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Pour François Hollande, l’entretien télévisé du jeudi 28 mars sur France 2 était lesté de très gros enjeux. Devant des Français inquiets face à la hausse continue du chômage, un recul significatif du pouvoir d’achat et un affaiblis- sement des protections sociales, il devait rassurer. À cause de la politique de rigueur forcément fatale dans un tel contexte économique marqué par la dégra- dation des comptes publics, cela lui imposait de proposer une méthode et d’inviter à une mobilisation pour franchir ce cap difficile. Il fallait rassembler les Français - tâche éminemment présidentielle - pour que le pays continue à avancer. Au terme de plus d’une heure d’entretien, pendant laquelle le chef de l’État s’est effectivement posé en « chef de la bataille », se déclarant conscient de la dureté des temps, François Hollande a d’abord témoigné d’une grande constance dans les choix faits par l’exécutif. Il n’est pas parvenu à convaincre qu’il était porteur d’un nouvel élan pour combat- tre la crise. Modeste et tenté par la pédagogie, son propos mêlait les slogans : « Ma priorité, je l’ai dit, c’est l’emploi, mais mon cap, c’est la croissance » et le catalogue exhaustif des mesures annoncées depuis 10 mois, rassemblées dans la fameuse « boîte à outils » pleine de pactes et de contrats divers. François Hollande s’est aussi risqué à des promesses auda- cieuses, que les prévisions ne valident pas : « À la fin de l’an- née, nous serons dans une baisse du nombre de chômeurs. » Mais, dans l’ensemble, son programme économique et social portait d’abord la marque d’une grande prudence - le refus de l’austérité, la stabilité fiscale - soulignée par une formule : « Le redressement, pas la maison de redressement. » Il don- nait l’impression que la France choisit de faire le dos rond quand ses principaux voisins ont déjà engagé ou engagent des rup- tures beaucoup plus radicales. Et surtout, François Hollande n’a pas su répondre au rejet dans une part importante de l’opinion de réformes de société comme le « mariage pour tous », encore mesurable ce jeudi soir avec plusieurs milliers de manifestants rassemblés devant le siège de France Télévisions. En voulant éviter le piège de la fébrilité, souvent prêtée à son prédécesseur à l’Élysée, François Hollande a donné l’impres- sion de renvoyer à moyen terme les remèdes à la crise et ne pas avoir toujours conscience du sentiment d’urgence exprimé dans les sondages et lors d’élections partielles par une part significative des Français. En faisant ce choix, celui d’une ges- tion sereine dont les effets sont loin d’être garantis, le chef de l’État a pris le risque d’accroître encore un peu plus le scepti- cisme et d’avoir, lui et son gouvernement, à affronter une impopularité aggravée dans les semaines qui viennent. Pour les Français, en tout cas, il n’y avait, dans les propos présiden- tiels, rien de nature à réduire leurs incertitudes, ni a fortiori à leur donner le sentiment que ces choix sont en mesure de répondre à leurs inquiétudes. Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard www.lhemicycle.com NUMÉRO 462 — MERCREDI 3 AVRIL 2013 — 2,15 ¤ FRED TANNEAU/AFP ULF ANDERSEN/AFP Emmanuel Todd P. 3 François Bayrou P. 2 Territoires Les rencontres de l’Hémicycle Préfète puis sénatrice, elle a la réputation d’une battante. Chaleureuse, appréciée de ses pairs, elle puise son inspiration dans les ouvrages philosophiques de Dante ou saint Thomas. Elle reste aussi impressionnée par Jean Moulin, qu’elle considère comme un grand serviteur de la France.> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino p. 19 Delphine Batho, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, invitée des premières rencontres de l’Hémicycle, organisées en partenariat avec l’Institut Montaigne au Conseil constitutionnel, a clairement indiqué les quatre priorités de la transition énergétique en France. Elle a aussi rappelé que ce débat s’inscrivait à l’échelle européenne. Pour la ministre : « L’Europe doit se donner les moyens de devenir le continent de la transition énergétique. » > Lire p. 16 à 18 Provence-Alpes-Côte d’Azur est la troisième région française par sa superficie, l’importance de sa population et son produit intérieur brut. C’est aussi la première région de métropole pour la biodiversité, et également pour son potentiel de recherche et de formation. La région a su développer des collaborations internationales pour des projets d’envergure comme ITER, réacteur à fusion nucléaire dont le but est de reproduire l’énergie contenue au cœur du soleil et des étoiles pour la transformer en électricité. Provence-Alpes-Côte d’Azur est aussi la région française de la culture et du tourisme. 2013 étant un rendez- vous important pour Marseille, Capitale européenne de la culture. > Lire le dossier spécial p. 7 à 14 Au sommaire Aux Quatre Colonnes : Accord emplois par Pascale Tournier > p. 4 Transition énergétique : Un paquebot lourd, mais un cap volontariste >p. 5 Des mots sur des maux ! par Fabrice Le Quintrec >p. 6 Technologies : 4G/TNT : expérimentation Orange, SFR et Bouygues à Saint-Étienne >p. 15 S a première visite au Maghreb a été pour l’Algérie et les Maro- cains en avaient conçu un peu de « jalousie ». Mais le 50 e anniversaire de l’Indépendance ainsi que le redémar- rage d’une relation plus assainie méri- taient cette première. Est-ce pour apai- ser le palais royal de Rabat que François Hollande avait accueilli son premier visiteur étranger en la personne de Sa Majesté et envoyé, quelques jours avant son déplacement à Alger et Tlemcen, Jean-Marc Ayrault au Maroc ? Naturel- lement, d’autant plus que le troisième pays clef de ce Maghreb si proche de la France, la Tunisie, n’est toujours pas visitable en l’absence de nouvelles élec- tions dignes de ce nom. Il est loin le temps où le Premier secré- taire du PS rendait visite à ses cama- rades de l’USFP. François Hollande, Président, n’a pas de temps à perdre en salamalecs face à la crise. Il emmène dans sa caravane pas moins de 70 chefs d’entreprise. La France reste le pre- mier client, le premier fournisseur, le premier investisseur au Maroc. Mais l’année 2012 a vu notre pays se faire tailler des croupières par l’Espagne. Les entreprises françaises ont perdu l’an dernier la moitié de leurs parts de marché au profit de notre voisin ibérique tandis que d’autres pays européens, la Chine, la Corée et des royaumes du Golfe ont continué de progresser sur le plan commercial avec le Maroc. Il n’est donc plus ques- tion de « se reposer sur nos lauriers », selon l’expression de l’ambassadeur de France au Maroc. François Clemenceau > Lire la suite p. 4 JOEL SAGET/AFP Et aussi Le dos rond Région Provence-Alpes-Côte d’Azur Construire le modèle français de la transition énergétique Édito François Ernenwein Anne-Marie Escoffier, de Dante à Jean Moulin, sous le nez de Pinocchio DR Retrouvez l’intégralité de cette rencontre sur www.lhemicycle.com Hollande en quête d’une économie royale Le président de la République se rend au Maroc cette semaine pour trouver des relais de croissance. Plus de temps à perdre face à la crise ! François Hollande aux côtés de Sa Majesté Mohammed VI en mai 2012. STÉPHANE VUILLEMIN

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l'Hémicycle numéro 462 du mercredi 3 avril 2013 Au sommaire : - Accord emplois par Pascale Tournier >p. 4 - Transition énergétique : Un paquebot lourd, mais un cap volontariste >p. 5 - Des mots sur des maux ! par Fabrice Le Quintrec >p. 6 - Technologies : 4G/TNT : expérimentation Orange, SFR et Bouygues à Saint-Étienne >p. 15

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Pour François Hollande, l’entretientélévisé du jeudi 28 mars surFrance 2 était lesté de très grosenjeux. Devant des Françaisinquiets face à la hausse continuedu chômage, un recul significatifdu pouvoir d’achat et un affaiblis-sement des protections sociales, il

devait rassurer. À cause de la politique de rigueur forcémentfatale dans un tel contexte économique marqué par la dégra-dation des comptes publics, cela lui imposait de proposer uneméthode et d’inviter à une mobilisation pour franchir ce capdifficile. Il fallait rassembler les Français - tâche éminemmentprésidentielle - pour que le pays continue à avancer. Au terme de plus d’une heure d’entretien, pendant laquellele chef de l’État s’est effectivement posé en « chef de labataille », se déclarant conscient de la dureté des temps, François Hollande a d’abord témoigné d’une grande constancedans les choix faits par l’exécutif. Il n’est pas parvenu àconvaincre qu’il était porteur d’un nouvel élan pour combat-tre la crise. Modeste et tenté par la pédagogie, son proposmêlait les slogans : « Ma priorité, je l’ai dit, c’est l’emploi, maismon cap, c’est la croissance » et le catalogue exhaustif desmesures annoncées depuis 10 mois, rassemblées dans lafameuse « boîte à outils » pleine de pactes et de contrats divers.François Hollande s’est aussi risqué à des promesses auda-cieuses, que les prévisions ne valident pas : « À la fin de l’an-née, nous serons dans une baisse du nombre de chômeurs. »Mais, dans l’ensemble, son programme économique et socialportait d’abord la marque d’une grande prudence - le refusde l’austérité, la stabilité fiscale - soulignée par une formule :« Le redressement, pas la maison de redressement. » Il don-nait l’impression que la France choisit de faire le dos rond quandses principaux voisins ont déjà engagé ou engagent des rup-tures beaucoup plus radicales. Et surtout, François Hollande n’a pas su répondre au rejetdans une part importante de l’opinion de réformes de sociétécomme le « mariage pour tous », encore mesurable ce jeudisoir avec plusieurs milliers de manifestants rassemblés devantle siège de France Télévisions.En voulant éviter le piège de la fébrilité, souvent prêtée à sonprédécesseur à l’Élysée, François Hollande a donné l’impres-sion de renvoyer à moyen terme les remèdes à la crise et nepas avoir toujours conscience du sentiment d’urgence exprimédans les sondages et lors d’élections partielles par une partsignificative des Français. En faisant ce choix, celui d’une ges-tion sereine dont les effets sont loin d’être garantis, le chef del’État a pris le risque d’accroître encore un peu plus le scepti-cisme et d’avoir, lui et son gouvernement, à affronter uneimpopularité aggravée dans les semaines qui viennent. Pourles Français, en tout cas, il n’y avait, dans les propos présiden-tiels, rien de nature à réduire leurs incertitudes, ni a fortiori àleur donner le sentiment que ces choix sont enmesure de répondre à leurs inquiétudes.

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

www.lhemicycle.com NUMÉRO 462 — MERCREDI 3 AVRIL 2013 — 2,15 ¤

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EmmanuelTodd

P. 3

FrançoisBayrou

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Territoires Les rencontres de l’Hémicycle

Préfète puis sénatrice, elle a la réputation d’une battante.Chaleureuse, appréciée de ses pairs, elle puise son inspiration dans lesouvrages philosophiques de Dante ou saint Thomas. Elle reste aussiimpressionnée par Jean Moulin, qu’elle considère comme un grandserviteur de la France.> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino p. 19

Delphine Batho, la ministrede l’Écologie, duDéveloppement durableet de l’Énergie, invitéedes premières rencontresde l’Hémicycle, organiséesen partenariat avec l’InstitutMontaigne au Conseilconstitutionnel, a clairement

indiqué les quatre priorités de la transition énergétique en France.Elle a aussi rappelé que ce débat s’inscrivait à l’échelle européenne.Pour la ministre : « L’Europe doit se donner les moyens de devenirle continent de la transition énergétique. » > Lire p. 16 à 18

Provence-Alpes-Côte d’Azur est la troisième région française par sasuperficie, l’importance de sa population et son produit intérieur brut.C’est aussi la première région de métropole pour la biodiversité, etégalement pour son potentiel de recherche et de formation. La régiona su développer des collaborations internationales pour des projetsd’envergure comme ITER, réacteur à fusion nucléaire dont le but estde reproduire l’énergie contenue au cœur du soleil et des étoiles pourla transformer en électricité. Provence-Alpes-Côte d’Azur est aussi larégion française de la culture et du tourisme. 2013 étant un rendez-vous important pour Marseille, Capitale européenne de la culture.> Lire le dossier spécial p. 7 à 14

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Accord emploispar Pascale Tournier > p. 4 • Transition énergétique :Un paquebot lourd, mais un cap volontariste > p. 5 • Des motssur des maux ! par Fabrice Le Quintrec > p. 6 • Technologies : 4G/TNT :expérimentation Orange, SFR et Bouygues à Saint-Étienne > p. 15

Sa première visite au Maghreb aété pour l’Algérie et les Maro-cains en avaient conçu un peu de

« jalousie ». Mais le 50e anniversaire del’Indépendance ainsi que le redémar-rage d’une relation plus assainie méri-taient cette première. Est-ce pour apai-ser le palais royal de Rabat que FrançoisHollande avait accueilli son premiervisiteur étranger en la personne de SaMajesté et envoyé, quelques jours avantson déplacement à Alger et Tlemcen,Jean-Marc Ayrault au Maroc ? Naturel-lement, d’autant plus que le troisième

pays clef de ce Maghreb si proche de laFrance, la Tunisie, n’est toujours pasvisitable en l’absence de nouvelles élec-tions dignes de ce nom. Il est loin le temps où le Premier secré-taire du PS rendait visite à ses cama-rades de l’USFP. François Hollande,Président, n’a pas de temps à perdre ensalamalecs face à la crise. Il emmènedans sa caravane pas moins de 70 chefsd’entreprise. La France reste le pre-mier client, le premier fournisseur, lepremier investisseur au Maroc. Maisl’année 2012 a vu notre pays se faire

tailler des croupières par l’Espagne.Les entreprises françaises ont perdul’an dernier la moitié de leurs partsde marché au profit de notre voisinibérique tandis que d’autres payseuropéens, la Chine, la Corée et desroyaumes du Golfe ont continué deprogresser sur le plan commercialavec le Maroc. Il n’est donc plus ques-tion de « se reposer sur nos lauriers »,selon l’expression de l’ambassadeurde France au Maroc.

François Clemenceau> Lire la suite p. 4

JOEL

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Et aussi

Le dos rond

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur Construire le modèle françaisde la transition énergétique

ÉditoFrançois Ernenwein

Anne-Marie Escoffier, de Dante àJean Moulin, sous le nez de Pinocchio

DR

Retrouvez l’intégralité de cette rencontresur www.lhemicycle.com

Hollande en quêted’une économie royaleLe président de la République se rend au Maroc cette semainepour trouver des relais de croissance. Plus de temps à perdreface à la crise !

François Hollande aux côtés de Sa Majesté Mohammed VI en mai 2012.

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La vérité est-elle condamnéeà perdre ?L’accumulation d’illusions, defausses promesses, qui ont été mul-tipliées depuis 20 ans dans la poli-tique française, nous a amenés dansle mur. Pourquoi ? Lorsqu’il y a desréformes importantes à réaliser,l’adhésion des peuples est indis-pensable. Il ne s’agit pas forcémentd’une adhésion accompagnée d’ap-plaudissements ; mais quand lesgens, au fond d’eux-mêmes, ont lesentiment que ce qu’il faut faire estinévitable, et qu’à terme cela amé-liorera leur situation, ils peuventaccepter les réformes.

Mais vous n’avez pas réussià en convaincre les Français ?Quand Jean Peyrelevade m’a rejoint,il y a quelques années, il m’a dit : « Jene sais pas si l’on peut gagner en disantla vérité, mais je sais qu’on ne peut pasgouverner si elle n’est pas dite. » Jepense la même chose. Nous sommesdans un moment où un accord surle réel est indispensable, pour queles peuples acceptent les change-ments nécessaires. Le réel a été exclude la vie politique française, parcequ’à chaque élection présidentielle– suivie des législatives –, l’enjeuc’est : tout ou rien. Ce « tout ourien » pousse les responsables poli-tiques à la démagogie. C’est tou-jours le mieux disant démagogiquequi l’emporte.Si vous défendez une position mino-ritaire, vous êtes écarté du jeu. C’estun problème institutionnel grave.La vérité sort du pluralisme, d’unéchange de points de vue. Qu’est-

ce qui peut justifier que des courantsaussi importants que l’extrêmedroite, l’extrême gauche et le cen-tre soient absents de l’Assembléenationale ? Si l’on additionne lesvoix de ces courants depuis l’an2000, ils totalisent près de 40 % dessuffrages. Qu’est-ce qui justifie queces 40 % n’aient aucune représen-tation politique ?

