Krishnamurti à New-York en 1935
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8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935
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Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses
par
KRJSHNAMURTJN E W -YO R K i 9 35
(Traduit de langlais)
19 3 5
D I T I O N S D E L T O I L E
4 , S Q U A R E R A P P
PARIS (7e)
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par
KRJSHNAMURTJ
N E W - Y O R K i 9 3 5
(T r a d u i t d e a n g l a i s )
Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses
ADYAB 45
1935
D I T I O N S D E L T O I L E
4 , S Q U A R E R A P P
P A R I S (7e)
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T O U S D RO I T S R S E RV S
P A R L E S T A R P U B L I S H I N G T R U S T
L O S A N G E L E S , C A L . (u .S .A . )
I M P RI M A P A R I S (F R A N C E )
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par
KRISHNAMURTI(Traduit de Anglais)
Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses
N E W - Y O R K i 9 3 5
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PREMIRE CAUSERIE
11 Mars 1935.
A mi s ,
Nous essayons, la plupart dentre nous, de rsoudre nos
nombreuses difficults et nos problmes dans les limites de
la distinction artificielle que nous avons cre entre le groupe
et lindividu. O r, pour moi, cette distinction d e l'ind ividu
oppos au groupe pervertit et dtruit la clart de la pense,
et une telle perversion conduit naturellement de nombreuses
rpressions et des abus entre lindividu et le groupe.Comme nous cherchons des voies et des moyens pour sor
tir de ce chaos, on nous offre des mthodes et des solutions
habiles et compliques, et chaque individu choisit la solution
qui saccorde son temprament particulier, qui dpend de
sa situation sociale et de ses fantaisies religieuses.
Je ne veux pas ajouter de nouvelles thories ou explications
celles qui existent dj. Pour moi, la vraie solution de
notre problme est dans lintelligence, qui doit tre directe
et simple; lorsquune telle intelligence existe, nous pouvonscomprendre la vie dans sa totalit.
O r il est impossible d veiller cette in telligence en suivant
un groupe ou un systme, ou en se conformant son propre
temprament ou ses fantaisies particulires. Pour veiller
la vritable intelligence, nous devons dabord examiner les
nombreuses stupidits qui mutilent lesprit et le cur, et ne
pas chercher une dfinition de l'intelligence, car, lorsque nous
dcouvrons ce que sont ces stupidits, et lorsque nous en
librons notre esprit au moyen dune constante vigilance, nouspouvons savoir par nous-mmes ce quest la vraie intelligence.
E n dcouvrant p ar nous-mmes les limitations que le mi-
* Ce compte rendu contient l essentiel des causeries faites p arK rishnamurti H ollywo od , le 3 mars, et Ch icago, le 7 mars 193 5.
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lieu nous a imposes, et en discernant la vraie signification
du milieu, nous liminons les stupidits et commenons raliser ce q uest la v raie intelligence. L expression de cette intel
ligence en action est lim m ortalit, la batitud e de vivre dan s
le prsent.
Vous avez de nombreuses ides concernant la plnitude
de la vie et lim m ortalit. M ais, po ur moi, cette im m ortalit,
cette richesse, cette totalit de la vie ne peut tre comprise et
vcue qu e lorsque lesprit est entirem ent lib re des lim ita
tions, des stupidits, que le milieu, pass ou prsent, hrit
ou acquis, installe continuellement autour de nous.D on c, si je puis vous le suggrer, ne cherchez pas auprs
de moi, dans cette causerie, de nouvelles explications, ni une
srie de fo rm ules, ni des dfinition s. D e te lles explication s
et formules noffrent que des moyens dchapper aux con
flits. La plupart des esprits dsirent copier, imiter, suivre, car
ils ne peuvent pas penser par eux-mmes, ou bien le conflit
est si intense quils prfreraient svader au moyen de syst
mes, de dfinitions, dexplications. Ce nest quen tant cons
tamment conscient du milieu et de limposition de ses stupidits sans cesse grandissantes, ce nest quen doutant cons
tamment de ces stupidits que nous bloquons les voies d'va
sions et que nous abordons le conflit face face, ce qui nous
donne la capacit de comprendre le milieu intelligemment.
Ce que je veux expliquer au cours de cette causerie, cest
la faon dont nous crons les stupidits. Si nous ne compre
nons pas cette continuelle et inconsciente cration, lenqute
au sujet de lintelligence ne nous apportera quune nouvelle
vasion . D on c toute notre enqute d evrait po rter sur ce qu estla stupidit, et sur ses causes, plutt que sur lintelligence.
Ainsi que je lai dit, tant que nous nessayons pas de
librer lesprit de ces stupidits que le milieu, pass et pr
sent, a engendres autour de nous et au moyen desquelles
il mutile notre action, tant que nous ne les percevons pas,
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tant que nous ne comprenons pas leur vraie signification,
notre enqute au sujet de lintelligence sera futile.Le but de ma causerie est de vous aider dcouvrir ces stu
pidits et la faon de sen dlivrer.
O r chaqu e expert, ch aque auto rit, chaq ue secte, chaqu e
parti, offre un moyen de sortir de ce conflit grandissant, dont
nous savons quil existe. Chacun met une ide, une thorie,
une mthode pour la solution de cette terrifiante emprise.
N ous pouvon s diviser, je cro is, ces tho riciens, ou ces gens qui
donnent des explications, en deux espces : ceux qui sont tour
ns vers lextrieur, et ceux qui sont tourns vers lintrieur.L hom me qu i est tourn vers lextrieur d it que tous les
problmes humains peuvent tre modifis, transforms, con
trls par lorganisation du travail, ou des moyens de pro
duction et de distribution, et ainsi de suite. Il considre
lhomme comme une argile que conditionne le milieu, de
sorte que, par le contrle du milieu, par le perfectionnement
du groupe, lindividu aura la possibilit de sexprimer, cest-
-d ire quil ne sera plus an tisoc ial. E t, en effet, si lindividu
nest quune argile conditionne par le milieu, il suffit de
contrler le milieu, et de cette faon les ambitions, les aspira
tions, les dsirs ne sopposeront jam ais au group e, et l ind ividu
ne sera pas antisocial. Les hommes seront ainsi conditionns
par d e n ouvelles sries d ides et d e tho ries, de faon qu ils
ne puissent jam ais, en tan t qu ind ividus, en trer en con flit avec
le groupe ou la socit.
Si vous croyez que lhomme nest pas autre chose que de
la matire quon peut conditionner, modeler, contrler, il ny
a plus rien d ire. Alo rs la vie serait trs simple. N ous nau
rions plus qu travailler tous au simple perfectionnement
du milieu, en obissant certaines thories et certaines ides,
et en nous faisant conditionner par elles.
O r je ne suis ni contre ni pour ce point d e vue. Je veux
lexaminer plus profondment. Si lhomme nest quune entit
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sociale, et si en transformant les circonstances et le milieu
on peut crer en lui lhabitude de rechercher le seul bien-tre du groupe, de faon ntre pas antisocial, sil en est
simplement ainsi, la vie il me semble devient trs creuse, et
nest plus quune suite dactions inaccomplies, superficielles.
E t il y a aussi lhomme tourn vers lintrieur, qui dit que
la vie est seulement esprit. Laissez la direction ce qu il y
a de plus lev dans l'homme, dit-il, et que lhomme suive,
ainsi que le lui expliquent les instructeurs et les diffrents sys
tmes philosophiques; qu i! devienne plus religieux, quil suive
les grands conducteurs dhommes, qu'il ait de la discipline,quil fasse partie dorganisations spirituelles et quil obisse
1autorit spirituelle, quil se laisse guider par la peur, de faon
conqurir un jour les circonstances et le milieu. ))
Nous avons ainsi lexagration de lhomme qui est tourn
vers le dehors, et lexagration de celui qui est tourn vers le
dedans ; nous avons la personne pour qui lhomme nest quune
argile et do it p ar consquent tre conditionn, et autre per
sonne, tourne vers l'int rieur, ! homme soi-disant spirituel, qui
insiste pour un changement des curs dabord.
Ainsi nous avons Ces deux types. L exagration de l un ou
de f autre dtruit son propre but. L homme qui dit le mi
lieu dabord , et celui qui dit lesprit dabord , chacun
par ses propres exagrations, et en appuyant sur son ide
d une faon errone, dtruit ses propres fins. Tandis que, pour
moi, la solution, ou plutt la manire de penser, le vrai veil
de 1intelligence qui seul peut rsoudre les innombrables con
flits et problmes sociaux et individuels, rside dans le parfait
quilibre entre les deux, au del et au-dessus des deux, et cet
quilibre est la voie simple et directe.Pour tudier les divers systmes, philosophiques aussi bien
quconomiques, pour les tudier tous fond de faon
pouvoir les comparer entre eux, il faut un grand effort, et peu
de personnes ont le temps, la capacit ou linclination de
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pn trer leurs raisonn emen ts com pliqus et leurs thories. E t
quarrive-t-il lorsque vous navez pas le temps dexaminer
toutes les complications des innombrables experts concurrents?
