Président

palestine 02 ÉDITO

DOSSIER

LA RECONNAISSANCE

de l’État dePalestine

Qu’est-ce qui a fait qu’elle a pu se réaliser? Quelles en sont les conséquences immédiate et les implications pour le futur ? Ce dossier tente de répondre à toutes ces questions. Leila Shahid, Ambassadeur de la Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg la replacedans ce contexte et revient plus largement dans un entretien qu’elle nous a accordé sur la stratégie palestinienne (pages 4 et 5). Mais au-delà des manœuvres diplomatiques de l’Autorité palestinienne, la mobilisation de la société civile a été également pour beaucoup dans ce succès diplomatique (pages 6 et 7). La réaction israélienne ne s’est, quant à elle, pas fait attendre avec l’annonce, dès le lendemain du vote à l’Assemblée générale, de la construction de 3000 nouveaux logements israéliens sur le site de E1 en Palestine occupée (pages 8 et 9).

© A

ctiv

estil

ls.o

rg

Page 3: Palestine n°55

Entretien avec Leila Shahid, Ambassadeur de Palestine auprès de l’Union

européenne, de la Belgique et du Luxembourg

palestine 04 DOSSIER RECONNAISSANCE

la poursuite de la colonisation a bloqué le processus de création d’unvéritable État souverain. Pour toutes ces raisons, nous nous sommesalors adressés aux parties tierces, c’est-à-dire la communauté inter-nationale, pour qu’elle assume sa responsabilité de protection du peuple palestinien et se porte garante du respect de ses droits à l’au-todétermination et à la souveraineté. Ce retour vers les Nations Uniesest historique à plus d’un titre. Ce sont les Nations Unies qui ont créél’État d’Israël un 29 novembre 1947 ! Cette reconnaissance de la Palestine fixe, par ailleurs et si Israël le souhaite réellement, les para-mètres d’une future négociation politique, à savoir : les frontières de1967, Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien, le retournégocié des réfugiés palestiniens et l’illégalité des colonies. Le statutd’État observateur non membre n’est pas seulement symbolique. Ilouvre en effet des droits comme l’adhésion au Statut de Rome créantla Cour pénale internationale, mais aussi à toutes les conventions internationales, notamment les Conventions de Genève. La directionpalestinienne étudiera en temps voulu quand elle adhérera aux autresconventions internationales et quand elle ira devant la Cour pénale internationale et ce, en fonction de différents paramètres.

Parmi les évolutions importantes que connaît la région, il y a récemment eu des élections en Israël. Qu’attendent les Pa-lestiniens de la nouvelle direction politique israélienne ? Lesélections israéliennes sont complexes. Il faut noter que les électionsen Israël ont une caractéristique, elles sont toujours anticipées. Parailleurs, sur les 30 partis qui se sont présentés, seuls deux d’entreeux ont inclus dans leur programme la question des relations avecles Palestiniens. Les travaillistes eux-mêmes n’ont pas évoqué lesPalestiniens ! Comme si le Mur enfermait les Palestiniens mais aussiles Israéliens dans une prison psychologique de déni de réalité. Ne-tanyahou, qui a basé toute sa campagne sur un discours populistede la peur, pensait que des élections anticipées allaient le renforcer.Sa formation a perdu 11 sièges. Les autres formations ont réussi àimposer un agenda politique relatif aux questions sociales. YairLapid, grande nouveauté des élections, est lui aussi timide sur laquestion. Peut-être est-ce par calcul politique ? En fait, je ne vois pasdans l’immédiat de changement de politique majeur surtout si Netanyahou revient aux affaires.

Leila Shahid « LA RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE FIXE LES PARAMÈTRES D’UNE FUTURE NÉGOCIATION POLITIQUE »

Propos recueillis par Hocine Ouazraf

En ce début d’année 2013, nous avons invité Leila Shahid, Ambassa-deur de Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et duLuxembourg, à faire le point. La question israélo-palestinienne, bienque très présente dans l’actualité, nécessite toujours une réflexionavec une mise en perspective historique. Le conflit israélo-palestinienest un véritable nœud gordien pour l’avenir de la Méditerranée et lesenjeux qui découlent de sa solution ou non-solution sont énormes surles plans sécuritaire, militaire et politique pour cette région et le restedu monde. Surtout après le Printemps arabe et les récentes électionsaméricaines et israéliennes.

Un des événements les plus importants de l’année 2012 a étél’admission, aux Nations Unies, de la Palestine comme État nonmembre. Pourquoi avoir choisi cette stratégie ? C’est effective-ment une stratégie qui vient ponctuer la fin d’un cycle. En 2011, lePrésident Abbas avait choisi d’aller devant les Nations Unies pourobtenir un siège d’État membre à part entière. C’est en effet le lieu quidit le droit et qui se doit de le mettre en œuvre. Malheureusement, enraison des pressions américaines, nous n’avons pas obtenu les neufvoix nécessaires au Conseil de sécurité. Nous avons donc été, en2012, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, un organemoins soumis aux pressions politiques et nous avons demandé lestatut d’État non membre. Des pressions ont été exercées de la partd’Israël et des États-Unis notamment sur les États de l’Union euro-péenne pour voter contre notre requête ou s’abstenir. Cependant,138 États ont voté en faveur de notre requête, parmi lesquels 14 Étatsde l’Union européenne, 9 contre et 41 abstentions. Il y avait donc, etil faut l’admettre, une unanimité.

Pourquoi aller aux Nations Unies ? Il faut rappeler que l’OLP né-gocie depuis plus de vingt ans et que la personne qui a été en chargede ces négociations est l’actuel Président Abbas. Après 20 ans, il estde notre devoir de faire un bilan de ces négociations. Avant tout, rap-pelons que les accords d’Oslo ont permis aux Palestiniens de revenirvers la mère patrie. L’OLP était un mouvement de libération nationaleen exil et qui a mené la lutte depuis l’extérieur. Ensuite, nous avons arraché le droit de créer nos institutions étatiques. Malheureusement,après l’assassinat de Rabin, le processus dit d’Oslo s’est effondré et

Quel a été l’impact des Printemps arabes sur la question palestinienne ? La presse européenne a sous-estimé l’impact desrévolutions arabes sur la question israélo-palestinienne. Des person-nalités médiatiques comme Bernard-Henri Lévy se sont félicitées del’absence de référence à la Palestine dans les manifestations. Mais iln’a rien compris. Ces révolutions modernes et complexes sont le fait demouvements sociaux n’appartenant à aucune obédience ou parti politique. Ce qui faisait leur force mais a marqué aussi leurs limites,d’où leur échec lors des scrutins. Leur but était clair : délégitimer lespouvoirs en place. Leurs premières revendications concernaient leursdroits de citoyens, ce qui ne veut pas dire que la question palestinienneétait mise de côté. Ce que la presse appelle le Printemps arabe, moi,je l’appelle l’Intifada arabe. L’Intifada, que ce soit en Palestine ou ailleurs, ne connaît pas de frontières. La société civile arabe forme uneunité. Et la Palestine fait partie de cette société civile arabe qui militepour une société de citoyenneté participative, qui construit sa propredémocratie, peut influer sur des questions, notamment la question palestinienne et changera le rapport de force vis-à-vis d’Israël.

Comment voyez-vous le mouvement de solidarité internatio-nale aujourd’hui ? Notre victoire aux Nations Unies est aussi sa victoire. Dans ce nouveau monde post-guerre froide marqué par les idéologies extrémistes, la primauté du droit devrait permettre d’assurer un recul de ces idéologies au profit de valeurs universelles.Il faut faire en sorte que des valeurs laïques nobles soient au fonde-ment de la solution des conflits, une sorte d’universalité des valeursC’est dans cet esprit que doit s’inscrire le mouvement de solidarité internationale avec le peuple palestinien mais aussi avec les acteursdu Printemps arabe en Égypte, en Syrie et en Tunisie. Ce qui nesemble pas être le cas d’États à l’image des États-Unis qui consi-dèrent le rapport de force comme base de solution du conflit israélo-palestinien et qui veulent se débarrasser du corpus du droitalors que les mouvements de solidarité plaident la primauté du droitcomme mode de résolution du conflit. C’est pour cette raison que lessociétés civiles sont aujourd’hui de véritables acteurs politiques. Ellessont à l’origine du revirement du vote belge et européen aux NationsUnies en faveur de la Palestine ! Des actions citoyennes comme le Tribunal Russell sur la Palestine participent de cette dynamique.

Je voudrais maintenant aborder les élections américaines.Obama va-t-il faire mieux pour la paix lors de son deuxièmemandat ? Les mandats sont courts, il doit donc se fixer des priorités.Il ne voudra pas se pencher à nouveau sur cette question étant donnél’échec de sa politique moyen-orientale, lors de son premier mandat.Je crois qu’il était sincère quand il disait vouloir voir l’État de Pales-tine admis aux Nations Unies lors de son premier mandat. Mais il adû reculer du fait des pressions et de sa volonté de se représenter. Il avait pour cela besoin des voix de l’électorat pro-israélien améri-cain et de ceux qu’on appelle les chrétiens sionistes. En fait, il a faitpreuve de faiblesse. Au niveau international, il a affirmé sa volonté dese centrer principalement sur l’Asie. Mais face à l’actualité, Obama a été obligé de réagir. C’est ce que nous avons vu au moment de l’offensive israélienne en novembre 2012 contre Gaza où il a dépêchéson ministre des Affaires étrangères sur place, craignant une désta-bilisation de la région.

La question israélo-palestinienne reste donc centrale aux États-Unis.S’il le voulait, Obama pourrait rompre avec l’héritage unilatéraliste deBush et travailler de concert avec les Européens et les Arabes. On peutaisément imaginer que ces trois parties soient à l’origine d’une initiativede paix et qu’ils accompagneraient les protagonistes du conflit dans samise en œuvre. La Ligue arabe est très active sur le dossier israélo-palestinien ces derniers mois, après avoir eu un rôle diplomatique quasiinsignifiant dans le passé. Mais il faut attendre de voir quelle sera lapolitique de John Kerry, nouveau secrétaire d’État aux Affaires étran-gères, qui s’est toujours intéressé à la question du Proche-Orient.L’Union européenne essaye de remettre les droits de l’Homme aucœur de sa politique de voisinage dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, mais elle doit tenir compte du dossier palestinien quireste un nœud gordien. Mais malgré leur bonne volonté, ces trois acteurs sont handicapés par la politique de Netanyahou qui poursuitune politique des faits accomplis sur le terrain et dont l’arrogance va enaugmentant. Celui-ci pourrait choisir la fuite en avant en déclenchantune guerre contre l’Iran.

« Ce retour vers les Nations Unies est historique à plus d’un titre.

