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La France serait-elle en passe de devenir la plus grande salle de spec- tacle du monde ? Avec sur scène quelques dizaines d’acteurs et dans la salle plus de 60 millions de Français spectateurs qui n’en croient pas leurs yeux ni leurs oreilles. Qu’on en juge plutôt : après la mise en examen des plus proches amis du président de la République, voilà qu’ils assistent à une séquence pour le moins surprenante : un procureur de la République convo- qué il y a quelques jours et dont on vient d’appendre que l’audition a été reportée sine die. Bien étrange report, dû à des raisons de procédure qui masquent mal la tempête qui semble agiter les milieux judiciaires et policiers, alors que la même juge devait entendre peu après le directeur général de la police et le patron du renseignement intérieur. Il est vrai que le spectacle s’annonçait pour le moins sur- réaliste même s’il n’est pas complètement inédit. À une dif- férence de taille près : la dernière fois qu’un tel spectacle avait été monté, c’était avec de vrais acteurs et pour un vrai film.Tous les cinéphiles se souviennent de cette séquence inouïe du juge Jean-Louis Trintignant faisant défiler dans son bureau le gratin de la police et de la politique d’un pays à peine imaginaire pour les inculper d’une longue liste de crimes et délits. C’était en 1969 et c’était du cinéma. Qui pouvait imaginer que l’œuvre de Costa-Gavras ferait figure de pâle fiction face à une réalité française qui menace au- jourd’hui politiques, magistrats et policiers. Et il ne suffit pas de crier haro sur les médias en les accusant de se vautrer dans les « on-dit » et les rumeurs pour faire oublier des vérités factuelles qui donnent une image peu glorieuse de notre pays. Et plutôt que de se renvoyer à la figure, à droite comme à gauche selon les affaires du moment,le viol du secret de l’instruction ou le mépris de la présomption d’inno- cence, les politiques seraient bien inspirés de donner un grand coup de balai devant leur porte avant que les électeurs ne le fassent pour eux. D’autant que contrairement à ce que voudraient faire croire les extrêmes, la majorité des élus locaux ou nationaux n’ont rien à voir avec ces mauvais coups portés à la démocratie. La présidentielle devra être l’occasion de ce grand nettoyage si l’on veut que les 60 millions de spectateurs qui détestent ce mauvais polar quittent leur fauteuil pour redevenir des acteurs de la vie publique. Le chiffre NUMÉRO 419 — MERCREDI 5 OCTOBRE 2011 — 1,30 ¤ Éditorial Robert Namias Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com Bastien Millot P. 2 Jean-Pierre Raffarin P. 3 DR LIONEL BONAVENTURE/AFP PIERRE VAUTHEY/SYGMA/CORBIS Dati ou l’ado et Walesa Il l’a inspirée et l’inspire encore. L’ancienne garde des Sceaux s’est construite avec l’image de cet ouvrier soufflant le vent de la révolte polonaise dans les années 1980. > Lire l’admiroir d’ Éric Fottorino p. 7 Douche froide pour les centristes La décision de Jean-Louis Borloo de ne pas se présenter à la présidentielle a pris de court ses soutiens. Et pourtant elle n’est pas surprenante. > Lire p. 5 Et aussi Longtemps discrets, les communicants ont envahi la scène médiatique avec l’affaire DSK. Au risque de décrédibiliser le message que les politiques souhaitent adresser à l’opinion. Beaucoup préconisent aujourd’hui un retour à la théorie de la rareté. Z, le remake S i le grand air de la calomnie est toujours aussi populaire, l’ère de la communication fait à coup sûr partie des tubes du moment : commu- niquez, communiquez, il en restera tou- jours quelque chose ! C’est du moins ce qu’expliquent aux politiques ceux dont le métier est de définir pour les dirigeants, actuels ou futurs, une stratégie de valorisation des décisions prises et des projets envisagés. La communication politique n’est pas d’aujourd’hui : Giscard déjà en avait fait une arme personnelle, Mitterrand s’est appuyé sur Jacques Pilhan, Chirac également. Depuis, les communicants ont fait florès et sont très (trop ?) présents. Du coup beaucoup de Français s’interrogent aujourd’hui sur leur rôle. La frontière est ténue entre communication et mani- pulation. La première est nécessaire, la seconde en revanche peut constituer rapidement une dérive dangereuse qui transforme le discours en un scénario mensonger. Cette communication- manipulation, que l’on a spectaculaire- ment vue à l’œuvre dans l’affaire DSK, ne peut que nuire à la crédibilité des poli- tiques, perçus comme des marionnettes actionnées par des professionnels du marketing. Certes, il ne s’agit pas de les soustraire aux codes qui permettent d’uti- liser efficacement les différents canaux d’expression. Encore moins d’ignorer ce que les chercheurs en communication nous apprennent sur la manière la plus efficace d’adresser un message. Faut-il encore que la sincérité et le souci d’être vrai l’emportent sur le préfabriqué et la mise en scène. Aux communicants eux-mêmes de le rappeler à ceux qu’ils conseillent. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre dit un dicton populaire. C’est plus vrai que jamais. R.N. > Lire p. 2 et 3 Au sommaire Un 93 à l’envers ? par Nathalie Segaunes L’âme des sénateurs par Marc Tronchot >P. 4 Éric Ciotti répond au questionnaire de Béatrice Houchard >P. 5 Les cahiers de campagne de Michèle Cotta >P. 6 L’Europe et les Roms >P. 8 et 9 La haine sur Internet par Joël Genard >P. 10 Collector s’installe à Lille par Pierre de Vilno >P. 12 ABDELHAK SENNA/AFP THOMAS SAMSON/AFP C’est le pourcentage des ouvriers qui craignent d’être un jour au chômage. Selon un sondage TNS-Sofres commandé par l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), les cadres sont presque aussi nombreux : ils sont 70 % à craindre la perte de leur emploi. L’enquête précise que 66 % des Français, toutes catégories confondues, se sentent en situation de risque vis-à-vis du chômage, pour eux-mêmes ou pour un de leurs proches. 76 % Communicants : la dérive ? Jacques Pilhan. L’un des pères de la communication politique. Théoricien de la rareté, il a conseillé François Mitterrand et Jacques Chirac.

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l'Hémicycle numéro 419 du mercredi 5 octobre 2011

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La France serait-elle en passe dedevenir la plus grande salle de spec-tacle du monde ? Avec sur scènequelquesdizainesd’acteurs etdans lasalle plus de 60 millions de Françaisspectateurs qui n’en croient pas leurs

yeux ni leurs oreilles. Qu’on en juge plutôt : après la miseen examen des plus proches amis du président de laRépublique, voilà qu’ils assistent à une séquence pour lemoins surprenante : unprocureur de laRépubliqueconvo-qué il y a quelques jours et dont on vient d’appendre quel’audition a été reportée sine die. Bien étrange report, dûà des raisons de procédure qui masquent mal la tempêtequi semble agiter les milieux judiciaires et policiers, alorsque la même juge devait entendre peu après le directeurgénéral de lapoliceet lepatrondu renseignement intérieur.Il est vrai que le spectacle s’annonçait pour le moins sur-réalistemêmes’il n’estpascomplètement inédit.Àunedif-férence de taille près : la dernière fois qu’un tel spectacleavait étémonté, c’était avecde vrais acteurs et pour un vraifilm. Tous les cinéphiles se souviennent de cette séquenceinouïedu jugeJean-LouisTrintignant faisantdéfilerdanssonbureau le gratin de la police et de la politique d’un pays àpeine imaginaire pour les inculper d’une longue liste decrimes et délits. C’était en 1969 et c’était du cinéma. Quipouvait imaginer que l’œuvre de Costa-Gavras ferait figurede pâle fiction face à une réalité française qui menace au-jourd’huipolitiques,magistratsetpoliciers.Et il nesuffit pasde crier haro sur les médias en les accusant de se vautrerdans les « on-dit » et les rumeurs pour faire oublier desvérités factuelles qui donnent une image peu glorieuse denotre pays. Et plutôt que de se renvoyer à la figure, à droitecomme à gauche selon les affaires du moment, le viol dusecretde l’instructionou leméprisde laprésomptiond’inno-cence, les politiques seraient bien inspirés de donner ungrandcoupdebalaidevant leurporteavantque lesélecteursne le fassent pour eux.D’autantquecontrairementàcequevoudraient faire croirelesextrêmes, lamajoritédesélus locauxounationauxn’ontrien à voir avec cesmauvais coups portés à la démocratie.Laprésidentielledevraêtre l’occasiondecegrandnettoyagesi l’on veut que les60millionsde spectateursqui détestentce mauvais polar quittent leur fauteuil pourredevenir des acteurs de la vie publique.

Le chiffre

NUMÉRO 419 —MERCREDI 5 OCTOBRE 2011 — 1,30 ¤

ÉditorialRobert Namias

Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

L’HÉM

ICYCLE

www.lhemicycle.com

BastienMillot

P. 2

Jean-PierreRaffarin

P. 3

DR

LIONEL

BONAVEN

TURE/AFP

PIERRE

VAUT

HEY/SYGM

A/CORBIS

Datioul’adoetWalesaIl l’a inspiréeet l’inspireencore.L’anciennegardedesSceaux s’est construite avec l’imagede cet ouvriersoufflant le ventde la révoltepolonaisedans lesannées 1980.>Lire l’admiroir d’ÉricFottorinop.7

DouchefroidepourlescentristesLa décision de Jean-Louis Borloo de ne pas seprésenterà laprésidentielleaprisdecourt sessoutiens.Et pourtant elle n’est pas surprenante.>Lire p. 5

Et aussi

Longtemps discrets, les communicants ont envahi la scènemédiatiqueavec l’affaireDSK.Aurisquededécrédibiliser lemessageque les politiques souhaitent adresser à l’opinion. Beaucouppréconisent aujourd’hui un retour à la théorie de la rareté.

Z, le remake

Si le grand air de la calomnie esttoujours aussi populaire, l’ère dela communication fait à coup sûr

partie des tubes du moment : commu-niquez, communiquez, il en restera tou-jours quelque chose ! C’est du moins cequ’expliquent aux politiques ceux dontlemétier est dedéfinir pour lesdirigeants,actuels ou futurs, une stratégie devalorisation des décisions prises et desprojets envisagés. La communicationpolitique n’est pas d’aujourd’hui :Giscard déjà en avait fait une armepersonnelle, Mitterrand s’est appuyésur Jacques Pilhan, Chirac également.

Depuis, les communicants ont fait florèset sont très (trop ?) présents. Du coupbeaucoup de Français s’interrogentaujourd’hui sur leur rôle. La frontièreest ténue entre communication et mani-pulation. La première est nécessaire,la seconde en revanche peut constituerrapidement une dérive dangereuse quitransforme le discours en un scénariomensonger. Cette communication-manipulation, que l’on a spectaculaire-mentvueà l’œuvredans l’affaireDSK,nepeut que nuire à la crédibilité des poli-tiques, perçus comme des marionnettesactionnées par des professionnels du

marketing. Certes, il ne s’agit pas de lessoustraire auxcodesquipermettentd’uti-liser efficacement les différents canauxd’expression. Encore moins d’ignorer ceque les chercheurs en communicationnous apprennent sur la manière la plusefficace d’adresser un message. Faut-ilencore que la sincérité et le souci d’êtrevrai l’emportent sur le préfabriqué etla mise en scène. Aux communicantseux-mêmes de le rappeler à ceux qu’ilsconseillent.Onn’attrapepas lesmouchesavecduvinaigredit undictonpopulaire.C’est plus vrai que jamais. R.N.

>Lire p. 2 et 3

Ausommaire •Un93 à l’envers ? parNathalieSegaunes • L’âme dessénateurs parMarcTronchot>P. 4 •ÉricCiotti répond au questionnairedeBéatriceHouchard>P. 5 •Les cahiers de campagne deMichèleCotta>P. 6 •L’Europe et les Roms>P. 8 et 9 •La haine sur Internet parJoëlGenard>P. 10 •Collector s’installe à Lille parPierredeVilno>P. 12

ABDELHAK

SENN

A/AFP

THOM

ASSAMSON/AFP

C’est le pourcentage des ouvriers qui craignent d’être unjour au chômage. Selon un sondage TNS-Sofres commandépar l’Association des maires des grandes villes de France(AMGVF), les cadres sont presque aussi nombreux :ils sont 70 % à craindre la perte de leur emploi. L’enquêteprécise que 66 % des Français, toutes catégories confondues,se sentent en situation de risque vis-à-vis du chômage, poureux-mêmes ou pour un de leurs proches.

76 %

Communicants : ladérive?

Jacques Pilhan.L’un des pères de la communication

politique. Théoricien de la rareté,il a conseillé FrançoisMitterrand

et Jacques Chirac.

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2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 419, MERCREDI 5 OCT0BRE 2011

Agora

En quoi le journal télévisé deDominique Strauss-Kahn sur TF1,le 18 septembre, va-t-il ou non faireévoluerlacommunicationpolitique?Il a porté le coup de grâce à unecertaine forme de communicationpolitique. Cette émission restera ledernier avatar du storytelling desannées 1990-2000, où un respon-sable raconte une histoire person-nelle, avec un journaliste commesparring-partner. Aux États-Unis etenGrande-Bretagne, cette techniqueappartient aussi au passé depuis queGeorge W. Bush et Tony Blair ontquitté le pouvoir. J’ajoute que ledegré de préparation était tel qu’elletransparaissait de manière évidente

pour les téléspectateurs et que laconnivence entre invité et journa-liste avait une conséquence : tout cequi était dit était soumis à caution.

