l'Hémicycle - #431

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DR STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP L’affaire est entendue. Depuis près d’une semaine les ténors de la majorité, confortés par l’agence Moody’s qui a maintenu ce lundi le triple A de la France, nous affirment que la dégradation décidée par Standard & Poor’s n’est qu’une péripétie, déjà intégrée par les marchés et prévue depuis plusieurs mois. Tout juste si l’on ne nous explique pas que la perte de ce qui était encore il y a quelques semaines un trésor national constitue finalement un électrochoc salutaire qui doit encourager chacun à aller plus loin dans la voie des réformes décidées par le Gou- vernement. Mieux, à entendre François Fillon, Standard & Poor’s aurait d’abord sanctionné le fait que Nicolas Sarkozy, droit dans ses bottes et sûr de sa politique, au- rait été freiné par une opposition qui a refusé les réformes censées contribuer au redressement de notre économie. Campagne présidentielle oblige, l’argumentaire déve- loppé n’est pas une surprise. Et relève de la conviction souvent justifiée que plus c’est gros plus ça passe. Mais la vérité est tout autre. La vérité c’est que cette « péripétie », même si elle n’est le fait que d’une seule agence, est une sanction économique sans précédent et une humiliation politique dont la France se serait bien passée. Commerce extérieur, endettement, dé- ficit, emploi, pouvoir d’achat, tous les clignotants sont au rouge. Et si la sanction économique vaut pour tous ceux qui ont dirigé la France depuis trente ans, les respon- sabilités ne sont quand même pas les mêmes entre le camp qui est au pouvoir sans discontinuer depuis dix ans et à l’Élysée depuis dix-sept et les autres. Quant à l’humiliation politique elle est pire encore, puisqu’après avoir fait la leçon à l’Europe entière avec un mépris inconvenant pour les Grecs, les Italiens ou bien encore les Espagnols, nous voici à notre tour dans le camp des gens du Sud, décrochant pour la première fois depuis la création de l’Europe du peloton de tête. Le Premier ministre, qui déclarait avec lucidité en 2007 que la France était en faillite, a fait de son mieux depuis quelques jours pour nous faire oublier que la France a perdu le Nord. Mais les Français eux l’ont bien compris et ils entrent dans la dernière ligne droite de la prési- dentielle totalement déboussolés, sans doute plus enclins que jamais à entendre le chant des extrêmes. Il reste moins de cent jours aux candidats pour redonner envie sinon confiance à ces Français incrédules qui ont perdu toutes leurs certitudes devant l’ambiguïté et le flou de ceux qui prétendent les conduire. Dans ce contexte c’est celui qui donnera le sentiment de fixer le cap le plus crédible qui l’emportera. À trois mois de l’élection, rien ne va plus… faites vos programmes, il y a urgence ! Et aussi Le chiffre Éditorial Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE PATRICK KOVARIK/AFP www.lhemicycle.com La chasse est ouverte Ouvriers, artisans, commerçants, petits fonctionnaires, les classes populaires et moyennes se sentent abandonnées. Courtisées par tous les candidats, leurs votes seront décisifs à la présidentielle. Par Marc Tronchot I ls sont comme des géologues devant un gisement de minerai ou des pêcheurs qui viennent de repérer un banc de poissons. Chacun a bien l’intention d’en prendre sa part, la plus grosse possible, et s’imagine déjà surfer sur une vague qui le fera héros. Et pourquoi pas, président de la République. Aux candidats à ce poste, tous les coups sont permis. Toutes les manœuvres. Tous les chants de sirènes. Toutes les protestations d’innocence et toutes les promesses généreuses. Qui s’agit-il de séduire ? Ces fameuses classes populaires, qui souffrent, et ces classes moyennes, que l’avenir inquiète. Tous ces oubliés, tous ces silencieux pour reprendre les mots de Mme Le Pen. Et pourquoi pas les damnés de la Terre ? Elle s’est retenue à temps ! Si tous les stratèges politiques se penchent aujourd’hui sur les préoccupations de ces deux ca- tégories, c’est pour une raison simple : leur haut niveau de rendement élec- toral. Dans un paysage politique mar- qué par une dispersion des forces très aléatoire, elles sont en mesure de faire ou de défaire les élections présiden- tielles et législatives à venir. Mitter- rand sut les attirer en 1981, Chirac parvint à leur vendre la fracture so- ciale en 1995, Le Pen à les capter pour se hisser au second tour de la pré- sidentielle en 2002, Sarkozy à les récupérer cinq ans plus tard. Ces caté- gories sont difficiles à identifier d’au- tant qu’elles ont évolué au fil des ans. Telle qu’on la définissait à la fin du siècle dernier, la classe ouvrière est au paradis depuis longtemps. > Lire la suite p. 4 Classes populaires et classes moyennes NUMÉRO 431 — MERCREDI 18 JANVIER 2012 — 2,15 ¤ La France déboussolée 489 milliards d’euros Cynthia Fleury P. 3 Christophe Guilluy P. 2 Les voix royales de Valérie Pécresse Admiratrice de Malraux, la ministre du Budget rencontre l’auteur des Antimémoires dans le cabinet de son grand-père, le psychiatre Louis Bertagna > Récit d’Éric Fottorino p. 12 ÉRIC PIERMONT/AFP Les infirmières anesthésistes en mai 2010. Une manifestation du ras-le-bol des classes moyennes. C’est le montant des prêts accordés en décembre par la Banque centrale européenne à quelque 523 banques de la zone euro. Ces prêts doivent permettre aux banques d’éviter de se retrouver sans liquidités et leur laissent du temps pour se conformer aux obligations réglementaires, en premier lieu les recapitalisations exigées par l’Autorité bancaire européenne (ABE).

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l'Hémicycle numéro 431 du mercredi 18 janvier 201

Transcript of l'Hémicycle - #431

DR

STÉP

HAN

EDE

SAKU

TIN/AFP

L’affaire est entendue. Depuis prèsd’une semaine les ténors de lamajorité, confortés par l’agenceMoody’s qui a maintenu ce lundi letriple A de la France, nous affirment

que la dégradation décidée par Standard & Poor’s n’estqu’unepéripétie,déjà intégréepar lesmarchésetprévuedepuis plusieursmois. Tout juste si l’on nenous expliquepas que la perte de ce qui était encore il y a quelquessemaines un trésor national constitue finalement unélectrochoc salutaire qui doit encourager chacun à allerplus loin dans la voie des réformes décidées par le Gou-vernement.Mieux,àentendreFrançoisFillon,Standard&Poor’s aurait d’abord sanctionné le fait que NicolasSarkozy, droit dans ses bottes et sûr de sa politique, au-raitété freinéparuneoppositionquia refusé les réformescenséescontribuerau redressementdenotreéconomie.Campagne présidentielle oblige, l’argumentaire déve-loppé n’est pas une surprise. Et relève de la convictionsouvent justifiée que plus c’est gros plus ça passe.Mais la vérité est tout autre. La vérité c’est que cette«péripétie »,même si elle n’est le fait que d’une seuleagence, est une sanction économique sans précédentet une humiliation politique dont la France se seraitbien passée. Commerce extérieur, endettement, dé-ficit, emploi, pouvoir d’achat, tous les clignotants sontau rouge.Et si la sanction économique vaut pour tous ceuxqui ont dirigé la France depuis trente ans, les respon-sabilités ne sont quand même pas les mêmes entrele campqui est aupouvoir sans discontinuer depuis dixans et à l’Élysée depuis dix-sept et les autres. Quant àl’humiliation politique elle est pire encore, puisqu’aprèsavoir fait la leçon à l’Europe entière avec un méprisinconvenant pour les Grecs, les Italiens ou bien encoreles Espagnols, nous voici à notre tour dans le campdesgensduSud, décrochant pour la première fois depuis lacréation de l’Europe du peloton de tête.Le Premierministre, qui déclarait avec lucidité en 2007que la France était en faillite, a fait de sonmieux depuisquelques jours pour nous faire oublier que la France aperdu le Nord.Mais les Français eux l’ont bien compriset ils entrent dans la dernière ligne droite de la prési-dentielle totalement déboussolés, sans doute plusenclins que jamais à entendre le chant des extrêmes.Il restemoinsdecent jours aux candidatspour redonnerenvie sinon confiance à ces Français incrédules qui ontperdu toutes leurs certitudes devant l’ambiguïté etle flou de ceux qui prétendent les conduire. Dans cecontexte c’est celui qui donnera le sentiment de fixerle cap le plus crédible qui l’emportera.À trois mois de l’élection, rien ne va plus…faites vos programmes, il y a urgence !

Et aussi

Le chiffre

ÉditorialRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

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www.lhemicycle.com

La chasse est ouverteOuvriers, artisans, commerçants, petits fonctionnaires, les classespopulaires etmoyennes se sentent abandonnées. Courtiséespartous les candidats, leurs votes serontdécisifs à laprésidentielle.ParMarc Tronchot

Ils sont comme des géologuesdevant un gisement de mineraiou des pêcheurs qui viennent de

repérer un banc de poissons. Chacuna bien l’intention d’en prendre sa part,la plus grosse possible, et s’imaginedéjà surfer sur une vague qui le ferahéros. Et pourquoi pas, président dela République. Aux candidats à ceposte, tous les coups sont permis.Toutes les manœuvres. Tous les chantsde sirènes. Toutes les protestationsd’innocence et toutes les promessesgénéreuses. Qui s’agit-il de séduire ?

Ces fameuses classes populaires, quisouffrent, et ces classes moyennes, quel’avenir inquiète. Tous ces oubliés,tous ces silencieux pour reprendreles mots de Mme Le Pen. Et pourquoipas les damnés de la Terre ? Elle s’estretenue à temps ! Si tous les stratègespolitiques se penchent aujourd’huisur les préoccupations de ces deux ca-tégories, c’est pour une raison simple :leur haut niveau de rendement élec-toral. Dans un paysage politique mar-qué par une dispersion des forces trèsaléatoire, elles sont en mesure de faire

ou de défaire les élections présiden-tielles et législatives à venir. Mitter-rand sut les attirer en 1981, Chiracparvint à leur vendre la fracture so-ciale en 1995, Le Pen à les capter pourse hisser au second tour de la pré-sidentielle en 2002, Sarkozy à lesrécupérer cinq ans plus tard. Ces caté-gories sont difficiles à identifier d’au-tant qu’elles ont évolué au fil des ans.Telle qu’on la définissait à la fin dusiècle dernier, la classe ouvrière est auparadis depuis longtemps.

>Lire la suite p. 4

Classes populaires et classes moyennes

NUMÉRO 431 —MERCREDI 18 JANVIER 2012 — 2,15 ¤

La Francedéboussolée

489milliardsd’euros

CynthiaFleury

P. 3

ChristopheGuilluy

P. 2

Les voix royalesde Valérie PécresseAdmiratrice de Malraux, la ministre du Budgetrencontre l’auteur des Antimémoires dans lecabinet de son grand-père, le psychiatre LouisBertagna>Récit d’Éric Fottorino p. 12

ÉRICPIER

MONT/AF

P

Les infirmières anesthésistes en mai 2010. Une manifestation du ras-le-bol des classes moyennes.

C’est le montant des prêts accordés en décembre parla Banque centrale européenne à quelque 523 banquesde la zone euro. Ces prêts doivent permettre auxbanques d’éviter de se retrouver sans liquidités etleur laissent du temps pour se conformer aux obligationsréglementaires, en premier lieu les recapitalisationsexigées par l’Autorité bancaire européenne (ABE).

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2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 431, MERCREDI 18 JANVIER 2012

Agora

DansFractures françaises(FrançoisBourinÉditeur), vousnotezqu’en2007,pour lapremièrefois, l’originedesélecteursainfluencé le résultat électoral–vousévoquiezmême l’expressionpolitiqued’unséparatismeculturel.Quellesévolutionsvoyez-vousentre laFrancede2007et cellede2012?Ce que l’on a vu pour la premièrefois en 2007 devient prégnant en2012 : chez les électeurs, tout n’estpas social, tout n’est pas identi-taire, mais ces deux dimensionsse combinent très fortement. Etles dynamiques démographiques,sociologiques, culturelles confir-ment une logique de séparatisme.Le climat renforce cette tendance.En cinq ans, la dégradation socialeest impressionnante, toutes les in-sécurités ont progressé. Les terri-toires dessinent ainsi une nouvellegéographie sociale qui se cristallise.Toutes les grandes périodes demutations économiques ont faitémerger un paysage : avec la révo-lution industrielle, ce furent lesquartiers ouvriers et les territoiresbourgeois ; avec les Trente Glo-rieuses, ce fut l’étalement urbainet la France pavillonnaire, consé-quence de l’émergence des classesmoyennes. Aujourd’hui, aprèsvingt ans de mondialisation, onvoit une France compatible avecce phénomène, la France des mé-tropoles, des grandes villes créa-trices de richesses, et une Francepériphérique, périurbaine, rurale,industrielle, qui regroupe aussipetites villes et villes moyennes,

une France dans laquelle vit la ma-jorité des ouvriers et des employés.

Ces fractures territorialesentraînent-ellesdesattitudespolitiquesdifférentes?Tous les Français sont dans unelogique de prise en compte de lasociété multiculturelle et des pro-blèmes que cela suscite. L’électeur« bobo parisien » peut voter pourBertrand Delanoë, mais veut éviterle collège du coin pour ses enfants,afin de privilégier un endroithomogène socialement et ethni-quement. Il a le pouvoir d’érigerlui-même des frontières culturelles.L’électeur frontiste d’Hénin-Beau-mont n’a pas les moyens d’érigerles mêmes frontières, du coup ildemande à l’État de le faire. Maischez l’un et chez l’autre, les de-mandes identitaires et culturellessont voisines.

