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Le PTCI et la réglementation des marchés financiers

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Le PTCI et la réglementation

des marchés financiers

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La libéralisation des services financiers est un chapitre controversé des négociations en vue d'un partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI). La crise financière fait craindre que la libéralisation des échanges puisse porter préjudice au pouvoir de réglementation des États souverains. La présente analyse démontre que les accords commerciaux ont, jusqu'à présent, été en mesure de garantir la souveraineté réglementaire des États; cependant, cette indépendance a naturellement entraîné une certaine divergence réglementaire. Les débats sur la coopération réglementaire dans le cadre des négociations sur le PTCI sont un défi pour les relations transatlantiques, car les États-Unis craignent qu'une telle coopération puisse diluer leurs propres réformes réglementaires.

PE 559.494 ISBN 978-92-823-6830-5 doi: 10.2861/386306 QA-02-15-271-FR-N

Manuscrit original, en anglais, achevé en juin 2015. Traduction achevée en juillet 2015.

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SYNTHÈSE

Les échanges dans le secteur des services financiers sont un chapitre important des négociations commerciales transatlantiques. En 2013, l'Union européenne représentait 38 % des exportations américaines dans le secteur des services financiers (hors services d'assurance) et 48 % des importations américaines de services financiers (hors services d'assurance). Les services financiers transatlantiques représentent donc certainement une opportunité, mais ils posent également plusieurs défis.

Des deux côtés de l'Atlantique, des réformes de la réglementation prudentielle ont été entreprises depuis la crise des subprimes en 2007, pour réinstaurer la confiance dans les marchés financiers. Dans ce contexte de profondes réformes intérieures, des ONG s'inquiètent des répercussions que les accords commerciaux (y compris le futur PTCI) pourraient avoir sur la réglementation réformée. Cependant, les débats sur le PTCI vont au-delà de la préservation de l'autonomie réglementaire. Du fait de la forte autonomie réglementaire en ce domaine et de la faiblesse des incitations à l'harmonisation, il existe une divergence réglementaire importante des deux côtés de l'Atlantique. Une plus forte coopération a été suggérée pour éviter les coûts de transaction créés par la fragmentation réglementaire.

Traditionnellement, les règles des accords commerciaux sur les services financiers sont extrêmement souples et laissent une marge de manœuvre importante pour la réglementation. Tout d'abord, les parties décident de leurs engagements en termes d'accès aux deux marchés et de non-discrimination dans les listes établies à cet effet. Les accords commerciaux prévoient ensuite une dérogation qui préserve les droits des États à adopter une réglementation prudentielle, connue sous le nom d'«exception prudentielle». Cette dérogation a fait l'objet d'une interprétation large, qui couvre à la fois les mesures macro- et microprudentielles. Les mesures prudentielles sont également protégées contre les litiges entre investisseurs et États, ce qui permet d'assurer le rejet des recours pour expropriation indirecte introduits à l'égard d'une mesure prudentielle. Enfin, des dispositions ont été introduites pour que les pouvoirs publics disposent de l'éventail d'actions le plus large possible afin de préserver l'intégrité et la stabilité du système financier (y compris des dérogations pour les actions des banques centrales et les restrictions en matière de transferts de capitaux).

Si la souveraineté réglementaire est protégée en vertu des accords commerciaux, les problèmes de fragmentation réglementaire n'ont pas été résolus. Outre les différences substantielles observées dans la transposition nationale des normes internationales, les réglementations nationales ont souvent une vaste portée extraterritoriale, ce qui crée une duplication des exigences de conformité pour les entreprises qui participent à des transactions avec et sur des espaces juridiques différents. La présente analyse donne deux exemples qui illustrent la façon dont la réglementation nationale américaine est susceptible d'augmenter les coûts pour les banques européennes: premièrement, le récent règlement fédéral sur le renforcement des obligations prudentielles pour les banques étrangères et, deuxièmement, la publication de la règle Volcker (qui interdit aux banques de se livrer à l'arbitrage pour compte propre et de posséder des fonds d'investissement à gestion alternative ou des fonds de capital-investissement).

L'existence d'exigences contradictoires dans les cadres réglementaires de l'Union européenne et des États-Unis risque de créer de nouvelles entraves commerciales.

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L'enceinte transatlantique actuelle pour le dialogue financier, à savoir le dialogue sur la réglementation des marchés financiers (DRMF), s'avère efficace pour débattre les questions qui créent des entraves commerciales substantielles de part et d'autre. Un exemple a trait aux différentes normes comptables adoptées des deux côtés de l'Atlantique. Un autre est celui des divergences que présentent les réglementations sur les produits dérivés, qui créent une double exigence réglementaire pour les acteurs financiers des deux parties. L'Union européenne – qui souhaite un dialogue plus systématique sur les problèmes unilatéraux relatifs à la législation de l'autre État partenaire – propose un nouveau cadre de coopération réglementaire au sein du PTCI. Cependant, les États-Unis ne sont pas enclins, à l'heure actuelle, à accepter une coopération réglementaire dans le cadre des négociations sur le PTCI car ils craignent qu'elle ne ralentisse le rythme de mise en œuvre de leurs propres réformes de la réglementation financière.

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TABLE DES MATIÈRES

1. L'importance des services financiers dans les négociations sur le PTCI ....................................... 5

2. Dispositions sur les services financiers dans les accords commerciaux ....................................... 6

2.1. Libéralisation et réglementation des services financiers ............................................... 7

2.1.1. Aperçu des obligations de libéralisation ............................................................................... 7

2.1.2. Dispositions en matière d'accès aux marchés et réglementations des services financiers ..... 9

2.2. L'exception pour la réglementation prudentielle ......................................................... 12

2.2.1. L'exception prudentielle dans l'AGCS et les ALE ................................................................. 12

2.2.2. Le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) et la réglementation

prudentielle ................................................................................................................................... 14

2.3. Autres questions ........................................................................................................... 15

2.3.1. Clauses de statu quo ........................................................................................................... 15

2.3.2. Taxe sur les transactions financières .................................................................................. 15

2.3.3. Subventions et marchés financiers ..................................................................................... 16

3. Morcellement de la réglementation et coopération ........................................................... 16

3.1. Renforcement de la réglementation prudentielle applicable aux entreprises étrangères aux États-Unis .................................................................................................... 17

3.1.1. La loi Dodd-Frank et les entreprises étrangères ................................................................. 17

3.1.2. Le règlement fédéral sur les normes prudentielles renforcées pour les banques

étrangères ..................................................................................................................................... 18

3.2. Règle Volcker aux États-Unis ........................................................................................ 22

3.3. Vers une convergence réglementaire? ......................................................................... 24

3.3.1. Dialogue sur la réglementation des marchés financiers ..................................................... 24

3.3.2. Au-delà du dialogue sur la réglementation des marchés financiers: la proposition

de PTCI et les craintes suscitées ................................................................................................... 26

4. Principales références .......................................................................................................... 27

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Liste des principaux acronymes utilisés

AECG: Accord économique et commercial global

CFTC: Commodity Futures Trading Commission (commission de régulation des bourses de commerce américaines)

RIME: Règlement sur l'infrastructure des marchés européens

FBO: Foreign banking organisation

DRMF: Dialogue sur la réglementation des marchés financiers

FRB: Réserve fédérale des États-Unis

PCGA: Principes comptables généralement admis

AGCS Accord général sur le commerce des services

SHI: Société holding intermédiaire

Normes IFRS: Normes internationales d'information financière

ALE KORUS: Accord de libre-échange entre la Corée du Sud et les États-Unis

NPF: Nation la plus favorisée

ALENA: Accord de libre-échange nord-américain

ONG: Organisation non gouvernementale

SEC: Securities and Exchange Commission

ACS: Accord sur le commerce des services

PTCI: Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement

OMC: Organisation mondiale du commerce

Glossaire

Holding bancaire: Une société qui détient au minimum le quart des actions donnant droit de vote d'une banque commerciale. Les holdings bancaires à filiale bancaire unique ont entraîné la création de sociétés de holding bancaire à levier financier.

Fonds propres réglementaires: exigences réglementairesdéfinies pour les banques et autres établissements de dépôt, qui déterminent la quantité de liquidités à détenir pour un certain niveau d'actifs.

Contreparties centrales: Chambres de compensation, c'est-à-dire intermédiaires qui assurent le règlement des opérations sur titres et produits dérivés.

Swap: Traditionnellement, l'échange d'un titre pour un autre afin de changer l'échéance (obligations) ou la qualité des émissions (actions ou obligations), ou parce que les objectifs d'investissement ont changé. Récemment, les swaps se sont développés pour inclure des swaps de devises et des swaps de taux d'intérêt.

Exigences de liquidité: Les taux de liquidité visent à mesurer la capacité d'une entreprise à honorer ses titres de créances à court terme; à cette fin, ils mesurent la capacité de l'entreprise à transformer ses actifs en espèces. Une entreprise peut également avoir des actifs qui ne sont pas liquides, c'est-à-dire qui ne peuvent être aisément convertis en espèces.

Source: Investopedia.

