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Enfin, nous y sommes. Voilà des mois que l’on répète sur tous les tons que les sondages ne sont que les photographies d’un instant donné et n’ont aucune valeur prédictive. Une intention de vote n’est pas le vote et combien vont se décider ou changer d’avis dans les derniers jours, voire au moment de mettre le bulletin dans l’urne. 20 %, dit-on, en parlant de ces indécis qui ont si peu d’a priori politique qu’ils peuvent d’une élection à l’autre faire la victoire ou contribuer à l’échec d’un candidat qui les indifférait quelques heures seulement auparavant. Qu’en sera-t-il exactement des scores de Sarkozy ou de Hollande, Mélenchon sera-t-il aussi haut et pourquoi pas plus que ne le prévoient les instituts, Bayrou peut-il in fine retomber quasiment à son score de 2002 et Marine Le Pen créer la surprise qu’elle nous promet? Des questions qui montrent à quel point cette présiden- tielle recèle autant d’inconnues que de candidatures. C’est le cas depuis 1965 et celle-ci ne dérogera pas à la règle. Mais il est une autre règle non écrite qui ne s’est jamais infirmée depuis que les Français choisissent leur Prési- dent, c’est que le résultat du deuxième tour est contenu dans le premier. Certes les chiffres peuvent laisser planer un doute et créer une incertitude quant à leur interpré- tation, mais l’histoire récente montre que les électeurs ne se sont jamais déjugés d’un tour à l’autre. Il n’y a pas de deuxième campagne, mais la continuation (par d’autres moyens et avec d’autres argumentaires) de la première. Et s’il est vrai de dire aujourd’hui que rien n’est joué, au lendemain du 22 avril la photographie du réel aura suffisamment de netteté pour être tota- lement lisible. Et c’est en cela que le premier tour sera décisif non seulement parce qu’il dira qui devrait l’em- porter le 6 mai mais plus encore parce qu’il dira ce qu’est la France et ce que pensent les Français. Tout vote a du sens, mais celui de ceux qui se seront portés sur l’extrême gauche, sur Jean-Luc Mélenchon ou bien sur Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Pen en aura plus encore. C’est le vote de ceux qui refusent ce qu’il est convenu d’appeler le système. Ailleurs on les nomme les indignés ou les invisibles. Le futur chef de l’État quel qu’il soit devra compter avec eux et se souvenir de leur vote s’il ne veut pas retrouver dans la rue ces « sans-voix » qui – s’en étant saisi pour une fois – s’estimeraient être les laissés-pour-compte de l’élection. Et aussi Édito Robert Namias Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias L’HÉMICYCLE www.lhemicycle.com L’insaisissable campagne A près la viande halal, le permis de conduire ! La tentation est grande d’ironiser sur cette campagne qui, loin des sommets de l’international, a failli s’achever avant les meetings de dimanche dernier dans une compétition aux allures de cantonales. Comme si les Français étaient invités à choisir leur conseiller général ou leur Premier ministre. En réalité, c’est faire preuve d’un mépris un peu facile pour une présidentielle qui certes se sera déroulée dans un environnement comparable à aucun autre, mais qui finalement aura permis d’aborder la quasi-totalité des problé- matiques qui seront au cœur du pro- chain quinquennat. La dette, le chô- mage, le pouvoir d’achat, l’école, la sécurité, et l’Europe, bien sûr, ont été abondamment débattus depuis des mois. Manque sans doute la place de la France dans le monde, mais est-ce un oubli ou plutôt la conscience de la part des candidats (même si on peut le regretter) que cette question figure à peine au dixième rang des préoccupa- tions des Français ? La vérité, c’est que la campagne a été exceptionnellement longue. Certains candidats concourent depuis plus d’un an, ce qui a sans doute provoqué beau- coup de répétitions et, corollaire obligé, une certaine lassitude des Français. Il n’empêche, beaucoup de choses ont été dites et même si les promesses n’engagent que ceux qui les entendent, le prochain Président aura intérêt à relire ses propres discours s’il veut éviter que les Français considèrent définitivement que politique, men- songe et trahison ne font qu’un et ne sont que les trois faces d’un même triptyque. Morne campagne ? Non. Étrange, sûre- ment, et finalement insaisissable jus- qu’au bout ! Alain Fournay > Lire p. 2 et 3 NUMÉRO 443 — MERCREDI 18 AVRIL 2012 — 2,15 ¤ L’heure de vérité THOMAS COEX/AFP Après la Concorde et Vincennes, derniers meetings pour les candidats avec un ultime objectif : mobiliser les électeurs pour éviter le risque d’une abstention massive aux conséquences imprévisibles. Le président de la région Aquitaine trouve dans le courage de Jean Moulin, dans le caractère de De Gaulle et de Mendès et dans l’amitié qui le lie à François Hollande depuis plus de trente ans des valeurs qui structurent son propre parcours. > Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 15 La politique de la ville, qui concerne 8 millions de personnes et 2 500 quartiers, reste à la recherche d’une meilleure efficience. Déplorant le désengagement de l’État, les principales associations d’élus défendent de nouvelles pistes tournées vers les quartiers les plus fragiles. Maurice Leroy, ministre de la Ville, défend ses projets. > Lire l’article de Ludovic Bellanger p. 8 et 9 Alain Rousset, de Jean Moulin à François Hollande > Lire l’analyse de Brice Teinturier p. 5 Les régions FRANÇOIS LAFITE Gilles Finchelstein P. 3 Dominique Reynié P. 2 Au sommaire Ambiance gueule de bois par Pascale Tournier Abstention, piège à candidats par Bruno Jeudy > p. 4 Risque d’étouffement administratif. Entretien avec Pierre Morel-À-l’Huissier > p. 7 L’imaginaire à l’œuvre dans les Monuments nationaux > p. 13 GEORGES GOBET/AFP PIERRE ANDRIEU/AFP Face à l’entrée d’une école, les panneaux électoraux des dix candidats. Les villes en quête de cohésion sociale

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l'Hémicycle numéro 443 du mercredi 18 avril 2012 Au sommaire : - Ambiance gueule de bois par Pascale Tournier - Abstention, piège à candidats par Bruno Jeudy >p. 4 - Risque d’étouffement administratif. Entretien avec Pierre Morel-À-l’Huissier >p. 7 - L’imaginaire à l’oeuvre dans les Monuments nationaux >p. 13

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Page 1: l'Hémicycle - #443

Enfin, nous y sommes. Voilà desmois que l’on répète sur tous les tonsque les sondages ne sont que lesphotographies d’un instant donnéet n’ont aucune valeur prédictive.Une intention de vote n’est pas levote et combien vont se déciderou changer d’avis dans les derniersjours, voire au moment de mettre lebulletin dans l’urne. 20 %, dit-on, en

parlant de ces indécis qui ont si peu d’a priori politiquequ’ils peuvent d’une élection à l’autre faire la victoireou contribuer à l’échec d’un candidat qui les indifféraitquelques heures seulement auparavant.Qu’en sera-t-il exactement des scores de Sarkozy oude Hollande, Mélenchon sera-t-il aussi haut et pourquoipas plus que ne le prévoient les instituts, Bayrou peut-ilin fine retomber quasiment à son score de 2002 etMarine Le Pen créer la surprise qu’elle nous promet ?Des questions qui montrent à quel point cette présiden-tielle recèle autant d’inconnues que de candidatures.C’est le cas depuis 1965 et celle-ci ne dérogera pas àla règle.Mais il est une autre règle non écrite qui ne s’est jamaisinfirmée depuis que les Français choisissent leur Prési-dent, c’est que le résultat du deuxième tour est contenudans le premier. Certes les chiffres peuvent laisser pla nerun doute et créer une incertitude quant à leur interpré-tation, mais l’histoire récente montre que les électeursne se sont jamais déjugés d’un tour à l’autre. Il n’y a pasde deuxième campagne, mais la continuation (pard’autres moyens et avec d’autres argumentaires) dela première. Et s’il est vrai de dire aujourd’hui que rienn’est joué, au lendemain du 22 avril la photographiedu réel aura suffisamment de netteté pour être tota -lement lisible. Et c’est en cela que le premier tour seradécisif non seulement parce qu’il dira qui devrait l’em-porter le 6 mai mais plus encore parce qu’il dira cequ’est la France et ce que pensent les Français.Tout vote a du sens, mais celui de ceux qui se serontportés sur l’extrême gauche, sur Jean-Luc Mélenchonou bien sur Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Penen aura plus encore. C’est le vote de ceux qui refusentce qu’il est convenu d’appeler le système. Ailleurs onles nomme les indignés ou les invisibles.Le futur chef de l’État quel qu’il soit devra compteravec eux et se souvenir de leur vote s’il ne veut pasretrouver dans la rue ces « sans-voix » qui – s’en étantsaisi pour une fois – s’estimeraient être leslaissés-pour-compte de l’élection.

Et aussi

ÉditoRobert Namias

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Directeur : Robert Namias

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www.lhemicycle.com

L’insaisissable campagne

Après la viande halal, le permisde conduire ! La tentation estgrande d’ironiser sur cette

campagne qui, loin des sommets del’international, a failli s’achever avantles meetings de dimanche dernierdans une compétition aux allures decantonales. Comme si les Françaisétaient invités à choisir leur conseillergénéral ou leur Premier ministre. Enréalité, c’est faire preuve d’un méprisun peu facile pour une présidentiellequi certes se sera déroulée dans unenvironnement comparable à aucunautre, mais qui finalement aura permisd’aborder la quasi-totalité des problé-

matiques qui seront au cœur du pro-chain quinquennat. La dette, le chô-mage, le pouvoir d’achat, l’école, lasécurité, et l’Europe, bien sûr, ont étéabondamment débattus depuis desmois. Manque sans doute la place dela France dans le monde, mais est-ceun oubli ou plutôt la conscience de lapart des candidats (même si on peutle regretter) que cette question figure àpeine au dixième rang des préoccupa-tions des Français ?La vérité, c’est que la campagne a étéexceptionnellement longue. Certainscandidats concourent depuis plus d’unan, ce qui a sans doute provoqué beau-

coup de répétitions et, corollaire obli gé,une certaine lassitude des Français.Il n’empêche, beaucoup de chosesont été dites et même si les promessesn’engagent que ceux qui les entendent,le prochain Président aura intérêt àrelire ses propres discours s’il veutéviter que les Français considèrentdéfi nitivement que politique, men-songe et trahison ne font qu’un et nesont que les trois faces d’un mêmetriptyque.Morne campagne? Non. Étrange, sû re -ment, et finalement insaisissable jus -qu’au bout ! Alain Fournay

> Lire p. 2 et 3

NUMÉRO 443 — MERCREDI 18 AVRIL 2012 — 2,15 ¤

L’heure de vérité

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Après la Concorde et Vincennes, derniers meetings pour les candidatsavec un ultime objectif : mobiliser les électeurs pour éviter le risqued’une abstention massive aux conséquences imprévisibles.

Le président de la région Aquitaine trouvedans le courage de Jean Moulin, dans lecaractère de De Gaulle et de Mendès et dansl’amitié qui le lie à François Hollande depuisplus de trente ans des valeurs qui structurentson propre parcours.> Lire l’admiroir d’Éric Fottorino p. 15

La politique de la ville, qui concerne 8 millions de personnes et2 500 quartiers, reste à la recherche d’une meilleure efficience.Déplorant le désengagement de l’État, les principales associationsd’élus défendent de nouvelles pistes tournées vers les quartiers lesplus fragiles. Maurice Leroy, ministre de la Ville, défend ses projets.> Lire l’article de Ludovic Bellanger p. 8 et 9

Alain Rousset,de Jean Moulin à François Hollande

> Lire l’analyse de Brice Teinturier p. 5Les régions

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GillesFinchelstein

P. 3

DominiqueReynié

P. 2

Au sommaire • Ambiance gueule de bois par Pascale Tournier •

Abstention, piège à candidats par Bruno Jeudy > p. 4 •

Risque d’étouffement administratif. Entretien avecPierre Morel-À-l’Huissier > p. 7 • L’imaginaireà l’œuvre dans les Monuments nationaux > p. 13

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Face à l’entrée d’une école, les panneaux électoraux des dix candidats.

Les villes en quête de cohésion sociale

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Beaucoup de sondeurspronostiquent une abstention recordles 22 avril et 6 mai. En quoi cettecampagne déçoit-elle les Français ?Il faut être prudent. Ceci dit, depuisune vingtaine d’années, chacundes scrutins est marqué par unepoussée de l’abstention. Dans cettesérie, la présidentielle de 2007 estune exception. Or, depuis 2007,toutes les consultations intermé-diaires ont battu leur propre re -cord d’abstention : les législatives,les mu nicipales (2008), les euro-péennes (2009), les régionales(2010) et les cantonales (2011). En2012, les vacances scolaires pour-raient aussi favoriser une démobi -lisation. Mais l’abstention en 2012pourrait être alimentée par le sen -timent que les questions qui de-vaient faire débat ont été évitées,alors que la France et l’Europe tra-versent une crise majeure. Je nedirai pas que tous les sujets sérieuxont été abandonnés, ainsi, parexemple, l’Europe a été très pré-sente ; chacun des candidats ena fait, à un moment donné, unthème de sa campagne, d’Eva Jolyqui est allée à Athènes à Jean-LucMélenchon qui s’est affiché avecOskar Lafontaine. Mais, au cours dela campagne de premier tour, nousn’aurons pas débattu des conditionsauxquelles un pays comme le nôtrepeut maintenir son style de vie etson niveau de vie.

Le principal drame de cettecampagne n’est-il pas de succéder

à celle de 2007, qui avait soulevétant d’enthousiasme ?Non. La grande particularité decette présidentielle est d’être la pre-mière à se dérouler dans un cadrehistorique qui semble la contesterdans son principe. Je m’explique.L’élection présidentielle est fondéesur l’articulation de la souverainetépopulaire à la souveraineté natio-nale. Le peuple est invité à consacrerla puissance de l’État en désignantcelui qui en sera le chef. Or, lestemps présents contestent la puis-sance des États et la pertinencedu cadre national ; les Français,qui ont compris cela, doutent de lacapacité du politique à peser surle cours des choses et, conséquem-ment, s’interrogent sur l’efficacitédu geste électoral.