Ce sont les Nations Unies qui ont créél’État d’Israël un 29 novembre 1947 ! »

Page 4: Palestine n°55

palestine 06 DOSSIER RECONNAISSANCE

Le 29 novembre 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement reconnu la Palestine comme État observateur non membre

à l’ONU. La délégation palestinienne conduite par Mahmoud Abbas pouvaitsouffler, elle avait enfin obtenu le résultat attendu de tous les efforts internationaux

engagés depuis deux ans. C’est donc une victoire, bien que l’avancée soit – pour l’instant du moins – surtout symbolique. La Belgique a, quant à elle, soutenu la demande

palestinienne et cela, grâce à une forte mobilisation de la société civile.

LA RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT PALESTINIEN, UN RÉSULTAT DE LA FORTE

mobilisation de la société civilepar Nathalie Janne d’Othée

UNE RECONNAISSANCE SYMBOLIQUELa reconnaissance apparaît, dans un premier temps, purement sym-bolique parce qu’en soi, elle ne change rien à la situation sur le terrain.De nombreux Palestiniens étaient sceptiques, voire opposés à la démarche de l’Autorité palestinienne (AP). Au premier rang, les réfugiésrappellent qu’une telle reconnaissance ne règle pas la question du droitau retour. D’autres soulignent que le morcellement actuel du territoirepalestinien empêche l’établissement réel d’un État. Bref, les objectionsà la portée d’une telle reconnaissance sont nombreuses.

Au-delà du bien-fondé de ces objections, soulignons néanmoins quela reconnaissance de l’État de Palestine peut offrir de nouvelles opportunités aux Palestiniens. C’est pourquoi Israël s’est opposé àl’initiative et a tenté de convaincre les chancelleries américaine et européennes de ne pas laisser faire Mahmoud Abbas. Le statut d’Étatnon membre permet en effet à la Palestine de devenir signataire desprincipales conventions internationales et ouvrirait par conséquent la possibilité de son adhésion aux mécanismes de contrôle de cesdernières. La Palestine pourrait ainsi porter plainte devant la Cour pénale internationale. Mais une telle décision demanderait un courage politique certain au Président de l’AP, si l’on considère l’op-position internationale à ce que certains qualifient « d’action unilaté-rale contre-productive ». Dès le lendemain de la reconnaissance,Mahmoud Abbas a déclaré n’avoir recours à la CPI « qu’en casd’agression ». Après la nouvelle attaque contre Gaza ou la construc-tion de 3000 nouveaux logements sur le site de E1, l’AP n’a pourtantpas encore osé interpeller la justice internationale.

Mais laissons là les opportunités offertes par la reconnaissance pourrevenir plutôt sur ce qui l’a permise, en particulier en Belgique etdans l’UE.

UNE FORTE MOBILISATION BELGEDès l’annonce, en mai 2011, d’une initiative en ce sens de l’AP en di-rection de l’ONU, la société civile belge lance aussitôt une campagneen faveur de la reconnaissance de l’État palestinien. Plus de 35 organisations, syndicats, ONG, organisations pour la paix et la démo-cratie, associations et comités de solidarité se joignent à l’appel.Connaissant la position de la Belgique, et plus largement de l’Unioneuropéenne quant à l’édification d’un État palestinien, la demande de reconnaissance ne semble pas en contradiction avec celle-ci et apparaît donc relativement facile à obtenir.

De multiples appels sont lancés au gouvernement alors en affairescourantes ainsi qu’aux présidents des principaux partis, francophoneset néerlandophones. Une grande manifestation est organisée le 21 septembre 2011. Or la position de la Belgique se profile en deçàdes attentes, en s’alignant sur un improbable consensus européen. Le 12 juillet 2011, le Sénat vote une résolution en faveur de la recon-naissance de l’État palestinien « en concertation avec les partenaireseuropéens et ce, dans les frontières de 1967 ». Proposé par MarieArena (PS) et Bert Anciaux (sp.a), le projet de résolution est adopté par43 voix pour et 11 abstentions (l’Open Vld, 3 élus du MR et le VB).

Mais la question d’une éventuelle reconnaissance de la Palestine auxNations Unies ne se pose finalement pas pour la Belgique en 2011. Le23 septembre 2011, Mahmoud Abbas annonce, devant l’Assembléegénérale, la volonté de la Palestine de devenir un État membre desNations Unies. Or la procédure pour accéder à ce statut requiert une reconnaissance par le Conseil de sécurité, soit une majorité de 9 votessur 15, en ce compris les cinq membres permanents. L’Autorité pales-tinienne comprend vite que si elle réussit – difficilement – à convaincreune majorité des membres du Conseil de sécurité, elle ne pourra par

ailleurs pas contourner le veto des États-Unis. Mahmoud Abbasachève donc 2011 sur un échec, bien que l’initiative ait eu l’avantagede remettre la question palestinienne à l’agenda international.

Depuis, peu d’informations filtrent en 2012 sur ce que l’AP comptedonner comme suites à sa démarche. Mais la date de l’Assembléegénérale des Nations Unies se rapprochant, la rumeur d’une nouvelledemande finit par être confirmée, mais cette fois pour faire partie del’AG en tant qu’Etat non membre observateur.

Lors d’une rencontre avec le cabinet de Didier Reynders, devenuentre-temps ministre des Affaires étrangères, une délégation de la société civile apprend que la Belgique s’abstiendra lors du vote àl’ONU pour se conformer à la position de l’UE (voir encart sur l’UE et la reconnaissance de la Palestine). Et pourtant, aucun consensuseuropéen ne se dégage. Or la résolution du Sénat prône avant tout la reconnaissance, même si elle préconise la concertation avec lesautres États membres.

Un dernier effort sera alors réalisé par la société civile, via des inter-pellations par mail et par téléphone, pour forcer un changement de la position belge. Plusieurs partis de l’opposition et de la majorité sesont également mobilisés dans les jours qui ont précédé le vote à l’Assemblée générale.

Après un kern extraordinaire convoqué par le PS et le cdH, la Belgiquedécide enfin de soutenir la requête palestinienne à l’ONU. Il est néan-moins étonnant qu’une telle mobilisation ait été nécessaire, alors quela Belgique avait déjà reconnu la Palestine à l’UNESCO. Le ministredes Affaires étrangères comptait donc prendre une décision là-dessussans concertation aucune avec le reste du gouvernement et, en dépitde la résolution du Sénat en faveur de la reconnaissance.

Aujourd’hui, la Palestine est un État non membre observateur à l’As-semblée générale des Nations Unies, au même titre que le Vatican et cela, en partie grâce au vote de la Belgique. Pour la Palestine, le statut d’État non membre signifie avant tout être internationalement reconnu comme un État, un acquis de fait qui ne puisse être mis à mal par des négociations. Mais sa reconnaissance pleine et entièren’adviendra que lorsqu’elle sera reconnue bilatéralement par une ma-jorité d’États. Pour être cohérente avec ses choix à l’UNESCO et à l’AG,mais aussi avec le rehaussement du statut de la Déléguée généralede Palestine à celui d’Ambassadeur, et pour lancer la dynamique ausein de l’UE, il serait assez logique que la Belgique poursuive sur salancée et reconnaisse bilatéralement la Palestine sans tarder.

L’UE ET LA RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE Le vote sur la Palestine à l’ONU a une fois de plus mis en évidence la division de l’Europe sur la question palestinienne : 14 pays membres ont soutenula demande palestinienne, 12 se sont abstenus, 1 seul Etat a voté contre, ce qui constitue un sérieux revers pour Israël.

Si Catherine Ashton, qui tient les rênes de la diplomatie européenne, a plaidé pour l’abstention, c’est finalement à une division sur des lignes régionales à laquelle nous avons assisté. D’un côté, les pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark), les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et les pays du Sud (Malte, Espagne, Italie, Portugal et Chypre) ont voté en bloc en faveur de la Palestine. De l’autre, les pays de l’Est qui se sont tous abstenus à l’exception de la République tchèque qui, en votant contre, a affirmé son isolement.

Les pays du centre-ouest de l’Europe ont, quant à eux, voté en ordre dispersé : la France, la Belgique, l’Irlande, l’Autriche, l’Italie et le Luxembourg ontsoutenu la requête palestinienne, alors que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne se sont abstenus. Parmi les revirements intéressants par rapport au vote sur l’accession de la Palestine à l’UNESCO, on notera ceux de l’Allemagne et des Pays-Bas, quipassent du non à l’abstention et celui de la Suède, qui change radicalement de position, en passant du non au oui. À remarquer également : le Luxembourg, Malte et l’Autriche ont été les premiers à se positionner en faveur de la requête palestinienne et la Grande-Bretagne s’est déclarée prête à voter positivement… si l’Autorité palestinienne s’engageait à ne pas saisir la Cour pénale internationale. K.L.

La reconnaissance pleine et entière de la Palestine n’adviendra que

lorsqu’elle sera reconnue bilatéralement par une majorité d’États.

Page 5: Palestine n°55

Israël. C’est ce qu’a récemment démontré un rapport publié par 22 organisations européennes, dont la Fédération internationale desdroits de l’homme et Broederlijk Delen. Sorti le 30 octobre 2012, etpréfacé par l’ancien Commissaire européen aux relations extérieures,Hans van den Broek, le rapport « La paix au rabais : comment l’Unioneuropéenne renforce les colonies israéliennes » annonce la couleurdès son intitulé. Selon cette analyse, les Palestiniens sont double-ment victimes, et l’UE encouragerait cet état des choses.

Le rapport montre comment deux économies se côtoient en Cisjorda-nie: celle des colonies et celle des territoires palestiniens. L’économiedes colonies est en grande partie subventionnée par l’État, via desaides à la production ou à l’exportation. Parallèlement, l’économie palestinienne est, quant à elle, réduite comme une peau de chagrin dufait de l’occupation israélienne. Le vol des terres, la colonisation et lesévictions et démolitions de maisons qui l’accompagnent, l’exploitationdes ressources hydriques, les restrictions de la mobilité, tous ces faitsont contribué à anéantir l’économie palestinienne. Alors que les ex-portations représentaient plus de la moitié du PIB palestinien dans lesannées 80, elles sont aujourd’hui tombées en dessous des 15%.

L’UE a, pour sa part, conclu des accords commerciaux préférentielsavec Israël et avec les Palestiniens. Mais l’effondrement de l’écono-mie palestinienne pour les motifs cités plus haut rend ces accordspeu opérants pour les Palestiniens, alors que le marché européen représente le premier marché d’exportation pour les produits israéliens.Or l’accord entre l’UE et Israël n’inclut ni interdiction, ni obligation d’étiquetage distinctif des produits issus des colonies. Ce qui permetdonc aux Israéliens d’exploiter la terre, l’eau et la main-d’œuvre desterritoires palestiniens occupés, tout en bénéficiant, pour les produitsissus des colonies, d’un accès privilégié au marché européen aumême titre que les produits proprement israéliens.L’attitude européenne est non seulement contraire au droit interna-tional puisqu’elle conforte ainsi une violation par Israël du droit inter-national (IVe Convention de Genève, art.49 ; Règlements de La Haye,art. 55); elle est aussi en contradiction flagrante avec les moyens engagés par l’UE dans l’édification d’un État palestinien et avec sacondamnation ferme de la colonisation.