Vous choisissez un de ces experts, qui vous plat, que vous
trouvez raisonnable, et comme vous navez pas le temps
dapprofondir son systme, vous acceptez simplement son
autorit. Plus lexpert est grand, plus grande est lautorit,
et plus aveugle lobissance.
Ainsi, graduellement, les disciples deviennent aveugles et
ne font quaccepter des dogmes; les chefs dtruisent les dis
cip les, et les d isciples, leur to ur, dtru isent les chefs. G ra
duellement nous crons une nouvelle srie de stupidits, bases
sur une nouvelle srie de dogmes qui, lorigine, taient des
thories, et dont nous devenons les esclaves.
O r, po ur moi, les thories ont trs peu de valeur, m ais
lhomme qui se trouve constamment en conflit avec le milieu,
la fois pass et prsent, cet homme-l discerne, pntre,
essaie de comprendre, et vit par consquent compltement
dans le prsent. Cet homme na aucun besoin de thories et
d explication s. M ais ceci exige une pense persistante, une
grande lucidit, une grande pntration du vrai sens de
lternel mouvement du milieu. Comme la majorit des per
sonnes ne peuvent pas faire cela, elles acceptent des thories
qui deviennent pour eux des matres, des faits, des ralits.
N atur ellem en t, ceci sapp lique aussi aux experts en reli
gions que nous considrons comme nos guides spirituels. Con
sidrez la religion, je veux dire la religion en tant que
croyance organise, et vous verrez que lautorit de lexpert
est suprme. Le modle est plac devant vous, et vous tes
forcs par la pression de lopinion publique, par la peur, etc... suivre. Cette adoration de lautorit, cette adoration de
lexpert, qui ignore ses limitations, est, pour moi, la racine
mme de lexploitation.
Tout le processus de la vie, qui devrait tre un continuel
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panouissement, donc une continuelle pntration dans la
ralit, dans la vrit, est compltement dtruit par ladoration de lautorit, des spcialistes, des credos, des thories.
T o ut le but est d ob tenir des individu s soumis, de les ob liger
obir et suivre. Ainsi ils deviennent graduellement incons
cients de tout sauf de leur modle, ils installent tant quils le
peuven t leurs existences dan s les lim ites des d its de ce m od le,
et ils appellent cela vivre. Le milieu nest plus que le moule
qui leur donne leur forme. Ainsi, lindividu, tel quil est
prsent, nest pas autre chose que lexpression exagre du
milieu, le milieu tant le pass et le prsent, ce qui est hritet ce qui est acquis.
P o ur m oi tout cela n est pas la vraie ind ividu alit. P ar
la comprhension de la vraie signification du milieu, pass et
prsent, donc par son affranchissement du milieu, lintelligence
sveille, et lexpression de cette intelligence est la vraie
individualit.
Actuellement vous tes conditionns par le milieu. Vous
tes le rsultat de votre milieu, pass et prsent, et ce que
vous exprimez, en lappelant votre individualit ou votreexpression personnelle, nest pas autre chose que lexpression
de ce milieu qui conditionne. Pour moi la vraie expression de
lindividualit est cette intelligence qui sveille en librant les
prit du m ilieu qui le con dition ne, dan s le pass et d ans le p rsent.
Ce quil nous faut ensuite dcouvrir cest si un systme,
quel qu il soit, peu t veiller cette in telligen ce. O u n e f ait-il,
au contraire, quimposer de nouvelles sries de stupidits, de
nouvelles limitations? Car, si nous pouvions trouver un sys
tme parfait, nous naurions qu nous en remettre totalement
lui pour devenir intelligents.
Pour moi, les systmes ne sont que des cristallisations de la
pense, et le groupe nest que lexpression de cette pense.
Ces penses cristallises peuvent-elles, du fait que vous les
suivez, veiller votre in telligen ce? O u devez-vo us plutt , sans
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vous envisager vous-mme en tant quindividu ni en tant que
groupe, commencer discerner par vous-mme les stupiditscres par la fausse distinction entre le groupe et lindividu?
Je veux dire : en ne nous considrant ni comme individu ni
comme group e, ne pouvons-nous p as penser d une faon
neuve, penser partir du commencement, de faon appr
hender la vraie signification de chaque milieu, de chaque
limitation ? E h ! bien, si nous ne pouvons pas tre ainsi actifs,
motionnellement et mentalement, indpendamment de tout
systm e, le seul fait de suivre un systm e, et d tre actifs
lintrieur de ses cadres, nveillera pas notre intelligence.
O r, une belle inte lligen ce, lorsqu elle est rveille, peut
vritablement cooprer, non pas avec des stupidits, mais avec
d autres intelligences.
Considrez par exemple ce qui se passe en ce qui concerne
la guerre. Pour comprendre toute la question de la guerre il
nous faut penser partir du commencement, et non pas de
points de vue nationalistes, sociaux, ou de classes sociales.
E n elle-mm e la guerre est une faut e. I l ny a p as d excuses
la guerre t ant q uil y a de lint elligence qui fonctionn e. M ais
comme nous sommes surtout gouverns par des politiciens, desexploiteurs, et des gens de cette espce, on nous contraint
passer d une guer re l autr e, et lon nous donn e beaucoup
de raisons quant linluctabilit et la ncessit des guerres.
Tant que vous ne pensez pas clairement, fondamentale
ment, partir du tout commencement en ce qui concerne
cette question, un jour vous serez pour la paix et le jour
suivant vous serez pour la guerre, parce que vous naurez pas
dcouvert par vous-mmes, fondamentalement, les pouvan
tables cruauts, les haines sociales, les exploitations qui engendrent la guerre. Ce nest que lorsquexistera une intelli
gence veille, non seulement en ce qui vous concerne, mais
en ce qui concerne les politiciens, les gouvernants, quil y
aura la paix.
I l
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Pour dcouvrir c qui est vrai on a besoin de beaucoup
d intelligence. L int elligence, pou r moi, ne consiste pas accum uler des conn aissances. O n peut tre trs instruit et
po urtant trs stupide. O n p eut lire d e no mb reuses philosophies
et ignorer pourtan t la batitude d e la pense cratrice. O r
celle-ci ne peut exister que lorsque lesprit et le cur com
mencent se librer par un conflit, par une constante lucidit,
des stupidits du pass et de celles que lon est en train de
construire. Alors seulement y a-t-il lextase de ce qui est vrai.
Q ue lqu un p eut-il vous dire ce q uest la vrit? Q uelqu un
peut-il vous dire ce quest D ieu? P erson ne ne le peu t: il vousfau t le dcouvrir p ar vous-mmes. E t po ur dcouvrir ce qui
est vrai, ce quest le sens de la vie, ce quest lamlioration
sans laqu elle la vie devient un ch aos inintressant, une
souffrance aveu gle et sans signification il fau t d e lintelli
gence, et pour veiller cette intelligence, il faut dpouiller
lesprit et le cur des stupidits.
L a prem ire cause d e la stupidit est cette conscience qui
saccroche au particulier, et qui de ce fait cre la distinction
entre le groupe et elle-mme, cette conscience dont lessencemme est la pense de lacquisition, du mien . Cette cons
cience limite est la racine mme et la cause de la stupidit,
de la souffrance.
Une de ses manifestations est le constant besoin de scurit,
la scurit dans les limites de notre tre tout entier, physique,
mo tion nel, m ental. L a recherche d e cette scurit engendre
ncessairement un conflit entre ce que nous appelons lindi
vidu et le groupe. Les exagrations de lindividu qui soppose
au groupe, conduisent des frottements constants, des luttes,
de la souffrance.
Vous pouvez voir que cette recherche de la scurit phy
sique sexprime dans la possession, avec toutes ses cruauts,
ses exploitations, et ses stupidits terrifiantes comme celles du
nationalisme, de la guerre des classes, des haines de races.
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E t de mme, mot ionnellement, lamour nest devenu que
de la possession. Il a perdu son extase cratrice. Il est une
srie de conflits possessifs. Sa tendresse, sa grande profondeur,
sa qualit ternelle, sa profonde extase, sont dtruites par cedsir de possder.
E t il y a ensuite le fait quon est mentalement avide de
certitudes. Voil pourquoi il y a 1adoration de lautorit,
ladoration des matres. Voil pourquoi il y a lincessante
dem ande de lultime, pour que esprit puisse sy accrocher.
V o il pourquo i vous cherchez toujours la vrit, D ieu; etcelui qui vous prom et form ellement D ieu, la vrit, limm orta
lit, vous [ adorez, car il vous a donn le rconfort, la scurit.
G raduellement, cette dem ande d une scurit d truit lin-
teiligen ce. L esprit, par lexprience, accum ule des scurits
soigneusement gardes, qui se protgent elles-mmes, et qui
empchent quon sajuste ternel mouvement de la vie.
