La revue du projet n°22

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N°22 DÉC 2012 REVUE POLITIQUE MENSUELLE DU PCF u P. 6 LE DOSSIER NOUVEAUX ADHÉRENTS P. 40 EMMANUEL TERRAY De l'économique au politique P. 32 LA RÉVOLUTION D'OCTOBRE 1917, QUELQUES CLEFS POUR LA RÉFLEXION Jacques Girault P. 24 OUVRIR DES ESPACES DE DÉMOCRATIE DIRECTE Nicole Borvo Cohen-Seat CRITIQUES HISTOIRE LE GRAND ENTRETIEN QUI SONT-ILS ? QUE VEULENT-ILS ? FAUT-IL LES GARDER ? P. 32 LA RÉVOLUTION D'OCTOBRE 1917, QUELQUES CLEFS POUR LA RÉFLEXION Jacques Girault P. 40 EMMANUEL TERRAY De l'économique au politique P. 24 OUVRIR DES ESPACES DE DÉMOCRATIE DIRECTE Nicole Borvo Cohen-Seat

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La revue du projet n°22

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N°22DÉC2012

REVUEPOLITIQUEMENSUELLE

DU PCF

u P.6 LE DOSSIER

NOUVEAUXADHÉRENTS

P.40EMMANUEL TERRAYDe l'économiqueau politique

P.32LA RÉVOLUTIOND'OCTOBRE 1917,QUELQUES CLEFSPOUR LARÉFLEXIONJacques Girault

P.24OUVRIR DESESPACESDE DÉMOCRATIEDIRECTENicole Borvo Cohen-Seat

CRITIQUESHISTOIRELE GRANDENTRETIEN

QUI SONT-ILS ? QUE VEULENT-ILS ? FAUT-IL LES GARDER ?

P.32LA RÉVOLUTIOND'OCTOBRE 1917,QUELQUES CLEFSPOUR LARÉFLEXIONJacques Girault

P.40EMMANUEL TERRAYDe l'économiqueau politique

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

SOMMAIRE2

4 FORUM DES LECTEURS

5 REGARDÉtienne Chosson « L’homme de Vitruve »

6 u22 LE DOSSIERNOUVEAUX ADHÉRENTSQUI SONT-ILS QUE VEULENT-ILS,FAUT-IL LES GARDER ?Édito Léo Purguette et Côme Simien La forêt quine cache pas l’arbre

Laurent Péréa Un 36e congrès à l’aune durenouvellement du PCF…

Léo Purguette Combattants d’un mondenouveau

Julian Mischi Retour historique  : uneadhésion-socialisation

Adhérer au PCF, un panorama chiffré

Gérard Streiff L’image des communistes

Octávio Freitas Neto Enquête sur les nouveauxadhérents au Pcf. Origine et signification del’engagement

Du côté des fédérations

Amar Bellal Former les nouveaux adhérents  :attentes, enjeux, ambitions 

Nicolas Bescond et Fabien Gay Enjeux del’accueil des nouveaux adhérents à la JC

Laurent Péréa Adhérer au PCF pour uneambition nouvelle…

Jacques Chabalier Construire le collectifcommuniste du XXIe siècle

23 SONDAGESEurope. Le gros doute

24-27 TRAVAIL DE SECTEURSLE GRAND ENTRETIENNicole Borvo Cohen-Seat Ouvrir des espaces dedémocratie directe BRÊVES DE SECTEURDroit à la ville, logement Il n'y a jamais demorts de froid, seulement des morts demisèreLutte contre racisme Face aux identitaires,construisons une société du vivre ensemblesolidaire et laïque

28 COMBAT D’ IDÉESGérard Streiff De quoi la crise est-elle le nom  ?

30 MOUVEMENT RÉELFrédéric Gugelot Intellectuels chrétiens  entremarxisme et Évangile

32 HISTOIREJacques Girault La Révolution d'Octobre 1917,quelques clefs pour la réflexion

34 PRODUCTION DE TERRITOIRESFrançois Moullé L’Union européenne, unegestion différenciée et évolutive desfrontières

36 SCIENCESAmar Bellal Le mythe de l'économie hydro-gène de Jeremy Rifkin

38 REVUE DES MÉDIAAlain Vermeersch Après le congrès deToulouse, le PS à la recherche d’une stratégie

40 CRITIQUESCoordonnées par Marine Roussillon• Emmanuel Terray  : de l’économique au poli-tique

• Paul Boccara Le Capital de Marx, sonapport, son dépassement au-delà de l’écono-mie

• Philippe Corcuff : Où est passée la critiquesociale  ? Penser le global au croisement dessavoirs.

• Hô Chi Minh : Le procès de la colonisationfrançaise et autres textes de jeunesse

• Lucien Sève : Aliénation et émancipation

• Jean-Marc Bonnet-Bidaud, François-XavierDésert, Dominique Leglu, Gilbert Reinish : LeBig bang n’est pas une théorie comme lesautres

• « Abécédaire » Europe, n° 1000-1001

[email protected]

Nous disposons d'une édition La Revue du Projet publiée et recommandée par larédaction de Mediapart. http://blogs.mediapart.fr/edition/la-revue-du-projet

Chaque mois, retrouvez La Revue du Projet dans les colonnes du journal deJean Jaurès et sur le site Internet www.humanite.fr.

Parce que prendre conscience d'un problème, c’estdéjà un premier pas vers sa résolution, nouspublions, chaque mois, un diagramme indiquant lepourcentage d'hommes et de femmes s’exprimantdans la revue.

Part de femmes et part d’hommes s’exprimant dans ce numéro.

HommesFemmes

Réagissez auxarticles, exposezvotre point de vueÉcrivez à

APPEL AUXBÉNÉVOLES

Pour vivre, la version papier doit rencon-trer de nouveaux lecteurs et nous devonsétendre notre visibilité sur la toile pourélargir notre audience et diffuser nosréflexions. C’est pourquoi nous lançonsun appel à tous les bénévoles qui pour-raient nous apporter leur concours...Vous êtes prêt à nous aider à renforcerla connaissance de la Revue du projetdans les fédérations et sections ainsiqu'auprès des élus pour assurer une plusgrande diffusion militante de la revuepolitique du PCF. Vous voulez nous aiderà améliorer la dimension Internet de laRevue.

Faites-vous connaître. Écrivez-nous :

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

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PATRICE BESSAC, RESPONSABLE DU PROJET

ÉDITO

VIVE LES USINES !L isez le discours de Pierre

Laurent, secrétaire national duPCF lors de la rencontre natio-

nale de l’industrie qui s’est tenue àLille, le samedi 24 novembre dernier.Et une fois que vous l’aurez lu : reli-sez-le !

Ce discours, fruit d’un travail collec-tif important, est en effet à mes yeuxune avancée considérable pour uncommunisme de nouvelle généra-tion et ce, au moins pour quatre rai-sons.

1. Parce que ce discours et cette ini-tiative prennent de front la questionindustrielle. Fini les circonvolutions,c’est un discours assumé, libéré del’idéologie dominante de l’industrie.Les discours de salon, la bien-pen-sance avaient dicté leur loi : l’entre-prise sans usine, la société postin-dustrielle et autres fariboles, nous ensortons, bonne nouvelle, alléluia !

2. Parce que ce discours et cette ini-tiative prennent de front la questionindustrie et écologie. En montrantcombien le déploiement d’uneindustrie puissante est la conditionpour réaliser la transition énergé-tique et productive vers une écono-mie du durable, vers la fin du jeta-ble, vers des normes qui intègrent,dès la conception des objets, leurréparabilité, leur réutilisation et leurrecyclabilité. On sort enfin du mini-débat pour une mini-écologie pouraller vers les nécessaires transfor-mations de la structure de l’appareilproductif.

3. Parce que ce discours et cette ini-tiative se sont extraits du pathospour exprimer la force et le poten-tiel du peuple, des ouvriers, des ingé-nieurs, des citoyens pour l’avenir dela France. On arrête de se plaindreet de déléguer notre avenir : il fautensemble reprendre en main lesaffaires du pays. Pas de changementsans reprise de confiance de la capa-cité populaire à piloter démocrati-quement les grandes affaires du payset du monde.

4. Parce que ce discours, et cette ini-tiative ont porté une ambition natio-nale claire, oui nationale, en liaisonavec l’Europe et le monde. Oui,nationale ! Car l’impensé des dis-cours qui surfent à la surface du réelest que transformation écologiqueet ambition nationale nouvelle sontun seul et même problème. Sansgrandes filières industrielles nou-velles, et donc un effort national –et européen –, il est impossible deconduire le changement-bascule-ment nécessaire vers de nouveauxprincipes de production.

Ces quelques mots résument mal larichesse de cette rencontre. Je le sais.À mes yeux, l’essentiel est dans lebasculement de notre effort de tra-vail vers une nouvelle offensive.Cette initiative a marqué une rup-ture à cet égard. Elle n’était pas lefruit d’équilibres savants entre nosprincipes et les toquades idéolo-giques du moment. Elle était aucontraire la recherche simple,patiente des solutions que nous pen-

sons justes, au vu de l’état de la criseactuelle (crise économique, écolo-gique, démocratique).

Et dans ce travail d’offensive s’af-firme une évidence : les questionsque nous avons souvent penséesséparées, convergent, s’unissent,se fondent avec un principe, lePARTAGE. C’est le problème le plusmarquant : partager, mettre en com-mun, coopérer, ce n’est pas seule-ment une question de justice sociale,c’est aussi une question d’efficacitéde la production. Ainsi, chemine nonseulement le fait que nous avons dessolutions plus écologiques et plussociales, mais aussi le fait que le fildirecteur du partage permet de pen-ser une organisation plus efficace dela société.

Au fond, la révolution information-nelle provoque l’émergence, rendpossible un communisme de nou-velle génération. n

Au mois prochain,

PS : le titre de la revue sur les nou-veaux adhérents est provocateurcertes. Mais si nous répondons ouià cette question en principe, alorsquelle est notre réponse en action ?

f.fr

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

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FORUM DES LECTEURS

La Revue du Projet - Tél. : 01 40 40 12 34 - Directeur de publication : Patrice Bessac - Rédacteur en chef : Guillaume Quashie-Vauclin - Secrétariatde rédaction : Noëlle Mansoux - Comité de rédaction : Nicolas Dutent, Amar Bellal, Marine Roussillon, Renaud Boissac, Étienne Chosson, AlainVermeersch, Corinne Luxembourg, Léo Purguette - Direction artistique et illustrations : Frédo Coyère - Mise en page : Sébastien Thomassey - Éditépar l’association Paul-Langevin (6, avenue Mathurin-Moreau 75 167 Paris Cedex 19) - Imprimerie Public Imprim (12, rue Pierre-Timbaud BP 553 69 637 Vénissieux Cedex) - Dépôt légal : décembre 2012 - N°22 - Numéro de commission paritaire : 1014 G 91533.

Quelques réactions au dossier « art et culture »

Il y aurait certainement beaucoup à direà ce sujet...Cet article est un premier pasqui devrait nous permettre d'ouvrir unvrai débat. [...] Si le pouvoir social-démo-crate ne prend pas conscience de cette

problématique culturelle de la « com-munication », il sera balayé sans rémis-sion et permettra à la droite de revenirpour une décennie.

VINGTRAS

Superbe, superbe, superbe appel à vivre, désirer et penser par soi-même. Merci. JULIETTE

JE SOUHAITE PLEIN SUCCÈS À CETTE NOUVELLE REVUE DU PCF

Culture et communication, un mariage contre nature

Nous avons besoin, aujourd'hui, de savoirbeaucoup plus...et, surtout de savoirrechercher les savoirs adéquats à nos pro-blèmes, et maîtriser les techniques depensée qui permettent d'utiliser perti-nemment ces savoirs. [...]

Le club de boules de la petite ville subitles grandes tendances de la société glo-bale, et agit sur cette même société, sou-vent non consciemment. La réflexion etl'action politiques sont l'affaire de tous,le devoir de tous.

GILBERT

L’éducation populaire : un enjeu de lutte

Ce que décrit et analyse Roland Goriest vrai, et je suis entièrement d'ac-cord avec lui. [...] de l'invasion dans nosvies privées et dans le domaine de lavie publique de cette langue mécaniqueet de ses effets. [...] Ce qui est nouveauen effet aujourd'hui, c'est le fait quece vocabulaire, cette langue mécaniquese sont propagés à tous les niveaux etdans toutes les sphères de la société,et s'imposent jusque dans les struc-tures gouvernementales par coopta-tion et terrible appauvrissement dulangage – il faut bien le dire – au plushaut niveau.

[...] La dépersonnalisation directe dela vie humaine passe par le langagecomme par l'environnement immédiat.On le sait, tout un chacun doit êtretransparent et interchangeable, ano-nyme et remplaçable par un autrehumain, le même car tout aussi trans-parent et jetable. Ce ne sont pas desmots, c'est la réalité qu'on veut nousfaire vivre comme la seule possible. Nous aspirons à retrouver, à partager,le goût de la culture et le sens de l'édu-cation populaire, c'est même vital.Merci pour cet article.

MARGUERITE

Retrouver la dignité de penserdans une culture de la marchandise

J'ai enfin reçu la version papier de La Revue du Projet. J'ensuis heureux et soulagé à la fois. En effet, pour ce genre derevue qui demande attention, recul, réflexion et échange,hors de la course du temps, rien ne remplace le bon vieuxsupport papier, avec une présentation typographique dignede ce nom, parce que nous ne sommes pas forcément tousdes « sauvages » du net conditionnés au fonctionnementd'un appendice Ipad ou Ibook via Mediapart...Je ne manquerai pas, à partir de ce support, de vous fairepart de mes critiques éventuelles ou suggestions possibles.Je suis aussi heureux de constater que le PCF, dont je suisadhérent depuis plus de 40 ans, ait renoué, à ce niveau, avecla pratique intellectuelle à laquelle les communistes doivents'attacher, dans un cadre, bien entendu, le plus ouvert pos-sible sur la vie culturelle de la société, en France, en Europeet dans le monde.

Je m'aperçois aussi que je ne connais pas un certain nom-bre de camarades qui animent la revue, ce qui, pour moi, estune excellente nouvelle. Entre les anciens qui ont beaucoup à transmettre et les nou-veaux, qui ont beaucoup à expérimenter, il faut que le liense fasse de façon dynamique pour ne pas tomber dans lecommémoratif intellectuel qui étouffe le mouvement de lapensée communiste. L'excès de jeunisme est aussi redou-table, parce qu'il aboutit à l'épuisement rapide des énergiesnouvelles et à l'exclusion pour le moins peu humaniste desanciens. L'équilibre est donc un combat permanent, indis-pensable à la dynamique de la pensée communiste.Je souhaite plein succès à cette nouvelle revue du PCF, surle net comme sur le papier.

YVON

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Profitant de son déménagement à la manufacture desŒillets, le Centre d'art contemporain d'Ivry réalise sanouvelle exposition autour de la figure du travailleur etde l'univers du monde industriel. Il s'agit donc de ren-dre visible un univers réel qui ne passe que trop rare-ment la porte des représentations médiatiques, ainsile titre de l'exposition, « L'homme de Vitruve », nousrenvoie aussi bien au célèbre dessin de De Vinci sym-bole de l'humanisme, qu'à l'ancien logo de Manpowerqui lui a préféré une représentation abstraite.

Du concret donc pour cette exposition qui sort coura-geusement des sentiers battus du discours dominantmais surtout un savant mélange d'œuvres d'originestrès différentes. Les classiques Bernd et Hilla Becheret leur gigantesque travail de typologie industrielle

avoisinent le patient travail de Bertille Bak sur les cités

ouvrières du Nord et le minimaliste Richard Serra croise

les sculptures de l'artiste de l'Arte Povera, Jannis

Kounellis. Surtout, l'exposition laisse place à des œuvres

tirées de l'histoire du lieu même ou est réalisée l'ex-

position, que ce soit une peinture de 1936 de Boris

Taslitzky représentant la manufacture des Œillets où

une sélection d'objets ayant appartenu à Maurice

Thorez, ancien député d'Ivry.

ÉTIENNE CHOSSON

« L'homme de Vitruve »,

du 14  septembre au 16  décembre 2012

Centre d'art contemporain d'Ivry – Le Crédac

Manufacture de Œillets

DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

REGA

RD

55

« L’homme de Vitruve »

Tours d'extraction © Bernd et Hilla Becher

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PAR LÉO PURGUETTE ET CÔME SIMIEN*

E pur si muove. Et pourtant il bouge.L’affirmer revient à braverl’Inquisition libérale, à risquer le

bûcher médiatique. Notre univers c’est lecapitalisme, son centre c’est le profit. Finde l’histoire.

Et pourtant il bouge ce parti hérétique,dépassé, condamné, mort et enterré. Pire,le PCF se renforce en proclamant qu’aucentre, il met l’Humain d’abord. « À ceuxqui me disent que le PCF est mort, je leurréponds : vous, restez idiots, moi je faisce que je peux, je me sens utile, et ça, c’estavec les communistes », expliquait débutnovembre Mehdi, 27 ans, rencontré à lajournée d’accueil nationale des nouveauxadhérents, place du Colonel-Fabien.Comme lui, ils sont plus de 6 500 à avoirrejoint le Parti au cours de l’année écou-lée.Le PCF attire. Contre vents et JT, des per-sonnes y adhèrent. Plus encore en cetteannée 2012 de campagnes multiples, quiauraient dû consacrer (enfin) la dispari-tion du communisme français. Évidencetant de fois prophétisée par l’expert dontl’avis fait d’autant plus autorité qu’il repo-serait sur l’analyse profonde d’un proces-sus historique de fond.Et pourtant le Parti se renforce. C’est unfait que nul ne peut plus contester. Maisattention, ne vous y trompez pas ! Cenuméro ne se propose pas de nous loverau sein du savoureux sentiment d’auto-satisfaction. L’enjeu est trop grand. Le dos-sier qui suit tente de faire connaissance

avec ces communistes de nouvelle géné-ration. Non contents d’aller à contre-cou-rant, sans complexe, ils font leur coco-ming out.Alors qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?Pourquoi attendent-ils leur premiercontact avec le Parti parfois plus long-temps qu’un rendez-vous chez l’oph-talmo ?Nous l’espérons, ce numéro quelque peuinhabituel permettra d’offrir des pistespour améliorer leur accueil. Pour écou-ter davantage les aspirations de chacun,leurs centres d’intérêts spécifiques. Tousne seront pas des colleurs d’affiches, tousne prendront pas un égal plaisir à rédigerdes argumentaires de tracts, des projetspour les collectivités territoriales. Certainssont plus discrets que d’autres et tous nepourront pas avoir la même implication.Nous devons être capables, localement,de faire la part des désirs de chacun. Caren fin de compte, il n’en est pas un quin’aspire à être utile. L’expérience montreque nombre de nouveaux venus sont por-teurs de pratiques nouvelles ou ont nourri,avant même de grossir nos rangs, des pen-sées critiques dans des domaines parti-culiers (urbanisme, éducation, écolo-gie…). Richesse unique que nous devonscajoler sans cesse… et surtout mettre encommun.Dans le même temps, tous les nouveauxcommunistes que nous avons interrogéssont en recherche d’un espace collectif etdémocratique pour alimenter leurréflexion et donner de la force à leur capa-cité d’action. Leur permettre de prendreleur place, comme y invitent Laurent

Péréa et Jacques Chabalier, est un enjeude congrès et plus encore, une questioncentrale pour l’avenir du PCF. Ce sont eux,« les combattants d’un monde nouveauen devenir » comme l’affirme PierreLaurent qui ne se glisse pas pour autantdans les habits d’un général. Les commu-nistes préfèrent – semble-t-il – rallumerles étoiles plutôt que de les faire briller àl’épaule.Tous ces nouveaux enfin, et c’est lié, voientdans le parti un espace d’apprentissage,le lieu d’une contre-éducation à recevoir.Qu’on le déplore ou pas, les écoles duparti, telles que nous les envisagionsautrefois, telles que Julian Mischi nous lesrappelle dans ce numéro, ne sont plus.Mais, les nouveaux militants désirantembrasser une autre culture que cellevéhiculée par l’air du temps, l’effort deformation doit être régulier, permanent,sans cesse renouvelé. À ce prix, nous don-nerons à tous et à chacun de nous, avecsa manière originale d’être dans le monde,les moyens d’être les promoteurs affirmésde lendemains appelés à chanter de nou-veau.En écrivant ces quelques lignes, NazimHikmet, poète communiste turc, disait-il autre chose ?« Vivre comme un arbre, seul et libre,Vivre en frères comme les arbres d’uneforêt,Ce rêve est le nôtre ! » n

*Léo Purguette et Côme Simien sont coor-donnateurs de ce dossier. Léo est responsa-ble de la rubrique Travail de secteurs et Côme est responsable de la rubrique Histoire.

LE DOSSIER

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

Malgré sa mort prophétisée, annoncée, presque célébrée, le PCF attirechaque année des milliers de nouveaux adhérents qui renouvellent en pro-fondeur le parti. Et plus encore cette année que les précédentes. À la veilledu 36e Congrès, le dossier de ce mois-ci se propose d’interroger les attentesde ces communistes de nouvelle génération afin de mieux pouvoir répon-dre au défi majeur, pour aujourd’hui et pour demain, de leur accueil puisde leur intégration.

LA FORÊT QUI NE CACHE PAS L’ARBRE

Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

ÉDITO

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

PAR LAURENT PÉRÉA*

Pendant longtemps, les partis toutcomme le PCF, se sont considéréscomme seuls aptes à penser la

société, à élaborer des solutions. Celareposait sur des démarches délégatairesavec une cascade de hiérarchies : entrepartis et mouvements ; entre adhérentset « non-adhérents ; entre dirigeants et« dirigés ». Et ce, au moment où dans lasociété, émergeaient des aspirations àl’égalité devant les responsabilités et lacréativité.C’est à ce moment-là, que des individusqui ne se retrouvaient pas dans la sphèrepolitique, ont considéré qu’il y avait peut-être une place pour eux, pour leur enga-gement et pour les initiatives qu’ils pou-vaient prendre dans un rassemblementmis à leur disposition, le Front de gauche,et un parti politique, le PCF. Dans leurdiversité, leur richesse, nombreux ontrejoint le PCF, donnant par cet acte réflé-chi une responsabilité énorme au PCFlui-même.

UN NOUVEAU DÉPLOIEMENT POLITIQUEPOSSIBLEComment, dès ce 36e Congrès, en fairedes acteurs dynamiques pour le rassem-blement et la transformation sociale ?L’enjeu est bien posé dans cette dimen-

sion, notamment par le fait, que ces nou-velles et nouveaux adhérents sont un deséléments structurants du rassemblementen cours de construction, pour lui don-ner un souffle nouveau, plus puissant,plus dynamique, parce qu’elles et eux-mêmes sont issus des différentes com-posantes de la société, parce qu’elles eteux font société. Ils et elles, de fait sontdes acteurs portant une nouvelle dyna-mique, un nouveau déploiement poli-tique possible, un nouveau regard sur lasociété, mais également la nécessité dedéveloppement de l’organisation com-muniste. Ils représentent un apport com-plémentaire à l’expérience acquise parcelles et ceux qui ont façonné l’organi-sation jusqu’à aujourd’hui.

LIBÉRER LA CAPACITÉ D’INITIATIVE Cela ne les oppose pas, bien au contraire.On perçoit comment le besoin apparaîtde l’apport de l’autre, de son expérience,et ce, dans un profond respect de « l’an-cien », jusqu’à parfois « épouser lemoule » par facilité. Pour cela, une res-ponsabilité est posée aux dirigeants, cellede créer les conditions du partage de l’ex-périence, tout en libérant la capacitéd’initiative, d’intervention, d’engage-ment qui habite chacun d’eux.Les élections ont été un révélateur dansla période. Révélateur dans l’innovation,la capacité d’initiatives politiques, l’ac-

cueil de nouveaux adhérents.Dorénavant, l’enjeu est bien de permet-tre à ces nouveaux communistes, ces mil-liers de nouveaux militants de pouvoirdéployer leur engagement au service ducollectif, de batailles émancipatrices. Ilest posé pour aujourd’hui et pourdemain.

Ce qui pose la préparation du 36e

Congrès comme une étape importanteen ce sens. Un Congrès qui peut être l’oc-casion de les accueillir en grand, se met-tre au service du renouvellement, pourleur donner toute leur place, pour qu’ilsappréhendent l’organisation du PCFdans sa dimension humaniste, frater-nelle, d’universalité et de paix, pour yprendre des responsabilités, pour bous-culer la réflexion et l’action politique.Ils ont déjà une expérience forte avecnous, au travers du Front de gauche etdes batailles que nous avons menées encommun. Nous ne partons pas de rienpour les inviter à participer à cette

UN 36e CONGRÈS À L’AUNE DU RENOUVELLEMENT DU PCF

Bâtir, inventer, créer une nouvelle gauche dans le

rassemblement, en s’appuyant surl’intelligence qui est dans la société,

et donc, sur celle de ceux quirejoignent le PCF.

“”

Au bout de cette construction collective, au bout de cette nouvelle campagne d’adhésions qui démarre,vraiment ces mots « Je suis communiste et ça fait du bien ! », seront le cri du cœur...

Le PCF et la situationont changé, moi aussi.”

«  Je fais partie de ces syndicalistes qui étaient en manqued’un prolongement politique à leur engagement. C’est clai-rement le Front de gauche qui m’a fait aller sur le terrainpolitique. Il m’est apparu dès le départ intéressant parce qu’ily avait le Parti communiste dedans. Je n’envisageais pas d’yadhérer mais il représentait quelque chose pour moi  : j’aigrandi dans une famille communiste, dans une société oùl’influence du PCF était forte. J’en avais été membre et l’avaisquitté presque trente ans auparavant. Mais il constituait pourmoi, par sa perspective de transformation de la société, sonhistoire, son corpus théorique, une sorte de garantie que ladynamique du Front de gauche ne s’arrêterait pas à unedémarche réformiste. Je me suis investie à plein dans leFront de gauche en acceptant d’être candidate, notammentlors des élections régionales de 2010 où j’ai été élue aprèsavoir conduit la liste dans les Bouches-du-Rhône. Pour moi

qui étais dirigeante syndicale, ce mandat politique — un enga-gement inédit — constitue une responsabilité importante.J’ai poursuivi mon cheminement politique avec le Front degauche. Mais être un électron libre, ça va un temps. J’ai finipar ressentir la nécessité et l’envie de prendre part à uneorganisation pour m’inscrire dans une élaboration collective.J’ai constaté que le Parti communiste avait changé sansabandonner sa raison d’être, que moi-même j’avais changénotamment vis-à-vis de l’impasse sociale-démocrate et qu’en-fin, la situation avait elle aussi changé. Des rendez-vous deve-naient possibles notamment grâce à l’existence du Front degauche. J’ai adhéré à la Fête de l’Humanité.  »

Anne Mesliand, 57 ans, universitaire, syndicaliste, conseillère régio-nale Paca, membre du conseil national du Front de gauche, sec-tion du Pays d’Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône.