Quel thème, quelle campagne, quelslogan, quelle mesure, aurontau final marqué l’opinion ?Des thèmes ont rencontré un échonouveau : la fiscalité, le protection-nisme, la critique de l’Europe, la dé-nonciation des élites… Ceci dessinele portrait d’une France rétractée.Nous avons été incapables de dé-battre du contexte historique, dela globalisation, de l’épuisement fi-nancier de notre puissance publi -que. En lieu et place, nous avonseu des discours virulents contre lesmarchés, les institutions financières,les immigrés, les riches ou l’islam.Sous la forme incohérente d’un em-pilement de refus contradictoires,l’ensemble révèle un contentieux

avec l’époque. C’est le thème dudéni de réalité, soulevé avec raisonpar la presse anglo-saxonne.

Est-ce que ce sont les candidatsqui font l’opinion ou bien est-cequ’ils s’adaptent à elle ?On observe, jusqu’à aujourd’hui,d’un côté, des Français préoccupéspar le monde tel qu’il va, par la crise,la place de la France dans le monde,par la place de l’Europe, celle del’Occident et, de l’autre côté, des po-litiques qui ne leur répondent pas,qui semblent dérouler leur proprediscours, comme s’ils n’avaient pas àprendre en considération la marchedu monde et les interrogations del’opinion. Pendant cette campagne,les candidats et les électeurs ne sesont pas trouvés.

Quel aura été au final l’impactdes tueries de Montaubanet de Toulouse ?Selon moi, les effets sont profondsmais lents ; ils se propagentcomme par capillarité. Il y a leseffets de surface du premier jour,sous le choc de l’émotion ; puisun mouvement plus souterrainqui enracine dans nos sociétésles préoccupations sécuritairesqui deviennent non négociables.Tous les discours politiques sontdésormais sécuritaires. L’appelau « protectionnisme » est multi-forme, mais il est partout, de lagauche à la droite. Le drame deToulouse relance avec force lagrande question qui nous taraude

depuis quelques années : jusqu’àquel point pouvons-nous dire quenous formons une communauté ?À quelles conditions pouvons-nous continuer à exister commecommunauté ? Quelles sont lesvaleurs qui font tenir cet « êtreensemble » qui est la France ?

Y a-t-il eu d’autres événementsqui ont compté ?L’émergence de Jean-Luc Mélen-chon. De tous les candidats, il estle seul à avoir su forger une voixnouvelle qui est la synthèse du« non » de la gauche de 2005, del’extrême gauche aux chevène-mentistes. Le résultat du premiertour dira si c’est un feu de paille ouune donnée politique qui compte -ra pour le quinquennat qui vient.

Les électeurs seront-ils beaucouppassés d’un candidat à l’autredurant cette campagne ?Oui. Le panel Ipsos mis en placepar Le Monde, Sciences-Po/Cevipof,la Fondation Jean-Jaurès et la Fon-dation pour l’innovation politiquea montré que la moitié des électeursavait changé, soit d’intention devote, soit d’intention d’aller voter.Il y a eu un énorme bouillonne-ment souterrain alors que, à lireles sondages, les rapports de forcedu premier et du second toursparaissent beaucoup moins agités.De tels mouvements révèlent unegrande disponibilité des électeurs.Ils sont dans l’attente d’un dis-cours, d’un argument.

Les camps restent-ils quelquechose d’essentiel aujourd’huiou y a-t-il davantage detranshumance qu’auparavant ?Comme toujours, les mouvementsont davantage lieu à l’intérieurd’une même famille, droite ougauche, qu’entre ces deux familles.Les électeurs connaissent les règlesdu jeu d’une élection à deux tours.Quand on choisit un candidat, onchoisit un camp. On change plusaisément de candidat que de camp.Nul n’ignore que notre systèmeinstitutionnel génère la bipolari -sation. C’est une des explicationsdes difficultés de François Bayrou.

Quel média aura comptédurant cette campagne ? En France, c’est la première électionprésidentielle où les réseaux sociaux,et notamment Twitter, semblentavoir joué un rôle dans la mobili-sation militante, la bataille idéo lo-gique, la critique des programmes,des meetings, des débats et des in-terviews. En 2012, tous les candi datsauront fait campagne sur les ré-seaux. C’est incontestablement unenouveauté. Cependant, la télévisiona conservé une grande importance,comme l’ont montré les primairessocialistes et les succès d’audiencedes émissions politiques, de mêmeque la presse, qui a su trouver unpublic supplémentaire.

Propos recueillispar Ludovic Vigogne

Chef du service politiquede Paris Match

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012

Agora

Selon Dominique Reynié, cette campagne 2012 a révélé un gigantesque fossé entre les Françaiset les politiques. Pour le directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, les candidatsont déroulé leur propre discours en donnant le sentiment de ne pas prendre en considérationla marche du monde et les interrogations de l’opinion.

«Depuis six mois, il y a eu un énorme bouillonnement souterrainqui révèle une grande disponibilité des électeurs. Au terme

de cette campagne insaisissable, on peut dire que les candidatset les électeurs ne se sont pas trouvés »

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/AFP

DOMINIQUE REYNIÉDIRECTEUR GÉNÉRALDE LA FONDATION POURL'INNOVATION POLITIQUE

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Avons-nous vécu une mornecampagne ? Une morne campagne, non. Maisune drôle de campagne, oui ! Quifut à la fois très longue et trèscourte. En 2007, les principauxcandidats étaient entrés en liceentre novembre et décembre 2006.Cette fois, François Hollande amené une campagne de plus d’unan, Nicolas Sarkozy de moins decent jours. Drôle de campagne,car elle fut très profondémentmarquée par la crise et structuréepar pas grand-chose, avec unzapping permanent. Au final, lasituation est paradoxale : les élec-teurs s’intéressent à la campagne,mais ne la jugent pas intéressante.Ce qui pose la question de la par-ticipation. Depuis 1974, la ten-dance est à la baisse, à l’ex ceptiondu rebond de 2007. L’enjeu estnon seulement démocratique, ilest aussi électoral : au premiertour, une forte abstention affaiblitplutôt la gauche.

Qu’est-ce qui influence aujourd’huile plus les électeurs ?Le discours des candidats ?Le bruit médiatique ?Les événements de campagne ?Les discours, oui. C’est une spéci-ficité de cette année. Longtemps,les discours s’adressaient auxmilitants. Avec l’émergence dela TNT, ce ne sont plus 1 000 ou10 000 personnes qui les entendent,mais des centaines de milliers.Le bruit médiatique ? Pas sûr. Lesinterventions médiatiques, en

revanche, oui : la première parti-cipation de Jean-Luc Mélenchonà Des paroles et des actes, le débatentre François Hollande et AlainJuppé, l’interview de Nicolas Sar-kozy, en janvier, sur toutes lesprincipales chaînes, sont des mo-ments importants. Les événe-ments ? Certes, mais il ne fautpas croire qu’à un moment ou àun autre les compteurs ont étéremis à zéro. Il y a eu un processusdont une grande partie s’est jouéeavant même le début de la cam-pagne, car l’opinion était struc -turée par certains fondamentaux.

Comment expliquez-vous que desélecteurs qui avaient l’intention devoter se laissent désormais tenterpar l’abstention ?Cela n’est pour l’instant qu’unehypothèse. Selon l’enquête Prési-doscopie 2012 [réalisée auprèsd’un même panel de 6 000 per-sonnes depuis novembre 2011 parIpsos-Logica Business Consulting,pour le Cevipof, la Fondapol, lafondation Jean-Jaurès et Le Monde,NDLR], 38 % ont changé d’inten-tion de vote, 26 % d’intentionde voter. Mais le niveau globalde personnes ayant l’intentiond’aller voter a peu bougé : il resteaux alentours de 80 %, même sila participation sera certainementmoindre, puisqu’il y a toujourssurestimation en la matière. Unélément externe à la campagnea pesé : le poids de la crise. L’idéede l’étroitesse de la marge de ma-nœuvre est ancrée désormais,

ce qui est moins mobilisateur.J’ajoute un élément interne : cefut une campagne zapping, à partau début, quand la dette et les dé-ficits étaient au cœur des débats,et cela ne favorise pas la partici-pation. Et maintenant, plus ons’approche du premier tour, plusles thèmes changent chaque jour !

En quoi les tragédies de Montaubanet de Toulouse ont-elles modifiéla perception de la présidentiellepar les électeurs ? Ce fut un événement très rare,parce qu’il est entré dans chaquefoyer, en raison du drame lui-même, et aussi de la minute de si-lence dans les écoles : des millionsde parents ont dû se saisir del’événement pour l’expliquer àleurs enfants. Contrairement à cequi a été dit, cette tragédie a eu unimpact, impact de court terme surles intentions de vote, de moyenterme sur l’agenda. Les entretiensindividuels auxquels nous avonsprocédé permettent de voir queles électeurs de Marine Le Pen etde François Bayrou qui ont bas-culé vers Nicolas Sarkozy l’ont faiten expliquant leur attitude parla manière dont Bayrou et Le Pend’un côté, le chef de l’État del’autre, ont réagi. L’agenda despréoccupations a aussi été modi-fié. Avant comme après Toulouse,les mêmes questions restent entête des priorités pour les électeurs,la crise, le pouvoir d’achat, la si-tuation économique. Mais la sé-curité et l’immigration ont pris

une place plus importante auprèsde tous les Français, et surtout au-près de ceux de droite.

Quels autres événementsont marqué l’opinion ?Comme événements imposésdans la campagne, aucun autre.Certains événements étaient pos-sibles, mais ne se sont pas pro-duits : l’aggravation de la crise del’euro, sur laquelle avait pariéMarine Le Pen, par exemple. Il y aensuite eu des événements decampagne : le discours de FrançoisHollande au Bourget, le meetingde Jean-Luc Mélenchon à la Bas-tille, l’entrée en campagne de Fran -çois Bayrou, la conférence de pressesur le chiffrage du projet de Ma-rine Le Pen (qui fut négatif pourelle, nos entretiens individuelsmontrent que sa volonté de dé-diabolisation a conduit à une ba-nalisation), l’émission Des paroleset des actes de Nicolas Sarkozy,dans laquelle la structuration desa campagne autour de l’immigra-tion apparaît avec netteté.

En 2012, les électeurs changent-ilsplus souvent d’avis que lors desprésidentielles précédentes ? La mobilité est très forte au premiertour – la moitié des personnesson dées a changé d’avis depuisnovembre, c’est considérable ! Desurcroît, cette mobilité ne faiblitpas. J’y vois une cause : la désaffi-liation partisane. Et une consé-quence : jusqu’au dernier jour,des événements de campagne

peuvent avoir un impact, dansune certaine limite, sur le poten-tiel électoral de chacun.

Quel lien les électeurs établissent-ilspour leur comportement entrele premier et le second tour ?Pour l’instant, ce qui est très frap-pant, c’est que les électeurs disentà 80 % que leur choix de secondtour est définitif. Mieux encore,vague après vague, leur compor-tement le confirme. Autant le pre-mier tour reste mobile, autant lesecond est-il cristallisé ; il n’y aque très peu de « changeurs » desecond tour… en tout cas pourl’instant ! Par ailleurs, les électeursne considèrent pas que les deuxtours sont séparés l’un de l’autre.Chacun des camps a intégré lalogique du vote utile – avec unegrande différence cependant : àgauche, il s’agit d’éviter un nou-veau 21 avril 2002 ; à droite, decréer une dynamique, sur le mo-dèle de 2007.

Si Nicolas Sarkozy arrive en tête,peut-il de nouveau comptersur cette dynamique ?Il n’y aura dynamique que sil’écart est fort et si l’effet de sur-prise est au rendez-vous. De là àinverser les tendances actuelles ?Ce serait du jamais vu… Maisl’improbable n’est jamais impos-sible !

Propos recueillispar Éric MandonnetRédacteur en chef adjoint

de L’Express

NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

GILLES FINCHELSTEINDIRECTEUR GÉNÉRAL DE LAFONDATION JEAN-JAURÈS

Pour le directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, 2012 aura été une drôle de campagneagitée de nombreux mouvements contradictoires et avec un taux élevé de Français changeantd’intention de vote en fonction des événements du moment. Mais selon Gilles Finchelstein,à quelques jours du scrutin, chaque camp a désormais intégré la logique du vote utile.

«Autant le premier tour reste mobile, autant le second estcristallisé. Il n’y a que très peu de “changeurs” de second tour.

L’inconnue reste la participation »

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012

Plan large

L’abstention fera-t-elle l’élection ? Auterme de cette campagne présiden-tielle jugée ennuyeuse par les Fran -çais, combien seront-ils à déposer unbulletin dans l’urne dimanche pro -chain ? Sûrement moins qu’en 2007.Il y a cinq ans, après une campagneenthousiasmante tant à droite avecNi colas Sarkozy qu’à gauche avecSégolène Royal, 83 % des électeursins crits sur les listes électorales s’é-taient exprimés.Les derniers indices de participationétablis par les instituts de sondagespronostiquent une forte abstention :entre 25 % (Ipsos) et 29 % (Ifop).Cette estimation est montée jusqu’à32 % au début du mois. Le démarragede la campagne officielle a semble- t-il provoqué une petite mobilisation.Le nombre de procuration serait,selon le ministère de l’Intérieur, trèsimportant. Preuve que les électeursveulent à la fois préserver leurs va-cances et s’acquitter de leur devoir decitoyen.En attendant de connaître ce chiffretrès important, il faut espérer pour labonne santé de notre démocratieque la prévision de 29 % de l’Ifopdiminue d’ici dimanche sinon celaconstituerait un record historique.Jusqu’à présent, c’est en 2002 que futenregistrée la plus faible participation(71,60 %).À qui profiterait une abstentionélevée ? Selon Frédéric Dabi, direc teurdu département Opinion de l’Ifop,« ça profite à tout le monde et à per-sonne car toutes les catégories d’électeurssont concernées, y compris les plus âgéesa priori plus favorables à droite ».Au-delà des chiffres, tout se passecomme si les Français doutaient ànouveau de la capacité des politiquesà pouvoir apporter des solutions àleurs problèmes. Tous les scrutins,depuis l’élection présidentielle de2007, auront battu des recordsd’abstention.Dans la dernière ligne droite de lacampagne, Nicolas Sarkozy et Fran çoisHollande, concurrencés respective-ment par Marine Le Pen et Jean- LucMélenchon, mobilisent leurs campset brandissent le vote utile. Les sujetspériphériques (viande halal, permisde conduire…) ont enfin laissé laplace aux préoccupations des Fran -çais (emploi, pouvoir d’achat, déficitspublics…). Tous ont compris que sile premier parti de France est celuides abstentionnistes, les favoris pour-raient le payer cher.