Israël a récemment annoncé la création de 3000 nouveaux logements sur le site de E1.

Les protestations contre cette décision se sont fait entendre partout dans le monde, mais n’ont

entraîné aucune sanction réelle à l’encontre d’Israël. Un rapport publié par 22 organisations européennes souligne

les incohérences de l’Union européenne et des ses États membres et les invite à agir de manière conséquente.

Colonisation3000 NOUVEAUX LOGEMENTSSUR LE SITE DE E1: EN QUOI L’UE EST-ELLE RESPONSABLE ?par Nathalie Janne d’Othée

palestine 08 DOSSIER RECONNAISSANCE

niveau européen, il reviendra aux États membres de la mettre en pratique au niveau national.

Outre l’arrivée de produits israéliens sur le marché européen, de nom-breuses entreprises multinationales européennes opèrent égalementdans les colonies comme c’est le cas d’Alstom, Veolia et G4S. Làaussi, bien que n’étant pas eux-mêmes directement responsables de violations des droits humains, les États européens pourraient dissuader leurs entreprises de poursuivre des relations commercialeset des investissements dans les colonies israéliennes.

Les États ont encore la latitude d’exclure les entreprises impliquéesdans la colonisation de tous les accords ou appels d’offres de l’UE.L’accord ACAA sur la conformité et l’acceptation des produits devraitainsi inclure une clause qui fasse la distinction entre les produits issusdes colonies et ceux provenant du territoire israélien.

En ce qui concerne les transactions financières, le rapport suggèreenfin que les États prennent l’initiative de retirer de leurs régimes dedéduction fiscale toutes les organisations qui financent les colonies oude bloquer les transactions financières venant en soutien des colonies,qu’elles émanent de citoyens, d’entreprises ou d’organisations.

L’UE a beau se déclarer « profondément consternée », elle n’a jamaisrien fait pour signifier concrètement sa désapprobation au gouver-nement israélien. Bien au contraire, en tissant avec Israël des liensde plus en plus étroits, elle l’encourage à persévérer dans sa poli-tique de colonisation. On peut donc considérer qu’en ce sens, l’UEa sa part de responsabilité dans le feu vert de Netanyahou à laconstruction de 3000 nouveaux logements sur le site E1. Aujourd’hui,il est temps que les choses changent, que l’UE assume enfin sesobligations et manifeste le minimum de courage politique nécessairepour prendre des initiatives qui aboutiraient à ce qu’Israël réalise qu’ilne peut agir indéfiniment en toute impunité.

À l’annonce du feu vert du gouvernement Netanyahou à la constructionde 3000 nouveaux logements sur le site E1, le Conseil des ministresdes Affaires étrangères de l’UE a encore tenu un discours en confor-mité avec ses positions sur la colonisation : « L’UE est profondémentconsternée et s’oppose fermement aux plans israéliens visant à étendre les colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et enparticulier les plans pour développer la zone E1. Le plan E1, s’il estappliqué, porterait sérieusement atteinte aux perspectives d’une résolution négociée au conflit en mettant en danger la possibilité d’un État palestinien voisin et viable, ainsi que de Jérusalem comme capitale de deux États. Il pourrait aussi entrainer des transferts forcésde populations civiles. À la lumière de son principal objectif qui estcelui de parvenir à une solution à deux États, l’UE suivra de près la situation et ses implications plus larges, et agira en fonction. L’UE répète que toutes les colonies sont illégales en vertu du droitinternational et constituent un obstacle à la paix » (Conseil de l’UE, Affaires étrangères, 10 décembre 2012).

DE NOMBREUX MOYENS D’ACTION Mais en fait, que pourrait réellement faire l’UE? Le rapport des 22 or-ganisations démontre que les moyens d’action de l’UE sont nombreux.Il propose premièrement un minimum : l’UE et ses État membres peuvent exiger un étiquetage distinctif sur les produits provenant descolonies israéliennes et cela, afin que le consommateur puisse agirde manière éclairée. Mais comme nous l’avons rappelé dans le précédent Palestine (n°54, novembre 2012), demander un étiquetagerevient à se fier à l’honnêteté d’Israël et de ses entreprises. Or on saità quoi s’en tenir si l’on considère la découverte faite récemment parl’organisation Corporate Watch dans la colonie de Beqa’ot situéedans la Vallée du Jourdain de caisses Mehadrin étiquetées « Produitsd’Israël ». Au-delà de ça, permettre la présence de produits de provenance illégale sur nos marchés et dans nos supermarchés,même dûment étiquetés, revient en fait à leur conférer une certaine légitimité. Enfin, pourquoi laisser le juste choix au consommateur,alors que le respect du droit international est d’abord du devoir del’État ? Le rapport « La paix au rabais » propose alors une démarcheplus cohérente qui est d’interdire d’accès au marché européen cesproduits illégaux. Et tant que la mesure ne fait pas consensus au

L’UE a beau se déclarer “profondément consternée”, elle n’a jamais rien fait pour signifier concrètement sa

désapprobation au gouvernement israélien.

© F

redo

Bah

d

Le 30 novembre 2012, au lendemain de la reconnaissance de la Palestine comme État observateur non membre à l’ONU, le gouverne-ment israélien annonçait la construction de 3000 nouveaux logementsdans la zone E1, entre Jérusalem-Est et la colonie de Maale Adumimsituée en Cisjordanie. Tous les observateurs ont analysé la décisioncomme une mesure de représailles à l’initiative palestinienne à NewYork. Les chancelleries ont à l’unanimité condamné Israël pour cetteénième marque d’arrogance. Les États-Unis et l’Allemagne eux-mêmes, pourtant généralement très prudents sur ce terrain, ont clairement marqué leur désapprobation.

LA ZONE E1, UN PROJET ISRAÉLIEN DE LONGUE DATELe plan israélien élaboré pour cette zone ne date pas d’hier. Il a étésigné en 1994 par le Premier ministre travailliste Yithzak Rabin et aété repris par tous les gouvernements israéliens depuis lors. Il prévoit3500 logements, une zone industrielle, des commerces, des hôtels,une université. Cependant, ce plan n’a jamais pu être réalisé du faitd’une stricte opposition des États-Unis au projet. La zone concernéeest en effet particulièrement sensible puisque la construction d’unecolonie y empêcherait tout développement futur des quartiers arabesde Jérusalem-Est et relierait la ville à la colonie de Maale Adumim,coupant ainsi définitivement la Cisjordanie du nord de celle du sud.L’administration Bush, pourtant très soucieuse de ses bonnes relations avec Israël, s’y était opposée elle aussi, comprenant que ceprojet réduirait à néant la viabilité d’un futur État palestinien.

Qu’est-ce qui a changé la donne aujourd’hui ? Qu’est-ce qui permetalors à Israël d’accorder aujourd’hui les permis de construction surcette zone ? Sans doute sa certitude maintes fois avérée qu’au-delàde quelques condamnations verbales et regrets polis de la commu-nauté internationale, aucune sanction ne lui sera jamais imposée.L’État d’Israël jouit de facto d’une impunité totale.

LES INCOHÉRENCES DE L’UEMais ce n’est pas tout. L’UE a ainsi une attitude complètement incohérente, condamnant en théorie la colonisation et l’encourageantobjectivement par ailleurs par un renforcement de ses relations avec

Page 6: Palestine n°55

L’ABP a décidé de publier la lettre d’appel de soutien d’urgence de Michel Warshawski. En effet, faute de subsides, le Centre d’information

alternative (AIC) qu’il a fondé risque de fermer. L’AIC est notre partenaire de toujours. Par ses publications à contre-courant et

bien documentées, par ses nombreux exposés sans concession et son accompagnement lors de nos missions

et visites sur le terrain, l’AIC contribue courageusementà dénoncer en Israël et hors d’Israël la politique

coloniale de son pays et à combattre pourl’égalité entre Palestiniens et Israéliens.

Toutes les personnes qui ont participéaux missions civiles ont pu

rencontrer Michel qui nous atoujours reçus avec chaleur.

Le 23 janvier, au lendemain des élections israéliennes, vousn’avez certainement pas manqué de vous précipiter sur tous

les médias, belges et européens, qui vous tombaientsous la main. Et pour peu que vous n’ayez pas la

mémoire des chiffres ou un modèle de comparaison, vous vous êtes dit, ainsi qu’on

vous le suggérait, que l’électorat israélienavait remis la balle au centre,

désavouant ainsi la politique de colonisation à outrance du

gouvernement sortant…

palestine 11 AIC

Le Centre d’information

alternativeREÇOIT LE PRIX DES DROITS DE L’HOMME DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET… DOIT METTRE LA CLEF SOUS LE PAILLASSON !

Jérusalem, avec tout ce que cela implique en termes de recul pour laréalisation de notre mission.

Nous voudrions à tout prix éviter la fermeture de notre bureau et pouvoir retrouver le plus rapidement possible nos capacités d’actionantérieures. C’est la raison de cet appel à vous, nos ami/es et parte-naires. Vous connaissez l’importance de l’AIC et de sa mission, etnous vous demandons de vous mobiliser et de mobiliser vos adhé-rents ainsi que vos partenaires et vos connaissances pour un soutiend’urgence au Centre d’Information Alternative. Toute aide financièresera la bienvenue, même de petites sommes. Vous pouvez nous faireparvenir vos dons, soit par virement de carte bancaire – ce qui estpréférable et bon marché – soit par chèque, soit par un virement ànotre compte bancaire. Tous les détails se trouvent sur notre site internet (alternativenews.org) ou en contactant Connie, notre direc-trice administrative ([email protected]).

Il serait inimaginable qu’au moment où nous recevons ce prestigieuxPrix des droits de l’Homme, nous dussions fermer boutique. Aidez-nous à passer cette mauvaise passe.Nous comptons sur vous.

Michel WarschawskiConseil d’Administration/Centre d’Information Alternative

Si vous voulez aider l’AIC et pour plus de facilité, vous pouvez verser vosdons sur le compte de l’ABP BE30 001260399711, avec la mention explicite « solidarité avec l’AIC ». Nous les reverserons intégralement àl’AIC. Merci d’avance.

