Palestine n°56

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TRIMESTRIEL N°56 – AVRIL/MAI/JUIN 2013 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130 palestine BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624 En 2000, il y avait environ une centaine de fabriques textiles en Palestine. Il ne reste plus actuellement qu’une seule fabrique de keffieh sur le territoire palestinien: la Herbawi factory. Cette petite entreprise familiale crée dans les années 60 porte le nom de son fondateur Yasser Herbawi, âgé de 80 ans. © Yann Renoult [http://cargocollective.com/yannrenoult] SOMMAIRE Relations Turquie-Israël > 3 Frères musulmans et question palestinienne > 6 Budget palestinien > 8 DOSSIER : L’apartheid israélien exposé au grand jour > 10 – 19 FSM Tunis > 21

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Bulletin trimestriel de l'Association Belgo-Palestinienne - avril-mai-juin 2013

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TRIMESTRIEL N°56 – AVRIL/MAI/JUIN 2013 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

palestineBULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL

Belgique/BelgiëP.P.

Bruxelles X1/1624

En 2000, il y avait environ une centaine de fabriques textiles en Palestine. Il ne reste plus actuellement qu’une seule fabrique de keffieh sur le territoire

palestinien: la Herbawi factory. Cette petite entreprise familiale crée dans les années 60 porte le nom de son fondateur Yasser Herbawi, âgé de 80 ans.

© Yann Renoult [http://cargocollective.com/yannrenoult]

SOMMAIRERelations Turquie-Israël > 3Frères musulmans et question palestinienne > 6Budget palestinien > 8DOSSIER : L’apartheid israélien exposé au grand jour > 10 – 19FSM Tunis > 21

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Mars 2013 sera à marquer d’une pierreblanche dans les annales de la solidaritéavec le peuple palestinien!

UN MOIS RICHE EN

solidaritépar Pierre Galand, Président

palestine 02 ÉDITO

Le Tribunal Russell sur la Palestine tenait les 16 et 17 mars, àBruxelles, une session de clôture après ses quatre sessions de Bar-celone, Londres, Cape Town et New York, qui se sont échelonnéesde 2010 à 2013. Vous trouverez les conclusions générales de cettedernière session ainsi qu’un résumé vidéo de la session elle-mêmesur le site du TRP : www.russelltribunalonpalestine.com.

Le Comité belge de soutien au TRP a contribué grandement à garantir le sérieux et la qualité des travaux, tant sur le fond, par le traitement de la question du sociocide des Palestiniens, qu’enapport de travail bénévole et de collecte de fonds. Le Jury, en l’absence de son Président Stéphane Hessel, décédé le 27 février, a tenu à honorer sa mémoire en assurant collectivementl’élaboration des conclusions.

Aujourd’hui, le secrétariat, coordonné par Frank Barat et VirginieVanhaerverbeke, se dépense sans compter pour assurer la pluslarge diffusion à travers le monde des résultats de ce travail maisaussi pour susciter la constitution d’un réseau de soutien à lamise en œuvre concrète des propositions d’actions issues du Tribunal, dont notamment les recours en droit afin de contraindreIsraël et les États complices des multiples exactions, crimes etviolations des droits fondamentaux commis à l’encontre des Palestiniens à y mettre fin.

Quelques jours plus tard, du 26 au 30 mars, près de 60000 personnes en provenance du monde entier se réunissaient àTunis, à l’occasion du Xe Forum social mondial, le premier à se tenir dans un pays du monde arabe.

Alors que certains prédisaient la fin de ces rassemblements, Tunisfut une surprenante démonstration de la vitalité du FSM. Les organisations tunisiennes, l’Université Campus El Manar ainsi quela ville de Tunis et ses habitants ont réservé un excellent accueil à tous les participants étrangers. On y a rencontré une bonne ambiance de travail, un souci de mieux appréhender l’évolution politique engagée dans le monde arabe depuis le printemps 2011,une communauté de partage autour de la centralité de la résistancepalestinienne. Le drapeau commun de tous les stands et événe-

ment et le thème de la manifestation de clôture n’étaient autresque ceux de la Palestine. Le 30 mars la Journée de la terre fut célébrée dans les rues de Tunis par une foule très animée et trèssoutenue par les Tunisiens.

Le 29 mars, une assemblée de convergence a réuni toutes les représentations de Palestine et des associations autour de l’avenir de la solidarité avec les Palestiniens. Les discussions ontdébouché sur une déclaration commune, réaffirmant le soutien à la résistance populaire palestinienne et l’engagement sur desobjectifs communs dont vous trouverez le détail sur le site duFSM: http://www.fsm2013.org/fr/node/12971.Le Forum social mondial et le TRP constituent deux étapes importantes dans l’objectif de renforcement du mouvement de solidarité avec les Palestiniens. Ils ont conféré une légitimité supplémentaire et plus d’unité à nos actions.

L’ABP diffuse actuellement deux brochures « Cultures d’injustice»et «Qu’elle était verte, ma vallée». Cela s’inscrit dans la mêmeperspective de soutien à l’action des organisations palestinienneset de la campagne BDS. Vous pouvez vous associer à leur dif-fusion dans votre entourage.

palestine no 56Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche,

Nadia Farkh, Pierre Galand, Julien Masri, Christiane Schomblond,Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée.

Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl

Siège social rue Stévin, 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles

tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / [email protected]

IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BBGraphisme Dominique Hambye & Élise DebounyAvec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

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En pleine visite de Barack Obama en Israël, le gouvernement israé-lien s’est finalement décidé à s’excuser auprès de la Turquie pour lamort de 9 civils turcs lors de l’arraisonnement de la flottille affrétéepour briser le blocus de Gaza et y acheminer de l’aide humanitaire.Ces excuses s’accompagnent d’un accord de dédommagement des familles des victimes et de l’engagement, du côté turc, que lesprocédures juridiques intentées contre les soldats israéliens serontimmédiatement arrêtées. En scellant ce deal, le premier ministre turcRecep Erdoğan réduit la revendication de justice aux seules répa-rations, sans même consulter les familles concernées, et cède surl’exigence de levée du blocus sur Gaza, jusqu’alors posée commecondition de la normalisation des relations bilatérales.

DES RELATIONS EN DENTS DE SCIE Après avoir connu une période faste dans les années 90, illustrée parla signature de nombreux accords de coopération, les relations turco-israéliennes ont commencé à se détériorer au début des années2000, lorsqu’il est devenu évident que le processus de paix initié àOslo s’était soldé par un échec. Plusieurs évènements, dont le

Trois ans après le raid meurtrier sur la flottille de Gaza qui avait provoqué une crise diplomatique entre les deux pays, Israël a consenti à présenter

des excuses à la Turquie, achevant ainsi le processus de rapprochement entamé il y a quelques mois. Celui-ci

s’explique par la convergence de plusieurs facteurs,au premier rang desquels la géopolitique

régionale, les enjeux énergétiques et le partenariat stratégique

de chacune des partiesavec les États-

Unis.

palestine 03 TURQUIE-ISRAËL

DANS LES COULISSES DE LA NORMALISATION DES

relations turco-israéliennes

par Katarzyna Lemanska

soutien diplomatique apporté par la Turquie au Hamas après la victoire de ce dernier aux élections palestiniennes et l’opérationPlomb durci, sont venus nourrir les tensions, que le raid sur la flottille a transformées en crise ouverte. Celle-ci s’est traduite parl’expulsion de l’ambassadeur israélien d’Ankara et le gel des relations militaires. Deux composantes du contexte géopolitiquesont venues la renforcer : une appréciation contradictoire des révolutions arabes et le rapprochement israélo-chypriote suite à ladécouverte par Israël de champs gaziers en Méditerranée.

L’alignement sur plusieurs intérêts communs va renverser la tendance.Pour commencer, la prise de distance turque avec le régime d’Assaden Syrie rencontre les intérêts sécuritaires israéliens, échaudés parplusieurs incidents sur le plateau du Golan. À la crainte de désta-bilisation de la frontière du Golan vient s’ajouter celle de la prolifé-ration d’armes lourdes (notamment vers le Liban) en cas de chute durégime syrien. Et c’est ici que la coopération militaire avec la Turquieest indispensable à Israël, la Turquie étant considérée comme le seulpartenaire régional capable de contenir cette prolifération potentielle.

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LA PALESTINE, RELÉGUÉE À L’ARRIÈRE-PLAN?La normalisation des relations turco-israéliennes correspond à une évolution stratégique qui l’emporte sur l’engagement de la Turquie enfaveur de la Palestine. En prenant ses distances vis-à-vis d’Israël, laTurquie a été évacuée des discussions liées au processus de paix et aperdu son levier d’influence. Le rapprochement auquel on assiste peutêtre vu comme un renoncement turc sur cette question, ou, a contra-rio, comme la réévaluation nécessaire d’une prise de position qui n’apas été couronnée de succès. Pour cela, encore faudrait-il connaitre lesintentions réelles du gouvernement turc. L’histoire nous le dira.

1949 la Turquie reconnait Israël1992-1998 signature d’accords sur le tourisme, l’éducation, l’environnement, le libre-échange, la taxation et les investissements1996 début de la coopération militaire 2009 prise de distance de la Turquie suite à l’opération Plombdurci, annulation d’exercices militaires conjointsMAI 2010 attaque israélienne sur la Flottille de Gaza, la prise dedistance se transforme en crise ouverteMARS 2013 visite de Barack Obama en Israël, normalisation desrelations turco-israéliennes

C’est dans ce cadre que doit être comprise la livraison par Israëld’équipements militaires à hauteur de 25 millions de dollars à l’in-dustrie aérospatiale turque. Par ailleurs, en cas d’affrontement d’Israëlavec l’Iran, la stabilisation des relations israéliennes avec la Turquiepourrait permettre de neutraliser cette dernière.

Les liens transatlantiques offrent un second élément d’explication, Israël ayant besoin de la Turquie et à plus forte raison des États-Unispour contenir son isolement croissant. Washington compte sur la Turquie pour servir de courroie de transmission entre Israël et l’Irandans le cadre des négociations sur le nucléaire iranien. La Turquie a,quant à elle, tout intérêt à satisfaire son allié américain pour retrouverson statut de médiateur dans le processus de paix israélo-arabe queles États-Unis s’efforcent de relancer, ce qui lui permettrait d’asseoirson influence politique au niveau régional.

