ANALYSE CARTOGRAPHIQUE ET STATISTIQUE DE L’IMPACT...

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© (EDUCI) 2019 Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°1, 2019 55 RÉSUME La dégradation du milieu naturel de la région du Moronou va avoir pour conséquence le déclin de l’économie cacaoyère qui a connu un boom dans les années 70. A cette époque la région du Moronou, ancienne capitale de la boucle du cacao (1960-1980) a bénéficié d’importantes infrastructures et équipements. Face au vieillissement et à la dégradation des infrastructures socio-économiques, l’Etat n’a pas pu donner une réponse adéquate à cette situation. Depuis cette époque, il se pose un problème du nombre des équipements et des infrastructures et de leur répartition spatiale dans ladite région. Alors peut-on affirmer de nos jours que ces équipements et infrastructures sont-ils suffisants pour répondre aux besoins de la population? Sont-ils correctement repartis sur l’ensemble de la région ? Il s’agit pour nous, d’analyser de façon cartographique et statistique l’impact social du déclin du binôme café-cacao sur la région du Moronou quant au niveau actuel des équipements et infrastructures. Notre démarche méthodologue a consisté à faire de la recherche documentaire, des enquêtes de terrain et à collecter des données statistiques et cartographiques. La recherche documentaire, l’observation directe et les entretiens nous ont fournis les données nécessaires pour la réalisation de cette étude. Avec les données obtenues sur les équipements et infrastructures sanitaires, scolaires, électricité, adduction en eau potable, nous avons procédé à des traitements cartographiques et statistiques. Ces traitements cartographiques nous ont permis de réaliser les différentes cartes des équipements et des infrastructures de la région du Moronou. La plupart des informations obtenues au cours des enquêtes de terrain ont été réparties dans des tableaux statistiques en vue d’exprimer les différentes statistiques des taux de couverture et de répartition spatiale des équipements et des infrastructures dans la région du Moronou. Dans l’ensemble, le nombre d’équipements et infrastructures a évolué malgré la crise économique des années 80. S’il existe une diversité et une disponibilité des équipements et infrastructures indispensables pour le bien-être des populations dans le Moronou, la répartition spatiale des équipements et des infrastructures indique qu’il y a une disparité criarde entre les différents départements de la région. Aussi, les centres urbains concentrent la majeure partie des équipements et infrastructures aux dépens des centres ruraux. Une analyse par sous- préfecture indique aussi une grande disparité entre le chef-lieu de région (Bongouanou) et les autres sous-pré- fectures. Cet état de fait a eu un impact sur la population après le déclin du café et du cacao, car les équipements et les infrastructures sont des éléments déterminants dans la structuration et l’organisation de l’espace. Mots-clés : Moronou (Côte d’Ivoire), Analyse, impact social, déclin, ANALYSE CARTOGRAPHIQUE ET STATISTIQUE DE L’IMPACT SOCIAL DU DÉCLIN DU BINÔME CAFÉ-CACAO SUR LA RÉGION DU MORONOU (CÔTE D’IVOIRE). Salé ANE Doctorant [email protected] Université Nagui Abrogoua / Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody, Jérôme ALOKO-N’GUESSAN Directeur de recherche [email protected] Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody

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RÉSUMELa dégradation du milieu naturel de la région du Moronou va avoir pour conséquence le déclin de l’économie cacaoyère qui a connu

un boom dans les années 70. A cette époque la région du Moronou, ancienne capitale de la boucle du cacao (1960-1980) a bénéficié d’importantes infrastructures et équipements. Face au vieillissement et à la dégradation des infrastructures socio-économiques, l’Etat n’a pas pu donner une réponse adéquate à cette situation. Depuis cette époque, il se pose un problème du nombre des équipements et des infrastructures et de leur répartition spatiale dans ladite région.

Alors peut-on affirmer de nos jours que ces équipements et infrastructures sont-ils suffisants pour répondre aux besoins de la population? Sont-ils correctement repartis sur l’ensemble de la région ? Il s’agit pour nous, d’analyser de façon cartographique et statistique l’impact social du déclin du binôme café-cacao sur la région du Moronou quant au niveau actuel des équipements et infrastructures. Notre démarche méthodologue a consisté à faire de la recherche documentaire, des enquêtes de terrain et à collecter des données statistiques et cartographiques. La recherche documentaire, l’observation directe et les entretiens nous ont fournis les données nécessaires pour la réalisation de cette étude. Avec les données obtenues sur les équipements et infrastructures sanitaires, scolaires, électricité, adduction en eau potable, nous avons procédé à des traitements cartographiques et statistiques.

Ces traitements cartographiques nous ont permis de réaliser les différentes cartes des équipements et des infrastructures de la région du Moronou. La plupart des informations obtenues au cours des enquêtes de terrain ont été réparties dans des tableaux statistiques en vue d’exprimer les différentes statistiques des taux de couverture et de répartition spatiale des équipements et des infrastructures dans la région du Moronou.

