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MÉMOIRE Non confidentiel Présenté par : Julie FABRE Dans le cadre de la dominante d’approfondissement : IDEA (Ingénierie de l’Environnement, Eau, Déchets et Aménagements durables) Les relations entre changement climatique, ressources et demande en eau en Méditerranée Etude de la demande en eau agricole Pour l’obtention du : DIPLÔME D’INGENIEUR d’AGROPARISTECH Cursus ingénieur agronome et du DIPLOME D’AGRONOMIE APPROFONDIE Stage effectué du 01/03/2010 au 15/09/2010 A : Plan Bleu 271 Corniche Kennedy 13007 Marseille Enseignante responsable: Audrey NIBOYET Maître de stage : Sara FERNANDEZ Soutenu le : 05/10/2010

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MÉMOIRE

Non confidentiel

Présenté par : Julie FABRE

Dans le cadre de la dominante d’approfondissement : IDEA (Ingénierie de

l’Environnement, Eau, Déchets et Aménagements durables)

Les relations entre changement climatique, ressources et

demande en eau en Méditerranée

Etude de la demande en eau agricole

Pour l’obtention du :

DIPLÔME D’INGENIEUR d’AGROPARISTECH

Cursus ingénieur agronome

et du DIPLOME D’AGRONOMIE APPROFONDIE

Stage effectué du 01/03/2010 au 15/09/2010

A : Plan Bleu

271 Corniche Kennedy

13007 Marseille

Enseignante responsable: Audrey NIBOYET

Maître de stage : Sara FERNANDEZ

Soutenu le : 05/10/2010

Abstract

Water resources in the Mediterranean countries are characterized by their irregularity, in space

and in time. Most countries have a water scarcity index of less than 1000 cubic meters/capita/year,

meaning they should be in chronic shortage of water. In the Mediterranean region, climate change

should lead to a decrease in mean precipitations and water resources.

The Blue Plan is currently working in collaboration with a hydrology research team to characterize

climate change’s impacts on water resources in the main Mediterranean river basins. The aim of this

work is also to produce indicators concerning future pressure’s on water resources and their

availability. The study area includes the large Mediterranean river basins, except for the Nile in Egypt.

In order to evaluate future pressures en water resources, it is necessary to measure the impacts

of climate change on water use. The goal of this study was to build a methodology to measure the

impact of climate change on irrigation water use. Maximum evapotranspiration of irrigated crops

was calculated, in order to measure to volume of irrigation water that must be applied to the crops

to achieve maximum yield. The evolution of maximum evapotranspiration in a future climate will

explain the evolution of agricultural water uses, which will necessarily change in order to obtain

maximum yields under new climatic conditions.

Irrigated crops and associated surfaces were taken from the MIRCA 2000 data base, and

evapotranspiration and irrigation water requirements were calculated with the FAO-software,

Cropwat. Climate data and characteristics of each crop were entered in the program, which then

calculated maximal evapotranspiration (crop water requirement), efficient rain, and irrigation water

requirements.

The calculation was first carried on at a regional scale, with climate data representing the current

climate. This first calculation gave an idea of the relations between water use and crop water

requirements under the current climate. Results showed a large variety in maximal crop water

requirement, which are generally higher in the southern and eastern countries of the Mediterranean

region. The part of irrigation water requirement in the total crop water requirement varies between

the different basins, going from a few percents to nearly 95% of the crop water requirements.

The methodology was then tested on one basin, the Rhône in France. Sensitivity to the main

variables was tested, and irrigation water requirements were calculated under climate change

scenarios for 2025 and 2050.

In 2025, for the IPCC emission scenarios A1B and B1, mean annual irrigation water requirements

decrease by close to 30% compared to the current requirements. In May and September, the

irrigation water requirements increase slightly.

In 2050 for the emission scenario B1 irrigation requirements stay 30% under the current

requirements. However for the emission scenario A1B irrigation water requirements, and therefore

agricultural water use, increase by up to 10% compared to the current requirements.

Résumé Les ressources en eau dans le bassin méditerranéen se caractérisent aujourd’hui par l’irrégularité

de leur répartition, dans l’espace et dans le temps. La plupart des pays de la rive sud et est de la

Méditerranée sont ainsi en situation de « pénurie chronique », avec moins de 1000 m3 par habitant

et par an. Le changement climatique devrait se traduire en Méditerranée par une baisse moyenne

des précipitations et des ressources moyennes en eau.

Un partenariat est établi entre le Plan Bleu et un laboratoire de recherche en hydrologie afin de

modéliser les impacts du changement climatique sur les écoulements dans les bassins versants

méditerranéens, et de construire des indicateurs d’impacts du changement climatique pour évaluer

les pressions futures sur les ressources en eau. L’étude est menée à l’échelle des bassins versants

méditerranéens, en excluant le Nil.

Afin d’évaluer les pressions futures sur les ressources, il est nécessaire d’évaluer aussi les impacts

du changement climatique sur la demande en eau. L’objectif de la présente étude était de

développer une méthodologie pour la quantification des impacts du changement climatique sur la

demande en eau agricole dans les bassins versants méditerranéens. Pour cela l’évapotranspiration

maximale des cultures irriguées a été modélisée, afin de représenter la quantité d’eau d’irrigation à

apporter aux cultures pour obtenir un rendement optimal. Cette évapotranspiration maximale doit

permettre d’expliquer les évolutions de la demande en eau future. En effet cette demande évoluera

si l’on cherche à obtenir les mêmes rendements qu’actuellement, dans des conditions climatiques

changées.

Les cultures irriguées et les surfaces associées ainsi que les calendriers de culture sont issues de la

base de données MIRCA 2000, et l’évapotranspiration des cultures irriguées ainsi que les besoins en

eau d’irrigation sont calculés grâce à l’outil de modélisation Cropwat. A partir de données climatiques

et de caractéristiques relatives à chaque culture, le logiciel calcule l’évapotranspiration maximale et

les besoins en eau d’irrigation.

La modélisation a d’abord été effectuée à l’échelle régionale, avec des données climatiques

concernant le climat actuel. Cette modélisation sur la période présente a permis de conforter les

choix méthodologiques et d’obtenir un aperçu de la relation entre apports et besoins en situation

présente. Les résultats montrent d’abord une hétérogénéité de l’évapotranspiration maximale des

cultures irriguées, cette évapotranspiration étant plus élevée dans les pays du Sud et de l’Est de la

Méditerranée. On a aussi pu noter que la part de l’eau d’irrigation dans l’eau consommée par les

cultures irriguées était variable d’un bassin versant à un autre, pouvant varier de quelques pourcents

à la quasi-totalité des apports en eau.

La méthode de quantification a ensuite été testée sur le bassin versant du Rhône, d’abord par des

tests de sensibilité aux principales données d’entrée en climat actuel, puis sous changement

climatique aux horizons 2025 et 2050. La sensibilité de la modélisation aux données d’entrée est

forte, ce qui montre l’influence importante des choix et des hypothèses retenues lors de l’étude.

A l’horizon 2025, pour les scénarios A1B et B1 du GIEC, les besoins en eau d’irrigation des cultures

irriguées dans le bassin versant du Rhône devraient diminuer d’environ 30% en moyenne annuelle,

avec une légère augmentation aux mois de mai et septembre.

A l’horizon 2050 les besoins devraient rester inférieurs de 30% aux besoins actuels sous le

scénario B1 du GIEC. Par contre, pour le scénario A1B ces besoins devraient ré-augmenter, pouvant

atteindre une hausse de 10% par rapport aux besoins actuels.

Remerciements

Je tiens à remercier :

Sara Fernandez qui m’a encadrée pendant mon stage. Je la remercie pour son soutien et ses

conseils qui m’ont permis d’avancer et de me poser des questions sur mon travail.

Marianne Milano aussi pour un travail d’équipe agréable et enrichissant, et également pour son

soutien et ses conseils pour mon travail et mon orientation. Je tiens également à remercier Marianne

pour les bons moments passés au Plan Bleu et pour son accueil à Montpellier.

Henri-Luc Thibault, pour m’avoir accueilli en stage au Plan Bleu, Pierre Icard pour m’avoir intégrée

à son unité et permis, avec Arthur Germond de l’Afd, d’effectuer ce stage. Je remercie également

Pierre de m’avoir éclairée en cours de stage sur mes orientations.

Hughes Ravenel pour ses conseils méthodologiques et son aide précieuse lors de la collecte et du

traitement des données climatiques.

Jean-Pierre Giraud pour son éclairage sur les méthodes du Plan Bleu et sur les exercices

prospectifs passés, et Benoit Briquetti pour m’avoir prêté son poste pour la cartographie, et fourni

des données et son aide. Mohamed Blinda m’a également aidé par sa connaissance des pays

méditerranéens et en m’apportant des informations et des données manquantes. Je remercie toute

l’équipe du Plan Bleu pour son accueil lors de mon stage, à Sophia Antipolis et à Marseille.

Audrey Niboyet pour son suivi régulier à distance de mon stage, et pour les quelques questions

clés qu’elle a su me poser aux bons moments.

Stéphane Simonet pour des discussions très enrichissantes sur les enjeux du changement

climatique et des études sur l’environnement et le développement. Je remercie également Monsieur

Simonet d’avoir partagé avec moi ses expériences passées.

Enfin je remercie Martin pour sa présence à mes côtés pendant tout ce stage, et pendant les

moments difficiles.

Caractérisation et analyse des relations entre changement climatique, ressources en eau et demande en eau

Etude de la demande en eau agricole

Sommaire Table des illustrations ...................................................................................................................... 3

Introduction ..................................................................................................................................... 1

I. L’étude des impacts du changement climatique sur les ressources en eau en Méditerranée ........ 2

A.Les étapes d’une étude d’impact du changement climatique .................................................... 2

B. Caractérisation et analyse des modèles et scénarios climatiques et des modèles

hydrologiques ................................................................................................................................... 4

1. Les modèles climatiques globaux ........................................................................................... 4

2. La construction de scénarios de changement climatique à partir des résultats des modèles .. 4

3. Les différents types de modèles hydrologiques ...................................................................... 6

C. Les incertitudes associées aux études d’impacts ....................................................................... 7

D. Le changement climatique et ses impacts sur les ressources en eau en Méditerranée ....... 9

1. Des variables explicatives à plusieurs échelles ....................................................................... 9

2. Les tendances passées en Méditerranée ................................................................................ 9

3. Les projections climatiques disponibles ............................................................................... 10

4. Impacts de la réduction de la pluviométrie sur les débits (débits moyens, changements de

régime, variabilité). .............................................................................................................. 12

5. Typologie des impacts sur les ressources en eau .................................................................. 12

E. Les impacts du changement climatique sur le secteur agricole................................................ 14

1. Impacts sur la production .................................................................................................... 14

2. Impacts sur l’utilisation de l’eau .......................................................................................... 16

II. Mise en place d’une méthodologie de quantification des évolutions de la demande en eau

agricole dans les grands bassins versants méditerranéens......................................................... 16

A.Zone d’étude et données sur l’état actuel du système ............................................................ 16

1. Données sur la demande en eau agricole : définitions, cadrage ........................................... 16

2. Une première étape pour un exercice prospectif sur le système eau-agriculture influencé

par le changement climatique .............................................................................................. 18

3. La zone d’étude : les grands bassins versants méditerranéens ............................................. 20

B. Modélisation des besoins théoriques des cultures irriguées avec l’outil Cropwat .................... 23

1. Rappels sur les bilans hydriques........................................................................................... 23

2. Choix et utilisation de l’outil de modélisation (Cropwat) ...................................................... 24

3. Les cultures considérées ...................................................................................................... 25

4. Données climatiques et calcul de l’ETP ................................................................................ 26

C. Résultats de la modélisation régionale .................................................................................... 29

III. Etude de cas : le bassin versant du Rhône ................................................................................. 33

A.Etude sur de la période de référence : tests de sensibilité....................................................... 33

1. Sur la méthode de calcul de l’ETP ........................................................................................ 33

2. Sur les données climatiques................................................................................................. 35

B. Résultats de la modélisation des impacts du changement climatique sur

l’évapotranspiration des cultures irriguées sur le bassin du Rhône .................................................. 36

1. Les scénarios climatiques .................................................................................................... 36

2. Résultats de modélisation et scénarios d’usage de l’eau agricole ......................................... 40

Conclusion ..................................................................................................................................... 46

Liste des annexes :

Annexe 1………………………………………………………………………………………………………………………………………………50

Annexe 2 ……………………………………………………………………………………………………………………………………………..51

Annexe 3………………………………………………………………………………………………………………………………………………54

Annexe 4………………………………………………………………………………………………………………………………………………55

Table des illustrations

Figures :

Débits moyens du Nahr Ibrahim au Liban pour un scénario de référence (Case 1) et un scénario

d'augmentation de 2°C de la température moyenne (Case 2). (Hreiche et al. 2007) ............................ 13

Les données d'entrée du modèle Cropwat par rapport à la culture considérée (ici, le maïs) ..................26

Entrée de l'ETP et des précipitations dans le logiciel Cropwat, bassin du Cheliff, Algérie .......................28

Schémas :

Les étapes d’une étude d’impacts du changement climatique sur les ressources en eau et/ou un secteur

qui les utilise ...........................................................................................................................................2

Facteurs influençant les variations des débits (moyenne annuelle et variabilité intra-annuelle) ..............3

Construction d’un scénario de changement climatique à partir de simulations par un modèle climatique

global......................................................................................................................................................6

Les différentes composantes de la demande en eau agricole ................................................................17

Bilans hydriques, eau verte, eau bleue et évapotranspiration ...............................................................23

Structure du modèle pour le calcul de la demande en eau agricole aux horizons 2025 et 2050 .............45

Tableaux :

Part relative des prélèvements anthropiques en Méditerranée et pression sur la ressource en ...............1

Sensibilité de quatre modèles climatiques à une variation de la concentration en CO2 ............................8

Evolution des précipitations dans la région méditerranéenne liées au changement climatique

(Giannakopoulos et al. 2005) ................................................................................................................11

Impacts du changement climatique sur les débits moyens et/ou les ressources en eau pour 7 pays

méditerranéens ....................................................................................................................................12

Quantification des baisses moyennes de rendement dans des scénarios de changement climatique ....15

Prélèvements, demande en eau agricole et efficience dans 20 pays méditerranéens ............................18

Demande en eau agricole par bassin versant ........................................................................................23

ETP mensuelles moyennes calculées avec les méthodes .......................................................................34

Scénarios de changement climatique aux horizons 2025 et 2050 ..........................................................40

Graphes :

Besoins en eau totaux des cultures irriguées et indice d'aridité, au pas de temps mensuel. Bassin

versant du Cheliff, Algérie. ....................................................................................................................30

Besoins en eau d'irrigation dans le bassin vessant du Rhône, ................................................................34

Test de la sensibilité de la modélisation au choix des données climatiques d’entrée .............................36

Besoins mensuels optimaux en eau d’irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l’horizon 2025 selon le

scénario A1B et les modèles climatiques CSMK3 et ALADIN ..................................................................41

Besoins mensuels optimaux en eau d'irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l'horizon 2025 selon

les scénarios A1B et B1 et le modèle climatique CSMK3 ........................................................................41

Besoins mensuels optimaux en eau d’irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l’horizon 2050 selon le

scénario A1B et les modèles climatiques CSMK3 et ALADIN ..................................................................42

Besoins mensuels optimaux en eau d’irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l’horizon 2050 selon

les scénarios A1B et B1 et le modèle climatique CSMK3 ........................................................................43

Cartes :

RCCU à l’horizon 2080-2099 pour 26 régions, calculé pour 20 modèles globaux et 3 scénarios

d'émissions (A1B, A2, B1).SOURCE : Giorgi 2006 ...................................................................................10

Evolution de la pluviométrie dans la région méditerranéenne (en mm/jour) entre 1950-2000 et 2070-

2099 pour la saison humide (a) et la saison sèche (b). Moyennes des résultats des simulations CMIP3.

SOURCE : Mariotti et al. 2008................................................................................................................11

Surface irriguée (ha par maille de 0.5°x0.5°) dans la zone d’étude (les bassins versant méditerranéens,

hors Nil) SOURCES : Portmann et al.2008 ; cartographie : HSM. ............................................................21

Besoins théoriques en eau des cultures irriguées, en m3/ha, par bassin versant. Part de ces besoins

remplie par l'eau de pluie (« Rain water consumption ») et par l'irrigation (« Irrigation requirement »).

.............................................................................................................................................................29

Besoins en eau totaux du blé d'hiver dans plusieurs bassins versants méditerranéens ..........................30

Déficit ou surplus des apports en eau par rapport aux besoins théoriques maximums ..........................32

Surfaces irriguées dans le bassin versant du Rhône en France ...............................................................35

1

Introduction

Les ressources en eau dans le bassin méditerranéen se caractérisent par l’irrégularité de leur

répartition, dans l’espace et dans le temps. Ainsi, 85 % des ressources renouvelables de l’ensemble du

bassin méditerranéen qui s’élèvent à 600km3/an, sont concentrées en Turquie et dans les bassins du

Nord de la Méditerranée (Benoit & Comeau 2005).

Selon l’indicateur de Falkenmark (ressources en eau par habitant et par an) la plupart des pays de la

rive sud et est de la Méditerranée sont ainsi en situation de « pénurie chronique », avec moins de 1000

m3/hab./an. Certains d’entre eux disposent de moins de 500 m3/hab./an, révélant une situation

qualifiée de « pénurie absolue » (Algérie, Tunisie, Libye, Israël, etc.). Le même indicateur calculé à

l’échelle des bassins versants révèle une diversité au sein des pays.