Enfin, l’intérêt des deux pays converge en ce qui concerne le gazoducqui transportera le gaz israélien vers l’Europe. Du côté turc, il s’agit dediversifier les sources d’approvisionnement en énergie, de devenirun carrefour de distribution de gaz vers l’Europe et de s’interposerentre Chypre et Israël, qui viennent de conclure un accord de pros-pection conjointe, contesté par la Turquie. Israël, quant à lui, préfèreraitse tourner vers un partenaire plus solide du point de vue économique,plus à même d’investir dans un couteux projet sous-marin qui permettrait d’éviter le passage par le canal de Suez.

palestine 04 TURQUIE-ISRAËL

ÉNERGIE Ces trois dernières années, Israël a découvert deux importants champs gaziers (Tamar et Léviathan) au large de la Méditerranée, plus précisément dansle bassin Levantin qui s’étend sur les eaux syriennes, chypriotes et libanaises. L’exploitation de ces gisements se pose déjà en catalyseur de tensions supplémentaires entre les différents acteurs impliqués (Chypre, Turquie, Liban, Syrie, Palestine et Israël). À la clé, le partage d’une manne financièreconséquente (entre 130 et 240 milliards de dollars selon les projections) et l’indépendance énergétique (les ressources en gaz du Bassin sont estiméesà 3 400 milliards de m3). Illustrations de ces tensions : le Liban a déjà fait savoir qu’il disputait la souveraineté israélienne exclusive sur Tamar et Léviathan, les frontières maritimes des deux pays n’ayant pas été définies; la Turquie conteste l’accord conclu entre la République de Chypre et Israël quiporte sur la délimitation de leurs zones économiques exclusives en Méditerranée.

Dans la configuration actuelle, ces découvertes sont des atouts stratégiques et économiques majeurs pour Israël. Elles rendent Israël moins dépendantde l’Égypte, qui fournit 40% de sa consommation domestique et, selon les prévisions de la Banque d’Israël, rien que les réserves de Tamar (deux foismoins importantes que celles de Léviathan), devraient ajouter 1% à la croissance économique israélienne en 2013. Par ailleurs, les efforts de prospectionlibanaise et syrienne sont quasi inexistants alors qu’Israël continue à mobiliser des ressources importantes dans l’espoir de trouver des gisements supplémentaires de gaz, mais aussi du pétrole. Si, d’un côté, les Israéliens comptent bien profiter de ces nouveaux développements, ils bloquent de l’autre les négociations avec les Palestiniens qui pourraient permettre les exploitations gazières gazaouies – et donc mettre fin aux incessantes coupuresde courant dues au blocus.

Israël a découvert deux importants champs gaziers au large de la Méditerranée.

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Les réfugiés palestiniens de Syrie sont ici traités en dehors de la population syrienne parce

que l’ABP a pour objet social la Palestine. Cela ne signifie absolument pas que

l’on oublie la population syrienne qui souffre depuis deux ans déjà

des massacres et des bombar-dements meurtriers.

palestine 05 RÉFUGIÉS

Les réfugiés palestiniens

DANS LA RÉVOLUTION SYRIENNE

par Marianne Blume

RÉFUGIÉS DEUX FOIS ET DISCRIMINÉS Pris dans la tourmente, beaucoup de réfugiés ont été déplacés tandis que d’autres ont fui les combats pour aller le plus souvent auLiban, en Jordanie, en Égypte, en Turquie et même à Gaza. La plupartde ces pays accueillent les réfugiés syriens avec réticence mais, pourles réfugiés palestiniens, le problème est encore plus compliqué. Pourentrer au Liban, tout Palestinien doit payer entre 20 et 30$ pour un visad’une semaine et le double pour un mois alors que les Syriens bénéfi-cient d’un visa de 6 mois sans frais. Quant à la Jordanie, si elle ad’abord accepté l’entrée des réfugiés palestiniens, maintenant, elle lesrenvoie en Syrie. Les réfugiés palestiniens sont automatiquement détenus à Cyber City. En Égypte, l’UNRWA n’a jamais disposé qued’un bureau de liaison, ce qui ne lui permet pas d’assumer la chargede ces nouveaux réfugiés et, comme Le Caire refuse que le HCR lesprenne sous sa tutelle, les réfugiés palestiniens de Syrie y sont com-plètement démunis. Et la Turquie? La Turquie considère tous les réfugiéscomme des « invités»: ils n’ont aucun document officiel mentionnantleur statut de réfugiés ou de demandeurs d’asile et pas davantage depermis de séjour. Ils sont hébergés dans des camps fermés et n’ontpas la possibilité de s’inscrire comme réfugiés auprès du HCR. Quantaux réfugiés palestiniens, ils ont besoin d’un visa pour entrer. L’UNRWA,de son côté, n’a pas assez de ressources pour parer à la situation…

QUELQUES CHIFFRES Réfugiés palestiniens : 525 000 (UNRWA, 2013)Nombre de camps : 9 officiels, 3 officieuxTués : 960 (février 2013)Déplacés en Syrie : 241000 (UNRWA)Re-réfugiés (début 2013) : 6000 (Jordanie), 20000 (Liban), ? (Turquie), 10 000 (Égypte), 110 familles (Gaza)

STATUT DES RÉFUGIÉS EN SYRIEDe tous les pays qui ont accueilli des réfugiés palestiniens, la Syrie estcelui qui leur a assuré le meilleur traitement : une loi (1956) stipule qu’ilsont les mêmes droits que les Syriens de souche en matière de travail,de commerce et de service militaire, tout en conservant leur nationalitéd’origine. Néanmoins, ils n’ont pas le droit de vote et ne peuvent acquérir de terres agricoles ni posséder plus d’une habitation. Outrel’UNRWA, ils sont soutenus par la General Authority of Palestinian Arab Refugees in Syria (GAPAR), un organisme gouvernementalchargé de l’enregistrement des réfugiés, de la fourniture de l’aide humanitaire et de la distribution des subsides.

LES PROBLÈMES COMMENCENTAu début de la révolte contre Bachar Al Assad, les Palestiniens de Syrieont voulu rester neutres. Mais très vite, le régime les a accusés d’êtreà l’origine des manifestations de Deraa (2011) et lors du siège de la ville(avril 2011), le camp de réfugiés qui fournissait une aide humanitaire àdes familles syriennes en fuite a été bombardé. De même, plus tardcelui de Latakia en août 2012. Ce fut le tour, ensuite, du camp d’Al Yarmouk. En juillet, 16 jeunes gens de l’armée de libération de la Palestine ont été kidnappés et tués. Durant ces événements, les campsavaient accueilli et aidé des familles syriennes en détresse.

LA POSITION DES PARTIS PALESTINIENSAprès le silence, la plupart des partis sont restés prudents dans leursdéclarations. Sauf le FPLP qui soutient le régime, ce qui a d’ailleurscausé des clashs dans les rangs des réfugiés. Le Fatah, faible enSyrie, est resté neutre. Quant au Hamas, après avoir fermé son siègeà Damas, il a finalement affirmé le 30/09/2012 son soutien au peuplesyrien dans sa lutte contre le régime. L’OLP, enfin, invoque la neutra-lité des réfugiés palestiniens et maintient le contact avec les officielssyriens pour tenter de limiter les dégâts.

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L’arrivée au pouvoir des Frèresmusulmans en Égypte en janvier

2012 a suscité une profonde satisfaction chez les Palestiniens, en particulier à Gaza.

Mais très vite, l’euphorie consécutive à cette élection a dû céder la place à la déception.

Confrontés à l’exercice du pouvoir, les Frères musulmans ont fait preuve d’un pragmatisme politique

qui en a surpris plus d’un.

Les Frères musulmans égyptiens

ET LA GESTION DU DOSSIER PALESTINIEN OU COMMENT LA REALPOLITIK L’EMPORTE SUR LES CONVICTIONS POLITIQUES

par Hocine Ouazraf

palestine 06 FRÈRES MUSULMANS

L’ARRIVÉE AU POUVOIR DES FRÈRES MUSULMANS : LA FIN D’UNE ÈRE ? Si Israël voyait d’un très mauvais œil le départ de Moubarak, qui représentait un allié sûr et fiable dans la région, il va sans dire que lachute du dictateur a provoqué une immense satisfaction dans lemonde arabe, particulièrement en Palestine, notamment en raison despositions pro-israéliennes de ce dernier. Il faut dire que le Raïs égyptienavait développé des relations politiques et commerciales intenses avecl’État hébreu qui risquaient d’être mises à mal par les Frères musul-mans égyptiens fraichement élus. Si cette élection devait permettre àl’Égypte de s’affranchir de son encombrant voisin israélien, elle devaitpermettre par la même occasion au nouveau pouvoir de prendre sesdistances par rapport au « parrain américain ». En effet, l’Égypte bé-néficie depuis plusieurs décennies d’une aide financière américaine –militaire et économique– importante qui la place au second rang desbénéficiaires américains les plus importants après Israël.

D’aucuns considèrent les Frères musulmans comme étant à la pointedu combat anti-israélien dans la région. Partisane de la lutte armée,marginalisée et brimée durant le règne de Moubarak, la Confrérien’avait de cesse de dénoncer la politique égyptienne à l’endroit de laPalestine. En mars 2013, deux mois après son investiture, elle a

adopté une résolution qualifiant Israël « d’ennemi numéro un del’Égypte», ce qui a amené plusieurs commentateurs à parler d’unenouvelle orientation de la politique égyptienne dans le dossier pales-tinien. Malheureusement, une analyse approfondie des faits montrequ’il n’en est rien. D’emblée, Mohamed Morsi, chef de l’État égyptien,issu des rangs des Frères musulmans, s’est empressé de soulignerson intention de ne pas remettre en cause les accords internationauxratifiés précédemment par l’Égypte, en particulier l’accord de CampDavid. Ce traité de paix permit aux Égyptiens de récupérer le Sinaï annexé par Israël lors de la guerre dite des Six-jours en 1967, bienqu’il soit totalement impopulaire dans la société égyptienne. Dansl’opposition, le mouvement des Frères musulmans avait toujours sou-tenu la lutte armée des Palestiniens comme méthode pour recouvrerleurs droits nationaux. Or le traité de paix israélo-égyptien mettait unterme à cette option comme mode de lutte, ce qui constitue claire-ment une entorse aux principes affichés publiquement par le mou-vement. Si le nouveau pouvoir a des circonstances atténuantes dansce dossier, dans la mesure où il hérite d’une situation politique pourle moins complexe, d’autres faits attestent d’un revirement politiquede la Confrérie par rapport à son crédo habituel.