Dans l’ensemble, le nombre d’équipements et infrastructures a évolué malgré la crise économique des années 80. S’il existe une diversité et une disponibilité des équipements et infrastructures indispensables pour le bien-être des populations dans le Moronou, la répartition spatiale des équipements et des infrastructures indique qu’il y a une disparité criarde entre les différents départements de la région. Aussi, les centres urbains concentrent la majeure partie des équipements et infrastructures aux dépens des centres ruraux. Une analyse par sous- préfecture indique aussi une grande disparité entre le chef-lieu de région (Bongouanou) et les autres sous-pré-fectures. Cet état de fait a eu un impact sur la population après le déclin du café et du cacao, car les équipements et les infrastructures sont des éléments déterminants dans la structuration et l’organisation de l’espace.

Mots-clés : Moronou (Côte d’Ivoire), Analyse, impact social, déclin,

ANALYSE CARTOGRAPHIQUE ET STATISTIQUE DE L’IMPACT SOCIAL DU DÉCLIN DU BINÔME CAFÉ-CACAO SUR LA RÉGION DU MORONOU

(CÔTE D’IVOIRE).

Salé ANE Doctorant

[email protected]

Université Nagui Abrogoua / Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody,

Jérôme ALOKO-N’GUESSAN Directeur de recherche

[email protected]é Félix Houphouët-Boigny de Cocody

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ABSTRACTThe degradation of the natural environment of the Moronou region will result in the decline of the cocoa economy, which boomed

in the 1970s. At that time the Moronou region, the former capital of the cocoa loop (1960-1980) has benefited from important infras-tructure and equipment. In view of the aging and deterioration of socio-economic infrastructures, the State has not been able to provide an adequate response to this situation. Since then, there has been a problem with the number of equipment and infrastructures and their spatial distribution in the area.

So can it be said today that these facilities and infrastructures are sufficient to meet the needs of the population? Are they properly distributed throughout the region? It is for us to analyze in a cartographic and statistical way the social impact of the decline of the cof-fee-cocoa binomial on the Moronou region as regards the current level of equipment and infrastructures. Our methodological approach consisted in doing documentary research, field surveys and collecting statistical and cartographic data. The literature search, the direct observation and the interviews provided us with the necessary data for the realization of this study. With the data obtained on the equip-ments and infrastructures sanitary, school, electricity, supply with drinking water, we carried out cartographic and statistical treatments. These cartographic treatments enabled us to realize the different maps of equipment and infrastructures of the Moronou region. Most of the information obtained during the field surveys was distributed in statistical tables in order to express the different statistics of coverage rates and spatial distribution of equipment and infrastructure in the Moronou region.

Overall, the number of facilities and infrastructures has evolved in spite of the economic crisis of the 80s. If there is a diversity and availability of equipment and infrastructures essential for the well-being of the populations in Moronou, the spatial distribution equipment and infrastructure indicates that there is a screaming disparity between the different departments of the region. Also, urban centers concentrate most of the equipment and infrastructure at the expense of rural centers. An analysis by sub-prefecture indicates also a great disparity between the chief town of region (Bongouanou) and the other sub-prefectures. This state of affairs has had an impact on the population after the decline of coffee and cocoa, as equipment and infrastructures are decisive factors in the structuring and organization of space.

Keyswords : Moronou (Côte d’Ivoire), Analysis, social impact, decline,

INTRODUCTION

Depuis le début des indépendances, à l’instar de l’ensemble du sud forestier de la côte d’Ivoire, la région du Moronou a bénéficié de nombreux équipements et infrastructures socio-économiques. Cette zone pion-nière des cultures agricoles de rente notamment du binôme café-cacao, a connu ce que l’on a qualifié de boom du cacao dans les années 70. Cela a eu un effet circulaire économique qui a impacté l’ensemble des secteurs aussi bien au niveau social, que des infrastructures et équipements, etc.

Malheureusement au milieu des années 80, l’économie cacaoyère de cette région va connaître un déclin. Une mutation écologique va rendre la région inapte à ces cultures de rente. Cela aura pour corollaire la baisse des revenus des paysans.

Par ailleurs, l’on va constater un vieillissement et une dégradation des infrastructures socio-économiques. L’état n’a pas pu donner une réponse adéquate à cette situation, à cause de la crise économique généralisée. La crise profonde qui secoue l’économie ivoirienne en général et particulièrement la région du Moronou, marque en fait l’épuisement du modèle de croissance basé sur l’agriculture d’exportation, notamment conduite par le café et le cacao. En effet, le schéma de développement agricole dont les performances ont été possibles, grâce à l’abondance des ressources forestières et humaines connaît un essoufflement. Au-delà des retombées économiques notables pour l’ensemble des pays, il se pose aujourd’hui de nombreux et graves problèmes au plan démographique, socio-économique dans la région du Moronou.

Il se pose un problème du nombre des équipements et des infrastructures et de leur répartition spatiale dans ladite région.