L’interviewauvingtheuresest-elleencoreunpassageobligé?Non. J’aurais choisi une interviewdans la presse écrite internatio-nale : on peut dire tout ce qu’onveut, autant que dans un vingtheures, sans que transparaisse lemanque de spontanéité et en chas-sant l’accusation de connivence.

Quellesdevraient être lesnouvellesrèglesde la communicationpolitique?

Aujourd’hui ce sont la rareté, lesidées et le clivage, pour mettreun terme aux hommes politiquescommentateurs, enfin une formed’authenticité, y compris dansla gestion de crise, pour qu’appa-raisse une espèce d’humanitésupplémentaire.

Qui, dans lapériode récente, a suadopter le comportementadéquatfaceàune tempêtemédiatique?Sur les rumeurs la concernant,Martine Aubry a, avec une com-munication authentique, tournéen dérision les arguments avancéset a mis l’accent sur l’endroit d’oùvenait, à son sens, la calomnie.

Lescommunicantsdoivent-ilschangerdeprofil?Les communicants semi-publicitairesou organisateurs d’événements sonten train de disparaître au profitd’une génération de communicantsstratèges. Ils doivent être des boîtesà idées, des coaches, des sparring-partners et aussi, bien sûr, s’occuperde l’emballage – où l’on retrouvela com’. Un homme politique estdésormais en attente de partage etd’aide à la décision, et pas seulementde conseils émanant d’un pubard.Vous aurez remarqué que, dans labouchemême des responsables poli-tiques, le mot « com’ » est devenupéjoratif. Des strategists entouraient

BarackObamaen2008,pasdes com-municants. Cette évolution supposeunnouveaucomportementde lapartdes politiques, qui passe par la fin delapeopolisationetde la saturationdel’espacepublic.Aujourd’hui, celuiquipratique le plus la rareté est celui-làmême qui était hier l’incarnation dela surexposition, à savoirNicolas Sar-kozy.On revient aux fondamentaux.La communicationexistait sous l’An-tiquité,mais elle était perçue commele prolongement de la politique, etnon comme un palliatif de la fin desidéologies. Propos recueillis

par Éric MandonnetChef du service politique

de L’Express

Levingt heuresdeDSKmarque-t-il un tournantdans l’histoirede la communicationpolitique ?M.V. : C’était un travail d’équipe – lui, ses communicants,Claire Chazal –mais unmauvais travail. Arrêtons de prendreles Français pour des imbéciles. Bien sûr, l’exercice était trèsdifficile. Il manquait une demande de pardon aux Français,qui ont tous été salis par cette affaire, et une expressionspécifique vis-à-vis des femmes, or il a fait preuve d’arrogance.

Ce JTmarque-t-il un tournantdans l’histoirede la communication?M.V. : C’est le gros avantage de cette émission : cette inter-view est à montrer dans les écoles de communication pourêtre certain qu’on ne la fera plus. Lorsque l’on veut utiliserle vingt heures d’un journal télévisé, il faut se laisser unecertaine liberté, moins préparer les choses.

Unhommepolitiquepeut-il être victimedesescommunicants?M.V. : Oui, la preuve ! Quand on essaie de tricher ou detromper, ça ne marche plus. Modifier le comportementd’une personnalité est factice et donc peu crédible.Le communicant doit se contenter de mettre en exergueou d’aider à formuler, c’est tout. La complicité entre unhomme politique et un communicant, c’est très bien,mais l’homme politique doit rester lui-même, il doitgarder sa personnalité, y compris face à son conseiller.

Quels sont lesexemplesdebonnegestiondecrise?M.V. : Dans une affaire de mœurs, Bill Clinton, en venantavec sa femme et en demandant pardon, avait plutôtréussi. Dans les affaires récentes, de nature évidemmentdifférente, qu’elles concernent Éric Woerth ou Michèle

Alliot-Marie, on ne peut pas dire que la riposte desministres fut excellente. Le dernier à avoir su bien réagirc’était François Mitterrand, qui avait un tel charisme, untel toupet.

Est-il tempspour les communicantsdechanger leurmanièrede faire?M.V. : Je ne suis pas sûr que le métier doive évoluer.Je m’occupe de Christine Lagarde. Si on avait dû répondreà toutes les sollicitations sur l’affaire Tapie avant sadésignation à la tête du FMI, on se serait planté. On afait un seul média, Europe 1, pour expliquer les choses.Les communicants considèrent qu’il faut toujoursparler. Mais plus vous parlez, plus vous vous enfoncez.Quand les choses sont compliquées, il faut savoir direnon et se taire.

BASTIEN MILLOTFONDATEUR DE BYGMALION,AGENCE SPÉCIALISÉEDANS LA COMMUNICATIONET LE CONSEIL

MARC VANGHELDERPDG DE LEADERS & OPINIONS

Laplupartdescommunicants,telBastienMillotouMarcVanghelder,préconisentaujourd’huiunretourà une communicationde la rareté, conçueà l’époquedeFrançoisMitterrandpar JacquesPilhan.

«Lescommunicants semi-publicitaires sont entrain de disparaître au profit d’une génération

de communicants stratèges »

«Lescommunicantsconsidèrentqu’il faut toujoursparlermaisdansbiendescasplusvousparlez,plusvousvousenfoncez»

DR

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AuvingtheuresdeTF1,le18septem-bre,DominiqueStrauss-Kahna-t-iltué lacommunicationpolitique?Il a tué le vingt heures, le show duvingt heures. La communicationpolitique, aujourd’hui, à l’heured’Internet et de l’accumulation desimages, a besoin de sobriété. Levingt heures était déjà menacé,avant cet épisode, dans sa toute-puissance. La question de la sincé-rité est désormais devenue domi-nante, alors qu’elle était jusqu’àprésent toujours en arrière-plan.Elle sort de l’inconscient du télé-spectateur pour se transformer enparamètre clé d’une intervention.

Est-ce à dire qu’il y aura un avantet un après ce journal téléviséde vingt heures de DominiqueStrauss-Kahn ?Oui, cette émission restera commeun tournant. On assistait, pourchaque émission télévisée d’un res-ponsable politique, à un matchentre sa sincérité et sa compétence.C’est fini ! Ce vingt heures a soldéle match, car jamais l’écart n’a étéaussi grand entre la première et laseconde. Dorénavant, la sincéritéconstituera un préalable à touteidée de compétence.

Voici un homme politique qui sedéfend dans une affaire de mœurset qui, au cours de la mêmeémission, veut faire valoir cettecompétence que vous évoquez,

en parlant de la situation dela Grèce et de la crise de l’euro.Est-ce de bonne stratégie ?Au fond, Dominique Strauss-Kahnn’a été clair que sur l’économie, etcela ne l’a pas empêché de raterglobalement son exercice. Quandvous vous êtes cassé la jambe, vousne vous remettez à courir que pro-gressivement. Après une premièrepartie sur l’affaire du Sofitel, ils’est mis, dans la seconde partie,à gambader sur le terrain écono-mique, sans raideur ni cicatrice.Cette aisance révélait une partd’indifférence ou d’inconscience.

Jusqu’à quel point un hommepolitique peut-il être victime de sespropres communicants ?Lui l’a été. Car ses conseillers ont àl’évidence fait de la com’ ce soir-là,pas de la stratégie. Le problèmen’était pas de savoir comment ilfallait se sortir « d’affaire » ni quelleimage promouvoir, mais quellesinformations nouvelles permet-traient de faire bouger le jugementdes Français. Dans un tel cas decrise : pas de com’ sans infos !Sinon à quoi bon aller sur un pla-teau de télévision ? DominiqueStrauss-Kahn n’a aucun élémentd’information supplémentaire àapporter, il vient seulement nousexpliquer qu’il a fait une faute,mais qu’il est innocent. Ce n’est pasunmessage simple à faire passer ! Ilfallait se fixer une ligne stratégique

et s’y tenir. La ligne de séparationvie privée (la faute) / vie publique(l’innocence) n’est pas convain-cante. Un message plus sincère etplus précis aux femmes eût étéplus efficace.

L’excès de communication ne seretourne-t-il pas contre lesresponsables publics, quels qu’ilssoient ? D’une certaine manière,Nicolas Sarkozy ne paie-t-il pasaussi aujourd’hui pour avoir tropcommuniqué ?Le cas du Président est très singu-lier : ce n’est pas une question decommunicationmais d’exposition.S’il est victime d’usure, parfois decaricature, c’est parce qu’il s’estsitué très longtemps en premièreligne. Cela relevait d’un choix po-litique, qui avait des répercussionsen matière de communication,et non l’inverse : il aurait dû seprotéger davantage. À sa décharge,reconnaissons que la plus grandepart de la communication d’unPrésident ou d’un Premier ministreest construite à l’extérieur de lui-même, par les médias, les adver-saires, les supporteurs.

Le moment est-il venu, pour lesresponsablespolitiques,deréhabiliterJacques Pilhan et son principe derareté médiatique ? Le temps de lasurexposition est-il révolu,malgré lamultiplicationdesbruitsmédiatiques(ou à cause d’eux) ?

Évidemment la surexpositionamène lassitude, usure et caricature.La parole plus rare est mieuxprotégée. La parole politiquemoderne est plus efficace, moinspoétique, plus percutante, ellefatigue plus vite. La rareté n’est pasla seule issue, le partage permetaussi une meilleure distributiondes mots et des rôles. Matignon, leParti, le Parlement devraient être

davantage des émetteurs « amis »,alliés pas nécessairement alignés.Une autre approche serait la « rup-ture » de communication,mais celapasse par l’émergence d’une nou-velle promesse, d’un nouveau pro-jet, en quelque sorte la rupture dela rupture. Propos recueillis

par Éric MandonnetChef du service politique

de L’Express

NUMÉRO 419, MERCREDI 5 OCTOBRE 2011 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Ils sont quatre : AnneMéaux, Michel Calzaroni, Stéphane Fouks,Pierre Giacometti. Volontairement discrets, ils exercent leur pouvoir

d’influence auprès des politiques et des présidents des sociétés du Cac 40.La première est présidente et fondatrice d’ImageSept depuis 1988.AnneMéaux a commencé sa carrière au service de presse duPrésident ValéryGiscard d’Estaing à l’Élysée. Avant d’être la chargée de la communication dugroupeparlementaireUDF, et celle d’AlainMadelin auministère de l’Industrie.Le second,Michel Calzaroni, à la tête de l’agenceDGM, gère la communicationd’une bonne partie des grands patrons.Quant à Stéphane Fouks, spécialiste de la communication d’influence etcorporate, il est le coprésident exécutif d’Euro RSCGWorldwide et l’un desquatre directeurs généraux du groupe Havas, présidé par Vincent Bolloré.D’autres communicants sont aussi conseillers àMatignon ou à l’Élysée.Le plus connu est Pierre Giacometti, qui travaille pour le chef de l’État.Jusqu’en 2008, il était le directeur général d’Ipsos France. Il quitte à cetteépoque Ipsos France pour créer avec Alain Péron une société de conseil enstratégie et en communication, Giacometti Péron & Associés. Enfin,mention particulière pour Patrick Buisson, qui tient un rôle de conseillerofficieux auprès de Nicolas Sarkozy. Très présent pour la campagne de 2007,il est aujourd’hui un peumoins en première ligne.

Les principaux communicantspolitiques

Jean-PierreRaffarinest,parmi lespolitiques, l’undeceuxquia lemieuxgérésacommunication,notamment lorsqu’il étaitàMatignon. Ildénonceaujourd’huiunecommunicationpolitiquequidévoilesoncaractèrepréfabriquéaudétrimentde lasincéritéetde lavérité.

