Krishnamurti à New-York en 1935

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  • 8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935

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    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    par

    KRJSHNAMURTJN E W -YO R K i 9 35

    (Traduit de langlais)

    19 3 5

    D I T I O N S D E L T O I L E

    4 , S Q U A R E R A P P

    PARIS (7e)

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    par

    KRJSHNAMURTJ

    N E W - Y O R K i 9 3 5

    (T r a d u i t d e a n g l a i s )

    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    ADYAB 45

    1935

    D I T I O N S D E L T O I L E

    4 , S Q U A R E R A P P

    P A R I S (7e)

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    T O U S D RO I T S R S E RV S

    P A R L E S T A R P U B L I S H I N G T R U S T

    L O S A N G E L E S , C A L . (u .S .A . )

    I M P RI M A P A R I S (F R A N C E )

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    par

    KRISHNAMURTI(Traduit de Anglais)

    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    N E W - Y O R K i 9 3 5

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    PREMIRE CAUSERIE

    11 Mars 1935.

    A mi s ,

    Nous essayons, la plupart dentre nous, de rsoudre nos

    nombreuses difficults et nos problmes dans les limites de

    la distinction artificielle que nous avons cre entre le groupe

    et lindividu. O r, pour moi, cette distinction d e l'ind ividu

    oppos au groupe pervertit et dtruit la clart de la pense,

    et une telle perversion conduit naturellement de nombreuses

    rpressions et des abus entre lindividu et le groupe.Comme nous cherchons des voies et des moyens pour sor

    tir de ce chaos, on nous offre des mthodes et des solutions

    habiles et compliques, et chaque individu choisit la solution

    qui saccorde son temprament particulier, qui dpend de

    sa situation sociale et de ses fantaisies religieuses.

    Je ne veux pas ajouter de nouvelles thories ou explications

    celles qui existent dj. Pour moi, la vraie solution de

    notre problme est dans lintelligence, qui doit tre directe

    et simple; lorsquune telle intelligence existe, nous pouvonscomprendre la vie dans sa totalit.

    O r il est impossible d veiller cette in telligence en suivant

    un groupe ou un systme, ou en se conformant son propre

    temprament ou ses fantaisies particulires. Pour veiller

    la vritable intelligence, nous devons dabord examiner les

    nombreuses stupidits qui mutilent lesprit et le cur, et ne

    pas chercher une dfinition de l'intelligence, car, lorsque nous

    dcouvrons ce que sont ces stupidits, et lorsque nous en

    librons notre esprit au moyen dune constante vigilance, nouspouvons savoir par nous-mmes ce quest la vraie intelligence.

    E n dcouvrant p ar nous-mmes les limitations que le mi-

    * Ce compte rendu contient l essentiel des causeries faites p arK rishnamurti H ollywo od , le 3 mars, et Ch icago, le 7 mars 193 5.

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    lieu nous a imposes, et en discernant la vraie signification

    du milieu, nous liminons les stupidits et commenons raliser ce q uest la v raie intelligence. L expression de cette intel

    ligence en action est lim m ortalit, la batitud e de vivre dan s

    le prsent.

    Vous avez de nombreuses ides concernant la plnitude

    de la vie et lim m ortalit. M ais, po ur moi, cette im m ortalit,

    cette richesse, cette totalit de la vie ne peut tre comprise et

    vcue qu e lorsque lesprit est entirem ent lib re des lim ita

    tions, des stupidits, que le milieu, pass ou prsent, hrit

    ou acquis, installe continuellement autour de nous.D on c, si je puis vous le suggrer, ne cherchez pas auprs

    de moi, dans cette causerie, de nouvelles explications, ni une

    srie de fo rm ules, ni des dfinition s. D e te lles explication s

    et formules noffrent que des moyens dchapper aux con

    flits. La plupart des esprits dsirent copier, imiter, suivre, car

    ils ne peuvent pas penser par eux-mmes, ou bien le conflit

    est si intense quils prfreraient svader au moyen de syst

    mes, de dfinitions, dexplications. Ce nest quen tant cons

    tamment conscient du milieu et de limposition de ses stupidits sans cesse grandissantes, ce nest quen doutant cons

    tamment de ces stupidits que nous bloquons les voies d'va

    sions et que nous abordons le conflit face face, ce qui nous

    donne la capacit de comprendre le milieu intelligemment.

    Ce que je veux expliquer au cours de cette causerie, cest

    la faon dont nous crons les stupidits. Si nous ne compre

    nons pas cette continuelle et inconsciente cration, lenqute

    au sujet de lintelligence ne nous apportera quune nouvelle

    vasion . D on c toute notre enqute d evrait po rter sur ce qu estla stupidit, et sur ses causes, plutt que sur lintelligence.

    Ainsi que je lai dit, tant que nous nessayons pas de

    librer lesprit de ces stupidits que le milieu, pass et pr

    sent, a engendres autour de nous et au moyen desquelles

    il mutile notre action, tant que nous ne les percevons pas,

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    tant que nous ne comprenons pas leur vraie signification,

    notre enqute au sujet de lintelligence sera futile.Le but de ma causerie est de vous aider dcouvrir ces stu

    pidits et la faon de sen dlivrer.

    O r chaqu e expert, ch aque auto rit, chaq ue secte, chaqu e

    parti, offre un moyen de sortir de ce conflit grandissant, dont

    nous savons quil existe. Chacun met une ide, une thorie,

    une mthode pour la solution de cette terrifiante emprise.

    N ous pouvon s diviser, je cro is, ces tho riciens, ou ces gens qui

    donnent des explications, en deux espces : ceux qui sont tour

    ns vers lextrieur, et ceux qui sont tourns vers lintrieur.L hom me qu i est tourn vers lextrieur d it que tous les

    problmes humains peuvent tre modifis, transforms, con

    trls par lorganisation du travail, ou des moyens de pro

    duction et de distribution, et ainsi de suite. Il considre

    lhomme comme une argile que conditionne le milieu, de

    sorte que, par le contrle du milieu, par le perfectionnement

    du groupe, lindividu aura la possibilit de sexprimer, cest-

    -d ire quil ne sera plus an tisoc ial. E t, en effet, si lindividu

    nest quune argile conditionne par le milieu, il suffit de

    contrler le milieu, et de cette faon les ambitions, les aspira

    tions, les dsirs ne sopposeront jam ais au group e, et l ind ividu

    ne sera pas antisocial. Les hommes seront ainsi conditionns

    par d e n ouvelles sries d ides et d e tho ries, de faon qu ils

    ne puissent jam ais, en tan t qu ind ividus, en trer en con flit avec

    le groupe ou la socit.

    Si vous croyez que lhomme nest pas autre chose que de

    la matire quon peut conditionner, modeler, contrler, il ny

    a plus rien d ire. Alo rs la vie serait trs simple. N ous nau

    rions plus qu travailler tous au simple perfectionnement

    du milieu, en obissant certaines thories et certaines ides,

    et en nous faisant conditionner par elles.

    O r je ne suis ni contre ni pour ce point d e vue. Je veux

    lexaminer plus profondment. Si lhomme nest quune entit

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    sociale, et si en transformant les circonstances et le milieu

    on peut crer en lui lhabitude de rechercher le seul bien-tre du groupe, de faon ntre pas antisocial, sil en est

    simplement ainsi, la vie il me semble devient trs creuse, et

    nest plus quune suite dactions inaccomplies, superficielles.

    E t il y a aussi lhomme tourn vers lintrieur, qui dit que

    la vie est seulement esprit. Laissez la direction ce qu il y

    a de plus lev dans l'homme, dit-il, et que lhomme suive,

    ainsi que le lui expliquent les instructeurs et les diffrents sys

    tmes philosophiques; qu i! devienne plus religieux, quil suive

    les grands conducteurs dhommes, qu'il ait de la discipline,quil fasse partie dorganisations spirituelles et quil obisse

    1autorit spirituelle, quil se laisse guider par la peur, de faon

    conqurir un jour les circonstances et le milieu. ))

    Nous avons ainsi lexagration de lhomme qui est tourn

    vers le dehors, et lexagration de celui qui est tourn vers le

    dedans ; nous avons la personne pour qui lhomme nest quune

    argile et do it p ar consquent tre conditionn, et autre per

    sonne, tourne vers l'int rieur, ! homme soi-disant spirituel, qui

    insiste pour un changement des curs dabord.

    Ainsi nous avons Ces deux types. L exagration de l un ou

    de f autre dtruit son propre but. L homme qui dit le mi

    lieu dabord , et celui qui dit lesprit dabord , chacun

    par ses propres exagrations, et en appuyant sur son ide

    d une faon errone, dtruit ses propres fins. Tandis que, pour

    moi, la solution, ou plutt la manire de penser, le vrai veil

    de 1intelligence qui seul peut rsoudre les innombrables con

    flits et problmes sociaux et individuels, rside dans le parfait

    quilibre entre les deux, au del et au-dessus des deux, et cet

    quilibre est la voie simple et directe.Pour tudier les divers systmes, philosophiques aussi bien

    quconomiques, pour les tudier tous fond de faon

    pouvoir les comparer entre eux, il faut un grand effort, et peu

    de personnes ont le temps, la capacit ou linclination de

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    pn trer leurs raisonn emen ts com pliqus et leurs thories. E t

    quarrive-t-il lorsque vous navez pas le temps dexaminer

    toutes les complications des innombrables experts concurrents?