“Anne

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«  J’avais envie d’agir, de ne plus êtreseul dans mon coin. Ça faisait unmoment que je lisais L’Humanité ou LeMonde diplomatique notamment sur lesquestions économiques et j’avais envied’aller au-delà du constat, au-delà del’indignation, pour changer les choses.La démarche du Front de gauche m’aplu, je m’y suis investi. C’était très nou-veau pour moi. J’ai grandi à Toulon dansune ambiance plutôt de droite avec unpapa militaire. Je n’étais pas du toutpolitisé au lycée ou à la fac. Et puis, aufil de mes lectures et de mes rencon-tres, j’ai doucement été amené à m’in-téresser à la gauche. L’actualité, la crisem’ont poussé vers le Front de gauche.Ça s’est aussi bien passé avec les mili-tants du PC que ceux du PG. Alors pour-quoi le PCF ? Plusieurs choses ont joué.D’abord j’ai pris conscience de l’impor-tance d’une grande structure pour pesersur les choix, mener le combat politique,il faut des militants, des députés, dessénateurs, une implantation territoriale…Au Parti communiste on sent qu’on aideet en même temps qu’on est épaulé.Ensuite, j’avais probablement une plusgrande convergence d’idées et plus d’af-finités humaines avec les militants com-munistes. J’ai été invité à l’universitéd’été, ça a renforcé mon envie d’être auParti. Je pense que le déclic s’était enfait déjà produit et j’ai fini par prendrema carte. »

Yves Boubenec, 27 ans, chercheur postdoc-toral, section du 5e arrondissement de(Paris).

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Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

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LE DOSSIER

18e arrondissement de Paris voit dans lePCF « le parti qui porte des solutions radi-cales pour les travailleurs » tout commeDavid, déterminé à agir pour « abolir lesmarchés financiers ». Alexis, dont parentset grands-parents sont communistes, afranchi le pas « parce que le PCF c’estl’Humain d’abord, c’est l’opposé du capi-talisme. » Marie-Jo, syndicaliste de longuedate, s’est décidée à rejoindre le PCF pour« compléter son engagement syndical »,révoltée par les politiques d’austérité infli-gées aux peuples pour leur faire payer lacrise. Patrick, agent RATP et délégué CGT,ne dit pas autre chose : en rejoignant lePCF il veut « marcher sur ses deuxjambes ».

PARTAGER DES IDÉES ET DES COMBATSL’envie d’être ensemble, de partager desidées et des combats est aussi régulière-ment mise en avant comme par cet autrePatrick, de Bobigny pour sa part, qui aprèsquarante ans de syndicalisme et delongues années à côtoyer les commu-nistes, a pris sa carte le jour de son anni-versaire « parce que ça me faisait plaisir »,témoigne-t-il tout sourire. Anaïs du Blanc-Mesnil ne voulait plus être communiste« dans son coin. » Amina de Nogent-sur-Marne est quant à elle revenue au parti.Après avoir hésité avec le Parti de gauche« qui manque un peu d’humanité », c’estle PCF qu’elle a choisi : « J’ai retrouvé cepeuple, cette solidarité, je me suis dit ceparti-là existe, c’est ma famille. » Unefaçon de concrétiser « le sentiment derévolte et le désir d’organisation » qui l’ani-ment dans la situation actuelle. Retouraussi pour Arnaud. « Quand Robert Hue

PAR LÉO PURGUETTE*

Un enterrement ? À observer la mineréjouie des participants, l’ambianceressemblait plus à celle qui entoure

une naissance. Vu de l’extérieur, le ven-tre rond dessiné place du Colonel-Fabienpar Oscar Niemeyer laissait déjà penserà un heureux événement. Une fois entrédans le siège du PCF, l’image est encoreplus frappante. Baignés dans la lumièredouce de la matrice architecturale quiabrite habituellement le conseil national,400 communistes de nouvelle générationattendent à l’étroit.

Suspendus aux lèvres de Gérard Fournier,le maître des lieux, ils découvrent leur« maison » et son histoire avec un étonne-ment teinté d’admiration. Après une visitelibre des locaux, retour sous la coupole.Ils sont là pour crier les raisons de leurengagement et ça se sent. Encouragéespar Elvire, elle-même nouvelle adhérente,« une bleue » parmi les rouges s’amuse-t-elle, les demandes d’interventions fusent.Fabien, magasinier de 22 ans, se jette àl’eau : c’est le Front de gauche qui l’aconvaincu de rejoindre les communistes,il a adhéré pendant la campagne de Jean-Luc Mélenchon. La volonté de transfor-mer la société est souvent citée commemoteur de l’engagement communiste. « Lemonde va mal, pour moi c’est la politiquecommuniste qui peut tout changer »,explique ainsi Youssef, jeune habitant deChampigny. « La révolution c’est dans larue ! », s’exclame Yves qui, malgré ses 16ans, tient le micro sans trembler. Rafik, du

COMBATTANTS D’UN MONDE NOUVEAU

construction politique porteuse d’espoir.Plus que jamais, les liens, le débat quiseront instaurés à l’occasion de ceCongrès, seront autant de marques deconfiance qui leur donneront la placequi est la leur dans le PCF. Une place pourl’avenir du PCF, certes, mais aussi pourl’ensemble du rassemblement de trans-formation sociale en construction. Etcela, c’est en proximité, dans chaque col-lectif communiste, chaque section etfédération que cette responsabilité estposée pour les jours à venir.

UN COMMUNISME DE NOUVELLEGÉNÉRATIONConfiance aux nouvelles et nouveauxadhérents, telle est la détermination àavoir, parce que le PCF ne peut qu’êtrefier qu’ils et elles l’aient rejoint, consti-tuant ainsi une nouvelle génération decommunistes, la naissance et l’affirma-tion d’un communisme de nouvellegénération. L’ambition affichée avec ceCongrès est de bâtir, inventer, créer unenouvelle gauche dans le rassemblement,en s’appuyant sur l’intelligence qui est

dans la société, et donc, sur celle de ceuxqui rejoignent le PCF. Et parce qu’ils etelles veulent s’investir, être des actriceset acteurs, avec celles et ceux qui sontdéjà le PCF, l’audace et la confiance dansune démocratie renouvelée doit être lavoie des communistes en leur directionà l’occasion de ce 36e congrès. n

*Laurent Péréa est responsable des nou-veaux adhérents, au sein du conseil nationaldu PCF.

Le PCF enterre son enterrement avec 400 nouveaux adhérents.Reportage place du Colonel-Fabien au cœur d’une matinéed’échanges qui fera date.

J’ai été invité à l’université d’été.”“Yves

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

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est arrivé eh bien moi je suis parti », lâche-t-il sans ambages. « L’idée communistec’est une force, une révolte contre l’injus-tice qui n’a pas quitté les militants sur leterrain », constate-t-il avec estime.

Plusieurs nouveaux adhérents évoquenteux aussi l’énergie, le dévouement desmilitants et élus communistes commefacteurs de leur engagement. Pauline,adhérente depuis un an à Villeneuve-Saint-Georges, ne votait pas avant de ren-contrer les élus communistes dans sonquartier « alors qu’il n’y avait pas d’élec-tions ». Ludovic, militant CGT à Roissy, ledit clairement : « Ce qui m’a poussé àadhérer au PCF, c’est que ce sont les éluset les militants communistes qui sont auxcôtés des ouvriers en lutte. » Même sen-timent chez Fatima, déléguée des parentsd’élèves dans le quartier parisien de laGoutte d’Or, qui a rejoint le Parti aprèsune bataille contre une fermeture declasse où « seuls les militants commu-nistes » étaient présents en soutien.Depuis, elle se sent à l’aise « dans le Frontde gauche et au PCF. J’aime bien dire Particommuniste, parce que c’est le partiauquel j’ai adhéré », précise-t-elle.

UNE FIERTÉ RENOUVELÉEEt c’est la dernière caractéristique com-mune à nombre de participants : la fiertérenouvelée d’être communiste. Laurentdu 20e arrondissement de Paris récolteun tonnerre d’applaudissements quandil lance : « Moi je n’ai pas honte de le dire,je n’ai pas adhéré au Front de gauche

mais au PCF ». Pour lui, « seuls les com-munistes posent la question de la pro-priété ». Il espère un rapprochement desdifférents textes pour une base vraimentcommune au congrès. En écho, Pierre,qui a été membre pendant sept ans deRefondation communiste en Italie, sedit « fier d’appartenir désormais au seulparti qui en France veut abolir le capi-talisme. » Il propose d’exproprier pure-ment et simplement « ceux qui nous enfont baver. » Codjo, de Morsang-sur-Orgeaussi est « fier d’être communiste » à lasuite d’un passage au PS qu’il juge sévè-rement. Les idées du PCF sont lessiennes et il affirme avoir été surpris parson fonctionnement « fondé sur ladémocratie, avec des décisions réelle-ment prises par la base ». Même fiertéchez un jeune adhérent qui a pris sacarte en réaction à la crise « ceux quitombent du bateau dans la tempête cesont les petites gens. Le PCF c’est leurparti », affirme-t-il après avoir plaisanté :« Moi, je suis sans doute communistedepuis que j’ai partagé mon premierbonbon dans la cour de récré. »

Les interventions se succèdent et PierreLaurent engage un échange à bâtons rom-pus avec les nouveaux communistes. Luia adhéré à 15 ans, en 1972 et n’a jamaisquitté le PCF malgré des moments diffi-ciles où il a vu des « camarades partir par-fois pour des raisons opposées ».Aujourd’hui, à en croire son secrétairenational, le PCF a créé les conditions durassemblement des communistes.

UN MONDE EN DEVENIRMais c’est déjà l’heure de conclure. PierreLaurent prend place derrière un pupitrequi indique « La force du partage », toutun programme. « Nous sommes passésen dynamique offensive. Notre problèmen’est pas de tenir, de sauver ou de conser-ver, notre ambition est de bâtir, inven-ter, créer une nouvelle gauche, un com-munisme de nouvelle génération »,lance-t-il à l’adresse des journalistes. Aucours d’une allocution dense, il livre unepetite leçon de dialectique sans en avoirl’air.« Les âges anciens sont ceux de la dyna-mique de concurrence. Efficace à bien deségards. Le capitalisme est une force decréation destructrice. L’âge nouveau quicherche son chemin est celui du partagecomme source nouvelle d’efficacitésociale et économique », explique le secré-taire national pour qui « le capitalempêche l’avènement d’un nouvel ordreéconomique et civilisationnel fondé surle partage et la coopération qui frappentà notre porte. »Pierre Laurent l’affirme : les communistesne sont pas « des observateurs ou com-mentateurs critiques du capitalisme, noussommes les combattants de son dépas-sement. Nous sommes de ces combat-tants du monde nouveau en devenir. » Enrepartant, c’était bien ce qu’avait à l’es-prit la nouvelle génération de militants,mise au monde pour le changer. n

*Léo Purguette est responsable de larubrique Travail de secteurs.

RÉPARTITION DES ADHÉSIONS 2012 (SUR 6 500 ADHÉSIONS ENREGISTRÉES SUR COCIEL)

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Comment as-tu adhéré au PCF ?J’ai adhéré à la Fête de l’Huma mais ça faisait un momentque j’y pensais. J’ai toujours eu un attachement, une affec-tion particulière pour le PCF. Son histoire, ses combats meparlent. Pour moi, le Parti communiste c’est un Parti déter-miné et en même temps toujours responsable. Un Parti cré-dible et constructif. Je voulais voir comment ça se passe del’intérieur, alors j’ai adhéré.Pourquoi avoir adhéré au PCF au sein du Front de gauche ?Le Front de gauche a contribué à me faire adhérer. J’ai choisile PCF comme une évidence, parce que je me sentais prochede lui avant que le Front de gauche ne soit constitué. Et puis,son histoire, son nombre de militants, son implantation font delui un Parti solide. Je suis attaché au rassemblement, y com-pris à l’intérieur des organisations et, de ce point de vue, le Particommuniste me paraissait répondre à ce besoin.Le Parti a-t-il rapidement pris contact avec toi ?Ça a dû prendre un ou deux mois. On m’a d’abord invité à merendre à un exécutif de section pour faire connaissance et puisj’ai été ensuite régulièrement invité aux réunions et j’ai intégrél’activité.

Le Parti est-il tel que tu l’imaginais ?Je n’avais pas vraiment d’idées préconçues, je me suis tout desuite senti intégré, accepté. Peut-être y a-t-il du travail à fairesur la transversalité au sein du Parti mais je reconnais que laquestion de l’organisation est toujours compliquée.Tes attentes vis-à-vis du Parti sont-elles remplies ?Oui, je trouve que les militants sont accueillants et je dirais quelorsqu’on a envie de s’investir, on est sollicité sans problème.Je ne me suis jamais senti mis de côté.Comment envisages-tu ton militantisme ?Je milite beaucoup également à la CGT. Mais comme tout lemonde, j’ai une famille : c’est parfois un peu difficile de toutconcilier. Je ne suis pas investi sur une question Particulière,je Participe à la bataille générale du Parti en essayant de mon-trer ce qu’apporte l’engagement communiste dans la lutte declasses pour la défense de l’intérêt général. J’ai envie de convain-cre, de rassembler. Je pense qu’on a besoin de formation pourêtre encore plus efficace dans cette tâche.

Florian Marquis, 30 ans, informaticien, section du Hurepoix,(Essonne).

J’ai envie de convaincre, de rassembler.”“Florian

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LE DOSSIER Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

PAR JULIAN MISCHI*

En tant que parti, le communismefrançais est né dans la « désadhé-sion » : des militants, radicalisés par

les compromissions des leaders socia-listes pendant la guerre et par un contexted’intense conflictualité sociale, quittenten 1920 la SFIO, laissant leurs ancienscamarades tenir la « vieille maison ». Ilsrejoignent une nouvelle organisationrévolutionnaire qui reçoit ses premiersadhérents dans le cadre d’une scission, àl’occasion du Congrès de Tour de décem-bre 1920.

UNE MÉFIANCE A L’ÉGARD DES « BEAUXPARLEURS »Les premières années du Parti commu-niste sont marquées par des mises à l’écartet des sorties massives de l’organisation.Dans cette phase de « bolchevisation »,l’objectif n’est pas tant de recruter que defaire le tri parmi les présents : la consti-tution d’une avant-garde militante passepar une gestion radicale des adhérents.Les recrues visées sont les « éléments pro-létariens » et les jeunes militants éloignésde la mentalité « réformiste » de la SFIO.Gouvernée par la dénonciation de la « tra-

hison » de l’élite socialiste, la gestion despremiers adhérents vise à mettre de côtéceux qui viendraient au parti pour fairecarrière, dans les mairies ou à l’assem-blée notamment. Elle nourrit uneméfiance à l’égard des « beaux parleurs »qui pourraient utiliser la tribune du partipour se faire valoir.En matière d’adhérents, le parti qui s’en-gage dans une dynamique unitaire aumilieu des années 1930 a ainsi peu dechoses à voir avec celui issu du Congrèsde Tours. Avec le Front Populaire, l’heureest désormais à la constitution d’un partide masse autour d’une élite militante for-mée dans les écoles et tournée vers lemodèle soviétique. On le voit, la ligne poli-tique adoptée se traduit par des inflexionsdans la gestion des adhérents, inflexionsplutôt sectaires (comme ensuite pendantla Guerre froide) ou davantage tournéesvers l’extérieur (Libération, période duprogramme commun).

UN TRAVAIL D’ÉDUCATION POLITIQUEIndépendamment des variations deconjonctures, prendre sa carte au PCF estun acte qui déclenche tout un ensemblede pratiques de socialisation militante.Les militants aguerris opèrent en effet untravail d’encadrement et de politisation

des nouveaux adhérents. L’expression« On ne naît pas communiste, c’est dansle parti qu’on le devient » illustre bien cetteidée selon laquelle l’adhésion est le com-mencement d’un apprentissage politique.Les animateurs des cellules se doiventd’orienter les activités militantes des nou-veaux venus dans un sens « politique ».Ils veillent, en particulier, à ce que lesaffaires municipales pour les celluleslocales, et la vie syndicale pour les cellulesd’entreprise, ne dominent pas les discus-sions.L’adhérent a des devoirs consignés dansles statuts du parti, comme « l’éducationpersonnelle » qui implique la lecture dela presse militante. Sa prise de responsa-bilité dans l’organisation nécessite un pas-sage au sein de différentes écoles. Le rôleque les dirigeants assignent à l’éducationmilitante est de faire éclore le dévoue-ment et « l’esprit de parti » contre l’« espritde suffisance » et de « quiétude ».L’acquisition des ressources militantes estvérifiée lors de procédures autobiogra-phiques. Jusqu’aux années 1970, les mili-tants doivent régulièrement remplir desquestionnaires permettant aux dirigeantsd’évaluer leur apprentissage idéologique(la lecture des ouvrages recommandéspar exemple), mais aussi leur pratique

RETOUR HISTORIQUE : UNE ADHÉSION-SOCIALISATIONComment le PCF a-t-il géré ses nouveaux adhérents à travers son histoire ? Qu’impliquait la prise de carteen matière de politisation ?

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

ADHÉRER AU PCF, UN PANORAMA CHIFFRÉ

militante et leurs fréquentations (mili-tantes, familiales, amicales).

LA VALORISATION DES MILITANTSOUVRIERSSi l’adhésion est ouverte à tous, le PCF,comme organisation du mouvementouvrier, accorde une place prépondérantedans ses structures aux membres desclasses populaires (ouvriers, paysans,agents d’exécution dans les services, etc.).À rebours des logiques de domination quis’imposent à eux dans leur quotidien etles excluent le plus souvent du jeu poli-tique, ces catégories sont valorisées dansle « Parti de la classe ouvrière ». Les adhé-rents ouvriers sont tout particulièrementsélectionnés pour suivre les écoles duparti, devenir permanents et donc pour

diriger l’organisation. Le parti procure desressources collectives et une confianceen soi pouvant compenser partiellementles effets de la faiblesse des ressources cul-turelles et économiques des militantsd’origine ouvrière. Dans les années 1980 et 1990, avec notam-ment le déclin de la formation militanteet la valorisation des catégories diplôméesau sein du PCF, les adhérents des milieuxpopulaires peinent à trouver leur placedans les réseaux militants. La valorisationde l’individu contre l’organisation, la pos-sibilité d’être communiste sans êtreencarté, l’autonomisation des élus, sontautant d’éléments allant dans le sens d’undéclin de l’adhésion – socialisation. L’adhésion s’accompagne de moins enmoins d’une intégration militante, d’au-

tant plus que les instances électives ten-dent à remplacer les sections bien qu’ellesne jouent pas le même rôle. À partir desannées 1990, il n’est pas rare que le poten-tiel nouvel adhérent repéré (dans les ban-lieues populaires, souvent de jeunesfemmes, filles de travailleurs immigrés)soit propulsé dans un conseil municipalsans socialisation militante préalable.L’engagement militant est dévalorisé auprofit des positions électives. Cette pra-tique est l’une des explications de la dif-ficulté à maintenir aujourd’hui des nou-veaux adhérents, en particulier desmilieux populaires. n

*Julian Mischi est sociologue. Il est chargé derecherches à l’institut nationale de larecherches agronomique.

Décembre 1920, Tours, les délégués socialistes detoute la France rassemblés en congrès votent (très)majoritairement l’adhésion à l’Internationale com-muniste : notre parti est né. Il compte plus de 100000 adhérents. Assez vite, cependant, c’est lerecul, vertigineux : l’intensité de la répressiond’État mêlée aux positions très avant-gardistesde notre parti sur tous les sujets (militarisme, colo-nialisme, femmes, homosexualité…) en fort déca-lage avec l’essentiel de la population, font tom-ber le parti à 50 000 adhérents (dès 1923).Lorsqu’en 1928, la tactique « classe contre classe» est décidée internationalement dans la perspec-tive de l’imminence d’une grave crise capitalisteet d’une révolution qui devrait s’ensuivre, dix ansaprès 1917, les effectifs chutent encore pour attein-dre un étiage à 28 000 en 1934. La radicalisationen solitaire dans un contexte où c’est l’extrêmedroite qui se nourrit des ravages de la crise n’en-traîne pas la révolution escomptée.

C’est avec tout cela que le nouveau secrétairegénéral, Maurice Thorez (1900-1964), entreprendde rompre en initiant cette même année une nou-velle stratégie : le Front populaire, alliant lutteunitaire antifasciste et revendications concrètesfortes et immédiates. Les adhésions affluent parmilliers et dès 1935, la barre des 50 000 est fran-chie à nouveau ; en 1936, la barre des 200 000 ;en 1937, la barre des 300 000. Les déboires duFront populaire sont à l’origine d’un léger repli en1938 mais le nouvel effondrement ne survientqu’avec l’interdiction du PCF à l’été 1939.Clandestin, notre parti perd bien sûr nombred’adhérents – certains, sur fond de désaccordspolitiques.

Cependant, l’action héroïque, massive et rassem-

bleuse des communistes dans la Résistance, surfond de combats décisifs menés par l’Union sovié-tique, octroie à notre parti un écho considérableet, dès septembre 1944, les 200 000 militants sontatteints. En décembre, la barre des 300 000 estfranchie. 1945 et 1946 sont les années d’apogéeavec des adhésions par dizaines de milliers : l’acméest atteint en 1946 avec plus de 800 000 adhé-rents. C’est que les communistes changent concrè-tement la vie de notre peuple : Sécurité socialeavec Ambroise Croizat, nationalisation et réorga-nisation du secteur de l’énergie avec Marcel Paul,statut de la fonction publique avec le vice-prési-dent du Conseil, Maurice Thorez.La guerre froide vient toutefois prendre à reverscet élan communiste : chassés du gouvernement,rejetés dans l’opposition et méprisés par les socia-listes (Jules Moch, Guy Mollet…) comme les radi-caux (Mendès France, etc.) qui préfèrent gouver-ner avec la droite, les communistes sont enfermésdans un ghetto et paraissent impuissants. Lesdéparts sont nombreux et les effectifs militantsse stabilisent, vingt ans durant, autour de 250 000adhérents.

Les événements de 1968 et la nouvelle dynamiqueimpulsée par Waldeck Rochet – secrétaire généraldepuis 1964 – sont l’occasion d’un nouvel essor : lePCF franchit à nouveau le seuil des 300 000. Touts’accélère en 1972 avec la conclusion du programmecommun de la gauche : des perspectives de chan-gements concrets profonds se dessinent à nouveauet le PCF est à l’initiative. C’est un nouvel âge d’ormilitant pour le PCF : pour la seule année 1973, onne compte pas moins de 62 000 adhésions ; en 1975,100 000 ; en 1976, 166 000 ! Le collectif militantn’arrive pas à pérenniser toutes ces adhésions.Néanmoins, les effectifs dépassent les 500 000

adhérents à partir de 1977… et jusqu’en 1978 où lereflux s’amorce avec la rupture du programme com-mun : les perspectives transformatrices s’éloignent,le PCF est accusé d’être à l’origine de la rupture,l’anticommunisme déferle sur la France avec l’of-fensive des « nouveaux philosophes » autour d’unconcept qu’ils popularisent pour désigner le com-munisme : totalitarisme.

Les années 1980 et les lourdes déceptions susci-tées par la gauche au pouvoir voient les effectifsmilitants du PCF reculer fortement, quelle que soitla stratégie adoptée par notre parti (ouverture ousolo, alliance avec le PS ou dénonciation de ce der-nier). 1982, retour sous les 500 000 ; 1984, sousles 400 000 ; 1993, sous les 300 000. Le repli sepoursuit encore après 1994 et la mutation enga-gée par le nouveau secrétaire national, RobertHue. En 1999, le parti tombe sous la barre des200 000. La fin de l’Histoire prophétisée parFukuyama semble condamner le PCF : quelle quesoit la stratégie, c’est le recul, signe de la mortinexorable du PCF écrit-on ici ou là, non sans par-venir à persuader des militants communistesgagnés par une certaine déprime…

Et puis 2005 : le nouvel ordre capitaliste ultrali-béral n’est donc pas invincible ni majoritaire dansce peuple français qui rejette le traité constitu-tionnel européen à l’issue de cette bataille où lePCF a engagé toutes ses forces en dépit de son-dages très mauvais et d’un appareil médiatiquetrès mobilisé. La chute des effectifs stoppée en2002, la reconquête commence en 2005 avec8 000 adhésions et, chaque année depuis lors,entre 5 000 et 8 000 adhésions par an. n

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LE DOSSIER Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

Quand on leur demande de hiérarchiserleurs attentes prioritaires, les demandessociales et économiques sont très fortes,les questions dites sociétales, de sécuritéou de mœurs n’arrivent qu’au 14e et 19e

rang sur vingt thèmes.S’ils souhaitent un changement en pro-fondeur, ils se montrent « raisonnables »,attendant plus des solutions que la révo-lution, pour dire vite. D’ailleurs, une autrequestion porte sur « les idées à venir ducommunisme » et son résultat confortece sentiment : sur 17 « idées commu-nistes » à développer demain, la « révo-lution » vient à la 17e place…

UNE OPINION POSITIVE DU PARTILes sondés ont une opinion positive descommunistes (75 %). Un sur deux (53 %)dit connaître dans son entourage un com-muniste, ce que l’on pourra trouver, commela fameuse bouteille à moitié vide ou pleine,beaucoup… ou trop peu, puisqu’un sym-pathisant sur deux ne sait pas en somme àquoi ressemble un communiste !Parmi ceux qui disent connaître un com-muniste, 56 % notent que cela améliorel’image qu’ils ont du PC, pour 47 % ça lesincite à voter communiste mais 18 % seu-lement ajoutent que ça pourrait les ame-ner à adhérer. Ces « électeurs potentiels »ont une image positive de l’idée commu-niste et du communisme (autour de 70 %),mots qu’ils associent massivement (90 %)à de fortes valeurs sociales (partage, éga-lité, justice, solidarité). Seuls 14 % ont ducommunisme une perception négative :ça renvoie pour eux à Staline, c’estdépassé, irréaliste (14 %).Ce résultat sur l’image du communismeest tout à fait intéressant ; il tendrait à indi-

L’IMAGE DES COMMUNISTESUne enquête réalisée en 2012 par Viavoice donne des indicationssur l’état d’esprit des électeurs vis-à-vis du PCF et de ses militants.

quer que dans l’imaginaire collectif, dumoins dans celui d’une large fraction dela gauche, on est sorti enfin, ou plus exac-tement on sortirait enfin des vieux clichés

sur Communisme-Staline, même combat !Sur le parti lui-même, l’opinion est posi-tive à 74 % ; on attend de lui qu’il soitproche des gens et présent dans les mou-vements sociaux. Ces sondés sont trèsunitaires, ils espèrent que le PCF va s’ou-vrir davantage aux autres partis de gauche(prioritaire pour 85 %) ; ils sont moitiémoins, 41 %, à attendre du PC qu’il soit« plus critique contre François Hollande »(rappelons que l’enquête a été menée enjuin 2012). On attend aussi de lui qu’ilapporte des solutions à la crise (92 %),renouvelle ses idées et son programme(86 %). Le choix du Front de gauche estplébiscité : pour 74 %, l’opinion qu’ils ontdu PC depuis la création du Front degauche s’est améliorée. 90 % trouvent quela candidature Mélenchon fut une « bonnechose ». Avec ce Front, le PCF « fait plusmoderne » (77 %) ; ils sont presque autantà penser que PCF et Front de gauche sontcomplémentaires, que le PCF conservebien son identité dans le Front. Enfin 83 %jugent que ce serait « une chance pour laFrance » si le PC était une « composanteimportante du pouvoir » en France. n

*Gérard Streiff est responsable de la rubriqueCombat d’idées.