«Le match entre compétence et sincérité est fini.Désormais la sincérité, devenue la question

dominante, est un préalable »

LIONEL

BONAV

ENTU

RE/AFP

JEAN-PIERRERAFFARINANCIEN PREMIER MINISTRE,SÉNATEUR UMP DE LA VIENNE

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 419, MERCREDI 5 OCTOBRE 2011

Plan largeDéprime aux Quatre Colonnes

Il flotte dans les rangs de lamajorité en cette rentrée parle-mentaire comme une impres-

sion de 1993… à l’envers. Àl’approche des élections législa-tives, cette année-là, la gauche, aupouvoir depuis douze ans, avait lesentiment de foncer droit dans lemur… sans pouvoir appuyer sur lapédale de frein. Ce qui s’est ample-ment vérifié, puisqu’elle a vécul’une de ses défaites les plusmémo-rables, passant dans l’hémicycle de300 à 80 députés. Les parlemen-taires UMP ont aujourd’hui le sen-timent qu’un sort identique lesattend dans huit mois. Et la pertedu Sénat, le 25 septembre, a pournombre d’entre eux donné le signalde la fin. « Eh bien voilà, c’est ledébut de l’alternance », soupirait unancien ministre revenu au Parle-ment, au lendemain des électionssénatoriales. « On a tous intérioriséla défaite, reconnaît un députéUMP de la région parisienne préfé-rant garder l’anonymat. Il y aura unraz de marée de gauche après laprésidentielle, on va finir à soixantedéputés. » À l’Assemblée, les dépu-tés de la majorité le ressententpresque physiquement : l’atten-tion de l’appareil d’État, des hautsfonctionnaires, des ambassades sedétourne d’eux, pour se porterdésormais sur leurs collègues du PS.Loin devant les dissidences, abon-damment évoquées dans les mé-dias par les responsables de lamajorité pour expliquer la pertedu Sénat, c’est en réalité l’incom-préhension dans les campagnesà l’égard de la réforme des collec-tivités territoriales qui est pourbeaucoup à l’origine du séismepolitique du 25 septembre. « Àl’époque de la discussion au Parle-ment, j’ai dit à Nicolas : “arrête cette

réforme, c’est catastrophique !” Maisil n’écoute jamais, il a toujours rai-son », confie un ancien ministre.Les parlementaires UMP connais-sent bien, pour les voir chaque finde semaine, l’état d’esprit des éluslocaux à l’égard du chef de l’État :

« Ils sont excédés : lors de ses dépla-cements en province, le Président lesréunit à grands frais… pour leur direqu’il n’y a plus d’argent », rapportel’un d’eux. Mardi dernier salle Col-bert, devant le Premier ministre,des députés qui ne prennentjamais la parole ont donné de lavoix pour la première fois, alorsqu’étaient analysées les causes dela défaite au Sénat. « On a mis lecorps électoral à feu et à sang avec laréforme des collectivités territoriales, anotamment tempêté Alfred Trassy-Paillogues (Seine-Maritime). Il nefaut pas brutaliser le monde rural, quiétait à nos côtés en 2007. » Les élussont aussi bien conscients du rejet

que provoque dans le pays la per-sonnalité du chef de l’État. Les dé-buts bling-bling du quinquennat,pourtant nettement corrigés de-puis un an, pèsent toujours. « J’ai lesentiment que les gens n’ont pasoublié », admet Henri de Raincourt,le ministre chargé de la Coopéra-tion, solidement implanté dansl’Yonne. « Il pourra faire ce qu’il vou-dra, c’est fini, les gens ne veulent plusle voir, rapporte un parlementairedes Bouches-du-Rhône. Ce qui estinjuste, car il a fait bouger le pays. »L’hypothèse d’une autre candida-ture que celle de Sarkozy, parexemple celle d’Alain Juppé oucelle de François Fillon, n’est ce-pendant pas à l’ordre du jourparmi les parlementaires. « Biensûr, Juppé serait bon, Fillon aussi,convient François Grosdidier, ex-député de Moselle, devenu séna-teur. Ce sont des hommes d’État.Mais ne pas représenter Nicolas Sar-kozy, pour la majorité, serait un aveud’échec. » « Quand on change de che-val au beau milieu de la course, on estassuré de se casser la figure », estimeplus prosaïquement Lionnel Luca,chef de file de la Droite populaire.Au Quai d’Orsay, Alain Juppé jus-tement, tout à son bonheur d’avoirretrouvé d’éminentes responsabili-tés, juge sévèrement le défaitismedes élus. « L’élection sénatoriale estun échec, et dans les échecs, il y a tou-jours des gens tentés de quitter lenavire, déplore-t-il. Le manque desang-froid de certains est absolumentincroyable ». L’ancien Premier mi-nistre reconnaît cependant avoirlui-même douté, à l’automne 1994,que Jacques Chirac l’emporte en1995. « Les rejets d’image, ça secorrige, observe-t-il. Pour Chirac, leschoses se sont redressées en février. »Persuadé que Sarkozy sera candidat,le ministre d’État estime que « rienn’est joué, rien n’est perdu. Il fauttenir. »Un autre ancien Premiermi-nistre, Jean-Pierre Raffarin, sénateurUMP de la Vienne, fait sensible-ment la même analyse : « L’histoirenous a montré que les positionsfortes de septembre ne sont pas cellesde mai. » Pas sûr que ce type demessage suffise à remobiliser unemajorité fataliste.

L’esprit républicain ! La loi de ladémocratie ! Les sénateurs de droiten’avaient que ces mots à la bouchesamedi après-midi, à l’issue de l’élec-tion du socialiste Jean-Pierre Belà la présidence de leur assemblée.Comme si les choses étaient alléesde soi dès les résultats du scrutin du di-manche précédent, comme si le respectdû aux grands électeurs n’avait jamaisfait aucun doute, comme si la classepolitique hexagonale obéissait depuistoujours aux seules règles de l’olym-pisme et n’avait pour seule référenceque l’éloge de la participation par lebaron de Coubertin. Cette soudaineirruption de l’exemplarité en politique,à l’heure où, en France, nos concitoyensne semblent se faire aucune illusion surles ressorts et comportements de ceuxqui les gouvernent, laisse un peu dubi-tatif, paraissant à peu près aussi spon-tanée et sincère qu’une haie d’honneurde rugbymen français pour des joueursdes îles Tonga, mais, il faut s’enféliciter, les apparences furent sauves.Ce qui permit de faire passer, en unseul tour de scrutin, cette électiond’historique le samedi 1er octobre à sanssurprises dans les commentaires desjournaux du lendemain. Sic transitgloria mundi ! Ainsi passe la gloire dumonde, et du Sénat. Ainsi va l’actualité.L’important résidait ailleurs : dans lefait que la Haute Assemblée échappe àl’indignité et confirme sa sagesse. Et cefut le cas. Après avoir avalé leur dépit,certains responsables de droite ou ducentre ont su ne pas céder au côté ob-scur de la force ou plutôt, dans le casprésent, de leur faiblesse électorale. Ilsont sans nul doute été bien inspirés :toute tentative de manipulation oude trucage se serait révélée contre-productive et sans doute même grave-ment dommageable pour ceux quis’y seraient livrés. La droite sénatorialea préféré la prudence et l’honneur.Préférant perdre une élection, fût-elleà la présidence du Sénat, … que sonâme. Référence à cette phrase popula-risée par l’ancien ministre et maire deLyon, Michel Noir, quand, en 1987,dans la perspective de l’élection prési-dentielle et des législatives de 1988, ilavait engagé les responsables du RPR etde l’UDF à ne pas se fourvoyer dansdes alliances avec le Front nationalcomme cela s’était vu un an plus tôtà seule fin de conserver quelquesprésidences de régions. Plutôt perdreune élection que son âme. À voir ladirection que prennent certains res-ponsables de la droite dite classique àun peu plus de deux cents jours del’élection présidentielle, on se dit toutà coup que cette phrase pourrait denouveau, très bientôt, servir.

L’opinionde Marc Tronchot

DR

L’âme dessénateurs

Un 93 à l’envers ?Mêmesi lesélections sénatorialesnesontpascomparables, ellesontprovoquéun choc à l’Assemblée. Revenant de leur circonscription, les députés de lamajorité ont broyé du noir toute la semaine. Les plus pessimistes évoquantles législatives de 1993 et la déroute socialiste de l’époque : la gauche,partie à 300, était revenue à80…Par Nathalie Segaunes

François Fillon. Il est l’auteur de la célèbre formule du « 21 avril àl’envers », prononcée le 28 mars 2004 au soir de l’échec de la droiteaux régionales. « On ne peut pas réformer sans avoir le soutien dupeuple » avait-il déclaré sur le plateau de TF1. De nombreux députésde l’UMP retournent aujourd’hui la phrase choc de l’actuel Premierministre à Nicolas Sarkozy. PHOTOPHILIPPEWOJAZER/AFP

BernardAccoyer n’a pas tardé à prendre contact avec le tout nouveauprésident du Sénat, Jean-Pierre Bel. Dans un courrier adressé dès

samedi, le présidentde l’Assembléenationale forme le vœud’unebonnecollaborationdes deux assemblées pour « servir aumieux la Républiquedans le contexte international et européen délicat que traverse la France ».Unemanière de dire au tout nouveau président du Sénat que l’obstructionn’est pas demise en cette période difficile.

Accoyer tend la main à Bel

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Éric Ciotti, 46 ans depuis le 28 septembre, a été élu député en 2007. Il est aussi présidentdu conseil général des Alpes-Maritimes. Affirmant avec conviction ses valeurs de droite,c’est sans conteste l’une des révélations de la législature.

Mini-coup de théâtre ce dimanche sur le plateau de TF1. Jean-Louis Borloo a pris de court laplupart de ceux qui s’étaient ralliés à lui pour porter les couleurs centristes à la présidentielle.Et pourtant, cet imprévu était assez prévisible.

Quel événementvousadécidéde fairede lapolitique?J’ai toujours été fasciné par la viepolitique. Mon oncle était élu àSaint-Martin-Vésubie, dont je suisaujourd’hui le conseiller général.Je l’accompagnais tout jeune auconseilmunicipal. Celame passion-nait. Et puis, il y a eu ce choc en1981. J’avais 16 ans. Pour moi,l’élection de la gauche en Franceétait un bouleversement. Les valeursqui étaient lesmiennesn’étaientplusreprésentées par le Gouvernement

mis en place par François Mitter-rand. Ce jour-là, j’ai adhéré au RPRpour m’engager en politique.

Lapropositionde loi quevous rêvezde faire adopter?La proposition de loi sur le servicecitoyen, que j’ai déposée sur le bu-reaude l’Assembléenationale, visantà l’encadrement des jeunesmineursdélinquants n’est peut-être pas unrêve, mais j’y tiens. Je suis persuadéqu’elle participera à améliorer lasécurité de nos concitoyens tout enredonnant un cadre et des repères àces jeunes à la dérive qui ont perdutout sens de la vie en société.

Justement, n’a-t-ellepasduplombdans l’aile?Pas du tout. Dans un premiertemps, la commission de la défensede l’Assemblée, consultée pour aviset mal informée, a repoussé letexte. Depuis, il a été adopté par lacommission des lois, avec unelarge majorité, et il sera discuté le4 octobre.

LeSénat,désormaismajoritairement

àgauche,peut-il refuserdel’inscrire à l’ordredu jour ?À l’Assemblée, ma proposition aété mise à l’ordre du jour par leGouvernement. Il devrait en êtrede même au Sénat. Je peux vousdire que le Gouvernement estdécidé à aller vite sur ce texte. Et sile Sénat ne l’adopte pas, l’Assem-blée nationale aura le dernier mot,conformément à la Constitution.

La loi, adoptéeavant votre élection,quevousauriez aimévoter?La loi pour l’égalité des droits et deschances, laparticipationet la citoyen-netédespersonneshandicapées a étéune loimajeurepour laquelle j’auraisaimé donnermon vote.

Quelle femmepolitiqueadmirez-vous leplus?Je pense à Simone Veil. On partagelesmêmes racines niçoises, c’est vrai,mais au-delà c’est une femme qui afait preuve d’un courage exemplaire,dans son enfance, d’abord, puis dansson parcours politique. Une grandehumaniste qui a fait avancer biendes causes dans notre pays.

Dequel adversairepolitiquevoussentez-vous leplusproche?Pour moi la vérité est la premièredes exigences. C’est pourquoi jepense à Claude Allègre, connupour ses positions tranchées et sanslangue de bois.

Quel livreêtes-vousentrainde lire ?C’était un temps déraisonnable, lelivre sur la Résistance de Georges-Marc Benamou.

Le lieudevotre circonscriptionquevouspréférez?La question n’est pas facile. J’ai lachance d’être le représentantd’une très grande circonscription.Les quartiers Est et du centre-villesont les plus anciens de la cité. Il y ale port et le Vieux-Nice, le cœur de lacité historique. Les quartiers Est, quisont les quartiers populaires où seniche l’âme de la ville depuis les an-nées 1950. J’aime aller à la rencontredes riverains et des commerçants deces quartiers, notamment les joursdemarché ! Lequartier de la gare, quigrouille de vie, ce quartier ne dortjamais ! Et maintenant les quartiers

un peu plus à l’Ouest, qui longentlamythiquepromenadedesAnglais !Entre chacun de ces endroitschargés d’histoire, il m’est difficilede faire un choix. Je les apprécietous pour ce qu’ils ont à offrir. S’ilfaut choisir, sans doute, le port deNice, qui naturellement constitue lephare de la circonscription.

Quandvousfredonnez,c’estquelair?J’habite en France, deMichel Sardou.

Quellephotoavez-voussur votrebureau?J’en ai plusieurs. Il y a celles qui merappellent mes grands rendez-vouspolitiques, par exemple, quand j’airemismonrapport sur l’améliorationde l’exécution des peines à NicolasSarkozy, à l’Élysée. Et puis, naturelle-ment, des photos de mon épouse,Caroline, etdema fille, Jeanne-Marie.

Onvousproposededéjeuner entêteà têteavecunepersonnalitédisparue.Qui choisissez-vous?Sans hésitation, le général deGaulle.