Cher/es amiesL’objet de cette lettre est double, une bonne nouvelle et une mauvaisenouvelle.La bonne nouvelle est que le Centre d’Information Alternative que j’ailongtemps dirigé et dont je reste un membre actif vient de recevoir lePrix des droits de l’Homme de la République Française. Il s’agit làd’une reconnaissance institutionnelle dont on ne peut sous-estimerl’importance, et les réactions hystériques du Conseil [dit] Représen-tatif des Institutions Juives de France sont là pour le confirmer. L’AICest fière de voir ainsi saluée son action pour une coopération israélo-palestinienne dans le combat contre le colonialisme et pour l’égalité.Tout comme nous sommes fiers d’avoir été dénoncés cette semainepar l’organisation néoconservatrice «NGO Monitor » comme l’organi-sation qui en a fait le plus dans la dénonciation des derniers crimesisraéliens à Gaza.

La mauvaise nouvelle est que nous allons devoir fermer notre bureauà Jérusalem-Ouest par manque de financements. Ce bureau quebeaucoup d’entre vous ont connu est non seulement un lieu de tra-vail pour une partie de notre équipe, mais surtout un espace mis enpermanence à la disposition de l’ensemble du mouvement social etassociatif à Jérusalem-Ouest ainsi qu’une adresse incontournablepour des centaines de militants internationaux qui viennent chaqueannée en mission ou en délégation en Palestine/Israël.

Suite à la crise économique et sociale qui a gravement touché nospartenaires européens, nos ressources ont été réduites cette annéede plus de 50%, et nous avons été obligés de licencier près de lamoitié de notre équipe. Les salaires en outre n’ont pas été payés depuis deux mois. Il s’agit maintenant de fermer notre bureau de

ÉLECTIONS ISRAÉLIENNESNetanyahou a perdu,

mais l’extrême droite a gagné par Henri Wajnblum

autant que la droite pure et dure a subi un revers tel qu’il laisseraitentrevoir une lueur d’espoir aux Palestiniens ?

Il n’en est malheureusement rien, bien au contraire… La représentationparlementaire actuelle du Likoud, dont certaines figures considéréescomme «modérées» ont été évincées lors des primaires du parti, esten effet très clairement passée de la droite extrême à l’extrême droite.Et ce serait aussi sans compter sur le réel succès du parti Bayt Yehudi(La maison juive) de Naftali Bennet qui passe de 3 à 12 sièges. BaytYehudi peut être considéré comme le parti des colons idéologiqueset son nouveau leader, Naftali Benett, pour lequel «un État palesti-nien serait un suicide national », prône ouvertement l’annexion pure etsimple de la plus grande partie de la Cisjordanie, à savoir la zone Cqui se trouve toujours sous contrôle total de l’armée israélienne !

Reste, sur la question israélo-palestinienne, la véritable opposition…À savoir le Meretz avec 6 députés, le parti communiste post-marxisteHadash avec 4 députés et les deux partis arabes israéliens Raam-Taal avec 4 députés et Balad avec 3 députés, soit 17 députés au total.Il est évidemment trop tôt, au moment où ces lignes sont écrites, poursavoir comment sera composée la future coalition. On a vu que Netanyahou pourrait gouverner avec le seul bloc d’extrême droite appuyé par le Shas et le parti unifié de la Torah puisqu’il disposeraitde 61 voix à la Knesset. Ce serait évidemment une majorité fort fragile. Peut-être sera-t-il alors tenté de faire appel à Yaïr Lapid fort de ses 19 députés. Mais ce ne sera pas une mince affaire car le pro-gramme de Lapid, qui veut en terminer avec l’exemption de servicemilitaire des religieux orthodoxes, va buter sur le veto absolu des partis religieux. Va-t-il, dans ces conditions, oser tenter l’aventure aurisque de «manger son chapeau» dès l’entame de la législature ?L’avenir nous le dira. Mais ce qui est certain, c’est que, quelle quesoit la coalition gouvernementale qui verra le jour, elle ne présagerastrictement rien de bon pour le peuple palestinien.

MAIS OÙ SONT-ILS DONC ALLÉS CHERCHER ÇA ?Qu’on en juge… Dans la Knesset (parlement israélien) sortante, lecentre – travaillistes, que l’on ne peut décemment classer au centregauche, et Kadima (En avant), le parti de Tzipi Livni – comptait 41 sièges : 13 pour les travaillistes et 28 pour Kadima. Aujourd’hui(résultats définitifs publiés le 24 janvier par la commission électorale),il n’en compte qu’un de plus : travaillistes 15 ; Yesh Atid (Il y a un avenir) le nouveau parti de Yaïr Lapid, ancien journaliste vedette de laTV, 19 ; Hatnuah (Le mouvement), le nouveau parti de Tzipi Livni 6 etKadima, dirigé par le faucon Shaul Mofaz, 2 soit 42 au total. Commeraz-de-marée centriste, on fait mieux.

En réalité, Shelly Yachimovich est l’actuelle dirigeante du parti travaillisteet l’écrivain Amos Oz estime qu’elle est pire que son prédécesseur,Ehoud Barak, ce qui n’est pas peu dire. En effet, explique-t-il, là où,face à la question palestinienne, Barak disait « Il n’y a pas de solution»,Yachimovich, elle, affirme « Il n’y a pas de problème » ! Cela lui a certainement fait perdre des voix de gauche en faveur du parti de centre gauche Meretz (Vigueur), permettant ainsi à celui-ci de passerde 3 à 6 députés. Donc, disais-je, le parti travailliste, Yesh Atid et Hat-nuah se sont essentiellement nourris sur la dépouille de Kadima qui asubi une véritable bérézina. D’un centre à l’autre donc, rien de plus.

Autre affirmation péremptoire de nos médias : la droite et BenyaminNetanyahou sont en net recul… Il est vrai que le bloc de la droite ex-trême et de l’extrême droite, appuyés par les partis ultra-orthodoxesShas et le parti unifié de la Torah, comptaient 65 députés dans la précédente législature et qu’il n’en comptent plus que 61, soit toutjuste la majorité absolue. Il est vrai aussi que le cartel formé par le Likoud de Benyamin Netanyahou et Israel Beitenu (Israël notre mai-son) d’Avigdor Lieberman qui comptaient précédemment, ensemble,42 députés (27 pour le Likoud et 15 pour Israel Beitenou) a essuyéune fameuse déculottée et n’en compte plus aujourd’hui que 31 (20 pour Netanyahou et 11 pour Lieberman). Faut-il en conclure pour

palestine 10 ÉLÉCTIONS

Page 7: Palestine n°55

Le 14 novembre 2012, Israël lance contre la bandede Gaza une offensive militaire d’envergure par mer,

par air et par terre. Pour de nombreux observateurs, cette énième opération militaire contre la bande de Gaza avait

un air de déjà-vu. Officiellement présentée comme une réponseaux attaques à la roquette ciblant le sud d’Israël, cette escalade

militaire obéit en fait à une logique politique et militaire beaucoup plussournoise de l’État d’Israël. L’opération militaire baptisée Pilier de

défense n’est en effet que la répétition d’un scénario bien rodé auquel les responsables politiques et militaires israéliens nous ont accoutumés de longue date.

palestine 12 DOSSIER GAZA

trêve sous supervision égyptienne au moment où il fut assassiné par les forces militaires israéliennes, ce qui lui valait le sobriquet de « sous-traitant » de l’État d’Israël. Qu’on ne s’y trompe pas, en l’as-sassinant, Israël faisait clairement le choix de provoquer les foudresdu Hamas et radicaliser ses partisans.

UNE LOGIQUE DE LA RADICALISATION OU COMMENT ANNIHILER LES PARTISANS DE LA SOLUTION POLITIQUE Ayant rejeté le processus de paix, le Hamas va connaître cependantces dernières années une évolution qui le conduira vers plus de prag-matisme. Partisan de la lutte armée, il affiche clairement sa volontéd’entrer dans le jeu politique en participant notamment aux électionspalestiniennes de 2006. En acceptant, en 2006, le document d’ententenationale à l’initiative de plusieurs factions palestiniennes, le Hamasreconnaît de manière implicite l’existence de l’État hébreu. Conscientdu rapport de forces en sa défaveur et partisan de la realpolitik, leHamas tente de contrôler, voire d’éradiquer le lancement de roquettesdepuis la bande de Gaza par des groupes islamistes tels que le Jihadislamique, allant même jusqu’à créer une force de plusieurs centainesd’hommes dans ce but. Pour Jean-François Legrain, spécialiste reconnu du Hamas : « Depuis son accession aux affaires par la voiedes urnes en 2006, et tout particulièrement depuis 2007 et sa prise decontrôle exclusif de la bande de Gaza, il n’a eu de cesse de garantir,tant bien que mal, un bas niveau de violence aux frontières de l’Étathébreu. Il se montrait, par-là, conscient de la réalité du rapport desforces en présence mais également des responsabilités induites par la prise en charge du quotidien d’un million et demi de citoyenssoumis à un implacable blocus. » Une telle attitude sera condamnée

L’opération « Pilier

de défense À GAZA, UN AIR DE DÉJÀ-VUpar Hocine Ouazraf

UN SCÉNARIO BIEN RÔDÉLes dernières offensives militaires israéliennes contre la bande deGaza suivent une stratégie militaire et politique bien huilée. Elles interviennent en effet à intervalles réguliers dans des contextes politiques relativement calmes durant lesquels une trêve militaire est apparemment observée par les deux parties. Trois exemples illustreront notre propos : – Ainsi, en 2003, l’« élimination ciblée » d’Ismail Abou Chanab, pourtantà l’origine d’une trêve avec Israël que le Hamas respectait scrupuleuse-ment, provoque la reprise des hostilités militaires de la part de celui-ci.– En 2006, c’est l’assassinat extrajudiciaire d’un cadre des Comitésde résistance populaire de Gaza qui entraîne la capture du soldatShalit par le mouvement palestinien. – En 2008/2009 enfin, l’assassinat de 6 militants du Hamas et la rupturede la trêve par les forces militaires israéliennes ont pour conséquencele déclenchement de l’opération Plomb durci qui a coûté la vie à 1400Palestiniens, dont une majorité de civils.

