Krishnamurti à Adyar 1933-1934

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  • 8/2/2019 Krishnamurti Adyar 1933-1934

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    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    par

    KR1SHNAMURT1A D Y A R i 9 3 3 - i 9 3 4

    (Traduit de langlais)

    1 9 3 5

    D I T I O N S D E L T O I L E4 , S Q U A R E R A P P

    P A R I S (7e)

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    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    par

    KRI SHNAMURTI

    A D Y A R 1 9 3 3 - 1 9 3 4

    (Traduit de langlais)

    19 3 5

    D I T I O N S D E L T O I L E4 , SQ U A R E R A P P

    P A R I S (7 e)

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    ToUS DROITS RESERVESpa r l e St a r P u b l is h in g T r u s t Los A n g e l e s , Cal. (U. S. A.).

    Impr im a P a r i s (F r a n c e ).

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    pa r

    KR1SHNAMURTI(Traduit de Vanglais)

    Compte rendu des Confrences et des Questions et Rponses

    A D Y A R 19 33- 19 34

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    PR EM I RE C A U SE RI E A A D YA R

    29 dcembre 1933.

    M. Warrington qui fait fonction de Prsident de laSocit Thosophique ma aimablement invit venir

    Adyar pour y donner quelques causeries. Je suis trs heureux davoir accept son invitation et japprcie son attitudeamicale qui, je lespre, continuera, bien que nous puissionsdiffrer entirement dans nos ides et dans nos opinions.

    Jespre que vous couterez tous mes causeries sansprjugs et que vous ne penserez pas que jessaye dattaquervotre socit. Cest tout fait une autre chose que je veuxfaire. Je voudrais susciter en vous le dsir dune vraierecherche, et ceci est je crois tout ce quun instructeur peut

    faire. Ceci est tout ce que je veux faire. Si je peux veillerce dsir en vous, jaurai accompli ma tche, car de cedsir surgit lintelligence, cette intelligence qui est libre detout systme et de toute croyance organise. Cette intelligence est au del de toute pense, des compromis et des fauxajustements. Ainsi, pendant mes causeries, ceux dentre vousqui appartiennent diffrentes socits ou des groupestiendront prsent lesprit que je suis trs reconnaissant la Socit Thosophique et son Prsident de mavoir

    demand de venir ici pour parler, et que je ne suis pas entrain dattaquer la Socit Thosophique. Cela ne mintresse pas dattaquer. Mais je tiens pour vrai que, tandisque des organisations pour le bien-tre social de lhommesont ncessaires, des socits, bases sur des espoirs religieuxet des croyances, sont pernicieuses. Donc, bien que je puisse

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    sembler rude dans mes paroles, veuillez, je vous prie, tenir

    prsent l'esprit que je ne suis pas en train dattaquer aucunesocit particulire, mais que je moppose toutes ces faussesorganisations qui, bien qu elles professent daider 1homme,sont, en ralit, un grand obstacle et sont les instrumentsdune constante exploitation.

    Lorsque lesprit est rempli de croyances, c ides et deconclusions dfinies quil appelle connaissances, et qui deviennent sacres, linfini mouvement de la pense cesse. Voilce qui se produit dans la plupart des esprits. Ce que nous

    appelons connaissance nest quune simple accumulation, etempche le libre mouvement de la pense; et, pourtant, nousnous y accrochons et nous vnrons cette soi-disant connaissance. Alors, lesprit sy encrote, sy emptre. Ce nestque lorsque lesprit est libre de toutes ces accumulations, deces croyances, de ces idals, de ces principes, de cettemmoire, que lon pense dune faon cratrice. Mais vous nepouvez pas carter aveuglment laccumulation; vous nepouvez en tre libres que lorsque vous lavez comprise. Alors

    la pense cratrice devient possible ; il existe un ternelmouvement; lesprit nest plus spar de laction.Les croyances, les idals, les vertus, les ides sanctifies

    que vous poursuivez, et que vous appelez connaissance,empchent la pense cratrice et, par consquent, mettentune fin la maturation continuelle de la pense. Car penserne veut pas dire suivre un sillon particulier dides tablies,dhabitudes, de traditions. La pense est critique; cest unechose en dehors de toute connaissance hrite ou acquise.

    Lorsque vous ne faites quaccepter certaines ides, destraditions, vous ntes pas en train de penser, et il y a unestagnation lente. Vous me dites : Nous avons des croyances, nous avons des traditions, nous avons des principes, nesont-ils pas justes? Devons-nous nous en dbarrasser? Je ne vous dirai pas quil vous faut vous en dbarrasser ou

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    quil ne faut pas vous en dbarrasser. En vrit, votrepromptitude mme accepter lide quil vous faut ou nonvous dbarrasser de ces croyances ou de ces traditions vousempche de penser, vous tes dj dans un tat dacceptation, et, par consquent, vous navez pas la capacit decritiquer.

    Je parle des individus et non des organisations ou des groupes dindividus. Je vous parle en tant quindividuset non un groupe de personnes ayant certaines croyances.Si ma causerie doit avoir pour vous une valeur quelconque,essayez de penser par vous-mmes et non avec une consciencede groupe. Ne pensez pas suivant certaines lignes que vousavez dj acceptes, car elles ne sont quune forme subtiledu confort. V ous dites : J appartiens une certainesocit, un certain groupe, jai donn ce groupe certainespromesses et jai accept de lui certains bnfices. Commentpuis-je penser indpendamment de ces conditions et de cespromesses? Que faut-il faire? Je dis : Ne pensez pasen termes dengagements que vous avez pu prendre, car ilsvous empchent de penser dune faon cratrice. O il y asimple acceptation, il ne peut y avoir un courant de penselibre et cratrice, qui seule est lintelligence suprme, quiseule est le bonheur. La soi-disant connaissance que nousvnrons, que nous nous efforons datteindre en lisant deslivres, empche toute pense cratrice.

    Mais, du fait que je dis quune telle connaissance et quede telles lectures empchent la pense cratrice, ne vousretournez pas immdiatement vers le contraire. Ne dites pas : Ne devons-nous pas lire du tout? Je parle de ces choses parce que je veux vous montrer leur signification propre;je ne veux pas vous inciter vers leur contraire.

    Si votre attitude est dacceptation, vous vivez dans lapeur de la critique et lorsque le doute surgit ainsi quil doitsurgir, vous le dtruisez soigneusement et insidieusement.

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    Pourtant, ce nest que par le doute, par lesprit critique quevous pouvez vous accomplir; et le but de la vie est d accomplir

    et non daccumuler, de russir, ainsi que je lexpliquerai tout l'heure. La vie est un processus de recherche, non pasdune recherche dune fin particulire, mais dune librationde lnergie cratrice de lintelligence dans lhomme ; cest unprocessus de mouvement ternel, non entrav par des croyances, par des ides, par des dogmes, par la soi-disant connaissance.

    Donc, lorsque je parle desprit critique, je vous prie de nepas tre des partisans. Je nappartiens pas vos socits;

    je nai pas vos opinions et vos idals. Nous sommes ici pourexaminer et non pour nous ranger dun certain ct. Veuillezpar consquence suivre ce que jai dire avec lesprit ouvert,et ne prenez parti (si vous croyez devoir prendre unparti) que lorsque ces causeries seront termines. Pourquoivous rangez-vous dun ct ou dun autre? Le fait dappartenir un groupe particulier vous donne un sens de confortet de scurit. Vous croyez que parce que beaucoup dentrevous ont certaines ides ou certains principes vous pourrez,

    de ce fait, vous dvelopper. Mais, pour le moment, essayezde ne vous ranger daucun ct.Essayez de ntre pas influencs par le groupe particulier

    auquel vous appartenez et nessayez pas de prendre parti demon ct non plus. Tout ce que vous avez faire durant cescauseries, cest examiner, tre critique, douter, dcouvrir,rechercher et sonder les problmes qui sont devant vous.

    Vous tes habitus faire opposition et non critiquer.(Quand je dis vous , je vous prie de ne pas croire que

    je parle avec une attitude de supriorit.) Je dis que vousntes pas habitus la critique et, au moyen de cemanque desprit critique, vous esprez vous dvelopper spirituellement. Vous pensez que par la destruction du doute,quen vous dbarrassant du doute, vous avancerez; car le

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    fait de ne pas douter vous a t prsent comme une qualitncessaire au progrs spirituel; et vous tes, de ce fait,exploits. Mais dans votre destruction soigneuse du doute,dans votre rejet de lesprit critique, vous navez fait quedvelopper lesprit dopposition. Vous dites : (( les crituressont mon autorit en telle matire ou bien : les instructeurs mont dit telle chose ou bien : jai lu ceci . Endautres mots, vous tenez certaines croyances, certains dogmes, certains principes, avec lesquels vous vous opposez toute situation nouvelle qui provoquerait un conflit, et vousimaginez que vous tes en train de penser, que vous critiquez,que vous tes crateurs. Votre position est semblable celledun parti politique qui agit simplement par opposition .Maissi vous tes rellement critiques et crateurs, vous ne serezjamais simplement en opposition, mais vous vous occuperezdes ralits. Si votre attitude est simplement dopposition,votre esprit ne rencontrera pas le mien et vous ne comprendrez pas ce que essaye d exprimer.

    Lorsque lesprit est habitu lopposition, lorsquil a tsoigneusement entran par une soi-disant ducation, par latradition et la croyance, par des systmes religieux et philosophiques acqurir cette attitude dopposition, il na naturellement pas la capacit de critiquer et de douter rellement. Mais si vous voulez me comprendre, cest pourtantla premire chose quil vous faut faire. Ne fermez pas vosesprits, je vous prie, ce que je suis en train de dire. Levrai esprit critique est le dsir de comprendre, la facult decritiquer nexiste que lorsquon veut dcouvrir la valeurintrinsque dun objet. Mais vous ntes pas habitus cela.Vos esprits sont habilement entrans accorder des valeurs,mais, par ce processus, vous ne comprendrez jamais la valeurintrinsque dun objet, ni dune exprience, ni dune ide.

    Donc, pour moi, la vritable critique consiste essayerde dcouvrir la valeur intrinsque de la chose elle-mme; et

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    non pas attribuer une qualit cette chose. Vous nattribuez une qualit un milieu, une exprience que lorsquevous voulez en obtenir quelque chose, lorsque vous voulezun bnfice, ou du pouvoir, ou du bonheur. Or, ceci dtruitla vritable critique. Votre dsir est perverti du fait quilattribue des valeurs, et, par consquent, vous ne pouvezpas discerner clairement. Au lieu dessayer de voir la fleurdans sa beaut originale et entire, vous la regardez travers un verre color et, par consquent, vous ne pouvez pasla voir telle quelle est.