La proportionnelle vous donnerait-elle plus de voix qu’une alliance ?L’UDF n’était-elle pas l’alliéede la droite ?L’UDF a commencé à exploserlorsqu’une partie de ses troupes achoisi l’accord électoral avec le Frontnational. La seconde explosion, cefut en 2002, quand 80 % de ses élus

ont rejoint l’UMP. Ils ne souhai-taient pas faire partie du centre,mais d’un parti de droite classique.Voilà ce qui a fait exploser l’UDF.

La droitisation de l’UMP faitréfléchir ces centristes : ne faut-ilpas recréer un grand parti ducentre-droit ? Qui peut réunirles formations du centre, à partJean-Louis Borloo et vous ?Je suis certain que tous ceux qui sesentent réellement centristes seretrouveront, et je ne ménagerai

pas mes forces pour que cela se pro-duise. Mais être du centre, cela veutdire être autonome, dans la réflexionet dans la décision. Je plaide pourle rassemblement des Français, ilserait étrange que je ne plaide paspour le rassemblement du centre !

Dans leur dernier ouvrage, Lemystère français, Emmanuel Toddet Hervé Le Bras expliquent qu’il yaurait aujourd’hui une Francedépressive, mais aussi une Franceoptimiste : la Bretagne, le Sud-Ouest, l’Alsace et Rhône-Alpes.Des régions post-catholiques qui,disent-ils, résisteraient mieuxà la crise. Qu’en pensez-vous ?C’est la raison pour laquelle je n’aijamais accepté de laisser tomber le

drapeau de la Démocratie chré-tienne. Ce n’est pas un drapeauconfessionnel – bien que je soiscroyant –, c’est celui d’une attitudedevant la vie. C’est d’abord l’espritd’entreprise : « Aide-toi, le ciel t’ai-dera. » Ensuite, c’est ne pas chercherdes boucs émissaires à ses problèmes,ne pas dire : « C’est la faute desautres, de l’Europe, de l’euro, de lamondialisation… » C’est aussi pen-ser que l’autre n’est pas un ennemi,car nous sommes forts dans nosidentités. Enfin, il y a dans ces

régions une dimension commu-nautaire. Nous menons des aven-tures ensemble. Les pays indivi-dualistes sont effectivement moinsarmés pour faire face aux défis denotre temps.

Dans votre ouvrage, vous justifiezvotre vote pour Hollande.Comment jugez-vous son action,depuis 10 mois ?Il a un souci républicain : il laisse tra-vailler les juges, notamment. Ilapaise, plus qu’il ne divise – bienqu’il n’ait pas choisi cette ligne, surcertains débats de société… Autrepoint positif, il gère bien la crise auMali : il a été rapide et efficace, sansexcès de mise en scène. Troisièmepoint positif : laisser les syndicats etle patronat s’entendre. Cela permetd’avancer, même si cela va encorecomplexifier un droit du travail déjàtrop compliqué. Je rappelle qu’ilfaut tout faire pour soutenir ceux quisont en première ligne, ceux quisignent les contrats de travail : nesommes-nous pas là pour les rassu-rer, pour leur garantir un cadre sta-ble pour l’avenir ? Avec FrançoisHollande, les intentions sont justes,les choix sont annoncés, mais lesactes ne suivent pas encore.

Parmi vos références, il y a JacquesDelors. En est-il un digne héritier ?L’action de Hollande en Europeest-elle efficace ?Il a d’abord proposé une illusion :ne pas signer le pacte budgétaireeuropéen. Il l’a évidemment signé– comme Jospin, qui y a étécontraint en 1997. Une faiblesse.

Pour le reste : qu’il défende unepolitique qui ne soit pas strictementalignée sur l’Allemagne, je trouve çatrès bien ! Je souhaite même qu’ilaille loin dans la confrontation desidées : le président de la Républiquefrançaise ne peut pas être un ecto-plasme dans les débats européens.

Nicolas Sarkozy avait été loué enEurope pour son volontarisme…Nicolas Sarkozy avait choisi de nejamais montrer de désaccord avecl’Allemagne : il n’y avait donc pasde position française. Plus grave : ilavait déclaré que l’Europe ne seraitplus communautaire, mais inter-gouvernementale – il voulait direen fait franco-allemande –, soit lecontraire de la vocation de l’Eu-rope. Ceci n’était pas viable.

Comment jugez-vousle plan pour Chypre ?Les décisions prises ne sont pas ras-surantes du tout. La situation a ététraitée légèrement, parce que lesdirigeants européens ont considéréque Chypre était un petit pays.Tant qu’on donnera l’impressionque l’Europe se résume à la mainqui tient le fouet, on ne pourra pasavancer. L’Europe est une coopéra-tive, dans laquelle chacun doit êtrerespecté. il faut un plan de recons-truction sur le long terme, ne pasacculer les peuples, tenir compte deleurs sensibilités. De ce point devue-là, nous n’avons pas trouvé laréponse, et il est dangereux de ne pasla chercher plus.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013

Agora

FRANÇOIS BAYROUPRÉSIDENT DU MOUVEMENTDÉMOCRATE

François Bayrou vient de publier un livre, De la vérité en politique (Plon), dans lequel il donnesa vision de la société française, et justifie son choix d’avoir voté pour François Hollande en 2012.

«Qu’est-ce qui peut justifier que des courants aussiimportants que l’extrême droite, l’extrême gauche

et le centre soient absents de l’Assemblée nationale ? »

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Avec Hervé Le Bras, vous avezpassé la France au scanner.Qu’avez-vous découvertde surprenant ?Hervé Le Bras a découvert de nou-velles techniques de cartographie,permettant de descendre au niveaudes communes, et de tracer des zonesprécises. L’idée était de les corrélerentre elles, pour voir ce qu’il en sor-tait. Il y a 30 ans, nous avions publiéensemble L’invention de la France :nous mettions alors en lumièrela diversité du territoire national.La grande surprise de ce nouvelouvrage, ce n’est pas la persistancedes diversités régionales, c’est quela diversité régionale a guidé lamodernité de nos territoires.Nous avons découvert que la dis-parition du catholicisme, dans lesrégions où il était resté puissantjusqu’au lendemain de la SecondeGuerre mondiale, s’était accompa-gnée d’un dynamisme éducatif, quia permis de freiner la montée desinégalités économiques. Dans cetteconstellation qui regroupe l’est dupays, l’Ouest, la région Rhône-Alpes,le sud-est du Massif central et lePays basque, on s’en tire beaucoupmieux que dans le cœur libéral etégalitaire de la France : le Nord, leBassin parisien et le pourtour médi-terranéen, les régions qui ont fait laRévolution française.

En quoi cette découverteest si surprenante ?Le débat public a été marqué ces der-nières années par une obsession del’Islam. Il y aurait une oppositionentre le vieux fond chrétien de laFrance et l’immigration musulmane.Notre découverte, c’est que le vieuxclivage français entre les régionslaïques et catholiques était toujoursactif, et que le véritable problème dela société française, le déséquilibredans la gestion du pays, se trouveplutôt là. Nous décrivons une prisede pouvoir inconsciente de la Francepost-catholique sur celle qui a faitla Révolution française.

Dans ces régions post-catholiques,qui résistent mieux à la crise, vousvoyez un « catholicisme zombie ».François Bayrou y voit l’héritagede certaines valeurs…Ce que nous appelons « le catholi-cisme zombie » est un catholicismequi est mort religieusement, maissocialement vivant. Le catholicismes’est défini contre la Révolution,contre le progrès : il était hostile àla lecture et à l’écriture, à la culture.Le dynamisme de ces régions vientselon nous de la libération de cettecontrainte religieuse sur le progrès.Voilà pourquoi nous avons parléd’un « catholicisme zombie ». C’estun phénomène qui a déjà été

observé : quand un système reli-gieux s’effondre, cela produit uneffet de libération des énergies, pareffet de rupture de la tradition.

Tous les territoires ne sont paségaux face à la montée del’individualisme ?Dans sa réponse, François Bayroufait allusion à la tradition de ces ter-ritoires, une tradition de coopéra-tion. Celle-ci renvoie à des types desociétés où l’individu est plus forte-ment intégré et soutenu. Noussommes dans un univers d’atomi-sation sociale, d’hyper-individua-lisme, et dans les régions héritièresde la Révolution française, il n’y a pasde contrepoids à ce déchaînementactuel de l’individualisme. Dans cesrégions déchristianisées dès le milieudu XVIIIe siècle, qui étaient les plusalphabétisées de France, la chute dela religion a déclenché un enthou-siasme, une libération. C’est ce phé-nomène qu’on observe aujourd’huidans les régions qui viennent d’aban-donner le catholicisme.

Ne doit-on voir dans le déclin du cœurégalitaire français l’effondrement desidéologies collectives - et notammentdu communisme ?Nous avons constaté dans cetouvrage les effets de l’effondrementdu communisme. Avant sa dispari-

tion, la carte du communisme étaitle négatif de celle du catholicisme.Elle regroupait les régions quis’étaient émancipées au moment dela Révolution française. De nom-breux facteurs peuvent expliquer lesdifficultés actuelles de ces régions,mais il me semble que l’effondre-ment du communisme, qui étaitporteur d’une véritable foi dans leprogrès, a produit un effet de dépres-sion. Le Parti communiste a repré-senté une foi dans l’éducation bour-geoise accessible au peuple. La Francen’a pas compris que le communismeavait une très grande place dans sesmilieux populaires, et son effon-drement a fait beaucoup de dégâts.

Y a-t-il une droitisationde la société française ?Elle n’est que politique. La droiti-sation est un phénomène généralisédans le monde développé. Deuxgrands facteurs en sont à l’origine :le premier, c’est le vieillissement dela population, la démographie fran-çaise tire le corps électoral vers ladroite. Le deuxième facteur que nousavons découvert, c’est l’inversionde la pyramide éducative. Nosrecherches font apparaître que l’édu-cation, plus que l’économie, est lemoteur de l’évolution sociale. Notresociété se structure en fonction desdifférents niveaux d’éducation.

C’est-à-dire ?Dans la période de l’immédiataprès-guerre, vous pouviez voirune véritable pyramide éducative :à la base, l’énorme masse des gensqui n’avaient pas dépassé la com-munale et plus on montait enniveau d’études plus le nombrerétrécissait. Avec ce type de pyra-mide, la société regardait vers l’ave-nir. Aujourd’hui, cette pyramides’est inversée : en bas, vous trou-vez la minorité des citoyens sansdiplôme, qui ne représentent guèreplus de 10 % de la population. Au-dessus, vous avez les milieux popu-laires, qui ont atteint un niveaubien plus élevé grâce aux forma-tions techniques. Au sommet, il ya le groupe le plus puissant chezles jeunes : ceux qui ont leur bacet qui ont, pour beaucoup, suivides études supérieures. Avec lacrise, une partie très importantede la société ne regarde plus versle haut, mais vers le bas, et elle apeur de tomber. Dans les villes,ceux qui ont fait des études supé-rieures s’appauvrissent, mais res-tent de gauche. Ceux qui ont desformations moins importantesregardent désormais vers les 10 %qui n’ont pas de diplôme. Le cœurdu processus de droitisation setrouve dans ces milieux-là.

Propos recueillis par T.R.

NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013 L’HÉMICYCLE 3

Agora

Avec les outils de cartographie les plus modernes, Emmanuel Todd a de nouveau ausculté laFrance avec le démographe et historien Hervé Le Bras, et leurs découvertes sont surprenantes.Le véritable problème de la société française se trouverait dans la résurgence d’un clivageancien : celui qui oppose le catholicisme à la Révolution.

«La disparition du catholicisme, dans les régions où il étaitresté puissant jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre

mondiale, s’est accompagnée d’un dynamisme éducatif quia permis de freiner la montée des inégalités économiques »

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EMMANUEL TODDHISTORIEN ET ANTHROPOLOGUE

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Avec l’annonce des mauvaischiffres du chômage dumois de février 2013, la

transposition dans la loi de l’accordnational interprofessionnel signéentre trois syndicats et le patronatest plus que jamais d’actualité. Pré-senté comme « l’une des plus grossesréformes depuis 1969 » par le gou-vernement, le texte, qui est arrivéen séance hier, n’est pourtant passimple pour la majorité. Depuis lasignature le 11 janvier entre lespartenaires sociaux, bien des obs-tacles se sont présentés et tous nesont pas encore levés. Le rapporteur et député des Hauts-de-Seine, Jean-Marc Germain, derésumer la ligne de crête surlaquelle il a avancé au fil des mois :« Le chemin consiste à rester loyal auxsignataires de l’accord, tout en respec-tant les non-signataires et le travailparlementaire. » Première difficulté : la technicité dutexte, qui rend difficile son appro-priation par les élus. À l’évocationde ce sujet dans la salle des Qua-tre Colonnes, il n’est pas rare devoir un député sortir son antisèchepour répondre ou renvoyer carré-ment son interlocuteur à l’un de sescondisciples qu’il considère plusau courant que lui. Le principemême de transposition a aussi sus-cité au préalable bien de la grognedans les rangs du groupe PS. « Noussommes des parlementaires pas destraducteurs », a exprimé sans fardle député de Paris Pascal Cherki.Mais la colère a été de courte durée.Très vite, les parlementaires ontsaisi qu’ils pouvaient apporter desaméliorations à un texte, qui, surcertaines dispositions, manquecruellement de précision ou estsujet à des interprétations diffé-rentes. « Il incombe aux parlemen-

taires de combler ces trous dans laraquette », n’a cessé de rappelerJean-Marc Germain durant lesséances du groupe de travail. Il aété entendu. Jérôme Guedj, ledéputé de l’Essonne et tenant del’aile gauche du PS, est l’un despremiers à avoir compris la margede manœuvre dont pouvaient userles parlementaires : « Autant le traitéeuropéen était intouchable, autantlà, on a vu qu’on pouvait améliorer

le texte. » « Il y a plus de cases videsque de cases pleines et on s’en estemparé dans les limites fixées parl’exécutif », ajoute de son côté ledéputé du Cher Yann Galut. Alorsqu’au départ le gouvernement nevoulait pas amender le texte pourrespecter les termes de l’accord, ila assoupli sa position. Un amen-dement encadrant davantage lamobilité géographique afin qu’ellesoit compatible avec la vie person-nelle et familiale a été ainsi acceptéen commission des Affairessociales. En cas d’accord pour lemaintien de l’emploi, les salairesles plus bas ne seront pas baissés.Il est aussi prévu que les dirigeantset les actionnaires contribuent àl’effort de manière proportionnée,quand des diminutions de salaire

sont prévues pour les salariés. Maisbien des points, donnant matièreà discussion pour les députés, n’ontpas été tranchés. Le nombre dereprésentants des salariés au comitéd’entreprise n’a pas été décidé, toutcomme la majoration des heurescomplémentaires à 25 %. Mercredidernier, avant la fin de la dernièreréunion de la commission, JérômeGuedj s’interrogeait encore sur denombreux sujets : « Faut-il verser des

dividendes aux actionnaires, quand unaccord de maintien de l’emploi s’ap-plique ? Ne faudrait-il pas que lesaccords d’entreprise puissent êtremajoritaires et pas avalisés à 30 %,comme il est prévu ? » S’il n’était pasentendu, l’élu de l’Essonne n’ex-cluait pas de présenter des amen-dements sous son nom et surtoutde porter sa parole dans l’Hémicy-cle. « Un débat politique s’ouvre »,dit-il d’un sourire. Même si l’aile gauche a montréune attitude plus constructivequ’au moment du traité européen,en participant bien en amont auprojet de transposition, elle ne segêne pas pour faire monter la pres-sion. La semaine dernière, plu-sieurs parlementaires de GaucheAvenir, un club de réflexion qui

rassemble socialistes de l’ailegauche, écologistes et élus du Frontde gauche, ont battu le rappel destroupes pour exprimer avec forceleurs lignes de fracture avec l’en-semble du PS. « Ce texte est globa-lement déséquilibré pour les salariés,a affirmé ce jour-là la sénatrice deParis Marie-Noëlle Lienemann.Dans les accords de compétitivitéemploi, la flexibilité l’emporte sur lasécurité. » Même les écologistes,bien silencieux depuis janvier der-nier, ont décidé de hausser le ton,par la voix du sénateur Jean-Vincent Placé. « Voir que le négo-ciateur du Medef se félicite de l’accordcela pose question. Le volet flexibi-lité ne nous va pas du tout, aussibien sur les accords de mobilité quesur le maintien de l’emploi. Et puispeut-on créer un emploi en facilitantles licenciements ? », s’interroge lepatron des sénateurs EELV, quiannonce aussi un débat parlemen-taire offensif. Du côté des élus duFront de gauche, on ne mâche pasplus ses mots. « C’est l’accord duMedef, les parlementaires n’ont pasvocation à être des démolisseurs ducode du travail. Et que ce soit ungouvernement de gauche qui porteun coup à notre organisation socialec’est terrible », tempête le députécommuniste André Chassaigne.Ces marques de protestationannoncent-elles une séquenceaussi cauchemardesque que cellequ’a vécue la majorité lors del’adoption du traité européen ?Thierry Mandon, le porte-paroledu groupe PS, ne veut pas y croire.Quant à Yann Galut, il préfèrerappeler l’enjeu principal : « Si onréussit à transposer cet accord, touten l’améliorant, on aura un exempleparfait de dialogue social tel que lesouhaite Françoise Hollande. »