L exprience, la p lup art du temps, cre des scurits, des
mmoires autoprotectrices, et avec ces barrires vous abordez
la vie, ce qui doit invitablement engendrer des conflits et de
la douleur. Ceci ne veut pas dire quil vous faut oublier le
pass. Ce que je veux expliquer, cest que, de mme que phy
siquement nous recherchons la scurit, ainsi mentalement
nous essayons daller de lincertitude vers la certitude, qui
son tour devient incertitude, et dans laquelle il ny a, aucun
moment, une solitude complte, inexorable.
Je vous assure, lorsqu il y a une complte nudit, lorsquil
ny a aucun remde possible, dans cet instan t d inscurit
vitale nat la flamm e de l'in telligence suprme, la batitude de
la vrit.
D ans la recherche de la scurit, surgit la peur, qui engendre de nombreuses illusions, des fausses disciplines, des rpressions, des perversions, la crainte de la mort et les recherches
dans lau-del.
Pourq uo i tant de personnes s intressent-elle lau-d el?
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Parce que la vie ici est superficielle, conditionne par le
milieu, en conflit, chaotique, draisonnable, sans joie, sansextase; alors on cherche dans le futur, et de cela surgissent
des enqutes dans lau-del.
L imm ortalit est un continuel devenir, non pas de cette
conscience que nous appelons le je , de cette conscience
qui cre les distinctions, mais de cette intelligence libre du
particulier aussi bien que du groupe. En dautres termes, lors
que lesprit est dpouill de toute illusion, ou ignorance, il est
cap ab le de discerner l infini prsent. C est une chose que lon
ne peut pas expliquer, on ne peut raisonner sur cela. C est audel de toute discussion. Cela a besoin dtre prouv, dtre
vcu. Cela demande une grande constance et une grande
persvrance.
E t voil ce qui me semble tre ltat du m onde. L e chaos
caus par le conflit de nombreuses thories conduit des pra
tiques stupides et des divisions; et, au fur et mesure que
le temps passe, nous ne faisons quaccumuler des connais
sances et des thories, quaugmenter des divisions pres, en
crant des mouvements de masses pour des expriences antagonistes. D ans ce conflit o nous sommes immergs, lintelli
gence, qui est la vraie expression et le mode de la vie, est
entirement oublie.
V o il ltat du monde autour de nous. Q ue devrait tre
notre action? Q ue devraient tre notre attitude, nos pen ses?
Allez-vous attendre que le milieu devienne parfait par des
rvolutions, par des changements conomiques, par des sou
lvements politiques? Cette attente ne serait quune fuite,
cette faon de compter sur le futur ne serait quune nouvellevasion par lespoir, un ajournement. Voudrez-vous, au con
traire, sans vous considrer en tant quindividus ou en tant
que groupes, commencer penser d une faon neuve, en
recommenant depuis le dbut, en vous dbarrassant ainsi
des nombreuses stupidits qui sont devenues des vertus, des
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nombreuses choses que vous avez acceptes comme videntes,
et en engendrant ainsi, par la vraie simplicit et la pense
directe qui est la suprm e int elligence les fruits de
laction ? Q u allez-vou s faire ? A tten d re lavenir, en esprant
que le milieu se perfectionnera par quelque miracle, par lac
tion d e qu elqu un d au tre ? O u d evenir si intensment lucides
par votre propre conflit avec le milieu, conflit dans lequel il
ny aura aucune possibilit de fuite, quen lui, il y aura la
plnitude de laction?
Pour la plupart des gens, cest cela lalternative : simple
ment attendre, marquer le temps, ou tre capable de discer
ner la vraie signification de la vie, avec ses conflits et ses
douleurs, ne plus crer une nouvelle srie de stupidits, une
nouvelle srie dillusions, et vivre par consquent directement
et simplement. La premire solution conduit un chaos total,
linconsquence, lennui, aux vies superficielles que mnent
la plupart des gens, soit quils travaillent intensment, soit
qu ils m anq uen t de t rav ail. L aut re, lextase de lim m ortalit.
Partout il y a le dsespoir, une attente de quelque action,
lattente que les gouvernements changent les conditions o
lon vit. E t, pen dan t ce temps, vos pro pres vies devienn entde plus en plus superficielles, creuses, avec toutes les inanits
de la socit moderne, et les inanits des personnes dites
spirituelles.
Ainsi que je lai dit ds le dbut de ma causerie, lintel
ligence est la seule solution qui engendrera lharmonie dans
ce monde de conflit, lharmonie entre lesprit et le cur en
action. Aucun systme, aucune simple modification du milieu,
ne libreront lhomme de lignorance et de lillusion, qui sont
la cause de la souffrance. Chacun, par soi-mme, par sapropre lucidit, dans sa propre plnitude, peut discerner la
vraie signification de ces innombrables barrires qui nous limi
tent. Cela seulement engendrera une intelligence durable,
qui rvlera limmortalit.
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DEUXIME CAUSERIE
13 Mars 1935.
A m i s ,
Avant de rpondre quelques-unes des questions qui m ont
t poses, je voudrais expliquer que ce que jai dit, et que
ce que je vais dire nest pas un jouet intellectuel, nest pasune nouvelle srie de thories que nous pouvons prendre
comme sujets de disputes pour simplement nous stimuler men
talement; ni est-ce fait pour donner une nouvelle sensation
une motion dj mousse. La vraie profondeur de sa
signification ne peut tre dcouverte que lorsquon en fait
lexprience, autrement elle naurait aucune valeur dans ce
monde o le conflit est continuel. E t pour en faire exp
rience on doit commencer par soi-mme. Il est vident quon
ne peut pas commencer par exprimenter sur les autres, car
on ne connatrait ni le rsultat ni la signification de cette
exprience si on ne se lappliquait soi-mme.Donc, au lieu de penser votre voisin, vous devriez dcou
vrir la faon dexprimenter rellement sur vous-mmes. Pour
aider le monde, on doit commencer par soi-mme. Si lon peut
vritablement exprimenter sur soi-mme de faon se ren
dre continuellement adaptable (et je ne parle pas de lajus
tement constant une discipline strotype, ni de l'obis
sance aveugle un modle, ni de la pratique incessante dune
ide) une telle exprience vcue entranera un changement
significatif dans laction, dans la conduite, dans ltre tout
entier.
Je proposerais quau lieu de considrer superficiellement
les ides que jexpose, vous les mettiez en application afin
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de voir si elles ont une utilit pratique quelconque dans votre
vie quotidienne.
Nous sommes, pour la plupart, nourris de certains prjugs, de traditions et de craintes, et nous sommes contraints
l ob issance par le m ilieu. C est en nous app uyan t sur cet
arrire-plan que nous pensons et agissons. Cet arrire-plan
est devenu une partie inconsciente de nous-mmes, et de ce
centre inconscient nous partons pour penser, pour sentir, pour
agir. Toutes nos actions surgissant de cette limitation de les
prit et du cur deviennent videmment de plus en plus limi
tes, de plus en plus troites, de plus en plus conditionnes.
Ainsi ltre inconscient (ces penses et ces sentiments habituelsque nous n avons ni mis en do ute ni compris) est con tinuel
lement en train de pervertir, de dranger et dobscurcir les ac
tions conscientes. Si nous ne comprenons pas cet arrire-plan
avec lequel nous avons t levs et en le com prenant nous
nous en librerions ces p rjugs, ces peurs, interviendro nt
toujours dans la conscience et la conditionneront. La cons
cience est action, elle est discernement. Mais notre action sefait toujours limiter, conditionner par la peur, par la tradition.
A u lieu de nous librer, d e nous affranchir, laction ne faitquaccentuer notre conflit, nos problmes, et ainsi la vie nest
plus quune srie de conflits et de luttes.
Pour chapper ces luttes nous avons cr certaines illu
sions qui nous soulagent, et qui sont devenues des ralits
pour nous. Je veux dire quen vue dchapper nos innombra
bles problmes et conflits nous avons tabli certains calmants,
rguliers et reconnus. Ces calmants sont les religions organi
ses, lesprit dacquisition, le fait dtablir et de suivre une
tradition, et les nombreuses vasions des sensations.Si vous devenez conscients de vos actions, vous verrez que
cest cela qui vous arrive, la plupart dentre vous : vous
fonctionnez travers un arrire-plan tabli de traditions ou
de craintes, et vous multipliez de ce fait votre conflit et vos
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luttes. A u lieu d e vous affran ch ir par Jaction , vous instituez
des calmants ou des vasions qui deviennent pour vous sirels, si exigeants, quil devient immensment difficile les
prit de sen librer.
Se librer de la cause qui limite laction de plus en plus,
cest--dire de linconscient, ne consiste pas fouiller dans
le pass, mais devenir conscient dans laction, dans le pr
sent. A u lieu d e cherch er voir si vous tes esclaves de tr a
ditions, de peurs, de prjugs, devenez pleinement conscients
dans votre action, et dans cette flamme de lucidit la cause
de la lim itation , par exemp le la peur, se rvlera. E n d autres termes, si vous tes pleinement rveills, pleinement luci
des au cours d une action qui exige vot re tre com plet, vous
verrez que toutes ces perversions caches et inconscientes sur
gissent pour vous empcher dagir pleinement, compltement.