L’opinionde Bruno Jeudy

Abstention,piège à candidats

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Campagne d’Eva Joly, bon-jour ». Au siège d’EuropeÉcologie-Les Verts, baptisé

« la Chocolaterie », règne uneambiance digne d’un call center.Depuis le 13 avril, quatre bénévolesrépondent aux électeurs qui sou-haitent approfondir des points duprogramme. Ouverte de 9 h à 19 h,la hotline est la dernière trouvailleimaginée par Julien Bayou, l’inven-tif responsable de la mobilisation.Il pourra arriver qu’Eva Joly fasseen personne le job. Pendant queles petites mains informent au télé-phone un Charentais sur les ques-tions de l’agriculture, l’équipe decampagne finit d’organiser les der-niers déplacements. Les thématiquesembrassées seront la biodiversitéet le climat. « Pour la dernière lignedroite, il s’agit de se recentrer sur nosfondamentaux : Écologie, Europe etRépublique exemplaire, les trois E »,explique Stéphane Sitbon, le direc-teur de campagne d’Eva Joly, dansle bureau de Cécile Duflot qu’ilsquatte ce jour-là. Il s’agit surtout dene pas perdre les électeurs qui consti-tuent le socle d’Europe Écologie-Les Verts et qui n’ont pas encore étéséduits par le discours teinté de vertde Jean-Luc Mélenchon. À quelquesjours du premier tour, le mouvementécologiste jette ses dernières forcesde la campagne. Mais la flammen’y est plus. Porté par tous les ténorsdu mouvement, le dernier meetingaura lieu ce mercredi au Cirqued’hiver, comme ce fut le cas pour le

dernier rassemblement victorieuxavant les élections régionales. Maisla magie aura disparu. La famillene sera pas réunie au complet. YvesCochet a déjà jeté l’éponge. Dans uncourrier adressé au bureau exécutifdu mouvement, l’ex-ministre aannoncé qu’il n’arpentera pas lepodium du Cirque d’hiver et parledéjà « d’un indéniable échec » de lacampagne.Les sondages, qui plongent l’an-cienne juge dans des eaux abys-sales, et les multiples coups portésautant de l’extérieur que de l’inté-rieur ont définitivement démorali -sé les troupes. « Quand tu es dans laloose, quoi que tu fasses tu y restes. Lalogique est implacable », regrette lejeune Elliot Lepers, directeur artis-tique de la campagne. L’ambianceest à la gueule de bois. « On avait del’or entre les mains, on a tout gâché »,s’attriste un militant.Devant les 2 % d’intentions de voteannoncés, les ténors essaient encorede faire bonne figure. « En 2007, per-sonne ne nous écoutait sur rien. Là,même si on lui a attribué sans cesse desbonnets d’âne, Eva Joly n’a pas suscitél’indifférence », se console StéphaneSitbon. Rien ne serait encore défi-nitivement inscrit dans le marbre.« Même si on est agacé par les coupsde boutoir des vieilles gloires du parti,on est habitué à faire face aux épreuves,constate le numéro deux du partiJean-Vincent Placé. Notre idéologien’a jamais été dominante. » Lors d’uneréunion du comité stratégique au

siège, Jean-Vincent Placé a aussihaussé le ton devant ses pairs. « Pasquestion de solder la séquence, il fautfinir la campagne dans la dignité »,a-t-il asséné. Paradoxalement, parcequ’elle a révélé sa ténacité et sapersévérance, la chute d’Eva Joly aun peu relancé la dynamique. Untemps, les stratèges de l’écologieont même imaginé que son acci -dent pouvait la sortir de l’ornière.À quelques exceptions près, les édi-torialistes ont en tout cas rangé leurstylo assassin et l’intérêt du publica été réel.D’ici le 22 avril, Eva Joly a encoredes choses à dire. Et elle entend lefaire savoir. Stéphane Pocrain, l’unde ses proches conseillers, veut croireque l’ancienne juge peut instaurerle débat avec ses partenaires degauche, tout en marquant sa singu-larité et sa complémentarité, notam-ment sur la dette et la sortie du nu -cléaire. Sur le plateau de l’émissionDes paroles et des actes de France 2,elle s’est employée à défendre cenouvel axe en se qualifiant de can-didate de la « gauche raisonnable » :« Je suis coincée entre la gauche molle,qui ne promet rien, et la gauche folle,qui promet tout. » Jusqu’au derniersoir, Eva Joly portera ce message ettentera de renvoyer dans les cordesle discours « raser gratis » de Jean-LucMélenchon.Mais rien n’y fait. À la Chocolate-rie, l’heure est déjà à la préparationdes élections législatives et surtoutau bilan. Pour Elliot Lepers, le mou-

vement n’a pas trouvé « la bonnemélodie, ni su lier correctement le refrainqu’est l’écologie avec les nouveaux cou-plets composés sur la République irré-prochable. » Pour Stéphane Pocrain,la thématique de la lutte contre lacorruption, le terrain de jeu favorid’Eva Joly, ne lui est pas profitable :« le sujet s’est banalisé au fil du temps.Parce qu’il souligne les failles de Nico-las Sarkozy, il apporte des voix à Fran-çois Hollande, dont l’axe principal est“tout sauf Sarkozy”. » Dans les cou-loirs du QG, on liste aussi les erreursstratégiques accumulées depuis l’été.La gestion calamiteuse de l’accordentre le PS et EELV pèse lourd dansla balance. « Il nous a amputés d’unepartie de la dynamique », estimeJulien Bayou. L’image du parti, quise vante de faire de la politiqueautrement, a été cassée, tout commecelle de la candidate, qui est apparuedépassée et hors sol vis-à-vis deson parti. Les idées écologistes ontaussi été malmenées par un Fran -çois Hollande plus nucléariste quesa consœur Martine Aubry. « Mal-gré l’accord, on aurait dû montrer quel’écologie n’était pas soluble à une par-ticipation gouvernementale », regretteStéphane Pocrain. Dans son bureau,Stéphane Sitbon rappelle enfin quel’élection présidentielle n’est pasinscrite dans les gênes du mouve-ment. « Les écologistes ont une cultureparlementariste. Ils chassent en meute.Eva Joly aura aidé le mouvement àprendre la mesure d’un scrutin pluspersonnel. Et à changer un peu. »

Au QG d’Europe Écologie-Les Verts

Eva Joly se battra jusqu’au bout. Consciente des ratés de sa campagne,elle n’en pense pas moins avoir été utile aux écologistes. Parmi les dirigeantsd’Europe Écologie-Les Verts, les avis sont partagés. Et si l’on reconnaît laténacité de la candidate, on prépare déjà la suite, c’est-à-dire les électionslégislatives… avec ou sans elle.Par Pascale Tournier

C’est la dernière ligne droiteavant le premier tour. Alors

la droite sonne le tocsin, la gau -che bat le rappel et tout le mondeappelle à la mobilisation. Le toc-sin, pour mettre en garde contreles réactions des marchés en casde victoire de François Hollande ;le rappel, pour que les voix degauche aillent dès le premier toursur le candidat socialiste et passur Jean-Luc Mélenchon, Nathalie

Arthaud ou Philippe Poutou, le-quel crève étrangement l’écran enexprimant son ras-le-bol d’êtrecandidat et son souhait de suppri-mer la présidence de la Répu-blique… Mobilisation enfin, lorsdes derniers grands meetings dedimanche.Nicolas Sarkozy, en référence au30 mai 1968 du général de Gaulle,en avait appelé à la majoritésilencieuse, pour qu’elle cesse

de l’être. Mais sera-t-elle pour au-tant majoritaire ? À voir le moralde l’UMP et le sourire triste duPrésident-candidat à la fin de sondiscours, on en doutait un peu tan -dis que les porte-parole des deuxcandidats lançaient la batailledes chiffres : étaient-ils 50 000,75 000, 100 000 à la Concorde ?Et sur l’esplanade du châteaude Vincennes avec François Hol-lande ? Au même moment, à

Hénin-Beaumont, Marine Le Penparlait avec moins de convictionque d’ordinaire devant « le Parle-ment des invisibles ». FrançoisBayrou marchait sur les traces deJean-Luc Mélenchon à Marseilleet Eva Joly mangeait des huîtresau Croisic. Avec une questionen tête : dimanche, les habituésdu réseau Twitter auront-ils lapatience d’attendre 20 h pourdonner les résultats ?

Les mots de la semaine Par Béatrice Houchard

Mobilisation, silencieuse, invisibles, Twitter

Ambiance gueule de bois

«

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Pour comprendre les résul-tats, il faudra regarder leschiffres de quatre paramè-

tres : l’abstention, le poids du blocde gauche, les ordres d’arrivée etle score de chacun des candidatsau premier tour.

1. L’abstention

À l’exception de 2007, la montéede l’abstention est une tendancelourde et régulière qui s’est véri-fiée à tous les scrutins depuis unetrentaine d’années, qu’il s’agissede la présidentielle ou d’électionsintermédiaires. Ce ne sont pourtantpas les abstentionnistes systéma-tiques qui ont progressé mais lesabstentionnistes intermittents. Ence sens, il faut bien parler d’uneabstention politique : la mondia-lisation d’une part, la crise du ré-sultat d’autre part, notamment enmatière de lutte contre le chômage,fabriquent le vidage des urnes etposent chaque jour à un peu plusde citoyens la question de l’utilitéde leur vote. S’il s’y ajoute de l’in-différenciation dans l’offre poli-tique, comme en 2002, l’absten-tion s’amplifie d’autant et atteintdes niveaux records.Autrement dit à plus de 28 % le22 avril, on franchirait ainsi unenouvelle frontière dans la désillu-sion. Ce n’est pourtant pas ce quenous mesurons aujourd’hui, caril y a aussi dans ce scrutin desleviers de mobilisation : à traversla politisation négative et un votede rejet d’une part, que cela soit,à gauche, à l’encontre de NicolasSarkozy ou, à droite, de Jean-LucMélenchon « le Rouge » ; maisaussi, dans la volonté de soutenirdes candidats (Front de gauche,Front national notamment) pourinfluencer ou déplacer les lignespolitiques. Bref, il y a de l’enjeupotentiel.Entre 24 % et 28 % d’abstention,on serait donc non pas dans le re-cord de 2002 mais dans une zoneparmi les plus élevées.Entre 20 % et 24 %, en deçà durecord de participation de 2007(16 % seulement d’abstention) maisaux alentours de 1995 (21,6 %), cequi ne serait pas si mal.À moins de 20 %, ce serait unedivine surprise.

2. Le poids du bloc

de gauche

C’est la façon la plus aisée decomprendre le scrutin du 22 avril.En effet, les reports relativementmassifs du Front de gauche et desécologiques sur le candidat socia-liste en font une boussole assez

stable que l’on peut suivre dans letemps. Alors qu’à l’inverse le blocde droite est moins homogène :en raison de reports du Front na-tional sur le candidat de la droiteparlementaire moins élevés queceux du Front de gauche sur lagauche ; mais aussi du cas Bayrouqui, en 2002, faisait totalementpartie du bloc de droite et qui,depuis 2007, s’en est affranchi.À 45 % et plus pour la gauche,on serait donc à au moins 9points de plus qu’en 2007 (36 %)et dans une zone particulièrementélevée pour la gauche, celle quil’amène au seuil de la victoireou à la victoire : 46 % en 1974,46,8 % en 1981 (hors Brice La-londe), 49 % en 1988. D’autantque la droite parlementaire estaujourd’hui handicapée par unFront national à haut niveauqui n’existait pas en 1974 et en1981 et qu’elle dispose donc de

beaucoup moins de réserves qu’àl’époque.Entre 42 % et 44 %, on se situe-rait au niveau de 2002 (43 %), ladispersion en moins : ce seraitcertes mieux qu’en 2007 et plutôtà l’avantage de la gauche maisdans une épure resserrée.À 41 % et moins, la gauche estperdante, comme en 1995 (40,5 %)et en 2007 (36 %).

3. Les ordres

d’arrivée

C’est une variable secondaire parrapport au poids des blocs et dontl’importance est avant tout sym -bolique. Ce qui ne veut pas direqu’elle est négligeable. Si NicolasSarkozy est légèrement derrièreFrançois Hollande, il cumulera unedifficulté arithmétique à une diffi-culté symbolique, puisque c’est sonéquipe qui a fait du « croisementdes courbes » un enjeu tout aulong de la campagne. S’il est légè-rement devant mais que la gaucheest à 44/45 % ou plus, l’avantagesymbolique est faible par rapportà l’arithmétique. Si en revancheil est légèrement devant et que lagauche se situe à 43 % ou moins,l’ordre d’arrivée devient important,et ce, a fortiori, si l’écart est supé-

rieur à 2 points. Rappelons cepen-dant que jusqu’à maintenant tousles Présidents ayant postulé à unsecond mandat sont arrivés en têtedu premier tour : VGE en 1981,mais il a perdu. François Mitter-rand en 1988 et Jacques Chirac en2002, qui ont en revanche gagné.De la même manière, la batailleentre Jean-Luc Mélenchon et Ma-rine Le Pen relève d’une symbo-

lique inégale : si le candidat duFront de gauche est devant la can-didate du Front national, il auragagné son pari et ce sera la pre-mière fois que la gauche inscritdeux de ses candidats dans le triode tête. Si c’est l’inverse, MarineLe Pen aura enraciné le FN et plei-nement réussit la transition avecson père.

