Diagnostic anténatal et pronostic de l’agénésie du corps calleux
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La douleur :
qu’est-ce que c’est ?
Spécificités chez l’enfant
Dr Elisabeth Fournier-Charrière
Pédiatre, CETD Bicêtre, AP-HP et groupe Pédiadol
avec la participation de Bénédicte Lombart, cadre infirmier
2015
La définition de la douleur :
qu'en dire chez l'enfant?
Une expérience désagréable
Sensorielle
et Émotionnelle
Associée à un dommage corporel
Ou décrite en ces termes International Association for the Study of Pain (IASP)
la douleur est une qualité inhérente à la vie qui apparaît tôt dans
l'ontogénie pour servir comme un signal d’alarme d'une lésion tissulaire, et ne nécessite pas d'apprentissage ni d'expérience préalable
dès la
naissance
le comportement
fait langage
Les 4 composantes de la douleur :
qu'en dire chez l'enfant ?
Sensori-discriminative : intensité, localisation,
caractéristiques : mal communiquées par les enfants
Affectivo-émotionnelle : peur, colère, anxiété, angoisse, tristesse... : très bien communiquées par les enfants
Cognitive : analyse, signification donnée par l'enfant : difficile ou impossible chez le jeune enfant
Comportementale : attitudes physiques, expression du visage, plaintes, retrait… 1er canal de communication chez l'enfant
Notions d'ontogenèse
L’enfant ressent la douleur dès la naissance même
prématurée
Les mécanismes neurophysiologiques de perception et
transmission des influx nociceptifs maturent pendant
les 2 premiers trimestres de la vie intra-utérine et
dès la 24-26ième semaine de grossesse la
« perception » est possible (jonction thalamo-corticale,
matrice de la douleur)
Les mécanismes de contrôle (voies inhibitrices, neuro
médiateurs inhibiteurs comme la sérotonine) sont par contre
immatures à la naissance
Développement anatomique
Début : 7 SA
Tout le corps: 20 SA
Début : 8 SA
Début : 13 SA
Début : 14 SA
Fin : 20 SA
Début : 17 SA
Fin : 26-30 SA
Le système inhibiteur se développe après la naissance
Les différents mécanismes de
douleur chez l'enfant douleurs nociceptives : lésion tissulaire
mécanique : fracture, distension, compression, effraction cutanée…
thermique : brûlure
inflammatoire : otite … infections…rhumatisme
ischémique
viscérale
douleurs neuropathiques : lésion du système nerveux de perception (somato-sensoriel) : ex membre fantôme
compressions ou blessure des voies nerveuses ou du SNC
polyradiculonévrite
parfois avec composante du système nerveux sympathique … etc
beaucoup de douleurs « mixtes » : oncologie, traumatologie, post-opératoire , médecine (zona), polyhandicap
Douleurs inexpliquées, somatisations, fonctionnelles, idiopathiques, sine materia, « psychogènes » ?
Quand l ’enfant rencontre -t- il la douleur ?
A la maison
percées dentaires
chutes et blessures
otites, angines, viroses,
maladies aiguës
sport
vaccinations
prises de sang
céphalées
douleurs abdominales
coliques du nourrisson
A l ’hôpital
douleur des soins
traumatismes, fractures,
brûlures
maladies aiguës
maladies chroniques :
cancer,
SIDA,
mucoviscidose,
hémophilie,
drépanocytose,
polyhandicap
chirurgie :
VG, amygdales,
sphère uro-génitale,
orthopédique
Les différentes douleurs chez
l'enfant
Douleur aiguë Cause évidente nociceptive
ou neuropathique ou mixte
Maladie
Chirurgie
Soins
Quelques minutes à
quelques jours ou semaines
À évaluer avec les échelles
validées habituelles
À prévenir et traiter
prioritairement par les
antalgiques : modèle bio
médical classique
Douleur chronique Cause souvent disparue
ou disproportionnée ou
introuvable
Céphalées, DAR, dl
musculosquelettiques,
SRDC
> 3 mois
Facteurs psycho-sociaux
au premier plan
Évaluer le retentissement
plus que l’intensité (car
surcotation)
Prise en charge globale :
modèle bio psycho
social
Douleur
"prolongée" ou
"chronique" :
Atonie psycho
motrice
Douleurs aiguës
récurrentes :
CVO
drépanocytaire,
migraines
Y a -t- il des douleurs utiles ?
OUI !
La douleur protège la vie !