Lesclassesmoyenneset les classespopulairesont-ellesdes intérêtspolitiquescontradictoires?La majorité de la population fran-çaise est dans une logique deprécarisation. Jean-Paul Delevoye,l’ancien médiateur de la Républi-que et président du Conseil écono-mique, social et environnemental,a estimé entre 12 et 15 millionsle nombre de Français qui sont à50 ou 150 euros près pour bou-cler leurs fins de mois. Si bien quel’on assiste à deux phénomènes :d’abord, l’explosion des classesmoyennes, un concept trop ancrédans la période des Trente Glo-rieuses – seule demeure la classe

moyenne de la fonction publique.Ensuite, l’émergence de nouvellesclasses populaires. Leurs caractéris-tiques : des revenus faibles, souventlargement inférieurs au salaire mé-dian, un chômage important, uneinsécurité sociale forte, une dégra-dation des conditions de travail.Enfin, la classe ouvrière était hierintégrée au tissu économique ; au-jourd’hui, elle vit à l’extérieur desterritoires les plus actifs. Cela meparaît un fait majeur. La Francedes invisibles, c’est la France desterritoires invisibles. Les banlieuesn’appartiennent pas à cette France :elles se situent dans la France desmétropoles – c’est l’intégrationmondialisée par le haut et par lebas. La Seine-Saint-Denis est aucœur de l’ère parisienne, la plusdynamique du pays. Mais cetteFrance représente 40% de la popu-lation française, quand 60% restentà l’écart. Lamoitié de la populationvit dans des communes de moinsde 10 000 habitants.

Lespartisdegouvernement sont-ilscondamnésauxyeuxd’unepartiecroissantede lapopulation?Schématiquement, on peut direque la droite capte encore les re-traités, et la gauche une forte par-tie de la fonction publique, unecatégorie protégée de la mondia-lisation. Je ne crois pas à l’idéed’une droitisation en Europe dueau vieillissement de la population.Non, le rempart au populisme, cesont les personnes âgées, qui nesouhaitent pas renverser la table.En revanche,Marine Le Pen semble

capter une part croissante de lapopulation active. Voilà où nousen sommes : les deux grands partisde gouvernement sont soutenuspar des gens qui ne sont plus ni lapopulation active ni la jeunesse.

NicolasSarkozya-t-il lesmoyensderetrouver l’écoute, et la confiance,decesclassespopulaires?On a dit que Nicolas Sarkozy avaitété élu grâce à son discours sur lepouvoir d’achat. Certes, mais s’ila obtenu 31 % au premier tour,c’est grâce à un discours de typeidentitaire, sur des thématiquesclassiques du FN : l’insécurité,l’immigration. Or il est objective-ment en échec sur l’un et l’autrede ces sujets – violences aux per-sonnes, nombre d’entrées sur leterritoire. Il lui reste une carteimportante : son divorce avec lescatégories populaires est récent,alors qu’à gauche il est plus ancienet plus profond.

«Aujourd’hui, la gaucheest forte làoù lepeupleest faible»,avez-vousécrit. FrançoisHollandevousparaît-ilmieuxarméqueSégolèneRoyal en2007?Ségolène Royal avait commencéavec Jean-Pierre Chevènement pourfinir avec Bernard-Henri Lévy. PourFrançois Hollande, une questionessentielle se pose : représente-t-illa gauche Terra Nova ou souhaite-t-il parler aux catégories popu-laires ? Depuis vingt ans, le PS a étéporté par les grandes métropoles,les villes les plus intégrées à lamondialisation et à une société

ouverte. Il ne peut pas fairecomme si son électorat ne se trou-vait pas là. Comment alors parlerau peuple sans désespérer Bobo-land ? François Hollande s’efforced’aller devant les ouvriers, maisla gauche au Sénat fait passer ledroit de vote des étrangers auxélections locales. Pour l’heure, c’esttoujours la gauche Terra Nova quiest aux manettes.

Unecampagneprésidentiellepeut-ellemodifier ladonne?On est dans des temps longs.Peut-être les classes populairesreviendront-elles à gauche, s’ily a une vraie prise en compte deleurs problèmes – mais dans deuxou trois générations. Un discourspolitique, même adapté, ne peutpas faire basculer culturellementdes pans entiers de la populationimmédiatement.

LesuccèsdeMarineLePenest-ilencoreunequestiondevaleurs?Les partis ressemblent à leursociologie électorale. Quand ilreprésentait une extrême droiteclassique, le FN avait un électoratbourgeois, de « droite ». Puis l’élec-torat ouvrier est tombé sur la têtede Jean-Marie Le Pen. Du coup,l’extrême droite a adapté son dis-cours et une dimension sociale etéconomique s’est imposée à elle.Le FN a désormais une sociologiede gauche !

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

CHRISTOPHE GUILLUYDIRECTEUR DU BUREAU D’ÉTUDESGÉOGRAPHIQUES ET URBAINES MAPS

ChristopheGuilluy est géographe et dessine une carte politique liée auxmutations économiqueset urbaines. Il estimequ’il faudra beaucoup de temps à la gauche pour reconquérir un électoratpopulaire. Une reconquête qu’il imagine plus facile pour la droite.

«L’extrêmedroite aadapté sondiscours et unedimensionsocialeetéconomiques’est imposéeàelle.LeFNadésormais

une sociologie degauche»

DR

H431_p02-03:L'HEMICYCLE 16/01/12 16:05 Page 2

Lescandidatsà l’Élyséeont tous lamêmecible : les classespopulaires.Quel regardportez-voussur cettecourse?C’est en tout cas une courseplus pertinente et intéressanteque la course sécuritaire. Maisc’est néanmoins assez insuppor-table que cela soit une course…D’abord une précision : les classesmoyennes font partie selon moides classes populaires. Les pre-mières ont bien sûr un revenuplus élevé que les secondes, maiselles partagent les mêmes sen-timents de précarisation et depaupérisation. Elles connaissent,contrairement à la classe proté-gée, un même phénomène dedéclassement depuis ces quinzedernières années. Un raisonne-ment inverse est fait pour diviserles classes populaires dans leur en-semble. Diviser classes moyenneset classes populaires, c’est un malabsolu pour le peuple. Il faut ten-ter de maintenir une consciencecommune. Si celle-ci disparaît, lesclasses populaires s’affaibliront.

Commentdéfinissez-vousaujourd’hui les classespopulaires?On dit généralement que ce sontles Français qui sont en dessousdu seuil du revenumédian, qui estaujourd’hui d’environ 1 800 euros.On peut aussi trouver des raisonsgéographiques. Les classes popu-laires sont victimes par exempled’un effet de ghettoïsation de plusen plus grand, de périphérisation,

en étant expulsées de l’intérieurdes villes. Dans les lycées, il y aaussi un phénomène classique desectorisation. Mais la meilleure dé-finition selonmoi est la définitioncapacitaire. C’est aujourd’hui enFrance une classe qui subit unaffaiblissement de ses capacitésde liberté, une perte de sa capacitéà définir sa vie.

Ya-t-il aussi des sous-catégoriesdans les classespopulairesaujourd’hui : lesouvriers, ceuxqu’onappelle les invisibles…Bien sûr. C’est toute la complexitéd’aujourd’hui. Il y a une atomisa-tion des destins individuels dansla démocratie française. On pour-rait même dire qu’un ouvrier neressemble pas à un autre ouvrier.C’est en cela que penser désormaisdes politiques qui transforment lavie des gens est plus compliqué.C’est un biais nouveau. C’est pres-que une refonte du contrat social.On ne gouverne pas comme en1950. On doit gouverner en ajus-tant ici, désajustant là, centrali-sant ici, décentralisant là. Il fautdésormais se mettre au niveaudu cas par cas pour gouverner.C’est très nouveau pour les Fran-çais. Ils ont une conception trèségalitariste des politiques. Or, au-jourd’hui, pour être plus équili-bré, il ne faut plus une exécutionsans nuance, sans ajustement pos-sible. Mais cela peut inciter aussicertains à penser rapidement qu’ily a des privilèges… Je sais que la

thèse du déclassement des classesmoyennes est considérée par cer-tains comme une fiction. Pourtant,comment interpréter autrementle fait suivant : jusqu’en 1975, lacroissance annuelle du salaire réelse situait autour de 3,5 % enmoyenne, d’où une espérance devoir son pouvoir d’achat doubleren vingt ans. Depuis, selon leschiffres de Louis Chauvel, lerythme de croissance est inférieurà 0,5 % par an et le doublementdu salaire « s’étalerait » sur centquarante années.

Lesentimentd’exclusiondesclassespopulairesn’estpasnouveau.Onsesouvientdu21avril.Qu’a changé la crisedecesdernièresannées?Évidemment la crise renforce ledécouragement des gens. Elle ren-force le phénomène d’impuissance,de déficit de crédibilité du poli-tique et un déficit de confiance àl’égard de la sphère économique.Elle favorise encore plus le senti-ment machinique qui est que lesystème est plus fort que tout.Autre évidence : le populisme enest renforcé.

Commentdéfinissez-vouslepopulismeactuel?Tous les démocrates sont popu-listes, mais tous les populistes nesont pas démocrates. Le popu-lisme a toujours été une idéolo-gie faible, conçue dans le creuxdu ressentiment, une sorte de

syncrétisme trivial. Il prolifèredans la haine et le dégoût desélites, dans la haine de la culture.C’est, derrière la façade du bonsens, le refus de penser. L’instru-mentalisation des classes popu-laires par Marine Le Pen d’uncôté et de l’autre celles de NicolasSarkozy ou François Hollandepeut paraître la même, mais cen’est pas le cas. Il y a chez MarineLe Pen des relents de repli iden-titaire, de protectionnisme, derecherche de boucs émissairesdans une société qui a un impé-ratif d’ouverture avec la mondia-lisation. Les expériences passéesont montré que le populisme nes’était jamais au final cristalliséde manière positive.

Comment lespartis classiquespeuvent-ils renouer avec les classespopulaires?Les partis politiques voient le pro-blème. Mais leur déclic est tardif.Leur motivation demeure peu li-sible pour les Français car elle ap-paraît comme une source d’intérêtmotivée d’abord par l’approchedes élections. Les Français n’ontpas vu ce sujet au cœur du quin-quennat de Nicolas Sarkozy ni aucœur du travail de l’oppositiondurant ces dernières années. Celarenforce donc la décrédibilisationdu politique et l’ère de suspicionque nous vivons. Marine Le Penest moins touchée par ce phéno-mène, car elle a préempté un peuplus tôt le sujet.

Elle vadoncenprofiterparticulièrement lorsdesprochainesélections…Marine Le Pen a pris très tôt desaccents de croisade antimondia-liste. Elle a su non pas faire en-tendre le versant xénophobe deson discours mais le versant plusprotecteur. Il est plus facile dedire « Je nous protège de la mon-dialisation » que de dire « Je suissouverainiste ». Elle a su aussiressaisir le biais républicain enenfourchant le thème de la laï-cité. Marine Le Pen est un per-sonnage qui n’est pas simple àsaisir. Si on veut la combattre, ily a tout un travail de démysti-fication qui doit être entrepris.Rappeler, par exemple, que leFront national a toujours été unparti néolibéral, où le désinves-tissement de l’État n’était abso-lument pas dénoncé.

Aufinal, diriez-vousqu’il y aaujourd’hui deuxFrance?Non. Il y a une France atomisée,totalement fragmentée dans sondestin. Ceux qui s’en tirent disent« protégeons-nous » et ceux quisont déprotégés voient leur dé-couragement progresser. Il fautredéfinir un destin commun,un compromis démocratiquequi permet une part de destinpartagé.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

NUMÉRO 431, MERCREDI 18 JANVIER 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Pour la philosophe, le désintérêt affiché des partis de gouvernement pour les classes populairesa renforcé la décrédibilisation du politique et l’ère de suspicion dans laquelle la France sembles’installer. Cynthia Fleury estime également qu’il faudra beaucoup de temps à la gauche età la droite parlementaire pour regagner la confiance des classes les plusmodestes.

«Pour reconquérir le votepopulaire, il faut redéfinir undestincommun,un compromisdémocratiquequi permetunepart

dedestinpartagé»

STÉP

HAN

EDE

SAKU

TIN/AFP

CYNTHIA FLEURYPHILOSOPHE, CHERCHEUR AU MUSÉUMNATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE

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Àécouter leurs réactions surle vif, les députés avertis delachose financièren’ontpas

été surpris de la perte du triple A :ils s’y attendaient. La dégradationde la note française était inscritedepuis desmois dans le différentieldes taux d’intérêt pratiqués enFrance et en Allemagne. « Les mar-chés avaient déjà acté notre déclasse-ment », explique le centristeCharlesde Courson. Seul lemoment choisipar Standard & Poor’s en a étonnéquelques-uns qui voyaient plutôtle couperet tomber début février.Maispour sapart, le socialisteClaudeBartolone est convaincuque lamau-vaise nouvelle a surpris l’exécutif etqu’« ils » espéraient encore échapperà la sanction. Pour l’élu de Seine-Saint-Denis, c’est un coup dur pourNicolas Sarkozy, à qui il prédit unavenir très sombre : « Il s’est piégélui-même en se mettant la pressionsur le maintien du triple A. On ne peutpas se faire le champion protecteur etsubir une très mauvaise nouvelle éco-nomique pour son image de marque ! »Pour autant fatalisme ne signifiepas résignation : « on aurait préférégarder le triple A », admetDominiqueDord (UMP, Savoie), qui se demandequelle aurait été la situation si« on n’avait pas fait la réforme desretraites, le non-remplacement d’unfonctionnaire sur deux, ou encorela fusion Anpe-Assédic ! » Il y aaussi de la colère, mêlée d’inquié-tude, chez certains. Pour Marie-Jo

