La Revue du Projet n° 42

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La Revue du Projet - Tél. : 01 40 40 12 34 - Directeur de publication : Patrice BessacRédacteur en chef : Guillaume Roubaud-Quashie • Secrétariat de rédaction : Noëlle Mansoux • Comité de rédaction : CarolineBardot, Hélène Bidard, Davy Castel, Igor Martinache, Nicolas Dutent, Clément Garcia, Maxime Cochard, Alexandre Fleuret,Marine Roussillon, Côme Simien, Étienne Chosson, Alain Vermeersch, Corinne Luxembourg, Léo Purguette, Michaël Orand,Pierre Crépel, Florian Gulli, Jean Quétier, Séverine Charret, Vincent Bordas, Anthony Maranghi, Franck Delorieux, Francis CombesDirection artistique et illustrations :Frédo Coyère • Mise en page :Sébastien Thomassey • Édité par l’association Paul-Langevin (6, ave-nue Mathurin-Moreau 75 167 Paris Cedex 19) Imprimerie : Public Imprim (12, rue Pierre-Timbaud BP 553 69 637 Vénissieux Cedex)

Dépôt légal : Décembre 2014 - N°42.

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3 éDitoGuillaume Roubaud-Quashie Drôle de jeu bis

4 PoésiesKatherine L. Battaiellie Vénus Khoury-Ghata

5 reGarDNicoals Dutent Un parcours de migrant universel

6 u50 le DossiercommUnisme De noUVelle GénérationateliersJean-Luc Gibelin répondre aux besoins humains, relancer l’activité etl’emploiDenis Durand Faire reculer le coût du capital pour financer ledéveloppement humain et la relance socialeMarine Roussillon éducation, savoir, culture comme conditions pourl’émancipation humaineVéronique Sandoval transformer le travail, l’entreprise, pourtransformer la sociétéAlain Obadia construire un nouveau modèle productif, social etécologiquePierre Dharréville Vers une Vie république : pour une nouvelle èrecitoyenne de la démocratie dans les institutions, les territoires, lesentreprisesFabienne Haloui construire l’égalité et le vivre ensemble contretoutes les dominationsPatrick Le Hyaric transformer la mondialisation : refonder l’europeLydia Samarbakhsh transformer la mondialisation : le rôle de la Francepour un monde de paix et de solidaritéles interVentions De Pierre laUrent introductionappel au peuple de France

51 lectrices & lecteUrsBernard Friot réaction au dossier « la fabrique de l’assistanat »

52 u55 traVail De secteUrsle GranD entretienIsabelle De Almeida le pari d’une alternative gagnantebrêVes De secteUr- accord climat chine/états-Unis « un début de prise en compte del’urgence climatique »- Ukraine : « pour une médiation diplomatique avec les“séparatistes” de l’est. »

56 combat D’iDéesGérard Streiff la tyrannie des experts

58 MOUVEMENT RÉELMiguel Espinoza l’idéologie pragmatique

60 histoireAlbert Soboul leçon d’histoire : vie et mort d’un gouvernement

62 ProDUction De territoiresPatrick Ribau où va l’irak ?

64 sciencesAlain Cernuschi, Alexandre Guilbaud, Marie Leca-Tsiomis et Irène Passeronles « humanités numériques » (2/2) comment éditer l’Encyclopédieaujourd’hui ?

66 sonDaGesGérard Streiff le poison Zemmour

67 statistiqUesMichaël Orand Un quart des bénéficiaires du rsa subissent desprivations alimentaires

68 reVUe Des méDiaSarah Chakrida Djihadisme : la fabrique infernale de la peur

70 critiqUes• lire : Patrick Coulon De la /des religions…• Maïakovski Vers et prose• Catherine Coquery-Vidrovitch, Éric Mesnard Être esclave. Afrique-Amérique, XVe-XIXe siècle• Antoine Vauchez Démocratiser l’Europe• Yvon Quiniou Critique de la religion, une imposture morale,intellectuelle et politique• Europe, octembre-novembre 2014

74 Dans le texteFlorian Gulli et Jean Quétier l’histoire et ses fantômes

77 bUlletin D’abonnement

79 notes

THÈMES DES PROCHAINSNUMÉROS DE VOTRE REVUE :

liberté ! ; média ; politisation...

Vous avez des idées sur cesdossiers n’hésitez pas à nouscontacter : Écrivez à[email protected]

« La Revue du projetjoue un rôle croissantdans l’animation denotre travail intellectuelcollectif. »

Pierre laurent, 8/11/2014

ne manquez pas la rencontre exceptionnelle organisée par La Revue du projet entre régis debray et Pierre laurent. espace oscar-niemeyer. De la matière grise (et rouge) en débat pour mieux comprendre notremonde, pour mieux se battre pour le changer.

rencontre excePtionnellevendredi 12 décembreà partir de 19h15

régis debray et Pierre laurentesPace oscar-niemeyer2, place du colonel fabien - Paris 19eentrée libre

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1) Pierre Gattaz, 20 minutes, 30/10/2014.2) Manuel Valls, université d’été du MEDEF,27/08/2014.3) Manuel Valls, université d’été du MEDEF,27/08/2014.4) Pierre Gattaz, Français, bougeons-nous !,Nouveau Monde éditions, 2014.5) Pierre Gattaz, France Info, 27/08/2014.6) Manuel Valls, université d’été du MEDEF,27/08/2014.

7) Manuel Valls, L’Obs, 23/10/2014.8) Pierre Gattaz, I-Télé, 18/11/2014.9) Pierre Gattaz, 20 minutes, 30/10/2014.10) Pierre Gattaz, France Info, 27/08/2014.11) Manuel Valls, université d’été du MEDEF,27/08/2014.12) Pierre Gattaz, communiqué, 21/10/2014.13) Manuel Valls, communiqué, 21/10/2014.14) Manuel Valls, université d’été du MEDEF,27/08/2014.

ÉDITO

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Drôle de jeu bis

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1) « il faut expliquer l’entreprise aux Français et à nos dirigeantspour qu’ils comprennent que les dividendes rémunèrent unrisque pris par des investisseurs. sans eux les entreprises nepeuvent exister. »2)« ce sont les entreprises qui, en risquant les capitaux de leursactionnaires, en mobilisant leurs salariés, en répondant auxattentes de leurs clients, créent de la valeur, génèrent desrichesses. »3) « ce sont les entreprises qui créent des emplois. […] il n’y apas d’emplois sans employeurs. c’est pourquoi il est absurdede parler de cadeau fait aux patrons. Une mesure favorableaux entreprises, c’est une mesure favorable au pays tout entier. »4) « comment, au xxie siècle, peut-on encore utiliser des expres-sions comme "cadeau aux entreprises" ou "cadeau auxpatrons"? »5) « Pour redresser le pays, il faut faire tomber les tabous. »6) « ce que je crois profondément, c’est que notre pays a besoinde sortir des postures, des jeux de rôle auxquels nous sommestellement habitués. […] cessons d’opposer systématiquement !D’opposer état et entreprises ! D’opposer chefs d’entrepriseet salariés ; organisations patronales et syndicats ! cherchonsplutôt à coopérer. »7) « oui parce que l’idéologie a conduit à des désastres maisla gauche que je porte garde un idéal : l’émancipation de cha-cun. elle est pragmatique, réformiste et républicaine. »8) « la fiscalité est démotivante. elle taxe énormément le capi-tal et l’épargne. c’est un problème politique, c’est un problèmed’idéologie cette fiscalité française. le monde entier le dit, elleest beaucoup trop lourde. »

9) « J’applaudis ce virage entrepreneurial, qui ne doit être l’apa-nage ni de la droite ni de la gauche. […] il est temps de dépoliti-ser le dialogue social. »10) « nous avons un moteur économique à l’arrêt avec 0% decroissance actuellement. il faut réactiver les réacteurs de cemoteur. les réacteurs, c’est la compétitivité, et c’est le but duPacte de responsabilité. et deuxièmement, c’est la confiance.l’environnement de confiance est fondamental pour les inves-tisseurs et les employeurs. »11) « nous allons accroître la concurrence, alléger certainesrègles, je pense à celles relatives au travail du dimanche ou à l’ur-banisme commercial. » « il doit y avoir une réduction des défi-cits publics en europe et tout particulièrement en France, je nele discute pas. nous vivons au-dessus de nos moyens depuis40 ans. »12) « le décès de christophe de margerie est une immenseperte pour notre pays. cet homme était visionnaire, il était ungrand expert dans son domaine. mais c’était également unepersonnalité charmante. christophe de margerie était un hommeplein d’attentions, d’humour et de finesse. »13) « aujourd’hui, les dizaines de milliers d’employés de totalsont orphelins de leur Président. […] la France perd un grandcapitaine d’industrie et un patriote. xx [nom ici ôté, nDlr] perdun ami. […] il avait aussi ce panache, cette volonté d’aller del’avant, un humour si français et une finesse d’esprit qui en fai-sait un homme unanimement apprécié. »14) « mais il n’y a pas que les impôts et les cotisations socialesqui pèsent sur notre économie. certaines formalités exces-sives sont aussi coûteuses et pénalisantes. »

’écrivain Patrick besson signait récemment une chronique,au titre emprunté au grand romancier communiste et résis-tant roger Vailland : « Drôle de jeu ». il y faisait alterner, sansindiquer l’auteur, des phrases d’eric Zemmour et d’autres,

de l’écrivain collaborationniste lucien rebatet. nous avons icidécliné le même exercice saisissant. comment ne pas se deman-der, comme thierry lepaon au début de cette année : Pierre Gattazest-il le premier ministre ? comment, pensant à ces dizaines demilliers de militants qui peuplent les partis de gauche, à ces mil-lions de personnes qui votent pour des hommes et des femmesde gauche, ne pas être persuadé, avec Pierre laurent, que manuelValls ne sera jamais le premier ministre de la gauche ! À ce stade, il n’est pas nécessaire d’entreprendre de longuesdémonstrations pour que chacun mesure que l’heure estgrave, très grave, qu’elle appelle sang-froid, intelligence col-lective et action résolue de nature à entraîner ces millions

de personnes éparses sans l’engagement desquelles rienn’est ni ne sera possible.cet ample rassemblement populaire, condition absolue de résis-tances efficaces et de conquêtes nécessaires, ne surgira pas toutseul. il a besoin d’un Parti communiste français tout entier dédiéà cette tâche. il a besoin de contenus identifiés qui, seuls, permet-tent une mobilisation massive, par-delà les paroles et les sym-boles. Dès lors, la question du projet est décisivement cardinale. c’est pourquoi est si précieuse la conférence nationale de notreparti, qui l’a placée au cœur, les 8 et 9 novembre derniers à montreuil.il faut lire, il faut faire lire les fortes paroles de Pierre laurent. il fautpartager, discuter, propager les riches travaux des ateliers de pro-jet qui se sont tenus à montreuil. c’est ce chemin d’échange etde luttes qui permettra de transformer les si larges fronts du refusen un puissant et transformateur front de projet. ce sont cestextes que vous trouverez dans les pages qui suivent.

L

GUILLAUME ROUBAUD-QUASHIE,rédacteur en chef

Parmi ces phrases, les unes sont de manuel Valls, les autres de Pierre Gattaz : saurez-vous les distinguer ?

réPonses

bonne lecture !

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POÉS

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V énus Khoury-Ghata est née au liban en 1937. D’abordjournaliste à beyrouth, elle y publie deux premiersrecueils de poésie. elle vient s’installer à Paris en 1972,

après un deuxième mariage avec le médecin et chercheurfrançais Jean Ghata. Pratiquant depuis l’enfance l’arabe etle français, elle collabore à la revue Europe, dirigée alors pararagon, qu’elle traduit en arabe. elle a publié une œuvre trèsimportante de romans et recueils poétiques, couronnée denombreux prix.

sa mère, figure prégnante de son œuvre, était issue d’unefamille modeste de paysans, et d’un village de montagne,que surplombe le tombeau du grand poète libanais KhalilGibran : « si haute était la terre en ce temps-là/les femmessuspendaient linge et nuages à la même corde ». Vénus ypassa les trois mois d’été pendant toute son enfance. leliban qu’elle décrira plus tard dans ses poèmes est celui-là :un liban de pauvres villages où le cœur des maisons est unfoyer de bouse séchée, où chaque élément d’une naturesouvent hostile, fantasmagorique, est personnifié.

on croise dans ces poèmes des personnages savoureux (legardien du cimetière), mais surtout des êtres démunis, anal-phabètes, hommes frustes, enfants malingres, femmesmortes en couches : « le deuil durcit les cœurs des filletteset les mines des crayons/la réserve de kérosène épuisée/lesloups mangent celles aux jambes d’allumettes ».

les femmes, en particulier, y plient sous la pauvreté, lestâches ménagères et le poids des deuils, et Vénus Khoury-Ghata adresse une immense ode à toutes et à chacune desmères « qui traverse les années avec son tablier décoloré »,ode où se mêlent toujours l’ordinaire quotidien et le fantas-tique (« un ange s’échappe de l’horloge pour l’aider à rattra-per une maille »).

la mort, à laquelle font référence bon nombre de titres derecueils, est omniprésente : elle est devenue le « pain quo-tidien des libanais » depuis la guerre, qui a transformé leliban dévasté en « surface arable de la douleur ». À l’horreurde cette guerre s’ajoutent les deuils personnels de son frère,puis de son mari en 1981 (« la bouche remplie de ténèbres/ilarpente l’envers de son jardin en rasant les murs des termi-tières./il a cette manière de traîner l’âme comme un chienqu’on cherche à égarer ».).

De deux terres, deux cultures, deux langues, Vénus Khoury-Ghata a tiré un lyrisme à la fois simple et magique, avec lequelsont dits l’humaine condition comme le quotidien le plusprosaïque.

vénus Khoury-ghata

soulever le couvercle de la marmite fait crier le thymdit celle quin’a ni marmite ni thymle fleuve qui a emporté son champ lui a laissé unecage sans canariet une vieille rose dédaignée des abeilles

D’ailleurs son canari n’était pas un oiseau ni unepersonnemais une chanson qu’elle déroulait quand son cœurrapetissait auxdimensions d’une noixelle se plie tête entre les genoux lorsqu’un trotmartèle son toitles nuages devenus fous se prennent pour deschevaux

(in Les obscurcis)

KATHERINE L. BATTAIELLIE

miroirs transis

le vieux qui ne sait pas compterse sert des allumettes comme calendrieret de la chute des noix pour agendaDe leur impact sur le sol il sait l’hiver tardifil faut semer entre deux lunes quand les tabliers desfemmesexhalent une odeur d’orage et de pierre brûlée

la voix à travers la fenêtre grillagée ne prédit rien debonson petit-fils ne jouera plus après les semaillessa mère l’entendra courir sous terreavec d’autres enfantsleurs jeux dans l’exiguïté des ténèbres ponctuées derires

(in Les obscurcis)

elle dit

Quelques recueils : • Les obscurcis, Mercure de France, 2008.

• Quelle est la nuit parmi les nuits, Mercure de France, 2004.

• Anthologie personnelle, Actes Sud, 1997.

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REGARD

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photo : bottari truck, œuvre de KimSooja © musée de l’histoire de l’immigration.

s ous l’impulsion des équipes enplace et de son nouveau président,benjamin stora, le musée de

l’histoire de l’immigration de la porteDorée, à Paris, fruit de la société civile etd’engagements universitaires (Gérardnoiriel, marie-claude blanc-chaléard), aenrichi ses collections permanentes.Depuis la rentrée, l’établissement pré-sente une nouvelle muséographie. toutl’intérêt de la démarche engagée reposedans le croisement des regards et l’enri-chissement des collections par le biais dedons ou d’achats d’œuvres. la gastrono-mie et la bande dessinée font ainsi leurentrée. le millier d’objets glanés dans ladernière période offrent un triple déchif-frage : ethnographique, historique et artis-tique. ces approches complémentairesprennent toute leur dimension dans l’ex-position phare, « repères ». on se réjouitde la place confortable accordée aux récitsphotographiques. les reportages de Géraldbloncourt, Jacques Windenberger, hervéDonnezan et Jacques Pavlovsky sont ras-semblés dans la section « le temps desvoisins » et cristallisent leur attention surl’émigration européenne. Un admirableportrait d’immigré algérien, le regardinquiet sur un ferry qui le conduit à

marseille, côtoie des images d’exilés belgeset portugais habitées par le silence, l’agi-tation ou le doute. sur le quai de la garede Perpignan, une femme fraîchementarrivée pour les vendanges superposedes valises sur son crâne, un enfantdéboussolé est à sa traîne, enserrant sapeluche. Près des vitrines où reposent demultiples correspondances, sarah caronsuit des clandestins partis du sahara pourrejoindre la Grande bleue. ad VanDenderen documente, lui, les frontières,espaces de l’attente et du risque oùs’ébauche la régulation policière et judi-ciaire. Plus métaphoriques, les voiturescathédrales de thomas mailaender sont« sans destination ni port d’attache, coin-cées dans le temps du transit ». côté ins-tallations, on retiendra celles de Kaderattia qui campe plusieurs générations demigrants à travers les détails modesteset symboliques du quotidien. le bottaritruck, de Kimsooja, magnifie les bojagis,tissus traditionnels coréens transfigurésen baluchons pour suggérer l’errance.comme le montre Pierre boulat, la fin duvoyage est rapidement suivie par l’inves-tissement des cafés, lieux de sociabilité.Une édifiante séquence sur les lieux devie permet de restituer la terrible épreuve

des bidonvilles, puis le cycle des cités,grâce aux clichés de Paul almasy etmathieu Pernot qui impriment la ségré-gation spatiale. Karim Kal fixe l’expériencedu manque et les genres de la solitudeavec sa série « miroirs », « l’impossibleconjugaison du je » dans un foyer. Desarchives impressionnantes permettentdans la foulée d’apprécier la diversité desengagements des « déracinés » : au seinde l’armée, au cours de la résistance etau travail. le four électrique de boristaslitzky est à ce titre une fresque dulabeur emblématique. elle ouvre la voieà l’histoire des luttes scrutée à travers plu-sieurs supports. la photographie de JeanPottier – un cimetière de tickets poinçon-nés recouvre le sol d’un métro après unmeeting bondé à la bourse du travail – estéloquente. À quelques encablures, la gale-rie des dons témoigne du « parcours dela personne centré sur les objets en appa-rence banals ». Fluidifiée, la scénographiedes collections permanentes est à l’imagedes panneaux rétroéclairés qui ponctuentla visite, elle juxtapose à la rigueur scien-tifique un souci constant de pédagogieet de contextualisation.

Un parcours de migrant universel

NICOLAS DUTENT

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pour l’avenir de la société, de choixpolitiques à produire. Loin des slogans,il s’agit d’une posture politique, d’unedémarche de fond.Nous considérons – et nous le démon-trons – que le pays a les moyens derépondre aux besoins ; cela nécessitedu courage politique. C’est indispen-sable de passer par cette étape pourconfirmer qu’il est possible de faireautrement que de reculer devant leslogiques financières. Il est indispen-sable notamment avec les renonce-ments de l’exécutif actuel.

tourner le dos à l’insuffisance de la demande Cela impose donc d’affronter deuxdogmes mis en avant pour faire se rési-gner les salariés et les populations :1- Face à la concurrence internatio-nale, l’emploi dépend de la compéti-tivité laquelle, pour être relevée, néces-site des baisses continues du « coût dutravail » (salaires + charges sociales) ;2- Face à la dictature des marchésfinanciers, si l’on veut sauver notremodèle social, il faut diminuer la dette

INTRODUCTION : JEAN-LUC GIBELIN*

P artir des besoins humains, de laréponse collective que la sociétédoit apporter à ces besoins est

une posture fondamentalement alter-native par rapport aux positionne-ments des différents projets politiquesactuels et passés. Nous affirmons quela réponse aux besoins humains doitrester l’objectif d’une politique degauche, d’une politique alternative àl’austérité. C’est une question de choix

Atelier n°1 réPondre aux besoins humains, relancer l’activité et l’emPloiil s’agit d’un choix principal de notre démarche politique ! Nous avons choiside partir des besoins, de la réponse aux besoins et non des lois du marché oudes injonctions du medeF. Nous considérons - et nous le démontrons - que lepays a les moyens de répondre aux besoins ; cela nécessite du courage poli-tique. deux dogmes sont à affronter : le matraquage sur le « coût du travail »et la pression de la diminution de la dette publique. enfin, nous reviendronssur la démarche démocratique qui est la nôtre autour de la réponse auxbesoins de la population. cet atelier ne sera pas exhaustif en matière derecensement des besoins, et ne constituera pas non plus un catalogue desréponses programmatiques du pcF.

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La seconde journée de la conférence nationale du pcF, le 9 novembre 2014, a été consacrée aux travaux en cours au sein duparti, à la fois sur le projet communiste du xxie siècle et sur les axescaractérisant une politique de gauche. Neuf ateliers, ouverts àtous, visaient à permettre l’appropriation et le partage des travauxdes secteurs du parti, d’élargir l’implication des communistes à cetravail du projet. Sans prétendre traiter toutes les questions et pro-blématiques, il s’agissait d’une nouvelle étape dans le travail sur leprojet. La Revue du projet a tout naturellement tenu à rendrecompte de cette initiative dans ce dossier.

communisme de nouvellegénération

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publique et, donc, baisser les dépensespubliques.Or, ce sont ces politiques qui alimen-tent la crise. Pour s’en exonérer, il fauttourner le dos à l’insuffisance de lademande avec une politique ambi-tieuse. Cela passe par :• accroître les revenus distribués auxsalariés et à leurs familles (salaires etrevenus de remplacement, minimasociaux, c’est une politique de réduc-tion des inégalités sociales, nous yreviendrons.) :

• augmenter fortement la formationdu monde du travail pour faire pro-gresser les qualifications en mêmetemps que le pouvoir d’achat, de façonà ce que le surcroît de demande ainsicréé ne se traduise pas par une envo-lée durable des importations ;• conditionner les programmes d’in-vestissements nécessaires à des objec-tifs chiffrés de créations d’emploi etde formations, et progresser dans lasécurisation de l’emploi et de la for-mation tout au long de la vie au lieude la précarisation généralisée ;• et, surtout, relancer massivementtous les services publics. On répon-drait aux besoins populaires (santé,éducation, logements sociaux, trans-ports collectifs, culture, services à lapersonne). On impulserait un surcroîtde demande (demande publique)capable d’absorber les productionssupplémentaires engendrées par lesnouveaux investissements. Mais onconsoliderait en même temps l’effi-cacité de l’offre productive. Lesdépenses de services publics natio-naux et locaux sont, en effet, les seulesdépenses susceptibles de contribuer,à la fois, à développer la demande, neserait-ce que par la création d’emploiset d’équipements publics, et à écono-miser sur les coûts matériels et finan-ciers de production, à gagner en effi-cacité. Par exemple, des progrès de la

santé et de l’éducation, de la rechercheou des transports collectifs accrois-sent la productivité globale du sys-tème productif !

maîtriser et réorienter la Politique monétaire etle crédit bancaire Il s’agit de faire en sorte que la créa-tion de monnaie de la banque centraleserve effectivement à soutenir lademande et relancer l’emploi :La monnaie créée par la BCE (Banquecentrale européenne) doit servir l’ex-pansion sociale, au lieu de soutenir lemarché financier. Il faut rompre avecle pacte de stabilité et le dogme de lacroissance zéro des dépenses publi -ques. Il faut promouvoir la proposi-tion du PCF, reprise par le Front degauche et le PGE (Parti de la gaucheeuropéenne), de créer un « Fondssocial, solidaire et écologique de déve-loppement européen ». Il recueilleraitla monnaie créée par la BCE à l’occa-sion des achats de titres publics émispar chaque pays pour le financementde ses services publics. Démocratisé,il redistribuerait alors cette monnaieà chaque État selon les besoins sociauxet culturels propres de son peuple.La création monétaire de la BCE doitêtre relayée par les banques. Ce n’estpas le cas en France où la BPI (Banquepublique d’investissement) ne sert enaucune façon à changer les règles etcritères du crédit et à modifier les com-portements bancaires. Il faut en finiravec les allégements de « chargessociales » des entreprises. Au contraire,un nouveau crédit sélectif pour lesinvestissements matériels et derecherche est à inventer. Son taux d’in-

térêt serait modulé : plus les entre-prises programmeraient d’emplois etde formations correctement rémuné-rés et plus le taux d’intérêt des créditsdes banques serait abaissé jusqu’à 0 %,voire en dessous (non-remboursementd’une partie des prêts). La modulation,nous préconisons de l’utiliser dans l’in-térêt du plus grand nombre. Tout desuite, la trentaine de milliards d’euros

annuels dévolus aux allégements decotisations sociales patronales pour-rait doter un Fonds national pouramorcer ce nouveau crédit, via desbonifications d’intérêts. Décentralisé,il pourrait être saisi dans les territoires.Il formerait un pôle public bancaire etfinancier avec la BPI, la Caisse desdépôts, la Banque postale, les banquesmutualistes, ainsi que des banquesnationalisées.

le service Public, Pilierd’une société nouvelle Dans un moment de crise profondeoù se développent précarité, insécu-rité, inégalité mais aussi de révoltemonte l’exigence d’une culture de par-tage, de justice et de solidarité, la ques-tion du service public resurgit au cœurdes débats comme une réponse incon-tournable structurante d’une nouvellesociété. Pour notre part, nous consi-dérons que le développement des ser-vices publics, leur amélioration subs-tantielle, la démocratisation de leurfonctionnement sont des aspectsincontournables de la réponse auxbesoins humains.Il faut inverser la machine capitalistequi, depuis des décennies, au nomd’une concurrence libre et non faus-sée, sur l’autel de la libéralisation adonné aux prédateurs financiers despans entiers du service public et adégradé le fonctionnement d’unegrande part des services publics exis-tants. Ce faisant, idéologiquement, lanotion de l’utilité du service public, desa mission de répondre aux besoinsde la population s’est fortement atté-nuée devant la réalité concrète trèsdégradée.

Dans ce monde en mouvement, où lesquestions posées s’aiguisent, il nousfaut donc être offensifs et concrétiserl’ambition portée d’un grand servicepublic rénové dans ses finalités, sonfonctionnement et contrôlé démocra-tiquement.Qui dit service public doit définir quelnouveau modèle d’entreprise publiquenous voulons avec quels critères de

« La notion del’utilité du service

public, de samission de

répondre auxbesoins de la

population s’estfortement atténuée

devant la réalitéconcrète trèsdégradée. »

« une refonte de progrès du système de protection sociale est une nécessité

vitale pour sortir de la crise en cours,notamment pour répondre aux nouveaux

besoins de santé, aux exigences d’unepolitique familiale moderne, d’un

financement dynamique des retraites, de l’autonomie des personnes âgées, etc. »

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gestion démocratique et quels person-nels avec quel statut. Qui dit servicepublic doit déterminer quels sont leschamps nouveaux que nous voulonsextraire de la sphère marchande, lesservices à la personne par exemple.Qui dit service public doit exiger desfinancements nouveaux et uneréforme fiscale de justice sociale. Il nes’agit pas du maintien du statu quomais bien d’une autre conception desservices publics.

le système de Protectionsociale français Conçu en 1945 il constitue un desmécanismes clés de la régulation dusystème économique. Il constitue uneréponse historique originale à la crisesystémique de l’entre-deux-guerres. Ila notamment contribué à la phased’essor de 1945 à 1967. Il permet decouvrir les coûts sociaux liés au typede progression de la productivité dutravail. Le système de protectionsociale (SPS) contribue à la prise encompte de la « dynamique des besoinssociaux ». Il participe à la reproduc-tion de la force de travail, en la main-tenant en « bon état de marche » et en

accroissant sa capacité productive devaleur ajoutée. Le SPS contribue à unmeilleur entretien de la force de tra-vail par une meilleure couverture desbesoins sociaux (famille, santé, retraite,etc.)Le SPS tend à la fois à la relance de laconsommation et à la relance de laproduction, jouant à la fois sur lademande et sur l’offre. Il tend à élar-gir la consommation privée et collec-tive, donc les débouchés des entre-prises, il contribue ainsi à stimulerl’incitation à investir, l’emploi et la pro-duction. Les prestations participentainsi à un autre type de développe-ment économique et social. Le finan-cement du système de protectionsociale repose sur des cotisationsassises sur les salaires versés dans lesentreprises, mais permettant en mêmetemps de financer les solidarités.Face à l’accumulation et à l’accéléra-tion des réformes régressives deSarkozy à Hollande et à la crise pro-fonde d’efficacité et de financementdu système de protection sociale, desréformes alternatives de progrès etd’efficacité sont indispensables. Toutesles forces vives du pays, comme en1945-1946, doivent faire preuve de

créativité pour faire monter des alter-natives aux choix austéritaires. La solu-tion n’est pas dans la réduction desdépenses publiques et sociales et desprélèvements publics et sociaux obli-gatoires. Concernant le système desanté, elle ne peut consister dans uneréduction des dépenses de santé soli-daires, qui favoriserait l’éclatemententre assistance et assurance. Une véri-table régulation médicalisée devraitpartir d’une évaluation des besoins desanté au plus près du terrain, d’unedétermination contrôlée des réponsesà apporter à ces besoins humains. Elleappelle la concertation et la contribu-tion des acteurs pour la constructionde procédures de régulation aboutis-sant à un système de santé réellementsolidaire, préventif, favorisant l’accèsprécoce aux soins, coordonné et effi-cace avec un meilleur suivi du maladeet de meilleurs résultats de santé. Lesdépenses sociales de santé, de retraite,pour la politique familiale, etc.devraient être étendues et réorientées.Loin de représenter un boulet pourl’économie, elles pourraient contri-buer à une issue de progrès à la phasede difficultés du cycle long en cours et

amorcer une nouvelle phase d’essor,en anticipant de nouveaux méca-nismes de régulation. Une réforme defond du financement permettrait deprendre en compte les besoins sociaux(retraite, santé, famille, emploi) quiont émergé dans la crise, afin d’amor-cer un processus de sortie de crise.Une refonte de progrès du système deprotection sociale est une nécessitévitale pour sortir de la crise en cours,notamment pour répondre aux nou-veaux besoins de santé, aux exigencesd’une politique familiale moderne,d’un financement dynamique desretraites, de l’autonomie des per-sonnes âgées, etc. Des constructionsinstitutionnelles nouvelles pourraientconcerner un nouveau système desécurité d’emploi ou de formation.Celui-ci viserait à assurer à chacune età chacun une sécurité et une conti-nuité de revenus et de droits sociauxrelevés. Cela impliquerait de nouveauxdroits sociaux et pouvoirs des salariés,des acteurs sociaux, des associations,des usagers et de toutes les popula-tions. La promotion de la formationtout au long de la vie, la sécurisationet le développement de l’emploi, dessalaires, pourraient concourir à déga-

ger de nouvelles ressources pour lasécurité sociale, tout en visant unenouvelle avancée de civilisation.

la réduction des inégalitésNous considérons qu’il est indispen-sable d’engager une politique deréduction des inégalités sociales éner-gique, courageuse et durable pourrépondre aux besoins humains.C’est l’augmentation des salaires dansla fonction publique, des pensions deretraité-e-s, des minima sociaux pource qui est de la responsabilité directedu gouvernement. C’est aussi condi-tionner des mesures d’aide ou d’ac-compagnement aux entreprises àl’amélioration effective et contrôlée del’emploi qualifié, des salaires, de la for-mation des salariés. Il n’est plus pos-sible que des entreprises empochentdes milliers d’euros d’aide et licencientcomme c’est le cas pour le CICE etSanofi par exemple. C’est aussi unepolitique de réduction des inégalitéssociales avec des aides spécifiquespour les bas salaires, un accompagne-ment significatif de la formation conti-nue qualifiante…Répondre aux besoins humains c’estaussi toute la sphère des apprentis-sages, de l’éducation, du savoir, de laculture, du développement humain.Là encore, la sélection par l’argent estinacceptable pour nous, au contraire,nous considérons que ces secteurs-làont cruellement besoin de développe-ment d’emploi qualifié, de structuresinnovantes…

Plus globalement, nous mesurons bienque la réponse aux besoins humainsdans leur diversité, impose de s’exo-nérer de la loi du profit. La recherchedu profit financier immédiat est lecontraire de la réponse aux besoinshumains. La solution n’est pas de com-poser avec mais bien de s’y attaqueravec conviction et détermination.

une démarchedémocratiqueRevenons sur notre démarche démo-cratique autour de la réponse auxbesoins humains, une démarche fon-damentale. Nous considérons qu’il ya trois phases. Celle de l’expression des besoins. Ils’agit de se donner les moyens de faires’exprimer les besoins humains dansleur diversité. C’est une étape déter-minante. Il n’est pas question de laconsidérer comme acquise ou allantde soi. Décider à la place des femmeset des hommes n’est pas une solution.Celle de la détermination de la réponseaux besoins exprimés. Il s’agit ensuitede déterminer les réponses à appor-

« La recherche du profit financierimmédiat est le contraire de la réponse

aux besoins humains. »

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ter à ces besoins, le faire de manièredynamique tant dans le contenu quesur la durée. Cela est évidemment enlien avec la réalité locale. Là encore,pas de recettes inventées en dehorsdes actrices et des acteurs locaux. Il estindispensable de lier celles et ceux quiexpriment les besoins et celles et ceuxqui contribuent à y répondre.Enfin, celle du contrôle de la mise enœuvre des réponses. C’est un enjeuconsidérable. Il n’est pas question defaire l’économie de cette étape. Cecontrôle démocratique est le moyend’avoir la garantie que le processussera conduit à son terme, c’est le res-pect de la bonne mise en œuvre desréponses décidées, c’est l’engagementà maintenir des actrices et des acteursde la démarche jusqu’à son terme… n

*Jean-Luc Gibelin est membre du comitéde pilotage du projet, animateur du secteur Santé du Conseil national du PCF.

synthèse des débatsISABELLE MATHURIN

cet atelier a réuni une centaine de per-sonnes. la démarche poursuivie pen-dant cet atelier a été de répondre auxtrois questions de l’expression desbesoins, de la détermination de laréponse aux besoins exprimés et ducontrôle de la mise en œuvre desréponses. il y a eu 26 interventions.

Comment fait-on s’exprimer lesbesoins ? Les besoins tels qu’ils peu-vent s’exprimer sont façonnés par lesrapports sociaux où l’idéologie patro-nale domine (ex. des missions actuellesde pôle emploi) et par l’histoire.Comment s’émanciper de cette situa-tion pour que les besoins humainsindividuels et collectifs de la majoritéde la population s’expriment (parexemple pour participer aux prises dedécisions) ? La lutte contre les inéga-lités et pour une égalité réelle ne peut-elle pas être un point de départ ?Encore faut-il combattre l’idée propa-gée qu’aucun progrès social n’est pos-sible en raison de l’enveloppe ferméepour les besoins humains et sociauxet les services publics (ex. hôpitaux).La lutte contre le sentiment de fatalitéfait partie des conditions pour faires’exprimer les besoins : la lutte contrele coût du capital permet de faire émer-ger une réponse politique ; lesrichesses existent pour une alterna-tive au travail précarisé et au chômagede masse. Comment faire s’exprimercette aspiration à l’égalité par les

couches sociales les plus touchées parl’exploitation et les inégalités (femmes,jeunes, personnes âgées avec despetites retraites, seniors en recherched’emploi) ? Il nous faut nous tournervers eux et faire s’exprimer collective-ment ces besoins alors que la sociétécherche à diviser la population entretravailleurs et assistés et à leur impo-ser des droits réduits. Une actionessentielle est de sensibiliser nos conci-toyens à la nocivité des mesures prisespar le gouvernement qui remet encause les conquêtes sociales. L’attaqueportée à la notion d’universalité parl’exonération des cotisations socialeset le plafonnement des prestationsfamiliales, remet en cause la solidaritéentre les différentes couches socialespour contribuer au bien commun dela sécurité sociale et laisse place auciblage de la prévention en santé parexemple. Toutes ces questions vontnous être posées dès maintenant dansle cadre de la bataille pour les électionscantonales. Les communistes sont pla-cés devant la responsabilité d’ouvrirdes espaces de débat et d’échangedirect avec la population, pour la satis-faction de ces besoins humains etsociaux. Il nous revient de faire connaî-tre les droits et les espaces démocra-tiques qui existent pour intervenir etfaire avancer les besoins quand ils sontreconnus par la population. L’action

pour une utilisation démocratique del’épargne salariale, de l’argent desbanques, pour la réponse aux besoinshumains et sociaux, les services publicssont des droits d’intervention àconquérir. Comment faire en sorte queles droits comme le droit au logementsoient reconnus et défendus par ceux-là mêmes qui en ont besoin et alorsque les services publics mêmes ne sontplus en mesure de répondre pleine-ment à ces besoins, en raison desorientations actuelles ? Là encore, labataille contre le coût du capital joueson rôle mais aussi notre capacitéd’amener les citoyens vers l’action enallant à leur rencontre par des initia-tives citoyennes, des comités de vigi-lance citoyens avec les élus, en dénon-çant l’injustice sociale, pour reprendrele pouvoir et intervenir sur le cours dela vie quotidienne (comme le loge-

ment, l’aménagement du territoire oula reprise d’entreprises qui fermentfaute de repreneur) et combattre lesréponses déviantes (clientélisme parexemple). Dans les entreprises, il nousappartient de susciter l’interventionpour défendre les droits, sur le sens dutravail, dénaturé par le capitalisme etpenser le travail aussi pour contrer laségrégation vis-à-vis des femmes.

Comment déterminer la réponse auxbesoins exprimés ? Commentconstruire un projet émancipateuravec les citoyens, les salariés ? Sur quelsleviers devons-nous agir contre le coûtdu capital ? Comment transformer desbesoins en droits par un travail d’éla-boration du projet ? Nous sommesconscients que, pour répondre auxbesoins, il est nécessaire d’affronterdeux dogmes mis en avant pour fairese résigner les salariés et la popula-tion : le coût du travail et la réductionde la dette publique alors que ce sontprécisément ces politiques qui alimen-tent la crise. Nous ne pouvons pas nouscontenter du partage des richessesmais aussi des conditions de produc-tion. Face au coût du capital, nousdevons développer la demande sinonles gains de productivité vont générerdu chômage. Nous pouvons les utili-ser en libérant les hommes et lesfemmes de la charge du travail, par le

développement de la formation (sécu-rité de l’emploi et de la formation), desservices publics, en augmentant l’in-vestissement public et l’emploi publicpour que par exemple, l’argent obtenude la banque centrale européenne nesoit pas utilisé pour diminuer lesdépenses publiques. Une grandebataille pour l’emploi permet d’aug-menter la masse salariale, le finance-ment de la protection sociale et ali-mente les cotisations sociales prisessur la plus-value. Au regard de cetteréponse aux besoins sociaux ethumains exprimés, nous devons revi-siter les notions par le débat publicafin de leur donner une nouvelle légi-timité. Ainsi à nous de poser avec lapopulation, la question de l’utilité decertains équipements publics commeles LGV( lignes à grande vitesse) cequ’est un pôle public, ce qu’on met

« Les communistes sont placés devant laresponsabilité d’ouvrir des espaces de

débat et d’échange direct avec lapopulation, pour la satisfaction de ces

besoins humains et sociaux. »

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derrière le terme décentralisation.Dans l’industrie, nous pouvons pro-poser des solutions alternatives à celleen vigueur de la norme du « moins-disant » actuelle par des normessociales (anti TAFTA), au plan euro-péen, assorties de taxes capables dedévelopper l’emploi y compris dansles PME. Comment renverser les cri-tères actuels de gestion des servicespublics (nombre d’actes au détrimentde la qualité du travail) ? Organisonsnotre réponse de façon d’une part àrépondre aux besoins urgents par desréponses en conséquence et d’autrepart organisons une planification éco-logique et humaine à partir des besoinsindividuels, en mettant de l’en-com-mun, en faisant un état des lieux detous les droits existants et en tenantcompte de l’évolution technologiquedans le travail, du contexte environ-

nemental pour ne pas tomber dans leproductivisme. Si on admet qu’au-jourd’hui l’accès aux droits lui-mêmeest empêché par la marchandisation,comment faire grandir l’aspiration àplus de droits, jusqu’à les inscrire dansla Constitution ? Ainsi il nous revientd’affronter les débats sur la gratuitépermettant un égal accès aux servicespublics, gratuité remise en cause dansl’éducation et à conquérir pour l’ac-cès aux transports par exemple. Nousvoulons inscrire dans nos programmespour les élections cantonales la créa-tion de service national des aides à lapersonne et en débattre avec la popu-lation. Cela signifie débattre d’uneréforme de justice fiscale. De mêmel’objectif d’une protection sociale à100 % suppose de montrer que lesfinancements existent. Pour convain-cre que l’on peut gagner, il nous faut

mettre en avant le succès de bataillesmenées contre des projets nocifs, telsceux impliquant le partenariat publicprivé, tentative de marchandisationdu service public, grâce à une cam-pagne publique réussie.Quel contrôle de la mise en œuvre desréponses ? Plusieurs exemples. Ainsiil revient aux communistes, aux sala-riés de dénoncer l’insuffisance desmoyens accordés au recouvrementdes cotisations sociales des entreprises,d’en faire une bataille publique et decontrer le déficit de la sécurité sociale.Afin de créer les conditions de cecontrôle citoyen, pour les élections auconseil général, nous pouvons propo-ser la mise en place d’un conseil can-tonal tripartite associant élus, citoyens,représentants des PME et acteurs dela vie départementale, et les faire vivrependant toute la durée du mandat. n

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Atelier n°2 faire reculer le coût du caPital Pour financer le déveloPPement humainet la relance socialeil s’agit d’un enjeu politique crucial : combattre la dictature des marchés finan-ciers. L’alternative, c’est la conquête de pouvoirs, par les travailleurs et lescitoyens, dans la gestion des entreprises, des services publics, des collectivitéspubliques, des banques, pour faire prévaloir des choix stratégiques et finan-ciers favorables au développement des êtres humains, et non à la rentabilitédes capitaux privés. Le levier essentiel : mobiliser le pouvoir des banques et desbanques centrales pour un nouveau crédit (une nouvelle création de mon-naie), avec des taux d’intérêt d’autant plus réduits que seront programmésdavantage de créations d’emplois et d’actions de formation. La mobilisationdes autres outils de la politique économique obéit à la même cohérence, parexemple la modulation de l’impôt sur les sociétés et des cotisations socialespatronales en fonction de la politique d’emploi et de formation des entreprises.

INTRODUCTION : DENIS DURAND*

d es millions de nos concitoyenss’attendent à vivre plus maldans les années à venir qu’au-

jourd’hui. Et que leur répond-on ? C’estde votre faute, vous coûtez trop cher !Vous, les salariés des entreprises pri-vées qu’on licencie. Et vous les fonc-tionnaires et les agents des servicespublics dont on détruit les emplois etdont on bloque les salaires ! Selon lesfinanciers, le MEDEF, et selon le gou-vernement, l’économie française seraplus « compétitive » s’il y a moins d’ou-vriers dans l’automobile et la chimie,moins d’infirmières, d’enseignants, dechercheurs…

baisse du coût du travail,emPloi et économie La dernière prouesse du gouverne-ment en date est l’annonce parFrançois Hollande que les milliards duCICE (Crédit d’impôt compétitivitéemploi) seront transformés à partir de2017 en exonérations de cotisationssociales. Toujours au nom de la baissedu « coût du travail » pour la compé-titivité ! Pourtant, la preuve est faitedepuis longtemps que ces politiquesn’ont aucune influence positive surl’emploi et la croissance, bien aucontraire. Les politiques de « baisse ducoût du travail » ne sont pas une « poli-tique de l’offre » ; elles ne font qu’af-faiblir l’économie. Entre 1991 et 2010,les exonérations dont bénéficient les

patrons sont passées de 4 % à quelque28 % des cotisations sociales patro-nales, soit un manque à gagner totalde 280,8 milliards d’euros sur vingtans ! Or, au cours de cette période, lechômage et la précarité n’ont pas cesséde croître et, dans les années 2000, ledéficit commercial de la France aexplosé avec, au cœur, le déficit deséchanges industriels, particulièrementvis-à-vis de l’Allemagne.Cela s’explique. La politique de « baissedu coût du travail » mine l’économiede deux façons : • elle engendre une insuffisance de lademande de consommation dessalariés et de leurs familles, y com-pris du fait de la mise en concurrenceaccrue entre salariés, tirant vers lebas toute la structure des salaires ;

• elle affaiblit l’offre par l’insuffisancedes qualifications, accroissant noshandicaps face aux exigences desnouvelles technologies.

En faisant obstacle à la croissance,cette politique pousse aux délocalisa-tions des entreprises vers les pays où

la croissance est plus forte, en parti-culier les États-Unis.Et pendant qu’on culpabilise les sala-riés avec le « coût du travail », on écrasel’économie avec les prélèvements opé-rés par les actionnaires, les banques,les marchés financiers.

la vérité sur le coût du caPitalCe que l’on appelle le coût du travail,c’est la somme des salaires et des coti-sations sociales employeur appeléespar le MEDEF « charges sociales ». Ilest sans cesse dénoncé comme tropélevé par les patrons qui en font lacause essentielle des pertes réelles ousupposées de compétitivité. Ainsi, enmême temps qu’ils s’acharnent à gelerles salaires, ils ne cessent d’exiger desbaisses de « charges sociales ». Mais les entreprises subissent descoûts du capital considérables qui sontautant de prélèvements sur lesrichesses nouvelles qu’elles produi-sent (valeur ajoutée) et dont l’effet estde plus en plus parasitaire. Le coût ducapital financier, c’est la somme desdividendes qu’elles versent aux action-naires et des charges d’intérêts qu’ellespayent aux banques et aux autres orga-nismes financiers qui leur prêtent del’argent. Il représente beaucoup plusque leurs cotisations socialesemployeurs effectivement versées(chiffres INSEE pour l’année 2013,Comptes de la nation) : 260,9 milliardsd’euros contre 162,2 milliards d’euros.

« Les exigences derentabilité

financière imposentleur loi à la gestiondes entreprises. »

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Il s’agit d’un prélèvement sur toute larichesse créée, au bénéfice desbanques, des financiers et des action-naires. Nettement supérieur, par exem-ple à l’investissement matériel desentreprises (291 milliards d’euros enmoyenne chaque année entre 2004 et2013 ans contre 219 milliards). Cette ampleur révèle un problèmemajeur : la domination du capitalfinancier sur toute l’économie et, par-tant, sur la vie de tous, du chômeur aucadre, en passant par les précaires, lesouvriers, les enseignants ou les infir-mières, les étudiants ou les retraités.Le plus grave, dans cette affaire, c’estque les exigences de rentabilité finan-cière imposent leur loi à la gestion desentreprises. Les patrons ne déciderontde produire, d’embaucher, d’investirque s’ils prévoient que cela permettrade dégager assez de profits pour satis-faire les exigences des actionnaires etdes marchés financiers. Soit ils n’in-vestiront pas et préféreront placer leurargent sous forme de titres financiers.Soit ils feront tout pour rendre l’inves-tissement assez rentable au regard descritères des marchés financiers, et ilssacrifieront les salaires, la formation,la recherche.