C est alors qu est le mom ent de sen occup er, et si la flamm e
de lucidit est intense, elle consumera ces causes de la limi
tation.
A u lieu d e suivre un m od le, une ligne d action b ien
trace (qui, je le rpte, ne peut que mutiler la pense etlmo tion) si lon peut tre pleinem ent conscient au m om ent
de laction (et ceci ne peut se produire que lorsque la pense
et lmotion sont intenses) les profo ndeurs caches et inex
plores de la conscience se rvlent . M ais si lon se borne
examiner linconscient au moyen de lintrospection, on
finit par voir que les actions subissent des restrictions de plus
en plus grandes, quelles deviennent par consquent de plus
en plus artificielles, perdant leur signification, leur richesse,
devenant creuses et vides. Si vous commencez par tre conscients, par traiter une question intgralement, comme un tout,
vous verrez comment ramperont dans votre esprit toutes les
penses, hrites ou acquises, qui vous conditionnent et vous
protgent. A lors vous d couvrirez si vous en faites vrai
men t lexprience que lesprit et le cur n e sont pas en
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conflit, ne se contredisent pas lun lautre, mais quils sont
la source mme de cela que vous cherchez, de cette extase
cratrice, de la vrit,Au lieu de rechercher la paix, le bonheur, ou dessayer
de dcouvrir ce quest la vrit, ou l'immortalit, ou sil y a
un D ieu, si, dan s la flamm e de la conscience lucide , lesprit
et le cu r peuvent se librer de la peur, des pr jugs, des *
perversions, des causes qui conditionnent 1tre, cette cons
cience mme est la vritable extase de la vie, de la vrit.
Q u e s tio n . Q ue d evr a i t -o n f a i r e p o u r s e d b a r r a s s e r
d e l a s o l i t u d e e t d e l a p e u r ?
K r i s h n a m u r t i . Vo yon s d abord ce que nous fai
sons en ce moment, et nous tcherons ensuite de voir ce
que nous devrions faire. Si nous nous sentons seuls, que fai
sons-nous? Nous essayons de fuir la solitude par de la com
pagnie, par le travail, 1amusement, ladoration, la prire, et
par toutes les vasions bien connues, astucieusement tablies.Pourquoi faisons-nous cela? Nous pensons pouvoir recouvrir
la solitude par ces vasions, par ces calmants. Mais pouvons-
nous recouvrir une chose qui est corrompue dans son essence?
Nous pouvons recouvrir momentanment la solitude, mais elle
continue tout instan t d exister.
Donc, o il y a vasion il doit y avoir persistance de la
solitude. A la solitude il ny a point de substitution. Si nous
pouvons comprendre cela avec tout notre tre, compltement,si nous pouvons comprendre quil ny a aucune possibilit de
svader de la solitude, de la peur, quarrive-t-il alors? La
plupart dentre vous ne pourront pas rpondre, parce que
vous navez jamais compltement affront le problme. Vous
ne savez pas ce qui arriverait si toutes les issues taient com
pltement bloques, sil ne restait plus la moindre possibilit
d vasion .
Je vous propose den faire lexprience. Lorsque vous vous
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sentirez seuls, soyez pleinement conscients, et vous verrez que
votre esprit dsire senfuir, s'chapper. Lorsque l'esprit serend compte de sa fuite, et lorsqu en mme temps il peroit
labsurdit de la fuite, dans cette comprhension le sentiment
de solitude disparat rellement.
Voyez-vous, lorsquon est en face dun problme, et quon
na aucune possibilit de sen chapper, ce problme cesse,
ce qui ne veut pas dire quon laccepte. Actuellement, vous
cherchez un remde la solitude, vous cherchez une substi
tution, de sorte que le problme ne consiste pas pour vous
trouver la signification de la solitude, mais le remde contrela solitude, la meilleure faon de la fuir, ou de la recouvrir.
M ais lorsque l esprit nest plus la recherche d une vasion,
la solitude ou la peur acquirent une toute autre signification.
Mais vous ne pourrez pas accepter ma simple parole
ce sujet: tout ce que vous pouvez dire, c'est que vous ne savez
pas; vous ne savez pas si la solitude et la peur disparatront;
mais en en faisant lexprience vous comprendrez la pleine
signification de la solitude. Si nous nous bornons chercher
un remde la solitude ou la peur, nous devenons trssuperficiels, nest-ce pas? Pour lhomme qui a tout ce quil
veut, ou pour lhomme qui veut tout ce quil na pas, la vie
devient trs creuse. Lorsquon ne fait que chercher des rem
des, la vie n a p lus de sens, elle est vide ; mais si vous tes au
contraire face face avec un problme brlant, et quil nya aucune voie possible dvasion, vous verrez que ce problme
accomplira sur vous une chose miraculeuse. Ce ne sera plus
un simple problme, ce sera quelque chose dintensment
vital, quelque chose examiner, vivre, comprendre.QUESTION. P en s e z - v o u s q u ' i l fa i l l e a cce p t e r d e s co m
p rom i s d a n s la v i e q u ot i d i en n e?
K r i s h n a MURTI. Pensez-vous quil y ait une possibi
lit de compromis entre la guerre et la paix? Je veux dire :
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si vous croyez rellement que tuer, pour une raison patrio
tique ou pour toute autre raison, est absolument mal, pensez-
vous que vous accepteriez un compromis dans la provocationd une guerre, ou dans la participation au co nflit? E t de
mme pensez-vous quil puisse y avoir un compromis entre
lacquisition et la non-acquisition?
Il y a compromis si, un certain moment, vous voulez
acqurir et qu un autre moment vous ne voulez pas acqu
rir. Pour celui qui na pas le sens de lacquisition, pour celui
qui vraiment ne poursuit pas lacquisition, qui nest pas en
tran par e lle, il ny a pas de compromis. M ais lorsque
vous avez linstinct de possession et que vous laissez auxcirconstances, aux ides, aux idals le soin de vous pousse
perdre ce sens de la possession, alors il y a compromis, et
vous commencez chercher le moyen le meilleur et le moins
no cif d tab lir ce com prom is.
Si vous tes rellement libre du sens de lacquisition, encore
que vous viviez dans ce monde de possessions, il ny a pas
de compromis. Il vous faut savoir si vous tes possessif. Ceci
est trs simple. Pour le faire, ne commencez pas analyser
vos actions, ce qui ne conduit qu la limitation de laction,mais soyez pleinement conscients au moment de laction elle-
mme.
Le temps ne vous apportera pas la libration du sens de
lacquisition. Je veux dire que des ajournements dans un
futur ne pourront pas vous enseigner ne pas vouloir acqu
rir. Ce nest que dans le prsent quon peut se librer de
linstinct de lacquisition, et non dans lavenir, ce nest que
maintenant, dans linstant prsent, quon peut en discerner
la signification . M ais com me nous ne voulon s pas la d iscerner immdiatement, nous nous disons, en nous dcevant nous-
mmes, que nous apprendrons ne pas dsirer acqurir dans
les annes ven ir. M ais ce nest qu e dans le prsent et non
dans le futur que nous pouvons comprendre la stupidit de
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Facquisition. L a libration du dsir d acqurir nest pas le
rsultat dun lent dveloppement volutif de lesprit et ducur.
Un de mes amis sest fait prtre il y a une dizaine dan
nes. Il ma dit lautre jour quil lui a fallu dix ans pour
comprendre la btise de cette action, et je me suis demand
si c'tait vrai, ou sil navait pas plutt t emport un tel
point par ses dsirs, par ses motions, par ses craintes, par
la tradition, quil navait pu penser clairement, et quil na
pu commencer penser clairement quau moment des dsillu
sions. Voici ce qui lui tait arriv : il avait t emportmotionnellement, influenc par la peur, par lautorit, par
la tr adition . S il avait t pleinem ent conscient au moment
de sa dcision, il ne lui aurait pas fallu dix ans pour dcou
vrir la btise de son action.
L a question est : devrait-il y avoir comp romis? N aturelle
ment, il faut quil y ait compromis lorsque vous avez lins
tinct dacquisition et quen mme temps vous ne voulez pas
! avoir. D ans ce con flit entre les con traires, il fau t quil y
ait compromis. Il ny a pas de solution cela, et lorsque la
vie devient un continuel conflit entre les contraires, il y a une
lutte stupide, qui na pas de sens. Mais si vous discernez
vritablement toute la signification de linstinct dacquisition,
dans cette libert il y a la richesse, l'ternelle beaut de lavie.
Q u e s t i o n . V ou s d i t e s q u e l a m m o i r e es t u n e b a r r i r e . P o u r q u o i ?
K r i s HNAMURTI.