4. Les niveaux

Combinés au poids des blocs et àl’ordre d’arrivée, ils constituent latroisième information cruciale :

Nicolas SarkozyAu-delà de 30 %, net succès : lePrésident sortant déjoue les pro-nostics.Entre 28 % et 30 %, succès rela-tif : au point haut du rééquili-brage attendu mais à un niveau

sans doute encore insuffisantpour l’emporter.Moins de 28 %, échec.

François HollandeEntre 26 % et 28 %, succès qui lesituerait au-delà du score de Fran-çois Mitterrand en 1981 (25,8 %),de Lionel Jospin en 1995 et en2002 (23,3 % et 16,2 %) et de Sé-golène Royal en 2007 (25,9 %).À 24 ou 25 %, forte déception.Moins de 24 %, échec.

Marine Le PenÀ moins de 14 %, échec : comptetenu du score de Jean-Marie Le Penà chaque présidentielle, à l’excep-tion de 2007.Entre 14 % et 15 %, enracinementet succès, et influence considérablesur le second tour et au-delà.À plus de 15 % et si devant Jean-Luc Mélenchon, triomphe.

Jean-Luc MélenchonÀ moins de 10 %, échec.Entre 10 % et 12 %, succès relatif.À 13 % ou 14 %, réel succès et garan-tie de peser pour le 6 mai et au-delà.Au-delà de 15 % et si devant Ma-rine Le Pen, triomphe.

François BayrouÀ plus de 12 %, limite la casse etpèse sur le second tour, a fortioris’il est 4e ou 3e plutôt que 5e.Entre 10 % et 12 %, échec parrapport aux 18,6 % de 2007, maisune influence qui perdure.Moins de 10 %, désastre.

Eva JolyMoins de 2,5 %, échec ou désastre.Entre 2,5 % et 4 %, le score tradi-tionnel du candidat écologiste àla présidentielle.À 5 % et plus, la divine surprise.

Philippe Poutouet Nathalie ArthaudÀ moins de 2 %, échec.Entre 2 % et 4 %, semi-succès.À plus de 4 %, divine surprise.

Nicolas Dupont-AignanMoins de 1 %, échec, a fortiorisi Eva Joly est devant.À 1,5 % ou 2 % et plus, pari réussi.

Jacques CheminadeActuellement moins de 0,5 %,difficilement quantifiable.

Résultats, mode d’emploiPar Brice Teinturier

Depuis 1965, les présidentielles, à l’exception de 1974, ont montré que l’élection du Présidentétait inscrite et lisible dans les résultats du premier tour. Brice Teinturier donne les élémentsd’analyse qui, dès le 22 avril au soir, permettront d’anticiper ce qui pourrait se produire le 6 mai.

Analyse

44,3 millions d’électeurs sont appelés aux urnes ce dimanche pour choisir entre les dix candidatsqui se présentent à l’élection présidentielle 2012. PHOTO LIONEL BONAVENTURE/AFP

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Par Michèle Cotta

Cahiers de campagneLundi 9 avrilDaniel Cohn-Bendit a pris saplume pour évoquer le cas Mélen-chon dans Le Monde d’aujourd’hui.« Le candidat du Front de gauche,écrit-il, incarne la gauche gangre -née par la question nationale, blo -quée idéo logiquement sur la questioneuropéenne », en ajoutant que « lamontée en puissance de Jean-LucMélenchon fait l’affaire du Présidentsortant. »Cohn-Bendit, fidèle à lui-même,n’a pas changé d’un iota : il a été lepremier à souligner, chez les verts,que désigner un candidat écolo-giste était dangereux, de natureen tout cas à empêcher FrançoisHollande d’être en tête au premiertour, ou même, le souvenir de 2002restant vivace, de l’empêcher deprendre le départ au second. Leconseil, et la crainte, valent pourMélenchon, dont la personnalité,le talent et le vocabulaire, sontsoulignés par le Président sortant,par opposition à ce qu’il dit deFrançois Hollande.« La vie, soupire Cohn-Bendit, n’estpas aussi simple qu’un discours deMélenchon. »

Mardi 10 avrilRéponse sans aménité de Jean-LucMélenchon, dès les premières heu -res de la matinée, sur France Inter.« Daniel Cohn-Bendit est un hommespécialisé à tirer dans le dos. » « Il abesoin de taper, ajoute-t-il… Pourquelqu’un de gauche, l’urgence seraitplutôt de taper sur l’extrême droite,surtout au moment où moi, je faisce que je peux pour la faire passerderrière moi. »D’ici à ce que Jean-Luc Mélenchondise qu’il n’a jamais, lui, attaquéHollande, que toutes ses attaquessont restées focalisées contre Ma-rine Le Pen, il n’y a qu’un pas.En revanche, il le dit clairement à

Cohn-Bendit le Vert – après avoirété Dany le Rouge : « Le Front degauche est désormais une composantede l’écologie en France. » À vrai dire,cela vaut aujourd’hui pour tousceux qui, à droite ou à gauche, seréclament des verts. C’est peut- être la raison d’ailleurs du déclind’EELV et d’Eva Joly : récupéré partous, l’écologie a échappé à sonparti.Il faut rendre à César ce qui est àCésar : Jean-Luc Mélenchon aurale premier lancé la vogue des mee -tings en plein air. La Bastille auramarqué cette campagne d’un stylenouveau. D’autant que le plein airne coûte rien…François Hollande et Nicolas Sar -kozy ont donc choisi de convierleurs partisans à Vincennes et àla Concorde, le même jour, di-manche prochain. Le choix de cesdeux endroits n’est pas innocent :la Concorde est un lieu symbo -lique de la droite. Sans remonter à1934, ou à 1968, c’est là que s’étaitdéroulé le meeting de JacquesChirac, dans l’entre-deux-tours de2002 ; là, on s’en souvient, queSarkozy avait célébré sa victoire.

Vincennes, c’est l’est de Paris, lesanciens quartiers ouvriers ou arti-sans… La présence de deux rassem-blements simultanés dans lacapitale est, en tout cas, inéditedans une campagne présidentielle.Ce matin, interview de FrançoisHollande par Christophe Barbiersur i>Télé. Le candidat socialistey est pugnace, décidé, sur sa lignede réforme des marchés financiers.On lui demande s’il juge que cettecampagne ressemble à celle de 1981qui vit François Mitterrand arriverau pouvoir. Beaucoup d’analogies,François Hollande les souligne :« un bilan lourd, pas de résultats ».Une gestuelle identique. La même

ironie alternant avec des morceauxde bravoure. Et puis Mélenchonaura occupé à la gauche de lagauche la place qu’occupait le Particommuniste de Georges Marchais.Il reste que les périodes sont diffé -rentes. La crise ne minait pas lemoral des Français, l’Europe appa-raissait comme un espoir, l’avenirn’était pas sombre.

Mercredi 11 avrilDes paroles et des actes : l’émissionde France 2 est incontestablementdevenue, en un an et quelques, lameilleure pour ne pas dire la seuleémission politique. A priori, cettesoirée, consacrée – loi oblige – dansune stricte égalité de temps à cinqcandidats, petits et grands, devaitêtre difficile. Elle a été au contraired’un grand intérêt : François Hol-lande y a été au mieux de sa forme,Marine Le Pen pugnace et offen-sive, Eva Joly pour une fois presqueémouvante. Et puis on a aussifait connaissance avec les petits :Nicolas Dupont- Aignan, enthou -siaste et convaincu, PhilippePoutou, incongru et sympathique,dans son rôle de naïf, qu’il est, dela politique.

Jeudi 12 avrilDans la journée, trois sondages surquatre donnent François Hollandeprécédant Nicolas Sarkozy. Dansle quatrième, le Président sortantdevance le candidat socialiste d’undemi-point. Les courbes se sontcroi sées, puis décroisées, sans que,la marge d’erreur étant évaluéeà 2 %, une certitude absolue s’im-pose. La montée de Mélenchonse confirme, le recul de FrançoisBayrou également.Lors de la conférence de pressequ’il tient, au siège du MoDem, surles coups de midi, François Bayrouse garde d’accuser le coup. On luidemande, bien sûr, de quel côtéil penchera au second tour. Refusde répondre du leader centriste quine veut pas vendre sa peau avantd’avoir été sorti du deuxième tour.À des proches il explique, tandisque les télévisions plient bagage :« Envisager dès maintenant la défaiten’est pas possible. Ce serait en quelquesorte se démobiliser de l’intérieur. »Seconde émission de France 2 aveccinq autres candidats. Au pro-gramme, Nicolas Sarkozy, Jean-LucMélenchon et François Bayrouaux côtés de Nathalie Arthaud,Jacques Cheminade. Même alter-nance entre grands, petits etmoyens candidats. François Bayroufait front et développe son « pro-duire en France ». Cheminade, can-didat inattendu, est pessimiste et

un peu fumeux, Nathalie Arthaudprend ses désirs pour des réalités,Mélenchon est Mélenchon, dé bou -chant à l’antenne comme un tau-reau dans l’arène. Le plus attendu,évidemment, est Nicolas Sarkozy :en guerrier de la politique, il sebat surtout contre son adversaireprincipal, François Hollande, surla réduction du déficit, la réformedes retraites, la crise. Aux accusa-tions portées la veille par Eva Joly(« l’alliée de M. Hollande, c’est ça ? »,demande-t-il avec ironie) sur lefinancement de sa campagne de2007, il parle de « ragots », et ap-porte une réponse sèche, qui metdans le même sac ses interviewerset la candidate écolo : « Permettez-moi de vous opposer le mépris le pluscinglant. »

Vendredi 13 avrilAprès Alain Juppé, Valérie Pécresseaffirme que François Bayrou feraitun excellent Premier ministre. Leclin d’œil est appuyé. Le problèmeest de savoir si Nicolas Sarkozyréussira ou non son pari : attirerà la fois les électeurs du Front na-tional et ceux du centre. En direc-tion des premiers, il a annoncéla baisse de moitié du nombre desimmigrés en France, fermé les fron-tières de Schengen. Il s’adresse auxseconds en rappelant sa gestion dela crise et la nécessité d’un retourde la France à l’équilibre.Réussira-t-il son grand écart ?L’élection en dépend.

Dimanche 15 avrilVincennes/Concorde : deux grandsrassemblements pour ce qui est

presque une finale de championnat.Combien de monde ? Beaucoup,des deux côtés. À la Concorde, laFrance de Sarkozy, favorable àun nouveau modèle français, plusfavorable à l’initiative privée quepublique, appelée à « déconstruirel’État bureaucratique » pour bâtirl’État entrepreneurial, dont la fa -mille et le travail sont les valeursessentielles. À Vincennes, la Francede gauche, qui réclame un partagedes richesses, une redistributionsociale, la fin des privilèges.Nicolas Sarkozy donne l’impres-sion qu’il joue tout, sa victoire,lui-même, la France même, surl’immense manifestation d’aujour-d’hui. Il redécouvre la nation, misedepuis trente ans au second plan,et dont il fait désormais « l’avenirde la France », répète qu’il sortira deSchengen si l’Europe ne retrouvepas la croissance, et qu’il réfor me -ra la BCE pour qu’elle finance– comme le demande François Hol-lande depuis le début de sa cam-pagne – la croissance européenne.Là n’est pas pour lui l’essentiel :il joue en réalité sur ce qui est, lessondages le montrent, ses atoutsmaîtres : l’énergie, le tempérament,la pugnacité.François Hollande continue dejouer la France tranquille. Mais ilserait, lui, plus tranquille encores’il ne redoutait l’abstention, quel’on prédit importante, ou pire, ladispersion des voix de gauche. Nepas se défouler au premier tour surJean-Luc Mélenchon, de crainte devoir la gauche perdre au deuxièmetour, tel est, aujourd’hui, son mes-sage essentiel.

Plan large

Daniel Cohn-Bendit. « La vie n’est pas aussi simple qu’un discoursde Mélenchon. » PHOTO BERTRAND GUAY/AFP

Philippe Poutou. Le candidat NPA a crevé l’écran dans l’émissionDes paroles et des actes. PHOTO THOMAS SAMSON/AFP

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La mission sur les normesrurales confiée au députéPierre Morel-À-l’Huissier

préconise 200 mesures spécifiquesliées à la simplification des normesau service du développement desterritoires ruraux. Fruit d’un travailde cinq mois, la mission « ruralité »,constituée de quatre parlementai -res et de cinq inspecteurs générauxde l’administration et membresdes conseils généraux de l’admi -

nistration, a procédé à 4 000 au -ditions, reçu 400 contributionsécrites, s’est déplacée dans 8 dé -par tements ruraux et a enregistréla consultation de près de 2 000pages sur le blog dédié à la mission.Le rapport est complété de deuxpro positions de loi : l’une sur lesprin cipes de proportionnalité etde subsidiarité, l’autre sur unerésolution concernant un « pland’actions en faveur des territoiresruraux ».Pierre Morel-À-l’Huissier s’en ex-plique dans l’Hémicycle.

Vous préconisez une simplificationdes rapports entre l’administrationet les territoires ruraux que vousqualifiez de carcan, n’est-ce pasexagéré ?Pierre Morel-À-l’Huissier : Il y a400 000 normes qui s’appliquenten France et qui sont élaborées àParis ! Aucune ne tient comptede la réalité des territoires ruraux.Le second constat est qu’il n’y aaucune marge de manœuvrespécifique à la ruralité. Toutes lespersonnes que nous avons ren-contrées pour rédiger ce rapport,soit 4 000 personnes, nous ont ditque l’on était arrivé au bout dusystème. Dès que l’on veut fairequelque chose, l’administrationvous contraint. Nous avons aussiconstaté que l’on était toujoursen demande vis-à-vis de l’admi -

nis tration et jamais elle ! Elle nefait que répondre au dossier dépo -sé pour mieux le refuser. C’est unsyndrome en France. L’adminis-tration ne sait pas être en accom-pagnement de projets. C’est laculture du contrôle et non celle del’accompagnement. Dans d’autrespays européens l’administrations’est largement rénovée. Elle estbeaucoup plus réactive. En France,le fonctionnaire applique à l’ex-

trême le principe de précaution.Même les préfets départementauxen arrivent au constat qu’ils n’ontplus d’autorité et de coordinationsur des services régionaux. Il y ade plus le phénomène qui conduità ce que plusieurs services travail-lent sur le même dossier, ce quicomplique encore les choses. Leprincipe d’égalité n’est plus ap-pliqué sur notre territoire. Où estl’unicité de la parole de l’État ?