Faire face au coût du capital, ce n’estdonc pas seulement prendre de l’ar-gent aux patrons, ou leur en donnermoins. C’est leur prendre le pouvoir !C’est-à-dire imposer des décisionsvisant des objectifs sociaux plutôt quela rentabilité financière exigée par lesmarchés financiers.Faire reculer le coût du capital est doncun enjeu politique crucial : c’est com-battre la dictature des marchés finan-ciers. L’alternative réside dans laconquête de pouvoirs, par les travail-leurs et les citoyens, dans la gestiondes entreprises, des services publics,des collectivités publiques, desbanques, pour faire prévaloir des choixfavorables au développement descapacités humaines, et non à la ren-tabilité des capitaux privés.Ce serait l’enjeu central de la politiqueéconomique, mais surtout des mobi-lisations populaires, si un jour les

conditions étaient créées d’un rassem-blement majoritaire pour mener unepolitique transformatrice en France eten Europe.Le levier essentiel est de mobiliser àcet effet le pouvoir des banques et des

banques centrales – créer, par leursopérations de crédit, la monnaie quicircule dans l’économie. À la place desfinancements dominés par les mar-chés financiers, il faut un nouveau cré-dit pour les investissements matérielset de recherche des entreprises, avecdes taux d’intérêt d’autant plus réduits(jusqu’à 0 %, et même jusqu’à des tauxnégatifs pour les projets les plus effi-caces) que seront programmés davan-tage de créations d’emplois et d’ac-tions de formation. C’est l’affaire de luttes et de rassem-blements politiques autour d’objec-tifs concrets : créations chiffrées d’em-plois, développement de servicespublics dans les territoires, investisse-ments dans la recherche et la forma-tion… C’est la raison pour laquelle l’exigenced’une réorientation du crédit est siimportante : avec leur pouvoir de créa-tion monétaire (soutenu par celui desbanques centrales) les banques pour-raient rendre possible la réalisation deprojets aujourd’hui bloqués par ladépendance de notre économie enversles marchés financiers. Un pôle publicfinancier, avec des banques nationa-lisées, serait l’un des instruments quicontribuerait à y parvenir mais l’expé-rience des nationalisations de 1982 amontré que cela ne suffisait pas ; il fautune conquête de pouvoirs à tous lesniveaux où se prennent les décisions,« du local au mondial ».

arracher des Pouvoirs au caPitalCela commence dans l’entrepriseavec de nouveaux pouvoirs des sala-riés et de leurs représentants syndi-caux pour faire prendre en comptedes projets industriels efficaces, déve-loppant l’emploi, la formation, larecherche et créer ainsi davantage devaleur ajoutée en économisant sur lesinvestissements matériels et les res-sources naturelles. Pour avoir uneportée réelle, ces pouvoirs doiventpouvoir s’étendre à la mobilisationdes crédits bancaires nécessaires aufinancement de ces projets.

Cela continue dans l’environnementimmédiat de l’entreprise : les locali-tés, les bassins d’emplois, où lescitoyens peuvent interpeller les direc-tions d’entreprises sur les projets d’in-vestissement, de licenciements ou de

délocalisations, les banques sur leurcontribution au développement dutissu économique local, les pouvoirspublics sur leur soutien à l’emploi etau développement du territoire.

des outils d’interventionéconomiqueDès le niveau local, et plus encore auniveau régional, des outils d’interven-tion économiques devraient être mobi-lisés à l’appui de ces mobilisations. Parexemple, il faut abolir les exonérationsde cotisations sociales qui alourdis-sent le coût du capital ; au contraire,les entreprises et les collectivitéspubliques qui investissent pour déve-lopper l’emploi et les services publicsdevraient pouvoir bénéficier de boni-fications d’intérêts, versées par desfonds régionaux pour l’emploi et la for-mation pour réduire le coût de leursemprunts, sous le contrôle des sala-riés et des citoyens.La même logique devrait prévaloir auniveau national avec un fonds natio-nal travaillant en liaison avec un pôlefinancier public associant en réseaules institutions financières existantes(Banque publique d’investissement,Banque postale, Caisse des dépôts,Banque de France…) avec desbanques nationalisées et avec lesbanques mutualistes qui occupent uneplace considérable dans notre systèmefinancier.Parallèlement, la fiscalité des entre-prises serait utilisée pour pénaliser lesdélocalisations, les sorties de capitaux,les licenciements, la précarisation desemplois, les gaspillages d’investisse-ments matériels et de ressources natu-relles. C’est à cela que serviraient :• la taxation des revenus financiers desentreprises ;

• un impôt sur les sociétés rendu pro-gressif et modulé selon la politiqued’emploi, de salaires et de formationdes entreprises assujetties ;

• la modulation des cotisations socialespatronales selon le même principe.Le taux de cotisation sociale patro-nale de chaque entreprise seraitmodulé selon que la part de la masse

« Faire prévaloirdes choix

favorables audéveloppement des

capacitéshumaines, et non à

la rentabilité descapitaux privés. »

« Les 1 000 milliards d’euros prêtés aux banques en novembre 2011

et février 2012 n’ont pas servi à revitaliserl’économie de la zone euro. »

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salariale dans sa valeur ajoutée seraitsupérieure ou inférieure à lamoyenne de sa branche. ;

• la création d’un impôt sur le capitalancré dans les territoires et favori-sant la création de valeur ajoutée.

Mais la France n’est pas isolée dans lemonde. Elle est prise dans la « mon-dialisation » financière qui est le ter-rain de domination des marchés finan-ciers. La construction européenneactuelle est conçue pour l’y enchaîneravec la monnaie unique, la banquecentrale prétendue indépendante etles contraintes budgétaires formali-sées dans le Pacte de stabilité puis dansle « traité sur la stabilité et la gouver-nance » européennes et l’encadrementde plus en plus invasif des politiquesbudgétaires nationales.

une autre constructioneuroPéenne Il faut donc une autre constructioneuropéenne pour retourner le pouvoirde la Banque centrale européennecontre les marchés financiers. Ses diri-geants reconnaissent aujourd’hui queles 1 000 milliards d’euros prêtés auxbanques en novembre 2011 etfévrier 2012 n’ont pas servi à revitali-ser l’économie de la zone euro et ilscherchent maintenant à « cibler » cetargent vers les investissements desPME. Mais les remèdes qu’ils prépa-rent risquent d’être pires que le mal.Ils relancent la « titrisation » des cré-dits aux PME (c’est-à-dire leur ventesous forme de titres négociables surun marché financier), comme on l’afait aux États-Unis pour les créditsimmobiliers aux ménages subprime,avec les résultats qu’on sait !C’est donc une toute autre voie qu’ilconvient d’emprunter. La BCE devraitremonter sévèrement le taux d’intérêtauquel elle refinance les crédits ban-caires qui nourrissent la spéculationfinancière et immobilière. À l’inverse,elle devrait refinancer à 0 % les créditsfinançant des investissements répon-dant à des critères précis en matièreéconomique (création de valeur ajou-tée dans les territoires), sociaux(emploi, formation, salaires) et écolo-giques (économies d’énergie et dematières premières).Le Fonds de développement écono-mique, social et écologique européenproposé par le programme L’humaind’abord !du Front de gauche serait des-tiné à cela, et au financement du déve-loppement des services publics. Sesressources seraient apportées par destitres acquis, dès leur émission, par laBCE. Cette pratique est interdite parles traités européens actuels : il estdonc urgent de rendre irrésistible l’exi-

gence de les remplacer par un nou-veau traité. Dès aujourd’hui, on peutexiger qu’un Fonds européen de cetype soit financé par la Banque euro-péenne d’investissements qui, elle-même, peut se refinancer auprès de laBCE (les deux institutions l’ont offi-ciellement confirmé en mai 2009).Dès aujourd’hui en effet : car seul ledéveloppement des luttes sociales etpolitiques, en France et en Europe,pourra avoir la force de rendre irrésis-tibles, face au pouvoir du capital et desmarchés financiers, ces exigences. Cesluttes existent.

quelques exemPles• La CGT de l’entreprise chimique KemOne a développé son propre projetde relance de l’activité après que sonprécédent propriétaire, un financieraméricain, l’a ruinée. Le projet CGTdéfinissait les moyens d’une reprisede l’entreprise avec la participationde ses partenaires historiques (Total,Arkema, EDF) et celle de la puissancepublique via la BPI et le fonds régio-nal pour l’emploi de la région Rhône-Alpes. Il prévoyait le financement parles banques de 400 millions d’eurosd’investissement et réclamait le sou-tien de la BCE et de la Banque deFrance à ces crédits sous forme d’unrefinancement à 0 %. Faute d’un sou-tien jusqu’au bout du gouvernementAyrault, ce projet n’a pas été retenu

mais son existence a pesé dans lesconditions qui ont permis la repriseconjointe par deux opérateurs pri-vés, sans licenciements, sans baissedes salaires et avec la totalité de l’ac-tivité de l’entreprise. Les points posi-tifs et négatifs de cette expériencesont riches d’enseignements pourles luttes qui vont se poursuivre pourl’emploi et pour un autre crédit, enFrance et en Europe.

• Après avoir fait adopter par le Conseilde Paris un vœu contre le recoursaux agences de notation, les éluscommunistes de la Ville de Parismènent campagne, avec une péti-tion, pour un financement à tauxzéro des investissements les plusprioritaires de la ville ;

• Le Front de gauche de Saint-Gratien(Val-d’Oise) fait des propositionsconcrètes pour libérer la ville desemprunts toxiques et reconstituersa capacité d’investissement dans ledéveloppement des servicespublics…

Ce n’est pas là la voie de la facilité etdes solutions magiques : mais c’est laseule qui peut nous rendre plus fortsque les marchés financiers pour nouslibérer du coût du capital. n

Denis Durand* est membre du Conseil national et de la section économique du PCF.

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synthèse des débatsROLAND PERRIER

un ton offensif se dégage des 28 inter-ventions. Pour construire ensemble etmener des luttes. et ceci afin de sortirde la culpabilisation sur le coût du tra-vaildans lequel les tenants du capitalveulent enfermer les travailleurs.

Le there is no alternative (il n’y a pasd’alternative) relayé sans cesse par leMEDEF et le gouvernement via lesgrands média ne prend pas parmi lapopulation comme le déclarait unintervenant avec sondages d’opinionà l’appui. Les salariés, la populationn’acceptent pas de vivre moins bienque la génération précédente. Depuisla récente campagne menée par lePCF sur le coût du capital, le débat apris de l’ampleur. Il n’est plus exclusi-vement l’affaire de spécialistes.La discussion dans l’atelier se situaiten parfaite osmose avec le débat géné-ral de la conférence nationale de laveille refusant d’en rester au constat del’austérité, mais voulant surtout pas-ser à l’offensive avec des propositionsalternatives concrètes. Les points fortsde l’échange recoupent d’évidence l’in-tervention générale liminaire. Ils met-tent en relief les axes forts sur lesquelsles participants souhaitent approfon-dissement collectif et action.

le refus catégorique del’austéritéLes intervenants ont refusé la poursuitede la « baisse du coût du travail ». Ilsconsidèrent cette politique comme sui-cidaire. Les mesures de pression sur lessalaires, sur les prestations sociales, lesexonérations de cotisation et les allè-gements de fiscalité des entreprises sontrejetés. Et plusieurs camarades insis-tent sur la nécessité d’augmenter lessalaires dans le privé et dans le public.

le rôle des banques C’est un levier essentiel. L’introductionde Denis Durand posait la questiond’une autre construction européenne,d’un nouveau rôle de la BCE et de l’ac-tion à tous les niveaux de décisionspour arracher des pouvoirs au capitalavec de nouveaux critères de finance-ment. Le débat a insisté sur la sélecti-vité du crédit et sur des mesures inci-tatives et modulées pour la fiscalité. Plusieurs intervenants argumententsur la nécessité de nouveaux pouvoirs,de moyens donnés aux salariés et à lapopulation pour de « nouveaux cri-tères de gestion ».L’attention est attirée sur unPôle publicfinancier avec des propositions trèsaffinées et sur le fait que la nationali-

sation des banques sans les moyensde contrôle et de choix ne suffit pas !Mais aussi sur un Fonds de développe-ment économique social et écologiqueeuropéen pour le financement et ledéveloppement des services publics.On notera ici la nécessité de changerde logiciel afin de sortir des critèresfinanciers, qui, emportés par leur choixde rentabilité financière immédiatesacrifient les salaires, la formation, larecherche, s’opposent à la sécuritéd’emploi et de formation des salariés.Il a été question de la dette publique

et des emprunts toxiques pris par descollectivités. Des luttes sont menéesavec y compris des prolongementsjuridiques. (Saint-Gratien...). Des par-ticipants notent qu’il faut prolongernotre discours par des actions en direc-tion des banques.

sur le Productivisme Nous assistons à une révolution éco-logique qu’il faut prendre en comptedans toutes ses dimensions. Mais enmême temps à l’échelle du pays et dela planète il reste d’immenses besoinsà couvrir. La planète souffre des acti-vités productives orientées vers la ren-tabilité du capital. Il n’y a pas trop degens qui travaillent et vivent bien. Cequi est en crise c’est l’économie demarché et la non satisfaction desbesoins des hommes.

la bataille d’idées, les luttes Dans ce débat, 14 camarades (1 sur 2)sont intervenus explicitement sur lanécessité de développer une cam-pagne dans la durée sur le coût de capi-tal. Pour cela il faut former les cama-rades, s’impliquer plus dans ladirection nationale et dans les fédéra-tions, impliquer la communication ettravailler des slogans porteurs. Lessalariés, les populations sont réceptifssi on s’explique simplement, sans sim-plisme sur le rôle de l’argent, du cré-

dit, la notion de dette, les choix stra-tégiques dans le privé et dans lepublic...Nous devons faire sauter certains blo-cages. La prochaine campagne desélections cantonales 2015 est l’occa-sion pour le PCF de s’impliquer col-lectivement et fortement et de mettreen débat nos propositions originaleset porteuses de transformations dura-bles pour plus de bien-être deshommes et des femmes de notre paysen Europe et dans le monde.

Et plusieurs interventions d’insistersur l’importance de l’ancrage des luttessur ces sujets, moyen incontournablepour faire vivre et affiner nos propo-sitions dans une campagne continuéesur le coût du capital. n

« Les salariés, les populations sont réceptifs si on s’explique simplement,

sans simplisme sur le rôle de l’argent, du crédit, la notion de dette, les choix

stratégiques dans le privé et dans le public »

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Atelier n°3 éducation, savoir, culture commeconditions Pour l’émanciPation humaine cet atelier analysera la place nouvelle des savoirs et de la création dans notresociété : dans le travail et dans la vie démocratique. comment cette place nou-velle peut-elle être mise au service de l’émancipation individuelle et collective ?comment passer d’une logique d’accès aux savoirs et à la culture à une logiqued’appropriation et construire un haut niveau de culture pour tous ? commentconstruire la culture commune nécessaire pour faire société tout en répon-dant à la crise démocratique, à la crise des valeurs que nous traversons ? enfin,le partage travail / loisir, la mesure du temps de travail, la succession dans la viede la formation, du travail et de la retraite sont bouleversés par la place crois-sante de la création et des savoirs dans le travail. comment prendre appui surces bouleversements pour repenser les temps de la vie et viser l’émancipationindividuelle et collective ?

INTRODUCTION : MARINE ROUSSILLON*

d ans la crise économique etpolitique que nous vivons, ledébat sur le projet est essen-

tiel : seul un tel débat peut nous per-mettre de construire une alternativeaux politiques libérales et de la rendremajoritaire. Il s’agit ici d’une part demettre en cohérence le travail de dif-férents secteurs du parti (école, cul-ture, enseignement supérieur etrecherche, sport) pour dégager ensem-ble des identifiants du projet commu-niste ; et d’autre part de cibler lesbatailles qui peuvent faire majoritédans la période à venir, tout en ayantà cœur que ces batailles soient desleviers pour une transformation de lasociété vers le projet communiste.

une Place nouvelle dessavoirsNotre société est structurée par dessavoirs complexes. Dans l’économie,la production de valeur ajoutée est deplus en plus liée à la mobilisation d’in-formations et à la créativité (nous par-lons de révolution informationnelle,d’autres évoquent l’économie de laconnaissance ou de l’immatériel). Lessavoirs jouent un rôle essentiel dansnotre démocratie : prendre positionsur la transition énergétique, sur lapolitique étrangère… requiert une cul-ture de haut niveau. Le travail est luiaussi transformé par cette place nou-velle des savoirs et de la création. Leconducteur de métro ne conduit plusun métro : il en conduit plusieurs, à

partir d’outils sophistiqués qui exigentdes capacités d’anticipation et de créa-tion bien plus élevées. Le travail,devenu plus complexe, est ainsi poten-tiellement plus intéressant. Mais il estaussi plus stressant, d’autant qu’il estrendu invisible : on parle de « métrosans chauffeur ». Cet exemple estcaractéristique de la place nouvelledes savoirs et de la création dans notresociété. Alors qu’elle pourrait être unfacteur d’émancipation, elle est miseau service d’une aliénation accrue dutravailleur et du citoyen.

Nous touchons là à une contradictionstructurante du capitalisme contem-porain. D’un côté, il a besoin d’un sala-riat mieux formé et plus créatif, maisde l’autre, il refuse d’en assumer le coûtet de donner aux travailleurs les pou-voirs nouveaux correspondants. Laréponse libérale à cette contradiction

consiste à transformer profondémentles systèmes de création et de diffu-sion des connaissances et les politiquesculturelles pour reconfigurer le sala-riat et la société de demain, sur la basede trois grands principes : une discri-mination accrue (école du tri social,opposition entre une culture mar-chande et une culture élitiste…) ; l’in-dividualisation de l’accès à la culture,pour isoler les travailleurs, casser lapossibilité de qualifications et donc derevendications collectives mais aussiisoler le citoyen, casser la culture com-mune ; la fragmentation des savoirspour en limiter la maîtrise par lesacteurs.Ces politiques, mises en œuvre par-tout en Europe construisent unesociété clivée et mettent en cause lapossibilité même de continuer à vivreensemble. Il s’agit pour nous de déve-lopper un projet capable non seule-ment de leur résister mais aussi de rele-ver le défi nouveau de la place dessavoirs et de la création dans la société.Comment prendre appui sur cettecontradiction nouvelle du capitalismepour transformer la société ?

la bataille Pour l’égalité Plus le rôle des savoirs et de la créa-tion est essentiel, plus le fait qu’ilssoient réservés à quelques-uns estinacceptable. La bataille pour l’égalitéest donc centrale dans notre projet. La place nouvelle des savoirs et de lacréation donne une actualité nouvelleaux logiques de partage et de mise encommun qui sont au cœur du projetcommuniste. La création, la culture,le savoir ne sont pas des marchandises

« Le capitalisme abesoin d’un salariatmieux formé et pluscréatif, mais il refuse

d’en assumer lecoût et de donneraux travailleurs les

pouvoirs nouveauxcorrespondants. »

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aliénables. Ils s’enrichissent aucontraire d’être partagés. Leur impor-tance nouvelle fait ainsi émerger dansnotre capitalisme exacerbé les pré-requis d’une société communiste. Enfin, si nous voulons partager la cul-ture, ce n’est pas pour en faire un patri-moine mort. Notre ambition est celle

d’une culture émancipatrice, permet-tant à chacun de prendre pouvoir surle monde pour le transformer. Il s’agitdonc de mettre la place nouvelle dessavoirs et de la création au service del’émancipation par une élévationcontinue du niveau de formation, dequalification et de créativité. Dès aujourd’hui, nous pouvons fairevivre ce projet à travers une série debatailles susceptibles de rassemblerlargement.

déveloPPer les PolitiquesPubliques d’éducation, decréation, de recherche Contre la marchandisation actuelledes connaissances et de la culture, ilfaut développer services publics pourlibérer l’éducation, la création et larecherche des pressions du marché. Pour sortir de la crise et pour répon-dre aux défis de l’avenir, il faut aug-menter la dépense publique en faveurde l’éducation, de la recherche et dela création. Les entreprises, qui profi-tent du niveau de formation des sala-riés et des innovations permises par larecherche publique, doivent contri-buer à ces dépenses, sans pour autantavoir les moyens de contrôler les poli-tiques de recherche, de formation etde création. Cette contribution doitdonc passer par une fiscalité nouvelle.La question de l’emploi public est cen-trale pour mobiliser les travailleurs,dans la mesure où la faiblesse de l’em-ploi est un facteur important de dégra-dation des conditions de travail. Ellepeut fédérer dans les luttes (marchepour l’emploi scientifique, postes dansl’éducation nationale…) et au parle-ment autour d’une bataille d’amen-dements sur le budget (prise encompte de l’évolution démographiquedans le budget de l’éducation natio-nale, réorientation du crédit impôtrecherche, budget de la culture). Enfin, le cadre national des politiquespubliques est aujourd’hui un enjeu deluttes. Il s’agit pour nous d’articuler

des services publics nationaux, garantsde l’égalité, et un maillage territorial.Loin d’une déresponsabilisation del’État et du transfert de ces politiquesvers les collectivités territoriales et lesassociations, nous devons penser l’al-ler-retour entre l’État et les collectivi-tés territoriales, en lien avec notre

bataille actuelle sur la réforme des col-lectivités locales. Un exemple : laréforme des rythmes scolaires pose leproblème de la territorialisation del’éducation, mais aussi du rapportentre éducation, éducation populaireet culture et surtout fait émerger laquestion d’un service public nationaldu loisir éducatif assurant l’égalité dansce domaine à tous les enfants. Une dernière bataille croise ces diffé-rents enjeux : la bataille pour la qua-lification et les diplômes. Il s’agit d’unenjeu central pour l’école comme pourle salariat. Une même formation doitêtre reconnue par une qualificationcommune, permettant l’émergencede revendications collectives et laconquête de droits nouveaux. C’est lacondition pour que la formation soitvéritablement un facteur d’émancipa-tion. Toutes les années d’étude doi-

vent être reconnues dans les conven-tions collectives. Nous proposons unservice public de la qualification, dansle cadre d’une sécurité d’emploi et deformation.Ces batailles ne sont pas seulementdéfensives. Il s’agit aussi de penser desservices publics nouveaux, leviers versun changement de société.

construire une culturecommune émanciPatricePour faire sociétéLe développement des services publicsest une réponse à la crise économique,

mais aussi à la crise démocratique : enassurant l’égalité des droits, les ser-vices publics permettent l’émergenced’une culture commune essentielle àla vie démocratique.L’offensive réactionnaire récente surla notion de genre a montré à quelpoint la question de la culture com-mune est aujourd’hui centrale. Cedébat éclaire le rôle de la laïcité dansl’élaboration d’une culture commune :une laïcité véritablement émancipa-trice est une laïcité qui rend possiblel’élaboration d’une approche ration-nelle, savante et critique de toutes lesvaleurs. Dans ce cadre, la « charte dela laïcité » inventée par Vincent Peillonapparaît comme un contresens : loinde favoriser l’approche critique desvaleurs, elle utilise l’école pour impo-ser la laïcité comme une valeur contred’autres.La construction d’une culture com-mune émancipatrice passe alors parune double exigence : exigence d’éga-lité (égalité des droits, égale dignité detoutes les cultures) et valeur émanci-patrice et critique des contenus.

construire l’égalité,Passer d’une logiqued’accès à une logiqued’aPProPriationTout le monde est capable de s’appro-prier une culture de haut niveau. C’estnon seulement un principe éthiquepour nous, mais aussi un acquis scien-tifique. L’égalité est possible et néces-saire : encore faut-il en construire lesconditions.

Les démocratisations culturelles ouscolaires se sont faites jusqu’à présentsur une logique de l’accès, accès quireste d’ailleurs imparfait. La gratuité,condition essentielle de l’égalité, estloin d’être une réalité.Mais cette démocratisation fondée surl’accès est restée inégalitaire : il ne suf-fit pas d’ouvrir les portes du théâtre oude l’école pour que tout le monde s’yplaise. Face à cette limite forte de ladémocratisation (limite et non échec,car il y a quand même eu élévation duniveau de culture), les libéraux prô-nent le retour à la différenciation : c’est

« Notre ambition est celle d’une cultureémancipatrice, permettant à chacun

de prendre pouvoir sur le monde pour le transformer. »

« La réforme des rythmes scolaires pose le problème de la territorialisation

de l’éducation, mais aussi du rapport entreéducation, éducation populaire et culture etsurtout fait émerger la question d’un service

public national du loisir éducatif »

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« l’échec du collège unique », l’indivi-dualisation des parcours, l’adaptationdes « produits culturels » aux goûts dechacun. Nous défendons au contrairel’idée qu’il faut aller plus loin dans ladémocratisation, en modifiant en pro-fondeur contenus et pratiques pourpermettre à tous une véritable appro-priation. Cela a des incidences sur laformation des enseignants, sur les pro-grammes (c’est le débat en cours surle socle), sur les pratiques artistiqueset culturelles qu’on valorise et qu’onsubventionne.Soutenons par exemple toutes lesmanifestations d’appropriation popu-laire de l’art et de la création, l’éduca-tion artistique à l’école et dans la ville,la présence de l’art et de la culture dans

l’univers du travail. Réclamons l’ex-tension de la scolarité obligatoire, pourlaisser le temps à chacun de s’appro-prier une culture de haut niveau.Défendons une approche culturelle del’éducation, travaillant la cohérencedes savoirs et leur approche critiqueavec comme modèle l’élève qui n’a quel’école pour apprendre, sans rien délé-guer aux familles, aux collectivitéslocales ni au marché scolaire.

reconnaître la Partintellectuelle du travail,rePenser les temPs detravail et de loisirLes potentialités émancipatrices de laplace nouvelle de la culture s’expri-ment d’abord dans le travail. C’est làaussi que s’ouvrent les possibilités desconvergences les plus larges.Comment s’emparer des transforma-tions de la société pour libérer le tra-vail et l’émanciper ? Comment s’em-parer des logiques de coopération etde partage qui émergent pour les géné-raliser et s’affranchir des pressions hié-rarchiques ? Comment s’emparer del’exigence de formation et de créati-vité pour promouvoir un travail maî-trisé et libérateur ? Les attaques subies par les métiersd’enseignants, de chercheurs, d’ar-tistes participent d’une déqualifica-tion du travail intellectuelvisant à nieret dévaloriser la part intellectuelle qu’ily a dans tout travail. Il y a donc des

batailles à mener sur le sens du travailde recherche et de création, notam-ment en exigeant le temps pour se for-mer, inventer, partager. Les luttes des enseignants, des inter-mittents, des chercheurs sont autantde points de départ pour valoriser par-tout la part intellectuelle du travail etrepenser les temps du travail dans lavie, dans le rapport travail/loisir, tra-vail/formation. Les évolutions de lasociété doivent nous amener à repen-ser les temps du travail pour reconnaî-tre la formation, le temps de création,de recherche et de coopération. Danscette perspective, il est impensablepour nous de sortir d’une logique deréduction du temps de travail (35h,travail du dimanche…).

Nous défendons quatre propositionsphares pour une autre organisationdes temps de la vie : scolarité obliga-toire de 3 à 18 ans ; retraite à 60 ans ;éducation tout au long de la vie et sécu-rité d’emploi et de formation.

Historiquement, les avancées en cequi concerne l’éducation et la cultureont été conquises par des alliancesentre les franges les plus populaires dusalariat et les couches moyennes intel-lectuelles. Ces alliances, qui peuventse construire de manière privilégiéesur les questions culturelles, sont déci-sives pour d’autres combats. Aucontraire, les politiques libérales cher-chent à diviser la classe ouvrière enopposant les couches moyennes intel-lectuelles et les catégories populaires.Ainsi, l’assouplissement de la cartescolaire a mis en concurrence lesfamilles, présentant les enfants desfamilles populaires comme un dangerpour ceux des couches moyennes (ilsferaient « baisser le niveau »). Face àces politiques, notre responsabilité estde construire des convergences pourcréer dans une unité de classe des ras-semblements qui peuvent gagner. Laquestion des savoirs et de la créationest stratégique pour construire de telsrassemblements. n

*Marine Roussillon est membre ducomité du projet, animatrice du secteurÉducation du Conseil national du PCF.

synthèse des débatsFRANÇOISE CHARDIN

difficile de rendre compte de larichesse d’une trentaine d’interven-tions faites devant une assemblée de200 personnes par des participantsd’expériences professionnelles et mili-tantes très diverses.faute d’en restituer ici l’intégralité,on s’est attaché à les retisser en dia-logues, qu’un fil linéaire risquait defaire perdre.

création, culture,savoirs : violentesattaques, forte exigenced’égalitéPlusieurs interventions ont mis enlumière la brutalité de la politiqued’austérité encore aggravée dans lesmunicipalités passées à droite : dansle Lot, 50 % d’écoles primaires oumaternelles vont fermer ; à Saint-Ouen, le budget de la culture baissede 82 % ; à Paris I, 92 heures deTravaux dirigés en droit sont suppri-mées…Conséquence principale de cesattaques, le creusement des écarts quimettent à mal l’exigence d’égalité. Laréforme des collectivités territoriales,la dénationalisation des missionsaccentuent les disparités entre zonesurbaines et zones rurales, entre com-munes qui peuvent assurer des acti-vités artistiques périscolaires de qua-lité, tandis qu’à Bagnolet l’actionculturelle c’est un « goûter pédago-gique ». Le désengagement de l’État,la fusion des régions, soumettent biensouvent les formations universitairesou professionnelles aux intérêtsétroits du patronat local, en des « for-mations Mac Do » maison.Face à cela, de nombreuses luttesaffirment le refus de voir s’opposerune école et une culture des riches àune école et une culture des pauvreset portent, avec l’exigence de l’éga-lité devant les savoirs et la culture,celle d’une démocratie des choix opé-rés. Dans l’articulation des missionsconfiées à l’État ou aux régions, laquestion n’est pas seulement celle dupartage, mais celle de la souverainetédémocratique.

création, culture,savoirs, sourcesd’émanciPationPlusieurs interventions ont tenté dedonner à notre « culture émancipa-trice » une définition faisant image etsens. Elle permet d’aller au-delà deses horizons personnels, développantune pensée rationnelle et critique.

« Les luttes des enseignants, desintermittents, des chercheurs sont autant

de points de départ pour valoriser partout lapart intellectuelle du travail et repenser lestemps du travail dans la vie, dans le rapport

travail/loisir, travail/formation. »

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Elle ne se contente pas d’intégrer à lasociété telle qu’elle est, mais permetde la transformer. Elle tire vers le hautla « flèche de notre pensée », aurebours de « l’horizon de caniveau »intellectuel et culturel qu’on veut par-fois aujourd’hui imposer. Dans ledomaine de l’art, elle fait apparaîtrece qui n’existe pas encore.Émerge alors un débat : arts et savoirsportent-ils en eux-mêmes une valeurémancipatrice ? Cette valeur n’est-elle pas ajoutée par leurs modes detransmission et de pratiques ? Si l’onveut dépasser le stade du simple accèsà la culture et aux savoirs – sansoublier que cette conquête n’est pasencore partout atteinte – il faut êtrevigilant et exigeant quant à leurappropriation réelle.Le temps accordé est capital : l’ap-propriation suppose la durée d’unprocessus complexe et l’espace de laréflexion. Un temps souvent confis-qué par l’exigence du résultat immé-diat assignée à la recherche, par leséconomies réalisées sur la durée desapprentissages. Un espace parasitéparce que l’attention humainedevient elle-même un marché : elle

est détournée vers ce qui se vend bien,vite et au moindre coût, loin d’uneffort exigeant. C’est un enjeu écono-mique qui détourne l’œuvre en pro-duit et la réflexion en panier d’achat.La ministre de la Culture s’affiche enchef d’entreprise qui se vante de nepas lire…

une culture Partagée,fondement Pour nous de la laïcitéComment articuler école et culturede chacun, école et culture pour tous ?Cela a été dit fortement : le partaged’identités et d’histoires culturellesdiverses est un marqueur du sens quenous donnons à la laïcité aujourd’hui– sans oublier les combats toujoursactuels contre l’emprise des églises,qui ne sont pas des partenaires édu-catifs. La laïcité n’est pas pour nousune valeur parmi d’autres qui peutservir à rejeter ceux qui ne la parta-geraient pas en excluant et faisantpeur : elle est le fondement éthiqued’une culture commune.Qui dit culture commune doit pen-ser lieux d’échange. Il a été rappeléque l’école n’a pas le monopole de la

culture et que la question des rythmesscolaires a au moins le mérite de posercelle des lieux de rencontre etd’échanges, du rapport entre ensei-gnements artistiques et pratiquesartistiques.

cultures, création,savoirs, élémentsmoteurs et fondateursdu Projet communisteDe nombreux intervenants l’ont dit,la droite et l’extrême droite mènentun combat idéologique d’uneampleur sans précédent. Elles propo-sent une lecture du monde suscitantpeurs et rejets, visant à reconstruireun ordre moral réactionnaire.Quel récit émancipateur et porteurd’espoir pouvons-nous construire etleur opposer ? Culture, enseignement,recherche, création, ne sont pas desimples domaines de notre projet,mais en irriguent la lecture d’ensem-ble, comme on l’a vu dans ce débat àpropos de la famille par exemple, eten sont un véritable moteur politique,ouvrant des luttes et des perspectivesnouvelles. n

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Atelier n°4 transformer le travail, l’entrePrise,Pour transformer la société Le travail est au cœur de notre projet de transformation sociale. d’une partparce que c’est au sein de l’activité de travail – les choix de production, lesprocessus de production, l’organisation du travail (coopérative ou de miseen concurrence) – que se construit le monde de demain comme les possi-bilités de rassemblement pour le transformer. dès lors, qu’entendons-nouspar « appropriation sociale de la production », « nouveau statut de l’entre-prise », « droits d’intervention des salariés », « nouveaux critères de ges-tion » … ? d’autre part parce que c’est dans le travail, en s’affrontant à ce quirésiste, que les hommes et les femmes peuvent accroître leur « puissancede penser et d’agir », c’est à dire s’émanciper. dès lors, quelles luttesconcrètes mener qui soient emblématiques de mots d’ordre tels que « l’ac-cès de tous à un travail de qualité », « une juste rémunération », « la maîtrisede son temps de travail » ou le choix (par l’accès à la formation) et la « sécu-risation de son parcours professionnel ».

INTRODUCTION : VÉRONIQUE SANDOVAL*

t out d’abord qu’entendons-nous par « travail » ? Il s’agit ducontenu et des caractéristiques

de l’activité de travail, du poste de tra-vail, du métier, la réponse à la ques-tion « quel est votre travail ? ». Il nes’agit ni des conditions et du statut del’emploi (qui sont derrière l’expression« j’ai trouvé un travail »), ni du résul-tat de l’activité de travail (« c’est dubeau travail »), même si les trois accep-tions du mot travail sont naturellementliées entre elles.

l’activité de travail au cœur de latransformation sociale D’abord parce que c’est au cœur del’activité de travail, dans les choix desproductions, dans celui des processusde production mis en œuvre, commedans l’organisation du travail choisie,que se construit le monde de demain,comme les possibilités de rassemble-ment pour le transformer. Le monde de demain que nousconstruisons dans l’activité de travail,ne sera pas le même selon que l’ondonne la priorité à la production detrains, d’autobus, ou même d’ordina-teurs, la priorité à la formation d’uneculture commune, ou que l’on choi-sisse de donner la priorité à la produc-tion d’armements, d’engrais chi-miques, d’OGM…

De même le processus de production(plus ou mois capitalistique, plus oumoins énergivore…) ne sera pas sansconséquence sur les possibilités de rési-lience en cas de crise financière nou-velle, pas sans effet sur l’environne-ment, le climat, les conflits pourl’accaparement des ressources rares…

Enfin l’organisation du travail, selonqu’elle fait appel à la formation, à lacréativité de chacun et à la coopéra-tion de tous, ou qu’elle organise lacompétition et la mise en concur-rence des salariés, en bref selon lesrapports sociaux de productionqu’elle crée, rendra le rassemblementpour transformer la société plus oumoins difficile.Ensuite parce que la transformationsociale que nous visons, c’est l’éman-cipation humaine. Et celle-ci ne passepas seulement par la production debiens et de services utiles. L’activité detravail ne consiste pas, contrairementà ce qu’on voudrait nous faire croire,à suivre les consignes du bureau desméthodes ou du management (ce tra-

vail prescrit pourrait être confié à unrobot), mais conduit à s’affronter àl’imprévisible, à la panne, à la colèredu client, à ce qui résiste, à faire appelà son expérience, à sa créativité, à sonintelligence, pour y arriver, obtenir unproduit ou un service de qualité. Danscette activité de travail réelle, les

hommes et les femmes accroissentdonc leur puissance de réflexion, déve-loppent leur aptitude à la création, leurcompétence, en un mot, s’émancipent.Les questions du travail, des choix degestion comme de l’organisation dutravail et des méthodes de manage-ment ne peuvent donc rester l’affairedes patrons et des DRH (Directionsdes ressources humaines).

les défis à relever quitouchent directement à la question du travail • Construire un développementhumain durable pour répondre à lacrise écologique. Cela suppose de nepas opérer les choix de productionen fonction de la rentabilité à court

« dans cette activité de travail réelle, leshommes et les femmes accroissent doncleur puissance de réflexion, développent

leur aptitude à la création, leurcompétence, en un mot, s’émancipent. »

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terme des capitaux investis, mais àpartir des besoins à satisfaire. Cesbesoins ne peuvent être appréhen-dés que dans une relation de serviceentre le producteur et l’usager, fai-sant appel à l’intelligence et l’expé-rience du travailleur. Cela renvoiedonc à la nécessaire prise en comptedes remontées d’information, des« retours » du travail, dans l’organi-sation du travail comme dans leschoix de gestion.

• Relever le défi de la révolutionnumérique, de l’introduction desNTIC (nouvelles technologies del’information et de la communica-tion) dans les processus de produc-tion, qui transforme le travail,accroît la place prise par le travail« immatériel », les fonctions intel-lectuelles, mais permet également,par les gains de productivité obte-nus par la suppression des tempsd’information et de communica-tion entre salariés et entre services,et la lean production, c’est-à-dire lachasse aux « temps morts », de sup-primer beaucoup d’emplois et d’ac-croître le chômage.

• La mondialisation de la productionqui, associée au développement desNTIC, peut permettre la multiplica-tion des échanges et la prise encompte des problèmes qui se posentà l’échelle de la planète, comme desbesoins divers des populations, maisdonne aussi la priorité au facteur leplus mobile. Or le facteur le plusmobile, c’est le capital financier avared’une rentabilité de court terme, quiaccroît la segmentation du proces-sus de production, amplifie laconcurrence entre salariés de diffé-rents pays, augmente la distanceentre le travailleur et son œuvre (fai-sant obstacle à la lisibilité des résul-tats de l’activité de travail), commecelle existant entre le salarié et le véri-table décideur dans l’entreprise, quiest souvent un fonds de pension.

• Mettre en place un nouveau modede croissance de la productivité, assisnon plus sur un accroissement del’exploitation de la force de travailpar une accumulation du capital etdes investissements matériels lourds,mais sur des investissements imma-tériels : le développement des capa-cités créatrices et de la formation destravailleurs, leur mise en réseau, lepartage des informations.

• Répondre à la crise du travail et desméthodes de management qui n’ontjamais autant insisté sur la néces-saire créativité, le dépassement desoi, l’autonomie du salarié, mais quigardent la main sur une organisa-tion du travail tributaire d’indica-teurs de performance sous diktatfinancier. Alors que le travail actuelnécessite de plus en plus d’initiativeet d’investissement de toute la per-sonnalité du salarié, une part de plusen plus importante du travail des

cadres (plus de 10 % de leur tempsde travail) est en effet consacrée àdes tâches de reporting ou decontrôle de l’exécution du travailprescrit, entraînant des dysfonction-nements dans la chaîne ou le pro-cessus de production, une véritablesouffrance au travail et un accrois-sement des dépenses de santé liéesau « mal travail ».

• Répondre à l’urgence d’une nouvelleère de la démocratie en faisant enfinentrer la citoyenneté dans l’entre-

prise et accroître le pouvoir d’agirdes producteurs de richesses sur leurtravail, notamment sur sa qualité etson organisation.

• Recréer du collectif et combattre lesatteintes au vivre ensemble liées auxpolitiques d’accroissement des iné-galités au sein du monde salarié,comme aux politiques de discrimi-nation, et de division des travailleurs.

les réPonses à ces défisaPPortées Par notreProjet communiste duxxie siècle Loin d’être ficelé, ce projet méritedébat et confrontation. Et je ne vousen donnerai encore que les grandeslignes qui se dégagent des premierstravaux de notre secteur, Premier grand axe, redonner toute sadignité au travail, par la reconnais-sance de son rôle fondamental dansla construction du monde de demain.Le travail n’est pas seulement une« condition de la liberté et de la dignitédu travailleur » et le « moteur de lacroissance » comme le déclare legroupe UMP à l’assemblée nationale,pour justifier la remise en cause des35 heures, comme la baisse des allo-cations-chômage qui permettrait d’in-citer ceux qu’ils qualifient « d’assistés »à se mettre au travail et accepter n’im-porte quel emploi. Le travail est l’ac-tivité de création de richesses qui peutcontribuer à l’éradication de la pau-vreté, à la satisfaction des besoins et àl’émancipation humaine, au niveaude la planète tout entière, et une acti-vité sociale qui, en confrontant le tra-vailleur à ce qui résiste, peut lui per-

mettre d’accroître ses savoirs,savoir-faire, compétences, bref des’émanciper, dans le cadre de relationssociales enrichissantes. Redonnertoute sa dignité à cette activitéhumaine, qui est un droit (et non uneobligation), c’est permettre à tous d’ac-céder à ce que l’OIT (l’Organisationinternationale du travail) nomme untravail décent (« Le but fondamentalde l’OIT aujourd’hui est que chaquefemme et chaque homme puissentaccéder à un travail décent et produc-

« des méthodes de management quin’ont jamais autant insisté sur la nécessaire

créativité, le dépassement de soi,l’autonomie du salarié, mais qui gardent la

main sur une organisation du travailtributaire d’indicateurs de performance

sous diktat financier. »

« Le travail est une activité sociale qui, enconfrontant le travailleur à ce qui résiste,

peut lui permettre d’accroître ses savoirs,savoir-faire, compétences, bref de

s’émanciper, dans le cadre de relationssociales enrichissantes. »

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tif dans des conditions de liberté,d’équité, de sécurité et de dignité (BIT,1999) »).

Mettre le développement de l’êtrehumain qu’est le travailleur, le déve-loppement de ses capacités physiques,psychiques et intellectuelles (ce quel’on entend par la santé au travail) aucœur du processus de production etd’une nouvelle efficacité sociale dansle cadre d’un développement humaindurable.

Redonner du sens à l’activité de tra-vail dans l’entreprise par une évalua-tion collective régulière de la qualitédu travail effectué (celle du produit oudu service rendu, comme celle de l’or-ganisation du travail mise en place etde la qualité de vie au travail).

Accroître le pouvoir d’agir des salariéssur leur travail afin de rendre d’autresdevenirs en gestation possibles.

Donner à l’entreprise une nouvelle effi-cacité dans le cadre d’une appropria-tion sociale de la production pour undéveloppement humain durable.

quelques ProPositions deluttes et d’actionimmédiate emblématiquesde notre Projet• Réévaluer les salaires, réduire la duréelégale du travail et instituer un droità la déconnexion.

• Rétablir le CDI comme la norme ducontrat de travail

• Mettre en place une sécurité d’em-ploi et de formation et faire de la for-mation professionnelle non pas uneadaptation au poste de travail maisun instrument au service du projetprofessionnel du travailleur

• Mettre fin à l’entretien individueld’évaluation des performances etcréer des espaces de délibération col-lective sur la qualité du travail et sonorganisation

•Transformer les droits d’informationet de consultation des salariés en devéritables pouvoirs d’interventionsur l’organisation du travail commesur les choix de gestion

• Mettre en place un nouveau statutjuridique de l’entreprise, mettre finà la confusion entre dirigeants del’entreprise et mandataires desactionnaires et reconnaître l’entre-prise comme une communauté deproducteurs de richesses

• Développer l’Économie sociale etsolidaire, notamment les SCOP, etinstituer non pas un simple droitd’information préalable mais undroit de préférence accordé aux sala-riés pour le rachat de leur entreprise

• Imposer de nouveaux critères de ges-tion reposant, non plus prioritaire-ment sur la productivité horaire dutravail, mais sur la créativité des col-lectifs de travail, la coopération ausein de l’entreprise, la fiabilité desproduits et des services rendus, lespartenariats de long terme…

les batailles Politiqueset idéologiques à menerLa bataille contre « le coût du travail ».C’est au nom du travail considéré

comme une simple ressource (un sim-ple input), entrant dans le processusde production, et dont le coût devraittoujours être réduit au nom de la com-pétitivité, que sont menées les attaquescontre la revalorisation des salaires, labaisse du temps de travail, l’augmen-tation des cotisations sociales patro-nales nécessaire à la revalorisation dela protection sociale, une véritablepolitique de formation professionnelle,un alignement des emplois et salairesféminins sur ceux de leurs collèguesmasculins…Il est donc déterminant,- non seulement de dénoncer la com-pétitivité prix comme seul critèred’efficience et même de compétiti-vité,

- non seulement de mettre en avantl’importance du « coût du capital »(les dividendes et frais financiers pré-levés sur la plus-value) dans le prixdes marchandises sur le marché,

- mais également de souligner le rôledéterminant du travail dans laconstruction d’un nouveau mode dedéveloppement humain durable, àl’ère de la révolution numérique.

- et aussi de montrer que salaires, loi-sirs, culture, protection sociale dessalariés ne sont pas des coûts maissont des investissements dans laseule ressource qui peut se dévelop-per au cours même de son activitéde production de richesses, à savoirle travail, la puissance de travail, sion en crée les conditions.

La bataille contre l’entreprise propriétédes apporteurs de capitaux. Cettevision unilatérale de l’entreprise, dif-fusée largement par les média, lesgrands partis politiques, l’appareil édu-catif, explique pourquoi la démocra-tie n’a toujours pas franchi les portes

de l’entreprise traditionnelle ; ceci alorsqu’il existe une économie sociale etsolidaire au sein de laquelle le nom-bre des SCOP ne cesse de s’accroître,qui représente plus de 15% du PIB, etpour qui « un homme égale une voix »dans les prises de décision. Elle viseégalement à faire apparaître la créa-tion de richesses comme l’affaire desapporteurs de capitaux (et non des tra-vailleurs) à qui il faudrait apportertoute l’aide de l’État. C’est au nom decette vision de l’entreprise et de la

négation de la lutte de classes, que sontaujourd’hui proposés par le MEDEF,le transfert de la négociation au niveaude l’entreprise, la suppression desseuils sociaux permettant une organi-sation des salariés, comme la dispari-tion programmée de la médecine dutravail, seule autorisée à donner unavis sur l’organisation du travail.

Poursuivre le travail surle Projet En s’attaquant à quelques questionsqui font débat comme• sur quels critères asseoir le salaire ?quel est l’éventail de salaires com-patible avec l’égalité des êtreshumains et un combat commun dessalariés ?