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1. L'importance des services financiers dans les négociations sur le PTCI

En 2013, les services financiers ont représenté 59 milliards d'euros d'exportations hors UE28 et 23 milliards d'euros d'importations hors UE28, soit un surplus commercial de 36 milliards d'euros1. Le secteur des services financiers a dégagé le deuxième excédent parmi les services hors UE, derrière le secteur des autres services aux entreprises (73 milliards d'euros) et devant celui des services informatiques et d'information (27 milliards d'euros) et du transport (24 milliards d'euros)2. En 2013, l'Union européenne représentait 38 % des exportations américaines dans le secteur des services financiers (hors services d'assurance) et 48 % des importations américaines de services financiers (hors services d'assurance)3. Cependant, si on reconnaît dans l'Union européenne, ainsi qu'aux États-Unis, que la libéralisation des services financiers est importante et devrait être réalisée, il existe des inquiétudes quant à la façon d'assurer que les échanges de services financiers ne portent pas préjudice aux réformes instaurées dans le sillage de la crise financière.

Tableau 1 – Exportations et importations américaines dans le total des services financiers en millions de dollars (hors services d'assurance)

Exportations Importations

2006 2007 2012 2013 2006 2007 2012 2013

Tous pays 47 882 61 376 76 605 84 066 14 733 19 197 16 975 18 683

Union européenne

20 131 24 644 28 785 32 009 8 166 11 091 7 821 8 989

Source: Bureau de l'analyse économique (BEA), octobre 2014.

Tableau 2 – Exportations et importations américaines dans le total des services d'assurance en millions de dollars

Exportations Importations

2006 2007 2012 2013 2006 2007 2012 2013

Tous pays 9 445 10 841 16 534 16 096 39 382 47 517 53 203 50 454

Union européenne

2 621 2 776 3 717 3 478 13 346 16 541 12 586 11 580

Source: Bureau de l'analyse économique (BEA), octobre 2014.

Dans la foulée de la crise financière, tant les États-Unis que l'Union européenne ont revu considérablement leur réglementation des marchés financiers4. Dans ce contexte de profondes réformes intérieures, des ONG se sont inquiétées des répercussions que les accords commerciaux (y compris le futur PTCI) pourraient avoir sur la réglementation

1 Source: Eurostat.

2 Idem.

3 Source: Bureau de l'analyse économique (BEA), octobre 2014: tableau sur les services financiers et tableau

sur les services d'assurance. 4 Pour un aperçu des progrès des réformes du côté de l'Union Européenne, voir le site Internet de la

Commission. Concernant l'Union européenne et les États-Unis, voir également: E. V. Murphy, «Who regulates whom and how? An overview of US Financial Regulatory Policy for Banking and Securities Markets», 30 janvier 2015, CRS.

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réformée. Cependant, les débats sur le PTCI vont au-delà de la préservation de l'autonomie réglementaire. Du fait de la forte autonomie réglementaire en ce domaine et de la faiblesse des incitations à l'harmonisation, il existe une divergence réglementaire importante entre les deux côtés de l'Atlantique et une coopération plus forte a été proposée pour éviter les coûts de transaction créés par cette fragmentation réglementaire.

Deux positions divergentes persistent en ce qui concerne les négociations sur le PTCI5. D'un côté, les banques de l'Union européenne, et, dans une certaine mesure, des États-Unis se préoccupent davantage des divergences dans la réglementation des marchés financiers et des coûts que la fragmentation réglementaire peut apporter. La Commission européenne a proposé de mettre la coopération réglementaire sur les marchés financiers sur la table de négociation du PTCI6. D'un autre côté, des ONG et des associations de consommateurs craignent que le PTCI, ainsi que l'inclusion de dispositions en matière de coopération réglementaire, puissent nuire à la capacité des deux parties à réglementer leurs marchés financiers de manière autonome7. En outre, le gouvernement américain craint que l'inclusion de la coopération réglementaire dans le PTCI puisse ralentir la mise en œuvre des réformes américaines dans le domaine de la réglementation prudentielle et abaisse les niveaux stricts des exigences américaines pour les conformer aux normes européennes plus souples8. La position du Congrès américain9 pourrait être plus nuancée sur la question10, tandis que l'Union européenne reste ferme sur la nécessité d'une plus grande coopération. Cependant, les débats sont toujours en cours sur la façon de préserver une autonomie réglementaire forte et sur la nécessité ou non de s'attaquer davantage dans le PTCI à la fragmentation réglementaire susceptible de résulter de réglementations nationales divergentes.

2. Dispositions sur les services financiers dans les accords commerciaux

La première priorité, après la crise des subprimes et la crise des marchés financiers qui en a résulté et qui est toujours en cours a été de réformer les systèmes de réglementation prudentielle tant aux États-Unis que dans l'Union européenne. C'est ainsi que la première

5 Rapport Madariaga, «Financial Services and the TTIP: why is the EU insisting?», 28 février 2014.

6 Voir les documents sur la position de négociation de l'UE concernant les services financiers dans le PTIC sur

le site Internet de la Commission européenne. 7 Sur les inquiétudes des ONG par rapport aux accords commerciaux et à la réglementation des marchés

financiers, voir resolution of the Transatlantic Consumer Dialogue, octobre 2013; cette inquiétude est également partagée par certains membres américains de la Chambre des représentants, voir l'article suivant de la Committee on Financial Services.

8 S. I. Akhtar, V. C. Jones, «Proposed Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP): In Brief»,

11 juin 2014, CRS; M. N. Baily and D. J. Elliott, «Financial Services in the New Trade Negotiations with Europe, June 20 2013», Brookings.

9 Pour une analyse détaillée de la position du Congrès dans les négociations sur le PTCI, voir:

W. Troszczynska-van Genderen and E. Bierbrauer, «The Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP): The US Congress's positions», 9 septembre 2014, Département thématique des relations extérieures — Parlement européen.

10 Voir Hearing on US-EU Trade and Investment Partnership Negotiations, Audition devant la sous-

commission du commerce de la commission des voies et moyens – Chambre américaine des représentants, 16 mai 2013.

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question que se sont posée les ONG et les autorités était de savoir si les réformes prudentielles et les actions entreprises par les banques centrales pour réagir à la crise financière étaient compatibles avec les accords commerciaux existants ou en cours de négociation. La libéralisation des services financiers et les engagements pris dans les accords commerciaux auraient pu limiter la marge de manœuvre dont disposent les États pour réglementer ce secteur de leurs économies. Tel n'est cependant pas le cas, car les accords commerciaux protègent amplement les actions souveraines de réglementation des marchés financiers.

2.1. Libéralisation et réglementation des services financiers

2.1.1. Aperçu des obligations de libéralisation Les règles et les engagements concernant la libéralisation des services financiers relèvent, au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), de l'accord-cadre «Accord général sur le commerce des services» (AGCS)11, complété par une série d'autres documents, y compris les annexes sur les services financiers et le Mémorandum d'accord sur les engagements relatifs aux services financiers de l'AGCS (ci-après, simplement l'AGCS)12. Les dispositions des accords de libre-échange (ALE) sur les services financiers ont certainement été influencées par l'AGCS mais elles diffèrent de manière importante dans leur approche de la libéralisation. Tant l'AGCS que les ALE demeurent extrêmement flexibles en ce qui concerne les réglementations souveraines dans ce domaine. L'AGCS se réfère aux prestations de services en suivant une classification sur quatre modes (voir encadré). Souvent, les ALE font une simple distinction entre prestation transnationale (couverte par les modes 1 et 2 au titre de l'AGCS)13 et établissement. En outre, si l'AGCS et les précédents accords de l'Union européenne abordaient la libéralisation des services à l'intérieur d'un cadre commun14, en le complétant avec certaines dispositions spécifiques sur les services financiers, l'approche de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)15, actuellement utilisée dans les ALE plus récents de l'Union européenne, consacre également un chapitre spécifique aux dispositions sur les services financiers16.

11

Pour le texte de l'accord-cadre AGCS, voir le site Internet de l'OMC. 12

Pour le texte du Mémorandum d'accord sur les engagements relatifs aux services financiers de l'AGCS, voir le site Internet de l'OMC.

13 Par exemple, l'article 8.4, du projet d'ALE UE-Singapour, qui donne la définition suivante des échanges

transnationaux: aux fins de la présente section, la «prestation transnationale de services» signifie la prestation d'un service: (a) en provenance du territoire d'une partie à destination du territoire de l'autre partie; et (b) sur le territoire d'une partie à l'intention d'un consommateur de services de l'autre partie.

14 Voir l'exemple du projet d'accord UE-Singapour et l'ALE UE-Corée.

15 Pour le texte de l'ALENA, voir l'Accord de libre-échange nord-américain.

16 Voir le projet d'Accord économique et commercial global (AECG).

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Les quatre modes de fourniture de services17 de l'AGCS

– Mode 1 («Commerce transnational»): implique la fourniture d'un service d'un pays à un autre; par exemple, un client allemand fait un virement bancaire depuis sa banque allemande pour payer un fournisseur aux États-Unis;

– Mode 2 («Consommation à l’étranger»): un client originaire d'un autre pays consomme localement; par exemple, un client espagnol vivant aux États-Unis ouvre un compte bancaire aux États-Unis pour sa consommation locale;

– Mode 3 («établissement»): une banque étrangère établit une filiale ou une succursale dans le pays;

– Mode 4 («Présence de personnes physiques»): déplacement temporaire d'un professionnel pour fournir directement un client qui réside dans un autre pays; par exemple, un gestionnaire de portefeuille britannique d'une grande banque d'investissement se rend aux États-Unis pour discuter avec un client fortuné et important.