Tout ce que nous percevons directement, que nous comprenons pleinement, ne laisse pas de
cicatrice sur lesprit. Si vous vivez entirement dans une exp
rience, cet incident, bien que vous puissiez vous le rappeler,
nengendrera pas en vous ces ractions dont on se sert pour
se protger. M ais si j ai une exprience don t je ne comprends
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pas compltement lentire signification, mon esprit doit deve
nir le centre dun conflit, et ce conflit persistera tant que je
ne com pren drai pas cette exprience pleinem ent. T an t que
lesprit est encombr de ces conflits, il nest quun magasin
de ractions dfensives, que lon appelle la mmoire, et cest
avec ces mmoires protectrices que nous abordons la vie, en
crant ainsi une barrire entre la vie et nous, barrire qui
engend re tous les conflits, la p eur et la souffrance. C est cela
que nous faisons, la plup art du temps. A u lieu de se trouver
dans un tat de vide crateur, lesprit devient un simple
magasin de mmoires dfensives. Ce paquet de ractions
dfensives, nous lappelons le moi, cette conscience limite.Avec cette conscience limite, qui nest quune srie de
couches de mmoires auto-protectrices, invulnrables, vous
approchez la vie et toutes ses expriences. Les expriences,
au lieu de dissiper ces nombreuses couches, et librer ainsi
les forces cratrices de la vie, ne font que crer de nouvelles
mmoires dfensives qui sajoutent aux anciennes, de sorte
que la vie devient un conflit prolong, une confusion, une
souffrance. A u lieu d tre com pltem ent vulnrab le la vie,
au lieu dtre compltement vide (non pas dans le sens ngatif du m o t), au lieu d tre comp ltement sans d fense, les
prit est devenu une machine avertir et guider dans le but
de se protger et de se dfendre lui-mme. Pour moi, de
telles mmoires auto-protectrices et dfensives sont des bar
rires fon dam entales, car elles em pchent la comp lte fruc
tification de la vie, qui seule est la vrit.
E xam inez p ar vous-mm es comm ent vos esprits ne sont
pas vulnrables. La vulnrabilit complte est la sagesse.
Lorsque vous faites une exprience, observez ce qui se passe :tous vos prjugs, vos mmoires, vos ractions de dfense
surgissent pour vous dicter votre action et votre conduite.
E t ainsi, vous avez d j tab li la faon don t vous traiterez
ce que la vie apportera de neuf et de frais.
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A p rs to ut, po ur comp rendre la vrit, D ieu, linconnu
(selon ce que vous voulez lappeler), lesprit et le cur doivent venir non prp ars, sans scurit. D ans la vitalit d e
linscurit est lternel.
En vous protgeant, vous avez construit des scurits, des
certitudes astucieuses, des mmoires subtiles, et il faut avoir
une grande intelligence pour sen dlivrer. Vous ne pouvez
pas simplement les carter ou essayer de les oublier. Vous ne
pouvez dcouvrir ces barrires que dans la pleine lucidit de
laction elle-mme.
E t le fait mme de m couter dev rait tre une expriencepour vous. Si vous tes intresss et vivants devant ce que
je dis, vo us verrez que vous vous prsentez av ec d j toutes
sortes dobjections. Vous ne vous prsentez pas ouvertement,
avec un dsir dy voir par vous-mmes, dexprimenter. Ce
nest que lorsque lesprit et le cur sont souples et alertes,
lor squils ne sont pas esclaves de tho ries, de certitudes, d assu
rances, que lon commence dcouvrir les barrires des m
moires en tant que ractions auto-protectrices et dfensives.
Ces cicatrices que nous appelons mmoires sinterposent entre
nous et le mouvement de la vie qui est ternel, en causant des
conflits et de la souffrance.
Q u e s t io n . Com m ent pu is-je veiller lin telligen ce?
KRISHNAMURTI. P ou rqu o i voulez-vous veiller lintel
ligence? Pouvez-vous rellement veiller lintelligence, ou au
contraire lesprit se dpouille-t-il des nombreuses stupidits en
dcouvrant ainsi quil est lintelligence? Je vous prie de voir
la signification de cette question. Celui qui la pose veut savoirce quil devrait, faire pour veiller lintelligence. Il veut savoir
la mthode, la manire, la technique. Lorsque lesprit veut
savoir (( comment il doit faire, cest quen ralit il cherche
un systme dfini, pour ensuite devenir lesclave de ce sys
tme. M ais si au con traire vous comm encez savoir par
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vous-mmes quelles sont les choses qui sont stupides, lesprit
devient adm irablemen t, dlicatem ent agile. C est en dcou
vrant et en comprenant quelles sont les stupidits, et en les
vitant, quil y a veil de la vraie intelligence.
Lorsque vous demandez comment on doit faire pour veil
ler lintelligence, vous demandez en ralit des rgles et des
codes qui vous permettront de contraindre votre esprit
suivre un sillon p articulier. C est cela que vous ap p elleriez
une faon positive de traiter la vie : si je vous disais exacte
ment qu oi faire. M ais ce serait en ralit la ngation de la
pense, cela vous rendrait esclaves dun certain systme. Si
au contraire vous commenciez vraiment tre conscients de
votre milieu, pass et prsent, de votre pense et de vos
actions, alors, en dcouvrant ce qui est stupide, vous veil
leriez la vraie intelligence. Les dfinitions de lintelligence
tendent mettre en servitude lesprit et le cur.
N ous pouvons d couvrir par nous-mmes qu elles sont les
choses stupides. Il nest pas ncessaire quon nous en donne
une liste. N ous devons d couvrir p ar nous-mm es la vraie
cause de la stupidit. Si nous pouvons faire cela, nous navons
pas besoin de dresser un inventaire des stupidits.Q ue lle est la cause de la stup idit? To ut e pense, toute
motion, toute action qui surgit de la conscience limite, du
mo i, en gendre la stup idit. T an t que lesprit n est qu une
entit qui se dfend et qui acquiert, toute action qui en
dcoule doit mener la confusion et la douleur.
Q u e s t i o n . Qu app elez-vou s exactem ent le m il ieu?
KRISHNAMURTI. I l y a un milieu extrieur, tel que
le pays, le lieu, la classe sociale, etc., et il y a le milieu intrieur de la tradition, des ides hrites et acquises. Ainsi nous
pouvons diviser le milieu en extrieur et intrieur, mais en
ralit il nexiste pas de division si dfinie, ces deux mondes
tant intimement entrelacs.
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Co nsidrez p ar exemp le une personn e ne aux In des. E lle
est leve dans un certain systme religieux, avec beaucoupde croyances, avec des prjugs de castes, elle possde des
avantages et des dsavantages conomiques et sociaux, et
ainsi de suite. Cette personne, avec cet arrire-plan hrit,
engendre de nouvelles limitations qui conditionnent encore
plus son esprit et son c ur. N on seulemen t a-t-elle h rit de
ses parents, de sa religion, de son pays et de sa race un
certain conditionnement, mais elle ajoute encore celui-ci ses
propres ractions, sa mmoire, ses prjugs, bass sur lar-
rire-plan de lhrdit. Cet arrire-plan de prjugs, hritset acquis, de penses, hrites et acquises, de peurs, de dsirs,
de mmoires, laccompagne tout le temps. Tout cela consti
tue son milieu. Avec cet arrire-plan, avec cet esprit condi
tionn, cette personne aborde la vie, elle essaye de compren
dre le con stant mo uvement d e la vie. E n somme, elle saccro
che un point fixe, et essaye ainsi daborder la vie qui est
en ternel devenir. Alors, naturellement, il doit y avoir con
flit entre ce point fixe et cette chose constamment vivante,
mouvante. O existe ce con flit il y a le dsir d un so ulage
ment, dune vasion, et la religion devient une simple raction
dfensive contre lintelligence. Les religions, la conscience de
classe, linstinct dacquisition, tout cela constitue les chemins
dvasion, les refuges contre le conflit qui existe entre le point
statique des prjugs, de la mmoire, de la peur, de la cons
cience limite du moi, et le mouvement de la vie.
Il ne peut y avoir de vraie comprhension, de joie de vivre
relle, que lorsquil y a unit complte, lorsque ce point fixe
nexiste plus, cest--dire lorsque lesprit et le cur suivent
librement et rapidement le courant de la vie, de la vrit. En
cela, il y a une extase, cest cela limmortalit.
T an t qu e lon na pas discern la vra ie signification du
milieu, lesprit et le cur sont rattachs ce point fixe de la
conscience lim ite. D e ce la surgissent les conflits et la d ou
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leur, cette constante bataille entre un point immobile et
lternel mouvement de la vie. D e cela n at une ractiondfensive contre la vie, contre lintelligence.
L a vie devient une srie de conflits et d apaisements, etvous vous tes si compltement entours de ces illusions, de
ces vasions, quelles sont devenues pour vous des ralits
dont vous esprez obtenir le bonheur et la paix quelles ne
peuvent jam ais vous donner. P ar une continuelle vigilance,
par de la pntration, par une constante agilit de l'esprit,
par le doute, les murs de ce point fixe de conscience, de ce
centre avec ses illusions, doit tre dmoli. Alors seulementy a-t-il immortalit.
