Thrombose veineuse chez le sujet âgé

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chez le sujet âgé a maladie veineuse thromboembo- que le sujet était à son domicile, même si lique est une pathologie particulière- 16 % d'entre eux avaient été hospitalisés ment fréquente et potentiellement dans les trois mois précédents. La comor- jrave chez le sujet âgé de plus de 75 ans. bidité, en particulier une insuffisance Cette forte prévalence doit être présente à cardio-respiratoire, explique la gravité de I l'esprit du clinicien lorsqu'il évalue, parfois accrued'un événementthrombotiquechez lier en médecine interne, a montré uneforte intuitivement,la probabilité clinique de cette le sujet âgé (figure). prévalence (1 7,8 %, IC 95 % : 8,5 à 32,6 %) pathologie au lit du patient. II doit aussi [2]. Une fréquence similaire (1 8,5 %) a été savoir que l'âge modifie les performances Le sujet âgé, cible privilégiée constatée dans l'essai de prévention des tests nécessaires au diagnostic. d'une thérapeutique préventive MEDENOX chez les sujets de plus de Enfin, le sujet âgé est la cible privilégiée 70 ans ayant reçu un placebo et ayant d'une thérapeutique préventive alors que La recherchesystématiqued'une thrombose bénéficié d'une phlébographieau 1 4ejour les effets indésirables du traitement anti- veineuse profondeasymptomatique chez les [2]. L'énoxaparine à la dose de 40 mg par coagulant curatif sont plus à craindre chez sujets âgés de plus de 80 ans, au moment jour, en une injection sous-cutanée quoti- lui. ""l .?,$$?;F"" , . A. ,.W&V i%. && , ':-s Une pathologie fréquente et grave, chez le sujet âgé Les données d'incidence de la maladievei- neuse thromboembolique ne sont pas si nombreuses,en particulier en France. Une étude d'observation réaliséedans la région brestoise a montré une forte incidence annuelle des thromboses veineuses pro- fondes des membres inférieurs(documen- tée par échographie) chez les sujets de plus de 75 ans : 6,9 %o (intervalle de confiance [ICI à 95 % de 5,82 à 8,1 Oh) alors que I'in- cidence annuelle, tous âges confondus, étaitde1,24X(IC95%: 1,l à1,4%0)[1]. La proportion d'embolie pulmonairesymp- tomatique augmentait avec I'âge, attei- gnant 40 % au-delà de 75 ans. Globalement, l'incidence annuelle de la maladie veineuse thromboembolique (thrombose veineuse etlou embolie pul- monaire documentée) atteignait 11,6 % (IC 95 % : 10,3 à 13,1 %O) chez les sujets de PIUS de 75 ans et 1 3 %O (IC 95 % : 1,7 Fig. : Incidence annuelle de la maladie veineuse thromboemboliqueen fonction de I'age à 2,0 %O), tous âges confondus. La maj0- chez 627 patients inclus dans 196tude EPI-GETBO, dans la région de Brest, entre avril 15 8 1°- r L t oe - - 8 5- e e (D P 3 E v - 01 20-39 40-59 60-75 > 75 ans ritéde c& événements sont survenus alors 1998 et mars 1 AMC p&j.c~c

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chez le sujet âgé

a maladie veineuse thromboembo- que le sujet était à son domicile, même si lique est une pathologie particulière- 16 % d'entre eux avaient été hospitalisés ment fréquente et potentiellement dans les trois mois précédents. La comor-

jrave chez le sujet âgé de plus de 75 ans. bidité, en particulier une insuffisance Cette forte prévalence doit être présente à cardio-respiratoire, explique la gravité de I l'esprit du clinicien lorsqu'il évalue, parfois accrue d'un événement thrombotique chez lier en médecine interne, a montré une forte intuitivement, la probabilité clinique de cette le sujet âgé (figure). prévalence (1 7,8 %, IC 95 % : 8,5 à 32,6 %) pathologie au lit du patient. II doit aussi [2]. Une fréquence similaire (1 8,5 %) a été savoir que l'âge modifie les performances Le sujet âgé, cible privilégiée constatée dans l'essai de prévention des tests nécessaires au diagnostic. d'une thérapeutique préventive MEDENOX chez les sujets de plus de Enfin, le sujet âgé est la cible privilégiée 70 ans ayant reçu un placebo et ayant d'une thérapeutique préventive alors que La recherche systématique d'une thrombose bénéficié d'une phlébographie au 1 4e jour les effets indésirables du traitement anti- veineuse profonde asymptomatique chez les [2]. L'énoxaparine à la dose de 40 mg par coagulant curatif sont plus à craindre chez sujets âgés de plus de 80 ans, au moment jour, en une injection sous-cutanée quoti- lui. ""l .?,$$?;F"" , .

A. ,.W&V i%. && , ':-s

Une pathologie fréquente et grave, chez le sujet âgé

Les données d'incidence de la maladie vei- neuse thromboembolique ne sont pas si nombreuses, en particulier en France. Une étude d'observation réalisée dans la région brestoise a montré une forte incidence annuelle des thromboses veineuses pro- fondes des membres inférieurs (documen- tée par échographie) chez les sujets de plus de 75 ans : 6,9 %o (intervalle de confiance [ICI à 95 % de 5,82 à 8,1 Oh) alors que I'in- cidence annuelle, tous âges confondus, étaitde1,24X(IC95%: 1,l à1,4%0)[1]. La proportion d'embolie pulmonaire symp- tomatique augmentait avec I'âge, attei- gnant 40 % au-delà de 75 ans. Globalement, l'incidence annuelle de la maladie veineuse thromboembolique (thrombose veineuse etlou embolie pul- monaire documentée) atteignait 11,6 % (IC 95 % : 10,3 à 13,1 %O) chez les sujets de PIUS de 75 ans et 1 3 %O (IC 95 % : 1,7 Fig. : Incidence annuelle de la maladie veineuse thromboembolique en fonction de I'age à 2,0 %O), tous âges confondus. La maj0- chez 627 patients inclus dans 196tude EPI-GETBO, dans la région de Brest, entre avril

