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Titre : Family Rating : K+ / M Pairing : Emma / Regina Spoiler : Saison 2 Résumé : Henry est déchiré de voir ses deux mères s'affronter. Il décide de demander à Gold de l'aider grâce à la magie et ce, même si la magie a un prix.

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Titre : Family

Rating : K+ / M

Pairing : Emma / Regina

Spoiler : Saison 2

Résumé : Henry est déchiré de voir ses deux mères s'affronter. Il décide de demander à Gold de l'aider grâce à la magie et ce, même si la magie a un prix.

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Note de l'auteur : Les épisodes sont un peu flous dans ma tête, pardonnez-moi si les événements ne suivent pas exactement ceux de la série originale.

* * *

Partie 2

Quand elle ouvrit les yeux le lendemain matin, Regina était dans son grand lit et percevait la chaleur du corps nu d'Emma contre le sien. Leurs étreintes successives s'étaient terminées dans leur chambre par un énième orgasme partagé et, à peine réveillée et frissonnante, la Reine retournait chercher l'attention de sa Sauveuse. Ses lèvres effleurèrent son oreille où elle susurra :

— Miss Swan...

Elle sentit Emma remonter la couverture en grommelant et susurra :

— T'ai-je dit combien j'ai aimé ce que tu m'as fait hier soir ?

La voix de sa Majesté au creux de son oreille n'était pas un réveil désagréable. Bien au contraire, ce rappel de leurs nombreuses étreintes, de celle qui avait débuté la nuit, la sortait de son sommeil et ranimait ses désirs. Sans bouger, elle laissa la Reine conquérir le contour de son oreille,

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endroit sensible que Regina avait déniché cette nuit.

— Non, répondit-elle sans bouger, mais tu peux me le dire, là...

La Reine frissonnait. Ce matin était le premier où Emma n'avait pas fui le lit conjugal et quelques envies naissaient à la seule idée qu'elles puissent renouveler une nouvelle étreinte. Sa main longea le bras de sa Sauveuse, glissa lentement sous le drap puis arriva sur son ventre plat à la peau veloutée.

— Et t'ai-je dit que j'aimais par-dessus tout faire l'amour le matin ?

Un léger sourire étira les lèvres d'Emma qui n'avait pas daigné ouvrir les yeux. La main vagabonde de la Reine provoquait de nouveaux frissons le long de son ventre et accentuait une envie seulement endormie depuis la dernière étreinte. Comment pouvait-elle avoir autant envie d'ailleurs ? Elle fit rouler sa tête sur le côté et ouvrit finalement les paupières pour poser ses yeux bleus sur sa Majesté.

— Qu'est-ce que tu me fais si je te dis non ?

Regina ne se lasserait jamais de leur petit jeu de duellistes. Sa main remonta vers le visage provoquant de sa Sauveuse, écarta ses mèches dorées tandis que son regard s'imprégnait de ses traits fins et autoritaires à la fois.

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— Je serais obligée d'adopter ta méthode et de te forcer à me satisfaire, répliqua-t-elle.

Emma eut une expression nullement désapprobatrice sur cette suggestion. En effet, elle ne fuyait pas, n'accusait pas sa Majesté pour l'avoir manipulée une fois de plus. Ce matin, elle se savait entièrement responsable du plaisir pris cette nuit.

— Ouais, peut-être, mais après six fois, je suis pas morte et rien s'est passé... Alors j'avais raison, encore une fois. Gold t'a raconté des conneries.

Regina en prenait doucement conscience. La veille, sa Sauveuse l'avait poussée dans ses retranchements, la forçant à oublier la promesse faite à son père d'assumer sa propre malédiction. Malgré tout, la vie suivait son cours pour son plus grand soulagement. Elle s'accouda près du visage d'Emma qui avait ramené ses mains sous sa tête et la détailla un instant avant d'entendre la porte de leur chambre grincer... Une petite voix résonna :

— Mamans ?

Regina et Emma redressèrent simultanément leur visage, incertaines d'entendre cette voix de petite fille qui les appelait. Elles virent une enfant se tenir debout devant l'embrasure de la porte. Pas plus haute que "trois pommes", elle était vêtue d'une robe de chambre rose et tenait un petit lapin devant ses lèvres en suçant son pouce.

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Regina fut la première à s'asseoir sur le lit, la couverture sur sa poitrine. Son regard confus demeurait sur cette petite poupée de quatre ou cinq ans tout au plus et dont les cheveux blonds et les yeux bleus ne laissaient aucun doute sur son identité...

— Sara... murmura-t-elle malgré ses incertitudes.

La petite fille avança d'un pas mal réveillé et se hissa sur le matelas. Emma demeura figée, le regard abasourdi sur la petite fille. Regina ne pouvait avoir raison. Hier encore, Sara dormait dans son petit lit après avoir bu au sein de la Reine. Avait-elle raté quelque chose entre temps ? De toute évidence, la réponse était devant ses yeux. La petite blonde se blottit dans les bras de Regina, le pouce toujours à la bouche, la main autour de sa peluche. Le moment était très mal choisi pour une surprise de cette taille. Pendant que la Reine se chargeait de cette petite fille, Emma en profita pour chercher ses vêtements.

— Manquait plus que ça...

Mais elle ne les trouva pas et grimaça en songeant qu'ils devaient être restés en bas. Elle tendit le bras vers la chaise près du lit et attrapa le peignoir de satin de sa Majesté. Elle l'enfila à la hâte et reprit :

— Doit y avoir une erreur ou c'est Gold qui joue encore avec mes nerfs !

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Regina était abasourdie, sans voix. Sa main glissait doucement dans les cheveux blonds de la petite fille, plus pour se rassurer elle-même que l'enfant. Ses sourcils froncés, son regard partait d'Emma à Sara. Comment se pouvait-il que leur fille ait grandi si vite ? Que s'était-il encore passé ? Qu'est-ce que Gold avait encore fait ?

— Henry il veut pas se réveiller, dit Sara...

Sur ce prénom, Emma se demanda alors où était Henry ? Et dans quel état il était ? Elle se leva, ajusta le peignoir un peu trop petit sur ses épaules.

— Je vais voir Henry... Va falloir que quelqu'un m'explique, là.

Sans un mot de plus et toujours sous le choc, elle quitta la pièce et longea le couloir pour pousser la porte de la chambre d'Henry. Le lit était défait et vide. Mais le décor avait lui aussi changé et des posters de groupes de musique couvraient les murs. Derrière elle, Regina l'avait suivie, leur petite fille - plus si petite - dans ses bras. Elle allait refermer quand elle entendit derrière elles.

— Vous pourriez au moins ranger vos vêtements, vous croyez pas ?

Quand elles posèrent leurs yeux sur ce jeune homme vêtu d'un débardeur et d'un jogging, leurs traits reflétèrent autant de stupeur que d'interrogations.

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— Henry ? questionna Emma, troublée par la taille de son fils.

Les mains chargées des vêtements de ses mères, Henry les regarda à tour de rôle.

— Je viens de me lever, répondit-il pour se justifier d'une accusation éventuelle. Je rangerai ma chambre après le petit-déjeuner et c'est samedi, alors on a le temps...

Il déposa un baiser attentionné sur la joue de Regina.

— Salut maman.

Il caressa la joue de sa petite soeur et ajouta :

— Et toi, tu attendras au moins huit heures et demie avant de me réveiller un samedi matin.

Regina était stupéfaite, inquiète, troublée et passait par un panel d'émotions qui ne faisait qu'accentuer ses incertitudes. Elle posa sa petite fille sur la moquette tandis qu'Emma lui lançait un regard tout aussi interrogateur. Elle s'adressa à ce grand garçon, plus grand qu'elle qui, elle n'en doutait pas, était bel et bien Henry avec beaucoup trop d'années de plus...

— Peux-tu... Peux-tu surveiller ta soeur un instant, je...

Elle regarda Emma :

— Miss Swan... On doit parler je pense...

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Henry ne comprit pas et regarda ses mères s'éloigner vers leur chambre où elles s'enfermèrent.

Regina se justifia aussitôt :

— Je n'ai rien fait, je ne sais pas ce qu'il se passe.

— Moi non plus, alors on n'est pas sorti, répondit Emma en marchant de long en large.

Pourtant, le problème leur crevait les yeux et prenait une importance capitale dans leur vie. Si leurs enfants avaient grandi en une nuit, eux avaient sûrement vécu des années qu'elles n'avaient pas vues passer. Seulement, ce fut quand Regina s'arrêta devant la penderie que son regard se fit plus troublé. Les vêtements sur les cintres n'étaient certainement pas les siens, pas plus que les chaussures. Elle marcha d'un pas pressé vers son dressing et ce fut avec un grand soulagement qu'elle constata que ses vêtements étaient toujours là.

Emma l'avait suivie des yeux et affichait maintenant une mine perplexe.

— C'est pour tes vêtements que tu t'inquiètes ?

Regina lui répondit aussi sec :

— Ce sont des modèles uniques, Miss Swan !

— Et moi je connais deux modèles uniques là dehors qui nous attendent et qui ont pris de l'âge !

Regina en était consciente et se reprit en nouant son peignoir face à elle.

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— Je sais, répondit-elle... Il doit y avoir une explication...

Elle avança vers la fenêtre de sa chambre qui donnait sur un balcon et vérifia son jardin. Son pommier était à sa place mais une nouvelle voiture était garée derrière un imposant quatre-quatre.

— Tout n'est pas exactement comme nous l'avons laissé hier.

Emma était parfaitement d'accord avec la Reine sur cette dernière réplique. Un cadre photo dans les mains, ses yeux ne cessaient de détailler la scène familiale. Henry tenait Sara et Regina et elle encadraient leurs enfants. Le plus troublant était qu'ils avaient aussi grandi sur cette image.

— C'est rien de le dire... On a raté des années de vie, là...

Regina approcha et prit le cadre des mains de sa Sauveuse sans comprendre. Venait une foule d'interrogations auxquelles elles n'avaient aucune réponse. Emma tourna les yeux vers la Reine :

— On doit descendre... Henry nous dira ce qui s'est passé.

Mais Regina ne fut pas d'accord :

— Nous ne pouvons pas ! Que va penser notre fils s’il apprend que ses mères ne se souviennent pas de ces... Je_ne_sais_combien_d'années qui sont passées...

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— Henry a toujours été malin, il suffira de lui expliquer qu'on nous a jeté un sort et qu'on a oublié...

Regina leva les sourcils sur l'air assuré de sa Sauveuse. Elle ouvrit la porte.

— Bien, je te laisse donc le soin de lui parler.

Emma exprima autant d'incrédulité que de désapprobation. Elle croisa les bras, mais les décroisa en sentant le peignoir trop serré. Elle s'agaça, peu à l'aise dans ce maudit vêtement et s'avança vers l'armoire préalablement ouverte par la Reine. Elle y trouva un pantalon et un débardeur et répondit :

— Je vais le faire, t'en fais pas ! Une fois que j'aurai enlevé ce satané peignoir !

Regina était déjà sortie de la chambre et descendait prudemment les marches menant au grand salon. Presque tous ses meubles étaient à leur place et quelques bruits de dessins animés résonnaient depuis la salle à manger. Elle s'y arrêta et vit la petite fille assise sur le canapé. Emma arriva à son tour et lui fit un reproche :

— Faut savoir, soit je lui parle, soit t'y vas.

Elle tourna les yeux vers la cuisine et y aperçut Henry devant la cafetière.

— Je vais lui parler, tu n'as qu'à...

— Je viens, l'interrompit Regina. C'est notre fils, nous devons le faire ensemble.

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Emma l'examina un instant et soupira plutôt que de répondre à cette remarque. Regina se contredisait elle-même. Elle partit finalement vers la cuisine, suivie de la Reine et approcha lentement d'Henry qui remplissait une tasse de chocolat au lait.

— Salut, gamin...

— Gamin ? répéta Henry, peu convaincu, ça doit faire quatre ou cinq ans que tu m'as plus appelé gamin. Je te signale que je te dépasse de dix bons centimètres, maman.

— Ouais, bon...

Emma et Regina se lancèrent un regard. Le début de discussion commençait mal, mais Emma devait trouver des mots qui n'éveilleraient aucun soupçon chez son fils.

— Il s'est passé quelque chose cette nuit, commença-t-elle.

Henry sourit, amusé.

— J'avais remarqué, oui... Vos vêtements par terre dans le salon. Il s'en est passé des choses en effet.

Sur cette réponse, Emma fit les gros yeux, prise au dépourvu et Regina préféra reprendre le cours du sujet :

— Miss Swan, commença-t-elle.

Elle préféra rectifier :

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— Du moins, ta mère et moi, avons un léger problème...

— De souvenirs! termina Emma, plus vivement.

— Disons qu'il s'agit d'un petit oubli de...

— De quelques années au moins ! finit Emma.

Henry les avait regardées à tour de rôle. Il arrivait souvent que ses mères finissent les phrases l'une de l'autre.

— Vous me faites marcher ? demanda-t-il.

— Non, répondirent-elles en chœur.

Toutes les deux se lancèrent un regard, peu habituées de trouver un accord sur une conversation en si peu de temps. Mais très vite, Emma recentra :

— On a dû être touchées par un sort parce que la dernière chose dont je me rappelle, c'était...

Regina l'interrompit :

— Tu avais onze ans, mon chéri.

— Ouais, entre autre choses, termina Emma, l'esprit déjà envahi par les soupirs de sa Majesté.

Henry mesurait le sérieux de ses mères et en devenait d'ailleurs beaucoup plus inquiet. Sa tasse devant lui, un petit nuage de vapeur s'élevait et un court silence s'installa. Il observa Regina, pensif et demanda :

— Qu'est-ce que tu as fait encore ?

Regina se défendit aussitôt :

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— Je n'ai rien fait voyons !

Devant cette vive réponse, Henry comprit qu'il ne devait pas réitérer ce genre d'accusation.

— Mais vous me parlez d'une amnésie qui s'étend sur cinq ans, là. C'est pas rien. Ca veut dire que vous ne vous rappelez pas de plein de choses.

Malgré ses inquiétudes et les questions soulevées, Regina avait une envie irrépressible d'un bon petit-déjeuner copieux. Elle fit donc apparaître deux tasses, un panier de fruits et même un grand plateau de fromages.

— Mais qu'est-ce que tu fais ? demanda Emma.

— Et je t'ai fait le café ce matin, râla Henry, vexé.

Regina ne sut auxquels de ses deux anges répondre en premier sur ces accusations et vit effectivement les tasses de café fumantes posées sur le comptoir.

— Merci, dit-elle...

Elle regarda sa Sauveuse.

— Nous pouvons discuter tout en déjeunant, je ne vois pas où est le mal.

De toute façon, Regina n'en ferait qu'à sa tête, songea Emma qui préféra encore ne rien dire. Leur problème d'amnésie restait plus important que tout le reste.

— Alors ? poursuivit Henry en s'asseyant sur un tabouret autour du comptoir, de quoi vous ne vous rappelez pas exactement ?

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Regina prit place face à lui, un couteau dans la main et épluchant doucement l'une de ses plus belles pommes. Malgré son appétit - et même si Miss Swan ne le voyait pas - la Reine était réellement inquiète.

— Il serait plus rapide de nous demander quelle est la dernière chose dont on se souvient...

Emma prit le relais en regardant son fils :

— Ta mère nous a plantés à Boston pour revenir à Storybrooke à cause de Gold.

Regina se défendit :

— Je ne vous ai pas "plantés" Miss Swan, je voulais vous protéger.

— Si tu nous as littéralement plantés ! insista Emma, sans même un mot à Henry et...

— Stop ! les coupa Henry en haussant le ton.

Il les regarda à tour de rôle, troublé. Ce qui l'inquiétait le plus n'était pas cette énième dispute, cela il y était habitué, mais le moment raconté par ses mères.

— Et après ça, vous ne vous rappelez de rien ?

— Non ! répondirent-elles ensemble.

Maintenant, Henry avait raison de se faire du souci. Il leva les sourcils et prit un toast en réfléchissant.

— Ca fait beaucoup de choses oubliées en effet... Je sais pas... Euh... Après, la vie a continué et

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vous avez continué à vous disputer donc tout allait bien, enfin, pour nous, dans notre famille en tout cas, quand vous vous disputez c'est que tout va bien.

Regina prit une courte pause pour bien comprendre les explications de son fils. Elle lança un regard à Emma qui, bras croisés, affichait l'une de ses expressions résolument mécontente.

— Et à part ça ? demanda-t-elle, pressée d'en découdre.

— Grand-père et grand-mère ont essayé de te convaincre qu'il était mieux pour toi et moi que tu renoues des liens avec Neil, mais plutôt que de leur répondre, tu as préféré carrément habiter chez maman.

Au fil des explications d'Henry, Regina abordait ce "problème" d'un tout autre regard. Certes, elle avait perdu quatre ou cinq ans à ne pas voir grandir sa fille et son fils, mais le temps avait toujours été une variable sans importance dans son monde ou à Storybrooke. Elle s'en tenait donc à ses constats : Henry était devenu un beau et charmant jeune homme, leur petite Princesse était adorable et elle apprenait qu'Emma et elle étaient devenues la famille qu'elle avait voulu qu'elle devienne. Un petit sourire vainqueur dessina ses lèvres.

— Alors j'ai gagné. J'ai eu mon Happy End.

Emma leva les sourcils, peu convaincue.

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— Et ça te fait sourire ?! Parce que tu crois que c'est un Happy Ending qu'on est en train de vivre là ?

Regina répondit avec autant d'évidence :

— Nous sommes une famille, Miss Swan, nous semblons heureux, tu as vu les photos !

— J'ai rien vu ! Tout ce que je vois, c'est qu'en une nuit, j'ai perdu cinq ans et je sais même pas ce que j'ai pu faire !

Henry esquissa un sourire en songeant à une chose tout en écoutant Emma râler.

— Tu es devenue Maire à la place de maman qui a décidé de rester à la maison pour s'occuper de nous.

Regina ne fut guère étonnée par cette annonce, dégustant morceau par morceau sa belle pomme tout en constatant la mine défaite de sa Sauveuse. Elle la rassura :

— C'est le plus haut poste de la ville.

— Et j'en voulais déjà pas y a cinq ans !

Regina esquissa un sourire :

— Il y a tout un tas de choses que tu ne voulais pas il y a cinq ans, Miss Swan.

Henry se mit à rire sur les paroles de sa mère qui avait raison sur toute la ligne.

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— Elle marque un point... Parce que moi, j'ai pris la place de l'arbitre et Sara, elle note les points sur un tableau.

Emma s'approcha du comptoir, la tasse dans sa main et s'y accouda, plus sérieuse.

— Quoi d'autre encore ? Dis-nous les événements les plus importants.

Henry récupéra un cookie dans l'assiette que sa mère brune venait de faire apparaître. Même s'il souriait, l'état de ses mères ne le laissait pas sans inquiétude. Il réfléchit un court instant. Des événements, il s'en était passé en cinq ans.

— Mary-Margaret et David ont failli se séparer... Belle aussi a failli quitter Gold.

— Ta mère t'a demandé des événements importants, mon chéri, pas des futilités.

Henry leva les sourcils.

— Ce sont les évènements les plus importants.

Emma restait troublée par ces nouvelles.

— Comment vont Mary-Margaret et David maintenant ?

Henry reconnaissait bien ses mères. Même si l'amnésie les touchait, Regina gardait une distance presque indifférente sur le reste de la famille tandis qu'Emma continuait de s'en soucier.

— Disons que nos Thanksgiving et nos Noëls se font sur deux ou trois jours pour qu'on puisse les faire avec grand-père et grand-mère sans maman.

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Emma mesurait donc l'impact de son union avec la Reine sur ses parents et son entourage.

— Mais ça nous fait plus de cadeaux pour Sara et moi, reprit Henry toujours optimiste.

Regina vit justement la petite blonde avancer dans la cuisine et venir tout de suite vers elle.

— Maman... Tu peux me peler une pomme ?

Regina était sous le charme de sa Princesse qu'elle s'empressa de ramener sur ses genoux, son regard brillant sur ses traits si semblables à ceux de sa Sauveuse.

— Bien sûr...

Henry prit alors conscience que ses mères n'avaient vu Sara qu'à l'état de bambin et précisa donc à l'attention de Regina :

— Tu dois faire une seule épluchure, c'est important, maman.

Regina leva les sourcils sur cette précision et récupéra donc une pomme tandis qu'Emma les regardait de son air renfrogné et réfléchi, incapable d'admettre cette nouvelle réalité.

— Hey ! Je rappelle à tout le monde qu'on a fait un saut dans le temps et qu'on doit revenir là où on était, pas s'amuser à éplucher des pommes !

Ce fut à Regina d'accuser sa Sauveuse :

— Notre fille réclame mon attention, Miss Swan, alors permets-moi de m'occuper d'elle un moment.

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Emma se redressa et bascula sa tête en arrière, exaspérée par le comportement de la Reine.

— Oh bordel !

— Maman ! réprimanda Henry, la règle dit "pas de gros mots" devant Sara.

— Et on se demande bien qui a instauré cette foutue règle ! râla Emma.

— C'est toi ! répondit Henry.

Emma s'agaçait de plus en plus. Elle ne parvenait pas à oublier que cette réalité devant leurs yeux n'était pas la bonne. Regina semblait y plonger la tête la première, oublier leur problème d'amnésie pourtant très important. Quelqu'un jouait peut-être avec elles et la Reine se plaisait à éplucher des pommes pour sa fille.

— Ok, puisque personne va m'aider, je vais trouver Gold !

Regina la vit s'éloigner mais termina d'abord sa tache avant de donner la pomme pelée à sa fille. Elle se leva et l'installa dans le siège avant de regarder son fils :

— Je vais parler à ta mère, surveille ta petite soeur.

— Je sais, fit Henry.

Regina marcha donc dans les pas d'Emma et rejoignit l'étage, croisant sur les murs divers cadres photos de leur petite famille. Comment ne pouvait-elle pas se réjouir, apprécier ce

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phénomène à sa juste valeur alors qu'Henry lui contait la fin heureuse qu'elle avait tant espérée.

— Emma ? appela-t-elle.

La concernée était dans la salle de bains de la chambre, devant le lavabo. Regina s'arrêta à l'embrasure de la porte et la regarda :

— Je suis moi aussi affectée par ce qu’il se passe mais essaye de voir le bon côté des choses. Nous sommes ensemble.

Appuyée sur le lavabo, Emma eut un rire nerveux sur ces derniers mots.

— Alors toi, on peut t'enlever cinq ans de ta vie, te faire oublier la mémoire, te dire que le Sort Noir va tous nous tuer, tu te laisses faire !

Elle se tourna vers elle et croisa les bras.

— T'es la Méchante Reine, Regina. Normalement, t'es censée réagir dès qu'un événement t'échappe. Alors je sais pas moi, reprends tes airs de Méchante Reine et hurle un peu, bouge, crie, fais de la magie, mais ne vas pas éplucher des pommes tout sourire.

Regina avait levé les sourcils face à ces énièmes accusations. Comme d'habitude, Emma Swan ne savait pas ce qu'elle voulait.

— La Méchante Reine n'avait pour ambition que de tuer tes parents, Miss Swan. Celle que je suis devenue n'aspire qu'à être à tes côtés avec nos enfants !

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Emma soupira profondément et se détourna pour se rappuyer au lavabo. Les paroles de Regina la touchaient plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Bien sûr, son coeur battait un peu plus fort en sachant les intentions réelles de la Reine. Elle se rappelait parfaitement de ses efforts pour la ramener à la raison la veille - du moins - leur veille.

— Putain, lâcha-t-elle dans un souffle.

Regina approcha dans son dos et posa tendrement sa main sur son épaule.

— Je ne me laisse pas faire comme tu dis, je ne suis pas de ceux qui subissent, Miss Swan. Mais je sais reconnaître une situation qui me convient. Je préfère me réveiller dans un futur où mes enfants sont heureux que dans un autre où on m'a enlevé tout ce à quoi je tiens.

Et Regina avait raison, songea Emma. Mais jamais elle n'admettrait cela à la Reine. Normalement, elle était supposée être en total désaccord avec elle. Regina devait jouer le rôle de la Méchante, pas du Guide sage et spirituel. Plus le temps passait avec elle, plus elle endossait le mauvais rôle et le savait. Regina reprit, l'air plus grave.

— Que dirais-tu si nous allions en ville pour mesurer ce qui a changé autour de nous... Nous aurons un autre aperçu de la situation.

— Ok, répondit Emma en se redressant.

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Elles entendirent frapper et se tournèrent vers la chambre pour voir Henry sur le palier :

— Maman... On doit manger avec grand-père et grand-mère à midi...

— Quoi ? demanda Emma par pure rhétorique.

La dernière fois qu'elle avait discuté avec ses parents remontait au jour avant son départ précipité pour Boston, après une énième dispute.

— On est samedi... Et le samedi on mange avec eux pour qu'ils voient Sara.

— Non mais c'est quoi cette maison avec des règles et un planning ?!

— Je suis d'accord avec ta mère, commenta Regina. Je n'ai aucune envie de voir Blanche-Neige et le Prince.

Henry répondit :

— Tu ne viens jamais maman.

Emma gardait un air mécontent et agacé.

— Et c'est toi qui as décidé du planning, reprit Henry à l'attention d'Emma. Justement pour éviter d'autres disputes entre toi et les grands-parents ou toi et maman. Et Sara aime aussi les voir.

Regina croisa les bras, mécontente.

— Il va falloir revoir cet emploi du temps absurde. Je ne suis pas d'accord.

Emma réfléchit un instant et reprit :

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— C'est mieux comme ça remarque... Au moins, ça prouve qu'on s'est entendu sur quelque chose.

— Ou que tu m'as forcé à accepter encore une autre de tes décisions, Miss Swan.

— Te forcer ? rétorqua Emma. Mais si je te laissais faire, Storybrooke serait peuplée de zombies sous tes ordres !

— Des gens sur qui j'avais le contrôle, se défendit Regina.

— Mais tu as changé, maman, précisa Henry, maintenant, tu n'es plus comme ça.

— Je reste Méchante ! répliqua Regina... Sauf avec vous parce que je vous aime, mais je refuse d'être la Gentille Reine ! Et puis quoi encore !

— Ah ben voilà, commenta Emma, suffisait de demander son avis à la concernée.

Henry recentra :

— Bon, on fait comment pour midi alors ?

— On va y aller à ce repas, répondit Emma, mieux vaut qu'on agisse comme si rien ne s'était passé, on en apprendra davantage comme ça.

— Et moi ? demanda Regina. Vous allez me laisser toute seule ?

Henry gardait son sourire. Peut-être était-il devenu aussi fou que sa famille, mais il aimait bien lorsque ses mères se disputaient. Cela finissait toujours par les réunir d'une manière ou d'une autre.

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— En général, tu prends le temps de t'occuper de toi quand on part le samedi.

Bras croisés, Regina admettait qu'elle avait peu de temps à elle depuis la naissance de Sara et toutes ses obligations de mère-amante.

— Bien, mais ne rentrez pas trop tard, concéda-t-elle.

— On peut toujours aller en ville maintenant avant d'aller à ce repas.

Regina s'éloigna vers son dressing :

— Je vais me préparer !

* * *

Une heure et demie plus tard, quand sa Majesté se fut enfin vêtue, maquillée et parfumée, Emma se retrouva derrière le volant d'un quatre-quatre noir qui, semblait-il, lui appartenait depuis quelques années. Elle roulait vers le centre-ville, attentive aux décors de la ville restée identique. Elle finit par se garer devant chez Granny et descendit du véhicule avec Regina. Elles entrèrent dans le restaurant, Emma tendue en songeant aux regards accusateurs qui ne tarderaient pas à se poser sur elle et la Reine, ce qui, comme elle s’y attendait, ne manqua pas. Anton ainsi que Leroy étaient au comptoir et détournèrent les yeux en faisant mine de discuter. Ruby servait Gold et Belle tandis que

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d’autres clients étaient installés et les ignoraient. Elles s’installèrent à une table et Emma pensa que malgré ces quatre ou cinq années passées, il lui semblait que rien n’avait changé. Ce matin ressemblait aux autres comme si les habitants de Storybrooke n’avaient pas changé leurs habitudes.

Ruby arriva devant leur table et sourit :

— Bonjour Emma… Regina… Je vous sers quoi ce matin ?

— Juste un café pour moi, dit Emma.

Mais Regina avait bien envie de se laisser tenter par un deuxième petit-déjeuner. Elle parcourut la carte et regarda Ruby :

— Des pancakes au sirop d’érable et un grand chocolat chaud…

Ruby nota sur son calepin :

— Je vous amène ça dans une minute.

Elle s’éloigna et Emma commenta :

— Elle n’a pas vieilli !

Regina fit apparaître le journal de Storybrooke devant elle. Années manquées ou pas, elle ne perdait pas ses bonnes habitudes de Maire.

— Personne ne vieillit à Storybrooke, Miss Swan. Seuls les enfants grandissent jusqu’à l’âge adulte.

Emma regarda la Reine, incrédule. Personne ne lui avait jamais dit que le temps n’influait pas sur le vieillissement à Storybrooke.

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— C’est quoi cette histoire encore ?! Pourquoi personne ne m’a prévenue ?

Regina la regarda d’un air évident :

— As-tu seulement posé la question ?

Emma s’agaçait. Bien sûr, comment aurait-elle eu l’idée de poser la question, ça ne faisait qu’un an qu’elle était à Storybrooke ! Elle balaya la salle des yeux et constata que les autres clients ne leur portaient pas la moindre attention. Ruby vint poser sur la table les tasses de café, de chocolat, l’assiette de pancakes ainsi qu’une coupe de sirop d’érable.

— Voila, bon appétit ! fit-elle.

Et elle repartit.

La clochette à l’entrée du restaurant tinta quand Mary-Margaret et David arrivèrent à leur tour. Emma croisa leur regard, vit leur léger sourire et Mary-Margaret lui fit un petit signe de main avant qu’ils n’aillent s’installer au comptoir.

— Ils pourraient au moins venir dire bonjour, commenta Emma.

— Pour ma part, ces changements sont tout à fait adaptés, dit Regina de son petit sourire à la fois vainqueur et vindicatif.

Emma hésita. Devait-elle se lever et aller voir ses parents ou devait-elle attendre le déjeuner de midi avec Henry et Sara ? Dans sa tête, sa dispute avec ses parents remontait à quelques jours

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contrairement à ce dont ils devaient se souvenir. Avant qu’elle ne se décide, la porte tinta à nouveau et cette fois, ce fut Neil qui pénétra dans le restaurant. Emma n’avait pas du tout envie de le voir tandis qu’il approchait directement vers leur table.

— Salut, dit-il…

— Salut, répondit Emma, polie.

— Est-ce qu’on pourrait discuter ? demanda Neil après avoir jeté un coup d’œil sur Regina. En privé ?

— Tu peux parler, fit Emma sans hésiter, t’as qu’à faire comme si elle n’était pas là.