    Vous choisissez un de ces experts, qui vous plat, que vous

    trouvez raisonnable, et comme vous navez pas le temps

    dapprofondir son systme, vous acceptez simplement son

    autorit. Plus lexpert est grand, plus grande est lautorit,

    et plus aveugle lobissance.

    Ainsi, graduellement, les disciples deviennent aveugles et

    ne font quaccepter des dogmes; les chefs dtruisent les dis

    cip les, et les d isciples, leur to ur, dtru isent les chefs. G ra

    duellement nous crons une nouvelle srie de stupidits, bases

    sur une nouvelle srie de dogmes qui, lorigine, taient des

    thories, et dont nous devenons les esclaves.

    O r, po ur moi, les thories ont trs peu de valeur, m ais

    lhomme qui se trouve constamment en conflit avec le milieu,

    la fois pass et prsent, cet homme-l discerne, pntre,

    essaie de comprendre, et vit par consquent compltement

    dans le prsent. Cet homme na aucun besoin de thories et

    d explication s. M ais ceci exige une pense persistante, une

    grande lucidit, une grande pntration du vrai sens de

    lternel mouvement du milieu. Comme la majorit des per

    sonnes ne peuvent pas faire cela, elles acceptent des thories

    qui deviennent pour eux des matres, des faits, des ralits.

    N atur ellem en t, ceci sapp lique aussi aux experts en reli

    gions que nous considrons comme nos guides spirituels. Con

    sidrez la religion, je veux dire la religion en tant que

    croyance organise, et vous verrez que lautorit de lexpert

    est suprme. Le modle est plac devant vous, et vous tes

    forcs par la pression de lopinion publique, par la peur, etc... suivre. Cette adoration de lautorit, cette adoration de

    lexpert, qui ignore ses limitations, est, pour moi, la racine

    mme de lexploitation.

    Tout le processus de la vie, qui devrait tre un continuel

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    panouissement, donc une continuelle pntration dans la

    ralit, dans la vrit, est compltement dtruit par ladoration de lautorit, des spcialistes, des credos, des thories.

    T o ut le but est d ob tenir des individu s soumis, de les ob liger

    obir et suivre. Ainsi ils deviennent graduellement incons

    cients de tout sauf de leur modle, ils installent tant quils le

    peuven t leurs existences dan s les lim ites des d its de ce m od le,

    et ils appellent cela vivre. Le milieu nest plus que le moule

    qui leur donne leur forme. Ainsi, lindividu, tel quil est

    prsent, nest pas autre chose que lexpression exagre du

    milieu, le milieu tant le pass et le prsent, ce qui est hritet ce qui est acquis.

    P o ur m oi tout cela n est pas la vraie ind ividu alit. P ar

    la comprhension de la vraie signification du milieu, pass et

    prsent, donc par son affranchissement du milieu, lintelligence

    sveille, et lexpression de cette intelligence est la vraie

    individualit.

    Actuellement vous tes conditionns par le milieu. Vous

    tes le rsultat de votre milieu, pass et prsent, et ce que

    vous exprimez, en lappelant votre individualit ou votreexpression personnelle, nest pas autre chose que lexpression

    de ce milieu qui conditionne. Pour moi la vraie expression de

    lindividualit est cette intelligence qui sveille en librant les

    prit du m ilieu qui le con dition ne, dan s le pass et d ans le p rsent.

    Ce quil nous faut ensuite dcouvrir cest si un systme,

    quel qu il soit, peu t veiller cette in telligen ce. O u n e f ait-il,

    au contraire, quimposer de nouvelles sries de stupidits, de

    nouvelles limitations? Car, si nous pouvions trouver un sys

    tme parfait, nous naurions qu nous en remettre totalement

    lui pour devenir intelligents.

    Pour moi, les systmes ne sont que des cristallisations de la

    pense, et le groupe nest que lexpression de cette pense.

    Ces penses cristallises peuvent-elles, du fait que vous les

    suivez, veiller votre in telligen ce? O u devez-vo us plutt , sans

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    vous envisager vous-mme en tant quindividu ni en tant que

    groupe, commencer discerner par vous-mme les stupiditscres par la fausse distinction entre le groupe et lindividu?

    Je veux dire : en ne nous considrant ni comme individu ni

    comme group e, ne pouvons-nous p as penser d une faon

    neuve, penser partir du commencement, de faon appr

    hender la vraie signification de chaque milieu, de chaque

    limitation ? E h ! bien, si nous ne pouvons pas tre ainsi actifs,

    motionnellement et mentalement, indpendamment de tout

    systm e, le seul fait de suivre un systm e, et d tre actifs

    lintrieur de ses cadres, nveillera pas notre intelligence.

    O r, une belle inte lligen ce, lorsqu elle est rveille, peut

    vritablement cooprer, non pas avec des stupidits, mais avec

    d autres intelligences.

    Considrez par exemple ce qui se passe en ce qui concerne

    la guerre. Pour comprendre toute la question de la guerre il

    nous faut penser partir du commencement, et non pas de

    points de vue nationalistes, sociaux, ou de classes sociales.

    E n elle-mm e la guerre est une faut e. I l ny a p as d excuses

    la guerre t ant q uil y a de lint elligence qui fonctionn e. M ais

    comme nous sommes surtout gouverns par des politiciens, desexploiteurs, et des gens de cette espce, on nous contraint

    passer d une guer re l autr e, et lon nous donn e beaucoup

    de raisons quant linluctabilit et la ncessit des guerres.

    Tant que vous ne pensez pas clairement, fondamentale

    ment, partir du tout commencement en ce qui concerne

    cette question, un jour vous serez pour la paix et le jour

    suivant vous serez pour la guerre, parce que vous naurez pas

    dcouvert par vous-mmes, fondamentalement, les pouvan

    tables cruauts, les haines sociales, les exploitations qui engendrent la guerre. Ce nest que lorsquexistera une intelli

    gence veille, non seulement en ce qui vous concerne, mais

    en ce qui concerne les politiciens, les gouvernants, quil y

    aura la paix.

    I l

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    Pour dcouvrir c qui est vrai on a besoin de beaucoup

    d intelligence. L int elligence, pou r moi, ne consiste pas accum uler des conn aissances. O n peut tre trs instruit et

    po urtant trs stupide. O n p eut lire d e no mb reuses philosophies

    et ignorer pourtan t la batitude d e la pense cratrice. O r

    celle-ci ne peut exister que lorsque lesprit et le cur com

    mencent se librer par un conflit, par une constante lucidit,

    des stupidits du pass et de celles que lon est en train de

    construire. Alors seulement y a-t-il lextase de ce qui est vrai.

    Q ue lqu un p eut-il vous dire ce q uest la vrit? Q uelqu un

    peut-il vous dire ce quest D ieu? P erson ne ne le peu t: il vousfau t le dcouvrir p ar vous-mmes. E t po ur dcouvrir ce qui

    est vrai, ce quest le sens de la vie, ce quest lamlioration

    sans laqu elle la vie devient un ch aos inintressant, une

    souffrance aveu gle et sans signification il fau t d e lintelli

    gence, et pour veiller cette intelligence, il faut dpouiller

    lesprit et le cur des stupidits.

    L a prem ire cause d e la stupidit est cette conscience qui

    saccroche au particulier, et qui de ce fait cre la distinction

    entre le groupe et elle-mme, cette conscience dont lessencemme est la pense de lacquisition, du mien . Cette cons

    cience limite est la racine mme et la cause de la stupidit,

    de la souffrance.

    Une de ses manifestations est le constant besoin de scurit,

    la scurit dans les limites de notre tre tout entier, physique,

    mo tion nel, m ental. L a recherche d e cette scurit engendre

    ncessairement un conflit entre ce que nous appelons lindi

    vidu et le groupe. Les exagrations de lindividu qui soppose

    au groupe, conduisent des frottements constants, des luttes,

    de la souffrance.

    Vous pouvez voir que cette recherche de la scurit phy

    sique sexprime dans la possession, avec toutes ses cruauts,

    ses exploitations, et ses stupidits terrifiantes comme celles du

    nationalisme, de la guerre des classes, des haines de races.

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    E t de mme, mot ionnellement, lamour nest devenu que

    de la possession. Il a perdu son extase cratrice. Il est une

    srie de conflits possessifs. Sa tendresse, sa grande profondeur,

    sa qualit ternelle, sa profonde extase, sont dtruites par cedsir de possder.

    E t il y a ensuite le fait quon est mentalement avide de

    certitudes. Voil pourquoi il y a 1adoration de lautorit,

    ladoration des matres. Voil pourquoi il y a lincessante

    dem ande de lultime, pour que esprit puisse sy accrocher.

    V o il pourquo i vous cherchez toujours la vrit, D ieu; etcelui qui vous prom et form ellement D ieu, la vrit, limm orta

    lit, vous [ adorez, car il vous a donn le rconfort, la scurit.

    G raduellement, cette dem ande d une scurit d truit lin-

    teiligen ce. L esprit, par lexprience, accum ule des scurits

    soigneusement gardes, qui se protgent elles-mmes, et qui

    empchent quon sajuste ternel mouvement de la vie.