4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013

Plan large

Avec une croissance moyenne de5 % ces dernières années, le Marocreste une terre d’opportunitéspour la France. Dans le domainedes transports, des télécoms, desénergies vertes et de l’urbanisme,beaucoup reste à faire dans cepays en mutation, qui se doteprogressivement de tous les outilséconomiques et financiers pouraccueillir les investisseurs. François Hollande et le roi duMaroc, amis ? À des années-lumière des relations quasi filialesqu’entretenait Jacques Chirac avecle jeune Mohammed VI, le Prési-dent socialiste tentera de renfor-cer des relations de confiance etde nouer des liens personnels. Lechef des armées françaises a étéplus qu’agréablement surpris dela qualité de la coopération maro-caine avant et pendant la guerreau Mali. Non seulement parceque nos avions de chasse ont putransiter par le ciel marocain avantd’aller frapper leurs premièrescibles, mais également parce queles renseignements marocains surles filières terroristes au Sahel sesont révélés « très précieux ». Cela étant, le chef de l’État tou-chera du doigt au cours de savisite les difficultés politiques queconnaît le royaume. Depuis lavictoire des islamistes du Parti dela justice et du développement(PJD) et la formation d’une coali-tion gouvernementale avec lesconservateurs de l’Istiqlal, peude grandes réformes populairesont été initiées. « Un sentimentd’immobilisme » signalé par lepolitologue Mohammed Tozy,tandis qu’un ministre PJDdemande « du temps » avantd’être jugé sur les actes. « Nousn’avons pas le droit à l’échec »,martèle-t-il. Dans une économieoù les grands chantiers de la pau-vreté et de l’emploi des jeunesqualifiés restent préoccupants,les querelles clientélistes entre lespartis de la coalition et une oppo-sition qui attend son heure sontpénalisantes. Problème de « com-pétence », questionne un prochedu roi ? De ce point de vue, faceà une classe moyenne qui faitl’objet de toutes les su renchèrespoliticiennes, François Hollandereconnaîtra entre la France et leMaroc des paysages familierset des défis compa rables.

Aux Quatre Colonnes

Accord emploisAccord emploisSuite de la page 1

Avec la transposition dans la loi de l’accord national interprofessionnel,la majorité s’engage à nouveau dans un débat vif. Alors que les chiffres duchômage sont à la hausse, elle est aussi sous la pression de son aile gauche,qui compte bien faire entendre ses divergences. Par Pascale Tournier

L’UMP pourrait voter l’ac-cord avec le PS, si l’aile

gauche ne le dénature pas et aussiselon plusieurs conditions. « Lesaccords de maintien à l’emploi sontconçus sur un mode défensif, on peut

les rendre plus offensifs. S’il y a unaccord entreprise, il faut pouvoir allerau-delà du cadre des 35 heures »,plaide Christian Jacob, le patrondes députés UMP. La création desdroits rechargeables à l’assurance

chômage doit aussi se faire à coûtsconstants. Du côté de l’UDI, lesélus sont également prêts à voterle texte. « Les accords sont plusadaptés au monde du travail qu’uneloi. Il n’y a qu’à regarder la loi sur

les 35 heures », explique le députécentriste Jean-Christophe Lagarde.Les centristes posent une seulecondition à leur vote : le secteurdes services à la personne doit êtreexclu du dispositif.

L’opposition, un allié potentiel du PS

«LES PARLEMENTAIRESONT SAISI QU’ILS

POUVAIENT APPORTER DESAMÉLIORATIONS À UN TEXTE,QUI MANQUE CRUELLEMENTDE PRÉCISION »

L’opinionde François Clemenceau

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Quels sont les enjeux pour Totalde la transition énergétique ?Nous sommes avant tout un groupemondial et nous avons de ce fait unevision globale. Ce que je voudraissouligner d’emblée, c’est que le débatsur la transition énergétique enFrance doit s’inscrire aussi dans uneperspective européenne et mêmemondiale. Nous ne vivons pas isolés.Nous évoluons au sein d’une écono-mie globalisée.Il y a plusieurs enjeux liés à la transi-tion énergétique pour notre groupeet nous n’avons pas attendu le débaten France pour nous y intéresser. Nouscontribuons au quotidien dans troisdomaines majeurs qui sont donc nosenjeux à nous.Le premier enjeu est de continuer àapprovisionner les marchés, car nouspensons qu’il faudra fournir 30 %d’énergie en plus à l’horizon 2035pour répondre à la demande mon-diale, notamment du fait des besoinsdes pays émergents. Pour Total celasignifie d’abord exercer notre métierd‘approvisionnement en hydrocar-bures de façon responsable. Le pétroleet le gaz resteront incontournablespour répondre à la hausse de lademande.Le deuxième enjeu est de faire évoluernotre offre énergétique en la diversi-fiant. Nous sommes un acteur en crois-sance dans le solaire et la biomasse.Nous avons racheté il y a deux ans lasociété nord-américaine Sunpower,leader mondial du photovoltaïque.Le troisième enjeu est celui de l’effica-cité énergétique. Cela veut dire d’abordconsommer mieux et moins sur nospropres plates-formes industrielles,mais aussi participer à l’effort indispen-sable pour améliorer l’efficacité éner-gétique de nos clients.Concrètement nous avons lancé denombreux programmes d’innovationdans le domaine des lubrifiants ou descarburants et nous développons ausside nouveaux matériaux plus légers etplus intelligents issus de notre pétro-chimie. Tout ceci contribue à réduirela consommation des véhiculesmoteur et donc leurs émissions.

Cette transition énergétique est,je suppose, un processus très longdans la durée ?Oui tout à fait. Les enjeux mondiauxde cette transition énergétique sont trèsimportants, mais c’est un processusqui sera lent et long. Les énergies fos-siles (gaz, pétrole, charbon) représen-tent aujourd’hui les 4/5e du mix éner-gétique mondial. Compte tenu decette situation, il est clair que l’on nepeut pas du jour au lendemain « décar-boner » nos sociétés.Le processus va nécessiter des effortsconsidérables en matière d’investis-sements, de R et D, de technologieset d’innovation. Au passage, une desvraies questions, c’est comment finan-cer tout cela. Nous raisonnons à par-tir de quatre facteurs pour déterminerla façon de faire évoluer le bouqueténergétique. Le premier facteur estla disponibilité des énergies. Ledeuxième est leur maturité technique.Le troisième est leur compétitivitééconomique. Le dernier est celui del’acceptabilité sociétale des différentesénergies. Sans surprise, les énergiesfossiles et le nucléaire répondent auxtrois premiers critères : ils sont le refletde décennies d’investissements et depolitiques publiques. Ces technologiessont donc logiquement les mieuxplacées. Peut-on s’en passer à courtterme ? Bien sûr que non ; peut-onchanger la donne ? Bien sûr que oui.Le bouquet énergétique ne peutqu’évoluer. Nous pensons que lesénergies renouvelables possèdent unfort potentiel. Mais il faut leur don-ner le temps d’arriver à maturité tech-nique et économique afin qu’elles nedépendent plus de subventions : ellespourront alors prendre toute leur partdans le futur bouquet énergétique. Ilfaut aussi créer de véritables filièresindustrielles. Un pays comme laFrance a de grandes capacités et il estimportant, lorsque l’on veut se fixerun nouveau cap énergétique, de tenircompte de nos atouts industriels et dese fixer des objectifs réalistes. Produire de l’énergie nécessite des capi-taux importants. Dans le pétrole et legaz, les investissements sont de l’ordre

de 600 à 650 milliards de dollars paran au plan mondial ! Et pour les éner-gies renouvelables au sens large, lesefforts consentis approchent déjà les250 à 300 milliards de dollars par an.On a trop tendance à opposer les éner-gies. Or il faudra à l’avenir mobilisertoutes les énergies pour répondre à lademande mondiale. Ne les opposonspas non plus sur le thème de l’inno-vation : les innovations sont présentesdans tous les types d’énergie.

N’avez-vous pas le sentimentque la Chine et les États-Unisont une longueur d’avancedans ces différentes stratégies et en matière de recherche?Il n’y a pas de leadership américain ouchinois aujourd’hui pour les énergiesdu futur. Il y a certes une formidablepuissance de R et D dans ces deuxpays, mais l’Europe et la France ontclairement un rôle à jouer. Notre payscompte les plus belles sociétés d’éner-gie au monde. Il n’y a pas de complexeà avoir et il n’y a pas de perte de mar-ché évidente.

Quelles sont les grandes tendancesselon vous de ce mix énergétiqueà l’horizon 2035 ?Le mix d’aujourd’hui est un peucomme un paquebot qui bouge len-tement et qui ne peut pas changer decap aisément. Il faut donc infléchir latrajectoire de façon volontariste. Dansl’industrie de l’énergie, on travaille enanticipant les besoins des marchésavec 20 ans d’avance et le débat actuelpermettra de fixer de nouveaux caps.Nous avons remis à jour notre visiondu mix énergétique à l’horizon 2035.Notre scénario met en avant le fait quepétrole et gaz continueront de repré-senter 50 % du mix énergétique mon-dial, car ces énergies sont disponibleset compétitives. Au rythme de consom-mation actuel, nous disposons de plusde 100 ans en ressources de pétrole etde 130 à 150 ans pour le gaz.Nous tablons ensuite sur une substi-tution du charbon par le gaz et lesénergies renouvelables. C’est unehypothèse très importante, même si

à court terme certains pays privilé-gient, pour son avantage compétitif,le charbon par rapport au gaz. Or celui-ci prendra le dessus et deviendra ladeuxième énergie consommée dans lemonde, car il est abondant, peu émet-teur de CO2 et très adapté aux modesde consommation. Le gaz est aussitrès bien placé pour accompagner ledéveloppement des énergies renou-velables en répondant aux contraintesliées à leur intermittence. À horizon2035 le gaz sera ainsi la seule énergiefossile en progression. Il pourra satis-faire 1/4 de la demande mondiale.Cette vision prend en compte le déve-loppement et le durcissement de légis-lations environnementales qui condui-ront à recourir au gaz pour réduire lesémissions issues du charbon.Le pétrole devrait rester la premièreénergie consommée, mais sa part rela-tive dans le mix énergétique devraitbaisser à 28 %. Il sera largement dédiéà la mobilité. La demande mondialede pétrole restera globalement enhausse même si elle baissera dans lespays de l’OCDE, dont la France, enraison notamment de l’améliorationde l’efficacité énergétique des véhi-cules à moteur.

Vous n’évoquez pasles autres familles d’énergie ?La part du charbon devrait baisser for-tement du fait des contraintes environ-nementales. La part des renouvela-

bles, hors hydraulique et biomasse,devrait être multipliée par six, cequi n’est pas négligeable ! Quant aunucléaire, sa part dans le bouquet éner-gétique devrait se maintenir.

Quelles sont les conditions d’unetransition énergétique efficace ?Les mix actuels sont le fruit d’habitudesde consommation, d’investissementsconsidérables et de politiques publi-ques. Pour faire évoluer les choses,un État régulateur ne peut intervenirqu’en tenant compte du fait que l’ontouche à des équilibres économiqueset à des choix de société. Partant de là,il est clair que la marge de manœuvrede la France dépend de nos parte-naires, de l’Europe et des évolutions ail-leurs dans le monde. La transitionénergétique nécessite d’avoir unebonne vision des étapes à franchir etun cadre réglementaire qui soit stableet cohérent. Il est important aussi depréparer les opinions publiques au faitque cette transition aura forcémentun coût et passera par une augmenta-tion des prix, au moins à court terme.Un avis récent de la CRE estime quela facture électrique pourrait augmen-ter de 30 % en France dans les cinq ansà venir, dont 1/3 serait imputable auchoix donné aux énergies renouvela-bles. Dans le cadre de sa feuille deroute énergétique 2050, la Commis-sion européenne a étudié plusieursscénarios qui montrent que le prixde l’électricité devrait augmenteren Europe jusqu’en 2030 et baisserensuite. Il y a donc des arbitrages à faireet il n’y a pas de bonne ou mauvaiseréponse. Mais il faut jouer cartes surtable, faire de la pédagogie sur le ren-chérissement des prix et ne pas oublierla compétitivité de nos industries. Lesarbitrages de court et de long termedoivent bien entendu aussi simulerles hypothèses de croissance.En définitive, c’est un choix de sociétéque de savoir à quelle vitesse onpousse ces évolutions : ce qui compte,c’est de poser sereinement les termesdu débat, sans dogmatisme.

Propos recueillispar Joël Genard

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Énergie

La transition énergétique représente en France et dans le monde un enjeu majeur pour les groupesindustriels du secteur de l’énergie, à l’exemple de Total. Approvisionner les marchés, faire évoluerl’offre énergétique globale, la rendre plus efficace, nécessite qu’un cap soit défini par la puissancepublique en concertation avec tous les acteurs concernés, sans opposer une énergie à une autreet sans dogmatisme. Explications pour l’Hémicycle avec la directrice de la stratégie de Total.

Transition énergétique

Un paquebot lourd,mais un cap volontariste

Helle Kristoffersen,directrice Stratégie et Intelligenceéconomique de Total.

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François Hollande est dan-gereusement affaibli. Il sem-ble avoir du temps devant

lui, mais la dégringolade dans lessondages s’accélère : 68 % des per-sonnes interrogées se déclarentmécontentes de leur Président, sil’on en croit un sondage Ifoppublié le 24 mars par Le Journal duDimanche, et il n’y aurait que 31 %de satisfaits… Un record après10 mois seulement à l’Élysée !...La poursuite de la montée inexo-rable du chômage, l’absence demarges de manœuvre financières,la discipline imposée par Bruxelleset les partenaires européens, lestiraillements au sein même de lamajorité et du peuple de gauche,la mobilisation qui ne faiblit pas,dans la rue, contre le mariage gaydécrédibilisent largement les effortsde François Hollande pour appa -raître comme le capitaine fédérantson équipage et gardant le cap dansla tempête.L’intervention du président de laRépublique le 28 mars sur France 2

face à David Pujadas n’aura rienapporté de nouveau. Des mots surdes maux… Le contenu de la boîteà outils était déjà connu, le choc

de simplification est annoncé dansl’organisation et les procéduresadministratives, mais il reste à fairedans le domaine de la com’.

François Hollande a eu le couragede se placer en première ligne, uti-lisant le « je » et oubliant au pas-sage son chef de gouvernement,Jean-Marc Ayrault. Ce faisant, ils’expose à la brutalité des statis-tiques économiques, aux humeursde l’opinion, et aux audaces conve-nues des journalistes, prompts àvouer aux gémonies ce qu’ils ontadoré.Ce n’est pas la première fois queFrançois Hollande prend desrisques. Cela peut lui coûter chersans forcément lui rapporter gros.Il a récemment effectué un voyagedans la France profonde, en Bour-gogne, au contact de la popula-tion, et le comportement à l’en-droit du chef de l’État est apparusouvent familier, voire irrévéren-cieux ; il persiste à choisir la voieparlementaire pour faire aboutirson projet de « mariage pour tous »qui divise les Français alors que devraies priorités nécessiteraientl’union nationale et la mobilisationde tous ; il a exposé le jeudi 28 mars

une série de mesures assez peu lisi-bles pour le grand public, sans véri-tablement être en mesure de fairerenaître une confiance qui, d’ail-leurs, on le sait, ne se décrète pas ;il est accusé par certains de « fairedes cadeaux aux patrons » alorsque les employeurs, pour leur part,se plaignent d’avoir été matraquésavant d’être cajolés ; les effets d’an-nonce (taxation à 75 % des hautsrevenus à la charge des entrepriseset non à celle des personnes phy-siques, remise en cause des alloca-tions familiales pour les ménagesles plus aisés…) sont de peu deportée sur les plans psychologiqueet politique.Même si la durée du mandat pré-sidentiel est passée de sept à cinqans, les choses vont de plus en plusvite en démocratie. Il ne serait del’intérêt de personne que des impa-tiences deviennent énervementset que des doutes se fassent jour surla légitimité de nos institutions etleur aptitude à affronter la crise.