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8 1°- r L

t œ - - 8 5- e e (D

P 3 E v - 01

20-39 40-59 60-75 > 75

ans

rité de c& événements sont survenus alors 1998 et mars 1

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dienne, a démontré qu'elle réduisait signifi- cativement la survenue d'une thrombose vei- neuse profonde asymptomatique et ce résul- tat global repose principalement sur les

I patients âgés de plus de 70 ans (68,5 % du collectif inclus dans l'essai, sachant qu'une seule thrombose a été détectée parmi les patients âgés de moins de 60 ans.. .). L'altération fréquente de la fonction rénale dans cette tranche d'âge conduit à décon- seiller l'emploi des héparines de bas poids moléculaires alors que ce sont ces mêmes patients qui bénéficieraient le plus de cette thérapeutique préventive efficace.

Un diagnostic difficile

Les signes cliniques de la maladie veineuse thromboembolique sont peu spécifiques, mimant d'autres pathologies. Le diagnos- tic doit donc être facilement évoqué compte tenu de sa haute prévalence, mais des exa- mens complémentaires performants sont indispensables pour affirmer ou réfuter le diagnostic. Cette forte prévalence, en par- ticulier chez les sujets de plus de 80 ans, conduit à un diagnostic d'embolie pulmo- naire dans 20 % des cas en dépit d'une pro- babilité clinique estimée comme faible [3]. La mesurede la concentration plasmatique des D-dimères (tests ELISA rapides ou Lia- test) garde une bonne sensibilité mais perd en spécificité chez les sujets âgés. Ainsi, un test normal @-dimères < 500 ng/mL) qui exclut le diagnostic d'embolie pulmo- naire n'est constaté que chez 5 à 8 % des sujets de plus de 80 ans [3, 41. L'échogra- phie veineuse conserve d'excellentes qua- lités diagnostiques chez le sujet âgé, alors que la scintigraphie pulmonaire de ventila- tion/perfusion n'apporte une solution dia- gnostique (scintigraphie normale ou de forte probabilité selon les critères de PIOPED) que chez 42 % des sujets de plus de 80 ans.

Majoration du risque hémorragique des anticoagulants

L'âge est un facteur de risque de compli- cation hémorragique [5]. Les héparines de

bas paas moléculaires se SC.-.: imposées à la phase aiguë du traitement de la throm- bose veineuse profonde ou de l'embolie pulmonaire non grave par leur facilité d'emploi, même si une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 m U min) les contre-indique. Le relais par anti- vitamine K peut être réalisé de façon très précoce (pour éviter la survenue d'une thrombopénie induite pas l'héparine) mais avec une posologie diminuée de moitié. La fréquence des accidents avec les AVK, chez le sujet âgé, est liée aux interactions médicamenteuses, aux pathologies asso- ciées, aux altérations des fonctions rénale et hépatique, aux difficultés d'observance, au degré de compréhension du patient ... Les enseignements tirés des essais théra- peutiques sont difficilement extrapolables aux sujets âgés : les difficultés de consen- tement et leur haut risque hémorragique les ont exclus des essais. La prescription d'une anti-vitamine K doit donc être personnalisée. De nouvelles molécules (inhibiteurs directs de la thrombine actifs par voie orale) devraient révolutionner, dans un avenir proche, la prise en charge thérapeutique de la maladie veineuse thromboembolique avec, outre une facilité d'emploi décon- certante, peut-être un moindre risque hémorragique.

Une exploration étiologique minimaliste...

Une thrombose veineuse spontanée fait craindre, à juste titre, la possibilité d'une maladie néoplasique sous-jacente. Cette recherche ne peut pas justifier la réalisa- tion d'examens complémentaires vulné- rants en l'absence de points d'appel cli- nique. En revanche, un examen clinique soigneux, en particulier les touchers pel- viens (cancer de la prostate) est indispen- sable. Le bénéfice, pour le patient, de la détection d'une néoplasie, non clinique- ment évidente, est relativement faible en particulier à un âge où des thérapeutiques agressives seront récusées.

La recherche d'une anomalie constitution- nelle de l'hémostase, même aussi fré- quente que la mutation Leiden du gène du facteurV n'a aucun intérêt en dehors d'une vaste enquête épidémiologique [6]. Une telle découverte n'aurait d'ailleurs aucune sanction thérapeutique particulière. La mutation Leiden du gène du facteur V n'ap- paraît plus d'ailleurs comme un facteur de risque majeur chez les sujets âgés [6].

Conclusion

La maladie veineuse thromboembolique est fréquente chez le sujet âgé chez qui elle prend une symptomatologie d'emprunt. Le diagnostic doit être facilement évoqué et conduire à des examens complémentaires performants. Enfin, le sujet âgé est la cible de choix d'une théra~eutiaue Dréventive.

mhkh.nd- - Références

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5. Beyth RJ, Quinn LM, Landefeld CS. Pros- pective evaluation of an index for predicting risk of major bleeding in outpatients treated with warfarin. Am J Med 1998 ; 105 : 91 -9.

6. Oger E, Lacut K, Le Ga1 G et al. ls APC resis- tance a risk factor for venous thrornboern- bolism in patients over 70 years? Thrornb Haernost 2002 ; 88 : 587-91.

En pratique : Symptomatologie trompeuse. Rentabilité de la prévention.

No 139 - 25 mai 2005