Comprendre limmortalit, la vie, exige une grande intel
ligence et non un quelconque mysticisme stupide. Cela exigeun discernement incessant, qui ne peut exister que grce une
constante pntration qui dmolit les murs de la tradition, de
Tinstinct dacquisition, des ractions dfensives. Vous pouvez
vous vader dans une illusion que vous appellerez la paix,
limmortalit, D ieu, mais elle naura aucune ralit, car le
doute et la douleur subsisteront. Mais ce qui librera Fespritet le cur de la douleur, des illusions, ce sera la pleine cons
cience de cet ternel mouvement de la vie. E t ce mouvement
ne peut tre peru que lorsque fesprit est dlivr de ce cen
tre, de ce centre fixe de conscience limite.
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TROISIME CAUSERIE
15 Mars 1935.
A m i s ,
Avant de rpondre aux questions, je veux vous faire une
courte causerie, et vous expliquer quelque chose qui est peut-
tre difficile com pren dre; j essayerai de me rend re aussiclair et simple que possible.
Je crois que nous essayons, la plupart dentre nous, de
savoir ce que cest que le vrai bonheur, car la vie devient trs
superficielle, futile, et plutt ennuyeuse, si lon n'est pas intel
ligemment heureux. Et alors, la recherche de ce que nous
appelons le bonheur, nous allons dune exprience lautre,
jusq u ce que nous trouvions les croyan ces et les ides qui
nous donnent de la satisfaction. Mais ces satisfactions ne sont
que des vasions. La recherche mme de la vrit ne peutaboutir qu des sries dvasions qui peuvent se trouver,
ainsi que je l ai dit, au moyen de lautorit, ou des sensations,
ou de la simple multiplication des expriences, ou du pou
voir. Ces vasions deviennent des critriums de valeur au
moyen desquels nous recouvrons les conflits.
Aprs tout, lorsquon est conscient du conflit, il se produit
un trouble qui fait que lon est malheureux; et pour vous
vader de cet tat vous recherchez diffrentes expriences et
vous cultivez certaines valeurs, certains critriums, certainesrgles qui deviennent vos moyens dvasion. Ainsi vous deve
nez graduellement inconscients de tout sauf de ces critriums,
de ces modles, et votre vie nest plus autre chose quune
vivante imitation de ces valeurs que vous avez tablies dans
la recherche du bonheur.
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Si vous vous examinez, vous verrez que votre esprit et
votre cur sont retenus dans des sries de critriums ou devaleurs. E tan t lim it de la sorte, lesprit est toujours en train
daccorder de nouvelles valeurs, dtablir de nouveaux cri
trium s, et il ne cesse de siger comm e juge. T an t que les
prit ne se libre pas de cette continuelle habitude dattribuer
des valeurs, il nest jam ais frais, neu f, il na pas en lui de
vide crateur, si toutefois je puis employer ces mots sans
malentendus. Ce nest que dans ce vide crateur que nat
la vrit.
Le conflit, la douleur, sont les moyens de briser cette
habitude dattribuer des valeurs. Vous avez une srie de
valeurs tablies par lexprience, par la tradition, et ces va
leurs sont devenues vos guides; avec ces critriums et ces
valeurs ap p artenan t au pass, vous ab ord ez les no uvelles exp
riences, ce qui doit videmment crer un conflit. Cette souf
france nest pas autre chose que la dmolition des valeurs
anciennes auxquelles sest accroch lesprit.
O r l essence mm e de la stup idit est cette vasion des
conflits travers une srie de valeurs tablies, ou travers
la fo rmation d une n ou velle srie de valeur s. M ais lessence
mme de lintelligence est la comprhension de la vie ou de
lexprience par un esprit et un cur non chargs, renou
vels, neufs.
A u lieu d abo rder la vie sans exigences prconues, vous
allez vers elle avec lesprit et le cur dj pleins de prju
gs, et presque incap ab les d ajustem ents rap ides, d e souplesse.
L e m anque d e ce discernemen t instantan du mo uvement de
la vie cre la d ouleur. U n co nflit est lindication d un e limi
tation qui ne peut pas tre conquise, mais dont la signification
doit tre comprise. Toute conqute dobstacles au moyen
d une n ou velle srie de valeurs n est qu une n ou velle forme
dvasion.
Vous pourriez dire quun esprit qui nattribue pas de va
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leurs est en ralit Fesprit d'un pr imitif. C est vrai dans unsens : le primitif aborde la vie inconsciemment, incomplte
ment, sans comprendre pleinement sa signification. Mais aborder la vie compltement et en comprendre la signification
exige un esprit non conditionn par le pass, et ceci ne peut se
produire que par une intense lucidit, par le discernement.
Ceci exige, contrairement ce qui se passe dans un esprit
primitif, une action intgrale dans le prsent, sans les stimu
lants de la peur ou de la rcompense. C est lin telligence du
complet esseulement .Lorsquun esprit et un cu r dmunis et vulnrab les abordent
la vie, linconnu, 1incommensurable, alors seulement y a-t-il
lextase de la vrit. Lorsque Fesprit nest pas surcharg devaleurs, de mmoires, de croyances pr-tablies, et lorsquil
est capable daborder Finconnu, dans cette rencontre nat la
sagesse, la batitude du prsent.Ainsi donc le conflit est la faon d veiller Fhomme la
pleine conscience; et si nous ne sommes pas continuellement
attentifs, nous crons une srie dvasions que nous appelonsdes valeurs, bien quelles puissent tre changeantes, et par ces
valeurs nous esprons trouver le bonheur.
Les valeurs deviennent les moyens dvasion. Un esprit qui
se trouve pris dans un conflit, et qui aborde ce conflit sans
essayer de linterprter suivant certaines valeurs, devient plei
nement, compltement lucide. Alors, cet esprit et ce cur
sveilleront la ralit de la vie, la batitude du prsent.
QUESTION. P r co n i s e z - v o u s l e r e n o n ce m e n t e t la b n
ga t i o n co m m e m o y e n s d e t r o u v e r l e b o n h eu r p e r s on n el ?
K r i s h n a m u r t i . Le bo nheur personnel nexiste pas.
Donc il ny a aucune faon de latteindre. Il cy a que Fextase
cratrice de la vie, dont les expressions sont nombreuses.
L ide de sacrifice, de renoncement, dabngation est fausse.
Vous croyez que lon peut trouver le bonheur en donnant
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certaines cho ses, en suivant certaines lignes d action . D e la
sorte, vous ne faites que commercialiser votre sacrifice et
votre abngation, vous les changez contre du bonheur. En
fait, il nest question ici ni d abn gation ni de reno ncement,
mais seulement de comprhension; en elle est le bonheur
crateur qui nest pas personnel, individualiste.
Permettez-moi de le dire diffremment. Je commence par
accumuler, parce que je crois que le bonheur rside dans
laccumulation, mais je dcouvre au bout dun certain temps
que la possession nengendre pas le bonheur. Alors, je com
mence renoncer aux possessions, et jessaye de poursuivre
et de possder labngation, qui nest quune autre forme de
linstinct d acqu isition . M ais si je dco uvre la signification
intrinsque du sens de la possession, en cela se trouve le
bonheur crateur.
QUESTION. N est -i l pas vrai qu e lessen tiel peu t tre
trouv dans toutes les branches de la vie, dans tout?
K r i s h n a m u r t i . Je ne crois pas q uexistent lessentiel
ou le non -essentiel. Q uest-ce que c est que lessen tiel? O u le
non essentiel? Un jour je veux un objet, et il devient ce quil
y a de plus important, de plus essentiel, mais dans le fait
mme de le possder, je lai dj identifi ce qui nest
pas essentiel. Ensuite, je veux un autre objet; et ainsi je
vais en me dplaant dune chose essentielle, qui a cess
de ltre, une autre chose essentielle, qui, son tour, cesse
de ltre.
E n d autres termes, l o existe le d sir de po ssder il ne
peut exister de discernement du rab le. E t comm e la p lup art
des gens sont esclaves de leurs ardents dsirs, ils vivent dansun constant con flit entre lessentiel et le no n-essentiel. D e la
possession de simples objets, qui ne donne plus de satisfac
tion, vous passez la possession mentale et motionnelle de
vertus, de la vrit, de D ieu. D ob jets qu i, une fois, furent
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essentiels, vous avez avanc vers labstraction. Cette abs
traction devient lessentiel.N e pouvons-nous pas co nsidrer la vie, non p as de ce
point de vue de lessentiel et du non-essentiel, mais de celui
de lintelligence, de la comprhension? Pourquoi faisons-nous
cette distinction entre ce qui est essentiel et ce qui ne lest
pas, entre ce qui est important et ce qui ne lest pas? Parce
que nous pensons toujours en termes dacquisition, de bn
fice; mais si nous adoptons le point de vue de la comprhen
sion, cette division cesse, et nous abordons la vie toujours
comm e un to ut. C est une des choses les plus d ifficiles faire,parce que nous avons t disciplins (et nous le sommes en
core) dan s des cad res religieux et conom iques qui imp osent
certaines sries de valeurs. Pour un esprit qui vraiment nest
pas en train dattribuer des valeurs, mais qui essaye de vivre
compltement, sans le dsir du gain, pour un tel esprit il
nexiste pas de degrs de valeurs changeantes, et par cons
quent il ny a pas de conflit entre le transitoire et le perma
nent, entre ce qui est stationnaire et le mouvement constant
de la vie.