Des « éliminations ciblées » qui ressemblent à s’y méprendre auxnombreuses autres qui suivront et qui seront, elles aussi, à l’originede confrontations militaires sanglantes entre Israël et le mouvementde résistance du Hamas, à l’image de la dernière confrontation denovembre 2012. Ainsi, les assassinats par les Israéliens, le 14 no-vembre 2012, d’Ahmad Jaabari, de son fils et de son garde du corps,au moyen d’un missile, répondent à la même logique. Responsablemilitaire influent du Hamas, Ahmad Jaabari était connu pour avoir obtenu la libération du soldat Shalit contre celle de 1000 prisonnierspalestiniens. Au-delà de cet épisode, il avait aussi négocié une trêveentre Israël et le Hamas au lendemain de l’opération Plomb durci (décembre 2008/janvier 2009) et s’apprêtait à négocier une nouvelle

DOSSIER

GazaÀ NOUVEAU

SOUS LES BOMBES

Après une semaine de frappes aériennes intensives, l’opération militaire israélienne Pilier de Défense laisse à nouveau la bande de Gaza exsangue. Quatre ans à peine après l’opérationPlomb durci, le même scénario se reproduit : approche des élections israéliennes, silence de la communauté internationale, musèlement et intimidations de la presse internationale. Pour se rappeler que Gaza est également un lieu de vie et de création, ce dossier se clôture par la présentation de l’œuvre de l’artiste gazaouïe Laila Shawa qui rencontre un grand succès.

Page 8: Palestine n°55

palestine 15 DOSSIER GAZA

DES CALCULS ÉLECTORAUX CYNIQUES En Israël, de l’avis même de certains observateurs israéliens de lapolitique de l’État hébreu, les échéances électorales sont propicesaux attaques militaires contre leurs voisins. De nombreux précédentsattestent de cette triste réalité. En 1996, lors de l’opération militaire israélienne Raisins de la colère contre le Liban et en 2008/2009 lors de l’opération Plomb durci, ce sont à chaque fois des calculsélectoraux cyniques qui ont conduit Israël à engager des attaquesmilitaires sanglantes contre ces deux territoires. Benjamin Netanya-hou, l’actuel Premier ministre israélien, n’échappe pas à cette règle.Lui aussi avait derrière la tête des considérations électoralistes enlançant l’attaque contre la bande de Gaza. N’ayant pu obtenir l’avalde l’administration américaine et de son président Barack Obamapour une attaque contre les installations nucléaires iraniennes et crai-gnant une admission de la Palestine comme État non membre auxNations Unies, il a préféré la fuite en avant en s’attaquant au maillonfaible qu’est la bande de Gaza.

La résistance du Hamas et la portée de plus en plus longue des missiles envoyés sur Israël auront réussi à dissuader les responsablesmilitaires israéliens de se lancer dans une offensive terrestre. Mais aussiet surtout, ces deux éléments combinés auraient produit un effet inversesur l’opinion publique israélienne de celui escompté par le Premier ministre israélien. En effet, la chute de missiles sur Tel-Aviv aurait portésérieusement atteinte aux ambitions électorales de ce dernier.

par les autres groupes de la résistance armée qui ont éclos ces derniers temps et une partie de sa base pour qui le Hamas agit ainsien force supplétive de l’État d’Israël. Ils lui reprochent, entres autres,de ne pas aller assez loin dans ses opérations militaires malgré les offensives israéliennes et la poursuite du blocus de la bande de Gaza.Il est d’ailleurs avéré que les dernières attaques à la roquette contrele sud d’Israël n’étaient pas le fait du Hamas. Dans sa logique de luttecontre le Hamas, Israël a toujours voulu discréditer l’organisation auxyeux de sa propre population en la rendant responsable du sort quilui est infligé par les responsables politiques et militaires israéliens.Loin d’obtenir les résultats escomptés, les agressions militaires israé-liennes à répétition renforcent la crédibilité du mouvement Hamas. Lecalcul politique israélien est d’autant plus sournois qu’en attaquantmilitairement la bande de Gaza, Israël savait pertinemment que leHamas ne pouvait que réagir militairement. Ce qui entraînerait aussi-tôt de la part des pays occidentaux un soutien sur lequel Israël saitqu’il peut compter. L’appui inconditionnel d’Israël auquel nous onthabitués les pays occidentaux ne s’est d’ailleurs pas fait attendre.Les États-Unis, par la voix de leur président Barack Obama, et l’Unioneuropéenne, par la voix de sa Haute représentante pour la politiqueétrangère Madame Ashton, ont aussitôt reconnu à Israël le droit de sedéfendre. D’autant que, dans le contexte international de lutte contrele terrorisme dit « islamiste », Israël n’a de cesse d’instrumentaliser laquestion de Gaza en l’inscrivant dans le registre de ce combat,compte tenu du référent religieux dont le Hamas s’est affublé. Lepoint culminant de cette stratégie de diabolisation du Hamas par Israël est de rejeter toute perspective de contacts politiques – autresque sécuritaires – en prétendant que le Hamas n’est pas un interlo-cuteur pour la paix. Au regard des éléments précités, on comprendque toute forme de normalisation du Hamas serait éminemment préjudiciable aux intérêts d’Israël.

Loin d’obtenir les résultats escomptés,les agressions militaires israéliennes à répétition contre Gaza ne font que renforcer la crédibilité du mouvement Hamas.

« Je suis payée pour être vos yeux et vos oreilles là où vous ne pouvez être. Est-ce ma faute si la réalité

que je rapporte va à l’encontre de certains agendas politiques ? »

Caroline Bourgeret, janvier 2013

ÊTRE JOURNALISTE

à Gazapar Marianne Blume

LE COUP DE GUEULE D’UNE JOURNALISTE FRANÇAISECaroline Bourgeret, correspondante de TV5 au Liban, est à Gaza lorsde l’opération Pilier de défense. Dans ses reportages, notammentpour la RTBF, elle relate le quotidien des habitants sous les bombes.À côté des messages d’encouragement, elle reçoit de nombreusescritiques virulentes. Elle décide alors de riposter dans un long article :« Mes détracteurs me demandent de donner de « vraies informations»sur Gaza. Mais qu’est-ce que ça veut dire de « vraies informations »?Je n’ai pas menti, je n’ai pas inventé. Si la description de la vie à Gaza est si accablante pour Israël, qu’y puis-je ? Devrais-je modifierla réalité pour leur faire plaisir ? Pour qu’une partie du monde occi-dental entende ce qu’elle a envie d’entendre ? »

Dans le même élan, elle s’insurge aussi contre le silence des médiassur l’assassinat de deux journalistes palestiniens travaillant pour uneTV proche du Hamas et taxés pour cette raison de « non légitimes »par les autorités israéliennes.

Cette jeune journaliste pose les bonnes questions : que signifie«vraies informations » et qu’est-ce qu’un vrai journaliste, un journaliste « légitime » ? Des questions que bien sûr d’autres ont déjà poséesavant elle (Denis Sieffert, Jonathan Cook,...) mais qui restent toujoursd’une brûlante actualité quand on parle d’Israël et de la Palestine.

LA SOURDE OREILLE DES GRANDS MÉDIASLa plupart des médias dominants s’en tiennent à une pseudo-équi-distance qui fait qu’on interviewe complaisamment le porte-parole israélien mais qu’on rapporte encadrés par des guillemets ce que déclare la partie palestinienne. Qu’on met la mort d’un enfant à Gazasur le même pied que le stress d’un enfant à Sderot, qui nous donneà croire que les Qassams sont des missiles, etc. De trop nombreuxjournalistes non spécialistes du Moyen-Orient s’en tiennent aux infor-mations fournies par les autorités israéliennes. On a entendu à peuprès partout, comme une antienne, qu’Israël avait riposté aux inces-

sants tirs de roquettes du Hamas et qu’il avait le droit de se défendre.Le quidam a pu ainsi imaginer que c’était une puissance étrangère surarmée qui attaquait Israël. Par la suite, rares sont les journalistes quin’ont pas également adopté la narration israélienne : c’est ainsi queles 15 militants palestiniens éliminés fin octobre et l’enfant de 13 ans tuélors d’une incursion sont tout simplement ignorés. Lors de l’assassinatd’Ahmed Jabari, les médias dominants ont « oublié » de dire qu’il étaitsur le point de signer un accord de cessez-le-feu avec Israël. Pourtant,dès le lendemain, Gershon Baskin l’expliquait lui-même dans le Haa-retz. C’est pourquoi une série de personnalités, dont Noam Chomsky,ont dénoncé, exemples à l’appui, « la sourde oreille des grands médiassur la situation à Gaza » (www.acrimed.org). Ces personnalités mettenten évidence le vide d’informations au début de l’opération Pilier dedéfense, la narration biaisée par la suite, l’absence quasi totale deréférences à la souffrance des populations civiles et la censure sur les photos de victimes.

OBSTRUCTION À LA LIBERTÉ D’INFORMATIONSi Israël a laissé, cette fois, les journalistes étrangers entrer dans labande de Gaza, il n’hésite pas pour autant à les intimider : le 21 no-vembre, une bombe explosait devant le Beach Hotel où la plupartd’entre eux sont descendus… Auparavant, des bâtiments connuspour abriter des bureaux de médias ont été la cible de missiles. Quantl’immeuble qui abritait notamment les bureaux de l’AFP a été visé,l’armée a twitté que c’était « un QG du renseignement du Hamas». Le porte-parole de l’armée n’avait–il pas lancé un avertissement ? :«Journalistes à Gaza : restez à l'écart des terroristes/infrastructuresdu Hamas. N'acceptez pas de leur servir de boucliers humains. » Enrésumé, dans son bureau comme sur le terrain, pour peu qu’il soit à proximité d’un Palestinien jugé du Hamas, un journaliste à Gaza est en danger. Comme le souligne Reporters sans frontières dans un communiqué de condamnation, « ces attaques représentent uneobstruction à la liberté de l’information ».

QUINZE FEMMES À L’ASSAUT DE BEIT ELAu moment même où l’armée israélienne attaquait Gaza, des femmes de Cisjordanie sont allées protester dans la colonie de Beit El. Drapeau à la main et arborant un calicot « Nous sommes à tes côtés, Gaza », huit d’entre elles ont escaladé un bâtiment de la colonie sur une échelle apportée avec elles.Elles sont restées là une vingtaine de minutes avant que les soldats, bien plus nombreux que les manifestantes, les encerclent et les évacuent. Huit d’entre elles ont été arrêtées. Relâchées le jour même, elles ont dû payer une amende. Pour Gaza. Mais pourquoi choisir Beit El ? Parce que, ont-elles dit, c’est « le symbole de l’occupation israélienne et de la loi militaire en Cisjordanie ». Beit El est en effet une colonie ultrareligieuse qui, d’ailleurs, abrite Arutz Sheva, un média des colons d’extrême-droite. Ce sont ces colons qui ont installé un outpost (colonie sauvage, illégale même pour Israël) sur des terres privées palestiniennes, occupées auparavant par un poste militaire. C’est pour cette colonie ultrareligieuse d’extrême droite que Netanyahu avait demandé à une commission de trouver une solution « légale » afin d’en éviter le démantèlement. Photos et vidéo : http://stream.aljazeera.com/story/palestinian-women-occupybeitel-0022406 M.B.