    Si vous voulez vivre, apprciez limmensit de la vie;si vous voulez rellement la comprendre, et non pas simplement rpter comme des perroquets ce qui vous a t enseign, ce qui a t vers en vous, votre premire tche estde mettre de ct les perversions qui vous entravent. Et jevous assure que cest l une des tches les plus difficiles, carces perversions sont une partie de votre ducation, une partiede vos habitudes, et il est trs difficile de sen dtacher.

    Lattitude critique exige quon soit libre de lide dopposition. Par exemple, vous me dites :

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    plus heureux lorsquil ny aura plus dinstructeurs, lorsque

    des hommes ne sentiront plus quil leur faut prcher leurvoisin. Mais cet tat ne peut se raliser que si vous, en tantquindividus, tes rellement veills; que si vous doutez pleinement, que si vous avez rellement commenc douter et critiquer au milieu de la douleur. Maintenant, vous avezcess de souffrir, vous avez touff vos esprits avec des explications, avec des connaissances ; vous avez endurci voscurs. Ce nest pas le sentiment qui vous intresse, maisla croyance des ides, et la saintet de la soi-disant connais

    sance, et, par consquent, vous mourrez de faim; vous ntesplus des tres humains, mais de simples machines.Je vois que vous secouez vos ttes. Si vous ntes pas

    daccord avec moi, posez-moi des questions demain, crivezvos questions et passez-les moi et jy rpondrai. Mais cematin, je parlerai, et jespre que vous suivrez ce que jai dire.

    Il ny a pas de lieu de repos dans la vie. La pense nepeut avoir aucun lieu de repos. Mais vous tes la recher

    che dun tel lieu de repos. Dans vos diverses croyances etreligions vous avez recherch un tel lieu de repos, et danscette recherche, vous avez cess dtre critiques, de vousmouvoir dans le flot de la vie, de jouir de la vie, de vivreavec richesse.

    Ainsi que je lai dit, la vraie recherche (qui est diffrentede la recherche en vue dune fin, ou dune aide, ou dunbnfice), la vraie recherche rsulte dans la comprhensionde la valeur intrinsque de lexprience. La vraie recherche

    est comme un fleuve rapide, et, dans ce mouvement, est lacomprhension, un devenir ternel. Mais la recherche dunguide naboutit qu un soulagement temporaire, ce qui signifie une multiplication des problmes et de leur solution. Or,que recherchez-vous? Que dsirez-vous de ces choses? Voulez-vous chercher et dcouvrir ou voulez-vous trouver un

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    secours et des guides? La plupart dentre vous veulent un

    secours, un soulagement temporaire de la souffrance; vousvoulez gurir des symptmes plutt que trouver la causede la souffrance. Je souffre, dites-vous, donnez-moi unemthode qui me dlivrera de cette souffrance. Ou vousdites encore : le monde est dans une situation chaotique,donnez-nous un systme qui rsoudra ces problmes et quitablira de lordre .

    Ainsi, vous cherchez, la plupart dentre vous, un soulagement temporaire, un abri temporaire et, pourtant, cest cela

    que vous appelez la recherche de la vrit.Lorsque vous parlez de service, de comprhension, desagesse, vous pensez simplement en termes de confort. Tantque vous voulez simplement soulager les conflits, les luttes,lincomprhension, le chaos, la souffrance, vous tes commedes mdecins qui ne soccupent que des symptmes dunemaladie. Tant que vous ne vous occupez que de la recherchedu confort, vous ntes pas rellement en train de chercher.

    Soyons tout fait francs. Nous pouvons aller loin si

    nous sommes rellement francs. Admettons que tout ce quevous tes en train de chercher est la scurit, le soulagement;vous cherchez une scurit contre le changement continuelet le soulagement de la douleur. Parce quil y a en vous uneinsuffisance, vous dites : Donnez-moi ce qui me suffira , donc, ce que vous appelez la recherche de la vritnest, en ralit, quune tentative de trouver un soulagement la douleur, ce qui na rien voir avec la ralit. En ceschoses-l, nous sommes comme des enfants. Dans des mo

    ments de danger nous courons vers notre mre, cette mretant une croyance, un gourou, une religion, une tradition,lhabitude. L, nous prenons refuge, et, par consquent, nosvies sont des vies de constante imitation, avec jamais aucunmoment de riche comprhension.

    Or, vous pouvez fort bien tre daccord avec mes mots et

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    dire : Vous avez tout fait raison, nous ne cherchons pas

    la vrit, mais le soulagement, et ce soulagement est satisfaisant pour le moment .Si cest cela qui vous satisfait, ilny a plus rien dire. Si vous avez cette attitude, je puisaussi bien ne rien ajouter. Mais, grce au ciel, tous lestres humains nont pas cette attitude. Ils ne sont pas tousarrivs au point dtre satisfaits par leur petite expriencequils appellent la connaissance, qui est une stagnation.

    Or, lorsque vous dites je cherche , vous impliquezdans ces mots que vous tes la recherche de linconnu.

    Vous dsirez linconnu, et cest cela lobjet de votre recherche. Parce que le connu est pour vous dcevant, futile,charg de douleurs, effroyable, vous voulez dcouvrir linconnu, et de l la question : Quest-ce que la Vrit?Quest-ce que Dieu? De cela surgit la question : Quimaidera atteindre la vrit? et, dans cette tentativemme de trouver la vrit ou Dieu, vous crez des gourous,des instructeurs qui deviennent vos exploiteurs. Je vous priede ne pas prendre offense de mes mots, de ne pas vous armer

    de prjugs contre ce que je dis, et ne croyez pas que jechevauche mon

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    sonne qui vous en offre une explication satisfaisante et vousprenez appui en cette personne ou dans lide qu elle vousdonne. Ainsi, cette personne ou cette ide devient votreexploiteur et vous, vous-mmes, tes responsables de cetteexploitation, et non pas lhomme ou lide qui vous exploite.Car une telle enqute dans l'inconnu est engendre par lidedun gourou qui vous conduira la vrit. De cette enqutesurgit la confusion au sujet de ce quest la vrit, parce que,dans votre recherche de J inconnu, chaque instructeur, chaque guide, vous offre une explication de ce quest la vrit,et cette explication dpend naturellement de ses propresprjugs et des ides quil a; mais au moyen de cet enseignement, vous essayez dapprendre ce quest la vrit. Votrerecherche de la vrit nest quune vasion. Lorsque vousconnaissez la cause relle, lorsque vous comprenez le connu,vous cessez denqurir au sujet de linconnu.

    La poursuite de la varit et de la diversit des ides ausujet de la vrit n'engendrera pas la comprhension. Vousvous dites: J couterai cet instructeur, ensuite j couteraiquelquun d'autre, et ensuite quelqu'un dautre encore; etj apprendra i de chacun les aspects divers de la vrit .Mais, par ce processus, vous narriverez jamais comprendre. Tout ce que vous faites, cest fuir; vous essayez dedcouvrir ce qui vous donnera la plus grande satisfaction, etcelui qui vous donne le plus, vous le chrissez en tant quevotre gourou, votre idal, votre but. Ainsi, votre recherche dela vrit a cess.

    Veuillez ne pas croire que, lorsque je vous montre lafutilit de cette recherche, jessaye dtre habile : je vousexplique la raison de lexploitation qui a lieu dans le mondeentier au nom de la religion, au nom du gouvernement, aunom de la vrit.

    Linconnu nest pas ce qui devrait vous occuper. Mfiez-vous de lhomme qui vous dcrit linconnu, la vrit ou Dieu.

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    Une telle description de linconnu vous offre un moyen

    dvasion; et, en outre, la vrit dfie toute description. Danscette vasion il ny a pas de comprhension ni daccomplissement, il ny a que de la routine et de la corruption.La vrit ne peut pas tre explique ou dcrite. Elle est.Je dis quil y a une ralit qui ne peut pas tre mise enmots; si elle le pouvait, elle serait dtruite, et alors elle neserait plus la vrit. Mais vous ne pouvez pas connatre cetteralit, cette vrit en vous informant son sujet. Vous nepouvez la connatre que lorsque vous avez compris le connu,

    lorsque vous avez saisi la pleine signification de ce qui estdevant vous.Vous tes constamment la recherche dvasions, et ces

    tentatives dvasion vous les ennoblissez avec diffrents nomsspirituels, avec des mots pompeux : ces vasions vous satisfont temporairement, cest--dire jusqu ce que la nouvelletempte de souffrance vienne emporter vos refuges.

    Mettons de ct cet inconnu et occupons-nous de ce quiest connu. Mettez de ct, pour le moment, vos croyances,votre esclavage des traditions, votre dpendance de votreBhagavad Gita, vos critures, vos Matres. Je nattaque pasvos croyances favorites, vos socits favorites : je vous disque si vous voulez comprendre la vrit de ce je dis, vousdevez essayer dcouter sans prvention.

    Grce nos diffrents systmes dducation (qui peuventtre un entranement universitaire, ou lacceptation dungourou, ou la dpendance au pass, sous la forme des tradi

    tions et des habitudes qui crent une insuffisance dans leprsent) travers ces systmes dducation, nous avons tencourags acqurir, vnrer le succs. Tout notre systme de pense ainsi que toute notre structure sociale sontbass sur lide de bnfice. Nous nous retournons vers lepass parce que nous ne pouvons comprendre le prsent.

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    Pour comprendre le prsent, qui est exprience, lesprit doit

    tre dcharg des traditions et des habitudes du pass. Tantque le poids du pass nous domine, nous ne pouvons pascomprendre, nous ne pouvons pas recueillir pleinement leparfum dune exprience. Il doit y avoir, par consquent,une insuffisance tant quexiste la recherche dun bnfice.Le fait que tout notre systme de pense est bas sur lebnfice nest pas une simple affirmation hypothtique dema part, cest une ralit. Et lide centrale de toute notrestructure sociale est aussi une ide de bnfice, de russite,

    de succs.Mais parce que jai dit que votre poursuite de cetteide de bnfice naboutira pas une plnitude de vie, nepensez pas immdiatement en termes contraires. Ne ditesp a s : N e devons-nous pas chercher? N e devons-nouspas acqurir? Ne devons-nous pas russir? Ceci dnoteune pense trs limite. Ce que je voudrais que vous fassiez, cest mettre en doute lide mme de bnfice. Ainsi que

    je Fai dit , toute no tre structure sociale, conomique, et soi-

    disant spirituelle, est base sur cette ide centrale de bnfice : bnfice obtenu par F exprience, ou p ar le fait devivre, ou par des instructeurs. Et de cette ide de bnfice,vous cultivez graduellement en vous-mmes Fide de peur,parce que dans votre recherche dun bnfice vous avez tou

    jours peur de perdre . E t, possdant ce tte peur de perd re ,cette peur de perdre une occasion, vous crez lexploiteur;celui-ci tant soit lhomme qui vous guide moralement etspirituellement, soit une ide laquelle vous vous accrochez.