Cette situation a déjà été abordée par des chercheurs et des décideurs aussi bien en Côte d’Ivoire (D. Soura et al., 2014, p. 154) qu’en Afrique (M. Laouli, 2012, p. 16) dont les travaux ont porté généralement sur ce phénomène.

Diakité Sanansi (2004, p 131), montre que la répartition spatiale des équipements à travers les départe-ments de Dabou, Grand-Lahou, et Tiassalé laissent transparaître des disparités aussi bien en 1980 qu’en 2003.

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La dotation d’infrastructures et équipements a débuté depuis l’époque coloniale et s’est amplifiée après l’indépendance dans le but d’assurer le bien-être social de la population. De ce fait, plusieurs équipements et infrastructures ont vu le jour dans la région. Ces équipements et infrastructures sont-ils suffisants pour répondre aux besoins de la population? Sont-ils correctement repartis sur l’ensemble du territoire de la région ? A travers cette étude voulons-nous analyser de façon cartographique et statistique l’impact social du déclin du binôme café-cacao sur la région du Moronou.

1. PRÉSENTATION DE L’ESPACE D’ÉTUDE

La région du Moronou a été créée par le décret n°2012-612 du 04 Juillet 2012 portant création de la Région du Moronou avec pour chef-lieu Bongouanou. Elle est composée des Départements de Bongouanou, M’Batto et Arrah. Situés entre les méridiens 3° 40’ et 4° 43’ de longitude Ouest et entre les parallèles 6° 5’ et 6° 7 de latitudes Nord, ces trois départements sont composés de onze sous-préfectures, cinq communes et 118 villages. Ils couvrent une superficie de 6670 Km2, soit 2 % du territoire national. La région de Moronou est limitée au Nord par les départements de Bocanda et Daoukro, à l’Est par le département d’Abengourou, au Sud par les départe-ments de Tiassalé, Agboville et Adzopé, et à l’Ouest par les départements de Dimbrokro et Toumodi (Figure n°1).

Figure 1: Localisation de l’espace d’étude (Source : CNTIG. Conception et réalisation ANE S.2017)

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Le cadre physique se caractérise par un relief relativement assez plat dans son ensemble. Mais la Région est néanmoins traversée par une chaîne de collines appelées « les collines de BONGOUANOU » qui donne à la ville de BONGOUANOU un aspect très accidenté et lui donne l’allure ou la configuration d’une « ville cuvette ». La région d’une manière générale, est couverte par la savane arborée et la forêt dense semi-décidue.

La population de la région du Moronou n’a cessé de croître depuis 1975. Elle est passée de 218 812 habitants en 1975 à 224 958 habitants en 1988 puis à 254 381 habitants en 2001. C’est une population essentiellement jeune, cosmopolite qui est composée de Akan, de Krou, de Mandé du sud, de Mandé du nord, de burkinabé, de maliens, de nigérians, etc. Les non nationaux représentent plus d’un cinquième de la population régionale, soit 22,1 % de cette population. Une région à population essentiellement rurale qui a pour activité principale l’agriculture. Le café et le cacao ont constitué pendant longtemps les principales cultures de rente de la région. Les caractéristiques démographiques de la région du Moronou nécessitent des investissements importants en infrastructures et équipements de base.

MÉTHODOLOGIE

Notre démarche méthodologue a comporté les approches suivantes : la recherche documentaire, des enquêtes de terrain et des données statistiques et cartographiques. La recherche documentaire, l’observation directe et les entretiens nous ont fournis les données nécessaires pour la réalisation de cette étude. Nous avons recherché à travers des documents en bibliothèques, les centres de documentations, les institutions et instituts spécialisés, collecté des données sur l’impact social des mutations socio-économiques dans la région du Moronou. Les documents consultés se résument à des ouvrages méthodologiques, des ouvrages généraux et des ouvrages spécifiques afin de récolter des informations sur l’état de la répartition spatiale des équipements et infrastructures dans la région du Moronou. Nous avons procédé à des traitements car-tographiques et statistiques à partir des données recueillies sur les équipements et infrastructures sanitaires, scolaires, électricité, adduction en eau potable. Ces traitements cartographiques nous ont permis de réaliser les différentes cartes des équipements et des infrastructures de la région du Moronou. Les enquêtes de terrain se sont avérées nécessaires, afin de compléter les données fondamentales qui ne sont pas toujours disponibles dans la revue de littérature. Plusieurs techniques d’enquête ont été utilisées dans la collecte d’information sur le terrain. La couverture de toute l’étendue du territoire de l’étude est une épreuve de longue durée qui engage des moyens financiers, matériels et humains considérables. C’est pourquoi un choix raisonné de vingt-cinq (25) localités d’enquête a été opéré, en tenant compte des facteurs d’ordre socio-économique et physique, démographique, historique et géographique. Ces localités sont reparties de la manière suivante : neuf (09) localités pour Bongouanou chef-lieu de la région, six (06) pour Arrah, et enfin dix (10) pour M’Batto. Les questions posées ont permis d’avoir des renseignements auprès de 799 personnes enquêtées. Les informations obtenues ont porté sur le niveau d’équipements socio-collectifs et des infrastructures. Les réponses données pouvant plus ou moins varier d’une personne à une autre, donc les réponses sont traitées de manière statistique. La plupart des informations obtenues au cours de ces enquêtes de terrain ont été réparties dans des tableaux statistiques en fonction de leur utilisation.