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les habitants de Gaza peuvent se ravitailler en produits de premièrenécessité, mais aussi et surtout ne pas dépendre des produits israéliens devenus hors de prix pour les habitants de ce territoireassiégé par Israël depuis 2007. Sans ces tunnels, la crise alimentaireet sanitaire qui frappe la bande de Gaza depuis l’imposition d’un blocus terrestre, maritime et aérien du territoire aurait été plus dramatique. Certains estiment que près de 80 % des produits alimentaires transitent par ces tunnels. Ce qui conduit MahmoudZahar, un des chefs du mouvement Hamas à déclarer sans ambages: « L’ancien régime était cruel, mais il n’avait jamais acceptéd’affamer Gaza ». Le Caire, quant à lui, justifie ces destructions par l’existence d’un trafic d’armes vers l’enclave palestinienne, quimettrait en péril la sécurité du Sinaï. Or pour la résistance palesti-nienne, ces tunnels permettent l’acheminement d’armements néces-saires à son combat. Chantre de la lutte armée contre l’occupantisraélien lorsqu’elle était dans la clandestinité, la Confrérie égyptienneaujourd’hui au pouvoir met en avant des arguments prétendumentsécuritaires pour justifier ses actes d’obstruction et de déloyauté à l’égard de la résistance palestinienne. Des considérations plus prosaïques, la realpolitik et l’exercice du pouvoir sont à l’origine des revirements du mouvement des Frères musulmans dans sa gestiondu dossier palestinien. La question palestinienne n’est plus une priorité pour les nouvelles autorités égyptiennes qui restent, pour lesquestions économiques, dépendantes des pays occidentaux, États-Unis en tête, ce qui constitue un moyen de pression considérable surl’Égypte post-révolutionnaire. Rien ne laisse entrevoir dans les actesdu Président Morsi de réelle volonté de changement. Ce qui fait direà Ziad Medoukh, responsable du département français de l’UniversitéAl Quds de Gaza et coordinateur du Centre de la paix à Gaza: « Maisles Frères musulmans ont un double langage. Officiellement, ils veulent libérer la Palestine mais sur le terrain, la réalité est tout autre.Désormais, ils vont tout faire pour se maintenir au pouvoir. Pour cela,ils ont besoin de l’appui des États-Unis, et donc, ils vont devoir fairedes concessions. Au lieu de soutenir la résistance armée du Hamas,ils vont faire pression sur le mouvement islamiste pour qu’il cessetoute hostilité envers Israël afin de respecter la trêve. (…). »

LA BANDE DE GAZA COMME INDICATEUR DE LA POLITIQUE ÉGYPTIENNE DANS LE DOSSIER PALESTINIEN Si l’ex-Président égyptien avait clairement affiché son soutien à l’agres-sion israélienne lors de l’opération «Plomb durci», l’actuel Président Mohamed Morsi a fait preuve d’audace politique en novembre 2012lors de la dernière agression israélienne «Pilier de défense» en rappelant aussitôt son ambassadeur en poste en Israël et en dépêchantsur place son Premier ministre deux jours seulement après le début del’opération. De surcroît, il a joué un rôle prépondérant pour mettre unterme aux hostilités entre les deux protagonistes. Par ailleurs, le poste-frontière de Rafah est ouvert tous les jours, le nombre de Palestiniensautorisés à le passer évoluant sensiblement pour passer de 450 à 1000 par jour. C’était là une manière de se démarquer des pratiquesde l’ancien régime qui avait clairement soutenu le blocus de la bandede Gaza en bloquant le poste-frontière de Rafah. L’accession desFrères musulmans au pouvoir a empli d’espoir les Gazaouis convain-cus que leur situation politique, économique et sociale allait s’amé-liorer. Néanmoins, les relations entre le Mouvement de la résistanceislamique palestinienne, le Hamas, aux affaires dans la bande deGaza, et le mouvement des Frères musulmans vont se ternir en raison notamment d’une attaque survenue en août 2012 au poste-frontière de Rafah qui va coûter la vie à 16 gardes-frontières égyptiens.Incident meurtrier dont les autorités égyptiennes ont rendu respon-sable le Hamas. Bien que le fait ne soit pas clairement établi, uneimportante campagne médiatique visant à lui faire endosser ce douloureux incident s’est développée dans les médias égyptiens,avec notamment pour conséquence un sentiment anti-Hamas virulentdans l’opinion publique égyptienne. De plus, en représailles, les autorités égyptiennes ont lancé l’opération Aigle 2 afin de « nettoyer »le Sinaï des éléments susceptibles d’être à l’origine de cette tuerie.Pire encore, l’armée égyptienne va procéder, dans les mois qui ontsuivi, à la destruction et l’inondation par des eaux usées provenantd’égouts de plusieurs centaines de tunnels qui servent à la contre-bande de marchandises entre Gaza et l’Égypte. Pour nombre d’observateurs palestiniens, en agissant de la sorte, le gouvernementde Mohamed Morsi a repris à son compte des pratiques de l’ancienrégime. En effet, les tunnels constituent une bouée de sauvetage quipermet aux Gazaouis de contourner le blocus israélien. Grâce à eux,

« L’ancien régime était cruel, mais il n’avait jamais

accepté d’affamer Gaza.

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Fin mars, un jour avant la date limite, Mahmoud Abbas a approuvé

le budget 2013, présenté par SalamFayyad (ex-Premier ministre).

Le Conseil législatif palestinien n’a pas eu letemps de le discuter ou d’émettre des objections.

Une procédure non démocratique et contraire à la législation palestinienne…

Le budget palestinien

REFLET DE LA DÉPENDANCE par Marianne Blume

palestine 08 BUDGET

Cinquième remarque: les recettes dépendent surtout des taxes qu’Israël collecte au nom de l’Autorité palestinienne et qu’il est censélui reverser. Normalement, à partir du 1er janvier 2013, suivant un accord signé entre le Premier ministre Salam Fayyad et Yuval Steinlitz, ministre des Finances israélien, l’Autorité palestinienne devrait pouvoircollecter elle-même directement ces taxes ,y compris sur le carburant(un pipe-line doit être construit). Jusqu’à présent, rien n’a abouti.(http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/israel-palestinian-authority-sign-bilateral-trade-agreements-1.455067) Sixième remarque: près d’un tiers du budget est supposé être fournipar les aides extérieures. Or l’on sait que la plupart des engagementspris par les bailleurs de fonds n’ont pas été tenus ou alors avec retard et partiellement. Septième remarque: à cause notamment des aides internationales nonreçues, l’Autorité palestinienne a un déficit qui dépasse le budget actuel.

STRUCTURE DU BUDGETPremière remarque : le budget palestinien est égal à 4% du budgetisraélien. Ce qui en donne la mesure.Deuxième remarque : plus de la moitié du budget sert à payer lesfonctionnaires et employés de l’Autorité palestinienne, qu’ils soienten Cisjordanie ou à Gaza où ils sont payés et ne travaillent pas surordre de l’autorité de Ramallah (= 62000 des 145000 fonctionnaireset employés, suivant Amira Hass ou 55000 des 16000 pour LaurentZucchini).Troisième remarque: 26% du budget sont consacrés à la sécurité.La Palestine, qui n’est toujours pas un État indépendant, a ainsi undes plus gros budgets « militaires » du monde. Bien sûr, on ne peutpas parler d’armée mais il y a une police et des services de sécurité formés et entraînés par le Général Dayton (USA) et par l’Europe.Quatrième remarque: le budget 2013 veut répondre aux problèmesdes zones C et B et comprend un poste « développement rural ».

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pénale internationale notamment à propos des colonies. Mais Israëlaussi bien que les USA et l’Europe y sont farouchement opposés.Les dirigeants palestiniens peuvent-ils faire ce pas alors qu’ils ont besoin d’aides étrangères pour couvrir leur déficit ?

LA SÉCURITÉ : UNE PRIORITÉ Par ailleurs, quand la part du budget « sécurité » reste pour ainsi dire inchangée, on est en droit de se poser des questions : un tel budgetpour un État sous occupation ? Les donateurs sont très soucieux desécurité et n’hésitent pas à y investir en formation, entraînement et matériel: que ce soit la contribution européenne (EUPOL COPPS) ou lesactivités de l’United States Security Coordinator (USSC). Un des piliersdes réformes du système sécuritaire palestinien est la coordination avecles services israéliens et l’accent est particulièrement mis sur la « maîtrisedes foules » (http://unispal.un.org/pdfs/IRIN_secreformoccwbf.pdf). Or il est interdit à la police palestinienne d’intervenir pour défendre sesconcitoyens contre l’armée israélienne en zone A et elle ne peut intervenir en zone B et C (soit 83% du territoire de la Cisjordanie !) Encas d’attaque israélienne en zone A, la police se retire. Le but ultime estdonc bien de maintenir l’ordre dans le territoire palestinien au profitd’Israël. Mais aussi de l’Autorité palestinienne (AP) qui défend son pouvoir (manifestations réprimées, arrestations de militants et de journalistes). Dans ce cas-là, on voit mal comment peut se réaliserl’objectif annoncé d’aider la population à résister à l’occupation…

ET L’OCCUPATION DANS TOUT CELA ?Salam Fayyad déclare que « le défaut de payement de l’aide étrangèrequi était budgétisée» est la cause principale des difficultés financières.Et l’occupation ? Officiellement, vu les checkpoints, la résorption parl’économie israélienne des exportations palestiniennes etc., ce sont500 millions de perte pour l’économie palestinienne. Sans parler dudé-développement programmé par Israël. On peut parier qu’Israëlcontinuera à reverser les taxes dues et que les donateurs continuerontà soutenir financièrement l’Autorité palestinienne pour éviter une criseprofonde qui affecterait la sécurité d’Israël. Ils l’ont fait et le feront suivant leur agenda en exerçant à tout moment un chantage sur l’AP.

En conclusion, le budget palestinien ne peut être qu’un budget sousperfusion. Et qui dit aides étrangères (UE ou USA ou États arabes) dità la fois dépendance, maintien de l’occupation et musèlement d’unerésistance efficace.

OBJECTIFS DÉCLARÉSD’après le communiqué officiel, une des lignes du budget est de réduire la dépendance envers l’assistance externe : la contributiondes recettes propres s’élève en effet à 70% contre les 67% de 2012.Par ailleurs, le même communiqué stipule que l’augmentation du financement du développement (100 millions de dollars de plus) va accélérer « le taux d’exécution des projets de développement, spécia-lement dans les centre ruraux affectés par les colonies et le Mur dansles zones C. » et d’ajouter que le budget est en phase avec « la politiquedes années précédentes, qui fait face à l’occupation et à son entreprisede colonisation en soutenant la capacité des citoyens à rester avec ténacité dans leur patrie.» (http://english.wafa.ps/index.php?action=detail&id=21990: Cabinet Approves 2013 Fiscal Year General Budget).Soit deux objectifs qui visent à plus d’indépendance et à la résistancedans les zones C.

OBÉISSEZ SINON VOUS N’AUREZ PLUS D’ARGENTComme le remarque Amira Hass, le budget comporte des contra-dictions. Comment peut-on vouloir aider une population à résister àl’occupation israélienne et en même temps dépendre financièrementd’Israël et des aides étrangères, principalement américaines?

On sait que, suite à la reconnaissance de l’État de Palestine par l’Assemblée générale de l’ONU, en représailles, Israël avait refusé de reverser le montant des taxes dues à l’Autorité palestinienne etque les USA avait gelé les aides promises. Il en avait immédiatementrésulté une crise financière et les fonctionnaires et employés n’avaientpas pu être payés ni dans les temps ni en totalité.

Retenue des taxes par Israël, cela signifie que près des 2/3 des revenus de l’AP sont en question… Gel des aides américaines, celasignifie notamment fin de leur assistance budgétaire (200 millions) ethumanitaire (300 millions de dollars).