La région se caractérise donc aujourd’hui par de fortes tensions sur les ressources en eau, qui

peuvent aussi être illustrées par l’indice d’exploitation des ressources renouvelables. Cet indice

correspond au rapport entre les prélèvements totaux et les ressources renouvelables (Tableau 1).

Zones (pays entiers)

Prélèvements totaux

Prélèvements par secteur en volume et en % des prélèvements totaux

Indice d’exploitation des ressources renouvelables (%)

Eau potable

Irrigation Industries et énergie

Km3/an % Km3/an % Km3/an %

Nord 137,7 22,3 17% 57,7 45% 47.7 38% 19%

Est 54,3 8,7 14% 47 78% 4.7 8% 25%

Sud 97,3 7,9 9% 76,6 83% 8.3 9% 104%

Total 289,3 38,9 14% 181,3 65% 60.7 22% 27%

Tableau 1 : Part relative des prélèvements anthropiques en Méditerranée et pression sur la ressource en eau

Cette situation va tendre à s’aggraver avec les conséquences du changement climatique. La

Méditerranée est en effet une des régions les plus vulnérables aux changements climatiques, où les

changements seront marqués par une baisse de la pluviométrie moyenne et une hausse des

températures moyennes, associées à une forte récurrence et intensité des évènements

météorologiques extrêmes.

Le Plan Bleu est un Centre d’Activités Régionales du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM).

Depuis sa création, il a joué un rôle d’observatoire de l’environnement en Méditerranée, et plus

particulièrement sur l’eau, à partir duquel il a construit des exercices de prospective, avec une fonction

stratégique d’alerte auprès des pays du pourtour méditerranéen. Des scénarios d’évolution de la

demande en eau ont été construits par le Plan Bleu à l’horizon 2025 : un scénario tendanciel, et un

scénario alternatif basé sur une gestion de la demande en eau. Ces scénarios mettaient en avant le fait

que la demande en eau devait continuer à croître dans les années à venir, et e scénario alternatif,

suggérait l’importance d’une gestion plus efficace de la demande par la réduction des pertes pour

réduire les tensions sur les ressources. Pour cet exercice prospectif, on avait supposé que les ressources

en eau naturelles resteraient les mêmes dans les futurs étudiés.

Depuis 2009, le Plan Bleu a établit un partenariat avec le laboratoire Hydrosciences Montpellier

(HSM) pour la réalisation, à l’échelle de l’ensemble des bassins versants méditerranéens :

- d’une modélisation hydrologique de l’impact du changement climatique sur les écoulements de

surface (thèse de doctorat)

2

- d’une analyse des impacts du changement climatique sur les demandes en eau, afin de définir

les possibles impacts du changement climatique sur le système « offre-demande » en eau dans

les bassins méditerranéens

La première partie du stage a consisté en une étude bibliographique de l’état des connaissances sur

les impacts du changement climatiques sur les ressources en eau dans les pays du pourtour

méditerranéen. Ce travail devait constituer un cadrage pour une étude régionale lancée par le Plan Bleu

en parallèle sur les stratégies d’adaptation au changement climatique dans le secteur de l’eau. Il

constitue aussi un cadrage de la modélisation hydrologique conduite en partenariat avec HSM.

La deuxième partie du stage visait à développer une méthodologie de quantification des impacts des

évolutions de climat sur la demande en eau agricole afin d’intégrer les scénarios de changement

climatique dans les scénarios de demande en eau.

Le présent rapport est structuré en trois parties. Dans un premier temps, les méthodes d’évaluation

des impacts du changement climatique sur les ressources en eau, et les résultats d’études sur les pays

méditerranéens issues de la littérature seront analysés. Ensuite, la méthodologie de quantification des

impacts sur la demande en eau agricole élaborée lors de ce stage sera présentée, ainsi que les résultats

d’une modélisation sur la période présente. Enfin, un bassin versant a sera étudié sous changement

climatique : le Rhône.

I. L’étude des impacts du changement climatique sur les ressources en eau en Méditerranée

A. Les étapes d’une étude d’impact du changement climatique

Le Schéma 1 résume les étapes d’une évaluation des impacts du changement climatique sur les

ressources en eau et/ou un secteur qui les utilise.

Schéma 1 : Les étapes d’une étude d’impacts du changement climatique sur les ressources en eau et/ou un secteur qui les utilise

3

Les modèles climatiques sont des programmes informatiques construits sur la base de lois physiques et

mathématiques fondamentales afin de représenter les phénomènes physico-chimiques qui régissent le

climat. Ils s’avèrent les meilleurs outils pour simuler la réponse du système climatique face aux

émissions croissantes de gaz a effet de serres.

Pour cela, ils intègrent des scénarios d’émission de gaz a effet de serre, définis selon des hypothèses

contrastées d’ordre social, économique, technologique et démographique.

Les produits de ces modèles sont des scénarios de changement climatique caractérisant plusieurs

variables clefs telles que la température et les précipitations.

Ces deux variables climatiques sont utilisées en donnée d’entrée des modèles hydrologiques,

modèles qui schématisent le cycle hydrologique. Le produit de tels modèles est, entre autre, un bilan

hydrologique intégrant, selon les performances du modèle, les eaux de surface et les eaux souterraines.

Ces résultats peuvent ensuite être comparés à des scénarios d’évolution des demandes en eau,

influencés par des hypothèses d’ordre socio-économique, démographique, et climatique et pouvant

intégrer des scénarios d’évolution de la production de ressources en eau non conventionnelles

(réutilisation des eaux usées, dessalement).

Ceci permet alors d’établir un bilan offre-demande en eau, analysé selon différents indicateurs

d’impact.

A la lumière de ces analyses quantitatives, des stratégies d’adaptation sont conçues.

Les variations de débit des cours d’eau méditerranéens, et par extension l’évolution des ressources

en eau, sont influencées non seulement par les variations de pluviométrie mais aussi par des facteurs

anthropiques : l’occupation du sol et les aménagements hydrauliques. Ainsi, la région méditerranéenne

est soumise depuis des siècles à des pressions anthropiques (croissance démographique, agriculture et

déforestation) qui ont aussi largement influencé les écoulements. Ces facteurs explicatifs des variations

de débits sont résumés dans le Schéma 2.

Schéma 2. Facteurs influençant les variations des débits (moyenne annuelle et variabilité intra-annuelle)

4

B. Caractérisation et analyse des modèles et scénarios climatiques et des modèles hydrologiques

1. Les modèles climatiques globaux

Les modèles climatiques permettent, à partir de scénarios d’émissions de gaz à effet de serre,

d’obtenir des projections d’évolution des températures et des précipitations. Il existe de très nombreux modèles climatiques, plus ou moins adaptés selon l’objectif fixé : études climatologiques, projections météorologiques, modélisation sous changement climatique, etc. Pour appréhender les évolutions climatiques, les modèles les plus fréquemment utilisés sont les Modèles Climatiques Globaux couplés Atmosphère et Océan (AOGCM), qui associent les circulations générales atmosphériques aux circulations générales océaniques en incluant l’influence de la biosphère, du cycle du carbone et de la composition chimique de l’atmosphère. Ils résolvent l’ensemble des équations mathématiques et physiques régissant ces circulations, à l’aide d’une grille tridimensionnelle recouvrant la surface du globe. Leurs résolutions peuvent varier et se situent entre 1.1° x 1.1° (modèle MIROC3.2-high resolution) et 4° x 5° (modèle GISS-EH), ce qui correspond à des mailles de 200 à 300km de côté environ. Ces modèles n’ont donc pas a priori une résolution satisfaisante pour étudier les impacts du changement climatique à l’échelle des bassins versants méditerranéens.

En effet, la variabilité du climat méditerranéen est fortement influencée par des caractéristiques

physiques comme la topographie, le trait de côte, etc. Il est conseillé en région méditerranéenne

d’exploiter des modèles d’une résolution d’au moins 250km2 afin de représenter les caractéristiques

physiques régionales influençant le climat méditerranéen et d’au moins 100 km2 afin de bien

représenter la variabilité spatiale des précipitations (Lionello et al. 2006).

Le changement d’échelle constitue donc un enjeu méthodologique crucial, afin d’être capable de

déterminer les caractéristiques du climat futur. Les méthodes de descente d’échelle (ou désagrégation)

peuvent être dynamique ou statistique (Sauquet et al. 2007) :

La méthode de désagrégation statistique se fonde sur une hypothèse de stationnarité des

relations entre climat global et local. L’analyse des chroniques passées permet alors d’établir un

lien empirique entre des variables climatiques globales et régionales ; ce lien est reporté sur les

résultats des modèles globaux pour construire des scénarios de changement climatique

régionalisés.

La méthode de désagrégation dynamique est basée sur une approche physique avec la

conception de modèles régionaux qui, couplés à des modèles globaux, peuvent effectuer des

projections climatiques à une résolution allant jusqu’à 25 km comme le modèle grec PRECIS

(Hellenic Republic - Ministry for the environment, physical planning and public works 2006) par

exemple, voire même 12km comme le modèle de l’Institut Danois de Météorologie par exemple

(DMI 2005).

Les scénarios de changement climatique sont construits à partir des simulations de ces modèles

climatiques globaux.

2. La construction de scénarios de changement climatique à partir des résultats

des modèles

a) Les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre

Les émissions de gaz à effet de serre sont une donnée d’entrée des modèles climatiques globaux.

Elles sont influencées par des forces motrices complexes dont les évolutions futures sont incertaines.

Afin de représenter les évolutions possibles de ces forces motrices et donc des émissions, le GIEC a

défini un certain nombre de scénarios. Dans les deux premiers rapports du GIEC, les scénarios

5

d’émission utilisés étaient les scénarios IS92, et le plus souvent IS92a (ce scénario prévoyait une

augmentation de 1% par an des émissions de CO2 à partir de 1990).

Afin de mettre à jour les scénarios d’émission avant la production de son 3e Rapport d’Evaluation, le

GIEC a produit le Rapport Spécial sur les Scénarios d’Emission (RSSE) (Nakicenovic & Rob Swart 2000).Ce

dernier rapport a permis d’intégrer les progrès en matière de compréhension des forces motrices des

émissions concernant :

les différences entre pays en développement et pays développés,

l’intensité-carbone des énergies (progrès technologiques),

les changements politiques majeurs (comme la chute de l’Union Soviétique, qui a entraîné une

forte baisse des émissions),

la mise en cohérence des différentes forces motrices.

Les scénarios du RSSE sont au nombre de 40 et correspondent à des évolutions contrastées des

forces motrices qui influencent les émissions des gaz à effet de serre : la démographie, l’économie, les

dimensions sociales et politiques, les progrès technologiques. Ils décrivent tous des futurs plus

prospères qu’aujourd’hui, et ils supposent que ni la Convention Cadre des Nations Unies sur les

Changements Climatiques, ni les objectifs du protocole de Kyoto ne sont appliqués. Ils ont été déclinés

en quatre familles : A1, A2, B1, et B2 dont les principales caractéristiques sont détaillées en Annexe 1.

b) Correction des sorties des modèles climatiques globaux

Les scénarios de changement climatique sont construits à partir de périodes de référence de 10 à 30

ans qui sont choisies pour leur représentativité de la variabilité du climat actuel (où des périodes

particulièrement pluvieuses ainsi que des épisodes de sécheresse sont représentées). Des simulations

sur des périodes de 10 à 30 ans permettent de calculer des moyennes mensuelles de variables

climatiques et d’étudier statistiquement la fréquence des événements extrêmes.

Les modèles climatiques globaux utilisés dans le dernier rapport du GIEC paru en 2007 (23 modèles)

ont tous des biais qu’il est important de noter. Ces biais diffèrent selon les régions du globe considérées

et selon la variable modélisée.

Pour limiter les sources d’erreur, les simulations des modèles climatiques globaux sont corrigées à

partir de séries de données historiques :

on réalise d’abord une simulation à partir du modèle sur la période de référence, historique ;

on conduit ensuite une nouvelle simulation sur la période future (2020-2050 par exemple) ;

on compare alors les variables obtenues à partir des deux simulations. Les différences de

température et de pluviométrie sont ensuite reportées sur les séries de données de la période

historique considérée.

C’est ce qui donne le scénario climatique (Schéma 3).

6

Schéma 3 : Construction d’un scénario de changement climatique à partir de simulations par un modèle climatique global

3. Les différents types de modèles hydrologiques

La quantification des impacts des changements climatiques sur les ressources en eau se fonde sur

des modèles hydrologiques. Les résultats des modèles climatiques constituent le plus souvent les

données d’entrée des modèles hydrologiques. Si ces données ne sont pas disponibles ou si elles sont

considérées comme trop incertaines, on utilise alors des scénarios « température-précipitation » qui

représentent des évolutions possibles du climat dans la zone considérée. Ainsi, à titre d’exemple, pour

l’Algérie, un scénario moyen à l’horizon 2020 a été défini, avec une augmentation de la température

moyenne de 0,5°C et une diminution des précipitations moyennes de 10% (République Algérienne

Démocratique et Populaire, Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement 2001).

Les modèles hydrologiques sont des modèles de simulation, représentant le cycle de l’eau à

différentes échelles.

Ils peuvent être conceptuels ou physiques, selon la représentation du cycle de l’eau qu’ils

privilégient.

Les modèles conceptuels simulent le cycle de l’eau en décomposant le système en une série de

réservoirs qui vont remplir chacun une fonction: fonction de production, fonction de transfert et

éventuellement d’autres réservoirs associés pour simuler des phénomènes particuliers comme par

exemple les stocks de neige :

- fonction de production : répartition de la pluie entre infiltration et écoulements

- fonction de transfert : calcul de la part des écoulements qui se retrouve à l’exutoire.

- fonction de gestion du manteau neigeux (modèle semi-distribué des degrés jour et du bilan

énergétique) : équations de transformation de la pluie en neige et de la neige en

écoulements en fonction de la température.

Les modèles physiques sont calés à partir de données mesurées. Les équations sont cependant

inspirées de lois physiques pour décrire les processus du cycle de l’eau.

Les modèles conceptuels peuvent être globaux ou distribués :

Les modèles globaux schématisent le cycle hydrologique et, à partir de données d’observations,

établissent des relations pluie-débit empiriques, sans lien particulier avec des lois physiques, pour

ensuite simuler le bilan hydrique sur des périodes de temps plus ou moins longues. Ils sont calés avec

des paramètres qui optimisent la représentation des débits à l’exutoire du bassin versant étudié.

Les modèles distribués ne simulent pas uniquement le débit à l’exutoire du bassin étudié ; ils

peuvent diviser ce bassin en sous-bassins, et effectuer des bilans hydrologiques intermédiaires.

7

Les modèles peuvent être maillés pour détailler, à l’échelle de cellules élémentaires dans le bassin

versant, la lame d’eau écoulée qui formera, à l’exutoire, le débit en sortie du modèle.

Un des enjeux associés à ces modèles est aussi la façon dont sont « intégrés» les impacts

anthropiques sur les écoulements. Il renvoie aussi à l’objectif assigné à la modélisation : représenter les

écoulements et/ou discuter des enjeux de gestion et de partage de l’eau.

WaterGAP par exemple est un modèle distribué de simulation hydrologique à l’échelle mondiale qui

propose une représentation spatialisée du taux d’exploitation des ressources en eau par grands bassins

versants, en faisant des hypothèses sur les déterminants économiques de la croissance de chaque

usage à moyen et long terme (Alcamo et al. 2007), (P Döll et al. 2003).

Le modèle global de simulation GARDENIA du BRGM utilisé à l’échelle de grands bassins versants est

aussi capable de prendre en compte des prélèvements et des apports d’eau extérieurs au système

modélisé (Ducharne et al. 2009).

Certains modèles, généralement développés à l’échelle des bassins versants, couplent simulation

hydrologique et maximisation de flux (d’eau, de polluants) sous contraintes. C’est le cas du modèle

Weap par exemple. Ces modèles sont utilisés pour des analyses des effets des politiques de l’eau sur

l’état de la ressource, les coûts, etc.

Les modèles les plus utilisés pour l’évaluation des impacts du changement climatique sur les

ressources en eau sont présentés dans le tableau en Annexe 2

C. Les incertitudes associées aux études d’impacts

Les projections de changement climatique restent souvent incertaines et ne peuvent être comprises

comme des prévisions météorologiques. Les facteurs d’incertitude qui vont influer sur les résultats de la

modélisation sont nombreux et méritent d’être considérés lors de l’analyse des projections climatiques.

a) Incertitudes liées aux scénarios d’émission de gaz à effet de serre

Les scénarios d’émission du RSSE sont tous aussi probables les uns que les autres. Ils correspondent

à des futurs possibles et possèdent une cohérence interne. Deux scénarios peuvent avoir des forces

motrices différentes et aboutir à des émissions similaires, ou à l’inverse aboutir à des émissions

différentes avec des forces motrices proches. Lorsque des projections climatiques sont conduites, il est

donc important d’utiliser plusieurs scénarios, qui couvrent un intervalle assez large d’émissions des gaz

à effet de serre (voir ci-dessous).

Il faut considérer les incertitudes inhérentes à la modélisation dans ces scénarios : ils sont produits à

partir d’hypothèses sur l’évolution des forces motrices des émissions, l’évolution des variables étant

ensuite simulée par des modèles. D’autres modèles traduisent ensuite ces variables en termes

d’émission et de concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.