    Vous avez peur et vous voulez avoir du courage; et, ainsi,le courage devient votre exploiteur. Une ide devient votreexploiteur.

    Votre tentative de russite et de gain nest simplementquune fuite, une vasion hors de linscurit. Lorsque vousparlez de bnfice vous pensez la scurit; et aprs avoir

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    tabli lide de scurit vous voulez trouver une mthode afin

    d obtenir et de conserver cette scurit. N est-ce pas ainsi? Sivous considrez votre vie, si vous lexaminez avec un espritcritique, vous verrez quelle est base sur la peur. Vous testout le temps la recherche dun bnfice; et aprs avoirrecherch vos scurits, aprs les avoir tablies comme idal,vous vous adressez quelquun qui vous offre une mthodeou un plan au moyen desquels vous pensez pouvoir obteniret conserver vos idals. Et vous dites : Dans le but de parvenir cette scurit, je dois me comporter dune certaine ma

    nire, je dois poursuivre la vertu, je dois servir et obir, jedois suivre des gourous, des instructeurs et des systmes, jedois tudier et mentraner afin dobtenir ce que je veux )).En dautres termes, puisque votre dsir est la scurit, voustrouvez des exploiteurs qui vous aideront obtenir ce quevous voulez. Et alors vous, en tant quindividus, tablissezdes religions pour vous servir de scurits, pour servir de critriums votre conduite conventionnelle. A cause de la peurque vous avez de perdre, de perdre ou de manquer quelque

    chose que vous voulez, vous acceptez les titres et les idalsque vous offrent les religions.Or, ayant tabli vos idals religieux, qui en ralit sont

    vos scurits, vous devez maintenant avoir des faons particulires de vous conduire, des pratiques, des crmonies etdes croyances dans le but de parvenir ces idals. Vouscherchez mettre tout cela en pratique et de l surgissentdes divisions dans la pense religieuse qui aboutissent desschismes, des sectes, des confessions. Vous avez voscroyances et un autre a les siennes; vous tenez votre formeparticulire de religion et lautre tient aux siennes; vous tesun Chrtien, un autre est Musulman et un autre encore estHindou. Vous avez ces distinctions religieuses et pourtantvous parlez damour fraternel, de tolrance et dunit. Je nedis pas quil faut une uniformit de pense et dide. Mais

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    la tolrance dont vous parlez nest quune habile invention

    de lesprit. Cette tolrance nindique pas autre chose quevotre dsir de vous accrocher vos propres idiosyncrasies, vos propres ides limites, vos prjugs, et de permettre un autre de poursuivre les siens. Dans cette tolrance ilny a pas une diversit intelligente mais seulement une espcedindiffrence ddaigneuse. Cette tolrance est totalementfausse. Vous dites : Vous, continuez votre manire, etmoi je continuerai la mienne; mais soyons tolrants et fraternels . Lorsquexiste une vraie fraternit, un esprit amical,

    lorsquon prouve de lamour dans son cur, on ne parlepas de tolrance. Ce nest que lorsque vous vous sentez suprieurs dans votre certitude, dans votre position, dans votreconnaissance, que vous parlez de tolrance. Vous ntestolrants que lorsque vous tablissez des distinctions. Avec lacessation des distinctions on ne parlera plus de tolrance.Alors vous ne parlerez pas de fraternit parce que dans voscurs vous serez frres.

    Vous tablissez en tant quindividus diffrentes religions

    qui agissent comme scurits. Aucun instructeur na tablilexploitation de ces religions organises. Cest vous-mmesqui, cause de votre inscurit et de votre confusion, causede votre manque de comprhension, avez cr des religionspour vous servir de guides. Et, aprs avoir tabli des religions, vous allez la recherche de gourous et dinstructeurs,vous recherchez des matres pour vous aider.

    Ne croyez pas que jessaye dattaquer votre croyancefavorite; je ne fais qunoncer des faits, non pas pour quevous les acceptiez mais pour que vous examiniez, pour quevous critiquiez et vrifiez.

    Vous avez votre Matre, un autre a son guide particulier;vous' aVez votre sauveur, un autre a le sien. D une telledivision de la pense et de la croyance surgit la contradictionet le conflit au sujet des mrites des diffrents systmes. Ces

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    disputes dressent lhomme contre lhomme; du moment que

    nous avons intellectualis la vie, nous ne nous battons plusouvertement : nous essayons dtre tolrants.Veuillez rflchir au sujet de ce que je dis. Ne rejetez

    pas ou nacceptez pas simplement ces mots. Pour examinerimpartialement, avec un esprit critique, vous devez mettre dect vos prjugs et vos tendances particulires, et vous devezaborder toute la question avec franchise.

    A travers le monde entier les religions ont spar les hommes. Individuellement, chacun cherche sa propre petite s

    curit et soccupe de son propre progrs. Individuellement,chacun dsire grandir, stendre, russir, achever; donc ilaccepte nimporte quel instructeur qui lui offre de laider verscet avancement et cette croissance. Comme rsultat de cetteattitude dacceptation, la critique et linformation authentiquesont cess. La stagnation sest installe. Bien que vous vousmouviez le long dun sillon troit de pense et de vie, la vraiepense nexiste plus ni la plnitude de vie, mais simplementune raction dfensive. Tant que la religion spare les hom

    mes il ne peut y avoir de fraternit; pas plus quil ne peuty avoir de fraternit tant quexistent les nationalits, qui doivent toujours provoquer des conflits parmi les hommes.

    La religion avec ses croyances, ses disciplines, ses incitations, ses esprances, ses punitions, vous force vers une conduite que vous considrez juste, vers la fraternit et lamour.Et du moment que vous tes forcs, vous obissez lautorit suprieure qui vous guide, ou bien (ce qui revient lamme chose), vous commencez dvelopper votre propre

    autorit intrieure comme raction contre une autorit extrieure, et cest celle-l que vous suivez. O existe unecroyance ou le but dun idal, il ne peut y avoir de plnitudede vie. Une croyance indique lincapacit de comprendre leprsent.

    Ne vous retournez pas vers le contraire en disant : Ne19

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    devons-nous plus avoir de croyances? Ne devons-nous plus

    avoir aucun idal? Je ne fais que vous montrer la causeet la nature de la croyance. Parce que vous ne pouvez pascomprendre le mouvement rapide de la vie, parce que vousne pouvez pas recueillir la signification de son courant rapide,vous pensez que la croyance est ncessaire. Dans votredpendance des traditions, des idals, des croyances ou desmatres, vous ne vivez pas dans le prsent qui est lternel.

    Beaucoup dentre vous pourraient croire que ce que je disest trs ngatif. Cela ne lest pas, car lorsque vous voyez

    rellement le faux, vous pouvez alors voir le vrai. Ceci nestpas de la ngation. Au contraire, cet veil de lintelligencecratrice est la seule aide positive que je puisse vous donner.Mais vous pouvez ne pas trouver que ceci est positif, vous neme trouveriez probablement positif que si je vous donnaisune discipline, une ligne de conduite, un nouveau systme depense. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin dans cesujet aujourdhui. Si vous posez des questions ce sujet,demain ou les jours suivants, jessaierai dy rpondre.

    Les individus ont cr la socit en se groupant dans lebut de bnfices obtenir, mais ceci nengendre pas lunitrelle. Cette socit devient leur prison, leur moule, et pourtant chaque individu veut tre libre de se dvelopper et derussir. Alors chacun devient un exploiteur de la socit et ilest son tour exploit par elle. La socit devient la culmination de leur dsir, et le gouvernement devient linstrumentqui sert accomplir ce dsir en confrant des honneurs ceux qui ont la plus grande puissance de possder et

    dacqurir. Cette mme attitude stupide existe dans la religion : la religion considre lhomme qui sest conform entirement ses dogmes et ses croyances comme une personnevraiment spirituelle. Elle confre de lhonneur lhomme quipossde la vertu. Donc, dans votre dsir de possder (jerpte que je ne parle pas en termes de contraires, mais plutt

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    que jexamine lobjet mme qui cause le dsir de la posses

    sion), dans votre poursuite de la possession, vous crez unesocit dont nous devenons les esclaves. Nous devenons desrouages dans cette machine sociale en acceptant toutes sesvaleurs, ses traditions, ses espoirs et ses esprances, et sesides tablies, car nous avons cr la socit et elle nousaide obtenir ce que nous voulons. Donc, lordre tabli parle gouvernement ou par la religion met une fin notre enqute, notre recherche, notre doute; et plus nous nous unissonsdans nos possessions diverses, plus nous tendons devenir

    nationalistes.Aprs tout, quest-ce que cest quune nation? Cest ungroupe dindividus qui vivent ensemble dans le but davantages conomiques et dauto-protection, et qui exploitent desunits similaires. Je ne suis pas un conomiste, mais ceci estun fait vident. De cet esprit dacquisition surgit lide de ma famille , ma maison , mon pays . Tantquexiste ce sens possessif, il ne peut y avoir de vraie fraternit, ni de vrai internationalisme. Vos frontires, vos douanes,vos barrires fiscales, vos traditions, vos croyances, vos religions sparent lhomme de lhomme. Or, quest-ce qui a tcr par cette mentalit de bnfice, disolement, de scurit?Ce sont les nationalits; et o est le nationalisme il ne peuty avoir que la guerre. Cest la fonction des nations de prparer des guerres, sans quoi elles ne peuvent tre de vraiesnations.

    Cest cela ce qui se passe dans le monde entier, et nousnous trouvons maintenant la veille dune nouvelle guerre.Chaque journal soutient le nationalisme et lesprit disolement.Que dit-on dans presque tous les pays, en Amrique, enAngleterre, en Allemagne, en Italie? Nous d'abord etnotre scurit individuelle; et ensuite nous considrerons lemonde. Nous navons pas lair de nous rendre compte quenous sommes tous sur le mme navire. Les peuples ne peuvent

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    plus tre spars ainsi quils lont t il y a quelques sicles.

    Nous ne devons pas penser en termes de sparation, et pourtant nous nous obstinons penser en termes de nationalismeou de conscience de classe, parce que nous nous accrochonsencore nos possessions et nos croyances. Le nationalismeest une maladie; il ne peut engendrer lunit mondiale nii unit humaine. Nous ne pouvons pas trouver la sant aumoyen de la maladie; nous devons dabord nous librer dela m aladie. L ducation, la socit, la religion contribuent sparer les nations parce que chacun cherche individuellement

    grandir, gagner, exploiter.A cause de ce dsir que nous avons de nous accrotre,de gagner, dexploiter, nous crons dinnombrables croyances(des croyances concernant la vie aprs la mort, la rincarnation, limmortalit) et nous trouvons des personnes pour nousexploiter au moyen de nos croyances. Je vous prie decomprendre quen disant cela je ne dsigne aucun leader ouinstructeur particulier; je nattaque aucun de vos leaders.Attaquer qui que ce soit est une pure perte de temps. Je ne

    suis occup attaquer aucun leader particulier, jai quelquechose de plus important faire dans la vie. Je voudrais agircomme un miroir et rendre claires pour vous les perversions etles duperies qui existent dans la socit, dans la religion.