Les dispositions de l'AGCS relatives aux services financiers sont ventilées entre obligations générales d'une part, engagements spécifiques d'autre part. Les obligations générales s'appliquent immédiatement à toutes les mesures relevant de l'accord, sans qu'il faille les inclure dans la liste d'engagements. La principale obligation générale, qui a un impact considérable sur l'ampleur de la libéralisation, est celle du traitement de la nation la plus favorisée au titre de l'article II de l'AGCS. En vertu du traitement de la nation la plus favorisée, les engagements pris par une partie contractante à l'accord bénéficient à toutes les autres parties contractantes, sans obligation de réciprocité. Cependant, l'AGCS autorise certaines dérogations à la règle du traitement de la nation la plus favorisée18.

Les engagements spécifiques s'appliquent uniquement aux services que la partie concernée a accepté de libéraliser. L'AGCS contient des engagements spécifiques en matière d'accès aux marchés et de traitement national. Il existe deux grandes approches pour les engagements spécifiques en matière de libéralisation des services: l'approche de l'AGCS (liste d'engagements positive) et l'approche de l'ALENA dans le domaine de la prestation transnationale (liste négative). Dans le premier cas, aucun engagement n'est pris autre que les engagements précisés dans la liste, tandis que dans le deuxième cas, il existe une obligation générale de libéraliser qui est ensuite limitée par une liste d'exceptions particulières. La méthode de la liste négative a évidemment un effet de libéralisation plus important, dans la mesure où la libéralisation est la règle et non l'exception. Dans les discussions sur un accord sur le commerce des services (ACS), une approche hybride a été proposée; il s'agirait d'associer une liste positive pour l'accès aux marchés et une liste négative pour le traitement national19.

17

Voir l'article premier, paragraphe 2, de l'AGCS et le site Internet de l'OMC pour de plus amples explications. 18

Dérogations au traitement de la nation la plus favorisée imposées par l'Union européenne: l'UE en a une pour l'Union dans son ensemble et une autre pour les accords fiscaux de l'Italie.

19 A. Lang et C. Conyers, Financial Services in EU Trade Agreements, 2014, Parlement européen.

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Types d'approche en matière d'engagements

Principe de l'accès aux marchés dans l'AGCS et liste d'engagements positive:

Article XVI, paragraphe 1, de l'AGCS: «En ce qui concerne l'accès aux marchés suivant les modes de fourniture, chaque Membre accordera aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre un traitement qui ne sera pas moins favorable que celui qui est prévu en application des modalités, limitations et conditions convenues et spécifiées dans sa liste».

Approche de l'ALENA et liste négative

Commerce transfrontières, article 1404, paragraphe 1 ALENA: «Aucune des Parties ne pourra adopter une mesure ayant pour effet de restreindre la capacité d'un fournisseur de services financiers transfrontières d'une autre Partie de pratiquer une forme quelconque de commerce transfrontières de services financiers si elle autorise déjà cette forme de commerce à la date de l'entrée en vigueur du présent accord, sauf dans la mesure prévue par la section B de la liste de la Partie à l'annexe VII».

(italiques ajoutés par l'auteur)

2.1.2. Dispositions en matière d'accès aux marchés et réglementations des services financiers L'autonomie et la liberté réglementaires ont certainement été au centre des négociations de l'AGCS et également des dispositions des ALE relatives à la libéralisation du commerce des services. L'AGCS utilise une approche très flexible lorsqu'il est question de l'éventuel impact de la réglementation sur l'accès aux marchés. Premièrement, il instaure une série d'obligations générales de bonne gouvernance, comprenant des exigences de transparence (article III AGCS) et de gestion raisonnable, objective et impartiale de toutes les mesures d'application générale, ainsi que d'autres exigences de procédure (au titre de l'article VI AGCS). L'article VI AGCS impose également des exigences de fond, par exemple que les règles et procédures en matière de qualifications, les normes techniques et les réglementations en matière de licences «ne constituent pas des obstacles non nécessaires au commerce des services» (article VI, paragraphe 4, AGCS). Cette disposition impose, fondamentalement, un critère de nécessité et une approche proportionnée des réglementations en matière de licences et de normes techniques; en d'autres termes, ces normes doivent être nécessaires pour atteindre un objectif légitime et ne doivent pas être plus restrictives que nécessaire pour atteindre ledit objectif. l'AGCS impose également que la reconnaissance de normes entre parties contractantes ne puisse être appliquée «d'une manière qui constituerait un moyen de discrimination entre les pays dans l'application de ses normes ou critères concernant la délivrance d'autorisations, de licences ou de certificats pour les fournisseurs de services, ou une restriction déguisée au commerce des services» (article VII AGCS).

Au-delà de ces dispositions générales, l'article de l'AGCS sur l'accès aux marchés20 contient une liste de mesures qui devraient être interdites. Ces dernières sont des limitations qui peuvent directement restreindre la concurrence étrangère sur un marché en imposant des limitations concernant le nombre de fournisseurs, la valeur des transactions et/ou les participations de capital étranger. La même liste de mesures est souvent reprise telle quelle dans les dispositions des ALE sur l'accès aux marchés (voir tableau ci-dessous).

20

Article XVI AGCS.

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Tableau 3 – Mesures interdites a priori par les dispositions en matière d'accès aux marchés

Mesures interdites AGCS21 ALE KORUS22 Corée-UE23 UE-Singapour24 AECG25

Limitations concernant le nombre de fournisseurs de services

oui oui oui oui oui

Limitations concernant la valeur totale des transactions en rapport avec les services

oui oui oui oui oui

Limitations concernant le nombre total d'opérations de services

oui oui oui oui oui

Limitations concernant le nombre total de personnes physiques employées

oui oui oui oui oui

Mesures qui prescrivent des types spécifiques d'entité juridique ou de coentreprise pour fournir un service

oui oui oui oui oui

Limitations concernant la participation de capital étranger

oui oui oui oui oui

Cependant, l'application de cette liste de mesures interdites a différents effets, selon que l'accès aux marchés est accordé au moyen d'une liste d'engagements positive ou d'une liste négative. Dans le premier cas, l'interdiction ne s'applique qu'aux secteurs pour lesquels l'accès aux marchés est accordé dans les listes d'engagements, à moins que la partie contractante en ait disposé autrement dans son engagement. Si c'est l'approche de la liste négative qui s'applique, l'interdiction est une obligation générale, sous réserve des exceptions énoncées dans la liste d'engagements. Le projet d'accord commercial Canada-UE (AECG) contient d'autres dérogations à ces interdictions (voir encadré ci-dessous). Le projet d'AECG réaffirme d'abord le droit des parties à imposer des conditions relativement à l’autorisation de l’établissement et de l’expansion d’une présence commerciale et précise que le droit peut imposer la prestation de certains services au moyen d'entités juridiques spécifiques. Ce dernier point fait clairement référence à la question très controversée de la séparation entre banques commerciales et d'investissement.

21

Idem. 22

Article 13.4 ALE KORUS. 23

NB: L'ALE UE-Corée contient deux articles distincts sur l'accès aux marchés par la fourniture transnationale de services et au moyen de l'établissement. L'article 7.5 de l'ALE UE-Corée contient une liste limitée de mesures interdites concernant les services transnationaux (comprenant uniquement les trois premières mesures interdites dans le tableau). L'article sur l'accès aux marchés au moyen de l'établissement inclut la totalité des six mesures interdites (article 7.11 de l'ALE UE-Corée).

24 NB: L'ALE UE-Singapour contient la même distinction entre accès aux marchés par la fourniture

transnationale de services et au moyen de l'établissement que l'ALE UE-Corée. La liste limitée de mesures interdites concernant l'accès aux marchés par la fourniture transnationale de services figure à l'article 8.5 de l'ALE UE-Singapour et la liste complète de mesures interdites concernant l'accès aux marchés au moyen de l'établissement figure à l'article 8.10 de ce même accord.

25 Projet d'article 6 au chapitre 15 du projet d'accord AECG.

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Restrictions à l'interdiction figurant dans les dispositions de l'AECG relatives à l'accès aux marchés

Article 6 du chapitre 15 relatif aux services financiers:

«Il est entendu qu’une Partie peut imposer des conditions et des procédures relativement à l’autorisation de l’établissement et de l’expansion d’une présence commerciale, pour autant que ces conditions et ces procédures ne soient pas utilisées pour contourner l’obligation de la Partie aux termes du paragraphe 1, et qu’elles cadrent avec les autres obligations définies dans le chapitre/l’annexe/l’accord».

«Il est entendu qu’aucune disposition du présent article ne sera interprétée comme empêchant une Partie d’exiger d’une institution financière de fournir certains services financiers par l’intermédiaire d’entités juridiques distinctes, dans les cas où, en vertu des lois de la Partie, l’éventail de services financiers fournis par une institution financière pourrait ne pas être fourni par une seule entité».

Les questions d'accès aux marchés et de réglementations concernent également la fourniture de nouveaux services. Normalement, l'accès aux marchés est élargi d'office à la prestation du même service au moyen d'une nouvelle technologie (exemple: services bancaires en ligne) mais la question de savoir si un prestataire établi dans un pays partenaire peut introduire un nouveau service qu'il fournit ailleurs mais qu'il ne fournissait pas à l'origine dans le pays en question reste ouverte. Le Mémorandum d'accord sur les engagements relatifs aux services financiers de l'AGCS, qui n'a pas force contraignante à moins qu'il ne soit inscrit dans la liste d'engagements, propose une disposition très libérale, autorisant tous les nouveaux services financiers (section B8). En réaction, très probablement, au rôle joué par les nouveaux produits dérivés dans la crise financière, la nouvelle génération d'ALE contient des dispositions particulières sur les nouveaux services financiers (voir exemples). Ces dispositions renouvellent le droit des parties à réglementer les nouveaux services financiers, tout en faisant sorte que, si l'autorisation est requise, elle ne puisse être refusée que pour des raisons prudentielles.