Propos recueillispar Béatrice Houchard

Tous les proches de l’ancienministre d’État, à commen-cer par Rama Yade, Yves

Jégo, Dominique Paillé et quelquesautres, ont appris en regardant TF1ou peu avant 20 heures que Jean-Louis Borloo ne se lancerait pasdans la course présidentielle. Mini-coup de tonnerre pour ceux quis’étaient ralliés au président duParti radical et qui ne doutaientplus de la candidature de leurchampion. Il est vrai que depuisquelques semaines le leader cen-triste avait multiplié les déclara-tions qui semblaient ne plus laisserplace au doute sur ses propreschoix. Pourtant c’était mal leconnaître : Borloo n’est pas unguerrier, et il faut l’être pour selancer dans un tel combat électo-ral. On ne peut faire fi longtempsde la psychologie d’un homme quipréfère la réflexion intellectuelleet la recherche du consensus parl’échange plutôt que l’affronte-ment violent, souvent meurtrier,d’une présidentielle. La situation

de tension politique dans laquellese trouve plongé le pays n’est pasdu goût de l’homme du grenellede l’environnement, et les récentesélections sénatoriales ont accélérésa décision de non-candidature.Les divisions au sein de la droiteont pour partie coûté la présidencede la Haute Assemblée à l’UMP.Borloo n’entendait pas être accuséd’accroître encore ces divisionset d’apparaître comme l’éventuelresponsable de l’échec du Présidentsortant. La nouvelle n’est doncpasmauvaise pour Nicolas Sarkozy,elle affine la donne en précisantla photographie de la future cam-pagne. Pour autant, la route unpeu mieux déblayée ne fait pasl’élection. Difficile encore d’imagi-ner où iront les voix de ceux quientendaient voter Borloo. Pour cer-taines sans doute chez FrançoisBayrou, qui n’en espérait pas tant.La parenthèse Borloo se referme,Hervé Morin se prépare et la futureéchéance est plus ouverte quejamais. Robert Namias

Borloo : unesurprisepas surprenante

Le questionnaire

ÉRIC CIOTTIDÉPUTÉ UMP DES ALPES-MARITIMES

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Lundi 26 septembreGueule de bois dans la majorité.Derrière les calculs proprementarithmétiques, l’évidence est là :la gauche a largement gagné unbastion que l’on pensait invinciblepar elle. Victoire si large qu’à l’Ély-sée, où Nicolas Sarkozy reçoitce matin François Fillon et Jean-François Copé, la décision est prisede ne pas chercher à grappillerquelques suffrages pour priver lessocialistes et leurs alliés de leurvictoire. Toute tentative de débau-chage apparaît pire que le mal :être accusé de déni de démocratieen tentant de séduire trois ou quatresénateurs désireux de quelqueavantage serait, dans le climatactuel, déjà lourd, la plus terribledes accusations.

Mardi 27 septembreL’inquiétude gagne parmi les élusde la majorité. L’analyse montreque ce sont les grands électeursdes cantons ruraux essentiellementqui ont fait défaut lors du vote dedimanche. Pour la première fois,les élus UMP, à l’Assemblée ou auSénat, se posent, tout bas, la ques-tion. Comme ils la posent eux-mêmes aux commentateurs, le« tout bas » passe au stade de larumeur : déjà, il y a quelquessemaines, une ancienne conseillèrede Georges Pompidou et de JacquesChirac – inutile de chercherlongtemps, il n’y en a qu’une –exprimait sa conviction queNicolasSarkozy pourrait ne pas se repré-senter. Écartée d’un revers de lamain, l’interrogation est relayéeaujourd’hui aux Quatre Colonnesou dans les salons dorés du Sénatpar les propres partisans duPrésident : jusqu’à quel point, sedemandent-il, celui-ci est-il atteint ?Existe-t-il, comme l’a dit touthaut Philippe Marini, réélu séna-teur de l’Oise et actuel rapporteurde la commission des finances,une « candidature alternative »à celle de l’actuel président de laRépublique ?C’est qu’au désaveu sénatorials’ajoutent les affaires, qui ne secalment pas : Brice Hortefeuxvient d’être attaqué par les victimesde l’attentat de Karachi poursubornation de témoin. Les son-dages, qui ne remontent pas,même au moment où Nicolas Sar-kozy peut mettre à son profit lesopérations en Libye, et ses succèsde politique internationale.Christian Estrosi, le maire de Nice,ami de trente ans au moins duprésident de la République, écartéil y a peu de toute fonction

ministérielle sans que l’on sache àquoi exactement il doit sa disgrâce,est monté au créneau ce matin aumicro d’une radio périphérique :s’il attaque l’organisation del’UMP, donc de son secrétaire gé-néral Jean-François Copé, il défendnéanmoins avec courage la candi-dature de Nicolas Sarkozy. Qu’onne s’y trompe pas : en campagne,affirme-t-il, il reste, et de loin, lemeilleur.Autre déboire du parti majoritaire :la Droite populaire a affirmé au-jourd’hui sa volonté de se structurerdans un « mouvement plus opéra-tionnel, pour créer un véritablepôle de droite républicaine au seinde l’UMP ». Thierry Mariani, soncofondateur, ministre des Trans-ports, tenteainsid’animeruncourant

plus organisé qu’il ne l’étaitjusqu’à maintenant au sein duparti majoritaire. Il publie au-jourd’hui un programme en douze

points qui précise, dans la perspec-tive de la présidentielle, les idéesdu collectif.Comment ne pas voir que cetteinitiative risque d’en entraînerd’autres : que vont faire LaurentWauquiez, avec sa Droite sociale,et les centristes, qui disent ne passe sentir intégrés totalement dansl’UMP ? Un grand perdant dansl’histoire : Jean-François Copé,accusé de n’avoir pas su préserverl’unité du parti majoritaire.

Mercredi 28 septembreDeuxième débat des primairessocialistes, sur iTélé et Europe 1. Encoulisses assurent les animateurs,l’atmosphère est presque idyllique.Devant l’écran, chacun des six pré-sents s’efforce de rester courtois,

comme si la victoire de la gaucheaux sénatoriales venait de leurdonner une responsabilité plusgrande, celle de ne pas se diviser.

Il reste que la différence s’accentuede débat en débat entre SégolèneRoyal et ArnaudMontebourg d’uncôté, voulant l’un et l’autre incarnerla gauche de la gauche, et les troisautres, François Hollande, MartineAubry et Manuel Valls, représen-tant eux une gauche de gouverne-ment, plus pragmatique et moinsporteuse de rêves. Évidemment,lorsque François Hollande parled’un « candidat crédible, épris dejustice, qui fasse preuve de leverune espérance sans laquelle iln’y a pas de victoire », on voit dequi il parle. Les deux outsiderscontinuent, comme ils l’avaientfait la première fois, de faire mieuxque tirer leur épingle du jeu ; l’un,Manuel Valls, dans le sens d’unsocialisme plus « rocardien »,l’autre, Arnaud Montebourg, plus« mélenchonien ».

Jeudi 29 septembreAlain Juppé sur France 2. Encoreému lorsqu’on lui remet enmémoire sa condamnation, sondépart au Canada, sa solidaritéimpeccable, mais difficile avecJacques Chirac, il apparaît néan-moins particulièrement à l’aise,avec beaucoup d’humour sur lui-même et sur son parcours. Le livrerécent d’Anna Cabana (Juppé,l’orgueil et la vengeance, Flamma-rion) en dit long sur les relationstumultueuses qui ont longtempsété les siennes avec Nicolas Sar-kozy : entre les deux hommesexiste depuis longtemps un senti-ment curieux, fait d’admirationet de jalousie, de respect et deméfiance.Aujourd’hui, Alain Juppé a choisison camp : il soutiendra NicolasSarkozy, « s’il se présente ». Le « s’ilse présente » sera à coup sûrremarqué et amplifié demain. Laréalité est que Juppé, conformé-ment à son image, est loyal, mais

que, comme l’avait dit un jourFrançois Fillon, auquel cela futreproché, Sarkozy n’est pas sonmentor. Ils sont donc au moinsdeux, dans le Gouvernementactuel, à penser qu’ils seraientlégitimes, au cas où…

Samedi 1er octobreÉlection du nouveau président duSénat, le premier président socia-liste de cette honorable institu-tion de la Ve République, avecdeux voix de plus que prévu. Unmoment historique, certes, maisoù le Sénat reste le Sénat : tout yest plus feutré, plus courtois qu’àl’Assemblée nationale. Jean-PierreBel, hier sénateur inconnu del’Ariège, prend soin, dans undiscours modeste et court, maisd’une belle tenue, de remerciercelui qui l’a précédé, Gérard Lar-cher, qui sourit, un peu jaune,en retour. En promettant un « bi-camérisme rénové dans lequell’opposition sera respectée », uneprésidence qui ne soit pas celled’un clan ou d’une clientèle, il ad’emblée trouvé le ton. Il est vraiqu’il connaît bien le Sénat, ses uset ses coutumes : élu en 1998, ilest président du groupe socialistedepuis 2004.

Dimanche 2 octobreAinsi, il aura fait trois petits tourset puis s’en va. Jean-Louis Borloone sera pas candidat à la prési-dence en 2012, il l’a annoncé auvingt heures de TF1. Il invoque debonnes raisons : le danger lepéniste,l’éclatement du centre, qu’il n’estpas parvenu à fédérer. Il n’em-pêche : tout cela, il le savait avant.Les réels espoirs qu’il suscitaitchez certains n’ont donc étéqu’une valse-hésitation. Premierministre de Sarkozy en 2012,si celui-ci est réélu ? Est-ce la véri-table clé de ce retrait ?

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CahiersdecampagneParMichèleCotta

Alain Juppé.Un livred’AnnaCabana raconte les relationstumultueusesqui ont longtempsété les siennesavecNicolasSarkozy.PHOTO JEAN-PIERRE MULLER/AFP

Jean-Pierre Bel.Unvainqueur si discret. PHOTO FRED DUFOUR/AFP

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L’admiroir

Dati : Walesa et moiPar Éric Fottorino

Elle reçoit dans sa mairiedu 7e arrondissement auxfaçades orangées par l’été

indien. En l’attendant, on a pu lireà même le marbre les noms desdéportés du quartier pendant laSeconde Guerre mondiale. Estgravé le nom de Robert Antelme,l’époux de Marguerite Duras, quirentra mort-vivant de Dachau etréchappa in extremis du typhus. Ilpourrait avoir inspiré l’anciennegarde des Sceaux, elle qui dit aimer« les personnes avec des vies denses,qui manifestent une déterminationdans leur art ou dans leur action ; quivont jusqu’au bout ». Nul doutequ’elle ne récuserait pas l’auteur deL’Espèce humaine, un des livres lesplus poignants écrit sur la vie dansles camps. Mais Rachida Dati jouefranco. Elle ne va pas vous envoyerà la figure un penseur ronflant, unidéologue avec des référenceslongues comme le bras. Elle n’estpas venue en politique par et pourles grandes théories, mais à seulefin d’agir dans l’espace public.« À 15 ans, à 20 ans, à 35 ans oumaintenant, je me suis toujours émer-veillée et je m’émerveille encore. Jene suis jamais grisée, ni blasée, nicynique. » Elle avoue sans détourn’avoir pas la politique « chevilléeau corps ». Ce qui la fascine, cesont les destins qui sont allés « àl’encontre du déterminisme ». L’objetde ses admirations ne pouvaitqu’illustrer cette capacité forcenéeà s’opposer. C’est pourquoi on n’estguère surpris d’apprendre qu’ado-lescente, collégienne en Saône-et-Loire, Rachida Dati vibrait pourLech Walesa, le cofondateur dusyndicat Solidarnosc, qui changeala donne du communisme enPologne et bien au-delà, dont leverbe et le courage secouèrentcomme jamais ce qu’on appelait leglacis soviétique.

L’homme des chantiers navals« Son » Walesa n’est pas le prixNobel de la Paix couronné en1993, encore moins le Présidentpolonais élu chef de l’État en1990. Non, celui-là ne ressembleplus à ses rêves. LeWalesa de Dati,c’est l’homme des chantiers navalsde Gdansk, nom imprononçablequi se disait jadis Dantzig. Elle asuivi soir après soir les journauxtélévisés de l’été 1980 quand

l’électricien à col roulé et mous-taches de gaulois se dressait contrele pouvoir qu’incarnait un généralà grosses lunettes noires, WojciechJaruzelski. On l’a bâillonné,

incarcéré, puis libéré sous surveil-lance policière. On a fini parl’écouter, celui dont le patronymesignifiait « celui qui vagabonde ».Et la jeune Rachida Dati buvait sesparoles qu’elle ne comprenaitpas, admirait cette gestuelle quilui parlait. Lech Walesa était undes siens, elle le connaissait, il luisuffisait de le regarder pour savoirque son combat était juste. Unehausse inacceptable des prix de laviande avait provoqué le mouve-ment. Il n’était pas question d’alleren arrière. Pour l’élève de 3e, ceWalesa ressemblait à son père,ouvrier verrier aux usines Saint-

Gobain. Il avait un bleu de travail,comme son père, un casque, deschaussures de sécurité. Pareil. Ellepouvait s’identifier à sa lutte,mêmeavec des mots incompréhensibles,

car il accomplissait les mêmesgestes propres aux ouvriers de sonenfance.