    L exprience, la p lup art du temps, cre des scurits, des

    mmoires autoprotectrices, et avec ces barrires vous abordez

    la vie, ce qui doit invitablement engendrer des conflits et de

    la douleur. Ceci ne veut pas dire quil vous faut oublier le

    pass. Ce que je veux expliquer, cest que, de mme que phy

    siquement nous recherchons la scurit, ainsi mentalement

    nous essayons daller de lincertitude vers la certitude, qui

    son tour devient incertitude, et dans laquelle il ny a, aucun

    moment, une solitude complte, inexorable.

    Je vous assure, lorsqu il y a une complte nudit, lorsquil

    ny a aucun remde possible, dans cet instan t d inscurit

    vitale nat la flamm e de l'in telligence suprme, la batitude de

    la vrit.

    D ans la recherche de la scurit, surgit la peur, qui engendre de nombreuses illusions, des fausses disciplines, des rpressions, des perversions, la crainte de la mort et les recherches

    dans lau-del.

    Pourq uo i tant de personnes s intressent-elle lau-d el?

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    Parce que la vie ici est superficielle, conditionne par le

    milieu, en conflit, chaotique, draisonnable, sans joie, sansextase; alors on cherche dans le futur, et de cela surgissent

    des enqutes dans lau-del.

    L imm ortalit est un continuel devenir, non pas de cette

    conscience que nous appelons le je , de cette conscience

    qui cre les distinctions, mais de cette intelligence libre du

    particulier aussi bien que du groupe. En dautres termes, lors

    que lesprit est dpouill de toute illusion, ou ignorance, il est

    cap ab le de discerner l infini prsent. C est une chose que lon

    ne peut pas expliquer, on ne peut raisonner sur cela. C est audel de toute discussion. Cela a besoin dtre prouv, dtre

    vcu. Cela demande une grande constance et une grande

    persvrance.

    E t voil ce qui me semble tre ltat du m onde. L e chaos

    caus par le conflit de nombreuses thories conduit des pra

    tiques stupides et des divisions; et, au fur et mesure que

    le temps passe, nous ne faisons quaccumuler des connais

    sances et des thories, quaugmenter des divisions pres, en

    crant des mouvements de masses pour des expriences antagonistes. D ans ce conflit o nous sommes immergs, lintelli

    gence, qui est la vraie expression et le mode de la vie, est

    entirement oublie.

    V o il ltat du monde autour de nous. Q ue devrait tre

    notre action? Q ue devraient tre notre attitude, nos pen ses?

    Allez-vous attendre que le milieu devienne parfait par des

    rvolutions, par des changements conomiques, par des sou

    lvements politiques? Cette attente ne serait quune fuite,

    cette faon de compter sur le futur ne serait quune nouvellevasion par lespoir, un ajournement. Voudrez-vous, au con

    traire, sans vous considrer en tant quindividus ou en tant

    que groupes, commencer penser d une faon neuve, en

    recommenant depuis le dbut, en vous dbarrassant ainsi

    des nombreuses stupidits qui sont devenues des vertus, des

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    nombreuses choses que vous avez acceptes comme videntes,

    et en engendrant ainsi, par la vraie simplicit et la pense

    directe qui est la suprm e int elligence les fruits de

    laction ? Q u allez-vou s faire ? A tten d re lavenir, en esprant

    que le milieu se perfectionnera par quelque miracle, par lac

    tion d e qu elqu un d au tre ? O u d evenir si intensment lucides

    par votre propre conflit avec le milieu, conflit dans lequel il

    ny aura aucune possibilit de fuite, quen lui, il y aura la

    plnitude de laction?

    Pour la plupart des gens, cest cela lalternative : simple

    ment attendre, marquer le temps, ou tre capable de discer

    ner la vraie signification de la vie, avec ses conflits et ses

    douleurs, ne plus crer une nouvelle srie de stupidits, une

    nouvelle srie dillusions, et vivre par consquent directement

    et simplement. La premire solution conduit un chaos total,

    linconsquence, lennui, aux vies superficielles que mnent

    la plupart des gens, soit quils travaillent intensment, soit

    qu ils m anq uen t de t rav ail. L aut re, lextase de lim m ortalit.

    Partout il y a le dsespoir, une attente de quelque action,

    lattente que les gouvernements changent les conditions o

    lon vit. E t, pen dan t ce temps, vos pro pres vies devienn entde plus en plus superficielles, creuses, avec toutes les inanits

    de la socit moderne, et les inanits des personnes dites

    spirituelles.

    Ainsi que je lai dit ds le dbut de ma causerie, lintel

    ligence est la seule solution qui engendrera lharmonie dans

    ce monde de conflit, lharmonie entre lesprit et le cur en

    action. Aucun systme, aucune simple modification du milieu,

    ne libreront lhomme de lignorance et de lillusion, qui sont

    la cause de la souffrance. Chacun, par soi-mme, par sapropre lucidit, dans sa propre plnitude, peut discerner la

    vraie signification de ces innombrables barrires qui nous limi

    tent. Cela seulement engendrera une intelligence durable,

    qui rvlera limmortalit.

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    DEUXIME CAUSERIE

    13 Mars 1935.

    A m i s ,

    Avant de rpondre quelques-unes des questions qui m ont

    t poses, je voudrais expliquer que ce que jai dit, et que

    ce que je vais dire nest pas un jouet intellectuel, nest pasune nouvelle srie de thories que nous pouvons prendre

    comme sujets de disputes pour simplement nous stimuler men

    talement; ni est-ce fait pour donner une nouvelle sensation

    une motion dj mousse. La vraie profondeur de sa

    signification ne peut tre dcouverte que lorsquon en fait

    lexprience, autrement elle naurait aucune valeur dans ce

    monde o le conflit est continuel. E t pour en faire exp

    rience on doit commencer par soi-mme. Il est vident quon

    ne peut pas commencer par exprimenter sur les autres, car

    on ne connatrait ni le rsultat ni la signification de cette

    exprience si on ne se lappliquait soi-mme.Donc, au lieu de penser votre voisin, vous devriez dcou

    vrir la faon dexprimenter rellement sur vous-mmes. Pour

    aider le monde, on doit commencer par soi-mme. Si lon peut

    vritablement exprimenter sur soi-mme de faon se ren

    dre continuellement adaptable (et je ne parle pas de lajus

    tement constant une discipline strotype, ni de l'obis

    sance aveugle un modle, ni de la pratique incessante dune

    ide) une telle exprience vcue entranera un changement

    significatif dans laction, dans la conduite, dans ltre tout

    entier.

    Je proposerais quau lieu de considrer superficiellement

    les ides que jexpose, vous les mettiez en application afin

    1 6 '

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    de voir si elles ont une utilit pratique quelconque dans votre

    vie quotidienne.

    Nous sommes, pour la plupart, nourris de certains prjugs, de traditions et de craintes, et nous sommes contraints

    l ob issance par le m ilieu. C est en nous app uyan t sur cet

    arrire-plan que nous pensons et agissons. Cet arrire-plan

    est devenu une partie inconsciente de nous-mmes, et de ce

    centre inconscient nous partons pour penser, pour sentir, pour

    agir. Toutes nos actions surgissant de cette limitation de les

    prit et du cur deviennent videmment de plus en plus limi

    tes, de plus en plus troites, de plus en plus conditionnes.

    Ainsi ltre inconscient (ces penses et ces sentiments habituelsque nous n avons ni mis en do ute ni compris) est con tinuel

    lement en train de pervertir, de dranger et dobscurcir les ac

    tions conscientes. Si nous ne comprenons pas cet arrire-plan

    avec lequel nous avons t levs et en le com prenant nous

    nous en librerions ces p rjugs, ces peurs, interviendro nt

    toujours dans la conscience et la conditionneront. La cons

    cience est action, elle est discernement. Mais notre action sefait toujours limiter, conditionner par la peur, par la tradition.

    A u lieu de nous librer, d e nous affranchir, laction ne faitquaccentuer notre conflit, nos problmes, et ainsi la vie nest

    plus quune srie de conflits et de luttes.

    Pour chapper ces luttes nous avons cr certaines illu

    sions qui nous soulagent, et qui sont devenues des ralits

    pour nous. Je veux dire quen vue dchapper nos innombra

    bles problmes et conflits nous avons tabli certains calmants,

    rguliers et reconnus. Ces calmants sont les religions organi

    ses, lesprit dacquisition, le fait dtablir et de suivre une

    tradition, et les nombreuses vasions des sensations.Si vous devenez conscients de vos actions, vous verrez que

    cest cela qui vous arrive, la plupart dentre vous : vous

    fonctionnez travers un arrire-plan tabli de traditions ou

    de craintes, et vous multipliez de ce fait votre conflit et vos

    17

    2

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    luttes. A u lieu d e vous affran ch ir par Jaction , vous instituez

    des calmants ou des vasions qui deviennent pour vous sirels, si exigeants, quil devient immensment difficile les

    prit de sen librer.

    Se librer de la cause qui limite laction de plus en plus,

    cest--dire de linconscient, ne consiste pas fouiller dans

    le pass, mais devenir conscient dans laction, dans le pr

    sent. A u lieu d e cherch er voir si vous tes esclaves de tr a

    ditions, de peurs, de prjugs, devenez pleinement conscients

    dans votre action, et dans cette flamme de lucidit la cause

    de la lim itation , par exemp le la peur, se rvlera. E n d autres termes, si vous tes pleinement rveills, pleinement luci

    des au cours d une action qui exige vot re tre com plet, vous

    verrez que toutes ces perversions caches et inconscientes sur

    gissent pour vous empcher dagir pleinement, compltement.