    Toute notre structure sociale et intellectuelle est base surlide de bnfice, de russite; et lorsque 1esprit et le cursont retenus par 1ide de bnfice, il ne peut y avoir devraie vie, il ne peut y avoir de vrai couran t vital. N en est-ilpas ainsi? Si vous tes constamment la recherche de lavenir,dun achvement, dun gain, dun espoir, comment pouvez-vous vivre compltement dans le prsent? Comment pouvez-vous agir intelligemment, comme un tre humain? Commentpouvez-vous penser et sentir dans la plnitude du prsentlorsque vous fixez constamment votre regard sur le lointainavenir? Par notre religion, par notre ducation, nous sommes

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    faonns de manire ntre rien, et, conscients de ce nant,nous voulons gagner et russir. Alors nous recherchonsconstamment des instructeurs, des gourous, des systmes.Si vous comprenez rellement ceci, vous agirez, vous nediscuterez pas simplement cette question intellectuellement.

    A la poursuite du bnfice, vous perdez de vue le prsent.Dans votre poursuite du bnfice, dans votre dpendance dupass, vous ne comprenez pas pleinement lexprience immdiate; cette exprience laisse une cicatrice, une mmoire quiest linsuffisance de cette exprience, et de cette insuffisancegrandissante surgit la conscience du moi, de lego. Vos divisions de lego ne sont que les raffinements superficiels delgosme dans sa recherche dun bnfice. Lego a ses racinesintrinsquement dans cette insuffisance de lexprience, danscette mmoire. Quels que soient son dveloppement et sonexpansion, il gardera toujours en lui le sens de lgosme.Ainsi, lorsque vous cherchez un bnfice, un succs, chaqueexprience dveloppe la conscience du moi, mais nous discuterons ceci une autre fois. Dans cette causerie, je veux prsenter ma pense aussi compltement que possible, afin davoirle temps, dans les causeries suivantes, de rpondre aux questions que vous voudriez me poser.

    Lorsque lesprit est prisonnier du pass ou du futur, il nepeut pas comprendre la signification de lexprience prsente,ceci est vident. Lorsque vous cherchez un bnfice, vous nepouvez pas comprendre le prsent. Et puisque vous necomprenez pas le prsent qui est lexprience, il laisse sacicatrice, son insuffisance dans lesprit. Vous ntes pas librede cette exprience. Le manque de libert, de plnitude,cre la mmoire, et le dveloppement de cette mmoire nestque la conscience du moi, lego. Ainsi lorsque vous dites :(( je veux compter sur lexprience pour obtenir la libert ,ce que vous faites en ralit cest accrotre, intensifier, tendrecette conscience du moi, cet ego. Car vous tes la recherche

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    dun bnfice, dune accumulation en tant que moyendobtenir le bonheur, en tant que moyen de raliser la vrit.

    Aprs avoir tabli en votre esprit la conscience du moi,votre esprit nourrit cette conscience et de cela surgit vos questions pour savoir si vous vivrez ou non aprs la mort, si vouspouvez esprer en la rincarnation. Vous voulez savoir catgoriquement si la rincarnation est un fait. En dautres termes,vous utilisez lide de rincarnation comme un moyen dajournement dans lequel vous vous rconfortez. Vous dites : Parle progrs jobtiendrai la comprhension; ce que je nai pascompris aujourdhui je le comprendrai demain. Donc, donnez-moi lassurance que la rincarnation existe .Ainsi, vous tenez cette ide de progrs, cette ide degagner de plus en plus jusqu ce que vous arriviez laperfection. Cest cela que vous appelez le progrs : le faitdacqurir de plus en plus. Mais pour moi la perfection estaccomplissement et non accumulation progressive. Vousemployez les mots progrs pour exprimer laccumulation, legain, la russite; voil votre ide fondamentale du progrs.Mais la perfection ne rside pas dans le progrs; elle estaccomplissement; la perfection ne se ralise pas traversla multiplication des expriences, mais elle est laccomplissement dans lexprience, laccomplissement dans laction elle-mme. Le progrs indpendamment de laccomplissementconduit une superficialit totale.

    Un tel systme dvasion prvaut aujourdhui dans lemonde entier. Votre thorie de la rincarnation rend lhommede plus en plus superficiel car il dit : Puisque je ne peuxpas accomplir aujourdhui, je le ferai dans le futur . Si vousne pouvez pas vous accomplir dans cette vie, vous vousrconfortez dans lide quil y a toujours une vie venir.De l surgissent les enqutes au sujet de lau-del, et aussilide que lhomme qui a le plus acquis en connaissance(ce qui nest pas la sagesse) atteindra la perfection. Mais

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    la sagesse nest pas le rsultat de f accum ulation ; la sagessen est pas possession ; elle est spontane, immdiate.

    Pendant que lesprit svade du vide au moyen du bnfice,ce vide augmente, et vous navez pas un jour, pas un instant,o vous puissiez dire :

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    sont l que des incitations Faction juste, do surgissentlexploiteur et lexploit. Si vous poursuivez l'esprit dacquisition, poursuivez-le consciemment et non hypocritement. Nedites pas que vous cherchez la vrit, car on narrive pas la vrit de cette faon-l.

    Cette ide que lon a de grandir de plus en plus est pourmoi fausse, car ce qui grandit nest pas ternel. Vous a-t-il

    jamais t dmontr que plus vous possdez, plus vouscomprenez? En thorie il peut en tre ainsi, mais en fait ilnen est pas ainsi. Un homme augmente sa proprit et lenclt; un autre augmente sa connaissance et est encercl parelle. O est la diffrence? Ce processus de dveloppementpar accumulation est creux, il est faux ds son origine, carce qui est capable de grandir nest pas ternel. Cest uneillusion, une erreur qui na en elle rien de la ralit. Mais sivous poursuivez cette ide du dveloppement par accumulation, poursuivez-l avec tout votre esprit et avec tout votrecur. Alors vous comprendrez combien elle est superficielle,vaine et artificielle. Et lorsque vous comprendrez que ceciest faux, vous comprendrez la vrit. Rien ne doit venirle remplacer. Alors vous ne cherchez plus la vrit afinde remplacer ce qui est faux : car dans votre perceptiondirecte le faux nexiste plus. Et dans cette comprhension estlternel. Alors il y a bonheur, intelligence cratrice. Vousvivrez naturellement, compltement, comme une fleur, et encela il y a limmortalit.

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    D EU X I M E C A U SERI E A A D YA R

    30 Dcembre 1933.

    Ainsi que je le disais hier, la pense est mutile, hbte,lorsquelle est retenue par des croyances, et pourtant, laplupart de nos penses sont des ractions bases sur descroyances, sur une croyance particulire ou sur un idal. Dece fait, notre pense nest jamais frache, elle nest jamais enmouvement ni cratrice. Elle est toujours tenue en chec parune croyance particulire, par la tradition, par un idal. On nepeut raliser la vrit, cette comprhension durable, que lorsque la pense est continuellement en mouvement, lorsquellenest entrave ni par un pass, ni par un futur. Ceci est sisimple que souvent nous ne lapercevons pas. Un grandsavant na pas de but dans sa recherche, sil ne faisait quechercher un rsultat il cesserait dtre un grand savant. Ildoit en tre ainsi de notre pense, mais notre pense estmutile, enchane, circonscrite par une croyance, par undogme, par un idal, et il ny a donc pas, ainsi, de pensecratrice.

    Je vous prie dappliquer ce que je dis vous-mmes: alorsvous pourrez aisment suivre ma pense. Si vous ne faisiezqucouter pour occuper vos loisirs, ce que je dirais seraittotalement inutile et il ny aurait que plus de confusion.

    Sur quoi est base notre croyance? Sur quoi sont fondsla plupart de nos idals? Si vous examinez la question, vousverrez que la croyance a pour mobile lide de bnfice etde rcompense, ou bien quelle sert dincitation, de guide,de modle. Vous dites : Je poursuivrai la vertu, jagirai

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    de telle ou telle faon en vue dobtenir le bonheur; je dcouvrirai ce quest la vrit afin de surmonter la confusion etla misre; je servirai afin dobtenir les bndictions du ciel .Mais cette attitude vis--vis de Faction en tant que moyenpour des acquisitions futures rend toujours la pense infirme.

    Ou encore, la croyance est base sur le rsultat du pass.Vous avez soit des principes extrieurs imposs, soit desidals intrieurs que vous avez cultivs et qui vous aident vivre. Les principes extrieurs sont imposs par la socit, parla tradition, par lautorit, ils sont bass sur la peur. Voici

    les principes que vous employez toujours comme modle : Que dira mon voisin? Que soutient l'opinion publique?Que disent les livres sacrs ou les instructeurs? Ou bienvous dveloppez une loi intrieure, qui nest pas autre chosequune raction contre ce qui est extrieur. Cest--dire quevous cultivez une croyance intrieure, un principe intrieur,bass sur la mmoire de lexprience, sur des ractions, afinde vous guider travers le mouvement de la vie.

    Ainsi la croyance appartient soit au pass, soit au futur.

    Lorsquexiste un besoin intrieur, le dsir cre le futur; maislorsque vous vous guidez dans le prsent en suivant uneexprience que vous avez dj eue, ce critrium est dans lepass, il est dj mort. Alors nous dveloppons une rsistance contre le prsent que nous appelons la volont. Mais,pour moi, la volont nexiste que lorsquil y a un manquede comprhension. Pourquoi voulons-nous la volont? Lorsque je comprends une exprience et que je vis en elle, je naipas la combattre, je nai pas lui rsister. Lorsque jecomprends une exprience compltement, il ny a plusdesprit dimitation ni de volont dajustement, ni de dsirde lui rsister. Je la comprends compltement, donc je suislibre de son fardeau. Vous devrez penser ce que je dis;mes mots ne sont pas aussi difficiles comprendre quils enont lair.

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    La croyance est base sur lide dacquisition et sur le

    dsir dobtenir des rsultats au moyen de Faction. Vouscherchez un bnfice ; vous vous faites faonner par des sriesde croyances bases sur lide de bnfice, sur la recherchedune rcompense, et votre action est le rsultat de votrerecherche. Si vous tiez dans le mouvement de la pense, sivous ne cherchiez pas un but, une fin, une rcompense, alorsil y aurait des rsultats, mais ils ne vous toucheraient pas.Ainsi que je Fai dit, un homme de Science qui cherche desrsultats nest pas un vrai scientifique, et un vrai scientifique

    qui cherche profondment nest pas touch par les rsultatsquil obtient, mme si ces rsultats peuvent tre utiles aumonde. Donc, occupez-vous du mouvement de Faction elle-mme et cest dans cela quest Fextase de la vrit. Maisvous devez vous rendre compte que votre pense est prisonnire des croyances, que vous agissez simplement en vousconformant certaines sries de croyances, que votre actionest mutile par la tradition.