Il était habité« Il ne se battait pas pour une doc-trine. Sa protestation portait sur lessalaires trop faibles et la nourrituretrop chère », explique la maire du7e, une lueur braisée dans les yeux.À l’évidence, l’héroïsme modestede Walesa agit encore. « Il n’étaitpas équipé pour réussir un tel mou-vement, mais il était habité »,explique-t-elle. Et de rappeler queson père, encarté à la CGT, rece-vait un abonnement à la Vie

ouvrière, qui consacrait des pagesentières au leader de Solidarnosc,qui sut à la fois faire preuve de fer-meté mais aussi de modérationdans les revendications, devenant

l’interlocuteur obligé du pouvoirchancelant à Varsovie. Au collègeelle avait acheté un badge auxcouleurs du syndicat polonais sansavoir vraiment conscience de fairede la politique. Un rappel à l’ordredes professeurs lui avait fait réali-ser que porter un tel objet, c’étaitune forme d’engagement…Walesa incarnait la protestation,le syndicalisme, la lutte. Il étaitcelui qui fédérait les grévistes, quimodifiait le cours des choses. ÀChalon-sur-Saône, Rachida Dativoyait d’abord dans cette gestehumaine, sur fond de chantiersnavals, une belle histoire…

Les repères de l’élue parisiennes’inscrivent aussi sur l’échiquierdu noir et du blanc avec NelsonMandela. Là encore, il ne s’agitpas d’une idéologie contre uneautre. « Noirs et blancs, il me sem-blait que le combat était gagnépartout. Qu’on était pareils en droit.J’avais l’impression que c’était gagnépartout, que l’égalité aurait dû êtreune évidence. Cela me semblait telle-ment incongru qu’en Afrique du Sudil faille lutter pour supprimer l’apar-theid ! C’est en cela que le combat deMandela fut admirable. Nous étionsdans les années 1990 et il fallait quequelqu’un se dresse pour dire que,dans son pays, les Noirs ne valaientpas les Blancs ».

Ni compromissions,ni compromisMais pour cette passionnée dedestins, la source des admirationsest aussi éminemment roma-nesque. Rachida Dati a beaucouplu : Zola, Balzac, Hugo, ProsperMérimée, une formation classiqueriche en personnages fémininstenaces, libres comme Nana « etassumant leur liberté qui n’est pas dela facilité », fiers, courageux, nerenonçant jamais à leurs desseins,telle Colomba voulant venger sonpère assassiné dans un climat devendetta, « un personnage de résis-tance ». Elle est intarissable surEugénie Grandet, mariée par sonpère, archétype de la reproductionsociale dans la bourgeoisie, duBourdieu avant l’heure. En lisantAu Bonheur des Dames, elle se re-voit avec sa mère dans les maga-sins de tissu de Chalon… Et derevivre son émotion la premièrefois qu’elle vit au cinéma L’His-toire d’Adèle H et Camille Claudel,chaque fois « la douleur, la souf-france, la passion ». Nul doute queces parcours ont nourri la jeunefemme issue de l’immigration quiavait tant envie de la France, et detrouver sa place dans cette France-là, nourrie de tous ces destins quiont transcendé leur propre per-sonne au risque de devenir dessymboles parfois lourds à porter.« Aller jusqu’au bout quoi qu’ilarrive, sans compromissions nicompromis », Rachida Dati aimece chemin-là. Du Walesa de Soli-darnosc à la libre Nana, la voie estouverte.

Elle était ado. Il était son héros insoupçonné. Celui qu’elle voyait le soir à la télévision dansles années 1980 et qui portait sur le visage le masque de l’héroïsme modeste. Pour la jeuneRachida, il était l’un des siens, celui qui ressemblait à son père.

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La situation des Roms conti-nue de provoquer de trèsvives polémiques entre la

droite et la gauche. Récemment, leConseil d’État a annulé l’accordfranco-roumain de coopérationjudiciaire pour le rapatriement desmineurs. Ce que n’a pasmanqué desouligner le député socialisteDomi-nique Raimbourg, qui dirige legroupe de travail sur « l’accueil despopulations issues des minoritésRoms dans les grandes villes », crééau sein de l’AMGVF. Alors mêmeque les compétences sont claire-ment définies – à l’État, l’accueil etl’hébergement d’urgence des popu-lations étrangères ainsi que lesdiscussions au niveau européenconcernant les politiques migra-toires et le statut desmigrants, auxcollectivités la mise en œuvre desaides sociales de droit commun etla scolarisation des enfants –, lebras de fer entre les élus et l’État estrécurrent. Les différentes déclara-tions du ministre de l’Intérieur,Claude Guéant, ont provoqué devifs débats au sommet des mairesorganisé à Strasbourg. Le premiermagistrat de la ville, Roland Ries, anotamment critiqué l’attitude duministre de l’Intérieur, qui a « denouveau jeté les Roms à la vindictepopulaire en lançant son plan delutte contre les jeunes délinquantsroumains. Cette politique du boucémissaire où une population complèteest pointée du doigt est de mon pointde vue inacceptable. »

« L’État ne prend passes responsabilités »Jacques Salvator, le maire PSd’Aubervilliers, attendqu’une « vraiepolitique publique » soit lancée afinde préparer 2014, date à laquelle iln’y aura plus aucune restriction àl’installation des Roms en France.Quand à Dominique Raimbourg,il regrette encore que « L’État nepren[ne] pas ses responsabilités. Iln’impulse pas de politique d’inté-gration. » Et de demander la levéeanticipée des mesures transitoires(en vigueur depuis 2007) tou-chant Roumains et Bulgares :« Accepter la venue des gens sansleur permettre de travailler revientà les condamner à la mendicité. »Le député de Seine-Saint-Denis

Patrick Braouezec de dénoncerles conditions inhumaines et in-dignes et les nombreuses discri-minations dont sont victimes lesRoms.

Un village d’insertion écoleà AubervilliersPour tenter de pallier les condi-tions de vie catastrophiques desquelque 5 000 Roms vivant enÎle-de-France, comme à Ivry-sur-Seine, pour un total de près de15 000 personnes – dont 40 %d’enfants – dans l’Hexagone, cer-tains élus locaux se sont engagésdans la construction de villagesd’insertion.Outre la scolarisation des enfantset l’accès à l’emploi des parents,le relogement dans un habitatordinaire reste la finalité d’un pro-gramme dont l’accompagnementsocial est assuré par des associa-tions conventionnées. Initiée à

Aubervilliers, l’expérimentation(d’un coût annuel de 150 000 euros)regroupe dix-huit familles volon-taires. L’opération pilote de maî-trise d’œuvre urbaine et sociale

(MOUS) a été reprise depuis dansune dizaine de communes d’Île-de-France et de province, avecplus ou moins de réussite ; en té-moigne la fermeture précipitée cetété du village de Bagnolet. Elledevrait s’étendre prochainementà Pantin et au Val-de-Marne. « Àtravers ce projet, nous souhaitonsdémontrer que les Roms sont parfai-tement incluables dans notre société,à l’image des vagues migratoiresportugaises, espagnoles ou des Pieds-Noirs. Il faut s’en donner les moyens,en faisant preuve de pragmatismeet de lucidité », plaide Jacques Sal-vator. Des mesures transitoiresappelées à disparaître une fois lesfamilles intégrées.

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Initiatives

Roms : un projet européenpour leur intégrationLe congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a réuni un sommet desmaires à Strasbourg, le 22 septembre. À cette occasion, « une alliance des villes et des régionsd’Europe pour l’inclusion des Roms»a été créée. La communed’Aubervilliers a été choisiepour représenter la France au sein de cette alliance.

Roms et gens du voyage :Pierre Hérisson dénonce l’amalgameMembre du comité d’experts sur les questionsRoms au Conseil de l’Europe, le sénateur (UMP)de la Haute-Savoie Pierre Hérisson est égalementle président de la commission nationale consul-tative des gens du voyage. « Il est important de nepas faire d’amalgame entre les gens du voyage, quisont à 99 % de nationalité française, et les Roms, quisont de nationalité étrangère. La majorité d’entre euxsont des sédentaires dans leur pays natal, ils ne

peuvent pas s’installer sur nos territoires avec unmode de vie dégradé d’habitations précaires. Notremission est donc simple : elle est de dire que les Romsne peuvent pas venir en France et adopter le statut desgens du voyage. S’ils viennent en France, ils doiventavoir un statut sédentaire. Avec les autorisationslégales. Sinon, ils doivent être expulsés. Il y a eu1 500 reconduites depuis le 1er janvier pour la seulerégion Rhône-Alpes. »

«À TRAVERS LE PROJETD’UNE ALLIANCE DES

VILLES ET DES RÉGIONSD’EUROPE, NOUSSOUHAITONS DÉMONTRERQUE LES ROMS SONTPARFAITEMENT INCLUABLESDANS NOTRE SOCIÉTÉ »Jacques Salvator, maire PS d’Aubervilliers

THOMASSAMSON/AFP

LIONELBONAVENTURE/AFP

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LES FINANCES DES RÉGIONSSE DÉGRADENT� L’agence de notation Fitch Ratingsprévoit une augmentation de 35%de l’endettement des régions françaisesd’ici 2013, en raison d’une baisse de leurcapacité d’épargne, due à des dépenses defonctionnement élevées et aumaintien deprogrammes d’investissement. La réformeterritoriale devrait néanmoins leur redonnerdesmarges demanœuvre.

LA BEAUCE MISESUR LE MISCANTHUS� ÀMorainville, dans l’Eure-et-Loir,un couple d’exploitants a rapprochéagriculture et industrie pour donnernaissance au premier concept de biomasseagricole et d’électricité photovoltaïque.Délaissant la culture traditionnelle, ils ontassocié 6 000mètres carrés de panneauxphotovoltaïques à deux cents hectares demiscanthus, une variété de roseau.Unefermedu futur dont la production, qui nenécessite ni engrais ni irrigation, est utiliséecomme combustible oumatière premièrepour les biocarburants de secondegénération.

EVA JOLY DÉFENDL’AUTONOMIE DES RÉGIONS� Présentedans lesAlpes-Maritimes lorsde l’universitéd’étédespartis régionalisteset autonomistes, la candidated’EuropeÉcologie-LesVerts (EELV)à laprésidentielle,Eva Joly, apromisdedéfendre les languesrégionalesmenacées. L’eurodéputée franco-norvégienne,qui souhaite«uneEuropefédéralistedes régions», aannoncé : «nousvoulonsaussi des régionsautonomes».Sonparti de soutenir, pêle-mêle,« laréunificationde laBretagne» (par lerattachementde la Loire-Atlantique),« l’autonomiebasque» (d’une régionpouvantaller de l’Espagneà laFrance), ouencore«une collectivité territoriale uniquede laCorse».

L’ANDRA RELANCELE DÉBAT DU CIGÉO� À l’occasion de ses 20 ans, l’Andra aouvert les portes du centre de stockagede déchets radioactifs de l’Aube et cellesdu centre de laMeuse, vitrine du projet destockage géologique Cigéo. Une opérationséduction, ou de transparence, c’est selon,tant le projet d’enfouissement àBure estrégulièrement remis en cause. Un débatpublic est prévu en 2013.

ROSNY-SUR-SEINEASSIGNE DEXIA�AprèsAngoulêmeet laSeine-Saint-Denis,Rosny-sur-Seine (Yvelines) aassignéDexiaCrédit local pour des faits «d’escroquerie enbandeorganisée et tromperie».Au cœurdel’affaire des emprunts toxiques, « Labanqueprésentait des tauxqui ne correspondaientpasà la réalité, et elle faisait usagedemanœuvrespour réaménager le prêt avecdesavenants chaque fois pires que leprécédent», explique l’avocatde lacommune,Me BernardBenaïem,qui estimeà400 000euros lepréjudice.Le8 juindernier, l’Assembléenationaleavait voté la créationd’une commissiond’enquêteparlementaire sur les empruntsbancaires toxiques contractéspar lescollectivités locales.

En bref

La première aérogare « low-cost » d’Europe s’apprête àdevenir le laboratoire de la

stratégie de reconquête du réseaucourt-courrier d’Air France, ébranlédepuis des années par la déferlantedes compagnies à bas coûts et duTGV. « C’est une petite révolution »,estime son directeur général délé-gué commercial, Bruno Matheu.Cette première base installée enprovince hébergera une dizained’avions, soit environ 120 piloteset 200 hôtesses et stewards(PNC*). Un personnel volontaire,aunombre encore insuffisant, sou-mis à une nouvelle organisationdu travail qui doit permettre uneréduction des coûts d’environ15 %. « Nous nous inspirons du low-cost tout en conservant les servicesAir France. Les bases régionales re-posent sur une gestion locale. Nousmisons sur la proximité et la réacti-vité de nos équipes, que nous respon-sabilisons à travers une organisationtotalement décentralisée. »Un développement soutenu par

Jean-François Brando, président del’aéroport phocéen. « Après septannées de croissance ininterrompue,l’aéroport Marseille-Provence poursuitson essor et conforte son ambition dese positionner comme leader sur la zoneeuroméditerranéenne. » Avec plus de150 entreprises et 5 000 salariés surla plate-forme, il constitue l’un despremiers employeurs de la région.