•qui est en capacité d’évaluer les com-pétences acquises ? Comment ?

•quelle durée du travail faut-il réduire ?• comment trancher les débats sur laqualité du travail qui traversent l’en-treprise ?

• faut-il assurer une garantie de conti-nuité des revenus tout au long de lavie ?

• droits des salariés et représentationdu personnel

• dépassement du salariat.

et en précisant ce que nous entendonspar exemple par nos propositions de• sécurité d’emploi formation et/ousécurisation des parcours profes-sionnels

• appropriation sociale de la produc-tion

• responsabilité sociale des entre-prises… n

*Véronique Sandoval est membre ducomité de pilotage du projet, animatricedu secteur Travail et Emploi.

« Souligner le rôle déterminant du travaildans la construction d’un nouveau mode de

développement humain durable, à l’ère dela révolution numérique. »

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synthèse des débatsOLIVIER MAYER

le travail, levier Pour latransformation socialede la passion, de la raison et de l’exper-tise, c’est ainsi qu’on pourrait qualifierle débat dans cet atelier du projet quivise à « transformer le travail, l’entre-prise, pour transformer la société ».Pendant deux heures et demie, plus de35 intervenants ont brassé leurs idéessur le travail et l’entreprise, un débatd’experts du quotidien puisque l’es-sentiel de ceux qui sont intervenus mili-tent à l’entreprise, comme syndica-listes ou/et comme militants du Particommuniste.

En vérité, le sujet est plutôt neuf dansla manière qu’ont les communistesd’aborder les choses. Mais cette idéeque le travail doit être mis au cœur duprojet de la transformation socialesemble faire mouche. « Le levier pourla transformation est là parce que l’ac-tivité humaine est la seule richesse quicroit quand elle se déploie », affirmeChristian des Hauts-de-Seine. Et c’est,partant de cette idée, qu’il expliquecomment en « défendant les profes-sions et donc les emplois et l’entre-prise », ses collègues ont pu faire sus-pendre un plan de licenciements.D’une autre manière, Ulysse de Paristraite la même question : « Il ne s’agitpas de savoir ce qu’on va faire du tra-vail quand on sera au pouvoir mais desavoir comment reconstruire le mou-vement social à partir du travail ». PourMichel Rizzi, de la section de la sec-tion du PCF de la RATP, avec le mana-gement capitaliste, « on assisteaujourd’hui à une attaque contre iden-tités professionnelles et de métier etc’est une des causes essentielles de lasouffrance au travail. Sachons inves-tir ce terrain ». Jonathan, syndicaliste

de Solidaires, dénonce la profusiondes bullshit jobs, des « boulots à lacon » : « Le plus dur c’est de perdre lesens du travail. » « Les cadres veulentêtre reconnus dans leur capacité créa-tive et d’initiative » assure Stéphaniequi travaille dans une entreprise duCAC 40 des Hauts-de-Seine. Aujour -d’hui ils se sentent frustrés, humiliés.Il faut mesurer le potentiel productifet créatif qui existerait si on permet-tait aux gens de s’épanouir dans leurtravail ».Nicolas Marchand du Conseilnational du PCF, demande cependantqu’on « renforce la liaison entre notreactivité sur le travail et sur l’emploi carl’emploi est le facteur majeur qui pèsesur tout le salariat ». Il estime qu’il faut« majorer les enjeux de financementet de pouvoir dans notre réflexion ».Parler travail, métier, profession, par-ler de la qualité du travail, ouvre doncdes perspectives. Elles se déclinent surquantité de sujets, effleurés plus quecreusés dans le débat. Ceux de la santé,de la souffrance au travail. Nadine,médecin du travail dans le Lot-et-Garonne, dénonce les attaquesactuelles contre son institution. « Lerôle du médecin du travail, c’est de soi-gner le travail car c’est le travail qui estmalade et qui a besoin d’être soigné »,avance-t-elle.

Évoquée aussi l’organisation du tra-vail. « Les collectifs de travail sont misà mal », constate Flore, hospitalièredans le Val de Marne. Elle met en causele turn-over. « Les salariés ne s’inves-tissent plus dans le collectif de travail »,déplore-t-elle. Elle regrette que pourbeaucoup, les syndicalistes estimentqu’ils n’ont pas à prendre en main lesquestions de l’organisation du travaildans l’entreprise et les services. « Nousdevons être porteurs avec les salariésde l’organisation du travail parce quenous n’avons pas la même vision queles directions d’entreprise de ce qu’estla valeur du travail ».

Statut de l’entreprise, réduction dutemps de travail, propriété des moyensde production sont encore des sujetsqui viennent dans les interventions.Et c’est la discussion sur les droits dessalariés qui tient la corde. « Le droitn’est efficace que dans la mesure oùon l’emploie, affirme d’emblée Jacquesqui travaille à Élancourt dans lesYvelines. Et on ne s’en sert pas ou ons’en sert mal ». Comme plusieurs inter-venants, il relève l’hésitation, voire l’op-position parfois, du monde du travaildevant les droits d’intervention dessalariés. Gérard Alezard témoigne decette question à propos des loisAuroux, au moment où il était secré-taire confédéral de la CGT. Il rappelleque les lois Auroux « doivent beaucoupà la CGT » et que « leur mise en œuvres’est heurtée au patronat ». Mais elles’est heurtée aussi « à des hésitationssyndicales sur le terrain. La loi ne suf-fit pas, il faut qu’il y ait une prise encharge par l’organisation syndicale etles militants politiques, pour que lessalariés se saisissent de leurs droits ».

La question de l’organisation du Particommuniste à l’entreprise est doncposée au cœur de ce débat. « Si cer-tains chez nous, nous ont fait aban-donner le terrain de l’entreprise,Gattaz, Hollande et Valls nous ontremis le sujet sur la table », lanceNicolas Marchand en évoquant la fortelutte idéologique à propos du coût dutravail. Nadine Garcia, coordinatriceCGT d’AXA, ne partage pas l’idée que« le PCF ait lâché le travail à l’entre-prise. On s’y prend différemment et jel’apprécie, en partant notamment desquestions du travail. » « Aujourd’hui,on culpabilise les salariés et on leurfait perdre le sens du travail », sembleconfirmer Valérie, qui travaille à DCNSdans la Manche. « Il faut redonner dela fierté au salarié. Le travail est déva-lorisé. Il faut montrer aux salariés quec’est eux la richesse de l’entreprise. » n

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Atelier n°5 construire un nouveau modèleProductif, social et écologiquecaractérisé par sa crise systémique, le capitalisme ne peut faire face aux défismajeurs de cette période historique que par des voies catastrophiques pourles peuples. La réponse aux défis écologiques détermine l’avenir même de l’hu-manité. gestion économe des ressources, respect de la biodiversité et desécosystèmes, lutte contre le réchauffement climatique (conférence de parisen 2015), enjeux de l’alimentation et de l’énergie etc. démontrent l’urgence detransformer en profondeur les modèles de consommation et de production.écoconception, recherche, formation, liens nouveaux de l’industrie et des ser-vices (y compris les services publics) rendent plus pertinent que jamais l’impé-ratif d’une panoplie d’outils de maîtrise sociale des entreprises et de l’écono-mie (nationalisations, pôles publics, eSS). mais, ce nouveau modèle de déve-loppement est traversé par l’affrontement capital-travail. À l’opposé du « capi-talisme vert », définanciariser les gestions sur la base de nouveaux critères,donner une place centrale au développement des capacités humaines et auprogrès social impliquent d’instaurer des pouvoirs nouveaux pour les salariés,les élus et les citoyens.

INTRODUCTION : ALAIN OBADIA*

n ous vivons une période histo-rique marquée par des défismajeurs : technologiques,

sociaux, économiques, géopolitiques,écologiques, culturels etc. Le capita-lisme ne peut y faire face que par desvoies catastrophiques pour les peu-ples. Il se confirme aussi chaque jourque l’implication démocratique detous les intéressés est une conditionindispensable pour prendre debonnes décisions c’est le cas notam-ment pour les projets d’infrastruc-tures ou d’aménagement commevient de le montrer le drame deSivens.

des défis majeursLa question alarmante des émissionsde gaz à effet de serre est d’une impor-tance capitale. Le 5e rapport du GIEC(Groupe intergouvernemental d’ex-perts sur le changement climatique)publié il y a quelques jours montre àquel point le temps nous est comptési l’on veut maintenir le réchauffe-ment sous le seuil des deux degrés ;c’est-à-dire éviter les scénarios lesplus catastrophiques. C’est l’enjeu dela conférence internationale « Paris2015 » qui se déroulera en novembrede l’année prochaine. Notre Parti doitjouer son rôle sur cette question vitale.

C’est dans cet esprit que nous propo-sons d’organiser une grande cam-pagne internationale dans la perspec-tive de la conférence de Paris. Tout en déployant des efforts impor-tants en matière d’économies d’éner-

gie et d’efficacité énergétique, nous nevoulons pas le faire par la régressionsociale et le rationnement (logique duscénario Négawatt). En ce qui concer -ne la production électrique nous esti-mons indispensable de maintenir unfort secteur nucléaire dont la sûretéeffective doit se situer au meilleurniveau mondial. Plus généralementl’énergie doit échapper aux appétitsdes marchés financiers. C’est dans cetteperspective que nous proposons lacréation d’un pôle public de l’énergie.Au regard de cette analyse, le projetde loi sur la transition énergétique neva pas dans le bon sens. D’où le vote« contre » de nos députés. La perspec-tive de privatisation des barrageshydroélectriques ainsi que le détour-

nement de la régionalisation pourdonner plus de place aux grandsgroupes privés caractérisent un textequi se situe très loin des ambitionsécologiques et sociales qui auraientdû l’animer.

L’énergie est en effet un bien com-mun déterminant pour la vie et ledéveloppement humain durable. Or,en France on recense plus de 11 mil-lions de « précaires énergétiques » etdans le monde 2 milliards d’êtreshumains n’ont pas accès à l’énergie.C’est pourquoi nous nous battonspour le droit effectif à l’énergie enFrance, en Europe et dans le monde.

transformer les modèlesde consommation et de ProductionLe modèle consumériste est fondé surla recherche d’un turn-over aussirapide que possible des produits poursoutenir les ventes et les profits. Dansla logique consumériste/producti-

« en rupture avec la logique del’obsolescence programmée, la conception

des produits doit être orientée par les impératifs de qualité, de durabilité

et de modularité »

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viste le moteur n’est pas la satisfac-tion des besoins mais la maximisa-tion des profits. C’est tellement vraique depuis des années ce modèle eststructuré par les pratiques de l’obso-lescence programmée qui poussentà la surconsommation par nécessitéde remplacer les produits et auxgâchis de matières et d’énergie. Notreapproche alternative nécessite dansles pays riches comme dans les paysémergents comme dans les pays pau-vres une véritable bataille d’idées etde conviction car le modèle consu-mériste lié à la logique de la circula-tion du capital est partout enracinédans les conceptions dominantes etfait partout l’objet des offensives dumarketing et de la publicité.

un renouvellementstructurel des modèles ProductifsNous le concevons comme un pro-cessus avec :- généralisation de l’écoconception.Cela signifie qu’en rupture avec lalogique de l’obsolescence program-mée, la conception des produits doitêtre orientée par les impératifs dequalité, de durabilité et de modula-rité (pour intégrer des améliorationstechnologiques sans être obligésd’acheter un nouveau produit) ;- gestion économe des matières pre-mières, des matériaux et des res-sources naturelles et cela depuis leurextraction. La préoccupation de leursubstituabilité pour éviter les rupturesécologiques doit se manifester avecforce (comme dans le cas de la chi-mie végétale) ce qui suppose unimmense effort de recherche.- lutte contre les pollutions de toutes

sortes et recherche de la plus grandeefficacité énergétique ; la gestion etle recyclage des matériaux, des com-posants et des déchets doit êtreconçue dès l’origine du produit. Lacréation de filières de réparation etde maintenance constitue l’une descaractéristiques novatrices de cettenouvelle approche.Dans une logique d’« économie cir-culaire », conçue de manière ouverteet réaliste, à l’opposé de toute concep-tion dogmatique il faut développerles mises en réseaux pour organiser

la complémentarité des besoins et lescoopérations mutuellement profita-bles. Car les déchets des uns peuventet doivent devenir les matières pre-mières des autres. De même la créa-tion d’écosystèmes industriels — rap-prochant sur un même site ou sur dessites proches des entreprises intégréesà un tel cycle — permet de minimi-ser les contraintes de transports et decréer des synergies en matière éner-gétique ou dans les consommationsde fluides.

Comme on le voit, contrairement àcertaines visions étroites et passéistesindustrie et écologie peuvent fairel’objet d’un même combat ! C’est,notamment, ce que nous aurons l’oc-casion d’exprimer et de débattre àl’occasion de la convention nationalesur l’industrie que notre parti réunitles 22 et 23 novembre prochains. Noussubissons depuis 30 ans un véritableeffondrement industriel et la situa-tion s’aggrave chaque année depuisle point bas de la crise en 2009. Or, unpays qui n’est plus capable de subve-nir à une part suffisamment signifi-cative de ses besoins est un pays quis’appauvrit et qui décline. Il nous fautabsolument briser ce cercle vicieuxen France comme en Europe. Celaimplique notamment que soit remisen cause le dogme selon lequel lameilleure allocation des ressourcesproductives résulte de la concurrencelibre et non faussée.

industrie et servicesEn France comme en Europe, nousavons besoin de mettre en place unepolitique industrielle adaptée aux réa-lités contemporaines. Dans ces der-

nières, il y a le fait que l’industrie d’au-jourd’hui est étroitement imbriquéeaux services ; ceux qui ont été exter-nalisés bien sûr (ingénierie, informa-tique, maintenance etc.) mais aussiceux qui sont de plus en plus indis-pensables à l’usage de produits dehaute technologie sans oublier le phé-nomène montant de l’économie defonctionnalité c’est-à-dire par le déve-loppement de services dont les pro-duits industriels sont le support. (télé-phonie mobile, autolib…) Bienévidemment les services publics sont

totalement concernés par ces évolu-tions car ils sont parmi les principauxprescripteurs de la production indus-trielle. Loin d’opposer industrie et ser-vices comme l’a fait pendant desdécennies la pensée conformiste aunom de la pseudo-société postindus-trielle, il faut au contraire en voir lesinterdépendances multiformes.

Planification, formationPour notre pays, la mise en place destructures de prospective et de plani-fication rénovée et démocratique estindispensable. Il faut revaloriser lelong terme et briser ainsi la dictaturedu court-termisme de la maximisa-tion du profit. Ainsi pourraient êtredéfinies quelques priorités dans lesfilières à développer et dans les sys-tèmes productifs à mettre en place. Ilfaut pouvoir intervenir aussi sur lespriorités des financements bancairesà l’économie (voir atelier n° 2).

Il est également indispensable depenser prospective en matière de for-mation pour permettre à chacun dèsla formation initiale comme tout aulong de la vie, d’avoir accès auxconnaissances indispensables pourfaire face à ces mutations et pour serepérer dans ce monde en plein mou-vement. Dans ce contexte nousdevons affirmer le caractère incon-tournable d’un système de sécuritéemploi/ formation pour que le déve-loppement des technologies soitpiloté collectivement pour le déve-loppement des capacités humaineset le progrès social.

rôle caPital de la rechercheNous avons plus que jamais besoind’une recherche fondamentale dehaut niveau n’obéissant pas à desobjectifs d’applications immédiates.En même temps, l’insuffisance glo-bale de la R&D des entreprises consti-tue un handicap majeur pour notrepays. C’est pourquoi les pôles de com-pétitivité doivent être transformésprofondément : nous parlons de« pôles technologiques de coopéra-tion » intégrant, comme des objectifsprioritaires, la production et la valo-risation des recherches sur notre ter-ritoire. Nous estimons nécessaire desupprimer l’Agence nationale de larecherche (ANR) qui centralise unegrande part des financements et lesredistribue selon des critères de com-pétitivité calés sur les desiderata desgrands groupes. Nous nous pronon-çons pour la création d’un pôle publicde la recherche définissant de grandespriorités pour l’effort de recherche etinfléchissant la recherche des entre-

« Les déchets des uns peuvent et doiventdevenir les matières premières des autres.

industrie et écologie peuvent faire l’objetd’un même combat ! »

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prises vers des objectifs d’intérêtnational. Ce pôle public devrait favo-riser la participation de tous lesacteurs à l’élaboration des décisions.

services Publics et Pôles PublicsLes services publics ont un rôle essen-tiel dans la construction du dévelop-pement émancipateur dont nous par-lons. Énergie, transports, santé,éducation, logement, distribution del’eau, environnement, servicespublics locaux ainsi que les multiplesactivités des administrations de l’État,tout cela structure notre vie quoti-dienne. De surcroît, malgré lesattaques dont elles sont l’objet depuisdes années sous l’égide des orienta-tions libérales de la construction euro-péenne, l’existence de ces activités àun bon niveau de qualité contribuepuissamment à l’efficacité de notrepotentiel économique, commercial

et touristique. Pour les servicespublics comme pour l’ensemble desentreprises, chacun avec sa spécifi-cité, la question des pouvoirs nou-veaux des salariés, des élus des terri-toires et des citoyens est un élémentdéterminant pour définir selon d’au-tres conceptions les stratégies et l’ef-ficacité sociale des investissements.Je vous renvoie aux travaux de l’ate-lier n°4 (« travail et entreprise ») surce point dont l’importance est abso-lument déterminante.En lien avec les exigences d’efficacitésociale nouvelle et de réappropria-tion démocratique, des pôles publicsdoivent être constitués dans les filièresstratégiques pour orienter les poli-tiques d’investissements, de dévelop-pement et de recherche. Ces pôlespublics peuvent s’appuyer sur touteune palette d’outils de maîtrise col-lective. Nationalisations (tout parti-culièrement dans les services publicset certains grands secteurs straté-giques), prises de participations déci-sives, voire majoritaires, golden share

(action avec droit de veto) dans desentreprises sensibles, créations degroupements d’intérêt économique(GIE) permettant aux entreprises decoopérer sur des projets ambitieux :constitution de coopératives par lessalariés notamment parmi les PMEou les ETI (entreprise de taille inter-médiaire), mobilisation de créditsbonifiés toujours conditionnés à ladéfinition d’objectifs sociaux et envi-ronnementaux, etc.

l’économie sociale et solidaire Elle est pleinement intégrée à notreconception du processus transforma-teur. Trop souvent sous-estimée, elleconstitue pourtant une part signifi-cative de la création des richesses.Des banques mutualistes aux coopé-ratives en passant par les mutuellesd’assurances ou de santé, la coopé-ration agricole, ou encore les associa-

tions son chiffre d’affaires annuelreprésente 16,5 % du PIB soit 337Mds €. Évidemment, ce vaste secteurne se situe pas à l’écart des dégâts dela logique de financiarisation domi-nante. Dans certains cas, ses valeurssont quelque peu dévoyées, notam-ment par la grande coopération agri-cole et bancaire ou par de grandesmutuelles. Néanmoins, l’ESS donneà voir d’une autre manière de conce-voir l’entreprise et l’économie. À cetitre, elle est pour nous un terrain d’in-tervention politique et idéologiqueparticulièrement important. Par lesvaleurs constitutives qui sont lessiennes, par les critères éloignés desnotions de concurrence et de com-pétitivité qu’elle porte, elle contribueà ouvrir le champ des perspectives età convaincre qu’un autre avenir estpossible. Particulièrement adaptéeau niveau des territoires car c’est làqu’elle est le plus efficiente, elle par-ticipe à la relocalisation des activités,à la constitution de circuits courts, àl’innovation et à l’expérimentation

citoyenne. Reconnaissance des mon-naies locales citoyennes ou du crow-funding (financement participatif parles particuliers) ou des fab-labs, ellecontribue d’ores et déjà à des chan-gements dont la portée d’avenir peutgrandir.

une nouvelle ambition alimentairePartout en France comme en Europe,le productivisme et la libre concur-rence ont dévasté nos campagnes. Lasituation est désormais tellementgrave qu’une réappropriation sociale,populaire de notre alimentation estdevenue indispensable… Celaimplique que l’agriculture et l’alimen-tation soient émancipées des logiquesde libre-échanges et notamment, dugrand marché transatlantiqueaujourd’hui négocié dans notre dos.Nous proposons une nouvelle ambi-tion alimentaire pour les prochainesdécennies à partir de trois engage-ments forts. La France, l’Europe doi-vent garantir la souveraineté et lasécurité alimentaire de leurs peuples.Face au défi alimentaire, la produc-tion européenne doit être soutenuepar de nouvelles politiques publiquesrépondant aux besoins humains. Elledoit garantir une alimentation de qua-lité, accessible à tous. Pour cela, lajuste rémunération du travail des pay-sans et des salariés agricoles est unecondition incontournable. Celaimplique de garantir des prix justeset rémunérateurs, de planifier la pro-duction, de soutenir équitablementles exploitations et les filières les plusfragiles. L’agriculture doit initier unnouveau mode de développement.C’est pourquoi les soutiens doiventêtre orientés en direction de l’agro-écologie ; c’est-à-dire de l’agriculturepaysanne. De la même manière, pourdes raisons de santé publique et dediversification de l’alimentation, nousdéfendons une pêche artisanale, relo-calisée et rémunératriceDans la même logique, nous plaidonspour une véritable politique forestièreimpliquant de valoriser l’ONF en lerenforçant dans ses missions de ser-vices publics. La filière bois, relocali-sée, enracinée dans son savoir-faire,est un atout pour le pays et peut êtrecréatrice d’emplois.

une nouvelle croissanceL’émergence de cette nouvelleconception du développement trans-forme profondément le débat sur lesrelations entre croissance et décrois-sance. Grâce à la meilleure qualité, àla plus longue durabilité des produitsà la possibilité de les modifier ou deles améliorer ce modèle en devenir

« pour les services publics comme pourl’ensemble des entreprises, chacun avec sa

spécificité, la question des pouvoirsnouveaux des salariés, des élus des

territoires et des citoyens est un élémentdéterminant pour définir selon d’autresconceptions les stratégies et l’efficacité

sociale des investissements. »

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porte en lui des éléments de décrois-sance mais pas au détriment de lasatisfaction des besoins. Plus éco-nome et plus efficace, il permet dedégager des ressources pour desdépenses sociales accrues et créa-trices de nouveaux emplois. Plusautocentré dans le cadre d’un proces-sus de relocalisation, il permet aussides créations d’emplois dans le sec-teur productif. Bref, il ouvre aussi lavoie à une nouvelle croissance. À l’op-posé du modèle de la mondialisationnéolibérale fondée sur le dumpingsocial, fiscal et environnemental, ilest un des facteurs permettant d’en-gendrer une spirale vertueuse dedéveloppement. n

Alain Obadia* est membre du comité depilotage du projet, animateur du secteurProduction, industrie et services duConseil national du PCF.

synthèse des débatsISABELLE DE ALMEIDA

l’écologieLa plupart des 33 interventions ontabordé la question de l’écologie,comme entrée dans les transforma-tions à mettre en œuvre dans notremodèle de développement humaindurable et pour relever les défis denotre époque : la question de l’éner-gie a été au cœur des échanges et despropositions.L’urgence climatique avec le dernierrapport du GIEC indique qu’il y aurgence à combattre le réchauffementclimatique et réduire les GES ; celanécessite un engagement national etlocal des communistes, d’autant plusque les annonces sur les délais sont àl’échelle de nos vies, du moins pourles plus jeunes. C’est une préoccupa-tion de la jeunesse qui en voit lesconséquences.Il nous faut identifier les secteurs etles modifications possibles et menerdes batailles concrètes sur par exem-ple la rénovation thermique des bâti-ments, les transports, la relocalisationde productions là où c’est possiblecomme le bois, l’agriculture ...Il faut sortir du schéma productivistedans lesquel certains voudraient enfer-mer le PCF. Partir de notre texte du 36è

congrès qui fait de l’écologie une ques-tion transversale. La question de l’éco-logie est au cœur de la nécessaire trans-formation de la société. Il y a nécessitéà faire monter le débat sur le rapporthumain/nature, sur l’écosystème nonpas en opposant production et écolo-gie ou satisfaction des besoins

humains et écologie. La question nepeut être posée par rapport à ladécroissance ou la croissance maisdoit l’être par rapport aux productionsà diminuer, par exemple le nucléairemilitaire, et aux aménagements favo-riser ou non.

la démocratie citoyenneIl y a besoin pour cela de favoriser laconnaissance et le débat dans le Parti,et plus largement avec les forces, lesacteurs et citoyens concernés, parexemple sur les nouveaux aménage-ments envisagés dans certainesrégions ou localités. D’où un néces-saire enjeu de démocratie citoyennepour aider aux prises de décisions.L’énergie plus particulièrement, l’eauaussi sont des enjeux géopolitiques,leur accaparement conduit à desconflits : la question des pouvoirs est àfaire évoluer en France mais aussi enEurope et dans le monde, le rôle del’ONU et de l’OMC sont à reconsidérer.

la maîtrise sociale etPublique de l’énergie Elle doit être cœur des débats sur l’éco-logie, l’écologie ne peut être sous l’em-prise des marchés financiers : l’exem-ple récent de la privatisation desbarrages hydrauliques va certainementconduire à une recherche des profitset donc à un accès plus difficile car pluscouteux. Il ya déjà des exemples del’inaptitude de la mise en concurrence :la téléphonie …

La réforme territoriale qui s’annonceaura aussi des répercussions sur lecontrôle, le transport , et l’accès àl’énergie : la commission Énergie duPCF est en train d’y travailler .Aussi, l’existence et le développementdes services publics est indispensa-ble pour promouvoir un nouveaumodèle productif, social et écologique ;une question est venue sur monopolespublics ou pôle publics : il faut mieuxexpliquer le processus.Il y a eu échanges sur la question desénergies à réduire ou à développer : laquestion du nucléaire avec le problèmede la sécurité, celle de l’utilisation ducharbon disponible sur tous les conti-nents mais avec le problème du cap-tage et stockage de CO2.

Il y a donc besoin de développer larecherche publique et notammentdans le domaine technologique. Caril faut faire le pari de l’intelligencehumaine pour produire des avancéesdans le domaine de l’énergie.Cependant, au vu des urgences clima-tiques, les progrès technologiques nepourront y répondre.Promouvoir un nouveau modèle pro-ductif, social et écologique demandedes investissements, des financementset une politique du crédit tout autre.Les politiques d’austérité entraventcette ambition : par exemple dans lescollectivités locales, les critères dedéveloppement durable pour les poli-tiques locales (bâtiment, rénovations…) coûtent de l’argent alors que lesbudgets sont réduits. Un intervenanta précisé que seule la transition éner-gétique ne règlera pas la question del’emploi dans notre pays. Une cama-rade travaillant dans la santé proposeque la question de la santé au travailsoit aussi partie prenante de l’enjeuécologique, avec notamment l’expo-sitions aux produits dangereux .

sur l’industrie, la Production…La question des filières à valoriser a étésoulevé à partir de la filière bois et dela production agricole. L’économie circulaire comme enjeupour changer les entreprises, la pro-duction de biens et de services etrépondre aux questions écologiquesont été peu abordées, et celle de la nou-velle phase l’évolution du numériquetravailler et à promouvoir .La nécessité de changer nos modes devie, de consommation de biens et deservices a été abordée comme devantfaire parti de notre débat. Pour autant,faut-il rationner ou bien plutôt pro-duire et consommer autrement ?Il a été question de construire des pro-positions locales pour envisager unenouvelle industrialisation : commentles collectivités locales peuvent agirsur la création d’entreprises et la relo-calisation.La notion de propriété, la participa-tion et les droits et pouvoirs des sala-riés a été abordée avec l’économiesociale et solidaire, les coopératives etla possibilité d’agir déjà concrètementpour une reprise du bien commun.Cependant, la création de coopéra-tives ne peut s’appliquer à tous les sec-teurs de l’industrie. Il y a aussi une bataille à mener sur lecontrôle des comptes des entreprises,cela aide à dénoncer le coût du capital.Il faut aussi aborder la question de lacommercialisation des produits, et desservices dans notre projet de nouveaumodèle et donc les conditions de travail.

« L’écologie nepeut être sousl’emprise des

marchésfinanciers. »

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Atelier n°6 vers une vie réPublique : Pour unenouvelle ère citoyenne de la démocratiedans les institutions, les territoires, les entrePrisesLa crise des institutions, de la politique, de la démocratie s’exacerbe. où en est-on ? où va-t-on ? Quelle place pour la vie république dans notre combat ?comment mettre la participation citoyenne au cœur de ce combat ? Quel lienentre urgence sociale et urgence démocratique ? comment gagner la batailleface à la réforme territoriale ? Quel nouvel élan démocratique ?

INTRODUCTION : PIERRE DHARRÉVILLE*

v ers la VIe République : pourune nouvelle ère démocra-tique dans les institutions, les

territoires et les entreprises. Vasteenjeu à traiter pour nous aujourd’hui,et je vous présente les quelquesréflexions de la commission natio-nale en remerciant celles et ceux quiy ont contribué.

la démocratie commemode de vie Lors de notre congrès, nous écrivionssous le titre « La démocratie commemode de vie » : « La démocratie doitêtre au cœur du vivre ensemble, parla reconnaissance d’une souverainetépopulaire pleine et entière commeétant seule légitime. Aucun pouvoir,fût-il éclairé ou savant, ne saurait s’af-franchir du peuple et gouverner sanslui. Nous proposons de démocratisertous les espaces de la société, enrecherchant partout à pousser les feuxde l’intervention citoyenne et de laco-élaboration. » Sous le titre « Larévolution citoyenne pour gagner lechangement », nous écrivions encore :« La démocratie est notre but ; elle estaussi notre chemin. En convainquantles hommes et les femmes que leur

voix et leurs actes comptent, nousvoulons donner à chacune et chacunun vrai pouvoir sur sa vie, leur don-ner confiance en nos ressources com-munes pour faire face aux grandsenjeux. Nous voulons redonner sensà la souveraineté populaire bafouéeà grande échelle comme ce fut le casà la suite du référendum de 2005 sur

le traité constitutionnel européen.Nous voulons permettre aux femmeset aux hommes d’investir à toutmoment tous les lieux possibles etimaginables, dans un vaste mouve-ment d’appropriation citoyenne

capable de formuler et de rendreincontournables les aspirations popu-laires. » Et d’ajouter : « nous voulonsdémocratiser tous les espaces de lasociété. »

Vaste enjeu, disais-je, car nous pre-nons chaque jour la mesure de la pro-fonde dégradation du lien politiquedans notre pays, de la crise démocra-tique majeure que nous traversons.Les citoyennes et les citoyens ont lesentiment, et même plus la certitude,née de l’expérience, que leur voix necompte pas que leur avis n’est solli-cité que pour la forme, que mêmelorsqu’ils sont interrogés, les déci-sions échappent à leur intervention.Ils ont la conviction de vivre dans unedémocratie en trompe l’œil, unedémocratie d’apparence. Pensent-ilspossible qu’il en soit autrement ? Pastous. Et cela constitue l’une desdimensions du renoncement. Mais ilexiste une aspiration à exercer unpouvoir, à être entendu, à choisir vrai-ment, à décider. Cette aspiration quej’exprime avec des mots positifs, ellese traduit bien souvent par de lacolère, de la défiance, du rejet en bloc,du cynisme… Elle s’exprime aussi pardes manifestations, qui se heurtentde plus en plus à un refus de discus-sion, à une sourde oreille, et même à

La résolution des inégalités femmes-hommes dans les salaires, dans la pré-carisation y compris dans l’ESS, dansl’accès à l’énergie, dans l’accès auxemplois de l’industrie (baisse de l’em-ploi féminin alors qu’il y a développe-ment des technologies) doit faire par-tie de notre projet pour un nouveaumodèle humain durable.

L’économie circulaire comme enjeupour changer les entreprises, la pro-duction de biens et de services etrépondre aux questions écologiquesa été peu abordée .La nouvelle phase de l’évolution dunumérique et de la robotique doit aussiêtre abordée car elle va bouleverser lasociété, le travail et l’emploi.

En conclusion : nous avons à biendévelopper la cohérence de notredémarche, il s’agit de construire unnouveau mode de développementhumain durable alliant les exigencessociales, écologiques et démocra-tiques. n

« Le poison duprésidentialismedont on a poussé

les feux montre soncaractère de plusen plus néfaste et

dangereux sousFrançois Hollande

après NicolasSarkozy. »

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la répression, comme en a témoignéde façon dramatique la mort de RémiFraisse, ce jeune militant mobilisécontre le désormais fameux barragede Sivens.Dans ce contexte, l’idée même deRépublique est mise à mal, tant lesvaleurs qui la sous-tendent sontbafouées dans le réel par les déci-sions, l’esprit et les résultats issus

des politiques mises en œuvre. Lesinstitutions de la Cinquième sont,quant à elles, au cœur de la crise. Lepoison du présidentialisme dont ona poussé les feux montre son carac-tère de plus en plus néfaste et dan-gereux sous François Hollande aprèsNicolas Sarkozy. L’épisode de la ren-trée, avec ce remaniement visant àimposer une ligne politique minori-taire dans le pays et pas si majori-taire au Parlement en a été l’un destémoignages. Je ne veux pas passertrop de temps à décrire la réalité, nimême à trop l’analyser pour meconcentrer sur l’offensive qui doitêtre la nôtre. Voici quelques jours, leConseil national de notre parti aconsacré une journée de travail à laquestion démocratique, en lien avecles prochaines échéances à venir.Dans la foulée, je voudrais insistersur quelques idées qui me semblentessentielles à notre débat.

une question essentielleLa question démocratique n’est pasune question seconde. Il faut releverdans un même élan le défi social etle défi démocratique. Parce que nousvivons la démocratie comme but etcomme moyen, et qu’elle a été peuà peu évacuée du champ écono-mique et social. Mais aussi parce queles atteintes portées à la souverai-neté populaire sont conçues pourempêcher les aspirations sociales defaire irruption au cœur du débat poli-tique, pour empêcher le développe-ment de rapports de force, pourempêcher le peuple de faire valoirl’intérêt général contre celui desquelques-uns qui exercent un pou-voir massif dans nos sociétés.La question démocratique fait partie

des préoccupations quotidiennes.Non pas sur la base de revendicationsinstitutionnelles, mais sur la base dece refus d’un pouvoir de plus en plusétranger et extérieur à celles et ceuxqui le délèguent et sur lesquels ils’exerce. Dans n’importe quelle dis-cussion quotidienne s’exprime lacolère contre ces politiques jugéscomme étant coupés du monde

comme profitant d’un système,comme ne défendant pas les intérêtsde celles et ceux qui les élisent,comme s’accaparant un pouvoir quine leur appartient pas.

La question démocratique ne conduitpas à mythifier le peuple, à lui don-ner toujours raison, à accepter défi-nitivement son verdict. La majoritépeut parfois se tromper, mais elle estla majorité, et cela peut appeler résis-tance. Le peuple se construit dansl’exercice de la démocratie. Et il n’estpas de démocratie véritable sansdébat, sans consciences libres, sanssujets instruits, sans connaissance duréel, des contradictions, des enjeux,sans apport de la science, de larecherche, du travail intellectuel. Laqualité du débat qui amène aux déci-sions est une exigence de haut niveau,lorsque l’on regarde l’état des choseset surtout l’inégalité des moyens misà disposition des forces engagées dansla bataille informationnelle, idéolo-gique et culturelle. Mais sans réel pou-voir de décision, tout débat est vain.

La question démocratique, c’est laquestion du pouvoir, c’est la questiondes intérêts que l’on veut satisfaire,c’est la question de classe. Ainsi, nousne voulons pas la réduire à une ques-tion institutionnelle, même si celan’est pas un enjeu négligeable, car lesmeilleures institutions, sans une viepolitique revivifiée et une participa-tion populaire réelle, resteront lettremorte. L’ensemble du pacte démo-cratique qui lie les membres de notrepays entre eux et leur permet de vivreensemble est ainsi en jeu. Nousdevons donc en faire une batailleessentielle pour notre parti.

les questions auxquellesnous devons réPondre Pour une VIe République. Face à desinstitutions nationales de plus en plusmanifestement antidémocratiques,et dont les déséquilibres ont été lar-gement aggravés depuis 1958 sansréel débat populaire, l’exigence d’unenouvelle Constitution est en train derevenir très fortement au premierplan, et ce bien au-delà de nous-mêmes et du Front de gauche. Toutle système de démocratie délégataireet représentative que nous connais-sons est profondément en crise. Nousprônons donc une VIe République.Parce qu’il convient de refonder lepacte Républicain, de refaire de laRépublique un bien commun et unprojet partagé, de reprendre le fil del’élan révolutionnaire qui a bousculéles dominations séculaires et qui a étébrisé par l’affirmation de pouvoirsnon démocratiques. Sans tout atten-dre d’un grand soir institutionnel,nous sommes favorables à un proces-sus constituant nécessaire à l’écritured’une nouvelle Constitution, proces-sus qui ne pourra relever d’unedémarche purement délégataire.

Les questions à débattre sont nom-breuses. Comment qualifier la nou-velle République que nous voulons ?Quel type de régime souhaitons-nous ? Quelle représentation popu-laire ? Quelle participation citoyenne ?Quels pouvoirs de décision, quellesouveraineté populaire ? Quelle archi-tecture institutionnelle ? Faut-il unprésident de la République, même s’iln’est pas élu au suffrage universel ?Faut-il transformer le Sénat en le cou-plant avec le Conseil économique,social et environnemental ? Quellenouvelle pratique du pouvoir, nou-veau statut de l’élu ? Le « référendumrévocatoire » est-il vraiment unebonne idée ? La pratique du référen-dum ne doit-elle pas être à la fois reva-lorisée et banalisée ? Quelle démo-cratie sociale et économique ? Quelles

« Les meilleuresinstitutions, sansune vie politiquerevivifiée et une

participationpopulaire réelle,resteront lettre

morte. »

« il n’est pas de démocratie véritable sans débat, sans consciences libres,

sans sujets instruits, sans connaissance du réel, des contradictions, des enjeux,

sans apport de la science, de la recherche,du travail intellectuel. »

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collectivités pour permettre auxcitoyennes et citoyens d’exercer plei-nement le pouvoir et de vivre ensem-ble dans quels territoires ? Quelsespaces de coopération inventer ?Quelle place pour le tirage au sort afinde revivifier la démocratie ?

nos Pistes de travail On nous demande souvent la naturedu régime que nous souhaitons, envantant la stabilité du régime prési-dentiel, stabilité dont on pourra dis-cuter et dont on pourra se demanderle prix. Le régime que nous imaginonsest un régime de souveraineté popu-laire. Un régime où le peuple dans sonentier est l’acteur principal, où il n’ab-dique pas son pouvoir. C’est le cœurde notre projet. Aussi, tout ce quenous proposons doit être dirigé en cesens. Rendre la parole au peuple, etplus que la parole, le pouvoir.

des Pouvoirs réels auxcitoyensIl faut d’abord qu’il y ait des droits :une république citoyenne repose surdes droits effectifs, qu’il faut réaffir-mer et décider au regard des néces-sités de notre époque : en effet denombreux droits personnels pourtantinscrits dans le préambule de laconstitution depuis 1946 ne sont paseffectifs, mais d’autres sont à penser :eau, énergie, environnement… Lesdroits collectifs mis à mal sont à redé-finir et amplifier, dans l’entreprise,comme les droits de veto des comi-tés d’entreprise, droits de reprise dessalariés, mais aussi droits d’interven-tions sur des projets de construction,d’aménagement du territoire… Lespouvoirs des salariés sur la gestiondes entreprises obligent à repenser lestatut des entreprises. Les formesautres que capitaliste doivent êtrefacilitées et encouragées, mais le sta-

tut des entreprises tant des grandesentreprises capitalistes privées quedes entreprises publiques actuellesou à créer doit changer pour intégrerune autre conception du pouvoir :nous avons proposé que les conseilsd’administration soient composés àla fois de représentant des détenteursde capitaux, de représentants dessalariés, de représentants des collec-tivités concernées et de représentants

des consommateurs (ou usagers). Ilserait utile d’en débattre, comme dela participation des salariés à des« commissions de la production »,concernant non seulement les condi-tions de travail mais la productionelle-même et ses conditions…Les pouvoirs des citoyens dans la citéce sont toutes les formes de partici-pation citoyenne qui permettent deprendre part aux choix et aux déci-

sions à tous les niveaux : les formespossibles sont nombreuses, il faut lesproposer et expérimenter avecaudace. Des pratiques existent, trèsminoritaires, il faut donc dire et mon-trer que nous voulons qu’elles sedéveloppent et qu’elles doivent deve-nir la nouvelle façon de faire de la poli-tique c’est-à-dire coopérative, trans-versale, horizontale et non plusverticale. Pour cela il faut des obliga-tions nouvelles : association descitoyens à l’élaboration des décisionsdes assemblées délibératives locales– au premier chef le budget – maisaussi à l’élaboration de la loi par lesdéputés. Il faut développer les orga-nismes de contrôle citoyen ayant pourrôle de suivre la mise en œuvre desengagements de l’assemblée élue etqui pourrait, à mi-mandat, deman-der un rapport circonstancié de l’exé-cutif. Ce conseil pourrait être saisi decontestations et le cas échéant impo-ser des référendums pour valider ouinvalider telle ou telle mesure, telleou telle orientation, tel ou tel projet.Nous sommes aussi pour un référen-dum d’initiative populaire que lesassemblées locales au niveau d’unterritoire et l’assemblée nationale sontobligées d’organiser à partir d’unnombre conséquent de pétitions (5 %des électeurs inscrits paraît convena-ble). J’en dis un mot, ne faut-il paspréférer cela au référendum révoca-toire, dont le caractère plébiscitairene rompant pas avec la personnali-sation et la présidentialisation peuts’avérer problématique.Mais nous avons d’autres proposi-tions comme l’initiative législativecitoyenne (pétition pour la mise à l’or-dre du jour d’une proposition de loi,sous réserve d’un nombre de péti-tions réparties sur le territoire) etencore l’initiative législative pour lescollectivités locales, sous condition

d’un nombre suffisant d’assembléesterritoriales réparties aussi sur le territoire. Soyons offensifs sur laconception de la citoyenneté quenous revendiquons : ceux qui rési-dent dura blement sur le territoirequelle que soit leur nationalité.

des institutionsProfondémentdémocratiséesLà aussi il faut de la clarté. Toutes nosinstitutions sont basées sur la matriceque constitue l’élection présidentiellequi personnalise à outrance, quimonarchise, qui absolutise et quiécrase les dynamiques démocratiquespossibles. Nous devons affirmer clai-rement que nous voulons sortir desinstitutions de la Ve République et quenous voulons un régime « de nouvellegénération ». Concernant le présidentde la République, nous avons déjà ditnotre opposition à son élection ausuffrage universel. Ne faut-il pas allerplus loin ? Sa suppression ou sonmaintien avec suppression de tousles pouvoirs « de gouvernement » etde tout domaine réservé ?L’Assemblée nationale doit ressem-bler au peuple qu’elle représente,donc ses membres doivent être élusà la proportionnelle – comme d’ail-leurs toutes les assemblées territo-riales – sur liste départementale àparité, au plus fort reste. Les députésne doivent pas exercer d’autres man-dats et ne peuvent être renouvelésqu’une seule fois. Cette conceptionest indispensable pour déprofession-naliser la politique et permettre unstatut de l’élu qui lui permette dereprendre automatiquement une vieprofessionnelle après avoir exercé unmandat.Le domaine de la loi ne doit plus êtrelimitatif, ce qui est le cas aujour -d’hui, et les ordonnances doiventêtre supprimées, comme d’ailleursla possibilité du gouvernement depasser en force. L’Assemblée doitretrouver le pouvoir sur les ques-tions qui lui échappent aujourd’hui :budget, engagement des forcesarmées, décisions du conseil desministres européen, une prise surson propre calendrier.Le choix du premier ministre doitrelever de l’Assemblée nationale etle gouvernement être responsabledevant elle.La question du Sénat est posée et sur-tout de son utilité. Nous avons avancéla proposition, à la place du Sénatactuel, d’une deuxième chambre, élueau scrutin universel direct, compo-sée pour moitié de représentants descollectivités territoriales, pour moi-tié de représentants des organisations

« refaire de larépublique un bien

commun et unprojet partagé . »

« rendre la paroleau peuple, et plus

que la parole, le pouvoir. »

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syndicales et associatives représen-tatives. Le CESE (Conseil écono-mique, social et environnemental)serait supprimé. Le vote de cettedeuxième chambre pourrait être obli-gatoire dans certains cas définis parla constitution. Cette propositionmérite d’être débattue notammentavec les syndicats et autres concer-nés.

Pas de décentralisationsans démocratisationNotre opposition à la réforme terri-toriale actuelle (comme à celle deSarkozy) tient précisément au fait qu’iln’est en rien question de démocrati-sation, au contraire. La bataille enga-gée vise à provoquer un vrai débatpublic et à obtenir un référendum surcette loi de portée constitutionnelleet la possibilité pour les populationsdes territoires de se prononcer surd’éventuelles modifications lesconcernant. En même temps nous nesommes pas des tenants du statu quo.Et ce pour la bonne raison que toutn’est pas parfait dans le fonctionne-ment des collectivités. L’expériencede 30 ans depuis les lois de 82-84 amontré du positif dans l’engagementdes collectivités (investissements, ser-vices publics…), mais les inégalitésterritoriales sont très fortes, l’Étatjouant de moins en moins son rôle enla matière, des féodalités se sontcréées, les pouvoirs réels ne se sontpas rapprochés des citoyens.Notre conception de la décentralisa-tion combine unité de la loi (qui unitau niveau national) et la proximitédes institutions, là où s’expriment lescitoyens dans leur diversité. Outre laparticipation active des citoyens (droitfondamental à constitutionnaliser),nous sommes favorables à la coopé-ration des territoires, les synergiespossibles entre territoires urbains,périurbains ou ruraux qu’il fautrechercher en fonction des besoinsdes populations et des grandes ques-tions qui se posent : éducation, infra-structures, ressources locales, pro-duction nouvelle, préservation de laplanète… Cela suppose d’inventer unnouveau type d’institutions : les coo-pératives de territoires qui doiventêtre des espaces de construction com-mune auxquels les citoyennes etcitoyens doivent être associés et nonpas des lieux de vassalisation des élus.Quant aux regroupements de terri-toires, ils ne peuvent relever que d’undébat public éclairé et du vote descitoyens.

Enfin brièvement, nous ne pouvonspas éluder la question du pouvoir auniveau européen et même mondial.

Les propositions de démocratisationque nous faisons vont dans le sens àla fois d’une maîtrise réelle descitoyens de chaque pays européendes parts de souveraineté qu’ils veu-lent partager et donc d’une construc-

tion européenne progressive et diffé-renciée et d’une démocratisation desinstances européennes elles-mêmes… comme des instances inter-nationales. Les réalités d’aujourd’huic’est-à-dire à la fois les monstrueuxdangers des guerres, des ravageshumains, planétaires, mais en mêmetemps les aspirations démocratiquesqui s’expriment de façons multiples,doit nous pousser au débat avec lescitoyens là-dessus aussi. Les grandssommets internationaux, par exem-ple sur le climat, leur préparation,leurs engagements ne peuvent setenir dans une bulle étanche.