PAR GÉRARD STREIFF*

Quel peut être l’imaginaire politiqued’un nouvel adhérent ? Difficile à direcar il doit y avoir probablement

autant de cheminement d’idées que d’en-gagements individuels. Toutefois, il existeune étude d’opinion, réalisée pour l’uni-versité d’été du PCF, l’été dernier, enSavoie, qui donne peut-être quelques indi-cations. Elle est intitulée « Observatoiredes communistes et de l’idée commu-niste ». Le sondage de l’institut Viavoiceciblait les « électeurs communistes poten-tiels », des citoyens qui voteraient « cer-tainement ou probablement » commu-niste à une élection présidentielle. Cepotentiel (certains + probables) oscilleentre 17 % (à une présidentielle) et 21 %(élection locale), ce qui est déjà uneréserve appréciable.

UN CHOIX DE VALEURSÉvidemment, cette étude porte sur le voteet non sur l’adhésion mais on peut pen-ser que l’état d’esprit de ces citoyens estassez proche de celui des nouveaux adhé-rents. Quelle est leur motivation premièreen faisant le choix communiste ?L’idéologie. Deux électeurs communistespotentiels sur trois disent faire d’abordun choix de valeur, d’idée, des idées degauche, qui lui ressemblent, d’égalité, departage, de justice sociale. Interrogés surles choses qui les inquiètent le plus dansla société actuelle, ils répondent d’abord :la crise et les problèmes économiques(emploi, pouvoir d’achat), l’évolution dela société (l’avenir, les injustices), la remiseen cause des services publics et des acquissociaux.

Ces « électeurs potentiels » ont une image positive

de l’idée communiste et ducommunisme, mots qu’ils associent

massivement à de fortes valeurssociales (partage, égalité, justice,

solidarité).

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

Qu’est-ce qui t’a conduit à regarder du côté du PCF ?En avril dernier le résultat du premier tour de la présiden-tielle m’a déçue. J’avais le sentiment de n’avoir rien fait,d’être communiste toute seule dans mon coin. Les valeurscommunistes  : le partage, l’humain, la lutte contre les dis-criminations et l’exploitation étaient les miennes depuis tou-jours, c’était une évidence. À la gare du Blanc-Mesnil, j’airencontré des militants, on a discuté. Ils ont pris mes coor-données.Le Parti a-t-il rapidement pris contact avec toi ?Une semaine après j’étais invitée à assister aux résultats dusecond tour à la mairie. Je me suis tout de suite intégrée auxéquipes de collages pour les législatives avec Marie-GeorgeBuffet.Pourquoi avoir adhéré au PCF au sein du Front de gauche ?Bien sûr, c’est parce que ce sont les communistes que j’ai ren-contrés mais avant cela, pour moi, les idées du Front de gaucheétaient avant tout celles qui sont portées par le PCF.

Le Parti est-il tel que tu l’imaginais ?J’ai trouvé les militants très ouverts, très dynamiques vis-à-visde la démarche du Front de gauche à propos de laquelle j’au-rais pu imaginer que des camarades âgés par exemple, soientun peu réticents. Je trouve que dans ma section une vraie placea été faite aux nouveaux adhérents. Je n’ai jamais eu l’impres-sion qu’on me regardait en se disant «  toi tu es nouvelle doncpour le moment tu te tais ». Au contraire, il y a entre les com-munistes une grande solidarité, de la fraternité. Si j’osais, jedirais que c’est mieux qu’à la maison  !Quelles thématiques t’intéressent  ? Accepterais-tu des responsabili-tés  ?L’éducation est bien entendu mon thème de prédilection maisje m’intéresse à tout pour la suite. Pour le congrès, j’ai acceptéd’être membre de la commission fédérale du texte.

Anaïs Debieve, 26 ans, professeur des écoles, Le Blanc-Mesnil, Seine-Saint-Denis)

Il y a entre les communistes une grande solidarité, de la fraternité.”“Anaïs

ENQUÊTE SUR LES NOUVEAUX ADHÉRENTS AU PCFOrigine et signification de l’engagementComment devient-on communiste ? Qu’est-ce qui conduit à l’engagement dans un parti, et plus spécifi-quement au Parti communiste? Quelles sont les représentations véhiculées par les nouveaux adhérents ?

Parti communiste français, sur un effec-tif total d’une centaine de nouveaux adhé-rents parmi les 750 personnes présentes.Un nouvel adhérent est quelqu’un qui apris sa carte il y a moins de trois ans.

SOCIALISATION ANTÉRIEURE À L’ADHÉSION[...] En sociologie, la notion de « socialisa-tion » a pour vocation de rendre comptedes processus de transmission de valeurset d’intériorisation de normes sociales,lesquelles sont apprises au cours de la viedes individus par différents canaux, ins-tances, institutions et groupes d’apparte-nance. C’est un processus d’apprentissage

PAR OCTÁVIO FREITAS NETO*

L’analyse présentée ici prend l’indi-vidu comme porte d’accès à la com-préhension des phénomènes poli-

tico-sociaux de l’engagement. [...]L’enquête a utilisé l’entretien semi-direc-tif et l’entretien libre. [...] L’objectif est lamise en récit de soi pour connaître le sensque les individus donnent à leur pratique.Comment le Parti communiste françaiss’inscrit-il dans la trajectoire de vie desnouveaux adhérents ?Vingt entretiens de vingt minutes ont étéréalisés pendant l’université d’été 2012 du

et de formation de l’être social.Un certain nombre de remarques peuventêtre tirées des entretiens :1. L’importance des instances de sociali-sation infrapartidaires pour l’acquisitionde ce qui est vécu comme la « culture com-muniste », « l’esprit de gauche ». Lesenquêtés, avant leur engagement, possè-dent un passé riche d’expérienceshumaines, intellectuelles et politiques. Lafamille et les associations de jeunessecomme les JC, UNEF et syndicats jouentun rôle important, non dans la cooptationdes futurs adhérents, mais plutôt dans lasocialisation à des valeurs dites commu-nistes. D’après M., 23 ans, « on apprendla culture communiste, ce n’est pas le cha-cun pour soi qu’on peut voir dans lesautres partis. C’est très sympa l’esprit degauche, on apprend à s’instruire » dit-il.Le dialogue, le contact humain à traversles débats, la distribution de tracts, la prisede parole en public (dans les instances desocialisation infrapartidaires) contribuentà la formation de « l’esprit de gauche ».2. Il y a une concordance entre la sociali-sation antérieure et l’engagement actuel.La socialisation antérieure à l’adhésiondonne à l’engagement une nature presquehéréditaire. En effet, l’engagement appa-

ÉVOLUTION DES ADHÉSIONS

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LE DOSSIER

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Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

SUITE DE LA PAGE 13 > raît comme une « suite logique », quelque

chose « d’évident », voire nécessaire. PourS., qui est extrêmement sensible aux iné-galités et à l’injustice, l’engagement est laconséquence nécessaire de la prise deconscience des inégalités. Pour elle, la prisede conscience politique passe par l’enga-gement.

LA PRISE DE DÉCISION ET LE POIDSSPÉCIFIQUE DU PARTI COMMUNISTEFRANÇAISL’adhésion est vécue comme un gestenaturel. Mais comment la naturalité dugeste se déploie-t-elle dans le temps ?Quelles sont les étapes de la prise de déci-sion ? Y a-t-il un calcul coût/avantage ?Pourquoi le PCF et comment ? [...]Les différents parcours de vie des indivi-dus les ont amenés à côtoyer certainesidées humanistes. D’après les enquêtés,le PCF est le seul parti dans l’échiquierpolitique français qui représente l’idéal debonheur et de justice sociale acquis à tra-vers les luttes de l’expérience politiquefrançaise. Le parti joue un rôle d’instru-ment d’émancipation, d’après les enquê-tés. C’est un espace d’apprentissage etd’échange. Pour eux, c’est un parti où l’onpense différemment des autres partis fran-çais. L’exemple de J. montre la force dusentiment d’être communiste. Elle a faitpleurer son père lorsqu’elle a déchiré sacarte. Ce n’était pas simplement une rup-ture avec une organisation partidaire. Sondésaccord tenait au fait que les ouvriersn’avaient pas l’espace de parole, donc ellene trouvait pas une place au sein du parti,d’où la rupture. Avoir sa place ne veut pasdire être dirigeant ou élu, ni avoir des

postes de responsabilité. Avoir sa placeveut dire avoir son espace de parole. S’il ya trente ans cette place, pour J. était inexis-tante, aujourd’hui elle reconnaît un chan-gement car le parti lui apporte beaucoup.Cela veut dire qu’il faut une rétributionsymbolique quelconque pour que l’indi-vidu trouve un sens au sein du parti. PourJ., des espaces d’échange tels que l’uni-versité d’été et le comité exécutif remplis-sent cette fonction rétributive nécessaireà la satisfaction personnelle. Ce que le partilui apporte est la possibilité de s’instruiredavantage, de faire des rencontres,d’échanger des idées.[...]

LA QUÊTE D’IDENTITÉChercher une identité veut dire chercherune concordance, un accord, une corres-pondance, une stabilité en somme, entresoi-même et autre chose. Dans le cas enquestion, entre soi-même et le Parti com-muniste. Comme nous avons vu, il y aconcordance entre la socialisation anté-rieure et l’engagement actuel. Pour la plu-part des adhérents l’identité entre soi-même et les valeurs communistes va desoi, est chose naturelle. [...] On peut parta-ger les idées communistes sans être com-muniste, voire en étant en complet désac-cord avec le fonctionnement du parti.Première remarque : être communiste va(ou peut aller) au-delà d’être adhérent auParti communiste. La valeur communistese situe, donc, au-delà du fonctionnementpartidaire. Pour V., la possibilité de s’expri-mer, de se former et de s’épanouir consti-tue un des apports fondamentaux du parti.R. appelle ça : le sentiment de communion.La possibilité de communisme, donc, ne

va pas sans communion partidaire.Le cas de V. va dans le même sens. Son casmontre que l’engagement n’est pas un acteanodin. Au contraire, cet acte impliqueune certaine rupture : dans son cas rup-ture avec sa sœur et, plus largement, avecle mode de pensée de sa famille. Cette rup-ture est vécue par V. comme un « éveil »,comme une « prise de conscience ». Cetteprise de conscience est simultanée à ladestruction de la vieille image du PCF quilui a été transmise par sa famille. Elle adécouvert un parti jovial, revendicatif etouvert à la discussion. A. et M. appellentça : « des gens sympas ».

DÉSALIÉNATION ET SOCIALISATION[...] Pour les enquêtés, l’apport spécifiquedu Parti communiste est l’apprentissageet la formation. Le parti leur permet d’avoirles moyens pour comprendre le monde.M. nous dit que son adhésion lui permetde continuer à s’instruire, à apprendre.Les débats, les lectures et les discussionsavec les gens en sont les moyens.L’université d’été, pour les enquêtés, appa-raît comme un espace privilégié qui s’ins-crit dans la « démarche personnelle derecherche » (comme l’a formulé A.) et rem-plit le rôle de haut lieu de sociabilité com-muniste.

LA PROMOTION SOCIOPOLITIQUENous avons vu que maints enquêtés consi-dèrent le parti comme un moyen, et noncomme une fin en soi. A. et R. rejettentexplicitement la vision carriériste de l’en-gagement communiste. Ils mettent enavant les valeurs communistes commeprincipe. Le parti est présenté dans leurs

Comment as-tu adhéré au PCF ?Un collègue de travail communiste m’a proposé d’être béné-vole à la Fête de l’Huma de septembre dernier. J’ai dit oui sanshésiter. Pendant trois jours j’ai côtoyé les communistes et apprisà les connaître. Je me suis dit que c’étaient vraiment des gensbien, qu’ils avaient l’intérêt général, l’humain en tête. Des idéesqui rejoignent les miennes. Alors le lundi quand j’allais partir etqu’on m’a proposé le bulletin d’adhésion, je me suis inscrit debon cœur.Pourquoi avoir adhéré au PCF au sein du Front de gauche ?Ce qui a fait la différence, je crois que c’est d’abord ce rapportque j’ai eu avec les militants, le fait de les voir directement àl’œuvre dans la Fête.Le Parti a-t-il rapidement pris contact avec toi ?Dès le lendemain mon secrétaire de section a pris contact partéléphone. J’ai reçu aussi des informations par mail.Le Parti est-il tel que tu l’imaginais ?J’ai adhéré en septembre et comme je suis entre Paris et Poitiers,

je n’ai pas encore eu suffisamment l’occasion de m’impliquerdans le Parti pour me prononcer sur la question. Quand on m’asollicité pour participer à cette initiative nationale j’ai tout desuite dit oui. Je dirais que la découverte du siège est un peu àl’image de celle du Parti. Je m’attendais à voir des bureaux car-rés et identiques qui se suivent et en fait, l’architecture estimpressionnante, originale. Quant aux gens, je retrouve l’am-biance de la Fête de l’Huma avec cette gentillesse spontanéeet ces personnes qui, sans se connaître, discutent et ont envied’agir ensemble. Comment envisages-tu ton militantisme ?J’ai envie de m’investir mais je ne sais pas encore de quellemanière. Les questions sportives m’intéressent et ça tombebien, Nicolas Bonnet qui s’en occupe dans le Parti est mon secré-taire de section. Mais ce n’est pas tout, s’il y a des initiatives,qu’on me sollicite  : je suis là.

Jean-Ludovic Jules, 20 ans, agent SNCF, section du 12e arrondisse-ment de Paris

J’ai dit oui sans hésiter.”“Jean-Ludovic

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

paroles comme un moyen d’épanouisse-ment personnel et de prise de conscience.Il y a donc, pour eux, une valeur éthiquefondamentale, laquelle exclut, a priori, lecalcul égoïste des bénéfices et des promo-tions sociales et politiques. Le point de vuede la promotion sociopolitique introduitla rétribution matérielle comme critère desatisfaction. Or, la logique développée dansle discours des enquêtés jusqu’à présentva dans le sens de la recherche de rétribu-tions symboliques – comme l’intégrationsociale et les fonctions pédagogiques duparti. Parmi les cas étudiés dans cetteenquête, un seul montre la mise en œuvre

d’un discours calculateur [...]. Son but, aussialtruiste soit-il, est de « créer un Parti com-muniste congolais ».

ADHÉRENTS/MILITANTSMaurice Duverger distingue quatre formesd’engagement, ayant comme indice la soli-darité partisane : l’électeur, le sympathi-sant, l’adhérent et le militant. Nous avonsaffaire, dans les cas ici étudiés, à des adhé-rents/militants.L’adhérent, selon Duverger, se caractérisepar une « participation plus profonde quela sympathie, mais moins profonde quele militantisme », tandis que le militant,membre du parti et bien plus encore,constitue un élément de sa communauté,il en assure l’organisation et le fonction-nement, sans néanmoins, en être un diri-geant.L’adhésion ne se confond pas avec la mili-tance. Mais il nous semble que les nou-veaux adhérents en question ici tendentvite à la militance – et certains se définis-sent comme militants. Par exemple, S. :« J’ai commencé à militer en 2010 » ; A.,22 ans : « J’ai commencé le militantismeà 18 ans, dans le syndicalisme étudiant[...] mon adhésion est un vrai engagement,un geste important [...] » ; H., 20 ans, : « [...]le militantisme me donne le sentimentconcret d’être libre [...] » ; V. : « [...] collerdes affiches, distribuer des tracts, je faistout ça [...] » ; J. : « Je milite beaucoup dansmon quartier populaire ». L’adhésion,pour les enquêtés, est synonyme de mili-tantisme, d’implication personnelle dansla cause.

LA VALEUR COMMUNISTELes enquêtés mettent l’accent sur la tra-dition intellectuelle du parti. La formationest vécue comme un acte de militance,car, se former, comme dit J., « permet des’épanouir, de prendre conscience et detrouver ses mots ». Le parti, pour les jeunesadhérents/militants, se présente commeun espace de communion, d’instruction,de sociabilité et de lutte. Ce n’est pas unespace d’autopromotion, de carrière. C’estun lieu de promotion des valeurs huma-nistes.L’engagement communiste, pour nosenquêtés, ne doit pas se faire suivant unelogique opportuniste. La valeur commu-niste se situe au-delà du fonctionnementpartidaire. Il y a par conséquent, des prin-cipes fondamentaux qui structurent laconstitution du lien social communiste.Quels sont ces principes ?Pour les enquêtés, la racine libertaire ducommunisme, inscrite dans son histoireet dans son lourd passé de luttes consti-tue le cœur des principes communistes.L’adhésion au Parti communiste est avanttout l’adhésion aux valeurs communistes,à son idéal de justice sociale, de bonheuret de développement humain.[...]Cependant, l’image du communismeest toujours sujette à débat. D’après lesenquêtés, cette image n’est pas en pleinetransformation : elle est déjà nouvelle.

NOUVELLE IMAGE DU PARTI COMMUNISTEFRANÇAIS : JOVIAL ET REVENDICATIFV. est assez claire : « C’est vrai que l’imageque j’avais du PC, de ma famille, c’était lePC de Marchais, tout le monde bien enligne, un peu caricatural, c’était une imageque j’avais. Et la personne qui discutaitavec moi n’était pas du tout comme ça !Elle était vraiment dans la discussion, elleessayait de voir pourquoi j’avais des doutes[...] et quand je suis arrivée à la sectionc’était un coup de foudre, quoi ».R. dit que « le Front de gauche a renouvelél’image du Parti communiste, l’image d’unvieux parti archaïque [...] Les jeunes n’ontpas les mêmes attachements identitairesque les plus âgés du parti ».A. : « Au départ je pensais que c’était unvieux parti, j’avais l’image des vieux cégé-tistes, passéistes qui vivent dans leurs chi-mères [...] mais j’ai découvert un parti d’in-tellectuels, qui réfléchit [...] c’est un partiplus jeune qu’on ne le pense ».C’est la dynamique de la rencontre quipermet le renouveau de l’image du parti.À l’université, au lycée, les jeunes nou-veaux adhérents (re)découvrent le PCF.D’après S., 22 ans, c’est un esprit de cama-raderie. Mais d’après A., 22 ans, on peut

retrouver le même esprit de camaraderiedes communistes parmi les gens du FN :« Les gens du FN que je connais ont euxaussi une culture militante, un esprit decamaraderie aussi important » dit-il.Même J., qui a quitté le parti il y a trenteans, est heureuse de le redécouvrir.Redécouvrir le sens de sa vie grâce à unparti qui encourage ses militants « à allerà la rencontre des gens, à se former, à lire ».

SIGNIFICATION SOCIALE DE L’ADHÉSIONL’adhésion a une signification personnellede recherche et d’épanouissement.Cependant, cette recherche, aussi person-nelle soit-elle, a une signification éminem-ment sociale. Pour que la participation àune structure partidaire soit effective, l’in-dividu doit faire des efforts qui consom-ment du temps. Et nos enquêtés les fonttrès volontiers. Participer est aussi dansune certaine mesure montrer que l’on par-ticipe. Ou, inversement, cacher la partici-pation. Pour F., 20 ans, le fait d’être vu dansdes rassemblements communistes peutposer certains problèmes quand il dit : « Jene mets pas de photos explicites du PCFsur facebook [...] on ne sait jamais, si unemployeur me voit associé au PCF... ».Encore une fois, nous voyons que le « deve-nir communiste » est un acte qui appar-tient presque au domaine de la conscienceintime, des convictions. Mais l’adhésion,avec toute la sociabilité, la visibilité et lesengagements qu’elle implique, pour êtreeffective, est chose éminemment sociale,compromettante, conséquente.

LE PARTI SAGE« Parti des ouvriers » ; « parti intellectuel,de réflexion » ; « parti qui a une histoire » ;« parti révolutionnaire » ; « parti deMarchais, des cégétistes avec leurs chi-mères » ; « parti jovial et revendicatif, ouvertau débat » ; « parti sage ». Toutes ces défi-nitions, et bien d’autres, prononcées parles nouveaux adhérents présents à l’uni-versité d’été en 2012, laissent entrevoir lesenjeux actuels pour cette institution poli-tique et culturelle française. C’est, poureux, le parti de référence de la gauche fran-çaise. Cette sagesse, ce poids, cette tradi-tion sont des éléments fédérateurs pourceux qui viennent de se définir en tant quecommunistes. n

Extraits de l’enquête réalisée à l’universitéd’été du PCF.

*Octávio Freitas Neto est doctorant enAnthropologie sociale à l’université Paris-VRené-Descartes.

L’adhésion au Parti communiste est avant tout

l’adhésion aux valeurscommunistes, à son idéal de justice

sociale, de bonheur et dedéveloppement humain.

“”

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LE DOSSIER

Faut-il les garder ? La réponse à cettequestion – saugrenue – est invariable-ment oui. Pour les quatre responsa-

bles fédéraux contactés par la Revue duprojet, il n’y a qu’une seule interrogationqui vaille : comment les garder ? JérémyBacchi, responsable départemental de lacampagne de renforcement dans lesBouches-du-Rhône, est catégorique : « Laclef, c’est la réactivité. Quand on reprendcontact avec quelqu’un qui a adhéré sixmois plus tôt, il est forcément dans unautre état d’esprit. Il a sentiment de ne pasavoir été pris en compte, parfois il est passéà autre chose. » À partir de ce constat, leMarseillais a institué dans sa fédérationun envoi systématique de courrier dansla semaine qui suit l’adhésion : « Une let-tre du secrétaire départemental indiqueau nouvel adhérent que sa section va bien-tôt prendre contact avec lui. Elle estaccompagnée d’un livret d’accueil fédé-ral. » De quoi s’agit-il au juste ? « C’est uneplaquette qui donne des repères sur l’his-toire du Parti, son fonctionnement de lacellule au Conseil national et qui permetde faire le lien avec nos élus et notrepresse. », explique-t-il. Un document sem-blable a été conçu dans le Rhône mais « enformat numérique », indique BertrandMantelet, chargé de la vie du Parti dans ledépartement. « Avec un nombre croissantd’adhésions, il était indispensable d’avoirun support de présentation du Parti et dela fédération mis à la disposition des sec-

tions », précise-t-il. 110 nouveaux com-munistes ont rejoint le PCF du Rhône en2011, ils sont 174 de plus depuis le débutde l’année.Du côté de la Manche, Gérard Duboscq, lesecrétaire départemental, affiche quant àlui 53 nouveaux venus au compteur depuisle lancement du Front de gauche en 2009.« C’est sûr que ça peut paraître modestecomparé à des grosses fédés mais c’estbeaucoup pour notre département quicompte aujourd’hui environ 300 adhé-rents », lance-t-il en prélude. « Nous avionsl’objectif de rattraper la réalité sociologiquedu département. Il y avait un décalage. En2008, notre moyenne d’âge était de 62 ans »,relate-t-il. Avec le renfort « de jeunes maisaussi de militants et responsables syndi-caux » c’est en train de changer. Point noir :« Il y a un vrai déséquilibre femme-hommedans les adhésions et également en matièrede possibilité d’investissement militant.Malheu reusement dans la société actuelle,les femmes disent souvent être moins dis-ponibles que les hommes », constate-t-il.Un problème également pointé parBertrand Mantelet dans le Rhône.Néanmoins, optimiste pour l’avenir, GérardDuboscq se réjouit de la renaissance d’uneJC qui n’existait plus depuis vingt ans dansla Manche. S’il ne cherche pas à masquerles difficultés à organiser des nouveauxadhérents, pour la plupart déjà très prispar leur activité syndicale, il tire un bilanpositif de l’initiative d’accueil organisée

par sa fédération en juillet dernier. « Nousavons réussi à réunir une quinzaine denouveaux communistes pour une rencon-tre à la fois politique et conviviale où nousavons pu discuter des suites à donner àleur engagement dans le Parti et avec leFront de gauche. »À Paris, c’est en avril dernier qu’une ren-contre du même type s’est tenue. Dans lacapitale, on mise beaucoup sur la forma-tion pour intégrer les nouveaux qui sontau nombre de 600 depuis septembre 2011.Igor Zamichiei, le secrétaire départemen-tal, recense une douzaine d’initiatives deformation depuis un an entre les soiréesd’études et les stages d’un jour et demi.Des moments de rencontres indispensa-bles pour créer des liens entre des nou-veaux adhérents très divers, majoritaire-ment jeunes et attirés par « un Particommuniste ouvert et rassembleur ».« Dans les cellules et les sections, on pro-pose aux nouveaux de mettre en place unprojet concret pour faire rayonner les idéescommunistes à partir de leur parcourspersonnel et professionnel, de manière àles intégrer à l’activité tout en apportantun plus au collectif », souligne-t-il.Dans les Bouches-du-Rhône, « plusieursnouveaux adhérents se sont portés volon-taires pour participer aux équipes de ren-forcement qui se déploient dans toutesles grandes initiatives. C’est un fait encou-rageant, d’autant qu’en tant que nouveaux,ils ont souvent les mots justes pourconvaincre », témoigne Jérémy Bacchi quiespère atteindre 600 adhésions pour 2012dans sa fédération.Prochaine étape pour les responsablesfédéraux interrogés : permettre aux nou-veaux venus de prendre des responsabi-lités à l’occasion du 36e congrès. n

Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

DU CÔTÉ DES FÉDÉRATIONSGros plan sur les Bouches-du-Rhône, la Manche, Paris et le Rhône,où des initiatives sont prises pour l’accueil et la formation des nou-veaux adhérents.

PAR AMAR BELLAL*

La formation, c’est avant tout une parti-cularité du PCF. Il faut savoir apprécier àsa juste valeur l’exploit du Parti, qui a suformer jusque dans les années 1970 desmilliers d’ouvriers à un niveau qu’un étu-diant de Science-Po d’aujourd’hui envie-rait sans doute. Combien de fois a-t-on

été impressionné par des personnes âgéesqui, officiellement, n’ont même pas le cer-tificat d’études (l’équivalent du CM2…)mais qui, grâce au parti, grâce à ses for-mations, ont su se forger une solide cul-ture politique ? Sans pour autant refairel’école de « papa » des années 1950, il fau-drait garder cette ambition. Songeons qu’ily avait des stages qui duraient plusieursmois jusque dans les années 1990 !

DES CLÉS D’ANALYSE POUR COMPRENDRELE MONDEPouvoir se former reste l’une des pre-mières demandes des nouveaux adhé-rents. Ce désir de recevoir d’autres clés

d’analyse pour comprendre le monde puisle changer porte d’abord sur l’histoire, lemarxisme, les propositions du PCF et sonarticulation autour de son projet.Comment le parti aborde-t-il les ques-tions écologiques ? Quelle stratégie pourle Front de gauche ? Ou tout simplementcomment est organisé le PCF ?L’appréhension de la démarche dialec-tique reste un moment difficile de cetapprentissage. Alors que l’on a pu êtrehabitué à des visions confortables, uni-latérales, simplistes et tranchées, ondécouvre qu’un même processus peutabriter des mouvements contradictoires…Et puis il y a l’attrait de la nouveauté, la

FORMER LES ADHÉRENTS, NOUVELLES AMBITIONSInviter tout nouvel adhérent àapprofondir ses connaissances etlui donner les moyens de partici-per pleinement à la réflexion detout le Parti.