Toulouse, Nice et Bordeauxen 2012Côté innovation, Marseille se pré-pare à l’afflux d’un million devoyageurs supplémentaires, uneclientèle principalement touris-tique, et à une hausse de sontrafic de 15 %. « Notre travail porteaujourd’hui sur l’amélioration duservice. Nous allons créer dans lesprochains mois un nouveau parkingréservable en ligne, lancer un produit“coupe-file” pour les voyageurs fré-quents, et mettre en ligne une nou-velle version de notre site Internet. »Un renforcement de la desserte del’aéroport en transports collectifs,

avec davantage de bus et de trains,est aussi au programme.Un second souffle attendu par lesinfrastructures provinciales. «L’inau-guration de cette base provincemarque une étape importante. Lesretombées sont attendues sur tout leterritoire. L’enjeu repose aussi surle remplissage des avions au retour.Nous allons donc, avec la CCIgestionnaire de l’aéroport, assurer

la promotion de Marseille à l’étran-ger. » Moscou, Beyrouth, Istanbulou encore Casablanca font partiedes treize nouvelles liaisons di-rectes assurées au départ de la citéphocéenne, mettant un terme aumonopole de Paris.Trois autres bases régionales sontannoncées pour 2012, à Toulouse,Nice et Bordeaux.

*Personnelnavigant commercial

Consolider les actions localesPour tenter de répondre aux com-plexités culturelles, sociales et éco-nomiques d’intégration des Roms,le sommet des maires européensorganisé à Strasbourg a débouchésur un projet d’alliance des villeset des régions. Les participantss’engageant à éradiquer « l’exclu-sion et la discrimination contre lesRoms rendues patentes par leurmarginalisation, leur manqued’accès à l’éducation, au logement,à la santé et à l’emploi, alimentéespar les préjugés, la méfiance et lesdiscours haineux ». Six villes euro-péennes dont Aubervilliers partici-peront à la démarche. « Il s’agitd’un acte symbolique fort. Nousallons partager notre expérience en

l’enrichissant de dispositifs plus effi-cients », annonce son maire.Pour les élus qui hésitent entre lafermeté face aux camps sauvageset la sollicitude dans l’accueild’une population désœuvrée,l’enjeu est de consolider lesactions locales et d’apporter dessolutions concrètes et novatrices.« Il faut traiter la question difficiledes familles Roms dans son ensemble,à la fois de manière claire, respon-sable et humaine », estime le mairede Nantes, Jean-Marc Ayrault,dont la ville s’est engagée dansdes projets de coopération décen-tralisée avec la Roumanie. Unepolitique seule à même de contrô-ler le processus d’insertion, estimeDominique Raimbourg. « La France

et ses voisins ne pourront pas intégrerles 10 millions de Roms venus d’Eu-rope. Il faut initier sur place, en Rou-manie, en Hongrie et en Bulgarie, des

programmes de développement éco-nomique qui amélioreront leursconditions de vie. »

Ludovic Bellanger

La compagnie française a inauguré le 2 octobre àMarseille sa première« base province », destinée à contrer les « low-cost ». L’aéroport phocéens’attend à accueillir 1million de passagers supplémentaires.

Marseille accueille la premièreplate-forme régionale d’Air France

«ACCEPTER LA VENUEDES GENS SANS LEUR

PERMETTRE DE TRAVAILLERREVIENT À LES CONDAMNERÀ LA MENDICITÉ »

Patrick Braouezec, député de Seine-Saint-Denis

STEPHA

NEDE

SAKU

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STEPHA

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Avez-vous le sentimentqu’Internetest deplus enplus l’outil utilisé pardes fanatiquesoupar des réseauxd’extrêmedroite?Philippe Schmidt : Internet est unmagnifique outil de généralisationde la connaissance et de démo-cratisation, nous l’avons constatépar exemple avec le Printempsarabe. Mais Internet peut égale-ment être utilisé comme un vecteurde propagande, ce que de nom-breux groupuscules incitant àla haine ont su mettre à profitpour trouver un nouveau souffle.Propice à l’anonymat, Internet estsusceptible d’être une zone d’im-punité permettant aux plus fana-tiques de s’exprimer sans crainte.Nous regroupons 22 ONG et notretravail consiste, au niveau mon-dial, à repérer sur Internet tous lescontenus haineux ou racistes.Notre siège est à Amsterdam, etj’en suis le président au niveaumondial. L’Inach (InternationalNetwork Against CyberHate) n’en-gage pas de poursuites. Mais nousfaisons du lobbying pour, parexemple, comme avec Facebook,les amener à comprendre que lenégationnisme devrait être interditet qu’aucun site ne devrait pouvoirl’évoquer. Il s’agit de faciliter la prisede conscience. Notre conférence

des 10 et 11 octobre doit permettrecette réflexion nécessaire. Si l’onne protège pas Internet, cela de-viendra une poubelle !

Certains internautes considèrentquevotredémarche s’apparenteàunevolontéde censure?P.S. : Pas du tout. Nous souhaitonsque les internautes soient eux-mêmes vigilants et c’est aussi unproblème d’éducation et de prisede conscience qu’Internet peut êtredangereux. Il ne s’agit pas de cen-surer. Je vous donne un exemple :il y a une tendance qui se déve-loppe sur les réseaux sociaux et quiconsiste à harceler des publics fra-giles. De jeunes adolescents auxÉtats-Unis et au Japon en arriventainsi à se suicider ! Le phénomènecommence en France. Cela débutepar des e-mails qui véhiculent desrumeurs, des accusations. Cettesorte de bizutage et de harcèle-ment n’est pas forcément détectéepar les parents ou les éducateurs.

Il faut donc aujourd’hui une trèsgrande vigilance pour lutter contreces phénomènes destructeurs.Mais pour revenir à la haine sur

Internet, ce sont, plus que tout,les services interactifs de la pressequi sont regardés comme offrant lameilleure des tribunes à l’expres-sion de la haine et du racisme.C’est le constat de l’étude menéepar Isabelle Falque-Pierrotin etqu’elle a remis au Premier ministre,François Fillon.

Queproposez-vous concrètementpour faire faceà cesphénomènes?P.S. : Nous appelons de nos vœuxl’édification de normes communesrelatives à la diffusion de contenushaineux sur Internet. Mais un telaccord semble encore hors de por-tée. Car de la liberté quasi totale du1er amendement de la Constitu-tion aux États-Unis à une censureassumée de nombreux pays, enpassant par un encadrement légis-

latif restreint en Europe, promou-voir une convention internationalesur Internet relève d’un processusindispensable. Mais ce sera long etdifficile. Or, le terrible drame nor-végien de cet été et les récentesflambées de violences alimentéespar des discours haineux en lignenous ont rappelé que le tempspressait. Il faut une approche no-vatrice, fondée sur les concepts decitoyenneté virtuelle et de respon-sabilité sociale de l’ensemble desacteurs d’Internet. Il est temps que

chacun fasse un geste en faveur del’environnement virtuel afin de lepréserver pour les générations fu-tures ! Car l’Internet peut être aussidangereux qu’une arme à feu !Pendant la convention, nous élabo-rerons une charte d’éthique des va-leurs communes. Joël Genard

Àdistance

Lesblogshaineuxet racistes sont légion sur Internet.Depuis dix ans, uneassociation internationale(l’Inach) tentede trouver desmoyenspour lutter contre cesdérives.Non sansdifficulté. L’Inachorganise sa conférenceannuelle les 10et 11 octobreàParis. Pour sonprésident,PhilippeSchmidt,si l’onneprotègepas Internet, laToile deviendraunepoubelle. Interview.

Haineet Internet : uncoupleillégitimeet très inquiétant

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«L’INTERNET PEUT ÊTREAUSSI DANGEREUX

QU’UNE ARME À FEU »Philippe Schmidt, président de l’Inach

DR

Ce sera le thèmedu colloque organisé par lemaster Juriste européen le 21 octobre 2011,en partenariat avec l’Hémicycle, les éditions duMoniteur ainsi que Lexis Nexis.

Inauguré par Marie-Josée Roig,députée-maire d’Avignon, cecolloque interdisciplinaire réu-

nira de nombreux élus, des expertset desuniversitaires autourde lapré-sentationdesnouveauxoutilsd’amé-nagementduterritoirepar les acteurspublicsetprivés. Il y seraquestiondesnouveaux financements, des nou-velles compétencesdesdépartementset des régions. Les participants aucolloquedevraient aussi évoquer lesconséquences à court terme de cesnouveauxmodesde fonctionnementsur les contrats publics et les entre-prises publiques locales (EPL).

Tables rondes :La réformeterritoriale,unpremierbilan� La réformedes intercommunalités vue des collectivités�Départements et régions : compétences et subsidiarité� Fiscalité et ressources : quels nouveaux financements ?

Lesconséquencesàcourt termesur lesEPLet lescontratspublics (Marchéspublics,DSP,PPP,SEM,SPLetSLP)� Présentation des nouveaux outils d’aménagement� La perception des nouveaux outils d’aménagement

Quellescollectivitésdemain?� Comparaison avec les pays voisins : organisation administrative et EPL� Brèves observations sur la rénovation de la démocratie locale :Lesmétropoles, nouveaux acteurs internationaux ?

Vendredi 21 octobre 2011

Amphithéâtre 1Université d’Avignon

et desPaysdeVaucluse74, rue Louis-Pasteur – 84000Avignon

Inscriptions souhaitées avant le 14 octobre :[email protected]

Renseignements :[email protected]

Tél. : 06 88 47 01 09Marie-Josée Roig,députée-maire d’AvignonPHOTODOMINIQUE FAGET/AFP

Les nouvelles intercommunalités et leurs outilsColloque

LE FORMATPOLYMORPHE DURACISME SUR INTERNET

Le racisme sur Internet secaractérise par l’éclectisme

de ses voies de diffusion : du blogpolitique hyperspécialisé au sited’un quotidien généraliste, ce typede prise de parole n’a pas de terri-toire spécifique mais est plutôtfamilier de tous les usages d’Inter-net. De fait, le propos raciste estpolymorphe et sa forme, variabled’un support à l’autre.À ce titre, le propos raciste peutêtre une construction travailléeou une prise de parole incidenteprocédant d’une réaction sur levif. Dans tous les cas, l’anonymatfavorise la diffusion du propos surle Net et la modération relativede certains sites en facilite la pu-blication. Dès lors, le contenupeut facilement se décliner sousdes formats très interactifs.

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Quepensez-vousduprojetde loiet desamendementsdéposés?Ce projet de loi comporte de vraiesbonnes mesures. Par exemple, sur

les clauses abusives, il y a une réelleavancée du droit de la consomma-tion. C’est identique sur le thèmedu logement, plus particulièrementsur les états des lieux. Le projet deloi inverse la présomption et l’onva pouvoir ainsi épurer une sourcede litiges, en encadrantmieux et enposant mieux les règles. On peutaussi saluer le renforcement despouvoirs de la Direction généralede la consommation.Le projet n’est donc pas une coquillevide, mais il ne rentrera pas dansl’histoire, comme ce fut le cas avecla loi Neiertz. Il aurait pu être pluspertinent. Mais on compte autantsur le projet de loi que sur les amen-dements déposés en commission.

Quemanque-t-il concrètementdansce texte.Quelles sontles insuffisances?Il y a un côté patchwork dans leprojet. Il n’y a pas une ligne defond qui s’attacherait à lutter

contre les causes fondamentalesdes dérapages de prix. On auraitpu faire sauter des verrous pourrendre la concurrence plus effec-tive. Il aurait fallu faire en sorteque le consommateur soit unacteur de la vie économique. Jevous donne plusieurs exemples :En France, il y a toujours un mo-nopole pour la vente des piècesdétachées dans le secteur del’automobile. Du coup le diffé-rentiel de prix est colossal avec cequi existe à l’étranger. Mettre finà ce monopole aurait été néces-saire. Il fallait libéraliser la ventedes pièces détachées.Dans lemême esprit et concernantla téléphonie, il faudrait plafonnerles durées d’engagement à douzemois et non plus vingt-quatremoispour les forfaits. Si l’on veut quel’arrivée du quatrième opérateur nesoit pas compromise, il faut toutde même que ce nouvel entranttrouve des consommateurs qui ne

sont pas engagés avec des opéra-teurs qui sont en train de verrouil-ler le marché. Il faut mettre fin àcette situationpourque les consom-mateurs ne soient pas captifs. Cettesituation compromet l’arrivée dunouvel entrant.Dans le domaine de l’encadre-ment des loyers, la loi de 1989 surles baux d’habitation comportaitun dispositif qui permettait d’exi-ger du propriétaire de justifierune augmentation de loyer enfonction des prix du voisinage.Cela a fonctionné jusqu’en 1997.Il faut revenir à ce dispositif deprix de référence du voisinage.