La douleur participe à des apprentissages :
Schéma corporel
Gestion des situations difficiles
Confiance dans les adultes protecteurs
Confiance en soi
Contrôle de l ’expression des émotions, courage
« Choix » d ’un comportement de douleur
Du point de vue du
« client », quel est le
ressenti de l’enfant :
les étapes en fonction du
développement
aspects psycho-affectifs et
cognitifs
La douleur vécue
La douleur ne modifie pas seulement la relation de l’enfant à son propre corps mais aussi aux autres et au monde qui l’entoure.
Face à la douleur :
Emotions
Pensées automatiques
Mécanismes de défense
Stratégies de coping
des enfants
des parents
des soignants
Le bébé de moins de 2 ans :
Sensorialité prédominante:
toucher : contact, mode de portage
odeurs
ouïe : bruits, voix, rythme cardiaque
goût
vue pas de schéma corporel
pas de notion de l’espace
pas de notion du temps
pas de notion de la cause
pas de compréhension de ce qui lui arrive
pas de distinction monde interne et externe
Attachement fort à ses premiers objets d’amour
Les objets ont une vie (doudou)
Impression de toute puissance
Attente urgente des réponses de l’entourage
Acquisitions rapides : posture, motricité, action sur l’environnement, naissance de la pensée, relations humaines, langage…
Douleur avant 2 ans
Pas de notion du soulagement possible
Pas de contrôle possible
Afflux d’excitation qui déborde les possibilités de gestion
Détresse globale, angoisse, repli
le bébé douloureux est complètement démuni, envahi Projection « hostilité », « agressivité »
Baisse de vigilance
Recherche d’un schéma d’auto réconfort
Évaluer avec …
enveloppe contenante : cocon, posture, portage, paroles
réflexion sur les soins, le respect des rythmes
présence des parents distraire avec …
propositions
Le petit enfant (2-7 ans) :
Pensée centrée sur lui même, sur son point de vue, croyances
non remises en cause
Ici et maintenant Se croit « transparent »
Pas de lien entre cause et conséquence
Raisonnement magique (pré logique)
Monde imaginaire
Pensée dominée par les sensations,
« inconsciente », pas de distance
Pensée finaliste : stade des pourquoi
Douleur entre 2 et 7 ans
Pas de distinction entre la cause et les conséquences de la douleur
association méchanceté et douleur angoisse et confusion,
sentiment de punition, culpabilité
repli
Quelqu’un est responsable peut devenir agressif quand il a mal
peut dire que les soignants sont méchants croit à une disparition magique de la douleur
croit qu’on sait ce qu’il éprouve
commence à élaborer des stratégies de coping
déjà accessible aux explications, à un partenariat
Évaluer avec …
expliquer simplement le jour même
présence des parents accès à l’imaginaire +++ : distraire avec …
propositions
La douleur des soins
chez le nourrisson et le petit enfant Un vécu traumatique
Une agression incompréhensible
Pas de rationnel
Peur, anxiété, parfois phobie
informer
sans mentir ni banaliser
sans encourager les attitudes héroïques
Informer par le jeu
expliquer les buts du soin permet acceptation, voire adhésion au projet thérapeutique, et coopération
présence des parents
Évaluer avec …
distraire avec …
propositions
Information adaptée
communication réussie, confiance
approche très progressive, « Tu as mal »
jeu si possible, médiation par une peluche
Une information réciproque
expliquer la situation en s’adaptant au niveau de compréhension de l’enfant (et des parents) en fonction de âge, niveau intellectuel
entourage socio-culturel, ethnique, religieux
état psychologique : panique, dépression,…
le diagnostic, le pronostic, le coping
Faire préciser ce qu’il a compris ; lui donner la possibilité d'utiliser ses propres mots
sans oublier que la douleur fait resurgir des émotions, des évènements, renvoie inconsciemment à …
Inclure les parents
Le grand enfant (7 -10 ans) :
Distinction monde interne et externe, moi et les autres
Pensée structurée, logique
Raisonne, analyse les causes externes : distingue cause et conséquence
Capacités d’abstraction (mais limitées)
Capacité à comprendre les règles
Repères spatio-temporels acquis
Apprentissages, scolarité
Fonctionnement du corps,
mais encore confusion entre organes, fonctions…
La douleur entre 7 et 11 ans
Douleur = expérience physique dans le corps, localisée, décrite
Les causes de la douleur peuvent être comprises (mécanismes concrets)
Les traitements peuvent être compris
Anticipation des évènements, du soulagement, coping
Au plan émotionnel :
culpabilité,
angoisse,
solitude
peur de la destruction de leur corps, peur de la mort
Évaluer avec …
fervent adepte des explications mais il faut répéter, ne pas dramatiser, utiliser un support concret…
adhésion au traitement, partenariat présence des parents
développer le coping
distraire avec…
propositions
Quelques questions des
enfants
Qu’est-ce qu’on va me faire ?