RÉSULTATS

Les données obtenues et les méthodes employées ont permis de savoir l’impact social du déclin du binôme café-cacao sur la région du Moronou, au niveau cartographique et statistique.

3.1- ANALYSE CARTOGRAPHIQUE DE L’IMPACT DU DECLIN

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3.1.1- La dynamique interne du territoire

L’armature urbaine de la région du Moronou met en évidence un pôle majeur structurant, le département de Bongouanou et deux pôles secondaires que sont les départements de M’Batto et de Arrah. En effet, le département de Bongouanou exerce une grande influence territoriale sur l’ensemble de la région du Moronou. Elle compte une population de 31 828 habitants, soit 12,8% de la population régionale. Même si sa taille démographique ne peut justifier l’attraction qu’elle exerce sur le reste de la region, son poids en termes de fonction administrative et socio-économique est beaucoup plus important. Elle concentre une gamme variée de services « rares » comme l’hôpital général, les services de la gendarmerie et de la police, le Palais de justice, des pharmacies, des Etablis-sements Techniques privés, des lycées publics et privés, ainsi que des structures de microfinances. En matière de communication, Bongouanou abrite le seul point de distribution de journaux du département et concentre près de 60% des abonnés de téléphonie fixe et 82% des abonnés de téléphonie mobile. Au plan commercial, Bongouanou abrite l’essentiel des grandes surfaces commerciales et le plus important marché de vivriers du département. L’exercice de cette fonction économique est facilité par un important réseau routier bitumé, le plus fourni de la région. Par ailleurs, les communes de M’Batto et de Arrah constituent les deux pôles urbains secondaires de la région (Photo 1). Elles comptent respectivement 31 525 habitants et 23 415 habitants. Aussi, concentrent-t-elles un nombre important de services essentiels à savoir quatre (4) lycées et collèges, deux (2) bureaux de poste, deux (2) structures de micro-finances, etc. En matière de télécommunication, elles rassemblent près de 20% des abonnés de téléphonie mobile et le tiers des abonnés de téléphonie fixe. Les communes de Anoumaba et de Tiémélékro, insuffisamment équipées et difficilement accessibles sont de petits centres locaux dont la dynamique n’est pas à négliger mais nécessitent plutôt un niveau d’équipement adéquat.

3.2.2- Une cohésion territoriale fragilisée par d’importantes disparités locales

Selon le Recensement Général de la Population et de l’Habitat, la région de Moronou comptait en 1998, 247 635 habitants; ce qui correspondait à un volume démographique très important du pays. Cependant, ce poids démographique ne s’est pas accompagné d’un niveau de service et d’équipement corrélativement approprié capable d’exercer un effet polarisant majeur sur l’ensemble de la région. Le niveau de service et d’équipement est largement hétérogène sur l’ensemble de la région du Moronou. Cette insuffisance struc-turelle est exacerbée (à l’intérieur de ces deux sous-préfectures) par une desserte précaire caractérisée par un réseau routier essentiellement en terre et difficilement praticable en saison pluvieuse (Photo 1 et 2).

Photo 1: Gare routière à Bongouanou. (Crédit photo/ ANE S. 2018)

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Cette image illustre les aspects des équipements et infrastructures rencontrés au sein de la Région du Moronou. En effet, les infrastructures et équipements rencontrés dans la région comme le montre cette image, sont vétustes.

Photo 2: Gare routière à M’batto. (Crédit photo/ ANE S. 2018)

Par conséquent, les localités issues de ces deux sous-préfectures restent tributaires des localités de Bongouanou, M’Batto et Arrah pour un certain nombre de services essentiels, si elles ne sont pas livrées à elles-mêmes (Photo 3).

Photo 3: Pharmacie à Arrah (Crédit photo/ ANE S. 2018)

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Photo 4: La seule usine de transformation de l’huile de palme à Bongouanou (Crédit photo/ ANE S. 2018).

Cette situation interpelle au premier chef, les autorités décentralisées de l’Etat et l’ensemble des acteurs locaux quant au positionnement stratégique de la région de Bongouanou dans la sphère régionale mais également dans l’espace national. Cela passe nécessairement par une différenciation objective du territoire par rapport à son environnement. Le développement socio-économique de la région dans un contexte de compétitivité et de globalisation en dépend.

3.2. ANALYSE STATISTIQUE DE L’IMPACT DU DECLIN

3.2.1- Statistiques des équipements socio-économiques dans la région du MoronouTableau I: Statistiques des lieux de scolarisation dans la région du Moronou

Lieu de scolarisation

Au village

En ville

Hors du village

Total

Effectifs

596

187

16

799

Pourcentage (%)

75

23

2

100

Source : ANE S., 2018.