    Supposez, par exemple, que je sois un professeur dans

    une cole. Si jessaye de mouler Fintelligence de lve envue dune action particulire, ce nest plus de Fintelligence.Comment llve emploiera son intelligence, cela cest sonaffaire. Sil est intelligent, il agira avec vrit parce quilnagira pas pour des bnfices ou des rcompenses, ou desexcitations, ou pour le pouvoir.

    Pour comprendre ce mouvement de la pense, cette plnitude de Faction, qui ne peut jamais tre statique comme unmodle, comme un idal, lesprit doit tre libre de toutecroyance, car Faction qui cherche une rcompense ne peutpas comprendre sa propre plnitude, son propre accomplissement. Pourtant la plupart de vos actions sont bases surla croyance. Vous croyez aux conseils dun matre, vouscroyez en un idal, vous croyez des dogmes religieux,vous croyez aux traditions tablies de la socit. Mais avec

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    cet arrire-plan de croyance, vous ne comprendrez jamais,

    vous ne sonderez jamais les profondeurs de lexprience quevous affrontez, parce que la croyance vous empche de vivrecette exprience pleinement, avec tout votre tre. Ce nestque lorsque lon nest plus prisonnier de la croyance que lonconnat la plnitude de laction. Maintenant vous tesinsconscient de ce fardeau qui pervertit votre esprit. Devenezpleinement conscient de ce fardeau dans votre action, et cettelucidit seule librera votre esprit de toute perversion.

    Maintenant je rpondrai quelques-unes des questions qui

    mont t poses.QUESTION. Par la sanction des critures et par uneunit de vue de beaucoup d'instructeurs, le doute a t consi-dr travers les ges comme une entrave qui doit tredtruite avant que la vrit ne puisse se lever dans l'me. A u contraire, vous semblez considrer le doute sous un aspecttout fait diffrent. Vous Vavez mme appel un baume

    prcieux. D e ces opinions contradictoires, laquelle est la vraie?

    K r i s h n a m u r t i . Laissons les critures en dehors decette discussion; car lorsque vous commencez citer les critures pour appuyer vos opinions, soyez sr que le diable aussipourra trouver des textes dans les critures pour appuyer lepoint de vue tout fait oppos. Dans les Upanishads, dansles Vdas, je suis sr que Ton peut trouver tout fait loppos de ce que, daprs vous, les critures enseignent. Je suissr que lon peut y trouver des textes disant que 1on devraitdouter. Donc, ne nous citons pas des critures les uns aux

    autres ; cest comme si on se lanait des briques la tte.Ainsi que je lai dit, vos actions sont bases sur descroyances, sur des idals, que vous avez hrits ou acquis.Ils nont pas de ralit? Aucune croyance nest jamais uneralit vivante. Pour lhomme vraiment vivant les croyancesne sont pas ncessaires.

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    Puisque lesprit est rendu infirme par de nombreuses

    croyances, par de nombreux principes, par de nombreusestraditions, par des fausses valeurs et des illusions, vous devezcommencer les mettre en question, douter d eux. Vousntes pas des enfants. Vous ne pouvez pas accepter tout cequi vous est offert ou tout ce qui vous est impos. Vous devezcommencer mettre en doute les fondements mme de i autorit, car cest cela le commencement de la vraie vie; vousdevez douter de faon dcouvrir par vous-mmes la vraiesignification des valeurs traditionnelles; ce doute, engendr

    par un conflit intense, pourra seul librer votre esprit et vousdonner lextase de la libert, une extase libre des illusions.Donc, la premire chose faire cest de douter, et non

    pas de chrir ses croyances. Mais cest la joie des exploiteursde vous inciter ne pas douter, de considrer le doute commeune entrave. Pourquoi craindriez-vous le doute? Si vous tessatisfaits des choses telles quelles sont, continuez vivre telsque vous tes. Dites que vous tes satisfaits par vos cultes.Vous pouvez avoir rejet les vieilles crmonies et acceptles nouvelles, mais les unes et les autres sequivalent en finde compte.

    Si vous en tes satisfaits, ce que je dirai ne vousdrangera pas dans votre tranquillit stagnante, mais nousne sommes pas ici pour tre enchans, pour tre entravs.Nous sommes ici pour vivre intelligemment, et si vous dsirezvivre de la sorte, la premire chose quil vous faut faire cestdouter.

    Mais notre soi-disant ducation dtruit brutalement notreintelligence cratrice. Lducation religieuse qui, dune faonautoritaire, dresse devant vous l'ide de la peur sous desformes varies, vous empche de tout mettre en question, dedouter. Vous pouvez avoir rejet la vieille religion de Myla-pore, mais vous avez embrass une nouvelle religion qui abeaucoup de ne faites pas et de faites . La socit,.

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    grce la force de lopinion publique qui est toute puissante,

    vous empche aussi de douter, et vous dites que si vous vousdressiez contre cette opinion publique, elle vous craserait.Ainsi, de toute part, le doute est dcourag, dtruit, cart.Et pourtant vous ne pouvez trouver la vrit que lorsque vouscommencez mettre en question les valeurs dont la socitet la religion, anciennes et modernes, vous ont entour. Donc,ne comparez pas ce que je dis avec ce qui est dit dans lesEcritures; avec ce systme nous ne comprendrons jamais. Lacomparaison ne conduit pas la comprhension. Ce nest que

    lorsque nous prenons une ide en elle-mme et que nouslexaminons profondment (non par comparaison ni par rapport quelque chose, mais avec lintention de dcouvrir savaleur intrinsque) que nous comprendrons.

    Prenons un exemple. Vous savez que la coutume ici estde se marier trs jeune, et cette coutume est devenuepresque sacre. Or, ne devez-vous pas mettre en doute cettecoutume? Vous mettrez en question cette habitude traditionnelle si vous aimez rellement vos enfants. Mais lopinion

    publique est si fortement en faveur de ces mariages trs jeunesque vous nosez pas vous dresser contre elle et quainsi vousnenqutez jamais honntement dans cette superstition.

    Et encore, vous avez cart certaines crmonies religieuseset vous en avez accept dautres. Mais pourquoi avez-vousabandonn les anciennes crmonies? Vous avez renonc elles parce quelles ne vous satisfaisaient pas. Et vous avezadopt de nouvelles crmonies parce quelles sont plus promettantes, plus incitantes, parce quelles vous offrent de plus

    grandes esprances. Vous ne vous tes jamais dit : Je menvais dcouvrir la valeur intrinsque de toutes les crmonies,quelles soient hindoues, chrtiennes ou de toute autre confession . Pour dcouvrir leur valeur intrinsque, il vous fautmettre de ct tous les espoirs et toutes les incitations quellesvous offrent, et examiner toute la question avec un esprit cri

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    tique. Cette attitude dacceptation ne peut plus exister. Mais

    vous acceptez, lorsque vous dsirez un bnfice, lorsque vouscherchez un confort, un abri, une scurit, et dans cetterecherche de la scurit et du confort vous faites du douteune entrave, une illusion qui doit tre bannie et dtruite.

    Une personne qui voudrait vivre avec vrit et comprendrela vie pleinement doit connatre le doute. Ne dites pas :(( Y aura-t-il jamais une fin au doute? Le doute existeratant que vous souffrirez et tant que vous naurez pas dcouvert les vraies valeurs. Pour comprendre les vraies valeurs,

    vous devez commencer douter, avoir lesprit critique en cequi concerne les traditions et les autorits dans lesquelles votreesprit a t faonn. Mais ceci ne veut pas dire que votreattitude doive tre une attitude dopposition inintelligente.Pour moi le doute est un baume prcieux. Il gurit les blessures de celui qui souffre. Il a une influence bnfique. Lacomprhension ne vient que lorsquon doute, non dans un butdacquisition ou de substitution nouvelles, mais pour comprendre. Lorsquexiste ce dsir de gain, il y a acceptation

    dune autorit, que cette autorit soit dune personne, ou decinq personnes, ou dun million. Une telle autorit encouragelacceptation et dclare que le doute est une entrave. Parceque vous cherchez continuellement le confort et la scurit,vous trouvez des exploiteurs qui vous disent que le doute estune entrave, une chose qui doit tre bannie.

    QUESTION. Vous dites que l'on ne peut pas la foistravailler pour le nationalisme et pour la fraternit, Voulez-vous dire que : 10 nous, qui sommes les sujets d'une nationet qui croyons fermement la fraternit, devrions cesser de lutter pour nous gouverner nousmmes, ou bien que : 2 tantque nous essayons de nous librer du joug tranger nouadevrions cesser de travailler pour la fraternit?

    KRISHNAMURTI. N envisageons pas la question du

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    r

    point de vue dune nation sujette ou dune nation qui exploite.

    Lorsque nous disons que nous sommes une nation sujette, nouscrons lexploiteur. N envisageons pas la question de cettefaon-l pour le moment. Pour moi, la solution dun problmeimmdiat nest pas le point qui moccupe, car si nous comprenons pleinement la raison ultime pour laquelle nous travaillons, dans le fait de travailler pour ce but nous rsolvons leproblme immdiat sans grande difficult.

    Je vous prie de suivre ce que je vais dire; cela peut trenouveau pour vous, mais ce nest pas une raison pour le

    rejeter. Je sais que la plupart dentre vous tes des nationalistes et quen mme temps vous tes senss tre partisans dela fraternit. Je sais que vous essayez la fois de soutenirlesprit de nationalisme et lesprit de fraternit. Mais je vousprie de mettre de ct, pour le moment, cette attitude nationaliste et denvisager la question dun autre point de vue.

    La solution ultime du problme du travail et de la misreest une unit mondiale, humaine. Vous dites quil y a desmillions de personnes qui souffrent et qui meurent de faim aux

    Indes, et que si vous pouvez vous dbarrasser des Anglais,vous trouverez le moyen de satisfaire ceux qui meurent defaim. Mais je dis : nabordez pas le problme de ce point devue-l. Ne considrez pas les souffrances immdiates desIndes, mais considrez toute la question des millions de personnes qui meurent de faim dans le monde entier. Des millions de Chinois meurent par manque de nourriture. Pourquoine pensez-vous pas ceux-l?

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    et non pas la raison pour laquelle un groupement particulierdhommes ne raange pas sa faim.