QUESTION. V ous parlez des choses fond am entales dela vie, et pour vous c es t fort bien ; mais pour l 'hom m e ordi
naire?
K r i s h n a m u r TI. D e quoi discutons-nous? N ous dis
cutons, du moins en ce qui me concerne, pour savoir com
ment vivre intelligemment, donc divinement, humainement, et
non avec cet esprit brutal, impitoyable de comptition, dac
quisition, o u d exp loitation , que ce lle-c i soit d un e classe ou
dun instructeur, quelle soit conomique ou religieuse. Tout
ceci sapplique, naturellement, nous tous, cest--dire
lhomme ordinaire. Je ne misole pas en dehors de la moyenne,
en dehors de lhomme ordinaire. Les personnes qui soccupent
de lhomme ordinaire sont celles qui, dans leur esprit, se dis
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tinguent de lui. E lles sintressent lhom me o rdinaire. P o ur
qu o i? E lles disent : Je peu x aband on ner la tradition , mais
que se passerait-il pour lhomme ordinaire? Sil labandon
nait aussi, il y au rait le chaos. D on c il do it ob ir un e
tradition, tandis que les gens qui soccupent de lui peuvent
sen passer.
O r si vous ne pensez pas en termes d e distinctions, soit
de classes, soit des besoins que lon a, mais si vous discernez
la signification dune chose en elle-mme, cest alors que vous
aiderez lhomme ordinaire se librer tout seul, de la tra
dition par exem ple. E n d autres termes, si lon est con vaincu
de la futilit de la tradition, si lon en voit la signification,
on aide tout naturellement les autres, sans imposition, sans
exploitation . E n com prenant intelligemm ent les choses fon
damentales de la vie, on aide les autres se dptrer de ce
cruel chaos.
Si nous autres tous ici sentions profondment ces choses
et les comprenions rellement, nous agirions avec intelligence.
Tout dabord il est vident quon doit commencer par soi-
mm e. O n do it soccuper des choses fon dam entales parce
quelles sont les plus simples; et dans une civilisation qui de
vient de plus en plus complexe, si nous ne comprenons pas
par nous-mmes ces choses simples et fondamentales, nous ne
ferons quajouter la confusion, lexploitation et ligno
rance.
D on c tout ce don t nous parlons ici sapp liqu e chacun,
et, puisque vous en avez loccasion, ce qui, malheureusement,
nest pas le cas de tout le monde, tchez de devenir cons
cients, lucides, commencez comprendre et par consquent
agir, et une telle action dissipera lignorance, cause de la
douleur.
QUESTION. Com m ent peu t-on lutter contre la mm oire
et les obsessions d e ses im ages?
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K r i s h n a m u r t i . T ou t d abord en comprenant com
ment la mmoire se forme, comment elle est cre. Ainsi quej ai essay d e lexp liquer l autre jour, la mm oire nest pas
autre chose quune action incomplte. Je ninclus pas dans
cette mmo ire la cap acit que lon ajd e se rap peler des inci
dents. M ais la m moire est le rsidu, la cicatrice de l action
qui na pas t compltement vcue ou compltement com
prise. T an t qu e cette action nest pas entirement com prise,
sa mm oire, sa cicatrice sur lesprit dem eure. L esprit est
principalement le rsidu, ou les cicatrices, de beaucoup dac
tions incompltes, inacheves. Si lon est conscient de saclasse, on si lon a des prjugs religieux, on ne peut vi
demment pas aborder lexprience pleinement, compltement,
mais on lapproche avec cette dformation qui invitablement
engendre un conflit. T an t qu e lon ne com prend pas la
cause et la signification de ce conflit, compltement, totale
ment, on doit subir de nouvelles cicatrices, de nouvelles bar
rires de la m moire. D ans ce conflit, si lon ne f ait que
senfuir, ou chercher des substitutions, la mmoire, en tant
que barrire, doit continuellement pervertir la plnitude dela comprhension, qui seule est laccomplissement de laction.
J espre ne pas exp liqu er cela avec un lang age trop com pli
qu.
Supposez par exemple un homme n aux Indes qui a
certains prjugs religieux. Avec ces perversions de la pen
se, il abo rde la vie. N aturellem en t, il nen discerne pas
la pleine signification, car il considre toujours la vie tra
vers ces perversions, et par consquent il doit y avoir conflit.
Ce conflit engendre en lui une srie de mmoires protectrices,de barrires, qu il ap p elle des valeurs. D e telles raction s
dfensives doivent pervertir leur tour la comprhension de
lexprience ou de la vie.
Lorsque lon comprend pleinement que les prjugs, ou
toute autre perversion, corrompent sans cesse et dforment la
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plnitude de la comprhension, on commence tre lucide;
et dans cette lucidit on dcouvre les entraves. Ce nest que
dans la flamme de la lucidit, dans la pleine conscience, et
non dans lintrospection, que 1on peut dcouvrir les prjugs,
les vasions, les valeurs auto-protectrices qui dforment con
tinuellemen t lexprience. C est dans la p lnitud e de lexp
rience elle-mme quon peut discerner, dcouvrir et compren
dre r exprience, et non dans l an alyse intrieure intellectuelle
ou dans lauto-dissection. Si vous tes intensment conscients
dans la plnitude de lexprience, vous verrez comment sur
gissent les perversions, les obstacles, les entraves.
Si lesprit et le cur peuvent se librer de ces valeurs, qui
ne sont que des mmoires emmaganises pour des buts dfen
sifs, mmoires hrites ou acquises, la vie devient un ternel
devenir. Mais ceci exige, ainsi que je lai dit, une grande
dtermination, et une incessante enqute dans la cause et la
signification de la douleur, des conflits. Si vous tes tran
quillement votre aise par rapport la vie, ou si vous ne
faites que rechercher votre satisfaction, la batitude de lter
nel prsent nest pas pour vous. Ce nest que dans les moments
de grande crise, de grand conflit, que lesprit se libre detoutes ces accumulations auto-protectrices, de ces accroisse
ments. Alors seulement y a-t-il lextase de la vie, la vrit.
Q u e s t i o n . S i c h a c u n a b a n d o n n a i t t o u t e p o s s e s s i o n ,
a i n si q u e vo u s l e s u g gr ez , q u a r r i ver a i t - il t o u t e s l es a f f a i r e s
e t au x b u t s o r d i n a i r e s d e l a v i e? L es a f f a i r e s et l a p o s s es s i on
n e s o n t - e l l es p a s n cess a i r e s s i n o u s d evo n s v i v r e d a m l em o n d e ?
K r i s n a m u r t i . Je nai jam ais dit de renoncer. J aidit que linstinct dacquisition est la cause de la concurrence,
de r exploitation, des distinctions d e classes, des guerres, e tc...
Si lon discernait la relle signification de linstinct possessif,
sappliquant aux objets ou aux gens ou aux ides (ce qui, en
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fin de compte est le dsir du pouvoir sous diffrentes formes),
si lesprit pouvait tre libre de tout cela, il pourrait y avoirun bonheur intelligent et le bien-tre dans le monde. Pendant
de nom breux sicles nous avons d ifi un systm e d acqu isi
tions, de possessions, en recherchant le pouvoir personnel et
lauto rit. O r tan t que ceci existe dans vos coeurs et dan s
vos esprits, vous pouvez momentanment changer le systme
par la rvolution, par une crise, par des guerres, mais tant
que cette soif intrieure existe, elle conduira invitablement,
sous une au tre forme, au vieux systme. E t, ainsi que je lai
d it, la lib ration de linstinct d acquisition nest pas u ne chose apprendre plus tard, aprs des ajournements; elle doit tre
comprise immdiatement, et cest l que rside la difficult.
Si nous ne pouvons pas voir immdiatement lerreur du senti
ment de la possession, nous ne serons pas capables indivi
duellement, donc collectivement, davoir une civilisation dif
frente, une diffrente faon de vivre.
D on c toute mon attaq ue, si je pu is em ployer ce mot, nest
pas contre un systme, mais contre ce dsir de possder et
dacqurir, qui conduit finalement celui du pouvoir.Vous pensez en ce moment que la possession donne le bon
heur. M ais si vous y pensez pro fondm ent, vous verrez que
cette soif de puissance n a p as de fin. C est une lutte con ti
nuelle dans laquelle les conflits et la douleur ne cessent
jam ais. M ais cest une des choses les plus d iff iciles faire que
se librer lesprit et le cur du dsir dacqurir.
Vous savez, aux Indes, nous avons certaines personnes
quon appelle des sar tnas i s , qui abandonnent le monde la
recherche de la vrit. Ils ne possdent en gnral que deuxpagnes, un quils portent sur eux et lautre pour le lendemain.