Nouveaux services financiers – exemples sélectionnés

Mémorandum d'accord sur les engagements relatifs aux services financiers de l'AGCS «7. Un Membre permettra aux fournisseurs de services financiers de tout autre Membre établis sur son territoire d'y offrir tout nouveau service financier». Article 13.6 sur les «nouveaux services financiers» de l'accord de libre-échange États-Unis-Corée (ALE KORUS) «Chaque partie accorde à un établissement financier de l'autre partie de fournir tout nouveau service financier que la partie autorise ses propres établissements financiers à offrir, dans des circonstances similaires, sans action législative supplémentaire de la partie. Sans préjudice de l'article 13.4, point b), une partie peut déterminer la forme institutionnelle et juridique sous laquelle le nouveau service financier peut être fourni et peut soumettre la fourniture du service à autorisation. Si une partie oblige un établissement financier à obtenir une autorisation pour fournir un nouveau service financier, la partie décide dans un délai raisonnable s'il y a lieu d'accorder l'autorisation et celle-ci ne peut être refusée que pour des raisons prudentielles». Article 8.53 du projet d'ALE UE-Singapour «Chaque partie accorde aux fournisseurs de services financiers de l'autre partie de fournir tout nouveau service financier que la première partie autorise ses propres fournisseurs de services financiers similaires à offrir sans action législative supplémentaire de la première partie. Une partie peut déterminer la forme institutionnelle et juridique sous laquelle le nouveau service financier peut être fourni et peut soumettre la fourniture du service à autorisation. Lorsqu'une partie demande une telle autorisation pour le nouveau service financier, une décision est rendue dans un délai raisonnable et l'autorisation ne peut être refusée que pour des raisons prudentielles au titre de l'article 8.50 (Exception prudentielle)».

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2.2. L'exception pour la réglementation prudentielle

2.2.1. L'exception prudentielle dans l'AGCS et les ALE La principale dérogation qui préserve la souveraineté réglementaire est l'exception pour la réglementation prudentielle, également connue sous le nom d'exception prudentielle. L'exception prudentielle se trouve à l'article 2, point a), de l'annexe sur les services financiers de l'AGCS (voir encadré ci-dessous pour le texte complet). Dans le contexte de la crise financière, deux grandes questions se sont posées en ce qui concerne l'exception prudentielle26.

Modèle de l'AGCS pour l'exception prudentielle

Article 2, point a), de l'annexe sur les services financiers «Nonobstant toute autre disposition de l'Accord, un Membre ne sera pas empêché de prendre des mesures pour des raisons prudentielles, y compris pour la protection des investisseurs, des déposants, des titulaires de polices ou des personnes à qui un droit de garde est dû par un fournisseur de services financiers, ou pour assurer l'intégrité et la stabilité du système financier. Dans les cas où de telles mesures ne seront pas conformes aux dispositions de l'Accord, elles ne seront pas utilisées par un Membre comme un moyen d'éviter ses engagements ou obligations au titre de l'Accord».

(italiques ajoutés par l'auteur)

La première question a trait à la portée de l'exception prudentielle. La première phrase de l'exception prudentielle de l'AGCS contient à la fois l'exception, «un Membre ne sera pas empêché de prendre des mesures pour des raisons prudentielles», et une liste de mesures possibles, «y compris pour...» La principale question est donc de savoir si cette liste devrait être considérée comme exhaustive et si les nouvelles mesures macroprudentielles sont couvertes par l'exception ou exclues de celle-ci. En réalité, la liste demeure vague et devrait être considérée comme ouverte. Les mesures prudentielles sont caractérisées et définies par leur objectif, premièrement protéger les investisseurs, les déposants, etc., et d'une manière plus générale, «assurer l'intégrité et la stabilité du système financier». Comme ce dernier objectif peut couvrir un vaste éventail de mesures, l'exception prudentielle est normalement interprétée comme ayant un champ d'application très large. Les discussions sur l'ACS, visant à mieux définir et développer la liste de mesures relevant du champ de l'exception prudentielle, se sont heurtées à l'opposition de négociateurs (dont le Canada, l'Union européenne et les États-Unis)27, car une liste claire de mesures pourrait réduire le

26

I. Barbee and S. Lester, «Financial services in TTIP: making the prudential exception work», 2014 Georgetown Journal of International Law vol. 45; A. Lang et C. Conyers, «Financial Services in EU Trade Agreements», 2014, Parlement européen; pour un examen plus approfondi du fonctionnement de l'exception prudentielle, et en particulier de la question juridique de la charge de la preuve pour établir le bien-fondé de demandes au titre de l'exception prudentielle dans le système de l'AGCS, voir: C. M. Cantore, «Shelter from the Storm: Exploring the Scope of Application and Legal Function of the GATS Prudential Carve-Out», 2014, Journal of World Trade 48(6). Pour le texte de l'annexe sur les services financiers de l'AGCS: site web de l'OMC.

27 I. Barbee and S. Lester, «Financial services in TTIP: making the prudential exception work», 2014

Georgetown Journal of International Law vol. 45, p. 963.

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champ d'application de l'exception (en particulier si la liste est interprétée en tant que liste exhaustive de mesures)28.

La deuxième question concerne le sens de la deuxième phrase de l'exception prudentielle de l'AGCS, à savoir: «Dans les cas où de telles mesures ne seront pas conformes aux dispositions de l'Accord, elles ne seront pas utilisées par un Membre comme un moyen d'éviter ses engagements ou obligations au titre de l'Accord». À première vue, cette deuxième phrase peut sembler ambiguë. En l'absence de jurisprudence sur le sujet, la phrase a été généralement interprétée comme une simple exigence de légitimité de la mesure utilisée. Effectivement, la deuxième phrase vise à éviter que l'exception prudentielle ne soit utilisée pour contourner les engagements du traité. Elle exige donc que seules des mesures qui sont réellement requises pour des raisons prudentielles puissent aller à l'encontre des engagements. Ceci impose un critère de nécessité et un critère de proportionnalité si la mesure est contraire aux engagements.

L'exception prudentielle a été plus ou moins copiée de l'AGCS dans les ALE. L'ALE KORUS n'a quasiment rien changé au texte de l'AGCS (voir article 13.10, paragraphe 1, de l'ALE KORUS), tandis que l'ALENA a ajouté une description d'un objectif légitime que les mesures prudentielles peuvent poursuivre: «le maintien de la sécurité, de la solidité, de l'intégrité ou de la responsabilité financière des fournisseurs de services financiers» (article 1410, paragraphe 1, ALENA). Cette phrase supplémentaire qui se trouve dans l'ALENA a été ajoutée au projet d'accord entre l'Union européenne et Singapour (article 8.50) et au projet d'AECG (article 15). Le projet d'AECG donne d'autres exemples mais précise que la liste de mesures n'est pas exhaustive en indiquant «Sans préjudice des autres moyens de réglementation prudentielle».

La deuxième phrase de l'exception prudentielle a été complètement supprimée dans l'ALENA et remplacée par l'adjectif «raisonnables». Une approche similaire a été utilisée dans l'AECG. Le projet d'accord UE-Singapour requiert explicitement que les mesures prises soient proportionnées et non discriminatoires:

«Ces mesures ne sont pas plus astreignantes que nécessaire pour atteindre leur objectif et ne constituent pas un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable contre des fournisseurs de services financiers de l'autre partie par comparaison avec ses propres fournisseurs de services financiers similaires ou une restriction déguisée au commerce des services».

28

Voir le commentaire de la Commission européenne pendant la réunion du Comité du commerce des services financiers de juin 2012: Comité du commerce des services financiers, Note du secrétariat: Rapport de la réunion du 27 juin 2012, 15, S/FIN/M/73 (30 juillet 2012).

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Projet d'article 15 AECG sur l'exception prudentielle

«Aucune disposition du présent accord n’empêche une Partie d'adopter ou de maintenir des mesures raisonnables pour des raisons prudentielles, notamment:

– la protection des investisseurs, des déposants, des titulaires de police ou des personnes à l’égard desquelles une institution financière ou un fournisseur de services financiers transfrontières a des obligations fiduciaires;

– le maintien de la sécurité, de la solidité, de l’intégrité ou de la responsabilité financière des institutions financières, des fournisseurs de services financiers transfrontières ou des fournisseurs de services financiers;

– à garantir l'intégrité et la stabilité du système financier d'une partie.

Sans préjudice des autres moyens de réglementation prudentielle du commerce transfrontières des services financiers, une Partie peut exiger l’enregistrement des fournisseurs de services financiers transfrontières de l’autre Partie, ainsi que des instruments financiers.

Sous réserve de l’article X (Traitement national) et de l’article Y (Traitement de la nation la plus favorisée), une Partie peut, pour des raisons prudentielles, interdire une activité ou un service financier particulier. Cette interdiction ne peut s’appliquer à tous les services financiers ou à un sous-secteur complet de services financiers comme les opérations bancaires».