    Quest-ce qui cause la misre? Un manque dorganisationmthodique pour lhum anit entire. N est-ce pas ainsi? Il y apourtant assez de nourriture. Et il y a des mthodes excellentes qui pourraient tre employes pour la distribution dela nourriture et des vtements, et pour le travail des hommes.Il y a assez dobjets de toutes sortes. Et alors, quest-ce quinous empche de faire un emploi intelligent de ces objets?Les distinctions de classes, les distinctions nationales, les distinctions religieuses et sectaires, toutes ces distinctions empchent une coopration intelligente. Dans son cur, chacun devous lutte en vue dun bnfice ; chacun est gouvern par soninstinct possessif. Voil pourquoi vous accumulez frocement,vous confrez des possessions vos familles, et ceci est devenuune ruine pour le monde.

    Tant que cet esprit existe, aucun systme intelligent nefonctionnera de faon satisfaisante, parce quil ny aura pasassez de personnes intelligentes pour lemployer avec sagesse.Lorsque vous parlez de nationalisme, vous voulez dire : Mon pays, ma famille, et moi-mme dabord . Au moyendu nationalisme, vous ne pourrez jamais parvenir une unithumaine, une unit mondiale. Labsurdit et la cruaut dunationalisme ne font aucun doute, mais les exploiteurs utilisentle nationalisme pour leur propre fin.

    Ceux dentre vous qui parlent de fraternit sont en gnralnationalistes dans leur cur. Mais que veut dire la fraterniten tant quide ou ralit? Comment pouvez-vous avoir rellement le sentiment damour fraternel dans vos curs lorsquevous possdez une certaine srie de croyances dogmatiques,lorsque vous avez des distinctions religieuses? Et cest celace que vous faites dans vos diffrentes socits, dans vos diffrents groupes. Pensez-vous agir en accord avec lesprit de fraternit lorsquexistent ces distinctions? Comment pouvez-vous

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    connatre cet esprit lorsque votre esprit appartient une classe

    particulire? Comment peut-il5exister lunit ou la fraternitlorsque vous ne pensez quen termes de votre famille, devotre nationalit, de votre Dieu?

    Tant que vous essayez de ne rsoudre simplement que leproblme immdiat (ici le problme de la misre aux Indes),vous tes assaillis par des difficults insurmontables. Il ny aaucune mthode, aucun systme, aucune rvolution qui puissent changer cette condition tout de suite. Vous dbarrasserimmdiatement de lAnglais, ou substituer une bureaucratie

    brune une bureaucratie blanche, ne nourrira pas les millionsde meurt-de-faim aux Indes. La misre existera tant quexis-tera exploitation. Et vous tes individuellement impliqusdans cette exploitation cause du dsir que vous avezdexercer un pouvoir et dobtenir une scurit individuelle,spirituelle aussi bien que physique, ce qui cre des distinctions.Je dis que tant que lesprit dexploitation existera, il y auratoujours des gens qui mourront de faim.

    Ou, ce qui peut arriver, est encore ceci : vous pouvez tre

    impitoyablement conduits accepter une nouvelle srie dides, adopter un nouvel ordre social, que vous iaimiez ou non.Actuellement, on a lhabitude (et elle est reconnue lgitime)dexploiter, de possder et daccrotre ses possessions, daccumuler, de ramasser, demmagasiner, dhriter. Plus vous possdez, plus est grand votre pouvoir dexploiter. En reconnaissance de vos possessions, de votre pouvoir, le gouvernementvous honore en vous confrant des titres et des monopoles ; onvous appelle Sir , vous devenez un K.C.S.I., RaoBahadur. Voil ce qui vous arrive dans votre existence matrielle, et dans votre soi-disant vie spirituelle les mmes conditions existent exactement. Vous tes en train dacqurir deshonneurs spirituels, des titres spirituels, vous entrez dans ladistinction spirituelle des disciples, des matres, des gourous.Il y a la mme lutte pour le pouvoir, le mme sens possessif,

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    ia mme pouvantable cruaut dexploitation par les systmes

    religieux et par leurs exploiteurs, les prtres. Et lon penseque ceci est spirituel, moral. Vous,tes esclaves de ce systmequi existe prsent.

    Maintenant, un nouveau systme surgit, quon appellecommunisme. Ce systme surgit invitablement parce que ceuxqui possdent sont si inhumains, si froces dans leur exploitation, que ceux qui en sentent la cruaut et la laideur doiventtrouver un moyen de rsistance. Alors ils commencent sveiller, se rvolter, et ils vous entraneront dans leur sys

    tme de pense parce que vous tes inhumains. (Rires.)Non, ne riez pas. Vous ne vous rendez pas compte deleffroyable cruaut qui est engendre par vos mesquins systmes de possession. Un nouveau systme vient, et que vouslaimiez ou non, vous serez dpossds; vous serez entranscomme des moutons vers la non-possession, de mme que voustes entrans maintenant vers la possession. Dans ce systme,les honneurs sont confrs ceux qui ne sont pas possessifs.Vous serez esclaves de ce nouveau systme comme vous tes

    esclaves de lancien. Lun vous force possder, lautre vousforce ne pas possder. Peut-tre que le nouveau systmesera un bien pour les multitudes, pour les masses; mais sivous tes forcs individuellement de laccepter, il dtruira lapense cratrice. Alors je dis : agissez avec volont, aveccomprhension. Soyez libres du sens possessif aussi bien quede son contraire, la non-possession.

    Mais vous avez perdu tout sens de vraie perception. Cestpour cela que vous tes en train de lutter pour le nationalisme,et pourtant vous ne vous occupez pas des nombreuses implications du nationalisme. Lorsque vous vous occupez de vosdistinctions de classes, lorsque vous vous battez pour garderce que vous possdez, vous tes en ralit exploits individuellement et collectivement, et cette exploitation aboutira invitablement la guerre. Ceci nest-il pas vident en Europe,

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    actuellement, dune faon clatante? Chaque nation continue

    accumuler des armements, et pourtant parle de paix etassiste aux confrences de .dsarmement. (Rires.)Vous faites exactement la mme chose d'une autre manire.

    Vous parlez de fraternit et pourtant vous tenez vos distinctions de castes, des prjugs religieux vous divisent, lesclasses sociales sont devenues des barrires cruelles. Par voscroyances, vos idals, vos prjugs, lunit de lhomme setrouve brise. Comment pouvez-vous parler de fraternitlorsque vous ne lapprouvez pas dans vos curs, lorsque vos

    actions sont opposes lunit de lhomme, lorsque vous poursuivez sans cesse votre expansion individuelle, votre propreglorification? Si vous ne poursuiviez pas vos propres butsgostes, voulez-vous dire que vous appartiendriez des organisations qui vous promettent-des rcompenses spirituelles ettemporelles? Voil ce que ont vos religions, vos groupesslectifs, vos gouvernements, et vous y appartenez pour votrepropre expansion individuelle, pour votre propre glorification.

    Si vous devenez rellement intelligents au sujet de toute

    cette question du nationalisme, si vous lui accordez une vraierflexion et si vous agissez avec vrit en ce qui la concerne,vous pouvez crer une unit mondiale qui sera la seule solution relle au problme immdiat de la misre. Mais il estdifficile pour vous de penser de cette faon-l, parce que vousavez t entrans pendant des annes penser lintrieur dusillon nationaliste. Vos histoires, vos journaux, vos priodiques exaltent le nationalisme. Vous tes duqus par vosexploiteurs politiques de faon ne pas couter ceux qui vous

    disent que le nationalisme est une maladie, ceux qui vousdisent que ce nest pas le moyen darriver une unit mondiale. Mais vous ne devez pas sparer le moyen de la fin;la fin est directement rattache au moyen, elle nen est pasdistincte. La fin est lunit mondiale, un pian organis pourla totalit, bien que ceci nimplique pas l galisation de lindi

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    vidualit. Pourtant, une galisation mcanique et prive devie se produira forcment si vous nagissez pas avec volontet intelligence.

    Je me demande combien dentre vous sentent lurgence etla ncessit de ces choses? Le but est lunit humaine dontvous parlez tellement; mais vous ne faites que parler sansvolont et sans action intelligente; vous ne sentez pas et vosactions sont la ngation de vos paroles. Le but est lunithumaine, un plan organis pour lhomme dans son ensemble,et non le conditionnement de lhomme. Le but nest pas deforcer lhomme penser dans une direction particulire, maisde laider tre intelligent, de sorte quil puisse vivre pleinement et dune faon cratrice. Mais il faut avoir un planorganis pour le bien-tre de lhomme, et ceci ne peut treamen que lorsque le nationalisme et les distinctions declasses, avec leur exploitation, nexisteront plus.

    Messieurs, combien dentre vous sentent la ncessit dunetelle action? Je me rends bien compte de votre attitude :(( Des millions meurent de faim aux Indes , dites-vous, nest-il pas important de sattaquer ce problme immdiatement? Mais que faites-vous, mme en ce qui concernececi? Vous parlez de faire quelque chose, mais ce que vousfaites, en ralit, cest discuter au sujet de la faon dontvos plans devraient tre organiss, au sujet du systme quidevrait tre adopt et de la personne qui devrait en trele chef. Cest cela qui est dans vos curs. Vous ntes pasrellement intresss par les millions qui meurent de faim travers le monde. Cest pour cela que vous parlez de nationalisme. Si vous affrontiez le problme dans sa totalit,si vous prouviez rellement des sentiments pour lensemblede lhumanit, vous verriez limmense ncessit dune actionhumaine complte, qui ne pourra avoir lieu que lorsque vouscesserez de parler en termes de nationalisme, de classes,de religion.

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    Q u e s t i o n . Etesvous toujours dispos nier catgo-

    riquement que vous tes le produit authentique de la culture thosophique ?

    K r i s h n a m u r t i . Q u entendez-vous par culture thosophique? Vous voyez comment cette question est rattache la question prcdente au sujet du nationalisme. Vousde m andez :

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    est meilleur que tous les autres chemins. Mais je dis quil

    ny a pas de chemin vers la vrit. Ce nest que lorsquon estlibre de cette ide des sentiers, qui ne sont que des illusionsde nos tempraments, que lon commence penser intelligemment et dune faon cratrice.

    Je nattaque pas votre socit. Vous avez t assezaimables pour minviter parler, et je nabuserai pas de votreamabilit. Votre socit est comme des milliers dautressocits travers le monde, chacun tenant ses proprescroyances, chacun pensant: notre chemin est le meilleur,

    notre croyance est bonne et les autres croyances sont fausses. Dans les temps anciens, des gens, dont les croyances diffraient de lorthodoxie accepte, taient brls ou torturs.Aujourdhui, nous sommes devenus tolrants, cest--dire quenous sommes intellectualiss. La tolrance nest en sommepas autre chose.