Est-ce que je vais avoir mal ?
Est-ce que j’aurai des piqûres ?
Est-ce que Maman sera là ?
L’adolescent :
Accès à l’abstraction
Compréhension des mécanismes du corps
Introspection possible
Autonomisation
Acquisition de son identité
Appropriation des valeurs
Elaboration d’un projet de vie
Importance du groupe des pairs
Identité sexuelle, puberté, premiers émois, premiers RS
Référence aux expériences passées
Commence à résoudre des problèmes
Pensée hypothético-déductive (si…alors…)
Ennui, dépression
Révolte, transgression
Questionnements
Utopie…
Douleur à l’adolescence Au plan émotionnel
perte de maîtrise, retour en arrière
perte du groupe solitude, isolement, tristesse
angoisse, peur de mourir
Deux réactions possibles : Régression (gros bébé)
Hyper maîtrise, déni, refus de traitement… communication difficile
Comprend les mécanismes de la douleur et ses implications néfastes
Mécanismes de coping : encore immatures, souvent mal interprétés par les soignants
Anticipation du soulagement
Évaluer avec …
expliquer, négocier, contrat, autonomie développer le coping
distraire avec…
propositions
Plus on a peur plus on a mal…
Kain, Z. N. Pediatrics 2006
N= 241 (5 – 12 ans)
• Anticipation anxieuse lors de l’induction (agitation, pleurs…) liés majoritairement à des mauvaises expériences antérieures avec les soignants
(Proczkowska-Bjorklund M 2004; Karling M 2006)
d’après une diapositive de Daniel Annequin
Seuil de traitement :
quand la douleur envahit la psyché
1ier stade : petite douleur, la personne continue son activité psychique et ses activités physiques
2ième stade : douleur moyenne : la personne commence à concentrer son activité mentale sur le problème de la douleur, mais peut continuer à penser à autre chose et à mener ses activités, en ralentissant leur rythme
3ième stade : douleur sévère : la personne concentre toute son activité mentale sur la douleur, ne peut plus penser ou agir par ailleurs retrait
4ième stade: douleur extrême : ? rupture (...torture…?)
d’après Annie Gauvain Piquard
Du côté des parents
Besoin de comprendre
Désir d’aider, de soulager
Consolation, encouragements
Mais culpabilité
impuissance
contagion du stress et de l’anxiété
parfois réprimandes !!
Le vécu des parents
Incompréhension
Absence de réponse
aux questions
Mensonge
Méfiance
Défiance
Compétence
technique
et
relationnelle
Alliance
Relai à l'équipe soignante
La confiance = un cadeau à préserver
Du côté des soignants
Fonction soignante, vocation de venir en aide
compassion, empathie
action « technique » de soin
et encouragements
Mais aussi Gêne devant la douleur Culpabilité de faire mal Impuissance
des a priori négatifs, irréfléchis « On n’y peut rien, c’est normal »
« Ça ne fait pas si mal, ce n’est rien ! »
« Ce n’est pas de la douleur, en fait c’est de la peur… »
« N’y pense pas tu auras moins mal ...»