Voilà quelques pistes pour alimenternotre réflexion sur le thème de cetatelier : Vers une VIe République : pourune nouvelle ère citoyenne de ladémocratie dans les institutions, lesterritoires, les entreprises. Nous pou-vons ensemble essayer de faire le tri,de mettre certaines choses plus enavant que d’autres. Ne faut-il pas parexemple insister, à côté de notrebataille pour la démocratie de proxi-mité sur les moyens que nous propo-sons pour prendre le pouvoir sur lafinance ?Enclencher un grand mouvement deconquête de la démocratie est unenjeu majeur pour notre combat, unenjeu majeur pour notre peuple etpour l’humanité. C’est dans l’exerciceplein et entier de la démocratie et dela souveraineté populaire que se for-gent les consciences libres face auxtotalitarismes et aux dominations,que se construisent les mouvementsd’émancipation collectifs. Celaappelle dans nos démarches poli-tiques des pratiques nouvelles et dans

nos revendications et nos combatsque la démocratie soit au cœur. Uncamarade me proposait il y aquelques jours de donner le label« vers une VIe République » à des réa-lisations, à des batailles, à des vic-toires, à des démarches. Il y a sansdoute à inventer. Une chose est sûre.Nous devons être porteurs de ce mes-sage : « C’est à vous de décider ». n

*Pierre Dharréville est membre ducomité du projet, animateur du secteurRépublique, démocratie et institutionsdu Conseil national du PCF.

synthèse des débatsFRANÇOIS AUGUSTE,NATHALIE VERMOREL

cet atelier a suscité un vif intérêt etmontre un début d’appropriation decette question par le parti.cette synthèse est celle des thèmesabordés, avec, à la fin, un résumé d’in-terventions sollicitées.

vie réPublique etdémocratieComment faire de notre combat pourune VIe République un combat qui nesoit pas d’abord institutionnel ou seu-lement technique, mais un combatpolitique, un combat pour la démo-cratie, la souveraineté populaire, unebataille sociale. La mesure phare dela VIe République pour le PCF, c’est laparticipation citoyenne à tous lesétages et dans toutes les instances,actuelles ou/et à inventer.

la réforme desinstitutionsPour démocratiser les institutions(régime parlementaire, proportion-nelle, parité, non-cumul des man-dats…) il faut supprimer le Sénat etle Conseil économique et social et lesremplacer par une Assembléecitoyenne composée de collèges : uncollège d’élus territoriaux, un collègede représentants des syndicats, asso-ciations, entreprises, et le débat estouvert pour un collège de citoyenstirés au sort, renouvelable tous lesdeux ans.La question du maintien du présidentde la République élu, avec des pou-voirs limités ou de sa suppression,n’est quasiment pas venue dans ladiscussion.

la révocation des élusIl faut mener le débat, être à l’initia-tive, à l’offensive, « faire mieux queMélenchon ». Pour lui, la mesure

« enclencher ungrand mouvementde conquête de ladémocratie est unenjeu majeur pournotre combat, un

enjeu majeur pournotre peuple et

pour l’humanité. »

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phare doit être la révocation possibledes élus, mesure qui n’est pas dans leprogramme du FG. La révocation est« une mauvaise réponse à une bonnequestion », car elle renvoie, encoreune fois à la délégation de pouvoir.Ne pas sous-estimer le problème, laprofondeur de la crise de la démocra-tie représentative, attaquée de toutesparts, notamment par le pouvoir enplace, avec la destruction de la démo-cratie locale. La bonne réponse, c’estd’abord de revaloriser les élus et c’estl’irruption en grand de la participa-tion citoyenne, par exemple en créant,au début des mandats, une « assem-blée citoyenne » chargée de faire unrapport obligatoire à mi-mandat pou-vant déboucher sur des procéduresréférendaires sur des sujets non oumal traités par les équipes en place.

la réforme descollectivitésElle n’est pas en dehors du combatpour une VIe République. « Le pou-voir veut débarrasser la France de sareprésentation démocratique ».Travailler la question de la souverai-neté populaire, de l’égalité des terri-toires, de l’échelon départemental.

le référendumIl a été préconisé une revalorisationet un « renforcement de la pratiqueréférendaire ». Celle-ci doit être pré-

cédée d’un intense débat public.Rappelons que nous proposons d’ins-tituer des référendums d’initiativecitoyenne, par voie de pétition (5 ou10 % de la population).

le tirage au sortIl a été évoqué plusieurs fois. Il faitpartie du débat et des pratiques nou-velles à développer, à expérimenter,pas comme seule forme, mais dansune diversification de « toutes lesformes possibles et imaginables » dela participation citoyenne.

interventions sollicitéesDOMINIQUE ADENOT : On est face à un pro-cessus de sape de toute souverainetépopulaire, une campagne terrible pourdisqualifier les assemblées élues. Moi,ce qui me pose problème, ce n’est pasMélenchon et la révocation, c’est undébat, c’est plutôt Marylise Lebranchuqui dit : « le problème, ce n’est pas lepeuple, c’est les élus ». C’est grave. Onveut débarrasser la France de son« corset » démocratique.

On est en face d’une conceptionurbaine ultra-autoritaire. Il y a unfort sentiment d’impuissance, onpeut redonner confiance, avec desactes concrets. Il faut demander unréférendum national sur cetteréforme.

SYLVIE GUINAND : Le devenir des ser-vices publics est menacé car laréforme des collectivités est ancréedans la politique d’austérité. Il nousfaut travailler ensemble, syndicalistes,élus, parti, pour mieux articuler notretravail commun. Nous avons besoinde briser des frontières, qui ont com-mencé à se construire, entre forcessyndicales et forces politiques, repar-tir sur une coopération de travail sansrevenir sur l’indépendance des unset des autres. On a besoin de renfor-cer les liens entre syndicalistes et élusdans les territoires, notamment dansles métropoles.

PATRICE COHEN SEAT : Le PCF a conduitune réflexion importante et pour-tant on n’a pas réussi à en faire undébat politique, ni dans le PCF, nien dehors. Le système politique estrejeté, vomi mais cela ne s’exprimepas dans les institutions. La causeen est politique. Il faut une rupture,Syriza et Podemos ont réussi à incar-ner cette rupture, pas nous. Certainsde nos messages sont brouillés, parexemple on propose le mandatunique renouvelable une fois maison ne le fait pas. Mélenchon mènecampagne pour une VIe République.J’aurais préféré que ce soit tout leFront de gauche car c’est sur ce ter-rain que nous pouvons en faire unequestion populaire. n

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Atelier n°7 construire l’égalité et le vivreensemble contre toutes les dominationsconstruire de l’égalité, c’est lutter contre les rapports de domination et les dis-criminations, qu’elles soient sociales, sexistes, racistes, homophobes, etc. Laconquête de l’égalité entre les femmes et les hommes est l’un des piliers detout projet émancipateur. Le patriarcat est un système de domination qui ren-force et se nourrit de toutes les formes d’aliénation. Le combattre nécessite unengagement dans toutes les sphères de la société et nous interroge personnel-lement. au racisme biologique s’est substitué un racisme culturel qui divise,hiérarchise, structure l’inégalité. parole publique décomplexée et politiquesouvertement discriminatoires sont à l’origine, sur fond de crise, de la montéed’un racisme ordinaire et de l’intolérance contre les roms et les arabo-musul-mans. comment passer d’un antiracisme moral à un antiracisme politiquepour porter l’égalité réelle et recréer de l’unité de classe ?

INTRODUCTION : FABIENNE HALOUI*

le combat féministeL’égalité tant proclamée par la loi n’estpas une réalité dans la vie socialequ’elle soit politique ou économique,ni dans la vie privée, qu’elle soit fami-liale ou domestique et ceci pour lagrande majorité des femmes. Il seraitbien sûr, absurde, de nier toutes lesavancées obtenues par les luttes maisrien n’est acquis définitivement a for-tiori dans une période de crise pro-fonde, durable. Toute transformationprofonde de la société doit dépasserle clivage social/sociétal induisant lanotion de priorités, et conditionnantainsi les mentalités dans les choix descombats à livrer.

un féminisme de classeLe féminisme que nous portons entant que communistes n’est pas uncombat à part. La citation d’Engels« Dans la famille, l’homme est le bour-geois, la femme joue le rôle du prolé-tariat » nous rappelle que l’oppres-sion de classe est sexuée, et que lesplus exploités sont des femmes. Passûr que ceux qui se réclament dumarxisme aient entendu le message !Pour les femmes, toutes les injustices,les inégalités, les discriminations liéesà l’origine sociale, ethnique ou géné-rationnelle sont amplifiées, aggravéesdu simple fait d’être née femme. Lesfemmes forment la grande majoritédes pauvres dans le monde, des tra-vailleurs précaires, des temps partielsimposés et des bas salaires. Elles

gagnent 25 % de moins que leshommes, à poste équivalent, alorsqu’en général, elles réussissent mieuxleurs études. L’écart monte à 47 %pour les retraites. L’ouvrage collectifpiloté par Laurence Cohen, Et si lesfemmes révolutionnaient le travail,insiste sur une donnée fondamen-tale : le patronat utilise le travail desfemmes comme un laboratoire d’ex-périmentation afin d’étendre préca-

rité, temps partiel, flexibilité à l’en-semble du monde du travail. Lesfemmes qui représentent la majoritédu corps électoral, sont très minori-taires à tous les postes de responsa-bilité.

À l’échelle européenne les conserva-teurs catholiques ont remporté labataille qu’ils avaient lancée au seindu parlement européen contre le rap-port Estrela qui affirmait que lesfemmes et les hommes doivent pou-voir disposer « de la liberté fondamen-tale de décider de leur vie sexuelle etreproductive, y compris de décider sielles et ils souhaitent avoir des enfantsou pas et à quel moment » et ainsi dis-poser de moyens de contraceptionsûrs, modernes et accessibles. Dansce contexte, il est tout à fait remar-quable que les mouvements fémi-

nistes, les progressistes, dans de nom-breux pays européens, aient su êtresolidaires et se mobiliser aux côtésdes femmes espagnoles pour stopperla remise en cause du droit à l’avor-tement.

La droite dure est décomplexée.Profitant du désarroi, du recul dessolidarités, elle se montre comme lagrande protectrice de la famille, au

schéma unique : « Papa, maman etenfant », la femme étant d’abord etavant tout « procréatrice ». C’est surce terreau que se sont organisés lesanti-mariages pour toutes et tous.Structurés, renforcés par certainsmilieux religieux (catholiques commemusulmans), ils ont mené une véri-table croisade contre l’ABCD de l’éga-lité, notamment dans les quartierspopulaires et les zones rurales. Et legouvernement a cédé, donnantl’image d’une valse-hésitation pro-pice à faire monter la contestationrétrograde. D’autant que les partispolitiques progressistes, ne considé-rant pas cette lutte essentielle, ontlaissé un boulevard à ces réaction-naires de tous horizons. Les partis degauche, y compris le nôtre, sous-esti-ment l’ampleur de cette offensivemenée à droite et prennent insuffi-

« toute nouvelle conquête des femmespermet un saut qualitatif

pour l’ensemble de la société. »

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samment en compte la dimensionsexuée de l’exploitation. Partis poli-tiques, syndicats, mouvements asso-ciatifs baignent dans la société et ensubissent les influences, celles-làmêmes qu’ils combattent.

mener de front luttecontre les Politiquesnéolibérales etPatriarcalesL’émancipation humaine est au cœurdu projet du Parti communiste. Il a,depuis de nombreuses années, eu uneréflexion critique sur l’analyse erro-née qui consistait à penser que libé-rer la société du capitalisme ferait tom-ber toutes les autres dominations etnotamment le patriarcat. Mener defront lutte contre les politiques néo-libérales et patriarcales, c’est ce à quois’emploie la commission nationale« Droits des femmes/Féminisme »avec le Front de gauche féministe pourque nos analyses politiques, notregrille de lecture soient nourries desvaleurs d’égalité et non pas en poin-tillé, à la marge, pour se donner bonneconscience. C’est d’ailleurs ce qui avaitconduit la commission nationale« Droits des femmes-Féminisme » denotre parti avec l’ensemble des for-mations du Front de gauche à orga-niser une manifestation des femmescontre l’austérité, le 9 juin 2013.

Toute nouvelle conquête des femmespermet un saut qualitatif pour l’en-semble de la société. J’en veux pourpreuve la lutte pour des augmenta-tions de salaires qu’ont menée avecsuccès les femmes de chambres d’unhôtel de luxe parisien ou encore lalutte en plein cœur de la capitale,dans des salons de coiffure du 10e

arrondissement dans lesquels, desfemmes et des hommes, dénoncentle système mafieux et d’exploitationdans lequel des patrons voyous lesenferment. Ces luttes et ces succèssont d’autant plus à saluer qu’ellesse mènent dans un climat politiqueparticulièrement maussade. Le gou-vernement actuel sape tous les fon-dements de notre socle social. Jepense au projet de modulation desallocations familiales, contenu dansle PLFSS 2015. Comment bien fairecomprendre autour de nous qu’enréduisant les allocations pour lesfamilles dites « aisées » ce n’est pasfaire preuve d’égalité et de justicemais au contraire qu’il s’agit d’unevéritable attaque contre notre sys-tème de protection sociale, fondéesur les principes de solidarité et deredistribution ? Ce projet dangereuxouvre une brèche qu’il sera difficilede refermer…

Un groupe de travail transversal surces questions de la politique familialeanimé par Laurence Cohen s’est réunidéjà une fois, il propose d’organiserun colloque cet hiver en partenariatavec la Fondation Gabriel Péri sur lethème : « Y a-t-il une pensée uniquequant à la politique de la famille ? Rôlede la pensée révolutionnaire dans lespolitiques alternatives ».

De même, est-il utile de redire ici quenous sommes favorables à la PMA(Procréation médicalement assistée)pour toutes ? Notre parti a répondupositivement à l’appel du Collectifnational des droits des femmes et tra-vaille à l’organisation d’une manifes-tation unitaire en janvier 2015, avecdes associations féministes, des syn-dicats, des partis de gauche. Le 22novembre nous dénoncerons les vio-lences faites aux femmes, parmi les-quelles la prostitution, nous défen-drons le vote d’une loi-cadreaccompagnée de moyens humains etfinanciers.

Chacun de ces combats interroge leprojet de société, nous pourrions lesrésumer dans une phrase de LouiseMichel « La femme de demain ne vou-dra ni dominer, ni être dominée ». Àtravail de valeur égale, salaire égal,universalité des allocations familialesdès le premier enfant, une éducationnon sexiste et une représentationmédiatique respectueuse de la dignitéhumaine de chacune et chacun, desmoyens humains et financiers enfaveur de la contraception et des cen-tres d’IVG sont des axes essentielspour décliner l’égalité hommes-femmes.

le combat antiraciste« Sur fond de crise, d’aggravation duchômage, des inégalités et de la souf-france sociale, notre société paraît deplus en plus fragmentée, confrontéeà des difficultés à « vivre ensem -ble » Pour la 4e année consécutive, laCNCDH (Commission nationaleconsultative des droits de l’homme)dans son rapport annuel pour lutter

contre le racisme, l’antisémitisme etla xénophobie conclut à une « hausseinquiétante de l’intolérance et uneodieuse libération de la paroleraciste ». Les arabo-musulmans et lesRoms sont les principales victimes duracisme au point que la CNDCHreconnait pour la 1re fois la validitédu terme « islamophobie » au regardde la résurgence de l’intolérance reli-gieuse.Un racisme culturel se substitue auracisme biologique : les modes de vieet la culture se transmettent de géné-ration en génération, la « race supé-rieure » étant celle qui porte sa civi-lisation, la « race inférieure » étantjugée en fonction de sa distance àcette civilisation… et de sa capacitéà s’assimiler (Robert Castel).Cette vision « essentialiste » est ins-crite dans notre histoire, celle de latraite négrière, du code de l’indigé-nat en terres coloniales et de l’immi-gration hiérarchisée sur un conceptculturel !Le racisme est la construction du« eux » et du « nous » dans un rapportde domination. La logique de la« race » amène à traiter de manièreinhumaine des êtres humains, lesdéclasser à les désigner comme boucsémissaires. L’extrême droite s’estconstruite sur la négation du principed’égalité, elle oppose l’identité à l’éga-lité et établit une hiérarchie entrenationaux, entre citoyens, entre peu-ples, entre cultures, entre reli-gions…Mais l’extrême droite n’est pasla seule sur le terrain de la « racialisa-tion » des rapports sociaux, elle estrejointe par une grande partie de ladroite qui pense ainsi reconquérir sonélectorat. Le gouvernement Valls-Hollande nous montre que le ver estdans le fruit d’une partie de la gauche.Ce fut le renoncement à deux pro-messes emblématiques : le droit devote pour les résidents étrangers et lerécépissé de lutte contre le contrôleau faciès.

Manuel Valls sacralise l’antisémitisme,récuse le terme islamophobie pourmieux minorer les discriminationsdont souffrent les jeunes des quar-tiers populaires tout en les traitantd’antisémites pendant les manifesta-tions pour Gaza. Valls parle de modesde vie extrêmement différents desRoms qui n’auraient pas vocation àrester en France.La crise est un terreau fertile mais ellene peut justifier seule la montée del’intolérance à laquelle on assiste. Laparole politique officielle, celle quivient d’en haut décomplexe, « nor-malise » et banalise l’expression duracisme.

« Le racisme est la construction du « eux » et du

« nous » dans unrapport de

domination. »

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les études de la cncdhl’attestent :2009-2010, avec le débat sur l’iden-tité nationale, Sarkozy a légitimé etouvert l’offensive d’une grande par-tie de la droite qui allait désigner lemusulman comme le nouvel ennemide l’intérieur.2012-2013 Les dérives identitairesassumées de Manuel Valls et lesrenoncements du Gouvernementsocialiste permettent la poursuite dece phénomène et un début de décro-chage de l’électorat de gauche et del’électorat centriste dans leur rapportà la tolérance. En 4 ans, le sentimentque le nombre d’immigrés a aug-menté est passé de 63 à 76 %, l’appro-bation du droit de vote aux résidentsétrangers est passée de 59 à 36 %, lesentiment de ne plus être chez soi estpassé de 41 à 60 %, l’immigrationsource d’enrichissement culturel estpassée de 72 à 59 %, l’immigrationcause de l’insécurité est passée de 36à 58 %.Si jusqu’en 2012, la CNCDH avait notéune résistance des électeurs degauche à l’intolérance, c’est ladémonstration qu’une parole offi-cielle vécue comme de gauche peutlégitimer l’inacceptable avec le décro-chage d’une partie des électeurs degauche alors que les valeurs d’ouver-ture font partie intégrante de leuridentité politique.

Porter un antiracismePolitique !Il n’y a pas un racisme mais desracismes qui ont, certes, un tronccommun, mais aussi leurs spécifici-tés. Roms : la xénophobie dont ils sontvictimes est d’une rare violence. Lespréjugés sur ces femmes et ceshommes, persécutés, discriminés, ensituation de grande marginalisationsont multiséculaires et très ancrés(voleurs, clochards, mendiants,exploiteurs d’enfants, vie itinéranteinhérente à leur culture). Ils sontvécus « hors système », ce qui auto-rise à les traiter de « sous-hommes »,de déchets, de parasites, de vermine.Nous atteignons là la logique du boutdu bout du racisme, c’est-à-dire ladéshumanisation. La définition desRoms par le Conseil de l’Europe éta-blit leur nombre en France à environ500 000 dont on parle peu. Ceux quifocalisent toutes les haines sont lesmigrants roumains et bulgares quivivent principalement dans desbidonvilles autour de plusieursgrandes villes de France. Ils sont éva-lués à 15 à 20 000, c’est-à-dire envi-ron 0,025 % de la population fran-çaise. La seule politique de l’État

français plusieurs fois condamné estcelle des expulsions. Un plan d’urgence axé sur l’héberge-ment, la scolarisation, la santé, le tra-vail et l’apprentissage du français doitêtre mis en œuvre en organisant lasolidarité nationale entre les com-munes sous la responsabilité de l’État,les fonds européens existent pour lefinancer.

l’antisémitismeLes préjugés sur les juifs sont tenacesmais le racisme réel exercé contre lesjuifs émane des milieux d’extrêmedroite en grande partie et de certainsmilieux extrémistes musulmans. Ilfaut, comme pour l’islamophobie, lecombattre plus efficacement sur lesréseaux sociaux. Porter au mêmeniveau la lutte contre tous lesracismes, cela relève d’un parti prispolitique qui doit être assumé.Le mouvement Égalité et Réconci -liation, d’Alain Soral et Dieudonné,vise à réconcilier la gauche du travailet la droite des valeurs. Il utilise « ledeux poids deux mesures » (vouscomptez moins que les juifs) et l’im-punité dont jouit Israël, il proposeaux musulmans le piège de leur com-munautarisation en vue d’un rééqui-librage communautaire face au lobbyjuif…

le racisme anti-musulmanLe racisme anti-musulman est à lafois la continuation du rejet de l’im-migré arabe, le musulman devientl’ennemi de l’intérieur mais pas seu-lement. Ce racisme est lié à la religionet aux pratiques religieuses. LaCNDCH utilise désormais le terme

« islamophobie » devant l’ampleurdes actes anti-musulmans (profana-tions de mosquées, agressions etinsultes de femmes voilées, discrimi-nations liées à la religion, refus defemmes voilées dans des lieux nonsoumis à la laïcité). La discriminationest souvent triple, religieuse, socialeet territoriale, un cocktail explosif quifait le bonheur de ceux qui exploitentces situations pour inciter au replicommunautaire. La contre-offensiveidéologique est indispensable àcondition de ne pas cibler seulementl’extrême droite. Le déplacement dela question sociale sur le terrain iden-titaire, c’est la droite et une partie de

la gauche, c’est aussi la résultante descombats que le camp progressiste arenoncé à mener.

Il faut construire un discours qui parleà tous, nous voulons le rétablisse-ment de l’égalité pour tous ceux quisouffrent des discriminations quellesqu’elles soient. Recréer de l’unité declasses et redéfinir les bases du vivreensemble. Le vocabulaire employé estsouvent piégé. Il en est ainsi de l’iden-tité nationale, de la laïcité, des discri-minations systémiques (points abor-dés dans le rapport complet) maisaussi du communautarisme, de l’in-tégration.La question n’est pas de reconnaîtreles différences ou la diversité mais dereconnaître l’existence de discrimina-tions. Notre République ne reconnaîtpas les minorités mais ce sont des poli-tiques de minorités qui sont mises enplace pour l’égalité hommes-femmes,pour les handicapés. La bataille contrele racisme, l’antisémitisme, l’islamo-phobie et les discriminations est unebataille de l’égalité à resituer dansnotre combat général, nous devonsexiger qu’elle soit une grande causenationale. n

*Fabienne Haloui est membre du comitédu projet, animatrice du secteur Droits etlibertés du Conseil national du PCF.

synthèse des débatsMARC BRYNHOLE

140 participants. Plus de 40 interven-tions. faute de temps, plusieurs parti-cipantes n’ont pu intervenir sur le fémi-nisme.

Des digues antiracistes ont lâché : s’op-poser au déversement nauséabonddans les réseaux sociaux. Des amalgames courants : toute per-sonne étrangère devient « musul-mane ». Emploi incorrect du terme« islamophobie ».

refonder l’égalité et lutter contre les discriminationsterritoriales Discriminations et tentations commu-nautaristes se nourrissent. Ni voir ducommunautarisme partout, ni perdrel’écoute de ce qu’on nous dit vraiment.La suspicion de réflexe communauta-riste naît dès que des personnes d’ori-gine immigrée s’organisent. Au « com-munautarisme », opposons le mot« communautaire ». Adressons-nousau peuple tel qu’il est, et non tel qu’onvoudrait qu’il soit.

« recréer del’unité de classe etredéfinir les bases

du vivre ensemble. »

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Des actes racistes gravissimes se mul-tiplient : le saccage d’un bâtiment funé-raire musulman à Orléans.Parlons avec les victimes des discrimi-nations. L’unité des souffrances s’ins-crit dans la lutte de classe. La mise enconcurrence effrénée des individuspasse par le racisme et le sexisme.

La France n’est pas immunisée. Neséparons pas « femmes » et « salariées »,« rom » et « demandeur de logement ».Affronter l’offensive idéologique décri-vant des êtres de nature et non de cul-ture.

racisme et constructionidentitaireMa mère disait : « tu ne seras jamaisune Française comme les autres ». Onnous enferme dans des identités. Lesémeutes de quartier sont « ethnici-sées ». Les jeunes renvoyés à des ques-tions de race vivent une violence quo-tidienne. « À qui profite le crime ? » Encore des efforts pour diversifier noslistes. Menons campagne et sortons dela question « voile et candidates ». Les

souffrances s’inscrivent dans un reculgénéralisé des droits. Les électionsdépartementales doivent intégrer cesquestions.Être et agir au plus près. Les abandonsde la politique ont laissé des espacesau « religieux ». « De nombreux jeunesde ma ville n’ont pas voté et se tour-

nent vers l’Islam qu’ils ne connaissentpas plus que la politique ». Travaillonsles convergences sur les valeurs au lieud’opposer. Sans concessions sur lesdroits, travaillons les rapprochements.Déconstruisons les discours de l’ex-trême droite surtout quand leurs dis-cours semblent proches des nôtres.Levons les confusions.La loi « anti-terroriste » est grave pourl’ensemble du droit français : l’accusa-tion reposant sur la suspicion. Marier« vivre ensemble » et « bien vivre ». Lagravité de la crise conduit à ce « qu’onn’arrive plus à vivre ensemble ». Ladimension « police et sécurité » doitêtre mieux prise en compte en se pla-çant sur le terrain de la protection despersonnes.

Il y a besoin de campagnes précisescomme la création de carrés musul-mans dans les cimetières : jusqu’à lamort, des droits sont niés. Il est satisfaisant que ces questionssoient mises au cœur de nos débats.Les batailles pour l’égalité sont desoutils de lutte contre le racisme. Toutesles politiques de la ville sont marquéespar les discriminations. Vivre ensem-ble, oui, mais égaux ! La situation desRoms est inacceptable au cœur del’Europe dans des politiques intracom-munautaires. Il faut prendre du tempssur les raisons d’une attractivité de l’ex-trême droite chez des personnes issuesde l’immigration. Comment la voix dela République va-t-elle jusqu’à eux ?La politique décrédibilisée crée l’insé-curité et renforce des replis : famille,religion… il y a urgence à apporter desréponses. Nous devrions être le parti« des quartiers » ; y présenter des can-didats. Sur le droit de vote des étran-gers sans réponse depuis 30 ans, soyonsaudacieux. En 1925, le PCF présentaitdes femmes alors inéligibles. Un pro-fond travail sur la conscience de classeest devant nous.Le patriarcat a précédé le capitalisme,menons les deux combats de front.Capitalisme et patriarcat s’articulentavec racisme. Le voile est un moyend’oppression du patriarcat même si larecherche de moyens de lutter coexiste.Examinons sans a priori ce que signi-fie le port du voile. Des femmes se fontmassacrer pour le refuser et d’autrescherchent dans le Coran des voiesd’émancipation. Devons-nous déciderà leur place ?Sur le papier, le PCF est exemplaire surle féminisme. Son fonctionnement enest loin : langage, écoute, alternancedes prises de parole…Faire des propositions et se retrouverune fois par an dans un tel rendez-vous.Dans féminisme, renforcer la réalitééconomique et renforcer la notiond’égalité des chances sur le plan poli-tique, culture, social. Ne pas oublierl’inégalité face au handicap. Collectivités et moyens sont essentiels.Le racisme est un moyen d’oppression.Chez des communistes il peut être pré-sent. Agissons pour le droit de vote desétrangers. L’activité de proximité est un moyenincontournable pour faire reculer etbattre le FN.Renforcer la bataille pour l’égalité sco-laire et créer des passerelles entre noscommissions de travail. Prochain som-met alter-Europe : l’occasion d’allerplus loin sur les droits au savoir pourtous. Les discriminations sont une basede toutes les actions publiques dansles villes dirigées par le FN. n

« déconstruisons les discours de l’extrême droite surtout

quand leurs discours semblent proches des nôtres. Levons les confusions. »

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Atelier n°8 transformer la mondialisation :refonder l’euroPeQuels sont les éléments nouveaux de la crise multiforme qui s’est encoreapprofondie dans l’union européenne depuis les élections européennes ?Quelles actions impulser pour rompre avec les logiques austéritaires à l’œu-vre ? Quelles solidarités rechercher ? Sur quelles propositions et quel projet ?Quels efforts de préparation du Forum européen des alternatives qui aura lieuà paris au printemps prochain ? Quelles propositions d’actions préparatoires àla conférence climat de paris de décembre 2015 ? Quelles actions pour la paixet le désarmement ?

INTRODUCTION : PATRICK LE HYARIC*

i l y a un an, ensemble, nous avionsfait un important travail de diag-nostic et de propositions lors de

notre Convention nationale sur lethème : « Refonder l’Europe ». Sixmois plus tard, cette réflexion collec-tive inspirait notre campagne desélections européennes.Je n’y reviendrai donc pas, mais je nepeux que conseiller de relire ces tra-vaux. À mon sens, ils restent d’unegrande actualité même si, depuis, lacrise européenne et la crise de l’idéeeuropéenne se sont encore appro-fondies, si nous devons aussi pren-dre en compte les enseignements desdernières élections européennes etceux que nous tirons de notre proprecampagne.

Je ne suis pas persuadé que sontconnues les novations que nousavons tenté de porter pour quegrandisse la nécessité de sortir destraités actuels, pour rompre avecl’Union européenne ultralibérale,devenue l’outil essentiel des mar-chés financiers, de la destructiondes droits sociaux et démocratiquesdans chaque pays. Jusqu’à mettredésormais en cause l’État social telqu’il s’est développé au moment desFronts Populaires et surtout depuisles lendemains de la seconde guerremondiale. Je suis même convaincu

du contraire, ne serait-ce qu’en meréférant aux résultats du scrutineuropéen, au plan général avec lepoids de l’abstention, la poussée del’extrême droite et, il faut bien lereconnaître, avec des scores géné-ralement décevants des forces de latransformation sociale, dont lanôtre.

nous avons du Pain sur la PlancheNous avons avancé le projet d’une« Union de nations de peuples sou-verains et associés » qui fonctionne-rait selon trois grands principes, ennous situant du point de vue d’unerefondation totale de l’actuelle Unioneuropéenne :

• Le respect de la souveraineté popu-laire qui signifie qu’aucun peuple ne

pourrait se voir imposer un modèlede société violant ses choix fonda-mentaux. Tout peuple doit pouvoirlibrement choisir s’il participe à telou tel champ de la politique euro-péenne, où refuser d’y participer dèslors qu’il considère qu’elle va à l’en-contre de ses choix de sociétés.

• Une transformation démocratiquede la construction européenne avecun pouvoir des parlements natio-naux en lien avec le parlement euro-péen qui aurait celui d’initiativeslégislatives.

• L’ambition d’associer, en perma-nence, les citoyennes et citoyens auprocessus d’élaboration des orienta-tions et des lois européennes grâce àdes campagnes d’information, dedébats et de consultations entrecitoyens, acteurs syndicaux et sociaux,élus, jusque dans l’entreprise où lescomités de groupes européensseraient dotés de réels pouvoirs d’in-tervention.

Dans le cadre de cet exposé, je melimiterai à traiter quelques proposi-tions d’interventions et d’actions quirecouperont sans doute celles d’au-tres ateliers, s’inscrivant dans le cadrede nos batailles pour mettre en échecles choix d’austérité et pour promou-voir des alternatives de transforma-tion progressiste, un monde de coo-pération et de paix.

rechercher des convergences et des solidarités La situation que vit et comprend demieux en mieux une majorité decitoyens dans L’Union européenneest marquée par une donnée politiquemajeure : les quatre années d’appli-cation des violentes politiques d’aus-térité budgétaire et monétaire mènentà l’impasse et à l’échec partout. [...]La question qui nous est posée dansun tel contexte est évidemment demieux faire connaître nos proposi-tions, de les soumettre à la confron-tation et à la critique pour que gran-disse la conscience populaire qu’unealternative existe et de contribuer àdévelopper l’action contre l’austérité,à partir de chaque localité jusqu’auxinstitutions européennes. Il convientde rechercher en même temps desconvergences et des solidarités dansla lutte de tous les travailleurs et des

« obtenir un système de revenu minimumintra-européen, l’instauration d’un salaire

minimum dans chaque pays et des actionspour faire reculer la pauvreté. »

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populations, à l’échelle du continent.La tâche n’est pas simple, en particu-lier dans le monde du travail, tantpèse le rejet de l’Europe plutôt qu’unevolonté de la changer, conséquencedes choix politiques néfastes effec-tués. Mais tel est l’enjeu dans lecontexte très évolutif mais un peunouveau que nous devons saisir.

des axes d’actionSur quels axes d’action pourrait-onessayer de rassembler et d’agir pourobtenir des résultats ?D’abord, nous avons à faire effortpour rendre nos propositions plusaccessibles et plus populaires.

• (Il faut) porter avec force le débatsur deux propositions conjointes :celle qu’a faite au printemps dernierla Confédération européenne des syn-dicats en proposant d’utiliser une partdes richesses produites dans l’Unioneuropéenne pour un plan d’investis-sement créateur de 10 millions d’em-plois, et celle que nous portons depuisun moment qui vise à créer un fondsde développement humain, social etécologique qui aurait la possibilité deracheter des dettes publiques et d’oc-troyer un crédit sélectif pour dévelop-per les services publics de l’école, dela formation, de l’énergie, des trans-ports, de l’environnement et des pro-jets nouveaux d’infrastructures utilesdans le logement et les transports,pour une agriculture paysanne ou ledéveloppement maritime.Dans ce débat, nous pourrions por-ter plus fort encore que nous nel’avons fait jusque-là, les enjeux liésà la nécessaire transformation del’euro, au rôle de la monnaie et de laBanque centrale européenne, au ser-vice du bien commun. Ainsi les tauxd’intérêt proposés par la BCEdevraient être d’autant plus abaissésque les investissements matériels etde recherches concernées auraientpour conséquence la création d’em-plois et de formations correctementrémunérées, avec des initiatives nou-velles pour la transition environne-mentale. Par contre ils seraient rele-

vés, voire dissuasifs, pour les inves-tissements financiers et les opérationsspéculatives. Cette proposition est encohérence et en lien avec notredemande que les banques relayentefficacement sur le terrain ces choixpolitiques, avec un pôle financierpublic et des fonds publics régionauxen France qui puissent accorder uncrédit sélectif favorable au travail, àla sécurité de l’emploi, à la formationet à la transition écologique. Bref,nous proposons une autre utilisationde l’euro, un autre euro. Pas sa sortie.Ne croyons pas qu’il s’agit ici dedébats techniques ou d’objectifs inat-teignables. Cette confrontation va

exister. À nous d’y associer les travail-leurs, les populations pour des luttesefficaces pour des objectifs d’amélio-ration de leur sort et celui du pays.Les mobilisations peuvent faire bou-ger les choses. Ainsi, alors qu’on nousavait longuement expliqué lecontraire, des inflexions ont étéapportées dans les dogmes moné-taires. La Banque centrale euro-péenne a été contrainte de sortir del’orthodoxie des traités depuis août2012 en rachetant de la dette mêmesi ce sont les banques qui en ont étéles principales bénéficiaires et qu’ilfaut aller plus loin pour que la créa-tion monétaire soit au service de l’ac-tivité. Il nous faut donc pousser cesavancées jusqu’à des ruptures signi-ficatives. Mais voilà, qu’on parle deplus en plus d’un projet de la BCEd’injecter 1 000 milliards d’euros sup-plémentaires. Allons nous laisser cetargent aller aux banques privées quis’en serviront pour spéculer, ouallons-nous mener le combat pourun nouveau type de crédit pour l’ef-ficacité sociale et environnemen-tale ? De même, profitons de labrèche ouverte avec les nouvellesrévélations sur le paradis fiscal duLuxembourg pour porter le débat surla fiscalité des entreprises et une har-monisation fiscale efficace dansl’Union européenne en lien avec uneréforme de justice fiscale d’ampleuren France.

• En lien avec cela, nous devrions pou-voir influer plus sur le débat existantautour de l’avenir des jeunes avec cequi est appelé « garantie jeunesse ».Ce fonds est doté de 6 milliards d’eu-ros. Le département de la Seine-Saint-Denis sera un département pilotepour ce projet. Selon le BureauInternational du Travail, ce fondseuropéen devrait être doté d’au moins21 milliards d’euros. Dans la cam-pagne des élections cantonales,menons avec les jeunes et d’autres cedébat en lien avec nos actions auParlement européen. Menons labataille du financement et de la qua-lité des emplois et des formations pro-posés. Nous aurions intérêt à rassem-bler les jeunes et les familles autourd’un projet plus vaste d’allocationsd’autonomie et de sécurisation pourles jeunes, ainsi n’omettant pas lechamp d’action représenté par lesgrandes entreprises.

• La fin de la mise en concurrence dessalaires à l’intérieur de l’Europe et ladéfense de la protection sociale méri-tent une attention et une permanencedans notre activité politique. Demême, il ne faut pas relâcher lesefforts dans le combat pour une autredirective des travailleurs détachés.

• Nous pourrions également dévelop-per des actions pour la démocratie àl’entreprise, avec des pouvoirs nou-veaux pour les comités de groupeseuropéens.

• Nous avons l’an passé réussi, en lienavec les associations de solidarité, àsauver le fonds européen aux plusdémunis. Il devrait être augmenté,compte tenu de l’aggravation de lapauvreté, mais surtout il conviendraitmaintenant d’obtenir un système derevenu minimum intra-européen,l’instauration d’un salaire minimumdans chaque pays et des actions pourfaire reculer la pauvreté.

• Il conviendrait de mener une cam-pagne publique européenne pourrevenir à la directive congés de mater-nité de 20 semaines, que le conseileuropéen a fait capoter en juin der-nier.

« utiliser une part des richesses produites dans l’union européenne

pour un plan d’investissement créateur de 10 millions d’emplois

et mettre en place un fonds dedéveloppement humain,

social et écologique »

« Nous proposonsune autre

utilisation de l’euro, un autre euro. »

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À ces enjeux je veux ajouter cinqgrands sujets qui pourraient faire l’ob-jet d’actions unitaires :• l’inacceptable politique d’immigra-tion en Europe.• le rôle de l’Union européenne contrele réchauffement climatique, le rejetdes traités de libre-échange avec leCanada et les États-Unis.• la crise avec l’Ukraine.

• Un engagement plus ferme et plussoutenu dans la lutte contre le virusEbola et poser les enjeux d’une nou-velle politique de coopération.• Le rôle de l’Union européenne auProche-Orient et pour la reconnais-sance d’un État pour le peuple pales-tinien et les dramatiques enjeux desmigrants. [...]

forum des alternativesen euroPePour conclure cette introduction, jevous propose que nous accordions laplus grande attention à une grandeinitiative unitaire de solidarisationdes travailleurs et des jeunesses, desforces démocratiques et progressisteseuropéennes. Je veux parler de la créa-tion d’un forum européen des alter-natives proposé par notre Parti etPierre Laurent au dernier congrès duParti de la Gauche Européenne qui l’aadopté. On le voit, l’une des grandestâches de l’heure est de faire grandirles alternatives progressistes et éco-logiques, en France et en Europe. Dece point de vue, le Forum des alter-natives en Europe, qui se tiendra les30 et 31 mai 2015, à Paris, constitueune initiative de première importancedont nous avons la responsabilité par-ticulière d’assurer la réussite. L’objectifest de contribuer à la constructiond’une solidarité active entre les tra-vailleurs, les jeunesses européenneset de faire-valoir des propositions etdes actions communes susceptiblesde faire reculer les choix d’austérité,le chômage, la pauvreté et la destruc-tion des écosystèmes qu’induisent lespolitiques européennes, de faireémerger une alternative progressiste,

économique, sociale, écologique etdémocratique.La préparation et la tenue de ceForum doivent permettre que s’éta-blissent des relations fructueusesentre les forces politiques, sociales,syndicales, les réseaux citoyens, lesmouvements de jeunes qui ont encommun la volonté d’agir pour unealternative de gauche en Europe. Rien

n’est plus important que de faire vivreune perspective de progrès, de fairegrandir les alternatives en suscitantle débat d’idées et la réflexion dansune période de grands bouleverse-ments politiques, de doutes et mêmede reculs des idées progressistes.Dans ce contexte, rien ne me paraîtplus précieux que de contribuer à ceque se rassemblent dans notre payset en Europe celles et ceux qui conti-nuent de penser qu’un niveau de civi-lisation et d’émancipation humaineplus élevé est possible si les peupless’en donnent l’ambition. N’est-ce paslà une version moderne du manifestecommuniste ? J’ai la faiblesse de lapenser. n

*Patrick Le Hyaric est membre ducomité du projet, animateur du projeteuropéen.

synthèse des débatsGILLES GARNIER

dans le débat, de nombreux camaradesse sont exprimés suite au rapport denotre député européen.Jean Marie de Moselle a fait part d’uneexpérience très intéressante de coopé-ration politique entre le PCF, le Frontde Gauche et ses homologues belges,allemands et luxembourgeois, tant surles questions fiscales que sur la ques-tion des travailleurs transfrontaliers.Elizabeth Gauthier au nom de la fon-dation Transform, a insisté sur la néces-saire prise en considération de l’éven-tualité de la victoire de Syriza en Grècequi mènera une politique à contre-cou-

rant des actuels dogmes européens etqui devra avoir le soutien actif de toutesles forces de progrès en Europe. Elle aplaidé pour qu’une réflexion et desactions soient menées contre l’extrêmedroite partout en Europe.

Christian de Gironde, tout commeAudrey du Pas-de-Calais et Claude deParis, ont fait part de leur difficulté àexpliquer notre positionnement pourréorienter de fond en comble la poli-tique de l’Union européenne et sareconstruction sur d’autres bases. Ilsont insisté sur le fait que l’argument dela sortie de l’euro voire de l’Union euro-péenne n’était pas l’apanage de l’ex-trême droite et que des camarades ousympathisants souhaitaient que lespositions du PCF soient plus claires. Lasortie de l’OTAN paraissait être aussiune bataille nécessaire à relancer.

Théo de Paris, a rappelé les construc-tions originales de solidarité qui semènent dans les pays victimes du rou-leau compresseur austéritaire, il y a despistes à mettre en valeur sur la ques-tion du logement, de la santé ou ens’appuyant sur les revendications desconsommateurs. Il a aussi insisté surle nécessaire combat contre les idéesd’extrême droite qui progressent et ditque la défense de la souveraineté, nedevait pas être l’apanage de l’extrêmedroite qui pervertit le débat. Il a aussidemandé une analyse plus fine desphénomènes indépendantistes enCatalogne et en Écosse.

Une camarade de la Meuse s’est inter-rogée sur le concept d’union des peu-ples et des États souverains qu’elletrouve intéressante mais lointaine faceà des institutions européennes « cade-nassées ». Paul de Haute-Garonne aporté les mêmes conclusions.

David de Seine-et-Marne a insisté surla nécessité de « l’européanisation »des luttes qui donnent à voir une alter-native au plan européen. Le PCF se doitd’être de ces combats et aider à les ren-dre visibles.

« Faire vivre une perspective de progrès,faire grandir les alternatives en suscitant le

débat d’idées et la réflexion dans unepériode de grands bouleversements

politiques, de doutes et même de reculsdes idées progressistes. »

« dans le cadreactuel, la Francen’use pas de ses

moyens de pressionpour réorienter les

politiqueseuropéennes. »

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Serge de Dordogne s’est plaint que ledébat dans le parti ne soit pas assezirrigué par les questions européennes,pourtant, en matière agricole, c’est bienà ce niveau qu’il faut réfléchir et agir.La formation des militants sur cetteproblématique lui paraît un enjeuindispensable pour les mois à venir.

Catherine Mills, économiste a mis enévidence le fait que les propositionsportées par le PGE et le groupe GUENGL commençaient à être reprisespar d’autres, en particulier sur le rôlede la Banque centrale européenne.Elle a tenu à rappeler les gravesconséquences que la sortie de l’euroaurait pour les peuples : des dévalua-tions compétitives et donc concur-rentielles que les États mettraient en

place et qui accentueraient les reculssociaux et démocratiques. L’idéed’une monnaie commune mondialeà la place du dollar progresse dansde nombreux pays en particulier chezles BRICS (Brésil, Russie, Chine etAfrique du Sud).

Nicolas du Val-de-Marne a décrit lasituation comme une véritable guerreque l’Union européenne et les gouver-nements mènent contre les peuples.C’est l’avenir démocratique de notrepays et du continent qui est en jeu.

Robin de Loire-Atlantique a fait le lienentre la réorganisation des territoiresen France et l’homogénéisation dessituations en Europe. La fin de la spé-cificité française ?

Francis Wurtz du Bas-Rhin a rappeléla connivence totale entre les poli-tiques de droite et social-démocratesfrançaises et les politiques menéesau sein de l’Union. « L’Union euro-péenne n’est pas un corps étrangerà la France ». Il a rappelé que mêmedans le cadre actuel, la France n’usepas de ses moyens de pression pourréorienter les politiques euro-péennes. Si elle le faisait cela chan-gerait totalement la donne commeelle aurait pu le faire au moment dela ratification du traité « Merkozy ».Il a insisté sur le rôle positif que pour-rait jouer l’Union européenne dansle cadre de la mondialisation au lieude la subir et de céder aux dogmesultralibéraux. n

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Atelier n°9 transformer la mondialisation : le rôle de la france Pour un monde de Paix et de solidaritéLa situation internationale marquée par l’extension de la mondialisation et de lafinanciarisation capitalistes, et par leur crise, connaît une intensification deconflits régionaux et nationaux aux effets et enjeux mondiaux majeurs.d’aucuns parlent d’un « retour de la guerre froide » et de risques de 3e guerremondiale : quelles sont les stratégies et dynamiques à l’œuvre ? peut-on pesersur le cours des événements ? Quels devraient être le rôle dans le monde et lapolitique extérieure de la France pour une réponse progressiste à la mondiali-sation qu’il s’agisse de la solidarité avec les peuples en lutte pour leur émanci-pation, des luttes pour de nouveaux modes de développement humain dura-ble et écologique, contre le réchauffement climatique, contre la prolifération etpour la dénucléarisation, contre l’expansion du libre-échange, de la dérégula-tion et de l’emprise des transnationales sur les états et les peuples, ou encorede la bataille pour refonder l’europe, et une réforme démocratique de l’oNu luipermettant de reprendre la main dans les relations internationales aujourd’huidominées par la logique des puissances et du rapport de forces plutôt que desprincipes de paix, d’égalité, de solidarité et de justice ? Quelles sont les respon-sabilités du pcF, quel travail développe-t-il et avec qui pour élaborer lescontours et contenus d’une solidarité internationaliste du xxie siècle ?