Fabrice Le Quintrec

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Économie

Des mots sur des maux !

France et Italie stagnentselon l’OCDE

Les hommes politiques, dans un contexte de crise économique et sociale majeure, tententtoujours de faire illusion, mais ils n’ont guère de prise sur le cours des choses. Des forces pluspuissantes qu’eux-mêmes sont à l’œuvre, promesses et incantations n’y changeront rien !La France n’échappe pas à la règle.

L’OCDE demande à la zone euro de faire preuve deplus de souplesse dans la réduction des déficits et des’abstenir de prendre de nouvelles mesures de rigueurbudgétaire pour l’instant, même si cela « implique »de « ne pas respecter » les objectifs chiffrés.

Dans son « évaluation intéri-maire » pour les pays richesdu G7, l’Organisation de

coopération et de développementéconomiques (OCDE) estime quele rebond de la croissance au pre-mier semestre 2013 est plus fortque prévu aux États-Unis, au Japonet en Allemagne, tandis que laFrance et l’Italie, en stagnation ouen récession, semblent faire encoremoins bien qu’escompté. « L’écono-mie mondiale a connu un nouvel accèsde faiblesse à la fin de 2012, mais l’ac-tivité se redresse actuellement dansnombre de grandes économies », esti-ment les auteurs du rapport.

La croissance américaine devraitêtre proche de 0,9 % au premier tri-mestre 2013 par rapport au précé-dent, soit presque le double qu’at-tendu dans les dernières prévisionspubliées en novembre, puis de0,5 % au deuxième.Au Japon, les prévisions sont aussirevues en nette hausse : + 0,8 % surles trois premiers mois de l’annéeet + 0,5 % sur les trois suivants.« En Europe, il faudra sans doute atten-dre un peu plus longtemps pour connaî-tre une reprise significative », expliquel’OCDE. Dans la zone euro, en effet,les divergences s’accroissent. Lesprévisions sont relevées pour l’Alle-

magne, à environ + 0,6 % par tri-mestre, alors qu’elles sont abaisséespour la France (- 0,1 % puis + 0,1 %)et l’Italie (- 0,4 % puis - 0,2 %). « Lesengagements actuels en faveur d’unassainissement budgétaire structurel »,c’est-à-dire sans tenir compte deseffets de la conjoncture, « doivent êtrerespectés », affirme l’OCDE.Mais elle appelle à ne pas durcirl’austérité. « Cela implique, comptetenu de la mauvaise conjoncture,de ne pas respecter les objectifs dedéficit nominal », par exemple leretour à 3 % du PIB dès cette annéeprévu pour certains pays dont laFrance. J.G.

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Ardent défenseur d’une métropole Aix-Marseille-Provence, le président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur estime que la région profitera de la création d’une métropole « puissante et attractive ».Le projet de création d’unemétropole Aix-Marseille-Provencefait débat. Ainsi, Eugène Caselli,président de la Communautéurbaine Marseille-Provence-Métropole, propose-t-il son reportà 2016, pendant que 106 maires decommunes environnant Marseilleont signé une pétition contre lamétropole, proposant à la place unprojet alternatif, l’établissementpublic opérationnel de coopération,ou Epoc. Comment expliquez-vousces difficultés et notamment lesréticences des intercommunalitésvoisines ?Ces oppositions ne m’étonnentguère, car voilà cinquante ans,depuis l’émergence des premièrescommunautés urbaines en France,que Marseille et les autres pôles dedéveloppement importants desBouches-du-Rhône éprouvent desdifficultés à définir des stratégiescommunes et à les appliquer. Il y a,historiquement, des raisons poli-tiques à cela, mais aussi des causesculturelles, comme la rivalité entreAix et Marseille. L’esprit de coopé-ration a progressé grâce à la conso-lidation des intercommunalitésdepuis la loi Chevènement, maisles vieux réflexes sont toujours bienprésents. Le gouvernement a eu rai-son de prendre à bras-le-corps cettequestion d’organisation du terri-toire, ne serait-ce que pour que l’ontrouve des solutions aux dysfonc-tionnements multiples qui pénali-sent la vie quotidienne des habitantset l’attractivité de cette métropole,mais il y a eu sans doute des mala-dresses sur la méthode engagée lorsdes premières semaines. Je note, ausujet du projet alternatif que vousévoquez, celui de l’Epoc, que laRégion n’a jamais été associée nide près ni de loin à cette réflexion

alors qu’il s’agit pourtant bien dedessiner une nouvelle architecturede gouvernance sur la base d’uneautre répartition des compétences.

Le climat d’austérité actuel dansles finances gouvernementalesn’est-il pas justement un freinà la création de cette métropole ?Marylise Lebranchu a estimé à envi-ron 50 millions d’euros l’augmen-tation annuelle de la dotation del’État sur ce territoire grâce auschéma proposé. C’est un début deréponse. Il est vrai toutefois que ceclimat de lourdes contraintes bud-gétaires, qui frappe l’État mais aussitoutes les collectivités, alimente lacrainte de certains de devoir payerpour Marseille, qui connaît de trèsgraves difficultés économiques etsociales. Mais on oublie que sansune capitale régionale forte, c’esttout le territoire qui souffre et perdde son rayonnement.

De son côté, le Premier ministre aannoncé la création d’une missioninterministérielle qui va planchersur le projet. Avez-vous le sentimentd’avoir été écouté et entendu surcette mission, dont sera chargée laministre de la Réforme de l’État, dela Décentralisation et de la Fonctionpublique ?J’ai rencontré, dès le mois de sep-tembre, le Premier ministre à l’Hô-tel de Région pour évoquer ce dos-sier majeur. Je m’en suis entretenuégalement à plusieurs reprises avec Marylise Lebranchu, qui est inter-venue en assemblée plénière auConseil régional pour expliquer cequ’elle attendait de l’acte 3 de ladécentralisation, ainsi qu’avec lepréfet Théry, en charge de la ques-tion de la métropole. Je crois sin-cèrement que la parole de la Région

a été prise en compte dans l’avant-projet de loi, même si certainspoints très sensibles en matièrede compétences méritent encored’être éclaircis. Et nous allons conti-nuer à travailler avec la missionde préfiguration mise en place, carnous considérons que c’est notredevoir. Nous espérons ainsi pouvoircontribuer à rassurer et à rappro-cher les positions des uns et desautres tout en réaffirmant le rôlecentral que doit jouer la Région.

Vous êtes de votre côté un ferventdéfenseur de la future métropoleAix-Marseille-Provence. Pourquoi ?Quels avantages vont en tirerla métropole, les acteurs socio-économiques et les habitants ?J’ai toujours voulu éviter touteposition idéologique sur cette ques-tion sensible. Je ne suis pas pourla métropole, le fait métropolitains’impose à nous. À partir de là, ils’agit de trouver le mode d’orga-nisation le plus efficace possibletout en respectant la légitimité desélus désignés par le suffrage uni-versel et la singularité des terri-toires. Une Région forte a besoind’une métropole puissante etattractive, on le constate dans tousles grands pays européens, maisl’inverse est juste également. Queserait Barcelone sans la puissanceéconomique de la Catalogne ? Est-ce que la région Rhône-Alpes seraitaussi dynamique sans le rayonne-ment de Lyon ? C’est ce lien entrela capitale régionale et l’ensembledu territoire qu’il nous faut conso-lider aujourd’hui si la région Pro-vence-Alpes-Côte d’Azur veut s’af-firmer dans le paysage des pôlesd’avenir de l’Europe. Réussir cepari est un enjeu majeur pour laplace de la France en Méditerranée.

Comment s’articulerontles rapports entre la Régionet la métropole ?C’est là encore une question trèssensible et j’attendrais d’avoirconnaissance du projet de loi défi-nitif pour me prononcer. Nousserons attentifs à ce que ces rela-tions s’inscrivent bien dans le cadregénéral de l’acte 3 de la décentra-lisation, qui devrait réaffirmer, parexemple, le rôle moteur desRégions en matière de développe-ment économique, d’aménage-ment et de transports. Ce qui noussemble important, c’est que laRégion garde son rôle d’interface

entre l’État et les territoires, enl’occurrence les métropoles. Elledoit demeurer l’interlocuteur pri-vilégié de l’État, notamment enmatière de contractualisation.Nous y serons d’autant plus atten-tifs que cette région a pour singu-larité de compter potentiellementplusieurs métropoles, à des niveauxdivers, avec Nice voire Toulon, etqu’elle doit, de ce fait, veiller auxéquilibres globaux qui contribuentà l’identité et à l’harmonie dece territoire. La compétitivitédes métropoles ne doit pas seconstruire au détriment de la soli-darité des territoires.

« Sans une capitale régionale forte, c’est tout leterritoire qui souffre et perd de son rayonnement »

Michel Vauzelle, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.PHOTO JOHANNA LEGUERRE/AFP

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Provence-Alpes-Côte d’Azur

en partenariat avec la Région

par Éric Jolly

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200 millions d’euros ont étéconsacrés à l’événementMarseille-Provence 2013 Capitaleeuropéenne de la culture, auxquelsil faut ajouter les 50 projetsarchitecturaux, totalisantun investissement de plusde 600 millions d’euros.Quels sont les retours surinvestissement attendus ?L’événement Capitale européenneest une chance inédite pour ledéveloppement touristique, éco-nomique et urbain de la cité pho-céenne. Plus de 660 millions d’euros inves-tis pour bâtir et rénover les équi-pements culturels qui accueillentla programmation exceptionnelleconçue par l’association Marseille-Provence 2013. Un tel investisse-ment sur un tel territoire et en sipeu de temps : c’est du jamais vuen France.La perspective de l’Année Capitalenous a permis d’accélérer tous leschantiers, lancés pour renforcerl’offre culturelle et l’attractivité dela ville. Plus d’une cinquantaine deprojets ont été menés à bien. Unancien silo à grains désaffecté, sur-plombant la rade de Marseille, a ététransformé en salle de spectaclesavec vue sur mer. Le château de laBuzine, que Marcel Pagnol avaitbaptisé Château de ma mère, a ététransformé en cinémathèque. Lestrois musées majeurs de la villesont en cours de rénovation etd’agrandissement pour présenterau public des collections excep-tionnelles. 30 millions d’euros ontété notamment investis pour lemusée d’Histoire de Marseille, quiretracera l’incroyable destinée dela cité phocéenne. De sa fonda-tion par les Grecs en – 600 avantJ.-C. à la métropole euroméditer-ranéenne qu’elle est aujourd’huidevenue, Marseille y présenterason identité, marquée par 2 600ans d’existence. De nombreuxvestiges témoigneront de cetterichesse : une flottille de vaisseauxantiques unique au monde, lestombeaux de Malaval qui ont per-mis de comprendre la fabricationde l’huile sainte à l’époquepaléochrétienne, ou encore l’ancredu Grand-Saint-Antoine, le bateauqui conduisit la grande peste àMarseille en 1720…Tous ces équipements ont été réa-lisés dans la perspective de l’AnnéeCapitale. Ce n’est pas pour autantqu’ils fermeront leurs portes le

31 décembre 2013. Bien aucontraire, ils perdureront dans lesannées à venir, offrant aux Mar-seillais et aux visiteurs une offreculturelle à la hauteur des ambi-tions de la deuxième ville de France,carrefour de la Méditerranée.

Est-ce que ce sera rentable ?Bien sûr ! Au-delà de l’enrichisse-ment culturel dont je viens de vousparler, Marseille va accroître sonpotentiel touristique, continuera àattirer les investisseurs, qui per-mettront de créer de la croissanceéconomique et des emplois. Marseille est déjà la place forte dutourisme méditerranéen. Elle attirechaque année plus de quatre mil-lions de touristes et 910 000 croi-siéristes. C’est un secteur quireprésente au total plus de18 100 emplois. La cité phocéenneest connue dans le monde entierpour « la carte postale » : son cli-mat, ses calanques et Notre-Damede-la-Garde, silhouette protectricequi domine la ville. Marseille-Pro-vence 2013 nous offre la chance de

développer davantage le tourismeculturel, qui peut représenterjusqu’à 20 % des parts de marchétouristique.Au total, nous espérons doublerle nombre de touristes à Marseille,grâce à une programmationséquencée et des équipements quiouvriront tout au long de l’année. L’Année Capitale devrait générerun milliard d’euros de retombéeséconomiques dans l’économielocale. Une véritable aubaine pourles restaurateurs, les commerçantset tous les professionnels de larégion.

Marseille, Capitale européenne dela culture en 2013. Qu’est-ce quecela va apporter au-delà de laréférence à Marseille ? Le regardsur la ville va-t-il changer ?Pendant quelques mois, ladeuxième ville de France a subi unacharnement médiatique injustifié.Des règlements de comptes surfond de trafic de drogues ont ternil’image de la ville et on a vu appa-raître un nouveau phénomène,

que je dénonce très souvent : leMarseille bashing, alors que cesproblématiques sont communes àde nombreuses métropoles. Marseille n’est pas celle que l’on abien voulu nous montrer. Premierport de France, la populations’est constituée strate par strate,au fil des vagues de migration.Aujourd’hui, plus de 860 000 per-sonnes vivent et travaillent à Mar-seille. De nombreuses commu-nautés composent une mosaïquede cultures, de valeurs et de cultes.Mon rôle, en tant que maire, est defaire en sorte que tout le mondecohabite en harmonie, dans le res-pect de l’autre.La Capitale européenne de laculture permet à Marseille de mon-trer son vrai visage : celui d’uneville ouverte et dynamique où seconcentrent des équipements etdes collections universelles, de toutpremier plan. Elle accueille dans sesmusées tous les grands courantsartistiques et concentre des col-lections uniques au monde : del’art antique, préhistorique, del’égyptologie, de l’art contempo-rain, de la mode, de l’art déco-ratif, de l’art moderne, de l’artprimitif, du surréalisme, de l’im-pressionnisme… La cité phocéennecontient à elle seule des collectionsque l’on peut trouver dans les plusgrands musées de Paris et enEurope.Le New York Times a classé Mar-seille comme la deuxième ville dumonde à visiter en 2013 ! Plusqu’un changement d’image, Mar-seille bénéficie d’un nouveau sta-tut aux yeux du monde entier.

Êtes-vous satisfait de voirla population vibrer pourcet événement ?La mobilisation des Marseillaisdurant le week-end d’ouverture deMarseille-Provence 2013 m’a beau-coup ému. Plus de 400 000 per-sonnes se sont massées sur leVieux-Port pour crier au mondeleur joie d’être Capitale de laculture, leur fierté d’être Marseil-lais. En tant que maire, c’est unevéritable satisfaction.Depuis mon élection en 1995,j’œuvre pour décloisonner laculture et la rendre accessible auplus grand nombre. Ces 400 000personnes sur le Vieux-Port ont étéla meilleure réponse à ceux qui ontdit que Marseille-Provence 2013était réservée à une élite. Et ce n’est

pas fini. Bientôt, les arts de la rueenvahiront Marseille, une trans-humance défilera sur la Canebière,des concerts exceptionnels ferontvibrer le parc Borély et le Vieux-Portrefait à neuf et piétonnisé accueil-lera des spectacles inédits, commeLe Vieux-Port entre flammes et flots,les 3 et 4 mai prochains.