Finalement, suite à la visite d’Obama en Israël et en Cisjordanie, lesdeux blocages ont été levés (partiellement et ponctuellement pour Israël : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/03/25/israel-reprend-le-transfert-des-taxes-aux-palestiniens_1853978_3218.html).Il n’empêche, le gouvernement palestinien est donc soumis à despressions sous forme de sanctions financières qui mettent en jeu la survie de « l’autonomie palestinienne ». Ainsi, devenue membre observateur de l’ONU, la Palestine est en droit de s’adresser à la Cour

BUDGET 2013 (APPROUVÉ PAR MAHMOUD ABBAS)

Dépenses : 3,9 (3,8) milliards de dollars(Suivant l’agence Wafa qui cite un communiqué de presse de l’Autorité palestinienne)

– Développement rural : 350 millions– Sécurité : 1 milliard (26% du budget)

– Social : 900 millions (16% éducation et 10% santé)Recettes : Transfert des taxes collectée par Israël

+ autres taxes : 2,5 milliards de dollars+ assistance internationale : 1,4 milliardDéficit prévu : plus d’1 milliard de dollars

Dette de l’AP : 4 milliards de dollars

Page 10: Palestine n°56

palestine 10 DOSSIER APARTHEID

« Le Tribunal Russell sur la Palestine a démontré et, nous l’espérons, démontrera encore la justesse de la conviction

de Stéphane Hessel selon laquelle la pire attitude face à l’injusticeest l’indifférence. Ou le déni.» Cette déclaration, tirée du discours

de Nurit Peled prononcé lors de la session de clôture du Tribunal Russellsur la Palestine (intégralité du texte pp. 11-12), résume bien l’esprit qui a

animé les travaux de ce tribunal d’opinion tout au long de ses quatre sessions : empêcher les crimes d’être passés sous silence, les dire tout haut, à la face du monde.

Ce dossier revient sur les conclusions du Tribunal prononcées les 17 mars dernier à Bruxelles et, dans le même esprit, expose également au grand jour quelques exemples

concrets de la réalité de l’apartheid israélien.

DOSSIER TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE

L’apartheidisraélien

EXPOSÉ AU GRAND JOUR

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Je voudrais dédicacerces paroles à notre très cher

Stéphane Hessel à qui j’avais été présentée à Paris par mes enfants Elik et Guy

qui l’admiraient profondément et s’inspiraient de luidans leur propre combat contre l’occupation de la Palestine.

les laisser s’exaspérer parce que l’exaspération est le déni de l’es-poir. Et nous, qui pouvons parler et avons le privilège de pouvoir être entendus, devons créer de l’espoir pour ceux qui n’en ont pas.

Les personnes qui ont survécu à Auschwitz disent souvent que l’unedes choses les plus exaspérantes, c’était de savoir que personne neconnaissait leur souffrance, que personne ne voyait leur détresse.

Personne n’a jamais été intéressé par la souffrance humaine, surtoutquand elle surgit à votre porte ou dans votre arrière-cour et on lui a toujours collé des étiquettes politiques. Pratiquement personne au-jourd’hui n’étudie ni n’enseigne vraiment la souffrance des Palestiniens.

C’est pourquoi savoir qu’il y a une institution professionnelle, respec-table et influente, qui est consciente de leur détresse et de leur luttepour leur survie, pour leur dignité et leur liberté est un encouragement,pour tous ceux qui résistent contre le mal israélien, des Palestinienscomme des Israéliens, à continuer à lutter et continuer à vivre.

Selon moi, c’est un des objectifs majeurs du Tribunal Russell. L’autreobjectif était de collecter suffisamment de preuves pour incriminer Israël et ses complices occidentaux dans des termes qu’ils ne puis-sent ignorer.

Israël a réussi à se faire passer lui-même pour une démocratie maisc’est, comme l’a établi le Tribunal, un État d’apartheid qui prive la moitié de sa population dominée des produits de première nécessitécomme de l’eau en été. Giorgio Agamben a dit récemment : « L’Étatd’Israël est un bon exemple qui montre comment, quand un état d’exception se prolonge, toutes les institutions démocratiques s’effondrent. C’est ce qui est arrivé dans la République de Weimar. »Israël a atteint un sommet inimaginable dans le mal. Et en effet, beau-coup de gens dans le monde peinent à croire qu’il en est ainsi.

Session de clôture

DU TRIBUNAL RUSSELLSUR LA PALESTINE

par Nurit Peled Elhanan

Je voudrais aussi dédicacer ces mots à la mémoire d’un jeunehomme de l’âge de mes enfants, le martyr Mo’ayad Nazeeh Gha-zawna (35 ans) mort hier à l’hôpital de Ramallah. Mo’ayad a étéblessé il y a trois semaines par une bombe lacrymogène lancée parles forces d’occupation israéliennes. Et à tous les enfants des mèrespalestiniennes, qui sont tués, mutilés et torturés pendant que je vousparle, qui sont kidnappés dans leur lit chaque nuit et jetés dans des cellules d’isolement, arrachés à leurs parents et à leurs familles,interrogés dans les plus cruelles conditions, traumatisés à vie pourrien, pour avoir lancé une pierre ou traversé une rue réservée auxseuls Juifs ou être rentrés à leur village au retour de l’école en passantpar un trou de la clôture de sécurité. Ces enfants et leurs parents nepeuvent jamais être entendus devant aucune cour de justice ni aucuntribunal au monde. Leur parole n’a aucune validité dans le système judiciaire occidental. Leur condamnation est toujours prononcée à l’avance. Ce sont des criminels par le simple fait qu’ils sont pales-tiniens. Et ce fait à lui seul autorise leurs oppresseurs à les traitercomme des êtres « à qui l’on dénie par la force tout statut social etdont les vies peuvent être supprimées impunément ».

Ces enfants et leurs parents, qui manifestent chaque vendredi contrele Mur de l’apartheid et contre les colonies à Nabi Saleh, Masaara,Nilin, Bilin, Bet Umar pour ne nommer que quelques villages, dontles maisons sont démolies sous des justifications puisées dans ceque le sociologue décédé Stanley Cohen appelait le «kitsch sioniste»,ont reçu peut-être pour la toute première fois une écoute correcte devant le Tribunal Russel sur la Palestine.

Les Palestiniens ne sont pas autorisés à quitter leurs maisons mêmepour aller dans le village voisin rendre visite à leur famille et encoremoins à voyager pour aller jusqu’à Bruxelles. Mais nous, qui avons leprivilège de pouvoir voyager, devons être leurs émissaires. Nous nepouvons permettre, et Stéphane Hessel le répétait sans cesse, de

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Qui pourrait imaginer des brutes juives, bottées de noir et casquées,armées de fusils et de bâtons, lâchant des chiens sur de petits enfants et des vieillards, ou laissant des demandeurs d’asile mourirde soif dans le désert et des grévistes de la faim mourir, les punissant,ainsi que leurs familles en les envoyant en cellule d’isolement ? Quipourrait imaginer des médecins juifs sortant un blessé de l’hôpital et le laissant mourir de soif sur une route déserte ? Et qui pourraitpenser à des soldats juifs brisant la nuque d’une jeune fille portantune écharpe rose pour avoir manifesté contre l’oppression ? Qui pourrait imaginer une éducation de jeunes filles juives consistant à battre et à harceler des femmes et des enfants ou une soldate juiverecevant une médaille du courage pour avoir abattu un adolescentpalestinien qui s’en allait chercher son gâteau d’anniversaire ?

La seule conclusion possible doit être que le mal israélien n’a rien à voir avec le judaïsme et que ce qui se manifeste dans le compor-tement des Israéliens n’est pas de la judéité. C’est le professeur Yeshayahu Leibovitch qui avait dit : « Le judaïsme national est au judaïsme ce que le national-socialisme était au socialisme ». Ce quicommande le comportement israélien, c’est du pur racisme colonia-liste, nationaliste et chauviniste qui devrait être traité comme tel.

Stéphane Hessel était clair comme le cristal à cet égard et pour cela,il a été défini par un autre camarade militant Michel Warschawski, et je cite : «Stéphane Hessel n’était pas seulement la conscience du20e siècle mais la conscience juive en tout ce qu’elle a de meilleur. »

Le Tribunal Russell sur la Palestine a démontré et, on l’espère, conti-nuera à démontrer la justesse de la conviction de Stéphane Hesselselon laquelle la pire attitude face à l’injustice est l’indifférence. Oule déni. L’indignation et l’engagement sont les seules réponses pos-sibles au Mal. Et pour cela, je suis reconnaissante à chacun d’entrevous qui avez accompli ce travail. C’est très important pour noustous, là-bas, de savoir qu’il y a des personnes ici qui ne laisserontpas tomber jusqu’à ce que que le Mur tombe et que la justice prévale enfin.

palestine 12 DOSSIER APARTHEID

Bruxelles accueillait, les 16 et 17 mars derniers, la session finale du Tribunal Russell sur la Palestine(TRP). Après des sessions organisées entre 2010 et 2012 à Barcelone, Londres, Cape Town et NewYork, c’était au tour des Belges de se mobiliser,avec l’équipe du TRP, pour que cet événement soit une réussite. Ils l’ont fait avec brio, tant pour les appuis sur le fond que pour la logistique des deux journées et la collecte de fonds.

la paix et la justice

EN PALESTINE par Virginie Vanhaeverbeke

Après avoir abordé les responsabilités et les manquements d’entre-prises, d’États et d’organisations internationales (UE et ONU), aprèsavoir démontré qu’Israël violait clairement l’interdiction internationalede l’apartheid, il restait au jury du TRP à se revoir pour reprendre l’essentiel du travail entrepris depuis 4 ans et en déduire les lignesd’actions qu’il propose pour remédier aux violations systématiques etprolongées du droit du peuple palestinien à l’autodétermination.

Le format de cette dernière rencontre était donc différent, avec une partie publique plus réduite, puisqu’il n’y avait cette fois pas de té-moins ou d’experts appelés à s’exprimer. Après plusieurs semainesd’échanges par Internet, les membres du jury ont par contre eu la jour-née du samedi 16 pour travailler à huis clos, adopter les conclusions finales et s’entendre sur les principaux éléments qu’ils allaient présen-ter au cours de la séance publique qui s’est tenue le dimanche 17 mars.S’en est suivi une conférence de presse internationale qui a permis deprésenter les conclusions finales du TRP à la presse internationale.

LES RECOMMANDATIONS DU JURY Les conclusions de la session finale, disponibles sur le site du TRP,constituent ainsi une synthèse très claire de l’ensemble des violationsdu droit commises à l’encontre du peuple palestinien et des compli-cités constatées par le TRP tout au long de ses sessions. La dernièrepartie du document est, quant à elle, résolument tournée vers l’action,avec une série de pistes proposées à tous les acteurs impliqués.

Ces recommandations s’adressent bien sûr en premier aux acteurscentraux, Israël et la Palestine, et à ceux dont la responsabilité a direc-tement été épinglée par le TRP : les Nations unies, l’Union européenne,les États, au premier rang desquels figurent les USA, et des entre-prises. Il s’agit entre autres de faire en sorte qu’Israël mette un terme àses violations du droit international ; que la Palestine devienne membreà part entière de la Cour pénale internationale (CPI) et d’un ensemblede conventions et traités internationaux ; que l’Assemblée générale del’ONU réinstaure le Comité spécial contre l’apartheid de l’ONU etconvoque une session extraordinaire pour examiner la question de

Page 13: Palestine n°56

social – mouvements pour la justice sociale, organisations contre leracisme, organisations écologistes, mouvements militants pour lapaix et autres – et le lieu d’où elles agissent – intègrent la solidarité palestinienne dans leur travail. Le TRP propose également d’affinerles stratégies en promouvant des études sur des questions telles quela recherche d’une méthode permettant de déterminer le montant des dommages économiques subis par les Palestiniens du fait del’expansion coloniale ; les effets de la campagne BDS sur l’économieisraélienne ; sur les sociétés israéliennes qui trafiquent l’étiquetagede leurs produits ; le volume des exportations en provenance des colonies de peuplement qui atteignent le marché européen et les autres marchés et les technologies issues de l’occupation exportéesvers l’Europe et utilisées par des pays démocratiques.