2.2.2. Le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) et la réglementation prudentielle Dans le cadre du débat sur les différends entre investisseurs et États, d'aucuns se sont inquiétés des réglementations prudentielles et de l'éventualité que ces dernières puissent être contestées en tant qu'expropriation indirecte. L'ALENA prévoyait déjà la nécessité de protéger la souveraineté réglementaire liée aux réglementations prudentielles par rapport aux contestations soulevées lors du règlement des différends relatifs aux investissements. Pour cette raison, l'ALENA inclut un mécanisme de filtre, qui a ensuite été utilisé dans d'autres ALE.

Le mécanisme de filtre de l'ALENA (article 1415 ALENA) permet de rejeter une plainte s'il apparaît que les mesures contestées relèvent des exceptions visées à l'article 1410 (parmi lesquelles l'exception prudentielle). C'est le Comité des services financiers (article 1412 ALENA) qui décide, dans le cadre de l'ALENA, si un État peut invoquer l'article 1410; cependant, si le Comité ne peut trancher dans un délai de 60 jours après avoir été saisi de l'affaire, c'est un tribunalarbitral qui prend la décision. Les décisions du Comité ou le rapport arbitral lient le tribunal qui aurait dû trancher le différend. Une décision confirmant que l'exception s'applique signifie l'arrêt des procédures relatives au différend. Si le Comité n'a pas tranché la question dans les 60 jours et si aucun tribunal arbitral spécial n'a été convoqué à cet effet dans les 10 jours, l'affaire revient au tribunal.

Un mécanisme de filtre similaire a été introduit dans les projets d'articles de l'AECG (voir article 20 du chapitre 15 de l'AECG). Si l'affaire revient au tribunal parce que le Comité n'a pas tranché la question de l'exception dans le délai fixé, l'État peut toujours en saisir le tribunal.

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2.3. Autres questions

2.3.1. Clauses de statu quo La clause de statu quo se trouve à la section A du Mémorandum d'accord sur les engagements relatifs aux services financiers de l'AGCS. Elle interdit la promulgation de toute nouvelle réglementation susceptible de limiter les engagements pris. De même, les ALE peuvent introduire une clause de statu quo et exiger qu'aucune nouvelle réglementation ne soit adoptée au-delà de la modification des réglementations existantes. L'Union européenne a récemment introduit une clause dans laquelle elle maintient le droit d'adopter de nouvelles réglementations en vue d'atteindre les objectifs légitimes des politiques pour autant que cela reste «compatible avec» les dispositions du chapitre sur le commerce des services, l’établissement et le commerce électronique (chapitre huit).

Des clauses de statu quo au droit de nouvelle réglementation

Mémorandum d'accord sur les engagements relatifs aux services financiers de l'AGCS: Section A, Statu quo: «Toutes conditions, limitations et restrictions aux engagements indiqués ci-après seront limitées aux mesures non conformes existantes».

Projet d'article 8.1 de l'ALE Singapour-UE: «Conformément aux dispositions du présent chapitre, chaque partie conserve le droit de réglementer et d'adopter de nouvelles dispositions en vue d'atteindre des objectifs légitimes de ses politiques d'une manière compatible avec le présent chapitre».

2.3.2. Taxe sur les transactions financières Les restrictions des mouvements de capitaux sont normalement interdites tant par l'AGCS (article XI AGCS) que par les ALE, exception faite de mesures temporaires autorisées en raison de problèmes de la balance des paiements (voir exception pour protéger l'équilibre de la balance des paiements au titre de l'article XII AGCS). On peut donc s'interroger sur la légalité d'une taxe sur les transactions financières dans le droit international29. Comme l'exception prudentielle est une exception particulièrement large, une taxe sur les transactions financières pourrait aisément entrer dans son champ d'application. Dans le même temps, le récent modèle d'ALE comprend une exception qui autorise des mesures visant à limiter les transferts de capitaux de manière à atteindre des objectifs clairement définis, y compris la stabilité du système financier de la Partie (voir encadré ci-dessous).

29

G. Dietlein, «National approaches towards a Financial Transaction Tax and their compatibility with European law», 2012 EC Tax Review vol. 4.

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Dispositions de l'accord de libre-échange KORUS autorisant la limitation des capitaux

Article 13.10: Une partie peut empêcher ou limiter les transferts [...] par l'application équitable, non discriminatoire et de bonne foi de mesures destinées à préserver la sûreté, la viabilité, l'intégrité ou la responsabilité financière d'établissements financiers ou de fournisseurs de services financiers transnationaux. Ce paragraphe ne préjuge d'aucune autre disposition du présent accord qui autorise une partie à restreindre les transferts.

Article 8.3 de l'accord de libre-échange entre la Corée et l'Union européenne: Sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où des conditions similaires existent, soit une restriction déguisée aux mouvements de capitaux, aucune disposition du présent chapitre ne peut être interprétée comme empêchant l'adoption ou l'application par une partie de mesures:

a) nécessaires à la protection de la sécurité publique et de la moralité publique ou au maintien de l'ordre public; ou

b) nécessaires pour assurer le respect des lois ou réglementations qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions du présent chapitre, y compris celles qui se rapportent:

i) à la prévention d'infractions pénales, de pratiques trompeuses et frauduleuses, ainsi qu'aux mesures visant à faire face aux conséquences d'une non-exécution de contrats (faillite, insolvabilité et protection des droits des créanciers);

ii) aux mesures adoptées ou maintenues en vue de garantir l'intégrité et la stabilité du système financier d'une partie;

iii) à l'émission, au négoce ou au commerce des valeurs mobilières, d'options, d'opérations à termes ou d'autres instruments dérivés;

iv) à l'information financière ou à la comptabilité des transferts s'il y a lieu en vue d'aider les autorités répressives ou de régulation financière; ou

v) à assurer le respect des ordonnances ou décisions dans le cadre de recours administratifs ou judiciaires.

2.3.3. Subventions et marchés financiers Un dernier point concerne les subventions accordées aux marchés financiers et les autres mesures susceptibles d'équivaloir à un transfert discriminatoire tel qu'un plan de sauvetage ou d'autres mesures prises par les banques centrales.

L'AGCS ne recouvre pas les subventions tandis que la plupart des ALE autorisent expressément l'octroi de subventions dans les services (AECG, projet d'article 9 du chapitre 15 ou projet d'article 8.1 du projet d'accord entre l'Union européenne et Singapour. Une exception particulière s'applique aux mesures prises par des entités publiques aux fins des politiques monétaires et de changes (projet d'article 16 sur l'AECG ou le chapitre 15 de l'article 13.10 de l'ALE KORUS).

3. Morcellement de la réglementation et coopération

Malgré l'existence de différentes enceintes internationales de gouvernance mondiale des marchés financiers, les normes internationales (telles que les exigences prudentielles de Bâle III) donnent une importante marge de manœuvre aux États pour ce qui est des

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modalités et des détails d'application30. Par conséquent, l'application de normes internationales conduit souvent à une divergence réglementaire entre les États31. Une telle divergence est particulièrement problématique pour les banques d'envergure mondiale relevant de plusieurs juridictions. En outre, la récente crise financière a montré à quel point l'instabilité financière peut être contagieuse, dans la mesure où les différentes transactions transnationales sur lesquelles s'appuient les services financiers peuvent également constituer des canaux de contagion. En raison de l'interdépendance des marchés financiers, et parce que la réglementation des marchés financiers n'est pas totalement harmonisée au niveau international (souvent, les règles ne fixent que des normes minimales), la réglementation nationale a souvent des conséquences au-delà des frontières nationales.

Par compétence extraterritoriale, il convient d'entendre que les banques ou agents ne relevant pas de la compétence territoriale d'un État pourraient être soumis à la législation de cet État si la transaction concerne une banque ou un agent sous la supervision dudit État. Parfois, l'extraterritorialité s'applique même lorsque les transactions ont lieu entièrement en dehors du territoire national, pour autant que l'opération ait des répercussions économiques dans cet État. Toutefois, cette interprétation large de la compétence extraterritoriale est plutôt rare. La principale question qui se pose dans ce contexte apparaît lorsque les pays n'ont pas tous les mêmes préférences quant au niveau d'exigence à appliquer. Au lendemain de la crise financière de 2007, les États-Unis ont choisi de mettre en place sans délai des règles plus strictes en adoptant en juillet 2010 la loi Dodd-Frank32. Dans l'Union européenne, la crise financière a été suivie d'une crise de la dette souveraine, renforçant l'instabilité et l'insécurité dans le secteur financier. L'Union est toujours en train d'adapter sa réglementation du marché financier mais, dans de nombreux cas, elle a choisi de suivre de près les normes minimales définies au cours des discussions d'après-crise dans les enceintes internationales. Il en résulte des divergences dans l'approche réglementaire adoptée, comme en témoignent la réglementation prudentielle renforcée pour les entreprises étrangères et la règle Volcker.

3.1. Renforcement de la réglementation prudentielle applicable aux entreprises étrangères aux États-Unis

3.1.1. La loi Dodd-Frank et les entreprises étrangères La loi Dodd Frank prévoit que les holdings bancaires (voir section 165 de la loi dans l'encadré ci-dessous) de plus de 50 milliards de dollars aux États-Unis sont soumises à une réglementation prudentielle renforcée33. Ces règles doivent être non discriminatoires (conformes à une condition de traitement national) et doivent garantir l'égalité des chances en matière de concurrence.

30

«Bâle III» constitue un ensemble de mesures de réforme facultatives élaborées par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. L'objectif est d'améliorer la réglementation, la surveillance et la gestion des risques dans le secteur bancaire. Exigences de Bâle III en vigueur.