Presque la quasi-totalité des villages du Moronou dispose d’une école primaire. Les villageois scolarisent leurs enfants et ce, jusqu’à la fin du primaire au village. Les enfants ne viennent en ville que pour le collège (Tableau I).

Tableau II : Statistiques des écoles primaires

Ecole primaire

Oui

Non

Indéterminé

Total

Effectifs

741

16

42

799

Pourcentage (%)

93

2

5

100

Source : ANE S, 2018.

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Figure 2: Localisation des établissements scolaires dans la région du Moronou. (Conception et Réalisation : ANE S, 2018)

La région du Moronou est très bien desservie en terme d’infrastructures et d’équipements scolaires (figure 2). Cela est une conséquence des premières politiques de scolarisation que le pays a connue. Dans notre zone d’étude, les Fonds régionaux d’Aménagement Régionaux (FRAR) ont assuré la réalisation de la plupart des infrastructures scolaires dans le cadre participatif de financement associant à une dotation de l’Etat.

La plupart des villages dispose d’au moins une école primaire). Cela se confirme dans ce tableau où 93% des enquêtés répondent disposer d’écoles primaires dans leur localité (Tableau II).

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Tableau III: Nombre d’écoles par localité

Nombre d’écoles

0

1

2

3

4

5

Plus de 5

Indéterminé

Total

Effectifs

16

130

229

140

91

61

90

42

799

Pourcentage (%)

2

16

29

18

11

8

11

5

100

Source : ANE S, 2018.

Les statistiques du tableau III sont révélatrices. Dans ce tableau, seulement 2% des villages ne disposent pas d’écoles primaires. 16% en disposent au moins un, 29% disposent de deux écoles primaires, 18% disposent de trois. Même 11% disposent d’au moins cinq écoles primaires (Photo 5).

Photo 5: Ecole maternelle à M’batto. (Crédit photo/ ANE S. 2018)

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Tableau IV: Statistiques des centres de santé

Centre de santé

Oui

Non

Indéterminé

Total

Effectifs

619

139

41

799

Pourcentage (%)

78

17

5

100

Source : ANE S, 2018.

Les centres de santé de premiers soins c’est-à-dire, dispensaires, maternités sont présents dans les grands villages du Moronou (78%) (Tableau IV). Aujourd’hui, la santé est au cœur de la lutte contre la pauvreté (figure 3). Il s’agit de procurer aux populations un bien-être physique et moral satisfaisant, ainsi que de leur garantir des conditions sanitaires qui leur permettent de contribuer aux activités de production (Photo 6).

Photo 6: Hôpital général de Bongouanou. (Crédit photo/ ANE S. 2018)

Tableau V: Statistiques des établissements sanitaires

Type d’établissements

Maternité

Dispensaire

Pas de centre de santé

Indéterminé

Total

Effectifs

16

95

139

48

298

Pourcentage (%)

5

32

47

16

100Source : ANE S, 2018

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Figure 3: Localisation des centres de santé dans la région du Moronou

(Source : CNTIG. Conception et Réalisation : ANE S, 2018)

Tableau VI: Etat de fonctionnement des centres de santé

Centre de santé fonctionnelle

Oui

Non

Indéterminé

Total

Effectifs

551

51

17

619

Pourcentage (%)

89

8

3

100

ANE S, 2018

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Environ 89% des centres de santé sont fonctionnels. Pour des raisons que nous ignorons, 8% des centres de santé ne sont pas fonctionnels (Tableau VI).

Figure 4: Desserte des infrastructures sanitaires dans la région du Moronou (Conception et Réalisation : ANE S, 2018)

La carte de desserte sanitaire montre que la concentration est très élevée dans la zone de Bongouanou chef-lieu de région mais, dans les localités éloignées de la région, la desserte est clairsemée (figure 4).Tableau VII: Statistiques des villages électrifiés

Electrifié

Oui

Non

Indéterminé

Total

Effectifs

653

103

43

799

Pourcentage (%)

82

13

5

100

Source : ANE S, 2018

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Selon nos enquêtes, le pourcentage des villages électrifiés est assez édifiant. En effet, 82% des villages enquêtés sont électrifiés (Tableau VII).

Figure 5: Localités électrifiées dans la région du Moronou (Conception et Réalisation : ANE S, 2018).

Tableau VIII: Statistiques des concessions électrifiées

Concession électrifiée

Oui

Non

Indéterminé

Total

Effectifs

467

210

122

799

Pourcentage (%)

59

26

15

100

(Source : Nos enquêtes. Réalisation : ANE S, 2014)

Si les localités sont électrifiées (figure 5), il n’est pas de la bourse de tout le monde de disposer de l’élec-trification à domicile. Cependant, malgré la paupérisation grandissante des populations du Moronou, 59% des enquêtés disposent de l’électrification à domicile. Un taux assez impressionnant, qui dépasse même la moyenne nationale (Tableau VIII).