Page 9: Palestine n°55

palestine 17 DOSSIER GAZA

PORTRAITD’UNE ARTISTE ET MILITANTE PALESTINIENNE :

Laila Shawa par Katarzyna Lemanska

Londres au moment du déclenchement de la première Intifada. Malgré l’exil, son identité gazaouie imprègne ses œuvres : «J’appar-tiens au monde et en même temps j’appartiens à un lieu précis, Gaza.Et ce lieu est en permanence nié, détruit, ruiné, enfermé. Commentne pas prendre cela en compte?». La série « Trapped : a female suicide bomber » (2011), par exemple, nait de son questionnement surles femmes martyres en Palestine. Elle exprime une réalité toute ennuances, qui est à la fois violente et dérangeante. Une des pièces de la série consiste en une vidéo prise par des caméras de surveil-lance israéliennes où l’on voit une jeune femme qui, après avoir raté sa tentative d’attentat, tombe dans l’hystérie. Loin d’imposer son interprétation ou une interprétation unique, Laila Shawa bouscule, interroge le spectateur. Elle provoque la réflexion sur la signification politique et sociale d’un geste qui incarne la violence ultime. Elle y mêle la question identitaire liée à la condition féminine : la femme, par l’accomplissement de ce geste, se pose en égale de l’homme. Elle inscrit l’œuvre dans un contexte global où il arrive que la femme soitabusée, en tant que femme, par l’homme et la société, et en tant que personne, par l’occupation. Enfermée par l’occupation, immobiliséedans un rôle social conditionné qui plus est par le contexte politique,elle se retrouve coincée dans une ceinture d’explosifs qu’elle n’arrivepas à déclencher. Submergée par l’angoisse, elle sombre dans l’hys-térie. Par peur de mourir ou de rester en vie ? Laila Shawa laisse laquestion ouverte.

Les techniques qu’elle mélange, les couches qu’elle superpose et la variété de couleurs qu’elle utilise confèrent à son œuvre toute la richesse qui la caractérise. Elles lui permettent d’aborder des thèmestels que l’occupation, la violence, le traumatisme, la misère, l’enfer-mement, la mémoire et la peur sous leurs différentes facettes – poli-tique, sociologique et culturelle – tout en exprimant avec subtilité les ironies, les hypocrisies, les angoisses et les contradictions d’uneréalité étouffante.

« Je crois qu’un des rôles des artistes contemporains est de trans-mettre, à travers l’art, une réflexion sur leur temps et de communiquercette réalité aux spectateurs. Durant une période de quatre ans et depuis le début de la première Intifada, j’ai cherché la méthode et lemoyen avec lesquels décrypter le dialogue brut apparaissant sur lesmurs de Gaza, entre les différentes factions palestiniennes et leursoccupants israéliens ». C’est en ces mots que Laila Shawa décrit sonprojet « Walls of Gaza » (1992), une installation qui se décompose entrois séries : sérigraphies, photolithographies imprimées sur papier etœuvres associant photographie et peinture acrylique. En partant desreprésentations réalisées à l’époque par les habitants de Gaza surles murs de la ville et qui sont vouées à être recouvertes (si pas dé-truites) par l’occupant israélien, Laila Shawa reconstruit un dialogue,violent, entre l’occupant et l’occupé. En les prenant en photo, elle lesfige dans le temps, leur permet de dépasser la destruction matérielleen les inscrivant dans un patrimoine culturel indestructible. Le thèmeprincipal de cette œuvre est celui de l’enfance et du traumatisme. Elle le reprendra quelques années plus tard dans « Children of war,children of peace » (2002), qui répète l’image d’un enfant sur desmurs de couleurs différentes : si l’horizon est devenu plus lumineuxavec les espoirs portés par le processus de paix en 1993, la misère,la violence, les traumatismes vécus sont restés les mêmes. L’absencede changement vient finalement assombrir l’optimisme initial.

Née à Gaza en 1940, Laila Shawa descend d’une des plus ancienneset prestigieuses familles gazaouies. Son père a notamment été mairede la ville de 1971 à 1982. À la fois militante et artiste, elle réalise desœuvres qui traduisent de manière intense son engagement politiqueet les réalités sociopolitiques de la Palestine et du Moyen-Orient. Elleétudie l’art au Caire puis en Italie et en Autriche. Elle enseigne à Gazajusqu’en 1967 puis s’installe à Beyrouth, qu’elle quitte au début de laguerre civile. Elle rentre alors à Gaza où elle collabore à la création du Centre culturel Rashad Shawa. Elle s’installe définitivement à

Quant aux journalistes israéliens, Gideon Levy déclare qu’ils sont toutsimplement des conscrits de la propagande (To Gaza I did not go,Haaretz, 22 novembre 2012). En effet, interdits d’entrée à Gaza, ils neprotestent pas et n’ont pas cherché pas à se rendre sur place pourinformer leur public. Pour Suleiman Al-Shafi, son collègue de la chaîne2, l’armée cherche à contrôler les médias pour mieux faire passer« sa » vérité. Les journalistes israéliens travaillent donc sur Gaza à distance (téléphone, dépêches, correspondants palestiniens) quandils ne se comportent pas comme si Gaza n’existait pas (BenjaminBarthe, Gaza, terre fantôme des médias israéliens, AFPS, 2007).

DES JOURNALISTES ILLÉGITIMESInterrogé après l’attaque d’un bâtiment hébergeant des médias pales-tiniens et étrangers qui fit 8 blessés (dont un journaliste palestinien quiy a perdu une jambe), Mark Regev, porte-parole israélien, donne sadéfinition du journaliste : « (…) Il y a la station Al-Aqsa, une station dirigée et contrôlée par le Hamas. Exactement comme dans d’autresrégimes totalitaires, les médias y sont utilisés par le régime pour diriger et contrôler avec, en plus, des objectifs sécuritaires. De notrepoint de vue, ce (= la personne qui y travaille) n’est pas un journalistelégitime, comme un journaliste d’Al-Jazeera ou de la BBC… ». La porte-parole de l’armée, Avital Leibovitch, est plus claire encore :« Ces terroristes avec des caméras et des notebooks en mains nesont pas différents de leurs collègues qui tirent des rockets sur lesvilles israéliennes. Ils ne peuvent pas bénéficier des droits et de la

protection conférés aux journalistes légitimes.» (www.electronicinti-fada.org, Human Watch: Israel’s justifications for killing journalists are«evidence of war crimes», décembre 2012).

Pour Israël, les journalistes palestiniens sont donc « tuables à merci»du seul fait de travailler pour un média du (ou proche du) Hamas ou duJihad islamique. Pour Human Right Watch (Unlawful Israeli attacks onPalestinian Media, novembre 2012), il s’agit là purement et simplementde « crimes de guerre », l’intention de tuer étant manifeste.

Crimes de guerre, entraves à la liberté d’information. À Gaza et en Cis-jordanie. À voir : l’excellent film Five Broken Cameras. La propagandement toujours. Voilà pourquoi Israël s’attaque aux journalistes.

– 18 novembre 2012 : 6 journalistes blessés (tirs contre la tour Al-Shawawa Hasri) + 3 journalistes d’Al-Aqsa blessés (tir contre la tour Al-Shourouq,immeuble des journalistes).– 19 novembre : 2 journalistes blessés (salves de missiles contre la tourAl-Shourouq).– 20 novembre : 2 journalistes tués (véhicule estampillé véhicule de pressebombardé) + 1 directeur de chaîne de radio tué (véhicule personnel bombardé).– 20 novembre : la tour Na’ama où est installée l’AFP est visée par des tirs.AU TOTAL : 3 journalistes tués et 11 journalistes blessés; 3 bâtiments oùla presse est installée visés.

Si vous pouvez me montrer un authentique journaliste blessé…Mark Regev, porte-parole du gouvernement israélien

UNE TRÊVE À GAZA ? Après une semaine d’attaques contre Gaza, une trêve est conclue le 21 novembre. Le texte de l’accord de trêve prévoit qu’Israël cesse toute forme d’hostilités dans la bande de Gaza, y compris les éliminations ciblées. Il y est spécifié, sans modalités d’application, l’ouverture des points de passage,la facilitation du mouvement des personnes et du transport de marchandises, la fin des restrictions de mouvement des habitants et l’arrêt des liquidationsphysiques dans les zones frontalières.

Bilan du 22 décembre 2012 au 22 janvier 2013 (d’après le PCHR) :– 4 tués,– 54 blessés (dont 12 enfants et 3 militants), – 6 incursions.Dès le 23 novembre, un premier Palestinien était déjà tué.– La plupart des blessés et des morts sont des paysans qui retournaient sur leurs terres, qui leur étaient jusque-là interdites d’accès, le long de la frontière. Ou alors, ce sont des personnes (souvent des enfants) qui ramassaient les gravats et les métaux.– Les pêcheurs ont reçu une autorisation d’extension de la zone de pêche à 6 milles marins mais sont toujours l’objet de tirs de la marine israélienne. Plusde 20 d’entre eux ont été de plus arrêtés.– L’armée a continué ses incursions notamment au nord et au centre de la bande de Gaza.Lire à ce sujet l’article sur le site www.france-palestine.org : TPO : Appel à une plus grande liberté d’accès terrestre et maritime à Gaza.

M.B.

Page 10: Palestine n°55

Les 11 et 12 décembre derniers, la Ligue arabe a convoqué une conférence internationale pour « la solidarité avec

les prisonniers palestiniens et arabes dans les prisons de l’occupation israélienne ». Des représentants

de la société civile de plus de 70 pays, dontla Belgique, ont participé à l’événement

auquel étaient également conviés des experts juridiques, des témoins et

anciens prisonniers, ainsi que desofficiels irakiens et palestiniens.

Prisonniers palestiniens

ENCORE COMBIENDE GRÈVES DE LA FAIM ?par François Sarramagnan

palestine 18 PRISONNIERS

apporter une contribution à la réflexion et à la prise de décision poli-tique. Il n’est pas inutile de rappeler en effet que de nombreux Étatsarabes disposent de leviers économiques et diplomatiques qui pour-raient considérablement changer la donne au Proche-Orient. Danscette perspective, l’événement devait aboutir à la rédaction d’un cahier de recommandations, destiné aux pays membres de la Liguearabe, censé rapporter le contenu des exposés et les revendicationsdes participants. À plusieurs reprises, des membres de la société civileinternationale ont souligné l’importance de l’adhésion au mouvementBDS, pas seulement de citoyens, mais aussi d’États. Malheureusement,on ne retrouve aucune trace de ces interventions dans la déclaration finale… Et pour cause : aucun débat n’a eu lieu pour en déterminer lecontenu ! Après de soi-disant délibérations, les participants auraienttout de même formulé des recommandations dont voici un extrait :– créer un comité juridique international pour assurer le suivi de laquestion des prisonniers ;– demander, au nom de la Ligue arabe, un avis consultatif de la Courinternationale de Justice à la Haye sur le statut juridique des détenuspalestiniens et arabes dans les prisons israéliennes ;– demander aux Nations Unies d’envoyer un comité d’enquête interna-tional pour identifier les traitements inhumains appliqués aux prisonniers;– lancer une campagne internationale, « humanitaire et médiatique »,pour revendiquer la libération des détenus ;– créer un fonds arabe pour le soutien des détenus palestiniens etarabes dans les prisons de l’occupation israélienne et leurs familleset la réhabilitation des détenus libérés.