Vous êtes favorable à une meilleurelisibilité des politiques publiquesau-delà de ce constat ?La Datar n’est plus du tout ladélégation à l’aménagement duterritoire. C’est une sorte d’ovnicomposé de fonctionnaires qui sesont enkystés et qui ne répondentplus du tout à la problématiquedes territoires. Ils ne font plus quedes documents sur papier glacéet de la prospective. Il faut unestructure dédiée à l’aménage -ment du territoire et une nouvellegouvernance. Soit un ministèrede plein exercice ou une déléga-tion interministérielle, rattachéeau Premier ministre. Elle devraitavoir une autorité forte sur tousles ministères avec une directionde la ruralité, une direction juri -dique, une direction du périurbain.S’il n’y a pas cette volonté poli-tique nous n’aurons de politiqued’aménagement du territoire dans

notre pays. Il faut de l’intermi -nistériel en charge des politiquespubliques d’aménagement desterritoires.

Vous évoquez dans ce rapportles nouvelles pratiques juridiquesindispensables. Avez-vousquelques exemples ?Il y a des normes qui dans unecommune de 200 habitants sonttotalement disproportionnées par

rapport à une commune de30 000 habitants. Il ne faut doncpas se bloquer sur l’applicationde ces normes, car elles sont inap-plicables. Il faut donc instaurerun principe de proportionnalitéjuridique qui fasse le pendant auprincipe d’égalité. Il faut que cesnormes soient plus adaptées à laréalité. Le principe de subsidiaritéest également important à mettreen œuvre pour que des mairespuissent déroger à des textescompte tenu de leur pouvoir, parexemple de police. Il y aurait ainsiune base juridique.

Vous préconisez un plan d’actionen faveur des territoires ruraux ?Il y a 200 mesures proposées etqui sont très simples d’applicationcar elles passent par le niveauréglementaire. Il y a cependantquelques aspects qui nécessitentdes dispositifs légaux. Il faut doncdes mesures législatives. Le pland’action fait ce constat que l’onne peut continuer ainsi et qu’ilfaut cette volonté politique, carnous n’avons pas pris consciencede l’évolution du monde rural etde ses évolutions sociologiques.

Cela passe par la miseen place d’une commissionde simplification ?Il y a tout une architecture à mettreen place. Le préfet devrait avoir

un correspondant ruralité quiserait là pour absorber toutes lesdemandes ! Il faut ensuite deuxcommissions, l’une de médiationentre l’État et les collectivités, etl’autre d’arbitrage entre citoyenset administration. Il faut aussi unmédiateur associatif.Enfin le commissaire à la sim -pli fication doit voir son champd’action étendu pour lutter contrela lourdeur administrative rurale.La commission nationale de sim-plification serait rattachée auPremier ministre, qui intégreraitles travaux effectués par le com-missaire à la simplification etceux réalisés par la commissionconsultative d’évaluation desnormes dont les missions respec-tives auront été préalablementélargies à la problématique de laruralité.Sept lois de simplification ont étéfaites et il faut donc aller encoreplus loin en intégrant la ruralitédans ce mouvement de simplifi-cation.

Il faudra combien d’annéespour sortir de cette logiqueet de ce syndrome ?Il faut au moins une législature !Il faudra pour cela travailler par thè -me, comme celui de l’urbanisme.Comment faire une carte commu-

nale ? Comment alléger l’existant ?Il faut demain un véritable mi -nis tère de la ruralité et de l’amé-nagement du territoire. J’ai crééle groupe de la droite rurale, quirassemble 57 députés, et je croisde par mon expérience d’élu àces évolutions nécessaires.Je vais écrire à tous les candidatsà l’élection présidentielle pourleur demander sur quels pointsils sont d’accord pour s’engagers’ils sont élus. Il faut faire bougerles choses et les habitudes, car iln’y a aucune culture rurale dansles administrations. On a envie dedégoupiller une grenade ! Il fautfaire évoluer les choses car on estsans cesse ennuyé par cette norma -lisation excessive. Il est inaccep -table d’avoir un État dans l’Étatet des énarques qui considèrentqu’un ministre passe et que lesfonctionnaires restent !Le fonctionnaire doit respecterl’usager et il faut en finir aveccette dictature administrative. C’estd’ailleurs pour cela qu’il faut impo -ser le recours préalable gracieuxavec l’obligation de ré ponse dansles deux mois d’une administra-tion. Cela éviterait 30 à 40 % descontentieux devant les tribunauxadministratifs.

Propos recueillispar Joël Genard

Territoires ruraux

Risque d’étouffementadministratifLe député Pierre Morel-À-l’Huissier, qui présidait la mission sur les normes rurales, lance un crid’alarme : il faut simplifier les normes actuelles et sortir du carcan administratif.

Aménagementdu territoire

Pierre Morel-À-l’Huissier. PHOTO DR

«LA DATAR N’EST PLUS DU TOUT LADÉLÉGATION À L’AMÉNAGEMENT DU

TERRITOIRE. C’EST UNE SORTE D’OVNI COMPOSÉDE FONCTIONNAIRES QUI SE SONT ENKYSTÉS »

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Depuis la désignation du pre-mier ministre de la ville,Michel Delebarre, en 1990,

et malgré des réussites certaines(notamment les plans Borloo), l’Étatn’est pas réellement parvenu à défi-nir une politique globale et durableen faveur notamment des banlieues.Gilles Demailly, président (PS)d’Amiens Métropole, déplore ainsi« la multiplication des dispositifs,le manque de financements du droitcommun, la situation alarmantedans laquelle se trouve l’ensemble desquartiers prioritaires, et les interro -gations de beaucoup quant à l’avenirmême d’une politique vitale pour lacohésion de nos territoires ».Confrontés à la baisse des créditset à l’abandon du plan Marshallpromis par Nicolas Sarkozy en2007, les acteurs de la politiquede la ville estiment encore que« La révision générale des politiquespubliques (RGPP) a des effets catas-trophiques dans la mise en œuvredes politiques d’éducation, de santé,de lutte contre le chômage ou encorede sécurité. »

Une loi quinquennale deprogrammation dès 2013Le député-maire de Toulouse, PierreCohen (PS), dont la ville a été lethéâtre de six des sept meurtres deMohamed Merah, plaide en faveur

d’une « véritable contractualisationdes rapports entre l’État, les associa-tions et les collectivités » pour réduireles inégalités qui frappent les ban-lieues. Estimant que « la trajectoirede ce garçon [Mohamed Merah, ndlr]présente tous les symptômes de ce quine va pas dans les banlieues ». Il ana-lyse : « Les dispositifs mis en placedans le cadre de la politique de la villene sont pas suffisants. Il est nécessaired’accompagner ces jeunes par tout cequi permet l’intégration, en ce quiconcerne les loisirs, la culture, le sport,et retirer tout ce qui peut les exclure. »Michel Destot (PS), président del’Association des maires de grandesvilles de France (AMGVF), RenaudGauquelin (PS), président de Villeet Banlieue, et l’édile de la Ville roseont présenté à l’Assemblée natio-nale un manifeste pour une nou-velle politique de la ville. « Nousvoulons montrer le caractère prioritairedes problèmes liés à la façon dont lesvilles évoluent, et de la façon dont uncertain nombre de jeunes sont exclusde la République », souligne encorePierre Cohen.

Rappelant que près d’un tiers deshabitants des quartiers sensiblesvivent sous le seuil de pauvreté,Michel Destot demande « le voted’une loi quinquennale de program-mation dès 2013 fixant les objectifs

et les moyens de la politique de laville ». Cette loi intégrerait à la foisles enjeux liés à l’éducation, lasanté, la sécurité, les transports, lelogement, l’urbanisme, la cultureet le sport. Renaud Gauquelin,dont l’association est composéede maires de toutes tendances, adéfendu pour sa part la créationd’un ministère d’État à l’Égalité desterritoires et à la Cohésion sociale.Des élus qui prônent par ailleursune approche territorialisée de lapolitique de la ville. « L’accent doitêtre aussi mis sur les programmes deréussite éducative qui doivent êtrepérennisés, et permettre une vision àmoyen et long terme des moyens en-gagés », poursuit Renaud Gauque-lin. Outre le développement des« écoles de la deuxième chance »,les trois hommes défendent enfinl’idée d’« emplois francs », encomplément des zones franchesurbaines (ZFU). L’initiative consis-terait ainsi à condi tionner desexonérations sociales et fiscalesnon pas à l’adresse de l’entre prisemais du demandeur d’emploi.

Des contrats urbainsde cohésion socialeexpérimentauxÀ quelques jours du premier tourde la présidentielle, la démarchen’a pas manqué de faire réagir

l’actuel ministre de la Ville, Mau-rice Leroy. Fustigeant le candidatsocialiste, il estime : « Jamais ungouvernement n’aura autant investien faveur des quartiers populairesque sous le quinquennat de NicolasSarkozy. » Pour le successeur de Fa-dela Amara, qui revendique unepolitique de la ville innovante,« Cette politique n’est possible quegrâce à une forte mobilisation del’État : tous crédits confondus, en2012, la politique de la ville c’est

5 milliards d’euros, dont plus d’unmilliard pour la rénovation urbaine. »Un an après le lancement descontrats urbains de cohésion so-ciale (CUCS), qui visent à orchestrerles actions en matière de cohésionsociale et d’égalité des chances me-nées par l’Acsé*, le gouvernement

a rappelé la mise en œuvre des 33projets expérimentaux répartis sur36 communes de 15 départements.Développée en faveur des habi-tants des quartiers prioritaires, ladémarche entend fédérer les éner-gies locales autour de l’emploi, del’éducation et de la sécurité. « Desactions construites sur mesure pourrépondre aux besoins des popula -tions, aux spécificités des territoires.Ne nous y trompons pas, ce qui est enjeu, ce n’est pas seulement la réussite

des individus, c’est aussi la stabilitéde leurs familles et, au-delà, l’équi -libre de notre société tout entière »,analyse Maurice Leroy. Plusieursactions phares ont d’ores et déjàété engagées à Toulouse, Strasbourg,Brest ou encore Marseille, permet-tant de scolariser les enfants dès

l’âge de 2 ans, de renforcer l’inter-vention de Pôle emploi, ou encored’adapter les moyens policiers pourgarantir la sécurité des quartiers.Des expérimentations appeléesà définir la future génération decontrats entre l’État et les collec -tivités territoriales en matière depolitique de la ville.

Ludovic Bellanger

* L’Agence nationale pour la cohésionsociale et l’égalité des chances.

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Initiatives

La politique de la ville, qui concerne 8 millions de personnes et 2 500 quartiers, reste à la recherched’une meilleure efficience. Déplorant le désengagement de l’État, les principales associations d’élusdéfendent de nouvelles pistes tournées vers les quartiers les plus fragiles.

Les villes en quêtede cohésion sociale

«L’ACCENT DOIT ÊTRE AUSSI MIS SUR LESPROGRAMMES DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE QUI

DOIVENT ÊTRE PÉRENNISÉS, ET PERMETTRE UNEVISION À MOYEN ET LONG TERME DES MOYENSENGAGÉS » Renaud Gauquelin, PS, président de Ville et Banlieue

Maurice Leroy. Pour le ministre de la Ville qui s’insurge contreles critiques, la politique gouvernementale vise à donner aux acteursdes quartiers les plus difficiles des leviers pour assurer la cohésionéconomique, sociale et territoriale. PHOTO MEHDI FEDOUACH/AFP

Renaud Gauquelin. Maire PS de Rillieux-la-Pape, conseillergénéral du Rhône. PHOTO F. BOISJOLY

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Cette année, 105 enfants de7 communes des Hauts- de-Seine participent au pro-

gramme de l’orchestre DEMOS– Dispositif d’éducation musicaleet orchestrale à vocation sociale.Pour Patrick Devedjian, président(UMP) du département, « Il s’agit deconcilier l’excellence et le populaire. »Cette initiative s’inscrit dans uncontexte international destiné àfavoriser l’accès à la culture pour leplus grand nombre. L’expérimen-tation, qui concerne les jeunes desquartiers relevant de la politique dela ville, est basée sur un apprentis-sage collectif et encadré de la mu-sique classique. Elle bénéficie à cetitre du soutien des ministères dela Culture et de la Ville.

Le projet repose sur une démarchepédagogique et collective. Il associeun suivi social et éducatif, impli-quant, outre des musiciens profes-sionnels, de nombreux pédagogueset éducateurs.Chaque enfant de l’orchestreDEMOS dispose d’un instrumentde musique et suit quatre heures decours par semaine, en dehors dutemps scolaire. Un enseignementnotamment dispensé par les musi-ciens de l’Orchestre de Paris.Pour ses initiateurs, l’objectif est àla fois culturel – avec la découvertede la musique classique et l’appren-tissage d’un instrument –, pédago-gique – grâce à l’acquisition de laconcentration et de la rigueur desbases musicales – et social – la par-

ticipation à un orchestre permet-tant d’apprendre à vivre ensemble.Initiée en 2010, l’expérience sera

élargie à la rentrée à un millier dejeunes d’Île-de-France et s’étendraà trois autres régions. L.B.