Zimmermann, « on a trop sanctifiéle triple A ; on aurait dû abrogerle bouclier fiscal et remettre notre po-litique fiscale à plat depuis deux ansau moins ! » tonne l’élue UMP deMoselle, régulièrement signataired’amendements pour la suppres-sion du bouclier fiscal, et par ailleursfavorable à l’abrogation des 35heures dès 2002. Elle regrette quel’on n’ait « pas pris le taureau parles cornes plus tôt ; cela aurait étéplus facile en début de mandat ! » etreconnaît que « maintenant il fautassurer, et on a du souci à se faire ! »Du souci ? Ils s’en font tous, carau-delà des déficits publics, la pertedu triple A sanctionne la faiblecompétitivité de l’économie fran-çaise. Si pour Jérôme Chartier ladécision de Nicolas Sarkozy d’ins-taurer une TVA anti-délocalisationest « stratégique », cette mesure nesera pas suffisante pour inverser latendance : « La compétitivité, ce n’estpas seulement une question de coûtdu travail » relève François Goulard,qui déplore que « la France est unpays qui a perdu tout pragmatisme :on fait des programmes et des schémaspour tout ; les finances publiques nesont que la partie la plus visible del’iceberg ».En attendant il faut réagir et si toutle monde s’accorde à dire qu’il fautcontinuer de réduire les déficitspublics, personne ne détient la for-mule magique qui permettrait à lafois de réduire la dépense publique

et d’augmenter les recettes avec unepression fiscale accrue, sans pourautant compromettre la croissance,déjà très faible : « On ne fera peut-êtrepas 1%en2012»,prévientChristianEckert, qui pense que le Gouverne-ment va devoir trouver quelquesmilliards supplémentaires et qu’il« prépare l’opinion à un troisième plande rigueur » ! Côté fiscalité, les élus seperdent en conjectures et en propo-sitions : Christian Estrosi, qui note« qu’Obama n’en est pas mort » (dela perte du triple A), voudrait quel’on s’inspire de l’exemple des États-Unis : les citoyens américains sontobligés de payer une partie de leursimpôts dans leur pays, quel quesoit l’endroit où ils résident dansle monde. Le maire de Nice se ditopposé à une hausse de la TVA, saufsi elle « est compensée en pouvoird’achat ». S’ils sont nombreux àpenser que le tour de vis fiscal neportera pas uniquement sur laTVA, ils gambergent aussi sur unerelance de l’économie, car, souligneChristian Estrosi, « il ne faut passeulement des mesures d’économies ; sion ne relance pas la production on nerésoudra rien. »PourCharles deCour-son, le « redressement des financespubliques est d’autant plus dur quela croissance est faible ». Il préconise« une réorientation de l’épargne versles entreprises, d’accentuer l’effort surle crédit d’impôt recherche, d’encou-rager le capital risque. » ChristianEckert voudrait lui aussi «mobiliser

l’épargne » (qui est très importanteen France : 180milliards environ), àtravers l’assurance-vie. Car les dépu-tés qui sont aussi des élus locauxredoutent la raréfaction de l’argentet se préoccupent du financementdes projets des collectivités locales« qui représentent près de 70 % desinvestissements publics ». En mêmetemps ils soulignent que cette dé-gradation de la note française arrivedans un contexte de crise de la zoneeuro et de ce que Jérôme Chartierqualifie pudiquement de « gros stresssur la Grèce ». De quoi relancer ledébat sur le rôle de la Banquecentrale européenne : « elle devraitpouvoir prêter aux États », disent lessocialistes. Le souverainiste JacquesMyard est encore plus catégorique :« Ou les États reprennent le pouvoirsur la BCE et imposent la monétisationde la dette des États pour un plan derelance, ou alors les politiques, qui onten charge la conduite des États, serontbalayés par la crise monétaire majeurequi s’annonce ! »Quant à laquestion :la perte du triple A marque-t-elleun tournant de la campagne ? ilssont peu nombreux à oser une ré-ponse catégorique ; si à gauchequelques-uns pensent que « Nico-las Sarkozy est cuit », à droite oncontinue à s’en remettre « à lasagesse des électeurs qui jugerontle courage de celui qui a osé prendreles décisions difficiles pour l’avenirdu pays ». Des décisions attenduesavec impatience.

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Plan largeAux Quatre Colonnes

Certes la gauche conserve avecpeine une part de ses prolétaires,mais nombre d’entre eux formentaujourd’hui les bataillons du lepé-nisme et les nouveaux gars de laMarine. Le Front national qui, fortde ces troupes, peut aujourd’huienvisager sereinement de draguerles classes moyennes pour complé-ter son panel et viser le deuxièmetour le 6 mai. Le discours de MmeLe Pen récemment à Saint-Denisfaisait partie de cette stratégie. Lesautres candidats, instinctivement,ont illuminé la même cible. Ilssentent bien que c’est là, dans cesclasses moyennes aux contoursflous, chez ces instituteurs, cesagents de maîtrise, ces contre-maîtres, ces employés d’administra-tion ou d’entreprises, chez certainsde ces cadres ou professions libéralesque se jouent les prochains scrutins.Et tous rivalisent pour s’attirer lesbonnes grâces de ceux qu’ils ontpourtant, à gauche comme à droite,souvent contribué à désespérer, decette France moyenne au pouvoird’achat en baisse qui se sent en voiede déclassement, sans avenir pourses enfants, victime de la mondia-lisation, de la finance internatio-nale, de la désindustrialisation,du chômage, d’une immigrationtoujours mal vécue, d’une fiscalitéjugée injuste, une part de Francequi se trouve en butte aux diffi-cultés de logement alors qued’autres, moins méritants viventdans une opulence indécente,et semblent pouvoir tout se per-mettre… Dès lors c’est à qui sera lemeilleur tribun pour dénoncer unefuture nouvelle TVA sociale ou pours’en faire l’apôtre convaincant,défendre les idées inspirées par JamesTobin ou les descendre en flammes,c’est à qui se fera le chantre le plusinspiré du quotient familial, dunouveau made in France, de la pro-motion des entreprises nationalesou du patriotisme économique.Nous sommes à votre écoute, nousvous avons compris, classes popu-laires et moyennes, chantent-ilsà l’unisson, le cœur sur la mainmais chacun dans sa chapelle. À cetélectorat ils chantent Reviens jet’aime, Ne me quitte pas ou Viens àla maison selon les cas. En espérantqu’il saura une fois encore dépasserle dépit que lui inspire une classepolitique souvent jugée impuissante.Et en méditant sur cette phrase del’écrivain Pauline Harvey : « Il y ades révolutions quand les classes assu-jetties n’ont plus d’admiration pourceux qui les dominent. »

L’opinionde Marc Tronchot

DR

Tripler les initiativesÀdroite, après le choc de la dégradation, les députés UMP rivalisentde propositions. Ils veulent croire que cette perte du triple A n’aura pasde conséquences définitives sur l’élection demai prochain. À gauche, touten considérant que la décision de Standard&Poor’s sanctionne la politiquedeNicolas Sarkozy, on reste prudent.Par Anita Hausser

Suite de la page 1

D’habitude, c’est un termemilitaire :dégradation.Ou sportif, quand un

concurrent est rayé du palmarèsd’une course pour cause d’irré-gularité ou de dopage : déclas-sement. Cette fois, faute d’EPObudgétaire, c’est la note de laFrance qui est dégradée parl’agence Standard & Poor’s. Et si laFrance n’est pas exclue de la com-pétition, tout le monde a compris

qu’elle mettrait un certain tempsà revenir dans le peloton de tête.Militaires encore et pas très spor-tifs, les propos de Bernard Accoyerlors de ses vœux à la presse.Le président de l’Assembléenationale a parlé de guerre,ou plus exactement des consé-quences d’une guerre, dont ilimagine le spectre si la gauchegagne les élections. Du moinsavait-on compris cela d’abord.

Mal compris, selon BernardAccoyer, qui voulait parler des« conséquences économiques etsociales d’un rendez-vous raté en2012 ». Dans l’histoire, le mal-heureux s’est mis tout le mondeà dos : les socialistes (il a l’habi-tude) mais aussi Nicolas Sarkozy,qui l’a sèchement désavoué àLille devant Martine Aubry, quin’est même pas députée. Bref, çaa mis un peu de désordre à droite.

À gauche, la cacophonie de la se-maine est venue du quotientfamilial et les socialistes ont dû po-tasser le dictionnaire des verbes :faut-il le supprimer, le moduler,le réformer ? François Hollande ledira plus tard, ses amis ne sont pastous d’accord. Ce qui est naturelpuisque quotient, nous rappelleLe Robert, signifie « résultat d’unedivision ». Ou parfois sa cause,en période électorale.

Les mots de la semaine Par Béatrice Houchard

Dégradation, guerre, quotient

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Ce ne sera pas un raz demarée », prévoit-on déjàdans les couloirs du Sénat.

Présentée au vote le 23 janvier, laproposition de loi sanctionnantla négation du génocide arméniendivise. Le groupe Europe Écologie-Les Verts, qui s’était abstenu àl’Assemblée nationale, voteracontre. La sénatrice EELV du Val-de-Marne Esther Benbassa a menéla discussion devant ses pairs :« On ne peut pas à la fois dicter lapolitique d’un gouvernement, voterdes lois mémorielles, qui compliquentle travail des historiens, et donnerl’assentiment à une loi d’affichageet électoraliste. »Bien qu’ardemment voulu parNicolas Sarkozy, le texte gêneaussi la majorité. Gérard Larcheret Jean-Pierre Raffarin ont mani-festé leur opposition. Tout commele sénateur de Seine-et-MarneJean-Jacques Hyest et celui duNord Jean-René Lecerf. D’aucunscomme la sénatrice du Bas-RhinFabienne Keller s’interrogentsur la pertinence du législateurà s’emparer de faits historiques.« Il serait plutôt nécessaire d’orga-niser des débats entre historiens »,soutient-elle.

Même si la droite porte le projetde loi, l’ensemble des sénateurssocialistes devraient apporter leurvoix. Le PS entend rester cohé-rent. Suite à de nombreux actes deprofanation perpétrés en 2006,les députés socialistes avaientprésenté une proposition de loirédigée dans les mêmes termesque celle d’aujourd’hui. Votée en2006, elle avait été retoquée auSénat en mai dernier.Après les menaces de représaillesémanant de la Turquie, unedéperdition de voix à gauche estnéanmoins à prévoir. La sénatriceCatherine Génisson n’est pas sûred’aller voter. « Nous avons besoinde la Turquie, dans les équilibreseuropéens actuels. » Fervent défen-seur de la cause arménienne,François Rebsamen apporte désor-mais de la nuance dans ses pro-pos. « C’est un texte douloureuxmais juste. Il renvoie à une tragédieet va certainement creuser le fosséentre deux communautés. » Le pré-sident du groupe PS reste néan-moins en campagne : « La manièreprécipitée par laquelle le texte estarrivé au Sénat montre une fébrilitédu candidat Nicolas Sarkozy. Il estcomme une guêpe qui se tape contre

les parois d’une cloche en se deman-dant ce qu’elle peut faire pour sortir. »Le sénateur socialiste des Hauts-de-Seine Philippe Kaltenbachdemeure profondément convaincudu bien-fondé de la démarche. Ila même pris l’initiative d’orga-niser des auditions. La semainedernière, Bernard-Henri Lévy,les ambassadeurs d’Arménie etde Turquie ont été entendus.Le diplomate turc a réitéré queles relations bilatérales entre laFrance et la Turquie seraiententachées si la loi était votée.Les menaces turques ont renforcéla position de Philippe Kalten-bach. « Le génocide est un crimeparticulier, qui s’accompagne d’unenégation toujours très forte », argue-t-il. L’argument selon lequel lepouvoir législatif n’a pas à s’im-miscer dans l’histoire n’est pasvalable pour l’élu : « Il y a tout letemps des lois mémorielles : les dé-putés ont voté la semaine dernière untexte visant la transformation du 11-Novembre en une journée de commé-moration à tous les morts pour laFrance. » Kaltenbach croit mêmeque le texte amènera la société ci-vile turque à avancer sur le sujet.

Pascale Tournier

Un scandale chassant l’autre,celui qui agite l’IGS risqued’être vite oublié au profit

de la prochaine affaire du jour.Voilà plus de trente ans en effetque, du sang contaminé aux pro-thèses dangereuses en passant parl’affaire Bettencourt, Karachi oubien encore le Mediator, on a prisl’habitude d’avaler de mauvaisesaffaires, comme si la France telun boa constricteur était capablede tout absorber et les Françaisde tout digérer. Pourtant lesmani-pulations financières révélées parLe Monde sont d’une gravité tellequ’on doit s’interdire absolumentde les classer « secret-scandale ».Si les faits décrits sont avérés, ilsmettent en cause les fondementsmêmes de notre démocratie. Dé-couvrir qu’en France, il y a cinqans à peine, la police des polices,censée faire la chasse aux ripoux,

a pu en toute impunité construirede toutes pièces une instruction àcharge contre des hauts fonction-

naires qui ne pensaient pas bien(entendez proches de la gauche)pour les écarter, cela fait froid dans

le dos. Et l’évocation des écoutestéléphoniques inexcusables, cou-vertes par Mitterrand, n’absoutpas ceux qui en 2007 ont proté-gé les policiers qui ont imaginéces manipulations. Ces méthodess’apparentent tellement à ce qu’ona pu reprocher aux polices poli-tiques des dictatures de droiteou de gauche que l’on a du mal àimaginer qu’elles puissent existeren France ailleurs qu’au cinéma.Naïveté diront certains, qui nemanqueront pas de souligner quece genre de pratiques a toujoursexisté. Ça n’est pas une raison pourl’accepter. Une démocratie quienfante une police de cette natureou qui couvre les agissements decertains de ses collaborateurs n’estplus totalement une démocratie.Toutes les enquêtes montrent queles Français n’ont pas confiancedans leur police, elle leur fait

peur et ils ne l’aiment guère. Untel scandale, qui confirme quepersonne n’est à l’abri d’unemanipulation, n’est pas fait pourinverser une telle situation. Onattend du pouvoir quel qu’il soitqu’il condamne haut et fort cescomportements déviants. C’est laseule façon pour les politiquesde retrouver la confiance del’opinion. Nous en sommes loinaujourd’hui, puisque du préfet depolice au ministre de l’Intérieuron entend que la dénégationoutragée de leur hypothétiqueresponsabilité. Sur les faits pasun mot, silence assourdissant quisemble d’une certaine manièreaccepter l’inacceptable. C’est aumoins aussi inquiétant que lesagissements de l’IGS.