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

fraîcheur des adhérents qui veulent « tout,tout de suite ». C’est euphorisant, maissource aussi, parfois, de déceptions oud’incompréhensions. Ainsi, les nouveauxadhérents constatent vite que les prisesde décisions peuvent être lentes dans leParti. On voudrait que ça aille plus vite,on a l’impression de perdre son tempsdans des réunions… Cela aussi il faut l’ap-prendre, apprendre que s’il y a toujoursdes améliorations possibles, la démocra-tie avec 130 000 adhérents est beaucoupplus longue à organiser que dans unestructure de 1 000 membres. Et prendrele temps d’écouter tout le monde c’est ungage de durabilité qui explique peut-êtrela longévité du Parti malgré les périodesdifficiles qu’il a traversées.

UN ENJEU DE DÉMOCRATIELa formation, c’est aussi un enjeu dedémocratie. Pour qu’un nouvel adhérentpuisse entrer dans un débat de Congrès,il lui faut maîtriser, du mieux possible, leséléments de la discussion, sinon on estassuré de faire un simple sommet, qui serésumerait à un match (amical et frater-nel, certes) entre les quelques-uns quisont au fait des questions et non entre les130 000 acteurs légitimes du débat,condamnés à rester dans les gradins pourobserver la joute…Parlons, enfin, des pratiques anciennesdont on ne comprend pas immédiate-ment la pertinence et l’utilité, qu’il s’agissedes cérémonies de remise de cartes, dumuguet du 1er Mai, des fonctions de dif-fuseurs de l’Huma… C’est aussi l’enjeudes formations que de les expliciter, pastant pour les figer mais pour en compren-dre toutes les dimensions, pouvoir les faireévoluer en positif, plutôt que de les reje-ter en bloc. Ne l’oublions pas : le PCF, c’estla construction de plus de huit généra-tions de militants et le fruit de leurs inno-vations successives. Non, le Parti n’est pasun « appareil » lourd et ennuyeux, maisune tentative toujours renouvelée d’or-ganiser la classe ouvrière (au sens large)à travers un processus de prises de déci-sions démocratiques qui implique des

dizaines de milliers de militants. C’est celaqui est parfois difficile à comprendre…Une demande moins apparente est la for-mation pour l’animation et la prise de res-ponsabilités : communication orale,écrite, propagande, organisation d’unesection, d’une cellule, savoir mener unecampagne électorale etc. Elle est pour-tant aussi essentielle que la première, etson besoin se fait parfois vite sentir aprèsl’adhésion, tout particulièrement dansune période de fort renouvellement descadres au sein d’un parti où la démocra-tie relève d’une volonté mais aussi d’unevéritable « ingénierie » dont il faut avoirla maîtrise : savoir animer une assembléegénérale, conduire un processus decongrès, veiller à ce que tout le monde sesente respecté et écouté, tout celademande aussi un savoir-faire.Notre objectif, affiché doit donc, plus quejamais, trouver les conditions de sa pleineréalisation : « que tout nouvel adhérentpuisse recevoir une offre de formation auplus tard 6 mois après son adhésion ».C’est un gage de consolidation, de stabi-lisation des nouvelles arrivées militantes.On a d’ailleurs l’habitude de dire qu’avecune telle politique, on « sauve » des adhé-rents, qui parfois peuvent se retrouver« dans la nature », sans contact et sansproposition concrète pendant des mois.D’où les deux offres de formation, propo-sées aux fédérations par le secteurFormation du Parti : stage de « base » dedeux jours (économie, histoire, philoso-phie, écologie et PCF) se déroulant régu-lièrement à la demande des fédérations,et le stage pour les « cadres », d’unesemaine, destiné à préparer les animateursà leurs futurs prises de responsabilités(secrétaire de section, vie du Parti, etc.).En dehors de ces stages et de l’universitéd’été, de nombreuses initiatives, sessions,journées de réflexion, conférences-débatsont proposés au niveau local. Par ailleurs,Espaces Marx, la Fondation Gabriel-Périorganisent régulièrement des rencontreset des journées d’études. La formation,c’est aussi l’incitation à la lecture de lapresse quotidienne, en particulier(L’Humanité), hebdomadaire (L’HumanitéDimanche), mensuelle (La Revue du pro-jet) et de toutes les revues plus spéciali-sées (Économie et politique, La Pensée, LesCahiers d’histoire) et la visite régulière dusite du PCF.Développer l’esprit critique des nouveauxadhérents et leur communiquer une soifde connaissances telle est notre ambition.

*Amar Bellal est responsable adjoint du sec-teur Formation du PCF.

Pourquoi avoir adhéré au PCF ?Je me suis toujours senti communiste.J’ai été adhérent à la Jeunesse com-muniste mais la vie m’a éloigné du mili-tantisme. Et puis j’ai à nouveau ressentila nécessité de m’engager, d’être affiliéà une organisation. J’ai retrouvé lescommunistes au niveau de ma com-mune, nous avons pris contact : il étaitquestion de se rendre à une fête du15 août. Je m’y suis rendu et, assez sim-plement, j’ai adhéré.Le Parti a-t-il rapidement pris contact avectoi ?Oui, je dirais dans un délai d’un mois,un mois et demi.Pourquoi avoir adhéré au PCF au sein du Frontde gauche ?Les idées du Parti communiste sontcelles qui me correspondent le plus.Dans ce Parti, la notion de partage estcentrale. Il y a bien sûr l’idée de partagedes idées mais aussi la volonté de bâtirune société de partage.Le Parti est-il tel que tu l’imaginais ?Les communistes sont très préoccupéspar les difficultés concrètes qui se posentà la population, ils s’interrogent sur lesévolutions de la société française. Dansma commune, ils sont toujours là, auxcôtés des habitants pour trouver dessolutions à leurs problèmes. Ils font beau-coup d’efforts, beaucoup plus que n’im-porte quels membres d’autres partis.Sur quels sujets as-tu particulièrement enviede militer ? De quelle manière tu aurais enviede t’investir dans le PCF ?La politique étrangère m’intéresse beau-coup. L’interna tionalisme est vraimentimportant pour moi. J’essaye de suivrede près les évolutions de la Russie oude la Chine par exemple, les change-ments de leurs économies et de leurssociétés. Je pourrais prendre des res-ponsabilités, si toutefois on m’en confie,pour que les choses changent.

David Ngoum-Edima, 43 ans, en recherched’emploi, section de Noisy-le-Grand,(Seine-Saint-Denis).

“DavidJe pourrais prendre des responsabilités si on m’en confie.”

La formation ne fournit pas, selon moi,des « repères théoriques » elle permetd’apprendre à « se repérer ».[...] Il s’agitd’acquérir les connaissances et lesméthodes qui permettent de mieuxapprécier le pourquoi et le comment desdiscussions et des choix. Et d’y prendre goût !Francette Lazard, Les vérités du matin.Regards croisés sur un engagement

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LE DOSSIER Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

PAR NICOLAS BESCOND ET FABIEN GAY*

UNE MULTITUDE DE RAISONS D’ADHÉRERÀ LA JCAu cœur des deux grands événementspolitiques qui ont marqué le pays ces der-nières années les plus jeunes générationsont pris une place tout à fait particulière.C’est bien de l’engagement des jeunesque sont venus les renforts cruciaux pourfaire de la mobilisation sur les retraitesun immense mouvement populaire inter-professionnel et intergénérationnel. Plusde quatre ans après le Contrat premierembauche (CPE), cette mobilisation étaità nouveau le signe de questionnement etd’ambitions politiques très fortes dans lesplus jeunes générations. Et aux électionsde 2012, François Hollande rassemble ausecond tour sur les mêmes bases une largemajorité dans toutes les catégories de sala-riés et dans les plus jeunes générations.Ces deux événements sont des marqueursde la capacité d’engagement des jeunesgénérations que nous retrouvons dans lesadhésions au PCF et au MJCF. Ceux-cin’adhèrent pas seulement dans cesmoments politiques intenses, mais aussi

à l’occasion de nos campagnes régulières.Et justement, alors que nous faisons adhé-rer beaucoup de jeunes lorsque nousdéployons le maximum de nos capacitésmilitantes, se pose la question de la placede tous ces adhérents dans la vie duMouvement en dehors de ces périodesexceptionnelles.

CONNAÎTRE L’ADHÉRENT, UN DÉFI QUIS’OUVRE À NOUS ?Qui sont nos adhérents ? Pourquoi adhè-rent-ils ? Sur quel sujet politique sou-haite-t-il agir ? Nous savons que nousavons une légère surreprésentation desétudiants (plus de 38 %) par rapport auxjeunes travailleurs (29 %) ou aux lycéens(33 %). Mais ce sont nos seuls chiffresprécis. En effet, nous ne disposons pas,nationalement, des informations concer-nant le ratio femmes/hommes, l’âge,l’année d’adhésion, les études, le travail,les centres d’intérêt…Pourtant, connaître l’adhérent est primor-dial à double titre. En premier lieu, pourrépondre au mieux aux envies d’agir et dese former, aux besoins militants… Puis,pour recenser toutes « les compétences »et les mettre au service des jeunes com-

munistes. Recenser toutes les compé-tences, c’est mettre l’adhérent en posi-tion d’être acteur du Mouvement. C’estpour répondre à ces défis et ces enjeux,que nous travaillons sur l’objectif d’unfichier national et interactif en ligne.

OUVRIR NOS PORTES EN GRAND ETDONNER LES CLEFS DE L’ORGANISATION ÀL’ADHÉRENTIntégrer quelqu’un dans un noyau déjàformé, avec ses rythmes, dans une orga-nisation qui a ses codes, cela soulève plu-sieurs problématiques. Cela demande uneffort d’aller vers l’autre, pour « s » ’inté-grer l’autre, autant pour le nouvel adhé-rent que pour celui qui accueille.Accueillir des nouveaux adhérents, c’estaussi accepter que chacun soit différentdans son engagement, sa manière de mili-ter, de fonctionner. C’est le sens et le rôleque nous donnons au « contact » de l’or-ganisation qui laisse ses coordonnées lorsd’une manifestation ou sur une initiative.Un contact, c’est un adhérent en devenir,c’est un jeune qui sait qu’il partage un oudes combats communs avec nous, maisqui se pose encore sûrement des ques-tions. Alors que l’engagement politique aété largement déconsidéré pendant desdécennies, il est utile de créer l’espacedans l’organisation qui permette à celui

ENJEUX DE L’ACCUEIL DES NOUVEAUX ADHÉRENTS À LA JCDonner à chacune et chacun sa place dans le Mouvement en renou-velant nos gestes et nos pratiques militantes

Fréd

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

Mon parcours est un peu particulier. J’ai été recrutée en 2008en fin de liste (36e position) pour les élections municipales auBlanc-Mesnil. Je suis métisse d’origine haïtienne et de mèrejuive tunisienne. Comme je le dis toujours : il manquait une noirejuive pour combler les listes. Si j’ai été recrutée pour les muni-cipales c’est en tant que personnalité de la société civile, maisaussi par rapport à ça, parce que je regroupais en moi plusieursminorités. En revanche, je ne voulais pas prendre ma carte, parcequ’à ce moment-là, je pensais que ce n’était pas une carte quidéterminait l’engagement politique. J’allais à la fête de l’Huma,j’y donnais des coups de main… J’aidais, mais je ne voyais pasl’intérêt d’adhérer. J’avais peur d’être enfermée dans un car-can, parce que le Parti avait très mauvaise réputation à mesyeux. En plus, il y avait énormément de personnes âgées en sonsein. Je me sentais donc mieux à l’extérieur. Néanmoins, auBlanc-Mesnil, Yann Le Pollotec, quelqu’un de visionnaire et quine faisait pas de sectarisme, me demandait régulièrement despetits rapports sur ma vision du Parti. Il me demandait donc deréfléchir. N’étant ni dedans, ni tout à fait dehors, je pouvais por-ter un regard d’ethnologue sur le Parti. Mais, au fur et à mesure,la barrière entre le fait de ne pas y être et le fait de pouvoir yentrer a disparu. C’était d’abord une peur  : peur de ne pas pou-voir réfléchir dans le Parti, peur qu’on me dise comment pen-ser. C’était l’impression que j’en avais. Puis, au fur et à mesure,je me suis rendu compte que le Parti n’était pas comme ça, qu’ilétait au contraire un espace hyperdémocratique où l’on pouvaitproposer des choses. C’est quand je me suis rendu compte quec’était un espace de «  libre échange  » où chacun peut propo-ser sa pierre à l’édifice que je me suis dit  : tiens  ! Pourquoi pasne pas prendre ma carte ? Ce qui m’a définitivement poussée àadhérer, c’est mon activité militante lors de la campagne Marie-

George Buffet pour les élections législatives de 2012. Dans cecadre, je mettais à la disposition de tous, sur le site de Marie-George Buffet, des reportages sociologiques que j’avais réali-sés sur le programme L’Humain d’abord (cette lecture commen-tée du programme est toujours en ligne). J’ai réuni une vingtainede personnes pour faire ces vidéos  : je lisais le programme etles gens en discutaient. Comme ils n’étaient pas toujours d’ac-cord, ça permettait à Marie-George Buffet de leur répondre. Çam’a surtout montré que les gens ne croyaient plus du tout enla possibilité de changer le monde. C’est là que je me suis ditque je voulais aller plus loin, que je voulais avoir ma carte pourêtre membre de ce groupe et pouvoir agir à l’intérieur de ce col-lectif humain. Jusqu’à présent j’avais fourni beaucoup de tra-vail mais sans avoir ma carte. Pendant quatre ans j’ai cherchémon auto-légitimité à adhérer. Une fois que j’ai compris, que jem’étais autolégitimée, j’ai franchi le pas. J’ai adhéré pour pou-voir faire de nouvelles choses. C’est ainsi que j’ai créé un cadred’accueil des nouveaux adhérents au Blanc-Mesnil, ou que jeviens de réaliser, avec les camarades de la section, quatorzevidéos de trois minutes qui sont des lectures commentées dutexte de base commune pour le Congrès (vidéos libres de droits,mises à la disposition de tout le monde). Samedi 10  novembre2012, j’ai animé la journée nationale d’accueil des nouveauxadhérents, au siège du Parti, place du Colonel-Fabien. Ce fut unhonneur qui m’a véritablement touchée et qui m’a conforté dansl’idée que j’avais vraiment fait le bon choix en rejoignant le PCF.

Elvire Guern-Dalbi, 40 ans, ethnomusicologue, productrice, conseillèremunicipale au Blanc-Mesnil, Section du Blanc-Mesnil, Seine-Saint-Denis.

qui n’a pas adhéré de se l’approprier pourfaire mûrir sa réflexion.Prendre les jeunes comme ils sont, c’estdonc aussi prendre nos adhérents commeils sont. Si nous devons adapter et diver-sifier nos méthodes de militantisme pourtoucher différents jeunes, c’est aussi notrefonctionnement qui doit pouvoir s’adap-ter aux différentes réalités des salariés,des étudiants, des mineurs, des jeunes enalternance, de ceux qui fondent unefamille… Faire cohabiter, et surtout fairedialoguer ces réalités et les questions poli-tiques qui en découlent est un défiimmense du MJCF.

LES DÉFIS DE LA STRUCTURATIONNotre Mouvement est en plein redéploie-ment sur l’ensemble du territoire ces der-nières années. Lorsqu’un jeune adhèredans une fédération déjà existante, celane pose en général pas de difficultésmajeures. Mais nous sommes confrontésà des jeunes qui adhèrent dans des dépar-tements où la JC n’existe plus et parfois

depuis plusieurs années. Nous nousretrouvons alors face à une autre problé-matique. Un adhérent, qui ne connaît pasou peu notre organisation, se retrouvedans la position d’animateur de l’activitéjeune communiste. Et là, nous faisonssouvent l’erreur de structurer l’activité àl’échelon départemental, plutôt qu’àl’échelle de l’union de ville, qui est le lieude souveraineté de l’adhérent.Cette question est pourtant centrale. Nousdisons que le lieu de souveraineté estl’union de ville, car c’est au plus près dela vie des jeunes et donc de nos adhérentsque nous militons. Être privé de cettestructure, c’est être privé d’agir concrète-ment dans l’organisation.Notre défi c’est que chaque adhérentcompte pour un. Que l’on soit adhérentdans une structure existante, comme unadhérent isolé, que l’on soit militant « actifau quotidien » ou que l’on ne donne sontemps que quelques jours par an. Chacuna le droit d’être informé et de participeraux décisions collectives. Cela implique

que nous produisions les gestes de com-munication collectivement pour arriverà ce niveau d’exigence.Connaître l’adhérent, lui ouvrir les portesde l’organisation et adapter la structureà ses réalités et ses besoins, sont les piliersde la réflexion des jeunes communistespour leur développement pour les cinqannées à venir. Alors que l’organisationse renforce et se pérennise, de nombreuxjeunes en restent encore massivementaux marges. Parce que nos formes de réu-nions, de militantisme, d’expression, peu-vent autant exclure qu’être le socle denotre développement actuel, nous avonslancé en 2010 l’ambition de renouvelerfortement nos gestes et nos pratiques mili-tantes. À l’horizon 2017, ce sont des mil-liers d’autres jeunes qui nous aurontrejoints si nous poursuivons sur ce che-min. n

Nicolas Bescond et Fabien Gay, sont coordi-nateurs nationaux du Mouvement jeunescommunistes de France (MJCF).

“Elvire J’ai adhéré pour pouvoirfaire de nouvelles choses.”

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LE DOSSIER Nouveaux adhérents - Qui sont-ils ? Que veulent

PAR LAURENT PÉRÉA*

Fort de son influence accrue et s’ap-puyant sur ses élus de terrain, sur lemouvement social, mais plus

encore, sur la nouvelle génération decommunistes qui en masse ces dernièresannées sont venus gonfler les rangs del’organisation, le PCF dans le Front degauche entend être encore plus, uneforce d’initiatives et de propositionsactive et positive pour la réussite duchangement.

Oui, depuis maintenant 2005, année dela bataille du TCE (Traité établissant uneconstitution pour l’Europe). Une dyna-mique citoyenne et populaire inéditeenvahit l’organisation communiste ; oùl’engagement, le retour comme l’entréeen politique de très nombreux jeunes,syndicalistes, forces sociales, intellec-tuelles et culturelles diverses sont dés-ormais des marqueurs forts dans le PCF.Autre marqueur fort de la période, ilssont 78 % à penser que le Front de gaucheest une chance plutôt qu’une menace,pour le PCF de se développer.L’implication forte des communistes

dans le Front de gauche avec le nombred’adhésions réalisées au PCF, un constatpeut être fait : celui d’une base militanteet d’une base d’influence qui s’est élar-gie au cours de l’année 2012, ce quicontrecarre l’idée véhiculée d’un PCFqui aurait choisi le Front de gauche pourmasquer son déclin historique.La place du PCF dans la dynamique derassemblement est reconnue et, à l’in-verse, cette dynamique a besoin, pours’élargir et se développer, d’un PCF qui,à la fois, se renforce et mène à bien le tra-vail de rénovation dans lequel il estengagé.Comme le dit Pierre Laurent dans sondernier livre : « c’est un Parti commu-niste du XXIe siècle qui est en plein chan-tier et qui se trouve à nouveau en phaseavec le moment historique qui est entrain de se construire. »Le PCF considère dorénavant que lepoint de départ pour favoriser l’engage-ment, doit être l’épanouissement indi-viduel et que c’est à partir de l’individu,du militant, de ses compétences et deses aspirations que se construisent leplus efficacement les choix collectifs.Cela devient un enjeu qui sera au cœur

de la révision des statuts du PCF à l’oc-casion de son 36e Congrès.L’objectif inscrit est de permettre à unemultitude de ces nouveaux adhérentsdont les vies sont de plus en plus écla-tées, d’investir une expérience politiquecommune. Et ce, afin que le collectifcommuniste puisse mieux se nourrir deleur expérience, de leurs compétences,de leurs savoirs, de leurs envies ou aspi-rations.

DE PAIR AVEC SA STRATÉGIE DERASSEMBLEMENT, LE RENFORCEMENT UNEDES PRIORITÉS DU PCFNombre de citoyens découvrent la réa-lité du Parti communiste, sa politique,sa démarche de rassemblement, sescapacités d’organisation, son humanité.Ils apprécient la démarche du Front degauche et y ont pris leur place, ont côtoyéles communistes et ses militants. Ils ontpu ainsi faire des expériences positivesavec le PCF, ouvrant la porte à un fortpotentiel pour son ambition de conquêteou de reconquête.Cela a déjà permis en 2012 de réaliser unnombre important d’adhésions : 7 000 àce jour, dont 4 700 fin juin ; 1 400 de plussur la Fête de l’Humanité ce qui, déjà,est supérieur à la moyenne de ces dixdernières années – qui est de 6 000 adhé-rents par an.L’année 2012 confirme donc que le PCFest parvenu à une sorte de « point d’in-flexion » où, après avoir régressé durantun quart de siècle en nombre d’adhé-rents, en organisation collective, enimplantation militante et élective, peutretrouver une dynamique de progrès etde renforcement de son organisation.La nature de ces nouvelles adhésionsconfirme cette appréciation : 62 %d’hommes et 38 % de femmes (l’équiva-lent de l’ensemble des adhérents duPCF) ; 32 % nés après 1981, 20 % après1971, donc 52 % ont moins de 40 ans ;20 % entre 40 et 50 ans : donc 72 % deces nouveaux adhérents ont moins de 50ans.Ce sont donc des adhérents plutôtjeunes, actifs : beaucoup de syndicalistes,de responsables d’associations. Cecimontre comment le PCF redevientattractif chez une catégorie d’hommeset femmes parmi lesquels il avait perdu

ADHÉRER AU PCF POUR UNE AMBITION NOUVELLEL’adhésion devient aujourd’hui le facteur d’un parti renouvelé, représentatif de la société. Ses 45 000nouveaux adhérents placent le PCF dans la dimension d’un parti rajeuni, renouvelé, lui donnant ainsi, lesmoyens de son ambition politique.

J’ai adhéré au Parti communiste il y a un an, alors que débutait la campagnepour la présidentielle et les législatives.Mon adhésion doit beaucoup à l’existence du Front de gauche, et je pense quesans l’existence de ce front, sans cette mise en commun, cette mise en mouve-ment réel des forces de gauche, je n’aurais pas sauté le pas.Mais mon adhésion est aussi le fruit d’une réflexion un peu paradoxale, puisquej’ai commencé par adhérer au Parti de gauche. Or au fil des mois, j’ai été de plusen plus convaincue de la nécessité de renforcer le Parti communiste. Je suis eneffet profondément attachée à l’existence même d’un Parti communiste en France,à ce que la France doit à ce parti et à ses militants. Aussi, finalement, le dévelop-pement du Front de gauche, tout en étant l’élément positif et mobilisateur qui m’aconduit à militer, est aussi ce qui m’a fait craindre la dilution de l’identité, de laspécificité communiste dans cet espace plus vaste, ce à quoi je me refuse.Quelques conversations avec un ami (qui se reconnaîtra  !) ont achevé de meconvaincre que le Parti communiste était le lieu de tous les possibles, et quec’était là et pas ailleurs que je pourrais agir et être le plus efficace possible. Ilavait raison…

Marianne Zuzula, 46 ans, éditrice, section de Montreuil, Seine-saint-Denis.

Marianne Agir et être le plus efficace possible.”“

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Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

PAR JACQUES CHABALIER*

Le Parti communiste a décidé de s’en-gager dans un immense travail derefondation, à la fois sur son projet,

sur sa conception du rassemblementmais aussi sur son maillage militant etson ancrage territorial.

Ce travail se fait en appui sur laconscience qui s’est accentuée depuis2010 que le capitalisme est entré dansune crise systémique profonde démon-trant qu’il est incapable de porter le deve-nir de l’humanité.

OFFENSIVE IDÉOLOGIQUE DUNÉOLIBÉRALISMESa logique est de plus en plus prédatrice,qui considère comme marchandisesaussi bien les hommes que les ressourcesde la planète, au lieu de considérer cesdernières comme un bien commun del’humanité. Cette conception, fondée,bien sûr, sur la recherche du profit maxi-mum, entre en contradiction avec lesbesoins du plus grand nombre maishypothèque aussi l’avenir de la planèteelle-même et des équilibres écologiques.Est ainsi apparu de façon plus nette lelien entre le combat pour l’émancipa-tion humaine et la lutte pour l’environ-nement, vitale pour la planète et les êtres

humains qui l’habitent. Les commu-nistes français ont désormais pleinementintégré ces données nouvelles et ontrepensé la dimension civilisationnellede leur projet.

Ces dernières décennies, le néolibéra-lisme a popularisé l’idée selon laquelletoute activité humaine peut s’acheter ouse vendre, des repères collectifs se sontémoussés, des oppositions se sont cris-tallisées. Les années de pouvoir deNicolas Sarkozy ont été sans doute lemoment le plus abouti de cette offensiveidéologique. L’extrême droite représen-tée en France par le Front national a, surce terreau, pu progresser et diffuser lepoison de la haine et de la division,autour d’une idée terriblement dange-reuse : puisque la compétition mondialemontre que l’on ne peut sauver tout lemonde, il faudrait choisir entre les unset les autres. Les dérives de la droite clas-sique, faisant la part de plus en plus belleà ces idées de stigmatisation et de rejetdes autres, ont en quelque sorte cau-tionné et aggravé cette idéologie dange-reuse qui, aujourd’hui, parvient à façon-ner les esprits.

« L’HUMAIN D’ABORD »La pertinence du projet communiste estfaite d’une opposition radicale à cetteconception néolibérale : l’issue n’est pas

dans l’exclusion de certains mais dansla protection de tous ; ce ne sont pas lespersonnes qui sont inutiles, c’est le sys-tème à la source de ce gâchis humain quil’est. Ce que nous projetons donc dechanger, c’est la finalité même de lasociété : le titre du programme du Frontde gauche aux élections présidentielleet législatives, « l’Humain d’abord », enrésumait, en une formule courte et sai-sissante, l’ambition et la portée.

Cela nous amène à réfléchir directementà notre organisation elle-même. Les évo-lutions de la société nous interrogent surses modalités de transformation et surl’outil de cette transformation, le Particommuniste français. 2005 est la pre-mière année de progrès de nos effectifsdepuis 1981. C’est aussi l’année où serévèle une dégradation de notre organi-sation. De l’application d’un schémad’organisation, en dehors des moyensd’animation actuels, a découlé la dispa-rition de nombreuses sections rendanttrès difficile une connaissance efficacede nos adhérents. À ceci, ajoutons l’émer-gence de nouveaux territoires (villagesen villes et intercommunalités) que nousn’avions pas prévue.La réorganisation de nos structures enfonction de nos capacités d’animation,et des territoires d’aujourd’hui devientune étape essentielle. Mais comment

CONSTRUIRE LE COLLECTIF COMMUNISTE DU XXIe SIÈCLE.Le Parti communiste français a ouvert au tournant des années 2000 une phase entièrement nouvelle deson action et de son développement qui le met, me semble-t-il, davantage en phase avec la période his-torique que nous sommes en train de vivre. Le nombre important de nouvelles adhésions ces dernièresannées en est un révélateur important.