INTRODUCTION : LYDIA SAMARBAKHSH*

l’ actualité internationale, tellequ’elle est médiatisée, est mar-quée par un regain de ten-

sions, crises et conflits. Il y a pourtantaussi des processus transformateursengagés en Amérique latine par exem-ple, il y a aussi des initiatives et dyna-miques par exemple avec le récentSommet du Groupe des 77 + Chine(130 pays) qui au prétexte qu’ils nesont pas dominants ne sont pratique-ment pas mis en valeur dans lesmédia. Ce qui prévaut demeure lamultiplication et l’aggravation desconflits et l’idée que la diplomatievient désormais systématiquementaprès la solution militaire.

comment comPrendrel’intensification desconflits et crises ?Les éléments communs des pays etrégions où des foyers de conflits nais-sent et grossissent sont :• pays aux populations maintenuesdans la pauvreté dont l’économie est

dominée et les ressources très impor-tantes détournées des besoins de lapopulation et du développement dupays,• pays où les États sont défaillants,déliquescents ; absence de servicespublics ; élites corrompues souventvassalisées aux anciennes puissancescoloniales et présentes puissancesmondiales,• l’exacerbation (une des consé-quences des points 1 et 2) des natio-nalismes, de l’ethnicisation, du faitreligieux,• des pays où les forces de progrès, lesforces révolutionnaires ont été gra-vement affaiblies,• des pays dans des régions surarmées(commerces et trafics), surmilitari-sées (Afrique, Proche-Orient, Europede l’est), où il y a présence de forcesarmées étrangères, les interventions« occidentales »

Les situations sont diverses, du faitde facteurs conjugués de l’expansioncapitaliste et de l’offensive néolibé-rale ainsi que de l’affaiblissement etla disqualification des institutions

multilatérales au premier rang des-quelles l’ONU – et – l’organisation destructures illégitimes telles que lesG7/G20. L’affaiblissement des États,les effets des privatisations, l’aggra-vation des inégalités, mais aussi, acontrario, l’émergence des sociétéscomme acteurs proprement dits dela politique pèsent sur l’état de cespays.

Au sortir de la Guerre froide, lesÉtats-Unis n’ont pas considéréqu’elle était terminée mais qu’ilsl’avaient gagnée, et l’OTAN a adopté

« Les relationsinternationales sont

hyper-élitistes,hyper-militarisées

et hyper-“marchandisées”. »

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une stratégie de développement enintégrant de nouveaux pays notam-ment issus de l’ancien bloc de l’Est.L’hégémonie des États-Unis est enréalité en recul (la politique actuellede la Turquie, deuxième force par-tenaire de l’OTAN au Proche etMoyen-Orient est un exemple) maiselle reste dominante. Et si les États-Unis et ses alliés (OTAN et parte-naires) se pensent comme un bloc(l’Occident), il n’existe pas de blocopposé homogène – d’où l’expres-sion monde « apolaire ».La guerre économique a réactivé lalogique des puissances, mais cettelogique est aussi conditionnée par deséléments historiques nouveaux : l’af-faiblissement des États, la dominationdes multinationales et des institutionsfinancières et bancaires, l’extensiond’une économie grise (mafias), lamontée en force de forces réaction-naires cherchant à conquérir des ter-ritoires, des pouvoirs, des richesses…et aussi l’expérience du XXe siècle etles luttes d’émancipation.Les guerres d’aujourd’hui confron-tent de moins en moins les Étatsentre eux, mais des forces merce-naires contre des États affaiblis,forces qui servent dans des jeux com-plexes régionaux d’affrontementsentre puissances mondiales et régio-nales. Les relations internationalessont hyper-élitistes, hyper-militari-sées et hyper- « marchandisées ». Lefait politique, la diplomatie qui estdevenue de plus en plus une diplo-matie marchande, est relégué ausecond plan.

les stratégies à l’œuvre

les états-unisIls visent à rester les leaders (bloquerla Chine, menace économique ; iso-ler la Russie dont la géographie en faitun pays pivot entre l’Europe et l’Asie)mais en faisant supporter à leurs alliésle poids de leurs objectifs et décisions.Obama n’est pas Bush, la dominationUS doit passer par l’influence (stra-tégie à laquelle aspire la France :« France, une diplomatie d’in-fluence », comme l’exprime LaurentFabius), la victoire des Républicainsle 4 novembre dernier peut voir reve-nir les « Faucons » à la tête de la poli-tique extérieure des États-Unis – trèsmauvaise nouvelle alors que des inter-ventions sont en cours au Proche etMoyen-Orient et que des alliés desÉtats-Unis jouent double jeu. LesÉtats-Unis avec l’OTAN veulent fonc-tionner en bloc qu’ils dirigent maisbloc placé au-dessus de la masse. Ilssont en compétition avec leurs pro-pres alliés : exemple avec l’Union

européenne qui est à la fois une vas-sale et une rivale.

la russieElle cherche non pas à « reconstituer »l’URSS mais à redevenir une puis-sance mondiale qui pèse dans la com-pétition économique capitaliste inter-nationale qui aurait pour avantageoriginal son caractère euro-asiatique.Elle travaille beaucoup sur le plandiplomatique des alliances bilatéralesou régionales.

la chineFocalisée sur ses enjeux de dévelop-pement et croissance économique :conquête de parts de marchés enAfrique ou en Amérique latine, etcroissance intérieure, elle ne veut nitomber sous la domination améri-caine, ni l’affrontement en perma-nence sur toutes les questions inter-nationales. Elle cherche à résister à lavolonté américaine de peser en Asie.

Elle se réarme (ce qui n’est pas pourl’heure le cas des États-Unis ou desEuropéens)

les émergents (dont font partie laChine et la Russie) ne font pas bloc :travailler les intégrations régionalessur des principes de coopération plu-tôt que de compétition, s’extraire dela dépendance du dollar et des insti-tutions de Bretton Woods, remettreen cause la hiérarchisation élitiste desrelations internationales.

comment Peser sur lecours des événements ?Il convient de développer le débatpolitique sur les enjeux internatio-naux pour aider à comprendre etdévelopper les actions de solidaritéinternationale pour aider à agir.

Mener une bataille politique et idéo-logique sur Le rôle de la France pourun monde de paix et de solidaritésignifierait pour elle d’agir dans troisdomaines :redonner le primat et de la force aumultilatéralisme et la diplomatie, éga-lité des peuples

peser pour que les instances multila-térales inscrivent à l’ordre du jourprioritaire les enjeux économiques etsociaux, les besoins humains et éco-logiques, solidarité et justiceprendre l’initiative sur le désarme-ment nucléaire (la dissuasion n’estpas facteur de paix mais de tension)et le respect strict du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires(TNP), paix et sécurité commune.

le travail du secteurinternationalIl vise à aider à l’analyse et à la com-préhension du monde, à développerdes liens entre les différentes forcesprogressistes du Monde, à faire émer-ger des convergences, et enfin à aiderà la prise d’initiatives sur les enjeuxinternationaux.Tout d’abord, il s’agit d’animer et depoursuivre les batailles de solidaritéavec les peuples en lutte : Palestine,Kurdistan, Burkina Faso…

En septembre a débuté une grandecampagne de mobilisation autour dela question du climat. Celle-ci abou-tira au moment de la conférence cli-mat qui se tiendra en décembre 2015à Paris. Nous allons lancer avec toutesles forces progressistes avec lesquellesnous travaillons dans le monde, unepétition internationale.Contre le TAFTA, un premier stade demobilisation a été franchi depuis unan et demi, avec la création d’un col-lectif national. Il s’agit maintenant derendre cette mobilisation populaire.Nous participerons au prochainForum Social Mondial à Tunis en mars2015 et tiendrons une initiative euro-méditerranéenne avec le PGE. La pro-position que nous porterons sera cellede la mise en place d’une commis-sion de régulation et de restructura-tion des dettes souveraines. Nous vou-lons faire de cette proposition unebataille populaire qui contribue àmontrer une alternative possible pourla France et l’Europe. n

*Lydia Samarbakhsh est membre del’exécutif du PCF, animatrice du secteurRelations internationales.

« Les guerres d’aujourd’hui confrontent demoins en moins les états entre eux, maisdes forces mercenaires contre des étatsaffaiblis, forces qui servent dans des jeux

complexes régionaux d’affrontements entrepuissances mondiales et régionales. »

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synthèse des débatsMÉLANIE TSAGOURIS

les nombreuses prises de paroles (22)ont souligné la qualité du travail fournipar le secteur international : ces ques-tions font partie intégrante du nou-veau projet communiste.Dans beaucoup de fédérations, descamarades ont pris la responsabilitéd’animer les campagnes internatio-nales. La question est posée de savoircomment mutualiser et s’informerdes initiatives prises dans les fédéra-tions, mais aussi de « décentraliser »les colloques et les formations, sur lesenjeux internationaux.La mobilisation pour une sortie de laFrance de l’OTAN est posée avecdétermination. Celle-ci va de pair avecla proposition que nous portonsd’une refonte de l’ONU.L’Amérique latine fait exception dansle monde. C’est aujourd’hui une zonepacifiée et des coopérations seconstruisent au profit des peuples. Ilsportent des propositions conver-gentes avec les nôtres sur la questionde l’ONU.

sur les camPagnes de solidarité L’initiative d’une délégation auKurdistan menée par Pierre Laurenta eu un effet positif.Une délégation a pu se rendre endécembre au Burkina Faso et elle y arencontré l’ensemble des formationsprogressistes. À Paris, nous avons

contribué à fédérer les différentesorganisations burkinabés présentes.Nous sommes le seul parti à avoirréagi à l’arrestation de Samba David,président des « indignés » de Côted’Ivoire et il a finalement été libéré.Notre action a été utile.Des intervenants ont souligné l’im-portance de poursuivre notre com-bat pour la levée du blocus à Cuba.Des inquiétudes se sont expriméessur le conflit en Ukraine. La partitionde l’Ukraine est aujourd’hui une réa-lité. La situation est grave. Le gouver-

nement incarne un pouvoir oligar-chique et fascisant. Cette guerre a déjàfait 4 000 morts. Les populations duDonbass, victimes de massacres méri-tent une mobilisation importante denotre parti. Nous souhaitons peserpour que la diplomatie française etl’Europe se détachent des stratégiesbellicistes mises en œuvre par l’OTAN.

la mobilisation sur la question climatiqueLe réchauffement planétaire va tou-cher en premier les pays les plus pau-vres. Aujourd’hui, on compte déjà150 millions de déplacés climatiques.Nous travaillons avec de nombreusesassociations mais cela ne peut passuffire. Nous avons besoin d’unemobilisation de la société civile.Pour les participants, cette questionne doit pas être traitée de façon iso-lée ; il convient de la mettre en lienavec les questions énergétiques quiseront un enjeu majeur des années àvenir, mais également avec l’organi-sation économique du monde : Laconcurrence dite « libre et non faus-sée », les règles de l’OMC constituentdes obstacles au règlement duréchauffement planétaire.

autres sujets abordésLa lutte contre les paradis fiscauxLa lutte contre le travail des enfants :réfléchissons aux outils de contrôlequi pourraient être mis en place surles pays qui utilisent le travail desenfants. L’UNESCO devrait disposerde moyens d’action, pour agir sur ceproblème.L’anniversaire de la chute du mur deBerlin qui peut nous donner l’occa-sion d’une grande campagne sur lethème « Faisons tomber les murs » lesmurs réels et encore nombreuxaujourd’hui mais aussi les murs vir-tuels, comme celui qu’érige FRON-TEX au nom de l’Europe. n

« La concurrencedite “libre et non

faussée”, les règlesde l’omc

constituent desobstacles aurèglement du

réchauffementplanétaire. »

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en introduction de la conférence nationale, le 8 novembre, Pierrelaurent a présenté le contexte dans lequel s’est déroulée la ren-contre qu’il a qualifié de moment historique nécessitant laconstruction d’une alternative de gauche.

mettre en œuvre. Toute autre voie, jele pense sincèrement, tout raccourciavec cet effort politique ne sera dansla situation que nous connaissonsqu’illusion. C’est à ce niveau que nosambitions doivent se placer, à ceniveau très élevé mais accessible [...]

La gauche, ce n’est pas à Manuel Vallsd’en fermer le cercueil, ce n’est pas safamille, lui qui ne l’a en vérité jamaisaimée. En vérité, si nous voulons éviter leretour combiné de la droite et de l’ex-trême droite du Front national, lui etson gouvernement devront laisser laplace. C’est sans attendre que nousvoulons travailler à une nouvelle majo-rité de gauche, un nouveau contrat detransformation social, écologique etdémocratique, qui devra être mis enœuvre par un nouveau gouvernementet un nouveau Premier ministre. Plus

tôt en seront créées les conditions,mieux vaudra pour le pays. La Franceest dans l’urgence.

nos axes de réflexionComment avancer dans cette direc-tion, et est-ce tout simplement possi-ble, accessible ? Je le pense et voudraismaintenant exposer ce que devraient

être à mes yeux nos axes de réflexiondurant ce week-end.Je veux faire une première remarque.Chaque jour, et alors même que semanifestent de nouveaux signesinquiétants de la crise politique, desfemmes, des hommes agissent, serévoltent, se rassemblent un peu par-tout dans le pays pour dire un autreavenir dans notre pays. Cette vitalitésolidaire et démocratique reste consi-dérable et, même quand tout semblese fissurer de partout, nous sommes,vous êtes, au cœur de ces forces quirelèveront le pays, qui sauront puiserdans leur créativité et leur audace, lesbases du pays nouveau qui sortira dela crise. Ce n’est pas une incantation,c’est un fait.

Les communistes sont dans les luttesà la SNCM, avec les chercheurs enmarche, à Fralib, à la Belle Aude ou àNice-Matinoù les salariés portent leursprojets de coopérative, avec les coif-feuses du boulevard Saint-Denis, àRenault, à PSA, à Sanofi, aux GrandsMoulins Maurel, à l’Université du Puy-de-Dôme, à la SNCF, à Kem One, avecles manifestants de Sivens, avec cesfemmes qui luttent pour l’abolition dela prostitution, à Michelin, avec leshospitaliers en lutte sur tout le terri-toire, avec les fonctionnaires contre ladégradation de leurs conditions de tra-vail et du service public, à Total, avecles syndicalistes paysans et les popu-lations pour refuser l’agriculture pro-ductiviste symbolisée par la ferme-usine des 1 000 vaches, avec les lycéenssans papiers, avec les militants du peu-ple kurde, avec les militants pour lapaix et la reconnaissance de l’Étatpalestinien, avec celles et ceux quimanifestent contre TAFTA, à EDF, aveccelles et ceux qui empêchent desexpulsions locatives, avec celles et ceuxqui luttent contre les coupures d’eauxet de gaz, avec celles et ceux qui lut-tent contre les idées du FN.

Je pourrai continuer cette liste à laPrévert. Nous serions là, encore, avec

our nous, il est hors dequestion de laisser le payssombrer dans l’échec,accepter ou se résigner auscénario catastrophe pro-grammé. Ce qui signifie

tout à la fois que nous voulons battreles politiques d’austérité et permettreà la France d’en sortir au plus vite, etque nous refusons la perspective de ladescente aux enfers qui ouvrirait parréaction, une fois touché le fond desabîmes, la révolte finale.Nous croyons à un processus de luttespermanentes. Et nous en tirons lesconclusions : pour déjouer ce scéna-rio, tous nos efforts doivent être consa-crés, dans une dynamique de luttespolitiques, à la construction d’unealternative de gauchePermettez-moi d’insister : je dis bienconstruire une alternative de gauche,et non pas l’invoquer. Autrement dit,

se donner les moyens de luttes poli-tiques suffisamment amples et ras-sembleuses aptes à construire dessolutions de gauche pour sortir laFrance de l’austérité, à formuler lesaxes d’un nouveau projet politique dedéveloppement dans une nouvelleRépublique, et indissociablement àrassembler assez de forces pour por-ter ces solutions, les faire gagner et les

« Se donner les moyens de luttespolitiques suffisamment amples et

rassembleuses aptes à construire dessolutions de gauche pour sortir la France del’austérité, à formuler les axes d’un nouveau

projet politique de développement dansune nouvelle république, et

indissociablement à rassembler assez deforces pour porter ces solutions, les faire

gagner et les mettre en œuvre. »

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construire dans la duréeun mouvement d’amPleurPierre laurent (extraits)

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nos militants et nos élus, animés dumême esprit rassembleur, construc-tif, avec le seul souci d’être utile à notrepeuple. Quand la France est dans latourmente, les communistes sont aurendez-vous. Je veux, à travers vous,tous les saluer car ce n’est pas facile,parce que cela demande du courageet que nous ne sommes pas, chacune,chacun, épargnés par la crise et ladureté des conditions de vie qu’elleimpose à tout notre peuple.

Mais c’est notre ADN, et notre fierté,d’être des « invincibles chevaliers, desassoiffés » pour reprendre les vers dupoète turc Nazim Hikmet. Des « invin-cibles » qui luttent pour notre planète,son air, son eau, son sol, pour l’égalitédes femmes et des hommes et pourtous les droits humains. Des « assoif-fés » que ne font jamais reculer les pou-voirs de l’argent qui oppriment les peu-ples, qui vivent, aiment, sans savoirquand ils vont gagner, mais qui saventque cela dépend d’eux et de leurs frèreset sœurs humains.

nos objectifsC’est en pensant à toutes ces femmeset tous ces hommes, à tous ces lienstissés dans le quotidien qu’il me paraîtpossible de nous fixer trois objectifs.

déployer un puissant large etpermanent mouvementd’actionLe premier objectif pourrait être dedéployer dans tout le pays, en partantde ces mille et une luttes, un puissant,large et permanent mouvement d’ac-tion pour stopper les politiques d’aus-térité, en sortir la France et l’Europeau plus vite, et pour imposer la relanceprogressive des grandes politiquessociales, industrielles, écologiques,démocratiques sans lesquelles aucunesortie de crise ne sera possible.

C’est vrai que le matraquage est inces-sant pour enfermer la réflexion popu-laire dans les dogmes libéraux sur ladette, en masquant ses causes réellesliées au cancer de la finance, sur lecoût du travail, sur la protectionsociale, la dépense publique et l’im-pôt, voués aux gémonies alors quel’une et l’autre, utilement et justementdéployés, sont le socle d’un progrèssocial partagé.

Mais c’est vrai aussi que chaque jourqui passe atteste de l’échec profondde ces politiques libérales et du rejetqu’elle provoque chez les Français,car les gouvernements successifs,Hollande après Sarkozy, ne parvien-nent pas à obtenir leur adhésion. Ilétait frappant de voir sur TF1 com-

ment, à l’exception de la chef d’en-treprise, les trois Français choisis parTF1 continuent de réclamer au chefde l’État la satisfaction de besoinssociaux majeurs.La possibilité demeure donc entièrede transformer progressivement lemécontentement populaire en unpuissant mouvement de demande desortie des politiques d’austérité.Cela exige, c’est vrai, une bataille poli-tique et idéologique de tous les ins-tants, mais ne nous manquons pasd’arguments.

Notre diagnostic sur la crise s’avèrejuste à l’inverse de toutes les prévisionsà chaque fois assénées comme desvérités implacables. Et aujourd’hui,non seulement nous n’allons pas versune sortie de crise, mais tout prépareune nouvelle séquence d’aggravationbrutale de la crise du système.

L’austérité menée partout en Europefait planer la menace d’une troisièmerécession depuis 2009. Le risque nesera pas évité sans une relance mas-sive de la demande sociale, salaires,formation, emplois et services publics,contrairement à tous les choix actuels.Et par ailleurs l’austérité allant de pairavec un soutien continu aux rende-ments financiers, les immenses gâchismatériels et financiers qui perdurentfont craindre un nouveau krach. Lesbanques sont protégées, nous dit-on,mais c’est en étouffant le crédit et enprotégeant leurs marges, c’est donctoujours la même fuite en avant.La bataille pour stopper au plus vite,je dis bien stopper, les politiques d’aus-

térité partout et chaque fois que c’estpossible, doit donc s’amplifier sur tousles fronts. Il existe des majorités, unemajorité de Français à rassembler pourcela. Nous devons convaincre et don-ner confiance, en montrant combienla France aurait gagné à cette rupture.

lutter contre l’austéritéSur tous les fronts, dis-je, et cela com-mence au quotidien dans toutes lesluttes. Quand 9 millions de personnesne savent pas si elles vont pouvoirmanger à leur faim chaque jour. Quand12 millions de personnes se considè-rent comme mal logées. Quand 80 %de la population a peur de tomberdans la pauvreté, c’est-à-dire avecmoins de 5 euros par jour pour senourrir, se vêtir, se loger, se chauffer,se soigner, prendre soin des enfants,se déplacer…Oui il y a urgence à l’action. Luttercontre l’austérité, c’est mener desactions pour créer des chaîneshumaines contre les expulsions, ou lescoupures d’énergie, d’eau. C’est menerdes actions contre les marchands desommeil, ou les huissiers qui vivent dela misère. C’est mener des actions desolidarité avec les plus fragiles. C’estne pas rester silencieux face aux vio-lences que subissent de plus en plusde femmes. C’est notre capacité à nousrévolter, à ne pas laisser faire l’insup-portable, à construire des réseaux desolidarité dans la proximité qui ouvri-ront le champ du possible en politiquepour des millions de nos concitoyens.

Sur tous les fronts, c’est combattre lathèse du ras-le-bol fiscal qui vise envérité à justifier les exonérations mas-sives de cotisations sociales et les cré-dits d’impôts sans contrepartie pourles entreprises, les niches fiscales pourles plus fortunés, mais qui ne dit riendes véritables scandales : la TVA quirapporte trois fois plus que l’impôt surle revenu parce que ce dernier est ungruyère total quand on arrive dans leshautes tranches de revenu, et près desix fois plus que l’impôt sur les socié-tés ; les grandes sociétés et les multi-nationales qui ne paient rein commevient de le démontrer le scandale duLuxembourg de Monsieur Juncker ; lescoupes budgétaires pour les collecti-

« être des“invincibles

chevaliers, desassoiffés” »

nazim hikmet

« Sans attendrenous voulons

travailler à unenouvelle majorité

de gauche, unnouveau contrat de

transformationsocial, écologiqueet démocratique,qui devra être misen œuvre par un

nouveaugouvernement et un nouveau

premier ministre. »

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vités locales qui vont obliger nombred’entre elles à augmenter les impôtslocaux si elles ne veulent pas sacrifierleurs services publics.

Sur tous les fronts, c’est en ouvrant augrand jour les comptes des banqueset exiger le changement des politiquesdu crédit, rationnées pour la demandesociale et les PME, généreuses pour lafinance, comme vont le faire les cama-rades de Paris mercredi soir devant labanque BNP-Paribas, comme nousdevrions le faire partout en exigeantun moratoire du paiement des inté-rêts bancaires pour les collectivitéslocales mises en difficulté par les sup-pressions de dotations budgétaires.

Sur tous les fronts, c’est en menantpartout une bataille de vérité sur lesgâchis du CICE et du crédit d’impôtrecherche. J’ai en tête cette entrepriseverrière près de Dieppe, qui fabriqueles flacons pour les parfums des grandsgroupes de luxe, et qui voit une partienon négligeable des millions touchésremonter de fait vers les profits de cesgroupes. Chacun a des exemples del’indécence de ces cadeaux.Oui, il faut partout demander descomptes aux entreprises, aux banqueset à l’État.

Je ne vais pas plus loin. Je pourrais par-ler de toutes les luttes pour les droitsdes femmes, pour les services et la pro-tection sociale, pour le logement et lescandale des aides fiscales à la promo-tion spéculative qui continue de plusbelle tandis que la construction socialereste en panne. Vous m’avez compris.

C’est à cette première question qu’ilnous faut travailler : quelles cam-pagnes durables ? Quelles initiativesconstruire pour que grandisse dansle pays un mouvement irrésistible demise en cause des politiques d’aus-térité, jusqu’à les stopper, pour d’au-tres solutions ?

La journée d’action du 15 novembredécidée par le collectif 3A créé à l’is-sue de la manifestation que nousavions initiée le 12 avril est une étape.La manifestation des chômeurs le

6 décembre en est une autre. Mais ilfaut construire dans la durée, dans toutle pays, dans toutes les dimensions.

La crise institutionnelle et démocra-tique est, je l’ai dit, une dimensionconstitutive de la crise globale. LaRépublique est attaquée dans tousses fondements, les institutions, lapolitique comme espace de délibé-ration publique et citoyenne, lesvaleurs. Du même coup, la solutionà la crise, c’est aussi et inséparable-ment une nouvelle République, unesixième République.La réforme territoriale est un enjeucentral comme le sont la démocratieet les droits nouveaux dans l’entre-prise. Les élections départementaleset régionales de 2015 nous donnentl’occasion d’une bataille nationale etpopulaire sur ces enjeux démocra-tiques fondamentaux.

Nous avons en vue d’autres rendez-vous structurants. La préparation dela conférence sur le climat qui se tien-dra à Paris en décembre 2015 prendd’autant plus d’importance après lenouveau rapport alarmiste du GIEC.La question écologique est au cœur denotre combat pour un nouveaumodèle de développement.La convention nationale pour unenouvelle industrialisation que nousréunirons les 22 et 23 novembre seraégalement essentielle. Je cite égale-ment les nouvelles rencontres

Niemeyer sur la ville que nous tien-drons en janvier 2015 sur le thème dela mobilité.

La bataille que nous menons pour unesortie de crise ne saurait se concevoirhors d’une bataille solidaire menéedans toute l’Europe. En Europe, tousles voyants sont au rouge et font cou-rir, singulièrement au sud, un graverisque de déflation dans la zone euro.Mais des voyants de lutte s’allumentaussi au vert où après la Grèce etl’Espagne, c’est au tour de l’Italie et dela Belgique de connaître à leur tour desréveils de mobilisation très importants.

un grand forum euroPéendes alternativesLa Conférence nationale doit se pen-cher sur l’articulation indispensable

entre d’une part, la relance écono-mique et sociale de la France, la récu-pération de la souveraineté budgétairede la République, et la construction auniveau européen d’une alternative degauche, crédible et populaire. Il n’yaura pas de sortie de l’austérité enFrance sans bataille pour l’indépen-dance économique. Mais il n’y a pasnon plus de salut dans le repli et laconcurrence nationaliste : notrebataille doit être à la fois française eteuropéenne. La suspension de l’appli-cation du traité budgétaire au profitd’un plan de relance sociale massivepeut devenir une exigence euro-péenne.En mai prochain, cela fera 10 ans quela France a dit Non au Traité constitu-tionnel européen. C’est l’anniversaired’une époustouflante campagnecitoyenne, d’un débat de fond qui astructuré la ligne rouge entre les libé-raux et la majorité du peuple français,une lutte que nous avons gagnée etqui trouve aujourd’hui son prolonge-ment dans la bataille contre l’austé-rité. Le PGE vient de confirmer sa déci-sion de tenir à Paris les 30 et 31 maiprochain sur proposition du PCF ungrand Forum européen des alterna-tives. En 2005, nous avons dit non.L’esprit du non est toujours là. Maisnous allons plus loin : en 2015, unealternative de gauche européenne seconstruit.Ce Forum européen des alternativesréunira des forces politiques de tous

les pays européens, des forces sociales,syndicales, des intellectuels, descitoyens prêts à refonder l’Europe.Notez bien cette initiative à vos agen-das.L’année 2015 pourrait bien être uneannée d’accélération de la batailleeuropéenne. La Grèce pourrait connaî-tre des élections législatives. Que feraitla France face à une très probable vic-toire de Syriza ? S’engagerait alors unénorme bras de fer intéressant toutesles forces sociales et démocratiqueseuropéennes. Nous devons nous y pré-parer pas seulement par solidarité avecle peuple grec mais parce qu’une vic-toire d’Alexis Tsipras pourrait ouvrirune brèche, un espoir pour l’ensem-ble de l’Europe, et devenir un élémentmajeur de crédibilisation de notre pro-jet en France. Avant cela, le 24 janvier

« L’austéritémenée partout en

europe fait planer lamenace d’une

troisième récessiondepuis 2009. »

« La république est attaquée dans tousses fondements, les institutions, la politique

comme espace de délibération publique et citoyenne, les valeurs. »

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se tiendra à Barcelone un forum dusud de l’Europe pour une sortie decrise par le social, à l’initiative descamarades espagnols et grecs.

Vous le voyez, c’est une bataille d’en-semble, multiforme qu’il nous fautfaire grandir pour demander l’arrêtimmédiat des politiques d’austérité etle lancement d’un programme derelance sociale, de développement desservices publics, d’investissementsindustriels et écologiques, de recon-quête de nos politiques bancaires,monétaires et financières.Toute notre bataille contre l’austériténe vise pas seulement à changer decap. Il s’agit de changer de logiciel pourle développement de la société, pourl’avenir de la planète et du monde. Lasortie de la crise très profonde de toutle système capitaliste financiarisé doitêtre pour nous celle de l’inventiond’une nouvelle société.

Nous avons entrepris après notre der-nier congrès de remettre en chantiertout notre projet. Un travail importanta déjà été accompli. Nous le poursui-vons, nos conventions nationales ycontribuent et nous aboutirons au pre-mier semestre 2016 avant notre pro-chain congrès à une convention natio-nale rassemblant l’ensemble. Jelancerai demain un appel au travailcommun de toutes les forces sociales,politiques, intellectuelles disponiblespour la refondation d’un tel projet dontj’avais dit au dernier congrès qu’il étaiten quelque sorte notre communismede nouvelle génération.

Demain la conférence nationale pous-sera ce travail de manière plus appro-fondie à travers 9 ateliers. Ce sera pournous tous un grand moment d’éduca-tion populaire, de réappropriation parle plus grand nombre de tout notre tra-vail de propositions. Ces travaux ferontl’objet en décembre de la sortie d’unnuméro exceptionnel de La Revue duProjet qui vous le savez joue un rôlecroissant dans l’animation de notretravail intellectuel collectif.

construire dans la duréeun mouvement social etPolitique d’amPleurLe second objectif sur lequel nouspourrions nous accorder est de faireavancer dans toutes ces batailles lesrassemblements et les constructionspolitiques capables de porter jusqu’aupouvoir ces alternatives.

Notre ambition politique passe par lanécessité de construire, dans la durée,un mouvement social et politiqued’ampleur capable de mettre en échecle choix de l’austérité et de promou-voir un nouveau chemin de redresse-ment national. Ce mouvement, àl’échelle nécessaire, fait encore défaut.Bien sûr, nous avons construit le Frontde gauche, mais avec des résultatsencore trop insuffisants. Bien sûr desmobilisations se multiplient, émer-gent de nouveaux terrains de luttesposant publiquement des questionsstructurantes telles celle de l’appro-priation publique sociale et publique,des équilibres environnementaux etde l’écosystème, de la République, del’égalité des droits… Reste que le poidsdu fatalisme pèse aussi fortement surle champ des luttes sociales, sur lesmobilisations et l’unité syndicale ; per-siste la difficulté à faire converger lesluttes, leur donner un caractère demasse, rendre incontournables desexigences transformatrices.

sortir de la crise de PersPectiveC’est à quoi je vous invite à travailleren démultipliant nos initiatives poli-tiques pour que se rencontrent, échan-gent et scellent des bases communesl’ensemble des forces politiques etsociales, hommes et femmes partisansde la rupture avec l’austérité et dispo-nibles pour une alternative politiquede justice. Notre Parti s’est engagé dansce sens dès le débat de l’été, je me suisengagé personnellement pour que secréent de telles passerelles : la fête del’Humanité, les rencontres qui y onteu lieu et les premiers signes donnésont constitué un premier signal fortpour une remobilisation de la gauche,ainsi que la réunion nationale du 7septembre dernier pour une relancedu Front de gauche.

Rien ne peut pourtant en rester là.L’accélération de la situation politiquenous appelle à franchir une étape poli-tique pour sortir de la crise de pers-pective. Sauf à y parvenir rapidementc’est l’ensemble du mouvement pro-gressiste qui est menacé d’atomisa-tion et de difficulté majeure.C’est d’ailleurs sur cette faiblesseespérée que misent Hollande et Valls

pour présenter comme inéluctableleur choix de soumission à la finance.Ils se heurtent toutefois à de fortesrésistances dans leur camp et l’issuede cet affrontement au sein du PSaura une influence sur l’ensemble dela gauche. Des débats d’une autrenature mais tout aussi vifs existentau sein des écologistes et d’une cer-taine manière au sein de toutes lesfamilles de la gauche sociale et poli-tique. Nous sommes d’ailleurs detoutes ces forces aujourd’hui la plusunie, et donc un des plus solidespoints d’appui.

C’est pourquoi à mes yeux le travail duFront de gauche, la nécessité d’en élar-gir l’ambition de rassemblement relèvede la même exigence que celle depoursuivre dans la durée l’effort dedialogue et de convergence des éner-gies existantes dans la gauche pourl’alternative. C’est une seule et mêmequestion si nous voulons réussir àconstruire une alternative qui pèseréellement le poids.

des assises citoyennes du front de gaucheC’est donc une bataille et des initia-tives qui doivent se déployer sur toutle territoire sans attendre la fuméeblanche d’un repas à la fête del’Humanité, d’une assemblée généraledu Front de gauche ou d’un vote desfrondeurs au Parlement. La questionn’est pas non plus ou les frondeurs, oule Front de gauche. La question est :l’alternative gagnante.Le défi essentiel est de favoriser l’ap-propriation populaire de l’espace poli-tique pour donner une majorité au ras-semblement pour l’alternative,favoriser cette bascule d’hommes etde femmes de gauche, d’électeurs etmilitants socialistes, écologistes, syn-dicalistes, associatifs qui le permet-tront.

C’est à partir de cette ambition quenous devons nous réapproprier l’ac-tivité du Front de gauche. C’est pourcela que j’appelle l’ensemble des orga-nisations du Parti à s’investir dans lapréparation et la co-organisation d’as-sises citoyennes sur tout le territoireque venons de décider dans le Frontde gauche pour stopper l’austérité etpour une alternative de transforma-tion sociale.

Mon propos ne vise pas ici à minorerla crise traversée ces derniers mois parle Front de gauche, le débat stratégiquequi continue à le traverser. Ce débatse poursuit. Il porte sur notre rapportau mouvement populaire et à lagauche dans le moment politique.

« en europe, tousles voyants sont aurouge et font courir,

singulièrement ausud, un grave risquede déflation dans la

zone euro. »

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C’est donc en poursuivant ce débatmais conscient de la place et du rôlequ’a construit le Front de gauche etdes exigences de construction de lapériode que nous voulons avancer.C’est de la même manière conscientde ces débats que nous devons conti-nuer à prendre des initiatives decontacts et de convergences multi-formes dans toute la gauche. Nouspouvons et savons le faire en étantnous-mêmes, décomplexés, unitaires,autonomes.

Avec en toutes circonstances un objec-tif : être une force à l’offensive poli-tique sur le terrain de la résistance etdu rassemblement.

les 1 000 rencontres Pour l’alternativeque nous avons nous-mêmes com-mencé à organiser sont à la disposi-tion de ce processus général deconstruction d’une gauche de trans-formation et de progrès. C’est ainsi quetout naturellement nous posons laquestion à nos partenaires du Frontde gauche de relayer cette initiative. Jesais que des camarades qui en ont déjàtenues souhaitent faire part de leursexpériences et des premières leçonsqu’ils en tirent. [...] La tenue de ces ini-tiatives sera aussi notre contributionà la construction du processusd’Assises initiées par le Front degauche.Les forces du Front de gauche ont actéqu’il s’agirait, je cite d’ « initier unedémarche de rassemblements etd’échanges, permettant de construiredes convergences entre des forcessociales et politiques qui veulent unealternative à la politique de Valls etHollande ».Ces assises pourront donc se dévelop-per dans des rencontres locales alter-nant avec de grandes initiatives décen-tralisées qui nationaliseront ladémarche en même temps qu’ellesponctueront sa progressivité. De fait,ce processus d’assises n’a pas vocationà rester la propriété ou dans l’étiagedu Front de Gauche mais à devenir unprocessus initié, animé et maîtrisé parl’ensemble des forces et personnalitéspolitiques, sociales et culturelles quile souhaiteront car se retrouvant dansla démarche et ses objectifs de trans-formation sociale. Comme ce processus interviendradans une année électorale, je croisutile de préciser que la participationà ces assises n’est pas conditionnéepar un accord sur les questions destratégie électorale mais qu’il serautile bien évidemment à optimiser lesconvergences possibles sur le champpolitique.

Le Front de gauche tiendra deux réu-nions pour préparer ce processus, uneréunion de travail le 25 novembre etune assemblée nationale le 7 décem-bre comme celle de septembre.

les électionsdéPartementalesJe voudrais terminer mon proposintroductif en évoquant un troisièmeobjectif : les élections départementalesqui se tiendront en mars 2015, avantles régionales en décembre.

Compte tenu des évolutions politiquesdont je viens de parler et des ambi-tions que sont les nôtres, elles chan-gent de caractère. Elles n’auront d’ail-leurs pas l’objectif que leur avaitassigné le gouvernement en imaginantdès 2012 un mode de scrutin et desredécoupages qu’il envisageait alors àson avantage. D’autant qu’entre-temps, la disparition des départementsa été programmée par ce même gou-vernement.

Mais changeant de caractère, elles n’enauront pas moins d’importance, aucontraire.Pour la première fois, il s’agira doncd’une élection nationale,avec un nou-veau découpage des cantons, et avecpour chaque canton deux titulaires etdeux suppléants à parité. C’est le pro-chain rendez-vous grandeur natureavec les Français. Pour nous, dans cesconditions, je crois que l’objectif doitêtre clair : protéger les politiquespubliques, les services publics, lesespaces démocratiques contre les poli-tiques d’austérité et faire de cette élec-tion un grand moment de mobilisa-tion sur ces enjeux et sur la réformeterritoriale, un grand moment deconstruction du rassemblement pourdes alternatives.

Même si l’objectif est élevé, nous pour-rions viser la construction de candi-

datures dans tous les cantons, en touscas le maximum, le meilleur scorenational possible en forte progressionpartout où c’est possible, l’élection denombreux conseillers départemen-taux. L’enquête de Viavoice sur lagauche parue dans Libération lasemaine dernière montre que les com-munistes représentent dans le peuplede gauche plus de 31 %. Nous sommesla seule force à progresser. Plus de 6points dans leur baromètre. Nous pou-vons nous retrouver dans de nom-breux cantons première force degauche, être un rempart face à la droiteet l’extrême droite dans de nombreuxautres. Ce serait une bonne nouvelleface aux dangers d’une droite et de sonextrême qui vise à faire basculer tousles pouvoirs locaux dès 2015. Cela don-nerait du souffle à des millions de pro-gressistes dans notre pays. Cela don-nerait de la crédibilité et de la force ànotre construction alternative. Lesélections départementales, sont doncune étape importante dans notre stra-tégie de rassemblement, de luttecontre l’austérité.

Je le dis également sans faux-semblant,rien n’est gagné, mais c’est possible. Ilfaut donc s’en donner les moyens àcommencer par la construction descandidatures, quatre par canton.Avec les élections départementales,nous voulons changer le pouvoir, enproposant de nouveaux visages quisymbolisent ce que nous voulonscomme rassemblement. Les individuspersonnifient une politique, il nousfaut donc être très attentifs vis-à-visde celles et ceux qui vont porter noscouleurs. C’est ce qui permet de mon-trer qualitativement ce que nous vou-lons, ce que nous proposons au suf-frage. Il nous faut des femmes et deshommes, à parité, qui vont défendrel’idée de la démocratie locale. Il y abesoin d’élu-e-s proches des gens, quitravaillent dans la proximité, qui asso-cient les citoyens dans la décision. Faceaux projets gouvernementaux demétropoles, de super-régions qui éloi-gnent les gens des centres de décisions,ils doivent pouvoir compter sur descandidats qui leur ressemblent et surqui ils vont pouvoir compter. Ils ontainsi besoin d’élus qui vont défendreles services publics, capables de pro-poser et de créer de nouveaux servicespublics. Contre ceux qui rêvent de faireun hold-up sur les 72 milliards d’eu-ros que gèrent les départements, nouspensons par exemple que le départe-ment est le bon échelon pour propo-ser de créer un grand service publicd’aide à la personne qui ne laisse pasces services au seul privé. Nos candi-datures, celles que nous soutiendrons

« Nous pouvonsnous retrouver

dans de nombreuxcantons premièreforce de gauche,être un rempart

face à la droite etl’extrême droite

dans de nombreuxautres. »

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l’alternative, c’est maintenant

au terme de la conférence nationale, Pierre laurent a lancé un appel au peuple de france :

La France souffre ! c’est malheureusement une évidence. ici même, dansnotre conférence nationale, vous vous en êtes fait l’écho. tous les jours, vousêtes aux côtés de ceux qui souffrent et qui luttent. ce gâchis nous révolte etnous n’avons pas l’intention de l’accepter. Nous décidons de réagir, de travailler,de discuter, avec les Français, pour inventer ensemble un autre avenir. Lesnuages s’accumulent, nous pressentons bien des orages, l’horizon semblebouché. mais nous le disons : la France n’est pas condamnée à ce chaos. Le cielpeut s’éclaircir.

notre Pays, notre PeuPlePeuvent connaître desjours heureux !Les média annoncent depuis deuxjours que je vais « hausser le ton ».Pour une fois, les voilà bien informés.Parce que nous ne pouvons plus noustaire devant la désolation politiquequi nous entoure. Hollande-Valls quimiment le MEDEF et veulent fermerle cercueil de la gauche. Fillon,Sarkozy et Juppé qui se battent pourprendre la tête d’une UMP qui ne rêveque de revenir pour finir le sale bou-lot et casser tout ce qui reste de notremodèle social. Et le clan Le Pen, pèreet fille, qui se frotte les mains attisantla division, le ressentiment, ébahis de

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doivent oxygéner la politique, mêlerl’expérience et la jeunesse, être àl’image de la France aujourd’hui igno-rée des possédants et des gouvernants :des travailleurs, des syndicalistes, despaysans, des chômeurs, des associa-tifs, des étudiants, des marinspêcheurs, des élus de terrain, desjeunes, des porte-voix, des médecins,des fonctionnaires, des cadres, dessalariés, des communistes, des noncommunistes, voire des membresd’autres partis. Tous différents, maistous unis pour des valeurs de gauche.

Voilà, chers camarades, je vous avaispromis de ne pas faire trop long. Jeconclurai demain après nos travauxen présentant aux Français le sens denotre projet. J’ai voulu ici souligner lesens de nos travaux, l’ambition qu’ilme paraît essentiel de discuter.

En menant de front un mouvementd’ampleur de luttes contre l’austéritéet pour la relance sociale, jusqu’à met-tre en échec les politiques dont ne veu-

lent plus les Français, en travaillant àun large effort de construction poli-tique, et en faisant des élections dépar-tementales un moment d’avancéesignificative de ces démarches, je croisque nous pouvons transformer l’an-née 2015 pour en faire non une annéede nouvelles amertumes, mais uneannée utile à l’alternative dans l’inté-rêt de notre peuple.

Nous avons beaucoup réfléchi, tra-vaillé depuis l’été. Je suis certain quecette conférence nationale sera letremplin dont nous avions besoin pourrepartir à l’offensive.Je veux dire à l’adresse de tous ceuxavec lesquels nous voulons travailleret avancer, du Front de gauche bienentendu mais aussi à nos amis fron-deurs, écologistes, ou tout simplement« socialistes affligés », comme le disentLiem Hoang Ngoc et Philippe Marlière :prenez avec nous conscience de l’ur-gence et de l’ambition nécessaire ! Etsoyez certains de notre déterminationà construire !

Demain dans mon allocution de clô-ture je m’adresserai au pays. Je veuxaujourd’hui pour clore cette introduc-tion m’adresser aux communistes.Loin des débats du PS, de l’UMP, duFN, nous nous posons pas la ques-tion de changer de nom. Au contraire,nous sommes fiers d’être commu-nistes et de travailler sans relâche ànotre communisme de nouvelle géné-ration. Plus que jamais notre pays abesoin de cette force communistepour travailler à faire sens, à fabriquerdu commun. Pour beaucoup, dansces temps tourmentés, angoissants,nous représentons l’assurance de nepas transiger sur les principes, sur lesvaleurs tout en travaillant sans exclu-sive et humblement aux alternativespolitiques.Les chemins sont complexes, diffi-ciles, mais « aux invincibles cheva-liers, aux assoiffés » de bonheur quenous sommes, rien n’est impossible.Le dicton dit lui « qu’à l’impossiblenul n’est tenu », mais cette fois-ci mescamarades, nous y voilà tenus. n

voir les gouvernants et les médias leurservir, tous les matins, sur un plateaul’occasion de développer leur petiteentreprise de la haine. Pendant cetemps, où est notre peuple ? Où est laFrance ? Où est la jeunesse ? Ils ne sontpour ceux-là qu’une masse deconsciences à manipuler, des suf-frages à embrigader derrière un chef.Le futur chef de la France, puisqueparaît-il, c’est ce qui nous manque,c’est un chef, à nous les petits soldatsde la guerre économique mondiali-sée. Nous refusons cela. Nous nesommes pas, nous les travailleurs deFrance, nés ici ou venus d’ailleurs, lachair à canon pour la compétitivitédes puissances capitalistes mondia-

lisées. Nous sommes un pays, ungrand pays, une culture avec desvaleurs à partager et nous refusonsl’abaissement de la France et du débatpolitique. Alors, oui, avec vous, mescamarades, nous lançons aujourd’huiun appel au pays tout entier.

oui, il est Possible dechanger de Politique etde relever la franceIl est possible de changer de logicielet de construire un nouveau mode dedéveloppement. Il est possible de fairegagner une gauche qui ne renie passes valeurs. Oui, il est possible d’évi-ter le retour de la droite ou de la vic-toire de l’extrême droite. Cela

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rité. Et nous préparons la victoire denos amis de Syriza, en Grèce, car cesera l’heure de vérité pour l’Europe.

Notre pays est plongé dans une trèsgrave crise de confiance, une trèsgrave crise démocratique, pour uneraison simple : la très grande majo-rité de nos concitoyens ne veulent pasde cette politique. Le pouvoir exécu-tif de François Hollande et de ManuelValls, connaît une très grave crise delégitimité, pour une autre raison sim-ple, la très grande majorité des élec-teurs de gauche de 2012 ne veulentpas de la politique conduiteaujourd’hui qu’ils ressentent à justetitre comme une trahison.

Pour nous, l’alternativec’est maintenant !Je propose donc aux Français d’agirsans attendre, de prendre en main,eux-mêmes, le débat démocratiquequ’on leur refuse. Nous leur disons :ensemble pour l’alternative on s’ymet. Et pour commencer, noussommes décidés à nous battre entoutes circonstances pour stopper lespolitiques d’austérité et leurs dégâts.Voilà ce que notre gouvernement degauche ferait.

les grands axes de ce que Pourrait être une Politique de gaucheContrôle des fonds publics.Démocratie sociale et droits nouveauxpour les salariés. Une nouvelle loibancaire pour réorienter le crédit.Construction d’un impôt juste.Hausse des salaires. Avènement d’uneVIe République !Ces idées, nous les mettons au débat,convaincus qu’elles peuvent contri-buer à la construction d’un pro-gramme de gouvernement alternatif.