Robert Namias>Lire également Les Cahiers

de campagne, p. 6

MalaiseauSénatautourde la loisur le génocidearménien

L’IGS,unepolicepolitique?

La proposition de loi sanctionnant la négation du génocide arménien suscite le troubledans les rangs des sénateurs. Prévu le 23 janvier, le vote au Sénat s’annonce serré.

Plan large

Fabienne Keller. LasénatriceUMPduBas-Rhin s’interrogesur lapertinencedu législateur à s’emparerde faits historiques.PHOTO OLIVIER MORIN/AFP

Yannick Blanc avec l’avocat Arnaud Klarsfeld, en 2006.Accuséà tort d’avoir couvert un traficdecartesdeséjour, ledirecteurgénéral de lapolice,prochede lagauche,a étéécarté en2008.PHOTO JEAN AYISSI/AFP

«

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6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 431, MERCREDI 18 JANVIER 2012

ParMichèleCotta

Lundi 9 janvierVœux du Premier ministre à lapresse, sur un ton qui n’appar-tient qu’à lui : sévère, sans aucuneconcession à l’opposition, sanstrop de complaisance non plus

pour la majorité. Mais ne pas sefier aux apparences : Fillon a beauavoir l’air d’un studieux premierde la classe, il a beau pendantplus de quatre ans avoir géré sansbroncher sa cohabitation avecNicolas Sarkozy, c’est un cogneurpolitique : dans cette période floueoù le Président n’est pas encoreofficiellement candidat, la tâcheessentielle du Premier ministreest aujourd’hui, avant tout, derépondre coup pour coup àFrançois Hollande.

Mardi 10 janvierLe Premier ministre, toujours lui,appelle les députés UMP à l’unitéderrière la stratégie de NicolasSarkozy. Difficile. Beaucoup, autourdu président de la République,doutent précisément de la straté-gie en question qu’ils jugent tropoffensive, pour ne pas dire tropclivante : le projet de TVA sociale,d’abord, mais aussi l’annonce ensolo de la taxation des produitsfinanciers laissent penser que lePrésident a choisi la bagarre, pen-sant qu’en politique comme enamour, la meilleure défense c’estl’attaque. Ce n’est pas du goût detout le monde. Certains députésde base craignent qu’un combatprésidentiel trop violent ne setraduise par leur propre défaite,lors des législatives qui suivront.Cette constatation se traduit parune double attitude dans la ma-jorité : la première est de souhaiter,sans trop y croire, persuader Nico-las Sarkozy d’adopter un rythmemoins énergique et un ton plusserein. On voit mal, connaissantses réflexes, le candidat-présidentchanger de comportement.La crainte de certains députés dela majorité se traduit égalementpar des ralliements quotidiens àFrançois Bayrou. Oublié lemomentoù chacun raillait, à l’UMP et sur-tout chez les centristes, le vœu desolitude du président du MoDem.Aujourd’hui, lesmêmes qui avaientcréé le Nouveau Centre et ceuxqui trouvaient au sein de l’UMP dequoi développer et plaider leursvaleurs voudraient bien ressus-citer l’UDF.On lui reprochait de ne pas fairede propositions et de laisser cettestratégie à Nicolas Sarkozy qui, lui,en fait trop. À François Hollande,aujourd’hui, la proposition quifait parler : la réforme du quotientfamilial, c’est-à-dire samodulation.

Le problème est qu’il a fallu atten-dre la fin de l’après-midi pourque François Hollande parle deréforme tandis que le matin l’an-nonce avait été faite par son porte-parole de sa suppression. D’où lamontée au créneau de NicolasSarkozy, de tout ce que l’UMPcompte de participants à safameuse « cellule de riposte », sansoublier les associations familiales.Une fois de plus, inutile et presqueincompréhensible cafouillage dansl’état-major socialiste.

Mercredi 11 janvierMarine Le Pen – mais est-ce vrailorsqu’on se rappelle que son pèrea plusieurs fois fait le même procès– s’est plaint, à la télévision, dene pas disposer des 500 signaturesnécessaires pour que sa candida-ture soit recevable. Elle va plusloin : elle menace tout candidatélu, en 2012, de ne pas être légi-time si elle ne peut pas, aupara-vant, figurer dans la compétition.Elle n’a pas tort : on ne fera pastaire le Front national par le codeélectoral. Ce serait plutôt le codeélectoral qui serait remis en causesi elle ne parvenait pas à prendrele départ de la compétition.

Jeudi 12 janvierGros titre à la une du Monde surune affaire oubliée, cachée et mal-heureusement passée à l’époqueinaperçue, celle d’un dérapage depremière grandeur de l’Inspectiongénérale de la police (IGS), lapolice des polices. En apprenantcomment le « chantier », commeon dit dans les romans policiers,a été monté de toutes pièces en2007, dans les mois précédantl’élection présidentielle, et dansles semaines qui ont suivi, pourdéshonorer et se débarrasserd’hommes soupçonnés d’être tropproches des socialistes, on est saisid’effroi. L’affaire a tourné court dèsl’année suivante ; mais le mal étaitfait, et les policiers en question,dont celui qui était alors le di-recteur de la police générale, Yan-nick Blanc, et ses adjoints, écartés.Marine Le Pen a annoncé son pro-gramme économique aujourd’hui,avec la volonté de montrer que,entourée d’économistes de renom,contrairement à son père, elle maî-trisait ce domaine à la perfection.Un programme à la fois populaire(200 euros d’augmentation pourles salaires inférieurs à 1,4 fois leSmic), qui reste dans la ligne duredu Front national (économies de41 milliards en stoppant, selonelle, l’immigration légale) et quirepose surtout sur l’abandon del’euro et le retour au franc.

À la lecture des sondages du moisde janvier, on mesure jour aprèsjour les progrès de ces thèmesdans l’opinion publique. Le spectredu 21 avril 2002, à l’envers ou àl’endroit, prend corps peu à peu.Prestation, très écoutée, de Jean-Luc Mélenchon, sur France 2 lesoir même. La vérité est que lepatron du Front de gauche a unsacré tempérament, un vrai talentde tribun et qu’il est, commel’était autrefois Georges Marchais,ce que les animateurs de télévi-sion appellent un bon « client ».On l’écouterait des heures – cequi est d’ailleurs le cas, l’émission

ayant duré deux heures et dix-neuf minutes. Il y a dans la per-manente révolte de cet homme,perpétuel indigné contre les puis-sances de l’argent, quelque chosed’iconoclaste qui parle à chacun.Jusqu’au moment où il en « faittrop », et où l’attention décroche.

Vendredi 13 janvierOn en parlait depuis longtempsde ce maudit triple A que lePrésident et le Gouvernements’étaient engagés à surveillercomme un « trésor national. »Nicolas Sarkozy avait dans un pre-mier temps dramatisé, l’annéedernière, la perte éventuelle de lameilleure note des agences denotation au point d’avoir faitdu maintien du triple A son objec-tif affirmé. Les jours passant et lesoleil ne se levant pas à l’horizon,il avait, et avec lui les financiersdu monde entier, c’est le mot em-ployé, « anticipé » la dégradation.Aujourd’hui, dans l’après-midi, larumeur a précédé la notification,tombée en début de soirée :la France n’est plus dans lespremiers pays de la classeeuropéenne.

La nouvelle est mauvaise pour toutle monde, même si, par avance, lePrésident et le Premier ministreavaient tenu à assurer fièrementque « ni les marchés ni les agences nefaisaient la politique de la France ».Pour Nicolas Sarkozy, premiertouché puisqu’il s’était fait legarant du maintien du triple A,qui espérait encore que Standard& Poor’s attendrait l’après-prési-dentielle pour rendre son verdict,sanctionnant ainsi l’insuffisancedes efforts français. Mauvaise nou-velle aussi pour François Hollande,dont la marge de manœuvreéconomique se réduit encore. Et

pour François Bayrou, qui, tout enrevendiquant d’avoir été le premierà signaler l’importance de la luttecontre la dette, ne propose rien au-jourd’hui de nature à changer ladonne française.Une conclusion s’impose à tous :la France ne joue plus dans lamême cour de récréation quel’Allemagne, qui, elle, n’a jamaisconnu année plus faste depuis ledébut de la crise.L’espoir pourtant, dès ce soir,vient de la première déclara-tion du ministre allemand desFinances, qui voit « la France surla bonne voie », assurant ainsi quela nouvelle notation de la Francene brise pas la solidarité entre lesdeux pays. Adepte de la méthodeCoué, l’Élysée plaide que le créditne grimpera peut-être pas, ledéclassement de la France étant enréalité prévu depuis longtemps.On se console comme on peut.

Dimanche 15 janvierLes différents sondages, parus cematin, sont sans appel. Le coupest peut-être dur pour tout lemonde, mais il l’est surtout pourNicolas Sarkozy.

CahiersdecampagnePlan large

François Fillon.Samission :répondrecouppourcoupàFrançoisHollande. PHOTO MARTIN BUREAU/AFP

François Bayrou. Lecandidat centristeengrangedes ralliementsquotidiens. PHOTO THOMAS SAMSON/AFP

Jean-Luc Mélenchon.Succèsd’audiencesur France2pour le leaderduFrontdegauche. PHOTO JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP

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Et le vaillant coq gauloistomba de son piédestal…La dégradation de la note

de la France par l’agence Standard& Poor’s, il est vrai infirmée pourl’instant parMoody’s, n’est peut-êtrequ’une « demi-surprise », pour leministre de l’Économie FrançoisBaroin. Elle n’engendre pas moinstout un cortège de sombres au-gures pour notre pays. Le principalconcerne notre dette publique.Elle va se creuser parce que nousallons emprunter plus cher à noscréanciers : un point d’augmenta-tion de notre taux à dix ans va setraduire par 2,5 milliards d’eurossupplémentaires à verser auxmar-chés financiers, aux États ou auxbanques qui nous prêteront del’argent. Il va donc falloir, nécessitéencore plus impérieuse, remplir lescaisses de Bercy. Mais, alors, la lan-cinante question rejaillit : rigueurou relance ? L’agence américaine aun avis. Dans le communiqué quijustifie sa décision, Standard &Poor’s estime que la France et leshuit autres pays dégradés de lazone euro n’ont pas bien agi poursortir de la crise : « Nous estimonsqu’un processus de réforme basé sur leseul pilier de l’austérité fiscale risquede devenir contraire au but recherché,alors que la demande intérieure baisseen même temps qu’augmentent lespréoccupations des consommateursau sujet de la sécurité de l’emploi etde leur revenu disponible, érodant lesrecettes fiscales des pays. »Autrementdit, trop de rigueur tue la croissanceet donc l’emploi.L’Histoire retiendra que la premièreéchéance face à cette nouvellesituation de la France aura été lesommet social du 18 janvier avec,en discussion, la mesure pharede la TVA sociale. La gauche, lessyndicats et l’opinion publiquesont farouchement opposés à cemode de financement de notreprotection sociale qui consisteraiten une diminution des chargessur le travail en contrepartie d’unehausse de la taxe sur la valeurajoutée qui, selon eux, pénaliseraitdurablement la consommation.Mais la position la plus inattendueest venue d’un ancienministre desFinances… de droite. Thierry Bre-ton, aujourd’hui PDG du groupe

de services informatiques Atos, aprédit sur Europe 1 ni plus nimoins que la fin de la mesure : « Iln’y aura plus un député qui pourravoter dans les cent jours qui viennentla TVA sociale. Pourquoi ? […] LaTVA, c’est 25 % pour le taux maxi-mum. On est à 19,6 %. On a doncune poche disponible de 5 points deTVA, c’est-à-dire en gros entre 30et 35 milliards. Plus personne neprendra le risque désormais de mo-biliser cette poche pour autre choseque ce pour quoi elle est faite, àsavoir, éventuellement, corriger desaccidents de conjoncture. » L’écono-miste Nicolas Bouzou, fondateuret directeur du cabinet Asterès,n’est pas d’accord. Favorable audispositif, il détaille : « En théorie,la TVA sociale est un jeu à sommenulle pour les finances publiques,puisqu’il s’agit de transférer des coti-sations sociales, qu’elles soient sa-lariales ou patronales, sur la TVA.Là, peut-être que le Gouvernementvoudra dire : “Je baisse les charges de80 euros et j’augmente la TVA de100 euros”, pour essayer de diminuerles déficits en augmentant la sommeglobale des impôts. »Pour fixer les idées, les économistesPierre-Olivier Beffy et Amélie deMontchalin, d’Exane BNP Paribas,

ont réalisé un état des lieux quiconclut qu’ « un allégement de 30milliards d’euros du coût du travailfinancé par une hausse de la TVA[…] correspondrait à une haussede quatre points du taux principal(de 19,6 % à 23,6 %) ». Le Gouver-nement aura peut-être les idéesmoins larges en optant pour unevoilure à 15 milliards d’euros, soitdeux points de hausse de TVA.Mais il pourrait aussi choisir uneaugmentation d’un point et demiseulement (pour atténuer l’impactsur les prix), assortie d’une CSGgonflée de 0,75 %.Autre gros dossier du sommetsocial : un surcroît de flexibilitédans l’organisation du travail.Comme en Allemagne, il s’agirait,si les carnets de commandes mai-grissent, de réduire le temps detravail et les salaires, en échangede garanties sur le maintien del’emploi ; des accords internesaux entreprises seraient nécessairespour cela. Que l’idée plaise ou pas,elle illustre selon Nicolas Bouzoula nécessité d’un changement dementalité en matière d’emploi :« Aujourd’hui, il faut faire deséconomies et on ne peut pas mettreen place, comme on l’aurait fait sansdoute il y a quelques années, des

brouettes d’emplois aidés, des em-plois subventionnés qui coûteraientcher. Tout cela est définitivementterminé… en tout cas pour dix ouquinze ans. »Politiquement, la situation actuellerevêt un certain paradoxe : bienévidemment, la perte de notreAAA est portée au débit duprésident de la République. Pour-tant, c’est bel et bien ce mêmeNicolas Sarkozy qui a abordé lesommet social avec les cartes enmain, avec des solutions dans sabesace (qu’on y adhère ou pas).Il avait convoqué cette réunionpour signifier aux Français que,tout comme eux, sa premièrepréoccupation est l’emploi. Enfin de compte, ce sommet apparaîtcomme un conclave de crise pourrépondre, le plus vite possible,au verdict de Standard & Poor’s,montrer que l’austérité pure etdure n’est pas la seule arme deParis et rassurer les marchésfinanciers sur notre capacité àsortir de l’ornière.Les syndicats, eux, sont dans uneposition compliquée. D’abord, laconjoncture détestable qui est lanôtre ne leur permet pas la moin-dre surenchère : ils ne seraient pascrédibles à proposer des mesures

coûteuses pour l’État. Ensuite, ilsont été pris de court par la briè-veté du délai entre l’annonce dusommet (le 1er décembre à Toulon)et sa tenue. Enfin, et c’est sansdoute leur principale faiblesse, ilsn’ont pas de position communeà confronter à Nicolas Sarkozy ;on est loin de la belle unité qui aaccompagné le début de la miseen place de la réforme des retraitesen 2010.Dans l’arsenal des réponses duGouvernement à la crise se trouveaussi la taxe sur les transactionsfinancières. Avantage : même avecun pourcentage minime sur lesmontants, elle permet de leverinstantanément des dizaines demilliards d’euros. Inconvénient :à la pratiquer seule, la Franceferait fuir les investisseurs et lescapitaux, ce qui est exactementl’inverse du but recherché. Ilnous faut donc impérativementl’appui de l’Allemagne, ce voisinsi envié qui a mené une vasteréforme fiscale, mis en place lechômage partiel, soutenu ses ex-portations et surtout… conservéson triple A. Désormais, le Rhinmarque la frontière entre le leaderincontesté de l’Europe et… l’unde ses vassaux.