Célèbre pour ses interventionsdans les pays du tiers-monde,Médecins du monde devrait

« probablement ouvrir cette année sesprogrammes d’accès aux soins en zonerurale, en Auvergne et dans des zonesreculées d’Alsace », explique OlivierBernard, président de l’organisationnon gouvernementale. Le médecina précisé toutefois que cette dé -marche qui est « nouvelle pour Mé -decins du monde » est « en cours deréflexion », ajoutant qu’elle répon-dait à « des besoins et des interro -gations des médecins de terrain » descampagnes françaises.Chaque année, les 22 centres d’ac-cueil et de soins en métropole etdans les départements et territoi resd’outre-mer assurent près de 40000consultations médicales et sociales,gratuites et sans rendez- vous.Avec 216 145 médecins actifs, laFrance est pourtant parmi les paysles mieux dotés, avec en moyenne

306,7 praticiens pour 100 000 ha-bitants, selon le conseil nationalde l’Ordre des médecins. Mais cettedensité cache de fortes dispa rités :pour exemple, il y a en Picardie239 médecins pour 100 000 habi-

tants, contre 370 dans la régionProvence-Alpes-Côte d’Azur.

Un possible « krach sanitaire »Face à un possible « krach sanitaire »,l’association de bénévoles a enta -

mé début mars une campagne desensibilisation. Organisé jusqu’enjuin, le tour de France vise à inter -peller les candidats à l’électionprésidentielle, puis aux législatives,sur la remise en cause d’un accèséquitable aux soins.L’association avait déjà dénoncé,dans son rapport annuel de 2011,la dégradation de l’accès aux soinsdes plus démunis. Médecins dumonde de mettre en cause « la criseéconomique », mais aussi « les po -litiques publiques » qui « ciblent lespopu lations marginales », rendantl’accès aux dispositifs de soin« plus compliqué » et « réduisantl’hébergement d’urgence et le loge-ment social ».L’ONG qui estime encore : « L’in-différence des candidats aux élec-tions pourrait aggraver le risqued’une crise humanitaire aux portesdu système de santé français. »

L.B.

Médecins du monde au chevetdes campagnes françaises

UN PPP POUR LES COLLÈGESDU LOIRET� Le Loiret a conclu un partenariat public-privé (PPP) innovant pour la constructionde deux collèges et d’une salle polyvalenteà Meung-sur-Loire et à Saint-Ay pour larentrée 2013. C’est la première fois quedeux collectivités s’associent à unpartenaire privé. « C’est plus complexequ’une procédure classique mais celapermet de tirer les coûts vers le bas,avec une différence de l’ordre de 20 % »,souligne le président du conseil général,Éric Doligé (UMP). En 2006, le Loiret avaitété le premier département à mettreen œuvre un PPP pour la constructiond’un collège. Une initiative à l’époquecontroversée au point d’être annuléepar le tribunal administratif, avant d’êtrelégitimée en 2010 par le Conseil d’État.

LA PLUS GRANDE ÉOLIENNEOFF SHORE AU MONDEINAUGURÉE ENLOIRE-ATLANTIQUE� D’une hauteur de 176 m pour uneenvergure de 150 m, le prototype signéAltsom, d’une puissance de 6 MW, estaujourd’hui la plus grande éolienne offshore au monde. Installée sur le site duCarnet, dans l’estuaire de la Loire, elle seratestée pendant un an. « Ce projet estparticulièrement moteur et fédérateurpour les industries de notre territoire »,commente Jean-François Gendron,président de la CCI Nantes Saint-Nazaire.La production en série de l’Haliade 150est envisagée dès 2014. Les nacelleset les alternateurs seront réalisés à Saint-Nazaire, les pales et les mâts à Cherbourg,avant de rejoindre les futurs champséoliens en mer.

LE PAS-DE-CALAIS RÉUNITLES DÉTROITS D’EUROPE� Portée par le Pas-de-Calais, l’Initiativedes Détroits d’Europe réunit huit espaces :le Kvarken et le golfe de Finlande, leFehmarn Belt (Danemark), les Bouchesde Bonifacio (Corse), et les détroitsd’Otrante (au large de l’Albanie), de Sicile,de Messine (Italie) et du Pas-de-Calais.L’objectif du programme présenté àWimille est d’encourager les coopérationstransfrontalières et d’analyser lescapacités des territoires concernés àpréserver la biodiversité et le patrimoinenaturel de ces zones.

UN CŒUR ET UN BRETZELPOUR LA MARQUE ALSACE� Le conseil régional alsacien a présentésa marque de territoire, baptisée « Marquepartagée Alsace ». Une signature destinéeà renforcer le rayonnement et lacompétitivité de la région dans lesdomaines économiques et touristiques.

« La Marque partagée Alsace, en tantque porte-drapeau de cette stratégied’attractivité alsacienne, nous permettrade gagner en visibilité, en notoriété et encompétitivité », espère Philippe Richert,président (UMP) du conseil régional.

En bref

Destiné aux enfants de 7 à 14 ans issus de quartiers difficiles, l’enseignementmusical s’étendra à la rentrée à près d’un millier d’apprentis mélomanesd’Île-de-France.

Après l’Afrique et Haïti, l’ONG a annoncé l’ouverture de centres de soinsen Auvergne et en Alsace afin de pallier les déserts médicaux.

Olivier Bernard. Le président de MdM dénonce une politiquequi rend l’accès aux soins « plus compliqué ». PHOTO PIERRE VERDY/AFP

Dans les Hauts-de-Seine

La musique classiqueadoucit les mœurs

DR

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Un nouveau groupe scolaire,une base nautique, des ter-rains synthétiques de football,

des centres socioculturels dans lesquartiers, la grande rénovation du mu -sée des beaux-arts, l’entretien durabledu pa trimoine municipal… » L’in-ventaire dressé par Pascal Bolo,adjoint chargé des finances à lamairie (PS) de Nantes, est ambitieux,il détaille les chantiers prévus cetteannée dans la capitale des ducsde Bretagne. La ville y met lesmoyens : ses dépenses prévision-nelles d’inves tissement doiventcroître de 9 % par rapport à 2011,pour s’établir à 85 millions d’euros.Nantes figure en haut du panierdes communes les plus enclines àin vestir. Selon l’étude réalisée parla banque Dexia Crédit Local, encollaboration avec l’observatoiredes finances locales SFL-Forum,les villes de plus de 100 000 habi-tants (hors Paris) envisagent enmoyenne, sur la base de leurs bud -gets primitifs, de gonfler leurs in -vestissements hors dette de 7,7 %(l’an passé, la hausse prévue étaitde 5,4 %) : les projets élaborés parles maires au début de leur mandat,en 2008, deviennent des chantiersconcrets, avec en ligne de mire lesprochaines élections municipales,dans deux ans. Pour autant, la

croissance est moindre qu’au mêmestade du précédent man dat, parti-culièrement dynami que car portépar de grands amé nagements enmatière de transports, comme lestramways. Les grands groupes in-tercommunaux suivent la mêmeévolution, avec une hausse prévuede 8 %. Mais sur l’ensemble desgrandes collectivités locales, les in -vestissements ne devraient grim-per que de 0,8 % cette année.Ce sont les départements qui fontchuter la moyenne. Après deuxannées consécutives de net recul,les dépenses d’investissement de-vraient décroître moins fortementen 2012. Une décroissance del’ordre de 3,2 %. André Boulanger,directeur des études de DexiaCrédit Local, y voit un « recentragesur les fonctions de base qu’assu-ment les départements, lié au poidsdes dépenses d’aide sociale, qui estextrêmement lourd dans le contextede crise dans lequel on est et quiréduit les marges de manœuvre pourcontinuer d’investir massivement ».Les régions s’inscrivent dans uneoptique de stabilité ; plus exacte-ment, les investissements devraientaugmenter imperceptiblement de0,9 %. Pour Nicolas Laroche, direc-teur de SFL-Forum, les régions sont« le niveau de collectivité qui a été le

plus impacté par la suppression de lataxe professionnelle, ça leur a retiréun levier fiscal très important, elles seretrouvent maintenant avec des re cettesqu’elles peuvent à peine moduler ».Une fois établis les constats, unequestion : alors que l’accès au cré-dit de vient plus difficile, avec quelargent les collectivités locales inves-tissent-elles ? D’après l’étude, 69 %des dépenses seraient portées pardes ressources propres (l’autofi-nancement) et 31 % par la varia-tion de la dette. Mais, nuance detaille pour les communes : lerecours à l’endettement devraitse renforcer, alors qu’il serait enrecul dans les départements et lesrégions.Si l’investissement local est à cepoint scruté à la loupe, c’est qu’ilconstitue un pan non négligeablede notre économie. Il représenteà lui tout seul 45 % du chiffred’affaires du secteur des travauxpublics et environ 25 % de celuidu bâtiment non résidentiel, selonles analystes de Dexia. Les collec-tivités locales françaises réalisentmême 22 % de l’investissementlo cal de toute l’Europe, deuxfois plus que leurs homologuesallemandes ou britanniques. Bref,elles sont un véritable mastodonte.

«

Collectivités locales

Malgré la crise, les collectivités locales ont continué d’investir. En 2012, grandes villes, groupementsintercommunaux, départements et régions devraient voir leurs dépenses d’investissementaugmenter de 0,8 %. Des augmentations qui diffèrent selon les échelons territoriaux.Par Florence Cohen

Comment vont évoluer vosinvestissements par rapportà l’année dernière ?Nous sommes toujours en phasede décroissance. Nous serons cetteannée à 87,1 millions d’euros (enbaisse de 3,2 % sur un an). Il y aplusieurs causes à l’étranglementfinancier auquel nous sommesconfrontés. D’une part, l’absencede compensation intégrale des troisallocations de solidarité (l’APA pourles personnes retraitées, l’APCHpour les personnes en situation dehandicap et le RSA pour les famillesen difficulté). Deuxièmement, on aeu une perte importante sur la taxeprofessionnelle parce que la com-pen sation n’est pas à la hauteurde la dynamique que représentait

la croissance de cette taxe sur desterritoires, comme le mien, en pleindéveloppement économique. Lesrecettes fiscales que nous pouvonsmaîtriser ne représentent plus que17 % des recettes, alors qu’ellesétaient de 35 % il y a encore deuxans. Tout cela conjugué fait que,chaque année, nous avons une im-passe de plus de 30 millions d’eurosque le gouvernement nous doit.

Dans quels domainesinvestissez-vous le plus ?La première des priorités, c’estl’Éducation. Je suis aujourd’hui à15 millions d’euros d’investisse-ment, mon objectif est d’aller à22-25 millions, c’est-à-dire un quartde l’investissement consacré au

collège. Pourquoi ? Parce que j’aiune forte croissance démographi -que (+ 50 000 habitants en dixans) et, parmi les nouveaux arri-vants, 73 % ont moins de 35 ans.Je construis de nouveaux collègesparce que les effectifs doublent.Parmi les autres priorités, il y a bienentendu l’entretien du réseau rou-tier (là on est un peu en difficulté :avant on mobilisait 35 millionsd’euros, j’ai ramené ça à 10 mil-lions). Enfin, le numérique, le trèshaut débit : on va mettre près de4 millions d’euros cette année.

Quels sont vos leviersfinanciers pour investir ?L’épargne brute passe de 47 à57 millions en un an. Par ailleurs,

nous avons diminué le recours àl’emprunt : on aura 35 millionsd’euros d’emprunts à faire, maisje travaille beaucoup sur la trésore-rie zéro. L’an dernier, par exemple,j’ai contracté un emprunt queje n’ai pratiquement pas mobi-lisé, donc je vais l’avoir pourcette année. Bien m’en a pris, carnous avons une grosse difficulté,c’est que toutes les collectivitésconfondues en France ont besoinde 17 milliards d’euros chaqueannée. Or la CDC et les autresbanques vont mettre tout juste12 milliards d’euros sur la table.Donc il va y avoir une impasse de5 milliards d’euros et ça va êtretrès difficile de trouver du crédit.

Propos recueillis par F.C.

CLAUDY LEBRETONPRÉSIDENT (PS) DU CONSEILGÉNÉRAL DES CÔTES-D’ARMOR,PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉEDES DÉPARTEMENTS DE FRANCE

3 questions à

Expertise

Pendant la crise, lesinvestissements continuent

Nantes. Un exemple d’investissement lourd : le chantier de la facultéde médecine. PHOTO ALAIN LE BOT/AFP

Les départements étranglés : un exemple les Côtes-d’Armor

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NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012 L’HÉMICYCLE 11

Les négociations sur la réformede la politique régionale avan -cent lentement à Bruxelles.

C’est pourquoi les collectivités lo ca -les s’interrogent. Elles viennent derédiger un document assez completet très structuré pour rappelerleurs exigences. Les associations desmaires de grandes villes (AMGVF)et des communautés urbaines(ACUF) livrent ainsi leurs réflexionssur la future politique régionale,sous l’impulsion de Michel Destot,député-maire (PS) de Grenoble.

Des précisions indispensablesPour faire avancer leurs revendi -cations, les régions s’appuient surun allié de taille en la personne ducommissaire européen JohannesHahn. L’Autrichien souligne depuis

des mois sa volonté d’octroyer uneplace de choix aux citadins. « Lesvilles, et non les nations, ont été lesprincipales responsables de la majeurepartie de l’existence de notre civilisa-tion et [elles] peuvent de nouveau de-vancer les nations », avait-il soulignéen février dernier, lors du Forumurbain qui se tenait à Bruxelles. LaCommission européenne souhaiteque les villes deviennent la courroiede transmission d’une politique ré-gionale axée sur le développementdurable, l’innovation et la luttecontre les inégalités. Les élus desgrandes villes ont donc apprécié ladémarche et se sentent rassurés,sans pour autant donner un satis-fecit plein et entier à Bruxelles.« Certaines propositions méritentd’être clarifiées quand d’autres susci-

tent des interrogations voire des in-quiétudes », écrivent-ils dans leurcommuniqué.