Mais je le dis : il est temps que tousceux qui veulent sortir et le pays, etla gauche de l’ornière, engagent cedébat, ce travail. Il est temps, pour lescitoyens, les militants, les responsa-bles de la gauche qui ne veulent pasrenoncer d’envoyer le signal : nousnous mettons au travail pourconstruire une alternative, nous avonsbesoin de la réflexion et de l’engage-

ment de toutes les forces de la gauche,des syndicalistes, des militants asso-ciatifs, des citoyennes et citoyens.

Maintenant, on s’y met ! Personne nepeut plus rester au milieu du gué.Aujourd’hui, dans le pays, face à lapolitique menée par le gouvernementau contrat déchiré sous les coups debuttoir du MEDEF, de la droite, duclan Le Pen. La majorité de 2012 s’estcomme dissoute sous les coups de ladéception et même de la sidération.Mais, si nous sommes capables d’ou-vrir des perspectives nouvelles, si lesignal est donné, alors je crois ferme-ment qu’une nouvelle majorité popu-laire peut se reconstituer. Nous nemanagerons aucun effort pour cela.Et nous serons, s’il le faut, la « forcetranquille » qui ne renoncera jamaisà ouvrir le chemin d’une alternativegagnante. Avec le Front de gauche,qui a su utilement ouvrir la voie à par-tir de 2009, en 2012, et auquel nousvoulons redonner toute la vigueurnécessaire, nous construisons danstout le pays, des assises citoyennes dela transformation sociale.Nous poursuivons sans relâche nosefforts pour dialoguer et construireavec tous ceux, socialistes, écologistes,républicains, qui comme nous sontconvaincus de l’impasse actuelle.Mais je le redis, le constat ne suffitplus, c’est à l’action, à la constructionqu’il faut passer. À tous, je dis : letemps nous est compté.

les Prochaines électionsdéPartementales Cette ambition, nous allons la porterdans les prochaines élections dépar-tementales en mars 2015. Ces élec-tions seront essentielles. Une batailleest engagée entre ceux qui pour impo-ser l’austérité et la loi du marché,

cherchent à contourner la démocra-tie locale et les services publics. Nousirons à cette bataille avec le Front degauche pour protéger l’actionpublique, les services publics et ladémocratie locale. Ces élections sontune étape vers la construction de l’al-ternative à gauche. Nous ne laisse-rons pas faire la droite et l’extrêmedroite qui veulent conquérir tous les

« La très grande majorité des électeurs de gauche de 2012 ne veulent pas

de la politique conduite aujourd’hui qu’ils ressentent à juste titre

comme une trahison. »

demande une vision, une ambitionet beaucoup d’efforts, c’est vrai. Maiscela en vaut la peine. Vous pouvezcompter sur les communistes qui onttoujours été au rendez-vous, dans lesheures les plus difficiles traverséespar la France. En toute occasion, jen’ai cessé de tenir ce langage, le lan-gage du rassemblement et celui del’urgence.

Urgence, car nous ne pouvons pasattendre l’arme aux pieds devant lespetits calculs politiciens, qui prépa-rent déjà 2017 et donne commegrande ambition une candidaturesocialiste visant la seconde place der-rière Marine Le Pen au premier tourde la présidentielle de 2017. Ce scé-nario est celui d’une victoire certainede la droite et de l’extrême droite. Lelangage de vérité, ce langage d’ur-gence, du rassemblement, et des idéesnouvelles, je l’ai tenu avec insistanceces dernières semaines. Il est entendupar le pays, par tous ceux qui, àgauche, ne supportent plus la comé-die du pouvoir actuel. Pour une rai-son très simple : ni François Hollande,ni Manuel Valls ne rassemblent lagauche, ne rassembleront une majo-rité populaire sur leur politique. Aveccette politique menée par eux, oumenée par d’autres, le pays va detoute façon dans le mur car la poli-tique d’austérité est un terrible échec.

Dans toute l’Europe, le constat estsans appel. Toute la zone euro estmenacée par la déflation. La crois-sance est étouffée par les coupes bud-gétaires et l’écrasement des salaires.Le chômage explose. La consomma-tion des ménages est bloquée et lesinvestissements productifs sont enpanne. La France doit se lever enEurope pour dire stop à l’austérité etelle sera entendue. Il y a dix ans, enmai 2005, nous avions dit non àl’Europe libérale. Nous avions raison.Ils ont bafoué notre voix. Aujourd’hui,le combat contre l’austérité continue.En mai 2015, à Paris, nous préparonsun grand forum européen des alter-natives, pour cette fois dire stop àl’austérité, oui à une alternative avecla gauche européenne de Syriza, duFront de gauche, de la gauche unieen Espagne et de tous ceux et toutescelles qui ne veulent plus de l’austé-

« il est possible de faire gagner unegauche qui ne renie

pas ses valeurs. »

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pouvoirs locaux en 2015, sur la routede 2017. Nous présentons partout descandidats, des candidates et tra-vaillons à ce qu’ils incarnent un ras-semblement de gauche contre l’aus-térité. Nous voulons que noscandidates et candidats soient levisage divers et multiple de la Francequi travaille, recherche et étudie : desouvriers, des salariés, des étudiants,des intellectuels, des chercheurs, deshommes et des femmes de culture.Nous montrerons à travers ces can-didates et candidats où se trouve réel-lement le monde du travail.

un aPPel Pressant à travailler à unealternative et aussi un engagementLes communistes n’ont jamais failliquand le sort de la France est engagé.Nous sommes disponibles, les com-munistes sont disponibles pour le tra-vail commun. Nous n’estimons pasavoir raison d’avance et tous seuls.Nous sommes disponibles pour tra-vailler avec tous ceux qui veulent s’yfrotter. Et ils peuvent nous faireconfiance pour une raison : si nousavons beaucoup changé, si nousavons beaucoup évolué, si nous avonsmême beaucoup tâtonné, nousn’avons jamais renoncé à être ce quenous sommes : des communistes, descombattants, des résistants, des cher-cheurs d’avenir. Nous l’avons fait avecnos qualités et avec nos défauts, nosdoutes et nos hésitations et parfoisdes certitudes trop grandes. Maisnous l’avons fait en restant fidèles ànos engagements, nos valeurs, fidèlesmême à nos rêves d’un monde plusjuste, solidaire et fraternel. C’est pour-quoi nous restons attachés à ce beaumot de « communiste » : nous n’avonspas la tentation de nous cacher, denous masquer, de nous camoufler,comme il est aujourd’hui de mode auPS, ou Manuel Valls veut écarter lemot socialiste, à l’UMP ou Sarkozy neveut plus paraît-il entendre parler dumot droite, ou au FN, où le bleumarine est devenue une couleur decamouflage Nous sommes fiers denos couleurs et du rouge que nousportons au cœur.

l’alternative, nous nePouvons l’écrire seulsD’abord parce que ce projet commu-niste n’est pas un projet pour le Particommuniste : c’est un projet pour laFrance, pour l’Europe et le monde.Ensuite parce que nous ne pouvonsimaginer, dessiner l’avenir que dansce qui bouge et ce qui se bousculedéjà. Dans le mouvement de la vie.C’est pourquoi ce projet a besoin pour

s’écrire des ouvriers, des salariés, desagriculteurs, des ingénieurs, descadres et dirigeants d’entreprises,toutes et tous confrontés aux boule-versements du travail. Nous avonsbesoin des habitants des cités, de cesnouvelles zones qu’on dit « rur-baines », dont les vies se transformentet se confrontent à des environne-

ments nouveaux. Nous avons besoindes intellectuels, des chercheurs, desartistes et acteurs de la culture, pouranticiper les évolutions de la société,imaginer l’avenir. C’est pourquoi ceprojet ne peut être qu’un projet derassemblement.

À partir de janvier, je vais faire le tourde la France pour aller à la rencontrede tous ces acteurs. Je veux écouter,entendre ce qui se dit, ce qui se pensedans les territoires, comment l’ave-nir s’y dessine. Je veux écouter etentendre mais pas seulement. Je veuxaider à des rencontres, contribuer àmettre du monde autour de tablesrondes, à bâtir des ruches où l’on separle, où on travaille, où on élabore,où l’on se confronte pour anticiperce que sera le monde.

Je lance, un appel à tous ; aux citoyenset citoyennes, au Front de gauche, aux

forces de la gauche politique, aux éco-logistes. Nous savons ce qui s’an-nonce, l’échec historique programmédu pouvoir socialiste, la victoire pos-sible de la droite, du Front national.Ce scénario peut être mis en échec.Nous disons écarter tous les petits cal-culs et nous consacrer à une seulechose : sortir de l’ornière en inven-tant un nouveau mode de dévelop-pement pour la France. Et c’est

urgent. Aux syndicalistes, aux mili-tantes et militants du mouvementsocial, aux féministes, aux citoyens etsalariés, je veux dire que nous avonsbesoin de leur expertise, de leur pra-tique du quotidien, de leurs idées etconceptions, pour dans le respect dece que nous sommes les uns, les uneset les autres, travailler à ouvrir une

perspective alternative de justice,d’égalité et de solidarité. Aux cher-cheurs, aux artistes, aux créateurs, jeveux dire que nous avons besoind’eux, de leurs capacités d’analyse etd’anticipation, de leurs sensibilitéspour inventer un autre monde quecelui de la barbarie que nous prometle système capitaliste. Que nous vou-lons renouer des rapports neufs entrele monde politique et celui de la créa-tion, des rapports débarrassés despratiques politiciennes et de la sou-mission aux impératifs de l’utilitéimmédiate et des « coups de com ».Aux communistes, aux militants etélus, je veux dire que nous avons unegrande responsabilité. Je les appelleà mettre en œuvre ce que nous avonsdécidé ensemble, à travailler à ce ras-semblement, à relancer partout leFront de gauche qui donne de ladynamique à notre engagement, jeleur demande de se tourner partout

vers les autres, avec audace, avecconviction, avec ambition et modes-tie, avec générosité pour construirecette union pour une alternative àl’austérité.Oui, au peuple de France, je lance unappel, vous connaissez tous le dicton,à l’impossible nul n’est tenu,aujourd’hui je vous le dis à tousrêvons ensemble car nous sommestenus à l’impossible. n

« Nous nous mettons au travail pour construire une alternative,

nous avons besoin de la réflexion et de l’engagement de toutes les forces dela gauche, des syndicalistes, des militantsassociatifs, des citoyennes et citoyens. »

« Nous serons, s’il le faut, la “force tranquille” qui ne renoncera jamais

à ouvrir le chemin d’une alternativegagnante. avec le Front de gauche. »

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bernard friot* réagit au dossier « la fabrique de l’assistanat » paru dans La Revue du Projet n° 39 en septembre 2014

Je suis d’accord avec la thèse qui court au long des contribu-tions : la mise en cause des prétendus « assistés » de la sécuritésociale est populaire parce que des prestations sociales com-munes ont été progressivement réduites au bénéfice de pres-tations centrées sur des publics cibles (par ex. la mise souscondition de ressources d’une partie des allocations familiales),ce qui nourrit le ressentiment de ceux qui dépassent à peineles seuils d’éligibilité. contre cette dérive, il faut réaffirmer l’uni-versalité des prestations sociales et des services publics com-muns : oui, l’universalité est au cœur d’une sécurité socialeémancipatrice. c’est pourquoi je suis stupéfait que depuis trenteans notre parti et la cGt aient fait de la modulation des cotisa-tions sociales (une proposition qui revient dans au moins deuxcontributions du dossier) le cœur de leur proposition de réformede son financement. cette proposition de type pollueur-payeurest dangereuse : l’unicité du taux de cotisation est aussi déci-sive à l’universalité de l’institution que l’unicité des droits auxprestations. quand se seront multipliés les taux de cotisation,le jeu des capitaux dominants sur les différences de taux vien-dra doubler leur jeu sur les différences de conventions collec-tives, et alors bonjour les dégâts multipliés de la sous-traitance !si cette revendication l’emportait, c’en serait fini et des collec-tifs de travail et de la sécurité sociale.

Prestations contributives et non contributivescela dit, le dossier ne dit rien sur ce qui a été jusqu’ici le vecteurdécisif de la mise en cause de l’universalité, à savoir la distinc-tion entre prestations contributives et non contributives.contrairement à ce qui est écrit à plusieurs reprises, la réformen’a pas d’abord comme objet la réduction de la protection socialeà la lutte contre la pauvreté. son objet premier est l’augmenta-tion de la contributivité des prestations : qu’on pense au « j’aicotisé, j’ai droit » sur lequel repose la réforme des pensions oudu chômage, et à la multiplication des comptes individuels géné-rateurs de droits proportionnels aux points ou aux jours accu-mulés. c’est cette contributivité accrue qui appelle en contre-partie des « prestations non contributives » réservées à desgroupes définis par leur difficulté à accumuler des droits contri-butifs. les mêmes droits pour tous sont remplacés par deuxtypes de droits s’adressant à deux populations distinctes : ceuxqui sont censés tirer leur épingle du jeu sur le marché du travailgrâce à la « sécurisation des parcours professionnels » construiteani après ani par le meDeF et la cFDt, et les victimes du mar-ché du travail. en faisant dépendre les droits sociaux de la « contri-butivité », c’est-à-dire de la présence sur le marché du travail,les réformateurs font des prestations sociales soit une pré-voyance en répartition (le « salaire différé »), soit une lutte contrela pauvreté de victimes toujours suspectes de passivitéle marché du travailénoncer ainsi l’enjeu de la réforme est très différent de dire,comme on peut le lire dans le dossier, que fondée en 1945 sur lepari de la généralisation de l’emploi stable pourvoyeur de cotisa-tions suffisantes, « la maîtrise socialisée du marché de l’emploi »au cœur de la sécurité sociale se serait depuis trente ans heur-tée aux politiques de dérégulation du marché du travail et d’ac-tivation des dépenses qui, en conditionnant les prestations àl’emploi à tout prix (cf. rsa activité), fragilisent l’emploi stable etcorrectement payé tout en marchandisant le service de l’emploi,dérive qu’il faudrait contrer par « une véritable sécurisation del’emploi et de la formation ». quand elle a été à l’offensive desannées 40 aux années 60, la classe ouvrière n’a pas cherché àmaîtriser le marché du travail mais à le supprimer. le marché dutravail est une institution centrale du capitalisme qui découle dela propriété lucrative des instruments de production, et il n’estpas plus amendable que cette dernière. le statut de la fonctionpublique, celui des salariés des entreprises publiques, ces grandes

institutions liées aux noms de maurice thorez et de marcel Paul,suppriment le marché du travail, radicalement dans la fonctionpublique d’état, qui repose sur le salaire à vie de salariés dont laqualification, et donc le salaire, est attachée à la personne par legrade. il n’y a pas de bon marché du travail, par plus qu’il n’y a debon emploi, si on désigne rigoureusement par ce terme l’attribu-tion de la qualification (et donc du salaire) au poste de travail ouau parcours professionnel mais jamais à la personne même dusalarié ; et la « sécurité emploi-formation » a bien du mal de sedistinguer de la sécurisation des parcours professionnels. le seulprojet à la hauteur de 1945 est la suppression conjointe de l’em-ploi et de la propriété lucrative et leur remplacement par le salaireà vie pour tous et par la copropriété d’usage de tous les outils detravail par les seuls salariés ou travailleurs indépendants.si ce projet d’honorer 1945 en le poussant plus loin n’est pas uneutopie, c’est parce que la sécurité sociale, contrairement à ce quiest énoncé dans plusieurs contributions et implicite dans la plu-part, n’est pas la couverture de besoins, assurée grâce à la soli-darité de ceux qui ont un emploi par la socialisation de la richessecréée dans les entreprises, qui bénéficient ainsi d’une main-d’œu-vre mieux reproduite. Pas plus que le salaire direct n’est du « pou-voir d’achat » (il a été conquis comme la reconnaissance d’unequalification, précisément contre le « prix de la force de travail »qui couvre les besoins de sa reproduction), la cotisation n’est pasla couverture de besoins de reproduction élargie de la force detravail, ni une ponction sur la valeur produite par des actifs soli-daires d’inactifs. ou alors il faut démontrer que les parents édu-quent des forces de travail, que le système de santé, qui se consa-cre en majorité à la dernière année de vie, reproduit des forcesde travail, que l’espoir de vingt ans de retraite est nécessaire à laprésence sur le marché du travail. Plus encore, il faut démontrerque la classe ouvrière n’a jamais été révolutionnaire, qu’elle a toutjuste réussi à changer la répartition de la valeur mais pas du toutsa production, que les capitalistes ont raison quand ils disent quene produisent de valeur que ceux qui vont sur le marché du tra-vail pour mettre en valeur du capital, et que ceux qui n’ont pasd’emploi ne peuvent vivre que de la solidarité de ces actifs.un salaire à vieÀ côté du statut de la fonction publique, la cotisation sociale ins-taure en 1945 – et ici c’est ambroise croizat qu’il faut nommer –non pas un autre partage mais une autre production de la valeuréconomique. tout comme les fonctionnaires produisent la valeuréconomique correspondant à l’impôt qui les paie, la cotisationest un salaire qui reconnaît une production de valeur par ceuxqu’elle paie : en 1945 les parents, puis les soignants, et, depuis lesannées 1970, les retraités et les chômeurs. c’est le tiers du Pib quiest produit aujourd’hui par un travail sans employeurs ni action-naires ni dictature du temps, selon une pratique salariale antica-pitaliste. la réforme est la tentative du capital de réimposer sapratique de la production de valeur. À nous de renouer avec ladynamique révolutionnaire en généralisant à toute la productionune pratique salariale déjà bien implantée et combattue sansmerci : copropriété d’usage de tous les outils de travail, salaire àvie pour tous de 18 ans à la mort (par exemple dans une four-chette 1 500-6 000 euros nets mensuels), mesure de la valeurpar la qualification du producteur, subventionnement de l’inves-tissement par une cotisation économique et une création moné-taire sans crédit, démocratie sociale dans toutes les institutionsde la valeur sur le modèle de la gestion du régime général de lasécurité sociale par des salariés élus élisant les directions descaisses entre 1947 et 1960.

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*Bernard Friot est sociologue. Il est professeur émérite àl’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense.

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ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LÉO PURGUETTE

le grand entretien

le pari d’une alternativegagnanteisabelle de almeida, présidente du conseil national du pcF et responsableadjointe du comité du projet, fait le point pour La Revue du projet sur le travailde la conférence nationale des 8 et 9 novembre.

uel message politique lePcf a-t-il envoyé avec saconférence nationale ?Un message d’engagementdes communistes, dans leurunité et leur détermination,

à construire une alternative de gauchedans notre pays. et construire, cela veutdire prendre des initiatives politiquespour combattre les politiques d’austé-rité maintenant, les stopper et rendremajoritaire un nouveau projet, un projetde gauche pour la France. sans atten-dre 2017 car les dégâts vont être énormessi on laisse se dérouler la politiquehollande-Valls inspirée du meDeF : socia-lement, économiquement et du pointde vue environnemental. ce n’est pas

ce gouvernement qui en sera capablecar il ne souhaite pas une politique dejustice sociale, de lutte contre les inéga-lités et de relance sociale. Face auxurgences et au temps qui nous estimparti, si on refuse le scénario catas-trophe annoncé  : une droite et uneextrême droite en quête de victoire pour2017 sur fond de défaite du pouvoirsocialiste, alors il faut passer à l’action.nous voulons construire ce qui pour lemoment est appelé des vœux de beau-coup dans le camp de la gauche – des

forces, des groupes, des personnalités…–mais qui ne converge pas encore. c’estcette absence de perspective quiempêche de redonner espoir au peuplede gauche pour qu’il se mobilise.les communistes, comme le montrentles initiatives prises çà et là, ont déjàengagé ce travail de dialogue, de propo-sitions, de batailles concrètes avec lavolonté de rassembler ceux et celles quiveulent sortir notre pays de l’ornière libé-rale.ce fut aussi un message de combat descommunistes pour modifier les rapportsdans le monde, engager un nouvel ordreinternational fondé sur le droit, libéré desdominations dont celles du capitalismefinanciarisé et de grandes puissances,

des logiques d’affrontement pourconstruire un monde de paix, de solida-rité et de développement partagé.le message, c’est aussi l’appel publicque Pierre laurent, secrétaire national,a lancé au pays pour dire qu’il est possi-ble de changer de politique, de releverle pays et que les communistes sont dis-ponibles pour construire cette alterna-tive de gauche maintenant, avec le Frontde gauche. nous voulons engager la miseen construction d’assises citoyennes.Un appel pressant pour travailler à une

nouvelle majorité de gauche, un nou-veau contrat politique à mettre en œuvrepar un nouveau gouvernement. et plu-sieurs grands axes ont été développés :reprendre le pouvoir sur la finance(banques, nationalisations), redonnerdu souffle à notre république sans divi-ser ni exclure mais au contraire fairesociété avec tous, engager un plan derelance sociale avec la hausse dessalaires et le développement de la pro-tection sociale et celui des servicespublics. il faut agir maintenant, personnene peut rester spectateur ou dans le flou.et plusieurs propositions d’initiatives surla durée ont été annoncées pour per-mettre de rassembler sur des bataillespolitiques et la construction d’un projetde gauche.Premièrement, engager la bataille contrel’austérité au long cours, le 15 novembreétant une étape qui en appelle d’autresavec le collectif 3a, la nationalisation desautoroutes, la transparence sur le cré-dit d’impôt compétitivité emploi (cice)et l’interpellation des pouvoirs publicset des entreprises sur son utilisation...Deuxièmement, se donner avec le Frontde gauche une nouvelle étape de ras-semblement pour l’alternative de gaucheavec la construction d’assises citoyennespour la transformation sociale.troisièmement, un appel à engager unebataille contre l’austérité à l’échelon euro-péen et à construire avec les forcessociales et progressistes un forum euro-péen pour des alternatives.

que retenez-vous des échanges dusamedi sur la situation politique ?il y a une lucidité chez les communistesà propos de la situation du pays, de lasituation politique et les dégâts que lespolitiques de sarkozy et de hollande ont

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« Les communistes, comme le montrentles initiatives prises çà et là, ont déjà engagé

ce travail de dialogue, de propositions, debatailles concrètes avec la volonté de

rassembler ceux et celles qui veulent sortirnotre pays de l’ornière libérale. »

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créés dans les têtes avec les discoursde division, de rejet, de défiance des poli-tiques. lucidité à propos des défis à rele-ver et donc des responsabilités qui sontles nôtres comme force politique dansce moment-là. et il y a donc aussi une

inquiétude : « est-ce qu’on peut être àla hauteur, est-ce qu’on va y arriver ? »car nous avons conscience que le tempspresse, qu’il y a urgence pour l’avenir denotre pays à construire une alternativede gauche. il y a urgence aussi à garan-tir l’avenir du mouvement progressistepermettant les transformations sociales.il y a une unité des communistes qui peutpermettre d’être à l’offensive, d’être uneforce actrice dans le mouvement poli-tique et social. c’est un point à soulignercar c’est un élément pour donnerconfiance à ceux et celles qui, à gauche,refusent les choix libéraux de ce gouver-nement et qui s’inquiètent du devenirdu pays comme du devenir de la gauche.

qu’est-ce qui fait débat et qu’est-cequi fait accord chez les commu-nistes ?ce qui fait accord, c’est la qualificationde l’action du gouvernement hollande-Valls et la volonté de ne pas rester com-mentateurs de la situation politique au

gré de l’actualité. accord aussi sur la miseen œuvre des décisions prises lors denos derniers conseils nationaux : pren-dre des initiatives politiques permettantd’enrayer les politiques d’austérité enFrance et en europe. en ce sens, les inter-

ventions montrent la multitude d’initia-tives prises contre l’austérité dans tousles lieux : institutionnels, dans les entre-prises, les communes, les quartiers. ellestémoignent aussi de la créativité mili-tante avec des actions et des pratiquesde solidarité concrète…

ce qui fait débat, qu’il faut poursuivre enconfrontant les expériences, c’est  :qu’est-ce qui peut faire convergence etrassembler pour arracher des victoiresdans la période ? et donc, où mettons-nous le curseur sur les ruptures à opé-rer ? il y a aussi le débat autour de ce quipeut faire mouvement. le rejet des poli-

tiques d’austérité ou le rejet des poli-tiques libérales comme si l’une n’allaitpas avec l’autre, mais il faut poursuivrel’échange. cela rejoint le débat sur le pro-cessus pour transformer la société.et il y a aussi le débat sur les contours durassemblement  : rassembler lescitoyennes et citoyens et faire fi desforces organisées, avoir à choisir entreplusieurs acteurs à gauche : d’un côté leFront de gauche et de l’autre, les socia-listes, les écologistes et autres forces endésaccord avec le gouvernement.

le Pcf fait le pari d’une « alternativegagnante » sans attendre, avec tousceux qui refusent l’austérité. surquels grands axes comptez-vousbâtir une nouvelle majorité ?c’est un pari audacieux mais à partir dumoment où, après la politique mise enœuvre par sarkozy et la droite, celle dugouvernement Valls est en échec et

minoritaire dans le pays, il peut y avoirune nouvelle majorité politique qui porteun nouveau projet de gauche. nouvellemajorité portant sur les valeurs degauche, d’idées et de propositions deréformes. Privatisations ou nouvel essordes services publics  ? Partage desrichesses ou accaparement par une

« un appel pressant pour travailler à une nouvelle majorité de gauche,

un nouveau contrat politique à mettre enœuvre par un nouveau gouvernement. »

« il y a une unité des communistes qui peut permettre d’être à l’offensive,

d’être une force actrice dans le mouvement politique et social. »

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minorité de riches ? Justice sociale etfiscale ou accroissement des inégalitéset de la pauvreté  ? le pouvoir auxbanques et décideurs privés ou le pou-voir aux citoyens, aux salariés et à leurs

représentants ? Faire société avec tousou poursuivre la fragmentation de lasociété qui ne profite qu’à l’extrêmedroite et aux forces du capital ?et l’on voit bien que sur beaucoup de seschoix, nous sommes majoritaires, et qu’ilfaut donc engager tous ceux et cellesqui refusent ces politiques d’austérité àse mettre en mouvement pourconstruire des propositions concrèteset en rupture avec la domination desmarchés financiers. car cela veut direaussi être en capacité de produire deslieux de résistance et des lieux où on pra-tique de nouvelles formes d’expressioncitoyenne et de solidarité. la questionde l’unité des exploités et des dominésreste un véritable défi à relever.

les élections départementales peu-vent-elles permettre de passer auxtravaux pratiques ?

ce sera et c’est déjà un moment qui vacompter, puisque tout le pays estconcerné par cette élection qui prenddonc un caractère national. les com-munistes en débattent et y voient uneétape pour construire l’alternative degauche.il ne s’agit pas pour nous de laisser fairela droite et l’extrême droite qui sont dansla conquête ou la reconquête de pou-voirs dans les départements. il ne s’agitpas non plus pour nous de laisser auxforces du capital la prise de pouvoir surles départements. car, avec la cure d’aus-

térité que le gouvernement impose auxcollectivités et avec la réforme territo-riale proposée par le gouvernement, avecen ligne de mire la disparition des dépar-tements, c’est le risque de privatisationdes services publics locaux ou ceux assu-rés par les associations.il y a donc, avec ces élections, une grandebataille à mener dans tout le pays, dansles cantons et départements entre ceuxqui veulent l’austérité locale et la loi dumarché et ceux qui veulent des servicespublics et la satisfaction des besoins deshabitants. entre ceux qui, pour cela, veu-lent brader la démocratie locale et ceuxqui au contraire veulent la développerpour être à l’écoute et faire participer,dans la proximité, les citoyens à la poli-tique locale.c’est avec cette ambition que nous lan-çons un appel aux citoyennes et citoyens,aux forces qui se reconnaissent dansces principes, à porter partout des can-didatures représentatives de ceux etcelles qui luttent, qui créent, qui souf-frent, un appel à se rassembler pour despolitiques de gauche, de combat contrel’austérité dans les départements.

de quelle manière les ateliers dudimanche alimentent-ils le travaildu projet ?tout d’abord, il faut remarquer un grandintérêt des communistes pour travaillersur le projet : la participation active dansles neuf ateliers, sur neuf problématiquesparfois ardues en témoigne. on ne peutque s’en féliciter. il y a une réelle enviede mieux maîtriser les enjeux, les défiset les réponses à apporter sur de grandes

questions : une nouvelle ère de la démo-cratie, un nouveau modèle de dévelop-pement humain durable, une mondiali-sation transformée.il y a besoin de connaissance et d’appro-priation des travaux, des propositionsque les secteurs, les commissions duPcF travaillent et qui ont besoin de plusirriguer l’ensemble des militants. non pasd’une manière verticale mais pour asso-cier les communistes à l’élaboration desréponses, au travail commun. il y a unerichesse d’expertises de terrain, de com-pétences professionnelles et/ou mili-

tantes, d’expériences diverses que nousdevons mieux mettre en commun pourmener les batailles d’idées, les bataillespolitiques dont notre pays, le mouve-ment progressiste en France, en europeet dans le monde, ont besoin. c’est pour-quoi, nous devons élargir le réseau descommunistes qui peuvent participer auxdifférents secteurs et commissions. Unappel a été lancé à la participationdimanche, il a déjà reçu un écho positifet nous allons le renouveler.il y a une envie de poursuivre et unedemande de mieux articuler ce travailavec les fédérations, les sections. le tra-vail avec les conventions est un levier, etla décision de tenir une convention surle projet en 2016 va nous pousser à iden-tifier les questions, les problématiquesà traiter avec une cohérence permet-tant d’identifier, de faire identifier cequ’est notre projet d’émancipationhumaine, notre projet de communismede nouvelle génération.il s’agira à partir des travaux, introduc-tion et synthèses des ateliers de donnerune cohérence à quelques axes de chan-gement que pourrait porter un projet degauche. le comité du projet va y travail-ler ainsi que la direction nationale.

lorsque Pierre laurent, dans sondiscours de clôture, estime que leprojet communiste en constructionn’est pas un projet pour le Particommuniste, qu’entend-il par là ?ce qu’il veut dire, c’est que notre projetd’un communisme de nouvelle généra-tion est un projet d’ambition pour le déve-loppement humain durable, et qu’il seconstruit avec tous ceux et celles quiveulent porter cette envie de coopéra-tion, de partage et d’émancipation. il y ales communistes et il y a bien d’autrespersonnes qui veulent travailler avecnous car, comme je le disais, nos convic-tions et notre engagement pour l’inté-rêt général donnent confiance. nouspouvons encore aller plus loin pour queceux et celles qui se sentent en mal degauche et de construction alternativese sentent à l’aise avec les commu-nistes. n

« il y a donc, avec ces élections, une grande bataille à mener dans tous

le pays, dans les cantons et départementsentre ceux qui veulent l’austérité locale et la

loi du marché et ceux qui veulent desservices publics et la satisfaction des

besoins des habitants. »

« La question del’unité des exploités

et des dominésreste un véritable

défi à relever. »

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Devant les risques d’une conflagration en Europe, l’ur-gence absolue d’une solution politiqueLa paix en Europe est gravement menacée par le conflitukrainien. « Un scénario de guerre totale » entre lesautorités de Kiev et les républiques autoproclamées duDonbass n’est plus à exclure.Ce qui est à la base de la situation de tension extrêmeque vit l’Europe orientale c’est le bras de fer mortifèreavec la Russie auquel se livrent les grandes puissancesdu fait, principalement, de la volonté des États-Unis etde leur bras armé, l’OTAN (une organisation héritée dela Guerre froide qui n’a plus sa place au XXI° siècle) demarquer leur puissance.Les répercussions de ce conflit régional n’en sont pasmoins globales pour l’Europe et le reste du monde. Entémoignent les tensions au dernier sommet du G20 deBrisbane avec de nouvelles menaces de sanctions contreMoscou et la volonté d’isoler la Russie.Le nationalisme exacerbé monte de toutes parts.L’économie de l’Ukraine est en faillite. La Russie etl’UE paient les lourdes conséquences des sanctionssans rien résoudre de la crise actuelle. On rajoute lacrise à la crise : économique, énergétique, sociale,humanitaire.La partition de l’Ukraine gagne du terrain. Les condi-tions dans lesquelles se sont déroulées les élections du26 octobre, où la très grande partie des habitants del’est et du sud du pays n’a pu s’exprimer alors que dansle même temps étaient commises de graves atteintesaux droits d’expression, touchant particulièrement leparti communiste d’Ukraine, ont renforcé les forcesultranationalistes au parlement, prêtes à en découdreavec le Donbass. Le scrutin dans l’Est, le 2 novembre,a été rejeté par Kiev comme par les « Occidentaux »,poussant encore plus ce pays vers une impasse.Depuis des mois, les conditions d’un cessez-le-feu,accepté par l’ensemble des parties, le 5 septembre àMinsk sous l’égide de la Russie et de l’OSCE, n’ont pasété respectées plongeant le pays dans la guerre civile.La décision du président ukrainien Petro Porochenko,

soutenu par les oligarques, de couper les vivres à lapopulation de l’est et d’avertir, par avance, le Conseilde l’Europe de « la suspension des droits de l’hommedans la zone de conflit » (!), ne peut que raviver lestensions et les souffrances d’une population grave-ment éprouvée par des mois de conflit qui ont fait4000 morts, des milliers de blessés, des centaines demilliers de déplacés.Ce diktat brutal de Kiev est odieuxet inacceptable.Devant les risques d’un véritable embrasement enUkraine, les forces de paix ne peuvent regarder en silencece drame qui se joue en Europe même. Elles doiventagir au plus vite pour appeler à l’arrêt des combats etpour une solution négociée.Le PCF appelle dans l’immédiat la France à s’investirpleinement au sein de l’UE pour une médiation diplo-matique avec les « séparatistes » de l’Est et le pouvoircentral de Kiev, et avec la Russie.

le Pcf ProPose :1/ la création d’une force d’interposition formée par

l’OSCE (dont la Russie est membre) qui seraitdéployée dans le Donbass principalement dans lazone de Donetsk et Lougansk pour geler les com-bats et établir une ligne de cessez-le-feu suite auxaccords de Minsk ;

2/le retour à une négociation à Minsk entre les partiesen conflit sous l’égide de la Russie et de l’OSCE ;

3/le déploiement d’une aide humanitaire d’urgence viale CICR ;

4/dans le plus long terme, une réunion d’une confé-rence internationale en 2015 pour relancer un pro-cessus de partenariat de paix, de sécurité et de coo-pération communes en Europe via l’OSCE, en formed’Helsinki II, 40 ans après les premiers accordsd’Helsinki. Un processus qui permette d’avancernotamment vers un moratoire du déploiement del’OTAN dans la région et l’interdiction des armesnucléaires tactiques en Europe.

SECTEUR INTERNATIONAL

L’accord entre les deux principaux pollueurs au monde(43 % des émissions de gaz à effet de serre[GES])témoigne d’un début de prise en compte de l’urgenceclimatique à la veille des conférences de Lima endécembre et de Paris fin 2015. Toutefois, une lectureprécise de l’accord montre d’assez sérieux malenten-dus. En effet, alors que 2013 a atteint un nouveau recordd’émissions de CO2, l’annonce d’engagementsconjoints États-Unis/Chine témoigne surtout de lapression de l’opinion publique en se donnant des satis-fecit réciproques.Ainsi, pour surmonter l’opposition du Congrès, BarackObama annonce des chiffres de réduction des GES enréférence à l’année 2005 alors que la référence interna-tionale est 1990. Dans ces conditions l’engagement réel

des États-Unis par rapport à Kyoto n’est que de 3 %.L’ampleur de l’annonce de ce jour tend à se dégonfler.Quant à la Chine, elle s’engage à atteindre son pic depollution au plus tard en 2030, ce qui revient à dire qu’iln’y aura pas de baisse. Relevons tout de même qu’unAméricain produit 16 tonnes de CO2 par an contre 7tonnes pour un Chinois et 5,3 pour un Français.Les négociations pour un accord transparent, contrai-gnant mais différencié, selon le niveau de développe-ment de chaque pays, doivent donc s’amplifier pourpréserver la planète et l’humanité. Les pays riches etindustrialisés dont les États-Unis doivent s’engager surdes efforts beaucoup plus consistants que leur permetla maîtrise des technologies et des brevets associés.

SECTEUR ÉCOLOGIE

BRÈVES DE SECTEUR

Ukraine : « pour une médiation diplomatique avec les “séparatistes” de l’Est »

Accord Climat Chine/États-Unis : « un début de prise en compte de l’urgence climatique »

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u beau milieu de l’été der-nier, le cercle des écono-mistes tenait ses 14e rencon-tres à aix-en-Provence, enprésence de michel sapin.au menu, les mécanismes

d’investissement où il fut beaucoupquestion de dispositifs français inadap-tés. quelques heures plus tard, ouvrantla conférence sociale, à Paris, Françoishollande annonçait pour l’automne desassises de l’investissement « pour adap-ter nos dispositifs ». hasard du calen-drier, sans doute…le « cercle des économistes », qui siègeau 104, rue du Faubourg saint-honoré,à quelques foulées de l’élysée, a été crééau tout début des années 2000. il exis-tait déjà sur le marché nombre de cer-cles et autres clubs où se croisaient idéo-logues, possédants et gens de média,dont la fonction était de renforcer laconnivence de la caste dominante, saperpétuelle réadaptation. ici, il s’agissaitd’autre chose, d’un projet pédagogique,propagandiste, d’un formatage idéolo-gique. la fin des années quatre-vingt-dix est une période où la critique antili-bérale montait fort, dans la suite des

la tyrannie des expertsils forment la nouvelle nomenklatura néolibérale qui a largement contribué,ces dernières années, à consolider le pouvoir des classes dominantes. ilscumulent les postes universitaires, squattent les média, ne boudent pas lesconseils d’administration et hantent les cabinets ministériels. plongée danscette caste des zélotes du tout-marché avec le « cercle des économistes ».

mouvements sociaux de 1995. Face àcette nouvelle contestation, le projet ducercle est de relancer la vulgate libérale,la rendre « accessible au plus grand nom-bre » comme dit la page de présentationde son site sur le Web. autrement dit,pas question pour ces économistes derester dans leur tour d’ivoire, le cercleserait militant ou ne serait pas.

l’organisation regroupe une trentained’économistes (liste jointe) ; elle est pré-sidée par Jean-hervé lorenzi. les pre-mières lignes de sa biographie, publique,stipulent  : «  titulaire de la chairetransition démographique, transitionéconomique, de la Fondation du risque ;président du pôle de compétitivité, definance et innovation ; conseiller du direc-

toire de la compagnie financièreedmond-de-rotschild ». ajoutons qu’ilest aussi administrateur d’euler hermès,du crédit foncier, de bnP Paribas cardif,président de l’observatoire des délaisde paiements, membre du conseil de larevue Risque, de l’institut montparnasse(mGen), du comité scientifique du Grandclermont. et ne parlons pas des fonc-tions antérieures, une petite dizaine detitres. lorenzi est à l’image des mem-bres du cercle : on aime cumuler chezces gens-là.

des exPerts du genre triPodeon dira qu’ils sont du genre tripode, unpied dans la machine capitaliste, un autredans la formation universitaire (et ses à-côtés médiatiques), un dernier dans lehaut appareil d’état. autrement dit, ongère, on profite, on endoctrine.Dans l’appareil d’état, on les trouve à ladirection du trésor (claire Waysand), auconseil d’analyse économique auprèsdu premier ministre (Pierre cahuc, lionelFontagné, alain trannoy) ; au conseild’orientation des retraites (Jean-michelcharpin), au conseil économique dudéveloppement durable (Pierre Jacquet),au conseil d’orientation pour l’emploi debercy (hélène rey, Jean-Paul betbèze),bref à des postes clés. le plus bel exem-

ple est celui de laurence boone, mana-ging director et chef europe de la banqueaméricaine merril lynch, nommé au prin-temps dernier, cela fit un tout petit peude bruit, la conseillère économique del’élysée. ces gens ont aussi leurs entréesen europe, bien sûr, comme benoîtcoeuré, au directoire de la banque cen-trale européenne.bref, ces libéraux qui moquent l’état sonttrès introduits dans la machinerie ; ils ontl’oreille des ministres et disposent biensouvent de plus de pouvoirs qu’eux.

« restaurer la vulgate libérale et la rendre“accessible au plus grand nombre “ . »

PAR GÉRARD STREIFF

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ces compères trustent aussi des postesuniversitaires, à Paris-Dauphine notam-ment (où le cercle organise un séminaireannuel sur la finance mondiale) mais pasque : sciences Po, Paris-1, cnam, hec,ehess, Polytechnique. ils sont à berlin,à londres, à harvard, comme Philippeaghion, qui joua le rôle de grand gouroulors de l’université d’été du meDeF.certains ont la haute main sur les nomi-nations de professeurs  : andrécartapanis par exemple préside le jurydu concours d’agrégation des profs d’uni-versité en sciences économiques.marxistes s’abstenir…cette attention à la formation, cette pres-sion sur le monde de l’éducation, sur lesenseignants est forte, assez proche dece que réalise de son côté l’institut del’entreprise (meDeF). l’objectif visé, lacible prioritaire, pour un Patrick artus,par exemple (natixis), ce sont « les 12 000profs d’éco que compte le pays ».

les liens des gens du cercle avec lesmédia sont notoires. ces experts onttable ouverte dans les radios, télés, jour-naux et autres réseaux sociaux. on lesretrouve tous les jours sur radioclassique, tous les mercredis dans LesÉchos. agnès bénassy-quéré chronique

à France-culture, Pastré est à arte ; cedernier pige aussi à Fayard. bertrandJacquillat est administrateur des PUF.Une belle énergie au service de la péda-gogie libérale, qui se déploie en symbioseavec un organe de presse comme LeMonde. ce quotidien, avec le cercle, eneffet, décerne depuis 2000 le « prix dumeilleur jeune économiste », machine

à formater la nouvelle génération deséconomistes français. le lauréat 2014est un certain augustin lantier (né en1974) dont la bio sur Wikipédia frise lacaricature : fort tropisme américain (mit,chicago, new York), créateur de hedgefund et chercheur d’une perspicacitélimitée : il déclarait en 2007 que « le dan-ger d’une explosion financière, et doncle besoin de régulation, n’est pas si grandqu’on ne le pense » (lire son texte dansLes Échos du 27 juillet 2007 : « le méga-krach n’aura pas lieu » où ce futur meil-

leur jeune économiste de France 2014expliquait, dit sa bio, que « les hedgefunds comme la titrisation réduisaientfortement les mécanismes conduisantà un effondrement boursier ».)

ces gens du « cercle » n’étant pas dugenre désintéressés, on les retrouve aussidans les parages de grands groupes oude banques : rotschild (lorenzi), Kering –ex PPr de Pinault (boone), natixis, amF,total (artus), bnP-Paribas (mistral),bolloré (roux), scor – le groupe d’as-surance de Denis Kessler (trainar), etc.christian de boissieu participe à l’autoritédes marchés financiers.

leurs interventions publiques tiennentplus de la prédication que de l’analyse.et leur antienne se limite en vérité à unedizaine de couplets : démantèlement ducode du travail, coupes dans lesdépenses publiques et sociales, accé-lération des exonérations fiscales pourle capital, libérer le marché, réformerl’état, bing bang social, dédiaboliser l’en-treprise, moins taxer les plus-values,repousser l’âge de la retraite… Du clas-sique, pas de quoi décrocher le nobeld’économie avec cette litanie.

ces nantis, qui naviguent (en premièreclasse) avec la même aisance dans leseaux sarkoziennes ou hollando-vall-siennes, se comportent en apôtres d’unesociété low cost. ils font penser à cettephrase de Joseph stiglitz, prix nobel 2001d’économie, dans le mensuel (2010) : « les économistes ont fourni lecadre intellectuel utilisé par les régula-teurs financiers pour justifier leur inac-tion. la théorie économique est deve-nue un monde autosuffisant, une faussereprésentation de la réalité. » n

« objectif ? cibler les 12 000profs d’éco que

compte le pays ! »

Le cercLe deS écoNomiSteSPhilippe aghion ; yann algan ; Patrick artus ; agnès bénassy-quéré ; francoisebenhamou ; jean-Paul betbèze ; laurence boone ; anton brender ; andrécartapanis ; jean-michel charpin ; jean-marie chevalier ; hippolyte d’albis ;christian de boissieu ; Pierre-yves geoffard ; Patrice geoffron ; bertrandjacquillat ; jean-hervé lorenzi ; catherine lubochinsky ; jacques mistral ; olivierPastré ; jean Pisani-ferry ; jean-Paul Pollin ; helène rey ; dominique roux ;christian saint-etienne ; christian stoffaës ; akiko suwa-eisenmann ; davidthesmar ; Philippe trainar ; alain trannoy ; Pierre cahuc ; benoît coeuré ; lionelfontagné ; Pierre jacquet ; anne Perrot ; claire Waysand.

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eLle communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler.

nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel. les conditions de ce mouvementrésultent des prémisses actuellement existantes. » Karl marx, Friedrich engels - L’Idéologie allemande.

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es pères états-uniens du prag-matisme charles s. Peirce etWilliam James seraient heureuxde constater que les idées nou-velles et marginales qu’ils ontconçues vers la fin du xixe siè-

cle sont arrivées à faire partie du senscommun moins d’un siècle plus tard.

la valeur des idéesPragmatiques il est difficile de trouver un meilleur cri-tère de succès pour une idée que sonincorporation à l’inconscient collectif.mais quelle est la valeur des idées prag-matiques ? la popularité est une marquedu succès social, non de validité. le pointde départ du pragmatisme est philoso-phiquement technique et se trouve dansla théorie de la connaissance. aumoment de critiquer les normes carté-siennes subjectives de clarté et de dis-tinction d’une idée, Peirce proposa, entant que critère de signification d’unconcept, une procédure objective : l’ef-ficacité, les effets pratiques. la consi-dération de tous les effets pratiques d’unobjet est la conception complète de cetobjet. on se rappelle bacon : « la connais-sance, c’est du pouvoir ». si tous les effetspratiques du vin montrent que c’est duvin, il est absurde de se demander, à unmoment donné, s’il peut être le sang duchrist. mais il est évident que l’opération,manuelle ou symbolique, bien qu’indis-pensable pour préciser la significationd’un concept — en ce sens, la contribu-tion de Peirce est capitale et indéniable

l’idéologie pragmatique

—, n’épuise pas la signification étantdonné qu’avant n’importe quelle opéra-tion il faut déjà avoir une idée de ce quel’on va faire. toute opération présupposedonc une signification. concernant lavérité, pour le pragmatique, elle n’estautre chose qu’une opinion devenue sta-ble. mais aucun pragmatique n’a étécapable d’expliquer pourquoi les conjec-tures peuvent converger et se stabiliser.Par contre, le penseur réaliste expliqueque les recherches sont guidées par uneréalité répétitive et, surtout, structurel-lement stable.