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Expertise

UltimecoupdepokerduPrésidentAprès lesannoncescontradictoiresdesagencesdenotation

Nicolas Sarkozy présentera lui-même lesmesures décidées après le sommet social, la semaineprochaine. Le chef de l’État entendmontrer quemalgré la dégradation de la France parStandard&Poor’s il poursuit sa politique de redressement. Pari difficilemais jouable faceà des syndicats qui ont dumal à afficher leur unité.

ParFlorenceCohen

Jean-ClaudeMailly (FO),FrançoisChérèque(CFDT)etBernardThibault (CGT). Les syndicats entendentafficher uneneutralitéquine lesempêchepasdevouloirpesersur lesdécisionsqueprendra leGouvernement(actuelet futur)enmatièreéconomiqueetsociale.

JACK

GUEZ/AFP

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Ce texte reprend certainesdispositions du rapport dela commission d’enquête

de l’Assemblée nationale sur lefinancement des syndicats desalariés et patronaux, qui avaitété rédigé par Nicolas Perruchot,député du Nouveau Centre, etdu rapport publié le 6 décembrepar la Cour des Comptes. Cedernier concernait la gestion des

activités sociales de la RATP et ilrévélait « des problèmes de sur-facturation, voire de double fac-turation, des dépenses excessives,une absence de comptabilité sé-rieuse, des gestions opaques descentres de vacances ou de restau-ration collective ».

La proposition de loi prévoit no-tamment un certain nombre dedispositions qui étaient inclusesdans le rapport de la commissiond’enquête qui, à l’époque, avaitété rejeté à la suite d’un vote dé-favorable de la gauche et d’uneforte abstention des membres del’UMP.Ainsi les comités d’entreprise (CE)seraient obligés d’en passer par la

certification et la publication descomptes à condition de disposerde ressources supérieures à 230 000euros par an.Ils devront certifier et publier lescomptes consolidés ou fournir descomptes de chaque personne mo-rale contrôlée par le CE.

Pour plus de transparence, les CEauraient aussi l’obligation de faireun appel d’offres, c’est-à-dire demettre en concurrence plusieursentreprises lorsque le montantde leurs dépenses dépassera les15 000 euros pour des travauxet plus de 7 200 euros pour lesachats de prestations ou de bienssur une année.En l’état, la proposition de loine va pas plus loin. Une réformeplus globale du financement desorganisations syndicales pourraitintervenir après les présidentielleset les législatives.Une fois élu, le prochain Présidentpourrait être amené à demanderaux partenaires sociaux d’entamerune négociation sur le finance-ment des organisations syndicaleset patronales. Il faudra toutefoisque le Haut Conseil du dialoguesocial rende un avis, début 2013,sur la représentativité des centralesde salariés. La refonte de la repré-sentativité patronale, à laquelleest aujourd’hui opposé le Medef,pourrait d’ailleurs être incluse dansces discussions.Entre les subventions directes, lesdétachements de personnels et lesattributions de locaux, les chiffressouvent avancés mais contestéspar le monde syndical font état

de plus de 4 milliards d’eurospour le financement annuel del’activité syndicale. Les cotisationsne représentent pour certainesorganisations syndicales qu’unepart infime de leur budget. Ducôté patronal, certains expertsévaluent à plus de 389 millionsd’euros les réserves financières

des organisations patronales ; dequoi alimenter bien des caissesnoires, comme le rappelle l’affairede l’UIMM (Union des industrieset métiers de la métallurgie), quiavait sorti de ses caisses plus de19millions d’euros en liquide pour« fluidifier le dialogue social » !…

Joël Genard

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Pourunemeilleure transparenceLe financementdescomitésd’entreprise

Débat

Les députés devraient discuter à l’Assemblée nationale, le 26 janvier, une proposition de loirelative au financement des comités d’entreprise. Un texte déposé par les parlementairesdu Nouveau Centre.

MARCEL GRIGNARDSECRÉTAIRE GÉNÉRALADJOINT DE LA CFDT

Considérez-vousqueceprojetde loi permettrauneplusgrandetransparencedans le financementdescomitésd’entreprise?Il faut absolument que la trans-parence et la vérité des comptesdes CE deviennent une généralitéen France. Cela ne se discute pas !Nous avons insisté en 2008 pourque cet objectif de transparencedes syndicats soit inscrit dans laloi. Ce qui vaut pour les syndicatsvaut donc pour les CE.L’objectif de vérité des compteset de vérification par un tiers estfondamental en termes d’éthique.Mais nous sommes opposés aucontenu actuel de ce projet de loi.Certes la loi pose des principesque nous partageons mais la miseen œuvre est contestable. Faut-ilou non recourir à des comptescertifiés et à partir de quel seuil ?Faut-il inclure tous les budgets de

fonctionnement et d’activités so-ciales ? S’agit-il de tous les CE, ycompris ceux qui ne brassent cha-que année que quelques milliersd’euros ? Cela ne peut pas êtreinscrit dans la loi. D’autant plusqu’en février dernier quatre syndi-cats dont la CFDT ont proposéau ministre du Travail que soitengagée une réflexion sur l’évo-lution du code du travail en lienavec le fonctionnement des CE. Ungroupe de travail a étémis en placesous l’égide du ministre pour trai-ter de cette question. La semainedernière nous avons eu une pre-mière réunion et nous avons listétous les points techniques pourrépondre à cet objectif de comptesvalidés et de transparence.

Ceprojetde loi va trop loin?Les organisations syndicales desalariés et patronales ont posé

depuis 2008 des principes quivisent à ce que l’ensemble dela vie sociale soit transparentet irréprochable. En 2011 on acommencé à s’attaquer à cettequestion de la gestion et du fonc-tionnement des comités d’entre-prise. Ce projet de loi Perruchotarrive en même temps, pendantla bataille !Il vient contrecarrer tout le travailde construction extrêmement pré-cis que font les partenaires sociaux.Il est nécessaire que le projet deloi en reste strictement aux prin-cipes et renvoie vers les partenairessociaux et l’État la constructiondes modalités concrètes.

Seriez-vousfavorableàuneréformedu financementdes syndicats?La ressource principale des organi-sations syndicales doit venir descotisations. Ce qui est le cas de la

CFDT. La seconde chose est queles organisations syndicales doi-vent rendre des comptes sur l’uti-lisation des subsides reçus pourexercer l’intérêt général. Maisnous ne souhaitons pas un finan-cement du syndicalisme reposantsur des fonds publics à l’instarde ce qui se fait pour les partispolitiques. À l’heure actuelle,les organisations syndicales etpatronales doivent déjà présenterdes comptes certifiés. Il y a deplus une négociation en courssur le fonctionnement du pari-tarisme pour clarifier les moda-lités de gouvernance. Et il y ace troisième objectif de trans-parence des comptes des CE. Latoile est donc tissée pour cettetransparence nécessaire qui per-mettra de clarifier les choses.

Propos recueillispar Joël Genard

Une proposition de loi précipitée3 questions à

PHOTO MIGUEL MEDINA/AFP

«UNE RÉFORME PLUSGLOBALE DU FINANCEMENT

DES ORGANISATIONSSYNDICALES POURRAITINTERVENIR APRÈS LESPRÉSIDENTIELLES ETLES LÉGISLATIVES »

Nicolas Perruchot.LapropositiondeloidudéputéduNouveauCentredevrait seheurter à l’oppositionde lagauche. PHOTO JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP

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Àdistance

Bachardans lesbottesdesonpèreTandis que la France et lemondeentier déplorent lamort dans un étrangeattentat du journalisteGilles Jacquier, riennepermetdepenserque le régimedudictateur syriensoitenpassedes’effondrer.

L’ex-vice-président syrienAbdel Halim Khaddam, quia fini par rejoindre en no-

vembre dernier les comités révolu-tionnaires, avait un jour déclaré àdes députés européens : « à Hamaen 1982, nous étions en passe de per-dre le pouvoir. Si d’aventure ce genrede rébellion se manifestait à nouveaunous agirions avec la même détermi-nation ». Sinistre prémonition. Àl’époque, les Frères musulmanss’étaient insurgés contre le régimed’Hafez el-Assad. Ce dernier avaitenvoyé la troupe et les chars. Cinqjours et 30 000 morts plus tard, larébellion était anéantie dans lesang et, malgré quelques voix indi-gnées qui s’étaient élevées dansl’indifférence générale, le régimeavait poursuivi son chemin sanssourciller. Aujourd’hui, selon lesmots d’un diplomate européen quisillonne la région depuis près detrente ans, Bachar applique les

mêmesméthodes et « s’est installédans les mêmes habits que sonpère ». Si certains ont cru qu’il étaitl’otage de l’armée et des servicesspéciaux ou bien une girouettequi ne saurait fixer son cap, c’estméconnaître la solidité des allé-geances et des alliances qui ontété renouvelées ces derniers mois.« Aucun officier supérieur d’une unitécombattante d’importance n’a faitdéfection, les moukhabarat [servicede renseignements intérieur] sontmobilisés comme jamais, les Kurdesne bougent pas, les chrétiens ne veulentpas prendre le risque de l’inconnu »,note un observateur étranger àDamas habitué aux crises de ré-gime. Cela ne signifie pas naturel-lement que le régime est à l’abri desrisques de tangage. Mais Bacharest également aidé par des réac-tions à l’étranger bien trop disper-sées pour être convaincantes. Àcommencerpar celledesAméricains

et des Européens qui ont cru tropvite à un effet domino du Prin-temps arabe. Bachar a compris qu’ilfallait empêcher un phénomène« Tahrir ». Il a fait immédiatementverrouiller les places fortes et leslieux clés de la vie publique sy-rienne pour que les manifestantsne puissent l’occuper en perma-nence. Avec les Russes, l’alliance deraison fonctionne. Personne n’ima-gine aujourd’hui Vladimir Poutinelâcher le vassal syrien et Tartous,seule base navale russe enMéditer-ranée, ainsi que les milliards dedollars que la Syrie doit à la Russie,ni son droit de veto aux Nationsunies au cas où la pression seraitde plus en plus forte en faveur d’unrecours à la force. L’Irak, qui pren-dra en avril la présidence tour-nante de la Ligue arabe, et l’Iranont passé des accords de bonneentente fin décembre qui les ré-concilient davantage encore dans

cet arc chiite qui s’étend jusqu’auSud Liban. Rien de réjouissantdonc. D’où la question : encorecombien de temps ? Quelquessemaines, quelques mois ? Quelsera l’impact des élections prési-dentielles en Russie et en France auprintemps et aux États-Unis à l’au-tomne ? Et d’ici là, le nombre demorts victimes de la répressionaura-t-il doublé, triplé ? L’accordsigné par les autorités syriennesavec la Ligue arabe en novembrecomportait quatre points : le retraitde l’armée des villes, la libérationdes prisonniers arrêtés lors desmanifestations, l’arrêt des violenceset le libre accès des médias. Nonseulement aucun des engagementsn’a été tenu mais les Syriensavaient obtenu qu’il n’y ait pasde calendrier contraignant. Letemps, toujours le temps. Commesi Bachar avait une montre dansla tête.

ParFrançoisClemenceau

Gilles Jacquier. L’envoyéspécial deFrance2 tuéenSyriele 11 janvier. PHOTO ODD ANDERSEN/AFP

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Développé dans les paysanglo-saxons, principale-ment à San Francisco,

Washington et Londres, le mou-vement Open Data s’inviteaujourd’hui en France. Nés àRennes et à Bordeaux, le partageet la réutilisation des données

publiques s’étendent progressi-vement aux principales villes deFrance. Dernière en date, LaRochelle prévoit un premier

« lâcher de données » au coursdu premier trimestre.Dans la pratique, l’initiativeconsiste pour les collectivités etles organismes publics à publiersur une plate-forme ouverte desinformations (statistiques, carto-graphies, horaires, données éco-

nomiques et financières…) relativesà un territoire ou un domaine(emploi, santé…). Les élémentsà caractère personnel et sensible

étant naturellement exclus. Lacréation d’une licence ouvertefavorise par la suite l’utilisationlibre et gratuite des données parles développeurs.À Paris, les riverains peuvent ainsiaccéder à une carte répertoriantles espèces d’arbres pour prévenird’éventuelles allergies. Des appli-cations smartphones permettentégalement de localiser les trottoirsaccessibles aux fauteuils roulants.À Bordeaux, la plate-forme afficheen temps réel le nombre de placesdisponibles dans les parkings.« Les enjeux de l’Open Data, c’estla révolution démocratique et dessemences économiques pour le déve-loppement de notre territoire », sou-ligne ArnaudMontebourg, dont ledépartement de la Saône-et-Loirefait figure de pionnier.