On raconte quun s a n n y a s i la recherche de la vrit, aprs
avo ir consult diffrents instructeurs, en tend it p arler d un
certain roi illumin qui enseignait la sagesse. Il alla chez lui.
Vous voyez le contraste entre ce roi et ce s a n n y a s i : le roi
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qui possdait tout, palais, joyaux, courtisans, pouvoir, et le
s a n n y a s i qui ne possdait que deux pagnes de lin. Le roil'instruisit au sujet d e la vrit. O r un jour, tand is que le roi
enseignait, le palais prit feu. Avec srnit, le roi continua
enseigner, tandis que le sanrasi , ce saint homme, tait
trs troubl parce que son second pagne brlait.
Vous savez, nous sommes tous dans cette situation. Vous
pouvez ntre pas possessifs au sujet de vtements, de mai
sons, damis, mais il demeure en vous une poursuite secrte
d u n bnfice quelconque auquel vous tes attachs, auquel
vous vous accrochez, et qui dvore vos esprits et vos curs.Tant que ces poisons cachs et inexplors demeurent, il doity avoir conflit et douleur.
QUESTION. V ou s d i t es q u e v o u s n t e s a f f i l i a u cu n e
o r ga n i s a t i o n ; p ou r t a n t , i l es t v i d en t q u e v o u s es s a y e z d a m e
n e r l es ge n s p e n s er d u n e cer t a i n e f a o n . L a p e n s e d u
m o n d e p e u t - e l le t r e m o d i f i e sa n s u n e o rga n i s a t i o n d o n t l e
b u t s e r a i t d e p r s e n t e r c o n t i n u e l l e m e n t v o s i d e s a u p u b l i c ?
KRISHNAMURTI. Je me demande si je vous fais pensersuivant une certaine ligne. J espre pas. essaye de montrer
quil est ncessaire de penser, ncessaire daimer; et pour
penser profondment, pour aimer beaucoup, on ne doit pas
possder un magasin de ractions dfensives, de mmoires.
Il est bien certain que lorsquon aime on est vulnrable. Si
je ne fais que vous inciter penser suivan t une certaine ligne,je vous prie de vous mfier de moi, parce qualors je vous
contraindrais, cest--dire que je vous exploiterais, et vous
mexploiteriez votre tour pour vos diffrentes fins particu
lires.
Ce que je dis, cest que, pour vivre intensment, pour
penser d une faon cratrice, on doit tre comp ltement ou
vert la vie, sans ractions auto-protectrices, tout comme il
arrive quand on est amoureux. Vous devez donc tre amou
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reux de la vie. Ceci demande une grande intelligence, non de
linformation ou des connaissances, mais cette intelligence quisveille lorsque vous abordez la vie ouvertement, complte
ment, lorsque lesprit et le cur sont absolument vulnrables
la vie.
Vo us d eman dez : L a pense du monde peut-elle tre
modifie sans une organisation dont le but serait de prsenter
continuellement vos ides au pu b lic? . N ature llemen t pas, il
vous faut une organisation, ceci est vident, donc nous navons
pas besoin de le discuter. Mais lorsque vous parlez dorgani
sation je crois que vous entendez une chose toute diffrente.La plupart des organisations sont cres pour convertir
certaines croyances, pour inciter, pour forcer les gens, par
l'opinion du groupe, par des pressions, adopter certaines
mthodes, certaines ides; cest pour cela que se forment la
plupart des organisations, et non pour imprimer des livres
et pour les distribuer . C est ainsi que se form ent les religions.
C est ainsi que les disciples dform ent les matres, en trans
formant leur enseignement en dogmes absolus qui deviennent
lauto rit grce laqu elle on exploite. C est po ur ce bu t quesont ncessaires les organisations de la mauvaise espce. Mais
si, au contraire, vous tes intresss par les ides que jexpose,
vous aiderez naturellement imprimer et distribuer des
livres, mais sans le dsir de convertir, dexploiter.
QUESTION. L a p lu p a r t d es gen s , m m e s ils on t d p a ss
l e beso in d au tor i t organ ise , son t t roub ls par le con f l i t in t
r i eu r d u ch o i x f a i r e en t r e l e d si r et l a p eu r . P o u vez -vo u s
ex p l i q u e r co m m e n t d i s t i n gu e r en t r e l es d eu x , o u c e q u e v o u s
co n s i d r ez l e v r a i d s i r ?
K r i s h n a m u r t i . E xiste-t-il une telle chose q u e le
vrai dsir? Q ue le dsir essentiel et le d sir non essent iel?
Un jour vous voulez un chapeau, un autre jour une voiture,
et ainsi de suite vous vou lez satisfaire vos dsirs. E t un autre
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jo ur en co re, vous voulez at tein dre la plus hau te vrit ou
D ieu. V o us p assez travers une entire srie de dsirs. Q uelest lessentiel dans tout cela? Les objets sont essentiels*
lamour est essentiel, la comprhension de la vrit est essen
tielle. Alors pourquoi diviser le dsir en faux et vrai, en dsirs
im portants et dsirs sans im po rtance? N e p ouvez-vous pas
considrer tout cela diffremment, aborder le dsir avec intel
ligence? Vos esprits sont si troubls par des valeurs contradic
toires que vous ne pouvez pas discerner avec exactitude.
Je me demande si jai bien expliqu cela. Supposez que
vous soyez possessifs. N e vous dites p as : J ai entend u direcet aprs-midi quil ne faut pas tre possessif, donc je vais me
db arrasser de ce dsir. . N engendrez p as en vous une
rsistance contradictoire. Si vous tes possessifs, soyez-en
compltement et totalement conscients; alors vous verrez ce
qu i se produ ira. L esprit doit se librer de ce dsir co nt radic
toire, qui se livre des comparaisons et qui nest en ralit
quune raction pour vous protger contre la douleur. Alors
vous verrez toute la signification du d sir d acqurir. L e dsir
dacquisition, ou tout autre problme, vous ne pouvez le com
prendre que dans son isolation, et non en le comparant, en
lopp osant au tre chose. Lo rsquil ny a p as d opposition,
pas de dsirs contradictoires, on discerne la vraie signification
du dsir. La continuelle contradiction dans le dsir engendre
la peur, et o la peur existe il y a forcment fuite. Il rsulte
ainsi une incessante bataille entre le dsir, la raison, lappel
des achvements et leurs contraires.
D ans cette b at aille, lintelligence, qu i est le vrai ach
vement, est entirem ent p erdue. T an t que lesprit est emptr
dans le conflit des contraires, il ne peut y avoir quune vasion, une substitution du vrai problme par la distinction
entre l essentiel et le no n-essentiel le fau x et le vr ai. E n ce la
il ny a pas de bonheur crateur.
QUESTION. N '\ ) a-t -i l pas d es pr iod es o lon a besoin
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d e s i s ol er d e l a co n f u s i o n ex t r ieu r e , a f i n d e f a vo r i s e r l a
r a l i s a t i o n d e l a v r a i e p e r s o n n a l i t ?K r i s h n a m u r t i . Si vous p lacez d abo rd les besoins,
ils deviennent vos matres, et lintelligence est dtruite. Pour
dcouvrir nos besoins, il nous faut de rintelligence, car les
besoins changent constamment, ils se renouvellent constam-
met. Mais si vous vous mettez rechercher quels sont exac
tement vos besoins, et si vous vous limitez ces besoins, votre
vie deviendra trs superficielle, troite, mesquine.
E t de mme, si vous recherchez la so litude uniquement afin
de dcouvrir ce quest la vrit, la solitude nest plus quunmoyen dvasion. Mais dans votre recherche au cours dune
vie active, des priodes de solitude surviendront tout naturelle
ment. Ces moments de solitude ne sont pas faux, ils sont
naturels, spontans.
Q u e s t i o n . V ou s a v e z d i t, l u n d i , q u e , p o u r a v oi r la
vr a i e i n t e l l i g en ce , o n d o i t a vo i r p a s s p a r u n t a t d e g r a n d
e s s e u l e m e n t . E s t - ce la s eu l e f a o n d e p a r v en i r l a v r a i ei n t e l l i g en ce?
KRISHNAMURTI. E xaminons ce que nous faisons en
ce moment. Nous recherchons la scurit, en nous clturant
toujours avec des certitudes. Chaque fois que se produit un
tat dincertitude complte, de doute, nous prenons immdia
tement la fuite. Ainsi nous avons tabli des scurits rcon
fortantes, des certitudes. Je vous prie de repenser cela et
vous verrez qu il en est ainsi. E t ce n est que lorsq uon est
dpouill de tout espoir, dans le sens de scurits et de cer
titudes, ce nest que lorsquon est compltement nu, dpouillde toute mesure et raction protectrices, quil y a lextase de
la vrit. D ans ces moments de com plet (( esseulement , qui
ne se produisent que lorsque toutes les vasions et leurs signi
fications ont t vritablement comprises, se trouve la bati
tude du prsent.
L E m a n ci pa trice, lm p. co op . , 3 , ru e de P ond ichr y, Pa ris-15*. 12698,10-35
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