Il y aungrandoublié,c’est le secteurbancaire?Effectivement. Il est étonnant quele volet bancaire n’existe pas dansle projet de loi. Il n’y a aucunedisposition sur la tarification desservices bancaires. Les banquespassent complètement au travers

du projet et le consommateurcontinuera de subir la politique pu-nitive des banques.Pour conclure, avoir un droit quis’améliore est une chose. Mais unbon droit de la consommation estcelui qui est effectif. On est très loindu compte quant à son action effec-tive. La clé de voûte est qu’il auraitfallu faciliter l’accès au juge, alorsqu’il y a une multiplication deslitiges de masse. Il faudrait pouvoirregrouper toutes les victimes dansun même procès. Ce recours àl’action de groupe avait été promispar Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui lemaître mot est devenu la média-tion. Toutefois, nousne voulons pasque ce projet de loi capote et je nedésespère pas de la ténacité des par-lementaires à enrichir le projet deloi. Ne ratons pas cette étape pourque le consommateur devienne unacteur majeur dumarché.

Propos recueillispar Joël Genard

C’estun texte importantmêmesi certains lui reprochent soncôté fourre-tout. Il a pour

ambition de simplifier la vie quoti-diennedescitoyens-consommateurs,qui ont encore souvent le sentimentde ne pas contrôler leurs dépenseset donc leurs budgets. La philoso-phie générale du texte consiste àdonner à chacun, dans les secteursles plus divers, les moyens d’éviterles abus volontaires ou involontairesdont ils sont parfois victimes de lapart des entreprises privées ou pu-bliques. Il s’agit d’aider les consom-mateurs à contrôler cequ’onappelleles dépenses contraintes, qui repré-sentent aujourd’hui près d’un tiersdes dépenses des Français contre13 % il y a quarante ans. Ce texte« renforçant les droits, la protectionet l’information des consom-mateurs » a fait l’objet de plusde 500 amendements. Vingt-cinqmesures phares figurent dans leprojet de loi et sont issues d’uneanalyse des 92 000 réclamationsreçues par la Direction générale dela concurrence, de la consomma-tion et de la répression des fraudes(DGCCRF) en 2010 et des consulta-tions menées avec les associationsde consommateurs et les opérateurséconomiques.

Une démarche novatriceL’ambition principale du projet estd’aller au-delà de la loi Chatel de2008. Pour une bonne raison : lescomportements de consommationdes Français évoluent sans cesse,ainsi que les nouvelles technolo-gies. Internet, téléphonie mobile,immobilier, énergie, vente à dis-tance… le projet concerne de nom-breux secteurs qui touchent à la viequotidienne. Ce qui permet àFrédéric Lefebvre, secrétaire d’Étatà la Consommation, d’affirmer que« Les problèmes des consommateurssont eux-mêmes des problèmes fourre-tout »…Pour les télécoms, le consommateurpourra notamment déverrouillerson portable au bout de trois moiset bénéficier d’un dispositif d’alerteet de blocage pour éviter des dépas-sements intempestifs.Les opérateurs devront clairementprésenter les restrictions des offresdites « illimitées », et proposer auxconsommateurs un espace person-nalisé avec toutes les informationspour gérer leur abonnement.Sont aussi prévues des offres pourles sourds et malentendants, afinqu’ils ne paient pas un service voixqu’ils n’utilisent pas.Le texte rendra aussi obligatoire

pour toutes les entreprises concer-nées la consultation de la liste Paci-tel (consommateurs qui ne veulentpas être démarchés au téléphone),au risque de sanctions.Il inscrit dans la loi le tarif social del’Internet, à 23 euros par mois.

Les autres mesures pharesCôté immobilier, le locataire pourrafaire rectifier son loyer si la surfaceest inférieure de plus de 5 % à cequi était prévu. La non-restitutiondans les délais du dépôt de garantiesera sanctionnée.Pour l’énergie, les opérateursdevront prodiguer des conseilstarifaires adaptés. Les factures« anormales » seront suspenduesdans l’attente de leur vérification.Le texte encadre aussi la vente delentilles de contact sur Internet,et interdit aux maisons de retraitede facturer l’hébergement dans lesjours ou les semaines qui suivent ledécès d’un pensionnaire.Le projet de loi renforce égale-ment les pouvoirs de la DGCCRFen lui conférant un droit de sanc-tion administratif.Ces sanctions s’étaleront de 3 000à 15 000 euros par infraction, etpourront même atteindre 25 000euros pour Pacitel.

Quant aux clauses reconnues abu-sives par un tribunal, elles serontannulées dans tous les contrats si-milaires.

Un texte « intéressant »pour les associationsLes deux principales associationsde consommateurs et d’usagers, laCLCV (Consommation LogementCadre de Vie) et l’UFC-Que Choisir,regrettent l’absence d’action degroupe afin de réparer les préju-dices de faibles montants affectantde nombreux consommateurs.

Ces actions donnent lieu à « des pro-cédures très longues », entre deux etdix ans, contre trois mois pour unemédiation, selon M. Lefebvre, quiestime que le consommateur veutavant tout de la rapidité.Le texte « concrétise un certain nombrede mesures », avec des sanctions, adéclaré Reine-Claude Mader, prési-dente de la CLCV. Même s’il « n’ap-porte pas des novations extraordinaires,c’est un texte intéressant ». Le votesolennel sur ce texte est prévu àl’Assemblée le mardi 11 octobre.

Joël Genard

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Consommateurs :Prévert à la rescousse

Réforme

Ce pourrait être un poème de Prévert, c’est en fait le texte qui renforce la protection desconsommateurs et dont le vote est prévu, à l’Assemblée, le 11 octobre prochain. Il prévoit unepluie de mesures disparates concernant des secteurs très divers, mais avec un objectif unique :mieux protéger les citoyens contre les abus ou les excès des entreprises privées ou publiques.

« Ce projet de loi souffre d’un manque d’ambition »3 questions à

FrédéricLefebvre,secrétaired’ÉtatauCommerce,à l’Artisanat, auxPMEetà laConsommation. PHOTO KENZO TRIBOUILLARD/AFP

ALAIN BAZOTPRÉSIDENT DE L’UFC-QUE CHOISIR

PHOTO FRED DUFOUR/AFP

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Permettre au public de voirles œuvres de son tempset en comprendre lesclés. » Voilà commentSébastien Faucon,

inspecteur de la création au trèspuissant et très verrouillé CNAP(Centrenational des arts plastiques),résume l’objectif de cette grandeexposition proposée par lille3000,l’association qui, en 2004, fitrenaître l’historique Tripostal en lemétamorphosant en gigantesquegalerie-musée, et en proposanttrois ans plus tard l’expositionPinault. Comprendre les clés, ré-concilier le citoyen avec les idéesreçues sur l’art contemporain, luimontrer aussi ce pour quoi il paie,avec ses impôts ? Sébastien Fauconfait lamoue,mais il ne disconvientpas du fait que l’on peut se sentirconcerné quand on finance indi-rectement la collection nationale.Ainsi donc, le contribuable pourras’extasier, scruter, juger les investis-sements de l’État sur l’émeudeMau-rizio Cattelan, traduction d’uneépoque où l’on fait la politique del’autruche, sur un tout premier etinhabituel Matisse reproduisantLa Chasse de Carrache (peinturede 1585, imaginez le tableau !) ouencore surLaD.S.d’Orozco, curieusebiplace réalisée à partir d’une vraieDS Citroën, coupée sur la trancheet qui vous regarde d’un air louche.C’est l’œuvre à laquelle les cinqcommissairesd’expositionontpenséen premier. «Car cette voiture est uneutopie, une icône pour Roland Barthes,apparue dans un contexte de change-ment radical de la société contempo-raine », dit Sébastien Faucon.Le changement. Le voilà le filrouge de l’exposition. Sur trois pla-teaux consécutifs. Le premier estun cabinet de curiosités, avec no-tamment cette digression sur LaJoconde : par Castelbajac sous formede robe, par Cieslewicz sous formed’angoissant portrait détourné, parDoisneau sous forme de diptyque,montrant à la fois l’extase des visi-teurs du Louvre et la photographieparfaite de ce portrait légendaire.Le deuxième plateau est un postu-lat. Un acte de révolte contre la so-ciété de consommation. LorsqueAndyWarhol hisse au rang d’œuvred’art une conserve de soupe deporc et de nouilles. Lorsque le trèsaudacieux collectif H5, de jeunesFrançais très propres sur eux

et pourtant très anticapitalistes,propose un film d’animation surune prise d’otages par le clown duMcDonald’s dans un monde oùchaque personnage est un logoou une marque. S’en suit un trem-blement de terre : lorsque laplanète se rebelle et détruit, toute-puissante, le monde façonné pardes icônes publicitaires. Life is aKiller : le troisième plateau est unslogan, avec pour point de départle tableau éponyme de JohnGiorno, ce proche du mouvementpop américain. Sculptures molles,dépression, existentiel. Approchez-vous de l’auto-tamponneuse dePierre Ardouvin, seule et triste dansson carré de piste, les pharessuppliants, et qui vous chanteLove Me Tender. Faites un tour.Elle vous aimera. À la fin de l’expo-sition, installez-vous aux ordina-teurs, entrez un mot clé, etadmirez, sur écran géant, 9 000 des90 000 œuvres qui appartiennentau CNAP. Et donc, quelque part,à chacun de nous. N’oubliez pas, àce propos, d’emporter une feuilledu González-Torres,Himmler, Hate,Hole, Helms : elles s’entassent pourla communauté.Toutes ces pièces sont imprescripti-

bles et inaliénables. Autrement dit,l’État n’a pas le droit de les vendre.Même si le pays fait faillite ? « Jene pense pas », répond SébastienFaucon, sincère d’incertitude.D’autant que les commissions, re-nouvelées tous les trois ans, nefonctionnent pas sur le « bankable »mais sur des envies, des projets.

Le budget est de 3 millions d’eurospar an et l’État acquiert enmoyenne600 œuvres chaque année. Desœuvres de design, design indus-triel, arts décoratifs, etmétiers d’art,pour l’immense majorité trèscontemporaines et la plupart dutemps acquises dans les deux ansqui suivent leur production.

La pièce la plus chère de l’exposi-tion ? Un grand classique. Un petitDegas. Trois millions d’euros.

Du 5 octobre 2011au 1er janvier 2012au TripostalTarif plein : 6 €. Tarif réduit : 4 €Fermé les lundis et mardis.

Culture

Collector, c’est une exposition du Centre national des arts plastiques qui a investi pour l’occasionle Tripostal à Lille. Près de 150 œuvres de 86 artistes contemporains seront exposées pendanttrois mois à partir du 5 octobre. Visite guidée avec Pierre de Vilno.

Collector : une histoire de l’art moderneracontée aux Lillois

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 419, MERCREDI 5 OCTOBRE 2011

La D.S., de Gabriel Orozco (1993). Une œuvre réalisée à partir d’une vraie DS coupée sur la tranche et qui vous regarde d’un air louche !

GALE

RIE

CHAN

TAL

CROU

SEL,

PARI

Suspense garanti le 13 oc-tobre, avec le lancement

d’une collection de polars litté-raires baptisée « Vendredi 13 »(ELB/Les éditions La Branche),qui réunira treize auteurs derenom pour treize romans, quidevraient devenir treize films.Les trois premiers titres de cettecollection dirigée par PatrickRaynal se succéderont en octobre,novembre et décembre : L’Arcanesans nom, de Pierre Bordage,Samedi 14, de Jean-Bernard Pouy,et Close-Up, de Michel Quint.À partir de l’an prochain serontpubliés, entre autres, PierrePelot, Jean-Marie Laclavetine,

Pia Petersen, Scott Phillips,Alain Mabanckou, Patrick Cha-moiseau.Ces écrivains « mercenaires »,tout en conservant leur stylepersonnel, ont accepté d’intégrerun cahier des charges commun :romans musclés et contempo-rains autour de cette date fé-tiche, dans lesquels le héros,l’héroïne, met sa vie en jeu pourde l’argent, l’amour, sa liberté, lagloire, un malentendu, une uto-pie, explique Patrick Raynal, lui-même auteur de polars, patronde la « Série Noire » chez Galli-mard de 2005 à 2009, et quidirige la collection « FayardNoir ».

« Vendredi 13 » s’inscrit par ail-leurs dans une démarche mêlantédition littéraire, site Internetet production audiovisuelle,qui fait appel aux diffusions etfinancements de ces trois médias,souligne Alain Guesnier, direc-teur des éditions La Branche.Les œuvres littéraires serontcomplétées par treize films d’au-teur adaptés des romans. Cha-cun sera le fruit du coup de cœurd’un réalisateur pour l’un de ceslivres. Patrick Raynal participeraau comité éditorial chargé desuivre les treize adaptations etde veiller au respect de l’esprit del’œuvre originale.