Pragmatisme et idéologieen 2007, le président n. sarkozy affirmaque pour trouver les solutions au pro-blème du chômage et de la croissance,« il est inutile de réinventer le fil à cou-per le beurre. toutes ces théories éco-

nomiques… moi-même parfois je m’yperds. ce que je veux, c’est que leschoses fonctionnent. » Pouvant choisir,personne ne ferait appel à un médecininefficace. quoi de plus normal que derechercher l’efficacité. la désorienta-tion, l’erreur, c’est de considérer l’actionefficace comme une fin en soi alorsqu’elle n’est qu’un instrument, un moyendont la valeur dérive de celle de la fina-lité. Pour beaucoup de personnes l’exi-gence d’efficacité est devenue un lieucommun fédérateur, une baguettemagique qui mettrait les hommes d’ac-cord, ce qui serait impossible tant qu’on

applique des idées préconçues sur lesvaleurs.en écoutant un débat ou une déclara-tion politique en France ou ailleurs, l’ob-servateur lucide est surpris et contrariépar l’opposition systématique que lesreprésentants de la droite néolibéraledressent entre le pragmatisme qu’ilsdisent incarner, et l’idéologie attribuéeaux sympathisants de la gauche. Uneautre constante est l’éloge que les néo-libéraux font du pragmatisme en l’asso-ciant au progrès et à la modernité, tan-dis que l’idéologie (non pragmatique)appartiendrait à un passé révolu. on estétonné par l’absence de réaction face àces erreurs commises parfois par igno-rance, mais le plus souvent de façonmalintentionnée. la rectification s’im-pose. Primo, il n’y a pas d’alternative entrele pragmatisme et l’idéologie parce que

le pragmatisme est une idéologie.Secundo, tant qu’il y aura des êtreshumains, ni le monde d’aujourd’hui niaucune période future ne verra la dispa-rition de l’idéologie car celle-ci est indis-pensable à la vie humaine. Une idéolo-gie est un système d’idées, de croyances,de valeurs et de symboles adopté parune société en vertu duquel ses mem-bres expliquent, évaluent et justifientleurs actions. l’idéologie permet à lasociété d’apprécier et d’évaluer sa pro-pre position par rapport à d’autres socié-tés et finalement par rapport au mondeconsidéré comme un tout. le fait de par-

« il n’y a pas d’alternative entre lepragmatisme et l’idéologie parce que le

pragmatisme est une idéologie. »

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théorie et idéologie seraient-elles une charge inutile pour l’homme poli-tique ainsi que pour tout professionnel ?

PAR MIGUEL ESPINOZA*

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tager la même idéologie unifie et forti-fie la société, l’aide à défendre ses inté-rêts et à persévérer dans son existence.attendu que l’être humain atteint sonstatut de personne dans la mesure où ilest un être social et culturel, il s’ensuitque la personne, aussi pragmatique soit-elle, n’existe pas sans idéologie. la tâchequi s’impose n’est donc nullement l’éli-mination de l’idéologie. il s’agit de la ren-dre aussi explicite que possible en vuede l’accommoder à la critique rationnelleet en vue de distinguer, en connaissancede cause, les composants auxquels onn’est pas disposé à renoncer. bien qu’uneidéologie puisse se propager délibéré-ment, ses valeurs, et plus généralementses composants, ne sont pas tousconsciemment élaborés et adoptés. ceciexplique que toute action, qu’on le veuilleou non, est guidée idéologiquement. lepragmatique, par contre, veut faire croireque, pour lui, il n’y a pas de finalité ration-nellement préétablie pour l’action, rai-son pour laquelle ses programmes degouvernement sont assez vides et qu’ilprétend essayer de sauver les difficul-tés sans ordre hiérarchique mais seule-ment dans l’ordre chronologique d’ap-parition.

Pour le doctrinaire pragmatique contem-porain, dans les affaires humaines, lebien le plus précieux est le succès dansl’action. il existe chez lui un culte du suc-cès, sans s’arrêter à penser à sa signifi-cation, ni à ses causes profondes ni à sesconséquences à long terme. mais une

chose est estimable, a une valeur, dansla mesure où elle est utile pour satisfaireles besoins de quelqu’un. D’où cette dif-ficulté insurmontable pour le dirigeantpragmatique : comment justifier qu’ilreprésente les besoins de la plupart descitoyens gouvernés. Par exemple, le fait

qu’un gouvernant ait un intérêt particu-lier pour l’argent ne signifie pas que telsoit l’intérêt de la plupart de ses gouver-nés. Différents groupes de citoyens, avecdes valeurs différentes, ont des besoinsincompatibles. Problème pour le prag-matique : en vertu de quoi — de quelleidéologie — arbitre-t-il ? qui décide, etavec quels critères, que telle finalité est

plus souhaitable que d’autres ? quidécide, et avec quels critères, quels sontles obstacles pour atteindre telle ou tellefinalité et quelle voie de solution est pré-férable à d’autres ? Plus profondémentencore  : qu’est-ce qu’un besoin  ?comment ordonner les besoins dansune hiérarchie ? comment ne pas voirdans le critère pragmatique de vérité— «  ce qui satisfait un besoin  » (W.James) — une complaisance souventégoïste, une tendance à l’auto-indul-gence ? les pragmatiques croient naï-vement que, par une sorte de sens com-mun, l’intérêt individuel et l’intérêtcollectif sont voués à coïncider. mais l’ex-périence montre que ce n’est pas vrai.le sens commun étant historique, il esten grande partie un résidu d’idées qui

étaient, autrefois, de découvertes. c’estpourquoi toute personne réfléchie estperplexe devant la facilité avec laquelleles pragmatiques (gouvernants, mili-taires, etc.) prennent chaque jour desdécisions qui affectent la vie de tant depersonnes : que savent-ils sur les consé-

quences ? il saute aux yeux que, pourdécrire et essayer de résoudre les pro-blèmes, les théories, et, plus largement,les idéologies, sont nécessaires. mais lepragmatique croit pouvoir éviter aussiles théories : l’important « c’est que leschoses marchent ».les animaux savent, sans le compren-dre à la façon humaine, comment agir

efficacement. leur degré de conscienceest relatif selon leur espèce, ce qui neles empêche pas d’être souvent meil-leurs que nous dans leurs tâches vitalesd’alimentation et de reproduction. c’estce que l’on voit, par exemple, chez lesinsectes qui arrivent à survivre à nos ten-tatives d’extermination chimique. celadit, il ne faudrait pas non plus exagérerl’absence de compréhension chez lesanimaux car, en effet, les animaux supé-rieurs, ceux qui ont une représentationde leur environnement, ne sont pas aussipragmatiquement inconscients qu’onvoudrait parfois le faire croire. en somme, ce qui est en jeu en exami-nant le pragmatisme est la conceptionde l’être humain, l’avenir de la compré-hension et de son degré de conscience.les conséquences sont intellectuelleset morales. se présenter commemoderne et pragmatique, commequelqu’un de convaincu que la théorieet l’idéologie sont une charge inutile pourl’homme politique ainsi que pour toutprofessionnel, c’est adopter une atti-tude indigne consistant à se féliciter d’agirsans comprendre. n

« L’idéologie permet à la sociétéd’apprécier et d’évaluer sa propre position

par rapport à d’autres sociétés etfinalement par rapport au monde considéré

comme un tout. »

« Les pragmatiques croient naïvement quepar une sorte de sens commun l’intérêt

individuel et l’intérêt collectif sont voués àcoïncider. »

*Miguel Espinoza est philosophe.Il est professeur honoraire dephilosophie des sciences àl’université de Strasbourg.

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« l’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais ellejustifie l’invincible espoir. » jean jaurès

a montagne a triomphé de laGironde grâce aux sans-culottes parisiens : elle n’en-tendait pas cependant céderà leur pression. le problèmese posa pour elle, dans les

semaines qui suivirent la journée du 2 juin[1793, nDlr], de freiner le mouvementpopulaire sans pour autant encouragerune réaction favorable à la Gironde.soucieux en effet de rallier cette partiede la bourgeoisie qui dans le conflit avecles Girondins avait gardé la neutralité, lesmontagnards entendaient ménager lespossédants et les modérés. il n’entraitnullement dans leurs vues de réaliserl’ensemble du programme politique etsocial que les militants populaires ducomité insurrectionnel du 31 mai avaientmis en arrestation : arrestation desGirondins, mais aussi expulsion de laconvention de tous les appelants [ceuxdes députés qui prônaient l’appel au peu-ple dans le cadre du procès de louis xViplutôt que le jugement par l’assembléenationale, nDlr.], formation d’une arméerévolutionnaire soldée, chargée d’arrê-ter les suspects et d’assurer le ravitail-lement de Paris, application du maxi-mum des grains et extension de lataxation à toutes les denrées de pre-mière nécessité, épuration des arméeset des administrations, en particulier parla révocation des nobles… la montagnes’efforça de rassurer la bourgeoisie enrejetant la terreur, en protégeant la pro-priété et en maintenant le mouvementpopulaire dans des bornes étroites :équilibre difficile à réaliser, que ruina enjuillet l’aggravation de la crise […]. la poli-tique modérée et conciliatrice de laconvention montagnarde n’avait puempêcher l’extension de la guerre civile.

leçon d’histoire : vie etmort d’un gouvernement

Dans les départements où ils étaient enforce, les Girondins se levèrent contrela convention : la révolte fédéralistes’étendit tandis que la Vendée redoublaet que de tous côtés les frontièrescédaient sous la poussée de la coali-tion.[…]

la crise Politique en juillet 1794la crise politique, en juillet 1794, pré-sente de multiples aspects. tandis quela dictature jacobine se concentrait etse renforçait entre les mains duGouvernement révolutionnaire, sa basesociale se rétrécissait sans cesse dansParis, sa base politique dans laconvention. la division des deuxcomités de gouvernement [comité desalut public et comité de sûreté géné-rale, nDlr], la désunion dans le comitéde salut public achevèrent de nouer lacrise. Dans Paris et dans l’ensemble dupays, l’opinion se lassait de la terreur tan-dis que le mouvement populaire sedétournait du Gouvernement révolu-tionnaire.

la lassitude de la terreur était d’autantplus grande que la victoire paraissait neplus exiger de répression. la bourgeoi-sie d’affaires supportait mal le contrôlegouvernemental sur l’économie ; elleentendait qu’on en revînt au plus tôt à laliberté totale de production et d’échangeque lui a donnée la révolution de 1789.elle redoutait aussi qu’il ne fût porté

atteinte à son droit de propriété. […] lemouvement populaire, depuis le dramede germinal [il s’agit de l’exécution deshébertistes, nDlr], s’est peu à peu déta-ché du Gouvernement révolutionnaire.Durant le printemps 1794, sous le faux-semblant des manifestations de loya-lisme envers la convention et les comitésde gouvernement, on constata une irré-médiable dégénérescence de la vie poli-tique sectionnaire, une invincible désaf -fection de la sans-culotterie parisienneà l’égard du régime. « la révolution estglacée », note saint-Just. les raisons enfurent d’ordre à la fois social et politique.sur le plan politique, les assembléesgénérales de section ont été mises aupas, les élections des magistrats muni-cipaux et sectionnaires supprimées, aux-quelles les sans-culottes tenaientcomme manifestation essentielle deleurs droits politiques. Une répressionlarvée s’est poursuivie contre les mili-tants accusés d’hébertisme : mot com-mode qui permettait d’atteindre lescadres sectionnaires hostiles à la cen-tralisation jacobine et demeurés atta-

chés au système de la démocratie popu-laire. quelques tentatives d’agitationsectionnaire, vite réprimées, manifes-tèrent cependant la persistance de l’op-position populaire. en floréal, la sectionde marat relança le culte de l’ami du peu-ple ; mais le 3 prairial (22 mai 1794), lescomités de gouvernement interdirentles fêtes « partielles ». Fin messidor, ce

« Le mécontentement ouvrier éclata aumoment même où les autorités

robespierristes de la commune de parisauraient eu besoin de l’appui confiant des

masses populaires »

PAR ALBERT SOBOUL*

À l’occasion du centième anniversaire de la naissance d’albert Soboul, LaRevue du projet rend hommage à ce grand historien de la révolution, enpubliant un extrait d’un de ses ouvrages.

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fut dans la plupart des sections la cam-pagne des banquets fraternels, aussitôtdénoncés et condamnés.sur le plan social, la nouvelle orientationde la politique économique méconten-tait les consommateurs populaires. lacommune épurée, maintenant dirigéepar le robespierriste Payan, réhabilitaitle commerce : « qu’ont produit les criail-

leries sans cesse renaissantes lancéescontre les sangsues du peuple… contreles épiciers ? », demande-t-il le 9 mes-sidor (27 juin 1794). les denrées de pre-mière nécessité étaient taxées ; mais legouvernement ne les réquisitionnait pas,se contentant de fournir du pain dont ladistribution incombait aux autoritésmunicipales. en précisant que rien main-

tenant n’interdisait aux particuliers defaire venir des denrées du dehors, enordonnant l’arrestation de ceux qui entra-veraient le commerce, la commune deParis favorisa le marché clandestin etruina la taxation. elle ménageait ainsi lesproducteurs et les artisans, mais au détri-ment des couches les plus pauvres dela sans-culotterie, travailleurs et salariés

à qui elle interdisait par ailleurs touteaction revendicative. Dès floréal, la pous-sée des prix des subsistances, consé-cutive à la publication du nouveau maxi-mum et au relâchement du contrôle,suscita l’agitation ouvrière pour une aug-mentation des salaires, affectant lesdivers corps de métier. elle fut brutale-ment réprimée par la commune, en

application de la loi le chapelier. la publi-cation du maximum parisien des salaires,le 5 thermidor (23 juillet 1794), fut le cou-ronnement de cette politique restric-tive. ce tarif, en application stricte de laloi du 29 septembre 1793, imposait auxtravailleurs une baisse autoritaire par-fois considérable : un tailleur de pierredes chantiers du Panthéon qui gagnait5 livres en ventôse, ne recevait plus que3  livres 8 sols. le mécontentementouvrier éclata au moment même où lesautorités robespierristes de la communede Paris auraient eu besoin de l’appuiconfiant des masses populaires […].

robesPierre et saint-justPrisonniers de leurscontradictionsrobespierre, disciple de rousseau, maisde culture scientifique et économiquequasi nulle, avait en horreur le matéria-lisme des philosophes comme helvétius.sa conception spiritualiste de la sociétéet du monde le laissa désarmé devantles contradictions qui s’affirmèrent auprintemps 1794. s’il a su donner une jus-tification théorique du Gouvernementrévolutionnaire et de la terreur,robespierre fut incapable d’une analyseprécise des réalités économiques etsociales de son temps. sans doute, il nepouvait sous-estimer la balance desforces sociales et négliger le rôle pré-pondérant de la bourgeoisie dans la luttecontre l’aristocratie et l’ancien régime.mais robespierre, comme saint-Just,demeura prisonnier de ses contradic-tions : ils étaient l’un et l’autre tropconscients des intérêts de la bourgeoi-sie pour s’attacher totalement la sans-culotterie, mais trop attentifs aux besoinsdes sans-culottes pour trouver grâceaux yeux de la bourgeoisie.le gouvernement révolutionnaire étaitfondé sur une assise sociale forméed’éléments divers et contradictoires,donc dépourvus de conscience declasse. les Jacobins, sur qui s’appuyaientles robespierristes, ne pouvaient lui don-ner l’armature nécessaire : eux non plusne constituaient pas une classe, encoremoins un parti de classe, strictementdiscipliné, qui eût été un instrument effi-cace d’action politique. le régime de l’anii reposait sur une conception spiritua-liste des rapports sociaux et de la démo-cratie ; les conséquences lui en furentfatales. » n

« Sur le plan politique, les assembléesgénérales de section ont été mises au pas, les

élections des magistrats municipaux etsectionnaires supprimées, auxquelles les

sans-culottes tenaient comme manifestationessentielle de leurs droits politiques. »

Extraits d’Albert Soboul, LaRévolution française, Paris, Éditionssociales, 1982, reproduits avecl’aimable autorisation de l’éditeur.

*albert soboul

1914. dans le fracas des mobilisations générales sombrent les espoirsde paix et de révolutions sociales. dans les langes d’ammi moussa, enalgérie, voit le jour albert soboul qui, par la suite, va éclaircir nos connais-sances sur la révolution française. issu d’une famille modeste et pupillede la nation après le décès de son père pendant la grande guerre,albert soboul (1914-1982) entreprend pourtant de brillantes études.à l’âge de 23 ans, il publie son premier ouvrage aux éditions sociales,Saint-Just, ses idées politiques et sociales, avant d’obtenir l’année sui-vante, en 1938, l’agrégation d’histoire. albert soboul fut l’auteur d’unethèse unanimement qualifiée, en son temps, de magistrale, sur lessans-culottes parisiens de l’an ii. Pour cela, il est d’abord présentécomme l’historien de la sans-culotterie, celui qui, enfin, donna corpset vie à cette masse révolutionnaire parisienne, à ce peuple en mou-vement qui fut si décisif dans la dynamique du processus révolution-naire. mais albert soboul fut beaucoup plus encore. une bibliographiecomplète de ses travaux compterait 311 titres ! Professeur à l’univer-sité de clermont-ferrand puis détenteur de la chaire d’histoire de larévolution française en sorbonne, directeur de l’institut d’histoire dela révolution française, président de la société des études robespier-ristes et rédacteur en chef des Annales historiques de la Révolutionfrançaise, il est reconnu comme l’un des plus grands historiens de larévolution. son remarquable parcours intellectuel est indissociabled’un fort engagement politique dans les rangs du Pcf. ce positionne-ment le conduit, non pas à plaquer une théorie sur des faits, mais à seposer les questions qui permettent une analyse fine des réalités his-toriques à l’œuvre au cours de la révolution française.

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les territoires sont des produits sociaux et le processus de production se poursuit. du global au local les rapportsde l’homme à son milieu sont déterminants pour l’organisation de l’espace, murs, frontières, coopération,habiter, rapports de domination, urbanité... la compréhension des dynamiques socio-spatiales participe de laconstitution d’un savoir populaire émancipateur.

bref raPPel historiqueDepuis 46 ans, avec l’arrivée au pouvoirde saddam hussein et l’établissementde sa dictature, la population irakiennen’a connu que des conflits sanglants, tantsur le plan intérieur (répression desforces démocratiques et progressistes,gazage des Kurdes à halabja et dépor-tation vers le sud du pays, destructionsde villages entiers, massacre des chiitesdans les marais, embargo, famine, pro-voquant des centaines de milliers de vic-times) qu’extérieur (guerre irak/iran, pre-mière et deuxième guerres du Golfe avecl’invasion et l’occupation américaine, l’in-gérence des puissances régionales…).

avec la prise de contrôle de mossoul,deuxième ville d’irak située au nord dupays sur les bords du tigre, le 10 juin 2014par les forces djihadistes du Daesh « étatislamique » (ei), l’irak replonge dans labarbarie avec le massacre de dizainesde milliers de civils innocents. les chré-tiens de toutes obédiences, les Yézidis,les turkmènes, les shabaks (commu-nautés autochtones vivant en irak depuisplus de 2 000 ans), toutes les minoritésethniques et religieuses sont victimes

on ne peut isoler les évènements dramatiques que connaît actuellementl’irak de son histoire. La création d’un pays démocratique et laïque est lacondition nécessaire au développement durable de l’irak de demain.

de persécutions qui visent à les déraci-ner et à les contraindre à fuir leurs mai-sons, leurs villages pour trouver refugedans les montagnes, au Kurdistan d’irak,où ils vivent dans des conditions pré-caires et sanitaires déplorables.ainsi, selon l’onU, la violence terroristea provoqué le déplacement de plus de1,6 million d’irakiens pendant les neuf

premiers mois de 2014, et rien qu’en août,850 000 ont dû fuir leurs maisons, pro-voquant un désastre humanitaire.

constat sur la situationde l’iraKexpliquer la crise actuelle, nous ramènedix années en arrière avec l’occupationaméricaine, la destruction de l’état, desinfrastructures, la volonté des forcespolitiques chiites de se maintenir à toutprix au pouvoir, la corruption endémiqueà tous les niveaux, les luttes intestinesdes différentes factions au pouvoir quiont accentué la souffrance et la colèrede la population, d’autant que le chô-

mage a atteint un niveau inégalé, que lesservices publics ont été laissés à l’aban-don, que les niveaux de vie, de santé etd’éducation se sont détériorés, alors quedans le même temps la sécurité n’étaitpas assurée. tous ces facteurs n’ont puque constituer un terreau fertile auxforces islamistes, obscurantistes, terro-ristes, recevant le renfort des « resca-

pés baasistes » du régime dictatorial desaddam hussein et de l’étranger plon-geant l’irak dans les atrocités d’une guerrecivile au bilan particulièrement lourd, lesattentats suicides ayant tué plus de7 000 personnes en 2014 dont 3 000rien qu’en juillet et en août.Faute de politiques publiques en faveurde la reconstruction et du développe-ment faisant suite aux guerres et auxdestructions, l’économie irakienne estdevenue rentière, elle dépend quasiexclusivement des revenus du pétroleet importe l’essentiel de l’étranger poursa consommation intérieure, son sec-teur productif étant marginalisé. cette

PAR PATRICK RIBAU*

où va l’irak ?

« La spéculation, la contrebande, leblanchiment de l’argent de la corruption, les

activités parasitaires n’ont cessé de sedévelopper. »

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situation, associée à un partage ethniqueet sectaire des pouvoirs, a engendré unenouvelle classe qui s’est enrichie endétournant des sommes pharamineusesd’argent public en provenance decontrats d’état avec la complicité defonctionnaires influents et corrompus.la spéculation, la contrebande, le blan-chiment de l’argent de la corruption, lesactivités parasitaires n’ont cessé de sedévelopper. cette collusion des intérêtsentre les forces politiques au pouvoir etles secteurs parasitaires et de contre-bande engendre une économie de mar-ché totalement débridée qui privatiseet détruit tout ce qui reste du secteurpublic, mettant à mal l’immense majo-rité de la population pour le seul profitd’une poignée d’individus qui s’enrichis-sent impunément.

des solutions ?la résolution de la crise que connaîtaujourd’hui l’irak passe par le démantè-lement du système de répartition eth-nique, religieuse, sectaire du pouvoir. lechangement du président de larépublique Jalal talabani par Fouadmassoum le 24 juillet et la nomination le11 août de haïdar al-abadi, vice-prési-dent du parlement, membre de l’alliancenationale irakienne (ani) comme pre-mier ministre à la place de nouri al-maliki,titulaire du poste depuis 2006 a favo-risé la formation d’un gouvernementd’union nationale sous la pression des

forces démocratiques et de barackobama qui posa cette condition pourépauler l’irak dans sa lutte contre l’étatislamique (ei). le nouveau régime se doitd’affirmer son engagement en faveurd’une véritable démocratie tant sur leplan des institutions politiques et socialeset de mener la reconstruction de l’étatsur les mêmes bases. il se doit de res-

pecter les droits de l’homme, politique-ment, socialement, garantir l’égalité desdroits entre tous les citoyens, la justicesociale, l’indépendance et la souverai-neté nationale.la création d’un état civil, d’un paysdémocratique et laïque qui repose surle peuple dans toutes ses composantessans exclusive est la condition néces-saire au développement durable, éco-nomique, social, politique et culturel del’irak de demain. l’utilisation des res-sources naturelles, notamment le pétroledoit servir exclusivement au bien-êtreet au progrès social de toute la popula-

tion. bien évidemment, c’est au peupleirakien à décider démocratiquement deson propre destin sans ingérences despuissances étrangères qui cherchent àimposer leurs modèles impérialiste etultralibéral.s’attaquer aux racines du mal ne passepas par des interventions militaires dequelque pays que ce soit mais par la

recherche de solutions politiques, parl’ouverture d’un dialogue national etrégional. Une conférence sous l’égide del’onU à laquelle participeraient toutesles nations de la planète sans exclusive,un soutien aux forces démocratiques,permettrait de détruire ces monstresque les états-Unis et leurs alliés ont crééset de mettre fin à la guerre. n

*Patrick Ribau est géographe. Il est professeur honoraire àl’université Paris-VII-Denis-Diderotet rédacteur en chef de La Pensée.

« S’attaquer aux racines du mal, ne passe pas par des interventions militaires

de quelque pays que ce soit mais par la recherche de solutions politiques,

par l’ouverture d’un dialogue national et régional. »

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la culture scientifique est un enjeu de société. l’appropriation citoyenne de celle-ci participe de laconstruction du projet communiste. chaque mois un article éclaire une question scientifique et technique. etnous pensons avec rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » et conscience sansscience n’est souvent qu’une impasse.

abord, qu’est-ce quel’Encyclopédie diderot-d’alembert ?Dans l’édition originale debase, dite de Paris, c’est dix-sept volumes de 1 000 pages

grand format sur deux colonnes (1751-1765), plus onze volumes de planches(1762-1772), plus cinq de «  supplé -ments » (1776-1777), plus deux de tables(1780), soit trente-cinq volumes, l’équi-valent de 35 000 grandes pages. maiscette édition n’est pas la seule, il y en aeu, au xViiie siècle, sept ou huit princi-pales, qui comportent des variantesimportantes, significatives sur le planpolitique, religieux ou même scientifique.

quelle est la part des sciences ettechniques dans l’Encyclopédie ?elle est très importante et souvent dehaute qualité, notamment pour lesmathématiques et la physique parD’alembert. il y a aussi la chimie parmalouin, Venel et d’holbach, l’histoirenaturelle par Daubenton, la médecinepar aumont, Vandenesse, beaucoup« d’arts », c’est-à-dire de techniques et

les « humanitésnumériques » (2/2)

comment éditer l’Encyclopédieaujourd’hui ?

de métiers, avec des planches expli-quées, ce qui est une nouveauté, parDiderot, etc. certains de ces articles joi-gnent l’état avancé de la science del’époque à des réflexions philosophiques

profondes, comme « expérimental » ou« élémens des sciences ». le fait de liersciences et arts d’une façon qu’on qua-lifierait de dialectique est également nou-veau.

qu’est-ce qui est disponible actuel-lement en version papier ?on ne trouve dans le commerce que depetits morceaux choisis soit de textes,soit de planches. il existe bien une réim-pression en fac-similé, très grand for-mat, avec quatre pages réduites en une,effectuée il y a une trentaine d’annéeset coûtant cher, sauf quand on trouve

des volumes dépareillés dans les bro-cantes. il y a aussi un marché d’occasionà des prix inimaginables pour les collec-tionneurs d’éditions anciennes. il est bienévident que personne n’achèteraitaujourd’hui une réédition sur papier. Desversions électroniques, et surtout com-mentées, dont l’intérêt historique estmis en perspective, que l’on peut s’ap-proprier par différentes navigations, s’im-posent.

existe-t-il des versions électro-niques  ? est-ce autre chose que lanumérisation d’écrits en modeimage ou en mode texte ?oui, des éditions ont été numériséessous forme d’images, on en trouve plu-sieurs sur Gallica (la bibliothèque numé-rique de la bnF) et sur Google : ce sontjuste des photos des pages des volumes.il y a aussi des versions dites « en modetexte », c’est-à-dire transcrites sur ordi-nateur, par exemple ce qu’on appelle TheARTFL Encyclopédie Project  de l’univer-sité de chicago :https://encyclopedie.uchicago.edu/ce groupe y a ajouté un moteur derecherche pour retrouver des mots, desgroupes de mots, ainsi que des listesd’auteurs, des bibliographies, des pré-sentations, etc. issus des études entre-prises depuis quelques décennies, maistout cela n’est pas toujours fiable ni bienjustifié. il existe aussi une version « wiki-source » collaborative, où les internautespeuvent corriger eux-mêmes le texte à

Nous avons évoqué dans le n° 36 (avril 2014) les enjeux des humanitésnumériques. Les possibilités et les difficultés de ces défis numériques sontexaminées ici sur l’exemple d’une édition « intelligente » de l’Encyclopédiediderot-d’alembert.

ENTRETIEN AVEC ALAIN CERNUSCHI,ALEXANDRE GUILBAUD, MARIELECA-TSIOMIS ET IRÈNE PASSERON*

D’« ces versionsélectroniquesapparaissentstatiques. or

l’Encyclopédie estun processus vivant

s’étalant sur unsiècle. »

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partir de l’image lorsqu’il y a des erreurs :la transcription y est beaucoup plus fia-ble, mais sans commentaires ni présen-tations :http://fr.wikisource.org/wiki/l%e2%80%99encyclop%c3%a9die/1re_%c3%a9dition

tout cela n’est donc pas satisfai-sant ?tout à fait. D’abord, ces versions élec-troniques apparaissent statiques, don-nant par article un seul texte d’une seuleédition (souvent non originale), aucunevariante. or l’Encyclopédie est un pro-cessus vivant s’étalant sur un siècle. audépart, ce n’était que la traduction amé-liorée d’une encyclopédie anglaise de1728, la Cyclopaedia d’ephraïmchambers  ; de nombreux articles lareproduisent telle quelle, il faut doncdonner cette source et la comparer,montrer les coupures, les ajouts, les bou-leversements, parfois ligne à ligne ou motà mot. il existe aussi des manuscrits (maistrès peu), des travaux préparatoires, desconsignes aux auteurs, des correspon-dances, des critiques, la réception immé-diate dans les journaux, etc. tout cela ades incidences sur les contenus.rappelons que l’ouvrage est alphabé-tique et que les volumes de textes sor-tent au rythme approximatif d’un par ande 1751 à 1757, puis tous les autres en1765 après la crise et l’interdiction de1758-1759 pour motifs religieux et idéo-logiques. Un article comme« hydrodynamique » (t. Viii) peut répon-dre à l’article « Fluide » (t. Vi) ou le com-pléter. en outre, nous l’avons dit, il existed’autres éditions, éventuellement com-mencées avant que la première ne soitterminée : celles-ci peuvent censurer unarticle, y ajouter des notes, comme leséditions italiennes de lucques etlivourne. elles peuvent, commel’Encyclopédie d’Yverdon (1770-1780),chambouler totalement l’astronomie, laphysiologie ou la religion. elles peuventintégrer les Suppléments et ajouter desmodifications, comme les Encyclopédiesin-4° et in-8° de neuchâtel, lyon, Genève,berne, lausanne. tout cela sans comp-ter la refonte par ordre de matières quis’étend de 1782 à 1832 sous le nomd’Encyclopédie méthodique.

comment une édition électroniquepeut-elle rendre compte de toutcela ?D’abord, il est clair qu’une édition papier,forcément assez linéaire, se perdraitdans tout cet écheveau. lorsqu’on veutrendre compte d’un seul ouvrage de 200pages ayant existé sous deux éditionsassez voisines, et aucun manuscrit, ons’en sort à peu près : en prenant l’uned’entre elles comme « édition de base »et en signalant les variantes en notes de

bas de page et les ajouts ou retranche-ments avec des polices de caractèresdifférentes. mais dès que les deux édi-tions diffèrent par une réorganisationdes chapitres ou paragraphes, celadevient difficile. alors quand on en a unedizaine, avec des brouillons, des copiescorrigées, des extraits dans les journaux,etc., cela devient illisible. il faut donc desoutils informatiques, pour mettre enregard à l’écran les passages correspon-dants de telle et telle édition, utiliser desjeux de couleurs ou de caractères pourmontrer les différences, etc.

est-ce si simple ?non, il n’y a pas de logiciels tout faitsadaptés à une telle situation. il faut doncque des chercheurs en informatique etdes ingénieurs travaillent en relationétroite avec des spécialistes del’Encyclopédie. Dans le cas le plus sim-ple, un article correspond à un mot encapitales, suivi d’un désignant comme« Physique » ou « musique » ; suivent lecorps du texte, des renvois éparpillés,puis à la fin la signature de l’auteur, maisc’est souvent bien plus compliqué : appa-raissent des sous-entrées en petites

capitales avec des sens différents, dessignatures peuvent se chevaucher à l’in-térieur des sous-articles, ou êtreabsentes, les typographies peuvent nepas être respectées, etc. Prenons unexemple : un article comme « air » (ausingulier ou au pluriel) a une entrée prin-cipale sans désignant, puis diverses sous-entrées qualifiées de théologie,musique..., il y a des ajouts dans lesSuppléments, etc. il faut donc définirintellectuellement et de façon informa-tique ce qu’on appellera «  article  »,« entrée », « désignant », « signature »,etc. ensuite, si l’on veut donner des outilsde travail de qualité, il faudra faire demême pour les noms propres, lesouvrages cités (explicitement, avec destitres exacts ou approchés, implicite-ment, avec erreurs), les passages repro-duits. il faudra gérer les mots étrangers,y compris en grec ou en hébreu, lestableaux, les formules mathématiques,les petits dessins, les grands tableaux,les partitions de musique, les relationsavec les planches. rien de cela n’est évi-dent d’un point de vue technique.

*Alexandre Guilbaud est historiendes mathématiques. Il est maître deconférences à l’université Pierre-et-Marie-Curie.Marie Leca-Tsiomis est professeurémérite de littérature à l’universitéParis-Ouest Nanterre-La Défense.Irène Passeron est chercheuse auCNRS et coordinatrice de l’éditiondes œuvres complètes deD’Alembert.Alain Cernuschi est maîtred’enseignement et de recherches àl’université de Lausanne.

Propos recueillis par Pierre Crépel.

Peut-on expliquer en termes sim-ples les problèmes informatiques àrésoudre ?ils sont de plusieurs types : d’abord, com-ment structurer les informations, lesorganiser, les hiérarchiser et les lier entreelles pour rendre compte de l’objetEncyclopédie, de sa complexité et deson histoire. ensuite, comment faireappel à des informations extérieures,comme des recherches documentéesqui ont permis de comprendre commentles maths, la musique ou le droit étaientprésentés dans l’ouvrage. enfin, com-ment imaginer un mode d’enrichisse-ment collaboratif de ces informationspar une équipe de spécialistes, com-ment gérer techniquement le fait queces collaborateurs ne sont pas d’accordentre eux, qu’ils peuvent exprimer desbesoins non prévus au départ, etc.

Pourquoi avoir fait appel à l’écoleestienne en vue d’établir une chartegraphique ?Pour plusieurs raisons : la première estqu’il ne faut pas rester enfermé dans seshabitudes (de chercheur, en l’occur-rence), et que les jeunes graphistes sonttoujours pleins d’idées et de points devue nouveaux, qui nous obligent à recon-sidérer notre vision classique de l’édi-tion. la seconde est que l’Encyclopédieest belle et innovante et que son éditionnumérique doit l’être aussi : il faut iciencore, comme dirait Diderot, « chan-ger la façon commune de penser »... n

« L’Encyclopédieest belle et

innovante et sonédition numériquedoit l’être aussi. »

Réagissez aux articles,exposez votre point de vue.

Écrivez à [email protected]

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PAR GÉRARD STREIFFSo

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le poison Zemmour

le pamphlet d’éric Zemmour ( Le Suicide français), intellode plateau télé et polémiste fachistoïde est à la fois un boncoup de marketing (65 % des Français disent en avoir entenduparler) et un symptôme du méli-mélo idéologique où s’ins-talle une partie de l’opinion. Zemmour désigne dans son livreune série « d’ennemis de l’intérieur » (mai 68, les homos, lesimmigrés, les féministes, les étrangers…), se lamente sur la« défaite » française et le déclassement de ses citoyens.

Une enquête odoxa/Le Parisien du 26 octobre montre,selon Gaël sliman, président de l’institut, que « les Françaisn’aiment pas éric Zemmour mais il suscite la curiosité detous et séduit les sympathisants de droite et du Fn ». il estvu comme réactionnaire, agressif, misogyne et pas démo-crate.

Une majorité de Français ont donc une mauvaise opinion dubonhomme (62 %), et 56 % ne sont pas d’accord avec ses

thèses. Un Français sur deux le perçoit comme raciste et44 % l’estiment même dangereux.

en y regardant de plus près, on s’aperçoit que si certaines idéesde Zemmour font un bide – sur la féminisation de la société quiserait source de déclin —, si l’opinion ne semble pas le suivresur les vertus de la politique juive de Vichy, son ton vipérin surl’immigration ne manque pas d’adeptes, avec 50 % d’accord.en fait, sur ce sujet – comme sur presque tous les autres, l’opi-nion se partage de manière nette entre droite et gauche. ainsisur l’immigration, 73 % des sondés de droite l’approuvent, 73 %des sondés de gauche le critiquent.« il n’y a pas une zemmourisation de la société française maisune mithridatisation des idées de l’extrême droite vers la droiteparlementaire dont les sympathisants (surtout les gaullistes)semblent accepter de plus en plus facilement des thèses quiles auraient choqués il y a une dizaine d’années » note Gaëlsliman.

oui 17 %non 81 %

il affirme que le régime de Vichy a sauvé des juifs français. êtes-vous cho-qué par cette affirmation ?

non 37 %oui 62 %

il affirme que l’immigration serait l’un des facteurs majeurs expliquant cedéclin qu’il qualifie même de « suicide français ». êtes-vous d’accord aveccette affirmation ?

D’accord 50 %Pas d’accord 48 %

éric Zemmour affirme dans son livre que la féminisation de lasociété a entraîné le déclin de la france. êtes-vous d’accord aveccette affirmation ?

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PAR MICHAËL ORAND

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Dans la dernière édition de sa publication annuelle sur la situa-tion sociale de la France, France portrait social, l’insee consa-cre un chapitre à la situation des bénéficiaires des minimasociaux, qu’il s’agisse du rsa socle ou de l’allocation de solida-rité spécifique (ass), grâce à une enquête spécifique du ser-vice statistique du ministère des affaires sociales. en particu-lier, les répondants à cette enquête se voient poser la questionsuivante : « au cours des 12 derniers mois, avez-vous […] dûrenoncer ou vous priver, par manque d’argent, dans les domainessuivants » : soins et santé, alimentation, etc. ? les réponses àcette question apportent une nouvelle preuve de la dégrada-tion de la situation sociale de la France depuis la dernière crise.

ainsi, 26 % des bénéficiaires du rsa socle déclarent s’être pri-vés beaucoup dans le domaine de l’alimentation et 30 % s’êtreprivés un peu. au total, c’est donc plus de la moitié des bénéfi-

ciaires du rsa qui ont subi des privations alimentaires en 2012.cela représente une augmentation de près de 20 points depuis2003 et de 15 points par rapport à 2006. Un des effets de cesdifficultés financières est le recours relativement important parces personnes à l’aide alimentaire : c’est 15 % des foyers au rsasocle et 7 % des titulaires de l’ass.

autre domaine où les privations ont fortement augmenté depuis2003, avec des conséquences non moins importantes que l’ali-mentation : la santé. la part d’allocataires du rsa ayant dû renon-cer beaucoup à des soins de santé pour des raisons financièresa ainsi doublé, passant de un sur vingt en 2003 à un sur dix en2012. l’état de santé moyen de ces bénéficiaires s’est égale-ment sensiblement dégradé : 18 % d’entre eux se déclarent dés-ormais en mauvais ou très mauvais état de santé, contre 13 %en 2006.

un quart des bénéficiairesdu rsa subissent des privationsalimentaires

PART D’ALLOCATAIRES DU RSA SOCLE ET DE L’ASS AYANT DÉCLARÉ AU COURS DES DOUZE DERNIERS MOISUNE PRIVATION, PAR MANQUE D’ARGENT, SELON LA NATURE DE LA PRIVATION

Source : INSEE, DREES, France portrait social 2014

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lerte : apparition soudained’un phénomène média-tique à l’ampleur incontrô-lée qui provoque peurs etfantasmes irrationnels…

non, nous n’allons pas parler du virusebola mais du djihadisme. en France,selon les autorités, le nombre de Françaisimpliqués dans les filières djihadistes ensyrie et en irak est passé, depuis début2014, de 555 à 932 en cette fin septem-bre. trente-six d’entre eux ont été tués,185 combattants ont quitté le théâtredes opérations et 118 sont de retour enFrance. environ 230 personnes auraientdes velléités de départ et les chiffres necessent d’évoluer. récemment, une loiantiterroriste a été adoptée par le sénat.le projet de loi instaure une interdictionadministrative de sortie du territoire etcrée un « délit d’entreprise terroriste indi-viduelle » qui sera un nouvel outil contreceux qui se radicalisent individuellement,le plus souvent sur internet, et passentà l’action.

une Peur alimentée Par des fantasmesmichael Pritchard, le batteur du groupede punk-rock américain Green Day a ditun jour : « la peur est cette petite piècesombre où on développe ses idéesnoires ». la peur produit et imprime dansnotre inconscient des images négativesqui nous ferment les portes de la raison.ces images créées bloquent notre accèsà la clarté et à la réflexion pour laisserplace à la panique ainsi la peur du musul-man, de l’étranger et de l’islamiste s’estinsérée insidieusement grâce aux écransde télévision ressassant sans cesse lesmêmes images anxiogènes. le traite-

djihadisme :la fabrique infernalede la peur

ment médiatique partiel des djihadistestend à faire passer l’image d’une mau-vaise influence de la religion musulmane,en minorant le fait que les individus sontdes êtres violents avant tout. l’islamserait seul responsable de la dérive ter-roriste. certains imposteurs intellec-tuels, éric Zemmour en tête, vont mêmejusqu’à démontrer que les textes de l’is-lam prônent la guerre, en oubliant dereplacer les éléments du manuscrit dansle contexte de l’époque. cette répéti-tion constante de l’amalgame possèdeune force de destruction symbolique sipuissante qu’elle a poussé certainsmusulmans à se désolidariser des actesterroristes à coup de hashtags surtwitter, chose qui paraîtrait invraisem-blable pour toute autre « communauté ».car un djihadiste est un sanguinaire avantd’être un croyant religieux, la mauvaiseinterprétation de l’islam n’étant là quepour justifier idéologiquement des actesterroristes et malfaisants. le traitementmédiatique oscille trop souvent vers lesensationnalisme et l’émotionnel. ainsi,France 2 diffusait, durant la semaine du3 au 7 novembre, le témoignage d’unpère français qui a perdu son fils au dji-had. Gros plan sur son visage défait parles larmes. la médiatisation de cet évé-nement, qui reste dramatique en soi,approche le problème de manière biai-sée en faisant appel au pathos mais nerépond pas aux questions rationnellesque chacun se pose face à l’actualité.

récuPération Politique de la Peurautre conséquence de la peur distilléedans les média : la montée du phéno-mène djihadiste en France est l’occa-sion pour l’UmP et le Fn d’accréditer lathèse du « choc des civilisations » et derenforcer les dérives identitaires. entémoigne la demande plutôt invraisem-blable de deux députés UmP qui récla-

ment la création d’une commission d’en-quête sur le cas des Français partis fairele djihad et qui toucheraient encore desallocations. les aides sociales, commele revenu de solidarité active (rsa), ces-sent normalement d’être versées à toutcitoyen quittant la France plus de qua-tre mois. or, comme le rappellent les

deux parlementaires, « la caF doit prou-ver que cet allocataire a bien quitté sondomicile ». Une tâche qui serait trop com-plexe pour l’organisme, qui ne peut pas« croiser ses fichiers » avec ceux des ser-vices de renseignement, seuls à connaî-tre l’identité des djihadistes français. lesdeux députés réclament un renforce-ment des moyens de contrôle dans unedémarche volontairement provocatrice.Joint par L’Express, thierry mariani, cosi-gnataire, reconnaît que l’action est avanttout symbolique : « ce n’est évidemmentpas un problème majeur. notre actionvise surtout à illustrer la dérive des pres-tations non-contrôlées en France. lebut, c’est de dire attention aux abus ! ».cette action est révélatrice de l’hysté-rie collective au sein d’une certaine droite.autrement dit, les « djihadistes frau-deurs » servent de faire-valoir pour une

PAR SARAH CHAKRIDA

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Quotidiennement, les grands média abordent le sujet, s’emploient à forgerles opinions et n’hésitent pas à orienter les réactions du public.