Ce n’est là qu’une sélection des recommandations de la déclarationfinale, mais on comprend aisément qu’elles ne bouleverseront pasde fond en comble la situation des détenus palestiniens. Dans le meil-leur des cas, on verra certaines d’entre elles être adoptées et ce seradéjà un bon début, mais elles ne gommeront pas l’arbitraire et la vio-lence dont les prisonniers, tels Samer al-Issawi et Ayman Sharawneh,font l’objet depuis de nombreuses années. Dans le pire des cas, onen restera au stade des « voeux pieux ». Ce ne serait pas la premièrefois pour les États de la Ligue arabe, dont on connaît la propensionà instrumentaliser la « question palestinienne » à des fins politiquespropres... D’ailleurs, en convoquant sur son territoire cette rencontreinternationale sur la problématique des prisonniers, le gouvernementirakien ne programme-t-il pas peu à peu son retour en force sur lascène régionale ? Quoi qu’il en soit, gardons-nous de lui faire trophâtivement un procès d’intention. La conférence a tout au moins permis à d’anciens prisonniers de témoigner publiquement sur leursconditions de détention et a facilité des rencontres, trop rares, entreles sociétés civiles du nord et du sud de la Méditerranée. Reste qu’enattendant de voir les États assumer (enfin) leurs responsabilités vis-à-vis des détenus palestiniens, il appartient aux Palestiniens eux-mêmes et à leurs soutiens dans la société civile internationale, depersévérer dans leur lutte pour la dignité et la liberté.

L’objectif annoncé était de partager des témoignages, des analysesde fond et des exemples de mobilisations afin de dégager des pistesd’action pour la société civile internationale, mais également d’adresserdes recommandations à la Ligue arabe sur la question des prison-niers. En effet, alors que l’actualité palestinienne est monopolisée parles annonces incessantes de construction de nouvelles colonies, onne peut oublier que plus de 4 600 prisonniers palestiniens croupis-sent encore dans les geôles israéliennes. Jour après jour, leur nombreaugmente de manière exponentielle, tout particulièrement depuis lareconnaissance de la Palestine comme État non membre à l’ONU.

Ces derniers mois, ce sont à nouveau des prisonniers en grève de la faim au finish qui sont devenus une des principales sources depréoccupation. A l’heure où nous écrivons ces lignes, Samer al-Issawientame sa 25e semaine de grève de la faim dans la prison de Ramleh,après avoir été hospitalisé suite à une grave détérioration de son étatde santé. Aux côtés d’Ayman Sharawneh, autre détenu en grève de lafaim depuis plus de 28 semaines, il a refusé une libération assortie d’unexil que lui proposaient les autorités israéliennes. Comme on pouvaits’y attendre, celles-ci semblent incapables de comprendre le sens decette privation de nourriture que les prisonniers s’infligent… Par ailleurs,nous sommes désormais habitués à la pratique malhonnête dont ces deux prisonniers ont fait l’objet : Israël fait en effet tout un battagemédiatique lorsqu’il libère des détenus palestiniens, dans ce cas lorsde l’échange organisé avec le Hamas en octobre 2011, et quelquesmois plus tard, il arrête à nouveau, mais alors en toute discrétion, lesmêmes qui viennent à peine de recouvrer leur liberté. Aujourd’hui, lagrève de la faim de Samer al-Issawi et Ayman Sharawneh est leur cride dignité, un appel à mettre fin au caractère arbitraire et inhumain dusystème carcéral israélien et à l’occupation qui le permet.

Face à la violence de l’oppression coloniale, ils ne sont pas lesseuls à brandir la grève de la faim comme arme de résistance. JafarAzzidine, Tarek Qaadan et Yousef Yassin, trois Palestiniens détenusdans la prison de Meggido en Israël, leur ont emboîté le pas. Rap-pelons, au passage, que le droit international interdit le transfert deprisonniers dans le pays de l’occupant, mais ce sont là encore desconsidérations juridiques pour lesquelles la communauté internatio-nale et Israël semblent n’avoir que très peu d’égards… Que dire alorsdes détentions administratives, des interdictions de visite, y comprisde la Croix-Rouge, ou encore des cas fréquents de tortures phy-siques et mentales ? D’ailleurs, Israël n’invoque-t-il pas le droit inter-national uniquement lorsqu’il s’agit de légitimer ses agressions etconquêtes ? C’est là la logique du « deux poids, deux mesures » danslaquelle nous sommes bercés depuis les origines du conflit.

Que faire alors pour que les revendications et droits légitimes des prisonniers soient respectés ? Peut-être avons-nous pensé un peunaïvement que la conférence de la Ligue arabe allait tout au moins

Israël fait tout un battage médiatique lorsqu’il libère des détenus palestiniens et quelques mois

plus tard, il arrête à nouveau, mais alors en toute discrétion,les mêmes qui viennent à peine de recouvrer leur liberté.

«Sherut Batei Sohar » [SBS] : service de gestion des prisons

Page 11: Palestine n°55

Actualités et victoires du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions…L’idée en est née lors du Forum social mondial à

Dakar en 2011. Grâce à l’implication d’une triplecoordination, palestinienne, brésilienne et

internationale, le projet a petit à petit priscorps. Il a abouti à l’organisation, du

28 novembre au 1er décembredernier, du 1er Forum social

mondial Palestine libre àPorto Alegre. L’Associa-

tion belgo-palestinienne (ABP)et la Coordination européenne

des comités et associations pour laPalestine (ECCP) y étaient.

palestine 21 BOYCOTT

LE FORUM SOCIAL MONDIAL

Palestine librepar Nathalie Janne d’Othée

UN FORUM AUX OBJECTIFS DIVERSLe mois précédant le Forum, la bande de Gaza est à nouveau l’objetde frappes aériennes israéliennes intensives. L’opération Pilier de défense rappelle l’horreur de Plomb durci, mais également le faitqu’Israël n’a finalement pas endossé ses responsabilités dans lescrimes de guerre et contre l’humanité établis par le rapport Goldstone.Un des objectifs poursuivis par les organisateurs du Forum était justement d’améliorer les stratégies pour obliger Israël à rendre descomptes. Comment utiliser pour cela le droit international ? Quels typesd’actions mener ? Comment se coordonner utilement pour peser surl’agenda politique mondial ?

La coordination et l’unité du mouvement de solidarité avec la Palestine était la question centrale durant tout le Forum. L’accent étaitmis sur la campagne BDS comme moyen de lutte pour les droits desPalestiniens. Les échanges de bonnes pratiques, mais aussi decontacts entre les organisateurs de différentes campagnes renforce-ront à coup sûr le mouvement dans les mois et années à venir. Le Forum était surtout destiné à élargir l’assise du mouvement BDSet de la solidarité avec la Palestine en général dans certains pays.

Le fait que le FSM Free Palestine soit organisé au Brésil n’est pas anodin. L’implication de la Centrale des travailleurs unis (CUT), ainsique du Mouvement des sans-terre et de la Via Campesina, dans l’organisation du Forum a montré le potentiel de mobilisation de cesmouvements sur la question de la Palestine. Le renforcement des réseaux de solidarité en Amérique du Sud était un des défis majeurs dela rencontre de Porto Alegre. Jusqu’à présent, de nombreux mouve-ments étaient actifs pour la Palestine, mais il n’existait pas de coordi-nation et les groupes de militants ont peu de connexions entre eux. Est-ce que le Forum aura réussi à remédier à ces manques ? Seull’avenir nous le dira.

LA PALESTINE À L’HEURE BRÉSILIENNELe 28 novembre est consacré aux quelques formalités à remplir, leschoses sérieuses ne commencent réellement que le lendemain. La date est symbolique puisque le 29 novembre a été choisi par l’As-semblée générale des Nations Unies comme journée internationalede solidarité avec le peuple palestinien et fait référence au 29 novembre 1947, date de l’adoption de la résolution sur le plan de partage de la Palestine. La même date a également été choisie parMahmoud Abbas pour introduire la demande de reconnaissance dela Palestine comme État observateur non membre aux Nations Unies.À Porto Alegre, une grande manifestation marque le début du Forum.Par 30°C, des délégations du monde entier marchent ensemble dansles rues de Porto Alegre pour exiger une Palestine libre.

LA JUNGLE DES ATELIERSMais le cœur du Forum, ce n’est pas la manifestation, ce sont les ateliers. Pendant trois jours, chacun trace sa route à travers les innom-brables ateliers de discussion, 125 au total, qui se tiennent un peupartout et jusque dans des salles parfois bien cachées dans le dé-dale d’un bâtiment, et abordent les problématiques les plus diverses.Lors d’un atelier consacré au Tribunal Russell, de nombreux partici-pants ont exprimé leur volonté de lancer de pareilles initiatives dansleurs pays, que ce soit un tribunal en Argentine sur les liens entre Israël et l’Amérique du Sud, ou en Norvège sur les accords d’Oslo.Cet atelier était d’autant plus intéressant qu’il était animé par RonnieKasrils, ancien ministre sud-africain et militant anti-apartheid, membredu jury du Tribunal Russell sur la Palestine. Dans un autre atelier, lesparticipants examinaient les liens entre la situation des Palestiniens etla discrimination raciale aux Etats-Unis. On ne réfléchissait finalementpas que sur la Palestine dans ce Forum. Dans un troisième atelier, onpouvait entendre parler d’expériences de campagnes BDS réussiesen Europe et ainsi récolter d’utiles recommandations pour élaborer lastratégie d’une campagne. Se rencontrer, échanger, se coordonner,s’inspirer d’expériences réussies, s’informer... C’était tout cela, leForum social !

palestine 20 FSM PALESTINE LIBRE

DésinvestissementL’Université d’Oslo met fin à son contrat avec G4S

L’université d’Oslo a décidé de ne pas renouveler son contratavec l’entreprise de sécurité G4S du fait de son implication dans l’occupation israélienne de la Palestine. G4S est en effet compromise par de nombreux biais puisqu’elle est investie dans lagestion sécuritaire des prisons israéliennes dans lesquelles sontenfermés de nombreux prisonniers politiques palestiniens. Elle est également partie prenante dans les systèmes de sécuritédes checkpoints et du Mur ainsi que dans la protection descolonies. Après avoir été interpellée à de nombreuses reprises par les militants du Comité Palestine suédois, l’Université d’Oslo a déclaré qu’elle ne voulait plus « soutenir des entreprises qui opèrent dans une zone grise éthique ». Le directeur de l’Université a également annoncé que des directives seraient élaborées afin de baliser les engagements futurs de l’université.