Treize polars sinon rien

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Page 13: l'Hémicycle - #419

LE CONT-RAIRE DE SEUL AUMONDE

Seul au monde ? C’est le sentiment que chacun éprouve quand il s’agit de préparer l’avenir, protéger ses proches, anticiper les risques de la vie. Le contraire de seul au monde, c’est la promesse que nous vous faisons. Vous accompagner tout au long de votre vie et pour tous vos besoins en prévoyance, santé, épargne et retraite afin de vous apporter le soutien et la sérénité que vous attendez. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.ag2rlamondiale.fr

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Page 14: l'Hémicycle - #419

Les nouvelles puissancesindustrielles asiatiques ontconquis leurs galons de poids

lourd de l’économie mondiale.Dès les années 1970, le Japon prendsa place auprès des États-Unis et despays européens. Les années 1990voient l’émergence du « dragon »coréen, les années 2000 consacrentla Chine comme « usine de laplanète ». Mais l’Asie n’est plusseulement la région du globe oùse fabriquent nos outils de hautetechnologie. Son industrie a désor-mais les moyens de concevoir lesnouvelles générations. Avant delancer leurs propres créations ?Le marché des ordinateurspersonnels en est une preuve :peu à peu les grands construc-teurs occidentaux abandonnentcette activité, qui passe progres-sivement du secteur de la hautetechnologie à celui de la consom-mation de masse. Le prix et leslieux de vente des ordinateursd’entrée de gamme sont unexemple frappant : ces produitssont désormais vendus en grandesurface à des prix comparablesà ceux d’une télévision derniercri. Ainsi, un petit portable sevend aujourd’hui en dessous de200 euros.IBM, après avoir dominé cemarché au début des années 1980,

avait senti ce changement etvendu sa division micro auchinois Lenovo dès 2004. Ceconstructeur chinois est récem-ment devenu le troisième fabri-

cant mondial, talonnant lesleaders américains HP et Dell. Ilcompte d’ailleurs dépasser ce dernier

avant la fin 2011.Hewlett-Packard,de son côté, est en pleine diffi-culté et songe à se séparer de son

activité de construction de PCaprès avoir abandonné la luttesur le marché des tablettes.La Chine, premier marché desordinateurs personnels, est doncen passe de s’imposer comme leleader mondial avec des produitsconçus et confectionnés dans sesusines. Et le secteur du logicieln’est plus hors de sa portée.L’industrie informatique bruissede rumeurs sur le lancementprochain d’un système d’exploita-tion chinois pour outils mobiles,qui permettra de créer un smart-phone 100 % chinois. Avec unmarché domestique d’un milliardde clients, cette technologie chi-noise aura les moyens de venirdéfier Google et Apple sur cemarché stratégique.Les transferts de technologiesont sans doute à l’origine decette concurrence dans l’inno-vation, mais pas seulement. Lesuniversités asiatiques sont désor-mais parmi les meilleures dumonde, capables de former lescréateurs de demain. L’innovationindustrielle repose, selon lesexperts, sur la concentration dusavoir, des compétences et d’unsecteur manufacturier. Le largemouvement de délocalisationopéré ces vingt dernières annéesnous a-t-il désarmés en détrui-sant l’industrie informatiqueeuropéenne ? Un journalisteaméricain, Greg Lindsay, aler-tait ses compatriotes en aoûtdernier : « Seulement 3 % de ceque nous consommons vient deChine, mais ce sont les 3 % quiont le plus de valeur » (source :www.fastcompany.com).

Manuel Singeot

2.0

L’informatiqueà l’heure chinoise

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 419, MERCREDI 5 OCTOBRE 2011

GOOGLE S’IMPLANTEEN ASIE� Le géant américain vientd’annoncer un investissementde 200millions de dollars pourla création de data centers– sites d’hébergement de serveursinformatiques – àHongKong,Singapour et Taïwan. Cesimplantations seront les premièresdeGoogle enAsie, qui a récemmentouvert des sites similaires enFinlande et enBelgique. Cesdeux pays européens ont étéchoisis en raison de leur climat,le refroidissement de ces sitesétant un des coûts defonctionnement les plusimportants.

FLAMMARION SIGNEAVEC AMAZON ET APPLE� Après avoir combattu les géantsinformatiques pour contrefaçon,les éditeurs français négocientpour distribuer une partie de leurcatalogue sur les plates-formesde vente. Ainsi, Flammarion vientde signer un accord avec Appleet surtout Amazon (dont c’est lepremier contrat en France). Au cœurdes négociations : les prix. ThierryCapot, responsable numérique chezFlammarion, explique qu’Amazon« a accepté l’idée que c’était auxéditeurs de fixer le prix des livresnumériques ».

TABLETTE : UNCHALLENGER SÉRIEUXPOUR L’IPAD� Samsung vient de lancer lasecondemouture de sa tablette,Galaxy Tab. La première versionavait été attaquée par Apple pourcontrefaçon, la nouvelle présentedes caractéristiques sensiblementdifférentes de l’iPad.Qualitédefabrication, performances, design,applications disponibles et prix devente, la presse informatique jugeque le leader dumarché a enfin enface de lui un concurrent sérieux.Apple détient actuellement 73 %departs dumarché des tablettes.

NOKIA CONTINUELES LICENCIEMENTS� Troismille cinq cents emploissupplémentairesvontêtre suppriméschez l’ancien leadermondial de latéléphoniemobile. Il ferme ainsi sonusine de Cluj, en Roumanie, et ouvredes discussions avec le personnel deses usines hongroises,mexicainesmais aussi finlandaises, préférantse concentrer sur ses centres deproduction asiatiques. Pour lemoment, les centres deR&Deuropéens ne sont pas impactés :« L’Europe demeure essentiellepour le futur deNokia », d’aprèsStephen Elop, le PDGdu groupe.

En bref

Le chiffre

21e

Position de la Francesur l’index mondial dela compétitivité dans lestechnologies de l’information,en perte de vitesse depuis2009, y compris en Europe.(Source : Business Software Alliance)

Deuxièmepuissance économique dumonde, la Chine est en passe deprendre le leadership dans l’industrie informatique. Le groupe chinoisLenovo devrait rapidement devenir numéro un devant les fabricantsaméricains Hewlett-Packard et Dell.

Le concurrent direct d’Apple,constructeur américain

et leader mondial, est une entre-prise coréenne : Samsung. Cesdeux compagnies se battentpour le contrôle de ce marchéjuteux sur toute la planète, allantjusqu’à porter leur contentieuxsur les violations de brevetdevant les tribunaux. Appletente de faire interdire la ventedes tablettes Samsung par les

tribunaux allemands et aus-traliens, Samsung utilise lamême stratégie contre Apple auxPays-Bas. Mais leurs relationsne sont pas que concurren-tielles : la presse a récemmentdévoilé que 25 % des com-posants d’un iPhone d’Appleviendraient de chez Samsung.Face à cette bataille de titans,l’industrie européenne est dis-tancée. Nokia, le géant scandi-

nave et ancien leader du marchéde la téléphonie mobile, a raté levirage des smartphones et enest réduit à une alliance avecMicrosoft, autre géant en déclin,pour survivre. Inquiétant, lors-qu’on sait que ce marché repré-sentera la principale croissance dumarché de la téléphonie mobileen 2011 avec 462 millionsd’unités vendues au monde d’icila fin de l’année.

MiaoWei,ministrechinoisdel’IndustrieetdesTechnologiesdel’information.Sonministère,qui pilote la fabricationdesproduits informatiques,entenddéfier sur leur terrainGoogleetApple. PHOTOODDANDERSEN/AFP

Terminaux mobiles : Samsung défie Apple,l’Europe décroche

«LES UNIVERSITÉS ASIATIQUES SONT DÉSORMAISPARMI LES MEILLEURES DUMONDE, CAPABLES

DE FORMER LES CRÉATEURS DE DEMAIN»

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Léon, sur le blog collectifdisons.fr, résume bien lepoint de vue de la blogo-

sphère : la primaire socialisteintéresse. Le processus marcheplutôt bien. Mais il se demande sicet intérêt n’est pas un intérêt pardéfaut.

Léon« Les primaires socialistesintéressent et ne sont pas cettemachine à perdre et à diviser quej’avais prévue, enfin, pour lemoment. Mais je me demandes’il n’y a pas un rapport entre lesdeux : les électeurs s’intéressentaux primaires et aux débatsqui les précèdent parce qu’enfin,et tant pis si ce n’est qu’au seindu PS, on y parle de politique,d’emploi, de fiscalité, d’Europe,de délocalisation, d’enseignement,de pauvreté, là où la droiten’arrive à faire parler d’elle quepar une avalanche d’affaires,de mauvais résultats et le peoplede la future progéniture du coupleprésidentiel. Les électeurs seraient-ilssaturés d’odeurs nauséabondeset auraient-ils envie de refairefonctionner la démocratie ? »>www.disons.fr

Jean-Louis Hussonnois, qui animeun blog collectif bourguignon, vaplus loin. L’exercice est selon luiune trouvaille intelligente qu’ilporte au crédit du PS.

Jean-LouisHussonnois« Cette formule nouvelle dedésignation d’un candidat est trèsappréciable et globalement le PSsort plutôt grandi d’une tellenouveauté. En dépit desdivergences entre les postulantsqui ont pu apparaître lors de cedeuxième débat beaucoup plusque lors du premier, l’essentielunitaire n’a pas été gravementtouché. Il y eut des momentsdifficiles, mais toujours assez bienmaîtrisés. Je persiste : cesprimaires sont une trouvailleintelligente du PS ;

elles valorisent l’exercicedémocratique et l’ensemblede ceux qui participent. »>www.jlhuss.com

Romain Pigenel, sur son blogVariae,constate lui aussi le succès populairede cette nouveauté politique et sedemande si le PS ne pourrait pas entirer bien plus qu’il ne le pense.

RomainPigenel« Pour l’instant, et contrairementaux craintes que l’on pouvait avoirà leur égard, les primairescitoyennes sont un franc succès.Qui aurait pu affirmer avecconfiance, il y a encore quelquesmois, qu’elles pourraient attirer5 millions de Français devant leurspostes de télévision ? Qui aurait pupenser qu’elles résisteraient àl’injonction médiatique du clashet qu’elles deviendraient unedémonstration d’unité desix personnalités de gauche,au moment où la sarkocratie selézarde et se divise ? Les primairesne conduisent pas nécessairementà la dissolution des partis, bien au

contraire même. Je connais plusd’un ancien “20 euros” de 2006qui, profitant de la main tenduealors par le PS, et alors que rienne l’y prédisposait, est devenuun militant parfaitement actifet intégré au sein du parti. Lapremière édition des primairescitoyennes peut avoir le mêmeeffet, au centuple. »>www.variae.com

Même à droite, cette primairesocialiste est regardée avec intérêt.Jonathan Parienté s’est intéressé àdeux jeunes UMP du départementde l’Hérault, qui pensent que leprincipe de la primaire a un belavenir, et pas seulement à gauche.

JonathanParienté« Ils n’iront pas voter à laprimaire, mais ils ont regardé d’unœil plus ou moins attentif le débatqui opposait les six candidats àl’investiture socialiste. YannickCambon et Romain Ferrara sontdes cadres des jeunes UMP del’Hérault. S’ils se sont installésface à leur télévision ce mercredi

28 septembre, c’est pour se“changer les idées” à la veillede l’examen du barreau, que cesétudiants en droit de Montpellierpassent tous deux. Disons-le toutnet, le principe de la primaire neles effraie ni ne les choque. Ilsregrettent que certains de leursaînés aient fait “tout un foin” deces primaires en accusant le PS deficher les électeurs. D’ailleurs, “uneprimaire sera sans doute nécessairepour 2017 si aucun candidatn’émerge naturellement”, anticipeRomain Ferrara, responsabledépartemental des jeunes UMP. »>montpellier.blog.lemonde.fr

Il reste malgré tout des irré-ductibles. Roland Thevenet, dansson blog Solko, s’en fait le porte-parole.

RolandThevenet« Il faut craindre, en cas desuccès des primaires socialistes,puis d’élection de celui ou decelle qui en sera sorti“vainqueur”, la fin définitivede tout ce qui fonde l’électionfrançaise, à savoir ce premiertour et son panel de candidats,premier tour qui est le véritablemoment de débats.Contrairement à la propagandeque l’on entend un peu partout,je suis convaincu qu’uneparticipation massive à cettemascarade de consultation nesera pas une bonne nouvelle pourla vie démocratique et l’avenirdu pays, et qu’il aurait mieuxvalu qu’elle se bornât à unsimple vote de militants. »> solko.hautetfort.com

NUMÉRO 419, MERCREDI 5 OCTOBRE 2011 L’HÉMICYCLE 15

Déblogage

Chaquesemaine,le tourdu mondedes blogspar Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117.55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEURRobert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEFJoël Genard ([email protected]). ÉDITORIALISTES Michèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Paul Lefèvre, Catherine Nay AGORA Ludovic Vigogne,Éric Mandonnet L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Antoine Colonna,Jean-François Coulomb des Arts, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Brice Teinturier, Philippe Tesson, MarcTronchot, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand DIRECTRICE COMMERCIALE/PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70.Fax : 01 49 36 26 89.Parution chaquemercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE0413C79258 ISSN 1620-6479

Lesprimaires : çamarcheLesprimaires socialistes et lesdébatsorganisés à cetteoccasionprovoquentuneavalanchede commentaires et de réactions sur leWeb.Avecune très largemajoritéde clics favorables appréciant tout à la fois le contenudesdébats et leprincipede la compétition.Mêmeàdroite, où l’onest plusdubitatif qu’hostile.

Dixmillebureauxdevotespourunpremier tour le9octobreet, si nécessaire,pourundeuxième le 16octobre. PHOTOERIC CABANIS/AFP

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Page 16: l'Hémicycle - #419

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