OUI
De nombreuses études montrent que
l’enfant à partir de 3 ou 4 ans peut raconter
un événement douloureux passé
De nombreuses études montrent que
le NN enregistre aussi l’événement
La douleur suivante est plus forte qu’attendu
La douleur sensibilise à la douleur
La mémoire de la douleur
chez le nouveau-né et le nourrisson
Lors d'un 2e prélèvement, la mémorisation de la douleur se traduit au niveau du comportement et des hormones de stress
La réaction au vaccin à 3 mois est plus forte chez des enfants qui ont eu l'expérience d’une circoncision douloureuse
Les infirmières constatent chez les nouveau-nés ayant déjà subi un prélèvement une agitation dès les
gestes précédant le prélèvement
Taddio (2002)
La douleur de la ponction veineuse à J2 est supérieure chez les bébés ayant subi de nombreux micro-prélèvements dans les 24 premières heures de vie (n=21 nouveau-nés de mère diabétique comparés à 21 indemnes) avec détresse dès la désinfection
Taddio (1997)
87 garçons vaccinés à 3 mois, en étude prospective. Mesure de la grimace, de la durée des pleurs, et EVA observateur : non circoncis < circoncis avec analgésie
(EMLA®) < circoncis sans analgésie (placebo)
Impact d’une douleur d’un soin
sur les suivantes : sensibilisation
Les nourrissons mémorisent la douleur des vaccinations
Après paracentèse : les nourrissons hurlent en arrivant
chez le médecin
L'expérience d'un geste
douloureux sans antalgie
va aggraver la douleur
des gestes suivants
Weisman (1998) 48 enfants (3-18 ans) cancéreux ont participé à une étude randomisée contre placebo de fentanyl sublingual avant PL ou myélogramme. Ultérieurement tous reçoivent du fentanyl. Ceux de moins de 8 ans qui avaient reçu du placebo auparavant gardent des scores de douleur plus élevés que les autres
Exemples de mémoire explicite :
l’évocation du souvenir de la douleur
Après cystographie (enfants de 3-7 ans) :
bonne restitution du déroulement du geste juste après et 6 semaines plus tard
l’intensité de la détresse et de la peur perturbent l’exactitude de la restitution
plus ils pleurent pendant, moins ils se souviennent correctement
La distraction diminue aussi la mémorisation du déroulement
ceux qui ont été informés et s’intéressent au geste pendant celui-ci se souviennent le plus précisément
Merritt 1994, Salmon 2002
Mémorisation, anxiété et
douleur
48 enfants 5-10 ans, filmés, une ponction veineuse
Mesure de la douleur (FPS-R)
Mesure de l’anxiété (CAPS et échelle de visages)
Analyse des comportements des soignants et des parents :
favorisant ou non le coping
Réévaluation 15 jours plus tard + 12 questions (sur les faits)
Plus la douleur est forte, plus l’anxiété rappelée est forte (sur
estimée)
Comportements des adultes favorisant la détresse
plus de détresse, moins de coping, plus de douleur, plus d’anxiété
moins de mémorisation exacte des faits
Noël 2010 J Ped Psychol
Effet de la prise en charge antalgique
sur la mémorisation
Urgences pédiatriques
Implantation d’un protocole multidisciplinaire : accueil,
prévention anxiété et douleur, non pharmacologique et
pharmacologique : « comfort zone »
Étude des scores de douleur (échelle de visages)
à l’arrivée, pendant le séjour et à la sortie,
au moment de la sortie demande du score à l’arrivée
les semaines avant : n = 531, âge médian 5 ans
les semaines après : n = 263, âge médian 6 ans
Les scores d’arrivée rappelés en mémoire à la sortie sont
plus faibles ds le groupe avec protocole (n=263) versus
avant (n=531) : 5,02 vs 4,01 p<.001
Crocker Am J Emerg 2011
Les émotions renforcent la mémorisation
• Amygdale cérébrale stimulée par une émotion intense
• favorise un encodage plus efficace des souvenirs dans l’hippocampe et le lobe temporal
• Renforcement de la mémorisation et des processus d’apprentissage
• Syndrome post-traumatique
Les conséquences d’une non prise en
charge de la douleur
Détresse, angoisse, sentiment d’abandon, d’isolement
Perte de confiance dans les soignants
Peur
Phobie des soins
Douleur suivante majorée par l’anxiété pour la ponction veineuse (étude chez 138 enfants de 5 à 17 ans,
Lander 92)
pour la vaccination : l’attente de la douleur suivante est > à la douleur éprouvée (Cohen 2001)
Douleur suivante plus forte et plus difficile à traiter
NON !
Une fois la lésion signalée par la douleur, le signal perd son intérêt et devient pathogène
Même dans le cas de douleur abdominale aiguë, de nombreuses études ont montré que le traitement de la douleur aux urgences par un morphinique n’entraîne pas de retard ou d’erreur diagnostique et ne masque pas la défense (Kim 2002, Kokki 2005, Green 2005, Bailey 2007, 3 méta-analyses, recommandations AFSSAPS 2009…)
Bien sûr si la douleur est d’un niveau « inattendu », penser à une complication, réévaluer le diagnostic
En France
1995 : loi Neuwirth : « les établissements de santé doivent mettre en œuvre les moyens… »
1995 : charte du patient hospitalisé
Le code de déontologie médicale : «en toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances de son malade… »
Loi du 4 mars 2002 sur les droits du malade:
« toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur. Celle ci doit être en toutes circonstances prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens... »
Le code de santé publique
La douleur
doit donc être soulagée
quand elle dépasse un
certain seuil
Détresse, angoisse, séquelles…
Éthique, attention à l’autre
législation
La démarche
Repérer la douleur
La mesurer
La traiter
Sans retarder la conduite diagnostique
(démarches parallèles)
Tout en prévenant la douleur des soins