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Des Cévennes à Hollywood...à la poursuite du destin.

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J e a n -F r an ço i s Bouygu e s

L'hommequi rêvait d'ailleurs

Roman

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Éditions Les Nouveaux Auteurs

16, rue d'Orchampt 75018 Pariswww.lesnouveauxauteurs.com

ÉDITIONS PRISMA

13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedexwww.editions-prisma.com

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ISBN : 978-28195-03170

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À Fred, Laurent et Isa.À Claude.À Paris.

À la vie, à l'amour.

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« Le cinéma, c'est un stylo, du papier et desheures à observer le monde et les gens. »

Jacques Tati

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PROLOGUE

Paris, quartier de Belleville, 7 février 2007.Il est sept heures dix-sept à l'horloge de la salle à

manger. Je suis assise dans l'ombre, derrière la porte.Sur la table, un jeu de cartes étalé devant moi. L'encensbrûle lentement en se répandant suavement dans lapièce. Je ferme les yeux et j'essaie de lire en moi. Maisrien à faire, je ne distingue rien. Pas le moindre signe.Pas même le crépuscule des dieux. C'est une certitude,je me sais à présent condamnée. Moi, Esperanza Belosi,cinquante-neuf ans, humble émissaire des volontésdivines, et rongée par la maladie.

Mais avant de quitter cette Terre, je vous vaisraconter… le fabuleux destin d'Endo et Mado, deuxâmes à la dérive, perdues aux frontières de l'irréel, quicroyaient n'être rien et qui pourtant avaient tout.Tout ce que l'âme humaine peut comporter certes demédiocre, mais par-dessus tout, de sublime.

Ce n'est ni le hasard ni l'intérêt personnel qui animecette décision de vous en faire le récit.

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Mais le devoir.Ma manière à moi de témoigner. D'inhiber les peurs.

Non les miennes, mais celles du monde. Les craintes dupassé, du présent et de l'avenir, autant que les inquié-tudes globales de l'existence.

Parfois, ces angoisses conduisent même à ce quej'appelle les frayeurs de vivre. À tel point que celles etceux qui en souffrent ne savent et ne peuvent plusexister par eux-mêmes. Quelle terrible sensation que dene plus exister ! Avoir le sentiment de ne servir à rien, nià personne. Comment ne pas sombrer ? Ne pas implorerles fins dernières ? Celles de la libération du Juste. Je lesai tant appelées de tous mes vœux, lorsque est survenuquelque chose que je n'attendais plus. Cela m'est tombésur le coin de la figure, sans que rien ne l'annonçât.

J'aurais dû le pressentir, puisque je suis voyante, uneextralucide, comme on dit. Mais je n'ai rien vu venir.C'est vous dire parfois la puissance des voies impéné-trables de la Providence.

Endo et Mado. Deux âmes à la dérive qui ont délivréla mienne. Ils furent ma plus belle histoire d'amour.Elle qui fut tout. Et qui ne fut rien.

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PREMIÈRE PARTIE

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1.

À jamais pour toujours

Quelque part dans le Pacifique…

— Comment ? En avion ? Je regrette monsieur, maisce n'est pas possible. Il n'y a plus de liaison aériennepour Tetiaroa, m'explique la charmante hôtesse quipréside à l'accueil du Royal Hôtel Papeete. L'atoll deTetiaroa n'est désormais accessible qu'en catamaran.Deux compagnies, Jet France et Biotherm, proposentdes excursions à la journée. Tous les renseignementssont disponibles sur place, à la Marina, sur le front demer, poursuit-elle.

Tout cela dans un anglais savoureux, suavementcoloré d'un sourire allégé et charmeur. Eh bien, quelledélicieuse perspective ! Je cours de ce pas à la Marina dePapeete située à l'entrée du port. Là, j'apprends que lessorties sur l'île ont lieu le mercredi, le samedi et ledimanche. Départ quai des yachts à sept heures, petit-déjeuner à bord, arrivée vers neuf heures trente, visitede l'atoll en compagnie d'un guide, baignade,

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snorkeling1, balades sur la plage, puis retour aux alen-tours de dix-huit heures. Tout ça pour la modiquesomme de 11 000 francs CFP2. Eh bien, quel pro-gramme ! Pourtant, mon aspiration, ici à Tetiaroa, n'estpas de camper le rôle du touriste ordinaire. D'autantque ce genre d'excursion, je présume, ne s'adresse nulle-ment au premier venu ; qui plus est, fût-il ordinaire ! Letarif de l'escapade n'ayant à mon avis d'autre but –inavoué comme il se doit, mais pourtant froidementefficace – que de dissuader les prétentions de mauvaisgoût de candidats indélicats car tout bonnement infor-tunés.