Parce qu’Emma n’avait aucune envie de se lever, de s’écarter pour seulement discuter avec Neil. D’autant qu’elle s’attendait à une nouvelle tentative d’approche.

— S’il te plaît…

— Ok, souffla Emma en se levant.

Elle suivit Neil dans un coin plus loin et enfouit les mains dans les poches de son jeans.

— Bon, je t’écoute…

— Je voulais que tu sois la première à savoir que je vais me marier.

Emma dut prendre quelques secondes pour assimiler cette nouvelle qu’elle prenait de plein fouet. Elle réalisa alors que pour Neil, cinq ans étaient passés et qu’il avait sûrement eu le temps

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de tourner la page. Mais sa surprise demeurait de taille. Elle croisa finalement les bras et réagit :

— En effet ! Ca, c’est une nouvelle ! Et… Qui est l’heureuse élue ?

— Tu le sais… Je t’en ai déjà parlé… C’est Tamara. Elle arrive demain de New-York.

Plus loin, Regina ne quittait pas des yeux les anciens amants. Elle ne savait rien, ou presque, du fils de Gold, si ce n’était qu’il était le père d’Henry et de ce fait, que lui et sa Sauveuse avaient été proches. Après toutes ces années, que faisait-il encore en ville, se demandait la Reine. ? Sa jalousie était palpable, visible à travers son regard noir tourné sur le jeune homme. Elle vit Emma revenir, se rasseoir face à elle et demanda :

— Que voulait-il ?

Emma but une gorgée de café et répondit :

— Se marier.

Regina manqua d’avaler de travers sa gorgée de chocolat et dut tousser pour faire passer le liquide qui avait emprunté la mauvaise trachée

— Se marier ? répéta-t-elle. Et sait-il que nous sommes ensemble depuis… Depuis cinq ans maintenant ! Parce que si tu ne le sais pas, lui est supposé le savoir !

Ce fut Emma qui réalisa alors l’ambigüité de sa réponse. Un léger sourire étira ses lèvres devant la

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vive réaction de la Reine qui lui rappelait leur union étrange.

— Il se marie avec une autre femme que je suis censée connaître, mais que je n’ai jamais vue.

Regina avait levé les sourcils sur le début des explications d’Emma. Elle détourna les yeux. Elle s’était peut-être un peu emportée.

— Bien, fit-elle. Parce que je ne tolèrerai pas qu’un autre homme… Ou que quiconque d’ailleurs… Prenne ma place.

Cette fois, Emma afficha une mine peu convaincue.

— Tu tolèrerais pas ? répéta-t-elle. Je te rappelle qu’on n’est pas marié, Regina et je vais pas te faire une scène si quelqu’un t’approche et te drague.

Regina se tendit sur ces paroles qui pouvaient aussi bien signifier que sa Sauveuse se moquait éperdument d’elle.

— Je suis certaine que si nous ne le sommes pas, c’est entièrement ta faute.

Emma s’apprêtait à enchaîner sur un ton énervé, mais prit un instant pour se pencher plutôt vers Regina et rétorquer plus bas :

— Déjà, on fait des trucs ensemble qu’on devrait pas faire… Ensuite, t’as accouché d’une fille qui vient de moi et maintenant, tu voudrais qu’en plus on se marie ?! Deux femmes, ça se marie pas.

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— Que de préjugés, Miss Swan. Moi qui te pensais ouverte d’esprit !

— Je suis très ouverte d’esprit ! se défendit-elle.

Emma jeta un regard alentour et reprit aussitôt :

— T’oublies ce que je t’ai fait hier soir…

Regina en perçut un frisson brûlant, son regard plus provocant dans celui de sa Sauveuse.

— Je n’oublie aucune des fois où nous avons fait l’amour, répondit la Reine. Mais une Reine mariée est une Reine comblée !

Emma secoua la tête sur cette expression inventée de toutes pièces. Elle aurait dû s’attendre à ce type de demande de la part de Regina. Mais elle avait déjà du mal à assimiler leur couple, alors envisager le mariage était chose impossible.

— D’abord, tu veux me mettre dans ton lit, ensuite, tu veux un bébé, maintenant tu veux le mariage et après, c’est quoi ? Un caveau familial ?

Regina n’apprécia guère cet humour et essuya ses lèvres avant de se lever en prenant son sac.

— J’ai toujours rêvé d’un mariage et crois-moi, Miss Swan, je l’aurai !

Emma la suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse derrière la porte qui menait aux toilettes. Elle soupira en silence sur les dernières paroles prononcées par sa Majesté. Jamais, elle n’avait envisagé le mariage avec un homme, alors avec Regina, le jour des noces était loin. Elle

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piocha un morceau de pancake dans l’assiette entamée de sa Majesté et se leva en frottant les mains contre son jeans. Puisque Regina n’était pas là, elle en profiterait pour saluer ses parents. Elle s’approcha de leur table et tenta un léger sourire.

— Hey… Salut.

— Salut, ma chérie, répondit Mary-Margaret en tirant la chaise près d’eux. Assieds-toi une minute.

Sur l’invitation, Emma s’installa, peu à l’aise. Elle ne savait pas où la relation entre elle et ses parents en était cinq ans plus tard.

— Alors ? Quoi de neuf ?

David s’accouda à la table, ravi et heureux de pouvoir discuter avec sa fille.

— Pas grand-chose, répondit-il. Henry t’a dit qu’il avait réussi les tests pour faire partie de l’équipe ?

Emma eut une expression confuse sur la question. Quelle équipe ? Quels tests ? Mais devant l’expression de leur fille, David expliqua :

— Le journal du lycée… Il m’a dit qu’il t’en avait parlé et il attendait de savoir si le rédacteur avait aimé son essai sur l’histoire de Storybrooke.

Emma acquiesça d’un signe de tête et répondit :

— Oh oui, oui, mentit-elle, mais il m’avait pas dit qu’il avait été accepté par contre. C’est bien… Il va pouvoir raconter ses propres histoires maintenant.

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Tous les trois rirent un peu sur cette dernière remarque en repensant à l’intérêt qu’Henry donnait aux contes et récits en tout genre.

— Et toi ? Comment vas-tu ? demanda Mary-Margaret, toujours attentionnée. Tu as pu régler ce problème d’appel d’offre pour la construction du stade ?

Une fois de plus, Emma se retrouva perdue. De quoi sa mère parlait-elle ? Elle se rappelait avoir pris le poste de Maire, mais n’avait à aucun moment songé aux responsabilités.

— Ouais… Ouais, fit-elle, évasive.

— Tu as raison, reprit Mary-Margaret, ne parlons pas travail. On mange toujours ensemble tout à l’heure ? Avec les enfants ?

— Ouais, on sera là vers 12h30.

Les regards de David et Mary-Margaret se détournèrent vers Regina qui revenait dans la salle et Emma la vit aussi. Elle se leva.

— A tout à l’heure.

Et marcha vers la table qu’elles avaient investie avec Regina. Elle s’assit face à elle et demanda :

— Ca y est ? Ton nez est bien repoudré ?

Mais pour Regina, il était toujours question de leur discussion précédente :

— Penses-tu que je ne sois pas digne d’être ta femme, Miss Swan ?

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Emma se laissa tomber contre la banquette et roula des yeux sur cette question qui revenait. Elle était passée à autre chose depuis la conversation avec ses parents.

— Tu crois vraiment que c’est important, là ? On se retrouve dans le futur, cinq ans après et toi, tu parles mariage.

— En effet, car après toutes ces années, il aurait été normal que nous le soyons !

— Mais on les a pas vécues ces années, rappela Emma.

— Henry les a vécues… Tous ceux que nous connaissons également. Après cinq ans, je ne peux me permettre, moi la Reine, de ne pas être mariée.

Emma leva un seul sourcil sur cet argument non recevable. Cette discussion n’avait ni queue ni tête et restait inutile parce que trop de choses parasitaient son esprit pour le moment. Elle attrapa sa veste, termina sa tasse.

— Désolée, mais tu m’en demandes trop, là.

Le pire était sans doute que Regina en avait parfaitement conscience. Mais telle était sa nature. Plus elle recevait, plus elle demandait. Elle imita Emma et se leva à son tour avant de la suivre hors du restaurant.

* * *

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Comme prévu, Emma déjeuna avec ses parents qu’elle rejoignit au Granny à midi trente. Seule pour une partie de la journée, Regina n’avait pu s’empêcher de fouiller sa propre maison pleine de trésors dissimulés. Telle une petite fille cherchant des œufs de pâques dans son jardin, la Reine fouillait les meubles, les tiroirs, les placards. Comme elle l’avait constaté en se réveillant ce matin, les murs, les meubles et les pièces de leur demeure affichaient avec fierté le bonheur évident de leur petite famille. Dans le salon baigné des parfums de sa Sauveuse, elle avait trouvé plusieurs albums photos. Un consacré aux premières années de Sara, un autre à différentes occasions ou évènements tels que les anniversaires d’Henry, les siens ou ceux d’Emma. Regina les avait parcourus avec bonheur, souriant parfois de voir la mine renfrognée de sa Sauveuse qui, visiblement, levait la main vers l’objectif à chaque fois qu’on souhaitait la prendre en photo. Si ces images la rendaient parfois amère de ne pas avoir vécu les évènements importants de la vie de ses enfants et de son amante, Regina s’efforçait de relativiser, de prendre le bon côté des choses. Et ce qu’elle découvrait de leur vie aujourd’hui était un immense réconfort. Jamais Regina n’aurait eu l’audace de se projeter dans cet avenir si lointain et exaltant. Le seul souvenir des complications vécues ces derniers jours avec Emma était en totale contradiction avec ce qui

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leur arrivait. Car Regina n’oubliait pas l’apparition de son père à Boston, le prix à payer du Sort Noir. Si Emma disait vrai, si Gold avait voulu la leurrer pour les éloigner l’une de l’autre, il avait échoué. Le destin s’était chargé de les protéger et de les réunir à nouveau. Peut-être Blanche-Neige avait-elle raison, s’agaça la Reine en le pensant. Peut-être était-il vrai que le bien triomphait toujours, que sa relation avec la Sauveuse ne pouvait être que bénie par les Dieux ou les Forces qui, avant sa rencontre avec Emma, avaient été si cruelles à son égard. Peut-être Regina avait-elle dû en passer par là pour mériter sa Fin Heureuse ?

Elle entendit la porte d’entrer s’ouvrir et se releva du canapé, posant l’album sur la table basse, en voyant Sara courir vers elle.

— Maman !

Comment Regina ne pouvait-elle pas sourire devant sa petite Princesse ? Elle la prit dans ses bras et repoussa ses cheveux fins et dorés.

— Salut mon ange.

Regina regarda sa Sauveuse tandis qu’Henry refermait la porte.

— Alors ? Comment s’est passée cette petite réunion avec mes beaux-parents ? taquina la Reine.

Emma demeurait tendue. Elle finissait par croire que cet état devenait permanent ces derniers

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jours. Etrangement, elle était contente de rentrer, de revenir dans cette maison.

— Pas trop mal, répondit-elle en enlevant sa veste, y’a beaucoup de sujets tabous qu’on doit éviter, toi notamment, mais sinon on dirait qu’ils prennent bien la chose.

Regina se rassit sur le canapé, Sara sur ses genoux qui se laissait câliner.

— Après cinq ans, il serait temps qu’ils acceptent certaines évidences.

Henry approcha de ses mères, se grattant l’arrière de la tête d’un air hésitant.

— Au fait, j’ai une petite fête chez Emily ce soir et je pensais passer la nuit chez elle, vous voyez ?

Regina fronça les sourcils sur ces mots. Avait-elle seulement bien entendu la demande de son fils ? Jamais Henry ne lui avait parlé d’une fille ! Son fils ne pouvait pas déjà s’intéresser aux charmes de l’autre sexe.

— Qui est cette Emily ? interrogea-t-elle.

Henry regarda sa mère blonde, en quête d’un peu de soutien.

— C’est ma copine… Je vous en ai parlé le mois dernier… C’est sérieux entre nous.

Bras croisés, Emma observait son fils comme elle l’avait fait durant tout le repas. Sara et Henry avaient bien grandi et chacun avait visiblement son propre caractère. Elle ne doutait pas

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qu’Henry ait pu leur parler de cette fille, mais elles ne s’en souvenaient pas. Comment gérer ce genre de situation sans en avoir toutes les données ? Après tout, Henry était beau garçon, il était donc normal à seize ans qu’il ait une petite amie et qu’il s’intéresse à autre chose qu’à son livre de contes… A force de voir des Princes et des Princesses s’embrasser, il aurait pu vouloir faire la même chose et tester les effets du plaisir… Non, là, elle devait stopper ses réflexions parce qu’évidemment, elles dévieraient bientôt sur la Reine et son incroyable don pour lui exprimer ce plaisir en question.

— Et on l’a déjà vue, nous, cette Emily ? Comment elle est ?

Devant la moitié d’approbation d’Emma, Henry s’enthousiasma et sortit son portefeuille de sa poche pour montrer la photo d’Emily parmi celles de sa famille.

— Regarde…

Regina, loin de s’enthousiasmer, se leva et arracha littéralement le portefeuille des mains de sa Sauveuse. Qui était cette femme qui oserait lui enlever son fils unique ? Elle constata ses traits fins, son sourire enjôleur, sa beauté fragile. Cette fille avait toutes les caractéristiques de ces jeunes femmes que la Reine avait combattues dans la Forêt Enchantée.

— Je veux la rencontrer ! exigea-t-elle.

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Elle regarda Henry :

— Qu’elle vienne cet après-midi.

Emma reporta les yeux sur sa Majesté qui, une fois de plus, voulait tout contrôler jusqu’à tester la petite-amie de son fils.

— Et qu’est-ce que tu vas faire ? La changer en crapaud si elle te plaît pas, Majesté ?

— Je me dois de savoir de qui mon fils est amoureux, se défendit la Reine.

Henry passa par toutes les couleurs.

— Mais maman, ça ne fait qu’un mois…

— C’est bien assez pour que je la rencontre, dit Regina. Je veux savoir qui elle est, d’où elle vient, pourquoi elle s’intéresse à toi et si elle mérite tes faveurs.

Regina eut une pensée irrépressible et demanda sans détour :

— Est-ce que tu as fait l’amour à cette fille ?

Les joues d’Henry s’empourprèrent, son regard sur sa mère blonde. Cette fois, Emma se tendit plus qu’elle ne l’était déjà. Regina devenait-elle folle à poser cette question devant toute la famille ?!

— T’es devenue tarée ou quoi ?! Non mais ça va pas ?

Henry ne savait plus où se mettre et préféra intervenir.

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— C’est bon… Ne vous disputez pas à cause de moi.

Il s’éloigna vers les escaliers, bien trop embarrassé par la dernière question de sa mère qu’il savait plus qu’intransigeante. Emma offrit un regard accusateur à la Reine et suivit Henry à la hâte pour le rejoindre dans sa chambre. Elles avaient déjà raté cinq années de la vie de leurs enfants, elle ne voulait pas les braquer dès le premier jour de leur amnésie.

Regina préféra ne pas la suivre, mesurant qu’elle était peut-être un peu excessive avec son fils. Mais il était normal, en tant que mère, de veiller à ce qu’il rencontre la bonne personne, une jeune femme digne de lui. Elle regarda sa fille et lui dit sur une pensée.

— Essaye de ne pas grandir trop vite ma chérie.

— Tu peux venir me coiffer dans ma chambre ? demanda Sara.

D’un sourire réjoui, Regina la suivit à travers les escaliers afin de rejoindre l’étage. Elle passa devant la porte fermée de la chambre d’Henry où elle entendait quelques mots de la part d’Emma mais elle ne s’arrêta pas pour écouter. Elle suivit Sara dans sa chambre de Princesse et dans sa petite salle de bains afin de récupérer une brosse. Ses cheveux dorés tombaient le long de son dos, aussi semblables et soyeux que ceux d’Emma, songeait-elle. Ce moment qui aurait pu paraître

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anodin pour tout un chacun était loin de l’être pour la Reine. Quand Sara fut coiffée, elle retourna avec elle dans la chambre et s’installa sur le canapé tandis que sa fille lui apportait ses poupées.

— Ca c’est Belle, dit-elle. Puis Blanche-Neige et Cendrillon.

En d’autres circonstances, Regina aurait pu s’offusquer d’entendre sa fille énoncer les prénoms de ses ennemies de la Forêt Enchantée mais elle ne le pouvait en la voyant si heureuse avec ses jolies poupées.

— Et où sont leurs Princes ? demanda Regina.

— Ils sont pas là ! dit Sara. Ils vont venir après.

A l’entrée de la chambre, Emma avait croisé les bras, son regard sur la Reine et leur Princesse. Des mois plus tôt, elle ne l’aurait pas cru capable de tant de patience.

— Il faut qu’on parle, l’interpella-t-elle.

Regina la regarda et s’adressa à Sara :

— Je reviens ma chérie. Sois sage…

Elle rejoignit Emma dans le couloir et ferma la porte de la chambre pour éviter que Sara n’entende la probable dispute à suivre :

— Je t’écoute Miss Swan.

— Henry a seize ans ! C’est un jeune homme, ce n’est plus le petit garçon de onze ans qui nous

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parlait de son livre de contes pas plus tard qu’hier !

— Je ne suis pas stupide, répliqua Regina, je sais que c’est un jeune homme. Je soupçonne même qu’il commence à se raser figure-toi.

— Ce que tu dois comprendre, c’est que tant qu’on ne sait pas comment revenir en arrière, là où on devrait être, j’aimerais que t’évites de te comporter comme une mère possessive et castratrice !

— Je ne suis pas castratrice, se défendit la Reine. J’aime mon fils et mon devoir est de le protéger.

— Contre une fille ? accusa Emma avec évidence.

— Certaines sont impitoyables, Miss Swan. Elles savent vous briser le cœur et le réduire en mille morceaux.

Emma savait qu’elle pouvait prendre pour elle cette accusation.

— On parle pas de nous là. Henry a l’air très amoureux de cette fille. Je lui ai dit que je te parlerais, qu’on la rencontrerait demain et que tu te tiendrais tranquille !

Regina se défendit :

— Insinuerais-tu que je te fais honte ?

— Tu es trop autoritaire !

— Contrairement à toi peut-être ?

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— Je l’étais quand Henry avait onze ans. Alors tu me laisseras parler, tu éviteras tes questions déplacées et tu essaieras d’être aimable !

Regina croisa les bras, peu convaincue.

— Mon manque d’amabilité n’a jamais tué personne, répliqua-t-elle.

— On parle de la petite-amie de notre fils là, pas de la voisine ou de mes parents ! dit spontanément Emma.

— Je ferai un effort, concéda Regina.

— Je lui ai dit qu’il pouvait aller à sa soirée en attendant. Mais qu’il rentre dormir ici après.

— Ca me convient.

— Bien, alors on est d’accord.

Regina la détailla un instant et finit par lui sourire, toujours charmée par l’air renfrogné et accusateur de sa Sauveuse.

— Tu vois, Miss Swan. Nous parvenons à nous entendre quand tu y mets un peu du tien. Puis-je aller voir mon fils, maintenant ?

Emma hésita :

— Ouais, mais à condition que tu ne le traumatises pas avec tes questions déplacées !

— Je ferai attention…

Elle esquissa un sourire charmeur à sa Sauveuse et se pencha sur ses lèvres pour lui voler un baiser

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avant de reculer et de rejoindre la chambre d’Henry.

Ce dernier était sur son lit et lisait une bande dessinée pour passer le temps.

— Henry, je m’excuse pour tout à l’heure, fit Regina.

Ce dernier se redressa et s’assit sur le rebord de son lit en posant son comics près de lui. Heureusement, Emma l’avait rassuré sur sa maman brune qu’il savait moins souple qu’elle ne l’était.

— Ouais, c’est pas grave.

Regina approcha et s’assit près de lui.

— Tu sais, j’ai toujours fait en sorte d’agir au mieux pour ton bien, de prendre les meilleures décisions pour te protéger. Peut-être que ces années manquées me font défaut mais je tiens à ce que tu saches que je ferai de mon mieux pour être à la hauteur de tes attentes.

* * *

Dans l’autre chambre, Emma se retrouvait avec Sara qui restait assise devant son miroir. Etrangement, elle ne savait quoi dire, ni comment aborder sa petite fille qui avait bien grandi. Elle s’approcha et entendit la voix de Sara :

— Tu joues avec moi maman ?

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Emma esquissa un léger sourire, attendrie par le comportement et la douce voix de sa princesse. Elle finit par s’installer près d’elle et demanda :

— A quoi tu veux jouer, ma puce ?

Sara sourit d’un air enthousiaste.

— A la Méchante Reine et à la Princesse.

Emma se mit à rire sur l'annonce du jeu en question qui parlait de Regina et elle.

— Ok, alors qui doit faire la Méchante Reine ? Toi ?

— Non, moi je suis la Princesse !

Plus Emma passait du temps avec Sara, plus elle était sous le charme. Elle glissa délicatement ses doigts dans ses cheveux dorés et répondit :

— T’as raison, t’es aussi belle que la Princesse. Alors je n’ai plus qu’à crier sur tout le monde, contrôler tout le monde et je suis la Méchante Reine.

Sara se mit à rire sur cette description de sa maman brune avant de la voir justement entrer dans sa chambre.

— Maman !

Elle se précipita vers Regina, prit sa main et la tira vers Emma.

— On va jouer toutes les trois. Moi je suis la Princesse, maman c’est la Méchante et toi…

Elle hésita un instant.

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— Toi tu es grand-mère.

Regina fut moins enthousiaste sur cette demande et s’agenouilla près de sa Sauveuse et de sa fille.

— Je préfère rester moi-même ma chérie. J’excelle dans ce rôle, vois-tu ?

— C’est clair, commenta Emma, la Méchante Reine reste la Méchante Reine. Laisse ta maman jouer ce rôle.

Mais Sara changea d’avis de jeu et marcha vers son petit bureau où elle récupéra un livre familier qu’elle amena à ses mères.

— Je veux une histoire…

Emma prit donc le fameux livre que sa fille lui tendait. Henry le lui avait prêté et elle était curieuse de savoir si d’autres contes avaient été écrits entre-temps. Elle feuilleta les premières pages, parcourut les images qu’elle connaissait déjà et arriva aux dernières histoires. Son regard s’arrêta sur un gros titre et son expression se ferma en détaillant une photo.

Le cœur scindé en deux, ni méchant, ni gentil, le Prince Noir avait parcouru nombre de territoires, de comtés pour rejoindre le château de la Reine. Celle que tous nommaient la Méchante Reine ne démontrait ni scrupule, ni amour. Elle n’avait connu ni Prince, ni Roi, ne vivait que pour venger les malheurs de sa vie. Jusqu’au jour où le Prince Noir passa les frontières de son Royaume et ne pénètre dans la demeure de la Reine. Pur et incorruptible, le Prince Noir avait combattu maintes créatures, sorcières et

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bêtes infernales. Son cœur, son âme dévouée aux luttes, il n’avait connu que longues chevauchées et terribles guerres…

Emma tourna la page, agacée et posa les yeux sur un dessin qui représentait ce fameux Prince Noir couvert d’une armure sombre, à genoux devant la Méchante Reine.

— C’est quoi ce bordel ? commenta-t-elle spontanément.

Sara regarda sa maman brune en dénonçant sa maman blonde :

— Maman a dit un gros mot.

Mais Regina était perplexe, autant intriguée que l’était Emma face à ce croquis très représentatif. Elle se reconnaissait sans mal, vêtue d’une de ses magnifiques robes élégantes au corsage généreux, telle qu’elle aimait les porter à l’époque où elle vivait dans son château.

— Je ne connais pas cet homme, se défendit-elle sur la remarque de sa Sauveuse.

Mais cette réponse ne satisfaisait pas Emma qui se tendait au fil des secondes. Son regard ne pouvait quitter l’image, la main tendue de la Reine dans celle que le Prince Noir lui offrait. Qui était cet abruti encore ? De quoi parlait ce conte ? De qui s’agissait-il sous l’armure ? Il n’y avait aucune suite, comme la fois où le conte sur leur fille ne s’était pas entièrement rédigé. Elle ferma le livre et se leva.

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— Tu dois bien le connaître pourtant ! accusa-t-elle à l’attention de Regina. T’as pas l’air de le repousser sur le dessin !

Regina le constatait parfaitement mais comment pouvait-elle se justifier sur un fait dont elle n’avait pas le souvenir ?

— Miss Swan, je ne connais pas cet homme. Je te le jure !

La colère l’envahissait tout entière et Emma était incapable de la faire taire. Un vent de jalousie ne cessait plus de souffler sur elle après avoir vu la Reine et ce foutu Prince Noir. Elle quitta la chambre et rejoignit celle de son fils.

— C’est qui ce Prince Noir ? lui demanda-t-elle sans détour.

Henry leva les sourcils, d’abord surpris par l’entrée soudaine de sa mère, puis comprit la question en voyant le livre dans sa main.

— J’en sais rien, fit-il.

Il prit doucement le livre des mains d’Emma et tourna les pages pour atteindre celle de l’histoire du Prince Noir. Il parcourut les lignes, jeta un œil sur l’image. Tout expliquait le mécontentement de sa mère.

— Je sais pas, répéta-t-il. Ce conte n’existait pas jusqu’à maintenant.

Mais lui aussi s’interrogeait maintenant. Sa mère brune ne semblait pas outrée ou cruelle devant ce

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chevalier, mais plutôt intéressée par sa présence. Regina avait suivi sa Sauveuse, confuse, Sara dans ses bras.

— Ce n’est peut-être pas moi, tenta-t-elle.

— Tu rigoles ? répliqua Emma. Non mais t’as bien regardé le dessin ? C’est ton portrait craché ! Et combien de Méchante Reine tu crois qu’il existe dans votre Forêt Enchantée ?

— Justement, Miss Swan, reprit la Reine, je suis ici avec vous et je ne compte guère y retourner !

Emma n’entendait pas les réponses de Regina, bien trop préoccupée par ce qu’elle venait de lire. Elle quitta la pièce et lança :

— Je vais chercher ce type ! Et si je le trouve, ça va chier !

Regina ne put la retenir et la vit descendre les escaliers en trombe avant d’entendre claquer la porte au rez-de-chaussée. Henry regarda sa mère brune :

— C’est qui ce Prince Noir maman ?

— Ai-je l’air de le savoir, Henry ?! s’offusqua la Reine.

— Tu ferais bien de le savoir car si maman le trouve avant toi, elle risque d’être très en colère.

Regina prit une courte pause. Elle réalisait seulement maintenant l’emportement de sa Sauveuse face à ce conte qu’elle avait découvert en même temps qu’elle. Elle s’en rendait compte,

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Emma était jalouse, profondément jalouse contrairement à ce qu’elle lui avait dit le matin même chez Granny. La Reine en retirait une certaine fierté, pour ne pas dire une fierté certaine ! Selon elle, la jalousie était une émotion indispensable dans une relation amoureuse aussi fusionnelle et passionnelle que la leur. Une émotion qui témoignait des sentiments et de leur intensité. Contrairement à elle, Emma ne l’assumerait pas, pensait la Reine, ce qui ne la rendait que plus charmante dans son déni constant qui ne cessait finalement de les rapprocher.

* * *

Tout l’entourage du couple était passé à l’interrogatoire. Ruby, Granny, Blanche-Neige, David, Leroy et même Archie avaient dû répondre aux questions répétitives d’Emma. Celle-ci n’avait obtenu que des « je ne connais aucun Prince Noir », « je ne sais pas qui c’est » et quelques « tu ferais peut-être mieux de quitter Regina ». Bien sûr, ce dernier commentaire n’avait pas été retenu, mais Emma bouillonnait. Plus elle pensait au dessin, à ce Prince Noir, plus elle fulminait. Quel genre de type pouvait se pointer et s’approprier la Méchante Reine ? Après tout, Regina couchait avec elle depuis quelques semaines puisque les cinq ans passés ne

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comptaient pas… Regina était venue la chercher, l’avait provoquée, charmée et presque forcée pour la ramener dans son lit. Mais il restait une personne à interroger, certainement la mieux informée.

Elle poussa la porte du magasin, fit tinter la clochette et trouva Gold derrière le comptoir :

— Miss Swan, l’accueillit-il d’un ton froid. Vous avez du culot de venir me trouver après ce que vous avez fait !

Emma fronça les sourcils. Si elle n’aimait pas Gold, elle ne s’était pas attendue à cet accueil et ces accusations alors que c’était à elle de l’accuser :

— De quoi parlez-vous ? rétorqua-t-elle tout aussi glaciale.

— Comme si vous ne le saviez pas, très chère. Je vous avais prévenue, je vous avais dit que la magie était instable ! Regardez ce que vous avez fait ! Par votre faute, la structure temporelle et la magie de Storybrooke se sont complètement déréglées. Nous parlons d’un bond de cinq ans dans le futur ! Qui peut dire si ça ne va pas se reproduire ou pire, que se passera-t-il si nous repartons dans le passé et que le Sort Noir s’abat à nouveau sur la ville ?

— Alors vous êtes au courant ! comprit-elle. Vous savez ce qui s’est passé !?

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— Bien sûr, je le sais, répondit-il. Je suis le Ténébreux et pourtant il n’y a rien que je puisse faire pour retourner d’où nous venons. Vous mériteriez que je vous tue Mademoiselle Swan et la seule raison pour laquelle vous êtes encore en vie c’est que vous êtes la mère de mon petit-fils !

— J’en ai rien à foutre de vos menaces Gold ! Et je n’ai rien fait !

— Oh si vous avez fait ! Tout est votre faute ! Vous êtes avec Regina, votre relation n’est pas dans l’ordre des choses, pas dans cette réalité ! Vous devriez être avec Baelfire !

Emma n’avait pas de temps à perdre à chercher à comprendre de quoi parlait Rumplestiltskin au sujet de cette autre réalité qui n’avait fait qu’embrouiller tout le monde, elle y compris. Quant à Neil, elle avait d’autres chats à fouetter qu’à s’occuper de ses regrets amoureux.

— C’est pour lui que vous avez manipulé Regina, renvoya-t-elle, vous avez pris l’apparence de son père pour lui faire croire que le Sort Noir allait me tuer ainsi que Sara et Henry.

— Mais vous ne comprenez rien ! s’agaça Gold. Je l’ai fait pour vous protéger, pour tous nous protéger de Regina.

— Vous l’avez fait dans votre seul intérêt pour que Neil ne quitte pas la ville. Vous ne pensiez qu’à vous !

— C’est vous qui ne pensez qu’à vous très chère.

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— Je n’ai pas de temps à perdre Gold et je ne suis pas venue pour ça alors vous allez me dire qui est le Prince Noir que j’ai trouvé dans le livre d’Henry !

Gold afficha une expression incrédule et un sourire ironique dessina ses lèvres.

— Un Prince Noir, dites-vous ? C’est intéressant.

— Qu’est-ce que vous savez ?