Nous sommes à un an desprochaines élections municipales.Quels doivent être les nouveauxobjectifs de la ville selon vous ?Plus que jamais, la ville doit setourner vers son avenir de métro-pole euroméditerranéenne. Chaquejour, nous tissons de nouveauxliens avec les pays du nordde l’Afrique qui, dans quelquesannées, connaîtront la même crois-sance que la Chine. Marseille seraalors la porte d’entrée naturellevers l’Union européenne. Comme depuis mon élection entant que maire, un seul objectifguide mon action politique : amé-liorer la vie des Marseillaises et desMarseillais. C’est pourquoi les grands projetsqui dessinent Marseille pour le futurse poursuivront bien au-delà de2013. Les lignes du tramway et dumétro seront agrandies pour faci-liter l’usage des transports en com-mun. Les Terrasses du port dugroupe Hammerson accueilleront160 commerces en bord de mer.Le stade Vélodrome est couvert etagrandi pour accueillir les matchsde l’Euro 2016. Par ailleurs, aprèsavoir été Capitale européenne de laculture en 2013, Marseille est désor-mais candidate pour être Capitaleeuropéenne du sport en 2017 !Encore un beau défi à relever…

Est-ce qu’une initiative commeMarseille 2013 peut contribuerà votre réélection ?Il est encore trop tôt pour tirer unbilan de MP 2013, tant sur le plantouristique, qu’économique etencore plus au niveau électoral.L’heure n’est pas encore venue deprétendre à des ambitions de cetype et je n’ai pas, personnelle-ment, pris de décision sur un éven-tuel quatrième mandat. Plus quejamais, il nous faut travailler pourfaire avancer Marseille. Au momentvenu, je dirai quelle sera ma déci-sion et je ne m’interdis rien. Marseille-Provence 2013 doit ser-vir les Marseillais et pas les ambi-tions personnelles !

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Spécial PACA

Pour le maire de Marseille, Marseille-Provence 2013 Capitale européenne de la culture,au-delà du seul événement, renforce l’attractivité de la ville pour les années futures.

« La ville doit se tourner vers son avenirde métropole euroméditerranéenne »

Le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. PHOTO BORIS HORVAT/AFP

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Marseille-Provence 2013 se caractérise par un investissement sans précédent et un déploiementdes manifestations sur tout le territoire.

Spécial PACA

Marseille-Provence 2013

La culture européenne rayonnesur tout le département

Marseille-Provence 2013s’étend sur cinq intercom-munalités (Marseille, Aix,

Martigues, Arles et Aubagne). 10 mil-lions de visiteurs sont attendus encette année emblématique, soit« deux millions de touristes addition-nels », déclare Jacques Pfister, prési-dent de la Chambre de commerce etd’industrie de Marseille-Provence etprésident de l’association Marseille-Provence 2013. De 600 à 700 mil-lions d’euros ont été investis, le bud-get de l’événement s’établissant à91 millions d’euros, un chiffre àcomparer aux 74 millions d’eurospour accueillir le même événementà Lille en 2004. Une cinquantaine de

projets architecturaux, financés à40 % par la ville, reconfigurent l’es-pace urbain, tel le musée des Civili-sations de l’Europe et de la Médi-terranée (MuCEM) sur 15 000 m2

par l’architecte Rudy Ricciotti (ouver-ture en mai), et redonnent lustre etattractivité à la ville.De premiers effets se font déjà sen-tir dans la vie quotidienne des Mar-seillais « avec de véritables avancéesenvironnementales », selon PierreSémériva, vice-président EELV deMarseille-Provence-Métropole. Il nereste ainsi que quatre voies de cir-culation, dont deux réservées auxbus et aux vélos, au lieu des huit ini-tiales, sur le quai de la Fraternité, en

bas de la Canebière. « Les travaux surle Vieux-Port ont permis aux piétonsou aux deux-roues de se réapproprierl’espace public », explique-t-il. Du côté des commerçants, aumoins 600 à 700 millions d’eurosde retombées directes sont atten-dues en 2013, avance de son côtéJacques Pfister. MP 2013 emploieraainsi 15 % de main-d’œuvre sup-plémentaire dans les services tou-ristiques et 25 % supplémentairedans les transports. Mais la « méta-morphose de Marseille, poursuit-il,c’est l’ensemble du départementqui en bénéficie », avec Aix-en-Provence, Martigues, Aubagne(trois villes qui ont d’ailleurs choisi

de ne pas intégrer la future métro-pole Marseille-Provence), Istres,Arles, Salon-de-Provence, Gar-danne, qui font partie du projet.« C’est un travail collectif entre demultiples collectivités indépendantesles unes des autres », plaide JacquesPfister. Gaby Charroux, maire deMartigues et député de la 13e cir-conscription des Bouches-du-Rhône, rappelle que sa commu-nauté d’agglomération du Pays deMartigues a contribué aux effortsà hauteur de 1,5 million d’eurospour accompagner l’événement :« M-P 2013 est un projet dans lequella ville de Martigues a toute sa place.La commune va bénéficier de l’image

Capitale européenne et valoriser ainsitous les efforts que nous entrepre-nons depuis des années tant enmatière de construction d’équipe-ments que dans la multiplicationd’actions… Nous espérons aussiqu’un événement de cette importancesaura faire apparaître tout ce qui faitla richesse et les attraits de nos ter-ritoires dans le département desBouches-du-Rhône… au-delà deMarseille. Et c’est d’ailleurs ce quenous défendons dans le débat surla construction métropolitaine auprèsde Marylise Lebranchu, ministrede la Réforme de l’État, de la Dé-centralisation et de la Fonctionpublique. »

Le parc national des Calanques, le premier de type périurbain en Europe, est devenu réalité.Malgré treize ans d’une gestation difficile, il sera pleinement opérationnel en 2013.

Les calanques, un territoire à préserver à tout prix

Le 18 avril 2012, le ministèrede l’Écologie, du Développe-ment durable, des Transports

et du Logement, créait par décret leparc national des Calanques,dixième du nom en France. S’éten-dant sur les trois communes litto-rales de Marseille, Cassis et La Cio-tat, il est ainsi le seul parc nationalà la fois terrestre, marin et périur-bain d’Europe, et le troisième parcurbain dans le monde, après ceuxde Sydney en Australie et de CapeTown en Afrique du Sud. Il com-prend 158 000 ha dont 90 % enmer, avec notamment 48 000 had’aire marine protégée (jusqu’à20 km de la côte).

Préserver un site exceptionnel« C’était une région en danger, en par-ticulier en raison des promoteurs im-mobiliers », déclare Danielle Milon,maire de Cassis et présidente del’Établissement public du parc na-tional des Calanques. Les autresdangers venaient de toutes parts,avec, par exemple, une pollutionrésiduelle des eaux, fragilisant labiodiversité exceptionnelle du lieuet entraînant la raréfaction du pois-son. Ce territoire à proximité desagglomérations subissait aussi lefait d’être un site exceptionnel,avec plus d’1,3 million de visiteurs

par an. La couronne urbaine et sagrande fréquentation en faisaientenfin un lieu propice aux départsde feu, avec un taux de grand feupresque double à celui du reste duterritoire des Bouches-du-Rhône.

Plusieurs solutions ont étéenvisagées avant la créationd’un parc nationalMais la gestation de ce parc, sousl’égide du groupement d’intérêt pu-blic (GIP) des calanques, aura prispas moins de 13 ans. « Plusieurs so-lutions avaient été envisagées, commecelles de parc naturel régional, deréserve naturelle, de création d’un syn-dicat mixte… mais l’outil le plus pro-tecteur pour l’environnement, c’étaitle parc national », indique LionelRoyer-Perreaut, adjoint de Guy Teissier, président de ce GIP et dé-puté des Bouches-du-Rhône. Dansun premier temps, il faudra d’abordréviser la loi de 1960 qui régit lesparcs nationaux, alors inconciliableavec l’existence d’une réserve auxportes d’une agglomération. Cequi sera fait en 2006. La loi revisitéepermettra ainsi la création d’uncœur de parc (s’étendant sur lestrois communes de Marseille,Cassis et La Ciotat), qui fait l’objetd’une stricte réglementation poursa préservation, ainsi qu’une zone

d’adhésion de la part des com-munes environnantes qui souhai-tent intégrer la charte tout en conci-liant « un développement urbain avecun développement durable ».

Le seul vignoble AOC au seind’un parc nationalUne phase de concertation activepeut alors débuter avec 350 réu-nions et plus de 800 heures dedébat, ce qui ne sera pas sansactiver des mécontentementscomme de la part de l’associationLes Amis de la rade et des ca-lanques, qui regroupe plusieurscentaines de pêcheurs profession-nels et du nautisme et qui dépo-sera le 25 mai 2012 un recoursdevant le Conseil d’État pour de-mander l’annulation du décret decréation du parc national desCalanques. Pour Danielle Milon,« complètement investie dans laprotection de ce site magnifique »,la concertation aurait dû êtreplus étendue dans sa durée. Cequi n’empêche pas de belles réus-sites comme lorsqu’elle a plaidépour les vignerons de Cassis, audépart de farouches opposants.« C’est aujourd’hui la seule AOC aumonde qui soit située dans un parcnational, lance-t-elle. C’est çà lebienfait de la concertation ! »

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Spécial PACA

Pour faire face aux mutations du paysage énergétique, le système électrique doit évoluer.Le contexte français et européen, dans lequel se sont développés les réseaux électriques,conduit à s’orienter vers le déploiement des technologies de smart grids ou réseaux intelligents.Explications et démonstration de Frédéric Busin, directeur ERDF Méditerranée grâceà l’expérimentation Nice Grid…

Les smart grids ?

ERDF prépare les réseauxde distribution du futur :c’est pour renforcerle service public ?ERDF se doit d’assurer un servicepublic de qualité notamment enalimentant la population d’un bienvital 24h/24h. En région PACA, noséquipes assurent chaque jour l’ex-ploitation, l’entretien et le déve-loppement de près de 85 300 kmde réseaux au service de plus de3,2millions de clients. Avec l’essor desénergies renouvelables, la croissancedes usages de l’électricité et d’unetrès forte demande, les véhiculesélectriques et la recharge de leursbatteries dans les villes, ou encorel’explosion des technologies del’information, la conception desréseaux doit s’adapter. À la croiséede ces enjeux, la réponse viendra desréseaux du futur dans l’intérêt duconsommateur et de la garantie duservice public.

Comment imaginez-vous lesréseaux intelligents de demain ?Le modèle historique va changer.Pour faire face aux mutations dupaysage énergétique, le système élec-trique devra savoir profiter desavancées des nouvelles technolo-gies de l’information et de la com-munication (NTIC) et imaginer denouveaux modes d’exploitation. Le déploiement des technologiesde « smart grids » ou réseaux intel-ligents pourra constituer une alter-native et/ou un complément auremplacement et au renforcementmassif des réseaux. Cela permettraune meilleure prise en comptedes actions de tous les acteurs dusystème électrique notammentles clients, les producteurs, touten garantissant une livraisond’électricité plus efficace, sûre etéconomiquement viable.Le système électrique sera ainsipiloté de manière plus flexible pourgérer les contraintes liées à l’inter-mittence des énergies renouvelableset au développement de nouveauxusages tels que le véhicule élec-trique. Ces contraintes vont entraî-ner l’évolution du système actueldans lequel l’équilibre en temps réelest assuré en adaptant la productionà la consommation vers un systèmeoù l’ajustement se fera davantagepar la demande. Le consommateur,

qui pourra suivre plus finement sesconsommations, deviendra ainsiun véritable acteur.Avec le développement des réseauxintelligents, les clients bénéficierontd’une meilleure qualité de serviceavec par exemple la possibilité d’in-tervenir à distance sur le compteur.

Le projet Nice Grid,en quoi consiste-t-il ?En région PACA, nous devonsaccueillir dans les meilleures condi-tions les énergies renouvelables,principalement photovoltaïques.Le projet Nice Grid a pour objectifde favoriser l’insertion massive

d’énergie photovoltaïque sur leréseau de distribution et de pousserl’approche jusqu’à tester le fonc-tionnement en « îlotage » d’unquartier équipé de ses propressources de production solaire etde stockage pilotées via les NTIC. Financé à la fois dans le cadre desInvestissements d’Avenir et surles fonds européens du projetGrid4EU, Nice Grid est l’un desplus grands démonstrateurs smartgrid français, véritable expérienceen grandeur nature. Situé à Carros, ville de 12 000 habi-tants de la plaine du Var sur le ter-ritoire de la communauté urbaine

Nice-Côte d’Azur, le projet couvreplusieurs zones : une partie rési-dentielle, des logements sociaux,une zone industrielle. Au total, cesont 1 500 clients résidentiels, pro-fessionnels et bâtiments publicséquipés de compteurs communi-cants Linky, 1re brique des réseauxdu futur. Le projet Nice Grid traiteraainsi, sur le périmètre de l’opéra-tion d’intérêt national de l’Éco-vallée de Nice, plusieurs probléma-tiques liées au concept de réseauxintelligents. Il facilitera notammentl’étude du comportement des clientsquant à leur gestion de la produc-tion et de la consommation d’élec-tricité. À terme, il étudiera égale-ment le stockage d’électricité parbatteries.Le consommateur contribuera ainsià l’équilibre offre-demande surle réseau et deviendra ainsi un« consom’acteur ».

Et qu’en est-il du principede la péréquation tarifaire ?La péréquation tarifaire est l’un desprincipes fondamentaux du servicepublic de l’électricité. Quel que soitl’endroit où vous résidez, le prix del’électricité reste le même, à niveaude service égal.Ce principe demeure et va s’enrichir.

Les véhicules électriques aurontaussi à terme des conséquencespour les réseaux ?ERDF a décidé de contribuer acti-vement au développement desvéhicules électriques. Deux chan-tiers essentiels ont été engagésdepuis 2010 en ce sens : l’utilisa-tion du nouveau compteur com-municant Linky pour permettreles échanges entre les différentsopérateurs de service et les clients,d’une part, la mise au point d’unplan d’équipement de bornes derecharge, d’autre part. ERDF est aux côtés des collectivitéslocales pour les accompagner dansleurs programmes locaux de déploie-ment de bornes de recharge. Elleles aide à maîtriser leurs coûts de rac-cordement et à mettre en cohérenceleurs choix d’investissement avecles autres innovations qui se pré-parent sur le réseau. Dans un envi-ronnement où les divers équipe-ments doivent de plus en plus êtreen mesure de communiquer entre

eux, il est en effet nécessaire de tra-vailler très en amont les questions d’inter-opérabilité et de normalisa-tion. Car un seul exemple démon-tre qu’il est nécessaire d’anticipertoutes ces questions. Sachez quedemain vouloir charger rapidementsa voiture en 10 minutes corres-pondra à la consommation d’unquartier ! La réponse nous viendrades réseaux intelligents. Cela nousoblige à inventer des concepts tech-nologiques qui n’existent pasencore. Nous sommes ainsi en trainde révolutionner nos métiers.

Dans ce domaine, les défissont immenses en PACA ?C’est exact. Les projets sont nom-breux et à grande échelle commeNice Grid.Pour mieux adapter le réseau dedistribution d’électricité aux nou-veaux usages liés au développe-ment du véhicule électrique, etcontribuer ainsi à sa généralisa-tion, ERDF est partie prenante d’unprojet pionnier de R&D nomméInfinidrive. Mis en œuvre par unconsortium de huit partenaires, ceprojet innovant, d’intérêt général,a obtenu le financement del’ADEME (Agence de l’environne-ment et de la maîtrise de l’énergie).Il permettra de concevoir un stan-dard de gestion intelligente desrecharges pour les flottes d’entre-prises, suite à une expérimenta-tion menée dans quatre villes :Nice, Grenoble, Nantes et Paris,où une centaine de véhicules élec-triques seront déployés, associés àdes bornes de recharge spécifiques.

Que doit-on retenir ? Nous allons développer un sys-tème de gestion de la productionet de la consommation locales quiaura pour avantage notammentde réduire les appels de puissancecoûteux en période de pointe.Nous étudierons aussi les modèlesd’affaires pouvant émerger à moyenet long terme. Nice Grid testerades programmes d’efficacité et degestion énergétique en fonctiondu comportement des consom-mateurs. Il donnera un tempsd’avance dans le domaine dessmarts grids au départementdes Alpes-Maritimes et à la régionProvence-Alpes-Côte d’Azur.

Frédéric Busin, directeur ERDF Méditerranée.

DR

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www.villa-mediterranee.orgregionpaca.fr

La Région accueille

la Méditerranée

Villa MéditerranéeCentre international pour le dialogue et les échanges en Méditerranée

Du 3 au 7 avril, élus locaux, société civile,parlementaires des pays de l’Union pour laMéditerranée ont rendez-vous à la Villa Méditerranéepour construire la communauté de destin de nos peuples.Ensemble, redonnons de l’espoir aux peuples méditerranéens.

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« Garantir et accélérer le développementéconomique de notre territoire »

Le nouveau tramway d’Avignon sur de bons rails

Le député-maire de Nice et président de la métropole Nice-Côte d’Azur prône un rapidedéveloppement économique du territoire tout en conciliant le principe de solidarité.