Vers un changement des modesde gouvernance« C’est un immense chantier quenous ouvrons, très expérimental, in-novant et avant-gardiste », expliqueencore le président du Conseil gé-néral qui donne désormais accèsaux finances publiques avec unarriéré de dix ans, aux dépensesde l’administration, ou encore àla liste d’attribution des subven-tions. Une volonté politique iné-dite. Après les villes – Rennes,Paris ou encore Montpellier entête –, les départements de laGironde et de la Loire-Atlantiqueaffichent leur volontarisme. Unappel à la transparence numériquequi séduit à présent les régionscomme l’Aquitaine et la Provence-Alpes-Côte d’Azur. «Grâce à cettedémarche, les citoyens vont pouvoirconsulter, comparer et analyser desdonnées. Chacun pourra ainsi ac-quérir de la connaissance et partici-per aux débats. C’est une nouvelledynamique qui s’ouvre aux citoyens,aux entreprises, aux chercheurs…participant au développement duterritoire. »À Nantes et à Toulouse, contraire-ment aux autres municipalités,le portail Open Data, accessibledepuis l’automne dernier, est le fruitdu lobbying des développeursmotivés par les opportunités éco-nomiques nées de cette libération.« Grâce à ce travail de mobilisationauprès des citoyens, on a réussi àinterpeller les élus », commente

Claire Gallon de l’associationnantaise LiberTIC.Un passage à l’intelligence collec-tive qui exige un changement pro-fond des modes de gouvernance del’administration. L’évolution obligeen effet les municipalités à passerà un mode collaboratif, ce quiimplique de « dépasser les clivagespolitiques habituels des partis quis’affrontent », estime Serge Soudo-platoff de la Fondation pourl’innovation politique (Fondapol).Pour Jean-Louis Missika, adjointau maire de Paris chargé de l’in-novation : « Nous vivons une pé-riode de transformation profonde.Quand il y a ce type de rupture tech-nologique, c’est l’ensemble des secteursde la société qui est transformé, et iln’y a aucune raison pour que la poli-tique ne soit pas transformée. »

La mission ÉtalabConscient des enjeux démocra-tiques et économiques généréspar le mouvement Open Data, leGouvernement a créé la missionÉtalab, dont la fonction est de co-

ordonner l’ouverture des donnéespubliques des administrations del’État. Présentée le mois dernier, laplate-forme data.gouv.fr constitueaujourd’hui le portail unique deconsultation des données publi-ques des administrations. Pour lelancement, « 350000 jeux de don-nées sont présents sur le site. Il y apar exemple le budget général del’État, avec un jeu de données précispar mission, par programme et paraction », explique Séverin Naudet,directeur d’Étalab.« Les réseaux sociaux et le numé-rique ont renouvelé notre façon devivre en démocratie », analyse Xa-vier Bertrand. « Rendre accessibleles informations produites par lesadministrations constitue une avan-cée sans pareille. » Dans l’emploicomme dans la santé, l’Open Data(aussi appelé e-démocratie) offreaux citoyens l’accès à des infor-mations brutes souvent inéditesconcernant la localisation et leséquipements des établissementsde santé, ou encore les statistiquesliées aux maladies nosocomiales.

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Initiatives

OpenData

«LA PUBLICATION DESDONNÉES VA CONDUIRE

LES COLLECTIVITÉS LOCALESÀ PLUS DE TRANSPARENCE.LA LIBÉRATION DE CESINFORMATIONS OBLIGERAÀ L’EXEMPLARITÉ »

Nathalie Kosciusko-Morizet

Initiée à Rennes, la démarche Open Data présentée cet automne à Nantes a conduit l’État à jouerla carte de la transparence numérique. Une initiative qui a inspiré la Saône-et-Loire, premierdépartement avec le Loir-et-Cher et la Gironde à donner accès en ligne à ses données publiques.

Un«Net» regaindedémocratie

Xavier Bertrand.Pour leministreduTravail, rendreaccessible lesinformationsdétenues jusqu’àprésentpar les seulesadministrationsconstitueuneavancéeconsidérable. PHOTO PATRICK KOVARIK/AFP

Arnaud Montebourg.Pour leprésidentduconseil général deSaône-et-Loire, l’OpenDataestun«chantier expérimental, innovantet avant-gardiste». PHOTO JEFF PACHOUD/AFP

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Alors que l’Alsace préparela fusion du Bas-Rhin etdu Haut-Rhin, un redé-

coupage territorial se dessineentre la Bretagne et les Pays dela Loire. En jeu : le rattachement

à la Bretagne du département dela Loire-Atlantique, intégré dansla région des Pays de la Loire en1941 par un décret du gouverne-ment de Vichy.Actuellement, un département nepeut changer de région qu’aprèsapprobation par référendum d’unemajorité d’électeurs dans le dépar-tement et dans chacune des deuxrégions concernées. Mais l’amen-dement à l’organisation de « réfé-rendums d’initiatives partagées »voté cet hiver n’exige cette appro-bation que dans le département et« dans la région dans laquelle le dé-partement a demandé à être inclus ».Exit donc l’avis des Pays de la Loire,région à laquelle appartient au-jourd’hui la Loire-Atlantique. L’ini-tiative – qui émane de plusieursdéputés, dont François de Rugy(Europe Écologie-Les Verts, Loire-Atlantique), Marc Le Fur (UMP,Côtes-d’Armor) et Christophe Priou(UMP, Loire-Atlantique) – résonnedonc comme un coup de force.

Protestation des départementsPrésident de l’Assemblée des dé-partements de France (ADF) et duconseil général des Côtes-d’Armor,l’un des quatre départements

bretons, Claudy Lebreton a vive-ment réagi. « L’ADF n’est pasopposée à ce que des départementsdécident de fusionner ou choisissentde changer de régions. Pour autant,de telles décisions sont loin d’êtreanodines et doivent relever duchoix exprès de nos concitoyens. »Et de déplorer que l’Assembléenationale ait « donné droit à cetamendement visant à retirer auxhabitants de la région d’origine dudépartement qui aspire à changerde région la possibilité de s’exprimerpar référendum ».Une démarche « non respectueusedes habitants des autres départe-ments des Pays de la Loire », fustigepour sa part le député-maire deNantes, Jean-Marc Ayrault. « Sur-pris », le président de la région desPays de la Loire, Jacques Auxiette(PS), parlant même d’un choix« antidémocratique ».Défenseur du projet, Marc Le Furveut croire dans l’aboutissementde sa démarche : « Les habitantsde Loire-Atlantique et de Bretagnesemblent favorables à une réunifi-cation. »Le texte sera prochainement exa-miné par le Sénat et le Conseilconstitutionnel. L.B.

« Pour les collectivités locales, ils’agit aussi d’un bel exercice dedémocratie », estime le ministredu Travail, de l’Emploi et de laSanté, également maire de Saint-Quentin.Nathalie Kosciusko-Morizet, la mi-nistre de l’Écologie qui a été au-paravant secrétaire d’État chargéede la prospective et du développe-ment de l’économie numérique,suggère pour sa part d’intégrer lesdonnées des collectivités localesau portail data.gouv.fr, et de gé-néraliser la publication des déli-bérations des exécutifs locaux.« Le moteur de la démocratie,comme de l’économie de marché,c’est la confiance. On donne eton reçoit. Le numérique peut aiderà rétablir cette confiance en appor-tant la transparence à certainssujets éruptifs comme les places encrèche, l’accès au logement social,le nombre de bénéficiaires des aidessociales octroyées par les collectivi-tés territoriales, les tarifs de can-tines, les dérogations pour la cartescolaire. »Ajouté à la publication des donnéesmacroéconomiques, l’e-démocra-tie « conduira chaque collectivité ter-ritoriale à plus de transparence dansses comptes et son niveau d’endette-ment. La libération des données obli-gera à l’exemplarité. »

Les expériences restent timidesAu-delà des effets d’annonce,l’Open Data à la française doitnéanmoins composer avec la fri-losité des villes. « En Isère ou àSaint-Maur-des-Fossés, les ambitionsaffichées n’ont pas été concrétisées »,rappelle LiberTIC. La dernière étudemenée au sein des villes membresdu réseau international Global Ci-ties Dialogue on the InformationSociety (GCD) souligne égalementles difficultés pour les élus d’avoirune vision claire des enjeux de ladémarche. « Les expériences restentaujourd’hui assez timides, aussi bienen termes de volumes que de type dedonnées », souligne encore l’asso-ciation. Seule la ville de Rennespublie aujourd’hui son budgeten format ouvert. Selon AndréSantini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux et pilote du groupede travail « e-Government » duGlobal Cities Dialogue : « L’OpenData est un sujet nouveau pour lagrande majorité des villes. Il intéressesurtout les spécialistes, et est encoreentouré d’un certain enthousiasmeutopique. »Une première étape qui doit néan-moins « provoquer un mouvementde fond incitant toutes les adminis-trations de l’État et, au-delà, lescollectivités territoriales, les autori-tés administratives mais aussi les

entreprises à s’engager dans une plusgrande ouverture des données », es-time Gilles Babinet, président duConseil national du numérique.Car comme le résume Alfred Sauvy,

démographe français du XXe siècle :« Bien informés, les hommes sont descitoyens; mal informés, ils deviennentdes sujets. »

Ludovic Bellanger

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UNEBIBLIOTHÈQUESURLAGARONNE� Bordeaux expérimente depuisl’automne le premier bateau-bibliothèque. Destiné aux 15-35 ans,le projet « Biblio-bato », aménagésur le pont supérieur d’un ancienferry, est soutenu par leministèrede la Culture et de laCommunication. La démarchefavorise un rapport à la culturedétendu et convivial. Une approcheexpérimentale et décalée quis’appuie sur les jeux vidéo, les films,lamusique et lesmangas.

UNEMONNAIEALTERNATIVEÀNANTES�Après Toulouse et Grenoble, unemonnaie équitable pourrait faireson apparition d’ici un an àNantes.Comme ses homologues, « lamonnaie locale n’aura pas pourvocation de se substituer à l’euromais d’être complémentaire »,souligne Pascal Bolo, adjoint auxfinances de la ville. L’objectif étantde « contrer la crise économique etlemanque de liquidités », annoncesonmaire Jean-Marc Ayrault.

L’ÎLE-DE-FRANCEÉTUDIEL’EMPRUNTPOPULAIRE� S’inspirant des succès del’Auvergne et des Pays de la Loire,l’Île-de-France va étudier le recoursà l’emprunt populaire. « C’est unesolution complémentaire pour larégion qui permet de sécuriser lebudget », se réjouit Jean-MarcNicolle, président du groupeMRC.Ajoutant : « Quand bienmême ceserait à des taux comparables avecceux des banques, je préfère laconfiance des citoyens à celle desmarchés, qui aujourd’hui se traduitpar l’austérité. »

UNOBSERVATOIREDESRISQUESNATURELS� Après Klaus en 2009, Xynthiaen 2010 et les récents dégâts dela tempête Joachim, les pouvoirspublics vont se doter d’unObservatoire national des risquesnaturels. La nouvelle structure, quisera présentée demain à Bordeaux,regroupera toutes les donnéesrelatives aux inondations, à lamétéo ou encore à la nature dessols pour tenter demieux anticiperces phénomènes.

ENCORSE,LASNCFN’EXPLOITEPLUSLESTRAINS� Depuis le 1er janvier, et pour unedurée de dix ans, les lignes Bastia-Ajaccio et Bastia-Calvi sontexploitées sous l’égide d’une sociétéd’économiemixte. Les conseilsgénéraux deHaute-Corse et deCorse-du-Sud figurant parmi lesprincipaux actionnaires publics. Unenouvelle entité juridique qui scellele divorce entre la collectivitéterritoriale de Corse (propriétairedu réseau depuis 2002) et la SNCF,partenaire privé à hauteur de 15%.

En bref

Guerredes régionsautourde laLoire-AtlantiqueLe texte adopté par l’Assemblée nationale faciliterait le rattachementéventuel du département ligérien à sa terre historique.

AndréSantini. Ledéputé-maired’Issy-les-Moulineaux,qui pilotelegroupedetravail«e-Government»duréseauGlobalCitiesDialogue,metunbémolà l’enthousiasmedessupportersde l’OpenData :«C’est encoreunsujet nouveaupour lagrandemajoritédesvilles.»PHOTOLIONELBONAVENTURE/AFP

JacquesAuxiette. Leprésidentde la régiondesPaysde laLoire,contre leprojetde rattachementà laBretagne,parled’uncoupde forceantidémocratique. PHOTOFRANKPERRY/AFP

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Pénétrant dans lehall deBercypeuplé des portraits en noiret blanc des ministres de

l’Économie de la République –Wilfrid Baumgartner ou VGE ycôtoient Jacques Delors, LaurentFabius et Édouard Balladur –, jeme demandais à quelle person-nalité Valérie Pécresse souhaitaitrendre l’hommage des valeurscomme il est des saluts aux cou-leurs. La réponse prendrait-elle lestraits de Robert Schuman au regardperçant ? Je n’imaginais pas qu’elleciterait Raymond Barre ou RenéMonory, et encore moins PierreBérégovoy : la ministre du Budgetne confond pas sa main droite etsamain gauche. Il faudra quelquesmots d’explication pour compren-dre l’inattendu : c’est à AndréMal-raux que la jeune femme paie sanshésiter sa dette en reconnaissance.On pourrait même dire en renais-sance, à en juger par la specta-culaire volte-face dont l’écrivainaventurier et ministre fut à soninsu l’initiateur.