— Quand bien même saurais-je quelque chose, vous pensez sincèrement que je vous aiderais après ce que vous avez fait ? Qui que soit ce Prince, j’espère qu’il sera en mesure de remettre un peu d’ordre dans ce que vous avez provoqué avec votre Reine !

Emma se retint de passer derrière le comptoir pour écraser son poing dans la mâchoire de Rumplestiltskin. Elle savait que si ce dernier ne lui parlait pas, alors elle n’aurait aucun moyen de savoir qui, à Storybrooke, se cachait sous l’armure sombre de ce maudit Chevalier. Emma ne pouvait envisager une seule seconde que ce type en armure, ce Prince ou qui qu’il soit, pose ses mains sur la Reine. Elle quitta la boutique en claquant violemment la porte, faisant se décrocher la clochette qui tomba sur le sol. Une idée de secours venait de lui traverser l’esprit et elle devait donc parler à Henry avant qu’il ne s’absente pour la soirée.

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* * *

Assis sur son lit face à Emma, Henry restait confus. Il comprenait l’inquiétude de sa mère blonde, devinait aussi sa jalousie qu’elle n’exprimait pas clairement. Pour s’être si longtemps fié à ses contes lorsqu’il était enfant, il savait aussi que son livre ne mentait pas, que ce Prince Noir existait forcément quelque part à Storybrooke. A présent, son rôle était de rassurer sa mère pour calmer ses inquiétudes.

— Je peux essayer de parler à Gold mais je ne suis pas sûr qu’il me réponde en sachant que je te répète tout.

— Ca vaut le coup d’essayer, répliqua Emma.

— Connaissant maman, reprit Henry, elle ne te trompera pas avec ce chevalier. D’ailleurs, le dessin ne montre rien de plus que cet homme agenouillé devant elle.

— C’est plus que ça, s’agaça Emma. Ils ont l’air proches… On dirait que… Qu’il la demande en mariage !

Henry leva les sourcils en regardant à nouveau le livre ouvert sur ses genoux. Sa mère n’avait pas tort, pensait-il. De plus, ce que le livre écrivait arrivait ou arriverait.

Emma croisa les bras, plus remontée que jamais en se rappelant en plus de sa discussion avec Regina sur sa position sur le mariage. Sa mémoire

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infaillible, elle se souvenait mot pour mot de ses paroles : « J’ai toujours rêvé d’un mariage et crois-moi, Miss Swan, je l’aurai ! »

— En plus, ta mère attend que ça ! commenta-t-elle.

— Pourquoi tu dis ça ? demanda Henry.

— Elle veut se marier, c’est tout ! C’est une Reine et elle veut un Roi, c’est logique !

— Elle veut se marier avec toi, rappela Henry. Pas avec le premier Prince venu. Ca fait des années qu’elle te fait des sous-entendus pour que tu la demandes en mariage.

Emma garda sa mine renfrognée mais demanda :

— Quels genres de sous-entendus ?

— Et bien, elle laisse traîner des revues de robes de mariée, elle te fait comprendre qu’elle peut s’offrir toutes les bagues sauf celle que tu lui passeras au doigt… Elle te parle aussi d’officialiser les choses entre vous pour que nous portions vos deux noms.

Ces explications ne laissaient pas Emma insensible, bien au contraire, mais elle était en train de parler « mariage », d’énoncer la volonté de Regina de devenir sa femme, de l’épouser, de se lier à elle par des liens qui les uniraient jusqu’à la fin de leurs jours. Elle se justifia :

— J’ai vingt-huit ans moi, je suis trop jeune pour ce genre de conneries ! Les mariages, ça veut rien

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dire, c’est juste une raison valable pour pouvoir demander le divorce quand on s’engueule.

Henry leva les sourcils.

— C’est comme ça que toi et maman vous vous aimez, tenta-t-il. Vous vous chamaillez mais vous vous aimez.

Emma fronça les sourcils sur cette dernière remarque. Elles s’aimaient, se répétait-elle. Elle ne pouvait concevoir cette idée. Pourtant cinq ans étaient passés et son fils semblait plus informé sur sa relation avec Regina qu’elle-même ne l’était. Avait-il raison dans son analyse ? Etait-ce ainsi qu’elles vivaient ?

— Ouais, ben c’est pas une vie de se disputer tout le temps et encore moins devant ses enfants.

Henry la rassura :

— Ce ne sont jamais de grosses disputes, vous êtes juste très souvent en désaccord et aussi possessives et jalouses l’une que l’autre.

Emma se défendit :

— Je ne suis pas jalouse !

Henry dodelina de la tête et lui tendit le livre :

— Si tu le dis.

Emma le prit mais s’agaça davantage, percée par son propre fils !

— Tiens-moi au courant quand tu auras vu Gold, ok ?

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— Je te dirai ce qu’il m’aura dit.

— Bien.

Elle quitta la chambre et sentit aussitôt les bons parfums provenir de la cuisine où Regina avait certainement passé le reste de son après-midi. Elle rejoignit le rez-de-chaussée et la vit se diriger vers le petit bar de la salle à manger. Sara était en train de jouer devant la table basse avec un gros puzzle.

— Le repas sera bientôt prêt, Miss Swan. J’espère que tu as faim, j’ai préparé un rôti de porc à l’ail confit et aux pommes sautées.

— Pour l’instant j’ai besoin d’un verre, répondit-elle.

Regina le savait. Elle commençait à connaître les habitudes de sa Sauveuse qui, petit à petit, prenait ses aises dans leur grande maison. Elle la vit s’asseoir – pour ne pas dire s’avachir – dans le canapé et lui porta un verre de whisky glace.

— Alors, ce Prince Noir, l’as-tu trouvé ?

— Non ! répondit-elle, agacée.

Elle but une gorgée de whisky et ajouta :

— Mais il perd rien pour attendre.

Elle se rappela de sa conversation avec Gold et expliqua :

— Rumple est au courant pour le saut dans le temps. Il dit que c’est notre faute, que la magie est

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instable et il a parlé de structure temporelle déréglée !

Regina s’assit près de sa Sauveuse, son verre de vin dans les mains.

— Peut-être devrions-nous simplement arrêter de l’écouter.

— Et s’il sait quelque chose ? répliqua Emma.

— Ca ne change rien.

Emma regarda un instant Regina qui ne semblait pas aussi obsédée par ce Prince Noir autant qu’elle l’était. En réalité, une question lui brûlait les lèvres mais allait-elle oser la poser ? Elle hésita et grommela :

— Si tu croisais ce Prince, tu me le dirais ?

— Bien sûr, Miss Swan, répondit la Reine sans hésitation.

Emma n’aimait pas ce qu’elle ressentait, les émotions qui la submergeaient l’empêchaient de se fier à son fameux sixième sens lui permettant de savoir quand quelqu’un lui mentait ou non. Elle détourna les yeux :

— Ouais, tu dis ça mais tu me diras rien.

— T’ai-je menti une seule fois ces derniers jours ?

— J’en sais rien, fit Emma de mauvaise foi.

— Et pour que je le croise, Miss Swan, encore faudrait-il que je sorte seule de notre maison. Je te rappelle que nous passons le plus clair de notre

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temps ensemble ces derniers jours et mes activités se résument majoritairement à m’occuper de notre fille, faire la cuisine et autre chose dont je ne parlerai pas devant Sara.

Emma lui lança un regard accusateur sur ce rappel mal venu dans leur discussion. Pourquoi fallait-il toujours que la Reine évoque leurs moments intimes ? Elle chassa ses pensées déplacées de son esprit et songea à l’idée de ne plus quitter Regina d’une semelle ou de s’arranger pour qu’Henry la surveille. Si ce foutu Prince se pointait, il n’échapperait pas à sa vigilance ou à celle de son fils.

La porte d’entrée s’ouvrit à la volée :

— Leroy est à l’hôpital ! s’écria David… Quelque chose l’a attaqué !

Emma se leva sans attendre, imitée par Regina qui suivit Emma vers l’entrée.

— Comment ça quelque chose ? demanda la Sauveuse.

— Vous pourriez avoir l’obligeance de frapper, où vous croyez-vous ?! accusa Regina.

— Désolé, fit David, mais Leroy nous a parlé d’un oiseau cracheur de feu, c’est peut-être un dragon !

— Un dragon ? répéta Emma. C’est une blague ?

— Je crains que non, répliqua David.

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Manquait plus que ça, songeait la Sauveuse. Elle avait déjà eu sa dose de dragon l’année précédente.

— Ok, je viens !

Elle regarda Regina :

— Tu restes avec les enfants.

— Non, fit David, on a besoin de vous deux ! Si c’est un dragon, il vous faudra utiliser votre magie.

Emma regarda Regina d’un air inquiet. Elle ne faisait pas de magie mais David ne savait pas que la « Emma » face à lui avait cinq années de retard d’entraînement en la matière.

— Nous arrivons dans un instant, dit Regina en voyant sa Sauveuse sur le recul.

— Je retourne au commissariat, dit David. Je vais chercher des armes.

Il s’éloigna en courant vers sa voiture et Emma regarda la Reine :

— Je fais pas de magie moi !

— Nous en ferons ensemble, Miss Swan, fais-moi confiance, tu sauras contrôler la magie en toi au moment venu.

Elle récupéra les clefs de son quatre-quatre sur la commode et les tendit à sa Sauveuse en souriant.

— Allons sauver Storybrooke… Encore.

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Emma les récupéra, l’air peu serein malgré les mots de Regina qu’elle savait plein d’ironie puisqu’effectivement, elles avaient déjà sauvé la ville toutes les deux sans que personne ne leur en soit reconnaissant.

L’instant d’après, toutes les deux étaient dans le quatre-quatre et roulaient en direction du commissariat. La voix de David résonna à travers le talkie-walkie posé sur le tableau de bord :

# Emma ? Tu me reçois ?

La concernée s’empressa de récupérer l’appareil, songeant que sa « elle » était équipée et organisée.

— Ouais, on est en route.

# Blanche l’a vu se diriger vers la forêt. Je vous attends là-bas.

— Reçu, répondit Emma.

Elle reposa l’appareil mais commenta :

— J’ai pas d’épée moi ! Comment veut-il qu’on descende un dragon sans épée ?

— La Magie, Miss Swan, répondit la Reine en souriant fièrement. Notre magie que tous condamnent va encore faire des miracles. J’ai toujours aimé que mes sujets se sentent redevables à mon égard. T’ai-je raconté la fois où ce pauvre pécheur est venu me supplier pour que je libère son fils que j’avais condamné à mort pour…

— C’est pas le moment, là ! l’interrompit Emma.

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Regina se reprit en constatant la profonde inquiétude de sa Sauveuse. Rares étaient les fois où elle se confiait à elle sur son passé mais le moment était effectivement mal choisi.

Emma stoppa la voiture derrière celle de son père et toutes les deux descendirent et virent David armé d’un fusil à pompe dans une main et d’une épée dans l’autre. Emma récupéra le fusil.

— Je prends ça si tu n’y vois pas d’inconvénient.

— C’est pour toi que je l’ai pris, dit David.

Emma récupéra la lampe qu’il lui tendait et passa devant.

— Il sort d’où ce dragon de malheur ? interrogea-t-elle.

— J’aimerais bien le savoir, répondit David qui marchait à ses côtés. Leroy sortait de la mine quand il s’est fait attaquer. C’est Pete qui l’a aussitôt conduit à l’hôpital et qui nous a appelés.

Derrière, Regina s’efforçait de suivre et de ne pas se coincer le pied dans une branche d’arbre. Bien sûr, elle n’avait pas eu le temps de changer de chaussures et personne ne se demandait comment elle parviendrait à marcher dans la forêt avec ses talons hauts.

Des cris résonnèrent alors dans le ciel. David, Emma et Regina se mirent aussitôt à l’abri d’un amas de rochers. Ils levèrent les yeux et virent le dragon tracer de grands cercles au-dessus du puits magique. Les cris de l’animal perçaient le silence,

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sa gueule semblait cracher de la lave qui effleurait la cime des arbres.

— Et on fait comment pour le tuer ? demanda Emma, incrédule. Il est trop haut et il vole trop vite pour que j’arrive à l’atteindre. Je suis même pas sûre que le fusil nous soit utile !

— Il faut l’attirer, dit David, le forcer à descendre.

Il regarda la Reine et sa fille :

— Et dès qu’il descendra, vous ferez le reste.

Emma leva les sourcils.

— Le reste ?

— Toi et Regina… Vous ferez ce que vous avez à faire….

Il regarda devant lui et fonça à travers les arbres sans laisser à sa fille le temps de répondre.

— HEY ! cria-t-il… VIENS ICI OISEAU DE MALHEUR !

Emma écarquilla les yeux.

— Il est malade ! Il va se faire griller comme un steak !

Regina n’en pensa pas moins mais si David disait qu’elle et Emma pouvaient abattre ce dragon avec la magie, alors elles le pouvaient. Elle se plaça près d’Emma et lui montra sa main où une boule de feu apparut.

— Fais comme moi Miss Swan…

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La Sauveuse regarda la Reine, dubitative en voyant cette boule magique brûler au creux de sa main.

— Mais je sais pas faire ça moi, rappela-t-elle… Je te rappelle que la seule chose que tu m’as apprise c’est allumer une bougie, et je suis même pas sûre que ça ait marché.

— Rappelle-toi surtout que ma mère n’a pas écrasé ton cœur dans sa main parce que le mien aurait eu le même sort…

Ce rappel de Regina troubla Emma qui n’avait effectivement plus songé à ce lien étrange et puissant entre elle et la Reine. D’ailleurs, elle en avait profité, avait manipulé Regina pour atteindre Cora… Elle entendit le cri du dragon siffler à travers les arbres et chercha un moyen de l’abattre. La bête descendit subitement en piqué sur son père. Elle paniqua. David roula sur le sol pour éviter les flammes que l’animal cracha dans sa direction. Des arbustes, des feuilles et des fougères s’enflammèrent sous son souffle. Elle voulut réagir, intervenir et aider David mais Regina la retint.

— Non, tu ne dois pas y aller. C’est par la magie qu’on doit le tuer !

— Mais… Je peux pas, répondit la Sauveuse.

Car Emma ne savait plus. Ni ce qu’elle faisait ici, ni comment elle avait fait pour se retrouver dans pareille situation. Elle sentit la main de Regina se

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glisser dans la sienne, ses doigts se serrer aux siens.

— Miss Swan ! Tu peux y arriver… Concentre-toi, visualise l’énergie, visualise le dragon que nous allons détruire.

Pour appuyer ses mots, Regina tendit sa paume devant sa Sauveuse pour lui montrer le feu qui en émanait.

— Fais-moi confiance, mon ange… La magie est en toi, on peut y arriver à nous deux.

Si Regina lui parlait comme ça, comment Emma parviendrait-elle à se concentrer bon sang ?! Elle devait se reprendre, se focaliser sur le dragon qui revenait à la charge sur David. Après tout, elle avait allumé une bougie, elle avait aidé Regina à canaliser la force de la pierre avant qu’elle n’explose dans la mine, elle avait sauvé Storybrooke ! Elle pouvait donc tuer ce fichu dragon ! Elle tendit la main, sentit Regina serrer l’autre et sans réellement comprendre comment le phénomène se produisit, de petits éclairs jaillirent de sa paume, tel un courant électrique, avant de sentir la chaleur de la boule d’énergie flotter dans sa main.

— EMMA ? appela David en sueur…

Emma regarda Regina qui se contenta de lui faire un petit signe de tête et toutes les deux lancèrent simultanément les boules de feu en direction du dragon. La bête fut touchée au flanc, se cambra

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de douleur sous l’impact, déviant son attention du Prince et volant autour d’un arbre en changeant de direction. Emma et Regina comprirent qu’elle venait d’énerver l’animal qui n’attendit pas pour se ruer vers elles. Sans perdre son sang-froid, Regina répéta l’opération et envoya une autre boule de feu en direction de la créature. Elle l’atteignit à la tête dans un hurlement significatif. Sonné, le Dragon vira de bord en direction du puits. David, Emma et Regina le suivirent des yeux. Des éclairs violets et bleus jaillirent sous leurs yeux à l’instant exact où l’animal disparut comme par enchantement. Ils restèrent un instant sans bouger, perdus et se lancèrent des regards interrogatifs. D’un pas incertain, tous les trois avancèrent prudemment vers le puits.

— C’était quoi ça ? demanda David. Comment il a fait pour disparaître ?

— J’en ai pas la moindre idée, répondit Emma.

Mais plus elle approchait du puits, plus Regina redoutait le pire. Ce fut en s’arrêtant à l’endroit où le dragon avait disparu qu’elle confirma ses craintes. Sous leurs yeux, près du puits, une sorte de matière liquide et transparente flottait en émettant de légers rayonnements et grésillements. De nuit, ils ne l’avaient pas vue tout de suite mais la lampe braquée sur cette chose visqueuse confirmait les inquiétudes de la Reine.

— C’est un portail, répondit-elle. Un portail magique. Le dragon est arrivé par là.

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Emma regarda la Reine d’un air plus qu’inquiet.

— Alors quoi ? Gold avait raison, interrogea-t-elle. La magie est déréglée et cette faille… C’est de cette faille que viennent tous nos problèmes ?

Regina n’aima pas ces paroles. Elle ne considérait pas ce « saut » dans le temps comme un problème, bien au contraire, elle le voyait plus comme une bénédiction qui l’avait rapprochée de sa Sauveuse.

— Non, Miss Swan. Nous n’avons aucune certitude, ni aucune preuve que Gold ait dit vrai ! Si tel était le cas, cela signifierait que nous sommes la cause de ce dérèglement et je ne vois pas comment nous le serions ! Ce n’est pas comme si nous recourions à la magie. C’est une question de bon sens. Ce portail a été mis là volontairement et sans nul doute, ce n’est pas un hasard.

— Que Gold ait raison ou tort ne nous aidera pas à fermer ce portail, dit David. Il faut prévenir Blanche et nous organiser pour surveiller que rien d’autre ne le traverse et n’arrive à Storybrooke.

Emma était sans voix. Cette faille, ce vortex, ce portail ou quel que soit le nom de ce phénomène, ce dernier était la source de tout, pensait-elle, la réponse à ses interrogations des derniers jours car il ne pouvait en être autrement. Elle ne put alors s’empêcher de songer au Prince Noir. Si un

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dragon était passé, n’importe quoi ou n’importe qui pourrait également traverser.

Regina la vit suivre David à travers les arbres. Son air soucieux ne la rassurait pas. Elle savait parfaitement ce que sa Sauveuse avait dans la tête. Elle marcha dans leurs pas, elle aussi inquiète. Elle n’expliquait pas l’apparition de ce portail mais ses connaissances en magie étaient suffisantes pour être persuadée qu’elle et sa Sauveuse n’y étaient pour rien… Restait donc à trouver le responsable.

* * *

Regina détestait l’appartement de Mary-Margaret et David. Elle s’y retrouvait de force et, de ce fait, s’y sentait mal à l’aise. De plus, elle avait dû appeler Henry pour lui dire d’éteindre le four à la dernière minute et espérait donc que son dîner ne soit pas raté. Dans l’attente de leur départ, l’ambiance était glaciale. Bras croisés, Regina regardait ses ongles peints de rouge, ignorait ses beaux-parents en attendant que sa Sauveuse lui dise enfin qu’elles pouvaient partir. Mais Emma n’avait pas l’air de se décider et faisait les cents pas dans la cuisine.

— Le danger du dragon a été écarté alors nous pouvons au moins dormir tranquilles. Dès

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demain, nous organiserons des gardes, fit Mary-Margaret.

— C’est pas le dragon qui m’inquiète, rappela Emma. Ce foutu portail n’est pas apparu de nulle part !

Regina intervint :

— Seule la poudre de fée ou un haricot magique permet l’ouverture d’un portail de cette ampleur.

— Dans ce cas, pourquoi ne se referme-t-il pas ? demanda David.

— Je ne suis pas une encyclopédie magique, accusa froidement la Reine.

Elle regarda sa Sauveuse :

— Mais il est évident que quelque chose ou quelqu’un le maintient délibérément ouvert.

— Alors peut-être que si nous trouvons qui l’a ouvert, nous trouverons qui le fermera, dit Mary-Margaret. Reste à savoir qui aurait intérêt à ouvrir un portail vers un autre monde et à le laisser ouvert au risque que quelqu’un le découvre.

Personne ne pouvait répondre à ces questions et hypothèses et Emma savait qu’il était tard. Elle lança un regard à Regina qui demeurait calme malgré la froideur de ses traits. Elle regarda sa mère :

— Ok, on va rentrer. On se verra demain pour faire le point.

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— On sera chez Granny de bonne heure, dit Mary-Margaret. Vous pourrez nous rejoindre si vous voulez.

Emma nota l’invitation « vous » employée par sa mère mais préféra ne pas répondre à la place de Regina.

— Ok, on verra.

— Embrasse Henry et Sara de notre part, dit David

— J’y manquerai pas.

— A demain, ajouta Mary-Margaret en les raccompagnant à la porte. Bonne soirée.

— Vous aussi, répondit Emma.

Regina se détendit quand elles furent enfin seules. Elles rejoignirent le quatre-quatre de sa Sauveuse qui démarra sans attendre mais le lourd silence qui perdurait entre elles témoignait des réflexions incessantes d’Emma. Regina la regarda :

— Puis-je savoir ce qui te tracasse au-delà de ce dragon ?

— Rien, fit Emma de son air renfrogné.

— Tu mens mal, Miss Swan. Je sais que ce n’est pas seulement ce portail qui t’inquiète.

— Tu veux que je te dise ce qui m’inquiète ?! reprit-elle.

— J’aimerais bien en effet.

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Emma ne pouvait décemment pas confier toutes ses pensées. Le faire serait admettre qu’elle était trop inquiète, qu’elle craignait l’arrivée de ce type en armure. Mais ne pas le faire l’isolerait, l’éloignerait de Regina alors qu’un Prince débarquerait bientôt pour la demander en mariage. Cette idée la révolta bien plus encore.

— Je suis pas inquiète, je suis en colère ! avoua-t-elle enfin.

Elle arrêta la voiture devant la demeure de Regina et la regarda :

— On se retrouve propulsées cinq ans dans le futur, j’ai pas vu grandir mon fils, j’ai pas vu grandir ma fille, tout le monde connait ma vie sauf moi et tout le monde attend de moi que je fasse des choses que je sais pas faire !

Regina comprenait la rancœur de sa Sauveuse, ses regrets. Elle aussi était amère, notamment concernant leurs enfants mais la vie lui avait appris à prendre parti de toutes les situations, y compris les plus inattendues. Elle savait qu’Emma n’attendait pas d’elle une forme de compassion mais un véritable soutien.

— Je ne me réjouis pas de ce qui nous arrive, Miss Swan, dit-elle clairement. Mais la situation pourrait être pire. Nous pourrions être seules, séparées ce qui n’est pas le cas. Nos enfants sont certes plus grands, mais ils sont près de nous, en bonne santé, ils semblent heureux et jusqu’à

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preuve du contraire, nous sommes de bonnes mères.

Emma ne sut quoi répondre à ces évidences auxquelles elle n’avait pas songé une seule seconde. Ces paroles directes atténuaient alors ses angoisses. Regina n’avait pas tort, parvenait même à la calmer, constat qu’elle n’aurait crû possible des semaines plus tôt. Dans sa tête, dans sa conception de Storybrooke, le monde tournait de plus en plus à l’envers, elle la première.

Regina ouvrit la portière :

— Allons dîner, les enfants nous attendent et la journée a été longue.

Emma quitta la voiture et suivit la Reine en silence. La pression retombait doucement et étrangement, elle était heureuse de revenir chez Regina. Dans cette maison, les choses lui semblaient plus faciles à accepter contrairement à tout ce qu’il se passait dehors et qui la dépassait. Sa petite fille vint l’accueillir avec Henry :

— Alors ? Le dragon est mort ? demanda leur fils.

— Il est reparti dans une autre dimension, expliqua Emma en prenant Sara dans ses bras.

Regina laissa sa Sauveuse parler à leur fils et retourna dans son antre de bonnes senteurs, sa fabuleuse cuisine. Pour sa plus grande joie, son plat n’avait pas brûlé, était encore chaud ce qui leur permettrait au moins de se détendre devant

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un bon repas en famille afin de penser à autre chose qu’à ce maudit portail.

Quelques minutes plus tard, tous les quatre étaient à table, Regina servant les assiettes, Sara racontant sa journée et Henry tentant de négocier l’heure de son retour de sa soirée chez Emily à laquelle il se rendrait après le dîner.

Sur les coups de huit heures, Regina monta coucher Sara, Henry quitta la maison et Emma, l’air de rien, rejoignit la chambre de Regina où elle s’allongea sur le lit, épuisée par sa journée complètement dingue.

Quand Regina arriva à son tour dans leur chambre, ce fut une Sauveuse endormie qu’elle prit le temps de contempler en refermant la porte de leur chambre. Une autre journée s’achevait sur Storybrooke, cinq ans plus tard certes, mais une journée qui ressemblait à celles dont Regina avait le souvenir avec sa Sauveuse. Peu à peu, les choses reprenaient leur place, se rassurait-elle.

Elle ôta ses vêtements, s’habilla d’une nuisette puis revint près d’Emma pour la déchausser et lui ôter son jeans avant de rabattre les couvertures sur elle.

Emma somnolait à moitié et se laissait faire, consciente que la Reine venait de la déshabiller. Son épuisement prenait le pas sur le reste, ses réflexions, son désir omniprésent à la seule idée qu’elle était seule avec sa Majesté dans sa

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chambre. Mais elle n’avait pas la force physique de lui faire l’amour, pas ce soir en tout cas. Elle la vit se glisser près d’elle sous la couette, sentit son corps se blottir contre le sien, la réchauffer, son bras l’enlacer, possessif. Emma s’assoupissait, ressentait une émotion nouvelle, une émotion étrange dont elle n’avait pas souvenir de l’avoir perçue un jour dans sa vie. Une émotion paradoxale, opposée à celles qu’elle percevait depuis son arrivée à Storybrooke. Il n’était plus question d’inquiétudes, de stress, d’angoisses, d’interrogations. Sa fatigue faisait naître une sensation étonnante de sérénité, de réconfort en sentant Regina se lover contre elle. Si seulement ces perceptions pouvaient ne pas s’effacer à son réveil, pensa-t-elle en s’endormant…

* * *

Le lendemain matin, aux aurores, Emma se réveilla en sursaut. Elle l’avait vu dans son rêve, le Prince Noir, ce foutu Chevalier sur son noir destrier venu prendre sa place dans le lit de Regina, dans sa vie, dans celle de ses enfants. L’idée lui était insupportable. Elle l’avait vu demander la main de la Reine et celle-ci lui avait tout bonnement dit « oui » ! La garce, se disait Emma. Son esprit encore envahi par sa colère, elle tourna la tête vers Regina endormie près

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d’elle. La Reine avait encore son bras autour de sa taille, sa tête à moitié sur son oreiller.

Peu à peu, elle sortait de son rêve, tentait de se calmer. Rien n’était arrivé, se répétait-elle. Pas encore du moins. Et ce cauchemar ne pouvait être une prémonition ! L’espace d’un instant, Emma pouvait se relâcher, baisser sa garde, oublier sa méfiance et profiter de ce moment suspendu entre les autres. Son regard s’attarda alors sur les traits de la Reine, fins, féminins, arrogants et si attirants. Même endormie, Regina reflétait une grâce naturelle et élégante, un charme redoutable et une beauté enchanteresse. Emma prenait conscience d’une chose : cette nuit, elles n’avaient pas fait l’amour, elles ne s’étaient pas laissées dévorer par la fièvre brûlante de la passion. Et Emma était là, une fois de plus, dans le lit de Regina Mills qui ne l’avait pas lâchée de la nuit.

Elle voulut sortir du lit mais sentit la main possessive de Regina se fermer sur son débardeur.

— Miss Swan…

Emma la regarda, la Reine ne dormait qu’à moitié.

— Faut que je me lève, tenta-t-elle… On a des trucs à faire aujourd’hui.

Mais Regina ne l’entendait pas de cette oreille et souhaitait profiter un peu plus de sa Sauveuse en

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ce dimanche de repos. Elle ouvrit enfin les yeux, s’accouda à sa hauteur et lui sourit tendrement tout en se recoiffant de sa main libre.

— On aura toujours des « trucs » à faire… Surtout à Storybrooke et surtout si tu es aujourd’hui Maire de la ville. Que dirais-tu d’un petit-déjeuner au lit ?

Même si l’idée était tentante, très tentante, Emma devait se reprendre. Le petit-déjeuner au lit impliquait d’autres plaisirs auxquels elle ne devait surtout pas succomber.

— J’en dis que les enfants vont pas tarder à se lever.

La Reine lança un coup d’œil à l’horloge fixée au mur.

— Il est six heures du matin, Miss Swan.

Elle repoussa les cheveux dorés de sa Sauveuse allongée près d’elle, le regard amoureux sur ses traits qui se voulaient durs malgré sa présence dans leur lit.

— Quand tu t’es endormie hier soir, reprit la Reine, j’ai eu le temps de réfléchir à ce que tu m’as dit…

— Je t’ai dit un tas de trucs hier, répondit Emma.

— Ce que tu m’as dit avant qu’on ne rentre, concernant les enfants, le fait que tu ne les aies pas vus grandir. Il existe un sortilège…

— Je préfère éviter la magie, fit Emma.

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— Il est inoffensif, répondit Regina. Je ne peux pas te rendre les années qui nous ont été enlevées, mais je peux te permettre de voir les souvenirs des enfants, de voir quelles mères nous étions à travers leurs yeux.

Emma ne s’était pas attendue à une telle proposition, à ce que la Reine ait pu réfléchir à leur discussion de la veille au sujet des enfants.

— Et toi ? demanda-t-elle… Tu pourras les voir ces souvenirs ?

— Non, répondit Regina. Mais tu me raconteras.

Emma fronça les sourcils. Ce cadeau que Regina voulait lui faire la dérangeait d’une certaine façon. Pourquoi aurait-elle la chance de voir les souvenirs d’Henry et Sara si Regina s’en privait ?

— Et pourquoi tu pourrais pas ? demanda-t-elle.

— Je réalise le sort, je ne peux en être l’objet, expliqua Regina.

Réponse qui sembla logique dit ainsi. Emma cala ses mains sous sa tête, toujours allongée et le regard tourné vers le plafond. Elle devait y réfléchir car d’autres priorités exigeaient toute son attention. Elle sentit les doigts de Regina glisser sur son visage, le long de sa mâchoire et retourna ses yeux vers les siens bruns qui ne cessaient de la détailler. Jamais personne ne l’avait regardée comme la Reine le faisait en cet instant, songeait la Sauveuse, comme elle le faisait depuis des semaines. Emma ne pouvait plus nier, refuser ou

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rejeter le sens de ce reflet dans le regard de Regina, ni sa signification, ni l’effet qu’il avait sur elle. Elle s’était satisfaite dans le doute, avait préféré remettre en question la sincérité de Regina, mais le temps n’avait fait que lui prouver ce qu’elle avait refusé d’admettre. La peur de la déception, de la trahison déjà vécue l’avait poussée à se méfier, la poussait encore à rester sur ses gardes par instinct de survie, de préservation. La peur de souffrir justifiait toute sa prudence, son recul, mais Emma admettait que peu à peu, la Reine avait raison de ses barrières dressées autour d’elle pour se protéger.