31 Pour de plus amples informations sur les nouvelles règles imposées par les États-Unis à des banques

étrangères et pour en savoir plus sur les différences entre les exigences de fonds propres respectivement fixées par les États-Unis et par Bâle III.

32 Le texte intégral de la loi Dodd-Frank.

33 Le texte intégral de la section 165 de la loi Dodd-Frank.

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Base juridique du renforcement de la surveillance d'établissements financiers étrangers aux États-Unis

Section 165 de la loi Dodd-Frank: Renforcement de la surveillance et des règles prudentielles pour les établissements financiers non bancaires supervisés par le conseil des gouverneurs et certaines holdings bancaires

«2) Normes applicables aux sociétés financières étrangères — par application des principes énoncés au paragraphe 1 et applicables à toute société financière étrangère non bancaire supervisée par le conseil des gouverneurs de la Banque ou à toute holding bancaire ayant son siège à l'étranger, le conseil des gouverneurs

A) respecte le principe de l'égalité de traitement national et l'égalité des chances en matière de concurrence; et

B) tient compte de la mesure dans laquelle la société financière étrangère est soumise, de manière consolidée, aux normes de son pays d'origine qui sont comparables à celles appliquées aux sociétés financières aux États-Unis».

Cette règle fait obligation aux holdings bancaires étrangères situées aux États-Unis de se conformer aux mêmes règles que leurs homologues américaines. Par conséquent, des holdings bancaires étrangères doivent à l'échelon local obéir aux exigences américaines en matière de fonds propres et ne peuvent plus en matière d'adéquation de fonds propres être comptabilisées au niveau global de l'entreprise mère. Ce choix a été fait pour veiller à ce que les holdings bancaires, suffisamment grandes pour être à l'origine de menaces systémiques potentielles, ne seraient pas sous-capitalisées par redistribution générale de leurs fonds propres au niveau de l'entreprise mère. En réponse à la démarche fondée sur la notion d'accueil (pour les filiales étrangères) qui se substitue au concept par groupes (traditionnellement appliquées aux entreprises américaines d'envergure mondiale), et compte tenu des exigences de fonds propres plus strictes qu'impose la législation américaine, deux banques européennes auraient retiré leurs participations qu'elle détenaient dans des holdings bancaires établies sur le sol américain afin d'éviter l'application de la section 16534.

Pour éviter le contournement de la loi Dodd-Frank et assurer l'application de la réglementation aux banques étrangères, situées aux États-Unis et qui peuvent représenter une menace prudentielle, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine, chargé du cadre d'application de la loi Dodd-Frank, a publié, le 18 février 2014, un règlement fédéral YY applicable aux organisations bancaires étrangères35 en se fondant sur une interprétation large des sections 165 et 16636 de la loi Dodd-Frank.

3.1.2. Le règlement fédéral sur les normes prudentielles renforcées pour les banques étrangères Le règlement fédéral YY, qui met en œuvre les exigences prudentielles renforcées qui s'appliquent aux organisations bancaires étrangères, classe les banques étrangères en trois

34

D. Enrich et L. Stevens, «Deutsche avoids Dodd-Frank Rule», Wall Street Journal 22 mars 2012. 35

Le texte intégral du règlement YY. 36

La Section 166 de la loi Dodd-Frank impose des exigences d'assainissement anticipé en vertu desquelles, à un stade préliminaire de leur chute des actifs, l'établissement bancaire obéissant à des exigences prudentielles renforcées, y compris s'il s'agit d'une organisation bancaire étrangère, est tenu de respecter des limites plus strictes en matière d'exigences relatives aux fonds propres ou aux liquidités.

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groupes37. Les banques de la catégorie 1 (dont le total des actifs consolidés au niveau global est compris entre 10 et 50 milliards de dollars américains) doivent satisfaire à des tests de résistance de leur pays d'origine38. Si elles sont cotées en bourse, elles doivent être dotées d'un système adéquat de gestion des risques (conformément à la sous-partie M du règlement fédéral YY). Les banques de la catégorie 2 sont également considérées comme de petites organisations bancaires étrangères étant donné que leurs actifs américains restent inférieurs à 50 milliards de dollars39. Elles doivent satisfaire à une série d'exigences prudentielles de leur pays d'origine et présenter la certification afférente au conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine. Les banques des catégories 1 et 2 doivent donc se conformer à la réglementation du pays d'origine, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine étant simplement chargé de vérifier le respect des dispositions. L'exigence limitée de ces dispositions est due à la section 165 (1) de la loi Dodd-Frank, qui ne porte que sur des holdings bancaires de plus de 50 milliards de dollars.

La troisième catégorie regroupe les banques qui disposent d'actifs américains consolidés pour un montant de plus de 50 milliards de dollars40. En l'espèce, la réglementation fédérale impose le respect d'exigences prudentielles supplémentaires. Si de grands organismes bancaires disposent d'actifs consolidés s'élevant au total à au moins 50 milliards de dollars et d'actifs américains d'au moins 50 milliards de dollars non détenus par une succursale41, elles doivent créer une société holding intermédiaire. Cette disposition légale évite le contournement de la loi Dodd-Frank décrites ci-dessus (les schémas 2 et 3 ci-dessous montrent comment cette dispositionimpose la compétence du système réglementaire américain sur toutes les filiales de la banque étrangère). La date à partir de laquelle doit être créée la société holding intermédiaire est le 1er juillet 2016. Cependant, les organismes bancaires étrangers soumis à cette réglementation devaient présenter au conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine un plan de mise en œuvre au plus tard le 1er janvier 2015. La société holding intermédiaire doit satisfaire aux exigences américaines de Bâle III42, réussir le test de résistance prévu par la loi Dodd-Frank et répondre aux normes en matière de liquidité.

37

Pour une vue d'ensemble des exigences prudentielles renforcées applicables aux banques étrangères, voir: D. Polk, «Foreign Banks: Overview of Dodd-Frank Enhanced Prudential Standards Final Rule», 24 février 2014; voir également le blog du forum de Harvard School of Law sur le gouvernance d'entreprise et la réglementation financière.

38 12 CFR. paragraphe 252.122.

39 12 CFR paragraphe 252.140 disposition suivante dans la sous-partie N du règlement YY.

40 12 CFR, paragraphe 252.150.

41 Les actif américains non détenus par des succursales correspondent à la somme des actifs consolidés de

chacune des filiales américaines du plus haut rang de l'organisme bancaire étranger, à l'exception des actifs des succursales et des agences, voir 12 CFR, paragraphe 252.152.

42 Appliquées en vertu de la disposition 12 CFR, parties 324, 325 et 362.

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Schéma 2 – Organisme bancaire étranger avant le nouveau règlement fédéral

Source des données: HLS CorpGov.

Schéma 3 – Organisme bancaire étranger après le nouveau règlement fédéral

Source des données: HLS CorpGov.

La création d'une société holding intermédiaire est onéreuse pour certaines banques. La Royal Bank of Scotland a obtenu une dérogation à l'obligation de présenter un programme pour sa société holding intermédiaire et réduira ses activités aux États-Unis afin de passer

Banque étrangère Succursale américaine

Société étrangère

Entité juridique américaine

Soumis aux exigences américaines de Bâle II et aux tests de résistance prévus par la loi Dodd-Frank. Soumis également à des exigences de planification de fonds propres et de liquidité si les actifs sont supérieurs à 50 milliards et à la gestion des risques et à d'autres normes prudentielles renforcées sur une base consolidée

Activités aux États-Unis avant la création d'une société holding intermédiaire

Activités aux États-Unis après la création d'une société holding intermédiaire

Société étrangère

Société

étrangère

Société commerciale

étrangère

Société commerciale

étrangère

Succursale américaine

Société étrangère

Société étrangère

Société étrangère Société

étrangère

Banque étrangère

Succursale ou filiale DPC (debt previously contracted)

Instrument de financement

américain

D'autres holdings ne sont pas mentionnées par souci de simplification

Holding bancaire américaine

Société commerciale américaine

(Section 2(h)(2)

Entreprise) Courtier négociant américain

Société commerciale

américaine

Société commerciale américaine

(Autorité régissant les banques commerciales)

Banque américaine

États-Unis Filiale

opérationnelle

Filiale dont les activités se limitent à des opérations

internationales

Entité juridique étrangère

Relations de contrôle au sens où l'entend la banque centrale américaine

Entité juridique étrangère

Relations de contrôle au sens où l'entend la Banque centrale américaine

Entité juridique américaine

Soumis aux exigences américaines de Bâle II, à la planification de fonds propres, aux tests de résistance et de liquidités, à la gestion des risques et à d'autres normes prudentielles renforcées sur une base consolidée

Succursale ou filiale DPC (debt previously contracted)

Instrument de financement

américain

Société commerciale américaine

États-Unis Société

commerciale américaine

(Autorité régissant les banques commerciales)

Courtier négociant américain

Banque américaine

Filiale dont les activités se limitent à

des opérations internationales

États-Unis Filiale

opérationnelle

Société commerciale américaine

(Section 2(h)(2)

Entreprise)

Holding bancaire

américaine

Succursale ou agence américaine ne relevant pas d'une société holding intermédiaire mais soumise aux exigences de liquidités et à d'autres normes prudentielles renforcées.