L’IMPORTANCE DE LA SYMBOLIQUE DES PRISONNIERS DANS UN CONTEXTE D’OCCUPATION COLONIALEDans ses conclusions, le Jury du TRP estime aussi que certainesquestions doivent bénéficier d’une attention particulière. S’agissant des prisonniers palestiniens, le Tribunal demande quecette question soit traitée de toute urgence et considérée comme unsujet d’inquiétude majeur au niveau international. L’accent doit êtreplacé sur la détention fréquente de femmes et d’enfants palestiniens,sur les conditions de détention inacceptables, sur les internements delongue durée sans inculpation ni jugement et sur les questions sou-levées par les grévistes de la faim palestiniens.

Le Tribunal a d’ailleurs proposé la création d’un comité internationalregroupant d’anciens prisonniers politiques pour faire campagne surla question des prisonniers.

Le Tribunal soutient par ailleurs le travail réalisé en vue d’obtenir une définition juridique du sociocide qui mettrait l’accent sur la nature illiciteet pénale du colonialisme et du déni du droit à l’autodétermination d’unpeuple et qui pourrait être incorporée dans le projet de convention surles crimes contre l’humanité et/ou dans une convention à part sur le so-ciocide. Au vu des torts causés aux peuples colonisés d’Afrique, d’Asieet d’Amérique latine ainsi qu’aux Amérindiens, au peuple aborigèned’Australie, au peuple du Sahara occidental et au peuple palestinien,le TRP encourage la recherche universitaire indépendante sur le sujet.

Enfin nous ne pourrions pas terminer cet article sans rappeler l’une des recommandations que le jury avait peut-être le plus à cœur de formuler car elle est souvent à la base de l’engagement, qui est d’en-courager un maximum de personnes à se rendre en Palestine pour yconstater le sort quotidien des Palestiniens et témoigner en solidarité.

l’apartheid perpétré à l’encontre du peuple palestinien ; que l’UE sus-pende l’accord d’association euro-méditerranéen pour mettre unterme à l’impunité dont Israël jouit encore à ce jour ; que les Étatss’abstiennent de limiter le champ de la compétence universelle afinde garantir qu’aucun État ne devienne un refuge pour des Israélienssoupçonnés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ;que les USA mettent fin à leur soutien économique, militaire et diplo-matique accordé à Israël et cessent leur politique de recours au droitde veto au Conseil de sécurité de l’ONU et que des actions légalessoient entreprises à l’égard des entreprises coupables de complicitéde crimes de guerre.

Aussi justement fondées que soient ces demandes, le jury du TRPn’imagine pas qu’il suffise de les énoncer pour faire évoluer les rapportsde force entre États, organisations internationales et entreprises. En éta-blissant de manière claire les obligations légales auxquelles Israël refusede se soumettre et dans quelle mesure des acteurs tiers se rendentcomplices des agissements d’Israël, le TRP entendait renforcer l’actionde la société civile en renforçant la légitimité de ses actions.

Maintenant que le TRP est arrivé au bout du travail qu’il s’était assigné,c’est à la société civile de s’en saisir et d’engager des actions qui imposeront à la longue les changements attendus.

L’ACTION INDISPENSABLE DE LA SOCIÉTÉ CIVILEPour ce qui concerne la société civile, le jury du TRP a commencé parrenouveler son soutien à la campagne Boycott, Désinvestissement etSanctions (BDS), tout en demandant qu’elle soit intensifiée au seindes pays de l’Union européenne et qu’elle s’étende à d’autres États,organisations régionales et institutions intergouvernementales.

Il est ainsi plus que jamais nécessaire de faire un travail de sensibili-sation sur les violations du droit international commises par Israël et lescomplicités et manquements d’acteurs tiers tels que mis en exerguepar le TRP. Le grand public doit par exemple être en mesure de com-prendre que la position de l’ONU sur le conflit dans la région devraits’affirmer clairement contre l’occupation et l’apartheid et que les campagnes de « brand Israël » ne devraient pas pouvoir être utiliséespour masquer les violations systématiques des droits des Palestinienspar Israël. A ces fins, les médias sociaux et électroniques doivent êtreutilisés de manière efficace pour contrer les informations biaisées ou réhabiliter celles passées sous silence par la presse occidentale àpropos des pratiques coloniales et d’apartheid israéliennes.

Pour que l’action puisse s’étendre, il est indispensable que le plusgrand nombre de mouvements associatifs, quels que soient leur objet

Le TRP entendait renforcer la légitimité des actions de la société civile.

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palestine 14 DOSSIER APARTHEID

UN SONDAGE ET UN RAPPORT QUI EN DISENT LONGPour commencer, quelques résultats d’un sondage daté d’octobre2012 : 49% des Juifs israéliens veulent que l’État favorise les citoyensjuifs au détriment des citoyens arabes et 59% qu’on donne la préfé-rence aux Juifs dans l’attribution d’emplois dans la fonction publique;42% ne veulent pas de classes mixtes pour leurs enfants et 42% neveulent pas vivre dans le même immeuble que des Arabes ; 47% sontpour le transfert d’une partie de la population arabe d’Israël vers l’Autorité palestinienne et 69 % sont contre le le droit de vote aux Palestiniens de Cisjordanie en cas d’annexion de celle-ci. (G. LEVY,Survey: Most Israeli Jews wouldn’t give Palestinians vote if West Bank was annexed, Haaretz, 23/10/2012)

Comme dit G. Levy commentant le sondage, les Israéliens sont « satisfaits par le racisme, à l’aise avec l’occupation et heureux del’apartheid. »

Par ailleurs, dans les faits, le rapport 2013 de « The Coalition AgainstRacism in Israel » (groupement d’organisations israéliennes) donneun tableau complet de tous les domaines et des communautés contrelesquelles le racisme s’exerce. Et les chiffres sont concluants : les citoyens arabes d’Israël sont bien la cible constante et principale duracisme. Celui-ci s’exerce à tous les niveaux: institutionnel, juridique,policier, éducatif et bien sûr dans la violence quotidienne. (voir site :http://www.fightracism.org/)

« MORT AUX ARABES » : HAINE CLASSIQUE DE L’AUTRE ?Des faits ? Un jeune promeneur lynché à Jérusalem (H. SALLON, Israël secoué par le lynchage d’un Palestinien à Jérusalem, LeMonde, 31/08/2012), un nettoyeur attaqué sur une digue à Tel Aviv, unserveur frappé à coup de battes et de chaises dans un restaurant à Tel Aviv, un habitant de Nazareth battu au lac Kinneret parce qu’ilparlait arabe. Des supporters du Beitar (club de football) qui s’enprennent à des serveurs palestiniens dans un complexe commercial,qui veulent une équipe ethniquement pure et mettent le feu au local

RECRUDESCENCE ?Je voulais écrire un article sur les lynchages et autres agressions racistes récentes en Israël contre les « Arabes », entendez par là les Palestiniens citoyens d’Israël. J’avais la matière mais j’ai voulupousser plus loin mes recherches sur Internet. Et j’ai dû me rendre àl’évidence : il n’y a pas une seule année où l’on ne recense des actes racistes. Même si, ces temps-ci, des articles dans la presse israélienne en anglais parlent d’un regain d’actes racistes, même sicertains journalistes s’étonnent ou s’inquiètent de leur augmentation,il est évident que le phénomène n’est pas nouveau. Tant et si bienque les réflexions- d’Israéliens comme de Palestiniens ou d’observa-teurs étrangers-sur le racisme inhérent à l’État d’Israël restent plusque jamais pertinentes.

On me dira que le racisme est partout et ce ne sont pas les dérivesracistes récentes en Grèce, en Italie, en France ou en Belgique qui ledémentiront. Néanmoins, quand un État pratique, défend et excusesystématiquement le racisme anti-arabe depuis 64 ans, on ne peutqu’y voir la marque d’une politique et d’une éducation affirmées.L’écrivain israélien d’origine iraquienne, Sami Michael, n’hésite pas àdire que « Israël peut se targuer d’être l’État le plus raciste du mondedéveloppé » et ce, depuis son origine, avec le racisme contre les Juifsdes pays arabes. (cité par H.SALLON, Israël secoué par le lynchaged’un Palestinien à Jérusalem, Le Monde, 31/08/2012)

J’avais donc écrit un peu vite « Recrudescence » du racisme en Israël.Comme si sa violence n’avait pas toujours marqué l’histoire d’Israël.J’ai décidé de le barrer sous vos yeux : Israël est un État d’apartheidraciste. Gideon Levy, dans un excellent article (The recent waves of attack on Arabs is related to the devastating impact of Netanyahu’s tenure, Haaretz, 7/03/2013)) fait l’inventaire de tout ce qui mène desjeunes à cette violence raciste mais il en rend seule responsable la politique de Netanyahou. Sur ce dernier point, je pense que Netanya-hou a simplement donné des ailes au racisme qui existait déjà : contreles Arabes mais aussi contre les Juifs sépharades ou éthiopiens, contreles réfugiés africains ou les travailleurs immigrés appelés en Israël.

Recrudescence du Racisme

EN ISRAËLpar Marianne Blume

La résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies décrétait : « Le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». En 1991, le texte a été abrogé mais la question reste d’actualité.

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du club parce qu’on a engagé deux joueurs « musulmans ». Unefemme arabe agressée à Jérusalem alors qu’elle attendait à un arrêtde métro, etc., etc., etc.

Une série impressionnante de violences perpétrées souvent par detrès jeunes gens. Au cri de « Mort aux Arabes ».