énormément depuis le début des annéesquatre-vingt.Autres données : 80 % d’entre eux ontadhéré sans que la question leur soitposée. On retrouve une certaine régula-rité sur l’ensemble du territoire natio-nal, avec une diversité de catégoriessociales.

UN NOUVEAU PARTI COMMUNISTE SE METEN PLACECeci s’est vu à l’occasion de l’initiativenationale du 10 novembre dernier, oùPierre Laurent a accueilli plus de 400nouveaux adhérents pour échanger aveceux. Ils et elles apportent aujourd’huileur expérience, leurs compétences, leurregard souvent nouveau, leur envie de

faire. À les écouter, on n’adhère jamaisau PCF par hasard ; au contraire, ons’aperçoit que les portes d’entrée au PCFsont multiples, sur la base de contesta-tion du système et surtout de valeurshumaines partagées, pour lesquelles ona envie de se mobiliser.Ce nouveau contexte montre commentun tabou est tombé : celui de la crainted’apparaître récupérateur du mouve-ment en posant dans le rassemblement,cette question de l’adhésion, et ce, parceque la volonté d’intervenir plus effica-cement sur le terrain politique grandit.L’expérience démontre d’ailleurs qu’au-cun citoyen, salarié, jeune, ne s’est écartédu rassemblement, par ce que la ques-tion lui avait été posée. Bien au contraire,

certains se sont sentis valorisés que cetteproposition leur soit faite.Mais au cœur du renforcement du PCF,ce sont les batailles politiques qui ontété des éléments forts et dynamiquespour proposer et faire l’adhésion, nonpas en soi, pour faire du nombre pourdu nombre, mais pour permettre lerayonnement de l’activité et de la bataillepolitique, élargir la diversité même duPCF, dans l’objectif d’étendre son champd’intervention comme le rassemblementmême du Front de gauche, dans sadimension citoyenne. n

*Laurent Péréa est responsable des nou-veaux adhérents, au sein du conseil nationaldu PCF.

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LE DOSSIER Nouveaux adhérentsQui sont-ils ? Que veulent-ils ? Faut-il les garder ?

questionner la structure sans préalable-ment s’interroger sur la connaissance denos adhérents ? Un grand nombre de nosadhérents reste en marge de notre acti-vité militante organisée. Comment faireen sorte que notre structuration répondeaux aspirations de changement de nosadhérents et fasse vivre la richesse denotre capacité militante ?

LA RICHESSE DES ADHÉRENTSAujourd’hui, beaucoup de personnesdécouvrent notre Parti, sa politique, sonhumanité. Ils apprécient la démarche duFront de gauche. Avec 6 500 adhésionsdepuis le début de l’année, l’attractivitédu PCF dans cette démarche n’est plusà démontrer. Malgré cela, trop peu decamarades proposent d’adhérer au PCF.Ce constat doit nous interroger sur la

nécessité d’un débat sur la question stra-tégique de notre nombre d’adhérentspour développer notre politique avecplus d’efficacité. Outre le nombre, l’ap-port de chacun dans le collectif est essen-tiel. Nous ne pouvons pas nous conten-ter de demander aux nouveauxadhérents leurs disponibilités sansrépondre à leur envie. Nous ne pouvonsnous passer d’accueil ou de rencontresavec les nouveaux adhérents, au risquequ’ils aillent exprimer ailleurs leur enviede collectif. Ces gestes mettent à mal lesidées reçues et ouvrent de nouveaux pos-sibles. Le problème n’est pas tant le vieil-lissement de notre parti, mais le trop fai-ble renouvellement de notre corpsmilitant. De nombreux jeunes adhèrentau PCF mais combien sont recontactés,accueillis pour prendre part à nos acti-

vités ? Quelle responsabilité leur donne-t-on et quels moyens pour les assumer ?Une partie des réponses aux problèmesque nous nous posons se trouve dans larichesse de nos adhérents. Ces accueilsd’adhérents nous posent de nouveauxdéfis. Comment prendre en compte cesjeunes parents, parfois seuls, dans unmilitantisme qui nous demande de faireune double journée ? Comment répon-dre au défi de la participation à la viepolitique quand la précarité croissanteinterroge la participation de tous à la viepublique ?Le PCF n’échappe pas à ces questions eta l’ambition d’y apporter réponse. n

*Jacques Chabalier est responsable de la Viedu parti, au sein du comité exécutif nationaldu PCF.

Qu’est-ce qui t’a conduit à adhérer au PCF ?Quand Jean-Marie Le Pen s’est qualifié pour le second tour, çaa été un vrai choc. J’avais 14 ans dans une famille apolitique etplutôt pauvre, père chômeur, mère assistante sociale. C’est bêtemais, pour moi, la gauche c’était le PS, alors j’y ai adhéré. Jen’y suis pas restée longtemps. Il n’y avait pas vraiment de démo-cratie et surtout j’ai pris conscience de certains clivages à gauchenotamment avec la constitution européenne. J’ai milité à SUDà la fac. En 2008, on m’a contacté pour participer à la cam-pagne de la liste d’union de la gauche qui existait dans ma villeaux municipales. C’est à partir de ce moment que j’ai noué desliens avec les communistes. J’avais été échaudée par ma pre-mière expérience dans un Parti alors, j’ai milité avec eux commesympathisante, collage, Fêtes de l’Huma, diffusion de tracts…Je dois dire que la richesse du PCF, ce sont ses militants, onm’a accueillie à bras ouverts. J’ai fini par adhérer en février 2011.Pourquoi avoir adhéré au PCF au sein du Front de gauche ?Ceux qui sont sur les marchés, qui militent, qui informent lepeuple, ce sont les communistes. Les militants du PG je lesconnais pour les avoir côtoyés au PS avant. Je n’ai pas com-pris qu’ils n’en partent pas en 2005. Dans le même temps, ilssont anti-PS primaires. Moi j’ai dépassé ça. Je n’ai pas aimé nonplus des comportements parfois anticommunistes. J’avais enviede m’inscrire en positif dans un espace large pour militer, je l’aitrouvé dans le PCF.Le Parti a-t-il rapidement pris contact avec toi ?Ça s’est fait tout seul, en réalité j’étais militante avant d’êtreadhérente.Le Parti est-il tel que tu l’imaginais ?Déjà, il n’y a pas de staliniens, il faut arrêter le délire. Ensuite,

j’ai appris à le connaître. On y parle beaucoup du monde du tra-vail que je connais mal, j’ai pris le pouls, je me suis interrogéesur la cohérence avec mes idées. Le fait que j’aie adhéré consti-tue une réponse en soi.Tes attentes vis-à-vis du Parti sont-elles remplies ?Globalement oui. Bien sûr, il y en a qui ont tendance à mono-poliser la parole où à fonctionner en « chasses gardées » maisc’est très minoritaire dans les relations qu’on peut avoir entrenous au sein du Parti. Je m’entends mieux avec mes camaradesqu’avec mes frères.Quelles batailles te mobilisent particulièrement  ? Comment souhaites-tu t’investir ?La société française a beaucoup bougé, il y a un vrai enjeuà intégrer dans nos combats la jeunesse souvent laissée àelle-même très tôt. Je pense qu’il y a un effort énorme d’édu-cation populaire à entreprendre. Les gens ne peuvent pascomprendre notre discours infiniment plus complexe quecelui du capital si on ne donne pas des clefs pour analyserce qu’est l’exploitation, la domination, la nature du fascisme…Ça peut passer par des réunions publiques, des assembléescitoyennes. Ça passe en premier par la formation des com-munistes eux-mêmes. Trop peu de sections ont La Revue duprojet à disposition. Il faut trouver des moyens pour que tousles communistes, surtout dans les petites sections éloignéesde Paris, aient accès à tout ce que fait le Parti et qui est trèsriche.

Nassima Rabhi, 24 ans, étudiante en doctorat d’économie du dévelop-pement, section de Noisiel-Torcy, (Seine-et-Marne).

Nassima Je pense qu'il y a un énorme effortd'éducation populaire à entreprendre”“

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D’ IDÉESCO

MBA

T SONDAGES

Europe

Le gros doute

OUI : 36 % NON : 64 %

PLUTÔT DANS LA BONNE DIRECTION 33 %

PLUTÔT DANS LA MAUVAISE DIRECTION 67 %

36 %

64 %

33 %

67 %

Le 20 septembre 1992 eut lieu en France le référendum sur la ratification du traité de Maastricht. Ce traité instaurait notamment la création d’une monnaie unique. Vingt ans après, si c’était à refaire, voteriez-vous OUI ou NON à ce référendum ?

Depuis la ratification du traité de Maastricht, diriez-vous que l’Union européenne va

Ifop-Le Figaro, vingt ans après Maastricht (20  septem-bre 1992), interrogeaient les Français sur ce traité ins-taurant la monnaie unique. On se souvient qu’à l’époque,les européistes l’avaient emporté de peu (51  % contre49  !). Aujourd’hui, ils seraient 64  % à dire non, 67  % àestimer que l’Europe « va plutôt dans la mauvaise direc-tion », 60 % à souhaiter moins d’intégration européenneet des politiques économiques et budgétaires propres àchaque État, 76  % à considérer que l’Europe n’est pasefficace contre la crise économique. L’euro  ? Une large

majorité estime qu’il a eu des conséquences négativessur la compétitivité de l’économie française (61  %), surle chômage (63 %), sur le niveau des prix (89 %).Un commentateur note que ces données « placent FrançoisHollande dans une situation inconfortable  », en remar-quant que «  les électeurs de droite sont plus proeuro-péens que ceux du PS  : 39  % des électeurs de Sarkozypensent que l’euro a été un atout face à la crise, 24  %seulement au PS ».ort

e”

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ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LÉO PURGUETTE

LE GRAND ENTRETIEN

TRAVAIL DE SECTEURS

Quelle est votre réaction à la présentation durapport Jospin  ?

On ne peut pas dire que le rapport de lacommission Jospin fasse preuve d’unetrès grande audace  ! Il est conforme auprogramme du candidat Hollande, quin’abordait absolument pas la questiond’une réforme institutionnelle. Or la gravecrise de confiance entre les citoyens et lespolitiques, appelle d’autres orientationséconomiques et sociales, mais aussi desavancées démocratiques. Dans la contri-bution que j’ai adressée à la commissionJospin, je disais que la première conditionde la moralisation et modernisation de lavie politique était le respect du pluralisme,ce qui implique des réformes d’ampleurtant dans l’organisation des pouvoirs, lesnominations, les modes de scrutin, ladéprofessionalisation des mandats, l’in-tervention des citoyens… Ce n’est pas lecas. Le calendrier électoral reste inchangé :législatives après la présidentielle, avecun délai réduit, ce qui renforce encore leprésidentialisme. 10  % des députés élusà la proportionnelle, c’est-à-dire moins quece qu’annonçait le programme Hollande !Pour le Sénat, retour à la proportionnelleà partir de trois sénateurs à élire — que la

droite avait supprimée en 2002 — et fortereprésentation des conseillers régionauxdans le collège électoral, ce qui confirmela vision régionaliste de la République, deplus en plus affirmée par le gouvernement.Les propositions relatives au cumul desmandats sont celles déjà annoncées parle gouvernement  ; par contre rien sur lenombre de mandats successifs  !Concernant la prévention des conflits d’in-térêt, le rapport reprend les travaux de lacommission Sauvé en 2010 — qui n’avaitpas eu de suites législatives à l’époque —en les étendant aux parlementaires  : latransparence requise avec obligation dedéclaration d’intérêts et d’activités,contrôle par une autorité extérieure sontdes mesures positives mais on a pu consta-ter qu’elles ne répondent pas à toutes lessituations de conflit entre intérêts parti-culiers et intérêt général, généré par l’im-brication du public et du privé et la proli-fération des lobbies… Que retiendra legouvernement de ce rapport ? Entendra-t-il des propositions émanant par exem-ple de notre organisation politique  ? Etouvrira-t-il enfin un débat public sur cesquestions qui concernent au premier chefles citoyens ?

Le droit de vote aux élections locales pour lesrésidents étrangers est encore reporté.Qu’est-ce que cela vous inspire  ?

De la colère. Nous avons un principe, nousle défendons  : lorsque quelqu’un fait savie quelque part, il a le droit de participeraux décisions de la cité. Il s’agit d’une pro-messe de François Mitterrand vieille detrente ans et jamais tenue. Entre-tempsles ressortissants des autres pays euro-péens ont acquis ce droit en France. C’estune question hautement symbolique pourla population issue des anciennes colo-nies de se voir reconnaître cette citoyen-neté, principalement pour les anciens quià l’époque des indépendances et pourdiverses raisons n’avaient pas voulu oupas pu acquérir la nationalité française.Une question très symbolique aussi pourles générations d’après qui ont vu leursparents tenus à l’écart des prises de déci-sions publiques.

Une loi a été votée en 2000 à l’Assembléenationale, puis l’an dernier au Sénat durantla courte période du mandat de NicolasSarkozy où il était majoritairement degauche. Son adoption définitive est unepromesse de François Hollande. Aujour -

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

Passée sous silence par le candidat socialiste pendant la campagne présidentielle,la question des institutions revient sur le devant de la scène médiatique avec lapublication du rapport de la commission Jospin. Nicole Borvo Cohen-Seat, réagit àl'actualité et rappelle l'importance donnée dans la campagne du Front de gaucheà la rupture avec la constitution de 1958. Responsable nationale du PCF chargéedes institutions, de la démocratie et de la justice, elle développe la conception por-tée par les communistes d'une République profondément renouvelée.

Ouvrir des espacesde démocratie directe

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d’hui les socialistes arguent qu’ils n’ontpas la majorité des trois cinquièmes aucongrès pour la rendre possible. Ils nedéfendent pas ce projet et reculent encoreune fois alors même qu’il faut mener ledébat avec les Français. Cela donne champlibre à la droite qui, elle, se bat vraimentsur la question. Il y a là un véritable manquede courage politique, de volonté néces-saire pour accomplir ce geste essentiel duvivre ensemble.

Si la citoyenneté peut se fonder non pas sur lanationalité mais sur la résidence, pourquoipas sur le travail, comme l’avaient imaginé lesrévolutionnaires de 1793  ?

Le travail a bien changé depuis 1793, jecrois que tenter de fonder sur lui la citoyen-neté serait compliqué. La citoyenneté derésidence a un sens. Il n’y a pas besoin dechercher d’autres types de légitimité. Laquestion fait débat avec nos partenairesdu Front de gauche et ne fait pas l’unani-

mité chez les communistes mais j’estimeque la citoyenneté de résidence a voca-tion à s’appliquer à toutes les élections.

Comment le PCF se situe-t-il à propos del’acte III de la décentralisation  ?

Toute la gauche parlementaire a votécontre la réforme territoriale de Sarkozy.Aujourd’hui, il n’y a plus que les commu-nistes qui demandent son abrogation. Làaussi, il y a un problème. À entendre les

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

CATÉGORIE DES EPCI* À FISCALITÉ PROPRE AU 1ER OCTOBRE 2012

*EPCI (établissement public de coopération intercommunale)

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Page 26: La revue du projet n°22

TRAVAIL DE SECTEURS

ministres socialistes, ils ont acté la sup-pression du conseiller territorial dont per-sonne ne voulait, même à droite, mais sem-blent vouloir conserver la loi de 2010 enlui ajoutant des nouvelles dispositions. Cen’est pas envisageable pour nous car l’in-tercommunalité forcée et la métropolisa-tion que nous critiquons frontalementseraient maintenues.

L’acte III de la décentralisation consiste-rait à transférer des pouvoirs vers lesrégions et à accélérer une métropolisa-tion dans laquelle la ville-centre concen-tre toujours plus de rentrées d’argent etde pouvoirs. Et cela, avec des risquesimportants de désertification rurale, derabougrissement de la démocratie, d’ac-centuation du sentiment d’abandon dansles zones périurbaines, privées de servicespublics notamment. Un sentiment qui aeu des conséquences graves dans les der-niers résultats électoraux avec une mon-

tée significative du vote FN dans ces ter-ritoires.Nous sommes préoccupés par l’acte III dela décentralisation tel qu’il semble se des-siner. Pendant ce temps-là, on ne parle pasdes gels de dotations d’État. Pourtant lefinancement des collectivités territorialesest le b.a.-ba de la décentralisation. Nousrefusons l’austérité décentralisée contri-buant à inscrire une France des régionsdans une Europe très fédérale. On a toutà gagner en revanche d’une décentralisa-tion démocratique qui a pour but de per-mettre davantage d’intervention descitoyens. Nous défendons l’idée d’uneRépublique décentralisée, bâtie sur l’éga-lité des territoires et qui s’articule avecl’existence de services publics nationauxforts.

Les communistes ont longtemps réclamé lasuppression du Sénat. Ce n’est pas la positionque vous défendez dans Réflexion sur le bica-mérisme, un opuscule publié récemment.Pourquoi  ?

Je ne suis pas pour le maintien du Sénattel qu’il est. En revanche, je crois indispen-sable de développer des espaces d’inter-vention nouveaux pour les citoyens, et jepense qu’une seconde chambre pourraity contribuer. Je propose une série detransformations dans le cadre d’unerefonte globale des institutions. Les ravagesde l’ère Sarkozy, caractérisée par la fré-

nésie législative, ont montré qu’il n’étaitpas mauvais en soi de se donner un tempsraisonnable pour légiférer. J’estime doncqu’il faut une deuxième chambre élue ausuffrage universel direct qui diffère del’Assemblée nationale non par son moded’élection mais par les personnes candi-dates. Elles pourraient être des femmeset des hommes ayant exercé un mandatlocal, syndical ou associatif. Leur expé-rience de citoyens organisés participeraità l’enrichissement des lois. La créationd’une telle chambre conduirait, pour moi,à la suppression du Conseil économique,social et environnemental. Je note que leprofesseur de droit Dominique Rousseau,qui a travaillé la question et avec lequelexiste une convergence d’analyse, arriveà une conclusion différente. Il proposed’instituer trois chambres  : l’Assembléenationale, le Sénat représentant les éluslocaux, et une chambre sociale. Cela meparaît trop mais la réflexion mérite d’êtreen débat.

Qu’entendez-vous par VIe République  ? Serait-ce une République de plus  ? Un retour à la IVe

comme le disent vos détracteurs  ?

D’abord j’estime que les critiques visantla IVe République sont tout à fait abusives.On nous dit qu’elle s’est caractérisée parune grande instabilité. Mais elle a étéconfrontée à des problèmes majeurs : déco-lonisation, guerre d’Algérie… Ces critiques

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

Droit à la ville, logementIL N'Y A JAMAIS DE MORTS DE FROID, SEULEMENT DES MORTSDE MISÈRE La trêve hivernale ne règle pas la question de l'hébergementd'urgence. La précarité de l'habitat atteint des sommets :précarité des baraques construites, bien cachées au bord dupériphérique, ou bien dans n'importe quel interstice encorelibre. Une honte qui conduit souvent les spectateurs invo-lontaires de cette régression à tourner la tête par gêne.Les paroles du gouvernement concernant les réquisitions etautres dispositions se heurtent aux terribles réalités. Les tra-vailleurs sociaux ne peuvent pas exercer leur travail d'unemanière satisfaisante. Le gouvernement précédent a ferméde nombreux lits et les collectivités locales se débrouillentau mieux…Le droit au logement est pourtant un droit inaliénable, et cedroit est valable pour tous et partout. De nombreuses asso-ciations très expérimentées doivent être écoutées et enten-dues. Les propos pleins de commisération après le décès iné-vitable ici ou ailleurs d'une personne saisie par le froid sont

insupportables. Non, il ne s'agit jamais de morts de froid,mais de morts de misère. Si nous ne pouvons pas contrôlerla température, ni faire la pluie et le beau temps, nous avonspour projet de faire reculer la misère. C'est aussi pour celaque ce nouveau président a été élu. Que dans chaque ville,chaque arrondissement, les préfets, dotés de moyens, coor-donnent, impulsent et exigent le retour à la dignité, sur toutle territoire national sans exception.

CATHERINE PEYGERESPONSABLE NATIONALE DROIT À LA VILLE, LOGEMENT

Lutte contre le racismeFACE AUX IDENTITAIRES, CONSTRUISONS UNE SOCIÉTÉ DUVIVRE ENSEMBLE SOLIDAIRE ET LAÏQUE.Le PCF a été à l’initiative d’une manifestation unitaire, le 29 octobre dernier à Orange, contre la Convention identi-taire, réunie pour défendre l’Occident chrétien blanc menacépar le métissage imposé et l’islam.

BRÈVES DE SECTEURS

Nous souhaitons rétablir le pouvoir du parlement,

démocratiser les rapports entre leniveau national et l'Europe dontles institutions sont totalementantidémocratiques, ouvrant des

espaces de démocratie directenotamment sur les budgets des

collectivités.

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visent à légitimer la mise en place par lesgaullistes de la constitution antidémocra-tique de la Ve République en 1958. Mais jerappelle que c’est celle de 1946 qui a inté-gré les plus belles conquêtes sociales del’histoire de France.Nous sommes pour un régime parlemen-taire nouveau. Les communistes travail-lent sur le sujet depuis très longtemps etla dernière campagne du Front de gauchea été l’occasion de poser en grand cettequestion. Nous souhaitons rétablir le pou-voir du parlement, démocratiser les rap-ports entre le niveau national et l’Europedont les institutions sont totalement anti-démocratiques. Nous voulons plus de pou-voir pour les citoyens au-delà de la démo-cratie «  participative  » – le mot finit parm’agacer – en ouvrant des espaces dedémocratie directe notamment sur lesbudgets des collectivités. Mais aussi enpermettant des propositions de loi d’ini-tiative populaire ou issues d’assembléesélues, valablement réparties sur le terri-toire. Nous défendons enfin, la démocra-tie sociale pour les salariés.

Précisément, les communistes parlent de«  droits nouveaux  » pour les salariés à l’en-treprise, de quoi s’agit-il au juste  ?

Depuis les lois Auroux de 1982, incom-plètes du reste, les salariés n’ont connuaucun nouveau droit mais de nombreusesrégressions au travers des accords d’en-

treprises, de la limitation du droit de grèvedans les services publics, et des difficul-tés croissantes rencontrées par les syn-dicalistes avec le recul du rapport de forces.Il y a besoin de revitaliser les droits exis-tants et de gagner de nouveaux pouvoirs.Nous préconisons des pouvoirs réels d’in-tervention sur la gestion des entreprises.Par exemple, dans les grandes entreprisesnous proposons de créer trois collègesdans les conseils d’administration : un pre-mier représentant le capital public ou privé,un deuxième les salariés et un troisièmeles élus des territoires, de manière à met-tre fin au pouvoir absolu du capital. Nousvoulons également que les comités d’en-treprise disposent d’un droit de veto surles projets de licenciements ou de déloca-lisation.

Vous disiez aux citoyens lors des dernièresélections «  prenez le pouvoir  ». Comment lesélus et militants communistes peuvent-ils lesy aider sans attendre  ?

C’est un beau slogan, un beau mot d’ordrequi rappelle 1789, 1793. Nous ne sommespas dans une situation révolutionnaire eten même temps il existe des ferments : unegrande souffrance, une exigence de chan-gement, une défiance à l’égard des poli-tiques... Mais le sentiment d’impuissancepèse sur les luttes. Dans ce cadre, le pre-mier objectif pour les militants et les éluscommunistes c’est de combattre ce senti-

ment selon lequel rien n’est possible. Il nousfaut défendre un projet, être clairs, com-préhensibles mais aussi avoir d’autres pra-tiques animées par la volonté de permet-tre aux gens de s’impliquer dans les choix,de s’approprier la politique. Et ainsi, leurfaire prendre conscience de leur capacitéà agir. Ce n’est pas facile, le poids de la délé-gation de pouvoir et des habitudes esténorme mais simultanément, il existe uneenvie d’engagement citoyen dans la société.C’est peut-être pour ça que le slogan « pre-nez le pouvoir » a fait « tilt ». Il serait bonqu’on débattît de nos pratiques à partir desexpériences concrètes qui sont menées iciou là.

Nous parviendrons d’autant mieux àconstruire des majorités d’idées pour chan-ger les institutions, que nous aurons faitvivre dès aujourd’hui des formes d’impli-cation directe des citoyens dans la vie poli-tique. n

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

Les identitaires, auteurs de coups médiatiques comme l’oc-cupation de la mosquée de Poitiers, défendent une « iden-tité-racine » aux marqueurs archaïques, la couleur de peau,la terre, le sang.Il faut s’indigner, alerter sur le danger de leurs thèses maisla dénonciation-diabolisation atteint ses limites ; la référenceau passé parle moins à la jeunesse et leurs idées surfent surla « vague marine » et l’extrême droitisation d’une droite quidéplace la question sociale sur le terrain identitaire.Notre réponse ce n’est pas revenir à la seule question sociale,nier la différence renforce l’injustice quand les normes dugroupe dominant sont présentées comme étant universelles.En menant la contre-offensive sur le terrain de l’identité,nous posons notre rapport à l’immigré, à celui qui est diffé-rent, nous redéfinissons notre projet de société.Tous semblables car humains, mais tous différents car déten-teurs d’identités multiples : c’est l’« identité relationnelle »que nous défendons, celle qui voit la différence non commeune menace mais comme une richesse, une identité qui seconstruit sur la rencontre, le brassage des cultures, une iden-tité en construction-déconstruction-reconstruction.

L’extrême droite provoque le mal qu’elle prétend combattre,le communautarisme, en prônant la séparation ou l’assimi-lation autoritaire au nom d’une France mythique qui n’ajamais existé.Les enfants d’immigrés veulent s’intégrer sans se dissoudre.Définissons avec eux les contours d’une société du vivreensemble, solidaire, laïque, fondée sur l’égalité des droits, lerefus des discriminations, la citoyenneté de résidence, la valo-risation de la culture du métissage.

Déclinons cette affirmation à partir des sujets qui heurtent.La laïcité pensée pour séparer l’église de l'État peut-elle deve-nir une réponse aux questions que pose la pratique d’unenouvelle religion dans une démarche interculturelle à l’op-posé de la version coercitive au service de l’identité du groupedominant ? Débattons-en à ce congrès.

FABIENNE HALOUIANIMATRICE NATIONALE DE LA LUTTE CONTRE LE RACISME,

L'ANTISÉMITISME ET LES DISCRIMINATIONS

Nous proposons de créer trois collèges dans lesconseils d’administration des

grandes entreprises : un premierreprésentant le capital public

ou privé, un deuxième les salariéset un troisième les élus des

territoires

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D’ IDÉESCO

MBA

T «Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de le rêver, l’intelligence d’en faire un projet réaliste,

Par GÉRARD STREIFF

seur avait déjà tiré la même ficelle durantson quinquennat puis au long de sa cam-pagne présidentielle. Des maniaques ontmême calculé que Sarkozy avait prononcéhuit fois le mot crise lors de ses (courts)vœux aux Français le 31  décembre 2011,une fois par minute.