— A quoi tu penses, Miss Swan ? demanda Regina d’une voix tendre.

Emma se retenait, telle était sa nature. Les mots ne pouvaient sortir, elle n’était pas prête à confesser son lâcher-prise si déroutant.

— A rien, tenta-t-elle peu crédible.

Regina savait que les mots n’étaient pas toujours indispensables. Avec sa Sauveuse, elle avait été habituée à lire entre les lignes, à décoder ses réactions, leurs disputes, sa façon de la prendre quand elles faisaient l’amour. Le regard plus brillant qu’Emma lui offrait parfois, comme en cet instant, en disait long sur ce « rien » qui était pourtant « tout ». La Reine prenait la mesure de cette nuit, de leur réveil, de ce moment calme et anodin où elle câlinait sa Sauveuse. Il n’y avait ni tension, ni accusation, ni suspicion. Malgré les

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réserves d’Emma, elle la sentait plus sereine, en communion avec elle-même. Ses doigts lui repoussèrent ses mèches dorées sur son front et elle s’autorisa à venir poser un doux baiser sur ses lèvres pleines et parfumées.

— Je vais me doucher et je descendrai nous préparer le petit-déjeuner…

La première pensée d’Emma fut de retenir la Reine pour prolonger le baiser trop court qu’elle avait donné. La seconde pensée fut de la rejoindre en la voyant s’éloigner dans la salle de bains. Mais la Sauveuse devait calmer ses ardeurs, arrêter de ne penser qu’au sexe du matin au soir dès qu’elle était seule avec la Reine. Elle s’assit sur le bord du lit et repoussa ses cheveux blonds en arrière. La porte de l’autre pièce ouverte, elle vit Regina ôter sa nuisette, frissonna de la voir nue, de pouvoir observer ses formes féminines avant qu’elle n’entre dans la cabine de douche luxueuse. Cette journée commençait d’une étrange façon, pensait-elle. Ce matin était clairement différent des autres pour la bonne et simple raison qu’elle ne fuyait pas, qu’elle était étrangement là où elle devait être même si son passif traumatisant avec la Reine voulait lui faire croire le contraire. D’ailleurs, ses réflexions revenaient la troubler en songeant à la veille, au portail, au dragon qu’elle avait tué, à cette boule de feu magique qu’elle avait fait apparaître dans sa main. Regina et elle avaient fait fuir la créature, ensemble elles avaient évité le

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pire, du moins pour l’instant. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il s’était passé quand la magie avait opéré. Quoi qu’il en était, elle devait retourner dans la forêt, vérifier si le portail était encore là, s’il n’y avait eu aucun autre incident.

Elle quitta le lit et se rappela qu’une garde-robe complète l’attendait dans l’armoire de la chambre. Car si cinq ans étaient passés et qu’elle vivait avec Regina alors il était normal qu’elle ait aussi ses affaires chez elle. Cette idée troublante avait au moins le mérite de l’arranger. Elle récupéra un pantalon de toile qu’elle enfila et quitta la chambre. La maison était calme, les enfants dormaient à poings fermés. Elle passa devant le bureau et s’arrêta un instant intriguée, puis y entra. Si elle était Maire de Storybrooke, ce bureau était donc le sien… Par analogie, elle pensa même que Gold s’était effectivement présenté aux élections pour prendre le poste de Regina et qu’elle l’avait devancé en se présentant contre lui pour le faire perdre, certaine que les habitants auraient forcément voté pour la Sauveuse !

Elle passa derrière le bureau, trouva une pile de dossiers empilés. La pièce était clairement moins bien ordonnée que le bureau de Regina dans ses souvenirs. Emma assumait son côté bordélique mais là, elle n’était pas directement responsable de ce « bordel ». Elle récupéra un dossier ouvert sur plusieurs clichés d’une femme très jolie,

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métisse, en compagnie d’un autre homme. Elle ferma le dossier sur lequel était inscrit « Tamara Green ». Tamara, se répéta-t-elle, la femme que Neil voulait épouser. Elle rouvrit le dossier sur les clichés. Tamara Green embrassait un autre type. Avait-elle embauché un détective privé pour la faire suivre ? Bien sûr que non, Emma était détective ! Elle savait filer les gens, fouiller leur passé et se renseigner sur n’importe qui. Elle était certaine d’avoir pris ces photos et eut une soudaine pensée pleine de compassion pour son ex. Neil pensait épouser une fille bien qui le trompait déjà. Mais une question se soulevait dans l’esprit d’Emma : Pourquoi s’était-elle intéressée à cette femme ?

Elle mit le dossier de côté et trouva celui du « type » de la photo, « Owen Flynn », de son vrai nom « Greg Mendell ». Après un accident, ce type était resté plusieurs semaines à l’hôpital de Storybrooke sous un faux nom. Quel rapport y’avait-il entre lui et Tamara et pourquoi cette garce voulait-elle épouser Neil si elle se tapait ce Greg ? Surtout que faisaient ces deux individus à Storybrooke ? Elle mit le dossier sur celui de Tamara puis prit rapidement connaissance des autres. L’un évoquait le chantier d’une nouvelle bibliothèque en centre-ville, un autre consistait en des feuillets comptables où était inscrit « Budget communal ». Encore un autre présentait les élections du conseil d’administration de la ville…

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Comment Emma avait-elle accepté un poste aussi barbant ?

— Miss Swan ?

Elle releva ses yeux sur la Reine qui entrait dans le bureau, déjà vêtue d’un magnifique ensemble tailleur, d’un pantalon noir et d’un chemisier rouge pourpre. Seuls manquaient ses talons hauts puisque la Reine préférait rester en bas tant que les enfants dormaient.

— C’est quoi ce bazar ? demanda-t-elle à Regina. Je peux pas être Maire, je suis pas du tout faite pour ça ! J’étais bien à mon poste de Shérif.

Regina la rejoignit et constata le désordre évident des lieux.

— Le Maire est au-dessus du Shérif, Miss Swan. C’est toi qui as toute autorité dans cette ville.

La Reine prit quelques dossiers qu’elle feuilleta rapidement. Elle parcourut la pièce des yeux et constata très vite que le reste du bureau était mieux rangé qu’il n’y paraissait. Dans la grande armoire encastrée au mur, les classeurs étaient triés par ordre alphabétique, alphanumérique, par années ; ses livres de droit étaient à leur place. Une seule déduction était donc possible :

— Je dois certainement t’assister pour les tâches plus administratives. Je suppose que tu vas sur le terrain et que je m’occupe du reste.

Pour appuyer son constat, Regina ouvrit le tiroir du bureau et lui montra le classement des dossiers

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tel qu’elle avait organisé le sien quand elle gérait le poste de Maire.

— Les règlementations communales sont rangées ici. Les applications des décisions du conseil municipal, ici.

Elle ouvrit un dernier tiroir.

— Et là sont classés les dossiers budgétaires de la ville.

Emma avait levé les sourcils. Comme quoi, il ne fallait pas se fier aux apparences. Sans nul doute, la Reine l’aidait et, de toute évidence, continuait d’assurer ses fonctions de Maire sans en avoir le titre, ce qui en revenait à sa conclusion de s’être présentée face à Gold aux élections cinq ans plus tôt. Elle avait détaillé Regina dans ses explications et découvrait une qualité chez la Reine qu’elle n’aurait pas soupçonnée, son humilité.

— Ok, fit-elle. Moi ça me va de toute façon. Si tu veux t’en occuper, je te laisse volontiers le faire. Je vais me préparer, j’aimerais retourner dans la forêt voir si le portail est toujours là.

Emma s’éloigna mais Regina l’interpella :

— Miss Swan ?

La Sauveuse se retourna et la Reine reprit :

— Veux-tu que nous y allions ensemble ?

Emma s’apprêta à répondre de façon positive mais songea à Sara :

— Et qui garde la petite ?

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Regina répondit avec évidence :

— Henry est rentré… Je le réveillerai avant que nous partions.

Emma ne pouvait décemment pas laisser la Reine de côté et la reléguer au rôle de « femme au foyer », surtout en connaissant parfaitement la femme qu’elle était quand elle l’avait rencontrée la première fois.

— Ok, on fait comme ça.

Regina sourit, satisfaite de l’approbation de sa Sauveuse qui retourna vers leur chambre. Elle descendit donc au rez-de-chaussée pour préparer le petit-déjeuner. Pour Regina, sa place était aux côtés d’Emma, et pas seulement dans un lit, sur un bureau ou dans la chambre d’un motel. Storybrooke restait sa ville dont elle était la Reine et de ce fait, son rôle était de s’en occuper comme elle l’avait toujours fait.

* * *

Après un petit-déjeuner copieux où Henry et Sara les avaient rejointes, les deux mères étaient retournées dans la forêt de Storybrooke, à l’emplacement exact près du puits où elles avaient découvert le portail la veille. Ce dernier était toujours là avec son apparence de flaque d’eau verticale où étincelaient de petits éclairs magiques. Emma avait pris soin de regarder le sol devant le

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passage dimensionnel pour s’assurer qu’aucun pas dans la terre n’indiquait la venue d’un quelconque individu, surtout pas d’un chevalier en armure dont les traces ne passeraient pas inaperçues.

Puis elles étaient remontées dans le quatre-quatre d’Emma pour rejoindre le centre-ville.

— Et maintenant ? demanda Regina.

— On va chez Granny voir mes parents.

Une annonce qui ne réjouit guère la Reine qui fit aussitôt part de son mécontentement :

— S’il le faut…

Emma fronça les sourcils, lança un coup d’œil à la Reine et dissimula un léger sourire en coin en réalisant qu’au fil des jours, elle faisait faire ce qu’elle voulait à la Reine.

Une fois garées devant le restaurant, elles quittèrent la voiture et entrèrent. Comme toujours, de bonnes odeurs de cafés chauds, de pancakes, de pâtisseries diverses embaumaient les lieux où se côtoyaient la plupart des habitants de Storybrooke. Emma vit ses parents au comptoir, entourés de Belle, Ruby et sa Grand-mère. Elle approcha :

— Salut, vous avez des nouvelles de Leroy ?

— Il a des brûlures partielles, mais il va bien, répondit Mary-Margaret.

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— Je suis allé voir le portail ce matin, reprit David. Les nains se préparent à assurer la garde, ils nous préviendront au moindre changement.

La porte d’entrée tinta et Emma vit Neil entrer avec Tamara. Elle repensa bien sûr au dossier qu’elle avait trouvé sur sa future femme et dont elle n’avait même pas parlé à Regina tant elle avait trop de choses à penser. Elle vit Neil leur faire un signe de main et s’installer à une table avec elle. Elle regarda son père et reprit dans la conversation :

— Ouais, on est aussi passé le voir… Tu leur diras de m’appeler si jamais ils voient quoi que ce soit.

— Bien sûr, dit David.

— Vous vous joignez à nous pour le petit-déjeuner ? demanda Mary-Margaret d’un sourire se voulant enthousiaste.

Emma constatait que ses parents faisaient des efforts considérables à l’égard de la Reine. Et si celle-ci en faisait aussi, la Sauveuse savait qu’il était trop tôt pour de telles réunions « familiales ».

— Non, refusa-t-elle… Une autre fois, on doit rentrer et faire des recherches sur ce portail…

Ce refus rassura Regina qui préférait ignorer les Charmant quand ils étaient dans son sillage. Elle vit Emma lui faire signe de la suivre mais à l’instant précis où la Sauveuse passa la porte, celle-ci manqua de bousculer la personne qui

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arrivait face à elle. Elle tomba littéralement nez-à-nez avec l’inconnue, pas si étrangère que ça quand elle reconnut qui lui faisait face…

— Emma ? dit cette dernière… Bon sang ! Emma Swan !

Regina fronça les sourcils de voir une énième nouvelle tête arriver à Storybrooke. Elle prit pourtant une pause sur le visage familier de cette jeune inconnue et quand elle se souvint de l’endroit où elle avait croisé son image – c'est-à-dire à Boston – un vent d’inquiétude souffla sur elle.

— Rebecca ? se figea Emma.

Son ex était devant elle et la Sauveuse crut rêver, pour ne pas dire, cauchemarder ! D’où sortait-elle après toutes ces années ? Que venait-elle faire à Storybrooke ? Rebecca lui sourit d’un air ravi comme si rien ne s’était passé :

— Ca alors… Emma, quelle coïncidence. Qu’est-ce que tu fais dans cette petite ville paumée ?

Emma aurait pu lui renvoyer la question mais avant qu’elle ne réponde, Regina intervint d’un ton sec :

— Elle est avec moi !

La jeune inconnue dut prendre une pause sur le ton agressif de la femme qui venait de s’adresser à elle d’un air hautement supérieur et hautain.

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— Avec vous ? répéta-t-elle. Et vous êtes qui vous ?

— Euh… C’est Regina, tenta Emma, complètement perturbée.

— Je suis son amante, précisa la Reine d’un ton froid. Sa compagne et la mère de ses enfants.

Rebecca transparut autant d’incrédulité que d’ironie. Elle reporta son regard sur Emma, son ex petite-amie, sans tenir rigueur de ces détails qui auraient semblé importants pour le commun des mortels.

— Je suis de passage, dit-elle à Emma, mais si tu es là, je peux revoir mon planning. Ca me ferait plaisir qu’on mange ensemble un soir, de reparler du bon vieux temps.

Perturbée, Emma ne sut que répondre :

— Ouais… On verra ça…

Rebecca lui fit un clin d’œil sans tenir compte de la présence de Regina et passa à côté d’Emma en posant sa main sur son épaule.

— Contente de te revoir en tout cas. T’es toujours aussi belle... A plus tard.

Outrée par tant d’audace, Regina la vit entrer chez Granny et regarda Emma qu’elle avait constatée complètement stoïque.

— C’est elle, n’est-ce pas ? La fille de la photo ! demanda-t-elle. Cette fille est ton ancienne petite-amie, Miss Swan !

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Emma n’apprécia guère le ton accusateur de Regina, davantage préoccupée par les raisons de cette rencontre complètement dingue à ses yeux.

— Ancienne, ouais… Mais qu’est-ce qu’elle fout à Storybrooke ?!

Elle rejoignit le quatre-quatre, suivie par la Reine qui ne répondait plus de rien.

— Je t’interdis de la revoir, Miss Swan. Ses intentions sont évidentes ! Sa façon de te regarder, de minauder, de… De te draguer ouvertement devant moi ! C’est intolérable.

Emma n’apprécia pas le ton froid de la Reine, ni cet ordre autoritaire. Elle n’avait pas pour habitude de se laisser dicter sa conduite et savait très bien ce qu’elle avait à faire.

— Hey ! On se calme ! Je compte pas retourner avec elle ok ?

Mais Regina était hors d’elle. Sa jalousie refaisait surface plus que de raison et rendait ses émotions incontrôlables. Elle demeurait bras croisés, le regard noir face à elle.

— Je lui arracherai le cœur si elle ose t’approcher.

— Tu le feras pas…

— Je le ferai, répliqua la Reine. Tu ne me connais pas, Miss Swan.

Emma ne s’inquiétait pas outre mesure de ces menaces. Elle comprenait surtout combien la Reine était jalouse. Sur ce constat, un autre

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sourire dessina ses lèvres. Décidément, depuis le début de la journée, elle trouvait les défauts de la Reine aussi adorables que ses complaintes. Elle s’arrêta devant la maison de Regina et la regarda :

— Je te laisse chez toi, je dois faire un truc.

Bien sûr, la Reine se tendit :

— Quel genre de truc, Miss Swan ?

— Tamara, la femme que Neil doit épouser. J’ai trouvé son dossier dans ton bureau. Je vais aller la trouver.

Les traits de Regina révélaient toute son angoisse à la seule idée qu’Emma retourne voir son ex amante.

— Je ne peux pas venir ?

— Je préfère y aller seule… Et j’aimerais que tu me fasses un peu confiance de ton côté toi aussi !

Regina ne pouvait pourtant combattre l’inquiétude qui grandissait en elle. Elle détourna les yeux un instant. Emma avait raison, la confiance était la base de tout et Emma avait eu confiance en elle la veille.

— Bien… Alors je t’attends…

Elle ouvrit la portière, son sac à main sur l’épaule.

— Mais ne tarde pas et appelle-moi si besoin.

— Ouais, t’en fais pas…

Regina quitta la voiture, vit Emma redémarrer et tourner au croisement de leur rue mais elle ne put

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s’empêcher de rejoindre rapidement sa Mercedes pour démarrer et la suivre. Avoir confiance en sa Sauveuse ne signifiait pas avoir confiance en cette Rebecca dont elle ne savait rien !

* * *

Emma roulait donc en direction de chez Neil non loin du centre-ville. Elle avait bien sûr constaté que Regina l’avait suivie malgré le mal qu’elle s’était donnée à garder ses distances avec son quatre-quatre. La Reine semblait réellement oublier qui elle était et Emma se chargerait de lui rafraichir la mémoire quand elle en aurait l’occasion. Elle se gara devant l’appartement et entra dans l’immeuble. Une fois au troisième étage, elle frappa à la porte de Neil qui ne tarda pas à lui ouvrir.

— Emma ? Qu’est-ce que tu fais ici ?

— Ta copine est là ?

— Tamara ?

— A moins que t’en aies une autre planquée sous le lit, ironisa Emma.

Neil resta perplexe mais répondit.

— Elle n’est pas là, pourquoi ?

Emma préféra être directe :

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— Elle te trompe, je l’ai prise en photo avec un autre type du nom de Greg Mendell.

Neil leva les sourcils et un sourire nerveux dessina ses lèvres en constatant le sérieux d’Emma qui se tenait sur le porche d’entrée, ses mains dans les poches arrière de son jeans.

— Tu plaisantes là ?

— J’ai l’air de plaisanter, répondit Emma.

— Ouais… On ne se parle plus depuis bientôt trois ans, je t’annonce que je vais me marier et tu te pointes chez moi en m’annonçant que ma future femme me trompe avec un autre ? Et tu crois que je vais avaler ça, sérieusement, Emma ?

Emma aurait dû se douter que les choses ne seraient pas aussi simples, surtout si Neil lui apprenait qu’ils ne se parlaient plus depuis des années. Pourquoi s’était-elle mêlée de ce qui ne la regardait pas, se demandait-elle. Après tout, Neil était un grand garçon.

— Ok, tu sais quoi ? Je sais même pas ce que je fais là ! Je pensais te rendre service mais de toute évidence, tu n’es pas prêt à entendre la vérité ! Alors épouse cette fille si ça te chante, ça m’est égal !

Elle recula pour faire demi-tour et au même instant, croisa la fille des photos, Tamara, qui monta et lui fit face. Emma ne prit même pas la peine de la saluer et descendit pour quitter

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l’immeuble. Neil vit son amante entrer et, après cette discussion, ne put s’empêcher de demander :

— C’est qui Greg Mendell ?

Tamara dut prendre une courte pause et prit un air étonné. Elle avait parfaitement entendu la discussion entre Neil et cette Emma Swan dont Greg lui avait dit de se méfier. Elle savait qui elle était, l’ex petite-amie de Neil, plus connu sous le nom de Baelfire.

— Greg qui ? fit-elle d’un air perplexe.

Neil ne savait plus, son regard perdu sur Tamara. Emma était sans doute jalouse, ce qui expliquait sa venue chez lui. Il n’avait d’autre explication. Il récupéra son sac.

— Rien, laisse tomber, je dois filer, j’ai un chantier en cours.

Il l’embrassa et Tamara attendit qu’il soit sorti avant de récupérer son téléphone et de numéroter :

— C’est moi, dit-elle à son interlocuteur… On a un problème qu’il va falloir résoudre rapidement !

* * *

Regina avait vu ressortir Emma de l’immeuble, entrer dans son quatre-quatre et redémarrer. Elle l’avait donc suivie à nouveau mais venait de la perdre à une intersection sans savoir si elle avait

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pris à droite vers le centre-ville ou à gauche, vers les zones résidentielles. Elle était une bien piètre détective mais s’était au moins rassurée de constater que sa Sauveuse était allée voir le fils de Gold comme elle le lui avait indiqué.

Elle sursauta soudainement quand elle entendit frapper à sa fenêtre et qu’elle vit Emma se tenir debout, l’air mécontent. Elle descendit la vitre, l’air de rien.

— Miss Swan… Qu’est-ce que tu fais ici ?

— Tu te fous de moi ? C’est moi qui devrais te poser cette question ! Tu m’as suivie !

Regina détourna le regard, la mine se voulant résolument innocente.

— Je ne sais pas de quoi tu parles.

— Tu le sais très bien, accusa Emma. Je t’ai vue dans mon rétroviseur, c’est moi le Shérif et la détective je te rappelle !

Regina avait donc été prise sur le fait. Venait donc le moment de se justifier :

— Je n’aime pas cette fille, ton ex.

— Je me fous éperdument de mon ex, je sais même pas pourquoi elle est à Storybrooke et je ne compte pas la revoir ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus ?

La Reine était en tort et le savait. Ses ongles tapotaient le cuir de son volant sans soutenir le regard accusateur d’Emma.

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— Il est naturel que je réagisse ainsi, tenta la Reine. Le cas contraire signifierait que je ne tiens pas à toi.

Même si Emma était touchée par ces paroles, elle ne pouvait accepter une telle attitude.

— Ok, mais c’est pas comme ça que je vois les choses moi, dit-elle en oubliant ses propres réactions au sujet du Prince Noir. Faut que t’apprennes à me faire confiance sinon on va pas s’en sortir !

Regina lui lança un coup d’œil. Elle n’avait rien à répondre à cette demande car Emma avait raison. Avoir confiance en quelqu’un était difficile pour elle qui avait subi tant de trahisons des personnes en qui elle avait voué un amour et un respect sans faille, telle que sa propre mère pour ne citer qu’elle.

— J’apprendrai, concéda-t-elle. Il me faudra juste un peu de temps. Je peux y aller maintenant ?

Emma soupira doucement :

— Ouais, je rentre aussi de toute façon, faut qu’on parle de cette Tamara, je la sens pas… Et je te rappelle qu’on a une invitée à midi…

Regina fut surprise :

— Une invitée ?

— La petite-amie d’Henry !

Avec tous ces évènements, Regina en avait oublié Henry. Elle devrait préparer un déjeuner à la

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hauteur et réfléchir aux questions qu’elle devrait poser à la petite-amie de son fils.

* * *

Quelques minutes plus tard, Regina et Emma se réunissaient dans la cuisine pour mener de front le déjeuner et le problème de cette fille du nom de Tamara. Debout devant le plan de travail, la Reine continuait de prendre connaissance des dossiers complets de Tamara Green et Greg Mendell tandis que son gratin dauphinois chauffait tranquillement dans le four.

— Si Neil tient à l’épouser, dit-elle à sa Sauveuse, cela ne regarde que lui.

— Je sais, répondit Emma qui marchait de long en large devant elle. Mais y’a pas de coïncidence, elle est pas là en touriste et son copain Greg non plus. En plus, leur présence pourrait même coïncider avec l’apparition du portail. Il faudrait que je les suive, que j’arrive à entendre leurs conversations pour savoir ce qu’ils font à Storybrooke.

Regina pensa à un sortilège de transformation mais Emma ne saurait se transformer par manque d’expérience. Elle-même avait mis du temps à maîtriser cette magie que sa mère avait su manier à mauvais escient pour la piéger plus d’une fois. Elle regarda sa Sauveuse :

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— Je peux prendre l’apparence de l’un ou de l’autre si tu veux, Miss Swan.

Emma la regarda :

— Ah ouais, tu pourrais faire ça ?

— Si cela peut t’aider, oui, je le peux.

Henry entra dans la cuisine, habillé élégamment pour ce déjeuner qui, il le savait, était aussi important pour lui que pour ses deux mères.

— Je suis comment ? demanda-t-il.

Regina se tourna et sourit en voyant son petit garçon ainsi vêtu. Il était bien leur fils, pensait-elle. Habillé d’un jeans pour le côté décontracté de sa mère, il avait mis une belle chemise noire qui faisait ressortir ses beaux yeux.

— Tu es parfait, dit Regina. Mais te mérite-t-elle vraiment ?

— Maman ! soupira Henry.

— Je plaisante, dit la Reine.

Elle se tourna vers sa Sauveuse.

— Dis-lui que je plaisante.

— Débrouille-toi, lança Emma aussi taquine.

Regina lui sourit tendrement, amusée et sortit du placard les cinq assiettes.

— Le repas sera bientôt prêt, je te charge de mettre la table et je m’occuperai du reste pendant le repas.

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— Ok, répondit Henry en prenant les assiettes.

Il se rappela d’une chose et ajouta :

— Au fait, Sara est dans ton placard maman, elle a décidé d’essayer tes chaussures !

Regina fronça les sourcils et ses talons claquèrent sur le sol tandis qu’elle se dirigeait vers les escaliers pour rejoindre l’étage. Quand elle arriva dans leur chambre, elle trouva effectivement Sara, non pas en plein essayage de talons hauts car ses petits pieds se maintenaient difficilement dans l’une de ses paires, mais elle était debout face à son grand miroir, son rouge à lèvres dans une main et les lèvres aussi rouges que les belles pommes de son jardin.

— Ma chérie ! Mais qu’est-ce que tu fais ?

— Je suis la Reine, dit-elle.

Regina lui ôta d’abord le rouge des mains et la souleva pour la sortir de ses chaussures.

— Non, tu n’es pas encore Reine, ma chérie, tu es une petite Princesse et les petites Princesses ne se maquillent pas à cinq ans !

Elle la prit par la main et l’entraîna dans la salle de bains tandis qu’Emma n’avait pu s’empêcher de monter pour voir dans quel état sa fille s’était mise. Elle sourit en voyant Regina l’asseoir sur le rebord de l’évier, récupérer du démaquillant sur un morceau de coton pour effacer le coloriage sur le visage de Sara.

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— Tu en as mis plein ta robe, gronda Regina. Je ne veux pas que tu prennes mon maquillage, est-ce que c’est clair ?

— Oui, maman, répéta Sara.

Emma constatait que Sara se laissait faire, l’air amusé, nullement inquiétée par les réprimandes de sa maman brune qui s’efforçait d’être autoritaire.

— Elle a l’air convaincu, taquina-t-elle à la Reine.

Regina lui lança un coup d’œil accusateur.

— Inutile d’en rajouter, Miss Swan.

Sara ricana en constatant que sa maman blonde lui faisait un clin d’œil et donc, la soutenait. Regina finit par la reposer sur le sol.

— Maintenant, allons changer ta robe !

Emma les vit sortir et les suivit encore jusqu’à la chambre de Princesse de Sara. Regina ouvrit une grande penderie où se trouvaient des robes de toutes les couleurs, du rose, du rouge, de l’orange, du jaune, du vert, du bleu, du violet, le tout en nuances de pastel. Des couleurs en totale contradiction avec les vêtements habituellement sombres et froids de Regina, songeait Emma. Ce seul constat soulevait le mal fou que la Reine se donnait pour montrer une image d’elle qui n’avait rien à voir avec la réalité.

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Regina aida Sara à enfiler une robe rose et un petit gilet blanc qu’elle assortit à une paire de chaussures de la même couleur.

— Voila tu es prête.

Et au rez-de-chaussée résonna la sonnerie de l’entrée annonçant l’arrivée de la petite-amie de son fils. Emma regarda la Reine :

— Tu te souviens ce que je t’ai dit…

Elle épela :

— Interdiction de parler de S - E - X - E, c’est pigé ?

— J’ai compris, Miss Swan, s’offusqua la Reine. Je ne suis pas une enfant !

— Ouais, ben je me demande parfois !

Regina la vit passer devant elle et elles rejoignirent le rez-de-chaussée où Henry avait ouvert à Emily, nerveux de faire les présentations.

La jeune fille reflétait déjà un air timide face à Madame le Maire et Regina Mills dont la réputation de femme dure et cruelle n’était plus à refaire depuis longtemps.

— Maman, maman, voici Emily. Emily McOwen. On est dans la même classe…

Emma lui sourit et lui tendit la main pour la mettre tout de suite à l’aise.

— Salut Emily, je suis contente de faire ta connaissance.

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Regina était déjà en pleine analyse et admettait que cette jeune fille était très jolie avec ses longs cheveux bruns et ses yeux bleus.

— Bonjour, dit-elle d’un ton naturellement plus méfiant et distant.

— Bonjour, répondit Emily d’un léger sourire. Henry m’a beaucoup parlé de vous.

La jeune fille se laissa entraîner dans le salon. La demeure des Swan Mills valait de loin la réputation que les gens en faisaient. Les meubles, le marbre, les statues, la décoration, tout était d’un luxe indécent, proportionnel à l’image que la Reine donnait aux habitants de Storybrooke. Emily s’assit sur le canapé, près d’Henry, tandis qu’Emma entraînait déjà Regina vers la cuisine.

— Quoi ? se plaignit-elle en se reculant de l’emprise d’Emma qui lui tenait le bras.

— Tu pourrais déjà sourire, dit Emma. Tu vas la faire fuir avant même qu’on soit passé à table.

— J’ai souri, dit la Reine… Enfin je crois.

— Bah ça devait être dans ta tête parce que moi j’ai rien vu.

Regina se tourna vers le deuxième four où elle avait laissé cuire quelques amuse-gueules aux saveurs variées. Elle en sortit un plat et le posa sur le plan de travail.

— Tu me mets la pression, Miss Swan.

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— Henry a la pression, rappela Emma. Il nous aime, il aime cette fille et il aimerait qu’elle nous plaise aussi alors fais en sorte de la mettre à l’aise et d’être un peu aimable.

— Si tu me laissais l’occasion de le faire au lieu de m’entraîner à l’écart alors qu’elle vient juste d’arriver, peut-être pourrais-je faire mes preuves moi aussi !

Emma admit que la Reine avait raison.

— Ouais, bon… Je m’occupe de servir à boire, toi t’amènes les plats…

— Je sais très bien ce que j’ai à faire ! rappela Regina.

Emma repartit. Finalement, elle était aussi nerveuse que son fils à espérer que ces présentations se passent bien en présence de Regina. La Reine était si imprévisible et glaciale avec les étrangers. Emma sourit en revenant dans le salon et récupéra les verres derrière le bar qu’elle posa sur la table.

— Alors Emily, ça fait longtemps que t’es à Storybrooke ?

Henry leva les sourcils sur cette question étrange. Comment sa mère pouvait-elle d’ailleurs la poser en sachant pertinemment que tous les habitants de la ville venaient de la Forêt Enchantée ? Il vit Regina revenir avec une assiette de gâteaux apéritifs et expliqua :

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— Maman, fit-il. Avant Storybrooke, Emily vivait dans un Comté, celui de la Vallée du Nord… C’est la fille du Meunier qui s’appelle Adam McOwen ici. Il est boulanger à côté de chez Granny.