Un syndicat international se prononce pour le BDS

Lors de son dernier congrès mondial fin novembre 2012, l’Internationale des Services Publics (ISP) a voté une motion de soutien à la campagne BDS. L’ISP représente 20 millions de salariésà travers le monde, qui travaillent dans les services publics de plusde 150 pays. Ce soutien à la campagne BDS servira par exemple àexercer une vigilance stricte dans le cadre d’appels d’offres publics.

Une entreprise agricole sud-africaine cesse ses relations avec Hadiklaim

À l’issue d’une campagne de près de trois ans des organisations de défense des droits de l’Homme, initiée par la Palestine Solidarity Alliance (PSA) et la coordination BDS sud-africaine, Karsten Farm, une des principales entreprises agricoles sud-africaine, a mis fin à sa collaboration avec la coopérative israélienne Hadiklaïm. Elle s’est également engagée à ne plus entrer en relations dans le futur avec des entreprisescomplices de l’occupation illégale de la Palestine.

News du BDS

Boycott académiqueL’AGL appelle l’UCL à geler ses relationsavec les universités israéliennes

L’Assemblée générale des étudiants de Louvain (AGL), qui représente la voix des étudiants auprès des autorités de l’Universitécatholique de Louvain (UCL), s’est prononcée en faveur d’un geldes collaborations académiques avec les universités israéliennes.Les dernières attaques de Gaza par Israël ont poussé l’AGL à réfléchir à la responsabilité de l’université dans le cadre du conflit israélo-palestinien. L'AGL demande donc à l'UCL « de stopper sesliens, de mobilité étudiante et de recherche, avec Israël tant que lesautorités académiques concernées n'auront pas pris position en faveur du respect des droits des Palestiniens et n'auront pascondamné la politique d'occupation et d'apartheid de l'Etat d'Israël ».

SanctionsAl Haq : « L’UE est dans l’obligationd’interdire les produits de colonies »

À la suite du rapport « La paix au rabais » des 22 organisationseuropéennes sur les produits des colonies (voir article p.8-9), c’est au tour d’ Al Haq, l’organisation palestinienne des droits del’Homme, de publier un dossier sur l’obligation de l’UE d’interdireles produits des colonies sur son marché. Le rapport s’intitule«Feasting on the Occupation: Illegality of Settlement Produce andthe Responsibility of EU Member States under International Law. »(«Se faire un festin sur le dos de l'occupation: l’illégalité des produits des colonies et la responsabilité des États membres envertu du droit international »). Ce rapport épingle la complicité del’UE dans la colonisation israélienne du fait de son importation de nombreux produits provenant des colonies. Il rappelle à l’UEson obligation d’interdire l’entrée de ces produits sur le marché européen afin de se conformer au droit international coutumier.

© K

. Lem

ansk

a

Page 12: Palestine n°55

palestine 22 LIVRES/FILM

Historien américano-palestinien, né à Gazaen 1972, Ramzy Baroud nous propose unechronique serrée de la deuxième Intifadapalestinienne. de septembre 2000 à l’automne 2005. Mais l’ouvrage vaut surtout par un retour rigoureux sur les événements qui ont provoqué cette dernière. L’étincelle, ce fut la « promenade»d’Ariel Sharon, le 28 septembre 2000, « avec soldats et policiers » sur l’esplanadedes Mosquées. Plus profondément, ce futl’échec du huis clos de Camp David et leconditionnement international qui s’ensuivitavec le « mythe de l’offre généreuse »d’Ehoud Barak qu’Arafat aurait rejetée.L’offre, on le sait, n’a jamais existé mais lematraquage du discours a contribué à isoler les Palestiniens et à préparer la répression qui allait s’abattre sur eux. Ramzy Baroud montre ici la logique qui aconduit à ce qu’on a appelé « la militarisa-tion de l’Intifada ». (…) Alain Gresh précise:« Malgré l’acceptation de toutes les exi-gences israéliennes concernant la sécurité[…] Israël avait non seulement continué àconfisquer des terres mais fait échouer lesommet de Camp David. » (…). Il ne restaitplus qu’à accuser les colonisés d’être responsables du conflit. (…) D’après Denis Sieffert, Politis du 5/7/12 C. S.

caméra. Pendant cinq années, il filme alorsla lutte du village et dresse le portrait dessiens, famille et amis, tels qu’ils sont affectés par ces événements. Au cours deces années, cinq caméras ont été briséesdans divers incidents. Chacune de ces caméras rend compte d’un chapitre de lamarche pour le droit et la justice des habitants de Bil’in.

À ceux qui le critiquent pour sa coopérationavec un Israélien, Emad répond : « La décision de travailler ensemble n’était paspolitique. J’ai téléphoné à Guy parce quec’était un ami. Je ne serais pas allé voir unPalestinien que je ne connaissais pas sousle prétexte qu’on était de même origine. »Guy Davidi est un pacifiste israélien qui participe aux manifestations hebdoma-daires organisées à Bil’in.

M.B.

5 CAMÉRAS BRISÉES 5 BROKEN CAMERAS Fim documentaire franco-israélo-palestinien réalisé par Emad Burnat etGuy Davidi en 2011, sélectionné auxOscars, catégorie documentaire

films

Alegria productions/Burnat film Palestine/Guy Davidi DVD films et la participation deFrance Télévision. Sort dans les salles le20 février 2013. Prix de la réalisation auFestival de Sundance aux États-Unis, prixdu public et du jury au Festival internationaldu film documentaire d’Amsterdam, prix du Festival Eurodok en Norvège... Le film « 5 caméras brisées » rafle de nombreuses récompenses depuis sa sortie. Il est sélectionné pour les Oscars,section documentaire.

Emad vit à Bil’in en Cisjordanie. Israël a élevé au milieu du village un «mur d’annexion» qui exproprie les 1700 habitants de la moitié de leurs terres, pour«protéger » la colonie juive de Modi’in Illit.Les villageois de Bil’in s’engagent dès lorsdans une lutte non violente. À la naissancede son quatrième enfant, Emad achète une

Le film est basé sur le témoignage de sixanciens directeurs des services secrets israéliens (Shin Beth). Responsables lesplus haut placés de la lutte « antiterroriste»,ils livrent pour la première fois leurs réflexions critiques à propos de leurs activités et de la politique israélienne desécurité des trente dernières années.D’après les extraits qu’on peut en voir surle Net, ces hommes de l’ombre, ceshommes qui parlent des méthodes desservices, d’assassinats extrajudiciaires,d’enlèvements, d’exécution ont du sangsur les mains. Certains d’entre eux expriment des doutes quant à leurs agisse-ments, d’autres pas du tout. Ils critiquentnéanmoins tous la politique des dirigeantsde leur pays vis-à-vis des Palestiniens.

Certaines déclarations sont étonnantesdans leur bouche : « Nous rendons la viede millions de gens insupportable. Leurssouffrances sont permanentes. Et nouslaissons un soldat qui n’est à l’armée quedepuis quelques mois décider de ce quiest admissible ou non. Dans le meilleurdes cas, il a passé son bac l’année précé-dente. Il est là devant un père avec unbébé dans les bras et il doit décider s’il lefouille ou non, s’il le laisse passer ou non.Ça me rend malade. » Carmi Gillon (patrondu Shin Bet de 1994 à 1996)Mais qu’on ne s’y trompe pas, s’ils parlentainsi, c’est parce qu’avant tout, ils jugentqu’Israël est en danger. Un film à voir donc.

M.B.

livresLA DEUXIÈME INTIFADA PALESTINIENNE Ramzy Baroud, Ed. Scribest, 2012 Préface d’Alain GreshPhotos de Joss Dray

EUROPE – ISRAËLUNE ALLIANCE CONTRE NATUREDavid Cronin, Éditions La Guillotine,2012

Deux ans après la parution en langue anglaise de son ouvrage «Europe’s alliancewith Israel : aiding the occupation», paruechez Pluto Press, David Cronin en livre enfin une version française très attendue,préfacée par Omar Barghouti, fondateur du mouvement BDS.

C’est avec ce livre engagé, bien documentéet solidement argumenté, sur la variété desliens que tissent les entreprises européennesavec l’État d’Israël que La Guillotine inaugure sa maison d’édition : souhaitons-lui «bon vent !». Malgréquelques coquilles et fautes d'orthographe,il s'agit d'un document important désormaismis à la portée des lecteurs francophones.

C.S.

OCCUPATION DIARIES Raja Shehadeh, Profile Books, 2012

Souvent, c’est le plus petit détail de la viequotidienne qui nous en apprend le plus. Il en va ainsi dans la Palestine occupée. Ce que la plupart des gens considèrentcomme allant de soi doit ici être soigneuse-ment pensé et programmé: irons-nouspique-niquer près de la source ou est-cetrop près de la colonie israélienne? Comptetenu des contrôles routiers, combien detemps me faudra-t-il pour aller chez moncousin? Le courrier que j’ai déposé à laposte arrivera-t-il à destination?Raja Shehadeh est avocat et auteur de talent, récompensé par de prestigieux prixlittéraires: plusieurs de ses ouvrages ont ététraduits en français. Il tient un journal depuisl’invasion israélienne de 1967. «OccupationDiaries» est une chronique des deux années mouvementées qui ont précédé lademande de reconnaissance de l’État dePalestine par l’ONU (26 septembre 2011). Il en résulte un portrait à la fois lyrique et violent de la vie sous occupation, délicatmélange de souvenirs anciens et de réalitésd’aujourd’hui. L’auteur se demande: «Quelsera l’effet du Printemps arabe sur l’avenirde la Palestine? Quand la coopération devient-elle de la collaboration? Y a-t-il,dans la vie, des plaisirs dont la politique nese mêle pas? Dans une langue simple etbelle, il raconte une histoire de tous les joursfaite de frustrations, d’infamies et d’isole-ment – et aussi de moments de loyauté,d’honneur et d’intense espoir.

Traduit de la 4e de couverture par C.S.

THE GATEKEEPERS ISRAEL CONFIDENTIALFilm documentaire franco-israélien réalisé par Dror Moreh en 2012, sélectionné aux Oscars, catégorie documentaire

Page 13: Palestine n°55

édite

ur r

espo

nsab

le P

ierr

e G

alan

d –

rue

Sté

vin

115

à 10

00 B

ruxe

lles