Enfin des projections climatiques ne seront comparables entre elles que si elles ont été effectuées à

partir des mêmes scénarios d’émissions. L’analyse menée à l’échelle méditerranéenne lors de ce stage

a montré que selon les études considérées et les pays analysés, différents scénarios sont utilisés. Ainsi,

par exemple, pour certains pays, seules des analyses avec les scénarios is92 sont disponibles.

b) Incertitudes liées aux modèles climatiques

Des modèles biaisés :

8

Les différents modèles disponibles présentent des biais qui vont varier selon la région et la saison,

biais qui sont repérables par des simulations sur des périodes historiques de référence. A titre

d’exemple, dans le cadre de projections de climat futur au Liban (Bakalowicz 2009), quatre modèles ont

été comparés sur la région méditerranéenne: HADCM3, ECHAM4/OPYC, NCAR-PCM et CSIRO-MK2. Ces

modèles reproduisent assez bien la répartition spatiale des précipitations annuelles sur la région, mais

des différences existent. Ainsi:

Le modèle HadCM3 reproduit mal les années de pluviométrie extrême (déficitaire ou

excédentaire) ; il simule correctement les précipitations sur toute l’année sur l’Est de la

Méditerranée (Libye, Egypte, Turquie, Grèce), mais les résultats sur le Maghreb sont

insatisfaisants pour l’automne, l’hiver et le printemps. La période sèche estivale est celle qui est

la mieux modélisée.

Le modèle ECHAM4 a tendance à surestimer les précipitations sur le Maghreb, et à les sous-

estimer dans le sud-est du bassin méditerranéen (Egypte, Liban, Syrie).

Quel que soit le modèle utilisé, les données de pluviométrie ne semblent pas être assez fiables

pour être utilisées directement.

Des modèles plus ou moins sensibles à la concentration atmosphérique de CO2 :

Les modèles climatiques diffèrent aussi entre eux par leur sensibilité aux concentrations

atmosphériques de gaz à effet de serre. Bou-Zeid (2002) a ainsi comparé la sensibilité des modèles

ECHAM4, HadCM2, CGCM1 et GFDL à un doublement de la concentration atmosphérique de

CO2 (Tableau 2):

Modèle ECHAM4 HadCM2 CGCM1 GFDL

Sensibilité à un doublement de [CO2]*

2.6°C 2.5°C 3.5°C 3.7°C

*Réchauffement global à l’équilibre pour un doublement de la concentration de CO2

Tableau 2 : Sensibilité de quatre modèles climatiques à une variation de la concentration en CO2

(SOURCE : Bou-Zeid 2002)

Ces incertitudes liées aux modèles climatiques soulignent bien l’importance d’utiliser plusieurs

modèles lors de projections de changement climatique. Ainsi, dans le cadre du projet PRUDENCE (DMI

2005), par exemple, dix modèles ont été appliqués pour construire des scénarios de changement

climatique sur l’Europe.

Influence de la période de référence :

La période de référence influe aussi sur les résultats de la modélisation. Il existe en effet des

phénomènes cycliques tels que les périodes de sécheresse, qui peuvent être masqués par le choix de la

période de référence. Ainsi, par exemple, dans le cas de la Tunisie, des projections climatiques ont été

menées par rapport à la période de référence de 1961 à 1990. Or cette période présente une forte

variabilité si elle est comparée à d’autres périodes passés (1901-1930, 1931-1960), ce qui influence les

résultats de la modélisation en matière d’évolution de la variabilité des précipitations (République

Tunisienne, Ministère de l'agriculture et des ressources hydrauliques - gtz, Coopération technique

allemande 2007).

c) Incertitudes liées aux modèles hydrologiques

Les modélisations hydrologiques présentent aujourd’hui un certain nombre de limites :

9

Elles représentent mal l’impact de l’occupation du sol sur l’évapotranspiration et les

mécanismes de transformation pluie-débit. En effet, la végétation est le plus souvent

faiblement différenciée. L’imperméabilisation des sols influe aussi sur ces mécanismes.

Elles sont limitées par la capacité à reconstituer des débits desinfluencés, qui permettraient de

distinguer davantage les impacts du changement climatique de ceux de l’anthropisation des

territoires.

Peu de scénarios d’évolution des demandes en eau sont associés à ces modélisations, pourtant

les situations de pénurie projetées en dépendent fortement (Arnell 2004).

Les sorties des modèles sont des lames d’eau, écoulements ou débits. Un enjeu important

réside dans la traduction de ces écoulements en ressources disponibles ou mobilisables.

Elles représentent mal les relations nappes-rivières.

Elles modélisent mal les faibles débits et la variabilité intra-annuelle. Elles permettent

essentiellement de donner des ordres de grandeurs relatifs aux débits annuels.

D. Le changement climatique et ses impacts sur les ressources en eau en Méditerranée

1. Des variables explicatives à plusieurs échelles

Le « climat méditerranéen » est un climat de transition entre climats tempérés et tropicaux. Il se

caractérise par des hivers doux et humides et des étés chauds et secs. Il se retrouve dans plusieurs

régions du globe, sur les façades occidentales des continents, entre 30° et 40° de latitude.

La région méditerranéenne présente des caractéristiques particulières d’ordre morphologique,

géographique, historique, sociétale. Sa morphologie est complexe, avec plusieurs chaînes de montagne,

des îles et des péninsules, ce qui se traduit par des variations climatiques marquées entre des régions

chaudes à climat aride et semi-aride et des régions de montagne avec des glaciers permanents et donc

de grandes différences d’albédo1.

La représentation des forçages climatiques demande donc une analyse multiscalaire, allant de

l’échelle locale à l’échelle régionale et mondiale puisque le climat méditerranéen est aussi soumis à des

phénomènes globaux, tels que les moussons, el Niño ou la Niña (oscillation nord-atlantique, NAO et

sud-atlantique, ENSO). Ce sont ces phénomènes cycliques globaux qui expliquent en partie que

l’hydrologie d’une année ne soit pas statistiquement indépendante de la précédente. Ainsi en Israël,

par exemple, on a mis en évidence une corrélation entre la pluviométrie hivernale et l’occurrence de

ces phénomènes : lors d’un phénomène El Niño (NAO), la pluviométrie hivernale est supérieure à la

moyenne, alors que La Niña (ENSO) semble être associée au contraire à une pluviométrie hivernale plus

basse que la moyenne (ceci pour 75% des événements ENSO sur une période de 30 ans) (Pinhas Alpert

et al. 2006).

2. Les tendances passées en Méditerranée

En région méditerranéenne, on dispose de longues séries de variables climatiques qui peuvent aller

jusqu’à plusieurs centaines d’années, obtenues soit à partir d’observations de la végétation (comptage

des cernes des arbres par exemple), soit par des systèmes de suivi (Luterbacher et al. 2006).

Ces séries ont permis de reconstituer les variations passées du climat méditerranéen et de dégager

les tendances du 20e siècle. Sur les 100 dernières années, les analyses suggèrent ainsi des tendances au

1 L'albédo est une grandeur sans dimension, correspondant au rapport entre l'énergie solaire réfléchie par une

surface et l'énergie solaire incidente. L'albédo est l'un des indicateurs de la température de la surface de la terre et de l’impact de l’effet de serre.

10

réchauffement de l’ordre de 0,75 °C et à l’abaissement de la pluviométrie moyenne, avec, cependant,

une variabilité infrarégionale particulièrement forte (Lionello et al. 2006). Le réchauffement est en effet

surtout marqué dans l’Ouest de la Méditerranée, en particulier entre 1920 et 1950 et depuis 1970. Par

ailleurs, les hivers des dernières décennies (fin 20e – début 21e siècle), ont été les plus doux et les plus

secs des séries disponibles.

3. Les projections climatiques disponibles

La Méditerranée est considérée comme une des régions du globe les plus sensibles au changement

climatique. C’est en effet une des rares zones où une diminution de la pluviométrie est prévue, associée

à des hausses importantes des températures.

Giorgi (Giorgi 2006) a calculé, pour 26 régions, un indice régional de changement climatique : le RCCI

(Regional Climate Change Index). L’indice est estimé à partir de l’évolution moyenne de la pluviométrie

et de la température, de la variabilité interannuelle des températures, et du rapport entre évolution

régionale et évolution globale des températures, pour les saisons sèche et humide. La région

méditerranéenne est, avec le Nord Est de l’Europe, la zone de globe où le RCCI est le plus élevé

(supérieur à 16, voir la Carte 1).

Carte 1. RCCU à l’horizon 2080-2099 pour 26 régions, calculé pour 20 modèles globaux et 3 scénarios d'émissions (A1B, A2, B1).SOURCE : Giorgi 2006

A l’échelle de la région méditerranéenne, l’augmentation des températures sera plus forte en été :

+4°C en moyenne pour un réchauffement global de 2°C (Giannakopoulos et al. 2005); les températures

maximales progresseront plus rapidement que les températures minimales.

En ce qui concerne les précipitations, les projections sont encore très incertaines ; cependant les

modèles s’accordent sur une baisse moyenne des précipitations sur la région, avec une hausse des

précipitations en hiver pour les pays du Nord de la Méditerranée.

L’effort de recherche est actuellement aussi porté sur la descente d’échelle et la production de

scénarios de changement climatique pays par pays.

11

a) Caractéristiques de la réduction de la pluviométrie (en moyenne, variabilité)

La Méditerranée est donc une des rares zones du globe où l’on prévoit en moyenne une diminution

de la pluviométrie. Le Tableau 3 présente les évolutions de précipitations dans les projections

climatiques à l’échelle de la région méditerranéenne.

Les modèles climatiques prévoient aussi une augmentation de la variabilité des précipitations, avec

des événements extrêmes (sécheresses, inondations) plus fréquents et plus intenses. Des projets de

recherche se sont attachés à étudier l’évolution de la fréquence et de l’intensité des événements

extrêmes (IMFREX en France dans le cadre du projet GICC par exemple).

Evolution des précipitations Horizon

Variabilité intra régionale

Nord -0 à -10%

Baisse en été, hausse en hiver

2031-2060

Sud -0% à -20% 2031-2060

Sud Est légère hausse en automne, baisse au printemps 2031-2060

Sud de l’Europe et Afrique du

Nord

baisse en été, légère baisse ou pas de changement aux

autres saisons

2031-2060

Variabilité intra-annuelle

Saisons humides -10% (diminue au sud de 42°N, diminution max à 35°N) 2020-2049

Saisons sèches -23% (diminue entre 40°N et 45°N)

Italie, Ouest de la Grèce, Sud

de la France, Nord Ouest de la

Péninsule Ibérique

Précipitations plus intenses 2031-2060

Sud Précipitations moins intenses 2031-2060

Tableau 3 : Evolution des précipitations dans la région méditerranéenne liées au changement climatique (Giannakopoulos et al. 2005)

Les modèles et scénarios envisagent aussi des variations saisonnières : dans les bassins versant du

Nord la pluviométrie devrait augmenter en hiver (+0,1 à 0,2 mm/jour en France et dans le nord de

l’Italie) et diminuer en été (la baisse la plus importante à cette saison se situant dans les pays du Nord),

le printemps et l’automne étant des saisons intermédiaires. Dans les pays du Sud, la pluviométrie

diminue toute l’année. Dans les pays de l’Est, la pluviométrie baisse légèrement (Carte 2).

Carte 2. Evolution de la pluviométrie dans la région méditerranéenne (en mm/jour) entre 1950-2000 et 2070-2099 pour la saison humide (a) et la saison sèche (b). Moyennes des résultats des simulations CMIP3.

SOURCE : Mariotti et al. 2008.

12

4. Impacts de la réduction de la pluviométrie sur les débits (débits moyens,

changements de régime, variabilité).

Les résultats des modélisations de l’impact des variations de la pluviométrie sur les débits et/ou

ressources moyens sont présentés dans le tableau suivant :

Pays Variable BV/saison 2025 2050 Sources

Albanie

Débits moyens

Annuel -10%

(Islami et al.

2009) Eté -20 à -30%

Croatie Débits moyens Annuel -10 à -20% (UNDP 2008)

France

Débits moyens

Adour-Garonne/Annuel -11 à -19% (Cemagref

2009)

Nord du Rhône

Hausse (Somot 2005)

Sud du Rhône Baisse

Ardèche -40%

Grèce

Débits moyens

Ali Efenti/Annuel

-15,6 à -18,4% (Mimikou &

Kouvopoulos

2000) Ali Efenti/Eté -17,6 à -29,1%

Israël Ressources renouvelables

internes

-14% -16% Israeli Water

Authority

Maroc Débits moyens Annuel -10 à -15% -12,7 à -16,6% (Singla 2009)

Turquie

Ecoulements

Gediz/Annuel -23 à -32% -35 à -48% (Republic of

Turkey,

Ministry of

Environment

en Forestry

2007)

Buyuk

Menderes/Annuel

-10 à -21% -20 à -38%

Tableau 4. Impacts du changement climatique sur les débits moyens et/ou les ressources en eau pour 7 pays méditerranéens

Les résultats suggèrent une baisse en moyenne des ressources en eau pour tous les pays étudiés,

sauf dans le nord du Rhône en France. Cette baisse est comprise entre 10% et plus de 30% en 2025 et

entre 10% et près de 50% en 2050.

Les événements extrêmes (inondations et sécheresses) augmentent également, en amplitude

comme en fréquence. Les sécheresses commencent plus tôt et durent plus longtemps.

Enfin, la variabilité intra-annuelle des débits pourra aussi être modifiée comme au Maroc où les

modèles suggèrent un dérèglement du régime saisonnier des oueds (Bennani et al. 2001).

5. Typologie des impacts sur les ressources en eau

Les impacts sur les ressources en eau pourront se manifester sous plusieurs formes :

le décalage dans le temps, le changement de type de ressources,

le déficit moyen ressources/prélèvements,

les pénuries ponctuelles,

les risques accrus (orages, glissements de terrain).

Une typologie des impacts des changements climatiques sur les ressources en eau a pu ainsi être

dégagée :

13

Diminution prononcée des précipitations annuelles

Une diminution prononcée des précipitations, couplée à de fortes augmentations de température

donc d’évaporation, aura pour impact la désertification, des fortes baisses des débits moyens et

d’étiage, et un dérèglement saisonnier du fonctionnement des oueds.

Les pays concernés sont les pays du Maghreb, la Lybie, le sud de l’Italie, la Grèce.

Baisse modérée des précipitations mais effet de l’augmentation de température

Même couplée à une baisse modérée des précipitations, l’augmentation des températures a pour

conséquence une hausse de l’évaporation et donc la diminution des ressources en eau.

Les pays concernés sont Israël, les Territoires Palestiniens, la Syrie.

Impacts sur les stocks de neige

La hausse des températures en hiver cause une diminution de l’enneigement. Dans les pays qui

reçoivent un fort enneigement en hiver, les débits au printemps et au début de l’été sont largement

soutenus par la fonte lente des neiges. Si cette fonte est accélérée, les débits sont plus forts en fin

d’hiver, et les périodes d’étiage sont avancées. De plus si en hiver les précipitations arrivent davantage

sous forme de pluie que de neige, moins d’eau sera stockée de manière saisonnière et les crues d’hiver

seront plus importantes. A ceci peut s’ajouter une baisse moyenne de pluviométrie, qui accentue l’effet

sur les débits d’étiage.

Figure 1. Débits moyens du Nahr Ibrahim au Liban pour un scénario de référence (Case 1) et un scénario d'augmentation de 2°C de la température moyenne (Case 2). (Hreiche et al. 2007)

Les pays concernés sont : le Liban, l’Italie, l’Albanie, le Maroc, la Turquie et la France. Ainsi au Liban

50 % des débits annuels des fleuves côtiers proviennent de la fonte des neiges (Hreiche et al. 2007).

L’impact de ce décalage dans le temps des débits diffèrera selon les infrastructures déjà existantes.

En effet certains pays sont déjà pleinement équipés en ouvrages de stockage (comme la France).

Si les changements de débits ne sont pas significatifs en année moyenne (la neige est seulement

remplacée par de la pluie), des stratégies de redimensionnement d’ouvrages pourraient être

développées.

Accentuation de la variabilité saisonnière

Les étiages sévères et les crues s’accentuent. Des tensions ponctuelles apparaissent ou sont

amplifiées et la fréquence des événements extrêmes augmente. Ceci est valable pour quasiment tous

les pays, et constitue l’impact principal pour des pays du Nord comme la France et le Nord de l’Espagne.

Impacts sur la qualité de l’eau induisant une baisse des ressources utilisables

Les impacts se présentent sous forme d’intrusions salines dans les aquifères côtiers, de hausse des

taux de pollution dans les cours d’eau du fait d’une moindre dilution (Mimikou & Kouvopoulos 2000).

14

Cas des pays qui dépendent des ressources externes

Certains pays dépendent de ressources externes et les impacts du changement climatique

dépendront donc des conditions climatiques en amont de leurs cours d’eau. Par exemple on prévoit

une diminution prononcée des précipitations en Serbie, Bulgarie et Roumanie, dont dépendent 14%

des ressources en eau de la Grèce (données du Plan Bleu).

En Egypte les incertitudes sont très fortes du fait de la complexité du fonctionnement du Nil

(Strzepek et al. 1996). Les résultats diffèrent considérablement selon les modèles et les scénarios

utilisés.

E. Les impacts du changement climatique sur le secteur agricole

Le secteur agricole présente une forte vulnérabilité aux changements climatiques. A l’échelle de

l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen, l’irrigation représente 65 % des prélèvements d’eau

(45% dans les pays du Nord, 83% dans les pays du Sud). La consommation d’eau par les cultures

(évapotranspiration) dépend largement du climat (pluviométrie, températures). Le changement

climatique est donc susceptible d’accroître les tensions sur l’eau si la « demande » en eau des cultures

augmente, du fait d’une baisse de la pluviométrie, d’une augmentation de la température et d’une

augmentation concomitante des prélèvements en eau pour l’irrigation. D’un autre côté si l’eau allouée

à l’agriculture est limitée, le changement climatique se traduira par des baisses de rendement ou une

adaptation des systèmes de production de la région.