    C est alors qu est le mom ent de sen occup er, et si la flamm e

    de lucidit est intense, elle consumera ces causes de la limi

    tation.

    A u lieu d e suivre un m od le, une ligne d action b ien

    trace (qui, je le rpte, ne peut que mutiler la pense etlmo tion) si lon peut tre pleinem ent conscient au m om ent

    de laction (et ceci ne peut se produire que lorsque la pense

    et lmotion sont intenses) les profo ndeurs caches et inex

    plores de la conscience se rvlent . M ais si lon se borne

    examiner linconscient au moyen de lintrospection, on

    finit par voir que les actions subissent des restrictions de plus

    en plus grandes, quelles deviennent par consquent de plus

    en plus artificielles, perdant leur signification, leur richesse,

    devenant creuses et vides. Si vous commencez par tre conscients, par traiter une question intgralement, comme un tout,

    vous verrez comment ramperont dans votre esprit toutes les

    penses, hrites ou acquises, qui vous conditionnent et vous

    protgent. A lors vous d couvrirez si vous en faites vrai

    men t lexprience que lesprit et le cur n e sont pas en

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    conflit, ne se contredisent pas lun lautre, mais quils sont

    la source mme de cela que vous cherchez, de cette extase

    cratrice, de la vrit,Au lieu de rechercher la paix, le bonheur, ou dessayer

    de dcouvrir ce quest la vrit, ou l'immortalit, ou sil y a

    un D ieu, si, dan s la flamm e de la conscience lucide , lesprit

    et le cu r peuvent se librer de la peur, des pr jugs, des *

    perversions, des causes qui conditionnent 1tre, cette cons

    cience mme est la vritable extase de la vie, de la vrit.

    Q u e s tio n . Q ue d evr a i t -o n f a i r e p o u r s e d b a r r a s s e r

    d e l a s o l i t u d e e t d e l a p e u r ?

    K r i s h n a m u r t i . Vo yon s d abord ce que nous fai

    sons en ce moment, et nous tcherons ensuite de voir ce

    que nous devrions faire. Si nous nous sentons seuls, que fai

    sons-nous? Nous essayons de fuir la solitude par de la com

    pagnie, par le travail, 1amusement, ladoration, la prire, et

    par toutes les vasions bien connues, astucieusement tablies.Pourquoi faisons-nous cela? Nous pensons pouvoir recouvrir

    la solitude par ces vasions, par ces calmants. Mais pouvons-

    nous recouvrir une chose qui est corrompue dans son essence?

    Nous pouvons recouvrir momentanment la solitude, mais elle

    continue tout instan t d exister.

    Donc, o il y a vasion il doit y avoir persistance de la

    solitude. A la solitude il ny a point de substitution. Si nous

    pouvons comprendre cela avec tout notre tre, compltement,si nous pouvons comprendre quil ny a aucune possibilit de

    svader de la solitude, de la peur, quarrive-t-il alors? La

    plupart dentre vous ne pourront pas rpondre, parce que

    vous navez jamais compltement affront le problme. Vous

    ne savez pas ce qui arriverait si toutes les issues taient com

    pltement bloques, sil ne restait plus la moindre possibilit

    d vasion .

    Je vous propose den faire lexprience. Lorsque vous vous

    19

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    sentirez seuls, soyez pleinement conscients, et vous verrez que

    votre esprit dsire senfuir, s'chapper. Lorsque l'esprit serend compte de sa fuite, et lorsqu en mme temps il peroit

    labsurdit de la fuite, dans cette comprhension le sentiment

    de solitude disparat rellement.

    Voyez-vous, lorsquon est en face dun problme, et quon

    na aucune possibilit de sen chapper, ce problme cesse,

    ce qui ne veut pas dire quon laccepte. Actuellement, vous

    cherchez un remde la solitude, vous cherchez une substi

    tution, de sorte que le problme ne consiste pas pour vous

    trouver la signification de la solitude, mais le remde contrela solitude, la meilleure faon de la fuir, ou de la recouvrir.

    M ais lorsque l esprit nest plus la recherche d une vasion,

    la solitude ou la peur acquirent une toute autre signification.

    Mais vous ne pourrez pas accepter ma simple parole

    ce sujet: tout ce que vous pouvez dire, c'est que vous ne savez

    pas; vous ne savez pas si la solitude et la peur disparatront;

    mais en en faisant lexprience vous comprendrez la pleine

    signification de la solitude. Si nous nous bornons chercher

    un remde la solitude ou la peur, nous devenons trssuperficiels, nest-ce pas? Pour lhomme qui a tout ce quil

    veut, ou pour lhomme qui veut tout ce quil na pas, la vie

    devient trs creuse. Lorsquon ne fait que chercher des rem

    des, la vie n a p lus de sens, elle est vide ; mais si vous tes au

    contraire face face avec un problme brlant, et quil nya aucune voie possible dvasion, vous verrez que ce problme

    accomplira sur vous une chose miraculeuse. Ce ne sera plus

    un simple problme, ce sera quelque chose dintensment

    vital, quelque chose examiner, vivre, comprendre.QUESTION. P en s e z - v o u s q u ' i l fa i l l e a cce p t e r d e s co m

    p rom i s d a n s la v i e q u ot i d i en n e?

    K r i s h n a MURTI. Pensez-vous quil y ait une possibi

    lit de compromis entre la guerre et la paix? Je veux dire :

    2 0

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    si vous croyez rellement que tuer, pour une raison patrio

    tique ou pour toute autre raison, est absolument mal, pensez-

    vous que vous accepteriez un compromis dans la provocationd une guerre, ou dans la participation au co nflit? E t de

    mme pensez-vous quil puisse y avoir un compromis entre

    lacquisition et la non-acquisition?

    Il y a compromis si, un certain moment, vous voulez

    acqurir et qu un autre moment vous ne voulez pas acqu

    rir. Pour celui qui na pas le sens de lacquisition, pour celui

    qui vraiment ne poursuit pas lacquisition, qui nest pas en

    tran par e lle, il ny a pas de compromis. M ais lorsque

    vous avez linstinct de possession et que vous laissez auxcirconstances, aux ides, aux idals le soin de vous pousse

    perdre ce sens de la possession, alors il y a compromis, et

    vous commencez chercher le moyen le meilleur et le moins

    no cif d tab lir ce com prom is.

    Si vous tes rellement libre du sens de lacquisition, encore

    que vous viviez dans ce monde de possessions, il ny a pas

    de compromis. Il vous faut savoir si vous tes possessif. Ceci

    est trs simple. Pour le faire, ne commencez pas analyser

    vos actions, ce qui ne conduit qu la limitation de laction,mais soyez pleinement conscients au moment de laction elle-

    mme.

    Le temps ne vous apportera pas la libration du sens de

    lacquisition. Je veux dire que des ajournements dans un

    futur ne pourront pas vous enseigner ne pas vouloir acqu

    rir. Ce nest que dans le prsent quon peut se librer de

    linstinct de lacquisition, et non dans lavenir, ce nest que

    maintenant, dans linstant prsent, quon peut en discerner

    la signification . M ais com me nous ne voulon s pas la d iscerner immdiatement, nous nous disons, en nous dcevant nous-

    mmes, que nous apprendrons ne pas dsirer acqurir dans

    les annes ven ir. M ais ce nest qu e dans le prsent et non

    dans le futur que nous pouvons comprendre la stupidit de

    2!

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    Facquisition. L a libration du dsir d acqurir nest pas le

    rsultat dun lent dveloppement volutif de lesprit et ducur.

    Un de mes amis sest fait prtre il y a une dizaine dan

    nes. Il ma dit lautre jour quil lui a fallu dix ans pour

    comprendre la btise de cette action, et je me suis demand

    si c'tait vrai, ou sil navait pas plutt t emport un tel

    point par ses dsirs, par ses motions, par ses craintes, par

    la tradition, quil navait pu penser clairement, et quil na

    pu commencer penser clairement quau moment des dsillu

    sions. Voici ce qui lui tait arriv : il avait t emportmotionnellement, influenc par la peur, par lautorit, par

    la tr adition . S il avait t pleinem ent conscient au moment

    de sa dcision, il ne lui aurait pas fallu dix ans pour dcou

    vrir la btise de son action.

    L a question est : devrait-il y avoir comp romis? N aturelle

    ment, il faut quil y ait compromis lorsque vous avez lins

    tinct dacquisition et quen mme temps vous ne voulez pas

    ! avoir. D ans ce con flit entre les con traires, il fau t quil y

    ait compromis. Il ny a pas de solution cela, et lorsque la

    vie devient un continuel conflit entre les contraires, il y a une

    lutte stupide, qui na pas de sens. Mais si vous discernez

    vritablement toute la signification de linstinct dacquisition,

    dans cette libert il y a la richesse, l'ternelle beaut de lavie.

    Q u e s t i o n . V ou s d i t e s q u e l a m m o i r e es t u n e b a r r i r e . P o u r q u o i ?

    K r i s HNAMURTI.