Rien que l’horreur habituelle du racisme en général ? Non. Ceux quis’en prennent aux Arabes sont le fruit d’une idéologie qui veut que leJuif risque l’holocauste tous les jours, qu’Israël est son seul refugemais toujours menacé par les Arabes (au-dedans et en dehors d’Israël), que l’État d’Israël ne peut être que juif. Ils sont le fruit d’uneéducation qui méprise l’Arabe (voir la critique des manuels scolairesisraéliens de Nurit Peled-Elhanan), occulte la Nakba, affirme la supé-riorité du peuple élu et sanctifie l’exclusion/séparation et glorifie lesvertus guerrières. Comme le dit Zvi Ba’rel, « Chez nous, la haine del’Arabe fait partie des manifestations de la loyauté et de son identitéqu’un citoyen juif doit apporter à l’État. Un Israélien loyal est un Israélien qui laissera mourir un Arabe, parce que ce dernier ‘est unArabe’. Et si une personne n’est pas comme cela, c’est bien connu,‘c’est parce qu’elle couche avec les Arabes’ ». (A good Jew hatesArabs, 22/08/2012)

UN RACISME NATIONALISTEOn peut parler d’un racisme ancré dans le nationalisme identitaire.Le même dont fait preuve sur facebook une star des médias israé-liens, Avri Gilad : « Je reviens d’un tour dans le Neguev (…) je suisconsterné par ce que j’ai vu. Il n’y a plus de Néguev. Par la force, par des activités criminelles éhontées, avec une insolence qui n’estaffrontée que par la crainte et la soumission, les Bédouins se sontemparés de tout le Néguev. » (R. ABURABIA, What’s so special aboutone Israeli TV personality ‘s racism, Haaretz, 23/04/2013) Tout y est :les stéréotypes racistes sur les Bédouins (violents, criminels et inso-lents) et la conquête du Néguev par des sauvages qui annihilent unepartie de la terre d’Israël. Et je n’extrapole pas car on peut lire sur

www.israelnationalnews.com la suite : « Ils tuent les fermiers juifs. LesBédouins sont autorisés, parce qu’on détourne les yeux, à prendretoute la terre qu’ils veulent, à voler tout ce qu’ils veulent, à mettre lefeu à la propriété de ceux qu’ils n’apprécient pas, à assassiner toutce qui bouge, à jeter des grenades, à porter des armes, à attaquerdes voitures, tout ce qu’on veut. » (sic)

Avri Gilad est connu pour être raciste mais cela ne disqualifie par pourautant son témoignage. Car le même discours existe chez des rabbins de haut rang qui justifient le fait de tuer un non-juif. Et il estprésent aussi dans la classe politique qui n’hésite pas à dire –entreautres – que la croissance démographique arabe est « un cancerdans le corps de la nation ». En fait, il est présent dans tous lesrouages de l’État, depuis la loi du retour jusqu’aux politiques prati-quées envers la minorité arabe en matière d’éducation, de santé,d’emploi, de routes, de distribution d’eau, etc.

Le racisme israélien n’est pas un racisme occidental typique : peur del’Autre, haine de celui qui n’a pas la même couleur, la même religion,etc. C’est un racisme inscrit dans les fondements mêmes de l’État et alimenté quotidiennement par les représentants politiques et religieux. C’est un racisme propagé par un système éducatif basé surla transmission de l’idée de supériorité de l’Un et du déni de l’Autre.

Ce qui fait dire à Nurit Peled-Elhanan que ce racisme « fonctionnecomme partie de l’appareil idéologique et répressif de l’État. »

« Palestine

le sionisme est une forme de racisme.

» Graffiti sur un mur d’Hébron

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palestine 16 DOSSIER APARTHEID

puisqu’il sera libéré ? Et que dire de la grève de plus de 2 000 prisonniers en 2012 et de 3000 autres d’entre eux en 2013?

Les prisonniers, par leur grève de la faim accompagnée de revendi-cations précises, ont réussi à mobiliser la solidarité internationale etmême à obliger les instances internationales à prendre position. Ilsont aussi réveillé les jeunes Palestiniens qui ont manifesté avec forcepour leur libération et pour dénoncer les morts sous la torture (ArafatJaradat) ou par défaut de soins médicaux (Maissara Abou Hamdia).Tandis que les Israéliens craignent une nouvelle Intifada, les prison-niers la réclament. Les prisonniers ont toujours été des héros dans lasociété palestinienne et, d’une certaine manière, leur cas transcendeles clivages politiques. Ainsi, tandis qu’Ismaïl Hanieh appelle à pour-suivre « l’Intifada des prisonniers » sur tous les terrains, MahmoudAbbas déclare à l’envoyé américain, John Kerry, que la libération desprisonniers est une priorité qui créera « un climat approprié » pourfaire avancer le processus de paix.

Explicitement pour certains (Marwan Barghouti), implicitement pour lesautres, ils disent l’inanité de la stratégie de l’Autorité palestinienne. « Arrêtez de nous vendre l’illusion qu’il y a un moyen de mettre fin à l’oc-cupation et de réaliser un État par des négociations après l’échec pitoyable de cette vision ». «C’est le droit du peuple palestinien de s’opposer à l’occupation par tous les moyens et la résistance doit être centrée sur les territoires de 1967.» Voilà ce qu’écrivait Marwan Barghoutien 2012. Mais l’Autorité reste sourde à ce constat et n’a pas mis les prisonniers dans les priorités de son agenda, et ce, depuis 20 ans denégociations avec Israël, dénonce Barghouti (R. BAROUDI, What Mar-wan Barghouti really means to Palestinians, Counterpunch, avril 2012).

Pour Addameer, principale association de défense des prisonniers, lachose est claire : les accords d’Oslo ont renforcé l’occupation. Dèslors, Addameer appelle à « cesser d’utiliser la question des prison-niers comme motivation pour retourner à la table des négociations » :il faut se recentrer sur le droit des détenus à être libérés immédiate-ment et attaquer Israël devant la Cour pénale internationale.

La majorité des prisonniers sont dans les prisons israéliennes pouravoir résisté à l’occupation. Qu’on aille chercher du travail en Israël « illégalement » ou qu’on manifeste (Jawad Siham, Bassem Tamimi),que l’on écrive (Ahmaed Qatamish) ou que l’on dessine (MohammadSaba’aneh), que l’on chante (Oday al-Khatib) ou que l’on cultive son champ, que l’on soit un représentant politique (Hatem Qafisha,député), un militant (Ayman Nasser) ou un footballeur (Mahmoud Sarsak), que l’on jette des pierres ou encore que l’on prenne lesarmes, du moment que l’on défend la Palestine et affirme l’existenced’un peuple palestinien, on est une cible pour l’occupant.

Les prisonniers ne sont donc pas que des cas humains douloureux ;ils sont la preuve vivante de l’occupation et le révélateur de la résis-tance. Les grévistes de la faim ne luttent pas seulement contre unsystème judiciaire, pénal et carcéral inique; ils ne luttent pas seulementpour leur cas personnel ou même uniquement contre la détention administrative. Les lettres de Marwan Barghouti ou Samer Issawi sontdes appels à résister, à refaire l’unité et à retrouver la dignité. De leurprison, ils interpellent le monde politique et le peuple palestinien ; ilsvont jusqu’à montrer la voie d’un renouveau de la résistance contrel’oppression israélienne. C’est une question de dignité humaine individuelle mais aussi nationale. Une lettre poignante de Samer Issawi met en lumière ce lien individu/nation : « Je conseille à tous les Palestiniens de s’attacher à leur terre et à leur village et de ne jamais céder aux désirs de l’occupant israélien. Je ne vois pas cettequestion comme une cause personnelle concernant Samer Al Issawi.C’est une question nationale, une conviction et un principe que devrait avoir chaque Palestinien qui aime le sol sacré de son pays. »(F. CHAHINE, sur www.info-palestine.net).

VERS UNE AUTRE STRATÉGIE NATIONALE ?Alors qu’ils sont enfermés dans des conditions déplorables, des prisonniers agissent et prouvent que le combat peut être victorieux.Khader Adnan avait montré la route. Tout récemment, il y a le cas de Samer Issawi. N’a-t-il pas, au risque de sa vie, refusé d’être libéré et envoyé à Gaza ? N’a-t-il pas en fin de compte eu gain de cause

Les prisonniers ET LA RÉSISTANCE par Marianne Blume

Enfermés, isolés, les prisonniers palestiniens s’imposent sur la place publique. Ils payent de leur personne et montrent la voie de la résistance. Un espoir ?

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PENDANT CE TEMPS-LÀ, EN ISRAËL…… deux intellectuels dits de gauche, deux écrivains connus, Amos Ozet A.B.Yehoshua, ont répondu à la lettre adressée aux Israéliens parSamer Issawi. On aurait pu croire qu’ils réagiraient en interpellant leurgouvernement, en participant à des manifestations pour la libérationd’un homme emprisonné sans jugement ou en allant le voir, enchaînéà son lit, à l’hôpital. Eh bien ! Non. Ils se sont émus. Ils se sont dits«horrifiés » par la dégradation de son état de santé et puis, sans autreétat d’âme, ils lui ont demandé d’arrêter sa grève de la faim car, disent-ils, « Votre acte suicidaire ne fera qu’ajouter un autre élément detragédie et de désespoir au conflit entre les deux nations. Donnez-vous de l’espoir afin de renforcer l’espoir parmi nous. » En bref, cesdeux « militants de la paix » demandent à un prisonnier de renoncerà sa lutte légitime pour leur donner de l’espoir, à eux qui sont « enga-gés à s’efforcer inlassablement vers la paix entre les deux peuples,qui vivront côte à côte pour toujours dans ce pays. » (Ch. LEVINSON,Top Israeli authors plead with Palestinian security prisoner: End hunger strike, Haaretz, 13/04/2013)

On croit rêver. Heureusement, d’autres militants israéliens ont réagiplus dignement : certains ont entamé en solidarité une grève de lafaim devant le ministère de la Défense, d’autres ont essayé de lui rendre visite à l’hôpital et enfin, un certain nombre ont manifesté régulièrement dans différentes villes du pays.

Quant au gouvernement et à l’armée, ils sont sur pied de guerre, répriment toujours plus violemment les manifestations et continuentà arrêter, y compris des enfants…

Les prisonniers palestiniens se battent contre la détention adminis-trative, pour des conditions décentes, contre la torture et les mauvaistraitements, pour l’accès à l’éducation et un vrai droit de visite. Maisils interpellent surtout les dirigeants palestiniens sur leurs stratégiesde lutte ; ils redonnent la priorité à la cause palestinienne et à la résistance contre l’occupation. Leur lutte est profondément politique.Du fond de leur prison, ils résistent à l’occupant. De leur prison, ilscontinuent à participer au débat politique interne palestinien.

EXTRAIT D’UNE LETTRE DE SAMER ISSAWI

« En ce qui concerne l’offre, faite par l’occupant israélien, de me déporter à Gaza, j’affirme que Gaza fait indéniablement partie de mon pays et son peuple est mon peuple. Cependant, je rendrai visite à Gaza quand j’en aurai envie et quand je le déciderai, car elle fait partie de mon pays, la Palestine,dans lequel j’ai le droit d’aller où bon me semble, du nord au sud. Je refuse catégoriquement d’être déporté à Gaza, car cette pratique ne fait que raviver l’amer souvenir des expulsions que notre peuple palestinien a subies en 1948 et 1967. (…) Je n’accepterai d’être libéré qu’à Jérusalem car je sais que l’occupant israélien tente de vider Jérusalem de ses habitants pour que les Arabes deviennent une minorité. La question de la déportation n’est plus une décision personnelle. Il s’agit au contraire d’un principe national. Si chaque détenu accepte, sous la pression, d’être déporté loin de Jérusalem, la ville finira par être totalement dépeuplée. (…) »

cité par H. Wajnblum dans Points critiques, mai 2013

Je défends ma dignité et celle de mon peuple

et je ne le fais pas en vain.Khader Adnan

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palestine 18 DOSSIER APARTHEID

La violence des colons :UN FRUIT

DE LA POLITIQUE ISRAÉLIENNE

par Julien Masri

Le 16 mars 2013, Benyamin Netanyahou annonce la formation de son nouveau gouvernement. Naftali Bennett, ancien dirigeant du Conseil des colons de Cisjordanie, dirigeant du parti d’extrême droite Le foyer juif, devient ministre de l’industrie ; issu du même parti, Uri Ariel, un colon sioniste religieux,reçoit le ministère du Logement (qui délivre les permis de construire, un portefeuille stratégique pour la colonisation de Jérusalem-Est).