Non, je suis là, dans le Pacifique, à Tahiti, parce quemoi, Endo Golski, simple quidam de la France pro-fonde, j'ai fait un rêve. Non pas un rêve étrange – cequi en soi semble paradoxal, comment un rêve pourrait-il être ordinaire ? – pas plus qu'il n'était pénétrantd'ailleurs puisque je m'en suis finalement très bien tiré,depuis. Vous allez comprendre pourquoi. Non, il s'agis-sait d'un rêve vertigineux. Au sens premier du terme.Une perte d'équilibre, psychique et physique. Le rêved'une ascension et celui d'une chute. Dans les abysses

1. Activité de loisir aquatique également appelée plongée libre, randonnée sub-aquatique ou randonnée palmée, qui consiste à nager à la surface de l'eau pourobserver les fonds marins. On utilise généralement un masque, un tuba, despalmes, et éventuellement une combinaison de plongée.2. Le franc pacifique, également connu sous le nom de franc CFP, est unemonnaie qui a cours dans les collectivités françaises de l'océan Pacifique :Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna. 1 000 CFP = 8,38€.

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de l'inconscient, où je deviendrais un autre, à jamais.Avec l'illusion de n'être plus moi-même. Avant, j'exé-crais tout : la vie, les humains, la mort, et tout autanthier, qu'aujourd'hui et demain. Et le pire, c'est quej'aimais ça. J'éprouvais un grand bonheur, une joie pro-fonde à me détruire, à me haïr. Pas une haine veule,insidieuse, qui se glisse en soi et contre laquelle on nepeut rien ou pas grand-chose ; non, une haine froide etimplacable, consciente et minutieuse, à laquelle on sesoumet avec une loyauté sans faille. J'avais commedécidé de me réduire à néant, lentement, mais sûre-ment, et une fois ce saccage méthodique accompli,j'aurais exulté jusqu'à l'ivresse. Ineffable carnage qui meconduirait enfin à l'holocauste de ma personne.

N'y voyez là aucune manifestation morbide, ouautre épanchement au suicide libérateur ; je n'avaisnulle intention de mourir. Non. Certainement pas. Jevoulais vivre, au contraire. Alors, je vivais. Mal, certes,mais je vivais quand même. À côté de tout, des autres,de moi-même, comme un étranger. Constammentdans le jamais, et en aucun cas dans le toujours. Je meterrais dans la noirceur de mon cœur, pour mieuxm'étourdir de ses abîmes assourdissants, vivre dans lahaine et le dégoût de moi-même, railler tout, mentir àla terre entière, faire le mal autant que cela se pouvait,endurer toutes les souffrances, et tout autant faire souf-frir mon prochain. Oui, je n'avais qu'une hâte : mejeter, l'âme conquérante, dans cette folle entreprise quin'avait de démentiel que l'ampleur de la fureur

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destructrice qu'elle requérait. Tel était alors mondessein, l'œuvre à accomplir. Et soyez convaincu quej'eus été alors à l'égard de mes ressentiments bien plusqu'un simple obligé, mais un incorruptible coryphée.

Mais ce n'est pas ainsi que cela s'est exactementpassé.

Le saccage émotionnel avait à peine commencé,lorsque je suis revenu à moi.

Le jour de mon réveil.Le jour où j'ai enfin compris le sens de la vie.Il ne sert à rien de se battre contre sa destinée.Il faut être patient. Attendre le jour J, l'heure H.À jamais pour toujours, pour ne pas passer à côté de

l'unique chance.Vous pouvez bien penser ce que vous voulez… ma

chance à moi se nommait Marlon Brando.

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2.

Les forces de l'esprit

J'ai rencontré Endo Golski pour la première fois chezmon voisin, au 6e étage d'un immeuble salement décré-pit, à l'angle de la rue du Borrego, à Belleville, dans leXXe arrondissement de Paris. Moi, j'habite l'étage endessous. Un très vieil appartement que j'occupe depuisbientôt trente ans. Par habitude. Un rien de fatalisme,une pincée de démission, un brin de résignation, et lecompte est bon. Vingt-sept ans exactement que celadure.