« Le traitementmédiatique partiel

des djihadistes tendà faire passerl’image d’une

mauvaise influencede la religion

musulmane. »

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critique plus générale du système de dis-tribution des aides sociales. ou l’art dela récupération politique combiné au jeudes fantasmes. la peur est le produitd’une construction sociale qui induit la

fabrication d’images-types et l’inventionde nouveaux ennemis. les musulmansde France sont les premiers à pâtir desamalgames, ne serait-ce que par la recru-descence des actes qui les prennentpour cibles : +11,3 % en 2013 par rapportà la même période en 2012 selonl’observatoire national contre l’islamo-phobie. De nombreuses voix de musul-mans s’élèvent, pour refuser l’amalgame.car – faites le test – la plupart des musul-mans vous diront que la doctrine djiha-diste n’a rien à voir avec l’islam qu’ilsconnaissent.

le DJIHAD, un termecontroversé au cœur dela doctrine terroristele terme de djihad  qui revient sans cesseà la Une de l’info est à manier avec pré-caution. en arabe, il signifie « l’effort versun but déterminé ou sur soi-même pouratteindre le perfectionnement moral oureligieux. ». l’islam compterait quatretypes de djihad : « par le cœur », « par lalangue », « par la main » et « par l’épée ».Dans le Coran, mahomet annonce quele vrai combattant est celui qui se livrecombat à lui-même et qui mène la lutteintérieure, spirituelle, contre ses proprestravers. c’est cette forme du djihad quel’on nomme le Grand Djihad (spirituel).on distingue donc le Grand Djihad  duPetit Djihad  (temporel) qui inclut lesactions de prosélytisme et le conflit arméincluant aujourd’hui l’assassinat, le meur-tre et le terrorisme. hocine Kerzazi, doc-torant en histoire contemporaine mon-tre qu’en matière de proportion, le djihadarmé est une interprétation étymolo-gique opérée par les prêcheurs « djiha-distes » de manière extrêmement mino-ritaire et injustifiée au regard de ladéfinition qu’en donne le Coran. le dji-had renvoie à la psychologie islamiqueoù il est dit que les voies sont multiplespour accéder au perfectionnement. or,c’est en isolant le contexte que certainsprédicateurs de la haine l’ont interprété

comme étant une justification du « dji-had du sabre ». l’interprétation bellicistedu terme de djhad est aujourd’hui reprisepar certains courants du salafisme. lesalafisme est un mouvement sunnite qui

revendique un retour à « l’islam des ori-gines », fondé sur le Coran et la sunna(les pratiques et les lois religieuses fon-dées selon le comportement demahomet). « c’est une mouvance tota-lement éclatée qui recouvre une extrêmediversité théologique et idéologique »,explique le politologue Jean-Françoislegrain, interrogé par Le NouvelObservateur. À partir du wahhabisme,l’idéologie salafiste officielle de l’arabiesaoudite depuis 1932, trois catégoriessont progressivement apparues. les pié-tistes se désintéressent du politique, lespolitiques souhaitent défendre l’iden-tité et les intérêts musulmans dans l’étatet les révolutionnaires légitiment le

recours à la violence. c’est dans cettedernière catégorie que s’insère Daesh,groupe salafiste djihadiste. ainsi, l’islamrigoriste comporte plusieurs nuancesqui ont été interprétées différemmentau gré des évolutions historiques et géo-politiques.

le DJIHAD 2.0ce qui frappe aujourd’hui, ce sont lesnouvelles manières de recrutement audjihad. les jeunes sont enrôlés viainternet à coup de vidéos mensongèreset conspirationnistes exacerbant la hainecontre « l’occident ». les référencesaux jeux vidéo comme Call of Duty sontomniprésentes afin d’attirer un jeunepublic. souvent, les sites internet mani-pulent les jeunes filles en jouant sur lecôté humanitaire et l’aide aux popula-tions opprimées et abandonnées par lacommunauté internationale. l’emprise

marche quand une déconnexion desliens familiaux et amicaux a lieu.Progressivement, le jeune se convertità l’islam radical et est littéralementendoctriné. le basculement intervientsouvent après un élément déclencheur :décès, divorce, chômage. le djihadismeest attractif pour des individus en rup-ture de ban avec la société ou leursproches, à la recherche de nouveauxréférents identitaires, d’aventure ou endétresse psychologique. selon auréliecampana, professeure agrégée descience politique et titulaire de la chairede recherche du canada, à l’universitélaval, sur les conflits identitaires et leterrorisme à l’université laval, « les stra-tégies de communication et de recru-tement des groupes djihadistes se sontaffinées afin de toucher un public de plusen plus large. l’utilisation d’internet etsurtout des média sociaux donne unerésonance planétaire à leurs messagestout en créant une proximité virtuelleentre ces sympathisants et les groupesislamistes actifs sur les théâtres deconflit ».

lutter contre l’inconnules mesures politiques adoptées sontinefficaces et impuissantes face auxenjeux géostratégiques et politiquesposés par le terrorisme islamiste. Desactes de tels mouvements, au vu desméthodes bien particulières qu’ils

emploient, ne présentent pas les carac-téristiques d’une guerre classique. lalutte contre le djihadisme est égalementcompliquée car elle révèle les contra-dictions d’un droit pénal qui veut puniravant même que le crime, c’est-à-direl’attentat, ne se produise. l’enjeu consisteà détecter et à interpréter la menace quecette minorité d’individus représentepour la sécurité des états. la réponseest difficile car la tentation est grandede durcir des dispositions existantes.comme l’histoire récente nous l’a mon-tré aux états-Unis, après les attentatsdu World trade center, de tels réflexesconduisent le plus souvent à deuxdérives : la stigmatisation de commu-nautés entières et la création de lois d’ex-ception entravant les libertés publiquesde toute une société. n

« un djihadiste est un sanguinaire avant d’être un croyant religieux,

la mauvaise interprétation de l’islam n’étant là que pour justifier idéologiquement

des actes terroristes et malfaisants. »

« La peur est le produit d’une constructionsociale qui induit la fabrication d’images-

types et l’invention de nouveaux ennemis. »

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lire, rendre compte et critiquer, pour dialoguer avec les penseurs d’hier et d’aujourd’hui, faireconnaître leurs idées et construire, dans la confrontation avec d’autres, les analyses et le projetdes communistes.

de la /des religions…

PAR PATRICK COULON

S’il est des livres qui expriment clairement leur contenudans leur titre, celui d’Yvon Quiniou est de ceux-là. Critiquede la religion, une imposture morale, intellectuelle et poli-tique part de l’idée qu’il y a un retour inquiétant du « reli-gieux » dans l’espace public partout dans le monde. Au par-lement européen, par exemple une disposition permet auxÉglises d’être sollicitées pour la définition des lois. En France,avec la question du mariage pour tous, on a vu des prisesde position de l’Église, alors que la disposition ne retire rienau droit des chrétiens. Il dénonce un retourclairement poli-tique et réactionnaire du religieux dans le monde, y com-pris occidental, qui n’est pas seulement un recours à luicomme on a pu le soutenir. Il se traduit par une volonté desÉglises d’occuper l’espace public, de fournir la base mora-le du lien social que le libéralisme, par ailleurs, détruit.L’auteur note aussi un retour des religions réactionnairesdans les ex-pays de l’Est, sans parler des situations de bar-barie au Moyen-Orient. Pour étayer sa critique de la reli-gion, Yvon Quiniou appelle en renfort les analyses deSpinoza, Hume, Kant, Feuerbach, Marx, Nietzche et enfinFreud. L’objectif étant de penser le fait religieux comme uneproduction strictement humaine.

religion = réaction ?Un ouvrage dont la dernière phrase est « il faut inventer unenouvelle politique de la “main tendue” » a toutes les raisonsd’attirer l’attention du lecteur de La Revue du projet !C’estpour inciter les tenants de la transformation sociale à pen-ser les religions autrement que porteuses d’idéologie réac-tionnaire que Stéphane Lavignotte a écrit son court essai.Pour lui, il y a des enjeux importants pour la gauche à pen-ser la question religieuse car il ne faut pas laisser cette ques-tion diviser sa base sociale entre « eux » et « nous ». Commeil le souligne, introduite par Marx et Engels, une grille per-met de penser la réalité sociale : les classes et leurs luttesdans l’histoire. Cette approche peut être utile pour mon-trer comment les enjeux de classes traversent les conflitsou les réalités religieuses. Le monde religieux n’est pas mono-lithique. Certes – et Stéphane Lavignotte n’en disconvientpas – croisades, inquisition, guerres de religion, collusionavec les puissants… le livre noir des religions n’est plus àfaire. De nombreux chapitres illustrent comment les reli-gions ont pu être subversives. D’autres montrent les cou-rants porteurs d’aspects progressistes, à l’œuvre aujourd’huiet leurs divers engagements sociaux, féministes, écologistes.L’auteur enfin appelle les forces refusant l’ordre actuel àsavoir construire une gauche plus large, plus inclusive desmilieux populaires, des croyants (y compris musulmans),

des personnes issues du monde associatif ou du mouve-ment social avec une certaine obligation à revoir les modesde militance, de discussion, les fonctionnements trop tour-nés vers l’interne et les jeux de pouvoir…

géograPhie du catholicismeÀ partir de 51 vagues d’enquêtes cumulées dans plus de13 000 communes, le sondeur Jérôme Fourquet et le démo-graphe Hervé Le Bras mettent au jour cinquante ans d’évo-lution de l’électorat catholique quant à leur appartenanceet leur pratique religieuse. S’agissant de la Seine-Saint-Denis, on constate que la pra-tique y est bien plus forte que sa composition sociale ne lelaissait supposer. On peut y voir un cas de la stimulationqui naît de la confrontation entre différentes religions, quece soit avec le protestantisme ou avec l’islam qui ne s’arti-culent toutefois, tous deux, qu’autour de quelques pôles.Le fait religieux marquant de ces cinquante dernières annéesdemeure le déclin spectaculaire du catholicisme, qui prendplace au début des années 1960, à la veille de Vatican II. Cephénomène se traduit par une moindre fréquentation desmesses, une diminution du nombre de baptisés ou encoreune perte de la tradition de l’inhumation. D’un point devue sociologique, le profil des catholiques pratiquants pré-sente plusieurs particularités : ce sont majoritairement desfemmes et des personnes dont la catégorie socioprofes-sionnelle se situe dans les plus aisées, avec une forte repré-sentation des retraités et des agriculteurs.Il convient de relever une corrélation entre la pratique reli-gieuse et le comportement électoral : ainsi, là où la pratiqueétait forte il y a cinquante ans, le changement l’est aussi ;on assiste alors à un rapprochement plus ou moins fort deszones de tradition catholique vers la gauche. Un élémentvient cependant perturber l’équation : dans les zones où lecatholicisme était moins répandu et a moins décliné, leFront national vient capter une partie des voix de la gauche.

islam et caPitalismeOn ne peut que se réjouir de l’initiative prise par les Édi-tions Démopolis de rééditer un grand classique devenuintrouvable : Islam et Capitalisme (1966). Cela permet d’ac-céder à un texte aussi important selon la maison d’éditionque L’Éthique protestante et l’esprit du capitalismede MaxWeber. L’auteur Maxime Rodinson (1915–2004), historienet sociologue marxiste, est spécialiste de l’islam et des civi-lisations arabes. On lui doit également la publication deMahomet (1961).Du développement tardif du capitalisme au Moyen–Orientaux succès de l’Arabie saoudite ou du Qatar, quel est le rôlede l’islam dans l’évolution des rapports économiques et

on attribue à malraux le fait d’avoir pronostiqué un xxie siècle religieux/mys-tique/spirituel. il est bien trop tôt pour savoir ce qu’il adviendra. mais il estcertain qu’en cette année 2014 les ouvrages traitant du fait religieux se mul-tiplient. Florilège.

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sociaux? De l’analyse approfondie des textes sacrés à l’étudehistorique et sociologique, Maxime Rodinson nous donneà comprendre l’échec du nationalisme arabe et le relatifsuccès des Frères musulmans dans des sociétés bouscu-lées par la dynamique du capitalisme contemporain.En 1966, à la parution d’Islam et capitalisme, la dévalorisa-tion de l’islam ne jouait pas le même rôle que de nos jours,et la question de l’incompatibilité de l’islam avec la moder-nité capitaliste était envisagée par rapport à la probléma-tique du développement et de la sortie du sous-dévelop-pement dans les pays du Tiers-monde. L’islam était utilisécomme catégorie explicative pour en faire, selon les inter-venants, un inhibiteur au développement économique,une religion prônant une forme de socialisme ou, aucontraire, une religion favorable à l’expansion économiquemarchande et capitaliste.Les conclusions de l’auteur sont claires : si le Coran et lestextes relevant de la tradition post-coranique (laSunna) neprônent pas le « capitalisme » qui n’existait et ne pouvaitpas exister à l’époque, ils ne sont en rien incompatibles avecce dernier. Contrairement aux préjugés, leCorann’est pasle livre d’une religion fataliste et obscurantiste poussant àlapassivité et à la routine. Pourtant les pays de l’Islam n’ontpas entamé d’eux-mêmes la transition vers le capitalismeet les secteurs capitalistiques n’ont jamais dominé l’ensem-ble des formations sociales. Il n’est du pouvoir d’aucuneidéologie de modeler entièrement une société car leshommes et les classes sociales restent des acteurs qui endernière instance décident en s’appropriant, escamotantou transformant les idées, selon les besoins de l’heure.

haine de la religion ?Devant la montée dans une partie de la gauche d’un dis-cours qui débute par la défense de la laïcité et dévisse versl’antireligion (au nom d’unMarx mal lu), Pierre Tévanianconvoque l’auteur du Capital ainsi que d’autres marxistes(dont Lénine) pour affirmer qu’un des apports du mouve-ment révolutionnaire au combat progressiste est d’avoirpointé les limites du combat antireligieux issu de la tradi-tion des Lumières, en le dénonçant comme un écueil. Ilexpose que Marx et d’autres ont mêmethéorisé et pratiquél’alliance entre « celui qui croit au Ciel et celui qui n’y croitpas ». En fait le point nodal du développement est issu del’Introduction à la critique de la Philosophie du droit deHegel. « La misère religieuseest, d’une part, l’expressiondela misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre lamisère réelle. La religion est le soupir de la créature acca-blée par le malheur, l’âme d’un monde sans cœur, de mêmequ’elle est l’esprit d’une époque sans esprit.C’est l’opiumdupeuple. Le véritable bonheur du peuple exige que la reli-gion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peu-ple. Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notrepropre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situa-tion qui a besoin d’illusions »La religion n’est pas l’ennemi. Elle ne peut être traitée commetel puisqu’elle n’est pas la cause de la misère. L’espérancereligieuse n’est pas nécessairement l’attente passive d’unejustice qui viendra d’elle-même de l’au-delà. Elle peut aussidevenir lamatrice d’un combat actif pour la justice ici bas.Il y a des croyants de droite et d’autres de gauche, un usagebourgeois et conservateur de la religion (Dieu veut qu’onaccepte son sort) ou un usage révolutionnaire (Dieu veutqu’on se révolte), des usages racistes (Dieu bénit l’escla-vage) antiracistes (l’esclavage viole la loi divine) sexistes ouantisexistes (Dieu nous a voulus égaux versusDieu nous avoulus inégaux). Bref ce n’est pas la religion qui fait l’hommemais l’homme qui fait la religion.Quant au danger de pratiquer le combat antireligieux, l’au-teur cite entre autres Lénine : « La bourgeoisie réaction-

naire s’est partout appliquée […] à attiser les haines reli-gieuses, pour attirer dans cette direction l’attention desmasses et les détourner des questions politiques et écono-miques véritablement importantes et capitales. »

intolérance ?Le fondateur de Médiapart est en colère. Ce courroux a étédéclenché unmatin de juin 2014 lorsqu’il a entendu sur lesondes de la principale radio publique française « Il y a unproblème de l’islam en France» Envrai, c’est d’avoir entendupour une énième fois ce refrain qui, sans entrave, met laFrance en guerre contre une religion, l’acclimatant au pré-jugé, l’accoutumant à l’indifférence, bref l’habituant au pirequi l’adécidé à écrire. Il évoque le rapport de la Commissionnationale consultative des droits de l’Homme sur le racisme,l’antisémitisme et la xénophobie. Celui-ci note une « flam-bée de violence » et dans cette flambée, la montée de l’in-tolérance antimusulmane et la polarisation contre l’islam.Si on compare notre époque à celle de l’avant-guerre, onpourrait dire qu’aujourd’hui, le musulman, suivi de prèspar le Maghrébin, a remplacé le juif dans les représenta-tions et la construction d’un bouc émissaire. Edwy Pleneldemande à ce que l’on hausse la voix en défense des musul-mans mais aussi de toutes les autres minorités que cetteaccoutumance à la détestation de l’Autre met en danger,expose et fragilise. Les crimes antisémites, les agressionsnégrophobes, les violences anti-Roms, etc. Il accuse Sarkozyd’être particulièrement responsable de ce climat qui a ouvertla boîte de Pandore et dont se délecte l’extrême droite. Unclimat moisi par cette vieille rhétorique : l’identité contrel’égalité. Il est vrai que quand les opprimés se font la guerreau nom de l’origine, les oppresseurs ont la paix pour fairedes affaires !

Perte de vitesse ?En France, mais plus largement en Europe, la religionn’est plus au fondement de l’ordre politique, social, cul-turel ou moral comme c’est encore le cas dans de nom-breux pays du monde. Croisant histoire, théologie et phi-losophie, l’ouvrage de Jean-Marie Ploux prêtre de laMission de France retrace les grandes lignes de la pen-sée chrétienne en Occident en examinant essentielle-ment les carrefours décisifs où le chemin de la pensée abifurqué comme les débuts du christianisme, l’établis-sement de la religion comme religion d’État, l’émergencede la modernité, l’autonomie du sujet, la non-rencontreavec l’homme moderne, Vatican II et ses nouvelles pers-pectives... n

bibLiograpHie :• Jean-Marie Ploux, Une autre histoire de la penséechrétienne,Les Éditions de l’Atelier.• Edwy Plenel, Pour les musulmans, La Découverte.• Yvon Quiniou, Critique de la religion, La villebrûle.• Maxime Rodinson, Islam & Capitalisme,Démopolis.• Jérome Fourquet, Hervé Le Bras, La religiondévoilée. Une nouvelle géographie du catholicisme,Fondation Jean Jaures.• Pierre Tevanian, La haine de la religion, LaDécouverte.• Stéphane Lavignotte, Les religions sont-ellesréactionnaires ? Éditions Textuel.

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en passant par les traites portugaises de l’Afrique versl’Europe du Sud et surtout l’Amérique, les auteurs décri-vent la mise en place des routes, des réseaux, des parte-naires.Tout en rappelant que les sévices et la terreur étaient à labase du système esclavagiste, ils mettent en évidence lesdifférences qui existaient selon le travail, la relation au maî-tre mais aussi selon les espaces, en distinguant notam-ment les îles à sucre des colonies britanniques continen-tales et des États-Unis. Sont également étudiées les formesde résistance des esclaves avec une place particulière pourle marronnage mais aussi l’arme du témoignage dans lecombat pour l’abolition. Dans ce dernier, le rôle de laRévolution haïtienne et de son influence sont largementanalysés. Enfin, les auteurs évoquent l’intensification del’esclavage interne à l’Afrique après l’abolition de la traiteatlantique. Ils soulignent aussi que la fin de l’esclavage n’apas signifié la fin de l’infériorisation des Noirs, d’autantplus qu’au XIXe siècle se développèrent des théories racistesvisant à la justifier par la biologie.Les héritages de cette histoire se sont donc fait sentir bienau-delà des abolitions. Ils posent aujourd’hui la questionde la mémoire, liée par certains aux réparations, de la ségré-gation et des inégalités, notamment dans l’accès à la terredans plusieurs pays d’Amérique latine, d’une certaine hypo-crisie des colonisateurs européens qui, après avoir stimulél’esclavagisme des sociétés africaines, en ont fait un argu-ment justifiant leurs conquêtes. Reste également – et c’estun des apports importants du livre – la créolisation, à savoirun métissage culturel né de la rencontre entre l’Europe,l’Afrique et l’Amérique.Le principal mérite du livre est cependant d’avoir dépasséla vision européocentrée du commerce triangulaire, à lafois géographiquement par l’étude des traites internes àl’Afrique ou du commerce en droiture, chronologiquementen replaçant ces traites, qui se sont greffées sur des réseauxdéjà existants et dont les effets se font sentir bien au-delàdes abolitions, dans un temps long et thématiquement ensortant des seuls circuits économiques pour mettre aucœur de l’étude les acteurs, en particulier Africains etmétisses, qu’ils fussent esclaves ou négriers. C’est en mon-trant la richesse et la complexité des échanges noués entrel’Afrique et l’Amérique, en incarnant cette histoire de l’es-clavage dans des récits de vie que Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard ont réussi leur « travail dedéconstruction des lectures mémorielles ».

Démocratiser l’EuropeSeuil-La République des idées,2014

ANTOINE VAUCHEZ

PAR IGOR MARTINACHE

S’il est une opinion largement partagéeà l’égard de l’Union européenne, c’est celle de son « défi-cit démocratique ». Le constat n’est pour autant pas nou-veau, puisqu’il fut formulé dès 1979, au moment mêmeoù les parlementaires européens étaient pour la premièrefois élus directement par les populations. Et pourtant,depuis lors, le fossé entre ces dernières et les décisionsprises en leur nom au plan continental n’a cessé de secreuser, ainsi que l’a illustré avec éclat le traitement de lacrise financière depuis 2009 où certains gouvernementsse sont vu littéralement dicter leurs politiques par desinstitutions censées être leurs mandataires, la fameusetroïka composée de la Commission, de la Banque cen-trale européenne (BCE) et du FMI, en tête. Directeur de

Maïakovski Vers et prose Le Temps des cerises, 2013

PRÉSENTATION PAR ELSA TRIOLET

PAR JULIE-JEANNE CHEVALIER

Cette réédition, attendue, ne se situe pastout à fait sur le même plan que la belleédition bilingue des Poèmes par ClaudeFrioux. Dotée d’un appareillage critiquemodeste (mais suffisant pour le lecteur

non spécialiste), elle a le grand avantage d’embrasser toutel’œuvre : les poèmes bien sûr, mais aussi les écrits auto-biographiques (Ma vie, texte aphoristique et fort sugges-tif qui ouvre le recueil), de nombreux textes de critique ouplutôt de théorie littéraire (Comment faire des vers ? ), lapièce Les Bains, dans laquelle il est permis de voir l’accom-plissement ultime et le testament de l’auteur, ici en texteintégral, ainsi que des écrits sur le cinéma et le théâtre.Choix forcément un peu arbitraire, comme le reconnaîtElsa elle-même, puisque les douze volumes de l’œuvresont réduits ici à quelque quatre cents pages. Choix qui nerend pas, ne pouvait pas rendre compte du travail de pro-pagande effectué de 1919 à 1922 pour la « Rosta » (agencetélégraphique russe), ni ses centaines de légendes pour lesaffiches distribuées au front ou à l’arrière, ni ses affichesde propagande, si drôles, pour le commerce d’État, ni sesvers satiriques…Pourtant, on a envie de dire que l’essentiel est là. Et celad’abord parce que la personnalité même d’Elsa Triolet, àla fois traductrice de l’œuvre et amie intime de l’homme,donne à l’ensemble une très forte unité. On se méfie engénéral, et à juste titre, des présentations faites par desproches, si volontiers idéalisées. Rien de tel ici : Elsa décritavec humour et simplicité l’arrivée dans son milieu bour-geois du grand jeune homme pauvre et révolté, à la voixtonitruante, capable des pires excès et aussi de délicatessesinouïes, polémiste féroce et capable de donner une expres-sion proprement cosmique, mais aussi tragique, à sonamour pour Lili : « Ceci est peut-être / Le dernier amourdu monde… »Surtout, au-delà de l’homme, cette anthologie permet deressaisir Maïakovski en son temps, se battant sur un dou-ble front : contre une culture académique finissante, maisaussi contre le néo-conformisme de ceux qui allaient bien-tôt promouvoir un art officiel. Mais il est également, au-delà de tout contexte, un des plus forts créateurs d’imagesqu’on ait vu. À la fois iconoclaste et constructeur, celui quia dit avant d’autres « il est temps de rallumer les étoiles »s’avère, à la lecture de cette anthologie, plus actuel quejamais.

Être esclave. Afrique-Amérique,XVe-XIXe siècle

La Découverte, 2013

CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH, ÉRIC MESNARD

PAR SÉVERINE CHARRET

Dans leur ouvrage, les auteurs ambition-nent une histoire de la traite dégagée dupoids de la victimisation, de la repen-

tance, au-delà du seul commerce triangulaire. Le livre sedéroule selon un plan chronologique. De l’esclavage dansles sociétés africaines antiques au commerce atlantique

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recherche au CNRS et auteur de travaux remarqués met-tant notamment en évidence le coup de force de certainsjuristes dans l’imposition d’un droit supranational s’im-posant aux États, Antoine Vauchez livre ici un petit essaioù il invite à rompre avec l’idée selon laquelle le gouver-nement de l’Union européenne pourrait être démocra-tisé en transposant simplement à cette échelle le schémainstitutionnel en vigueur dans les États-nations. C’est eneffet faire fi, explique-t-il, de l’influence éminemmentpolitique prise par les institutions dites « indépendantes »,la Commission, mais aussi la BCE et la Cour de justicedes communautés européennes, qui se parent derrièrele voile de la « technique » et de « l’expertise » qui contri-bue à les légitimer. Plutôt que de faire table rase de plusde 60 ans de construction institutionnelle, il s’agit, selonl’auteur, de commencer par arracher ces « indépendantes »à leur « sommeil dogmatique », comme l’a qualifié AlainSupiot, obsédé par le seul marché unique, en se dotantd’un certain nombre de leviers politiques, comme l’ap-profondissement du mécanisme d’alerte parlementaireinstauré timidement par le traité de Lisbonne, mais aussiintellectuels, en renforçant l’information et la capacitécritique des populations et communautés savantes, sansoublier d’instaurer des critères de représentativité pourla nomination des membres de ces « indépendantes »(femmes, syndicalistes, etc.). L’Union européenne conser-verait ainsi bel et bien un « potentiel démocratique » selonAntoine Vauchez, et si certains ne partagent pas forcé-ment son optimisme, ils ne pourront cependant nier qu’ilapporte un point de vue aussi original qu’intéressant àun débat enlisé.

Critique de la religion,une imposture morale,intellectuelle et politiqueLa ville brûle, 2014

YVON QUINIOU

PAR JEAN-MICHEL GALANO

En ces temps de guerre idéologique, oùles partisans d’une « France toute catholique » et autresadversaires de la laïcité ne désarment, il est sans doutebon que paraisse ce livre décomplexé. Pour autant, il està craindre que réduire le phénomène religieux au pou-voir temporel des religions constituées rétrécisse dom-mageablement le problème.L’auteur a choisi de traiter « la religion » comme un tout.Il se retrouve ainsi de plain-pied avec la pensée desLumières. Cette concentration de l’analyse lui permet demettre en évidence une structure essentielle de la pen-sée religieuse : « une révélation divine s’autorisant de saseule certitude intime et s’inscrivant dans un texte pré-tendument sacré… le message (religieux) se présentecomme ayant sa source dans une instance radicalementsupérieure et extérieure à la raison humaine, porteused’une Vérité absolue devant laquelle l’esprit humaindevrait s’incliner… ». Il peut dès lors pointer la « contra-diction absolue » entre le lien religieux de soumission etl’adhésion intellectuelle fondée sur la raison, médiationinterne par laquelle chaque individu s’égalise à l’huma-nité. Et souligner que la connaissance scientifique est lamise en jeu de cette norme elle-même, d’où son dyna-misme et son ouverture.L’intérêt pédagogique de ce livre est qu’il présente diversescritiques radicales de la religion. Il les donne à pensercomme convergentes. Et c’est là que les choses se gâtent :

oui, la vérité de la religion est extérieure à la religion elle-même. Celle-ci est-elle pour autant une « imposture ? »Cette dénonciation ne risque-t-elle pas d’être récupéréeà son tour ? La critique de Feuerbach, « athée de SaMajesté » a été totalement intégrée par Karl Barth à l’apo-logétique protestante ; Freud réduit la religion à une indé-fendable symptomatologie névrotique, quant à Nietzsche,n’est-il pas resté captif des « ombres de Dieu » ?Faute d’envisager dans toute son extension la religion entant que phénomène anthropologique fondamental cor-rélé au travail, au langage et à la socialisation, l’auteur s’entient à une dénonciation aussi véhémente dans son prin-cipe qu’éclectique dans ses contenus, et oublie ces résur-gences ou rémanences du phénomène religieux que sontla sacralisation du pouvoir, les différentes formes de féti-chisation, les figures modernes de la superstition et del’idéalisation, combats pourtant essentiels pour un ratio-nalisme moderne. Il y faudra, il est vrai, plus d’un ouvrage.

Europenovembre-décembre 2014

PAR VINCENT METZGER

Ce mois-ci Europe nous invite en Espagne,ce qui implique contradiction et, s’agis-sant de Maria Zambrano, héroïne de ce

numéro, usage de l’oxymore.Tension entre le passé et le futur dès les premières pagesdans le beau texte de la philosophe sur les ruines ; ellessont aussi bien le lieu de « l’absence, l’absence pure » etcelui de « l’espérance libérée, soudain mise à découvert ».C’est aussi la tension vive à l’intérieur de cette Espagneque Maria Zambrano a parcourue avec les Missions péda-gogiques du gouvernement républicain, « protoplasmehispanique, marqué de mille empreintes, mais égalementbouillonnant de nouveaux germes ». Et les exemples sontmultiples, conduisant à cette exigence « il faudrait un nou-vel usage de la raison, plus complexe et plus délicat, quiporterait en lui sa critique constante ».Peut-être comprend-on alors que parmi les figures fémi-nines qui hantent son œuvre, Maria Zambrano fasse uneplace de choix à Antigone, et Laurence Breysse-Chanetconsacre une belle étude à La Tombe d’Antigone, œuvre delongue gestation et proche de son auteur, écrite pendantles années d’exil : entre Paris (elle avait traversé la frontièreen compagnie de Machado), La Havane, Rome et cehameau du Jura, La Pièce, où elle a survécu jusqu’à la mortde sa sœur avant de revenir, après 1980 seulement, à Madrid.On ne s’étonnera pas de voir apparaître Walter Benjamin,à côté des écrivains espagnols, ou d’Amérique latine avecune place particulière accordée à José Lezama Lima. Maison lira avec plus de surprise peut-être et de plaisir aussi,le rapprochement fait, grâce pour une part à LouisMassignon et Henry Corbin, avec la mystique iranienne. Vient ensuite un dossier rendant justice à la prose allègreet riche de Frederick Tristan. Et ceci pour Dieu, L’Universet Madame Berthe (comment résister à un titre de Tristan ?) :« D’histoires d’amour en rencontres historiques, d’appa-ritions incongrues en disparitions inexpliquées, de mariageheureux en revers de fortune, le narrateur perdu dans celabyrinthe aussi prometteur que délirant explore l’immensecontinent des possibles soudain découvert devant unemaison anodine ».Puisqu’il n’est pas possible de nommer toutes lesChroniquesqui ponctuent chaque numéro, arrêtons-nouscette fois sur l’événement que constitue la publication enfrançais de L’Œuvre poétique de Giorgio Caproni.

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le projet communiste de demain ne saurait se passer des élaborations théoriques que marx et d’autres avec luinous ont transmises. sans dogme mais de manière constructive, la revue du projet propose des éclairagescontemporains sur ces textes en en présentant l’histoire et l’actualité.

l’histoire et ses fantômesSi, comme l’affirme marx, c’est la vie qui détermine la conscience et non l’in-verse, comment comprendre que certaines idées paraissent survivre aucontexte qui les a fait naître et que l’histoire puisse pour ainsi dire se répéter ?

de l’Ancien régime.En comparaison, Napoléon III,Caussidière et Louis Blanc, sont despersonnages de farce. Ces individusn’incarnent plus la contradictiond’une époque, la lutte entre un ancienmonde en train de sombrer et un nou-veau qui émerge. Leur destinée indi-

Au-delà de la boutade, en parlant derépétition, Marx reprend un thèmedéveloppé par le philosophe Hegel(1770-1831) et par l’écrivain Heine(1797-1856). Il trouve chez le premierl’idée de répétition historique et chezle second celle du passage de la tragé-die à la farce. Convoquant ces sché-mas interprétatifs, il s’emploie, àchaud, à élaborer sa propre compré-hension du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre1851.

la réPétition historique.Le 18 Brumaire de l’an VIII, c’est-à-dire le 9 novembre 1799, Bonaparte(1769-1821) renversait le Directoire,devenait premier consul et bientôtempereur. Une cinquantaine d’an-nées plus tard, le 2 décembre 1851,Marx assiste à « la deuxième éditiondu 18 Brumaire », au coup d’État deLouis-Napoléon Bonaparte (1808-1873), le neveu du précédent, peuaprès son élection au suffrage univer-sel. La succession de ces deux événe-ments semble donner raison au phi-losophe Hegel, qui affirme, dans lesLeçons sur la philosophie de l’histoire,que l’histoire se répète. La républiqueromaine par exemple serait mortedeux fois ; d’abord vidée de sa subs-tance par l’autoritarisme de Césarpuis remplacée quelques années plustard par l’Empire.Marx reprend l’idée de Hegel en lacorrigeant : l’histoire se répète, maisla répétition est toujours ratée. Lesdeux Napoléon accèdent au pouvoirpar un coup d’État, ils deviennenttous les deux empereurs, mais au-delàde cette similitude, le premier diffèreprofondément du second. Le destinde Napoléon Ier est tragique ; celui deNapoléon III comique. En effet,Napoléon Ier, mais aussi Danton etRobespierre, sont des personnagestragiques. Ils sont des forces histo-riques agissantes, des « colosses », quimeurent en accomplissant un destin

grandiose. Les uns et les autres par-ticipent à leur manière à la dispari-tion du monde féodal et à l’établisse-ment d’une nouvelle formationsociale, la société bourgeoise. Laconquête napoléonienne par exem-ple balaya partout en Europe lespetites aristocraties locales, vestiges

PAR FLORIAN GULLI ET JEAN QUÉTIER

« Hegel1 fait quelque part cette remarque que tous les

grands événements et les grands personnages de l’histoire

mondiale surgissent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié

d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois

comme farce. Caussidière2 pour Danton3, Louis Blanc4 pour

Robespierre5, la Montagne de 1848 à 18516 pour la Montagne

de 1793 à 17957, le neveu pour l’oncle. Et même caricature

dans les circonstances où paraît la deuxième édition du 18

Brumaire.Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font

pas de leur propre chef, ni dans des circonstances qu’ils

ont eux-mêmes choisies, mais bien dans des circonstances

qu’ils trouvent immédiatement déjà là, des circonstances

qui leur sont données et transmises. La tradition de toutes

les générations mortes pèse comme un cauchemar sur le

cerveau des vivants. Et même quand ils semblent occupés

à se bouleverser eux-mêmes et les choses, à créer quelque

chose de tout à fait nouveau, c’est précisément dans de

telles époques de crise révolutionnaire qu’ils appellent

craintivement les esprits du passé à leur rescousse, qu’ils

leur empruntent leurs noms, leurs mots d’ordre, leurs cos-

tumes, pour jouer une nouvelle scène de l’histoire mon-

diale sous ce déguisement respectable et avec ce langage

d’emprunt. C’est ainsi que Luther prit le masque de l’apô-

tre Paul, que la Révolution de 1789 à 1814 se drapa succes-

sivement dans le costume de la République romaine, puis

dans celui de l’Empire romain, et que la révolution de 1848

ne sut rien faire de mieux que de parodier tantôt 1789, tan-

tôt la tradition révolutionnaire de 1793 à 1795. C’est ainsi

que le débutant qui apprend une nouvelle langue la retra-

duit toujours dans sa langue maternelle, mais il ne se sera

approprié l’esprit de cette nouvelle langue et ne sera en

mesure de s’en servir pour créer librement que lorsqu’il

saura se mouvoir dans celle-ci sans réminiscence, en

oubliant en elle sa langue d’origine. »

Karl Marx,

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Éditions sociales,

Paris, 1984, p. 69 sq.

Traduction de Gérard Cornillet (modifiée)

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viduelle n’accomplit aucun progrèshistorique. À l’heure des révolutions,le printemps des peuples de 1848, leurvie publique est pur anachronisme.« La seconde édition du 18 Brumaire »ne doit donc pas être comprisecomme la manifestation de la néces-sité de l’Empire pour la France en cemilieu du XIXe siècle. La répétitioncomique d’un épisode historiquesignifie bien plutôt sa mort définitive.Elle va permettre aux hommesd’abandonner la nostalgie qu’ils pou-vaient encore éprouver à son égard.S’il y avait, en France, une nostalgiede l’Empire après la mort deNapoléon Ier, il y en aura moins aprèsle règne de Napoléon III. Le comiquedu neveu aura permis aux hommesde commencer à s’affranchir de cepassé encombrant.Parler de répétition historique nesignifie pas que les hommes secontentent de subir une histoire sefaisant sans eux. Les hommes sontactifs, ils « font leur propre histoire » ;les révolutions politiques par exem-ple n’adviennent jamais automatique-ment. Cette histoire, néanmoins, leshommes ne la commencent pas ; ellea un poids, des tendances lourdes, unecertaine inertie. S’il y a néanmoins dela liberté, c’est parce qu’il existe auprésent des marges de manœuvre.Mais cette liberté est relative, elle nepeut se déployer que dans des circons-tances « données et transmises ». Cescirconstances désignent les rapportsde classes au sein desquels les indivi-dus agissent, mais Marx inclut dansce texte, parmi les circonstances dontles hommes héritent et qui pèsent surleur action, les représentations poli-tiques traditionnelles.

la Politique, entre« langage d’emPrunt » et« nouvelle langue »Le 18 Brumaire est souvent présentécomme un texte qui viendrait nuan-cer la théorie de l’histoire développée

dans L’Idéologie allemande. Alors que,dans ce dernier ouvrage, Marx etEngels auraient tout simplementdénié toute histoire propre aux repré-sentations politiques, comprisescomme productions idéologiquesémanant des rapports matériels quirégissent la vie des hommes, Le 18Brumaire redonnerait à la sphère poli-tique une forme d’autonomie8. Enréalité, plus qu’ils ne s’opposent, ilnous semble que les deux textes secomplètent. Marx n’affirme pas icique les représentations politiquessont complètement indépendanteset déliées des rapports de production,il essaye bien plutôt de montrer quecertaines représentations politiquespeuvent survivre aux rapports sociauxqui les ont vu naître. Elles ne surgis-sent donc pas de nulle part, elles ontbien été produites par un contextesocio-économique déterminé, maiselles peuvent subsister alors mêmeque ce contexte a changé : c’est cequ’on appelle la tradition.En l’occurrence, dans Le 18 Brumaire,Marx cherche à comprendre com-ment Louis-Napoléon Bonaparte apu trouver une base sociale pour êtreélu président de la République et apu réussir à faire accepter son coupd’État, alors même que la période enquestion était révolutionnaire.L’intérêt de son analyse est justementqu’elle ne s’en tient pas à l’énoncé del’existence d’un « mythe » bonapar-tiste, celui d’un exécutif fort, entrete-nant un rapport direct avec le peu-ple, se plaçant au-dessus desdifférentes classes sociales. Elle mon-tre également comment ce discoursqui joue sur la nostalgie du PremierEmpire entre en résonance avec lespréoccupations de la petite paysan-nerie parcellaire, cette classe de petitsexploitants agricoles, devenus pro-priétaires sous la Révolution française.Comme le dit Marx un peu plus loin :« La tradition historique a fait naîtredans l’esprit des paysans français la

croyance miraculeuse qu’un hommeportant le nom de Napoléon leur ren-drait toute leur splendeur ». Croyancequi se révèle toutefois illusoire car,pour Marx, c’est dans la propriété par-cellaire elle-même qu’il faut chercherla source des malheurs de la paysan-nerie (appauvrissement, endette-ment, etc.) : une forme de propriétéprécisément consolidée par l’actionde Napoléon Ier.L’analyse proposée par Marx permetdonc de comprendre pourquoi les dif-férents acteurs de l’histoire ne raison-nent pas exclusivement en des termespropres à la situation qui leur estcontemporaine. La métaphore de lalangue que Marx développe dans cetexte permet d’ailleurs d’envisagercomment ces différents facteurs secombinent dans une période de chan-gement social. Dans un contexte danslequel elle n’est plus adéquate, lalangue maternelle de la traditiondevient une langue d’emprunt qui metdu temps à laisser place à la nouvellelangue, celle qui traduit correctementles intérêts des différentes classes.n

LE 18 BRUMAIRE, eSSai d’HiStoireimmédiateaprès le bouillonnement révolutionnaire de 1848, les années qui suivent sont cellesdu reflux. marx s’exile à londres en 1849 et peine à poursuivre la publication de laNouvelle Gazette Rhénane, le journal qu’il avait fondé à cologne l’année précé-dente. le début des années 1850 est alors l’occasion pour marx d’analyser la séquencesociale et politique que l’europe, et notamment la france, vient de connaître. LesLuttes de classes en France puis Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, rédigés entre1850 et 1852, constituent ainsi un essai d’histoire « à chaud », une tentative d’ap-plication de la méthode matérialiste aux événements qui ont secoué la franceentre la proclamation de la deuxième république le 24 février 1848 et le coup d’étatde louis-napoléon bonaparte le 2 décembre 1851.

(1) - Georg Wilhelm Friedrich Hegel(1770-1831) est un des principauxreprésentants de l’idéalisme allemand.Avec lui, l’histoire devient un objetvéritablement philosophique.

(2) - Louis-Marc Caussidière (1808-1861) participe à la révolution de 1848.Il est nommé préfet de police par legouvernement provisoire, mais aprèsl’échec des journées de juin, il se réfu-gie aux États-Unis.

(3) - Georges Danton (1759-1794),figure de la Révolution française, asso-ciée à la défense de la « patrie en dan-ger » menacée par l’alliance desmonarchies européennes contre laRépublique. Il meurt guillotiné.

(4) - Louis Blanc (1813-1882), mem-bre du gouvernement provisoire en1848, contraint lui aussi de s’exileraprès les journées de juin 1848.

(5) - Maximilien Robespierre (1758-1794), figure de la Révolution françaiseassociée à la Terreur, membre ducomité de salut public. Il meurt guillo-tiné.

(6) - Groupe républicain à l’Assembléenationale constituante de 1848. Larépression va s’abattre sur lui aprèsles journées en juin 1849, contraignantde nombreux députés à la fuite.

(7) - « La Montagne » est le nom dugroupe parlementaire mené parDanton et Robespierre. Favorable à laRépublique, le groupe doit son nomà sa position dans l’Assemblée : touten haut, sur les bancs les plus élevés.

(8) - Sur ce point, nous renvoyons aucommentaire développé dans lenuméro 40 de La Revue du projet.

Notes de La Revue du projet

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« beaucouP mettent de l’énergie à résister, il en fauttout autant qui se mêlent du débat Politique ! »Pierre laurent, secrétaire national du Pcf, a invité ainsi l’ensemble des forces sociales, syndicales, associa-tives, à investir le débat d’idées et à participer à la construction d’une véritable alternative politique à gauche.Nous voulons nous appuyer sur l’expérience professionnelle, citoyenne et sociale de chacune et chacun, en mettant à contribu-tion toutes les intelligences et les compétences. La Revue du projet est un outil au service de cette ambition.Vous souhaitez apporter votre contribution ? Vous avez des idées, des suggestions, des critiques ? Vous voulez participer à ungroupe de travail en partageant votre savoir et vos capacités avec d’autres ?

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o Je coche le prélèvement souhaité et remplis les cases ci-dessous à l’aide d’un RIBo Standard : 4 X 14 € = 56 € o Chômeurs/étudiants : 4 X 10 € = 40 € o Souscription : 4 X 18 € = 72 €Les prélèvements seront effectués le mois suivant le renouvellement de l’abonnement.L’abonnement est renouvelé automatiquement, sauf avis contraire de l’abonné.Remplir et signer la demande et l’autorisation de prélèvement, renvoyer les deux parties de cet imprimé au créancier, sans les séparer, en y joignant obliga-toirement un relevé d’identité bancaire (RIB), postal (RIP) ou de caisse d’épargne (RICE).DEMANDE DE PRÉLÈVEMENTLa présente demande est valable jusqu’à l’annulation de ma part à notifier en temps voulu au créancier.

BULLETIN D’ABONNEMENT ANNUELo Je règle par chèque bancaire ou postal (France uniquement) à l’ordre de «La Revue du Projet»

o Standard : 56 € o Chômeurs/étudiants : 40 € o Souscription : 72 €SERVICE ABONNEMENT - i-Abo/La Revue du projet - 11, rue Gustave-Madiot - 91070 BONDOUFLE

Tél. : 01 60 86 03 31 - Fax : 01 55 04 94 01 - Mail : [email protected]À envoyer à l’adresse ci-dessus.

DÉBITEURNom :................................................................................................................................................................Adresse : .....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................DÉSIGNATION DE L’ÉTABLISSEMENT TENEUR DU COMPTE À DÉBITERNom : ...........................................................................................................................Adresse :.............................................................................................................................................................................................................................................................

DÉSIGNATION DE L’ÉTABLISSEMENT TENEUR DU COMPTE À DÉBITERNom : ...........................................................................................................................Adresse :.............................................................................................................................................................................................................................................................

NOM ET ADRESSE DU CRÉANCIERAssociation Paul-Langevin 6, avenue Mathurin-Moreau - 75 167 PARIS CEDEX 19Code établissement Code guichet Numéro du compte Clé RIB

DÉBITEURNom :................................................................................................................................................................Adresse : .....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................Code établissement Code guichet Numéro du compte Clé RIB

Les informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de la ges-tion et pourront donner lieu à exercice du droit individuel d’accès auprès du créancier à l’adresse ci-dessus, dans lesconditions prévues par la délibération n°80 du 11/04/1980 de la Commission Informatique et libertés.

Prière de renvoyer les deux parties de cet imprimé au créancier,sans les séparer, en y joignant obligatoirement un relevé d’identitébancaire (RIB) postal (RIP) ou de caisse d’épargne (RICE).

AUTORISATION DE PRÉLÈVEMENTJ’autorise l’Établissement teneur de mon compte à prélever sur ce dernier, si sa situation le per-met, tous les prélèvements ordonnés par le créancier ci-dessous. En cas de litige, sur un prélève-ment, je pourrai en faire suspendre l’exécution par simple demande à l’Établissement teneur demon compte. Je réglerai le différend directement avec le créancier. NOM ET ADRESSE DU CRÉANCIERAssociation Paul-Langevin 6, avenue Mathurin-Moreau - 75 167 PARIS CEDEX 19

Date : .................................................... Signature :

Date : .................................................... Signature :

N° national d’émetteur :530622

RÈGLEMENT PAR CHÈQUE BANCAIRE OU POSTAL (À L’ORDRE DE LA REVUE DU PROJET. REMPLIR BULLETIN CI-DESSOUS).

RÈGLEMENT PAR PRÉLÈVEMENT AUTOMATIQUE (REMPLIR FORMULAIRE CI-DESSOUS).

Durée 1 an/10 numéros

Date : .................................................... Signature :

BULLETIN D’ABONNEMENT PAR PRÉLÈVEMENT AUTOMATIQUE (4 fois/an)

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Page 78: La Revue du Projet n° 42

Guillaume [email protected]

Pierre LaurentSecrétaire national du PCF Responsable national du projet

Isabelle De Almeida Responsable nationale adjointe du projet

Marc Brynhole Olivier Dartigolles Jean-Luc Gibelin Isabelle Lorand Alain Obadia Véronique Sandoval

AGRICULTURE, PÊCHE, FORÊT

Xavier Compain [email protected]

CULTURE

Alain Hayot [email protected]

DROITS ET LIBERTÉS

Fabienne Haloui [email protected]

DROITS DES FEMMES ET FÉMINISME

Laurence Cohen [email protected]

ÉCOLOGIE

Hervé Bramy [email protected]

ÉCONOMIE ET FINANCES

Yves Dimicoli [email protected]

ÉDUCATION

Marine [email protected]

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR -RECHERCHE

Anne [email protected]

JEUNESSE

Isabelle De Almeida [email protected]

PRODUCTION, INDUSTRIE ET SERVICES

Alain [email protected]

TRAVAIL, EMPLOI

Véronique Sandoval [email protected]

Pierre Dharré[email protected]

RÉPUBLIQUE, DÉMOCRATIE ET INSTITUTIONS

Patrick Le [email protected]

PROJET EUROPÉEN

Frédéric [email protected]

Amar [email protected]

Isabelle Lorand [email protected]

VILLE, RURALITÉ, AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

SPORT

Nicolas Bonnet [email protected]

SANTÉ, PROTECTION SOCIALE

Jean-Luc Gibelin [email protected]

Patrice [email protected] Michel Laurent

Lieu d’études sur le mouvement des idées et des [email protected]

L’ÉQUIPE DE LA REVUE Jean Quétier

Vice-rédacteur en chefLectrices & lecteurs

Alexandre FleuretVidéo

Hélène BidardRédactrice en chef

adjointe

Davy CastelRédacteur en chef

adjoint

Guillaume Roubaud-QuashieRédacteur en chef

Igor MartinacheRédacteur en chef

adjoint

Clément GarciaVice-rédacteur en chef

Frédo CoyèreMise en page et graphisme

Caroline BardotRédactrice en chef

adjointe

Noëlle MansouxSecrétaire de rédaction

Vincent BordasRelecture

Sébastien ThomasseyMise en page

Côme SimienHistoire

Nicolas Dutent Mouvement réel

Regard

Gérard StreiffVice-rédacteur en chef

Combat d’idées Sondages

Anthony MaranghiRevue des médiaCommunication

Corinne LuxembourgProduction de territoires

Florian GulliMouvement réelDans le texte

Séverine Charret Production de territoires

Marine RoussillonCritiques

Michaël OrandStatistiques

Étienne ChossonRegard

Maxime CochardCritiques

Francis CombesPoésies

Franck DelorieuxPoésies

Pierre CrépelSciences

Léo PurguetteVice-rédacteur en chefTravail de secteurs

COMITÉ DU PROJET

COMITÉ DE PILOTAGE

DU PROJET

Alain VermeerschRevue des média

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Frédo CoyèreMise en page et graphisme

Noëlle MansouxSecrétaire de rédaction

Séverine Charret Production de territoires

notes

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Page 80: La Revue du Projet n° 42

Parti communiste français

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