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le meurtre, le 30 mars, d’un colon résidant dans la colonie de Yitzhar.Des bandes de jeunes colons cagoulés ont jeté des pierres sur deshabitations et des véhicules. Ils ont incendié des cultures. À Urif, ilsont tenté de pénétrer par effraction dans la mosquée pour l’incendier.Comme il est loisible de le constater sur les vidéos diffusées parl’ONG israélienne B’Tselem, les soldats israéliens font, au mieux, de grands gestes devant les colons afin qu’ils reculent. Plus généra-lement, ils se contentent d’observer les agressions en cours ou dediscuter avec les agresseurs. Un autre cas éclaire plus encore la situation : le 24 avril, Shaker Zaro et ses deux fils ont constaté l’intru-sion sur leurs terres de colons originaires de la colonie de Giv’at Gal.Celle-ci surplombe les terres de la famille qui ont été récemment plusieurs fois l’objet de telles intrusions. L’homme prévient la police israélienne qui, plutôt que d’arrêter les colons indélicats, arrête aussitôt brutalement les trois plaignants ! Ils passeront 24 heures endétention, au cours desquelles ils subiront des pressions diverses,avant que le tribunal militaire d’Ofer ne reconnaisse leur bon droit.

Ces agressions ne sont pas le fruit du hasard. Elles n’ont pas besoin,comme prétexte, de l’agression d’un colon ou d’une décision du gouvernement israélien contraire aux intérêts des colons. Elles se produisent quasi quotidiennement dans les campagnes de Cisjor-danie occupée. Sur un territoire atomisé par la colonisation, où lesvillages sont souvent isolés les uns des autres par des colonies oupar des routes coloniales, les villageois palestiniens n’ont souventd’autre moyen de se protéger que de s’enfermer derrière des grilles.Après avoir répondu à la célèbre incitation d’Ariel Sharon à prendreles collines de Cisjordanie, les colons s’attaquent de plus en plus systématiquement à ce qui fait l’essence même de l’existence villa-geoise palestinienne : la terre, resserrant chaque fois un peu plusl’étau autour des villages et des villageois qui y résident.

Moshe Ya’alon, fervent défenseur de la colonisation, opposé à lacréation d’un État palestinien, prend la tête du ministère de la Défense (qui se prononce sur les projets de construction civile enCisjordanie occupée). Une configuration qui a fait dire à Gershon Mesika, le représentant des colons du nord de la Cisjordanie que cegouvernement ressemblait « à un rêve érotique » (sic !).

Si depuis plusieurs années déjà, le gouvernement israélien n’a cesséd’appuyer le développement de la colonisation, si les agressions descolons contre les villageois à l’époque de la récolte des olives sont devenues une tradition, ce début d’année 2013 montre que la mobi-lisation des colons ne faiblit pas. Ainsi, dans la semaine du 19 au 25 mars 2013, 10 agressions ont été perpétrées contre des civils palestiniens (auparavant, la moyenne se situait à 7 agressions parsemaine pour 2013). Sept Palestiniens ont été blessés. Du 23 au 29 avril, dix-sept Palestiniens ont été blessés au cours de 13 agres-sions différentes. Rien ne signale pour l’instant une quelconque inflexion de la courbe vers le bas !

Ainsi, le 18 mars, deux bergers palestiniens ont été agressés près dela colonie de Avne Hefez (région de Tulkarem). Le 21 mars, c’est autour d’un agriculteur d’être agressé près de la colonie de Yitzhar. Mais les colons s’en prennent aussi aux cultures. À Beit Ummar, dansla région d’Hébron, 27 oliviers et 5 plants de vigne sont détruits le 17mars. Le 20 mars, 300 jeunes plants d’oliviers sont détruits par descolons près du village de Husan (région de Bethléem) pendant queprès de Naplouse, à Burin, 12 jeunes plants d’oliviers sont détruits.

Les villageois sont fréquemment la cible d’expéditions punitives organisées par les colons, comme cela s’est produit dans les villagesde Urif, Asira al-Qibliya et Burin, dans la région de Naplouse, après

Les agressions des colons contre les villageois à l'époque

de la récolte des olives sont devenues une tradition.

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Quelques actualités et victoires du mouvementBoycott, Désinvestissement et Sanctions…

palestine 20 BOYCOTT

Sanctions Une fois n’est pas coutume : la rubrique « Sanctions » est assezfournie. Malheureusement, de toutes ces initiatives et demandes de sanctions, aucune n’a encore rencontré un début de réalisationconcrète.

Belgique : un étiquetage correct des produits des colonies

En Belgique, le ministre de l’Économie et des Consommateurs,Johan Vande Lanotte, a annoncé la mise en place d’un étiquetagecorrect des produits alimentaires provenant des colonies israéliennes.La mesure répond à une recommandation européenne qui prévoitd’informer correctement les consommateurs sur l’origine des produits. Rien n’est encore précisé quant à la manière dont serontétiquetés ces produits.

Les consuls européens préconisent des sanctions contre la colonisation

Le rapport annuel des chefs de mission de l’UE à Jérusalem-Est a été rendu public en février dernier. Il souligne à nouveau l’étatd’urgence de la situation de Jérusalem-Est, dans laquelle Israël faitpencher progressivement la balance démographique en faveur de ses ressortissants juifs par différents moyens (colonisation juiveeffrénée, expulsion de résidents palestiniens, non- renouvellementde cartes de résidence de Palestiniens). Les consuls pointent également du doigt les constructions annoncées par Israël sur lesite de E1. Parmi les dix recommandations en direction de l’UE, septd’entre elles se rapportent à des sanctions directes ou indirectes parl’UE d’acteurs impliqués dans la colonisation de Jérusalem-Est

23 eurodéputés pour la suspension de l’accord d’association UE-Israël

En mars dernier, 23 membres du Parlement européen, de différentes tendances politiques, ont appelé à la suspension del’accord d’association entre l’UE et Israël. Selon eux, Israël ne respecte pas les droits de l’Homme ni les principes de la démocratie énoncés dans l’article 2 de cet accord. L’initiative est à noter, mais ne doit pas faire oublier que le 10 avril 2002 déjà, le Parlement européen avait voté une résolution demandant la suspension de l’accord d’association entre l’UE et Israël, par 269voix pour, 208 contre et 22 abstentions et cela, sans succès.

News du BDS

Boycott académiqueLa FEF en faveur d’un gel des relations avec les universités israéliennes

Le 23 avril dernier, le Conseil fédéral de la Fédération des étudiants francophones (FEF) s’est prononcé en faveur d’une « intensification de la coopération morale et matérielle avec les universités palestiniennes » et d’une « imposition, dans un délai raisonnable, d’un gel des accords de coopération d’enseignementet de recherche existant avec les universités de Jérusalem, de Tel Aviv, de Technion ainsi qu’avec les institutions Weizmann etICTAF, jusqu’à une prise de position officielle des autorités académiques concernées en faveur du respect des droits fondamentaux du peuple palestinien ». Une belle avancée pour leboycott académique en Belgique!

Boycott culturel Roger Waters appelle au boycott d’Israël

Le Rolling Stone Magazine se fait l’écho de l’appel au boycottd’Israël de Roger Waters des Pink Floyd. Depuis son voyage enCisjordanie en 2006, le chanteur soutient en effet activement lemouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions. Il a été membre du dernier jury du Tribunal Russell sur la Palestine et projette de publier une lettre ouverte à ses pairs pour les inviter à le rejoindre dans le mouvement BDS.

DésinvestissementUn célèbre bar milanais rompt sa collaboration avec Sodastream

Le Bar Basso, un bar milanais historique, avait prévu l’organisation d’un événement en collaboration avec l’entrepriseSodastream, une firme israélienne implantée dans la colonie de Mishor Adumim. L’événement reposait sur des cocktails préparés à l’aide de la machine à gazéifier et d’autres produits de la marque.Suite à une action du comité BDS Milan le 12 avril au cours de laquelle ses militants ont eu l’occasion d’expliquer les dessous dela situation au patron du bar, ce dernier a appelé l’entreprise pourmettre fin à leur collaboration. (Source : BDS Milano)

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La Palestine était au cœurdu Forum social mondial

(FSM) qui s’est tenu à Tunis du 27au 30 mars 2013 au sein de l’Université

Al Manar. Près de 60 000 personnes ontparticipé à l’évènement et près de trente

ateliers étaient consacrés au dossier palestinien.

LE FORUM SOCIAL MONDIALDE TUNIS

et la Palestinepar Hocine Ouazraf

compagnie de sécurité internationale, qui travaille pour Israël sur lesprisons et les points de contrôle) ;– suspendre l’Accord d’association UE-Israël (sur la base de l’article2) en s’appuyant sur le précédent du Sri Lanka ; – suspendre le commerce des armes avec Israël ;– faire libérer des prisonniers palestiniens ;– mettre fin au blocus de Gaza par des actions comme la Flottille etl’Arche de Gaza ; – porter plainte contre les crimes commis par Israël devant la CPI ;– demander la réouverture de la Commission spéciale des Nationsunies contre l’apartheid et demander la dissolution du Quartette ;– soutenir les réfugiés palestiniens qui risquent l’expulsion en Syrie oudans d’autres pays ; – mettre en avant les syndicats qui soutiennent les droits sociaux etdu travail des Palestiniens ;– renforcer les missions civiles en Palestine ;– faire connaître les conclusions du Tribunal Russell sur la Palestine,qui dénoncent les crimes israéliens et exigent l’application du droitinternational.

La complicité des acteurs tiers (États, institutions internationales etentreprises) dans la perpétuation de la situation d’impunité d’Israël aété également dénoncée par les participants au Forum mondial deTunis. Le Forum a en outre appuyé les conclusions des différentessessions du Tribunal Russell sur la Palestine, dont une part impor-tante des travaux a porté sur la complicité des acteurs tiers dans laperpétuation de la situation qui prévaut dans les territoires palesti-niens depuis des décennies.

Le Forum social mondial a été clôturé le 30 mars 2013 par unemarche de solidarité avec le peuple palestinien. Cette marche, qui aréuni près de 15000 personnes, avait d’autant plus de poids symbo-lique qu’elle coïncidait avec la Journée de la terre.

Différents aspects de la question israélo-palestinienne ont été abordésparmi lesquels citons pêle-mêle : la Palestine et les révolutions arabes,les entreprises complices de la colonisation, les prisonniers, le TribunalRussell sur la Palestine, le blocus de Gaza, le sionisme et le racisme, lesBédouins, les campagnes civiles de soutien au peuple palestinien…

La grande vedette du FSM de Tunis, c’était la Palestine. Outre lesmouvements de solidarité venus des quatre coins du monde, une importante délégation de l’Autorité palestinienne était présente à Tunis. En tout, près de 500 Palestiniens étaient présents. Des mouvements de solidarité avec le peuple palestinien, venus d’un peupartout dans le monde, ont répondu présents à l’appel. Faire de lacentralité de question palestinienne le cœur de ce forum était symbolique pour les Tunisiens, pays à l’origine des Printemps arabes.