    Tout ce que nous percevons directement, que nous comprenons pleinement, ne laisse pas de

    cicatrice sur lesprit. Si vous vivez entirement dans une exp

    rience, cet incident, bien que vous puissiez vous le rappeler,

    nengendrera pas en vous ces ractions dont on se sert pour

    se protger. M ais si j ai une exprience don t je ne comprends

    22

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    pas compltement lentire signification, mon esprit doit deve

    nir le centre dun conflit, et ce conflit persistera tant que je

    ne com pren drai pas cette exprience pleinem ent. T an t que

    lesprit est encombr de ces conflits, il nest quun magasin

    de ractions dfensives, que lon appelle la mmoire, et cest

    avec ces mmoires protectrices que nous abordons la vie, en

    crant ainsi une barrire entre la vie et nous, barrire qui

    engend re tous les conflits, la p eur et la souffrance. C est cela

    que nous faisons, la plup art du temps. A u lieu de se trouver

    dans un tat de vide crateur, lesprit devient un simple

    magasin de mmoires dfensives. Ce paquet de ractions

    dfensives, nous lappelons le moi, cette conscience limite.Avec cette conscience limite, qui nest quune srie de

    couches de mmoires auto-protectrices, invulnrables, vous

    approchez la vie et toutes ses expriences. Les expriences,

    au lieu de dissiper ces nombreuses couches, et librer ainsi

    les forces cratrices de la vie, ne font que crer de nouvelles

    mmoires dfensives qui sajoutent aux anciennes, de sorte

    que la vie devient un conflit prolong, une confusion, une

    souffrance. A u lieu d tre com pltem ent vulnrab le la vie,

    au lieu dtre compltement vide (non pas dans le sens ngatif du m o t), au lieu d tre comp ltement sans d fense, les

    prit est devenu une machine avertir et guider dans le but

    de se protger et de se dfendre lui-mme. Pour moi, de

    telles mmoires auto-protectrices et dfensives sont des bar

    rires fon dam entales, car elles em pchent la comp lte fruc

    tification de la vie, qui seule est la vrit.

    E xam inez p ar vous-mm es comm ent vos esprits ne sont

    pas vulnrables. La vulnrabilit complte est la sagesse.

    Lorsque vous faites une exprience, observez ce qui se passe :tous vos prjugs, vos mmoires, vos ractions de dfense

    surgissent pour vous dicter votre action et votre conduite.

    E t ainsi, vous avez d j tab li la faon don t vous traiterez

    ce que la vie apportera de neuf et de frais.

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    A p rs to ut, po ur comp rendre la vrit, D ieu, linconnu

    (selon ce que vous voulez lappeler), lesprit et le cur doivent venir non prp ars, sans scurit. D ans la vitalit d e

    linscurit est lternel.

    En vous protgeant, vous avez construit des scurits, des

    certitudes astucieuses, des mmoires subtiles, et il faut avoir

    une grande intelligence pour sen dlivrer. Vous ne pouvez

    pas simplement les carter ou essayer de les oublier. Vous ne

    pouvez dcouvrir ces barrires que dans la pleine lucidit de

    laction elle-mme.

    E t le fait mme de m couter dev rait tre une expriencepour vous. Si vous tes intresss et vivants devant ce que

    je dis, vo us verrez que vous vous prsentez av ec d j toutes

    sortes dobjections. Vous ne vous prsentez pas ouvertement,

    avec un dsir dy voir par vous-mmes, dexprimenter. Ce

    nest que lorsque lesprit et le cur sont souples et alertes,

    lor squils ne sont pas esclaves de tho ries, de certitudes, d assu

    rances, que lon commence dcouvrir les barrires des m

    moires en tant que ractions auto-protectrices et dfensives.

    Ces cicatrices que nous appelons mmoires sinterposent entre

    nous et le mouvement de la vie qui est ternel, en causant des

    conflits et de la souffrance.

    Q u e s t io n . Com m ent pu is-je veiller lin telligen ce?

    KRISHNAMURTI. P ou rqu o i voulez-vous veiller lintel

    ligence? Pouvez-vous rellement veiller lintelligence, ou au

    contraire lesprit se dpouille-t-il des nombreuses stupidits en

    dcouvrant ainsi quil est lintelligence? Je vous prie de voir

    la signification de cette question. Celui qui la pose veut savoirce quil devrait, faire pour veiller lintelligence. Il veut savoir

    la mthode, la manire, la technique. Lorsque lesprit veut

    savoir (( comment il doit faire, cest quen ralit il cherche

    un systme dfini, pour ensuite devenir lesclave de ce sys

    tme. M ais si au con traire vous comm encez savoir par

    24

  • 8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935

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    vous-mmes quelles sont les choses qui sont stupides, lesprit

    devient adm irablemen t, dlicatem ent agile. C est en dcou

    vrant et en comprenant quelles sont les stupidits, et en les

    vitant, quil y a veil de la vraie intelligence.

    Lorsque vous demandez comment on doit faire pour veil

    ler lintelligence, vous demandez en ralit des rgles et des

    codes qui vous permettront de contraindre votre esprit

    suivre un sillon p articulier. C est cela que vous ap p elleriez

    une faon positive de traiter la vie : si je vous disais exacte

    ment qu oi faire. M ais ce serait en ralit la ngation de la

    pense, cela vous rendrait esclaves dun certain systme. Si

    au contraire vous commenciez vraiment tre conscients de

    votre milieu, pass et prsent, de votre pense et de vos

    actions, alors, en dcouvrant ce qui est stupide, vous veil

    leriez la vraie intelligence. Les dfinitions de lintelligence

    tendent mettre en servitude lesprit et le cur.

    N ous pouvons d couvrir par nous-mmes qu elles sont les

    choses stupides. Il nest pas ncessaire quon nous en donne

    une liste. N ous devons d couvrir p ar nous-mm es la vraie

    cause de la stupidit. Si nous pouvons faire cela, nous navons

    pas besoin de dresser un inventaire des stupidits.Q ue lle est la cause de la stup idit? To ut e pense, toute

    motion, toute action qui surgit de la conscience limite, du

    mo i, en gendre la stup idit. T an t que lesprit n est qu une

    entit qui se dfend et qui acquiert, toute action qui en

    dcoule doit mener la confusion et la douleur.

    Q u e s t i o n . Qu app elez-vou s exactem ent le m il ieu?

    KRISHNAMURTI. I l y a un milieu extrieur, tel que

    le pays, le lieu, la classe sociale, etc., et il y a le milieu intrieur de la tradition, des ides hrites et acquises. Ainsi nous

    pouvons diviser le milieu en extrieur et intrieur, mais en

    ralit il nexiste pas de division si dfinie, ces deux mondes

    tant intimement entrelacs.

    25

  • 8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935

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    Co nsidrez p ar exemp le une personn e ne aux In des. E lle

    est leve dans un certain systme religieux, avec beaucoupde croyances, avec des prjugs de castes, elle possde des

    avantages et des dsavantages conomiques et sociaux, et

    ainsi de suite. Cette personne, avec cet arrire-plan hrit,

    engendre de nouvelles limitations qui conditionnent encore

    plus son esprit et son c ur. N on seulemen t a-t-elle h rit de

    ses parents, de sa religion, de son pays et de sa race un

    certain conditionnement, mais elle ajoute encore celui-ci ses

    propres ractions, sa mmoire, ses prjugs, bass sur lar-

    rire-plan de lhrdit. Cet arrire-plan de prjugs, hritset acquis, de penses, hrites et acquises, de peurs, de dsirs,

    de mmoires, laccompagne tout le temps. Tout cela consti

    tue son milieu. Avec cet arrire-plan, avec cet esprit condi

    tionn, cette personne aborde la vie, elle essaye de compren

    dre le con stant mo uvement d e la vie. E n somme, elle saccro

    che un point fixe, et essaye ainsi daborder la vie qui est

    en ternel devenir. Alors, naturellement, il doit y avoir con

    flit entre ce point fixe et cette chose constamment vivante,

    mouvante. O existe ce con flit il y a le dsir d un so ulage

    ment, dune vasion, et la religion devient une simple raction

    dfensive contre lintelligence. Les religions, la conscience de

    classe, linstinct dacquisition, tout cela constitue les chemins

    dvasion, les refuges contre le conflit qui existe entre le point

    statique des prjugs, de la mmoire, de la peur, de la cons

    cience limite du moi, et le mouvement de la vie.

    Il ne peut y avoir de vraie comprhension, de joie de vivre

    relle, que lorsquil y a unit complte, lorsque ce point fixe

    nexiste plus, cest--dire lorsque lesprit et le cur suivent

    librement et rapidement le courant de la vie, de la vrit. En

    cela, il y a une extase, cest cela limmortalit.

    T an t qu e lon na pas discern la vra ie signification du

    milieu, lesprit et le cur sont rattachs ce point fixe de la

    conscience lim ite. D e ce la surgissent les conflits et la d ou

    26

  • 8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935

    28/42

    leur, cette constante bataille entre un point immobile et

    lternel mouvement de la vie. D e cela n at une ractiondfensive contre la vie, contre lintelligence.

    L a vie devient une srie de conflits et d apaisements, etvous vous tes si compltement entours de ces illusions, de

    ces vasions, quelles sont devenues pour vous des ralits

    dont vous esprez obtenir le bonheur et la paix quelles ne

    peuvent jam ais vous donner. P ar une continuelle vigilance,

    par de la pntration, par une constante agilit de l'esprit,

    par le doute, les murs de ce point fixe de conscience, de ce

    centre avec ses illusions, doit tre dmoli. Alors seulementy a-t-il immortalit.