Le mot, donc, est partout. Les média ensont gourmands et on y met un peu n’im-porte quoi. C’est tour à tour, ou succes-sivement, la crise des subprimes, la crisebancaire, la crise financière, la crise éco-nomique, la crise sociale, la crise de ladette, etc. À présent, on parle le plus sou-vent de LA crise tout court. Comme ledit un chercheur au CNRS, DamonMayaffre, «  il y a un consensus sur lesignifiant, un accord tacite, et un flou, unnon-dit sur le contenu.  » Dans La crisesans fin, l’universitaire Myriam Revaultd’Allonnes écrit  : « La crise est un singu-lier collectif qui englobe des registresaussi différents que l’économie, la finance,la politique, la culture… La notion de criselie indissolublement la réalité objective

et l’expérience que nous en avons. (...)La crise, nous n’en voyons pas l’issue  :elle est la trame de notre existence ».

Bref, la crise, c’est «  la cata  ». Point. Onvoit l’intérêt de ce genre de rhétorique.C’est le bon moyen pour pousser au repli,au fatalisme, au défaitisme, le motmagique pour éteindre tout espoir. Querépondre à cet apparent bon sens : « Quevoulez-vous, c’est la crise ? » L’hiver der-nier, au Petit Palais, la société IPSOSdévoilait une étude sur l’opinion publiquemondiale et la crise. L’enquête établis-sait  : UN, que l’opinion du Nord était beau-coup plus sensible à cette notion que celledu Sud ; DEUX : qu’en Occident, la notion«  alimentait le pessimisme  »  ; TROIS  :qu’elle s’accompagnait d’un doute sur lepolitique, ne nourrissait pas forcémentl’opposition, étant entendu qu’ « ils » fai-saient tous la même chose. « En France,dit l’enquête, la crise [...] marque un tour-nant. Elle accentue certains traits carac-téristiques de l’opinion publique  : mon-tée du pessimisme qui empêche de seprojeter dans un monde heureux, renfor-cement des craintes pour sa situationpersonnelle, rejet de la mondialisation,défiance à l’égard de l’euro. [...] Elle [...]réactive les critiques sur l’efficacité dupolitique et réduit la confiance accordéeà la gauche et à la droite pour gouver-ner le pays, tout comme la capacité pro-jetée du prochain président à améliorerla situation des Français  ».

La crise est partout. Le mot est utilisé jusqu’à l’overdose. Curieusement,plus on en parle, moins on dit de quoi il retourne. C’est LA crise. Commeune rengaine anxiogène qui se suffirait à elle-même. Un enfumage idéolo-gique, souvent. Redonner du contenu à la chose n’est pas sans intérêt...

e mot crise a une longue his-toire. Dans sa version grecque, le mot amanifestement un double sens. La krisisvenait du verbe krinein distinguer, juger,et s’appliqua d’abord à la médecine  : onpointait le mal, on établissait le diagnos-tic. Dans le langage médical, le mot aconservé cette ambivalence. Le Robertrappelle qu’en médecine, la crise est « unmoment d’une maladie caractérisé parun changement subit et généralementdécisif en bien ou en mal  ». Il en est demême dans la langue chinoise, où le motest représenté par un double idéogrammedont l’un dit danger et l’autre occasion.Plus près de nous, Antonio Gramsci eutcette formule  : « La crise, c’est quand levieux se meurt et que le jeune hésite ànaître.  » On est assez loin de cette sti-mulante dualité aujourd’hui, dans lesmédia, où la crise, identifiée à la catas-trophe, est mise à toutes les sauces. C’estcertainement le mot qui vient en tête duhit-parade du vocabulaire politique oumédiatique. Le président Hollande a sem-blé découvrir la crise dans son discoursde Châlons-en-Champagne, en août  :«  Mon devoir, c’est de dire la vérité auxFrançais  : nous sommes devant une criselongue qui dure depuis maintenant plusde quatre ans.  » Bigre  ! Son prédéces-

L

De quoi la crise est-e

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

La crise, c’est « la cata » […] C’est le bon moyen pour

pousser au repli, au fatalisme, audéfaitisme, le mot magique pour

éteindre tout espoir.

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n projet réaliste, et la volonté de voir ce projet mené à bien.» Sidney A. Friedman, économiste américain

Des politiques surfent sur cette espècede déprime collective. Le Monde Écono-mie, traitant du bilan largement insuffi-sant de la présidence Obama, titrait  :« États-Unis : la crise a étouffé la volontéde changer de modèle.  »Pourtant il y a un problème. Les pouvoirsjouent de l’imprécision de la notion decrise mais ils prennent le risque de lais-ser le mot ouvert à diverses interpréta-tions. Dans le Figaro Économie du 17 sep-tembre, un chroniqueur pointe l’enjeu  ;il se plaint de ce côté fourre-tout du mot :« Nous ne prenons plus la peine de spé-cifier le domaine économique, financierou social de la crise. Ce tic de langageest la marque de notre désarroi ». Il pour-suit  : « Les commentateurs ont renoncéà examiner objectivement les tenants etaboutissants de la crise, car un poissonest incapable de décrire l’aquarium danslequel il nage. Le grand défaut d’une telleattitude est de présenter la crise commeun être exogène, une météorite, unLéviathan alors que le désordre estd’abord dans nos têtes ».

C’est aussi une manière de reconnaîtreque la bataille pour l’interprétation de lacrise est en cours. Il y a là un espace àprendre. Les communistes, les écono-mistes marxistes, ont bien des choses àdire. La notion de crise leur est familière.Dans le Dictionnaire critique du marxismede Labica-Bensoussan, au terme crise,on peut lire que si le mot n’a pas attendules marxistes pour se voir appliquée àl’économique et à la politique, « l’apportde ceux-ci consiste justement en uneconception de l’Histoire, matérialiste etdialectique, qui permet de la pensercomme un processus, scandé par unealternance de phases de stabilité struc-turelle (où les rapports sociaux se repro-duisent sans changement autre que quan-

titatif) et de phases de mutations quali-tatives, ouvertes par les crises ». Le texteproposé à la réflexion des communistespour leur 36e congrès parle de «  conju-gaison de crises (qui) finit par plongerl’humanité dans une véritable crise decivilisation. Une crise, du sens et de l’ima-ginaire. Une crise existentielle qui inter-roge les rapports entre les êtres humains

st-elle le nom ?

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

et leurs rapports à la nature  ». Etajoute  :  «  Plus la crise est comprise etinterprétée, plus les solutions se dessi-nent et plus l’espoir pourra gagner duterrain.  » n

CONTRE LA PENSÉE UNIQUE

DES SUCCÈS DE LIBRAIRIEAvec la crise, les économistes hétérodoxes ont envahi les rayons livres. Desécrits qui entraînent de véritables débats de société. Les livres de Joseph Stiglitz,Dominique Plihon, Paul Boccara, Frédéric Lordon, Jean-Marie Harribey, MichelHusson, Daniel Cohen, pour ne citer qu’eux, prennent place en devanture deslibrairies. Depuis la crise, les ventes explosent. En quatre semaines, 35  000exemplaires du dernier livre du prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, le Prixde l’inégalité, ont été vendus. Tout comme le second livre des Économistesatterrés qui dépasse les 20  000 exemplaires vendus, juste après le succès deleur manifeste et les 90  000 exemplaires qui sont entrés dans les foyers. Unengouement nouveau « Tous ces économistes ont publié, dans l’ombre, desouvrages grand public depuis de nombreuses années, explique l’éditeur HenriKléber. [...] Aidés par la crise   », les économistes hétérodoxes sont devenusplus visibles et mieux reconnus. Les grandes maisons d’édition, comme Fayard,le Seuil, qui rechignaient à l’époque à les publier, n’hésitent plus. Sans toute-fois être traités avec leurs collègues néolibéraux à égalité, certains ont droit,à des doses très homéopathiques, aux plateaux télé, aux débats, aux matinalesdes radios, ou sont interviewés dans les journaux et magazines. « Nous affron-tons une crise monumentale qui a failli mettre tout par terre. Les journalistess’interrogent sur les analyses orthodoxes néolibérales qui n’apportent pas desolution à la crise ; ils sont désormais plus ouverts à des analyses différentes.Pour autant, les dogmes du pouvoir ne bougent pas, l’austérité reste la règleet les réformes radicales ne voient pas le jour  », pointe l’éditeur. Mais le mou-vement se poursuit avec l’intention de démontrer que la crise n’est pas seule-ment économique. De Capitalisme et servitude. Marx et Spinoza, de FrédericLordon, à la Crise de civilisation, de Paul Boccara, en passant par l’Empire dela valeur, d’André Orléan, les économistes montrent leur envie de dépasser lechamp de l’économie et de se tourner vers une approche plus philosophiquede la critique du système capitaliste. »

Clotilde Mathieu, L’Humanité, 12 octobre 2012

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MOUVEMENT RÉEL

PAR FRÉDÉRIC GUGELOT*

« Le communisme n'est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelonscommunisme le mouvement réel qui abolit l'état actuel. Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellementexistantes. » Karl Marx, Friedrich Engels - L'Idéologie allemande.

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

epuis la fin du XIXe et le début duXXe siècle, les intellectuels chrétiens ten-tent de concilier la pensée avec une foi etune conception de la société et du devenirhumain régies par leurs Églises, face aux-quelles ils s’inscrivent sur un spectre qui vade la fidélité à la contestation. Mais aprèsla Seconde Guerre mondiale, ils sontconfrontés à la conciliation de leur foi et deleur appartenance aux Églises avec uneconception nouvelle du devenir humain : lapensée et la réalité marxistes. Cette conjonc-ture met au défi leur fidélité à la tradition,d’autant plus que catholiques ou protes-tants voient aussi à l’œuvre, dès les années1950, les ingrédients du triomphe d’une cer-taine modernité : l’alliance entre sociétésécularisée, démocratie libérale et capita-lisme. La lutte contre le «  détachement  »à l’égard du christianisme se pose davan-tage pour les catholiques que pour les pro-testants, que le succès de la théologie bar-thienne revivifie et renforce. L’intellectuelprotestant dispose de tribunes et d’uneliberté critique que la recherche perma-nente de la « réforme » entretient et encou-rage. La figure de l’intellectuel catholiqueémerge plus difficilement dans une Églisequi se revendique comme l’unique ensei-gnante du peuple des fidèles, même si la

condamnation de l’Action française par leVatican en 1926 a libéré une certaine parolelaïque : tout en manifestant sa fidélité audogme et à la morale catholique, elleréclame pour les croyants la liberté d’exer-cer leur responsabilité de citoyens chré-tiens dans le monde.

Les chrétiens d’après-guerre héritent decette autonomie au moment où les forcesde conservation politique et sociale sontdélégitimées par leurs comportements pen-dant le conflit ; cette dévaluation de la droite,y compris religieuse, favorise un déplace-ment à gauche du centre de gravité et doncdes expressions de la vie politique. [...]

SE DÉFINIR PAR RAPPORT AU MARXISME[...] Le marxisme apparaît à la fois commeune théorie et une pratique qui donnent unsens à la réalité et des critères pour l’ac-tion. D’un côté, il semble pertinent pour lacritique du capitalisme que partagent désormais les chrétiens de gauche ; de l’au-tre, il permet un transfert « messianique »des luttes vers le prolétariat et les humbles.Le christianisme social, d’abord protestantpuis catholique, intègre ainsi l’accusationsocialiste d’une collaboration de l’institu-tion ecclésiale avec l’ordre établi.Trois textes marquent les débuts de cettetentative pour justifier des positions poli-tico-religieuses inspirées de catégories dela pensée marxiste : « Prendre la main ten-due  », d’André Mandouze, dans l’ouvragecollectif Les Chrétiens et la Politique, auxÉditions du Temps présent en 1948 ;Signification du marxisme du P. Henri-Charles Desroches, aux Éditions ouvrièresen 1949 ; «  L’Église et le mouvement

ouvrier  », du P. Maurice Montuclard, dansLes Événements et la Foi, douzième et der-nier cahier du groupe Jeunesse de l’Église,publié aux Éditions du Seuil en 1951.Desroches croit à un double dépassementdes visions contradictoires de la libérationde l’homme que proposent marxisme etchristianisme. Il aspire à fonder une sociéténouvelle où l’autonomie religieuse seraitfavorisée par une théologie du laïcat renou-velée, mais aussi un au-delà du marxisme.De son côté, Montuclard lie le renouvelle-ment du catholicisme au sort de la classeouvrière et aux liens possibles avec le Particommuniste français (PCF), proposant ainsiune véritable théologie de la révolutionpour frayer lui aussi une voie vers un« dépassement du communisme ». Seul untel engagement est jugé conforme à la véritéévangélique, fondée sur l’émancipation desopprimés. L’ouvrage de Desroches est retiréaprès des pressions romaines et celui deJeunesse de l’Église est mis à l’index en1953.D’autres options existent. Après 1945,Emmanuel Mounier a accepté de « grefferl’espérance chrétienne sur les zones vivesde l’espérance communiste » pour combat-tre les injustices. Bien que les perspectivesdernières du christianisme et du commu-nisme lui apparaissent inconciliables, il tented’entrer dans un dialogue exigeant avec un« marxisme ouvert ». Surtout, il veut fairedisparaître le complexe d’infériorité descatholiques par rapport à la politique enaffirmant que la religion n’est pas une alié-nation, une résignation d’esclaves ou unopium, mais une source d’ardeur et d’hé-roïsme ; il s’agit aussi de séparer le catho-licisme de ses «  compromissions bour-

« Alors que le marxisme devient un puissant pôle d’attraction en France, lesintellectuels chrétiens de gauche l’abordent de deux façons. Les uns y trouventune grille d’interprétation féconde de la réalité sociale ; les autres affirment que,par fidélité au Christ, il faut s’engager avec les pauvres et les opprimés au côtédu Parti qui porte ce combat, donc des communistes. »

*FRÉDÉRIC GUGELOT est historien. Il estmaître de conférences à l’université deReims.

Intellectuels chrétiens entremarxisme et Évangile

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

geoises ». Pour «  refonder » Esprit, il fautactualiser les positions doctrinales de larevue et du mouvement personnaliste, quise teinte alors de philo communisme. Auxtensions fondatrices des origines – «  réforme/révolution » et «  liberté/éga-lité » – se substitue une nouvelle formule – « révolution/réforme » et « égalité/liberté »– qui interprète le cours de l’histoire commele triomphe à venir des idées socialistes etdonne priorité à la réalisation d’une sociétéplus juste par le biais révolutionnaire. « Lebon sens historique commande non pasd’arrêter les fleuves, mais de les aména-ger », écrit Mounier.La référence marxiste, jusque-là étrangèreà la revue fondée en 1932, est de plus enplus invoquée. Mounier lui-même reconnaîtqu’un « marxisme [...] ouvert peut ne plusêtre très éloigné d’un réalisme personna-liste, s’il rejoint l’inspiration primitive d’unMarx, qui, à travers le désordre des choses,visait surtout l’aliénation des personnes, età travers l’aménagement de la société, lalibération des hommes ». Certains collabo-rateurs d’Esprit vont plus loin, DominiqueOlivier n’hésitant pas à écrire que lemarxisme est « la seule solution pour la res-tauration de la liberté humaine ».Cette lecture, qui fait la distinction entregrille d’interprétation et philosophie maté-rialiste, justifie le rapprochement. Celui-ciest aussi fondé sur une proximité d’enga-gement dont a témoigné la Résistance.Comme le dit Mauriac, «  seuls les espritsreligieux comprennent à fond les commu-nistes  ». Il ajoutera en 1958 : «  Entre lesvivants du Parti et ceux de l’Église, il existeun lien secret : opposés par la doctrine, ilssont unis par une faim et par une soif  ».Ceux des Églises veulent porter l’espérancedes pauvres et des opprimés en faisantappel à certaines traditions bibliques ouévangéliques pour fonder un projet et unepratique révolutionnaires. « L’éthique reli-gieuse se fait le ressort de l’intérêt poli-tique ». Mais, du marxisme, ils prétendentintégrer l’analyse économique et rejeter laphilosophie. Or celui-ci est un système phi-losophique que l’Église catholique consi-dère au moins depuis l’encyclique DiviniRedemptoris (1937), où il est déclaré « intrin-sèquement pervers  », comme incompati-ble avec son propre enseignement, vu laplace que tiennent dans sa conception dumonde l’athéisme et, en particulier, la cri-tique du christianisme.

SE DÉFINIR PAR RAPPORT AU PCFDe 1943 à 1956, le PCF dispose de l’auraincontestée de son engagement dans laRésistance. Il parvient à mobiliser et à struc-turer les milieux intellectuels d’après guerre

au point de constituer un pôle de référence,y compris à l’intérieur des Églises. L’épisodeprogressiste des années 1947-1955 traduitchez les chrétiens qui s’y engagent une dou-ble aspiration : renouveler l’apostolat endirection du monde ouvrier et réfléchir surle sens et la place du marxisme.L’engagement politique apparaît commeune conséquence de l’identification du peu-ple chrétien à la classe ouvrière et de celle-ci au Parti communiste. Dans cette pers-pective, les chrétiens de gauche sedéfinissent nécessairement par l’accepta-tion de la collaboration avec les commu-nistes.Et, en effet, une fraction d’entre eux par-tage alors les revendications et les luttessociales des communistes. Ce compagnon-nage s’inscrit toutefois largement dans lesorganisations satellites du PCF. En pleineguerre froide, les chrétiens de gauche seretrouvent ainsi naturellement dans le com-bat du Mouvement de la paix. Le P.Desroches, directeur adjoint d’Économie ethumanisme, rédige en mai  1950 le mani-feste « Des chrétiens contre la bombe ato-mique », signé par une cinquantaine de per-sonnalités du monde chrétien, qui réitèrel’Appel de Stockholm initié par les commu-nistes deux mois plus tôt. En février  1952,Paul Ricœur intervient pour proposer unealternative au plan Schuman de réarme-ment de l’Allemagne ; à la fin mai, il signeun tract exigeant la libération de JacquesDuclos, alors secrétaire général par inté-rim du PCF, arrêté après la manifestationcontre la venue à Paris du général améri-cain Ridgway accusé de mener une guerrebactériologique en Corée.Plus largement, l’engagement charitable ethumanitaire devient aussi un lieu d’expres-sion, tant à la Cimade protestante qu’auSecours catholique. Des penseurs protes-tants, tels Jacques Ellul ou Paul Ricœur,conceptualisent la volonté d’une présenceéthique et politique des Églises dans lemonde. Mais Ellul échappe à toute attrac-tion marxiste alors que Ricœur n’y est pasinsensible. Il insiste néanmoins sur l’idéeque la culpabilité de la démission socialedes chrétiens au XIXe et au début du XXe

siècle ne doit pas conduire à une adhésionsans critique aux positions communistes :« Je crois encore à des collaborations par-tielles, sur des objectifs précis, avec les com-munistes [...], mais je dis à mes camaradeschrétiens progressistes que nous n’avonspas le droit de collaborer dans la confu-sion ». Le christianisme social peut parta-ger des combats avec les communistes,mais il ne s’identifie absolument pas auxbuts politiques de ceux-ci. Et les engage-ments des chrétiens « avancés » sont ins-

pirés par des enjeux plus moraux, spirituels,que politiques.Une conception renouvelée de l’Église meten avant l’idée d’une communion entre lescroyants dont le pluralisme est revendiqué.Les valeurs de l’Évangile, comme larecherche de la justice, conduisent à affir-mer le primat de la conscience sur l’obéis-sance et la nécessité de l’intervention deschrétiens dans le monde. Cette positioncontraste avec l’apolitisme de droite quidomine chez les fidèles. Pour autant, leschrétiens de gauche sont peu nombreux àdéduire de l’adoption du marxisme commeclé de lecture de la société l’adhésion auPCF. En mai 1947, Henri Denis, professeurà la Faculté de droit de Rennes, défend tou-tefois l’engagement révolutionnaire desfidèles et la participation aux «  organisa-tions révolutionnaires  » du Parti dans unarticle d’Action intitulé « Que doivent faireles catholiques ? ».De son côté, le bimensuel La Quinzaine,prenant le relais de l’Union des chrétiensprogressistes (UCP), cristallise à partir denovembre 1950 le courant progressiste chré-tien, qui fait le choix du compagnonnageavec les communistes, combat l’anticom-munisme des catholiques et défend les nou-veautés apostoliques du mouvement mis-sionnaire symbolisé par les prêtres-ouvriers.Si La Quinzaine est condamnée par lapapauté en 1955, c’est que ce journal à dif-fusion modeste (6 000 abonnés) a un impactlarge du fait de son public d’aumôniers etde militants des mouvements d’action catho-lique. L’Église intervient donc quand lescatholiques passent de l’étude du marxismeà l’alignement sur le Parti. En 1949, elle avaitrenouvelé l’interdiction de toute collabora-tion avec les communistes. Mais les intel-lectuels chrétiens semblent dans une posi-tion inconfortable d’entre-deux. Le risqueest en effet grand : « Plus audacieusements’engage le chrétien, plus s’impose à lui ledevoir de surveiller et d’entretenir la rigueurde son christianisme  », rappelait Mounieren 1947.Du côté des communistes, il reviendra en1959 au philosophe Roger Garaudy d’offrirun sens à la main tendue dans Perspectivesde l’homme. Existentialisme, pensée catho-lique, marxisme. Mais cette « offre » resteminoritaire tant la méfiance demeure dansle Parti envers ces militants venus d’autreshorizons. n

Extraits du chapitre 7 de l’ouvrage dirigépar Denis Pelletier et Jean-Louis Schlegel,À la gauche du Christ. Les Chrétiens degauche de 1945 à nos jours, Le Seuil, 2012publiés avec l’aimable autorisation del’éditeur.

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

La Révolution d’Octobre 1917,quelques clefs pour la réflexionDans l'histoire du monde, 1917, comme 1789, sert de référence aux peu-ples dominés par un système économique et social aliénant. Revenir surles conditions et sur la genèse de cet événement éclaire la compréhensiondes luttes de libération

xaminer le sens de laRévolution d’Octobre ne doit pas faireoublier les conditions de son déclenche-ment, ce que nous appelons le contexte.La prééminence d’un monde rural carac-térisé par l’archaïsme, s’accompagne dudéveloppement d’un secteur industriel.En Russie, l’inégalité économique etsociale règne et le peuple des campagnesou des villes connaît une grande misère,d’autant qu’il faut financer l’armement.Politiquement, le tsarisme autoritaire,ébranlé par une première offensive libé-rale en 1905, essaye d’introduire desréformes exigées par les succès des idéesnouvelles (suffrage universel, réformeagraire, idées socialistes). Le peuple,jusqu’alors écarté, a pu s’exprimer, notam-ment dans les soviets ouvriers créés lorsdes grèves, sorte de comités de grèves,dirigés par des socialistes où les militantsbolcheviks pouvaient diffuser leurs ana-lyses. Les réformes promises sont sou-

ché une adhésion populaire, les militairessubissent des échecs. Aussi les grèves etles manifestations ne cessent-elles pas,notamment dans la capitale Petrogradd’autant que la conduite de la guerre pro-voque un durcissement des conditionséconomiques et sociales. Le peuple,épuisé, aspire à la paix et exige desmesures de justice sociale.La situation politique se caractérise parune carence du pouvoir tsariste et pardes luttes sans issue entre partis. Aussile poids des associations et des diverscomités s’accroît-il. Cette dispersion ouvrela voie aux bolcheviks qui entendent modi-fier radicalement les structures du payset de la société dans un processus révo-lutionnaire mondial. En février 1917, la colère populaire esttelle qu’un mouvement de grandeampleur commence. On ne supporte plusla pénurie, l’absence d’une volonté poli-tique des gouvernements, le poids de laguerre. La formation du soviet dePetrograd, le 27 février, permet l’organi-sation de journées insurrectionnelles etle tsar Nicolas II abdique. Un gouverne-ment provisoire se forme avec deux forcesdominantes dans la Douma. Aux libérauxdu prince Lvov au pouvoir jusqu’en avril,succèdent les socialistes, avec Kérenski,qui dirigent, à partir d’avril, des gouver-

PAR JACQUES GIRAULT*

HISTOIRE

Event contournées. Aucune force politiquen’apporte de solutions viables : soit parceque les réformes tentées n’améliorentpas l’état économique et social, soit parcequ’on n’envisage que des solutions insur-rectionnelles. Pour éviter ces deux voies,des forces politiques s’expriment depuis1905 à la Douma élue. Dans cette assem-blée, dominée au début par les KD (mem-bres du Parti constitutionnel démocra-tique), partisans d’une évolution par desmesures constitutionnelles, des voies dif-férentes s’expriment avec les socialistes.La Douma a connu une vie troublée eten 1917 est dominée par la droite (KD etoctobristes) alors que la gauche (men-cheviks et socialistes révolutionnaires)pense qu’il faut par des mesures libéralesdonner une place dans la vie politique àla bourgeoisie. En dépit de leurs diver-gences, ces forces politiques proposentdes mesures en demi-teinte qui touteséchouent d’autant plus que la conduitede la guerre provoque une augmentationcroissante des dépenses militaires déjàfort élevées puisque le pouvoir entendaitréparer l’humiliation de la défaite lors dela guerre contre le Japon (1905).

FORMATION DU SOVIET DE PETROGRADLa situation internationale s’est dégra-dée, la guerre depuis 1914 n’a pas déclen-

*JACQUES GIRAULT est historien. Il estprofesseur émérite d’histoirecontemporaine à l’université de Paris-XIII.