Le Grand Avignon va se doter d’un tramway à l’horizon 2016-2017, un puissant levier économiquepour une agglomération en rapide croissance ces dix dernières années.

La métropole Nice-Côte d’Azura été la première métropole fondéeen France. Qu’est-ce que celareprésente ?La réforme territoriale de 2010, vou-lue par Nicolas Sarkozy, a constituéune formidable avancée qui nous apermis de créer la première métro-pole de France. À l’heure où l’onparle tant de solidarité entre lesterritoires à l’échelle nationale,elle constitue un formidable outilde péréquation entre les espacesdu littoral et ceux des moyen ethaut pays.

Justement, pourquoi avez-vousfixé quatre secteurs prioritaires(logement, emploi etdéveloppement économique,proximité et solidarité avec lescommunes) dans vos priorités 2013pour la métropole Nice-Côte d’Azur ? Logement et emploi constituentaujourd’hui les préoccupationsprioritaires d’une large majorité denos concitoyens. Pour les jeunesqui débutent dans la vie active, larecherche d’un premier emploi vabien souvent de pair avec celle d’unlogement. Comment concevoir quel’on puisse demain fonder unefamille si l’on ne peut se loger dansde bonnes conditions et à un coûtmodéré ? Il en est de même pour lesactifs que nous souhaitons attirer surnotre territoire. Tous n’ont pas lesmoyens ou le souhait d’acquérir unlogement neuf.

Et la solidarité ?La solidarité est une caractéristiquemajeure de notre métropole, notam-ment à travers le versement d’une

dotation de solidarité métropoli-taine que chaque commune est libred’affecter. Mais c’est surtout enmatière d’investissements qu’elleest la plus significative, afin quechacune de nos communes disposedes équipements nécessaires.Ces investissements, du plus petit auplus important, répondent à uneexigence majeure à mes yeux :conserver et développer le lien deproximité qui existe entre chacun

des habitants de la métropole et sacommune, qui reste un élémentessentiel de l’identité locale.

Vous avez récemment annoncé desmesures pour aider les entreprises,notamment une aide jusqu’à200 000 euros à des créateursd’emplois. Qu’attendez-vousconcrètement de cette mesure ? Comme je le disais, le développe-ment économique de notre terri-

toire est une priorité. Cette mesure,qui fait partie d’un ensemble de dis-positifs destiné à toutes celles ettous ceux qui, en France ou à l’étran-ger, veulent investir et cherchentun territoire qui ait envie de lesaccueillir, a pour nom symbolique« passeport Nice-Côte d’Azur ». Ilsera délivré à toute entreprise quivient créer un nombre significatifd’emplois sur notre territoire, dansdes conditions que nous examine-rons au cas par cas afin d’être sou-ples et réactifs.

Et votre engagement d’instaurerun small business act françaispermettant de réserver aux PMEd’un territoire une part des marchéspublic comme cela se pratiquedepuis longtemps aux États-Unis ?En tant qu’ancien ministre de l’In-dustrie, je souhaite en effet menerune action volontariste en faveur dela sauvegarde des PME et des TPE denos régions. Au niveau national, lasurvie des PME et TPE est désor-mais menacée par la concurrencede sociétés étrangères n’ayant pas lemême niveau de contraintes socialesou environnementales. Les effetsde cette concurrence sur le tissulocal ont déjà provoqué la fragili-sation voire la disparition d’ungrand nombre de PME et de TPE.Si des mesures ne sont pas prisesrapidement cette destruction dra-matique de nos entreprises nepourra que s’accentuer. En tant que maire de la cinquièmeville de France, je suis aussiconfronté quotidiennement à cetétat de fait qui conduit les com-missions d’appel d’offres à ne pas

pouvoir privilégier les entrepriseslocales, voire même à attribuer àdes entreprises étrangères des mar-chés publics. Cette situation insup-portable pour de nombreux entre-preneurs ne peut plus durer !Les différents dispositifs que nousavons mis en place ont pour objec-tif de garantir et d’accélérer le déve-loppement économique de notreterritoire, tout en réaffirmant notresoutien à celles et ceux qui souhai-tent créer des emplois et de la richesse.

Oui. Et il y aussi les enjeuxautour du projet de l’Éco-Valléede la plaine du Var ?Avec l’opération d’intérêt nationalÉco-Vallée, j’ai souhaité modifierdurablement et intelligemmentnotre territoire. Il s’agit d’un projetd’aménagement et de développe-ment porté par un établissementpublic d’aménagement de l’État, encoopération avec les collectivitésterritoriales, qui s’étend sur 15 com-munes et 10 000 hectares, depuisl’aéroport jusqu’au nord de la plainedu Var. Elle vise à créer près de20 000 emplois d’ici à 15 ans, avecnotamment la création du GrandArénas et de la technopole urbaineNice Méridia. L’enjeu majeur restela diversification économique denotre territoire, notamment versles technologies innovantes, que cesoit dans les domaines liés au déve-loppement durable (eau, bâtiment,énergie, environnement, mobi-lité…) ou aux technologies de l’in-formation et des communicationset dans la convergence des tech-nologies entre ces deux secteursd’activités.

Le Grand Avignon ne pou-vait plus se passer d’unmoyen de transport collec-

tif à la mesure de sa croissance.Ainsi, cette agglomération, qui seclassait en 30e position en 1999en termes de bassin de population,se retrouve aujourd’hui en 16e posi-tion avec 507 000 habitants (justederrière Montpellier), soit un bondde population de + 76 % en 13 ans.Aucune des autres grandes agglo-

mérations n’a connu pendant cetemps un tel taux de croissance.« Ce tramway sera un véritable accé-lérateur du développement écono-mique de l’agglomération avignon-naise, un territoire formé par unemultitude de petites communes quis’ignorent, car elles ne sont pas connec-tées entre elles », explique FrançoisMariani, président de la Chambrede commerce et d’industrie d’Avi-gnon. Pour exemple, l’aire urbaine

de Saint-Étienne était en pleindéclin il y a 10 ans avant l’arrivéedu tramway. Depuis, elle est ren-trée dans le club des 25 premièresagglomérations de France (17e).Sur l’aire d’Avignon, quelque4 500 logements neufs devraientainsi être construits sur les 15-20prochaines années. Les deuxlignes de 14,5 km de longueur(450 000 voyageurs par jour atten-dus) permettront de desservir

36 000 logements et près d’uneentreprise sur deux (44 %), lesautres bénéficiant quant à ellesdu redéploiement du réseau debus. Autre levier économique,grâce à l’injection des 200 mil-lions d’euros dans l’économielocale, l’emploi devrait être dyna-misé avec une convention emploi-formation signée entre différentspartenaires dont l’agence Pôleemploi et la mise en place d’un

espace emploi-tramway, permet-tant aux entreprises de poserleurs besoins en main-d’œuvre.Quelque 1 000 emplois directs etindirects devraient être générés.Les travaux commenceront cetteannée, avec une inaugurationprévue fin 2016-début 2017. Il estprévu que ce tramway se prolongeà terme sur des zones avec un fortbassin d’emploi comme à Cour-tine ou Agroparc.

Christian Estrosi, député-maire de Nice et présidentde la métropole Nice-Côte d’Azur. PHOTO KENZO TRIBOUILLARD/AFP

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NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013 L’HÉMICYCLE 13

Spécial PACA

L’équipementier Daher a remporté en 2012 l’appel d’offres mondial lancé par ITER Organizationparmi 96 candidats. Ce contrat sur cinq ans (2012-2017) fait de l’équipementier de rang 1 pourles industries de haute technologie le partenaire unique pour le pilotage logistique global et letransport des grands composants nécessaires à la construction du réacteur expérimental situéà Cadarache (Bouches-du-Rhône). Son directeur des transports, M. Bonny, nous expliqueles enjeux de ce projet.

Provence-Alpes-Côtes d’Azur compte bien tirer profit du projet de réacteur expérimentalà fusion (ITER) en cours de construction à Cadarache.

Le réacteur expérimental àfusion ITER (InternationalThermonuclear Experimental

Reactor), situé à Cadarache, dansles Bouches-du-Rhône, est un pro-jet titanesque puisqu’il s’agit ni plusni moins que de « mettre le soleil enboîte » selon la formule consacrée descientifiques du Commissariat àl’énergie atomique. Il tentera dereproduire de façon expérimentalece qui se passe naturellement dansles étoiles, quand des noyaux d’hy-drogène fusionnent, libérant, pource faire, une incroyable quantitéd’énergie. Pas moins de 34 paysfinancent et participent à ce projet.La Chine, l’Inde, le Japon, la Corée,

la Fédération de Russie, et les États-Unis prennent chacun à leur charge9,1 % du coût de la construction etl’Europe les 45,5 % restants, laFrance mettant sur la table 20 % dela participation européenne.La région PACA et les collectivitéslocales se sont aussi largementimpliquées dans ce projet au bud-get colossal (13 milliards d’euros)avec une contribution totale de467 millions d’euros, dont 152 dela Région. « Les enjeux de ce projetscientifique international sont multi-ples et concernent au premier rang lesdomaines économique, à travers lacréation d’emplois et la sous-traitance,et scientifique, avec une stimulation

forte de la recherche régionale », sou-ligne Michel Vauzelle, présidentde la Région Provence-Alpes-Côted’Azur. Plus de 2 milliards d’eurosde contrats ont déjà été signés,dont la moitié avec des entreprisesfrançaises, parmi lesquelles les 2/3sont situées en région PACA. Mais si « c’est un des grands chantiersdu siècle », selon Michel Claessens,porte-parole d’ITER Organization,c’est aussi « une des grandes difficul-tés technologiques de ce siècle ». Car siles déchets générés par la fusionsont considérablement plus limitéscomparativement à l’activité descentrales nucléaires, cuire les com-bustibles (deutérium et tritium) à

plus de 100 millions (voire 150 mil-lions) de degrés dans une phase deproduction industrielle de longterme reste encore un défi techno-logique à relever.L’ITER est aujourd’hui en cours deconstruction. Les premières expé-riences sont prévues en 2020, et iln’y aura pas d’application indus-trielle avant 2040 ou 2050. Larentabilité n’est donc pas pour de-main, d’autant que son coût à laconstruction a plus que doublédepuis 2001. Pourtant, si la Ré-gion ne parvient pas de suite à« mettre le soleil en boîte », ces pro-chaines années elle compte bientirer parti d’avoir été la région

choisie pour la construction del’ITER. « Ce projet contribue égale-ment à la promotion internationalede la région dont le potentiel d’at-traction se voit renforcé par l’accueilde nouvelles compétences », affirmeMichel Vauzelle. Et là encore, ellesouhaite se tourner vers les éner-gies du futur. « Nous devons main-tenant profiter de ce projet pourorganiser et structurer une filière au-tour de toutes les énergies du futur,en lien, notamment, avec le pôle decompétitivité Capénergies et le projetde Cité des énergies entièrement dédiéaux énergies renouvelables, et en par-ticulier à l’énergie solaire », conclutle président de la Région.

Ce contrat est assez exemplairepour votre groupe ?C’est un contrat d’une grandeampleur, qui va permettre d’orga-niser et d’assurer l’acheminement detous les équipements en provenancedes 34 pays partenaires du projetITER. Les plus grands composantsarriveront par voie maritime detoutes les régions du monde au portde Fos-sur-Mer, puis traverserontl’étang de Berre par barge pouratteindre le port de La Pointe. De là,ils seront acheminés par convoisexceptionnels en empruntant « l’iti-néraire ITER » jusqu’à Cadarache.Nous serons ainsi le partenaireunique pour le pilotage global deplus d’1 million de composants per-mettant la construction du projet.Plus de 200 convois lourds et excep-tionnels devront ainsi empruntercet itinéraire spécial.

Où en êtes-vous actuellementde la mise en œuvre du projet ?La phase actuelle porte sur la pla-nification globale avec l’ensembledes acteurs en jeu avec lesquels nous

sommes en train de passer desconventions de partenariat. Le pre-mier transport à réaliser sera en faitun convoi test, qui aura lieu d’ici àla fin du premier semestre 2013.Sur l’itinéraire spécial ce convoi seraconstitué d’une maquette à l’iden-tique du plus gros convoi à trans-porter ultérieurement. Il utiliserades moyens exceptionnels pourtransporter cette maquette de 600tonnes afin de valider l’itinéraireITER qui a été aménagé entre Fos etCadarache.

Fallait-il des compétencesparticulières pour gagnerce contrat ?Nos compétences ont été primor-diales afin de remporter cet appeld’offres qui regroupait 96 concur-rents au départ et quatre finalistes.Nous sommes tout d’abord un équi-pementier nucléaire et nous avonscette connaissance sectorielle entermes de sécurité et de criticité. Celanous a aidés pour être sélectionnés.Le fait d’avoir industrialisé notredémarche de service a également

fait la différence. Daher est depuis150 ans un spécialiste du transportexceptionnel et est désormais le lea-der du Soutien Industriel IntégréTM,qui lui permet de sécuriser la qualitéde ses prestations.Le choix de Daher par ITER Orga-nization s’explique par la hautevaleur ajoutée de ses services, tantau niveau de l’ingénierie des trans-ports que du transport lui-même.Daher est en effet un transporteurde référence pour l’acheminementde pièces exceptionnelles dans les

grands secteurs industriels : aéro-nautique, nucléaire, énergie. Outrele transport de composants de cen-trales nucléaires, Daher a dans sonhistoire assuré notamment le trans-port d’aérostructures (ex. voiluresd’ATR, éléments hors gabarit duBeluga et de l’A380), de pâles d’éo-liennes ou encore de grands trans-formateurs électriques.

La signature de ce contrat renforce-t-elle votre capacité à développerdes offres innovantes ?

Oui, cela renforce clairement notrepositionnement dans le transportprojet pour les grands projets indus-triels mondiaux. Ce contrat ITER vaégalement nous permettre de mettreen place la Daher Control Room àMarignane. Cette « salle de contrôle»permettra de piloter, modéliser, simu-ler tous les acheminements afin d’or-chestrer les livraisons en fonction del’avancement du chantier et des éven-tuels aléas. Outre la modélisation del’exécution des transports, nous super-viserons la complexité logistique desacheminements afin de calculer, àdes intervalles de temps donnés, desitinéraires alternatifs pour certainsconvois qui tiendront compte descontraintes du site, des ressourcesdisponibles et des impératifs duchantier. Nous pourrons ainsi à termetraiter d’autres projets de transport,logistique, ou services industriels,dans notre logique de Soutien Indus-triel Intégré TM. Daher se renforceainsi également dans le sud de laFrance, où notre société a été fondéeil y a 150 ans. C’est emblématiquepour toute la région PACA.

Daher, le pilote logistique ettransport global du projet ITER

La Région mise sur les énergies du futur

La future salle de contrôle de Daher à Marignane.

DR

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14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013

Avec 12 à 13 % de sa surfaceagricole utile (SAU) consa-crée à l’agriculture biolo-

gique (AB), la région Provence-Alpes-Côtes d’Azur (PACA) se hisseau premier rang des régions deFrance, loin devant le Languedoc-Roussillon (9,3 %), deuxième, oula Corse (6,7 %), troisième, lamoyenne nationale s’approchantdes 4 % en 2013. Cette prévalencedes régions du sud de la Frances’explique d’abord par les condi-tions climatiques, avec un enso-leillement important et une plu-viométrie plutôt faible. Les cultures,moins soumises aux maladies trans-mises par les champignons ou bac-téries, ont un terreau favorable àleur classement en culture bio. L’analyse par culture traduit aussi

la spécificité de la région. Ainsi,40 % de la SAU bio de la région(35 000 ha) est constituée de sur-face toujours en herbe (STH),notamment dans les départementsdes Hautes-Alpes, Alpes-Maritimesou de Haute-Provence. « Ce sont descultures relativement faciles à conver-tir en AB, on n’y utilise pas de pesti-cides et pas ou quasiment pas d’en-grais », explique Fabien Bouvard,chargé de mission AB à la Cham-

bre régionale d’agriculture PACA.La seconde culture qui tire la régionvers le haut est la viticulture. Làencore, les faibles débits pluvio-métriques sont peu propices à l’ap-parition de maladies (et donc auxremèdes par des traitements desynthèse), et favorisent donc leurconversion AB. Le Vaucluse se dis-tingue nettement puisqu’il est lepremier département viticole biode France avec 8 500 ha en bio surun total de 50 000 ha (17 %). « Uneautre explication de l’engouement dela vallée du Rhône pour le bio provientdes années 2002-2003, à l’époqueoù des vignerons traditionnels, souf-frant de la conjoncture, ont cherchéd’autres débouchés commerciaux, enfranchissant la frontière du bio »,indique Fabien Bouvard.