    Comprendre limmortalit, la vie, exige une grande intel

    ligence et non un quelconque mysticisme stupide. Cela exigeun discernement incessant, qui ne peut exister que grce une

    constante pntration qui dmolit les murs de la tradition, de

    Tinstinct dacquisition, des ractions dfensives. Vous pouvez

    vous vader dans une illusion que vous appellerez la paix,

    limmortalit, D ieu, mais elle naura aucune ralit, car le

    doute et la douleur subsisteront. Mais ce qui librera Fespritet le cur de la douleur, des illusions, ce sera la pleine cons

    cience de cet ternel mouvement de la vie. E t ce mouvement

    ne peut tre peru que lorsque fesprit est dlivr de ce cen

    tre, de ce centre fixe de conscience limite.

    27

  • 8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935

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    TROISIME CAUSERIE

    15 Mars 1935.

    A m i s ,

    Avant de rpondre aux questions, je veux vous faire une

    courte causerie, et vous expliquer quelque chose qui est peut-

    tre difficile com pren dre; j essayerai de me rend re aussiclair et simple que possible.

    Je crois que nous essayons, la plupart dentre nous, de

    savoir ce que cest que le vrai bonheur, car la vie devient trs

    superficielle, futile, et plutt ennuyeuse, si lon n'est pas intel

    ligemment heureux. Et alors, la recherche de ce que nous

    appelons le bonheur, nous allons dune exprience lautre,

    jusq u ce que nous trouvions les croyan ces et les ides qui

    nous donnent de la satisfaction. Mais ces satisfactions ne sont

    que des vasions. La recherche mme de la vrit ne peutaboutir qu des sries dvasions qui peuvent se trouver,

    ainsi que je l ai dit, au moyen de lautorit, ou des sensations,

    ou de la simple multiplication des expriences, ou du pou

    voir. Ces vasions deviennent des critriums de valeur au

    moyen desquels nous recouvrons les conflits.

    Aprs tout, lorsquon est conscient du conflit, il se produit

    un trouble qui fait que lon est malheureux; et pour vous

    vader de cet tat vous recherchez diffrentes expriences et

    vous cultivez certaines valeurs, certains critriums, certainesrgles qui deviennent vos moyens dvasion. Ainsi vous deve

    nez graduellement inconscients de tout sauf de ces critriums,

    de ces modles, et votre vie nest plus autre chose quune

    vivante imitation de ces valeurs que vous avez tablies dans

    la recherche du bonheur.

    2 8

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    Si vous vous examinez, vous verrez que votre esprit et

    votre cur sont retenus dans des sries de critriums ou devaleurs. E tan t lim it de la sorte, lesprit est toujours en train

    daccorder de nouvelles valeurs, dtablir de nouveaux cri

    trium s, et il ne cesse de siger comm e juge. T an t que les

    prit ne se libre pas de cette continuelle habitude dattribuer

    des valeurs, il nest jam ais frais, neu f, il na pas en lui de

    vide crateur, si toutefois je puis employer ces mots sans

    malentendus. Ce nest que dans ce vide crateur que nat

    la vrit.

    Le conflit, la douleur, sont les moyens de briser cette

    habitude dattribuer des valeurs. Vous avez une srie de

    valeurs tablies par lexprience, par la tradition, et ces va

    leurs sont devenues vos guides; avec ces critriums et ces

    valeurs ap p artenan t au pass, vous ab ord ez les no uvelles exp

    riences, ce qui doit videmment crer un conflit. Cette souf

    france nest pas autre chose que la dmolition des valeurs

    anciennes auxquelles sest accroch lesprit.

    O r l essence mm e de la stup idit est cette vasion des

    conflits travers une srie de valeurs tablies, ou travers

    la fo rmation d une n ou velle srie de valeur s. M ais lessence

    mme de lintelligence est la comprhension de la vie ou de

    lexprience par un esprit et un cur non chargs, renou

    vels, neufs.

    A u lieu d abo rder la vie sans exigences prconues, vous

    allez vers elle avec lesprit et le cur dj pleins de prju

    gs, et presque incap ab les d ajustem ents rap ides, d e souplesse.

    L e m anque d e ce discernemen t instantan du mo uvement de

    la vie cre la d ouleur. U n co nflit est lindication d un e limi

    tation qui ne peut pas tre conquise, mais dont la signification

    doit tre comprise. Toute conqute dobstacles au moyen

    d une n ou velle srie de valeurs n est qu une n ou velle forme

    dvasion.

    Vous pourriez dire quun esprit qui nattribue pas de va

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    leurs est en ralit Fesprit d'un pr imitif. C est vrai dans unsens : le primitif aborde la vie inconsciemment, incomplte

    ment, sans comprendre pleinement sa signification. Mais aborder la vie compltement et en comprendre la signification

    exige un esprit non conditionn par le pass, et ceci ne peut se

    produire que par une intense lucidit, par le discernement.

    Ceci exige, contrairement ce qui se passe dans un esprit

    primitif, une action intgrale dans le prsent, sans les stimu

    lants de la peur ou de la rcompense. C est lin telligence du

    complet esseulement .Lorsquun esprit et un cu r dmunis et vulnrab les abordent

    la vie, linconnu, 1incommensurable, alors seulement y a-t-il

    lextase de la vrit. Lorsque Fesprit nest pas surcharg devaleurs, de mmoires, de croyances pr-tablies, et lorsquil

    est capable daborder Finconnu, dans cette rencontre nat la

    sagesse, la batitude du prsent.Ainsi donc le conflit est la faon d veiller Fhomme la

    pleine conscience; et si nous ne sommes pas continuellement

    attentifs, nous crons une srie dvasions que nous appelonsdes valeurs, bien quelles puissent tre changeantes, et par ces

    valeurs nous esprons trouver le bonheur.

    Les valeurs deviennent les moyens dvasion. Un esprit qui

    se trouve pris dans un conflit, et qui aborde ce conflit sans

    essayer de linterprter suivant certaines valeurs, devient plei

    nement, compltement lucide. Alors, cet esprit et ce cur

    sveilleront la ralit de la vie, la batitude du prsent.

    QUESTION. P r co n i s e z - v o u s l e r e n o n ce m e n t e t la b n

    ga t i o n co m m e m o y e n s d e t r o u v e r l e b o n h eu r p e r s on n el ?

    K r i s h n a m u r t i . Le bo nheur personnel nexiste pas.

    Donc il ny a aucune faon de latteindre. Il cy a que Fextase

    cratrice de la vie, dont les expressions sont nombreuses.

    L ide de sacrifice, de renoncement, dabngation est fausse.

    Vous croyez que lon peut trouver le bonheur en donnant

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    certaines cho ses, en suivant certaines lignes d action . D e la

    sorte, vous ne faites que commercialiser votre sacrifice et

    votre abngation, vous les changez contre du bonheur. En

    fait, il nest question ici ni d abn gation ni de reno ncement,

    mais seulement de comprhension; en elle est le bonheur

    crateur qui nest pas personnel, individualiste.

    Permettez-moi de le dire diffremment. Je commence par

    accumuler, parce que je crois que le bonheur rside dans

    laccumulation, mais je dcouvre au bout dun certain temps

    que la possession nengendre pas le bonheur. Alors, je com

    mence renoncer aux possessions, et jessaye de poursuivre

    et de possder labngation, qui nest quune autre forme de

    linstinct d acqu isition . M ais si je dco uvre la signification

    intrinsque du sens de la possession, en cela se trouve le

    bonheur crateur.

    QUESTION. N est -i l pas vrai qu e lessen tiel peu t tre

    trouv dans toutes les branches de la vie, dans tout?

    K r i s h n a m u r t i . Je ne crois pas q uexistent lessentiel

    ou le non -essentiel. Q uest-ce que c est que lessen tiel? O u le

    non essentiel? Un jour je veux un objet, et il devient ce quil

    y a de plus important, de plus essentiel, mais dans le fait

    mme de le possder, je lai dj identifi ce qui nest

    pas essentiel. Ensuite, je veux un autre objet; et ainsi je

    vais en me dplaant dune chose essentielle, qui a cess

    de ltre, une autre chose essentielle, qui, son tour, cesse

    de ltre.

    E n d autres termes, l o existe le d sir de po ssder il ne

    peut exister de discernement du rab le. E t comm e la p lup art

    des gens sont esclaves de leurs ardents dsirs, ils vivent dansun constant con flit entre lessentiel et le no n-essentiel. D e la

    possession de simples objets, qui ne donne plus de satisfac

    tion, vous passez la possession mentale et motionnelle de

    vertus, de la vrit, de D ieu. D ob jets qu i, une fois, furent

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    essentiels, vous avez avanc vers labstraction. Cette abs

    traction devient lessentiel.N e pouvons-nous pas co nsidrer la vie, non p as de ce

    point de vue de lessentiel et du non-essentiel, mais de celui

    de lintelligence, de la comprhension? Pourquoi faisons-nous

    cette distinction entre ce qui est essentiel et ce qui ne lest

    pas, entre ce qui est important et ce qui ne lest pas? Parce

    que nous pensons toujours en termes dacquisition, de bn

    fice; mais si nous adoptons le point de vue de la comprhen

    sion, cette division cesse, et nous abordons la vie toujours

    comm e un to ut. C est une des choses les plus d ifficiles faire,parce que nous avons t disciplins (et nous le sommes en

    core) dan s des cad res religieux et conom iques qui imp osent

    certaines sries de valeurs. Pour un esprit qui vraiment nest

    pas en train dattribuer des valeurs, mais qui essaye de vivre

    compltement, sans le dsir du gain, pour un tel esprit il

    nexiste pas de degrs de valeurs changeantes, et par cons

    quent il ny a pas de conflit entre le transitoire et le perma

    nent, entre ce qui est stationnaire et le mouvement constant

    de la vie.