La mise en réseau des communesDans les faits, Bruxelles souhaitequ’au moins 5 % de l’enveloppe duFonds européen de développementéconomique et régional (Feder)soit gérée par les villes conduisantdes projets urbains. Ce seuil propo -sé paraît trop juste pour les élus,d’autant que les villes ne tiennentpas à prendre à tout prix la mainsur la gestion de cette mannede Bruxelles. Ce choix doit rester« fa cultatif » au vu des surcoûtsadmi nistratifs qui pourraient êtreengendrés, précise le communiqué.D’autres propositions de la Com-mission européenne sont également

accueillies avec réserve. La Commis-sion souhaite que 20 communesmaximum soient retenues par cha -que État. Cette démarche pourraitde fait exclure du dispositif les villesde taille moyenne. Les élus préfé -reraient donc privilégier l’appel àcandidatures, qui permettrait desélectionner les participants sur labase de projets plutôt que sur descritères figés comme le nombred’habitants. La Commission veutpar ailleurs accélérer la mise enréseau des communes en créantune « plate-forme » de 300 villes,décrite par Johannes Hahn commeune « université du développementurbain ». Sauf que la démarchesemble redondante puisqu’unprogramme européen (Urbact) estdéjà dédié à l’échange de bonnes

pratiques entre les villes. D’où lesdoutes émis par les élus sur la« valeur ajoutée » de la nouvelleinitiative.

Changer les habitudesLa Commission cherche par ailleursà associer davantage les collectivitésaux autres acteurs (entreprises, asso -ciations, syndicats…). Le principeexiste déjà dans les zones ruralesdepuis les années 1990 à traversles « groupes d’action locale », quisélectionnent les projets financéspar l’UE. Bruxelles souhaite aujour-d’hui élargir cette méthode au-delàdes zones rurales, mais l’idée nesé duit pas pour autant les élus, quire doutent un regain de complexitédans la gouvernance locale.

Joël Genard

Politique régionale : les propositionsde l’Union européenne font débatLes villes moyennes livrent leurs réflexions sur les mesures préconisées par la Commission européennefavorables au développement de grands centres urbains. En France, les associations des mairesdes grandes villes interpellent Bruxelles sur les projets de politique régionale en cours d’élaboration.

À distance

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12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012

Apparue il y a une vingtained’années pour optimiserles relations du bâti avec les

cri tères du développement durableissus du Sommet de la Terre de1992, la HQE maintient les qualitésd’archi tecture, de fonctionnalité etde performance habituelles maissans impact sur la nature. Ses idéesforces ne sont pas, comme on le croitsouvent, des normes que devraientrespecter les constructeurs maisdes objectifs permettant d’atteindredes « cibles ». Sorte d’item à obtenirpour faire valider une démarche qua -lité, chacune de ces cibles concré-tise un champ d’expertise opérantune plus-value environnementale :écoconstruction (relation du bâti-ment avec son environnement…),écogestion (déchets d’activités,eau…), confort (acoustique, olfac -tif…), sanitaire (qualité de l’air, desespaces…). Il existe 14 cibles, peut-être bientôt 15 avec l’ajout de labio diversité. Ce type de réalisationaugmente d’environ 20 % le coûtmais produit des économies d’éner -gie de 30 %, 15 % d’économie en eaupotable, mais provoque une aug-mentation des loyers…

L’intérêt de la démarchepour les élusDepuis le début des années 2000,les collectivités territoriales s’atta -chent à diffuser la démarche HQEdans la conception des bâtimentsissus de l’initiative publique. Leconseil général du Nord, en 2005,a même initié une commission deréflexion sur des « routes durables ».Une fois construite, la route estra rement supprimée et constitueun élément très perturbateur pourles écosystèmes : l’Assemblée desdépar tements de France a doncpublié, en 2011, un référentiel avecun « système de managementd’opé ration » basé sur des objectifss’appliquant aux opérations rou -tières neuves ou en réhabilitation.Dans ce cas, comme dans d’autres,l’opinion publique et les observa-teurs locaux constatent une véri -table préoccupation écologique.Comme les grands équilibres sonten jeu (effet de serre, ressources fos-siles, changement climatique…), la

HQE est une réponse aux nouvellesattentes de la population. Installerla notion de développement du ra -ble dans le bâtiment est alors unenjeu crucial pour les collectivitésterritoriales. Cela explique les trèsnombreuses réalisations HQE. EnHaute-Marne, un collège fut bâtiavec comme point focal l’efficacitéénergétique : un puits provençalconstitué de tuyaux en PVC permetde moduler la température inté -rieure par l’enfouissement calculédes tuyaux, ce qui permet uneclimatisation naturelle l’été et unpréréchauffement l’hiver. Au cœurde Tarbes, une crèche municipale aété réalisée en respectant 7 des 14cibles. Le premier hôpital françaisconçu selon cette démarche est àAlès, dans le Gard, son but étant deconcilier bien-être humain, respectde l’environnement et emploi destechnologies les plus sophisti quées.La Ville de Paris et Vinci Immobilieront retenu un projet d’hôtel troisétoiles, Park Inn, de l’agence Per-rault, à la porte des Lilas, respectantla HQE. La banque régionale d’Alsa -ce a construit son siège social sui -vant ces objectifs, comme le nou velécoquartier de La Courrouze im-pulsé par l’agglomération rennaise(ancien quartier militaire), le nou -vel hôtel de ville des Mureaux(Yveli nes)… En février 2011, AltareaCogedim a livré la plus grosse réa -lisation HQE de France (NF Bâti-ments tertiaires), la tour First à LaDéfense, cinq fois moins consom-ma trice d’énergie qu’une tour clas-sique grâce à sa façade bioclima-tique.

Deux acteurs de la qualitéenvironnementalePour organiser le contenu techni -que de la qualité environnemen-tale, il existe aujourd’hui deuxdo cuments « référentiels » – Ma na -gement en vironnemental, Défini-tion de la Qualité – se déclinantdans le secteur de constructionconcerné (établissements de santé,bâtiments en rénovation, bâtimentstertiaires…). Ils sont élaborés parune association française reconnued’utilité publique, l’association HQE,qui est la dépositaire des licences

exclusives HQE et Démarche HQE.Mais elle délègue la certificationà un organisme certificateur pro-prement dit suivant le domainede l’opération (Afnor certificationpour NF Ouvrages, Certivéa pourNF Bâtiments tertiaires, Céquamipour NF Maison individuelle,Cerqual pour NF Logement…).Beaucoup de constructeurs procla-ment eux-mêmes leurs propres« normes » mais seule la certifica-tion est un gage de sérieux au titredes décideurs publics. Un autreacteur de poids dans la qualité en-vironnementale du cadre bâti estl’Ademe (Agence de l’environne -ment et de la maîtrise de l’énergie),partenaire de la plupart des opéra-tions réalisées et membre fondateurde l’association HQE.

Comment obtenir une aideà la réalisation ?Il faut d’abord établir un contactavec la délégation régionale del’Ademe, pour utiliser son exper tisele plus en avant du projet. Ensuite,il faut contacter les entrepriseset les autres acteurs concernés. Le« management environnemental »proprement dit suppose de réunirles spécialistes nécessaires, et no-

tamment les experts, ingénieurs,conseillers en environnement, pourréaliser un Système de Managementenvironnemental condui sant à uneoptimisation écologique majeure,aussi bien pendant la phase deréa lisation que pour l’exploita -tion subséquente. Les délégationsrégio nales étudieront ensuite lesde man des déposées par les maî -tres d’ouvrage suivant deux « cou -loirs » : le plus fréquenté est celuides « aides à la décision », finan -çant jusqu’à 50 % du coût jusqu’à75 000 euros. Et l’« aide aux opéra-tions exemplaires » peut comblerjusqu’à 40 % d’un plafond de sur-coût de 500 000 euros si l’in ves -tissement le justifie et en confor -mité avec les règles européennes.L’Ademe fournit une informationtechnique pour les partenairesdu projet et la population. Selonles régions, les aides ne sont pasconditionnées de la même manièresuivant les conventions passéesentre l’Ademe et les collectivités.Signalons aussi l’« écocondition-nalité » (article 19 du Grenelle II),qui permet aux élus d’utiliser leurpouvoir décisionnel en matière derègles d’urbanisme ou d’attributiondes aides pour orienter l’entourage

socio-économique à adopter le boncomportement écologique (parti -culiers et entreprises). Pour réaliserdes bâtiments durables, la HQE seconcrétise en écoconditionnalitépour ce qui touche à l’accès au fon -cier, à la bonification des droits– bonus du coefficient d’occupationdes sols (COS) –, à l’obtention desubventions…La HQE fait maintenant l’objetd’une reconnaissance institution-nelle hégémonique, même s’il existedes labels plus ciblés. Les Assises del’HQE rassemblent chaque annéeles professionnels du bâtiment, lestechniciens et de nombreux élus.Les chambres de commerce et d’in-dustrie dispensent des enseigne-ments sur la démarche (exigencesdu référentiel, retour d’expériences,gestion des nuisances de chantier,rédaction du cahier des prescrip-tions environnementales…). Et lesaides européennes (cf. l’Hémicyclen° 442) prennent en compte la HQEdans des cadres visant à atteindreles objectifs fixés par l’Union euro -péenne (Programme énergie intel-ligente Europe, Feder…).

Richard KitaeffProfesseur à Sciences-Po Paris

Haute qualité environnementale :

les pouvoirs de l’éluComment mettre en œuvre la Haute qualité environnementale (HQE), qui vise à respecterl’environnement dans toutes les opérations de construction, conception, fonctionnementet déconstruction des bâtiments publics, logements, bureaux tertiaires ou industriels… ?Entre les collectivités, les entreprises et les maîtres d’œuvre, la HQE est une donnée à prendreen compte au regard de l’opinion publique. L’Hémicycle vous donne des éléments de réponse.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff

Pratiques

À Nancy, un programme de construction de logement social exemplaire constitué de logements HQE.

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L’Hémicycle : Le programmede la saison 2012 met l’imaginairecomme point central de ladémarche. Pour quelles raisons ?Isabelle Lemesle : De mai à octobre2012, Christian Caujolle, commis-saire de « Monuments et Imagi-naires », a développé une pro-grammation culturelle ouverte etéclectique dans plus de 30 monu-ments à travers toute la France.Avec une manifestation culturelleen réseau sur le thème « Monu-ments et Imaginaires » et plusieursévénements majeurs (grandes ex -po sitions contemporaines ou pa -trimoniales, opérations en ré seau,spectacles nocturnes), plus dedeux cents manifestations dansles monuments du CMN serontprésentées tout au long de l’année.Ainsi, pendant tout l’été, noussuivrons partout la rencontreentre l’imaginaire de l’artiste et« l’imaginaire fondateur du lieu »qui éclairera les œuvres et les sitesd’un jour inédit. C’est le sens decette démarche, car tous ces mo -numents ont été conçus et édifiéspour marquer l’imaginaire autantque le regard.Photographes, vidéastes, sculp-teurs, artistes du paysage, musi-ciens et autres explorateurs del’art, français ou étrangers, tousinterviennent sur le patrimoinequ’ils transforment en images depierre, de son, d’herbe ou d’acier,de lumière et de verre, sans limiteet sans frontière. Les œuvresdu passé rejoignent les créationsd’aujourd’hui dans un balletvisuel fantastique.

Peut-on parler d’un panorama del’imaginaire recherché au travers decette multitude de manifestations ?Les choix ont été difficiles. Nousavons souhaité rendre hommageà Antoni Tàpies à l’abbaye de Beau -lieu-en-Rouergue (premier hom ma-ge national rendu à l’artiste depuissa disparition), lectures-concertsintitulées « Nos apocalypses » à laSainte-Chapelle en coproductionavec le Théâtre de la Ville, expo -sition « De Piranèse à Schuiten »au château de Vincennes, installa-tions de Mat Collishaw au palais

Jacques-Cœur à Bourges, exposi-tion de Chris tian Gonzenbach auchâteau de Ferney-Voltaire, instal-lation végétale de Jean-Paul Ganemau château de Rambouillet, expo -sition de photographies de SarahMoon à Carcassonne, installationsde Renate Buser aux tours et rem-parts d’Aigues-Mortes ou encoreexposition « Gustave Doré (1830-1883) un peintre né » au monastèreroyal de Brou…Si l’exhaustivité est impossible, unpanorama le plus large possibledes modes d’expression de cesimaginaires est présenté : de l’ar-chitecture aussi bien que de lasculpture, du dessin autant quede la vidéo, du cinéma, de la voixet du son, de la photographie etdes œuvres d’art.

« Rêve de monuments »marquera cette saison…À partir du 22 novembre et jusqu’au24 février 2013, à la Conciergerie,l’exposition « Rêve de monuments »conclura cette année dédiée àl’imaginaire. Sous le commissariatde Christian Corvisier, la Concier -

gerie sera le théâtre d’une installa-tion considérable qui accueillerales réa lisations des bâtisseurs, illus-trateurs et autres inventeurs denos rêves qui ont hanté les sièclesjusqu’aux jours présents ! Ponctuéed’œu vres contemporaines, l’expo-

sition s’achè vera sur la mise à laportée de tous, aujourd’hui,du château de légende, à traversl’illustration po pulaire, les jouets,la BD, le cinéma, les jeux vidéo…Imagerie plus vivante et fasci nanteque jamais dans sa version féerique,

comme dans son versant inquié-tant. Après avoir travaillé sur « Bêtesoff », les scénographes MassimoQuendolo et Léa Saïto seront denouveau de l’aventure.

Le tricentenaire de la naissance deJean-Jacques Rousseau se devaitd’être célébré avec faste ?Effectivement, l’autre temps fortde cette saison sera l’expositionmajeure « Jean-Jacques Rousseauet les arts », qui bénéficie de prêtsprestigieux. Elle sera présentée auPanthéon du 29 juin au 30 sep-tembre pour célébrer le tricente-naire de la naissance de l’écrivain.Guilhem Scherf, conservateur enchef au département des sculp-tures du musée du Louvre, en as-sure le commissariat.Le principe de base de cette expo-sition n’est pas de proposer unevision illustrée de la vie et del’œuvre de Jean-Jacques Rousseau.L’idée maîtresse du présent pro -jet est de montrer les relationsétroites entre l’écri vain et les arts.La scénographie de « Jean-JacquesRousseau et les arts », confiée àJérôme Haber setzer, occuperadeux cubes de 400 m² dans lesdeux transepts nord et sud de lanef du Panthéon.