    Vous me posez cette question parce que vous voulez vousconvaincre vous-mmes que votre culture, que votre croyance,est la meilleure ; vous voulez amener dautres cette croyance,

    cette culture. Aujourdhui, lAllemagne pense quelle seraun pays compos uniquement de personnes nordiques, quellenaura quune seule culture. Vous dites exactement la mmechose, mais dune faon diffrente. Vous dites : Noscroyances rsoudront les problmes du monde . Et cest celace que disent les Bouddhistes et les Musulmans; cest celace que les Catholiques et dautres disent: Nos croyancessont les meilleures; notre institution est la plus prcieuse .Chaque secte et chaque groupe croit sa propre supriorit,et de telles croyances surgissent des schismes, des querelleset des guerres religieuses au sujet de choses qui ne valentpas un sou.

    Pour Jhomme qui vit pleinement, compltement, pourlhomme qui est vraiment cultiv, les croyances ne sont pasncessaires, il est crateur, il est vritablement crateur, et

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    cette facult cratrice nest pas le rsultat dune raction

    une croyance. Lhomme vraiment cultiv est intelligent. Enlui il ny a pas de sparation entre la pense et lmotion,et, par consquent, ses actions sont compltes et harmonieuses.La vraie culture nest pas nationale ni appartient-elle ungroupe quelconque. Lorsque vous comprendrez ceci, il yaura le vritable esprit de fraternit : vous ne penserez plusen termes de catholicisme ou de protestantisme, en termesdhindouisme ou de thosophie. Mais vous tes si conscientsde votre possession et de votre but en vue dacquisitions

    futures, que vous crez des distinctions, et de ceci surgissentlexploiteur et lexploit.Certains dentre vous, je le sais, ont ferm leur esprit

    ce que je dis et ce que je dirai. Ceci est vident daprsvos visages.

    (De l a u d i t o i r e ) . N ous vous mettons en doute, c'esttout.

    KjRISHNAMURTI. Il est parfaitement lgitime pour vousde douter de moi. Je suis heureux si vous doutez. M ais vous ne doutez pas. Si vous doutiez rellement, comment pourriez-vous me poser une question comme celle-ci au sujet de savoirsi je suis ou non le rsultat d une culture thosophique ? L apense ne peut pas tre conditionne, mise dans des formes,et pourtant je sais que cest cela qui se produit; mais pour

    tant, vous ne pouvez srement pas accepter les choses tellesqu elles sont. Vous nacceptez que lorsque vous tes satisfaits. Vous nacceptez pas lorsque vous souffrez. Lorsquevous souffrez, vous commencez mettre en doute. Alors pourquoi ne devrez-vous pas douter? Ne vous ai-je pas invits,ds le dbut, examiner, mettre en question tout ce que

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    je dirai, de faon que vous deveniez intelligents, affectueux,

    humains? Etes-vous parvenus cette comprhension intelligente de la vie? Je vous demande de mettre en questionet de douter non seulement ce que je dis, mais aussi les valeurspasses et celles dans lesquelles vous tes retenus en cemoment.

    Le doute engendre une comprhension durable; le doutenest pas une fin en soi. Ce qui est vrai nest rvl que grceau doute, grce la mise en question des nombreuses illusions, des valeurs traditionnelles, des idals. Est-ce cela ce

    que vous faites? Si vous savez que cest cela que vous faitessincrement, vous saurez aussi la signification durable dubut. Vos esprits et vos curs se librent-ils du sens de lapossession? Si vous tes rellement veills la sagesse dudoute, votre instinct dacquisition devrait tre compltementdtruit, car cet instinct est la cause de beaucoup de misre.En cela il ny a pas damour, mais seulement le chaos, desconflits, de la douleur. Si vous doutez vraiment, vous percevrez lerreur de linstinct de possession.

    Si vous tes critiques, si vous mettez tout en question, pourquoi vous accrochez-vous vos crmonies? Ne comparezpas une crmonie avec une autre dans le but de dciderlaquelle est la meilleure, mais tchez de savoir si les crmonies ont une valeur, quelles quelles soient. Si vous dites : Les crmonies que jaccomplis sont trs satisfaisantes pourmoi , je nai plus rien dire. Votre affirmation montresimplement que vous ne connaissez pas le doute. La seulechose qui vous intresse, cest votre satisfaction. Les crmonies maintiennent les gens spars les uns des autres, etchaque croyant dit : (( Mes crmonies sont les meilleures,elles ont plus de pouvoir spirituel que les autres . Cestcela ce que soutiennent les membres de chaque religion, dechaque secte religieuse et de chaque socit, et au sujet de

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    ces distinctions artificielles, il y a eu des querelles pendant

    des gnrations. Ces crmonies, ainsi que dautres barriresaussi irrflchies, ont spar lhomme de lhomme.Puis-je dire encore une chose? Si vous doutez, cest--dire

    si vous dsirez intensment trouver, vous devez abandonnerces choses que vous tenez si chrement. Il ne peut y avoir devraie comprhension lorsquon garde ce que lon a. Vous nepouvez pas dire : Je continuerai avoir tels prjugs,telles croyances, telles crmonies, et en mme temps jexaminerai ce que vous dites . Comment pouvez-vous le faire?

    Une telle attitude nest pas une attitude de doute, ce nestpas une attitude de critique intelligente. Elle montre que vousntes qu la recherche dune substitution.

    Jessaye de vous aider comprendre rellement la plnitude de la vie. Je ne vous demande pas de me suivre. Si voustes satisfaits avec votre vie telle quelle est, continuez-la.Mais si vous ntes pas satisfaits, essayez ce que je dis.N acceptez pas, mais commencez tre intelligemment critiques. Pour vivre totalement, vous devez tres libres des per

    versions, des illusions dans lesquelles vous tes retenus. Pourdcouvrir la signification durable des crmonies, vous devezles examiner dune faon critique, objectivement, et pourle faire vous ne devez pas tre exalts par elles, emptrs parelles. Srement ceci est vident. Examinez la fois lexerciceet le non-exercice des cultes. Doutez, mettez en question,rflchissez-y profondment. Lorsque vous commencez vousdessaisir du pass, vous crez un conflit en vous-mmes, et dece conflit doit surgir laction engendre par la comprhension.

    Maintenant vous avez peur de lcher pris, parce que cetteaction de vous dessaisir engendrera un conflit; de cet actepeut rsulter la dcision que les crmonies ne sont daucunprofit, ce qui irait contre votre famille, vos amis et vosassertions passes. Il y a de la peur derrire tout cela, etalors vous ne faites que douter intellectuellement. Vous tes

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    comme lhomme qui tient toutes ses possessions, ses ides, ses croyances, sa famille, et qui pourtant parle de non-possession, sa pense na rien de commun avec son action.Sa vie est hypocrite.

    Ne croyez pas, je vous prie, que je parle durement. Je nele fais pas, mais je ne veux pas non plus tre sentimental oumotionnel dans le but de vous pousser agir. En fait, je nemoccupe pas de vous soulever laction ; vous vous veillerezvous-mmes laction lorsque vous comprendrez. Ce qui mintresse, cest de montrer ce qui se passe dans le monde. Jeveux vous veiller la conscience de la cruaut et deleffroyable oppression, de lexploitation qui vous accompagne. La religion, la politique, la socit vous exploitent,et vous tes conditionns par elles, vous tes forcs dans unedirection particulire, vous ntes pas des tres humains, vousntes que des rouages dans une machine. Vous souffrezpatiemment, en vous soumettant aux cruauts du milieu, alorsque vous avez individuellement la possibilit de les changer.

    Messieurs, il est temps dagir. Mais laction ne peut pasavoir lieu au moyen de simples raisonnements et de discussions. Laction ne peut avoir lieu que lorsque vous sentezintensment. Laction vritable ne peut avoir lieu que lorsquevos penses et vos sentiments sont harmonieusement accoupls.Mais vous avez spar vos sentiments de vos penses, parceque leur harmonie doit ncessairement engendrer une actionqui crera un conflit que vous ne voulez pas affronter. Mais

    je dis : librez-vous des fausses valeurs de la socit et destraditions; vivez compltement, individuellement. Par cela,je ne veux pas dire d une faon individualiste. Lorsque jeparle dindividualit, jentends par l la comprhension desvraies valeurs qui vous librent de la machine sociale et religieuse qui vous dtruit. Pour tre vraiment individuelle,laction doit tre engendre par lintelligence cratrice, sansaucune crainte ; elle ne doit pas tre prisonnire de 1illusion.

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    Vous pouvez faire cela. Vous pouvez vivre compltement,

    non seulement vous, mais les gens autour de vous, lorsquevous devenez intelligemment crateurs. Mais, maintenant, voustes l pour acqurir des bnfices et du pouvoir. Vous tesmens par des incitations, par des croyances, par des succdans. En cela il ny a pas de bonheur, en cela il ny a pasd intelligence cratrice, en cela il ny a pas de vrit.

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    TRO ISIM E CAU SERIE

    31 dcembre 1933.

    Si une personne peut trouver une garantie absolue de scurit, cette personne na plus peur de rien. Si I on pouvait trecertain de quoi que ce soit, la peur cesserait compltement, lapeur du prsent aussi bien que du futur. Par consquent,consciemment ou inconsciemment, nous cherchons toujours lascurit qui, la longue, devient notre unique possession. Ilexiste une scurit que, dans ltat prsent de la civilisation,un homme peut amasser au moyen de son habilet, de sa ruse,au moyen de lexploitation. Physiquement, il peut ainsi semettre labri, tandis qumotionnellement il demande lascurit au soi-disant amour, qui est dans sa plus grandepartie de la possession; il sadresse aux distinctions gosteset motionnelles des amis et de la nationalit. Aprs cela, ily a la constante recherche dune scurit mentale dans desides, dans des croyances, dans la poursuite de la vertu, dansdes systmes, dans des certitudes, et dans la soi-disant connaissance.

    Ainsi, nous creusons constamment des tranches autour denous; au moyen du sens possessif, nous construisons autourde nous des scurits, des rconforts, et nous essayons de noussentir rassurs, saufs et certains. Cest cela que nous faisonsconstamment. Mais, bien que nous nous retranchions derrireles scurits de la connaissance, de la vertu, de lamour, dela possession, bien que nous construisions de nombreuses certitudes, nous ne faisons que construire sur le sable, car lesvagues de la vie dferlent constamment sur nos fondationset mettent jour les structures que nous avons si soigneuse

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    ment et si insidieusement construites. Les expriences arrivent

    l une aprs lautre, qui dtruisent toute connaissance prcdente, toute certitude prcdente; et toutes nos scurits sontbalayes, parpilles comme du sable au vent.