    QUESTION. V ous parlez des choses fond am entales dela vie, et pour vous c es t fort bien ; mais pour l 'hom m e ordi

    naire?

    K r i s h n a m u r TI. D e quoi discutons-nous? N ous dis

    cutons, du moins en ce qui me concerne, pour savoir com

    ment vivre intelligemment, donc divinement, humainement, et

    non avec cet esprit brutal, impitoyable de comptition, dac

    quisition, o u d exp loitation , que ce lle-c i soit d un e classe ou

    dun instructeur, quelle soit conomique ou religieuse. Tout

    ceci sapplique, naturellement, nous tous, cest--dire

    lhomme ordinaire. Je ne misole pas en dehors de la moyenne,

    en dehors de lhomme ordinaire. Les personnes qui soccupent

    de lhomme ordinaire sont celles qui, dans leur esprit, se dis

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    tinguent de lui. E lles sintressent lhom me o rdinaire. P o ur

    qu o i? E lles disent : Je peu x aband on ner la tradition , mais

    que se passerait-il pour lhomme ordinaire? Sil labandon

    nait aussi, il y au rait le chaos. D on c il do it ob ir un e

    tradition, tandis que les gens qui soccupent de lui peuvent

    sen passer.

    O r si vous ne pensez pas en termes d e distinctions, soit

    de classes, soit des besoins que lon a, mais si vous discernez

    la signification dune chose en elle-mme, cest alors que vous

    aiderez lhomme ordinaire se librer tout seul, de la tra

    dition par exem ple. E n d autres termes, si lon est con vaincu

    de la futilit de la tradition, si lon en voit la signification,

    on aide tout naturellement les autres, sans imposition, sans

    exploitation . E n com prenant intelligemm ent les choses fon

    damentales de la vie, on aide les autres se dptrer de ce

    cruel chaos.

    Si nous autres tous ici sentions profondment ces choses

    et les comprenions rellement, nous agirions avec intelligence.

    Tout dabord il est vident quon doit commencer par soi-

    mm e. O n do it soccuper des choses fon dam entales parce

    quelles sont les plus simples; et dans une civilisation qui de

    vient de plus en plus complexe, si nous ne comprenons pas

    par nous-mmes ces choses simples et fondamentales, nous ne

    ferons quajouter la confusion, lexploitation et ligno

    rance.

    D on c tout ce don t nous parlons ici sapp liqu e chacun,

    et, puisque vous en avez loccasion, ce qui, malheureusement,

    nest pas le cas de tout le monde, tchez de devenir cons

    cients, lucides, commencez comprendre et par consquent

    agir, et une telle action dissipera lignorance, cause de la

    douleur.

    QUESTION. Com m ent peu t-on lutter contre la mm oire

    et les obsessions d e ses im ages?

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    K r i s h n a m u r t i . T ou t d abord en comprenant com

    ment la mmoire se forme, comment elle est cre. Ainsi quej ai essay d e lexp liquer l autre jour, la mm oire nest pas

    autre chose quune action incomplte. Je ninclus pas dans

    cette mmo ire la cap acit que lon ajd e se rap peler des inci

    dents. M ais la m moire est le rsidu, la cicatrice de l action

    qui na pas t compltement vcue ou compltement com

    prise. T an t qu e cette action nest pas entirement com prise,

    sa mm oire, sa cicatrice sur lesprit dem eure. L esprit est

    principalement le rsidu, ou les cicatrices, de beaucoup dac

    tions incompltes, inacheves. Si lon est conscient de saclasse, on si lon a des prjugs religieux, on ne peut vi

    demment pas aborder lexprience pleinement, compltement,

    mais on lapproche avec cette dformation qui invitablement

    engendre un conflit. T an t qu e lon ne com prend pas la

    cause et la signification de ce conflit, compltement, totale

    ment, on doit subir de nouvelles cicatrices, de nouvelles bar

    rires de la m moire. D ans ce conflit, si lon ne f ait que

    senfuir, ou chercher des substitutions, la mmoire, en tant

    que barrire, doit continuellement pervertir la plnitude dela comprhension, qui seule est laccomplissement de laction.

    J espre ne pas exp liqu er cela avec un lang age trop com pli

    qu.

    Supposez par exemple un homme n aux Indes qui a

    certains prjugs religieux. Avec ces perversions de la pen

    se, il abo rde la vie. N aturellem en t, il nen discerne pas

    la pleine signification, car il considre toujours la vie tra

    vers ces perversions, et par consquent il doit y avoir conflit.

    Ce conflit engendre en lui une srie de mmoires protectrices,de barrires, qu il ap p elle des valeurs. D e telles raction s

    dfensives doivent pervertir leur tour la comprhension de

    lexprience ou de la vie.

    Lorsque lon comprend pleinement que les prjugs, ou

    toute autre perversion, corrompent sans cesse et dforment la

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    plnitude de la comprhension, on commence tre lucide;

    et dans cette lucidit on dcouvre les entraves. Ce nest que

    dans la flamme de la lucidit, dans la pleine conscience, et

    non dans lintrospection, que 1on peut dcouvrir les prjugs,

    les vasions, les valeurs auto-protectrices qui dforment con

    tinuellemen t lexprience. C est dans la p lnitud e de lexp

    rience elle-mme quon peut discerner, dcouvrir et compren

    dre r exprience, et non dans l an alyse intrieure intellectuelle

    ou dans lauto-dissection. Si vous tes intensment conscients

    dans la plnitude de lexprience, vous verrez comment sur

    gissent les perversions, les obstacles, les entraves.

    Si lesprit et le cur peuvent se librer de ces valeurs, qui

    ne sont que des mmoires emmaganises pour des buts dfen

    sifs, mmoires hrites ou acquises, la vie devient un ternel

    devenir. Mais ceci exige, ainsi que je lai dit, une grande

    dtermination, et une incessante enqute dans la cause et la

    signification de la douleur, des conflits. Si vous tes tran

    quillement votre aise par rapport la vie, ou si vous ne

    faites que rechercher votre satisfaction, la batitude de lter

    nel prsent nest pas pour vous. Ce nest que dans les moments

    de grande crise, de grand conflit, que lesprit se libre detoutes ces accumulations auto-protectrices, de ces accroisse

    ments. Alors seulement y a-t-il lextase de la vie, la vrit.

    Q u e s t i o n . S i c h a c u n a b a n d o n n a i t t o u t e p o s s e s s i o n ,

    a i n si q u e vo u s l e s u g gr ez , q u a r r i ver a i t - il t o u t e s l es a f f a i r e s

    e t au x b u t s o r d i n a i r e s d e l a v i e? L es a f f a i r e s et l a p o s s es s i on

    n e s o n t - e l l es p a s n cess a i r e s s i n o u s d evo n s v i v r e d a m l em o n d e ?

    K r i s n a m u r t i . Je nai jam ais dit de renoncer. J aidit que linstinct dacquisition est la cause de la concurrence,

    de r exploitation, des distinctions d e classes, des guerres, e tc...

    Si lon discernait la relle signification de linstinct possessif,

    sappliquant aux objets ou aux gens ou aux ides (ce qui, en

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    fin de compte est le dsir du pouvoir sous diffrentes formes),

    si lesprit pouvait tre libre de tout cela, il pourrait y avoirun bonheur intelligent et le bien-tre dans le monde. Pendant

    de nom breux sicles nous avons d ifi un systm e d acqu isi

    tions, de possessions, en recherchant le pouvoir personnel et

    lauto rit. O r tan t que ceci existe dans vos coeurs et dan s

    vos esprits, vous pouvez momentanment changer le systme

    par la rvolution, par une crise, par des guerres, mais tant

    que cette soif intrieure existe, elle conduira invitablement,

    sous une au tre forme, au vieux systme. E t, ainsi que je lai

    d it, la lib ration de linstinct d acquisition nest pas u ne chose apprendre plus tard, aprs des ajournements; elle doit tre

    comprise immdiatement, et cest l que rside la difficult.

    Si nous ne pouvons pas voir immdiatement lerreur du senti

    ment de la possession, nous ne serons pas capables indivi

    duellement, donc collectivement, davoir une civilisation dif

    frente, une diffrente faon de vivre.

    D on c toute mon attaq ue, si je pu is em ployer ce mot, nest

    pas contre un systme, mais contre ce dsir de possder et

    dacqurir, qui conduit finalement celui du pouvoir.Vous pensez en ce moment que la possession donne le bon

    heur. M ais si vous y pensez pro fondm ent, vous verrez que

    cette soif de puissance n a p as de fin. C est une lutte con ti

    nuelle dans laquelle les conflits et la douleur ne cessent

    jam ais. M ais cest une des choses les plus d iff iciles faire que

    se librer lesprit et le cur du dsir dacqurir.

    Vous savez, aux Indes, nous avons certaines personnes

    quon appelle des sar tnas i s , qui abandonnent le monde la

    recherche de la vrit. Ils ne possdent en gnral que deuxpagnes, un quils portent sur eux et lautre pour le lendemain.