Regina se rappelait d’avoir croisé cet homme plus d’une fois. Elle s’installa dans son fauteuil royal face à son fils et sa petite-amie et croisa les jambes.

— Je connais monsieur McOwen, dit-elle. Son pain n’est pas aussi bon que le mien mais…

— Regina ! accusa Emma en l’interrompant.

— Ses pains aux raisins sont fabuleux, tenta la Reine pour se rattraper d’un sourire forcé.

— Merci, je lui dirai, dit Emily en souriant.

Emma posa des sodas, du jus d’orange sur la table basse et s’ouvrit une bouteille de bière avant de servir un verre de rouge à sa Majesté.

— Ma mère aussi, était fille de Meunier, dit Regina. Elle a prétendu au Roi Xavier qu’elle serait capable de changer la paille en or. Le Roi Xavier l’a alors mise au défi de le faire, lui promettant la main du Prince si elle y parvenait.

— Et y’est-elle parvenue ? demanda aussitôt Emily.

— Bien sûr, répondit Regina. Après avoir conclu un marché avec Rumplestiltskin.

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— Quel marché ? demanda Henry qui, à la plus grande surprise d’Emma, n’était pas au courant de ce conte.

— Si Rumplestiltskin l’aidait, continua Regina, ma mère lui ferait don de son premier enfant.

— Toi maman ? demanda Henry horrifié.

— En effet, répliqua Regina. Mais ma mère a su renégocier les termes du contrat en promettant à Rumplestiltskin le cœur du Prince qu’elle refusait d’épouser car elle ne l’aimait pas. Ce fut son propre cœur qu’elle arracha et l’offrit à Rumplestiltskin.

Emma avait froncé les sourcils. Elle aussi découvrait pour la première fois cette partie de l’histoire de Regina qu’elle avait ignorée jusqu’alors.

— Alors ton père était le fils du Roi Xavier ? demanda-t-elle.

Regina eut un petit sourire ironique en songeant à la réelle identité de son père.

— Pas vraiment non…

— Alors c’est qui ton père ? interrogea encore la Sauveuse.

— Tu n’as pas envie de le savoir, Miss Swan.

Emma ne comprit pas pourquoi la Reine ne voulait pas répondre. Henry le fit en comprenant soudainement les faits et la succession des évènements.

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— C’est Gold, maman ? Grand-père est aussi ton père ?

Emma écarquilla les yeux :

— NON ! C’est une blague ?

Regina resta calme malgré la perspicacité de son fils et l’ahurissement de sa Sauveuse. Elle ne voulait pas répondre à cette question puisqu’Henry venait de le faire.

Emma la regardait d’un air incrédule. Si Regina était la fille de Gold, alors elle était la sœur de Neil ! Elle était ahurie !

— Je peux pas le croire ! T’aurais pu me le dire avant ! accusa-t-elle à la Reine.

— Cela n’a pas d’importance, répondit Regina.

— Gold est ton père ! Si ça a de l’importance.

— Est-ce qu’il le sait ? demanda Henry.

— Je ne sais pas, répondit Regina. Gold sait un tas de choses que nous ignorons. Il est devenu maître en manipulation de la vérité et du mensonge.

— Mais alors qui est l’homme enterré dans ton caveau ? demanda Emma.

— Mon beau-père. Celui qui m’a élevée quand j’ai eu la prétention de croire que j’avais envoyé ma mère au Pays des Merveilles où elle a régné sous le nom de la Reine de Cœur.

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Emma n’en revenait pas de toutes ces histoires. Elle réalisait qu’Henry était le petit-fils de Gold donc que Regina était finalement liée à lui par le sang comme une tante puisqu’elle était la sœur de Neil. Elle en avait mal à la tête. Elle se leva et récupéra un verre et une bouteille de whisky.

— Désolée, mais là j’ai besoin d’un remontant !

Regina changea littéralement de sujet en regardant Emily :

— Tu n’aurais pu choisir meilleur compagnon avec Henry.

Le concerné passa par toutes les couleurs sur ce compliment de sa mère.

— Maman, fit-il embarrassé.

— Parle-moi un peu de toi, continua Regina fortement intéressée. Que fais-tu en dehors du lycée ?

— On va parfois se balader avec Henry, répondit Emily…

— Emily fait de la peinture, dit fièrement Henry. Elle a des dizaines de toiles dans le garage de son père. Elle a vraiment du talent !

Emma revint s’asseoir. Elle n’arrivait plus à s’ôter de l’esprit que Regina était la fille de Gold. Elle en avait marre d’aller de surprises en surprises au fil des jours. Si Gold était le père de Regina, pourquoi était-il si odieux avec elle ? Pourquoi avait-il fait en sorte de l’évincer ? Non, il ne

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pouvait être au courant, songeait-elle. Elle était ahurie de ces histoires farfelues de famille et d’affiliations bizarres. Elle avait déjà mis des mois à intégrer l’idée que ses parents avaient son âge, qu’ils venaient d’une Forêt Enchantée, maintenant, elle devait assimiler qu’elle couchait avec la sœur de son ex ! C’en était trop pour elle. Elle avala d’un trait son verre de whisky et s’en servit un autre tandis que Regina faisait tranquillement la conversation avec Emily et Henry.

Regina finit par se lever.

— Vous pouvez vous installer à table, j’arrive dans un moment.

Emma ne se priva pas de suivre la Reine jusqu’à la cuisine et referma la porte en l’accusant :

— Alors tu savais depuis le début que Neil était ton frère !?

Regina soupira. Ce détail ne changeait rien pour elle. Elle sortit son gratin du four et répondit :

— Je n’aime pas ton ex amant, Miss Swan. Peu importe qu’il soit le père d’Henry ou le fils de Gold. Quant à Gold, les liens du sang n’ont aucune importance pour moi, tu devrais le savoir, je te rappelle que j’ai tué ma propre mère pour protéger notre famille !

Emma ne l’oubliait pas même si ce rappel était nécessaire.

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— Tu as d’autres choses de ce genre à m’annoncer tant qu’on est dans l’élan ? demanda-t-elle.

Regina dut prendre une pause pour réfléchir un moment.

— Non, mais je ne pensais pas que c’était si important pour toi. Je ne vois d’ailleurs pas ce que ça change.

— Ca change tout ! répondit Emma. Ca change tout parce que Gold voulait nous séparer pour me remettre avec Neil ! S’il avait su que tu étais sa fille, il ne se serait pas donné autant de mal.

— Ne sous-estime pas son amour pour son fils, rappela Regina.

— On doit aller le voir, on doit s’assurer qu’il le sait !

— Ca ne changera rien, Miss Swan.

— Si ça changera ! J’ai changé avec toi quand j’ai su que Sara était ma fille !

Regina s’en souvenait. Cet argument était bien trouvé de la part de sa Sauveuse. Mais au fond d’elle, Regina avait toujours cru que Gold savait qui elle était. Que pour cette même raison, il était un jour venu la trouver pour lui enseigner la magie noire. Quelle plus belle vengeance aurait-il pu obtenir contre sa mère, que d’être bannie de la forêt enchantée par sa propre fille ? Sa mine parut plus hésitante et elle se tourna vers le plan de travail où elle posa ses mains, dos à Emma.

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— Je ne sais pas… Gold n’a toujours vu que l’ombre de ma mère à travers moi. Il m’a détestée autant qu’il l’a aimée. A ses yeux, je n’étais que la concrétisation de ce qu’il avait perdu, de la trahison de ma mère.

— Ca tu n’en sais rien, dit Emma. C’est ton point de vue, tes analogies, t’as aucune preuve de ce que tu avances !

Regina la regarda. Pouvait-elle laisser à Gold le bénéfice du doute ? D’expérience, elle avait appris qu’Emma raisonnait toujours intelligemment.

— On ira le voir, reprit la Sauveuse. Et on sera fixée. Je retourne avec les enfants, on t’attend.

Regina acquiesça et regarda Emma quitter la cuisine. Voila que sa Sauveuse était parvenue à la faire douter de sa propre analyse de son Histoire et de celle de sa mère. Cora ne lui avait jamais dit clairement que Gold était son père, elle l’avait déduit de leurs rapports si conflictuels au fil des années. Le même genre de relation qu’elle avait entretenu avec Emma quand elles s’étaient rencontrées l’année précédente. Regina savait que la haine, poussée à de tels extrêmes, ne s’expliquait que par des sentiments opposés. Ne haïssons-nous pas de tout notre cœur les gens que nous avons le plus aimés après qu’ils nous aient trahis ? Sur toutes ces pensées, ses réflexions, elle rejoignit Emma, son fils, Sara et leur invitée pour la suite du repas.

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Emma vit la Reine revenir, servir les assiettes en écoutant d’une oreille les projets d’Henry pour la rentrée. Son côté « opportuniste » ne pouvait s’empêcher de songer aux avantages qu’elle aurait quand Gold apprendrait que Regina était également sa fille. S’il aimait tant ses enfants, il cesserait de leur mettre des bâtons dans les roues à chaque occasion qui se présenterait. Emma tentait de se rassurer, parvenait à reprendre les rênes de sa vie. Un mois plus tôt, elle se disputait encore la garde d’Henry avec Regina, s’efforçait d’aider les habitants de Storybrooke dans leur conflit perpétuel avec la Reine et aujourd’hui, non seulement il n’y avait plus de réel conflit mais elle et Regina pouvaient toutes les deux profiter de leurs enfants à travers une guerre des Roses qui ne lui déplaisait pas tant que ça.

Quand le repas toucha à sa fin, Regina constata le soulagement d’Henry qui s’était détendu au fil du repas et qui était même parvenu à faire rire Emily pendant le dessert. Emma et elle raccompagnèrent Emily et Henry à la porte puisque leur fils et sa petite-amie avaient prévu un bowling avec des amis au centre-ville. Regina referma derrière eux, Sara endormie sur le canapé du salon devant « La belle et le clochard ».

— Un café, Miss Swan ? proposa Regina.

— Ouais, je vais en avoir besoin, j’ai trop mangé !

La Reine sourit sur ce compliment détourné.

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— Dois-je comprendre que tu as aimé mon repas ?

Emma roula des yeux en la suivant vers la cuisine.

— C’était bon, Henry s’est chargé de le dire une bonne vingtaine de fois !

Regina ricana et sortit deux tasses qu’elle posa sur la machine à Expresso.

— N’as-tu pas besoin d’entendre de ma part le plaisir que je prends quand on fait l’amour ?

Emma se mordit le coin de sa lèvre, son regard sur la cambrure de Regina qui lui tournait le dos en préparant leur café. Elle accrocha ses mains au rebord du plan de travail où elle s’appuyait le dos histoire de ne pas être tentée de les poser ailleurs.

— Ouais, et je te demande rien moi !

Regina était sous le charme de la mauvaise foi de sa Sauveuse. Elle vint poser les tasses sur le comptoir et se posta face à elle.

— C’est vrai… Toi tu ne demandes pas, tu prends, n’est-ce pas, Miss Swan ? Tu as un comportement digne d’une Souveraine sans même en avoir conscience. La vie n’est-elle pas pleine d’ironie ?

— Si tu le dis, répondit Emma en soutenant le regard provoquant de Regina.

La Reine sourit et enlaça ses bras autour du cou de sa Sauveuse tout en venant coller son corps au sien. Emma continuait de la regarder et elle

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sentait sa retenue en constatant ses mains toujours sur le plan de travail. Comme souvent quand la Reine créait leur rapprochement, celle-ci devinait la perte de contrôle d’Emma qui s’efforçait de ne rien laisser transparaître bien que ses joues plus empourprées la trahissaient. Alors Regina alla elle aussi « prendre » ce dont elle avait envie sur les lèvres d’Emma. Les siennes s’y refermèrent, sa main se posa sur sa joue pour approfondir le baiser, le rendre plus amoureux, plus sensuel. Et enfin sa Sauveuse ramena ses mains sur ses hanches où ses doigts possessifs se serrèrent en signe d’appartenance. Regina frissonnait, s’exaltait d’avoir su ainsi apprivoiser le caractère si dur d’Emma Swan. Elle la sentait répondre à leur étreinte, ouvrir et refermer ses lèvres sur les siennes. La Reine se régalait de son haleine sucrée tandis qu’elle se reculait parfois pour mieux plonger son regard dans le sien et apprécier le reflet pétillant de ses yeux bleus. Elle rompit le baiser sans pour autant quitter les bras de sa Sauveuse et ses doigts repoussèrent ses mèches dorées avant de murmurer simplement :

— Je t’aime, Miss Swan…

Les mains posées sur la cambrure sensuelle de sa Majesté, Emma avait manqué une respiration sur ces mots inattendus. Ils créaient une tension en elle, une foule de réflexions, d’émotions trop intenses pour être gérées en quelques secondes à peine. Pourquoi Regina lui confessait de tels

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mots ? Emma se sentait maintenant victime d’un assaut imprévu qui la touchait droit au cœur. Et diable qu’il battait trop vite à présent… Quoi répondre à cela ? Comment réagir face à une telle déclaration ? Celle que tout le monde nommait la Méchante Reine venait de lui avouer son amour. Elle secoua la tête, détourna des yeux embarrassés et esquissa un sourire nerveux.

— T’es pas croyable, lui reprocha-t-elle en dépit de ses dernières paroles.

Elle releva les yeux sur elle et expliqua :

— On est tranquille, là… On s’embrasse et tu me sors un truc pareil ! Qu’est-ce que tu veux que je fasse maintenant ? Parce que si je continue à t’embrasser, je vais passer pour une insensible et si j’essaie de parler, je vais passer pour une imbécile.

Regina ne l’avait pas quittée des yeux, sous le charme de sa Sauveuse. Elle savait que ses paroles avaient eu leur effet à travers le seul regard d’Emma qui ne trouvait rien de mieux à faire qu’à l’accuser une nouvelle fois. Mais elle ne regrettait pas de les lui dire car tout son être les ressentait chaque seconde passée auprès d’Emma.

— Tu es adorable quand tu rougis, Miss Swan, taquina-t-elle…

— Je rougis pas ! se défendit Emma.

Elle arbora une expression exaspérée pour appuyer sa réponse.

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— J’ai trop mangé, c’est pas pareil.

Regina ricana et se recula finalement avant de tirer un tabouret près d’elle et de s’asseoir afin de prendre son café. Elle fit apparaître des cookies devant elle et en saisit un.

— J’avais remarqué, fit Regina. Je devrais peut-être prévoir des plats plus diététiques.

Mais Emma reprit son sérieux sur cette remarque de la part de Regina. Elle se regarda, ramena ses doigts sur la boucle de sa ceinture qui, pourtant, ne la serrait pas davantage.

— Quoi ? T’es en train de me dire que j’ai pris du poids, là ?

Les réactions de sa Sauveuse faisaient davantage rire la Reine. Elle la connaissait, savait qu’Emma prenait soin de sa ligne.

— Je plaisante Miss Swan… Ton corps est absolument parfait et à mon goût.

Emma esquissa un léger sourire à travers une expression plus fière. Debout près de Regina, elle l’observa de haut, prit la peine de la détailler en profitant que la Reine ait le regard posé ailleurs. Elle s’accouda finalement au comptoir tout près d’elle et piqua un de ses cookies venus par magie.

— Ah ouais ? Et qu’est-ce qui est à ton goût aussi ?

Regina l’avait regardé faire du coin de l’œil, l’avait laissé approcher comme si de rien était. Elle

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voulait que sa relation avec sa Sauveuse redevienne comme dans ses souvenirs, que leurs approches soient naturelles et spontanées.

— Dois-je m’en tenir à tes caractéristiques physiques ou tes talents amoureux ?

Emma fit mine de réfléchir, l’œil sur son cookie. Finalement, elle appréciait ce moment seule à seule au calme avec Regina, à l’abri des regards. La pression redescendait. L’impression de devoir porter un masque disparaissait même si elle gardait certaines retenues envers la Reine…

— Ouais, c’est vrai qu’y en a tellement…

Regina ricana, récupérant une pomme dans le saladier et un couteau.

— Et puis-je te renvoyer la question ? Qu’est-ce qui est à ton goût chez moi Miss Swan ?

Emma la fixa du coin de l’œil, volontairement hésitante. Elle ne voulait pas donner l’impression à la Reine que ses charmes étaient nombreux et irrésistibles… Elle croqua dans le cookie et but une gorgée de café dans la tasse de Regina.

— Tes cookies et ton café…

Comment Regina pouvait-elle résister à sa Sauveuse, se demandait-elle. Elle coupa un morceau de pomme et l’amena à ses lèvres en regardant Emma.

— Il me semblait bien que ton seul intérêt était ma cuisine.

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Pour l’instant, Emma rêvait d’être le morceau de pomme entre les lèvres de la Reine… Mais elle se reprit avant que Regina ne la surprenne et ne lui fasse une quelconque remarque où elle serait obligée de s’agacer.

— Non, y a pas que la cuisine, y a Sara aussi… Elle vient de toi.

— Et de toi, rappela Regina en souriant.

— Ouais forcément…

— Elle te ressemble, continua la Reine. Elle a tes yeux, ton regard autoritaire… Elle a ton sourire et heureusement, elle tient de moi en ce qui concerne la mode.

Emma se vexa et poursuivit aussitôt :

— Tu vois ? Tu commences par des compliments et tu finis par une critique ! T’as remarqué ça, j’espère ? Tu sais pourquoi les gens t’aiment pas maintenant !

— Parce que je suis au-dessus de tout ?

Emma se laissa tomber sur le tabouret derrière et soupira.

— Ben voyons…

Elle termina le cookie et remarqua malgré tout :

— J’ai connu des moments où t’étais pas tout le temps au-dessus…

Regina frissonna sur ces paroles qui faisaient échos à leurs nombreuses étreintes.

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— Tu es mon égal, Miss Swan. Ton sang est aussi royal, voire même plus que le mien. T’avoir au-dessus est un honneur, un plaisir que je n’ai jamais eu l’intention de dissimuler, bien au contraire je crois…

Et le corps d’Emma s’échauffa sur ces douces paroles. Regina savait aiguiser ses trop nombreuses envies et en abusait délibérément. La Reine semait quelques images de-ci de-là dans sa tête, des représentations de leurs étreintes passées, des suggestions concernant les prochaines. Et plus elle nourrissait le phénomène, plus Emma devenait faible. Les deux mains posées sur le comptoir, elle se pencha un peu en arrière pour tenter de jeter un œil dans le salon et apercevoir Sara sur le canapé. Leur princesse était encore assoupie… Elle reporta un œil brillant de convoitise sur Regina et prit un instant. Affirmer tout haut ses intentions serait une misérable reddition qu’Emma ne pouvait concéder. La question était donc : comment faire partager l’idée à la Reine ?

— Ta fille est en train de dormir…

Sur l’instant, Regina ne comprit aucunement ce commentaire et lança un coup d’œil à sa Sauveuse. Elle plissa les yeux en la voyant attendre sa réponse mais que pouvait-elle répondre à cette remarque ? Elle se leva pour débarrasser les assiettes sous l’œil d’Emma qui n’avait pu passer son message. Bien sûr, la Reine

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n’avait rien compris ! Fallait-il lui envoyer des signaux de fumée ? Elle ne pouvait décemment pas le lui dire sans détour, directement. Elle se leva, hésitante, mais fit quelques pas vers la Reine, dos à elle. L’enlacer ou se coller à elle étaient autant de manières de lui montrer ses envies, mais cela la mettrait à découvert. Elle s’adossa donc à l’évier à côté de Regina et réfléchit un instant. Peut-être s’approcher simplement pourrait l’attirer. Ne sachant pas quoi faire de ses mains, elle coinça ses pouces dans les poches de son jeans et brisa finalement le silence :

— Je sais pas toi, mais moi je vais me coucher…

Regina fronça les sourcils sur cette autre remarque. Elle se lava les mains, récupéra un torchon pour les essuyer tout en détaillant sa Sauveuse près d’elle. A une pensée logique, elle demanda :

— Te sens-tu fiévreuse ?

Oh oui, songea Emma, mais la fièvre qui s’emparait de son corps n’était pas celle d’une grippe. Mais plus Regina s’évertuait à ne pas comprendre, plus elle s’agaçait. Pourtant, à chaque coup d’œil qu’elle lui envoyait, une nouvelle envie faisait surface dans sa tête. Lui mordiller le lobe de l’oreille serait déjà une bonne entrée en la matière… Emma soupira en silence, en quête d’une autre tactique.

— Non, je vais bien…

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Emma avait seulement très envie de sexe, là, tout de suite et pas avec n’importe qui, mais avec la Reine ! Encore fallait-il l’assumer au point de le lui dire franchement.

— J’ai trop mangé, alors je vais faire une sieste…

Regina la vit s’éloigner d’un air renfrogné. Elle la suivit des yeux et l’interpella :

— Miss Swan ?

Emma se retourna, le regard plein d’attentes et Regina demanda d’un petit sourire :

— Tu veux que je te rejoigne ?

Emma prit un air neutre et répondit :

— C’est toi qui vois…

Mais Emma bouillonnait au fond d’elle et craignait même de ne pas se montrer très galante une fois la porte fermée…

— Je vais monter Sara dans sa chambre et je te rejoins, dit la Reine.

Emma acquiesça et entra dans le salon. Mais plutôt que d’attendre Regina, elle prit les devants et souleva Sara dans ses bras afin de la porter à l’étage. La petite princesse s’éveilla en grommelant une ou deux choses incompréhensibles.

— Je sais, ma puce, fit Emma comme si elle avait compris, et tu vas mieux dormir dans ton lit.

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Regina vit sa Sauveuse monter avec leur fille et d’un geste de la main, nettoya la cuisine. Miss Swan voulait faire une sieste, pensait-elle. Cela n’était pas vraiment dans les habitudes qu’elle lui connaissait mais la seule idée de passer un autre moment seule avec Emma dans leur chambre la faisait déjà frissonner.

Elle monta à son tour à l’étage et rejoignit leur chambre en voyant Emma allongée sur le dos au milieu du lit, les pieds encore sur le parquet. Elle referma à clef derrière elle, juste pour prévenir de l’entrée de leur petite Princesse si celle-ci décidait de venir les voir après son réveil. Elle alluma le babyphone juste au cas où et se retourna vers sa Sauveuse qui s’était redressée sur ses coudes et la regardait. Regina connaissait ce regard plus brillant qu’elle avait fait mine d’ignorer au rez-de-chaussée. Sa Sauveuse ne savait être claire pour requérir ses faveurs et attentions. Elle était passée par mille et uns détours afin de l’attirer dans leur antre de plaisirs. Elle s’avança devant elle et déboutonna un à un les boutons de son chemisier pourpre.

— Une sieste, Miss Swan ? provoqua-t-elle. Parce que tu as trop mangé ?

Regina se moquait d’elle, Emma le savait, mais elle ne pouvait plus rien dire maintenant en la regardant s’effeuiller sous ses yeux. Elle redevenait victime de ses propres émotions, du pouvoir de la Méchante Reine sur la pauvre

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humaine qu’elle était. Son regard suivait lentement les gestes de la Reine et il brilla davantage quand les pans de son chemisier s’ouvrirent sur son soutien-gorge renfermant sa poitrine aux galbes si sensuels. Si Regina était une Reine cruelle, la nature l’avait pourvue d’atouts généreux destinés à piéger le plus chaste des hommes ou les malheureuses comme elle. Alors le pantalon tailleur de la Reine tomba sur ses talons et Emma découvrit son ensemble de sous-vêtements de dentelles noirs qui contrastait avec le velouté de sa peau.

Regina approcha et se glissa doucement sur sa Sauveuse qui, elle pouvait le sentir, brûlait de poser ses mains sur elle. Assise sur ses cuisses à califourchon, elle perçut alors les paumes et les doigts de son amante se fermer sur ses hanches, la saisir plus fougueusement. La Reine était fascinée par les réactions d’Emma, sa fougue dans ses gestes, sa fièvre palpable dans ses yeux bleus. Regina ramena ses mains sur ses joues et scella leurs lèvres dans un baiser sensuel, empreint de désir. Elle avait envie d’Emma Swan, avait toujours eu envie d’elle. La retrouver dans un moment intime n’était que la concrétisation des trois mots susurrés plus tôt dans la journée. Elle aimait sa Sauveuse d’un amour inconditionnel, sans limite et son corps réclamait déjà le sien, en manque de ses attentions. Alors les mains de la Reine entreprirent à leur tour de la déshabiller, de faire tomber les vêtements qui empêchaient leur

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corps, leur peau de s’épouser dans une nouvelle étreinte. Sur le sol tomba d’abord le débardeur de sa Sauveuse, puis son soutien-gorge, son jeans, avant que ses propres sous-vêtements ne rejoignent le tout…

Dans un mouvement empreint de désir, Emma inversa les positions, retourna la Reine sur le dos et vint enfin se glisser entre ses jambes repliées de part et d’autres de ses hanches. Ici, entre les cuisses de sa Reine, était sa place et Emma n’autoriserait personne à venir s’y blottir. Sa main partait déjà à la redécouverte de son corps, de ses formes sensuelles et féminines. Son visage retourna à l’orée de son cou, à la source de ses fragrances délicieuses que ses lèvres couvraient de mille baisers. Sous son corps entreprenant, Emma sentait sa Reine s’abandonner à ses assauts, se cambrer sous ses caresses, trembler sous ses mains conquérantes qui revisitaient lentement les galbes de sa poitrine. Sa plus grande satisfaction était d’entendre ses soupirs à son oreille, son abandon total à ses envies. Son visage se redressa, empourpré de désirs avant que ses lèvres ne retrouvent celles de la Reine, pleines, avides des siennes. Le baiser était déjà profond, mêlait leur souffle plus court, plus chaud, témoin de la fièvre qui la happait. Mais Emma quitta les lèvres de Regina… Par-dessus tout, la Sauveuse ne songeait plus qu’à retourner chercher son trésor là où elle pouvait soumettre sa Majesté à une extase qu’elle était seule à pouvoir lui procurer. Alors ses lèvres

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tracèrent leur chemin sur sa poitrine, sur ses tétons durcis par l’envie et elles descendirent encore, plus bas, jusqu’à son nombril, sentant les mains possessives de la Reine se fermer dans ses cheveux blonds…

— Emma, soupira la Reine d’un ton suppliant. Attends, mon ange…

Emma n’abdiquerait pas face à cette complainte. Rien ne la détournerait de son objectif, elle amènerait sa Reine aux cimes des plaisirs charnels, prendrait possession d’elle, de son intimité qu’elle était seule à détenir. Ses lèvres y parvinrent, embrassèrent son sexe enjôleur pour y découvrir la source chaude et humide de l’excitation de sa Majesté. En guise de récompense, Emma l’entendit taire un doux gémissement et la sentit se cambrer sous ses assauts. Sa langue glissa avec perfection entre ses lèvres intimes et s’arrêta sur son clitoris durci par son extase. Emma se répétait, se martelait l’esprit que la Reine était sienne, que personne n’aurait de droit sur son corps dont elle prenait le contrôle le plus total. Alors ses doigts se joignirent à sa langue pour combler sa Majesté, pénétrer sensuellement dans son intimité. Emma ne songeait plus qu’à la faire jouir, qu’à lui faire comprendre que personne d’autre qu’elle n’était capable de lui procurer pareille extase. Emma était seule à savoir la prendre, seule à savoir ce que sa Reine attendait pour être comblée. N’était-

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ce pas là une preuve de sa dévotion, de son attachement ? Emma ne savait parler ni se confier, mais ce qu’elle donnait à Regina ne valait-il pas mieux que tous les « je t’aime » du monde ? Alors elle sentit sa jouissance grimper, exaltante au creux de ses reins, car si son cœur et celui de Regina étaient connectés, elle sentait les battements du sien s’accélérer dans l’extase qu’elle offrait à sa Reine. Chaque assaut et chaque lent va-et-vient de ses doigts accentuaient leur plaisir connecté. Emma entendit les soupirs de Regina se rapprocher, devenir plus profonds, sentit ses ongles agripper ses cheveux. Alors sa langue remplaça ses doigts dans son sexe pour sentir sa Reine jouir sur ses lèvres.

Regina se cambra dans un ultime tremblement, sa tête basculée en arrière tandis que ses lèvres pleines entrouvertes laissèrent s’évader une respiration irrégulière.

— Ohhh… Miss Swan, soupira-t-elle…

Le corps nu d’Emma remonta doucement se loger entre les cuisses de sa Majesté. Leurs corps suintant de plaisir glissaient merveilleusement bien l’un contre l’autre tandis que les respirations reprenaient peu à peu leur rythme normal.

Regina rouvrit les yeux sur le visage de sa Sauveuse, son regard bleu pénétrant la sondait tandis qu’Emma n’avait toujours pas dit un mot. Les doigts fins de la Reine lui repoussèrent ses mèches dorées, humidifiées par la passion de leur

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étreinte. Regina se sentait comblée au plus haut point après cet orgasme d’une intensité délicieuse. Une nouvelle fois, l’instant qui suivait ne ressemblait à aucun autre, pensait la Reine. Emma changeait peu à peu d’attitude à son égard à chaque fois qu’elle lui faisait l’amour. Peut-être acceptait-elle les évidences, peut-être cessait-elle simplement de se poser des questions pour vivre l’instant présent ?

— Nous devrions prévoir des siestes après chaque repas, dit la Reine d’un regard amoureux.

Emma esquissa un léger sourire, empreint d’autant de satisfaction que de fierté. Oui, elle était fière. Après tout, elle avait obtenu ce qu’elle voulait sans même le prononcer. Elle, Emma Swan, avait fait plier la Reine à son bon plaisir pour l’amener à lui obéir. Accoudée au-dessus d’elle, son regard pétillant lui révélait sa pleine et entière satisfaction. Pour une fois, peut-être, pouvait-elle confesser certaines choses, du moins, ses yeux.

— Ouais… Tu vois ? Inutile de faire des plats diététiques, on a trouvé le moyen de brûler toutes les calories.

Regina sourit davantage sur ces mots et redressa son visage pour retrouver le goût des lèvres de sa Sauveuse. De nature insatiable, la Reine aurait pu renouvelle une étreinte et faire l’amour toute la journée durant mais elle répondit :

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— Que dirais-tu si nous regardions tes dossiers de Maire pour y mettre un peu d’ordre ?

Emma fronça les sourcils. Sa désapprobation se lut sur son visage. Pourquoi diable la Reine tenait-elle à ranger ses dossiers juste après avoir joui sur ses lèvres ?