À côté de ces cultures aisémentconvertibles en bio, il en est d’au-tres, comme celles des céréales,beaucoup plus difficiles à conver-tir. « Le passage à l’AB représente unvrai changement des pratiques pro-fessionnelles, au niveau matériel,organisation de travail, rotation descultures, débouchés commerciaux…Tous ceux qui pouvaient le faire rapi-dement l’ont fait. Les autres ont plusde travail avant d’y parvenir. » Ainsi,

la conversion des cultures de fruitset de pommes en AB (+ 31 % de2010 à 2011) a été dynamique surles deux dernières années, mais larégion possédait beaucoup deretard en la matière. La culture deslégumes reste encore en retrait.« Leur conversion en AB passe parl’installation de jeunes agriculteurshors cadre familial, l’évolution estdonc plus lente que pour les autrescultures », explique Fabien Bouvard.Produire en bio, cela coûte cher,surtout les premières années. « La

PAC fournit des aides aux agricul-teurs pour chaque hectare converti enbio selon un barème variable, pour-suit Fabien Bouvard, mais elles per-mettent juste de maintenir les exploi-tations à flot pendant cette période deconversion, car tout coûte plus cher cespremières années. » Les agriculteurspeuvent aussi trouver conseilauprès des Chambres régionalesd’agriculture et de la Fédérationnationale de l’agriculture biolo-gique (Fnab), dont les missionssont d’organiser l’accompagne-

ment des conversions. D’autrestrains de mesures pour dévelop-per l’AB sont attendus en juinprochain avec le plan « AmbitionsBio 2017 », qui a pour objectif dedoubler la part des surfaces bio. Leplan sera mis en œuvre conjoin-tement avec les régions qui le sou-haiteront. « L’agriculture biologiquen’est plus une agriculture marginale,mais a totalement sa place dans l’agri-culture globale d’aujourd’hui », rap-pelle Stéphane Le Foll, ministre del’Agriculture.

Spécial PACA

Le bio s’implante durablementen région PACALa région est la première de France à consacrer autant de sa surface agricole utile (SAU)à l’agriculture biologique.

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Accélérateur du développement économique

Le tram est un puissant levier de développement éco-nomique et urbain. Là où il passe les logements se construisent, les activités commerciales et les entreprises s’implantent, les biens immobiliers se valorisent. La ville de demain, plus durable et économe en énergie, grandit autour des axes de tram. Le tram ce sont aussi des créations d’emplois directes en phase travaux, des marchés pour les entreprises locales, des opportunités pour favoriser

mot l’accélérateur de développement économique dont le

Grand Avignon

VOTRE TRAM DEMAIN

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à la réalisation du chantier

44% des emplois

de l’agglomération à moins de 500 m

d’une station

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NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013 L’HÉMICYCLE 15

Technologies

L’ANFR garantit la bonne marchede l’expérimentation en se posi-tionnant à la frontière entre les

deux usagers : la télévision numériqueterrestre et les opérateurs de télécoms »,a expliqué son directeur généralGilles Brégant. « Il y a une frontièreentre les bandes de fréquence et on s’as-sure que tout se passe bien, et en par-ticulier qu’en cas d’interférences sur latélévision, les plaintes sont traitées parles opérateurs », ajoute-t-il.La quatrième génération de télé-

phonie mobile, qui sera à la 3G ceque la fibre optique est à l’ADSL,fonctionne sur deux bandes de fré-quences : le 2,6 GHz, qui est en coursde déploiement, et le 800 MHz, issude la libération de la bande de fré-quence par la télévision analogique,au moment du passage à la TNT.Cette bande de fréquence des800 MHz est appelée la « fréquenceen or » par les opérateurs, car elle per-met une très bonne couverture dansles zones rurales et une meilleure

pénétration dans les bâtiments enville. La seule difficulté est que l’uti-lisation de la bande des 800 MHzprésente des risques de brouillage dela TNT. Les opérateurs ont donc toutintérêt à effectuer des tests préala-bles pour savoir quels seront les pro-blèmes rencontrés et les moyens àmettre en œuvre pour y faire face.De premiers tests réalisés sous l’égidede l’ANFR en 2011 dans la ville deLaval ont montré que les brouillagespouvaient être résolus par la pose

d’un filtre entre l’antenne et le postede télévision, selon les opérateurs. Letest commun mené à Saint-Étiennepar les trois opérateurs détenteursde la fréquence 800 MHz, Orange,SFR et Bouygues Telecom (l’offre deFree n’ayant pas été retenue lors decet appel d’offres) doit maintenantpermettre de mesurer l’ampleur duphénomène. L’ANFR recueillera leséventuelles plaintes sur le numéro0970 818 818, auprès de télécon-seillers qui les répercuteront aux opé-

rateurs concernés. L’interventionsera à la charge des opérateurs.Un premier bilan aura lieu à l’été,selon M. Brégant, et à l’issue de l’expérimentation, les opérateursauront les données nécessaires pour« passer à la phase industrielle » dudéveloppement d’un réseau 4G en800 MHz et mettre en œuvre son« lancement commercial ». Ce test serasuivi d’une ouverture commercialede la 4G 800 MHz par les trois opé-rateurs à Saint-Étienne. J.G.

L’ANSSI est rattachée au secré-tariat général de la Défense etde la Sécurité nationale, un

service du Premier ministre. Crééeen 2009 pour prévenir les cyberat-taques contre l’État, elle est notam-ment dotée d’une « brigade d’in-tervention » capable d’intervenirdès l’apparition de « premiers indicesd’une attaque informatique ».« Les niveaux de protection en termesde cybersécurité restent insuffisants dansles entreprises et les administrations »,a résumé lors d’un point presse Vin-cent Chriqui, directeur général duCentre d’analyse stratégique.Cette institution d’expertise et d’aideà la décision, placée auprès du Pre-mier ministre, préconise, dans une« note d’analyse », d’« élargir les mis-sions de l’ANSSI pour accompagner ledéveloppement de l’offre française dessolutions de cybersécurité ».

L’ANSSI pourrait, par exemple, sevoir dotée d’« un rôle un peu contrai-gnant, un rôle de validation et decontre-expertise concernant l’effica-cité » des solutions de protectiondéployées par chaque entreprise, acommenté M. Chriqui. Dans le casplus spécifique des PME et TPE,« il est nécessaire de leur proposer desapproches simples pour analyser leurspratiques informatiques et leur niveaud’exposition aux cyberattaques », viades produits clés en main fournispar l’ANSSI ou l’association indé-pendante Clusif.« La cybersécurité absolue n’existepas, mais il reste encore beaucoup àfaire. Les entreprises considèrent encoresouvent que les dépenses en sécuritéinformatique doivent être réduites, carelles ne génèrent pas de profit », arappelé Vincent Chriqui.

J.G.

4G/TNT : expérimentation Orange,SFR et Bouygues à Saint-Étienne

Élargir les missionsde l’ANSSI

Les opérateurs Orange, SFR et Bouygues Telecom vont lancer début avril à Saint-Étienne uneexpérimentation commune de déploiement de téléphonie mobile 4G en 800 MHz pour testerun éventuel brouillage de la TNT, sous l’égide de l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

Les missions de l’Agence nationalede la sécurité des systèmesd’information (ANSSI) devraientêtre renforcées afin d’aider lesentreprises et les administrationsà mieux se protéger descyberattaques, préconise unrapport du Centre d’analysestratégique.

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La compétitivité des secteursénergétiques ne mérite-t-ellepas d’être priorisée pour ne

pas affecter ce secteur essentiel denotre économie ? C’était l’une desquestions clés de ce débat, amorcépar l’Institut Montaigne et suivipar plus d’une centaine de parti-cipants venus écouter les réflexionsde Delphine Batho.La ministre de l’Écologie, du Déve-loppement durable et de l’Énergiea rappelé que ce débat sur la tran-sition énergétique allait entrer dansles semaines à venir dans une nou-velle phase assez inédite « Ce débatnational nous amène à mobiliser nonseulement les experts, les corps inter-médiaires, les élus locaux et les terri-toires, mais aussi les ONG environ-nementales et les citoyens. C’est unexercice de démocratie participativeassez inédit. » Pour la ministre, il ya en effet urgence. « C’est une néces-sité absolue par rapport à la haussestructurelle des coûts de l’énergie.Dans notre pays, la précarité énergé-tique explose. Nous comptons 8 mil-lions de Français en situation difficile.Pour les entreprises, c’est aussi unenjeu majeur de compétitivité, car en2012 nous avons enregistré 69 mil-liards de déficit du commerce extérieurlié aux importations d’hydrocarbures.C’est donc une question économiquequi nécessite de se poser cette questionde la transition énergétique. Beau-coup de pays en Europe réexaminentleur politique de l’énergie. Ma convic-tion est qu’il faut construire un modèlefrançais de transition énergétique quisoit aussi un projet fédérateur. Nousavons les entreprises françaises de cesecteur les plus réputées et le poten-tiel est considérable. »

Quatre prioritésDelphine Batho a ensuite fixé cequi lui semble être les quatre prio-rités du débat actuellement encours. La première est celle deséconomies d’énergie indispensa-bles à réaliser, car la situation estsur ce point médiocre. « Sur l’ob-jectif d’y arriver et d’atteindre les20 % d’économie d’ici à 2020, nousn’en sommes seulement qu’à 3 %.

Or, nous avons un gisement considé-rable d’économies d’énergie qui peutnous permettre d’économiser de pré-cieux milliards sur le déficit de labalance commerciale et de contribuerà améliorer le pouvoir d’achat desfamilles et qui est aussi un défi indus-triel grâce au développement des tech-nologies de l’efficacité et de la perfor-mance énergétique. Il faut que ce débatsur la transition énergétique permettede mettre en place une grande politiquepublique de la consommation d’éner-gie vertueuse pour les citoyens et lesentreprises. Cette politique nécessiteque l’on adresse les bons signaux auconsommateur. C’est la raison pourlaquelle nous avons mis en place cesignal du bonus-malus pour impliquerchacun d’entre nous et modifier lescomportements. » Mais DelphineBatho a reconnu qu’une politiqueefficace d’économies d’énergiedevait par exemple nécessiter lamise en place du tiers financeurpour construire un modèle finan-cier efficace et parvenir à construirecette politique incitative d’écono-mies d’énergie.

Le deuxième enjeu pour la minis-tre est celui du modèle français dumix énergétique à construire. « Surce point, l’urgence est de réduire notredépendance aux hydrocarbures. »La troisième priorité est celle desénergies renouvelables et des éner-gies vertes alors que la France esttrès en retard dans ce domaine.« Il ne faut pas laisser à l’Allemagneou à la Chine la maîtrise des techno-logies vertes. La France devra êtrecitée à l’avenir comme un exemplelorsque l’on parlera des filières indus-trielles sur les énergies renouvelables.On ne s’est pas posé la questionjusqu’à présent de la maîtrise destechnologies et du développementindustriel qui l’accompagne. Il fautréexaminer les dispositifs de soutienaux énergies renouvelables et favori-ser leur développement et réfléchiraux manières d’encourager les collec-tivités territoriales pour qu’elles inves-tissent dans ce secteur tout en gardantle principe de la péréquation enmatière de tarif de l’électricité. »Enfin, la dernière priorité est celledes financements, comme a tenu

à le préciser Delphine Batho.« C’est la question essentielle del’équation économique à trouver dansun contexte où la France va devoirfaire des investissements considéra-bles en termes de moyens de produc-tion, de réseaux de transport de l’élec-tricité, tout en faisant en sorte que cesinvestissements puissent être soute-nables pour les ménages et les entre-prises, notamment les entreprisesélectro-intensives, qui doivent béné-ficier de contrats de long termeen matière d’approvisionnementénergétique. »

L’Europe : le continent dela transition énergétique L’enjeu est aussi européen, a sou-ligné la ministre en conclusionde son intervention. « Il y aura, le22 mai prochain, un conseil européenconsacré à la politique de l’énergie.C’est une occasion que la France doitsaisir. La politique de l’énergie doitredevenir un des piliers de la construc-tion européenne. Nous avons besoind’une stratégie européenne en matièred’investissement, de contrat de long

terme pour la compétitivité de l’Europe,de financement des économies d’éner-gie au travers de la banque euro-péenne d’investissement. Il y a unenjeu majeur. L’Europe doit se don-ner les moyens de devenir le conti-nent de la transition énergétique.Cela ne veut pas dire cependant qu’ilfaille remettre en cause la souverai-neté nationale. Chaque État doitpouvoir faire ses propres choix enmatière de mix énergétique touten articulant ses propres décisions etcette nouvelle étape de la construc-tion européenne de la politique del’énergie. »

Quelques-unes desquestions posées

FRÉDÉRIC DE MANEVILLEPRÉSIDENT DE VATTENFALL

Votre prédécesseur, Jean-LouisBorloo, avait lancé un plan derelance de l’hydroélectricitéfrançaise, avec notamment la miseen concurrence des concessionshydrauliques et une productionplus importante. Trois ans plustard tout est bloqué. Allez-vousrelancer ce plan ?

Delphine Batho : Le plan Borloo n'apas vu le jour. C’est le constat quej’ai pu faire en prenant mes fonc-tions. Ce qui avait été annoncé n’ajamais été mis en œuvre. Noussommes dans une situation d’at-tente qui s’est créée pour l’hydro-électricité. C’est une ressourceconsidérable et je considère quec’est un patrimoine national. Sonavenir fait partie du débat natio-nal sur la transition énergétiqueet des décisions seront prises d’iciau mois de juillet sur l’avenir desconcessions. Je rappelle que la com-mission des Affaires économiquesde l’Assemblée nationale doit rendre un rapport prochainement.Nous avons un potentiel d’opti-misation qui est important, d’au-tant que l’hydroélectricité offredes potentialités en ce qui concernel’intermittence. Un travail est aussien cours sur la loi sur l’eau.

16 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013

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Construire le modèle françaisde la transition énergétiqueDelphine Batho, la ministre de l’ Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, invitéedes premières rencontres de l’Hémicycle, organisées en partenariat avec l’Institut Montaigneau Conseil constitutionnel, a clairement indiqué les quatre priorités de la transition énergétiqueen France. Elle a aussi rappelé que ce débat s’inscrivait à l’échelle européenne. Pour la ministre :« L’ Europe doit se donner les moyens de devenir le continent de la transition énergétique. »

Les rencontres de l’Hémicycle

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BRUNO GOFFÉDIRECTEUR DE RECHERCHES CNRS-INSU

A-t-on des gaz de schiste enFrance ? J’ai plutôt le sentimentque nous ne disposons que deschiste à gaz ?

Delphine Batho : La question quevous posez est assez théoriquepuisque la seule technique d’ex-ploitation des gaz de schiste est lafracturation hydraulique. Mêmele président de Total le reconnaît.C’est la seule technique d’exploi-tation des gaz de schiste pour les20 ans à venir. J’observe que l’Al-lemagne va interdire le recours àcette technique dans les zones oùil y a des nappes phréatiques.

PIERRE MONGIN PDG DE LA RATP

Je voudrais apporter untémoignage. Notre secteur a besoinde trouver une solution technique àla valorisation du prix du carbone.C’est un point fondamental dansla perspective de grandsinvestissements comme ceux quiont été annoncés par le Premierministre pour changer le type demobilité dans l’agglomérationfrancilienne. La valorisation ducarbone qui va être économisé endoublant la longueur dekilométrage des lignes de métrod’ici à 2030 serait un élément quipermettrait de relancer la machineéconomique nationale eteuropéenne. Nous avons depuis8 ans augmenté de 12 % notreoffre de transport. Dans le mêmetemps nous avons augmenté notreconsommation énergétique de 7 %.En revanche, dans la mêmepériode, la facture énergétique de laRATP a progressé de plus de 80 %.À défaut d’avoir un prix du marchécarbone qui fonctionne, il seraitnécessaire que le secteur dutransport puisse continuer debénéficier du tarif de l’ARENHau-delà de 2015.