1. Impacts sur la production

On peut distinguer les impacts progressifs et durables du changement climatique sur l’agriculture

(dus aux évolutions moyennes des températures et des précipitations), et les impacts ponctuels, dus à

la survenue d’événements climatiques extrêmes (sécheresses et inondations de plus en plus fréquentes

et intenses).

Les impacts progressifs dus à l’évolution moyenne des variables climatiques :

Impacts sur les rendements :

Des études effectuées dans plusieurs pays prévoient des baisses de rendement dues à la hausse des températures et à la baisse des précipitations (Tableau 5).

15

Pays Horizon Culture Baisse de rendement (%)

Source

Algérie 2020 Céréaliculture pluviale 0 à -14% (République Algérienne Démocratique et Populaire, Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement 2001)

Grèce 2071-2100 Maïs -35 à -60% (Hellenic Republic - Ministry for the environment, physical planning and public works 2006)

Italie 2020-2080 N/A -2 à -22% (Ministry of the Environment, Land and Sea 2007)

Maroc 2020 Céréales -10 à -50% (Bennani et al. 2001)

Turquie 2050 Blé, orge, maïs, coton, tournesol -2 à -13% (Republic of Turkey, Ministry of Environment en Forestry 2007)

Tableau 5: Quantification des baisses moyennes de rendement dans des scénarios de changement climatique

Impacts sur les cycles culturaux :

Une augmentation des températures moyennes a pour effet un raccourcissement des stades de

développement et par conséquent des cycles culturaux. L’augmentation des températures due au

changement climatique dans l’espace méditerranéen pourrait permettre de doubler les cultures, avec,

alors des impacts positifs en termes de productivité. Aujourd’hui, l’organisation du travail et les

itinéraires techniques d’une éventuelle deuxième récolte peuvent être contraints par la pluviométrie.

Par exemple, dans le cas du maïs, une deuxième récolte serait concomitante à l’arrivée des pluies

d’automne, limitant la possibilité d’un séchage naturel des grains et éventuellement l’accès aux champs

(Meza et al. 2008). Dans un contexte d’élévation des températures et de baisse de la pluviométrie, le

doublement des cultures peut devenir possible. Il existe cependant aussi des limites à la double récolte

si les ressources en eau deviennent limitantes, puisque les besoins en eau d’irrigation augmenteraient

du fait d’une baisse de la pluviométrie.

les impacts des événements extrêmes :

En ce qui concerne les sécheresses et les inondations, si leur récurrence dans le futur augmente,

mais reste modérée, cela pourrait vraisemblablement se traduire par des impacts négatifs sur les

rendements, si elles ne constituent pas des évènements structurant les choix d’assolement et si elles

surgissent après les semis, associées à des pertes de revenus ou à des mécanismes de compensation

financière (assurances, fonds de garantie des calamités agricoles, etc.). Si leur récurrence augmente

sensiblement, elles pourraient conduire à des mesures d’adaptation avec des changements

d’assolement et d’occupation du sol, dont l’effet, in fine, sur l’agriculture et les ressources en eau reste

incertain (pluralité de scénarios plausibles).

16

2. Impacts sur l’utilisation de l’eau

L’eau évapotranspirée par les cultures irriguées peut être décomposée en « eau verte » et « eau

bleue ». L’eau verte est l’eau consommée par la plante disponible dans le sol, issue de la pluie. L’eau

bleue est l’eau consommée par la plante, issue des eaux de surface ou souterraines, mobilisée,

transportée et appliquée via des infrastructures hydrauliques.

Utilisation de l’eau par la végétation – eau verte

La baisse de la pluie affecte d’abord l’alimentation des nappes et le ruissèlement (sécheresse

hydrologique) avant d’affecter la végétation (sécheresse édaphique), ce qui intuitivement se comprend

bien. D’après des travaux de l’Inra (B. Hitier & N. Brisson), en France, 20 % de la sécheresse est

édaphique et 80 % est hydrologique (source : communication personnelle). Une baisse de la

pluviométrie en été se traduirait donc d’abord par une baisse des débits et de l’eau bleue disponible.

Demande en eau d’irrigation et disponibilité de l’eau bleue

Pour les cultures irriguées les besoins globaux en eau bleue augmenteraient du fait d’une baisse de

la pluviométrie (moins d’eau verte disponible) et de la hausse des températures (hausse de

l’évaporation et de la transpiration des plantes). Au Maroc, les études menées avec une perspective

sectorielle agricole ont fait l’hypothèse qu’il n’y avait pas de restriction dans les prélèvements sur les

ressources en eau disponibles, et donc implicitement qu’il n’y avait pas d’impact du changement

climatique sur les ressources en eau pour l’agriculture irriguée. Avec ces hypothèses, ce sont alors les

rendements des cultures pluviales qui sont affectés négativement par les changements de pluviométrie

(Réquier-Desjardin 2010). Cependant il est important de considérer que la demande en eau d’irrigation

pourrait augmenter, face à des ressources en eau qui auront tendance à diminuer. L’impact sur les

cultures irriguées est donc double : évolution des besoins en eau des cultures, et évolution des

ressources en eau disponibles.

II. Mise en place d’une méthodologie de quantification des évolutions de la demande en eau agricole dans les grands bassins versants méditerranéens

Dans le cadre d’un partenariat entre le Plan Bleu et le laboratoire Hydrosciences Montpellier, un

travail de modélisation de l’impact du changement climatique sur les ressources en eau dans les grands

bassins versants méditerranéens est en cours. L’enjeu est de coupler cette modélisation sur le cycle de

l’eau à des scénarios d’évolution de la « demande » en eau (niveaux de prélèvements futurs par

différents usages), afin d’évaluer les tensions susceptibles de se produire selon différents scénarios de

changement climatique, et de construire des indicateurs d’impact du changement climatique.

La présente étude vise à mettre en place une méthode pour quantifier les impacts du changement

climatique sur les niveaux de prélèvement d’eau agricole dans les grands bassins versants

méditerranéens.

A. Zone d’étude et données sur l’état actuel du système

1. Données sur la demande en eau agricole : définitions, cadrage

La « demande » en eau est définie par le Plan Bleu comme l’ensemble des prélèvements et de la

production d’eau non conventionnelle (réutilisation des eaux usées, dessalement). Il s’agit donc de

données relativement objectives, même si elles sont soumises aux limites des outils de mesure et

17

d’estimation, à la différence de la définition de la « demande » donnée en économie. Dans la suite du

rapport, nous retiendrons la définition du Plan Bleu.

Cette « demande » correspond donc à la quantité d’eau mobilisée et distribuée aux différents

usages. Elle inclut les pertes, et ne prend pas en compte les retours au milieu. La « demande » est donc

supérieure à l’eau effectivement consommée (évaporée ou transformée en biomasse). En ce qui

concerne les usages industriels et domestiques, une faible part de l’eau est consommée (mis à part

pour le refroidissement des centrales thermiques). En ce qui concerne l’eau agricole, la consommation

nette est significative. L’eau appliquée aux cultures par des systèmes d’irrigation et/ou issue de la pluie

est en effet évaporée par les sols et transpirée par les cultures (production de biomasse), le reste

retournant au milieu.

Les différentes composantes de la demande en eau agricole sont présentées dans le Schéma 4. Les

différentes composantes de la demande en eau agricole.

Schéma 4. Les différentes composantes de la demande en eau agricole

Plusieurs facteurs influent directement sur la demande en eau d’irrigation :

-l’efficience des réseaux de distribution,

-l’efficience des systèmes d’irrigation (de l’application d’eau à la parcelle),

-la consommation d’eau par les cultures (évapotranspiration).

Ces variables sont elles-mêmes fonction de nombreux facteurs différents tels que les politiques

agricoles, les prix des marchés, la gestion des services d’irrigation, etc.

Les « ressources en eau non conventionnelles » constituent soit des ressources en eau

additionnelles, soit des ressources alternatives aux prélèvements dans les « ressources en eau

naturelles ».

Dans le cadre de cette étude, l’enjeu est d’analyser l’impact du changement climatique sur l’eau

bleue (voir la définition dans le paragraphe 0) et les tensions sur les ressources associées aux

prélèvements d’eau bleue (pour l’irrigation).

On s’intéresse donc uniquement à l’agriculture irriguée. L’agriculture pluviale n’est pas considérée,

car elle n’est pas à l’origine de prélèvements directs sur les ressources en eau souterraines ou de

surface. Il est cependant important de noter que la distinction entre eau bleue et eau verte est une

convention. Elles sont en effet physiquement liées, puisque l’eau de pluie ruissèlerait ou s’infiltrerait si

18

elle n’était pas absorbée par les plantes cultivées devenant alors de l’eau bleue, comme on l’a vu dans

le paragraphe 0.

Le Plan Bleu dispose de données de prélèvements, de production d’eau non conventionnelle, et de

surfaces irriguées par pays, qui ont été mises à jour à l’occasion de ce travail (voir Tableau 6) à partir de

données issues de plusieurs bases de données : FAO Stat, Aquastat, la Banque Mondiale, Eurostat et

Medstat, les instituts de statistique nationaux et les réseaux de partenaires du Plan Bleu. Les eaux usées

réutilisées sont destinées à un usage agricole, tandis que l’eau dessalée est considérée comme étant

destinée aux usages domestiques.

Ces données permettent de calculer la demande agricole totale (ensemble des prélèvements et de la

production d’eau non conventionnelle) et la demande unitaire moyenne par hectare irrigué pour

chaque pays :

Demande totale = demande unitaire * surface irriguée.

Prélèvements pour

l'agriculture Demande unitaire Efficience Eaux usées

réutilisées Demande agricole totale

km3/an m3/ha % km3/an km3/an

Albanie 1.06 3 000 48% 1.06

Algérie 4.63 7 000 36% 4.63

Bosnie-H 0.0117 2 100 63% 0.0117

Chypre 0.160 4 500 72% 0.006 0.17

Croatie 0.0043 1 200 54% 0.004

Egypte 54.7 17 000 38% 2.97 57.66

Espagne 22.8 6 500 62% 22.81

France 4.90 3 000 70% 4.90

Grèce 8.65 6 600 56% 8.65

Israël 1.14 6 300 75% 0.262 1.40

Italie 19.6 7 000 39% 19.63

Liban 0.916 6 000 46% 0.002 0.92

Libye 4.14 8 000 63% 0.04 4.18

Malte 0.0028 1 100 78% 0.002 0.005

Maroc 8.93 7 000 48% 8.93

Palestine 0.192 8 000 56% 0.01 0.20

Slovénie 0.0053 2 000 54% 0.01

Syrie 15.86 10 000 55% 15.86

Tunisie 1.87 6 000 58% 0.021 1.89

Turquie 34.4 7 000 45% 1 35.36

Tableau 6. Prélèvements, demande en eau agricole et efficience dans 20 pays méditerranéens

2. Une première étape pour un exercice prospectif sur le système eau-

agriculture influencé par le changement climatique

Le dernier exercice de prospective mené par le Plan Bleu dans le domaine de l’eau a été publié en

2005 (Benoit & Comeau 2005).

Il a produit deux types de scénarios à l’échelle nationale pour l’ensemble des pays méditerranéens, à

l’horizon 2025 : un scénario tendanciel et un scénario dit « alternatif ». En ce qui concerne la demande

en eau agricole, les deux scénarios se fondaient sur une variable clé : la demande en eau d’irrigation

(eau bleue), et plusieurs variables explicatives : surfaces irriguées, coefficients d’intensité culturale,

efficience hydraulique. Le scénario alternatif s’est exclusivement fondé sur des hypothèses

19

d’amélioration de l’efficience, essentiellement dans le secteur agricole (réduction des pertes dans les

réseaux (efficience hydraulique) et à la parcelle (efficience physique)), mais aussi industriel (recyclage

de l’eau) et domestique (réduction des pertes dans les réseaux et des fuites chez l’usager). Le potentiel

d’économies d’eau a été évalué à 54 km3 en 2025 (soit 24 % de la demande totale à l’horizon 2025),

dont 34 km3 dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. L’approche était de type exploratoire

(« forecasting ») (Fernandez 2010).

La démarche exploratoire, par opposition à une démarche de type « backcasting », part du présent

pour construire les scénarios futurs et vise à la production de scénarios contrastés.

La construction des scénarios selon cette approche se fait en plusieurs étapes :

Etat du système actuel : détermination des variables clés et des variables explicatives

(analyse structurelle), ainsi que des enjeux politiques (analyse stratégique).

Constitution d’un jeu d’hypothèses concernant les variables explicatives des variables clé et

les stratégies, fondé sur l’analyse du système actuel.

Constitution de plusieurs scénarios en faisant varier les hypothèses sur les variables

explicatives, tout en maintenant la cohérence interne du scénario :

- Le scénario tendanciel correspond à une prolongation des tendances actuelles (passées)

en ce qui concerne les variables clé et les stratégies retenues,

- Des scénarios alternatifs. Certains peuvent assumer la prédominance de tendances

lourdes, tout en faisant varier certaines des variables explicatives à l’extrême. Ils

peuvent se caractériser par la disparition de l’ensemble des tendances lourdes, ou par

l’apparition de nouvelles variables clé. Pour définir ces scénarios il faut aussi définir les

enjeux politiques qui peuvent être associés à des variations drastiques des variables.

Chaque scénario constitue un récit d’un futur possible, et l’enjeu est de maintenir une cohérence

interne à chacun de ces récits.

Le climat influence la demande unitaire en eau agricole au travers des besoins en eau des cultures

(évapotranspiration). Il faut donc pouvoir distinguer les différentes cultures irriguées concernées afin

d’étudier l’impact du changement climatique sur la demande en eau agricole, et ne pas se limiter à la

seule évolution des surfaces irriguées.

Dans un premier temps, il a été décidé de construire un premier scénario « tendanciel », dans la

mesure où, comme le précédent publié en 2005, il s’appuie sur les évolutions de surfaces irriguées

telles qu’elles sont prévues dans les documents de planification fournis au Plan Bleu par les pays à

l’horizon 2025, que l’on prolonge jusqu’en 2050, en supposant que le rythme d’évolution reste le

même.

Les évolutions des types de cultures irriguées sont influencées par des facteurs multiples et

complexes (politiques agricoles, prix sur les marchés mondiaux, etc.), auxquels viendra certainement

s’ajouter une adaptation, spontanée ou planifiée, au changement climatique. Un exercice prospectif sur

les relations entre eau et agriculture dans un contexte de changement climatique demanderait aussi

d’étudier la question de l’adaptation de l’agriculture à ces changements.

Cependant en première approche, la part des différentes cultures irriguées est supposée constante.

Il s’agit bien d’un scénario, qui n’est pas plus plausible qu’un autre mais dont l’objectif est de

susciter la discussion et permettre d’envisager des scénarios alternatifs à construire en concertation

avec les pays concernés.

20

On cherche ici à quantifier les impacts du climat et de l’assolement sur la demande en eau agricole,

par la modélisation des besoins en eau des cultures. Le rapport actuel entre demande et besoins

dépend en partie de l’efficience des systèmes d’irrigation, pour laquelle on dispose de données par

pays. On suppose qu’à l’horizon 2025 l’ensemble des pays méditerranéens aura atteint l’objectif de la

Stratégie Méditerranéenne de Développement Durable, qui est de 72% d’efficience pour l’agriculture

(réduire les pertes de transport à 10% et porter l’efficience de l’application à la parcelle à 80%). Certains

pays ont fixé des objectifs plus élevés, que l’on suppose également atteints en 2025.

On calculera donc la demande unitaire future selon l’équation :

avec :

la demande unitaire à l’horizon futur

la demande unitaire actuelle

le pourcentage d’évolution des besoins en eau d’irrigation par hectare

l’efficience actuelle

l’efficience à l’horizon futur.

Afin d’obtenir ensuite la demande en eau agricole totale, on multipliera cette demande unitaire par

les surfaces irriguées en 2025 et 2050.

Ce scénario tendanciel sera fonction des scénarios climatiques envisagés. On quantifiera l’impact des

changements climatiques sur la demande en eau agronomique des cultures irriguées sous les scénarios

d’émission A2, A1B et B1 et d’après les simulations de quatre modèles climatiques globaux (le choix des

scénarios d’émission et des modèles climatiques globaux est détaillé dans le paragraphe III.B.1).

Cette étude permettra de mettre en perspective les quantités d’eau bleues impliquées avec les

potentiels d’économie d’eau liés à une amélioration de l’efficience hydraulique agricole.

Un tel scénario peut aussi jouer un rôle stratégique d’alerte si la tendance conduisait à une aggravation

considérable des tensions sur l’eau, ou au contraire initier un débat sur l’importance du changement

climatique sur la pression exercée par l’agriculture sur les ressources en eau par rapport à d’autres

enjeux.

Dans tous les cas, ce scénario ne fera partie d’un travail prospectif que :

- sil est mis en débat avec les acteurs en charge des politiques de l’eau et agricoles dans les pays

méditerranéens,

- et s’il est associé à d’autres scénarios, contrastés, pour discuter des enjeux de l’adaptation au

changement.

3. La zone d’étude : les grands bassins versants méditerranéens

La zone d’étude est l’ensemble des bassins versants méditerranéens. Plusieurs grands bassins sont

distingués par pays. Le Nil a été exclu de cette étude puisque les modélisation hydrologiques de ce

bassin sont complexes et présentent des incertitudes considérables. De plus la majorité des facteurs

influençant les débits se situent en dehors de l’espace méditerranéen.