— D’habitude, c’est toi qui tiens à rester là où t’es en ce moment après un de nos petits tête-à-tête…

Parce qu’Emma n’oubliait pas la présence de ce Prince Noir. Il l’obsédait, la harcelait, hantait jusqu’aux secondes suivant leurs étreintes. A présent, Emma se mettait à observer les faits et gestes de la Reine avec elle, à vouloir discerner un quelconque changement d’avis. Regina glissa ses doigts le long de sa mâchoire et répondit :

— C’est vrai, concéda-t-elle tandis que son pied glisser le long de la jambe de Miss Swan. Mais je pense aussi à nos responsabilités or, j’ai cru comprendre que tu avais une réunion demain.

La mine d’Emma révéla une fois de plus toute l’importance qu’elle donnait à cette maudite réunion. En bref : elle se laissa rouler sur le côté pour s’allonger sur le dos, exaspérée. Ses mains frottèrent son visage et elle souffla pour exprimer son mécontentement :

— Je vais démissionner… Comme ça plus de réunions, plus de budgets machin, plus de conneries à la con de Maire…

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Regina suivit le mouvement et, comme elle en avait la délicieuse habitude, vint se lover contre sa Sauveuse. Son regard brun en profita pour se balader sur son corps nu avant de remonter sur son visage si attirant et insolent. Sa main se posa sur le haut de la poitrine de son amante et elle répondit :

— Tu ne peux démissionner. Gold en profiterait pour se présenter et aucun habitant de Storybrooke ne voterait pour moi puisque je reste la Méchante Reine.

Emma posa ses yeux toujours brillants sur la Reine et frissonnait sous ses tendres assauts. Diable qu’elle aimait lorsqu’elle la sentait ainsi collée à elle, mais quel péché ferait-elle en admettant cette faiblesse ! Elle était prise entre deux feux, deux maudits camps. L’un dominé par ses valeurs raisonnables, des principes de société obligatoires pour vivre avec la conscience tranquille et l’autre parfaitement opposé, dirigé vers les seules envies de sa Reine, un désir constant, une luxure à toute épreuve, une folle obsession pour le corps de sa Majesté et tous ses charmes diaboliques. Pouvait-on être à ce point mitigé, pétri de bonnes intentions et envahi de vices ? Sa main glissa dans sa chevelure brune.

— Ok, abdiqua-t-elle, je vais te faire une confession et une seule, d’accord ? J’adore ton côté méchant pendant nos tête-à-tête…

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Regina sourit, charmée. Alors sa Miss Swan nommait leurs ébats des « tête-à-tête » ? Cela lui convenait.

— Mon côté méchant ou mon côté coquin ?

Le regard d’Emma se teinta d’une étincelle de gourmandise en songeant aux nombreuses choses rendues possibles par le côté méchant ou coquin de sa Majesté.

— Les deux…

Regina frissonna. Emma se confiait à elle, leurs discussions devenaient plus intimes et la Reine adorait ça. Elle s’apprêtait à répondre quand elles entendirent la porte fermée à clef être poussée depuis le couloir.

— Maman ? T’as fermé la porte.

Sara avait dit cela sur un ton déçu et désemparé comme si elle se retrouvait prisonnière à l’extérieur. Et bien sûr, Regina se hâta de se couvrir d’un peignoir avant d’ouvrir à son adorable petite fille. Sara franchit le seuil de la chambre et partit tout droit vers le lit sur lequel elle grimpa. Heureusement, Emma avait relevé le drap sur sa poitrine. Elle se redressa un peu contre le montant puisque Sara venait se blottir contre elle sans le moindre mot, le pouce entre ses lèvres, son lapin en peluche serré dans ses bras. Les émotions qui envahirent Emma devant sa petite fille furent alors bien différentes de celles ressenties plus tôt avec sa mère. Une main dans

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ses cheveux dorés, ses doigts glissaient lentement sur leur longueur. Mais Emma ne savait quoi faire d’autre. Cette réaction si attendrissante de la part de Sara lui était nouvelle et la troublait. Jusque-là, elle avait déjà eu du mal à se familiariser avec son nouveau statut de mère auprès du Henry de onze ans, mais y était parvenue au fil des mois. En seulement quelques jours à peine, elle avait eu à assimiler la présence d’un bébé, puis celle d’Henry à seize ans et maintenant, Sara à cinq ans…

Regina vint s’asseoir près de ses deux amours.

— Je descends lui préparer son quatre-heures et on se met au travail si tu veux bien…

Emma suivit Regina des yeux qui s’éloignait sans attendre, la laissant ainsi avec leur petite fille. De toute façon, elle ne pouvait bouger puisque Sara s’était installée contre elle. Elle prit donc le temps de la câliner dans un réflexe instinctif. Sarah dégageait tellement de douceur et de fragilité qu’Emma en fut émue.

— T’as bien dormi, ma puce, ? lui demanda-t-elle d’une voix basse.

Sara ne fit qu’acquiescer, à moitié endormie, la tête reposée contre sa mère. Elle appréciait toujours ce moment où elle se réveillait et qu’elle avait Emma pour elle toute seule. Celle-ci lui offrait alors toute son attention.

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— T’as oublié de regarder si y avait pas de monstres… fit-elle dans une petite voix ensommeillée.

Emma prit un instant pour comprendre de quoi Sara lui parlait.

— Quels monstres ?

— Sous le lit et dans le placard…

Cette fois, Emma comprit. Cela faisait-il partie d’une de ses habitudes prises au fil des dernières cinq années oubliées ? Si Henry était là, il aurait pu lui confirmer. De toute évidence, son rôle à elle était donc de vérifier si des monstres se cachaient dans la chambre de Sara.

— J’ai regardé mais tu dormais déjà…

Un petit mensonge pour rassurer sa fille ne ferait aucun mal. Et puis, la prochaine fois, elle saurait quoi faire lorsqu’elle mettrait Sara au lit.

Elles restèrent ainsi un moment jusqu’à ce qu’Emma ne brise encore le silence.

— Tu sais quoi ? Pendant que je m’habille, tu n’as qu’à aller chercher quelques jouets dans ta chambre pour qu’on joue ensemble après.

Sara se redressa et regarda Emma d’un air songeur.

— Vous faisiez des bisous avec maman ?

Emma leva les sourcils, prise au piège par cette question inattendue. Quoi répondre à ça à une petite fille d’à peine cinq ans ? Elle se retrouvait

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muette, complètement décontenancée. Et Sara poursuivit dans ses réflexions :

— Parce que t’es tout nu dans le lit et quand maman et toi, vous dormez dans la chambre alors qu’il fait jour, je sais que c’est pour faire des bisous.

Un petit sourire espiègle accompagna ces déductions basées sur des faits et le visage de Sara s’illumina de malice. Emma ne put réfréner un sourire amusé et attendri devant les réactions de Sara et son sens de l’observation.

— Et bien… C’est vrai… répondit-elle peu à l’aise, des fois, ça arrive qu’on se fasse des bisous, maman et moi.

Elle jugea bon d’ajouter une chose importante si elle devait s’expliquer auprès de sa fille.

— Et c’est pour ça qu’on ferme la porte d’ailleurs.

— Pourquoi ? demanda Sara, curieuse et intriguée. Je peux pas voir quand vous faites des bisous ? Des fois, je vous vois dans la cuisine et même que la porte est pas fermée.

Cette fois, Emma se retrouva piégée par le raisonnement parfaitement logique de Sara. Elle réfléchit, toujours troublée par la conversation qu’elle avait avec sa petite princesse. Assumer son attirance incontrôlable à l’égard de la Reine était une chose, mais le faire devant Sara en était une autre…

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Avant qu’elle ne réponde, un fracas résonna soudainement au rez-de-chaussée et dans un réflexe, elle ramena Sara derrière elle qui paniquait. Sans attendre, elle quitta le lit, prit le premier peignoir à portée de main et sortit précipitamment de la chambre en l’enfilant. Elle dévala les escaliers et posa ses yeux sur la porte d’entrée restée ouverte. Dans le salon, les chaises avaient été renversées, des morceaux de vase et de statue jonchaient le sol. Elle se hâta à l’extérieur et aperçut une voiture bifurquer au carrefour au bout de l’avenue. Aussitôt, elle retourna dans la maison et fouilla les lieux.

— Regina ? appela-t-elle dans le salon. Regina ?

Mais plus elle répétait le prénom de la Reine et plus elle craignait un autre évènement dramatique. Regina ne répondait pas et les pièces de la maison demeuraient vides. Son cœur tapait si fort qu’il résonnait dans sa tête. Une petite main sur la rambarde des escaliers, Sara avait descendu quelques marches. Apeurée, elle demanda :

— Qu’est-ce qui se passe maman ?

Emma tourna les yeux vers sa fille et se força à calmer ses nerfs et ses analogies précipitées. Elle s’approcha d’elle et la prit dans ses bras pour la rassurer.

— Ca va, ma puce, fit-elle dans un souffle rapide, tout va bien…

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Elle descendit les dernières marches que Sara n’avait pas franchies et ferma la porte d’entrée. Le problème restait le même. Regina avait disparu et quelqu’un l’avait enlevée. Sinon, pourquoi aurait-elle vu un véhicule s’éloigner à toute vitesse de la maison ? Elle songeait à toutes les possibilités éventuelles, imaginaient les plus saugrenues, envisageaient les plus graves. Mais cela ne faisait qu’aggraver la situation et son état déjà bien assez tendu. Dans ses bras, Sara ne disait rien et serrait ses petits bras autour de son cou. Elle partit prendre le téléphone et numérota :

— David ? C’est moi.

# Qu’est-ce qui se passe ?

— Tu peux venir à la maison ?

Parce qu’elle ne voulait pas répondre devant sa fille, ni éveiller la moindre peur chez elle.

# Dis-moi ce qui se passe.

Son père avait peur et Emma l’entendait à travers le son de sa voix. Il devinait certainement un problème dans sa seule demande. Exiger que son père vienne chez elle, chez la Reine impliquait forcément quelque chose de grave…

— Viens, c’est tout…

# J’arrive.

La ligne se coupa et Emma continua de marcher dans le salon de long en large. Après une ou deux

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minutes seulement, la porte s’ouvrit sur David qui marcha vers elle dans un pas pressé.

— Quelqu’un s’est introduit dans la maison, expliqua Emma.

Le regard de David transparut autant d’interrogations que de sérieux. Il jeta un œil sur Sara dans les bras de sa fille et comprenait son manque de détails dans ses explications. Il partit dans la cuisine, aperçut des tasses, une assiette de cookies entamée et d’autres ustensiles laissés à l’abandon sur le comptoir. Autant de choses qui ne ressemblaient pas à Regina et à son côté très ordonné surtout pour sa cuisine. Il comprit qu’elle avait disparu, sûrement enlevée par les personnes qui s’étaient donc introduites chez elle comme Emma venait de le lui dire. Il revint vers sa fille et celle-ci reprit aussitôt :

— Je te laisse Sara…

Elle tendit sa fille à David et lui expliqua :

— Tu vas rester avec grand-père, ma puce, je vais chercher maman et je reviens te chercher tout de suite après…

Mais Sara sentait que tout ne se déroulait pas comme d’habitude. Sa maman ne partait pas comme ça en plein après-midi sans prévenir Emma et ne renversait pas de vase dans le salon.

— Mais je veux rester avec toi…

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Emma tenta un sourire rassurant et lui caressa la joue dans un geste tendre pour appuyer ses propos :

— Je reviens tout de suite après, promis.

— Emma, fit David.

— S’il te plaît, le coupa Emma, insistante. Si j’ai besoin, je t’appellerai.

David sut qu’aucun argument ne pourrait faire changer Emma d’avis et il quitta finalement la maison en rassurant sa petite-fille. Aussitôt son père parti, Emma gravit les marches des escaliers quatre par quatre et s’habilla à la hâte dans la chambre. Elle réfléchissait à une solution, un coupable possible, mais ici, tout le monde pouvait être responsable de l’enlèvement de la Reine. Un jeans et un débardeur enfilés, elle partit dans le bureau et le fouilla en quête d’une arme, d’une réponse, n’importe quoi. Elle ouvrit un placard contre le mur du fond et découvrit un panneau entier sur lequel pendaient des armes à feu. Un fusil à pompe, des pistolets, des couteaux et même une épée. Elle ne se posa pas la moindre question, n’avait pas le temps pour s’interroger là-dessus. Elle se saisit d’un pistolet qu’elle coinça dans son dos et songea aux dossiers découverts plus tôt. A Tamara et Greg qui faisaient partie des étrangers de la ville, venus ici pour des raisons obscures.

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Elle se hâta au rez-de-chaussée, quitta la maison et grimpa dans son quatre-quatre avant de démarrer en trombe. Première étape, poser des questions et elle savait qui aller voir.

* * *

La porte de son magasin s’ouvrit dans un fracas et laissa Emma entrer.

— Mademoiselle Swan, commença-t-il, je vais être dans l’obligation de…

Mais il fut interrompu par la main d’Emma qui l’empoigna violemment par la cravate.

— Vous allez me dire où se trouve Regina…

Elle prit son arme dans le jeans et la pointa sur la tempe de Gold.

— Ou je vous tue… C’est clair ?

Gold ne bougea pas, conscient qu’Emma Swan ne plaisantait pas, le canon braqué sur sa tête. Cependant, il dut répondre :

— Je ne sais pas où elle est.

Emma serra les dents, furieuse. Son angoisse prenait le pas sur un quelconque raisonnement posé et réfléchi. On avait enlevé Regina, juste au moment où elle commençait à lâcher prise, à apprécier leur entente, leur complicité en dépit de tout le reste… Et elle voyait bien dans le regard

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de Gold qu’il disait la vérité, qu’il ne savait même pas que la Reine avait disparu. Sans défaire son emprise pour autant, elle reprit :

— Quelqu’un l’a enlevée ! Et vous allez m’aider à la retrouver…

— Pourquoi le ferais-je ?

— D’abord parce que vous avez un trente-huit pointé sur votre tête, ensuite parce que Regina est votre fille !

Ces derniers mots firent vaciller Rumple plus que le canon de l’arme contre sa tempe. De toute évidence, cette information sortait tout droit d’un jardin plus que secret…

— Lâchez-moi, fit-il, plus sombre.

— Répondez-moi ! insista Emma, la main serrée autour du nœud de cravate.

Rumple avala difficilement devant l’acharnement dont Emma Swan faisait preuve. Pour la première fois, il se sentait réellement en danger et jamais il n’avait vu une telle détermination dans les yeux d’une autre personne…

— Où avez-vous appris cette histoire ?

— Regina me l’a dit.

Gold se sentait pris au dépourvu. Lui aussi serrait les dents. Il était le Ténébreux, le seul à connaître tout ou presque sur chaque être vivant dans la Forêt Enchantée et maintenant à Storybrooke.

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— Vous mentez… Si j’avais une fille, je serais bien le premier à le savoir !

Emma s’énervait. Ils discutaient d’une chose qui, pour l’instant, ne l’affectait en rien tandis que Regina demeurait introuvable, enlevée par des inconnus !

— Justement parce que vous savez que c’est votre fille, vous devriez tout faire pour m’aider ! C’est bon, Gold ! Vous avez couché avec Cora et je le sais, mais je m’en fous, c’est Regina que je veux retrouver là !

Elle repoussa en le lâchant, hors d’elle, plus en colère que jamais parce qu’elle perdait son temps avec Rumple.

— Merde ! Laissez-tomber. Faites ce que vous voulez si ça vous chante !

Elle s’éloigna vers la porte et ajouta :

— Vous êtes pas aussi puissant que tout le monde le dit !

Sur ces derniers mots effrontés, elle claqua la porte en quittant le magasin, laissant un Gold interdit et déboussolé par sa brève conversation avec la Sauveuse.

De retour dans son quatre-quatre, Emma prit le temps de respirer, asphyxiée par ses angoisses. Le temps passait et rien ne la rapprochait de la Reine. Les mains sur le volant, le regard dans le vide, elle laissa sa tête retomber contre ses poignets. Ses réflexions se mêlaient les unes aux autres, ne

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parvenaient pas à trouver d’ordre. Ses craintes s’accentuaient et l’empêchaient d’y voir clair. Dans un vent de colère, elle se redressa et cogna contre le volant à plusieurs reprises.

— Merde ! Merde ! Merde et merde ! lâcha-t-elle, furieuse.

* * *

Regina revint à elle, un mal de tête violent lui rappelait le coup qu’on lui avait asséné. Elle avait vu ses agresseurs, cette femme et cet homme sur les photos prises par sa Sauveuse. Puis elle réalisa qu’on l’avait attachée, qu’un bracelet à son poignet l’avait empêchée de se défendre, de faire de la magie. Où était-elle ? La Reine avait froid, son dos reposait sur une plaque en métal tout aussi glaciale. Puis elle pensa à Emma, à Sara, espérant que ses agresseurs ne s’en étaient pas pris à elles. Elle tenta de se débattre mais les lanières autour de sa poitrine, de ses hanches, de ses jambes étaient fixées bien trop solidement. Puis elle voulut appeler à l’aide mais on l’avait également bâillonnée.

— Regina Mills, entendit-elle.

La silhouette de la dénommée Tamara apparut au-dessus d’elle avec cet homme du nom de Greg.

— Vous allez rester bien sage, c’est compris ?

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Regina acquiesça d’un signe de tête et Greg tira brutalement sur le scotch plaqué sur ses lèvres. Regina gémit légèrement sous la douleur et demanda :

— Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?

— Vous n’avez pas besoin de savoir qui nous sommes, répondit Greg. En revanche, on attend de vous toute votre coopération !

Elle le vit passer derrière une sorte de platine d’interrupteurs tandis que Tamara plaçait sur son front et ses bras des électrodes reliées aux commandes.

— Ca risque d’être douloureux, dit-elle.

Greg Mendell enclencha l’appareil électrique et sans comprendre ce qu’il lui arrivait, Regina perçut de violentes décharges secouer son corps...

* * *

Emma était revenue chercher les dossiers concernant Tamara et Greg. Elle les avait épluchés un à un, avait lu les informations recueillies. Des adresses avaient été inscrites au fil de la surveillance mise en place. Et elle se retrouvait d’ailleurs devant un des bâtiments résidentiels de la ville, près de la bibliothèque. Mais son instinct lui disait qu’elle ne trouverait pas Regina ici. Si ces deux énergumènes avaient

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enlevé sa Majesté, ils l’avaient dissimulée dans un endroit bien isolé des regards, des oreilles et du centre-ville où trop de monde circulait. Elle s’apprêtait à redémarrer pour faire demi-tour, mais fut paralysée par une douleur vive et intense au niveau de ses tempes. Son visage se crispa, ses traits se tordirent et ses mains se plaquèrent de chaque côté de son crâne dans l’espoir d’amoindrir cette terrible souffrance. Les yeux fermés, l’image de Regina s’imposa derrière ses paupières, une odeur de poisson et de mélasse s’infiltra dans ses narines, mais plus que tout, elle sentit la peine et la douleur que la Reine subissait. La seconde suivante, tout s’arrêta et ses yeux se rouvrirent sur la route. Essoufflée, elle tenta de reprendre ses esprits. Que venait-il de se passer dans sa tête ? L'odeur déplaisante de poisson demeurait gravée dans ses narines. Son portable sonna et elle décrocha dans un réflexe :

— Ouais ?

# Maman ?

La voix d'Henry trahissait son inquiétude.

— Salut Henry... Où est-ce que tu es ?

# Chez grand-père et grand-mère... Ils m'ont expliqué que quelque chose était arrivé à maman... Qu'est-ce qui se passe ? Où tu es ? Où est maman ?

Emma soupira. Elle était incapable de répondre à son fils, de le rassurer et ce constat ne faisait qu'aggraver ses émotions déjà négatives.

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— Je sais pas, répondit-elle, mais je m'en occupe, je vais la retrouver, ne t'en fais pas.

# Je veux t'aider, grand-père aussi et grand-mère pense que Gold est peut-être derrière tout ça.

— Non, je suis déjà passée le voir...

Elle hésita. Son fils était inquiet et du haut de ses seize ans, il comprenait davantage de choses et la gravité de certains des évènements.

— J'ai une piste, mais je veux pas que tu viennes... Je te rappelle dès que je peux.

Elle raccrocha avant de l'entendre insister. Henry ne devait pas être mêlé à ça et si ces individus étaient capables d'enlever Regina, alors qui sait ce qu'ils pourraient faire d'autre ? Elle démarra en trombe, éteignit le téléphone et roula directement vers le port.

* * *

La douleur était intense et quelques gouttes de sueurs froides glissaient sur la tempe de Regina. Elle avait toujours su que ses actes passés la rattraperaient un jour, mais n'aurait pu songer que ce jour arriverait déjà alors que tout, ou presque, la rendait heureuse.

— Je sais que vous l'avez enfermé ici, reprit Greg. Vous et votre maudite magie, vous vous pensiez au-dessus de tout je suis sûr, mais vous voyez, le

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petit garçon que j'étais a grandi Madame le Maire ! Alors ? Où est mon père ?!

Regina ne pouvait décemment pas répondre pour la simple et bonne raison qu'elle savait pertinemment que Greg Mendell la tuerait dès qu'il saurait ce qu'était devenu son père. Malgré la douleur de la torture, ses pensées se tournaient vers Emma, vers Henry, vers Sara. Si tous les trois étaient à l'abri, ce mauvais moment à passer ne serait jamais pire que de les savoir en danger.

— Je vais vous le dire, fit-elle pour gagner un peu de temps.

Car sa respiration était écourtée par la douleur. Les veines de son visage ressortaient sous le choc des courants électriques qu'on lui infligeait depuis plus d'une demi-heure.

— Il est...

Greg était attentif, autant que Tamara qui attendait la réponse, bras croisés.

— Il est...

— OU EST-IL ? cria Mendell.

Regina eut un sourire ironique...

— Mort...

Sur ces mots, Greg Mendell ne put retenir sa colère et le revers de sa main s'écrasa dans la mâchoire de la Sorcière. Un filet de sang perla aux coins des lèvres de Regina. Ce coup porté, elle le savait, était nettement moins douloureux que les

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chocs électriques et avait eu le mérite de la sonner un peu. De colère, Greg retourna derrière les commandes et augmenta l'intensité de la charge.

— C'est vous qui allez mourir ! lança-t-il en enclenchant le courant.

Regina se cambra de douleur dans un cri qui perça le silence de l'entrepôt...

* * *

A l'extérieur, Emma venait de sortir de sa voiture, devant les entrepôts qui bordaient les quais. Dès qu'elle entendit le cri, elle tourna les yeux vers l'un des bâtiments désaffectés, une ancienne conserverie et s'y précipita. Elle en était certaine, ce cri appartenait à la Reine. Témoin de mauvais traitements, il ne pouvait en être autrement... Elle poussa la porte en bois et entra dans les lieux. Elle reconnut la mauvaise odeur spécifique de poisson et de mélasse. Elle se trouvait donc au bon endroit et n'avait plus qu'à se laisser guider par son instinct. Prudemment, sans faire de bruit, elle longea des cuves, atteignit le fond, contourna un bureau fermé aux vitres poussiéreuses et descendit l'escalier en fer rouillé. Sa main se serra autour de la crosse de son pistolet, prête à dégainer, sur ses gardes.

Un autre bruit se fit entendre et les lumières allumées dans l'entrepôt se mirent à clignoter. Au

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sous-sol, l'humidité s'ajoutait aux senteurs nauséabondes des lieux. Un long couloir de béton, obscurci par l'air vicié et le manque de lumière s'étendit devant. Peut-être ne mesurait-elle pas le danger encouru ? Peut-être aurait-elle dû venir accompagnée ? Mais à quoi bon perdre du temps, risquer la vie d'un autre pendant que la Reine jouait la sienne ? Plus elle avançait, plus elle entendait des voix, d'autres gémissements... Et plus elle approchait, plus sa mâchoire se crispait de colère et d'angoisse. Au fond du couloir, une lueur éclairait les lieux, des ombres bougeaient. Le pas déterminé, elle avança sur une dizaine de mètres et aperçut un autre bureau vitré ou plutôt une petite pièce. Elle se baissa dans un mouvement rapide lorsqu'elle aperçut deux silhouettes. Elle avait reconnu un homme et une femme, Greg et Tamara. Ses doigts crispés autour de la crosse de son arme, elle contourna l'angle de la pièce et jeta un oeil dans l'entrebâillement de la porte métallique. Quand elle vit le profil de la Reine étendue sur une table, torturée par des électrodes, un haut-le-coeur la saisit. Sa colère se mua en une forme de rage sourde, dangereuse où la moindre pensée fusait comme un éclair dans le ciel, déchirait son cerveau entièrement dominé par les émotions.

De dos à Emma, Tamara se tenait debout devant la console électrique, source de toute l'énergie nocive envoyée dans les câbles. Cause du martyr de la Reine.

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Près de Regina, Greg s'impatientait et attendait une réponse de la part de la Sorcière. Il la saisit à la gorge et ordonna encore :

— Parle ! Ou tu mourras !

Emma se redressa lentement dans le dos de Tamara et d'un violent geste du bras, abattit la crosse de son arme contre sa tête. La femme tomba raide inconsciente à ses pieds. Mais la Sauveuse n'y accorda que peu d'attention et pointa son arme sur Greg.

— Eloigne-toi d'elle ou c'est toi qui mourras, prévint-elle.

Greg fit volte-face en lâchant la Reine et reconnut Emma Swan, sa complice. Il écarta lentement les mains et répondit aussi sec.

— Cette femme a tué mon père et vous osez la protéger !

Sans bouger, Emma tenait son arme, d'un calme étrange, voire dangereux. Le regard déterminé et menaçant rivé sur cet abruti près de la Reine, elle répéta :

— Eloigne-toi d'elle, je te dis.

Greg fit un pas sur le côté, les mains à peine levées.

— Vous ne le ferez pas, défia-t-il. Parce que vous n'êtes pas comme elle, vous ne faites pas partie de son monde de magie.

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Emma jeta un oeil sur la Reine qui respirait encore, les yeux ouverts. Au moins, elle vivait et c'était bien tout ce qui comptait pour l'instant. Elle releva les yeux sur Greg et répondit :

— Vous n'avez aucune idée de qui je suis et de ce que je pourrais faire là tout de suite...

Parce qu'en d'autres temps, il aurait eu raison. Emma n'aurait pas été capable de prendre parti pour Regina au point de faire du mal à un homme. Mais cet homme n'était pas innocent et le temps était passé... L'arme toujours pointée sur lui, elle ne vit pas Tamara se relever et fut surprise de sentir son bras s'enrouler autour de sa gorge. Dans un geste défensif, elle balança son coude en arrière et la toucha à l'estomac, la forçant à lâcher prise. Entre-temps, Greg s'était jeté sur elle pour attraper son arme. Leurs corps chutèrent sur le sol froid et bétonné de la pièce. Tamara se releva péniblement, la main sur le ventre et prit la fuite, apeurée.

Emma se débattit sous le poids de Greg qui tentait de lui arracher l'arme des mains. Dans l'affrontement brutal, il parvint à enrouler ses doigts autour de sa gorge pour l'étouffer, l'affaiblir et l'arme tomba quelques mètres plus loin. Mais Emma n'avait pas dit son dernier mot et malgré sa respiration coupée, son genou percuta l'entrejambe de son agresseur qui se jeta en arrière sous l'impact. Elle toussa, la trachée libérée de son emprise et voulut ramper pour

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reprendre l'arme. Alors, Greg la saisit par la ceinture dans son dos et la bloqua au sol pour l'empêcher de l'atteindre. Emma tourna les yeux vers l'arrière et l'aperçut. Elle balança son poing en direction de son visage qu'elle réussit à cogner. Mais Greg ne comptait pas perdre la partie cette fois. Il devait retrouver son père et le sauver des griffes de la sorcière. Il prit le couteau dans l’étui dissimulé dans sa chaussette et ramena son avant-bras contre la gorge d'Emma. Celle-ci bloqua son poignet en voyant la lame voler dans sa direction et tenta de le repousser de toutes ses forces. Au-dessus d'elle, Greg l'écrasa de son poids et la menaça :

— Je vous avais prévenue ! cracha-t-il, pris dans son désir de vengeance.

A présent, c'était soit elle, soit lui et Emma le lisait dans le regard de son assaillant. Son autre main laissée libre, tâtonna de son côté, à la recherche de son pistolet. Le temps était compté et elle le savait. La force de cet homme portée par ses rancoeurs et sa haine dépassait la sienne. Mais si elle y restait, alors Regina mourrait et cette idée lui redonna de l'énergie nourrie par ses émotions assez intenses. Elle serra les dents autant qu'elle repoussait le poignet de cet homme sur elle. C'était soit elle, soit lui... Soit Regina, soit lui. Ses jambes tentaient en vain de se dégager de son poids, mais les secondes passaient et le combat se durcissait. La lame approchait dangereusement de

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sa gorge. Elle la voyait du coin de l'oeil. Sa main partie en quête de son arme tâtonna encore quelques secondes, désespérée et lorsque ses doigts se posèrent sur la crosse, ils s'en saisirent sans tarder.

— Elle ne gagnera pas, fit Greg déterminé, pas cette fois.

Emma peinait maintenant à le repousser et la lame s'approchait. Mais sa main armée remonta vers la tête de son agresseur et elle répondit, essoufflée :

— Je suis... Je suis désolée...

Son index poussa la gâchette et le coup partit. Le sang gicla sur son visage, son rouge contrastant avec le bleu de ses yeux qu'elle finit par détourner. Le corps de Greg se vida instantanément de sa force et s'écrasa contre le sien. Elle s'en dégagea difficilement, le souffle court, le coeur battant. Une flaque de sang s'étendait déjà à sa place et se répandait sur le sol. Toujours allongée, elle roula sur le côté, dos à ce spectacle terrifiant et tenta de reprendre sa respiration.

Regina avait entendu le combat, sa Sauveuse se débattre, les menaces de Greg Mendell, puis leur affrontement avant que le coup de feu ne résonne... Son sang s'était glacé tandis que la douleur des coups infligés par ce dernier marquait

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encore son visage. Regina redoutait le pire, le pire étant que sa Sauveuse soit morte...

— Emma, murmura-t-elle difficilement...

Puis elle la vit se hisser près d'elle, blessée au visage, son arcade ouverte par son combat.

— Je vais bien, dit la Sauveuse qui s'empressa de décrocher les liens de la Reine.

Dès qu'elle fut capable de s'asseoir, Regina entoura ses bras autour du cou d'Emma, soulagée, rassurée de la savoir en vie.

— J'ai cru qu'il t'avait tuée...

Il n'en était rien et Emma se rassurait simplement se savoir Regina encore en vie. Ses bras autour d'elle, elle prit le temps de calmer ses émotions, les dernières sensations ressenties. Elle avait tué cet homme et en prenait conscience à chaque seconde qui s'écoulait. Comment le regretter en sachant que la fin aurait pu être pire encore ? Henry et Sara auraient perdu leurs deux mamans parce qu'il l'aurait tuée avant de tuer Regina. Elle se recula, sonnée par tout ce qui l'avait traversée en l'espace de deux heures tout au plus.

— Comment tu te sens ? lui demanda-t-elle en l'observant.