    On raconte quun s a n n y a s i la recherche de la vrit, aprs

    avo ir consult diffrents instructeurs, en tend it p arler d un

    certain roi illumin qui enseignait la sagesse. Il alla chez lui.

    Vous voyez le contraste entre ce roi et ce s a n n y a s i : le roi

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    qui possdait tout, palais, joyaux, courtisans, pouvoir, et le

    s a n n y a s i qui ne possdait que deux pagnes de lin. Le roil'instruisit au sujet d e la vrit. O r un jour, tand is que le roi

    enseignait, le palais prit feu. Avec srnit, le roi continua

    enseigner, tandis que le sanrasi , ce saint homme, tait

    trs troubl parce que son second pagne brlait.

    Vous savez, nous sommes tous dans cette situation. Vous

    pouvez ntre pas possessifs au sujet de vtements, de mai

    sons, damis, mais il demeure en vous une poursuite secrte

    d u n bnfice quelconque auquel vous tes attachs, auquel

    vous vous accrochez, et qui dvore vos esprits et vos curs.Tant que ces poisons cachs et inexplors demeurent, il doity avoir conflit et douleur.

    QUESTION. V ou s d i t es q u e v o u s n t e s a f f i l i a u cu n e

    o r ga n i s a t i o n ; p ou r t a n t , i l es t v i d en t q u e v o u s es s a y e z d a m e

    n e r l es ge n s p e n s er d u n e cer t a i n e f a o n . L a p e n s e d u

    m o n d e p e u t - e l le t r e m o d i f i e sa n s u n e o rga n i s a t i o n d o n t l e

    b u t s e r a i t d e p r s e n t e r c o n t i n u e l l e m e n t v o s i d e s a u p u b l i c ?

    KRISHNAMURTI. Je me demande si je vous fais pensersuivant une certaine ligne. J espre pas. essaye de montrer

    quil est ncessaire de penser, ncessaire daimer; et pour

    penser profondment, pour aimer beaucoup, on ne doit pas

    possder un magasin de ractions dfensives, de mmoires.

    Il est bien certain que lorsquon aime on est vulnrable. Si

    je ne fais que vous inciter penser suivan t une certaine ligne,je vous prie de vous mfier de moi, parce qualors je vous

    contraindrais, cest--dire que je vous exploiterais, et vous

    mexploiteriez votre tour pour vos diffrentes fins particu

    lires.

    Ce que je dis, cest que, pour vivre intensment, pour

    penser d une faon cratrice, on doit tre comp ltement ou

    vert la vie, sans ractions auto-protectrices, tout comme il

    arrive quand on est amoureux. Vous devez donc tre amou

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    reux de la vie. Ceci demande une grande intelligence, non de

    linformation ou des connaissances, mais cette intelligence quisveille lorsque vous abordez la vie ouvertement, complte

    ment, lorsque lesprit et le cur sont absolument vulnrables

    la vie.

    Vo us d eman dez : L a pense du monde peut-elle tre

    modifie sans une organisation dont le but serait de prsenter

    continuellement vos ides au pu b lic? . N ature llemen t pas, il

    vous faut une organisation, ceci est vident, donc nous navons

    pas besoin de le discuter. Mais lorsque vous parlez dorgani

    sation je crois que vous entendez une chose toute diffrente.La plupart des organisations sont cres pour convertir

    certaines croyances, pour inciter, pour forcer les gens, par

    l'opinion du groupe, par des pressions, adopter certaines

    mthodes, certaines ides; cest pour cela que se forment la

    plupart des organisations, et non pour imprimer des livres

    et pour les distribuer . C est ainsi que se form ent les religions.

    C est ainsi que les disciples dform ent les matres, en trans

    formant leur enseignement en dogmes absolus qui deviennent

    lauto rit grce laqu elle on exploite. C est po ur ce bu t quesont ncessaires les organisations de la mauvaise espce. Mais

    si, au contraire, vous tes intresss par les ides que jexpose,

    vous aiderez naturellement imprimer et distribuer des

    livres, mais sans le dsir de convertir, dexploiter.

    QUESTION. L a p lu p a r t d es gen s , m m e s ils on t d p a ss

    l e beso in d au tor i t organ ise , son t t roub ls par le con f l i t in t

    r i eu r d u ch o i x f a i r e en t r e l e d si r et l a p eu r . P o u vez -vo u s

    ex p l i q u e r co m m e n t d i s t i n gu e r en t r e l es d eu x , o u c e q u e v o u s

    co n s i d r ez l e v r a i d s i r ?

    K r i s h n a m u r t i . E xiste-t-il une telle chose q u e le

    vrai dsir? Q ue le dsir essentiel et le d sir non essent iel?

    Un jour vous voulez un chapeau, un autre jour une voiture,

    et ainsi de suite vous vou lez satisfaire vos dsirs. E t un autre

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    jo ur en co re, vous voulez at tein dre la plus hau te vrit ou

    D ieu. V o us p assez travers une entire srie de dsirs. Q uelest lessentiel dans tout cela? Les objets sont essentiels*

    lamour est essentiel, la comprhension de la vrit est essen

    tielle. Alors pourquoi diviser le dsir en faux et vrai, en dsirs

    im portants et dsirs sans im po rtance? N e p ouvez-vous pas

    considrer tout cela diffremment, aborder le dsir avec intel

    ligence? Vos esprits sont si troubls par des valeurs contradic

    toires que vous ne pouvez pas discerner avec exactitude.

    Je me demande si jai bien expliqu cela. Supposez que

    vous soyez possessifs. N e vous dites p as : J ai entend u direcet aprs-midi quil ne faut pas tre possessif, donc je vais me

    db arrasser de ce dsir. . N engendrez p as en vous une

    rsistance contradictoire. Si vous tes possessifs, soyez-en

    compltement et totalement conscients; alors vous verrez ce

    qu i se produ ira. L esprit doit se librer de ce dsir co nt radic

    toire, qui se livre des comparaisons et qui nest en ralit

    quune raction pour vous protger contre la douleur. Alors

    vous verrez toute la signification du d sir d acqurir. L e dsir

    dacquisition, ou tout autre problme, vous ne pouvez le com

    prendre que dans son isolation, et non en le comparant, en

    lopp osant au tre chose. Lo rsquil ny a p as d opposition,

    pas de dsirs contradictoires, on discerne la vraie signification

    du dsir. La continuelle contradiction dans le dsir engendre

    la peur, et o la peur existe il y a forcment fuite. Il rsulte

    ainsi une incessante bataille entre le dsir, la raison, lappel

    des achvements et leurs contraires.

    D ans cette b at aille, lintelligence, qu i est le vrai ach

    vement, est entirem ent p erdue. T an t que lesprit est emptr

    dans le conflit des contraires, il ne peut y avoir quune vasion, une substitution du vrai problme par la distinction

    entre l essentiel et le no n-essentiel le fau x et le vr ai. E n ce la

    il ny a pas de bonheur crateur.

    QUESTION. N '\ ) a-t -i l pas d es pr iod es o lon a besoin

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    d e s i s ol er d e l a co n f u s i o n ex t r ieu r e , a f i n d e f a vo r i s e r l a

    r a l i s a t i o n d e l a v r a i e p e r s o n n a l i t ?K r i s h n a m u r t i . Si vous p lacez d abo rd les besoins,

    ils deviennent vos matres, et lintelligence est dtruite. Pour

    dcouvrir nos besoins, il nous faut de rintelligence, car les

    besoins changent constamment, ils se renouvellent constam-

    met. Mais si vous vous mettez rechercher quels sont exac

    tement vos besoins, et si vous vous limitez ces besoins, votre

    vie deviendra trs superficielle, troite, mesquine.

    E t de mme, si vous recherchez la so litude uniquement afin

    de dcouvrir ce quest la vrit, la solitude nest plus quunmoyen dvasion. Mais dans votre recherche au cours dune

    vie active, des priodes de solitude surviendront tout naturelle

    ment. Ces moments de solitude ne sont pas faux, ils sont

    naturels, spontans.

    Q u e s t i o n . V ou s a v e z d i t, l u n d i , q u e , p o u r a v oi r la

    vr a i e i n t e l l i g en ce , o n d o i t a vo i r p a s s p a r u n t a t d e g r a n d

    e s s e u l e m e n t . E s t - ce la s eu l e f a o n d e p a r v en i r l a v r a i ei n t e l l i g en ce?

    KRISHNAMURTI. E xaminons ce que nous faisons en

    ce moment. Nous recherchons la scurit, en nous clturant

    toujours avec des certitudes. Chaque fois que se produit un

    tat dincertitude complte, de doute, nous prenons immdia

    tement la fuite. Ainsi nous avons tabli des scurits rcon

    fortantes, des certitudes. Je vous prie de repenser cela et

    vous verrez qu il en est ainsi. E t ce n est que lorsq uon est

    dpouill de tout espoir, dans le sens de scurits et de cer

    titudes, ce nest que lorsquon est compltement nu, dpouillde toute mesure et raction protectrices, quil y a lextase de

    la vrit. D ans ces moments de com plet (( esseulement , qui

    ne se produisent que lorsque toutes les vasions et leurs signi

    fications ont t vritablement comprises, se trouve la bati

    tude du prsent.

    L E m a n ci pa trice, lm p. co op . , 3 , ru e de P ond ichr y, Pa ris-15*. 12698,10-35

  • 8/2/2019 Krishnamurti New-York en 1935

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    F R A N C S