    Donc, bien que nous puissions penser tre iabri, nousvivons dans la peur continuelle de la mort, dans la peur duchangement et des pertes, dans la peur de la rvolution, dansla peur de Fincertitude qui nous ronge. Nous sommes constamment conscients du caractre transitoire de la pense,nous avons construit des murs innombrables derrire lesquels

    nous cherchons la scurit et le confort, mais la peur rongeencore nos curs et nos esprits. Alors, nous sommes continuellement la recherche de substitutions et ces substitutionsdeviennent notre but, notre fin. Nous disons: telle croyancesest rvle tre sans valeur, alors je vais me tourner versune autre srie de croyances, vers une autre srie d ides,vers une autre philosophie . Notre doute ne fait quaboutir une substitution et non la mise en question de la croyanceelle-mme. Ce nest pas le doute qui dirige notre enqute,

    mais le dsir de scurit. Votre soi-disant recherche de lavrit devient simplement une recherche de scurit plus permanente, et vous acceptez pour instructeur, pour guide, toutepersonne qui offre de vous donner une scurit absolue, lacertitude, le confort.

    Voil comment il en est de la plupart des personnes. Nousvoulons et nous cherchons; nous essayons danalyser les succdans que lon nous propose afin de prendre la place desscurits que nous connaissons dj et qui sont tenacement

    dvores et corrodes par lexprience de la vie. Mais on nepeut se dbarrasser de la peur par une substitution, en mettantde ct une srie de croyances et en la remplaant par uneautre. Ce nest que lorsque nous dcouvrons la vraie valeurdes croyances que nous possdons, la relle signification denos instincts possessifs, de notre connaissance, des scurits

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    que nous avons riges, que dans cette comprhension nous

    pouvons faire cesser la peur. La comprhension ne vient pasde la recherche de succdans, mais de la mise en doute, dansle fait dentrer rellement en conflit avec les traditions; de lamise en question des ides tablies de la socit, de la religion, de la politique. Aprs tout, la cause de la peur estlgo et la conscience de cet go, qui est cre par le manquede comprhension. A cause de ce manque de comprhensionnous recherchons des scurits et nous renforons par l cetteconscience limite du moi.

    Or, tant quexiste lgo, tant quil y a la conscience du mien , il doit y avoir de la peur; et cet go existera tantque nous dsirerons des succdans, tant que nous ne comprendrons pas les objets autour de nous, les choses que nousavons tablies, les monuments mmes de la tradition, les habi-

    ' tudes, les ides, les croyances dans lesquelles nous nousabritons. Et nous ne pouvons comprendre ces traditions etces croyances, nous ne pouvons dcouvrir leur vraie signification que lorsque nous entrons en conflit avec elles. Nous

    ne pouvons pas les comprendre thoriquement, intellectuellement, mais seulement dans la plnitude de la pense et delmotion qui est action.

    Pour moi, lgo reprsente le manque de perception quicre le temps. Lorsque vous comprenez un fait compltement, lorsque vous comprenez les expriences de la vie totalement et sans rserves, le temps cesse. Mais vous ne pouvezpas comprendre compltement lexprience si vous tes constamment la recherche de certitude et de confort, si votre

    esprit est retranch dans la scurit. Pour comprendre uneexprience dans toute sa signification, vous devez douter, vousdevez mettre en question les scurits, les traditions, les coutumes que vous avez riges, car elles empchent la plnitudede la comprhension. De cette mise en question de ce conflit,si ce conflit est rel, se lve la comprhension; et dans cette

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    comprhension, la conscience du moi, la conscience limite

    disparat.Il vous faut savoir ce que cest que vous cherchez, si c estla scurit ou la comprhension. Si vous cherchez la scurit,vous la trouverez dans la philosophie, dans la religion, dansles traditions, dans lautorit. Mais, si vous dsirez comprendre la vie dans laquelle il ny a ni scurit ni confort,l il y aura une libert durable. Et vous pouvez savoir ceque cest que vous cherchez uniquement en tant conscientdans vos actions; vous ne pouvez pas dcouvrir cela unique

    ment en mettant laction en doute. Lorsque vous mettez enquestion laction et que vous lanalysez, vous mettez une fin laction. Mais si vous tes conscients, si vous tes intensesdans votre action, si vous lui accordez la totalit de votreespit et de votre cur, cette action vous rvlera si votreintention est de chercher le confort et la scurit ou, au contraire, cette infinie comprhension qui est le mouvement ternel de la vie.

    QUESTION. Dans son autobiographie, M "" Besant acrit quelle est entre dans la paix aprs la tempte, pourla premire fois dans sa vie, aprs avoir rencontr son grand

    M atre. A partir de ce momentl, sa vie magnifique eut pourstimulant sa dvotion fidle et constante son Matre, expri-me par la joie de le servir. Vousmme, dans vos paroles

    potiques, avez dclar votre joie inexprimable dans l'unionavec le bienaim, et dans le fait de Voir son visage partouto vous regardiez. Estce que l'influence d'un Matre, telle

    quelle apparat avec vidence dans la vie illustre de M *B e -sant ainsi que dans la vtre, naura pas une signification qui-valente pour d'autres existences?

    K r isHNAMURTI. Vous me demandez, en dautrestermes, si les Matres sont ncessaires, si je crois aux Matres, si leur influence est bnfique, et sils existent. Voil

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    toute la question, nest-ce pas ? Trs bien, Messieurs ! Si vouscroyez ou non aux Matres (et quelques-uns dentre vous ycroient certainement), je vous prie de ne pas fermer vosesprits ce que je vais dire. Soyez ouverts, critiques. Examinons la question avec comprhension, plutt que de discutersi vous ou moi croyons aux Matres.

    Tout dabord, pour comprendre la vrit, il vous faut trecapable de marcher seul, compltement et totalement seul.Aucun Matre, aucun instructeur, aucun gourou, aucun systme, aucune discipline intrieure ne soulvera jamais pourvous le voile qui vous cache la sagesse. La sagesse est lacomprhension des valeurs durables et le fait de vivre cesvaleurs. Personne ne peut vous conduire la sagesse! Ceciest vident, riest-ce pas? Nous navons mme pas besoin dediscuter cela. Personne ne peut vous forcer, aucun systmene peut vous inciter vous librer de ! instinct de possession,

    jusqu ce que vous compreniez volontairement par vous-mme; et dans cette comprhension est la sagesse. AucunMatre, aucun gourou, aucun instructeur, aucun systme nepeut vous forcer cette comprhension. Ce nest que la souffrance que vous prouvez vous-mme qui peut vous montrerlabsurdit de la possession do surgissent les conflits; et decette souffrance surgit lentendement. Mais lorsque vouscherchez une vasion cette souffrance, lorsque vous cherchez un abri, un rconfort, alors il vous faut avoir des matres, il vous faut des philosophies et des croyances ; alors vousvous tournez vers des refuges de scurit tels que la religion.

    Cest avec cette comprhension que je rpondrai votrequestion. Oublions pour le moment ce que M mo Besan t adit et ce quelle a fait, ou ce que jai dit et fait. Laissonscela de ct. N amenez pas M mo Besant dans la discussion;si vous le faites, vous ragirez motionnellement, ceux dentre vous qui sont en sympathie avec ses ides, et ceux dentrevous qui ne le sont pas. Vous direz qu elle m a lev, que je

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    suis dloyal, et tels mots que vous employez pour exprimer

    votre dsapprobation. Mettons tout cela de ct pour lemoment et examinons la question tout fait simplement etdirectement.

    Tout dabord, vous voulez savoir si les Matres existent.Je dis que sils existent ou non, cela a trs peu dimportance.Ne croyez pas, je vous prie, que jattaque vos croyances. Jenoublie pas que je parle des membres de la Socit Tho-sophique et que je suis ici votre hte. V ous m avez posune question et jy rponds simplement. Mais, voyons pour

    quoi vous voulez savoir si les Matres existent ou non.(c Parce que, dites-vous vous-mmes, les Matres peuventnous guider travers la confusion, comme le phare dun portguide le navigateur. Mais, le fait mme de dire celaimplique que vous cherchez un havre de scurit, que vousavez peur de la pleine mer de la vie.

    Ou encore, il se peut que vous posiez cette question parceque vous voulez renforcer votre croyance ; vous vouleztoffer, corroborer votre croyance. Messieurs, un objet qui

    est un jouet, bien quil puisse tre embelli par la confirmationde milliers de personnes, demeure un jouet. Vous me dites: Nos instructeurs nous ont donn la foi, mais maintenantvous venez pour jeter le doute sur cette foi. Donc, nous voulons savoir si les Matres existent ou non. Renforcez, silvous plat, notre croyance en eux; dites-nous si vous avezt vous-mme guid par eux ou non .

    Si vous dsirez simplement tre renforcs dans votre foi,je ne peux pas rpondre vo tre question, parce que je ne

    considre pas la foi. La foi nest que de l'autorit, de l'aveuglement, de lespoir, du dsir; elle est un moyen dexploitation, que ce soit dans lglise catholique ou dans nimportequelle autre religion. Elle est un moyen de forcer l'homme laction, laction juste ou injuste. Renforcer la foi namnepas la comprhension: mais plutt le fait mme de douter de

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    cette foi et la dcouverte de la signification de cette foi

    engendrent la comprhension. Quelle diifrence cela ferait-ilsi vous pouviez voir les Matres physiquement tous les jours?Vous vous accrocheriez encore vos prjugs, vos traditions, vos habitudes; vous seriez encore les esclaves de voscruauts, de vos croyances bigotes et troites, de votre manquedamour, de votre orgueil national, mais tout cela vous legarderiez secrtement sous clef.

    Ensuite, de la premire question surgit une seconde :

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    Je dis quil nexiste rien dquivalent un abri, un con

    fort Vous ne pouvez crer que des abris artificiels, fabriqusintellectuellement. Parce que vous avez fait cela pendant desgnrations, vous avez perdu votre intelligence cratrice. Vousavez t enchans par lautorit, mutils par des croyances,par de fausses traditions et habitudes. Vos curs sont secs,durs. Voil pourquoi vous tes les soutiens de toutes sortesde systmes cruels de la pense qui conduisent lexploitation. Voil pourquoi vous encouragez le nationalisme, pourquoi vous manquez de fraternit. Vous parlez de fraternit,

    mais vos mots sont privs de sens tant que vos curs sontenchans par les distinctions de classes. Vous qui croyez siprofondment en toutes ces ides, quavez-vous, qutes-vous?Des coques vides qui rsonnent de mots, de mots, de mots.Vous avez perdu toute possibilit de sentir la beaut etlamour; vous tes les soutiens de fausses institutions, didesfausses. Ceux dentre vous qui croient aux Matres et quisuivent le systme de ces Matres, leur plan, leur messager,que sont-ils? Dans votre exploitation, votre nationalisme,

    votre faon de maltraiter les femmes et les enfants, dansvotre dsir dacquisition, vous tes exactement aussi cruels quelhomme qui ne croit pas aux Matres, leur plan, leursmessagers. Vous avez simplement institu de nouvelles traditions la place des anciennes, de nouvelles croyances au lieudes anciennes; votre nationalisme est aussi cruel que dans lepass, mais vous avez simplement des arguments plus subtilspour tayer votre cruaut et votre exploitation.

    Tant que lesprit es