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Tableau IX: Statistiques de la disponibilité en eau courante

Village dispose de l’eau courante

Oui

Non

Indéterminé

Total

Effectifs

738

29

32

799

Pourcentage (%)

92

4

4

100

(Source : Nos enquêtes. Réalisation : ANE S, 2018)

La desserte en eau potable des localités dans toute la Côte d’Ivoire, rappelons-le, est faite de deux manières: les pompes villageoises et la déserte en eau courante par la SODECI. Dans le Moronou, il existe trois modes d’alimentation : l’eau courante, les pompes villageoises et les puits (Tableau IX).

Figure 6: Réseau d’approvisionnement en eau dans la région du Moronou(Source : CNTIG. Conception et Réalisation : ANE S, 2018)

On note ici que 92% des localités sont desservies en eau courante (figure 6). C’est-à-dire l’eau produite par la SODECI et l’hydraulique villageoise. Le reste soit, 7,6% est alimenté par les puits et les autres sources en l’occurrence : les eaux de surface (rivière, étangs, marigots et fleuves).

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4. DISCUSSION

Des chercheurs, à travers de nombreuses études scientifiques, sur la répartition des équipements dans les localités sont venus à comprendre comment se présente cette réalité. Ainsi, Loukou Alain (2005, p 410), abordant l’inégale répartition des équipements en Côte d’Ivoire indique que :

Les politiques de dotation en équipements de développement en Côte d’Ivoire révèlent une très forte disparité entre la ville d’Abidjan et le reste du pays. Capitale économique et politique de la Côte d’Ivoire de 1934 à 1983, Abidjan concentre depuis toujours les principales infrastructures, activités économiques (industries, services) et administratives du pays. Il montre qu’indépendamment de ce déséquilibre tradi-tionnel au profit de la ville d’Abidjan, s’est ajouté un nouveau déséquilibre. Il s’agit de la fracture (ou fossé) numérique qui traduit l’inégalité pour des populations ou des régions données d’accéder aux Technologies de l’Information et de la Communication et donc aux opportunités diverses de développement qu’offrent ces outils : facilitation de gestion des activités, actions en temps réel, ressources informationnelles, connais-sances, etc. Expression (ou conséquence) des disparités antérieures multiples qu’elle vient renforcer, la fracture numérique apparaît toutefois aussi comme le révélateur d’une nouvelle tendance du processus de développement pour les territoires bien dotés en outils de TIC. DIOMANDE Gondo (2005, p 145), fait le même constat dans la région du Bafing. Il montre que : La majeure partie des équipements de la région se localise au sud de la région au détriment de la partie nord moins peuplée. Les chefs-lieux de sous-préfec-tures concentrent l’essentiel des équipements et des infrastructures laissant le milieu rural très déshérité. Il constate que les financements les plus importants ont été opérés à Ouaninou, Foungbesso et Koonan.

Dans la même veine, Assémien (2002, p 112) souligne que :

Bien que la récession économique des années 1980 ait ralenti le processus d’équipement de nos régions, la plupart des équipements et infrastructures dans la région du Sud Comoé ont connu une hausse plus ou moins importante de leur nombre entre 1980 et 2000. Cependant, malgré la dynamique de l’équipement dans la région, des disparités majeures persistent toujours. L’essentiel des équipements et infrastructures est concentré le plus souvent dans les principaux centres urbains. Les localités rurales sont encore en attente d’équipements promis mais jamais réalisés. Selon lui, très peu d’investissements ont été faits en équipe-ments socioculturels. Alors que le social participe pour beaucoup à l’épanouissement et au bien-être des populations à majorité démunies. Le réseau 2GWH indique pour sa part que la répartition géographique des activités économiques en Côte d’Ivoire montre un déséquilibre très flagrant. L’essentiel des outils de développement (usines, hôtels, port, aéroport international, centres de loisirs, universités, grandes écoles, services à valeur ajoutée, chaînes de télévision et de radio, etc.) se concentre dans la seule ville d’Abidjan et sa périphérie immédiate, le reste du pays ne se partageant qu’une infime partie du dispositif total, et d’ajouter que la plupart des équipements de télécommunications (téléphone, radio, télévision, Internet) sont concentrés dans la ville d’Abidjan et sa périphérie. Alors que cette ville, malgré l’importance relative de sa population, ne représente après tout que 19% de la population totale du pays, elle dispose en moyenne de 70 à 80% de l’ensemble du potentiel national de télécommunications. De ce fait, de nombreuses régions du pays et leurs habitants restent privés des avantages que procure l’accès aux Technologies de l’Informa-tion et de la Communication. En outre, tandis que la tendance actuelle est d’implanter à Abidjan des tech-nologies plus nouvelles pour apporter des services nouveaux, variés et performants, certains territoires reculés du pays et leurs habitants n’ont jamais reçu les émissions de la télévision nationale et d’autres n’ont pas encore le téléphone, faute d’équipements. Ces auteurs sont unanimes sur les facteurs influençant la localisation des équipements. Pour eux, les facteurs influençant la localisation des équipements au sein des départements et ou sous-préfectures sont entre autres les grands foyers de peuplement (périmètres communaux), le statut des localités (chefs-lieux de sous-préfectures et villages centre des pays ruraux), le bon état du réseau de communication (les localités faciles d’accès), le rôle historique joué par certaines