Obligation de créer une société holding intermédiaire si la banque étrangère dispose de plus de 50 milliards de dollars d'actifs non détenus par une succursale ou une agence

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sous le seuil des 50 milliards de dollars d'actifs43. En général, les banques européennes considèrent que les exigences imposées par les États-Unis augmentent les coûts pour les grandes entreprises de l'Union européenne exerçant leurs activités aux États-Unis44. De nombreuses banques envisagent de réduire leurs activités américaines afin de se soustraire à la réglementation. Certaines entreprises ont déclaré que le traitement réservé aux organismes bancaires étrangers en vertu du règlement fédéral YY est plus strict que le traitement accordé aux banques américaines similaires en vertu de la loi Dodd-Frank (en raison, essentiellement, de la démarche, fondée sur la notion d'accueil, qui s'applique à l'exigence de fonds propres pour les grands organismes bancaires étrangers)45. D'autres études pourraient analyser si la réglementation applicable aux grands organismes bancaires étrangers impose un poids réglementaire plus lourd que les réglementations qui s'appliquent aux entreprises américaines similaires, ce qui constituerait une violation de l'obligation de traitement national découlant de la section 165 de la loi Dodd-Frank.

Le schéma 4 montre le nombre total d'établissements financiers des États membres de l'Union européenne situés aux États-Unis, le nombre d'organismes bancaires de l'Union aux États-Unis (à savoir uniquement les établissements qui relèvent de la législation des États-Unis en qualité d'organismes bancaires étrangers)46 et le nombre d'organismes bancaires de l'Union qui ont au moins 50 milliards de dollars d'actifs aux États-Unis et seraient par conséquent considérés comme un «grand» organisme bancaire étranger au sens du règlement YY. Les plus grands organismes bancaires étrangers semblent avoir pour origine la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Espagne et le Royaume-Uni (voir schéma 4).

Schéma 4 – Nombre total d'établissements financiers aux États-Unis

Source des données: Liste des organismes bancaires étrangers disponible sur le site de la Banque centrale américaine (septembre 2014); calculs de l'auteur.

43

M. Arnold, Fed gives RBS waiver on foreign bank rules, Financial Times, 13 janvier 2015. 44

Liste des organismes bancaires étrangers et de leurs actifs (septembre 2014). 45

Pour une vue d'ensemble des exigences applicables aux banques américaines en vertu de la loi Dodd-Frank, voir: D. Polk, US bank holding companies: overview of Dodd-Frank Enhanced Prudential Standards Final Rule, 24 février 2014.

46 La disposition qui définit les organismes bancaires étrangers aux États-Unis se trouve dans le règlement K.

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Schéma 5 – Total des actifs détenus par des organismes bancaires de l'Union européenne aux États-Unis47

Nationalité Total des actifs détenus par des organismes bancaires de l'Union européenne aux États-Unis (en millions d'USD)

Autriche 2 152

Belgique 13 247

Finlande 30 499

France 489 955

Allemagne 285 128

Irlande 2 496

Italie 16 138

Pays-Bas 93 011

Portugal 2 591

Espagne 200 015

Suède 98 494

Royaume-Uni 520 775

Source des données: Liste des organismes bancaires étrangers disponible sur le site de la Banque centrale américaine (septembre 2014)

3.2. Règle Volcker aux États-Unis

Une autre question controversée dans la réglementation des marchés financiers entre l'Union européenne et les États-Unis porte sur la règle Volcker aux États-Unis (voir encadré)48.

Règle Volcker: interdiction générale

Section 619 de la loi Dodd-Frank:

1) INTERDICTION – sauf disposition contraire dans la présente section, une entité bancaire

A) n'exerce pas d'activités de négociation pour compte propre; ni

B) n'acquiert ou détient de capital, de partenariat ou d'autre participation dans un fonds

d'investissement à gestion alternative ou un fonds de capital-investissement ni ne finance de tels

fonds.

La «règle Volcker», qui tire son nom de l'économiste Paul Volcker qui en est à l'origine, interdit aux banques la négociation pour compte propre. La négociation pour compte

47

Ce tableau indique seulement le total des actifs déclarés par les organismes bancaires des États membres de l'Union européenne. Les établissements financiers qui ne sont pas considérés comme des organismes bancaires étrangers n'étaient pas tenus de déclarer leurs actifs à la Banque centrale américaine et leurs données ne sont donc pas mentionnées. C'est la raison pour laquelle le Luxembourg n'est pas indiqué, car aucun établissement luxembourgeois n'entre dans la définition des organismes bancaires étrangers figurant dans le règlement K (voir note de bas de page 46).

48 Texte intégral de la règle Volker.

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propre correspond à la commercialisation, par une société, d'actions, d'obligations, de monnaies, de matières premières, ou de leurs dérivés, ou d'autres instruments financiers avec les fonds propres de la banque, par opposition à l'argent des déposants, dans le but de réaliser un profit pour elle-même. En substance, l'entreprise décide de tirer profit du marché plutôt que de commissions pour le traitement des transactions. Le principal problème quant à l'interdiction de l'arbitrage pour compte propre en vertu de la «règle Volcker» est le suivant: les opérations pour compte propre s'inscrivent dans le cadre de la gestion des risques, permettant ainsi aux banques de se protéger contre ces risques Toutefois, il peut y avoir un lien entre la spéculation et la négociation pour compte propre. Eu égard au caractère nécessaire des activités de gestion des risques, la «règle Volcker» a créé plusieurs exceptions (dont une pour les obligations souveraines) qui compliquent sa mise en œuvre49.

La deuxième interdiction découlant de la règle Volcker porte sur l'acquisition et la détention de capital, de partenariat ou d'une participation dans un fonds d'investissement à gestion alternative ou un fonds de capital-investissement. Par conséquent, la règle Volcker impose une séparation nette des participations entre les activités commerciales et les fonds d'investissement, tels que les fonds d'investissement à gestion alternative et les partenariats de capital-investissement.

Plusieurs différences séparent la règle Volcker et la loi Glass-Steagall (loi sur les banques de 1933)50, qui a été promulguée après la grande dépression, et qui interdisait aux banques commerciales de détenir des parts dans des banques d'investissement. La loi Glass-Steagall empêchait les banques commerciales de réaliser des transactions sur la souscription et la distribution de certaines valeurs mobilières mais ne restreignait pas l'arbitrage pour compte propre, qui est au centre de la règle Volcker. La règle Volcker autorise les transactions de certaines valeurs mobilières autrefois interdites en vertu de la loi Glass Steagall. Il est clair que ces deux dispositions s'expliquent par la volonté de protéger les banques commerciales des opérations plus risquées, menées dans les fonds d'investissement et, partant, de protéger les clients des banques commerciales.

La règle Volcker pose plusieurs problèmes dans le cadre des relations transatlantiques. En raison de l'application extraterritoriale de la règle Volcker, toute banque étrangère qui a des relations avec les États-Unis ou effectue des transactions transnationales avec une entité américaine et relève du champ d'application de la règle Volcker doit respecter cette dernière. Parmi les nombreuses exceptions figure notamment l'autorisation de négocier pour compte propre des emprunts d'État américains51. Le même type d'exception s'applique aux obligations publiques52 sous certaines conditions et uniquement aux entités étrangères qui négocient les obligations du pays dans lequel la réglementation s'applique à leur société mère ou à des filiales étrangères d'entités américaines. Ces restrictions sont considérées comme discriminatoires étant donné qu'une banque n'est pas autorisée à négocier pour compte propre des obligations publiques affectées d'un degré de risque comparable aux obligations d'État américaines.

49

Voir 12 CFR, parties 44, 248 et 351, et 17 CFR partie 255. 50

Voir: Loi sur les banques de 1933. 51

12 CFR. paragraphe 351.6 (a). 52

12 CFR. paragraphe 351.6 (b).

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Enfin, la portée extraterritoriale de la règle Volcker pose des problèmes dans les relations transatlantiques car les États membres de l'Union et l'Union elle-même ont une autre vision de la question de la séparation entre les activités des banques commerciales et celles des banques d'investissement. Le point de vue des États membres de l'Union a été en grande partie influencé par la règle Vickers au Royaume-Uni53. Tandis que la règle Volcker insiste sur la séparation des participations entre les activités des banques commerciales et celles des banques d'investissement, la règle Vickers suggère une séparation purement fonctionnelle (ou «verrouillage») entre les deux activités bancaires. La règle Vickers impose des exigences prudentielles précises afin de protéger les opérations bancaires commerciales contre les activités à risque des banques d'investissements. L'on observe plusieurs différences dans la démarche inspirée par la règle Vickers à laquelle recourent les États membres de l'Union (en faisant varier la portée de l'interdiction et en donnant plusieurs définitions de la séparation fonctionnelle). La proposition de la Commission en vue d'un règlement relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'Union européenne54 — toujours en discussion au sein de la commission des affaires économiques et monétaires après que le projet de rapport présenté par le rapporteur, Gunnar Hökmark (PPE, Suède)55 a été rejetée lors d'un vote en commission le 26 mai — suit une logique mixte inspirée des règles Volcker et Vickers. Le principal problème est de savoir comment les différentes logiques peuvent se concilier eu égard à la portée extraterritoriale de la règle Volcker sans que cela n'ait d'incidence sur le commerce transatlantique dans le domaine des services financiers.

3.3. Vers une convergence réglementaire?

Les normes internationales actuelles s'appliquant aux marchés permettent d'importantes différences de mise en œuvre et conduisent à une fragmentation de la réglementation, qui peut entraîner de nouveaux coûts pour les échanges transatlantiques dans le domaine des services financiers. Pour cette raison, la Commission européenne souhaite renforcer la coopération transatlantique en matière de réglementation en incluant la règlementation des marchés financiers dans les négociations du PTCI.