Le soulagement d'être en vie et de revoir sa Sauveuse effaçait la torture que Tamara et Greg lui avaient infligée. Son regard ne quittait plus le visage d'Emma, sa main sur sa joue se réconfortant du seul fait de la retrouver.

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— J'ai cru que je ne te reverrais jamais, Miss Swan... J'ai cru que tout s'arrêterait ici...

Le regard de Regina prononçait bien plus que des mots et Emma pouvait y lire tout le soulagement que la Reine ressentait. Elle aussi avait été pétrifiée par la peur, l'absence soudaine de Regina, l'idée que, jamais, elle ne la reverrait. Pouvait-elle être à ce point attachée à elle ? Elle jeta un bref coup d'oeil vers le corps de Greg qui gisait sur le sol, répondant à lui seul à cette question. Elle aida la Reine à se tenir sur ses pieds pour l'entraîner loin de cette pièce, loin de cet évènement qui ne quitterait plus leur mémoire.

— On va rentrer, fit-elle, Henry et Sara sont chez mes parents... Tout va bien, tout est fini...

Parce qu'Emma voulait déjà classer cette terrible affaire au plus profond de son cerveau, parmi les souvenirs oubliés.

* * *

La Reine et sa Sauveuse n'étaient pas rentrées dans les détails des évènements de cet après-midi. Henry n'avait pas besoin de savoir pourquoi Regina s'était fait enlever et Emma n'avait pas non plus tenu à lui dire qu'elle avait tué un homme. Ils avaient dîné en silence, Sara faisant des petits commentaires parfois en voyant les blessures de ses mamans. Henry demeurait tout à

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fait conscient de la gravité de la situation vu l'état physique de ses mères. Emma avait demandé à David ce qu'il en était du portail et d'après les nains, rien n'en était sorti, donc la surveillance se poursuivait. Y'aurait-il une seule journée où rien de grave ne se passerait à Storybrooke, se demandait la Reine. Elle qui n'aspirait désormais qu'à une vie tranquille avec Emma, pourquoi fallait-il que des gens arrivent en ville pour la pourchasser ? Emma et elle n'oubliaient pas que Tamara courait toujours et prévenir Neil ne servirait à rien car son ex ne la croirait pas.

Après le dîner, Henry monta dans sa chambre pour parler avec Emily sur son ordinateur, puis Regina coucha Sara avant de rejoindre Emma dans le salon. Sa Sauveuse s'était servi un verre de whisky, la bouteille posée devant elle, le regard dans le vide. Regina récupéra son verre de rouge sur la table et vint près d'elle. Ce qu’il s'était passé la hantait encore autant que l'horreur de sa première pensée quand elle avait entendu le coup de feu. Regina savait que ni elle, ni Emma n'était sortie indemne de cet affrontement.

— Tu ne veux pas savoir ? demanda-t-elle d'un air hésitant.

— Savoir quoi ? demanda Emma.

— Ce qu'ils voulaient de moi, pourquoi ils m'ont enlevée ?

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Emma s'était brièvement la question. D'autant que ces deux inconnus étaient venus de l'extérieur de Storybrooke. L'ironie voulait que la plupart des habitants de la ville souhaitait déjà sa mort, alors bien sûr, Emma pouvait se demander ce que la Reine avait bien pu faire à ces deux personnes pour qu'ils s'en prennent à elle aussi violemment. Elle regarda Regina dont les traits tirés révélaient tout le sérieux de la discussion. Elle l'observa un instant. Les coups répétés de Mendell se lisaient encore sur son visage, témoin évident d'une torture sans nom. Et y repensant, la colère refaisait surface, une violence jusque-là insoupçonnée surgissait du plus profond de son être. La Méchante Reine aurait dû mériter ce châtiment, payé ses méfaits et ses crimes passés, mais cette image s'était dissipée... Ne restait plus que Regina, cette femme qui avait accouché de Sara, tué sa propre mère et sacrifié son bien-être par crainte de la voir mourir elle, Henry et Sara.

— Non, répondit-elle sans vaciller. Je veux pas savoir.

Elle termina son verre d'un trait et détourna les yeux vers la bouteille qu'elle ne regardait pas vraiment. Elle n'avait pas envie de connaître les détails, la première pierre qui avait été jetée par la Reine. Emma avait su, dès le début qui était Regina, quelle femme elle avait été par le passé... Et tous les jours, son entourage ou son environnement le lui rappelaient. Qu'y avait-il

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d'important à savoir, en dehors des coups et de la souffrance que Greg Mendell avait infligés à Regina ? L'heure du jugement était déjà passée et elle avait été le bras d'une justice spontanée. Emma prit finalement la bouteille et remplit son verre. De retour au calme, après un bon dîner autour d'une table familiale, la colère demeurait, tapie dans l'ombre de chaque pensée et si, par malheur, l'une d'entre elles s'attardait sur Greg ou Tamara, alors les mêmes émotions revenaient. Le temps effacerait sûrement la vivacité des ressentiments, atténuerait le souvenir dont les acteurs ne deviendraient plus qu'une vague anecdote. Se pouvait-il que des personnes si insignifiantes parviennent à changer toute une vie, sinon ? Emma but une gorgée de whisky et ravala ses songes tourmentés.

Regina à ses côtés constatait ses inquiétudes lisibles sur ses traits. Une fois de plus, aucun mot n'avait besoin d'être prononcé, les émotions, ce que chacune émanait suffisait à exprimer la détresse de l'une ou de l'autre. Mais au-delà des apparences et des sentiments, Regina mesurait les actes d'Emma. Ce qu'elle avait fait pour elle, personne, jamais ne l'avait fait auparavant. Emma avait tué un homme, avait choisi la vie d'un individu presque innocent pour sauver la sienne. Or, qui mieux que la Reine connaissait le prix à payer quand on ôtait une vie ? Le meurtre souillait l'âme, la rendait plus noire, mutilée par le remords. Enlever une vie pouvait plonger un

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individu dans un cercle vicieux obscur et baigné de noirceur. Les regrets entraînaient la peine, la peine entraînait la douleur, venait la colère de souffrir et enfin, le besoin de vengeance. Regina avait expérimenté chacun de ces états jusqu'à l'arrivée d'Emma Swan dans sa vie. Elle l'avait d'abord haïe pour lui avoir fait ressentir l'espoir d'une vie différente, mais sa Sauveuse avait cru en elle en dépit de leur conflit et de ses rancœurs. Regina se devait d'être là pour elle aujourd'hui. Elle ramena sa main sur la cuisse d'Emma et demanda :

— Veux-tu qu'on monte se coucher ?

Emma termina le verre d'un trait et se leva après avoir pris la main de Regina.

— On y va, fit-elle.

Toutes les deux montèrent à l'étage, éteignirent les lumières et s'enfermèrent dans leur chambre. Il n'y aurait sûrement pas d'étreintes, ni de tendres disputes. Peut-être simplement, deux corps entrelacés et le silence de la nuit pour les guider vers le sommeil.

* * *

Le coup de feu résonna encore et encore dans sa tête, telle une mélodie de fond, en adéquation parfaite avec le reste, les images en série défilant les unes derrière les autres. La peur et la peine

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imbibaient chaque moment, pénétraient chacun de ses gestes répétés. La fin revenait inlassablement et la mort emportait sa Reine. Elle le tuait encore et encore, sans relâche, abattait ses poings jusqu'à ne plus voir que du sang. Le pourpre colorait la douceur pâle de sa peau, couvrait la finesse de ses traits. Regina ne bougeait plus, inerte, étendue sur cette vulgaire table de métal. Il avait mis fin à son règne et sa Reine n'était plus...

A bout de souffle, elle se dressa sur le lit, en sueurs. La violence du cauchemar la hantait encore, le bruit sourd de la balle pénétrant l'os du crâne résonnait en fond. Mais une seule image s'imposait en dépit du reste : Regina était morte. Emma tourna les yeux vers la gauche et les posa sur la Reine endormie à ses côtés, tournée vers la fenêtre. Ses paupières se fermèrent un instant pour calmer l'afflux d'émotions en elle, la terreur en elle. Elle ramena ses mains sur son visage, repoussa ses cheveux et prit une profonde inspiration. Le silence fut soudain et si bruyant à ses oreilles. Il n'y avait plus de coup de feu, de cri, ni de sanglot, uniquement le léger grésillement du babyphone branché sur la commode de la Reine. Elle posa une main tremblante sur son épaule et le contact amoindrit la panique. Regina dormait encore et sa peau était chaude, immaculée. La couleur pourpre s'en était allée et c'était tout ce qui comptait. Emma avala difficilement et s'approcha lentement dans son dos. Elle enroula

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finalement son bras autour d'elle et reposa la joue sur l'oreiller. Ses parfums féminins mêlés aux senteurs de son shampooing apaisaient ses craintes, atténuaient ses peurs. Elle sentit sa Reine bouger à peine, capturer sa main qu'elle garda contre sa poitrine. Ainsi blottie, l'une contre l'autre, Emma parviendrait peut-être à retrouver le sommeil.

* * *

La Reine s'était levée aux aurores pour préparer le petit-déjeuner des enfants tandis que sa Sauveuse était restée au lit. Elle avait perçu son agitation durant la nuit, l'avait même entendue parler pendant son sommeil, l'appeler, puis l'étreindre finalement. Regina compatissait, consciente des cauchemars que sa Sauveuse devait endurer. Elle aussi avait mal dormi, victime de quelques douleurs, mais la Reine s'était habituée à un sommeil agité depuis de longues, très longues années. En réalité, ses nuits avaient commencé à se calmer depuis peu, quand Emma était revenue dans sa vie et que son amour endure pareilles douleurs, la peinait.

Après le petit-déjeuner des enfants, elle eut le temps de déposer Sara à l'école, croisa Mary-Margaret qu'elle ignora puis revint chez elle pour rejoindre son bureau. Elle prévint Granny que la

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réunion du Conseil d'administration serait exceptionnellement annulée aujourd'hui. L'argumentaire avait été simple, les nains occupés à surveiller le portail, tous les membres ne seraient pas présents, ce qui nécessitait de reporter la date de leur rencontre ultérieurement. Puis la Reine avait ensuite trié les dossiers en retard de sa Sauveuse et avait décidé de détruire celui concernant Greg Mendell.

Regina ne perdait pas de vue cette dénommée Tamara et songeait qu'elle s'occuperait d'elle personnellement quand le moment viendrait... Elle entendit à la porte :

— Hey... T'es déjà levée ?

La Reine prit le temps de contempler sa Sauveuse qui avait eu besoin de rattraper ses heures de sommeil plus qu'agitées. Elle contourna le bureau mieux ordonné et s'approcha.

— Oui, j'ai préféré te laisser dormir et j'ai accompagné Sara à l'école ce matin.

Regina ne put s'empêcher de poser un baiser sur ses lèvres, son regard tendre et amoureux sur les traits mal réveillés d'Emma.

— Comment tu te sens ? demanda-t-elle. Tu as pu te reposer un peu ?

Emma passa une main dans ses cheveux pour les peigner à la hâte. Elle avait pris le temps de détailler Regina derrière le bureau, avant de l'interrompre. Son cauchemar restait dans un coin

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de sa tête, mais aucun regret ne venait, ne surgissait de nulle part pour l'affubler de culpabilités innombrables. Le pire était sûrement de recommencer dès l'instant où ses paupières se fermaient. Elle le tuait encore et encore pour éviter que sa Reine ne meure. Alors, elle prenait la mesure de son attirance pour elle, l'importance de ses sentiments pourtant bien enfouis. Ils révélaient une autre facette, une autre Miss Swan qu'elle devrait maintenant affronter.

— Ouais, répondit-elle à retardement, et toi ? Bien dormi ?

— Je dors toujours bien quand tu es dans notre lit, plaisanta Regina en retournant vers le bureau.

Elle rangea le dossier communal qu'elle avait fini de traiter et regarda sa Sauveuse, plus sérieuse.

— Ton père a appelé, il voulait prendre de nos nouvelles. Je lui ai dit que tu le rappellerais. Il m'a confirmé qu'il n'y avait aucun signe de vie au niveau du portail et je comptais fouiller dans mes livres dès cet après-midi pour tenter quelques recherches.

Regina marqua une pause en voyant sa Sauveuse mal réveillée :

— Mais nous pouvons parler de ça plus tard, chérie... Tu veux un café ?

Regina allait trop vite pour Emma. Les sourcils froncés, elle la regardait, bras croisés, sans bouger. De quoi lui avait-elle parlé ? Parce que

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son esprit demeurait encore focalisé sur les nombreuses questions que son cauchemar suscitait. Ses propres réactions l'interpellaient, son comportement la veille face à cet homme, son geste, son manque de regret en y songeant. Que devenait-elle alors ? Elle suivit Regina qu'elle vit franchir le seuil du bureau et son regard s'attarda sur ses courbes. Dans chacun de ses pas, son bassin balançait un peu de gauche à droite et l'hypnotisait autant qu'il l'attirait. Diable que lui arrivait-il ? Le lendemain même d'une journée terrible où elle avait tué un homme, elle pensait déjà à prendre possession du corps de la Reine là, sur le comptoir de la cuisine. Elle s'y appuya, toujours muette et ne détourna pas ses yeux vagabonds. Regina lui tournait le dos et ils pouvaient l'observer à leur guise. Libertins et gourmands, ils longeaient la finesse de ses hanches, la cambrure de ses reins, puis ses jambes interminables. Diable qu'Emma avait envie d'y goûter... Qui était-elle pour réagir avec autant de distance face à son geste malheureux de la veille ? Tout ce à quoi elle ne songeait alors était de faire comprendre à sa Majesté qui donnait les ordres dans cette maison. Elle la vit préparer le café avec attention, toujours minutieuse dans tout ce qu'elle faisait. Lorsque la Reine se tourna vers elle pour lui tendre sa tasse pleine et fumante, elle dut se forcer à relever les yeux rivés sur son décolleté.

— Merci, fit-elle en prenant la tasse.

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Elle but un peu de café, l'expression aussi neutre que possible.

— Qu'est-ce que t'as prévu aujourd'hui ?

Regina récupéra une tasse dans laquelle elle versa l'eau bouillante pour infuser ton thé et répondit :

— Ayant réglé les détails de ta réunion, je pensais que nous pourrions faire un peu de magie avant d'entreprendre mes recherches sur le portail.

Emma grimaça sur cette suggestion. La magie ne l'attirait pas vraiment et elle n'avait pas une connotation action et dépense d'énergie.

— Tu sais que c'est pas mon truc, la magie... En plus, la dernière fois, j'ai pu à peine allumer la bougie.

— Tu m'as aidée à faire fuir le dragon, je te rappelle.

Emma s'installa sur le tabouret et fit tourner la tasse dans sa main. Elle se rappelait de ce dragon, du feu qui avait jailli de sa main comme Regina le faisait souvent...

— La magie, c'est toi, moi, c'est... s'arrêta-t-elle en réfléchissant, autre chose.

Regina vint s'installer près d'elle, ricanant sur toutes les autres choses auxquelles elle pensait.

— En effet, tu as de nombreux talents, Miss Swan.

La main toujours autour de la tasse, Emma tourna les yeux vers Regina et esquissa un petit

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sourire sur ces insinuations. La Reine lisait dans quelques-unes de ses pensées. Elle but un peu de café et réfléchit à la proposition de Regina. Elle tira le journal sur le comptoir, l'esprit à moitié absent et répondit :

— Ok, je veux bien faire de la magie avec toi, Majesté.

Regina ne sut expliquer pourquoi cet accord venait de créer un doux frisson le long de sa colonne vertébrale. Sans doute parce qu'elle savait que la magie avait quelque chose d'intime qu'on ne partageait pas avec n'importe qui. Ce n'était pas pour rien que Rumplestiltskin avait formé sa mère, puis elle par la suite.

— La magie est en toi, Miss Swan, ce n'est pas pour rien que toi et moi sommes si complémentaires.

Emma ne put empêcher un sourire sur les paroles solennelles de Regina. Etrangement, elle était d'humeur joueuse ce matin et son esprit mutin permettait mille fantaisies.

— La magie est en moi... répéta-t-elle. Et comment tu le saurais ?

Regina but une gorgée de thé à la menthe et répondit d'un air évident.

— Je te sens...

Son regard plus coquin se releva dans celui de sa Sauveuse et elle ajouta :

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— Pas seulement quand nous faisons l'amour, bien entendu.

Si en plus, Regina provoquait, alors Emma suivrait de bon cœur.

— Alors t'es en train de me dire que la magie, c'est un peu comme le sexe ?

Regina ne put que rire sur ces paroles qui n'étaient pas très loin de la vérité.

— D'une certaine façon... Plus les émotions sont fortes, plus la magie est puissante. C'est un peu comme lorsque tu m'amènes à l'orgasme.

Emma faillit avaler de travers la gorgée de son café sur ces mots si directs. La Reine y allait fort et Emma n'avait pourtant nul besoin d'être échauffée. Elle toussa un peu dans l'espoir de faire passer le liquide du bon côté et répondit :

— Ouais, mais... Pas besoin de magie pour ça.

Regina leva les sourcils, son regard sur sa petite cuillère qui tournait son thé.

— En effet, ta langue suffit...

Regina dépassait l'entendement avec ces paroles et Emma deviendrait folle à force d'entendre ce genre de choses. Diable qui était cette femme près d'elle ? Son corps ne cessait de brûler au fil de ses réponses et rien ne savait la rafraîchir, pas même le souvenir de la veille. Elle but un peu de café, tenta de se raisonner un peu, un minimum.

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— T'es pas croyable, accusa-t-elle, une fois de plus, tu dévies la discussion... J'ai dit que j'étais prête à faire de la magie et toi, tu me parles de sexe, de nos têtes-à-tête, de tous les trucs que je te fais, comment tu veux qu'après ça, je me concentre sur autre chose que tout ce que tu viens de me dire ?

Regina assumait pleinement ses côtés plus libertins et elle répondit :

— Tu es seule responsable, Miss Swan. Tu me fais gouter à des plaisirs que nul autre n'avait osé m'offrir.

Emma sentit un vent de fierté souffler sur elle et l'emporter très loin de ses pensées raisonnables.

— Et que personne ne t'offrira de toute façon, précisa-t-elle.

La Reine savait flatter l'ego de sa tendre Sauveuse et son petit sourire charmé demeurait aux coins de ses lèvres. Elle se leva pour débarrasser les tasses et reprit dans ses analogies de départ :

— Je suis heureuse que tu saisisses ce lien qui nous unit toutes les deux...

Elle posa les tasses dans l'évier et revint sur ses pas devant Emma :

— C'est pourquoi j'ai pensé que nous pourrions officialiser certains papiers, notamment pour les enfants.

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Emma venait-elle de se faire avoir ? Elle fixait Regina, l'air renfrogné, interrogateur et dubitatif. Elle ne savait quoi comprendre, ni dans quel sens prendre ces mots.

— Mais de quoi tu parles, là ?

— Je parle de notre fille, dit Regina avec évidence, qui s'appelle Sara Mills et qui en théorie devrait pouvoir porter nos deux noms, Miss Swan. Il en va de même pour Henry... Et nos deux noms ensemble ont une très agréable consonance. Sara Swan Mills et Henry Swan Mills. N'ai-je pas raison ?

Emma dut prendre quelques secondes pour comprendre ce qui se cachait sous ces explications. Lorsqu'elle réalisa le fond du problème, l'exigence de Madame, elle bascula sa tête en arrière, l'air exaspéré.

— Pitié, fit-elle, dis-moi que c'est pas encore une de tes histoires de mariage.

Regina s'offusqua :

— Qu'y-a-t-il de si terrible à vouloir m'épouser, Miss Swan ? Je ne suis pas si repoussante, je suis une bonne amante, une bonne mère et tu aimes ma cuisine ! Sais-tu combien d'hommes rêveraient d'être à ta place ?

Aussitôt, Emma songea au Prince Noir qui n'avait plus occupé ses pensées depuis la veille. Elle se tendit. Sa jalousie, l'idée même que ce type en

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armure pose ses mains sur la Reine et l'épouse faisait naître un sentiment extrême de rejet.

— Non mais t'entends ce que t'es en train de me dire, là ? rétorqua-t-elle, en se levant.

Sa mâchoire se crispait en imaginant ce nombre d'hommes, ce Prince Noir plus précisément, aux pieds de Regina.

— Si t'as besoin d'un homme, t'as qu'à le dire franchement ! J'ai pas besoin de me marier pour savoir qu'Henry et Sara sont nos enfants ! T'es pas dans ton monde là, les Reines se marient pas forcément et les princesses finissent pas forcément avec des Princes !

Sur le ton qui montait à nouveau sur ce sujet sensible à ses yeux, la Reine ne pouvait décemment pas garder son calme.

— Je n'ai jamais prétendu avoir besoin d'un homme, Miss Swan, mais il est naturel qu'une femme telle que moi exige de ne pas finir vieille fille. Je me fiche d'être la Méchante Reine mais je refuserai catégoriquement d'être la Vieille Reine. Il en va de ma réputation ! Pour qui les habitants de Storybrooke vont-ils me prendre si nous restons ainsi en couple avec deux enfants sans officialiser notre union ? Seuls nos sujets agissent de la sorte, nous sommes de sang royal, je te rappelle ! Même tes parents se sont mariés !

Emma n'en revenait pas d'entendre ces arguments venus tout droit d'une autre époque,

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de celle de Regina ! Ici, dans leur réalité, une femme ne demandait pas la main d'une autre sous prétexte qu'elles avaient deux enfants et qu'elles vivaient ensemble. Regina avait déjà obtenu beaucoup et en voulait toujours plus.

— Non mais tu t'entends, là ? reprit-elle sur le même ton. C'est du délire ! On est pas dans ton foutu château au beau milieu d'une forêt Enchantée remplie de fées et de chevaliers !

Sur ces mots, le souvenir du Prince Noir revint la harceler un peu plus et accentua sa colère.

— Ca te suffit pas, pas vrai ? renchérit-elle. Tout ce qu'on a déjà, ça te suffit pas !

Regina croisa les bras. Son expression reflétait clairement son mécontentement. Comment pouvait-elle se satisfaire à l'idée que sa Sauveuse pourrait la quitter à tout moment ? Puis la Reine n'oubliait pas l'ex compagne d'Emma.

— Le mariage est une promesse Miss Swan... Et avec cette... Cette fille revenue pour te récupérer... Je trouve déjà étonnant qu'elle ne soit pas venue frapper à ma porte !

Ce fut à cet instant que les deux amantes entendirent frapper à l'entrée. Emma fronça les sourcils, pensant le temps de quelques secondes que ce genre de coïncidence serait beaucoup trop "grosse". Elle marcha d'un pas pressé jusqu'à la porte et se figea quand son regard se posa sur Rebecca...

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— Salut, Em'... On m'a dit que tu habitais là...

Les talons de la Reine claquèrent sur le parquet quand elle comprit que ses pires craintes prenaient forme. Elle ouvrit plus grand en se postant près de sa Sauveuse.

— Que voulez-vous ? Que venez-vous faire chez nous ?!

La jeune femme enfonça les mains dans ses poches, l'air tout à fait décontracté malgré le ton agressif de son interlocutrice.

— Je viens voir une vieille amie, je ne vois pas où est le problème...

Elle regarda Emma :

— Ca pose un problème Em' ?

Emma ne comprenait plus rien et nageait en pleine confusion. Quelles étaient les probabilités pour que Rebecca se présente sur le seuil de la porte au moment même où Regina parlait d'elle ? Mais surtout, pourquoi Rebecca revenait ici, à Storybrooke de manière si soudaine ?

— Ok, on met sur pause, là, fit-elle aux deux jeunes femmes.

Parce qu'elle avait besoin de réfléchir. Sa colère envers Regina subsistait et elles n'avaient pas terminé leur dispute. D'autant que la venue de Rebecca donnait l'avantage à la Reine ! Elle prit sa veste sur le portemanteau et regarda Regina.

— Je sors deux minutes, ok ?

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Elle ne lui laissa pas le temps de répondre qu'elle poussa Rebecca sur le pas de la porte pour l'accompagner à l'extérieur. Une bonne discussion devait avoir lieu. Assez éloignée des oreilles de sa Majesté qui veillait et qui devait sûrement fulminer, Emma se tourna vers Rebecca et l'accusa :

— Qu'est-ce que tu viens faire ici, toi ?

Rebecca leva les sourcils sur le ton qu'Emma employait. Peu importait de toute façon puisqu'elle comprenait son étonnement et ses rancoeurs, la connaissait bien assez pour deviner tous les reproches qu'elle s'apprêtait à lui faire.

— Ca fait un moment que je tenais à te revoir, mais je n'arrivais pas à me décider... commença-t-elle, en cherchant ses mots. Je sais que ça ne s'est pas bien terminé nous deux et...

— Non, et c'est un euphémisme, la coupa Emma, abasourdie par la présence de son ex devant elle. Je t'ai trouvée au lit avec mon meilleur ami !

— Et je le regrette tous les jours, mais...

— Mais c'est même plus le problème, là ! l'interrompit Emma encore une fois. Le temps est passé et beaucoup de choses ont changé.

Cela aussi, était un euphémisme, pensa Emma. Elle marqua un silence, tenta de retrouver son calme pour poursuivre la conversation de la manière la plus sereine possible. Mais Rebecca

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s'approcha et posa une main attentionnée sur son torse avant de reprendre :

— J'aimerais me rattraper, Em'...

* * *

Debout derrière la grande baie-vitrée, Regina tenait le rideau blanc écarté pour au moins regarder Emma face à son ancienne amante, à défaut de les entendre. Quand elle vit cette Rebecca approcher Emma, poser sa main sur elle, son regard vira au noir, une étincelle de fureur s'y reflétant. Hors d'elle, elle rouvrit la porte et d'un geste de la main, écarta les deux jeunes femmes, dont la brune qui se retrouva les fesses à terre, sur le splendide gazon de son jardin.

— De quel droit ?!!! commença-t-elle... De quel droit débarquez-vous chez moi pour tripoter mon Emma !

Rebecca se redressa, la mine ahurie.

— Co... Comment vous avez fait ça...

Regina se planta face à elle.

— Quittez cette ville ou la prochaine fois, je vous jure que...

Mais Emma les écarta l'une de l'autre, une main posée sur chacun des deux.

— Stop ! interrompit-elle.

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Parce qu'elle savait combien la Reine pouvait faire preuve d'imagination pour se venger d'une autre personne.

— On va se calmer, ok ? Parce que le problème est réglé, il n'y a pas de problème.

Emma reporta les yeux sur Rebecca en ôtant ses mains et en se postant devant Regina pour prévenir toute tentative de sa part.

— Tu devrais rentrer chez toi... Retourner d'où tu viens parce que j'ai refait ma vie de mon côté, sans toi.

Emma espérait avoir été claire en prononçant ces mots, sans pour autant se montrer blessante. Il n'était pas non plus dans son intention de faire payer Rebecca pour ce qu'elle lui avait fait. Comme elle lui avait dit : beaucoup de choses s'étaient passées entre-temps. Le temps de la vengeance se trouvait bien loin désormais.

— Je suis désolée, Rebecca, mais j'ai pas envie de rattraper quoique ce soit.

L'expression de Rebecca transparut toute sa déception sur les mots plus que directs de son ancienne amante.

— Bien, fit-elle.

Elle jeta un bref coup d'oeil sur cette femme derrière son ancienne amante et reprit à l'attention d'Emma :

— Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver...

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Elle ne put s'empêcher de rajuster le débardeur d'Emma sur son torse avant de la contourner pour s'éloigner de la demeure.

Emma poussa un profond soupir de soulagement et tourna les yeux vers Regina, agacée.

— C'est bon ? On peut rentrer maintenant ?

Regina regarda la jeune femme s'éloigner, l'air toujours agacé, sa colère lisible dans son regard. Elle tourna les talons pour rebrousser chemin et entrer dans la maison où Emma referma derrière elles. Même si sa Sauveuse avait été claire, la Reine ne sous-estimait pas la volonté d'une autre femme.

— Elle t'aime encore, accusa-t-elle. Tu devrais me laisser m'occuper d'elle pour qu'elle ne vienne plus nous importuner !

En plus de la dispute qui avait précédé la venue de Rebecca, Emma demeurait crispée sur l'insistance de la Reine.

— Tu vas rien faire, ok ? Rebecca est de l'histoire ancienne ! J'ai même plus envie de la voir !

Elle grimpa les escaliers et ajouta :

— Je vais prendre ma douche !

Parce qu'elle se sentait énervée et avait le pressentiment que cette dispute ne trouverait pas de fin. Pourquoi diable Regina s'évertuait-elle à trouver de nouvelles raisons de discordes ? Elle entra dans leur chambre, fouilla l'armoire et en

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sortit un jeans et un pull à capuche cintré. Se préparer le matin ne faisait pas partie de ses hobbies et en général, cela prenait beaucoup moins de temps que pour sa Majesté Regina. Elle s'enferma dans la salle de bains, ruminant les propos de la Reine, sa volonté de se marier, ses arguments concernant son statut de Reine.

* * *

La douche, l'habillage ainsi que le déplacement jusqu'à la Mairie n'y avaient rien fait. Emma ruminait encore. Regina avait le don de la mettre dans tous ses états et quels états ! Avec la Reine, elle passait par tous les stades émotionnels imaginables : du plaisir absolu à la fureur la plus totale. Le temps des questions basiques sur sa vie, son travail, son repas du soir était bien loin... Maintenant, il n'existait plus que l'affrontement, le désir tenace et obsessionnel, la colère et l'envie... Diable, qu'était-elle devenue ? Elle avait jugé bon de fuir la maison quelques heures et de se réfugier à la Mairie dans l'espoir de calmer la tempête Mills. Devant son bureau qu'elle n'avait encore jamais visité, elle vit une photo d'elle, de Regina et de leurs enfants, des dossiers empilés sur un coin. Un bar servait sûrement de défouloir à quelques mètres de l'entrée, un fauteuil et un canapé de repos lorsque la Reine tirait sur la corde. Elle contourna le bureau plutôt décoré à son goût et

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prit place sur le fauteuil de cuir très confortable. Le regard dans le vide, elle étendit les bras sur les accoudoirs et y tapota ses doigts, prise dans ses réflexions incessantes. De nouveau, ce maudit Prince Noir lui revint en tête et elle se redressa sans tarder. Les tiroirs renfermaient peut-être d'autres informations intéressantes sur lesquelles elle avait travaillé ces dernières années. Le premier contenait une flasque en argent gravée de ses initiales, quelques stylos aux bouchons mâchés, des feuilles de papier vierges, des figurines de comics, sûrement des cadeaux de son fils... Le deuxième servait plus de cave à whisky que de classeurs à documents. Quel genre de Maire était-elle ? Peu surprise, elle poursuivit sa quête dans les tiroirs de l'autre côté, mais l'entrée d'un homme à la barbe naissante l'interrompit.

— Me revoilà, annonça-t-il en écartant les bras. Et je ne reviens pas à vide !