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nements de coalition. Les dirigeants bol-cheviks (Lénine et Trotsky) apparaîssentau grand jour mais les militants restentminoritaires dans le mouvement d’oppo-sition. Les gouvernements provisoiressuccessifs refusent de conclure la paix.Ils ne parviennent pas à approvisionnerles villes et ne prennent pas de mesuresréformant profondément l’économierurale. Pour s’imposer, ils décident desmesures contre les bolcheviks en pro-grès. La dégradation de la situation mili-taire (défaites, lassitude des soldats) cor-respond à la poussée des militantsbolcheviks dans le soviet de Pétrograd.Un putsch militaire en août prive le gou-vernement du soutien de l’armée contreles manifestations. Lénine remet en causeses analyses d’avril sur une possible prisedu pouvoir pacifique. Il parvient à convain-cre ses camarades que la prise du pou-voir est possible contre les socialistesmencheviks. L’insurrection déclenchée,le pouvoir s’effondre les 24-25  octobre.Le conseil des commissaires du peupleprend deux décrets qui répondent auxdemandes du peuple, la paix (qui conduità l’ouverture de négociations avecl’Allemagne conduisant à un armistice endécembre 1917 et au traité de Brest-Litovsk), la terre (abolition sans indem-nité de la grande propriété). Ces deux

mesures répondent aux demandes popu-laires de paix (d’où l’accord des soldats)et de la paysannerie (depuis l’été les pay-sans occupent des domaines possédéspar les nobles). Reste l’application du pro-gramme par les seuls bolcheviks aprèsla dissolution de l’assemblée constituanteen janvier 1918…

LES BOLCHEVIKS : UNE PRISE DEPOUVOIR INSURRECTIONNELLE POUR UN PROGRAMME DE RUPTURESLes libéraux et les socialistes, au pouvoirdepuis février 1917, se sont discrédités,faute d’une réelle volonté transformatrice.Face à cette carence, les bolcheviks pro-posent leur programme novateur. Jouantle vide politique, ils parviennent à le popu-lariser. L’échec de la conquête légale dupouvoir incarnée par les mencheviks laissela place à une possible victoire des bol-cheviks par des voies insurrectionnellesconformément aux analyses de Lénine.Reste à étendre au pays les conséquencesde la prise du pouvoir politique dans lacapitale Petrograd. Il faut donc pour celal’appui populaire. Le peuple ne peut plussupporter les conséquences de la dégra-dation économique, héritées de l’organi-sation socio-économique et accentuéespar la conduite de la guerre. Une initiativepolitique, la conclusion de la paix séparée,

s’accompagne d’initiatives sociales pro-posées par les militants bolcheviks dansle pays. Le tout répond à la demande dupeuple qui soutient le nouveau régime.L’événement révolutionnaire l’emporte  ;reste à le prolonger dans l’ensemble de laRussie et dans le monde pour qu’il ne soitpas qu’un rêve ! Commencent alors les dif-ficultés car il faudra tenir compte des par-ticularités de chaque parti socialiste. Pourcela, une Internationale communiste crééele 4 mars 1919, sera chargée de générali-ser la révolution dans chaque pays.Cette révolution réussie se traduit par uneespérance, répandue en Russie et ailleurs,d’une possible transformation économique,sociale, politique et culturelle. Dans l’his-toire du monde, 1917, comme 1789, sert deréférence aux peuples dominés par un sys-tème économique et social aliénant.Revenir périodiquement sur les conditionset sur la genèse de cet événement, qui nedevrait pas être un modèle unique, per-mettrait de mieux comprendre les luttesde libération à condition de réfléchir sansvolonté dénigrante ou hagiographique. Untel exercice, difficile à objectiver, doit consti-tuer une des conditions de l’affirmationdu rôle de la connaissance historique pourmieux comprendre le présent et l’avenir. n

©Frédo

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PRODUCTION DE TERRITOIRES

PAR FRANÇOIS MOULLÉ*

ruxelles n’a pas inventé la coo-pération entre les États et entre des col-lectivités territoriales en position fronta-lière. Nous pourrions citer l’accordinternational de 1959 entre la Suisse et laFrance qui a permis la création de la com-mission internationale pour la protectiondes eaux du Léman (CIPEL) face à l’urgenceenvironnementale de l’époque. Ou encorela création en 1972 de ArbeitsgemeinschaftAlpenländer (ARGE-ALP / Communauté detravail des États alpins) réunissant la Bavièreallemande, les régions alpines autrichienneset les régions italiennes voisines.

DES DYNAMIQUES POLITIQUES, D’ORDREFINANCIER ET JURIDIQUEPar contre, les impulsions européennes ontproposé trois dynamiques essentielles pourle renforcement des coopérations trans-frontalières. La première est d’ordre poli-tique avec la Convention-cadre de Madridde 1981 et les protocoles additionnels pourque les États membres de l’union favori-sent la coopération transfrontalière au plus

L’Union européenne,une gestion différenciée etévolutive des frontièresUne politique européenne de coopération territoriale originale1

*FRANÇOIS MOULLÉ est géographe. Il est

maître de conférences à l’université d’Artois.

Les territoires sont des produits sociaux et le processus de production se poursuit. Du global au local les rapports de l'Homme àson milieu sont déterminants pour l'organisation de l'espace, murs, frontières, coopération, habiter, rapports de domination,urbanité... La compréhension des dynamiques socio-spatiales participe de la constitution d'un savoir populaire émancipateur.

près des citoyens dans la logique de la sub-sidiarité.La deuxième dynamique est d’ordre finan-cier. À partir de 1990, l’Union européennese dote d’un programme d’initiative com-munautaire (PIC) appelé « Interreg ». Noussommes actuellement dans la quatrièmephase avec une mise en valeur stratégiquedu programme pour la phase actuelle(2007-2013 / Objectif 3) puisqu’il est undes trois objectifs actuels de l’Union euro-péenne.

LE PROGRAMME « INTERREG »Les quatre phases d’«  Interreg  »  : 1991-1993, 1994-1999, 2000-2006, 2006-2013.Ce programme s’est d’abord développé demanière expérimentale avec une trèsgrande liberté pour les porteurs de pro-jets. Ceci explique la durée limitée de lapremière période. De phase en phase, lesrègles se sont précisées pour rendre pluslisible l’action européenne et plus efficacela dépense publique pour la transforma-tion des espaces frontaliers.L’objectif est de permettre à des acteurslocaux et provinciaux de porter des pro-jets permettant de créer de la couture auniveau des frontières qui sont par essencedes coupures spatiales. Les subventionseuropéennes concernent des domainesvariés comme l’aménagement du territoireenglobant les transports et l’environne-

ment, la culture et l’éducation, l’innovationet la recherche, etc.La troisième dynamique est d’ordre juri-dique en proposant aux acteurs de nou-veaux outils permettant de structurer lesliens transfrontaliers. Nous pouvons noterdeux outils particulièrement originaux. En1985, le groupement européen d’intérêtséconomiques (GEIE) qui aura finalementune portée assez limitée. En 2006, la créa-tion du groupement européen de coopé-ration territoriale (GECT) correspond auxbesoins actuels des territoires. Ces statutsjuridiques permettent à des collectivitésterritoriales de part et d’autre d’une fron-tière de se grouper dans une structureunique avec un seul siège social, un conseildécisionnel et une comptabilité propre.Bien entendu, des questions nouvelles appa-raissent en matière de gouvernance hori-zontale entre les partenaires et verticalevis-à-vis des États de tutelles.

L’originalité du programme « Interreg » sedécline en trois dimensions.

La première est la différenciation de coo-pérations transfrontalières, transnationaleset interrégionales. Le transfrontalier imposeune continuité spatiale dont le lien est lafrontière créant de fait de nouvelles dis-continuités entre les espaces pouvant met-tre en place une coopération et ceux trop

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

Les impulsions données par l’Europe au niveau des espaces frontaliers visent àdépasser certaines coupures spatiales.

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éloignés de la frontière. En créant une poli-tique de gestion frontalière, l’Union euro-péenne complexifie l’étude des disconti-nuités spatiales en les multipliant.Néanmoins, le transnational permet auxporteurs de projets éloignés de la frontièrede participer aux logiques de convergenceseuropéennes. Le transnational prolongedans l’espace les possibilités offertes par« Interreg ». Enfin, des régions sans aucunecontinuité spatiale peuvent envisager unecoopération interrégionale. Nous pourrionssimplifier l’image en partant de la frontière,il y une forme de continuum avec d’abordles espaces éligibles dans un cadre trans-frontalier  ; puis en s’éloignant de la fron-tière, ceux éligibles dans un cadre trans-national ; pour enfin terminer aux espaceséligibles à l’interrégional.

La seconde dimension est la création denouveaux découpages de l’espace euro-péen comme, par exemple, Alpenspace(espace alpin) regroupant les régions del’arc alpin françaises, italiennes, suisses,allemandes, autrichiennes et slovènes. Unensemble géographique fortement mar-qué par les frontières mais où l’unité oro-graphique, les identités proches et les pro-

blématiques communes, notamment envi-ronnementales, permettent d’envisagerune nouvelle unité par-delà les frontières.

Enfin, la troisième est à interpréter dansune logique géo-historique. Les espacesfrontaliers ont généralement été considé-rés par les pouvoirs centraux comme desmarges, des confins. Le sous-équipementchronique tant en matière d’équipementsqu’en investissements économiques doitse comprendre comme une stratégie pourlimiter les pertes en cas d’invasion mili-taire. L’Europe se caractérise d’abord surle long terme par des conflits internes inces-sants. Les communautés européennes puisl’Union européenne ont créé un véritableespace de paix. Dans cette perspective,nous réalisons le chemin parcouru en undemi-siècle lorsque nous observons la coo-pération transfrontalière. D’espaces demarges, les territoires frontaliers sont deve-nus les laboratoires territoriaux de l’Europe.

Une étude d’analyse des dossiers«  Interreg » par un réseau de chercheursanimés par le laboratoire DYRT (Universitéd’Artois) a permis de mettre en place unetypologie (tableau ci-dessus) des produc-

tions spatiales résultants des politiqueseuropéennes en faveur des dynamiquestransfrontalières.

LES ESPACES FRONTALIERS, UN LIEUD’EXPÉRIMENTATION POUR CRÉER DU LIENDURABLELes frontières sont au cœur de la réalitéeuropéenne comme objet spatial à gérer.Cette gestion peut être orientée et soute-nue par les initiatives communautairesmais elle dépend fortement des processuslocaux tant de gouvernance que d’identi-fication de l’ensemble des agents de l’es-pace. La frontière est le nouveau lien deces processus contemporains, ce qui neremet absolument pas en cause le mail-lage étatique ni la diversité des orienta-tions politiques des mailles. L’expérimentation locale et régionale enmatière de coopération transfrontalièresouligne néanmoins la diversification desniveaux d’intervention sur les territoireset par conséquence, la multiplication desacteurs. L’intégration européenne est unextraordinaire entrelacs de réseaux, d’es-paces et de territoires. Néanmoins, nouspouvons nous interroger sur la pertinencedes programmes dans la prise en comptedes spécificités géographiques des terri-toires dans la volonté de l’Union euro-péenne de mise en réseaux. La complexitédes héritages et du patrimoine ne peut pasêtre pris en compte dans des orientationspolitiques très générales.L’originalité des espaces transfrontaliersest bien de se développer sur les creux del’Europe d’autrefois, créer des dynamiques,de nouveaux pleins là où les centres ontvolontairement fait le vide dans une logiquestratégique. Le nouveau centre, que repré-sente Bruxelles, a parfaitement comprisque l’expérimentation sur les marges fron-talières est le meilleur moyen pour créerdu lien durable. D’une certaine manière,l’intégration européenne est la plus réelleau niveau des espaces frontaliers, ce quine veut pas dire que les réflexes identi-taires du passé ne soient pas des freinsnotamment dans les nombreux processusde territorialisations en cours. n

1) La première partie de l’article est paruedans La Revue du projet, n° 20, octobre 2012.

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

LES PRODUCTIONS SPATIALES DE LA COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE

Production La coopération permet • Muséed’un lieu la création • Rond-point (Calais) Frontalier

d’un aménagement • Aménagement de rue

Production La production spatiale • Digues littorales Inter-frontalieren miroirs est dans le même esprit • Aménagements

de part et d’autre touristiquesde la frontière

Eléments Création ou amélioration • Pont-tunnel de l’Oresund Transfrontalierde réseaux d’un axe transfrontalier • Tunnel sous la Manche

• Passerelle du jardin des deux rives

• Pistes cyclables

Projet de territoire Coopération politique pour • Agglomération Nouveaufusionner deux espaces franco-genevoise territoireou plus dans un projet • « Euroregion Proterritorial transfrontalier Europa Viadrina »

• Agglomérationtrinationale de Bâle

TYPES DESCRIPTIONS EXEMPLES AMÉNAGEMENTÉQUIPEMENT

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SCIENCESLa culture scientifique est un enjeu de société. L’appropriation citoyenne de celle-ci participe de la constructiondu projet communiste. Chaque mois un article éclaire une actualité scientifique et technique. Et nous pensonsavec Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

*AMAR BELLAL est ingénieur, professeuragrégé de génie civil. Il a participé àl’élaboration de la brochure du PCF, Pourune transition énergétique réussie.

a vision de «  l’économie hydro-gène », chère à l’économiste Jeremy Rifkin,est un summum du genre. Suivons son rai-sonnement et montrons comment des idéesqui sont distillées aujourd’hui dans les plushautes sphères du pouvoir, en France et enEurope, se révèlent être complètementfausses.

L’ÉNERGIE ET INTERNETL’analogie courante avec Internet s’expliquepar le fait que dans la tête de beaucoup,l’énergie ressemble à de l’information. Celase comprend, car l’énergie est difficile àdéfinir  : on peut se brûler, sentir unedécharge électrique, constater un mouve-ment, mais elle n’est jamais palpable entant que tel, un peu comme l’information.Mais attention, on va le voir, la comparai-son s’arrête strictement là.De plus, Internet exerce une véritable fas-cination  : partage des savoirs à l’échellede la planète, support en apparence com-plètement dématérialisé, semblant échap-per à certaines des logiques capitalistes…Et tout est déjà en place pour cette analo-gie trompeuse Internet/énergie. Qui jouealors le rôle des ordinateurs ? Ce sont lesbâtiments à énergie positive, chacun avecson panneau solaire et sa petite éolienne,ou son unité de production de biogaz s’ils’agit d’un quartier. Et qui pour les mes-

Par AMAR BELLAL*

sages électroniques et autres informationsnumériques, indispensables à Internet  ?C’est tout trouvé, les flux d’énergie qu’ons’échange  : électricité, hydrogène, gaz,qu’on produira depuis nos bâtiments à éner-gie positive. Et la toile et ses intercon-nexions  ? C’est le réseau électrique déjàbien réel qui se charge de support. Le tout,piloté, régulé par des Smartgrid, systèmesinformatiques qui constituent le réseauintelligent dans le jargon des électriciens,qui arbitrera à tout moment s’il vaut mieuxaffecter l’énergie produite à recharger lesbatteries de votre voiture électrique ou àfaire fonctionner la machine à laver, ouencore la vendre à votre voisin si vous laproduisez en surplus… Il pourra aussi déci-der de vous couper l’électricité lorsqu’il n’ya pas assez de vent ou de soleil. Tout cela

dépend de la météo, il faut préciser queRifkin propose une électricité 100 % renou-velable. C’est possible, nous dit-il, grâce àl’hydrogène comme moyen de stockagede l’électricité pour pallier l’intermittencedu vent et du soleil. Voyons en quoi cettevision est erronée.

L’HYDROGÈNE La technique de production d’hydrogèneest connue depuis très longtemps, si elle

ne s’est pas généralisée comme moyenindirect de stockage de l’électricité, c’estqu’il y a de réelles difficultés techniquespour passer à la grande échelle  : réseauxde transport, pression importante pourconditionner le gaz, réservoirs de dimen-sions rédhibitoires, faible rendement, maté-riaux rares nécessaires à la technologie(platine). Cette technique existe dans leslaboratoires, pour des applications réser-vées aux véhicules spatiaux et dansquelques prototypes. Mais cela n’arrive pasà franchir la rampe de l’industrialisationpour des applications autres que les bat-teries miniatures pour petit appareil (pourles raisons précitées) et ce, depuis desdizaines d’années. Combien de bus fonc-tionnent à l’hydrogène dans le monde parexemple ? 100 000 ? 10 000 ? allez disons1 000 ?... non  : 47, sur toute la planète en2010, soit même pas un exemplaire parpays. Et les rares projets de voitures élec-triques utilisant la pile à combustible (hydro-gène donc) piétinent. Tout n’est pas fermé,les nanotechnologies changeront peut-êtrela donne, mais on le voit, on est très, trèsloin des promesses de « l’économie hydro-gène » (J. Rifkin, L’Économie hydrogène,2002)

S’ÉCHANGER DE L’ÉNERGIE COMME ONS’ÉCHANGE DES MESSAGESÉLECTRONIQUES ? Toute transformation d’une forme d’éner-gie en une autre ne se fait jamais avec unrendement de 100 %. Pour l’électricité, leseul moyen de la stocker indirectement etmassivement, c’est de remplir des barragesd’altitude d’eau au moyen de moteurs élec-triques. Lorsque cette eau redescend etfait tourner une turbine, elle restitue l’élec-

Le mythe de l'économie hydrogène de Jeremy RifkinPartir d'une vision idéologique pour façonner la réalité jusqu'à réécrire leslois de la physique et de la thermodynamique, et ce, afin de conforterl'idéologie de départ : voilà un des grands drames d'aujourd'hui.

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Faire croire que les bâtiments de demain

produiront suffisamment d'énergiepour faire tourner nos voitures,TGV, tramway, métro, tracteurs,camions etc. et toutes les usines

qui les fabriqueront, c'estclairement faux.

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tricité initiale à hauteur de 70  %-80  %.C’est un excellent rendement dû à la tech-nique utilisée et aussi à la taille du systèmeSTEP (station de transfert d’énergie parpompage). Les Suisses remplissent leursbarrages d’altitude en achetant de l’élec-tricité à la France la nuit (donc pas chère)et revendent cette électricité en la faisantredescendre dans les turbines le jour auxItaliens, comptabilisée en électricité hydrau-lique verte dans le bilan énergétique suisse.En effet, on arrive par ce biais à avoir desgrosses «  batteries  » (= barrage) de1 000 MW de puissance, très courant dansles Alpes, à comparer par exemple à la bat-terie de stockage par voie chimique inau-gurée par EDF récemment à la Réunion  :1  MW seulement… Le problème c’est quela plupart des sites pour faire ce type debarrage sont saturés en Europe. Alors qu’en est-il de l’hydrogène commeautre solution de stockage de l ‘électricité ?L’idée de Rifkin, qui n’est pas nouvelle, c’estle cycle de transformation suivant  : élec-tricité → énergie chimique (hydrogène) →électricité. En somme produire de l’hydro-gène avec l’électricité en surplus de sourcesintermittentes, ce qui est une forme destockage chimique de cette énergie, et aumoment opportun, utiliser cet hydrogènedans une pile à combustible pour récupé-rer cette électricité. Le problème c’est qu’àchaque conversion d’énergie on en perd…S’agissant de la conversion : énergie élec-trique → énergie chimique (hydrogène), lerendement est de 75 %. Et concernant larestitution : énergie chimique → électricité,la compression de l’hydrogène se fait avecune perte de 10  % (donc rendement de90 %), et quant au rendement de la pile àcombustible, il est de 50  %. Si on fait lecalcul  : 0,75 multiplié par 0,9 multiplié par0,5, le rendement global tombe à 0,33,c’est-à-dire 33 %. Loin des 70 % des STEPet surtout très très loin de ses capacitésde stockage (1  000  à 10  000 fois moinsd’électricité stockée). On perd donc lesdeux tiers de l’énergie à chaque fois qu’onstocke de l’énergie par ce biais. C’est unvrai gâchis alors qu’on sait que le renou-velable produit déjà peu d’électricité.Imaginez sur Internet l’envoi d’un messageoù le destinataire perd les 2/3 des infor-mations, étonné, il le renvoie à son expé-diteur qui en perd à nouveau les deux tiersdu tiers restant  : ce simple aller-retour de

message aura fait perdre 90 % de l’infor-mation : l’énergie est donc loin d’être aussimagique qu’Internet… C’est d’ailleurs la rai-son pour laquelle les systèmes énergé-tiques ont été conçus pour subir le moinsde conversions possibles. Le schéma clas-sique c’est  : production → consommationdirecte, et on s’arrête là, contrairement auschéma idéaliste  : production → stockage→ restitution → stockage → restitution →stockage etc., car dès le deuxième cycle,toute l’énergie aura été dissipée dans leprocessus de transformation.

LES BÂTIMENTS À ÉNERGIE POSITIVE ET LARÉALITÉ DES BESOINSIl s’agit de bâtiments dont la productiond’énergie (chaleur et électricité) est égaleou légèrement supérieure à zéro une foisles besoins en eau chaude, chauffage etélectricité remplis. Et cela suppose le strictminimum en consommation électrique  :l’éclairage simple et l’abandon de la plu-part de nos équipements électroménagerset informatiques. De plus ce bilan est«  lissé  » sur toute l’année  : il faut doncnécessairement faire appel au réseau élec-trique et donc à la production extérieurela nuit, en hiver ou en cas de météo capri-cieuse. Si on y ajoute les besoins en mobi-lité, remplir la batterie de sa voiture élec-trique par exemple pour aller travailler lelendemain, alors il s’agit d’une véritableescroquerie : aujourd’hui, sur toute la sur-face de la terre, il n’existe aucun, mais abso-lument aucun, bâtiment à énergie positivequi réponde à cette exigence. Des bureauxd’études ont mesuré la performance debâtiments classés « énergie positive », ilsont constaté que la consommation annuelleen énergie pour satisfaire le besoin de mobi-lité de ses occupants sur une base de 20km par jour, était 25 fois supérieure à laconsommation du bâtiment en lui même,tous postes confondus, bâtiment « bonneénergie  » à Grenoble. Il manque donc unordre de grandeur pour satisfaire l’uniquebesoin en mobilité... On le devine, à sup-poser que chacun dispose d’une telle mai-son individuelle «  BEPOS  » (Bâtiment àénergie positive), ultra-isolée et bardée detechnologies, orientée plein sud, avec unratio surface de façade et toiture par habi-tant très favorable, et en priant pour unemétéo clémente  : et bien cela ne suffiraitpas à couvrir tous les besoins, même

basiques (un minimum de mobilité notam-ment, l’industrie, l’agriculture etc.). La dif-ficulté est multipliée lorsqu’on pense auxzones de fortes densités où l’habitat col-lectif domine. Par exemple, pour Paris  :combien d’habitants pour quelle surfacede toiture disponible ? ou dit autrement  :un immeuble de quatre étages avec vis àvis, comme c’est souvent le cas en ville,combien de locataires doivent se partagerl’unique surface de la toiture du dernierétage  ? Autre aspect, il a été calculé quel’énergie nécessaire à la fabrication de cesbâtiments très sophistiqués (l’énergie grise)est équivalente à près de 50 ans de fonc-tionnement du peu de production propred’énergie de ces mêmes bâtiments. Quiddonc de l’énergie nécessaire pour la fabri-cation de ces équipements ? En clair, avecce système poussé à l’extrême, nous n’au-rions plus rien à partager. Nous serionsdans une situation de pénurie généralisée.

Il est évidemment souhaitable d’engagerun vaste chantier de rénovation énergé-tique des bâtiments anciens et de construiremassivement en norme BBC (bâtimentbasse consommation), là n’est pas la ques-tion. Mais faire croire que les bâtiments dedemain produiront suffisamment d’éner-gie pour faire tourner nos voitures, TGV,tramway, métro, tracteurs, camions, etc. ettoutes les usines qui les fabriqueront, c’estclairement faux. En énergie, comme ail-leurs, il faut savoir faire la différence entre1, 10 et 100. Jeremy Rifkin n’est ni physi-cien, ni ingénieur et semble ignorer toutesces données. Il est pourtant érigé en consul-tant sur ces questions hautement tech-niques auprès des collectivités et des grandsd’Europe, et il exerce une influence idéo-logique grandissante à gauche  : ce n’estpas bon signe et pas du tout à la hauteurdes enjeux de la transition énergétique quenous voulons. n

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Par ALAIN VERMEERSCH

REVUE DES MÉDIA

Le tournant du pacte sur la compétitivité entraîne une exacerbationdes contradictions au sein du PS. Il encourage aussi les tenants d’uneposture droitière.

POUR UNE SOCIAL-DÉMOCRATIEASSUMÉEGérard Grunberg, spécialiste ès-PS,dans une tribune à Telos(06/11) pro-digue ses leçons « Le Parti socialiste seveut désormais et, certainement debonne foi, social-démocrate. Pourtant,il n’a toujours pas compris ce qui carac-térise la social-démocratie: le compro-mis avec le capitalisme. Pour les socia-listes français, l’entreprise demeuresuspecte comme le profit. Leurs textesacceptent bien l’économie de marchémais pas leur tête. Ils espèrent toujours,de manière floue et non argumentée,qu’un jour, le capitalisme sera rem-placé par autre chose. Certes, leur anti-capitalisme socialiste est mou, contra-dictoire, dénué d’un véritablefon de ment théorique. C’est en ce sensaussi que le socialisme français n’estpas social-démocrate: il tient à ne passe couper de l’extrême gauche. Les diri-geants socialistes connaissent leur partiet son idéologie. Ils sont poussés avantchaque élection à épouser celle-ci. Unefois au pouvoir ils ne savent comments’en débarrasser. On mesure ainsi ladifficulté extrême de gouverner ce paysen temps de crise pour un dirigeantsocialiste. Les socialistes françaisrépondent périodiquement, depuis lesannées soixante-dix, à ceux qui lespressent de faire leur révision idéolo-gique que cette révision n’est pasnécessaire puisqu’elle a déjà été réali-sée en pratique au gouvernement. Il

Après le congrès deToulouse, le PS à larecherche d’une stratégie

faut donc que le Parti socialiste fassepasser le projet social-démocrate avantl’unité illusoire de la gauche. En un motqu’il devienne vraiment social-démo-crate! ».Il récidive dans un débat à quatre(Atlantico10/11) : « Pour le Parti com-muniste, c’est fait. Le PC est clairementpassé dans l’opposition au gouverne-ment, et il y restera. On ne peut plusparler d’opposition ou de majorité degauche, ce temps est révolu. Pour lesécologistes, il n’est pas impossible qu’ilse passe la même chose à terme. Jen’exclus pas qu’ils soient divisés, qu’ily ait une crise au sein de ce parti. Il n’estdonc pas impossible que le PS perdetous ses alliés. Dans ce contexte decrise, sa politique social-démocratemenée par le gouvernement, va êtrede plus en plus éloignée de ce que veu-lent les communistes voire même lesécologistes. Le PS est tout seul main-tenant. Il possède la majorité absolueà l’Assemblée nationale, mais on nepeut pas exclure qu’une partie de l’ailegauche du PS fasse sécession. Il s’estpassé quelque chose d’important. Jecrois qu’il n’y a plus de gauche enFrance. » Laure Breton, journaliste àLibération, de son côté estime « qu’ilfaudra peut-être une instance de régu-lation pour que le PS comprenne qu’ildoit fonctionner de manière moinshégémonique dans les deux chambresdu parlement. Il a besoin d’un axemajoritaire le plus large possible et se

doit d’avoir au sein du gouvernementles principales composantes de lagauche. »

UN ASTRE MORT ?Romain Ducoulombier, historien,remarque pour sa part (Atlantico10/11) qu’« il aurait fallu les liquideravant… Faut-il dès lors penser que lePS a manqué une occasion historiquede liquider sa gauche? La formation etle succès (non pas absolu, mais incon-testable) du Front de gauche sont sansdoute inattendus. Par rapport aux Verts,qui font mine de marchander mainte-nant leur soutien après avoir été lesalliés déclarés du PS pendant les légis-latives, Mélenchon a au moins le pri-vilège de la cohérence. Le PS peut peserde tout son poids, et même si c’est un« astre mort », c’est du genre des météo-rites ! Sa capacité à étouffer ses adver-saires dans les scrutins locaux estconsidérable. Et il ne leur cède rien surle contenu. Plutôt qu’à un tournant, jecrois que l’on va assister à une guérillaqui comme on sait, n’est pas une guerretrès symétrique… »Bernard Maris, économiste, souligneque « l’actuel gouvernement estimeque la compétitivité dépend du coûtdu travail. C’est une analyse typiquede la droite, qui considère le travail,non pas comme un investissement,mais comme une charge. Selon moi,le tournant remonte tout de même àla rigueur décidée par François

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Mitterrand en 1983. À partir de cettedate, il se plie à la mondialisation et àl’exigence de concurrence libre et nonfaussée. Le PS n’a pas le choix, mais cen’est pas du socialisme. Il vit sur unedoctrine édulcorée, apprivoisée, sou-mise au carcan économique. C’est unedoctrine morte. Elle a accompli l’es-sentiel de sa tâche en 1945, avec le pro-gramme du Conseil national de laRésistance. Depuis, les socialistes nefont qu’un travail de résistance à ladégradation de l’État-providence, pasde proposition. »