Un grain de sableÀ l’été 1988, diplômée de HEC,l’actuelle porte-parole du Gouver-nement s’interroge sur son avenirimmédiat. Va-t-elle passer uneannée au Japon, se lancer dans lethéâtre ? Elle se donne le tempsd’un stage dans une banqued’affaires à Paris pour décider. Lavoici dans un service de fusion-acquisition, « la noblesse d’État ducommerce », selon son expression.Encore le mot « État » est-il à pren-dre avec des pincettes quand onsort de HEC. Pour elle et ses condis-ciples, le « business » est l’alpha etl’oméga de la réussite. Servir l’Étatserait « ringard ». Pas questiond’aller y traîner ses guêtres.Mais un grain de sable va écartercette mécanique trop prévisiblede ses rails. Un pavé ocre trouvédans la bibliothèque de sa tantechez qui Valérie Pécresse est hé-bergée cet été-là. En lettres rougesc’est écrit Antimémoires. L’auteurs’appelle André Malraux. « Alorstout est revenu ! » s’anime la minis-tre. Tout ? Qu’est-ce qu’un destin,sinon la rencontre des vivants

et des morts dans le partage desidées et des mots ? Elle se jettedans la lecture comme un saumonremonte à sa source. La chosepublique, le bien commun, l’His-toire et l’envie d’y participer : c’estça quelle veut, c’est ça !Dévorant Malraux – façon de par-ler –, elle voit des ombres bouger.Des voix secouent sa mémoire.Son grand-père Louis Bertagna,résistant gaulliste de la premièreheure, fut un psychiatre réputé àCochin, « un médecin de l’âme »,dit-elle joliment, le premier àintroduire la chimiothérapie aulithium dans le traitement de ladépression, qu’il tenait pour unemaladie chronique. « Il allait contreles idées reçues », ajoute sa petite-fille, persuadé par exemple qu’undépressif ne pouvait se prendre enmain tout seul. Parmi ses patientsqui devinrent très vite ses amis, ilcompta André Malraux et RomainGary. La jonction s’opère en cepoint névralgique. En 1972, souf-frant de troubles du sommeil,l’ancien combattant des Brigadesinternationales est hospitalisé sousla surveillance de Bertagna. Uneexpérience qui inspirera à Malrauxson magnifique Lazare, où il ques-tionne la mort et propose la fra-ternité comme seule réponse aumal absolu.

Le petit chatL’auteur de La Condition humaineappelait Valérie Pécresse « monpetit chat ». Elle en ronronne dereconnaissance sans être dupe :« Je me suis rendu compte après qu’ilappelait ainsi toutes les fillettes. »Peu importe, la voici plongéedans les Antimémoires, perdue pourle commerce mais gagnée pourl’État, son service et ses servitudes.Elle se revoit au château de Ver-rières-le-Buisson chez Malraux etLouise de Vilmorin, elle tremblaiten voyant le grand Gary « et sonénorme voix ». Elle garde en elle,précieuse et vivace, « la flam-boyance des gaullistes de gauche ».Son choix est fait. Radical, rapide,sans appel. «Dans lesAntimémoires,Malraux expliquait de Gaulle, et aussila marche de l’État. Ça débordait

de panache, d’esprit de résistance,d’amour de la France et de la culture.Ces hommes croyaient à la force duverbe, ils étaient visionnaires. »

MythomanieLa jeune femme bouillonne. Celivre lui explose à la figure. Il est sidécalé avec le monde de l’argentet des Golden Boys qui dominent

l’époque, attirant une certainejeunesse qui n’a d’autre ambitionque de faire fortune à Londresou à New York. Dans le silencede cette bibliothèque, la voix deMalraux trace une autre voie,royale : serviteur de l’État, ce « hasbeen »… Il est bien des manièresde s’engager dans la chose pu-blique. L’ancien ministre gaulliste

et gaullien était lui parti de si peu,en autodidacte épris d’action, pourvouloir « une France plus belle, plusforte ». Pour cela, observe la mi-nistre, il avait fait rêver, dans unstyle et une geste touchant à lamythomanie. « Il m’a fait réaliserqu’on pouvait agir sur le cours deschoses, diffuser la culture et s’éleverpar elle, moderniser le pays, réconci-lier les Français. »

Quelque chose qui resteQuant à Romain Gary, dont ellecite la célèbre phrase de La Pro-messe de l’aube (« Avec l’amour ma-ternel, la vie vous fait à l’aube unepromesse qu’elle ne tient jamais. »),il reste à ses yeux « associé à l’idéedu gaullisme ». Valérie Pécressesouligne « la dimension épique »d’un homme qui était plus queson œuvre. Chez Gary commechez Malraux, elle discerne cegoût de l’effort, le mérite, le sensdu combat avec les mots. Elleglisse au passage que la meilleurearme contre Marine Le Pen, c’estjustement le verbe.« Après cette lecture des Antimé-moires, j’ai décidé de faire l’ENA,raconte la ministre. Pour que per-sonne ne vienne me dissuader, jel’ai préparé en cachette. » Elle suitdiscrètement les cours de Science-Po et, en 1992, elle sortira au2e rang de la promotion Condor-cet. Plus tard, c’est avec Chiracqu’elle entamera son parcours po-litique. « Le Chirac qui m’a séduite,c’est celui de la fracture sociale »,dit-elle.Et quand sa réforme des Univer-sités suscita tant de critiques et demanifestations, c’est à ces modèlesqu’elle s’accrocha pour puiser laforce de résister. « La politique estainsi. L’impopularité est toujourstemporaire. Il faut prendre desdécisions courageuses, inattendues,d’intérêt général », confie-t-ellesimplement, consciente de sonrôle comme de son ambition :« faire quelque chose qui reste ».Elle s’excuserait presque d’avoir lesens de l’État. Elle a bien mérité deMalraux, Gary, Chirac et les autres,et aussi de Louis Bertagna, l’hommequi parlait aux âmes.

Les voix royales de Valérie PécresseAndré Malraux et Romain Gary

Par Éric Fottorino

L’admiroir

À chacun son chemin deDamas. Pour laministre du Budget, il fut politique et il avait un nom :Malraux. C’est en lisant les Antimémoires queValérie Pécresse a découvert le service de l’État.La flamboyance de l’auteur de LaVoie royale et le gaullisme héroïque deRomain Gary l’ontportée sur les fonts baptismaux de la politique.

THOMASSAMSON/AFP

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NUMÉRO 431, MERCREDI 18 JANVIER 2012 L’HÉMICYCLE 13

Un lac. Une forêt. La lumièrede fin d’été. Pour un peu,tant c’est beau, il y aurait des

elfes et des fées. L’homme marcheseul. Il s’entendmarcher.On l’entendpenser. Il nous dit : « Écoutez… ! »On écoute. Il questionne : « Vousavez le bon micro ? » On ne sait pas.Lui, sait. Sonnom : François Bayrou.Il nous prévient : « Gaffe aux châ-taignes ! Elles peuvent vous tomberdessus… Moi, je connais… je ne risquerien. » On est contents pour lui.Même les châtaignes l’aiment. Untemps, puis, il suggère : « Respirez ! »Je respire. Lui aussi. Étrange spec-tacle de ces deuxhommes respirantde concert en silence. La différence

entre nous, c’est que lui, il veutêtre président de la République.Moipas. Signe, en ce qui me concerne,d’une exquise et fondatricemodes-tie. Lui, il s’aime bien, je crois. Moiaussi. Je veuxdire : « Je l’aimebien. »

En trottinant à ses côtés dans labelle forêt, il me fait penser àun autre marcheur : Mitterrand.Éternellement président, lui aussi.Les Landes. Le Béarn. La mêmemarche par trois fois répétée,dans deux forêts différentes. Versla présidence ?Nous nous sommes retrouvés àParis, le 7 décembre. Après cinqmois de traversée d’un désert auxallures de forêt, il relit son discoursde candidature et le soumet àses compagnons. Critiques légères.Approbations soutenues. Puis, lemarcheur du Béarn demande, c’estunemanie, « À propos, où est le microqui restitue, soi-disant, exactement

le grain de la voix ? » Je prends laquestion pourmoi, baisse la tête etla caméra, penaud. Lui sera, peut-être, Président si, toutefois, on luitrouve sur le champ, en plus, une« scie sauteuse » pour raboter son

pupitre trop large. Et ce satanémicro. Unique. Exceptionnel. Moi,je n’ai jamais su en reconnaîtreun ! Cardioïde ou hypercardioïde,directionnel ou omnidirectionnel.C’est ainsi. Et c’est ce qui fait lagrande différence entre lui et moi.Mais je comprends qu’il faut lemeilleur pour un Président dansune France qui se dérobe, en cettejournée où même les micros (sou-vent étrangers) ainsi que les sciessauteuses (d’origine incertaine) luifont des misères.Revenons à son discours : il est ex-cellent. Il déclare vouloir tourner ledos à la double « hégémonie » desdeux grands partis. Et moi, je com-prends « hémiplégie ». Question demicro. Ou de surdité. Il veut, aussi,être « la voix des sans-voix ». Etparler à ceux à qui « personne neparle ». Si seulement, il avait le bonmicro ! Celui-là même, très direc-tionnel, après lequel courent Ma-rine, Jean-Luc, et les autres. Car siles leaders politiques « recherchentclasses populaires, désespérément »,il leur faut un bon micro.Marine Le Pen le 11 décembre àMetz, en son premier meeting decampagne, après avoir dénoncé la« gauche boboïsée et corrompue »exhorte, quant à elle, les « gom-més » de l’histoire, les « broyés dusystème financier » à la rejoindre,elle, qui veut être la Présidente des« invisibles ».Entre les sans-voix et les invisibles,on croise du beau monde. Ainsi,Jean-Luc Mélenchon qui veut, lui,donner la parole à ceux qui l’ontperdue. Il campe solidement en ces

forteresses, jadis ouvrières, que lagauche est accusée d’avoir déser-tées.Mélenchonécoute.On l’écoute.Il semble toujours au bord deslarmes. Elles semblent venir deloin. D’un temps où l’on chantaiten pleurant les cerises du joli moisde mai et que du passé on espéraitfaire « table rase ». Salut aux chô-meurs, salut aux précaires, aux in-termittents, aux gens « d’en bas ».L’Internationale, je l’ai aussi enten-du, vibrante et solitaire chez lestrop méconnus Arthaud (LO) etPoutou (NPA). La lutte des classesest de retour en cette « mi-temps »de la campagne, mais elle semble,pour l’heure, chétive. Les lende-mains rechanteront à nouveau,espèrent les leaders de la gauchede la gauche.Trouver le bon micro, celui quiparle à la gauche, c’est aussi lejob de la droite. Feuille de routede Copé à l’adresse des « JeunesPop » : « Allez porter la bonne pa-role ! Faites-le dans les “circos” degauche : y a le choix ! » Messagereçu. Ils iront, le cœur battant,là où leurs aînés ne vont plus etoù la gauche, affirme GuillaumePeltier, ex-frontiste, ex-villiériste,aurait, comme par mégarde, égaréle peuple. Les jeunes de l’UMP euxaussi vont donc rechercher le che-min des classes populaires. Alors,on « tapine », comme on dit chezPhilippe Memoli, UMP, de Mar-seille. On tracte. On tchatche. Ons’acharne même et surtout si onse fait rabrouer. France inquiète. Enquels bras va-t-elle se réfugier, fri-leuse, en 2012 ? Balle au centre ?

Chez Bayrou qui incendie lessondages et talonne Marine ? AuMoDem, on s’insurge contre lesplumes (?) venant de Poméranied’une couette qu’une militante afailli acheter (un scandale !). Onencense le « made in France » etl’on dénonce, avec vivacité, la fa-brication de nos « cartes vitales »qui, tenez-vous bien, sont fabri-quées… en Inde !!! Manquait plusque ça ! On ne peut plus avoirconfiance en rien !Dur, dur, cette fin d’année. Lessocialistes filmés en réunion de« com’ » avouent qu’ils sont « inhi-bés » et que les électeurs sortent« les piquants » dès qu’on leur parlede programme et de promesses.Rien que ça. Mais au tout débutde 2012, ils partent vaillammenten campagne après cette longuettepremière partie, que leurs primairesont, fort heureusement, égayée.On est sauvés : voici l’année nou-velle ! Hollande monte au front. Etle Président pas-encore-candidat,après avoir prononcé des vœux à lanation en forme d’oraison funèbre,ne manquera pas de renaître sousforme d’un nouvel avatar.Oui, les Français ont la tête encrise. Et leurs voix sont enrouées.Et pour les comprendre, il faut justesavoir les entendre. Une questionde micro, comme dirait Bayrou.C’est toujours une question demicro.

Rechercheclassespopulaires,désespérément

Lesgrandesexposde2012

ParSergeMoati

Le journaliste-réalisateur poursuit pour France 3 et LCP le filmde la campagne. Il a pu constaterdans son nouvel épisode que les classes populaires etmoyennes sont bien devenues uneobsession pour les candidats. Chacun avec ses formules et son regard. À voir sur La Chaîneparlementaire, le 21 janvier à 19h30.

Élysée2012,LaVraieCampagne :diffusions sur LCP, le 21 janvierà 19h30 et le 22 janvier à 13h.

François Bayrou.Encampagneà la recherchedesclassespopulaires et…dubonmicro.