Et pourtant. Je ne me vois pas vivre ailleurs. D'abordparce que j'aime ce quartier. Je m'y suis mariée, et c'esttout près de là, dans le cimetière de Belleville, queMarcelino, mi marido, mi pobrecito, repose en paix.Bientôt vingt ans qu'il est parti. Pour le grand voyage.Celui dont on ne revient pas. C'était un vendredi, le1er mai, le jour de la fête du travail. Lui qui avait tanttravaillé, si c'est pas un comble ! Ouvrier maçon qu'ilétait, depuis sa plus tendre enfance. Un métier rude,noble et sain, mais très éprouvant quoi qu'on en dise.

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Des milliers de maisons bâties et pour résultat un corpsdétruit, démoli par le labeur. Quel paradoxe de mauvaisgoût, quelle absurdité ! Et pourtant, il faut bien quequelqu'un les érige ces murs pour que fleurissent lesmaisons où se doit épanouir la marmaille des faubourgs.Bâtir, dresser, s'élever, puis crochir et s'en aller mourir…tel est notre devenir.

Puis pareillement, la même semaine, mi Yolanda s'enest allée. Dalida, mon idole, dans la solitude de samaison, la nuit du 2 au 3 mai 1987, sur un lit si grandqu'il en était froid. C'est après ces deux drames person-nels que je me suis fait teindre en rouge burg, pourchanger de peau. J'ai quitté Esperanza Belosi pourdevenir madame Dubhé, la cartomancienne de la rueHaxo, praticienne en art divinatoire et très voyante dansses nouvelles couleurs.

Enfin, on ne devient pas voyante du jour au lende-main. On l'est depuis toujours, évidemment. C'est undon, ignoré la plupart du temps. D'abord par la com-munauté scientifique, et tout autant par celui qui lepossède. Puis un jour, c'est la révélation. L'évidentevérité. Qui illumine les ténèbres. Nos ténèbres inté-rieures, présentes et passées, les oubliées comme lesvivaces, celles qui nous oppriment et qu'on tented'étouffer. Nous, Terriens, avons tous cela en commun.Vaincre nos peurs. C'est ce que la plupart des consul-tants viennent chercher en général. Non pas desréponses à leurs problèmes existentiels, comme tenter depercer les mystères d'un avenir qu'ils désirent connaître.

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Non, ce sont les affres de l'inquiétude qu'ils cherchent àapaiser. Retrouver la sérénité. Dissiper l'angoisse deslendemains incertains. Dompter leur destin et pourquoipas celui des autres. Voilà le vrai moteur de leur quête.Et c'est ce que je m'efforce encore aujourd'hui de leurapporter. Tant bien que mal.

Aussi curieux que cela puisse paraître – et au risquede réjouir tous les détracteurs des sciences occultes,j'étais, voyez-vous, à cette époque-là, confrontée audoute. Continuellement. Pas un jour que Dieu fasse oùje ne me disais : « Est-ce bien toi qui es dans le vrai ? »Parfois même, un gouffre béant et vertigineux s'ouvraitsous mes pieds. Un vide immense qui pourrait serésumer à cette question aussi banale que dévastatrice :« Mais à quoi sers-tu en ce bas monde ? » Plus souventqu'à mon tour, il m'arrivait de me dire que je n'étaisguère mieux qu'une diseuse de bonne aventure. Unevoyante, qui avant même d'avoir été, se voyait déjà hasbeen. Oh, certes, je n'étais pas encore aveugle, mais deplus en plus, je voyais de moins en moins. Lentement,mais sûrement. À tel point qu'à l'époque où cette cécitéspirituelle a commencé à se manifester, je me suisdemandé si elle ne pouvait pas être éventuellement liée àune maladie. Mais comment savoir ? En consultant lesoracles, me direz-vous. Trop facile. Une voyante ne peutrien présager de sa propre vie. Ça ferait du tort à soncommerce, j'imagine. Certainement même. Je n'y voispas d'autre explication.

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En ce temps-là – qui n'est pourtant pas si lointainque ça, à peine quelques années – je perdis quasimenttoute ma clientèle si durement acquise en dix ans depratique et d'investissement personnel. Dix ans detravail et de don de soi au-delà du raisonnable qui fon-dirent comme neige au soleil. Seule une poignée declients, très fidèles au demeurant malgré mes visiblesdéfaillances, persista à me venir consulter. Dans quel butexactement ? Je n'osais le leur demander, étant entenduque je n'étais plus en mesure de le leur révéler.