Une assemblée de convergence des différents ateliers consacrés à laPalestine s’est tenue le 29 mars 2013 et a donné lieu à une déclarationcommune (Déclaration du Forum social mondial sur la Palestine) quiréaffirme : – le droit à l’autodétermination pour le peuple palestinien contre l’occupation coloniale et les colonies ;– l’importance du vote à l’Assemblée générale des Nations unies pourla reconnaissance de l’État de Palestine ;– la fin de l’apartheid et le démantèlement du Mur ;– la libération des prisonniers politiques ;– la fin du blocus de Gaza et la libération de la Palestine ;– le droit au retour en application de la résolution 194 des Nations unies;– la fin de la judaïsation de Jérusalem et des bouclages.

Pour mettre en application ces différents points, l’assemblée deconvergence appelle à : – renforcer et étendre le mouvement BDS au niveau international (ilfaut lancer une mobilisation particulière contre G4S, la plus grande

palestine 21 FSM TUNIS

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palestine 22 LIVRES/FILM

Cet ouvrage, préfacé par Mireille FanonMendes-France, présente les contributionsdes intervenants au colloque « Israël, unÉtat d’apartheid». Celui-ci s’est tenu exceptionnellement à la Bourse du Travailde Saint-Denis, les 27 et 28 février 2012; eneffet, suite à des pressions, la direction del’Université Paris VIII, où le colloque étaitprévu, a décidé de fermer ses locaux pen-dant les 2 jours des conférences/débats.Le colloque, qui répondait à la question, lefait à travers une démarche de réflexion quin’est pas idéologique mais scientifique. Ils’agissait d’étudier le concept juridiqued’apartheid et de le mettre à l’épreuve de lapolitique d’Israël à l’égard des Palestiniens.

Les contributions, sous forme d’articles rigoureux et argumentés, sont regroupéesen 3 parties:

I) Israël, un État d’apartheid? La notion d’apartheid étant bien définie endroit international, peut-elle s’appliquer àl’État d’Israël? La réflexion est abordée autravers de diverses questions appliquéesau cas concret d’Israël telles que : Comment les Palestiniens sont-ils traités enIsraël? Quelle est la situation des

livresISRAËL, UN ÉTATD’APARTHEID? ENJEUX JURIDIQUES ET POLITIQUESsous la direction de Cécile Lebrun et Julien Salingue, l’Harmattan, 2013

ISRAËL: LE NOUVEL APARTHEIDMichel Bôle-Richard, éditions Les liens qui libèrent, 2013

Ancien journaliste du Monde, correspondantdu journal en Afrique du Sud de 1984 à1990, puis en Israël et dans les territoiresoccupés palestiniens de 2006 à 2009, où ila réalisé de nombreux reportages, MichelBôle-Richard est idéalement placé pour expliquer en quoi le comportement del’État d’Israël peut être assimilé à uneforme réinventée d’apartheid qu’il appelle « apartheid masqué ». Même si les tempsont changé et que la situation politique est différente, c’est la même forme de ségrégation qui existait en Afrique du Sudqui a cours aussi en Israël, coulée dansdes décisions, des méthodes et des processus d’éviction, de spoliation et deharcèlement de la population palestinienne.Pour l’auteur, ce qui se passe en Israël estpire que ce qui se passait en Afrique duSud, parce qu’il y a le Mur, les routes séparées, les check-points,…et enfin etsurtout, l’occupation. Celle-ci permet la judaïsation de Jérusalem-Est, la discrimi-nation envers les Arabes israéliens, le blocus de Gaza, la politique d’expulsiondes Bédouins, le pillage des terres palestiniennes et leur transformation enbantoustans, la colonisation galopante, leshumiliations quotidiennes des Palestiniens.L'amorce timide d'un processus internationalde boycott pour protester contre cet étatde fait est la seule lueur d’espoir.Son analyse lucide l’amène à penser quece système de ségrégation ne pourra queprospérer en raison du refus d’Israël depermettre l’existence d’un État palestinienviable et de sa volonté de maintenir, à toutprix, le caractère juif de l’État hébreu. C.S.

Bédouins? Nettoyage ethnique et apartheid à Jérusalem? Évolution territoriale en Cisjordanie occupée : vers un spatiocide? « Administration civile » etapartheid dans les Territoires occupés? Sionisme politique: un projet nationaliste etcolonial à l’origine d’un régime d’apartheid?Que répond le Tribunal Russell?

II) Sanctionner l’État d’Israël? Résistance non violente palestinienne et appel au boycott ; BDS pour les droitspalestiniens et leçons d’Afrique du Sud;Quand l’UE coopère avec l’industrie israélienne de l’armement ; Quelle mise en œuvre du droit ? Quelles sanctions?Légalité de l’appel au boycott visant la

politique d’occupation de l’État d’Israël.

III) Questions sur le boycott universitaireSur l’enfermement des universités et desuniversitaires palestiniens.

En annexe : la Convention sur l’éliminationet la répression du crime d’apartheid(1975) ; l’Appel au BDS (2005) et l’Appel au boycott académique et culturel d’Israël (2002).

Lors d’une présentation de l’ouvrage, Cécile Lebrun a déclaré, en insistant surl’importance du boycott universitaire : « la campagne BDS permet, par l’isolement (des universités israéliennes),de faire sortir de l’isolement (les universitéspalestiniens) ». C. S.

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INCH’ALLAHUn film de Anaïs Barbeau-Lavalette,2012, produit par Micro_Scope.Sélectionné pour les Festivals de Berlinet de Toronto

films

«Parlez-vous hébreu ?» demanda unespectatrice à la réalisatrice pour insinuer `sa partialité. Celle-ci ne s’en cache pas ;elle qui a étudié la politique et l’arabe enPalestine et participé à un documentaireautour de « Incendies ».

Inch’Allah est une fiction qui passe par leregard de Chloé (la magnifique EvelyneBrochu), une jeune obstétricienne québé-coise (comme la réalisatrice) qui réside à Jérusalem et travaille dans un camp deréfugiés près de Ramallah. L’histoire s’attache aux relations de Chloé avec Ava,sa voisine de palier et militaire, avec Rand,une patiente palestinienne dont elle suit lagrossesse, avec son frère Faysal,…

Des images, des instants, furtifs, restent en mémoire (davantage peut-être que l’intrigue elle-même). L’intérêt essentiel dufilm ne serait-il pas d’instiller le trouble, dedistiller le doute, d’interroger des certitudesou des a priori, ceux de Chloé et les nôtres?– Inquiétude, prémonition ou agacement,une ombre passe devant le regard d’Ava assise avec Chloé à la terrasse d’un café, aumoment où un soldat contrôle les papiers. – Savoureuse et poignante, la conversation(via Skype) de la fille dans son appartementà Jérusalem avec sa mère au Canada.– Intrigante ou révoltante, la fin où on sedemande si on a bien vu, si on a biencompris… C.F.

À lire : www.inchallah-lefilm.com/entretien-anais-barbeau-lavalette.php

LES CHEMINSD’HÉBRONUN AN AVEC LE CICR EN CISJORDANIEPar Ghislain Poissonier, L’Harmattan, 2010. Collection Comprendre le Moyen-Orient

Dans ce livre, on trouve le récit des réalitésde l’occupation mais le texte fourmilled’inexactitudes et de commentaires manifestement influencés par la littératureisraélienne. Un exemple ? L’auteur croit dur comme fer que c’est le Hamas qui adéclenché l’attaque contre Gaza (p. 145).Un autre ? En 1948, la populationpalestinienne a « quitté » son territoire

(p. 111) Un autre encore ? La colonisationest discutable, sans plus (p.79) etc. Le vocabulaire reflète la même tendance : l’armée israélienne est toujours appeléeTsahal, le Mur est appelé « barrière de sécurité » ou « mur de séparation ».

Magistrat, l’auteur a passé un an en 2008comme délégué du CICR en Cisjordanie.Il a voulu parler comme doit le faire unhomme du CICR, un homme neutre et légaliste : il rapporte des faits terribles maisles adoucit par des commentaires qui fontparfois dresser les cheveux sur la tête.Ainsi, à propos des ambulances et des personnels médicaux palestiniens empê-chés de faire leur travail, son commentairedit ceci: « Il est difficile de dire si ces actessont intentionnels. À l’exception dequelques dérives individuelles possibles, ilsne le sont probablement pas. » (p.237). LesPalestiniens sont hospitaliers, certes, maisles « rapports cordiaux, presque amicaux »sont réservés aux officiers israéliens… C.S.

AU NOM DU TEMPLEPar Charles Enderlin, éditions du Seuil, mars 2013

Alternant récits (truffés de nombreuses citations) et analyses, Charles Enderlin décrit la lente montée en puissance, dansla société israélienne, du fondamentalismemessianique juif opposé à toute concessionterritoriale. Couplée au développement débridé de la colonisation juive en Cisjorda-nie et à Jérusalem-Est, celle-ci rend quasiimpossible la création d’un État palestiniensouverain et indépendant. L’auteur montre que les idéaux, la politique,les principes, qui avaient inspiré le sionismedes origines, libéral et pragmatique ont étéde plus en plus marginalisés. Radicalementanti-démocratique et fanatique, le pouvoirreligieux est en marche: il colonise à songré, prend des positions de commandementdans l’armée, sacralise les assassins venusde ses rangs et impose sa définition del’État juif. «Aujourd’hui, même les laïquesplacent la judaïté avant la démocratie », témoigne la sociologue Tamar Hermann,citée par Ch. Enderlin: « Il n’y a pas au-jourd’hui de groupe social disposé à se bat-tre pour un Israël uniquement démocratique,mais nombreux sont ceux qui, parmi les reli-gieux, veulent un état exclusivement juif (…).Et si les laïques sont disposés à accepter unpartage du mont du Temple (=esplanadedes Mosquées,ndlr), les religieux rejettenttoute concession sur ce lieu saint. »

Charles Enderlin est le correspondant perma-nent de France 2 à Jérusalem, depuis 1981.

C.S.

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CONFÉRENCE/DÉBAT SUR LE THÈME DES PRISONNIERS POLITIQUES PALESTINIENS

«Je résiste donc je suis…

en prison »SAMEDI 15 JUIN DE 14H À 21H

avecSahar Francis, directrice de Addameer, Organisation des Droits de l’Homme palestinienneAbdallah Abu Rahmé, ancien prisonnier & membre du Comité populaire de Bil’inHélène Legeay, juriste, ACAT France

Hommage àChawki Armali, ancien Délégué général de la Palestine

Mères de Qalqilya, Traces de libertés Exposition photo et récits de vie des mères

de prisonniers politiques de Qalqilya, en collaboration avec Roxana Alvarado et Ann Grossi,

artistes plasticiennes.

À la Tricoterie – Fabrique de liensRue Théodore Verhaegen, 158

1060 Bruxelles