21

a) Les surfaces irriguées par bassin versant

Les données de surfaces irriguées ont été spatialisées pour qu’elles soient disponibles à l’échelle des

grands bassins versants méditerranéens. La base de données MIRCA 2000 (Portmann et al. 2008),

développée par l’Institut de Géographie Physique à l’Université de Frankfort (Allemagne), contient des

informations spatialisées sur une grille de 0.5°x0.5° concernant 52 cultures (26 cultures irriguées, et ces

mêmes 26 cultures en pluvial) : pour chaque culture, la base de données fournit la surface cultivée par

mois.

A partir de cette base de données la surface irriguée par maille de 0.5° x O.5° a été calculée. On a ainsi

obtenu une cartographie des surfaces irriguées dans les grands bassins versants de la zone d’étude

(Carte 3).

Carte 3. Surfaces irriguées (ha par maille de 0.5°x0.5°) dans la zone d’étude (les bassins versants méditerranéens, hors Nil) SOURCES : Portmann et al.2008 ; cartographie : HSM.

b) La demande par bassin versant

La demande en eau est disponible au niveau national. Pour certains pays cependant, les données

sont disponibles à des échelles plus fines. L’enjeu étant régional, il s’agit d’avoir une méthodologie

commune à tous les pays pour une première estimation de la demande en eau à l’échelle des grands

bassins versants méditerranéens.

Pour ce faire, on suppose que le rapport entre, d’un côté, la surface irriguée de chaque bassin

versant et la surface irriguée du pays et, de l’autre, entre la demande en eau agricole de chaque bassin

versant et la demande en eau agricole du pays, est le même. Ceci revient à faire l’hypothèse que la

demande unitaire est égale en tout point du pays. Une telle hypothèse peut masquer une grande

variabilité entre les bassins versants. Il faudra la prendre en compte lorsque ces résultats seront mis en

perspective avec ceux de la modélisation.

Le rapport entre les surfaces irriguées de chaque bassin versant et celles du pays est calculé à partir

des données de MIRCA 2000. Il est ensuite utilisé pour calculer la demande en eau agricole pour chaque

bassin versant à partir de la demande en eau agricole du pays. Les résultats sont présentés dans le

Tableau 7 ci-dessous.

22

Pays Bassin versant Demande en eau agricole (millions de m3)

Albanie Albanie 1 032

Algérie

Ager - Soummam 445.6

Cheliff 731.4

Constantine - Annaba - Mellegue 465.3

Oranie 626.6

Bosnie Bosnie 4.612

Chypre Chypre 174.9

Croatie Croatie 0.752

Espagne

Baléares 40.0

Cuercas externas de cataluna 312

Ebro 4 635

Jucar 1 876

Segura 1 413

Sur 448.7

France

Corse 4.081

Bassins côtiers Languedoc Roussillon 98.19

Rhône 460.1

Bassins côtiers provençaux et Var 4.187

Territoires Palestiniens Gaza 20.86

Grèce

Aegeam Islands 51.27

Attica 38.90

Central Macedonia 1 102

E. Macedonia 542.4

E. Peloponese 585.9

Epirous 494.4

W. Sterea Hellas, Euboia 497.0

Kreta 545.2

N. Peloponese 149.0

Thessalia 1 814

Thrace 558.8

W.Macedoine 616.7

W. Peloponese 348.6

W. Sterea Hellas 375.2

Israël Israël 892.7

Italie

Abruzzo, Molise 258.3

Calabria, Basilicata 415.6

Campania 1 111

Lazio 973.5

Liguria 13.72

Po 8 804

Puglia 1 078

Romagna Marche 1 330

Sardegna 646.2

Sicilia 289.2

Toscana 513.6

Veneto 2 674

Liban

Liban 603.3

Central Zone 265.0

E. Zone 335.2

W. Zone 6 297

Malte Malte 2.8

Maroc

Bassins côtiers méditerranéens 41.0

Moulouya 674.7

Montenegro Montenegro N/A

23

Pays Bassin versant Demande en eau agricole (millions de m3)

Slovenie Slovenie 0.010

Syrie Bassins côtiers 1 053

Terr. Palest. Palestine 327.4

Tunisie

Tunisie Centrale 677.4

Tunisie du Nord 830.4

Tunisie du Sud 56.96

Turquie

Antalya 1 116

Asi/Orontes 795.7

Burdur Lake 462.7

B. Menderes 1 247

Ceyhan 2 002

E. Mediterranean 1 000

Gediz 758.8

Meriþ/Maritza 1 178

N. Egeam 392.5

S. Menderes 575.8

Seyhan 1 226

W. Mediterranean 443.8

Tableau 7.Demande en eau agricole par bassin versant

B. Modélisation des besoins théoriques des cultures irriguées avec l’outil Cropwat

1. Rappels sur les bilans hydriques

Le bilan hydrique est un outil qui permet en général de gérer le stock d’eau dans le sol et connaître

les quantités d’eau bleue à apporter aux cultures, et à quel moment. Le bilan hydrique part du principe

que la variation de stock d’eau dans le sol est égale aux entrées d’eau moins les sorties. Les quantités

d’eau qui sortent du réservoir « sol » correspondent à la percolation vers les eaux souterraines et

à l’évapotranspiration par le couvert végétal (Schéma 5).

Schéma 5. Bilans hydriques, eau verte, eau bleue et évapotranspiration

24

La présente étude s’intéresse à la consommation d’eau par le couvert végétal soit à

l’évapotranspiration, c'est-à-dire l’eau évaporée par le sol et transpirée par les plantes.

Pour calculer le terme d’évapotranspiration du couvert végétal on passe par des variables

intermédiaires. On définit ainsi trois types d’évapotranspiration :

L’évapotranspiration potentielle ou ETP. C’est la quantité d’eau totale évaporée et transpirée

par un couvert végétal de référence (gazon) couvrant suffisamment le sol, en croissance active.

L’eau n’est pas limitante, et l’évapotranspiration dépend uniquement de l’énergie disponible au

niveau du couvert.

L’évapotranspiration maximale ou ETM. C’est la quantité d’eau maximale évapotranspirée par

un couvert végétal donné en pleine croissance. L’eau n’est pas limitante, l’évapotranspiration

dépend donc de l’énergie disponible et de la nature du couvert.

L’évapotranspiration réelle ou ETR. C’est la quantité d’eau effectivement évapotranspirée par

un couvert végétal donné dans les conditions réelles climatiques et d’apports en eau (elle prend

alors en compte les pratiques d’irrigation et/ou les rendements réels).

Le calcul de l’ETM se fait à partir de l’ETP et d’un coefficient cultural Kc. Ce coefficient est spécifique à la

culture considérée et à son stade de développement, ainsi qu’à l’environnement physique et climatique

de la culture : il dépend de la hauteur du couvert, de l’indice foliaire (LAI)2 et de la résistance minimale

des stomates. Il est aussi ajusté selon les conditions climatiques et physiques (couvert végétal sous les

arbres par exemple, vitesse du vent, humidité).

L’ETM est donc calculé selon la formule suivante :

ETM=ETP x Kc

L’évapotranspiration maximale correspond donc aux besoins agronomiques en eau de la culture

dans des conditions climatiques données, dans des conditions de production et de rendement

optimaux (sans facteur limitant : maladies, disponibilité en eau, etc.).

A partir de l’évaluation des besoins maximaux théoriques, il s’agit de savoir s’ils peuvent être

satisfaits par la pluie. Il faut alors d’estimer la pluie efficace, c’est-à-dire la fraction de la pluie qui sera

disponible dans la partie du sol accessible à la plante, qui ne ruisselle pas ou ne percole pas en

profondeur. Si la pluie efficace est inférieure à l’évapotranspiration maximale, la différence correspond

aux besoins en eau d’irrigation maximum ou « irrigation water requirement ».

2. Choix et utilisation de l’outil de modélisation (Cropwat)

Afin de calculer les besoins en eau d’irrigation de chaque culture irriguée, un outil de modélisation

est nécessaire. Cropwat est un logiciel de bilans hydriques produit par la FAO, qui présente l’avantage

d’être conçu de façon générique. Il est utilisable dans des contextes de production très variés et permet

d’estimer des paramètres dans des situations rencontrées à l’échelle mondiale. Il s’agit d’un modèle qui

présente aussi une grande flexibilité d’utilisation selon la qualité et la précision des données disponibles

et l’échelle d’analyse. Il peut permettre de calculer l’ETM ou d’estimer l’ETR, et permet d’établir des

2 Leaf Area Index. L’indice foliaire mesure la surface de feuille par unité de surface au sol. Il permet

d’évaluer l’interception de l’énergie lumineuse et donc l’effet du couvert sur l’évaporation au sol.

25

calendriers d’irrigation, qui prennent en compte les capacités de rétention des sols, la disponibilité de la

ressource (tours d’eau, allocations), et éventuellement des pratiques d’irrigation déficitaire.

Dans le cadre de la présente étude, compte-tenu de l’échelle d’analyse et des données disponibles,

le logiciel Cropwat a été utilisé pour calculer l’ETM des cultures irriguées : hypothèses de conditions

optimales de production, sans contrainte de disponibilité en eau bleue, et seulement soumises aux

contraintes climatiques. En effet, pour une première estimation de l’influence du climat sur

l’évapotranspiration des cultures, exprimé en pourcentage de variation, un détour par l’ETR serait, à ce

stade, peu efficace, dans la mesure où l’on n’envisage pas, pour l’instant, d’adaptation des pratiques à

des changements du climat et où l’on cherche, dans un premier temps à évaluer distinguer strictement

l’effet du climat.

Aucun ajustement n’a été opéré pour chercher à s’approcher des rendements réels car les données

de rendement moyen pour les cultures considérées ne sont pas disponibles à l’échelle de tous les

bassins. De plus, lorsque ces données sont disponibles, la différence entre elles et le rendement

« optimal » théorique peut s’expliquer par toute une série de facteurs limitants autres que l’eau.

Après avoir évalué la variation de l’ETM sous l’influence du climat, il s’agit de revenir aux pressions

que cette variation est susceptible d’exercer sur les ressources en eau, c’est-à-dire de revenir aux

prélèvements dans les ressources en eau naturelles et à la production de ressources en eau non

conventionnelles (à la « demande » telle que définie par le Plan Bleu).

Pour ce faire, on reporte la variation de l’ETM calculée à partir de Cropwat sur la demande en eau

agricole estimée à l’échelle de chacun des bassins versants.

Une telle opération permet de ne pas avoir à faire d’hypothèses trop lourdes sur les facteurs

expliquant la différence entre l’ETM et l’eau mobilisée à partir de ressources naturelles ou non

conventionnelles dans le présent et les scénarios futurs. Ces facteurs sont en effet multiples :

- efficience hydraulique et hydrologique

- qualité des données de prélèvements,

- besoins en lessivage pour éviter la salinisation des sols,

- pratiques d’irrigation déficitaire,

- le rôle de réservoir du sol, qui peut stocker de l’eau de pluie excédentaire et la restituer à la

plante ultérieurement,

- etc.

A partir de données climatiques mensuelles et de la caractérisation des cultures (Kc, stades de

développement, etc.), Cropwat calcule les besoins en eau d’irrigation avec un pas de temps décadaire. Il

redistribue de façon aléatoire les précipitations sur les décades, et ajuste le coefficient Kc en fonction

des variables climatiques.

3. Les cultures considérées

Les cultures considérées sont issues de la base de données MIRCA 2000. La surface totale de chaque

culture irriguée a été calculée par bassin versant, puis les cultures qui représentaient la plus grande

surface irriguée ont été sélectionnées, jusqu’à atteindre au minimum un cumul de 95% des surfaces

irriguées totales.

26

Pour les cultures figurant déjà dans la base de données de Cropwat, on a vérifié que le cycle

correspondait à la durée donnée par le calendrier de cultures. Le rapport de la FAO « Irrigation and

Drainage n° 56 » (Allen et al. 1998), met à disposition des tableaux qui répertorient, pour différents

types de cultures :

-le nombre de jours par stade de développement (stade initial, de croissance, mi-saison, arrière-

saison),

- des valeurs de coefficient cultural Kc par stade de développement,

- la hauteur moyenne des cultures et leur profondeur d’enracinement,

- le mois de semis.

Dans certains cas, des spécificités régionales sont données (par exemple, longueur des stades de

développement pour un climat méditerranéen, continental ou aride). On a donc créé un fichier par

culture exploitable par Cropwat. La capture d’écran en Figure 2 montre l’exemple du fichier créé pour le

maïs en conditions climatique méditerranéennes et le tableau en Annexe 3 récapitule les paramètres

retenus pour chaque culture.

Figure 2. Les données d'entrée du modèle Cropwat par rapport à la culture considérée (ici, le maïs)

A chaque utilisation, on ajuste la date de semis en fonction du calendrier de cultures donné par la

base MIRCA 2000. Les valeurs d’épuisement maximum, des coefficients de réponse du rendement et la

profondeur d’enracinement n’interviennent pas dans le calcul de l’ETM.

4. Données climatiques et calcul de l’ETP

Le calcul de l’évapotranspiration potentielle (ETP) et des besoins en eau d’irrigation nécessitent des

données climatiques pour chaque bassin versant.

La FAO fournit également une base de données climatiques, CLIMWAT, qui répertorie les données

nécessaires au calcul de l’ETP, par station et en moyennes mensuelles: températures minimales et

maximales, humidité, vitesse du vent, et insolation.

Afin d’avoir une valeur moyenne par bassin versant et de connaître exactement les années des

données pour correspondre à la période de référence des scénarios climatiques, on utilise les données

climatiques de l’Unité de Recherche Climatologique (CRU) de l’Université d’East Anglia (Norwich,

Angleterre). Celles-ci sont données sous forme de grilles de température et de précipitations, au pas de

temps mensuel et à une résolution de 0.5° x 0.5°. Ces données proviennent d’enregistrements de

stations du National Climatic Data Centre, du Global Historical Climatology Network (GHCN) et du UK

Meteorological Office ; les stations qui ont enregistré moins de 20 années de mesures sont exclues, et

27

les données de trop faible qualité sont remplacées par des valeurs moyennes issues de séries. Les

données sont ensuite extrapolées au demi-degré carré.

La période de référence pour le climat actuel est 1971-1990. Pour chaque bassin versant les données

des cellules concernées ont été extraites. On calcule ensuite la moyenne de chaque valeur sur tout le

bassin versant, puis une moyenne mensuelle interannuelle des températures et des précipitations est

faite pour la période de référence. Le tableau en Annexe 3 récapitule les températures moyennes et les

précipitations pour chaque bassin versant sur la période de référence.

Pour calculer l’ETP, plusieurs formules existent. La FAO recommande l’utilisation de la méthode de

Penman-Monteith (Allen et al. 1998), qui a donné des résultats satisfaisants pour des types de climats

variés.

Dans cette formule les variables sont des données journalières :

ETP est exprimée en mm/jour ;

Rn est le rayonnement net en surface, en MJ.m-2.j-1 ;

G est le flux de chaleur dans le sol, en MJ.m-2.j-1. Il peut être négligé au pas de temps journalier ;

T est la température moyenne de l’air à deux mètres du sol, en °C ;

U2 est la vitesse du vent à deux mètre du sol, en m.s-1 ;

es est la pression de vapeur d’eau à saturation, en kPa. Cette variable peut être calculée à partir

de la température par la relation de Clausius-Clapeyron ;

ea est la pression de vapeur d’eau à deux mètres du sol, en kPa ;

∆ est la pente de la relation de Clausius-Clapeyron. Elle peut être calculée à partir de la

température (Allen et al. 1998);

γ est la constante psychrométrique, en kPa.°C-1. Elle peut être estimée en fonction de la

pression atmosphérique.

Cette formule nécessite la collecte de nombreuses données climatiques, qui ne sont pas toutes

disponibles à l’échelle des bassins versants : la température moyenne, l’humidité, la vitesse du vent,

l’ensoleillement.

Dans la modélisation hydrologique menée par le laboratoire Hydrosciences Montpellier, l’ETP est

calculée par la méthode d’Oudin. Cette méthode nécessite moins de données climatiques que la

formule de Penman-Monteith et donne des résultats satisfaisants pour la modélisation hydrologique

(Ludovic Oudin 2004). A partir de la latitude, la radiation globale par jour est calculée, dans un fichier

Excel mis à disposition par le Cemagref.

La formule pour le calcul de l’ETP est la suivante :

Équation 1. Calcul de l'ETP selon la méthode de Penman-Monteith

28

)

Equation 2. Calcul de l’ETP selon la méthode Oudin

Comme pour la méthode de Penman-Monteith, les données sont journalières avec :

l’évapotranspiration potentielle au jour et à la latitude , en mm/jour

la radiation globale au jour et à la latitude

la température moyenne du jour et à la latitude , en °C.

La méthode de calcul de l’ETP selon Oudin nécessite donc uniquement comme données d’entrée la

température moyenne mensuelle et la latitude.

Dans un souci de cohérence avec les résultats de la modélisation hydrologique, c’est la méthode

Oudin qui est retenue pour cette étude.

A partir des données climatiques on calcule donc l’ETP journalière (mm/jour) par cellule de la grille

du CRU puis, pour chaque bassin versant on effectue la moyenne sur les cellules concernées. Ces

valeurs d’ETP sont ensuite rentrées dans des fichiers compatibles avec le logiciel Cropwat ; on crée un

fichier des moyennes mensuelles d’ETP journalière (voir la capture d’écran en Figure 3).