À l’instar du succèsde la FIAC2011, l’année2012 confirmeque l’art ne connaît pas la crise. Lesmusées internationaux– et leursmécènes – n’ont pas lésiné sur l’ambition de leurs expositions,même si la plupart se concentrent sur

le seul nomde l’artiste plutôt que de risquer la complexité d’un thèmen’attirant pas forcément les foules. Adeptes dessarcophages et desmystères, rendez-vous dès le 23mars à Jacquemart-André pour les « Trésors des derniers pharaons »,tandis qu’à l’automneprochain le Quai Branly nous proposera ceux des samouraïs.Mars est unmois faste : Degas àOrsay,Matisse à Beaubourg, les surréalistes à Bruxelles, Dali en tête, et, fin novembre, Dali seul au Centre Pompidou, ce qui risquede créer des files d’attente de plusieurs heures, comme c’était le cas en 1979. Le GrandPalais n’est pas en reste avec unerétrospectiveHelmutNewton dès le 24mars, Daniel Buren le 10mai et EdwardHopper le 10 octobre. À nemanquer sousaucun prétexte : Robert Combas, l’initiateur de la « figuration libre » dès le 24 février auMACde Lyon, Renoir à la FrickCollection àNewYork le 7 février et Pierre Bonnard à la Fondation Beyeler à Bâle le 29 janvier. Pierre de Vilno

PierreBonnard. LaGrandeBaignoire (Nu), 1937-1939.Huile sur toile,94× 144cm.Collectionprivée. ©VO

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À voir

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Souvenez-vous : il y a trenteans, les entreprises fonction-naient à coup de machines

à écrire, papier carbone et servicesde courrier internes pour faire cir-culer l’information au sein deleurs services. Une faute de frappe ?La note entière devait être retapée.Trois entreprises ont changé cemonde : IBM et Microsoft d’uncôté, Apple de l’autre. Leur enfant :le micro-ordinateur.Cet outil, capable de tout faire parlui-même, sans réseau ni échanged’informations, est pourtant entrain de disparaître. En effet, pour-quoi concevoir un outil si puissant,donc si coûteux, lorsque de nom-breuses fonctionnalités sont déjàdisponibles ailleurs ? Un disquedur interne ? Quelle utilité dansle monde du cloud ? Un clavier,une souris ? Les écrans tactiles ontbalayé tout cela. L’unité centrale ?Il n’y a plus rien à mettre dedans.Il reste l’écran, plat, portable, tac-tile, derrière lequel on place unemémoire vive, un processeur per-formant, une carte réseau.

Et le micro devint tabletteOui, le PC se meurt car la tabletteest née. Plus exactement, le PCentame sa mue en tablette. Maispas seulement. Car les besoins eninformatique n’ont pas baissé,l’univers numérique a même essai-mé partout dans notre quotidienet s’apprête à aller encore plusloin, avec l’Internet des objets. Lemicro-ordinateur est en réalitéen train de se fragmenter en plu-sieurs outils correspondant à desusages variés mais qui font de nousdes usagers permanents de l’in-formatique : le smartphone pourl’ultra-mobilité, la lecture desmailsdans les transports en communou la conversation sur les réseauxsociaux ; la tablette connectée aucloud pour le travail loin du bureau,

en voyage ou chez soi, et un por-table ou bientôt une tablette in-tégrée dans un environnementde travail plus complet sur son

bureau. Sans parler des appareilsde loisirs que sont les consoles dejeu ou les télévisions intelligentes.Face à cette mutation, le marchéva lui aussi connaître des boule-versements. Nous entrons dansun cycle où la valeur ajoutée n’estplus dans le matériel informa-tique, le « hardware ». Aujourd’hui,

il vaut quelques centaines d’eu-ros. Elle n’est pas non plus dansle réseau, la nouvelle offre FreeMobile d’Iliad correspond à un

mouvement qui s’opère aussiaux États-Unis et va durablementfaire baisser les prix des commu-nications mobiles, téléphoniquesou informatiques. La valeur ajou-tée de la révolution numériqueactuelle se tourne vers un modèlenouveau : le service intégré à laplate-forme. Qui dumonde Apple,

Google,Windows ou encore Linuxoffrira la galaxie d’applicationsla plus utile sur l’appareil le plusséduisant ? Qui saura répondre

à nos incessantes demandesd’informations, qui saura se ren-dre indispensable aux consom-mateurs ?L’Europe a perdu la précédentecompétition économique dans lesecteur informatique, saura-t-elles’adapter à cette nouvelle donne ?Elle en a les moyens, ses informati-ciens ont du talent, les pouvoirspublics accompagnent désormaisles évolutions numériques – l’OpenData en est un bon exemple –et elle peut s’appuyer sur unmarché intérieur de 500 millionsde consommateurs contre 280mil-lions aux États-Unis. C’est en toutcas un secteur où se trouvent bonnombre d’emplois de demain. Unedonnée à ne pas oublier en cestemps de crise économique.

2.0CHANTAGEAUSUICIDEDANSL’INDUSTRIEINFORMATIQUETAÏWANAISE� Foxconn, géant taïwanais de lasous-traitance informatique, est denouveau dans la tourmente sociale.Plus de 300 employés d’une usinesituéedans lavilledeWuhan(Chine)menacent de se suicider enmasses’ils n’obtiennent pas demeilleuresconditions salariales. Après unevague de suicides ayant frappéses usines destinéesà la production d’appareils Apple,Foxconn impacte cette fois-ciMicrosoft puisque l’usine précitéeproduit des consoles de jeu Xbox.

LESVENTESDEPCENRECULAUDERNIERTRIMESTRE2011� Boudé par le grand publicmalgréles fêtes, le PC voit sonmarchébaisser de 1,4%au4e trimestre 2011.Sur l’année, lemarché réussità enregistrer une hausse de0,5%mais cette croissance estessentiellement due à la demandedes pays émergents. La plus forteperte intervient sur lemarchéeuropéen avec 9,6%debaisse surle trimestre, et 7,2%sur l’ensemblede l’année. Pour 2012, lemarchéfonde ses espoirs sur le lancementdes ultrabooks, censés concurrencerles tablettes, des espoirs irréalistesselon certains analystes.

MUSIQUE:LEMP3DEVANTLECDAUXÉTATS-UNIS� La bascule est faite aux États-Unis. En 2011, 50,3%des albumsvendus dans le pays l’ont été sousformede fichiers téléchargés.Nielsen arrive à ce résultat enconsidérant chaque bloc dedixmorceaux téléchargés commeunalbum. L’Europe n’est pasencore à ce niveau puisque letéléchargement ne représenteque 30%des ventes auRoyaume-Uni et environ 25%enFrance.Mais auxÉtats-Unis, il est désormaisplus facile d’acheter une carte detéléchargement prépayée danschaque épicerie que de trouverun CD.

GOOGLE,PRESTATAIRECLOUDDEBBVA� La banque espagnole vientde choisir : d’ici la fin de l’année,ses 110 000 collaborateursutiliseront les Google Apps dansleur environnement de travailquotidien.Mails, agenda,bureautique, outils d’échanged’informations instantané, labanque espagnole fait basculerl’ensemble de ses outils numériquesdans lemondeGoogle qui signe làson plus gros contrat de servicescloud. Des services utilisés par4millions d’entreprises danslemonde, pour 40millionsd’utilisateurs.

En bref

Soixante-douzemillions de tablettes ont été vendues dans lemondeen 2011. Ce chiffre impressionne encore plus lorsqu’on se rappelle

que l’iPad a été présenté officiellement au public le 22 janvier 2010, ily a moins de deux ans. Au dernier trimestre 2010, il s’était déjà vendudans lemondeplus de smartphones (101millions) quede PC (92millions).Et à Noël dernier, c’est près de 7 millions de tablettes et smartphonesconfondus qui ont été activés le 25 décembre. Unmarché dominé par leduopole Apple d’un côté, Google – Samsung de l’autre.

Tablette – smartphone, un duo plébiscitéLe chiffre

46 %des Américains pensentque la tablette électroniqueva remplacer l’ordinateurportable (source Poll Position).

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Ci-gît le PCAvec les tablettes et les smartphones, le « personal computer» est appeléà disparaître, y compris dans les entreprises. Lamicro-informatique étendun peu plus chaque jour son pouvoir.ParManuel Singeot

La montre du futur. Elle disposera de toutes les fonctions offertes par la micro-informatique.Présentée à Las Vegas, elle sera commercialisée au printemps 2012. PHOTOBRUCEBENNETT/AFP

«L’EUROPE A PERDU LA PRÉCÉDENTECOMPÉTITION ÉCONOMIQUE DANS

LE SECTEUR INFORMATIQUE, SAURA-T-ELLES’ADAPTER À CETTE NOUVELLE DONNE ? »

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Déblogage

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric MandonnetL’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna,Jean-François Coulomb des Arts, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Guillaume Tabard,Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier([email protected],Tél. : 0145499609) IMPRESSIONRoto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89.Parution chaquemercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE0413C79258 ISSN 1620-6479

Lemot clé triple A, dont l’uti-lisation sur Twitter tournaitce dernier mois à une

moyenne comprise entre 5 000 et7 000 tweets par jour, a connu unpic le 13 janvier à près de 30 000utilisations. Même constat dansl’analyse des blogs. Sur une se-maine, cette actualité a donné lieuà près de 40 000 textes référencéspar les moteurs de recherche.Nicolas Sarkozy est la cible prin-cipale des critiques des blogueursqui lui font grief de la perte dece triple A. L’ironie, massivementemployée, masque parfois mal lacolère ressentie. Pour Cpolitic, unblog collectif d’analyse de la poli-tique française, cette dégradationde la note est une attaque qui visedirectement le président Sarkozyet l’explique sur Twitter :« Standard & Poor’s souhaite tousses vœux de réussite auxprésidentielles à Nicolas Sarkozy !#bonneannée. »

Pour Guy Alain Bembelly, lapilule est amère et il l’exprime surson blog :

« Sarkozy a perdu notre triple A,un Vendredi 13 ! Il a vraimentla scoumoune. Dire qu’on estmoins bon que l’Allemagne, çapasse encore. Mais moins bonque les Pays-Bas, le Luxembourget la Finlande ! C’est difficileà avaler. »> (Guy Alain Bembelly –http://bembelly.wordpress.com/).

L’amertume s’exprime égalementau grand jour. Pour Sébastien LeDélézir sur Twitter :« c’est Sarkozy qui est déclassémais c’est nous qui payons. »

Dragan Mirianovic, sur le blogcollectif Initiative communiste,sonne la charge contre le Gou-vernement, accusé d’avoir ren-versé son discours :« Il existe deux explicationspossibles à cette contradiction dela parole gouvernementale : lesdirigeants disent n’importe quoiafin de justifier les choix qu’ilseffectueraient de toute façon oubien le triple A est avant tout unargument idéologique construitpour légitimer la dominationdes marchés financiers sur ladémocratie et l’adoption de plansde régression sociale. »> (Dragan Mirianovic –http://www.initiative-communiste.fr/ ).

Christophe Ginisty dans un tweety voit même l’un des symboles dela présidence qui s’achève :« Du Fouquet’s à la perte du AAA :les symboles d’un quinquennat. »

Même s’il ne peut être jugé res-ponsable de la dégradation de laFrance, François Hollande n’estpas pour autant épargné par les

blogueurs. À droite, ce peut êtretrès violent. On lui reproche leflou de son discours et des propo-sitions imprécises. Ainsi NadineMorano, ministre et déléguée gé-nérale UMP en charge des électionssur son compte Twitter, très actifet très suivi :« Alors oui je confirme Hollandeest un homme dangereux pourla France par ses propositions,le flou de ses proportions,ses rétropédalages. »

Lionel Tardy, député UMP, sedemande si les socialistes sont

vraiment inquiets de la dégrada-tion de la note française, ou siautre choses occupe leurs esprits :« Les députés PS ne sont pasrassurés concernant la campagnede @fhollande… pas par la pertedu AAA. »

Arnaud Leparmentier, journalisteauMonde et twitto influent, relaieles critiques portées par BriceHortefeux : « Hortefeux sur le PS :“la cellule riposte n’arrive pasà suivre tant Hollande et le PSmultiplient les bévues etles zigzags”.»

À gauche, de nombreux tweetsdéfendent leur candidat. Ils se fontle relais des principales déclarationsde François Hollande. Comme l’afait Ludovic Piedtenu sur son filTwitter depuis la Martinique :« La banque publiqued’investissement proposée parHollande (avec antenne danschaque DOM) plaît aux “fans”derrière moi. »

Cela dit, le candidat socialisten’est pas épargné sur la blogo-sphère par ses propres partisansou ceux d’une gauche plus ex-trême. CuicuiNRV, twitto corse degauche, lui reproche un discourstrop centriste :« À force de vouloir rassurerl’électorat de droite, Hollandeva finir dans la peau de Bayrou,l’européiste béat libéral-collaborateur. »

Des messages qui trouvent denombreux relais auprès desblogueurs et qui montrent que,pour l’heure, François Hollandepeine encore à rallier autour de luil’ensemble de la « gauchosphère ».En réalité, un homme tire ce week-end son épingle du jeu : FrançoisBayrou. Les messages de soutiense multiplient. Arnaud Dassier, ex-UMP qui a quitté le parti avec fra-cas, tweete pour François Bayrou :

« viens de convaincre une électricede @Bayrou en 2002 (vs Chirac)qui pensait voter utile pour Sarkozyque le vote utile c’est @bayrou. »

Toujours sur Twitter, Matt Perrotte,commentant la perte du triple A,pronostique un ralliement massifde la droite à la candidature ducentriste béarnais :« Maintenant que Sarko est mortc’est LA chance de Bayrou. »

Le sondage OpinionWay pourle journal La Croix, mettant enlumière un François Bayrou entroisième position, a été relayé

toute la soirée de dimanche surTwitter. Aloys Rigaut souligne lecoude à coude avecMarine Le Pen :« Un sondage donne Bayrou à19 % derrière Hollande (22 %)et Sarkozy (21 %). Dans unmouchoir de poche avec Le Pen… »

Alors, le triple A, tournant de lacampagne présidentielle 2012 ?Certains en rêvent déjà, telGophamet sur Twitter, qui revientsur les responsabilités partagéesde la gauche et de la droite danscette décision de Standard&Poor’s :« 14 ans de gauche, 16 ans dedroite… vivement @bayrou »

Chaquesemaine,la revuedes blogs etdes réseauxsociauxpar Manuel Singeot

Dégradation de la France : lesblogueurs prennent leur triple piedTwittos et blogueurs ont utilisé majoritairement l’ironie et la dérision pourcommenter la décision de Standard & Poor’s. À droite, on attaque d’autantplus fort François Hollande que Nicolas Sarkozy est violemment pris àpartie. Seul François Bayrou semble tirer son épingle du jeu.

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«C’EST SARKOZY QUI ESTDÉCLASSÉ MAIS C’EST NOUS

QUI PAYONS » Sébastien Le Délézir

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