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villes (Dabou, Grand Lahou et Tiassalé) et l’importance des activités économiques. D’impressionnants besoins sociaux liés à la mauvaise répartition des équipements et la faiblesse des structures économiques Le déficit et l’inégale répartition des équipements font accroître les besoins sociaux et dégradent le niveau de développement humain surtout en milieu rural (Bosson 2012, p 431). A ce sujet, Assémien (2002, p 112) fait savoir que « malgré les énormes investissements consentis à la construction des équipements et infras-tructures dans la région du Sud-Comoé, le bilan de la couverture population/équipement reste encore très mitigé ». Car le constat général des indicateurs sociaux de développement humain en montre une dégra-dation progressive. Cette détérioration des indicateurs essentiels est liée à une croissance galopante de la population qui n’est cependant pas suivie d’un investissement conséquent en équipements et infrastructures depuis la crise de 1980. Il soutient que face à la croissance démographique soutenue par une immigration intense, la construction continue des équipements et des infrastructures n’a pas suivi si bien que ceux repré-sentatifs dans le passé restent insuffisants pour répondre aux besoins sans cesse croissants des populations dans la plupart des localités. Pour lui, l’immigration est surtout à la base de cette situation car non contrôlée, elle a annihilé tous les efforts d’équipements entrepris jusque-là. Les effectifs pléthoriques des classes dans certaines écoles, le manque de structure d’accueil pour tous les enfants à inscrire au CP1, la sur-utilisation de certains centres de santé, le déficit d’encadrement au niveau scolaire et sanitaire sont autant d’éléments qui caractérisent cette insuffisance d’équipements et d’infrastructures couplées de leur dégradation et de leur vétusté dans certains cas. Dans une analyse sur la Population et les infrastructures sanitaires dans la région des Lagunes, Koffi Kobénan (1999, p 95), indique que la région est favorisée du point de vue des infrastructures sanitaires aussi bien par le nombre que par sa diversité. Mais la répartition spatiale du per-sonnel et des équipements est loin d’être équilibrée. Il montre que la trop forte population et sa croissance rapide font fléchir le niveau d’encadrement de sorte que les infrastructures sont insuffisantes. Et cela se remarque à travers les ratios d’encadrement trop faible, notamment le ratio population/équipement et popu-lation/personnel qui sont en deçà des normes définies par l’O.M.S. Il affirme que l’évolution des infrastruc-tures et de la population n’est pas concordante ; ce qui entraîne une forte pression démographique sur les équipements matérialisés par l’état de délabrement avancé de certaines infrastructures et de certains matériels. Selon Loba (2009, p 389), le mal développement des villes de Dabou, de Bingerville et de Grand-Lahou, aboutit à la multiplication des poches de précarité, et à un déficit en équipement et en services socio-collectifs de base. Pour lui, le peu d’équipement en fonction, est inadapté aux besoins des populations et est le plus souvent frappé de vétusté. Evoquant la situation scolaire dans la Région Nord-est, Denis Pascal (1999, 96p) affirme qu’en raison de la forte croissance démographique et d’une insuffisance de moyens financiers, l’éducation est victime d’une distorsion entre les effectifs potentiellement scolarisables et les moyens en infrastructure d’accueil disponible. Pour contrer ce déséquilibre grandissant, désarmées et impuis-santes face à l’ampleur du phénomène, les autorités ont rehaussé le seuil officiel des effectifs par classe. Il note en outre que les problèmes liés au manque d’enseignants surtout dans le primaire sont dû à l’encla-vement des localités. Par ailleurs, il souligne que des parents privilégient les travaux champêtres à l’école et note une forte déscolarisation de la jeune fille. Pour Denis Pascal, la couverture en infrastructures routières est dérisoire et la plupart des routes en terre sont dégradées et difficilement praticables en saison des pluies. Quant à l’approvisionnement en eau potable, il demeure un grave problème malgré les efforts de l’hydrau-lique villageoise, et l’électrification est très incomplète atteignant seulement moins de 10 % de la population. Faisant le point sur le mode d’équipement des logements et la situation sanitaire des 18 montagnes, DIABY Djénéba (1999, p 84), fait une description sombre du niveau de vie des populations de la région. En effet, les populations s’approvisionnent encore dans les puits, pire dans les rivières et les marigots malgré les injonctions qui leur ont été faites sur les risques de maladie qu’ils peuvent encourir. Elles utilisent le bois de chauffe et la lampe à pétrole pour s’éclairer en milieu urbain dénotant de ce que les communes soient encore assez rurales, non connectées au réseau électrique et aussi de la faiblesse des revenus des populations qui n’arrivent pas à faire face aux effets de la modernisation. Elle évoque aussi la situation préoccupante