3.3.1. Dialogue sur la réglementation des marchés financiers

La coopération transatlantique se déroule actuellement dans le cadre du dialogue sur la réglementation des marchés financiers, créé en 2002. Ce dialogue rassemble des représentants de la Commission européenne, des autorités européennes de surveillance (AES) — l'Autorité bancaire européenne, Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l'Autorité européenne des marchés financiers — et du Trésor américain ainsi que des agences de régulation indépendantes, y compris le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale américaine, la Commission pour la tutelle des marchés à terme sur marchandise, l'Institut fédéral de garantie des dépôts et la Commission fédérale des opérations boursières. Les membres du dialogue réglementaire entre l'Union et les

53

Voir loi de 2013 sur les activités financières des banques. 54

Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'UE, COM(2014) 43 final.

55 Voir le projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à des

mesures structurelles améliorant la résilience des établissements de crédit de l'UE (COM(2014) 43 final – C7-0024/2014 – 2014/0020(COD)), 22.12.2014.

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États-Unis échangent régulièrement des informations sur l'évolution de la réglementation des deux côtés de l'Atlantique56.

L'un des principaux succès a été l'accord sur la reconnaissance mutuelle des différents systèmes comptables utilisés dans l'UE (les normes internationales d'information financière, IFRS) et aux États-Unis (les principes comptables généralement admis des États-Unis, GAAPS) et le démarrage d'un processus de convergence57. Une décision de la Commission fédérale des opérations boursières permet aux banques de l'UE de faire leurs déclarations aux États-Unis en utilisant les IFRS58.

Plus récemment, les discussions ont porté sur la réglementation relative aux valeurs mobilières et, en particulier, sur les divergences concernant la réglementation des contrats d'échange transnationaux. Les nouveaux règlements de sécurité font mention de l'extraterritorialité, à la fois dans le système américain (en application du titre VII de la loi Dodd-Frank59) et dans la règlementation de l'Union (EMIR)60. La réglementation EMIR prévoient la compétence extraterritoriale pour les transactions entre un État membre de l'Union et une entité n'appartenant pas à l'UE ainsi que pour les transactions qui s'effectuent entre deux entités de pays tiers et sont susceptibles d'avoir des effets prévisibles sur l'Union. Le risque de duplication et de conformité contradictoire dans le commerce transnational est par conséquent extrêmement élevé, et tant l'Union que les États-Unis s'emploient à chercher une solution. Afin d'éviter la duplication des exigences réglementaires, l'UE a déjà adopté des décisions d'équivalence en matière de réglementation des contreparties centrales d'Australie, de Hong Kong, du Japon et de Singapour61. Toutefois, il a été plus difficile de parvenir à un accord américain du même type. Les possibilités examinées lors du dernier dialogue sur la réglementation des marchés financiers en janvier 2015 englobaient la demande de substitution de la conformité62. La substitution de conformité ne nécessite pas d'équivalence parfaite mais seulement une évaluation du degré de ressemblance des exigences réglementaires. La substitution de conformité, telle que prévue aux États-Unis, permettrait aux citoyens de pays tiers de

56

Voir la Commission européenne. 57

Au sujet du processus de convergence, voir Commission européenne; la reconnaissance mutuelle a été accordé aux GAAPS en 2008 en vertu de la décision de la Commission du 12 décembre 2008 relative à l'utilisation, par des émetteurs de valeurs mobilières de pays tiers, des normes comptables nationales de certains pays tiers et des normes internationales d'information financière pour établir leurs états financiers consolidés (notifiée sous le numéro C(2008) 8218) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (2008/961/CE).

58 Voir communiqué de presse: Normes comptables: Charlie McCreevy accueille favorablement la décision de

la SEC de lever l'obligation de rapprochement avec les GAAP américains, 15 novembre 2007, Bruxelles, IP/07/1705.

59 Voir aussi: CFTC Issues Final Extraterritoriality Guidance Respecting Title VII of the Dodd-Frank Act and

Provides Time-Limited Exemptive Relief to Certain Non-U.S. Market Participants, 26 juillet 2013, Linklaters. 60

Règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, JO L 201 du 27.7.2012, p. 1; voir aussi Columbia Law School: E. F. Greene et I. Potiha, Issues in Extraterritorial Application of Dodd-Frank's Derivatives Rules: Update with focus on OTC Derivatives and Clearing Requirements, 2013.

61 Projets de décisions d'exécution de la Commission.

62 Dialogue entre les États-Unis et l'Union européenne sur la réglementation des marchés financiers,

déclaration conjointe de janvier 2015.

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choisir de se conformer à la réglementation de leur pays d'origine (en l'occurrence, l'Union européenne) et non à la réglementation en vigueur aux États-Unis.

3.3.2. Au-delà du dialogue sur la réglementation des marchés financiers: la proposition de PTCI et les craintes suscitées

Dans le cadre des questions réglementaires touchant aux deux normes comptables et à certains aspects de la réglementation en matière de produits dérivés, les deux parties s'emploient à trouver une solution mutuelle. La proposition de la Commission d'ajouter les marchés financiers à la négociation sur le PTCI visait à garantir un engagement plus fort pour aboutir à une solution mutuelle.

Le projet initial de coopération de l'Union figurant dans le PTCI est allé au-delà des dispositions usuelles dans lesaccords commerciaux, telles que les dispositions encourageant la reconnaissance réglementaire, que l'on retrouve aussi bien dans l'AGCS (annexe sur les services financiers) que dans l'AECG (voir projet de chapitre 15, article 5b, de l'AECG)63. En effet la reconnaissance de normes réglementaires et de mesures prudentielles est souvent encouragée dans les accords commerciaux. Toutefois, les normes requises et les procédures à suivre pour obtenir la reconnaissance mutuelle de normes varient souvent selon les réglementations nationales et peuvent être extrêmement difficiles, compliquant considérablement la mise en œuvre de décisions sur l'équivalence de normes. Pour cette raison, la proposition de PTCI64 par l'Union comportait, à l'origine, des discussions sur l'introduction de dispositions visant à mettre en place une coopération plus systématique et à faciliter le processus de négociation en vue d'une reconnaissance, comme:

1. l'adoption en temps utile de normes internationales;

2. la consultation réciproque avant l'adoption de nouvelles mesures;

3. l'examen conjoint des règles existantes;

4. l'évaluation des possibilités d'équivalence.

La deuxième mesure proposée par la Commission européenne, qui suggère une consultation réciproque avant d'adopter de nouvelles mesures, pourrait être particulièrement controversée pour les États-Unis. Une telle consultation réciproque ex ante pourrait être perçue par certains observateurs américains comme une manière de retarder la procédure d'application de la loi Dodd-Frank. S'il est certain que les États-Unis souhaiteront obtenir un engagement fort en faveur de la libéralisation des marchés financiers dans le cadre du PTCI et une exception de taille eu égard à leur souveraineté en matière de réglementation prudentielle, ils s'opposeront à tout ce qui pourrait ralentir le rythme des réformes entreprises dans le domaine, ou qui serait susceptible d'abaisser les normes de la réglementation prudentielle. En d'autres termes, les États-Unis s'opposeront à tout ce qui pourrait imposer une limitation de leur autonomie réglementaire dans ce domaine.

Pour l'instant, l'Union européenne a été contrainte de retirer la réglementation des services financiers de la table des négociations65. Toutefois, la Commission espère toujours parvenir

63

Pour un examen plus large de la reconnaissance dans la finance internationale, voir: P-H Verdier, Mutual Recognition in International Finance, 2011, Harvard International Law Journal, vol. 52.

64 The EU proposal for Financial Service Regulation Cooperation in the TTIP.

65 J. Crisp, Les services financiers restent exclus des négociations transatlantiques, Euractiv, 13 juin 2014.

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à un accord sur la coopération réglementaire dans le cadre du PTCI pour les marchés financiers66.

4. Principales références

R. Wolfrum, P-T. Stroll et C. Feinäugle, WTO – Trade in Services, 2008, Brill.

B. De Meester, Liberalization of Trade in Banking Services – An International and European Perspective, 2014, Cambridge.

L. Quaglia, The European and Global Financial Regulation, 2014, Oxford.

A. Lang et C. Conyers, Financial Services in EU Trade Agreements, 2014, Parlement européen.

E. Patrikis, D. Wall, G. Cuccinello, Enhanced Prudential Standards for Foreign Banking Organisations: the US Approach to Ring Fencing, mars 2014, White&Case.

I. Barbee et S. Lester, Financial services in TTIP: making the prudential exception work, 2014 Georgetown Journal of International Law vol. 45.

R. Maxwell et J. Schillacci, The Final Volcker Rule and Its Extraterritorial Consequences for Non-U.S. Banks, décembre 2013, Linklaters.

K. Deutsch, Transatlantic consistency? Financial Regulation, the G20 and the TTIP, juillet 2014, Deutsche Bank.

S. Johnson et J.J. Schott, Financial Services in the Transatlantic Trade and Investment Partnership, octobre 2013, Peterson Institute for International Economics.

Autres références: Jan Bäeverströem, TTIP and Financial Services, EPRS.

66

Discours du commissaire européen Jonathan Hill sur la relation transatlantique en matière de services financiers en tant que force d'un changement positif, Brookings Institution, Washington DC, 25 février 2015.

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PE 559.494 ISBN 978-92-823-6830-5 doi: 10.2861/386306