Figure 3. Entrée de l'ETP et des précipitations dans le logiciel Cropwat, bassin du Cheliff, Algérie

Les données de précipitations doivent également être rentrées dans un fichier particulier (Figure 3).

Pour calculer la pluie efficace (effectivement disponible pour la végétation), plusieurs méthodes sont

proposées. La quantité d’eau infiltrée dans le sol dépend de nombreux paramètres tels que le type de

sol, la pente, l’intensité de la pluie, etc. La méthode du pourcentage fixé est conseillée en l’absence de

disponibilité de données pour caler les autres méthodes. Pour des pluies inférieures à 100 mm/mois, la

FAO conseille de fixer les précipitations efficaces à 80% des précipitations mensuelles. On a conservé

cette valeur dans l’exercice de modélisation régionale.

29

C. Résultats de la modélisation régionale

On calcule d’abord par grand bassin versant l’ETM des cultures irriguées dans les conditions

climatiques actuelles (Carte 4).

Carte 4. Besoins théoriques en eau des cultures irriguées, en m3/ha, par bassin versant. Part de ces besoins remplie par l'eau de pluie (« Rain water consumption ») et par l'irrigation (« Irrigation requirement »).

On peut d’abord observer les variations de besoins totaux des cultures par hectare dans les

différents bassins versants. Ces besoins totaux sont fonction du climat et de l’assolement.

Sous un même climat et à la même période de l’année, selon les types de cultures, l’ETM varie. Par

exemple dans un même climat, sur le bassin du Jucar en Espagne, le maïs nécessite au total 186 mm

d’eau au mois de juillet ; pour le même mois, les pommes de terre en nécessitent 160 mm et la culture

d’oliviers, 112 mm. Les besoins en eau d’irrigation sont donc étroitement liés à l’assolement, et au

calendrier cultural.

De plus, une culture donnée n’aura pas, pour un objectif d’optimisation du rendement, la même évapotranspiration, selon le bassin considéré. La Carte 5 montre les besoins en eau totaux du blé pour les bassins versants où le blé irrigué représente une surface significative. On voit que ces besoins varient d’un bassin à un autre ; la différence est claire notamment du Nord au Sud de l’Italie.

30

Carte 5. Besoins en eau totaux du blé d'hiver dans plusieurs bassins versants méditerranéens

Le climat influe également sur la part d’eau d’irrigation dans l’ETM totale. Ainsi dans le bassin

versant du Rhône, l’irrigation apporte environ un tiers de l’eau nécessaire aux cultures, alors que dans

le bassin versant de la Moulouya au Maroc elle en apporte les trois quarts. Les besoins en eau

d’irrigation seront d’autant plus élevés que les indices d’aridité sont faibles.

Enfin, les types de cultures irriguées diffèrent d’un pays et d’un bassin à un autre, ce qui influence

aussi les niveaux de prélèvements sur les ressources en eau.

Les calculs ont été effectués au pas de temps mensuel. On a ainsi pu dégager une forte variabilité

intra-annuelle des besoins en eau. L’indice d’aridité de De Martonne a été calculé au pas de temps

mensuel pour chacun des bassins versants. En comparant ces résultats avec la variabilité des besoins au

sein d’une année, l’été apparaît comme la saison concentrant les tensions, puisque c’est en général la

saison où les besoins en eau sont les plus élevés, avec l’indice d’aridité le plus faible. Le Graphe 1

illustre la situation du bassin versant du Cheliff, en Algérie. L’indice d’aridité de De Martonne est calculé

selon la formule :

I = 12 * P / (T+10)

Où P est la pluviométrie mensuelle et T la température moyenne mensuelle.

Graphe 1. Besoins en eau totaux des cultures irriguées et indice d'aridité, au pas de temps mensuel. Bassin versant du Cheliff, Algérie.

31

Dans le bassin versant du Cheliff, les besoins en eau totaux des cultures irriguées sont les plus élevés

aux mois de juin, juillet et août. Pendant cette période, l’indice d’aridité est inférieur à 10, ce qui

correspond à un climat aride. La pression sur la ressource en eau est donc double : du fait des cultures

en place, et des températures estivales, les besoins en eau totaux sont élevés ; or pendant cette même

période, le climat est de type aride, avec une faible disponibilité en eau verte, entraînant un fort besoin

en eau bleue, qui est elle-même réduite à cette saison.

Les cartes suivantes représentent les indices d’aridité sur la zone d’étude en moyenne annuelle puis

en été (Carte 6). Elles illustrent la situation de nombreux bassins versants méditerranéens donc l’indice

d’aridité annuelle correspond à celui d’un climat tempéré, tandis que l’indice d’aridité en été tend vers

un climat semi-aride voir aride.

Carte 6. Indices d'aridité des bassins versants de la zone d'étude. Moyenne annuelle et pour les trois mois d'été.

32

Enfin, ces valeurs sont calculées à partir de moyennes climatiques sur une période de 20 ans. En

considérant la variabilité interannuelle caractéristique du climat méditerranéen, l’évapotranspiration et

donc la demande en eau agricole peut varier fortement d’une année sur l’autre. Sur le bassin versant de

la Moulouya, on a relevé l’été le plus chaud de la période de référence (1990) et l’été le plus froid

(1977). En 1990, les besoins en eau d’irrigation annuels s’élèvent à 11% de plus que la valeur moyenne.

En 1977, les besoins en eau d’irrigation cumulés sur les trois mois d’été sont inférieurs de 8% à la valeur

moyenne.

Ce travail de modélisation en climat actuel est un préalable à la modélisation sous changement

climatique. On rappelle qu’on a choisi de ne pas expliquer la différence entre l’ETM et la demande en

eau d’irrigation, et de conserver cette même différence aux horizons de modélisation, en ne changeant

que l’efficience des systèmes d’irrigation.

En effet, si on calcule, pour la période actuelle, le rapport entre l’ETM et les apports aux cultures

(prélèvements x efficience), il est difficile de définir les facteurs expliquant ces différences (Carte 7).

Déficit ou surplus des apports = 1 – (Besoins / (prélèvements * efficience).

Carte 7. Déficit ou surplus des apports en eau par rapport aux besoins théoriques maximums

La Carte 7 montre qu’on ne peut tirer de conclusion solide à partir de ce calcul. En effet, les

différences peuvent s’expliquer par les incertitudes liées à la modélisation et les hypothèses

simplificatrices prises lors du calcul des prélèvements par bassin versant. On a estimé que la demande

unitaire était égale en tous points de chaque pays, de même pour l’efficience. Ainsi en Italie, d’après

nos calculs, le bassin versant du Po au Nord Est du pays est largement excédentaire, alors que le bassin

versant des Pouilles, au Sud Est, est déficitaire. Ceci peut être dû à une différence de disponibilité de

l’eau, mais il est aussi possible que la demande unitaire dans les Pouilles soit plus élevée que la

demande unitaire dans le Po, ceci étant masqué par la valeur moyenne prise dans les calculs. Dans un

bassin représenté ici comme ayant un « surplus » d’apports, on ne peut pas nécessairement considérer

qu’une marge importante existe pour des économies d’eau ou un développement supplémentaire de

l’irrigation.

En revanche, il apparaît clairement que dans certaines zones, c’est une irrigation déficitaire qui est

pratiquée. Ainsi dans l’ensemble des bassins méditerranéens du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, les

apports calculés ne rempliraient pas les besoins en eau d’irrigation optimaux. Ceci révèle donc des

tensions dans le climat actuel. Ceci laisse aussi supposer, qu’en cas d’amélioration de l’efficience de

33

l’irrigation, l’eau économisée sera utilisée pour augmenter l’irrigation et ne sera pas nécessairement

disponible pour d’autres usages (débits réservés, eau potable, etc.).

La difficulté rencontrée pour expliquer les différences entre les apports aux cultures calculés à partir

de données de prélèvement et les besoins théoriques maximums en eau d’irrigation conforte le choix

méthodologique d’estimer les prélèvements futurs à partir des prélèvements présents, multipliés par

un taux de variation des besoins, plutôt que déduire les prélèvements futurs à partir de l’ETM future.

III. Etude de cas : le bassin versant du Rhône

Les choix méthodologiques ont été explicités dans le paragraphe II.

Les objectifs fixés à l’étude de cas étaient :

- De tester la sensibilité des résultats de la modélisation (section A.) :

o à la méthode choisie pour calculer l’ETP (Oudin ou Penman-Monteith)

o au type de données climatiques utilisées : données par station (Climwat) et données

moyennes sur un territoire (CRU)

- De conduire une première modélisation sous changement climatique, qui soit compatible avec

les délais du stage et qui constitue une première étape pour la même modélisation qui sera

reproduite sur l’ensemble des bassins méditerranéens, dans le cadre de la thèse conduite à

HydroSciences Montpellier (section B.).

A. Etude sur de la période de référence : tests de sensibilité

1. Sur la méthode de calcul de l’ETP

L’évapotranspiration potentielle a été calculée avec la méthode de Oudin sur le bassin versant du

Rhône, dans le cadre de l’exercice de modélisation régional.

Le logiciel Cropwat permet d’estimer certains paramètres climatiques à partir de la localisation

géographique, de l’altitude et des températures minimales et maximales ; en entrant uniquement les

températures minimales et maximales ainsi que les coordonnées géographiques, le logiciel peut

calculer l’ETP par la méthode Penman-Monteith avec la formule suivante :

où est la radiation estimée d’après les coordonnées géographiques.

Les valeurs d’ETP mensuelles moyennes calculées avec les deux formules sont données dans le

Tableau 8.

34

ETP (mm/jour)

Penman Oudin Janvier 0.5 0.3 Février 0.7 0.5 Mars 1.3 1.0 Avril 2.0 1.7 Mai 2.8 2.7 Juin 3.5 3.5 Juillet 4.0 3.9 Août 3.5 3.3 Septembre 2.5 2.3 Octobre 1.4 1.2 Novembre 0.7 0.5 Décembre 0.5 0.3

Tableau 8. ETP mensuelles moyennes calculées avec les méthodes de Penman-Monteith et de Oudin pour le bassin du Rhône

La méthode de Oudin donne des valeurs d’ETP plus faibles que la méthode de Penman, pour tous

les mois. Les résultats de la modélisation avec les deux méthodes de calcul d’ETP sur la période de

référence sont représentés sur le Graphe 2.

Graphe 2. Besoins en eau d'irrigation dans le bassin versant du Rhône, calculés à partir de l'ETP Oudin et Penman-Monteith provenant des données climatiques du CRU

Les résultats montrent que les besoins calculés avec l’ETP Oudin sont supérieurs à ceux calculés avec

l’ETP Penman sur le bassin versant du Rhône. Ceci s’explique par l’ajustement des coefficients

culturaux : lors du calcul de l’ETP Penman-Monteith le logiciel estime la vitesse du vent et la radiation

en fonction de la localisation géographique et en altitude, donnée par l’utilisateur (ici, une valeur

moyenne du bassin versant). Ces paramètres permettent d’ajuster le Kc. Avec l’ETP Oudin, on n’entre

que l’ETP qu’on a calculé précédemment. Le logiciel ne dispose donc pas de données sur la localisation

et ajuste le Kc en fonction de l’ETP ; par un artefact de la modélisation les Kc sont plus élevés avec l’ETP

Oudin, d’où une ETM plus élevée.

35

La méthode par l’ETP Oudin semble donc surestimer les besoins en eau. Au maximum, en juillet, la

formule d’Oudin surestime les besoins de 22% par rapport à la formule de Penman. Au total sur l’année

les besoins sont surestimés de 13% par rapport à l’ETP Penman.

Cependant, comme les valeurs d’ETP sont plus faibles qu’avec la formule de Penman, on ne peut

généraliser à tous les bassins versant méditerranéens sur l’ajustement du coefficient Kc. Il est aussi

possible que celui-ci mène à des coefficients plus faibles et donc à une ETM Oudin inférieure à l’ETM

Penman.

Pour le reste des études de sensibilité et de l’étude de cas, on utilise la formule de Penman-

Monteith pour obtenir des résultats dans le cadre de ce stage. En effet les calculs de l’ETP Oudin

nécessitent un traitement qui n’était pas réalisable dans le temps imparti et avec les outils de calcul

disponibles (estimation des températures journalières, traitement à l’aide de feuilles de calcul fournies

par le Cemagref). Lors de la modélisation régionale de l’ETM sous changement climatique la méthode

Oudin sera utilisée pour maintenir une cohérence avec la modélisation hydrologique.

2. Sur les données climatiques

Prendre des valeurs moyennes par bassin versant pour les données climatiques peut masquer une

forte variabilité spatiale du climat. Si les données climatiques représentent une situation moyenne sur

le bassin versant, elles ne correspondent pas nécessairement aux conditions particulières au niveau des

cultures irriguées. La

Carte 8 représente les surfaces irriguées dans le bassin versant du Rhône. On remarque que celles-ci

se concentrent surtout dans la moitié Ouest du bassin. Or, à l’Est du bassin, on a des zones

montagneuses et donc des températures qui peuvent être plus basses que sur le reste du bassin. On a

donc peut être une moyenne de températures qui sous-estime les températures sous lesquelles les

cultures irriguées sont cultivées.

Pour tester la sensibilité des besoins totaux du bassin au choix des données climatiques, on effectue

la modélisation avec trois types de données :

la moyenne des données du CRU sur le bassin versant,

les données de la station de Montélimar de la base Climwat,

les donnes de la station de Nîmes de la base Climwat.

Les villes de Montélimar et de Nîmes sont représentées sur la Carte 8.

Carte 8. Surfaces irriguées dans le bassin versant du Rhône en France

36

Le Graphe 3 présente les besoins optimaux en eau d’irrigation en millions de m3 dans le bassin du

Rhône, pour des données climatiques moyennes du CRU, la station de Nîmes et la station de

Montélimar.

La sensibilité de la modélisation au choix des données climatiques est forte. Les besoins en eau

d’irrigation annuels sont en effet 3,8 fois plus élevés lorsqu’on prend les données de la station de Nîmes

qu’avec les valeurs moyennes sur le bassin versant.

Cependant les stations climatiques ne représentent pas les conditions climatiques sur l’ensemble du

territoire, et on a vu que les cultures irriguées étaient réparties du Nord au Sud du bassin. Les

différences sont également significatives entre les deux stations puisque les besoins annuels sont 1,5

fois plus élevés avec les données de Nîmes qu’avec les données de Montélimar.

Graphe 3. Test de la sensibilité de la modélisation au choix des données climatiques d’entrée

Afin de modéliser plus précisément la situation des besoins en eau sur le bassin versant, une échelle

plus fine de données climatiques aurait pu être utilisée. Dans le cas du bassin versant du Rhône, qui

présente une forte variabilité spatiale, la question se pose particulièrement. L’échelle d’étude peut

donc être un paramètre explicatif fort des résultats de modélisation.

B. Résultats de la modélisation des impacts du changement climatique sur l’évapotranspiration des cultures irriguées sur le bassin du Rhône

1. Les scénarios climatiques

a) Choix des scénarios d’émissions

Les scénarios d’émission choisis sont les scénarios A2, A1B et B1 du Rapport Spécial sur les Scénarios

d’Emissions.

Le scénario A2 représente un monde hétérogène, avec peu d’interactions entre les pays et entre les

régions. La croissance démographique y est forte (avec une population mondiale de 15 milliards en

37

2100) et l’utilisation des énergies fossiles s’intensifie dans les régions riches en ressources. Dans les

régions pauvres en ressources fossiles, les énergies renouvelables et nucléaires se développent.

Le scénario A1B repose sur un développement économique rapide, qui tend à gommer les

différences en les pays riches et les pays pauvres. Les différentes sources d’énergie sont utilisées de

manière équilibrée.

Le scénario B1 représente un monde soucieux de l’environnement, tourné vers le développement

durable, et qui privilégie le développement de technologies propres.

En termes d’émissions de gaz à effet de serre, ces trois scénarios aboutissent donc à des situations

contrastées, le scénario A2 étant plutôt pessimiste, le scénario A1B intermédiaire, et le scénario B1

optimiste.

b) Choix des modèles

Pour construire les scénarios climatiques on se base sur les modélisations du 4e rapport du GIEC. Les

modèles sont choisis dans le cadre de la modélisation hydrologique conduite par HydroSciences

Montpellier.

Les critères de choix sont les suivants :

1-Disponibilite des données pour le scenario 20C3M et les SRES A1B, A2 et B1

2-Modèle validé par IPCC, c'est-à-dire modèle qui répond aux critères suivants :

- être un modèle climatique global en 3 dimensions couplé océan-atmosphère,

- avoir été calé sur une simulation de plusieurs siècles (pour des raisons de stabilité),

- avoir participé au projet de comparaison des modèles CMIP2 (Second Coupled Model

Intercomparison Project).

et si possible :

- avoir effectué une simulation au doublement de la concentration de CO2,

- avoir participé au projet AMIP (Atmospheric Model Intercomparison Project),

- avoir une résolution d’au moins T40, R30 ou 3º latitude x 3º longitude,

- considérer des gaz à effets de serre distincts (CO2, CH4, etc.).

(http://www.ipcc-data.org/sres/gcm_data.html)

3-la résolution spatiale doit être inférieure à 3° x 3°

4-les simulations doivent être disponibles de janvier 1960 à décembre 2099

5-le modèle sera exploité dans le cinquième rapport d’évaluation

6-pour partager les modèles restants, on effectue une revue bibliographique de leur utilisation

7-on choisit de préférence des modèles de pays différents.

Ces critères conduisent à la sélection des quatre modèles suivants :

CSIRO-Mk3, modèle australien,

ECHAM5/MPI-OM, modèle allemand,

UKMO-HadCM3, modèle britannique,

CNRM-CM3, modèle français.