LE PS ÉTAIT-IL PRÊT À GOUVERNER ?Jean-Marie Le Guen le pense. (nouve-lobs.com 12/10) « Jamais un gouverne-ment de gauche n’a été confronté à unecrise économique et sociale d’une tellegravité. La société française, sous ten-sion, s’est installée dans la défiance.Pour le changement, il faut du tempset de la cohérence alors que la poli-tique a basculé dans le court terme etl’émotion. Alors, certes, il a pu y avoir,ici ou là, des erreurs ou des insuffi-sances mais il faut surtout interrogerles conditions de notre victoire. Ce quinous a permis de gagner ne suffit pas

forcément pour gouverner. Bref,étions-nous vraiment prêts ? On nemobilisera pas les Français dans la crisesur un simple agenda, aussi nécessairesoit-il. Il faut aussi leur proposer uneperspective idéologique. Si le mot gênecertains, appelons ça un cadre de pen-sée qui donne un sens à l’action. Laperspective républicaine est efficientepour ce qui relève du régalien. »Interrogé par Radio Classique (12/11),Jean-Christophe Cambadélis précise :« Je pense que le PS s’est endormi surles lauriers mitterandistes et n’a pasvoulu se repenser globalement. Il estnécessaire d’ouvrir une perspective.Parce qu’on ne peut pas accepter lesdifficultés actuelles, s’il n’y a pas del’autre côté du tunnel une autre société.Et le but du PS, ce n’est pas de rendrela société française, comme elle étaitavant la crise. C’est dans la crise, latransformer. » Laurent Baumel etFrançois Kalfon pensent que « contrai-rement à ce qui se dit dans les sphèresdirigeantes du PS, il n’y a aucun glis-sement à droite de la société française.Cet argument sert à masquer lesattentes du peuple vis-à-vis de lagauche. Cette lecture, si elle s’installe,

n’est pas tout à fait innocente : elleoffrira à tous ceux qui veulent s’appro-prier l’étendard de la “vraie gauche” lapossibilité de se draper dans la postureplaisante de l’avant-garde militante.Mais cette lecture, soyons-en certains,nous éloignera un peu plus encore descatégories populaires qui attendenttant de nous. La thèse de la droitisa-tion exonère surtout la gauche à boncompte d’approfondir la réflexion surce qui fait défaut pour l’heure dans sonoffre politique. » (Libération 12/11).Quant à Emmanuel Maurel (28 % desvoix face à Harlem Désir), il estimequ’en « votant pour moi et pour lamotion que je porte, ils invitent le gou-vernement à tenir bon sur les engage-ments et lui rappellent que “le chan-gement, c’est maintenant”. Ils veulentun parti ancré à gauche et qui s’affirme.Notre parti doit, dès à présent, fairecampagne sur trois thèmes. La loicontre les licenciements boursiers.L’égalité salariale hommes-femmes.Enfin, notre parti doit faire campagnesur le droit de vote des étrangers auxélections locales. »

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CRITIQUES

LIREEmmanuel Terray : de l’économique au politiqueENTRETIEN RÉALISÉ PAR AUGUSTIN PALLIÈRE

L’anthropologie économique a connu, avec des auteurs commeGodelier, Meillassoux ou vous-même, un grand développement dansles années 1960 et 1970. Quels ont été les principaux apports decette discipline et qu’en reste-t-il aujourd’hui  ?Le caractère spécifique des sociétés capitalistes, et là je neme réfère pas seulement à Marx mais aussi et peut-êtresurtout à Polanyi et à La Grande Transformation, c’est l’in-dépendance de la sphère économique à l’intérieur de lasociété. Quand le marché se généralise, les lois du marchés’imposent à l’économie et effacent toutes interférencesavec les autres institutions sociales.En regard, ce qui caractérise les sociétés non capitalistes,c’est le fait que des contraintes de nature extra-écono-mique – religieuses ou politiques – interviennent dans lemouvement même de l’économie. Marx le disait lui-même :là où le travailleur met en œuvre ses propres moyens deproduction, il faut un rapport de type extra-économique,pour le contraindre à effectuer du surtravail.L’anthropologie marxiste a développé toute une série d’ins-truments conceptuels extrêmement opératoires. La notionde mode de production – défini comme un rapport de pro-duction fondamental et de reproduction – la notion de for-mation sociale – c’est-à-dire un conglomérat de modes deproduction dont l’un est dominant par rapport aux autreset soumet les autres aux exigences de sa propre reproduc-tion – tout cela était très efficace.C’est grâce au développement de l’anthropologie marxisteque l’on est passé, dans l’histoire afri-caine, de la notion d’un aimable escla-vagisme de case, où les esclaves étaientconfondus avec les cadets de la famille,à la mise en évidence d’un véritablemode de production esclavagiste quia été présent jusqu’à l’aube de la colo-nisation.Dans les années 1980-1990, l’anthro-pologie marxiste a été entraînée dansla catastrophe globale de la penséemarxiste. Mais un jour ou un autre,nous reviendrons aux acquis de l’an-thropologie marxiste : il y a là un gise-ment de catégories et de conceptsextrêmement féconds qui ouvrent desperspectives nouvelles. Les événe-ments qui se déroulent sous nos yeuxapportent chaque jour de nouvellesjustifications à la pensée marxiste.

Peut-on encore qualifier les sociétésrurales africaines de précapitalistes  ?Il y a encore des sociétés où le rapportde production direct n’est pas de type

capitaliste. Le travail salarié s’est beaucoup étendu dansle monde, mais il ne s’est pas généralisé. Marx distinguela domination réelle du capital et sa domination formelle,par le biais du marché. En Côte d’Ivoire, dans une partiedes plantations, la domination directe du système capi-taliste était déjà en place, on a des ouvriers agricoles tra-vaillant pour des patrons. Mais dans tout l’ouest du pays,les systèmes de production restent familiaux ou lignagers.Reste que les prix du cacao sont fixés sur le marché mon-dial, déterminant directement le revenu des intéressés etleur niveau de vie.

La recherche et l’analyse de la nature des rapports de production,voire d’exploitation, sont au centre de l’anthropologie économiquemarxiste. Après vos premiers écrits, il y a une sorte de glissement,vous semblez de plus en plus intéressé par les rapports politiques,ou de domination.On oppose très souvent les sociétés précapitalistes, où ladomination est sur le devant de la scène, et les sociétéscapitalistes, où l’exploitation nous est présentée commeun mécanisme fonctionnant de lui-même et par lui-même.Mais un point nous arrête : c’est le problème, dans le modede production capitaliste même, de la détermination dusalaire, du prix de la force de travail. Il ne s’agit pas d’unedonnée naturelle ou objective, mais d’une donnée pro-fondément déterminée par les circonstances historiqueset en particulier par la domination. Dans Le Capital , ona parfois, pas toujours, l’impression que c’est une donnéepremière, à la limite d’un caractère biologique : il faudraitune certaine quantité de biens pour que la force de tra-vail se reproduise. Je crois que, biologiquement parlant,les marges de variations sont considérables : il y a des gensqui survivent à un niveau de vie où d’autres, dans un autre

état social, ne survivraient pas. Parconséquent, ce sont bien les rapportsde domination qui finalement déter-minent le prix de la force de travail.

Les rapports de production transcendent-ils les modes de production ? Dans Penser àdroite, vous écrivez que la droite n’est pasle parti de la défense d’un intérêt et qu’il ya eu une droite avant le capitalisme et qu’ily en aura toujours une. Le découpagedroite/gauche ne recoupe donc pas pourvous la lutte du capital contre le travail  ? Ya-t-il finalement un communisme dedroite  ?Un communisme de droite ?… Biensûr : dans le débat qui opposait, enUnion soviétique, Staline à Trotsky,dans les années 1920 : il y avait la lignede l’aventure de la révolution perma-nente et la ligne conservatrice du socia-lisme dans un seul pays et de la conso-lidation des acquis. J’ai une formuledans le livre : « la gauche c’est DonQuichotte et la droite, Sancho Pança ».

Chaque mois, des chercheurs, des étudiants vous présentent des livres, des revues...

Biographie sommaireEmmanuel Terray fait partie de cette géné-ration de philosophes marxistes françaisqui, dans les années 1960, ont renouveléles concepts et les méthodes de l’anthro-pologie. Sa contribution, théorique et pra-tique, a été fondamentale. Depuis, sa for-mation initiale a repris le dessus et il aécrit de nombreux essais de philosophiepolitique sur des thèmes aussi variés queClausewitz ou les enjeux de la mémoire.Mais Emmanuel Terray n’est pas qu’unchercheur, c’est aussi un militant actif.Membre dans sa jeunesse du PSU puisde groupuscules Mao, il s’engagera, parexemple, auprès des salariés de LIP enlutte ou sur le plateau du Larzac. Il estconnu aujourd’hui pour être le fidèle com-pagnon de la lutte des sans-papiersdepuis l’expulsion de l’église SaintBernard à Paris jusqu’à la grande grèvede la faim de 1998.

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C’est simpliste mais on peut retrouver ce schéma dansdes contextes politiques et des régimes extrêmementdivers.Actuellement, nous avons tendance à considérer, la droitecomme le parti des privilégiés. Mais elle réunit les suf-frages de personnes qui ne sont pas du tout des privilé-giés : depuis le début de la IIIe République, la droite c’estplus ou moins la moitié de la population. Ces gens-là sont-ils trompés, dupés par ces privilégiés ? Notre tâche est-elle pédagogique : éclairer ces aveugles de façon à leurfaire découvrir leurs véritables intérêts ? C’est très contes-table. Les gens qui votent à droite, même sans être privi-légiés, ont des raisons précises de voter à droite. Ils sou-haitent la conservation de l’ordre établi et se préserver desaventures politiques risquées dont le résultat a parfois étécatastrophique.

Pensez vous être «  de gauche  », communiste ou les deux  ?En 1990, au pire moment, alors que le communisme étaitconsidéré comme une idée morte, j’ai écrit un petit livre :

Le troisième jour du communisme, dont l’exergue était unverset de l’évangile de saint Mathieu : « Il est mort mais le3e jour il ressuscitera ». Saint Mathieu faisait allusion auChrist, je transposais la formule à l’idée communiste. Jen’ai jamais appartenu au Parti communiste, mais je medéfinirais volontiers comme communiste.Or le communisme, c’est le contenu essentiel pour lagauche. Être de gauche, c’est ne pas considérer l’ordre éta-bli comme un fait indépassable, c’est penser qu’il y a unealternative qu’il faut construire. Ce sont bien les commu-nistes qui sont les plus précis dans la définition de cettealternative.

Le Capital de Marx, sonapport, sondépassement au-delàde l’économieLe Temps des Cerises, 2012

PAUL BOCCARA

PAR IGOR MARTINACHE

La nouvelle crise du capitalisme que nous traversons aramené la figure de Karl Marx sur le devant de la scène.Même les plus libéraux se sont sentis sommés de rendrehommage au grand natif de Trèves, comme pour s’amen-der de leur incapacité totale à prévoir le cataclysme. Pasquestion pour autant de débattre plus avant des analysesen question afin d’en tirer des enseignements pour « cor-riger le tir ». C’est ce (faux) paradoxe que Paul Boccaras’emploie ainsi à corriger, sans pour autant traiter LeCapital comme un livre saint rédigé par un prophète quiaurait tout prévu. Bien au contraire, l’œuvre de Marx étaità l’image de sa pensée, tortueuse et inachevée, et ce seraitlui faire injure que de ne pas s’appliquer à la « dépasser »,au sens hégélien du terme : c’est-à-dire à prendre appuisur elle pour penser les défis de notre temps. C’est doncen quelque sorte deux livres en un que propose l’un deschefs de file de la réflexion économique du PCF : une pré-sentation pédagogique des principaux concepts qui per-mettent d’analyser le mouvement historique du capita-lisme, que viennent compléter un certain nombre depropositions pour sortir de la crise indissociablementéconomique et « anthroponomique », comme le dit l’au-teur pour désigner un processus de transformation de la« nature humaine » , dans laquelle nous a mené la logiqueactuelle du capitalisme. Non sans pointer les insuffisancesdes tenants du keynésianisme ou du régulationnismecomme Marx en son temps celles des socialistes uto-piques, ni mettre l’accent sur la « révolution information-nelle » qui caractérise selon lui la phase actuelle du déve-loppement capitaliste, l’auteur reprend et développe ainsi

un certain nombre de propositions qu’il a déjà présen-tées par ailleurs : « nouveau statut d’emploi ou de forma-tion », monétarisation de la dette publique et redirectiondu crédit vers des finalités sociales, véritable coopérationinternationale sur les plans commercial, monétaire etpour l’élargissement des services publics, qui passeraitpar une réelle démocratisation des instances suprana-tionales, elle-même indissociable de la promotion d’uneculture de partage et d’ « intercréativité ». Vaste et ambi-tieux programme dont les détails nécessitent encore d’êtreprécisés collectivement, avec les conditions pour établirun rapport de forces favorable à sa mise en œuvre.

Le Big bang n’est pas une théoriecomme les autresLa Ville Brûle, 2009

JEAN-MARC BONNET-BIDAUD,FRANÇOIS-XAVIER DÉSERT,DOMINIQUE LEGLU, GILBERTREINISH

PAR IVAN LAVALLÉE

Des particules qui se déplacent plusvite que la lumière, des OGM qui

empoisonnent, un boson qui fait les Unes. La science super-star des média, et un ouvrage qui « remet les pendules àl’heure » pour ma concierge et moi, une vision humanistesur la médiation des sciences. Auparavant, nous nous posi-tionnions comme observateurs. Maintenant, en parlant del’univers, nous parlons implicitement de nous-mêmes, etla charge émotionnelle est devenue plus forte et retentitsur notre vision du monde.Le Big Bang qui suscite les fantasmes d’écrivaillons en malde « Pensée de Dieu » est présenté ici pour ce qu’il est. Pasune théorie physique au plein sens du terme, mais un scé-nario cosmologique, cohérent avec les équations de la rela-tivité générale, le modèle qui s’ajuste le mieux aux obser-vations actuelles. Le prix à payer est élevé ; avec 96% de

Bibliographie sélectiveLe marxisme devant les sociétés primitives, Maspero, 1969.Le troisième jour du communisme, Actes Sud, 1992.Une histoire du royaume abron, Karthala, 1995.Combats avec Méduse, Galilée, 2011.Penser à droite, Galilée, 2012.

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LA REVUE DU PROJET - DÉCEMBRE 2012

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CRITIQUESmatière (et énergie) noire inconnue, il pose plus de ques-tions qu’il n’en résout. Il apparaît là plus comme une mesurede notre ignorance. Pourtant, surmédiatisé, il permet desopérations de marketing scientifique et l’occultation decosmologies alternatives. Le consensus actuel, trop domi-nant, est probablement un frein aux progrès dans notrecompréhension de l’univers.Cet ouvrage multiplie les angles de vue sur la cosmologieet essaie de distinguer les différents enjeux qui y sont liés,tant scientifiques que médiatiques, économiques ou poli-tiques. Les enjeux idéologiques sont prégnants, et la com-munication de la NASA autour de son programme « Origins »n’est pas de nature à ramener la sérénité dont le débat scien-tifique a impérieusement besoin. Pourtant, parce que nousvivons des temps troublés, il faut que la connaissance, lesavoir, la persévérance, la qualité et le refus de l’agitationredeviennent des valeurs cardinales.Les auteurs, tous scientifiques reconnus, se livrent à unediscussion à bâtons rompus au cours de laquelle, pourchaque question abordée, ils nous livrent chacun un pointde vue qui contribue à faire émerger chez le lecteur uneréflexion éclairée et critique.

Aliénation etémancipation La Dispute, 2012.

LUCIEN SÈVE

PAR SHIRLEY WIRDEN

Passé/présent, réédition/nouveauté :Lucien Sève persiste et signe. L’idéeclaire, le verbe affûté : il veut faire

entendre enfin l’importance de l’aliénation dans Le Capital.L’enjeu est simple mais de poids. Les philosophes ont ten-dance à être d’accord sur le fait que Marx et le marxismene font pas qu’un. Il y aurait, d’abord, les écrits de jeu-nesse, dont les Manuscrits de 1844 sont un parfait exem-ple en raison de la carence d’analyse économique et doncde matérialisme, et par la suite, les écrits de la maturité dontLe Capital constitue l’apogée. Le Capital pour Lucien Sève« dépasse l’analyse juvénile » des Manuscrits de 1844 eny redéveloppant « un sens innovant ». En effet, lesManuscrits de 1844 développent une vision « compatis-sante » envers l’ouvrier tandis que le Capital expose unevraie analyse du mode de production. On y découvre alorsune société aliénée dans toutes ses strates par le capita-lisme. Le vocabulaire est sans doute similaire, mais l’ana-lyse devient véritablement marxiste.La question fondamentale qui divise est : quelle est laplace de l’aliénation dans Le Capital ? La vision althus-sérienne (sur laquelle beaucoup de penseurs sont reve-nus) expose la relégation de l’aliénation au second plan,et même sa disparition dans l’œuvre. En relevant 82 textes,Lucien Sève affirme et prouve que le Capital place aucœur de sa réflexion l’aliénation et que celle-ci doit êtreenfin prise au sérieux pour comprendre la nécessité ducommunisme au XXIe siècle. L’intérêt serait de compren-dre comment l’aliénation (ce dépouillement) est « l’es-sence même de la formation sociale capitaliste ». Ellen’est pas une dérive du système capitaliste, c’est le cœur

même du système. D’où le titre : Aliénation et (ou) éman-cipation.

Le procès de la colonisationfrançaise et autrestextes de jeunesseLe Temps des Cerises, deuxièmeédition omplétée, 2012.

HÔ CHI MINH

PAR ALEXIS COSKUN

Présenté par Alain Ruscio et réédité pourla première fois en 1999, cet ouvrage

constitue à la fois un document d’histoire très riche et untexte politique toujours pertinent.Décortiquant méthodiquement les injustices du proces-sus colonial français, celui qui deviendra le leader de la luttedes Vietnamiens pour leur indépendance livre un témoi-gnage précis. Chaque chapitre renvoie à un ensemble d’hu-miliations exercées par l’État colonial français à l’encontredes Annamites (dénomination des Vietnamiens de l’époque)et des autres peuples soumis à l’impérialisme tricolore, dela patente imposée aux enfants cireurs de chaussure dumarché d’Alger aux sévices sexuels et corporels brutauxinfligés aux femmes « indigènes ». Les faits consignés sontdatés et circonstanciés et constituent une mine d’informa-tions pour le lecteur féru d’histoire. L’analyse tranchanteest complétée par les textes de jeunesse, biographie et arti-cles du dirigeant vietnamien reproduits en introduction eten conclusion de l’ouvrage. Après ce réquisitoire, on nepeut que partager l’avis d’Hô Chi Minh battant en brèchela soi-disant mission civilisatrice de la colonisation et sou-lignant avec amertume que « lorsque l’on a la peau blanche,on est d’office un civilisateur. Et lorsque l’on est un civili-sateur on peut commettre des actes de sauvages tout enrestant civilisé ».L’importance politique de l’œuvre de celui que Kateb Yacinenommait « l’héritier direct de Lénine » transparaît notam-ment au travers de deux éléments.Le premier tient à l’ancrage du texte dans le contexte dela Révolution d’Octobre et de la fondation du Parti com-muniste français lors du congrès de Tours. Hô Chi Minhy était le délégué pour l’Indochine et choisit de voter enfaveur de l’adhésion à la Troisième Internationale.Plusieurs chapitres reviennent sur l’importance de cetournant historique pour la lutte anticolonialiste. Pourl’auteur, il s’agit d’une évolution majeure du mouvementouvrier international, qui crée les conditions d’une soli-darité internationale active. Prenant appui sur Lénine etson ouvrage L’impérialisme, stade suprême du capita-lisme, Hô Chi Minh estime que ce n’est que par le renver-sement du capitalisme que les peuples colonisés pour-ront définitivement se libérer et accueille avecenthousiasme la création de l’Union soviétique et du col-lège d’Orient à Moscou dont il détaille le fonctionnement.Surtout, le caractère politique et contemporain de ceProcès de la colonisation française est affiché dès les pre-mières pages, Hô Chi Minh soulignant que son texte per-mettra à « l’humanité future, que nous espérons meil-leure et plus heureuse » de « juger la croisade coloniale à

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DÉCEMBRE 2012 - LA REVUE DU PROJET

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« Abécédaire »Europe, n° 1000-1001,

PAR JULIETTE FARJAT

Pour son millième numéro, la revueEurope a choisi la forme de l’abécé-daire. Comme toujours, elle associe desauteurs, des écrivains, des artistes, aussidivers que les formes qu’ils emploient,

pour parler, chacun, d’un mot qu’ils ont eux-mêmeschoisi.À regarder le sommaire, on trouve des mots attendus, quirenvoient à des grandes notions (Absolu, Âme, Exister,Paix…) mais aussi des mots simples du quotidien, par-fois saugrenus, (Bain-marie, Tarabuster…). Mais ce quel’on remarque d’abord, c’est que le choix des mots importepeu. Chaque mot n’est qu’une occasion de parler oud’écrire, qu’un point de départ à déployer aussi loin qu’onle souhaite, un point que l’on peut mener n’importe où.En somme, un mot semble ici pouvoir tout contenir.Ces articles, malgré leur diversité – ou plutôt par leurdiversité même – témoignent tous à leur manière d’unevolonté d’engagement, même si ce mot est à prendre ausens large : engagement politique, direct, mais aussi enga-

gement théorique ou affectif. Dans tous les cas, il s’agitavant tout de refuser, de contrebalancer une sorte deméfiance grandissante envers toute chose, le renonce-ment ambiant, l’accablement général. Ce numéro nousdit qu’il faut continuer à faire confiance aux mots, auxchoses, aux idées, bref à la vie, même s’il est toujoursnécessaire de garder à leur égard une attitude interroga-tive, ouverte. Chaque mot et ici chaque article ménagentdes trous d’air qu’une pensée en mouvement doit tou-jours chercher à combler, tout en sachant qu’aucun com-blement définitif n’est possible. Pierre Macherey écritainsi (au mot « orientation ») qu’il « n’est pas vain de s’in-téresser à des ‘‘histoires’’, fictives ou réelles : celles-ci, sielles ne permettent pas de résoudre définitivement lesdifficultés […] en déplient certains attendus ; et ainsi elles‘‘orientent’’ la réflexion qu’on peut leur consacrer ».Ce numéro montre qu’il est possible de trouver une cer-taine orientation (de la vie, de la pensée) sans réduire lamultiplicité qui l’a engendrée. Autrement dit, la revueEurope défend à sa manière l’existence et la persistancetoujours actuelle d’une « volonté inébranlable de s’orien-ter […] avec une entière résolution, même quand [on] atoutes les raisons de considérer qu’[on] est complète-ment désorienté[s] » (Pierre Macherey).

sa véritable valeur ». De quels échos résonnent aujourd’huices lignes, tandis que la droite réactionnaire tente partous les moyens, que ce soit au travers de la loi inscrivantles côtés positifs de la colonisation ou des édiles muni-cipaux proches des milieux pro-Algérie française, de réha-biliter la colonisation !Une lecture nécessaire donc pour répondre à la nostalgied’une partie de la droite française. Sans s’effrayer de lasomme considérable d’informations livrées, ce texte est àconseiller, tout comme la courte biographie placée en intro-duction et relatant le parcours de l’auteur de l’indépendan-tisme au communisme.

Où est passée la critique sociale ?Penser le global au croisement des

savoirs. La Découverte, 2012.

PHILIPPE CORCUFF

PAR PATRICK COULON

On savait Philippe Corcuff friand desapproches sociologiques originales. Leprésent ouvrage le confirme. Il peuttraiter de l’actualité à partir d’un courtextrait de roman noir. Comme il se sert

aussi de la chanson comme matériau pour ses réflexionssociologiques et philosophiques. S’y côtoieront – dans unpatchwork stimulant – Rancière et Jonasz, Luc Boltanski etEddy Mitchell, Hegel et Al Pacino, Marx, Bourdieu etquelques autres.Le livre du maître de conférences à l’Institut d’études poli-tiques de Lyon et chercheur au Centre de recherche sur lesliens sociaux se situe de plain-pied dans notre temps.

D’altermondialisme en « printemps arabe », d’Indignadosespagnols en Occupy Wall Street américains, de Wikileaksaux Anonymous, un vent critique refait surface à traversdes mouvements sociaux vivaces. Au regard de cette nou-velle période, cet ouvrage fait l’hypothèse qu’un des enjeuxprincipaux de la galaxie critique aujourd’hui consiste àréexaminer les « logiciels » de la critique et de l’émancipa-tion. L’effort de clarification théorique proposé ici se situe aucroisement de différents registres intellectuels et culturels :sociologie critique, philosophie politique, critiques socialesissues des mouvements sociaux et cultures ordinaires. Ilsuggère également de prendre appui sur certaines tensionsdynamiques au sein des théories critiques contemporaines(Foucault, Bourdieu, Rancière). Ce livre veut (selon l’édi-teur) dessiner une vision globale renouvelée du monde, àdistance tant des charmes nostalgiques des lectures tota-lisatrices d’antan que de l’émiettement « postmoderne »du sens. Une approche globale des sociétés actuelles, ados-sée à des engagements anticapitalistes, libertaires et alter-mondialistes.J’attirerais volontiers l’attention du lecteur vers les chapi-tres fortement stimulants traitant de l’articulation-tensionentre, d’un coté, la théorie critique de la domination deBourdieu, de l‘autre la philosophie de l’émancipation deRancière. Remarquons aussi le long hommage aux travauxde Daniel Bensaïd (compagnon de parti – la LCR puis leNPA – de Corcuff). Le livre – selon l’auteur lui-même – étantà vocation universitaire il demande un effort soutenu quoiqueagréable tellement les idées se croisent et s’enchevêtrent. Il suggère également : « Quatorze propositions vers uneépistémologie de la fragilité ».Un ouvrage foisonnant et (ce qui ne gâte rien) qui se ter-mine par un extrait d’un polar nord-américain vaut de toutefaçon le détour.

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REVUE RECOMMANDÉE PAR LA RÉDACTION DE MÉDIAPART ET DE L’HUMANITÉ

COMITÉ DU PROJET ÉLU AU CONSEIL NATIONAL DU 9 SEPTEMBRE 2010 : Patrice Bessac - responsable ; Patrick Le Hyaric ; Francis WurtzMichel Laurent ; Patrice Cohen-Seat ; Isabelle Lorand ; Laurence Cohen ; Catherine Peyge ; Marine Roussillon ; Nicole Borvo ; Alain Hayot ; Yves DimicoliAlain Obadia ; Daniel Cirera ; André Chassaigne.

L’ÉQUIPE DE LA REVUE

Noëlle MansouxSecrétaire

de rédaction

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Sciences

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Pages critiques

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média

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Responsable de la Revue

Guillaume Quashie-Vauclin

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Combat d’idées

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Mise en pagegraphisme

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Collaborateur

Corinne LuxembourgProduction

de territoires

Côme SimienHistoire

10 N°PAR AN

NOUVEAUX ADHÉRENTS SERA LE THÈME DU PROCHAIN DOSSIER

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