Delphine Batho : Pour le carbone,notre conviction est que nous nepouvons plus être simplementdans une approche technique duprix. C’est un problème de gou-vernance. Il faut trouver des méca-nismes pour réformer et structurerles prix du marché du carbone auniveau européen.La question de la fiscalité et descoûts est centrale dans le débat surla transition énergétique. Elle estessentielle pour la compétitivité denos entreprises et pour les ménages.Nous aurons des choix à faire entermes de coûts et de tarifs. L’enjeuest très important. Il faut prendreen compte tous ces paramètres et larentabilité de chaque technologiepar rapport à ses coûts. Mais ce nepeut pas être le seul critère, sinonc’est le retour du charbon enEurope ! La question de la recherchetechnologique et des brevets est

aussi essentielle, tout comme le tra-vail en commun nécessaire entre lesgrandes entreprises.Le modèle français implique pourmoi de ne pas diminuer la part dunucléaire dans le mix énergétiquefrançais. Ce serait un non-sens !

MANOËLLE LEPOUTREDIRECTRICE DU DÉVELOPPEMENTDURABLE CHEZ TOTAL

Total contribue à la transitionénergétique dans de nombreuxpays. Nous aimerions faire valoirquatre points essentiels dans ce

débat. Le premier point est derecenser ses ressources naturelleset patrimoniales. Chaque État ases ressources et il est importantd’en faire un bilan. Le deuxièmepoint est celui de la maturitétechnologique des différentesfilières, qui implique desinvestissements recherche,mais aussi une mesure de tempset d’économie.Le troisième point nécessited’intégrer la notion d’accessibilitéà l’énergie et nous travaillonsà ces questions sur la planèteentière. Enfin le dernier point estcelui qui concerne l’intégrationdes connaissances que l’on a surles impacts environnementauxde toutes les filières et leuracceptabilité. Je pense quel’efficacité énergétique estessentielle. Elle est au cœur denotre activité. Cela demande desinvestissements en organisationmais aussi en recherche etdéveloppement. On se doit detravailler à des solutionsefficaces. En Europe le charbonreste important et sa substitutionpar le gaz permet de diviser pardeux les émissions de CO2.Quant au gaz de schiste, je ne suispas en accord avec vous sur le côtéthéorique du débat sur le gaz deschiste. Certes la fracturationhydraulique est le seul moyenaujourd’hui pour le produire. Mais lafracturation hydraulique en Francea été faite par le passé, sans dégâtssur l’environnement. On en faitdans le cadre de la géothermie sansdégâts sur l’environnement. Nousrespectons la loi, mais dommageque la France n’évalue pas sesressources. Ce serait pourtantnécessaire dans la réflexion surl’avenir de la transition énergétique.

NUMÉRO 462, MERCREDI 3 AVRIL 2013 L’HÉMICYCLE 17

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Les rencontres de l’Hémicycle

Jean-Paul Tran-Thiet(White & Case)

Manoëlle Lepoutre (Total)

Bruno Goffé (CNRS)

Laurent Bigorgne(Institut Montaigne)

Thierry Wahl(Comité de pilotage dudébat sur la transition énergétique)

Philippe Jurgensen(Inspection des finances)

Frédéric de Maneville (Vattenfall)

Bertrand Collomb(Groupe Lafarge)

Remi Dorval(La Fabrique de la Cité)

Delphine Batho et Bruno Pelletier (L’Hémicycle) Jacques Lefort (Dalkia France)

Pierre Mongin (RATP)

Michel Derdevet (ERDF)

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Delphine Batho : Je l’assume. Je nesuis pas favorable à l’utilisationd’une technique qui est un non-sens historique et qui produirait aufinal plus de CO2.

MICHEL DERDEVETSECRÉTAIRE GÉNÉRAL D’ERDFET MEMBRE DU DIRECTOIRE

Le droit de l’énergie est codifiéet l’on se rend compte que c’estun empilement de textes de loiset de règlements. De mon pointde vue, la question de lasimplification est liée àl’efficacité de la transitionénergétique. La faisabilité vadépendre des textes. Y a-t-ilun chantier simplification etadaptation du droit qui seraengagé ? Comment voyez-vousl’articulation entre un droitplus efficace et simplifiéet une participation accruedes citoyens ?

Delphine Batho : Sur la simplificationdu droit de l’énergie, elle est plusfacile à souhaiter qu’à mettre enœuvre. Quiconque se penche dansle détail des textes peut constaterque les rédactions sont assez com-pliquées notamment en matièretarifaire. Je ne peux qu’être favora-ble à des simplifications. Mais ilfaut tenir compte de la sécurité juri-dique des textes pour éviter que leConseil d’État n’en annule certains !Un audit sur les coûts de l’électri-cité doit aussi permettre cetteremise à plat des tarifs et donc destextes qui en découlent.Le coût de l’énergie est la questioncentrale dans ce débat sur la tran-sition énergétique.

RÉMI DORVALPRÉSIDENT DE LA FABRIQUEDE LA CITÉ - VINCI

Le rôle des collectivités localesest important dans la politique

énergétique. Les énergiesrenouvelables donneront plus deplace à l’avenir au local. Commentcela va-t-il se traduire en Francedans le cadre de ladécentralisation ? Y aura-t-il plusde compétences accordées au planlocal ? Quel sera le rapport entrel’État et les territoires ?

Delphine Batho : Il faut un soutienpublic aux énergies renouvelablespour les amener à maturité et il ya un besoin de stabilité. Jusqu’àprésent le développement de cesénergies renouvelables a étéfinancé par la dette d’EDF. Il fautun système de gouvernance quipermette de revisiter ces choix àmesure des avancées technolo-giques. En ce qui concerne la com-pétence des collectivités, beaucoupdes projets sont portés par elles. Cequ’il faut c’est que l’on arrive àlibérer ces énergies territoriales. La

question est de savoir commentarticuler cette capacité d’innova-tion des territoires avec le fait quenous ayons besoin d’un modèlesécurisé d’approvisionnement àl’échelle nationale. Une des ques-tions sera l’intégration au réseaudes énergies renouvelables et unedes pistes est celle de l’auto-consommation grâce aux réseauxintelligents à développer. Mais iln’y a pas pour l’instant de solutionjuridique toute faite pour les col-lectivités territoriales. En conclusion, sachez que lecomité national va réaliser desauditions publiques. En mai uncomité citoyen sera organisé danschaque région pour nourrir cedébat. Fin juin, des recommanda-tions seront établies et le gouver-nement s’est engagé à tenir comptede ces recommandations dans la loide programmation. Le parlementest souverain et ce sera à lui devoter la loi.

Compte rendupar Joël Genard

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Delphine Batho « regrette » la décision de Bosch de céder son site de Vénissieux (Rhône)et rappelle qu’il revient au groupe allemand « de trouver un repreneur ».

L’avenir du site Bosch de Vénissieux

Dans un communiqué, Del-phine Batho et Arnaud Mon-tebourg, concerné également

par cette décision du groupe Bosch,précisent que « le gouvernement tra-vaillera étroitement avec la directionde l’entreprise et les organisations syn-dicales pour accompagner ce processusde mutation » de ce site d’assemblagede modules photovoltaïques.Ils ne veulent « pas voir abandonnél’outil industriel de la transition éner-gétique qu’est l’usine de Vénissieux ».

« Il revient au groupe Bosch de trouverun repreneur qui continuera l’activitéindustrielle et la développera dans ladurée. Le gouvernement travaillera étroi-tement avec la direction de l’entrepriseet les organisations syndicales pouraccompagner ce processus de mutation»,poursuit le communiqué. La déci-sion de Bosch « s’inscrit dans uncontexte de crise du marché photovol-taïque mondial, qui est marqué par dessurcapacités de production importantes,une guerre des prix exacerbée et le dépôt

de bilan des deux leaders mondiaux,l’entreprise allemande Q-Cells, rachetéepar le Coréen Hanwa, et l’entreprisechinoise Suntech », reconnaissentles ministres. Le géant industriel alle-mand Bosch a annoncé vendredison retrait du photovoltaïque, secteuren crise en Europe, et la vente ou lafermeture de toutes ses unités, dontcelle de modules située à Vénissieux.De son côté, le président de BoschFrance, Guy Maugis, s’est dit « per-suadé » vendredi de trouver un

repreneur pour son site. « Noussommes à la recherche d’un repreneuret pour l’instant nous n’envisageons pasl’option contraire », a déclaré M. Mau-gis au cours d’une conférence depresse. Il a souligné que l’objectif dugroupe était d’aboutir, d’ici à 2014,à une solution pérennisant un maxi-mum d’emplois sur les 200 concer-nés par l’arrêt des activités photo-voltaïques sur le site de la banlieuelyonnaise (sur 1 000 salariés autotal). Selon lui, « l’usine est flambant

neuve, entièrement automatisée et lescarnets de commande sont pleins pourau moins six mois, voire plus ». « Lesite va continuer à fournir les clientsen attente d’être livrés », a-t-il dit. Deleur côté, les ministres ont mis enavant une usine « équipée de deuxlignes de production d’une capacitéannuelle de 160 mégawatts, quiemploie 230 personnes et constituel’installation la plus grande en Francede ce genre et l’une des plus moderneset performantes en Europe ». J.G.

Conseil constitutionnel, le 25 mars 2013. Les premières rencontres de l’Hémicycle, en partenariat avec l’Institut Montaigne, ont réuni plusd’une centaine d’invités autour du thème de la transition énergétique.

Retrouvez l’intégralité de cette rencontre surwww.lhemicycle.com

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Les rencontres de l’Hémicycle

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L’admiroir

De sa jeunesse dacquoise,dans les Landes, Anne-Marie Escoffier garde le sou-

venir des courses de vachettes auxcornes « emboulées », de la liesse desfêtes de Dax, de la puissance tran-quille de l’Adour, où se reflétaientles joues ocre des frontons depelote. Fille d’un « médecin desentreprises malades », comme ellequalifie le métier paternel d’ingé-nieur-conseil fiduciaire, la minis-tre déléguée chargée de la Décen-tralisation a connu très tôt cetteFrance que l’on dit profonde augré des affectations de son père,venu au secours ici des parapluiesdu Cantal, ou là de la bonneteriede Roanne. « Ma ville de cœur »,c’est Lyon, dit l’ancienne préfète del’Aveyron, rappelant ses années defaculté dans la capitale des Gaules.C’est d’ailleurs dans le trésor intel-lectuel de ses années d’étudiante –elle deviendra professeur de lettresclassiques et d’italien – qu’Anne-Marie Escoffier puise une dette sansfin envers Dante. Ce compagnonde Capes et « d’agrègue » ne l’ajamais quittée, car il parle du « sensde la vie », de l’essence des choses.« Le lire, dit-elle, (évidemment, ellele lit en italien), c’est aller vers lesgrands philosophes, comme saint Tho-mas. Dante n’est pas politique entant que tel, mais il met en avant lesvaleurs de générosité, l’écoute de l’au-tre, avec une réflexion profonde surl’individu et non sur la personne. »La distinction qu’elle fait entre lesdeux notions met en lumière sescompétences de philologue, c’est-à-dire de linguiste. « En étymologiegrecque et latine, explique l’anciennesénatrice de l’Aveyron, la personnesignifie le masque et le personnage quise cache derrière. Alors que l’individuest ce qui ne peut se diviser. L’individucorrespond à l’unité retrouvée. Dansma vie auprès des autres, je cherchel’individu, pas la personne. »

Aujourd’hui encore, à ses moments« perdus » – ou gagnés ? – Mme laministre continue de travailler surDante, qui l’éclaire sur la compa-gnie des humains. Elle se concen-tre sur les œuvres majeures dupoète italien du XIIIe siècle, qui futaussi un homme politique impor-tant de Florence, avant d’en être àjamais banni pour son insoumis-sion au pape. Aussi fréquente-t-elle assidûment Il Convivio, « le pre-mier texte écrit en langue vulgaire,précise-t-elle. Un livre où l’on seretrouve à plusieurs en parlant lamême langue ». Dante s’écarte ici dulatin pour employer le toscan. Ilemprunte au prêche de saint Paulpour montrer à l’homme la voiequi l’éloigne du péché.À travers La Divine Comédie,l’autre chef-d’œuvre de Dante, laministre de la Décentralisation seplonge dans la dimension histo-rique de l’enfer, du purgatoire et duparadis, trois étapes qui balisentselon elle « la montée vers lalumière ». Et d’ajouter : « Dante estguidé par Virgile puis par Béatrice,qui représente l’amour. »Sur le chemin initiatique qui mènel’homme de l’enfer au paradis enpassant par le purgatoire, Anne-Marie Escoffier voit la métaphorede la société contemporaine.« Dante me donne un peu de sagesse.Il permet d’ordonner la vie dans unmonde destructuré que je compare àla tour de Babel : il ne s’écoute pas,il s’entrechoque, il est distrait, ausens propre du terme, c’est-à-dire tirévers autre chose. C’est un monde oùl’on passe à côté de l’autre. Moi je veuxreconstituer ce lien avec le citoyen,avec ceux que je suis amenée à ren-contrer. » Sa traversée incessantede l’univers de Dante est un vade-mecum, un sauf-conduit pouraffronter la misère des tempsmodernes. Inscrits dans sa mémoire,comme indélébiles, les trois der-

niers vers de La Divine Comédie sur« l’Amour qui donne le mouvement –et la vie – au soleil et aux autresétoiles ». À ses yeux, il s’agit par l’ex-périence humaine d’atteindre « l’ab-solu, l’indicible, la lumière, ce versquoi il faut tendre sans cesse ».À cet instant de la conversation,dans son bureau attenant au minis-tère de l’Intérieur, notre regard s’ar-rête sur un Pinocchio assis en sur-plomb d’une table de réunion.Pinocchio ? Pourquoi ce person-nage étranger à La Divine Comédie

est-il là, en faction, comme un gar-dien impassible ? « Il me dit : atten-tion au mensonge, dit Mme Escof-fier en souriant, l’œil pétillant demalice. Derrière Pinocchio se tient legrillon, la conscience. Ce personnageme rappelle qu’il faut toujours être enveille. Rester soi-même. Ne jamais seprendre pour quelque chose. Une fonc-tion est toujours de passage. » Laphilologue ne rate pas l’occasiond’enfoncer son clou, sinon de leriver aux idées reçues : « Être minis-tre, dit-elle, ce n’est surtout pas le pou-

voir : c’est un devoir. Quand on a unecompétence, il s’agit d’apporter unservice à l’autre. Savez-vous que minis-tre vient de minus, le petit qui s’oc-cupe et s’affaire auprès des autres.Ce n’est pas maximus… »Comme les mots en latin, le per-sonnage de Pinocchio a produitson effet. « Son nez pousse, car il n’estplus lui-même. » Mme Escoffiernous confie que, dans son ancienbureau de préfète, elle avait installédes coqs. Plus vivants que vivants,criants de vérité. « C’étaient juste-ment des coqs de vérité, ceux qui chan-tent trois fois, qui annoncent le men-songe et le reniement, qui rappellentce qu’il faut refuser… » Au ministère,elle s’est contentée de son Pinoc-chio et d’une Marianne.Cette éthique affirmée, c’est avecconviction, on pourrait dire natu-rel, que la ministre de la Décen-tralisation rend hommage au grandserviteur de la France que fut JeanMoulin. « J’ai eu un face à face aveclui », lance-t-elle un rien facétieuse,guettant la réaction de son inter-locuteur. Ah, vraiment ? Elle s’ex-plique : « Lorsque j’étais préfète del’Aveyron, dans le grand salon en V,mon portrait officiel était installéexactement en face de celui de JeanMoulin. Quand j’ai découvert cettesituation, j’en ai eu les larmes auxyeux. » Mme Escoffier reste impres-sionnée par « cette grande figurequi a su prendre la défense de l’autre,du fragile, du faible, au nom devaleurs humaines essentielles ». Rap-pelant qu’il fut préfet très jeune, à37 ans, elle a gardé de lui l’imaged’un homme exemplaire. « Devantson sacrifice, devant le respect de sesengagements puis sa loyauté enversson pays, j’ai d’autant plus vouluêtre honnête et intègre, laisser toutela place à l’individu, garder l’écoute. »Entre Dante et Moulin, on seraitsurpris de voir s’allonger le nez deMme la ministre.

Anne-Marie Escoffier, de Dante àJean Moulin, sous le nez de PinocchioPréfète puis sénatrice, elle a la réputation d’une battante. Chaleureuse, appréciée de ses pairs,elle puise son inspiration dans les ouvrages philosophiques de Dante ou saint Thomas. Elle resteaussi impressionnée par Jean Moulin, qu’elle considère comme un grand serviteur de la Franceet qui a su prendre la défense de l’autre, du faible, au nom des valeurs humaines essentielles.

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Par Éric Fottorino

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

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