Propos recueillispar Joël Genard

NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012 L’HÉMICYCLE 13

Monuments nationaux :l’imaginaire à l’œuvre

Culture

L’année culturelle organisée par le Centre des monuments nationaux (CMN) s’articule autourde l’imaginaire mis en œuvre sous toutes les formes esthétiques. Le président du Centredes monuments nationaux, Isabelle Lemesle, prévoit 200 manifestations de toute natureorganisées dans plus de 30 monuments répartis sur tout le territoire. Interview.

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Les alignements de Carnac,le site archéologique de

Gla num, l’abbaye du Mont-Saint-Michel, le château d’Azay-le-Rideau, le domaine national deSaint-Cloud, l’arc de Triomphe, ouencore la villa Savoye, consti tuentquelques-uns des 96 monumentsnationaux, propriétés de l’État,confiés au Centre des monumentsnationaux.Premier opérateur public françaistouristique et culturel avec plusde 9 millions de visiteurs par an,le CMN conserve et ouvre à lavisite grottes préhistoriques, sitesarchéologiques, abbayes, châ teauxou encore villas contemporaines

qui illustrent ainsi, par leur di-versité, la richesse du patrimoinefrançais.Son budget annuel est de130 millions d’euros. Son fonc-tionnement est alimenté à 75 %par ses ressources propres (billet-terie, locations d’espaces, recettesissues des boutiques et des Édi-tions du patrimoine, mécénat) etgrâce à un système de péréquation,les monuments bénéficiaires per-mettent la réalisation d’actionsculturelles et scientifiques surl’ensemble du réseau.Les 25 % restant correspondentaux subventions attribuées par leministère de la Culture.

Le CMN en chiffres

Isabelle Lemesle. Le président du Centre des monuments nationaux supervise un programme ambitieuxpour 2012. Deux cents manifestations culturelles dans plus de trente monuments à travers toute la France.

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En 2011, l’e-commerce agénéré un chiffre d’affairesde 37,7 milliards d’euros, en

hausse de 22 % par rapport à l’an-née précédente. Nouveaux produitsou fins de séries soldées à des prixdéfiant toute concurrence, l’achat enligne possède des atouts qui lui sontpropres, notamment l’ampleur desmarchandises proposées, la rapidité

d’achat et la livraison à domicile,payante ou même offerte.Mais le commerce en ligne possèdeune autre spécificité que les sitesmar chands mettent en avant, en-core que d’une manière détour -née : de plus en plus, l’e-commerces’appuie sur une personnalisationpoussée du site et des offres pourchaque internaute. Outre les don-nées nécessaires à un achat (iden-

tité, adresse postale et numéro decarte bancaire), chaque connexion,même anonyme, fournit un cer -tain nombre d’informations, no-tamment la navigation sur le sitequi permet de dégager les centresd’intérêt de chaque internaute. Lesite aura donc la capacité à mettreen avant les produits qui rentrentdans les catégories déjà visitées.

Et cette personnalisation n’estqu’un début : les systèmes infor-matiques ont également la capacitéde faire des rapprochements entredes internautes ayant des profilssimilaires. À chaque fois qu’un in-ternaute achète tel article, il peutintéresser les autres et sera proposé,même si ce produit n’entre pasdans les catégories habituellementvisitées.

Mais cela ne s’arrête pas là. De plusen plus de sites Internet, qui pour-tant ne vendent rien en propre,deviennent des sources d’infor -mation pour les sites marchands,notamment par le biais de régiespublicitaires qui peuvent pisterles internautes au travers de leurnavigation sur de multiples sitesInternet qui utilisent les services

de ces régies. Ces sites marchandsadaptent alors leur communicationpublicitaire et leurs offres en ligneen s’appuyant sur une part notablede la vie numérique de l’internaute.Que peut faire l’internaute face àdes pratiques qui en disent tant ?Théoriquement, il a la possibilitélégale de demander la destructionde ses données personnelles, dumoins sur la partie publique du

site. Mais, pour des raisons légalesde lutte contre les fraudes, beau-coup de sites marchands indiquentque, même après la suppressiond’un compte, des données per-sonnelles resteront enregistréesdans leurs bases de données, dontils ne garantissent d’ailleurs pasl’inviolabilité. Et que dire de cesrégies publicitaires qui suiventl’internaute à la trace, sans quece dernier en ait conscience ? Eneffet, pour demander la suppres-sion de données personnelles,il faut déjà savoir qu’elles sontcollectées.

En résumé, l’e-commerce est uneconsommation sous surveillance.Une surveillance qui s’applique aux30 millions de Français qui ont faitdes achats en ligne en 2011.

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) DIRECTEUR Robert Namias ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF JoëlGenard ([email protected]).ÉDITORIALISTESMichèle Cotta, Axel de Tarlé, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Marc Tronchot AGORA Éric Mandonnet L’ADMIROIR Éric FottorinoCOLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Juliette Bot, Jean-Louis Caffier, François Clemenceau, Florence Cohen, Antoine Colonna, Pierre-Henry Drange, Alain Fournay,Paul Fournier, Anita Hausser, Béatrice Houchard, Richard Kitaeff, Serge Moati, Jessica Nelson, Nathalie Segaunes, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier,Philippe Tesson, Pascale Tournier, Pierre de Vilno CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected],Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89.Parution chaque mercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479

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Un achat, une fiche !La Toile est devenue le premier des supermarchés. Inconvénient : l’e-commerce a permis deconstituer au fil des années un gigantesque réseau de fichage. Aujourd’hui sur les habitudesde consommation, demain sur la totalité des éléments de vie de chaque acheteur virtuel.Par Manuel Singeot

Le chiffre

100 400sites marchands actifsen France en 2011.(Source : Fédération de l’e-commerceet de la vente à distance, Fevad.)

Alors que la loi permet àchaque Français de faire res-

pecter sa vie privée, son appli -cation devient de plus en pluscompliquée. Premier réflexe àadopter : lire soigneusement lesconditions d’utilisation avant deles accepter, même lorsque ces

conditions font plusieurs dizainesde pages. Elles expliquent les droitset possibilités de recours. Ensuite,si vous faites un achat ponctuel surun site, n’hésitez pas à lui deman-der ensuite la suppression de votrecompte. De plus, il est utile d’effa-cer régulièrement son historique

de navigation sur Internet et plusparticulièrement les « cookies »,petits fichiers utilisés pour retracervotre activité. Les navigateurs lesplus récents proposent enfin desfonctions de navigation en « modeprivé » qui permettent d’échapperaux yeux inquisiteurs.

Comment échapper à la surveillance ?

2.0

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012

E-commerce. Acheter depuis chez soi ne signifie pas acheter à l’abri des regards. PHOTO NATHAN ALLIARD/AFP

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NUMÉRO 443, MERCREDI 18 AVRIL 2012 L’HÉMICYCLE 15

Originaire des monts duLyonnais, issu d’une familleouvrière, le président du

conseil régional d’Aquitaine aété bercé dans sa jeunesse parles histoires liées à la Résistanceoù émergent, au milieu de tantd’anonymes, les figures de Ray-mond et Lucie Aubrac et celle,charis matique, de Jean Moulin.C’est ce nom qui lui vient naturel-lement à l’esprit quand on luidemande la source de ses admira-tions et le sens de son engagement.Pour l’esprit de résistance, bien sûr,le courage et la capacité à rassem-bler toutes les forces éparpillées delutte contre le nazisme.

Ardentes obligationsMais s’il attache une si grande im-portance à Moulin et, à traverslui, à ce qu’il incarne, c’est aussipour la capacité que manifesta leConseil national de la Résistance(CNR) à se projeter dans l’avenir.« Il faut imaginer que dans la Franceoccupée, des chefs d’entreprise, dessyn dicalistes, des intellectuels, desrésistants, se sont lancés dans desper spectives à long terme, dont l’ac-tualité est encore fraîche, souligneAlain Rousset. Sans jouer les ancienscombattants, le CNR a établi uneméthode pour aborder des questionsaussi diverses que la santé, la gouve r -nance partagée, le rôle des associations,la recherche du progrès. »Nul doute qu’il a en tête les ar-dentes obligations que se donnè-rent les concepteurs de ce pro-gramme d’autant plus ambitieuxqu’il fut conçu dans la clandes -tinité et sous le joug de l’ennemi.Si on le dit en plus de mots, ilconvient alors de préciser le credodes anciens que partage à l’évi-dence ce proche de FrançoisHollande : le rétablissement de ladémocratie la plus large en ren-dant la parole au peuple françaispar le rétablissement du suffrageuniversel ; la pleine liberté depen sée, de conscience et d’expres-sion ; la liberté de la presse, sonhonneur et son indépendance à

l’égard de l’État, des puissances del’argent et des influences étran-gères ; la liberté d’association, deréunion et de manifestation ; l’in-violabilité du domicile et le secretde la correspondance ; le respectde la personne humaine ; l’égalitéabsolue de tous les citoyens devantla loi.Quant à la figure de Moulin pro-prement dite, Alain Rousset y voitcomme une sublimation de la bra-voure politique. Et de poser la ques-tion sans détour, d’une formule quicingle et met les points sur les i :« Qui aurait le courage de mettre sapeau au bout de ses idées ? » D’avoirlu attentivement l’épais et détailléAlias Caracalla écrit par DanielCordier, l’ancien secrétaire de Mou-lin, il garde à l’esprit l’incroyableépopée de ce préfet devenu héros.« Sans cesse, pendant deux ans etdemi, on le voit partir à Londrespuis revenir se jeter dans la gueule duloup, partir et revenir. » Alain Roussetse demande encore comment il apu vivre ainsi.

Socialisme « par construction » À de Gaulle, qu’à l’évidence iltient pour un personnage majeur,il préfère Mendès. Les raisons ensont simples, presque évidentes,et pourtant jamais inutiles àrappe ler quand on est comme luiun homme de gauche. Même si,comme il le dit sans détour, iln’est pas né « avec une carte PSdans la bouche ». De son milieumâtiné de chrétiens engagés et degaullistes de gauche, il est allé versle socialisme « par construction ».Dans cet édifice, le Général a sansdoute sa part, puisque ce cheva-lier d’Aquitaine lui reconnaîtses qualités « d’être à part », qui,en 1969, « s’est fait battre par safa mille politique ». Les ultimesréformes voulues par Charles deGaulle parlent à son cœur, et ilcite la participation, les nouvellesformes de rémunération du tra-vail par rapport au capital, la dé-centralisation par l’émancipationdes régions.

Mais Mendès, aux yeux d’AlainRousset, incarne dans son radica-lisme une autre dimension du cou-rage politique. La décolonisation,le souci des finances publiques, samanière de parler vrai. « Le rêve desouvriers français, rappelle-t-il, c’étaitde rapprocher Mendès et de Gaulle.Mendès aurait été le Premier ministredu Général. » Mais les conditions duretour au pouvoir de ce dernier, en1958, rendirent la chose impossible.

« Mendès devint hostile et fut téta-nisé », semble regretter celui qui,dans la campagne de François Hol-lande, est en charge de l’agriculture,de la pêche et de l’industrie, déve-loppant une vision de long termetrès mendésiste, volontariste ethumaine.

Heureuse rencontreDans sa jeunesse, c’est finalementpar le CERES de Jean-Pierre Che-

vènement qu’il arrivera au Partisocialiste en 1974. Il est séduitpar le discours sur la grandeur etle génie de la France, sa créativité,et aussi par l’esprit d’égalité qu’in-carne la gauche. S’il apprécie« la remise en cause des idéologies »,il ne goûte pas le jacobinismeambiant. Il s’éloignera de Che -vènement et sera plus proched’un Jacques Delors. C’est à cetteépoque que, sur les bancs deSciences-Po, il se lie à FrançoisHollande. Trois décennies plustard, il parle de cette heureuseren contre comme d’un parcoursvécu « sans addiction mais avecaffection ». De Démocratie 2000 àTémoins en passant par les trans-courants, les deux hommes ne sesont pas éloignés. L’amitié s’estrenforcée, et surtout cette sensa-tion réconfortante de partagerdes points de vue sans cherchernécessairement à se le dire ou àse convaincre, comme s’ils étaientunis par un accord implicite, uneentente qui se passe de mots.À l’été 2011, La République desPy rénées a publié quelques clichésmontrant Alain Rousset et Fran-çois Hollande devant le fort duPortalet. Pour venir rendre visiteà son ami, le futur vainqueurdes primaires socialistes avait faitle déplacement « avec sa petite voi-ture », sourit Rousset, qui voit dansce détail un gage parmi d’autresde la simplicité de Hollande,« candidat normal »…Pour les besoins d’un « portrait chi -nois », le patron de la région Aqui-taine et ancien maire de Pessac apu répondre que s’il était une lé-gende politique il se verrait bienen Nelson Mandela. Son mentorpolitique ? « Difficile d’en avoircompte tenu de mon caractère, a-t-ildit avec franchise. Mais j’appréciele parcours de Jacques Delors (malgréson refus de se porter candidat auxélections présidentielles de 1995). »En soutenant François Hollande,il sait au moins que son ami detrente ans mènera la bataille, etqu’il sera à ses côtés.

L’indépendance d’esprit du président de la région Aquitaine le rend rétif à tout mentor. Il n’entrouve pas moins dans le courage de Jean Moulin, l’héroïsme de Raymond et Lucie Aubrac,la force de caractère de De Gaulle et de Mendès, le parcours de Jacques Delors, les forcesqui le structurent. L’amitié qui le lie à François Hollande depuis plus de trente ans se doubleaujourd’hui d’une réelle admiration pour la volonté de vaincre du candidat socialiste.

Par Éric Fottorino

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L’admiroir

Alain Rousset : la résistance de Moulin,le volontarisme de Hollande

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