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des infrastructures sanitaires ; car même s’il existe des centres de santé et des hôpitaux, ils sont implantés pour la plupart dans les milieux urbains et les populations ne s’y rendent pas, faute de moyens financiers. Les ratios lit/habitants, médecin/habitants et personnel médical/habitants sont nettement en dessous de la moyenne nationale. Parlant du réseau routier dans la région du N’zi Comoé, Konan Tano (2002, p 120) fait remarquer que si le réseau routier a favorisé l’expansion économique d’antan, la situation n’est pas reluisante aujourd’hui. Il mentionne qu’en période pluvieuse, l’utilisation des pistes est fortement compromise par les eaux de ruissellement qui y créent des crevasses ce qui entraîne des difficultés au niveau du transport, de l’évacuation des produits agricoles et de la circulation des hommes au sein de la région. Parlant de la dota-tion des villes et des campagnes en équipements scolaire et sanitaire, en électrification et en téléphonie rurale comme urbaine, en hydraulique humaine, Hauhouot (2002, p 364), montre les efforts enregistrés par l’Etat pour fournir une bonne qualité de vie aux populations. Cependant, les efforts d’aménagement de l’espace par l’Etat restent insuffisants au regard des faibles taux de population bénéficiaires de ces équipements. Abordant la question du développement régional en Côte d’Ivoire, Jean Pierre Peyou et Touré Mamoutou (1999, p 126), décrivent les difficultés internes et externes actuelles du pays et les consé-quences au niveau régional à partir de l’exemple du nord ivoirien. Ils font un gros plan sur la région en insis-tant sur les indicateurs classiques de développement comme le niveau de scolarisation primaire et secon-daire, les infrastructures sanitaires et routières. Pour eux, si le désenclavement de ces régions connaît quelques progrès, les indicateurs scolaires et sanitaires montrent le chemin qu’il reste à parcourir. Abondant dans le même sens, Konan Tano (2002, p 120) fait remarquer que les équipements et les infrastructures socio-économiques de la région du N’zi Comoé se caractérisent par leur insuffisance, surtout rapporter à la population, et leur centralisation au centre semi-urbain et par leur sous-équipement tant au niveau humain que matériel. En outre, il souligne que certains équipements sont peu fonctionnels, insuffisamment entre-tenus et ce faisant, sont d’une faible utilité. L’auteur indique que l’adduction en eau potable demeure un grand problème surtout dans les localités rurales, et l’électrification des localités est très incomplète. S’ins-crivant dans la même veine, Bosson Eby (2007, p 137) souligne les insuffisances des équipements socio-collectifs dans le département de Bongouanou. Selon l’auteur, cette insuffisance se laisse entrevoir à travers les besoins exprimés par les populations. Pour lui, l’évolution des infrastructures et de la population n’est pas concordante ; ce qui entraîne une forte pression démographique sur les équipements matérialisés par l’état de délabrement avancé de certaines infrastructures et de certains matériels. Il note enfin que malgré les efforts consentis par l’Etat et les populations locales pour équiper les différentes localités, il reste beau-coup à faire dans plusieurs villages du département. En plus des inégalités (faiblesses) en équipement et infrastructures et les besoins sociaux que cela entrave, l’on enregistre aussi des inégalités sociales au sein même des populations. Cette idée est reprise par Pierre George (1981, p 127) qui affirme qu’au sein des populations des PID et des PED, on trouve des inégalités sociales. Il y a aussi des pauvres dans les pays riches soutient-il. Mais selon lui, c’est dans les pays pauvres que ces inégalités sont les plus fortes : la majorité de la population a en général un niveau de vie faible, peu d’accès à l’éducation, peu de pouvoirs économiques et politiques. Ces derniers sont concentrés entre les mains des plus riches, pourtant minori-taires. La classe moyenne est peu développée, ce qui freine la consommation et le développement.

Par ailleurs, d’autres types d’inégalités existent : exclusion de certaines catégories sociales pour des raisons politiques ou ethniques, inégalités des sexes… Les femmes sont souvent exclues du pouvoir et moins éduquées que les garçons dans les pays pauvres: c’est une préoccupation majeure, car la scolarisation des femmes a des effets bénéfiques sur les aspects sociaux du développement. Ces inégalités socio-spatiales à toutes les échelles sont un frein au développement.

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CONCLUSION

La région du Moronou a reçu une gamme variée d’équipements et d’infrastructures depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Dans l’ensemble, le nombre d’équipement a évolué malgré la crise économique des années 80. Il existe une diversité et une disponibilité des équipements et infrastructures indispensables pour le bien-être des populations dans le Moronou. Cependant, la répartition spatiale des équipements indique qu’il y a une disparité criarde entre les différents départements de la région. Les centres urbains concentrent la majeure partie des équipements (plus de 75%) aux dépens des centres ruraux (moins de 25%). Nous observons une grande disparité entre le chef-lieu de région et les autres sous-préfectures. Cette situation a eu un impact sur la population après le déclin du café et du cacao, étant donné que les équipements et les infrastructures sont des éléments déterminants dans la structuration et l’organisation de l’espace.

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