On rajoute de plus comme critère la disponibilité au téléchargement des températures minimales et

maximales, ces données étant nécessaires au calcul de l’ETP par la méthode de Penman-Monteith. Un

seul modèle est alors exploitable : CSIRO-Mk3. Ce modèle climatique global a été créé par le CSIRO

(Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation) en Australie. Il a une résolution

atmosphérique de 1,9° x 1,9°.

Les données téléchargées sont celles des simulations 20C3M (Collier 2007), A1B (Collier 2005a), et

B1 (Collier 2005b).

38

Afin de pouvoir estimer la sensibilité de la modélisation au choix du modèle climatique, on a cherché

à utiliser une deuxième source de données climatiques. Les données du projet ENSEMBLES sont

également téléchargeables en ligne (http://ensemblesrt3.dmi.dk/). Ce projet européen qui s’est

déroulé de 2004 à 2009 visait à modéliser les changements climatiques à haute résolution sur l’Europe

et à produire une évaluation probabiliste de l’incertitude du climat futur pour des échelles de temps

variables.

On a choisi d’utiliser les données du modèle à aire limitée ALADIN (Aire Limitée Adaptation

Dynamique Développement International) de Météo France, à une résolution de 25km. Un modèle à

aire limitée n’est pas autonome et doit se baser sur les simulations d’un modèle global pour connaître

les conditions aux bords de la zone considérée. La simulation avec le modèle ALADIN s’appuie sur les

données du modèle ARPEGE.

Les données téléchargées sont celles des simulations 20C3M et A1B.

On doit extraire les données sur les cellules qui correspondent au bassin versant du Rhône. Ne

disposant pas des outils et du temps pour sélectionner les coordonnées exactes, on extrait un rectangle

de cellules qui englobent le bassin du Rhône. Pour cela, on note les coordonnées des cellules de la base

MIRCA 2000 qui ont été considérées pour le Rhône : elles sont situées entre 43,75°N et 47,75°N de

latitude, et entre 4,75°E et 7,75°E de longitude.

c) Construction des scénarios climatiques

Comme il a été expliqué dans le paragraphe I.B.2, les sorties des modèles climatiques ne doivent pas

être utilisées telles quelles. Il faut corriger les données à partir de simulations sur la période de

référence et des données climatiques réelles. La simulation sur la période de référence est appelée

20C3M. Les simulations sur les périodes futures portent le nom du scénario d’émission associé.

Correction des données de température, par exemple pour le scénario A1B à l’horizon 2025 :

On extrait les données de la simulation 20C3M correspondant aux années 1971 à 1990, et les

années 2016 à 2035 pour la simulation A1B.

Pour le 20C3M et le scénario A1B, on calcule la moyenne spatiale sur la zone choisie, par mois

et par année, des températures.

On calcule ensuite la moyenne interannuelle des températures mensuelles dans le 20C3M sur la

période de référence 1971-1990 et dans la simulation A1B sur la période 2016-2035.

Pour chaque mois on calcule l’évolution de température simulée par le modèle:

∆= TA1B– T20C3M.

Pour obtenir les températures du scénario climatique à l’horizon, mois par mois:

T2025= Tref + ∆

Tref étant la température donnée par le CRU pour la période de référence.

On effectue cette opération pour les températures minimales et les températures maximales.

Afin d’effectuer une désagrégation statistique correcte, il faudrait normalement corriger les données

par maille de la grille du CRU : chaque cellule de la grille de 0,5° x 0,5° serait attribuée à une cellule de la

grille du modèle climatique global. Le delta correspondant à cette cellule serait alors appliqué sur la

cellule de la grille de 0,5° x 0,5°.

Ici, on fait d’abord la moyenne des températures sur toutes les cellules de l’AOGCM qui concernent

le bassin versant du Rhône, puis on calcule les deltas sur ces moyennes, et on applique le delta

directement à la moyenne des températures sur la grille du CRU. Cette méthode a été appliquée par

39

manque de temps et d’outils de programmation pour attribuer chaque cellule de la grille du CRU à une

cellule de l’AOGCM.

Correction des données de précipitations, par exemple pour le scénario A1B à l’horizon 2025 :

Pour chaque année de 1971 à 1980, on a les précipitations mesurées, du CRU, et les

précipitations simulées, du 20C3M. On a ensuite les précipitations simulées sur la période 2016-

2035.

On effectue pour tous les scénarios, pour chaque mois de chaque année une moyenne de

toutes les cellules concernées.

On calcule ensuite, année par année, des taux d’évolution de ces précipitations

(Pjanvier2016/Pjanvier71, Pjanvier2017/Pjanvier72, etc.).

Ces taux d’évolution (ζ) sont ensuite distribués sur les mois correspondants, pour des années

aléatoires entre 1971 et 1990. La distribution aléatoire doit aider à rendre compte du caractère

indépendant des précipitations d’une année sur l’autre.

On a alors, pour chaque année entre 2025 et 2035, des précipitations mensuelles. On effectue

une moyenne interannuelle de ces données pour obtenir le scénario de précipitations à

l’horizon 2025.

De la même façon que pour les données de températures on n’a pas effectué de désagrégation

statistique maille par maille.

On a ainsi créé plusieurs scénarios de changement climatique :

-à l’horizon 2025, pour les scénarios d’émission A1B et B1 pour le modèle CSMK3, et pour le scénario

d’émissions A1B pour le modèle ALADIN (les données pour le scénario B1 n’étaient pas disponibles au

téléchargement).

-de même à l’horizon 2050.

Les variations de températures et de précipitations par rapport à la période de référence des

différents scénarios sont présentées dans le Tableau 9.

Dans tous les scénarios et pour les deux horizons les modèles simulent une augmentation des

précipitations annuelles (jusqu’à 33% pour le modèle ALADIN à l’horizon 2025).

On remarque que le modèle ALADIN simule des hausses de températures plus importantes que le

modèle CSMK3, pour le même scénario d’émissions (A1B) : à l’horizon 2025 une hausse de 30%

annuelle est donnée par le modèle ALADIN tandis que le modèle CSMK3 projette une hausse de 11,5%

des précipitations annuelles. La différence entre les deux modèles pour le même scénario est plus forte

que la différence entre les deux scénarios (A1B et B1) pour le même modèle CSMK3. Ceci illustre bien la

dépendance des résultats des études d’impacts aux modèles choisis, et l’utilité d’une approche multi-

modèles.

40

Présent

Jan Fev Mar Avr Mai Jun Jul Aout Sep Oct Nov Dec

Tmin (°C) -1.6 -0.8 0.8 3.0 7.1 10.3 12.9 12.5 9.9 6.2 1.7 -0.4

Tmax (°C) 4.0 5.6 8.7 11.8 16.2 20.0 23.4 22.8 19.3 13.9 7.9 5.2

Pr (mm) 75 58 73 92 98 83 79 92 98 102 102 90

2025 A1B CSMK3 ∆Tmin (°C) 1.9 0.5 0.2 1.0 0.3 0.3 1.2 1.8 1.0 0.8 1.4 1.3

∆Tmax (°C) 1.4 0.3 0.4 0.8 0.4 0.0 1.2 1.9 1.4 1.0 1.5 1.2

ζPr (%) 25% -10% 3% 4% -4% 35% 29% 24% -11% 13% 17% 13%

ALADIN Tmin (°C) 1.0 1.1 1.0 1.2 0.6 2.3 1.9 1.1 1.7 1.8 0.6 0.8

Tmax (°C) 1.1 0.7 0.3 0.4 0.2 1.9 1.7 0.2 0.8 1.5 0.8 1.2

ζPr (%) 34% 8% 36% 30% 9% 14% 17% 94% 77% 50% 27% 1%

B1 CSMK3 ∆Tmin (°C) 0.7 0.3 0.3 0.2 0.0 0.6 0.8 1.5 0.4 1.0 -0.3 0.2

∆Tmax (°C) 0.5 0.2 0.5 0.2 0.1 0.3 0.6 1.6 0.7 1.3 0.0 0.5

ζPr (%) 20% -4% 3% -9% 4% 33% 28% 22% 22% 50% 10% 18%

2050 A1B CSMK3 ∆Tmin (°C) 2.2 1.6 1.1 0.9 1.0 0.8 1.5 2.1 1.7 1.4 1.0 0.5

∆Tmax (°C) 1.5 1.6 1.4 1.0 0.8 1.0 1.4 2.7 2.6 1.5 1.2 0.6

ζPr (%) 20% 15% 11% 3% -4% 1% 25% 9% -7% 21% 23% 17%

ALADIN ∆Tmin (°C) 2.0 2.1 2.2 2.0 1.4 3.4 3.5 2.1 1.8 1.7 1.6 1.8

∆Tmax (°C) 2.1 2.0 1.7 1.5 1.4 3.6 3.2 2.2 1.6 1.6 1.7 1.6

ζPr (%) 11% 15% 18% 9% 1% -8% 24% 8% 35% 43% 37% 22%

B1 CSMK3 ∆Tmin (°C) 2.1 0.0 0.1 -0.1 0.3 0.9 1.5 1.2 0.9 0.3 0.4 1.4

∆Tmax (°C) 1.5 -0.1 0.2 0.0 0.3 0.8 1.5 0.8 1.6 0.4 0.6 1.4

ζPr (%) 20% 20% 1% -3% 5% 25% 23% 33% 4% 28% 18% 24%

Tableau 9. Scénarios de changement climatique aux horizons 2025 et 2050

2. Résultats de modélisation et scénarios d’usage de l’eau agricole

a) Les évolutions des besoins en eau d’irrigation aux horizons 2025 et 2050

A l’horizon 2025

Les résultats de la modélisation à l’horizon 2025 sont présentés dans le Graphe 4 et le Graphe 5.

41

Graphe 4: Besoins mensuels optimaux en eau d’irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l’horizon 2025 selon le scénario A1B et les modèles climatiques CSMK3 et ALADIN

Pour les deux modèles climatiques dans le scénario A1B, la demande en eau annuelle diminue. Au

pas de temps mensuel, des différences significatives peuvent être constatées entre les modèles CSMK3

et ALADIN. Au mois d’août notamment pour le modèle CSMK3 les besoins en eau d’irrigation baissent

de 30%, alors qu’ils baissent de près de 100% pour le modèle ALADIN.

A l’horizon 2025, les différences entre les projections par les deux différents modèles climatiques

sont plus importantes que les différences entre les projections par le même modèle (CSMK3) pour deux

scénarios d’émission (A1B et B1).

Graphe 5: Besoins mensuels optimaux en eau d'irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l'horizon 2025 selon les scénarios A1B et B1 et le modèle climatique CSMK3

42

Pour les deux scénarios et les deux modèles, les besoins optimaux annuels en eau d’irrigation

diminuent d’environ 30%. En été le modèle ALADIN simule une baisse de 37% de la demande selon le

scénario A1B.

Au mois de septembre et au mois de mai pour le modèle CSMK3 (scénario A1B), les besoins

mensuels en eau d’irrigation augmentent. Au mois de mai cette augmentation est de l’ordre de 5%,

représentant un volume de prélèvements d’environ 740 000 m3. Si les étiages débutent plus tôt, des

tensions pourraient apparaître. Cependant le volume d’eau considéré devrait être comparé à des

évolutions de débits chiffrées. Les quantifications de ces évolutions doivent être effectuées à partir des

mêmes modèles climatiques et selon les mêmes scénarios d’émissions pour pouvoir être comparés à la

demande simulée.

A l’horizon 2050

Les résultats de la modélisation à l’horizon 2050 sont présentés dans le Graphe 6 et le Graphe 7.

Graphe 6. Besoins mensuels optimaux en eau d’irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l’horizon 2050 selon le scénario A1B et les modèles climatiques CSMK3 et ALADIN

A l’horizon 2050, la tendance à la baisse des besoins ne se poursuit pas dans le scénario d’émissions

A1B. Selon le modèle CSMK3 les besoins annuels sont inférieurs de 2% aux besoins annuels actuels.

Selon le modèle ALADIN, ils sont supérieurs de 10%.

Cependant, ces évolutions sont inférieures à la marge d’erreur de calcul de l’ETP constatée dans le

paragraphe III.A.1 puisqu’en moyenne sur l’année les deux formules donnent des résultats différents

de 13%. En prenant en compte les incertitudes liées à la modélisation, on ne peut donc conclure

clairement sur les évolutions de la demande en eau d’irrigation à l’horizon 2050.

43

Graphe 7. Besoins mensuels optimaux en eau d’irrigation (m3/ha) dans le climat actuel et à l’horizon 2050 selon les scénarios A1B et B1 et le modèle climatique CSMK3

Par contre pour le scénario B1 et le modèle CSMK3 la simulation prévoit une diminution de 27% de

la demande en eau agricole annuelle. A l’horizon 2050, les différences entre les deux scénarios

d’émissions s’accentuent puisque le scénario intermédiaire, A1B, aboutit à une baisse de 2% des

besoins par rapport aux besoins actuels, tandis que le scénario B1, scénario plus optimiste quant-à la

réduction des émissions de gaz à effet de serre, aboutit à une baisse de 27% des besoins par rapport

aux besoins actuels.

Si on considère une baisse potentielle de 30% des besoins en eau d’irrigation des cultures, on peut

penser que l’hypothèse de stabilisation des surfaces irriguées aux horizons 2025 et 2050 pourrait être

affectée par le changement climatique.

Cependant le test de sensibilité sur les données climatiques (III.A.2) a montré que l’utilisation des

moyennes des données climatiques sur l’ensemble du bassin versant peut masquer une forte variabilité

spatiale, marquée notamment entre le Nord et le Sud du bassin. De plus, les projections climatiques sur

le bassin du Rhône suggèrent plutôt une baisse de pluviométrie pour le Sud du bassin, et une

augmentation au Nord (I.D.3.a).

b) Construction des scénarios d’usage de l’eau agricole

Le passage de la modélisation de l’ETM à l’évolution de la demande en eau par bassin versant part

de l’hypothèse que le rapport entre les besoins théoriques optimaux d’irrigation et la demande en eau

reste inchangé, mise à part l’influence d’une amélioration de l’efficience.

Pour estimer la demande annuelle aux horizons 2025 et 2050, on multiplie donc simplement la

demande unitaire actuelle par le pourcentage d’évolution des besoins théoriques puis par le

changement d’efficience. Dans le cas du Rhône, on a supposé que la surface irriguée totale ne variait

44

pas ; pour d’autres bassins versant du pourtour méditerranéen, on multipliera alors la demande

unitaire « future » par la surface irriguée à l’horizon concerné.

Certains pays de la région méditerranéenne développent depuis plusieurs années des ressources en

eau non conventionnelles (réutilisation des eaux usées, dessalement de l’eau de mer) en tant que

réponse à des situations de pénurie, qui ne sont pas nécessairement explicitement liées aux impacts du

changement climatique. Afin de quantifier les pressions sur la ressource « naturelle », on soustrait donc

la production d’eau non conventionnelle de la demande en eau totale, pour obtenir des valeurs de

prélèvements sur la ressource.

Les calculs effectués sont détaillés dans l’encadré ci-dessous.

Bilan des calculs pour les scénarios d’usage de l’eau aux horizons 2025 ou 2050

Dans la perspective de la modélisation régionale sous changement climatique, un modèle a été

construit pour calculer la demande en eau agricole et les prélèvements sur les ressources en eau aux

horizons 2025 et 2050, selon les scénarios d’émissions et le modèle climatique choisi. Le

fonctionnement de ce modèle est détaillé dans le Schéma 6.

avec :

la demande unitaire à l’horizon futur

la demande unitaire actuelle

le pourcentage d’évolution des besoins en eau d’irrigation par hectare

l’efficience actuelle

l’efficience à l’horizon futur.

la surface irriguée du bassin versant à l’horizon futur

la demande totale agricole à l’horizon futur

le niveau de prélèvement dans les ressources naturelles à

l’horizon futur

le niveau de production d’eaux non conventionnelles à

l’horizon futur.

45

Schéma 6. Structure du modèle pour le calcul de la demande en eau agricole aux horizons 2025 et 2050

Afin d’appréhender la variabilité intra-annuelle propre au système étudié, la demande en eau

annuelle pourra être décomposée en demandes saisonnières.

Les besoins théoriques d’irrigation ont été modélisés au pas de temps mensuel. Pour estimer la

demande en eau mensuelle en climat actuel, le même type d’hypothèse que pour la demande annuelle

est retenue : le rapport entre les besoins calculés et la demande est égal quelle que soit la période de

l’année. A chaque mois, le pourcentage d’évolution des besoins en eau d’irrigation sera calculé puis

appliqué à la demande actuelle pour obtenir la demande à l’horizon futur.

46

Conclusion

Dans le cadre de ce stage, nous avons mis en place une méthode de quantification des besoins en

eau d’irrigation par bassin versant méditerranéen, depuis la collecte des données (variables climatiques

actuelles et modèles climatiques, surfaces et cultures irriguées, caractéristiques des cultures irriguées)

jusqu’à l’estimation de la demande en eau future. Cette méthode est compatible avec un exercice à

l’échelle régionale sur une zone d’étude aux situations contrastées. Des hypothèses simplificatrices

étaient nécessaires compte-tenu de la complexité du système étudié, de l’échelle d’étude et de ses

objectifs (obtenir des ordres de grandeur sur l’évolution des pressions sur les ressources en eau sous

changement climatique).