De très fidèles protégés, qui, durant sept bellesannées, s'évertuèrent à me porter secours. Leur abnéga-tion à me venir consulter, leur soutien dans l'effort deguerre que je menais contre ma lente dégénérescencefurent pour moi une bouée de sauvetage inespérée. Et jem'y suis accrochée, frénétiquement, bravant la menacede cet océan de doutes aux eaux profondes et tumul-tueuses qui déferlait sur moi. J'aurais pu finir engloutie,tant cette sensation de ne plus exister, de ne plus servir àrien ni à personne est terrible et dévastatrice.

Sombrer. D'un certain côté, je le souhaitais. Lapreuve, la bouteille de Pastis qui, durant toute cettepériode de trouble, ne me quittait pour ainsi dire plus.Sans oublier le vin vieux ! Attention, pas l'infâmepiquette de chez Félix Potin ! Non, du côtes-du-rhône,que j'adore. Dieu soit loué, je m'étais cantonnée à cetteépoque-là à un usage simple, qu'on appelle aussi usagesans dommage ; celui qui précède l'usage à risque, puisenfin l'usage nocif – avec ou sans dépendance, d'ailleurs.

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Remarquez, je m'en suis assez bien sortie, puisquearriva quelque chose que je n'attendais plus. Ça m'esttombé sur le coin de la figure, sans que rien ne l'annon-çât. Enfin, pour être exacte, il s'agissait de quelqu'un.Pas un prince charmant, comme vous pourriez l'imagi-ner. Ces choses-là ne sont plus de mon âge. Pas plusqu'un prince des villes, d'ailleurs. Non. Ce type-làn'était pas un noble. Aucun titre, aucune lignée royale,pas plus que de descendance divine. C'était même untype banal, un berger perdu dans le clair de lune, errantsur la plaine des Cimmériens. Et pourtant sans même lesavoir, ce gars-là m'a sauvé de l'abîme où je sombraisinconsciemment.

Et tout s'est alors remis en marche, presque miracu-leusement.

Je vous vais raconter comment, puisque est enfinvenu le moment ; même si trouver le bon bout parlequel tout récit doit être entamé, n'est guère choseaisée. Certes, dans toute histoire il y a toujours unélément détonateur, qui peut se révéler être un person-nage, un événement particulier, souvent anodin, parfoismagique, et d'un certain côté, probablement traumati-sant aussi. D'une manière générale, ce sont ces multiplescombinaisons d'éléments déterminants qui aboutissentà la compréhension globale de l'itinéraire d'un individu.Même si tout récit se compose généralement d'une foul-titude de petites histoires qui s'imbriquent les unes auxautres pour former la Grande, la Belle histoire. Et celled'Endo ne déroge pas à la règle : elle est intimement,

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implicitement, liée à la trajectoire de celles et ceux quil'ont conduit jusqu'à moi, jusqu'à l'épopée de l'universet des étoiles, et ça peut ainsi durer encore longtemps.On peut facilement faire le tour complet de la galaxie.Mais, si je m'en tiens aux seules dimensions du globeterrestre, la liste des contrées impliquées dans cetteaffaire n'en est pas pour autant en reste. Voyez donc : laFrance, la Corse, l'Espagne, l'Italie, la Grèce, laYougoslavie, la Russie, le Kazakhstan, les États-Unis etTahiti. Si ça, ce n'est pas une histoire internationale,alors je n'y entrave rien !

Comme vous l'avez compris, mon univers se nourritessentiellement des arts divinatoires, notamment la car-tomancie ; art complexe et transcendantal consistantautant que faire se peut, à analyser les cartes pourpercevoir le passé, le présent et l'avenir. Perception,intuition, clairvoyance et parfois même suggestion,nous conduisent peu à peu aux déductions de l'impos-sible, voire aux pensées les plus secrètes d'un individu,jusqu'à ses aspirations les plus fondamentalementoccultes. Alors, s'ouvre à nous la voie royale pour péné-trer son passé, bien au-delà des ténèbres insondables.Ces mêmes ténèbres où moi, madame Dubhé, inter-prète inconsciente des arcanes, je vous vais plonger,docilement, jusqu'à la révélation finale. Et quand vouslirez les dernières lignes de la troublante histoired'Endo Golski, vous comprendrez de la manière laplus naturelle qui soit, que toute prédiction n'est pas lefruit d'une exaltation inepte et irrationnelle, mais au

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contraire, la matière vivante de toutes les imminentesréceptivités des Êtres.

Car oui, je le dis tout de go, je crois à nouveau auxforces de l'esprit.