La méthodologie a d’abord été testée à l’échelle régionale en climat actuel. Cette première

modélisation a permis de dégager une hétérogénéité des situations par bassin versant. En effet les

besoins en eau totaux des cultures varient d’une situation à une autre, ainsi que le pourcentage d’eau

qui est apportée par l’irrigation. La relation entre les données de demande en eau et les besoins en eau

d’irrigation modélisée n’a pas été expliquée, mais on a pu mettre en évidence des pratiques d’irrigation

déficitaires dans les pays du Maghreb.

Dans le cadre de ce stage, compte tenu du temps et des outils disponibles, la modélisation à

l’échelle régionale sous différents scénarios de changement climatique n’était pas envisageable. Un

bassin versant a donc été choisi pour effectuer une étude de cas : le bassin versant du Rhône.

Les résultats de l’étude de cas montrent une diminution des besoins en eau d’irrigation à l’horizon

2025, de l’ordre de 30% environ, et une forte sensibilité aux données d’entrée de la modélisation.

La sensibilité du modèle au type de données d’entrée souligne l’importance de la gestion des

incertitudes et des changements d’échelle lors d’études des impacts du changement climatique.

L’étude sur le Rhône a montré que les besoins en eau des cultures pouvaient aussi baisser et que les

évolutions ne seraient pas nécessairement linéaires dans le temps (baisse des besoins à l’horizon 2025,

légère hausse à l’horizon 2050). Les situations seront variées entre les différents pays et entre les

bassins versants. L’étude de sensibilité aux données climatique d’entrée a aussi montré que les impacts

du changement climatique pourraient différer au sein du même bassin.

Les études de sensibilité et l’étude de cas montrent aussi les changements d’échelles qu’il faut

toujours faire pour des études de changement climatique. Elles mettent en évidence des situations

locales très contrastées, tout en portant un message sur la région dans son ensemble qui est la baisse

moyenne de la pluviométrie associée à la hausse des températures.

Les résultats de l’étude de cas sur le Rhône peuvent aussi mener à discuter de l’objectif

d’amélioration de l’efficience dans l’ensemble des pays méditerranéens. De plus, les projections

françaises estiment que les surfaces irriguées se stabiliseraient d’ici à 2025. Or, on a vu dans la

modélisation régionale en climat actuel que l’eau d’irrigation représentait un tiers des besoins en eau

des cultures irriguées. Avec une baisse de 30% des besoins en eau d’irrigation, on peut alors se poser la

question de la pérennité de certains périmètres irrigués dans le bassin versant du Rhône.

Enfin cette étude a permis de dégager un impact significatif du changement climatique sur la

demande en eau agricole, que ce soit en augmentant ou en diminuant cette demande. Cet impact

pourra donc accentuer ou diminuer les tensions sur la ressource qui pourraient être prévues à partir

d’une modélisation hydrologique.

47

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50

Annexe 1 : Les scénarios RSSE

Principales caractéristiques des familles des scénarios du Rapport Spécial sur les Scénarios d’Emissions

(Sauquet et al. 2007)

Les fourchettes d’émissions des scénarios RSSE et des scénarios IS92, par grande famille de scénarios

(Nakicenovic & Rob Swart 2000)

51

Annexe 2 : Exemples de modèles utilisés pour l’évaluation des impacts du

changement climatique sur les ressources en eau

Nom du modèle Pays ou régions d’application du modèle

Caractéristiques du modèle

WBUDG Grèce Bassin Ali Efenti

Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs ») Spatialisation : semi distribué Pas de temps : mensuel Données d’entrée du modèle : précipitations,

température, humidité relative, ensoleillement et vitesse du vent. Données de sortie du modèle : débits,

évapotranspiration, réserve utile du sol Paramètres calibrés à partir de données historiques :

ruissellement, réserve utile du sol potentielle, conditions limites de température, coefficient de fonte des neiges, coefficient de « retard » du bassin versant et des eaux souterraines. Validation du modèle : critère de Nash3

WATBAL (modèle de Yates, IIASA)

Liban Ksara ( vallée de Bekaa) côte méditerranéenne (environs de Beirut)

Bilans d’eau : conceptuels Spatialisation : global (« empirique ») Pas de temps : mensuel Modélisation de la réserve en eau du sol, à partir de la

pluie efficace, de l’évapotranspiration réelle (estimée à partir de l’évapotranspiration potentielle avec la méthode de Priestley-Taylor), le ruissèlement de surface, de sub-surface, la capacité du sol, et le niveau de remplissage du sol. Ces paramètres sont définis à partir d’équations empiriques, avec des coefficients définis à partir de données mesurées.

MEDOR, avec un «réservoir» représentant le couvert neigeux, couplé à un modèle stochastique de températures et de pluie

Liban Nahr Ibrahim

Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs ») Spatialisation : semi distribué Pas de temps : journalier Comme les modèle GR, il est constitué de deux

«réservoirs » (un «réservoir» de transfert et un «réservoir» de production), auxquels a été ajouté un «réservoir» de gestion du couvert neigeux. Données d’entrée du modèle : précipitations,

température Calibrage à partir de données historiques : 2 coefficients

dans le «réservoir» de production (taux de remplissage et taux de perte) et 2 dans le «réservoir» de transfert (les deux coefficients de transfert : « rapide » et « lent »). Validation du modèle : critère de Nash (comparaison

valeurs historiques modélisées et valeurs historiques mesurées).

MODCOU France Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs »), représentation des écoulements souterrains (pour la Seine

3 Comparaison des débits historiques modélisés et des débits historiques mesurés

52

Nom du modèle Pays ou régions d’application du modèle

Caractéristiques du modèle

et le Rhône) Spatialisation : distribué (spatialisation de haute

définition), Pas de temps : journalier Données d’entrée du modèle : pluviométrie journalière

moyenne, évapotranspiration potentielle SAFRAN-ISBA-MODCOU (SIM)

France Rhône

Bilans d’eau : à bases physiques couplés aux bilans d’énergie selon le principe des transferts sol-végétation-atmosphère (ISBA) et à un système d’analyse météorologique à fine échelle Spatialisation : distribué (spatialisation de haute

définition) Pas de temps : horaire

« Modélisation d’Aquifères avec Maillage Rectangulaire, Transport et HydrodynamiquE », MARTHE (BRGM)

France Rhône Seine

Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs »), représentation des écoulements souterrains Spatialisation : distribué (spatialisation de haute

définition) Pas de temps : journalier

CEQUEAU (INRS) France Rhône

Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs ») Spatialisation : distribué (spatialisation de haute

définition)

Ecomag (russe) France Rhône

Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs ») Spatialisation : distribué (spatialisation de haute

définition)

Catchment Land Surface Model (CLSM)

France Bilans d’eau : à bases physiques couplés aux bilans d’énergie selon le principe des transferts sol-végétation-atmosphère Spatialisation : semi-distribué Pas de temps : horaire

« Modèle Global A Réservoirs pour la simulation de DEbits et de Niveaux Aquifères », GARDENIA

France Seine

Bilans d’eau : conceptuels Spatialisation : global Pas de temps : journalier ou horaire Il décrit la relation entre le débit en une station et les

conditions météorologiques sur l’ensemble du bassin amont de cette station. Les coefficients définissant cette relation varient d’un point de mesure à l’autre. Il est constitué de quatre « réservoirs (« réservoir » de

production, « réservoir » de transfert avec deux vitesses de transfert, « réservoir » représentant les relations rivière-nappe alluviale et « réservoir » de gestion du manteau neigeux) Données d’entrée du modèle : pluie, neige, température Paramètres calibrés à partir de données historiques:

coefficients de production de pluie efficace, coefficients de transfert rapide et lent, coefficients représentant les écoulements souterrains Validation du modèle : à partir des résultats d’autres

53

Nom du modèle Pays ou régions d’application du modèle

Caractéristiques du modèle

modèles

« Ensemble de Rivières Organisées en Sous-bassins », EROS (BRGM)

France Seine

Bilans d’eau : conceptuels (modèle « à réservoirs »), « grappe » de modèles globaux (GARDENIA) qui représentent chaque sous-bassin élémentaire Spatialisation : semi-distribué Pas de temps : journalier ou horaire Données d’entrée du modèle :Pluie, évapotranspiration

GR4J France Rhône Seine

Bilans d’eau : conceptuels (« à réservoirs ») Spatialisation : global Pas de temps : journalier Les coefficients définissant cette relation varient d’un

point de mesure à l’autre. Ils sont calés à partir de données mesurées. Les équations sont cependant inspirées de lois physiques. Il est constitué de deux «réservoirs » («réservoir» de

production et «réservoir» de transfert avec deux vitesses de transfert) Données d’entrée du modèle : pluie, évapotranspiration

potentielle Paramètres calibrés à partir de données historiques:

capacité maximale du réservoir de production, coefficient d’échanges souterrains, capacité maximale du réservoir de transfert, temps de base de l’hydrogramme Validation du modèle : critère de Nash et critère de Nash-

Sutcliffe4

4 Le critère de Nash et Sutcliffe appliqué sur les racines carrées des débits, cette transformation permettant un

calage équilibré entre périodes de crues et d’étiage.

54

Annexe 3 : Les cultures modélisées : longueur des stades de croissance et

coefficients Kc associés

Stade Initial Croissance Mi-saison Arrière-saison Total

Durée Kc Durée Kc Durée Kc Durée Kc Durée

Agrumes 60 0.70 90 -- 120 0.65 95 0.70 365

Amandes 30 0.40 50 -- 130 0.90 30 0.65 240

Bananes 120 1.0 60 -- 180 1.20 5 1.10 365

Berseem/trèfle 10 0.40 30 -- 150 0.90 35 0.85 225

Betterave à sucre 25 0.35 35 -- 50 1.20 50 0.70 160

Blé d’hiver 20 0.30 25 -- 60 1.15 30 0.30 135

Blé de printemps 30 0.30 30 -- 40 1.15 30 0.30 130

Cacahuètes 35 0.40 45 -- 35 1.15 25 0.60 140

Colza 25 0.35 35 -- 45 1.15 25 0.35 130

Coton 30 0.35 60 -- 55 1.20 55 0.60 195

Dattes 140 0.90 30 -- 150 0.95 45 0.95 365

Fruits 30 0.55 50 -- 130 0.90 30 0.65 240

Légumes 20 0.70 30 -- 30 1.05 15 0.95 95

Luzerne 150 0.40 30 -- 150 0.95 35 0.90 365

Maïs 30 0.30 40 -- 50 1.20 30 0.35 150

Olives 30 0.65 90 -- 60 0.70 90 0.70 270

Orge 15 0.30 25 -- 50 1.15 30 0.25 120

Pastèque 10 0.40 20 -- 20 1.0 30 0.75 80

Pomme de terre 25 0.50 30 -- 45 1.15 30 0.75 130

Pomme de terre

(Europe)

30 0.50 35 -- 50 1.15 30 0.75 145

Prairie permanente 140 0.85 60 -- 120 0.95 45 0.85 365

Légumes secs

(« pulses »)

20 0.40 30 -- 40 1.15 20 0.35 110

Raisins de table 150 0.30 50 -- 125 0.85 40 0.45 365

Raisins vin 150 0.30 50 -- 125 0.70 40 0.45 365

Sésame 20 0.35 30 -- 40 1.10 20 0.25 110

Soja 20 0.40 30 -- 60 1.14 25 0.50 135

Solanacées 30 0.60 40 -- 40 1.15 25 0.80 135

Tabac 20 0.50 30 -- 30 1.15 30 0.80 110

Tournesol 25 0.35 35 -- 45 1.15 25 0.35 130

55

Annexe 4 : Récapitulatif des données climatiques utilisées dans l’étude, par bassin versant et par saison

Pays Bassin versant Température moyenne (°C), par saison Précipitation par saison (mm)

Hiver Printemps Eté Automne Hiver Printemps Eté Automne

Albanie Albanie 3.8 14.0 19.3 7.4 268 252 135 425

Algérie Ager - Soummam 9.5 17.0 24.0 13.1 191 101 50 203

Cheliff 9.4 18.0 25.4 12.9 153 78 41 165

Constantine - Annaba - Mellegue 8.4 16.8 23.6 12.1 210 115 50 188

Oranie 9.9 17.4 24.4 13.1 124 78 30 138

Bosnie Bosnie 2.5 12.7 17.9 6.1 251 292 224 427

Croatie Croatie 6.0 15.8 21.1 9.7 264 244 190 385

Espagne Baléares 10.9 17.5 24.2 14.4 152 137 92 242

Cuercas externas de cataluna 7.8 14.6 21.1 10.8 142 178 168 211

Ebro 5.2 12.5 19.0 8.0 163 214 152 228

Jucar 7.5 14.8 21.7 10.4 99 135 76 137

Segura 8.4 15.8 23.0 11.4 95 103 38 124

Sur 9.9 16.7 23.5 12.9 166 114 27 181

France Bassins côtiers Languedoc Roussillon 6.0 13.7 19.7 9.0 183 213 191 257

Bassins côtiers provençaux et Var 5.8 13.4 19.3 9.1 204 211 161 310

Corse 8.4 15.0 21.1 12.0 226 148 83 352

Rhône 2.8 11.5 16.8 5.8 207 273 269 294

Grèce Aegeam Isl. 9.9 19.2 24.9 13.9 289 88 28 285

Attica 8.3 17.9 23.5 12.3 250 107 39 283

Central Macedonia 6.0 16.9 22.2 9.4 152 156 74 219

E. Peloponese 9.3 17.7 23.2 13.4 265 78 25 314

E.Macedonia 4.5 15.7 20.9 7.9 138 175 89 202

Epirous 6.1 15.6 21.1 9.7 283 189 77 434

Kreta 11.4 19.2 24.3 15.5 297 50 11 298

N. Peloponese 8.5 17.1 22.7 12.4 257 101 37 350

Thessalia 5.7 16.1 21.7 9.3 197 155 63 289

Thrace 4.4 15.7 20.9 8.3 172 166 87 245

W. Sterea Hellas 6.9 16.3 21.9 10.7 249 138 52 362

W. Sterea Hellas, Euboia 7.1 16.8 22.4 11.0 219 118 45 285

W.Macedoine 3.2 14.2 19.5 6.7 170 192 88 265

56

Pays Bassin versant Température moyenne (°C), par saison Précipitation par saison (mm)

Hiver Printemps Eté Automne Hiver Printemps Eté Automne

Israël Israël 12.6 21.1 25.6 17.2 228 20 1 151

Italie Abruzzo, Molise 6.0 14.7 20.6 9.7 189 171 138 264

Calabria, Basilicata 9.2 16.6 22.8 13.1 254 125 81 319

Campania 6.9 15.1 21.0 10.5 213 162 122 281

Lazio 6.2 14.6 20.5 9.5 197 212 155 296

Liguria 5.3 13.7 19.3 8.6 228 244 180 402

Po 1.0 10.4 15.7 4.3 257 361 327 373

Puglia 8.3 16.6 22.6 12.0 200 138 97 308

Romagna Marche 4.9 14.6 20.2 8.2 181 211 178 280

Sardegna 10.0 16.5 22.9 13.6 223 118 60 279

Sicilia 10.9 17.7 24.1 15.0 217 74 54 233

Toscana 6.2 14.5 20.4 9.4 212 197 140 332

Veneto -0.3 9.4 14.5 3.1 253 359 351 347

Liban Liban 8.3 17.9 23.5 13.1 355 63 1 227

Libye Central Zone 14.1 23.4 27.3 17.5 49 10 6 58

E. Zone 13.2 21.6 25.2 17.5 161 11 3 154

W. Zone 13.7 22.5 27.5 17.5 94 17 8 95

Malte Malte 12.5 19.2 25.4 16.6 183 48 28 195

Maroc Bassins côtiers méditerranéens 11.1 16.7 23.1 14.2 193 111 23 206

Moulouya 9.0 16.8 24.4 12.1 132 81 25 145

Montenegro Montenegro 1.8 12.7 17.9 5.4 242 282 187 393

Slovenie Slovenie 2.1 11.8 16.8 5.5 304 449 412 508

Syrie Bassins côtiers 10.1 20.1 26.1 14.8 321 81 10 235

Orontes 7.8 19.2 25.5 12.7 270 86 14 200

Terr. Palestiniens Territoires Palestiniens 12.8 21.0 25.4 17.4 266 19 1 177

Gaza 13.6 21.8 26.0 18.1 194 12 1 129

Tunisie Tunisie Centrale 10.9 19.7 26.2 14.8 138 67 43 123

Tunisie du Nord 10.5 18.6 25.3 14.5 210 92 58 182

Tunisie du Sud 13.6 22.4 28.0 17.4 81 18 11 74

Turquie Antalya 4.8 15.7 21.7 9.1 269 127 33 224

Asi/Orontes 8.3 19.6 26.2 13.3 314 132 34 254

57

Pays Bassin versant Température moyenne (°C), par saison Précipitation par saison (mm)

Hiver Printemps Eté Automne Hiver Printemps Eté Automne

Turquie B. Menderes 5.8 16.6 22.5 9.9 288 126 42 249

Burdur Lake 4.2 15.2 21.4 8.2 205 132 45 171

Ceyham 3.4 15.8 22.2 8.7 233 139 37 206

E. Mediterranean 4.4 15.7 21.7 8.9 259 107 25 213

Gediz 6.0 16.8 22.2 10.0 269 130 47 250

Meriþ/Maritza 5.0 16.4 21.6 9.5 173 145 78 238

N. Egeam 7.2 17.8 23.2 11.4 266 121 50 281

S. Menderes 8.2 18.6 24.1 12.2 309 113 42 280

Seyham 2.6 14.6 20.5 7.7 181 142 38 170

W. Mediterranean 7.3 17.3 23.5 11.4 348 107 33 290