Emma fronça les sourcils devant cet homme à l'habit noir, aux allures de pirate avec son crochet à la place de sa main gauche.

— Qui vous êtes, vous ? l'accueillit-elle sans ménagement.

Crochet s'arrêta devant le bureau et observa Emma un instant. Plaisantait-elle ? A en juger son expression plus qu'agacée, il n'en était rien.

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— Qu'est-ce qui t'est encore arrivé ? demanda-t-il plus à lui-même qu'à Emma. Je pars un mois et rien ne va plus dans cette ville !

Emma réalisa alors son amnésie de cinq ans. Cependant, elle resta méfiante devant l'allure de cet homme qui n'avait rien d'un gentil héros tel que David.

— J'ai un gros trou de mémoire, expliqua-t-elle vaguement. Alors, va falloir m'en dire davantage pour que je comprenne.

Crochet leva les sourcils sur cette réponse. De toute évidence, ce trou de mémoire était plus que gros. Il s'affala sur la chaise devant le bureau.

— Ton trou de mémoire s'étend sur au moins quatre ans alors parce que toi et moi, on s'est connu il y a quatre ans quand je suis arrivée du Pays Imaginaire pour me venger de Rumplestiltskin. Et si je dois te raconter toute l'histoire, j'espère que tu as le temps.

Justement, Emma n'avait pas le temps, du moins, sa patience aurait sûrement des limites puisque la Reine l'avait déjà bien entamée aujourd'hui.

— Attends, fit-elle. C'est quoi ton nom ?

— Crochet, répondit-il en présentant son outil à gauche, troublé.

Emma marqua une pause, perplexe.

— Ouais, très original...

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Elle pianota sur le clavier de son portable pour envoyer un rapide texto à son fils. Henry était sa référence dans ce nouveau monde cinq ans après. Il pourrait lui confirmer l'existence de ce Crochet. Quelques secondes plus tard, elle obtenait confirmation de son fils qui lui expliquait en quelques mots que Crochet était le Shérif et aussi son ami le plus proche. Elle releva les yeux sur cet homme mal rasé, du genre mauvais garçon et l'observa, toujours sur ses gardes. Elle posa le téléphone et croisa les mains sur le bureau.

— Ok, alors pourquoi je t'ai pas vu ces derniers jours ?

— Tu m'as envoyé dans l'autre monde pour chercher Cora.

Sur ce prénom, Emma se tendit aussitôt. Crochet venait d'obtenir toute son attention.

— Ton fameux instinct te disait que ta belle-mère était peut-être encore en vie... Et donc tu as demandé à ton meilleur ami que je suis, d'aller jeter un oeil dans l'autre monde.

Le visage de Crochet redevint sérieux et il se redressa sur son fauteuil pour poursuivre.

— Et tu avais raison. Cora est encore en vie et plus diabolique que jamais.

Cette fois, Emma ne pouvait le croire. Les mauvaises nouvelles s'accumulaient et trop de choses se déroulaient à la fois. D'abord, le portail

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mystérieux, puis le bond de cinq ans, ensuite Greg et Tamara et maintenant, Cora !

— C'est impossible, lança-t-elle.

Crochet se releva, repoussa son manteau de cuir noir en arrière.

— J'ai ramené quelqu'un qui pourra te confirmer ce que je te dis.

Il tourna les yeux vers l'entrée du bureau et appela :

— Arthur ?

Un jeune homme aux cheveux blonds, à l'habit d'époque, l'épée aux côtés, fit son entrée et s'approcha du bureau. Mais son expression transparut autant de surprise que d'incertitude. Il regarda Crochet et remarqua :

— Où est le chevalier dont tu m'as parlé ?

Crochet racla sa gorge et répondit le plus naturellement possible en désignant Emma.

— Il est là.

— C'est une femme ! précisa Arthur avec évidence.

— Ne te fies pas à son apparence, expliqua Crochet.

Mais Emma interrompit cette petite conversation entre les deux hommes et se leva, les mains sur le bureau.

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— Hey ! J'aime pas vraiment qu'on parle de moi devant moi ! Alors vous avez intérêt à vous expliquer ou je vous réexpédie dans votre monde de malheur !

Crochet fixa Arthur, l'expression tout aussi calme et affirma :

— Crois-moi. Tu peux la considérer comme chevalier.

Arthur avait observé cette femme blonde aux paroles directes et sans détour. Crochet n'avait pas tout à fait tort sur son côté masculin. Jamais, il n'avait rencontré femme aussi homme...

— Bien, fit-il à Crochet avant de tourner les yeux vers Emma. Je suis Arthur, Roi de Camelot et je viens demander votre aide. Une Sorcière nommée Cora s'est emparée de mon Royaume et terrorise mes honnêtes gens.

Emma fixa les deux hommes qui la regardaient dans l'attente d'une réponse. Trop d'informations arrivaient en trop peu de temps et son cerveau ne parvenait pas à suivre. Sa dispute avec Regina ne cessait de se répéter en fond et l'arrivée de ces deux hommes ajoutée au retour de Cora la plongeait dans une confusion sans bornes. Elle rouvrit le premier tiroir et trouva l'utilité de la flasque finalement. Elle but une gorgée de whisky et réfléchit un instant.

Crochet jeta un oeil à sa montre à gousset et commenta :

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— Seulement onze heures et tu sors ta flasque... Ta Reine t'a-t-elle fait des misères ce matin ?

Emma releva les yeux sur Crochet qui, de toute évidence, en savait long à son sujet. Il parlait de sa Reine comme s'il connaissait tous les détails de leur relation pourtant difficile à assumer.

— C'est pas le sujet, là, l'accusa-t-elle.

Elle tourna les yeux vers Arthur et demanda :

— Est-ce que vous êtes sûr d'avoir reconnu Cora ?

— Crochet l'a vue et m'a fourni son nom.

— C'est elle, c'est sûr, confirma Crochet. J'ai reconnu son côté chaleureux.

Bien sûr, ses derniers mots sonnaient plein d'ironie.

— Elle a mis mon château à feu et à sang, renchérit Arthur. Et je n'ai plus de nouvelles de Guenièvre.

Emma secoua la tête. Maintenant, elle devait se charger du conte d'Arthur et de sa Guenièvre après avoir rencontré Crochet du Pays Imaginaire ! Quelle surprise aurait-elle encore ?

— Ok, commença-t-elle en contournant le bureau. D'abord, vous allez reprendre du début et tout m'expliquer parce que là, je capte rien. Ensuite, on trouvera une solution.

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Le Roi Arthur lança un coup d'oeil à son ami le Capitaine qui lui fit signe de s'expliquer. Alors le Souverain s'adressa à la jeune femme devant lui :

— Mon père, le Roi Uther Pendragon, est mort l'année dernière. J'ai donc été sacré Roi de Camelot mais sa pupille, Morgane s'est retournée contre nous, aidée de cette sorcière du nom de Cora. Avec plusieurs de mes Chevaliers, nous avons tenté de repousser leur armée de cavaliers noirs, mais la magie a eu raison de nos forces. Nous avons dû fuir, monter un camp provisoire en dehors de Camelot et mon serviteur, Merlin, pense que Morgane détient Guenièvre en otage.

Emma pensait sombrer en plein délire. Le Roi Arthur était loin du cliché qu'elle s'était fait d'un homme robuste, vieux et charismatique. Ce type n'avait pas plus de vingt-cinq ans et depuis quand Merlin était un serviteur ?

— Crochet m'a assuré que vous et votre Reine pourriez nous aider à reprendre le Royaume et sauver Guenièvre, reprit Arthur.

— Elles sont bien plus puissantes que Cora et Morgane, confirma Crochet.

Emma afficha une mine peu certaine sur les commentaires de Crochet.

— Doucement, là, précisa-t-elle. Je te rappelle que j'ai un trou de mémoire et Regina aussi.

Arthur perdit un peu d'espoir et regarda Crochet.

— Un trou de mémoire ? répéta-t-il.

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— La magie ne s'efface pas comme ça, sous prétexte que tu es amnésique, expliqua Crochet. Elle est en toi.

Emma roula des yeux sur ces mots que Regina avait aussi prononcés.

— Non, mais vous vous êtes concertés avant ou quoi ? Rien n'est en moi et avant de faire des plans, je vais devoir en parler avec Regina.

Arthur se permit d'intervenir :

— Madame, le temps presse.

— Emma, appelez-moi juste Emma, ça ira.

Parce que le Madame était en trop pour les oreilles d'Emma qui ne se sentait pas du tout l'âme d'une madame.

— On peut pas se précipiter dans l'autre monde sans avoir de plan, surtout contre Cora, répondit-elle à Arthur. Dès qu'elle saura que vous êtes venus nous voir, elle pourrait tuer Guenièvre. Qu'est-ce qu'elle vous demande en échange de sa vie ?

— Que j'épouse Morgane, répondit Arthur.

Encore une histoire de mariage, songea Emma en soupirant.

— Dans ce cas, on a encore un peu de temps pour réfléchir à un plan, expliqua Emma.

— En attendant, dit Crochet à Arthur, si le roulis ne te dérange pas, je t'offre un toit, tu pourras dormir dans mon bateau.

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— Je vous remercie, fit Arthur, reconnaissant. Connaissez-vous une auberge près d'ici ? J'avoue que votre monde est très différent du mien.

Crochet reprit le sourire et passa un bras amical autour d'Arthur.

— Tu t'y feras très vite, tu verras. Et on va manger chez Granny, elle fait la meilleure tarte de tous les royaumes.

Emma ne cessait plus de réfléchir à toutes ces informations abracadabrantes qu'elle venait d'entendre. Quand un problème se résolvait, un autre apparaissait.

— Et tu m'expliqueras tout ce qui est arrivé depuis que je suis parti, lui lança Crochet en l'entraînant avec eux.

Tandis qu'elle sortait de la Mairie, son téléphone portable se mit à sonner et à vibrer sur le bureau...

* * *

Regina était sortie prendre l'air. Sa Sauveuse n'étant pas revenue après leur dispute, elle s'était dit qu'attendre son retour en préparant un bon dîner agrémenté d'une bonne bouteille de vin aurait raison de leurs petites querelles amoureuses. Henry était au lycée, Sara à son école, ce qui lui laissait largement le temps de

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faire quelques courses. Bien sûr, la Reine aurait pu faire apparaître ses légumes et pièces de viande dans sa cuisine, mais Regina préférait se déplacer chez le traiteur de Storybrooke pour sélectionner les meilleurs morceaux.

Assise derrière le volant de sa Mercedes, elle s'arrêta à un feu de circulation, le regard absent en songeant à ses convictions sur l'utilité de son mariage avec Emma. Même si concrètement, sa Sauveuse et elle ne vivaient pas ensemble depuis longtemps, elle n'avait guère besoin d'attendre davantage pour savoir ce qu'elle voulait. Emma l'aimait, elle le savait. Sa Sauveuse avait tué un homme pour elle et revenait inlassablement dans leur lit conjugal. Comment pouvait-il donc en être autrement ? Regina était femme à obtenir ce qu'elle voulait et sa volonté du moment était d'obtenir d'Emma sa demande en mariage. Elle y parviendrait, cela ne faisait aucun doute dans son esprit.

Le feu passa au vert et avant qu'elle ne redémarre, elle vit David courir subitement sur la route avant d'arrêter les voitures. L'une d’elles manqua de renverser quelque chose que Regina ne vit pas. David sortait de chez Granny à sa gauche, suivi de près par Leroy qui, semblait-il était sorti de l'hôpital, un bandage autour de la tête.

Quand un cheval surgit de l'autre côté du croisement de la rue principale, Regina se figea net. Un Chevalier habillé d'une armure noire

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brandissait une épée. Le Cheval sauta par-dessus la voiture tandis que David tentait de l'arrêter. La Reine quitta sa voiture, ahurie, sa main prête à envoyer une boule de feu sur l'inconnu venu de nulle part. Une voiture klaxonna derrière elle et d'autres piétons s'arrêtèrent pour regarder la scène.

D'un revers de sa main tenant l'épée, le Chevalier Noir assomma David qui tomba sur Leroy, les écartant de son chemin. Regina le vit alors galoper vers elle, les yeux écarquillés. Elle recula dans un mouvement automatique de défense, prête à envoyer sa boule de feu mais le Chevalier ordonna à son cheval de s'arrêter et descendit de la selle. Il approcha de la Reine, le pas franc et déterminé. Mais à la surprise de tous, il stoppa net devant elle et mit genou à terre avant de lui prendre la main.

Plus loin, Emma marchait en direction de chez Granny accompagné de Crochet et d'Arthur. Tous les trois avaient entendu des bruits de fracas, de carrosseries froissées et des cris. Mais quand Emma posa les yeux sur la scène devant elle, un vent froid la glaça de la tête aux pieds. Le dessin du livre prenait forme à quelques mètres à peine de là où elle se trouvait.

— C'est pas vrai, fit-elle en serrant les dents.

Le Prince Noir était là, à genoux devant la Reine, sa main dans la sienne. Son sang ne fit qu'un tour et sans prévenir, elle se rua dans leur direction.

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Dans sa course effrénée, elle plaqua ce maudit chevalier et le renversa. L'armure cogna contre le bitume de l'avenue et Emma se hâta pour se redresser sur lui, une main sur le poitrail de métal qui protégeait sa poitrine.

— Tu bouges pas, sale con !

De l'autre main, elle tira de toutes ses forces sur le casque qui couvrait son visage. Dans son dos, Crochet et Arthur avaient accouru mais Crochet gardait une main devant son nouveau compagnon pour lui éviter d'intervenir, l'épée à la main. Il connaissait Emma et la savait plus que possessive et hargneuse quand il s'agissait de Regina.

La Reine n'avait pas eu le temps de comprendre et ce Chevalier à l'armure noire n'avait pas eu le temps de parler. Elle approcha de sa Sauveuse quand celle-ci parvint à ôter le casque de cet homme mais se figea net quand son visage lui apparut...

— Miss Swan ?

Dos à terre, le Prince Noir se dégagea de l'emprise de cette créature dont les traits étaient comparables aux siens.

— Ma Reine... Qu'est-ce que ça veut dire ?

Arthur, Crochet, David et Leroy regardaient à tour de rôle les visages des deux jumelles.

— Ce Chevalier a davantage l'allure de celui dont tu me parlais, Crochet, commenta Arthur avec évidence.

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Mais la colère d'Emma ne s'estompait pas, bien au contraire.

— C'est quoi cette blague ?

Elle détailla ce chevalier de la tête aux pieds dans une expression peu convaincue et se voyait à l'intérieur de cet accoutrement.

Le Prince Noir n'avait que faire de ce sosie étrangement vêtu et fit un pas vers la Reine en ramenant une main sur son coeur.

— Ma Reine...

Mais Emma le repoussa encore d'un geste brusque.

— Hey ! C'est pas Ta Reine ! Et tu n'es pas moi !

Mais le Prince Noir existait bel et bien et repoussa vivement la main de cette inconnue au visage similaire au sien.

— Ose encore me toucher, impie et je t'occis de ma lame !

Emma leva les sourcils sur cette manière hautaine de parler et rétorqua :

— Non, mais je rêve, là !

Aussitôt, le Prince Noir dégaina son épée du fourreau, prêt à en découdre.

— Quiconque aura l'audace d'approcher ma Reine, trouvera la mort.

— Hey ! intervint encore Emma, hors d'elle, on n'est plus au Moyen Age là !

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Lourdement armé, le Prince Noir fit un pas vers elle, mais Emma dégaina aussitôt son arme dans son dos pour la pointer directement sur sa tête. Cette fois, la plaisanterie devait prendre fin.

— Fais un pas de plus et je te jure que je t'explose la tête même si tu me ressembles.

Regina les avait regardés à tour de rôle, les sourcils levés, l'expression confuse tant ce qu’il se passait sous ses yeux était incroyable. Ses deux Sauveuses se ressemblaient telles des jumelles, l'une moderne, l'autre de son monde. Comment cela pouvait-il être possible ? Elle intervint et se plaça entre les deux Emma, de crainte que l'une ou l'autre ne se blesse.

— Arrêtez !

Regina entre elles, les deux baissèrent leurs armes et reculèrent d'un pas pour se garder à l'oeil.

— Il doit y avoir une explication à tout ceci, tenta Regina.

— Je suis venue vous épouser, ma Reine, dit le Prince.

La Reine en question fut toute chamboulée. Non seulement cette armure seyait à merveille à sa Sauveuse, mais ces mots la faisaient d'autant plus réagir.

— Elle est sortie du portail ! intervint Leroy. Anton nous a appelés pour nous prévenir, dit-il à Emma. On a essayé de t'appeler mais tu n'as pas répondu.

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Mais Regina demanda à l'autre Emma :

— D'où viens-tu ? Et quel est cette... Tenue Miss Swan ?

— Je suis votre Prince, répondit Emma. Le Prince Noir c'est ainsi que vous me nommez, ma Reine. Nous devons retourner au château pour les célébrations. N'est-ce pas ce que vous attendez de moi ? Que je vous épouse ?

Sur ces mots effrontés et devant les réactions si attentives de Regina, Emma s'insurgea, folle de colère.

— Non mais c'est quoi cette histoire ?! Personne épousera personne !

Elle contourna Regina et poussa le Chevalier qui se défendit en se dégageant de son emprise.

— Elle est à moi ! ajouta Emma dans sa jalousie.

De nouveau, l'affrontement eut lieu et le Prince frappa Emma au visage. Celle-ci fut sonnée mais pas assez pour se taire et ravaler sa colère. Furieuse, elle envoya son pied dans le ventre du chevalier qui recula et fut aussitôt neutralisée par Crochet.

— Swan ! Calme-toi, fit-il.

Elle se dégagea et repoussa ses cheveux blonds d'un geste de la main.

— Non, je me calme pas ! Ce putain de Chevalier se pointe avec ma tête et tout le monde devrait lui obéir ?!

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Pendant ce temps, le Prince approcha de Regina une fois de plus et prit une voix plus douce pour s'adresser à elle.

— Ma Reine, je vous en prie, accordez-moi votre main. Je vous promets loyauté et fidélité, protection et amour jusqu'à mon dernier souffle qui n'appartiendra qu'à vous seule.

Les joues de Regina venaient de virer au rouge, son regard plus brillant. Ne pas faire l'amalgame avec sa Sauveuse s'avérait presque impossible. La voix, le regard de ce "Prince Noir", ses paroles, la rendaient plus confuse encore. Elle regarda sa Sauveuse qu'elle voyait hors d'elle, retenue par ce pirate dont elle n'avait aucune idée de l'identité. Les deux caractères de ses "Miss Swan" étaient si différents qu'elle n'avait aucun mal à les différencier malgré leur ressemblance frappante. Elle se reprit et répondit :

— Nous devons tirer cette histoire au clair...

David intervint :

— Et si possible ailleurs qu'au milieu de la route.

Il s'approcha de ce "Prince Noir".

— Venez, il y a un restaurant...

Il se reprit :

— Une auberge, juste là...

— Je ne vais nulle part et n'obéis qu'à sa Majesté la Reine.

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Alors Regina intervint sous le regard insistant de Charmant.

— Allons à cette auberge...

— Bien ma Reine...

Emma passa les visages en revue et surtout celui de Regina. Celle-ci semblait tomber sous le charme de cet imposteur de malheur et cela ne faisait qu'amplifier sa colère, sa haine à l'égard de ce Chevalier maudit.

— Y'a aucune histoire à mettre au clair, fit-elle en suivant tout le monde. Je suis Emma Swan et cette... Femme en armure n'est rien !

Pourquoi tout semblait lui tomber dessus pour pourrir sa vie ? Au moment même où Regina et elle se disputaient au sujet de leur mariage, ce Prince Noir apparaissait, venu d'un portail dont ils n'avaient aucune explication. Une fois à l'intérieur du restaurant, elle demeura debout, bras croisés, le regard sur cette femme qui se faisait passer pour elle.

David se plaça en arbitre dans cette histoire, lui aussi intrigué et étonné par l'arrivée soudaine de cette étrange jumelle.

— De quel monde venez-vous ?

La main sur le manche de son épée rangée, le Prince observa ces gens autour d'elle, puis cet homme aux cheveux blonds qui l'interrogeait.

— Je n'ai d'explications à donner qu'à ma Reine.

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— Il n'y aucune explication à donner ! interrompit Emma, exaspérée par cette mascarade. Tu vas revenir d'où tu viens parce que ce monde est pas le tien !

Le Prince offrit un regard méprisant à Emma et rétorqua :

— Je repartirai une fois que ma Reine m'aura accordé sa main !

— Elle t'accordera rien du tout, parce que la Reine est avec moi ! Non, mais tu te crois où comme ça ? Tu penses qu'avec ton armure et ton épée, tu peux te pointer ici et te marier avec MA Reine ?!

Cette fois, le Prince approcha dangereusement d'Emma et lança tout aussi énervé.

— Je ne vois pourtant aucune bague à son doigt. Comment oses-tu prétendre qu'elle est tienne ?

Avant que sa Miss Swan ne se jette sur le Prince Noir, Regina intervint à nouveau et recula sa Sauveuse.

— Miss Swan, je t'en prie... Cette... "Toi" doit être là pour une bonne raison...

— Je suis ici pour vous épouser, ma Reine, insista le Prince qui avait pris la forme d’Emma.

Des mots qui embarrassèrent terriblement Regina face à ce soudain public qui demeurait perplexe face aux deux copies d’Emma Swan. La Reine avait horreur de se donner en spectacle de la

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sorte, surtout qu'il était question de la demander en mariage. Que penseraient les habitants de Storybrooke en comprenant que son Emma ne voulait pas l'épouser si ce détail venait à se savoir ? Elle devait rester prudente et surtout digne malgré cette situation gênante. Elle regarda ce Prince Noir qui, elle l'admettait, avait une allure adéquate à l'image qu'elle donnait d'elle. Le Prince seyait à merveille avec la plupart de ses anciennes robes de Reine. Elle se reprit et tenta en regardant son Emma :

— Si cette "toi" existe, peut-être que le... Prince... Doit chercher une "moi" et qu'elle a tout bonnement pris le chemin du mauvais monde.

La porte du restaurant s'ouvrit et les clients présents s'écartèrent pour laisser passer Belle au bras de Gold...

— Nous savons ce qu’il se passe, dit ce dernier.

— Manquait plus que vous ! s'énerva Emma. Prenez un ticket et faites la queue parce que là je suis occupée !

Mais Belle prit la parole et expliqua :

— Le portail n'est pas une porte vers la Forêt Enchantée ou un autre royaume magique.

La jeune femme venait de capter l'attention de toute l'assemblée, surtout celle de Regina et d'Emma.

— Alors qu'est-ce que c'est ? demanda David.

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— C'est une Ellipse magique, intervint Gold très sûr de lui. Créée certainement par l'instabilité des forces qui planent au-dessus de Storybrooke depuis plusieurs années. Inutile de vous répéter la faute à qui...

Son regard accusateur s'était tourné vers Emma et la Reine. Il poursuivit :

— Cette Ellipse est née de nos émotions à tous afin de matérialiser nos peurs les plus profondes.

— Qu'est-ce que vous racontez Gold ? demanda David. Ce que vous dites n'a pas de sens...

— Si, au contraire mon cher Prince. Vous êtes venu me voir ce matin parce que Blanche-Neige est tombée malade suite à votre petite promenade en forêt hier soir où elle s'est piqué le doigt sur l'épine d'un rosier qui n'avait rien à faire là. Vous ne l'avez dit à personne et Mary-Margaret est actuellement à l'hôpital, alitée avec une forte fièvre qui pourrait l'emporter à tout moment.

Emma écarquilla les yeux sur cette annonce :

— C'est une blague David ?! Pourquoi tu ne m’as rien dit ?

David ne sut quoi répondre et Gold reprit :

— Votre plus grande peur est la mort de Blanche-Neige, n'est-ce pas ?

Et Gold détourna son attention sur Ruby :

— Vous, ma chère, pourquoi ne pas avoir prévenu Madame le Maire qu'un chasseur de loup

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venu de nulle part vous traquait depuis quelques jours ? Lui aussi a traversé l'Ellipse car votre plus grande peur est d'être chassée et tuée.

Les regards se tournèrent vers Ruby qui ne disait rien car Gold avait raison. Ce dernier regarda Regina :

— Majesté, parlons un peu de vous. Vous redoutez tellement que notre chère Emma Swan vous abandonne avec vos enfants que votre peur a pris la forme de son ancienne compagne.

Regina voulut réagir mais Gold ne lui en laissa pas le temps et s’adressa à Emma :

— Et vous mademoiselle Swan, votre histoire est décidément la plus ironique de toutes car vous avez devant vous celle que vous craignez le plus. Vous-même, votre côté sombre refoulé, votre amour pour une Reine odieuse et détestée de tous. La vie n’est-elle pas pleine de surprises ?

— Vous vous foutez de moi ? renvoya Emma, de plus en plus énervée. C'est encore un de vos tours pour que tout le monde ait besoin de vous !

— Mais Gold a raison, confirma Belle, plus calme. Ce portail n'est là que parce que la magie est instable.

— Alors qu'est-ce qu'on est censé faire ? demanda Ruby.

Parce qu'en plus des autres problèmes, Emma s'inquiétait pour Mary-Margaret et en voulait à David de ne lui avoir rien dit.

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— Je peux remédier à ça et fermer ce portail, répondit Gold, un sourire aux lèvres.

David et Emma eurent le même réflexe et se rapprochèrent de Gold, l'air aussi menaçant l'un que l'autre.

— Alors faites-le ! ordonna Emma.

Rumplestiltskin aimait lorsqu'il obtenait toute l'attention comme à cet instant précis. Chaque personne avait une chose précieuse à perdre s'il ne fermait pas ce portail. Il fixa Emma et répondit :

— Je le ferai.

Il s'arrêta et leva le doigt devant lui :

— Mais à une condition.

— Parlez ! lança David, pressé de guérir sa femme.

Gold ne quitta pas la Sauveuse des yeux et reprit donc la parole comme suggéré par le Prince.

— Vous et Regina ne devez plus vous approcher. Et quand je dis "approcher", je parle dans le sens intime du terme, bien sûr... Parce que fermer le portail ne réglera pas tous les problèmes dont vous êtes la cause. Tout vient de la magie, voyez-vous ? Les forces perdent leur équilibre lorsque vous et notre chère Reine batifolez...

Le silence s'ensuivit sur l'assemblée, sur chaque personne présente. Emma fronça les sourcils sur les dernières paroles qui concernaient sa vie

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intime avec Regina. Ce genre de condition n'apaisait pas sa colère, bien au contraire. Elle le prit à la gorge et le poussa violemment contre le mur du restaurant.

— Tu vas le fermer ou...

— La voilà, la coupa Gold avec arrogance, celle que tu redoutes tant... Celle qui se trouve en armure derrière toi et qui est prête à renoncer à tout pour rester auprès de la Reine.

— Emma, fit David en essayant de calmer sa fille et de la reculer de Gold. Lâche-le...

Emma tourna les yeux vers son père sans obéir une seule seconde et répondit :

— Il peut guérir Blanche !

— Je le sais, répondit David, parfaitement conscient des conditions demandées par Gold.

D'un geste brusque, elle lâcha Rumple et se tourna vers son père.

— Alors quoi ? Je devrais garder mes distances avec Regina pour que tout le monde puisse reprendre sa vie là où elle s'est arrêtée ?!

Le regard de Regina avait repris une étincelle plus sombre et accusatrice sur Gold. Elle avait attendu qu'Emma en finisse avec lui mais ne comptait pas rester là sans rien dire.

— Votre seule motivation est de voir Emma retourner avec Neil, accusa la Reine, vous êtes prêt à tout pour qu'Emma me quitte !

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— Êtes-vous aveuglées à ce point par la passion destructrice qui vous unit ? demanda Gold. D'abord la tempête, le dérèglement temporel et maintenant l'Ellipse. Ne me dites pas que vous n'avez rien remarqué d'étrange depuis que vous et mademoiselle Swan êtes devenues intimes !

Regina ne savait plus... Bien sûr des choses s'étaient passées mais en quoi sa relation avec sa Sauveuse pouvait être responsable de ces événements ?

Entre-temps, Emma avait observé chaque personne dans la pièce. Et tous les regardaient, la regardaient avec un air réprobateur comme si tous les malheurs du monde lui incombaient. Cette fois, la goutte fit déborder le vase. Elle devait sacrifier sa propre famille pour sauver les habitants de Storybrooke, une fois de plus. Et qu'aurait-elle en échange à part un sentiment de frustration, de rancœurs et de colère envers chacun d'eux, y compris ses parents ?

— Je refuse, annonça-t-elle.

Et le silence s'installa à nouveau. Elle se tourna devant tout le monde et écarta les bras.

— Ouais, vous avez entendu, je refuse !

Et elle les regarda tous un par un, devinant le choc que chacun ressentit alors.

— Je vais pas renoncer à mon propre bonheur pour le vôtre, rendre ma fille, mes enfants malheureux sous prétexte que vous êtes pas

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capables d'affronter vos putains de peurs ! Laissez-vous manipuler par Gold autant que vous le voulez, mais c'est fini pour moi. J'en ai marre. Je vois pas pourquoi je ferai plaisir à tout le monde alors que vous êtes même pas capables de voir que la Reine n’est plus la Méchante Reine que vous avez connue !

Le Prince Noir toujours présent disparut en une seconde et s'évapora. Mais dans son emportement, Emma ne vit pas le phénomène s’estomper qui témoignait qu’elle venait d’affronter sa peur. Elle reporta des yeux menaçants sur Gold et le pointa du doigt :

— Quant à vous, mêlez-vous encore une fois de ma vie privée et je vous jure que je vous tue...

Elle regarda Regina et demanda :

— T'as encore quelque chose à ajouter ou on peut partir maintenant ?

Regina souriait légèrement, le regard brillant, le menton relevé, fière des réactions de sa Sauveuse, de son franc-parler, de sa décision visant à les protéger elles et leur famille en dépit des évènements, au détriment de toute la ville. Elle lança un regard vainqueur vers Gold et prit la main tendue d'Emma qui l'entraîna en dehors du restaurant. Elle lui tendit les clefs de sa voiture et Emma les prit sans un mot, profondément énervée, avant de monter derrière le volant. Regina s'installa près d'elle, son estime gonflée au-

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delà de ses attentes en prenant la mesure des "possibles" vérités énoncées par Gold. Elle le comprenait maintenant : Le Prince Noir n'était autre que sa Sauveuse, un reflet de sa personnalité, de ce qu'elle craignait d'être en assumant leur liaison aux yeux de tous. Tandis qu'Emma tournait au coin d'une rue en direction de leur maison, Regina demanda :

— Arrête-toi, je te prie… Ici, sur ce parking...

Emma fronça les sourcils :

— Pour quoi faire ?

— Arrête-toi, Miss Swan, répéta la Reine.

La Sauveuse s'exécuta sans comprendre et s'arrêta donc devant le parc désert de Storybrooke. Regina se pencha pour couper le moteur et releva son regard brûlant de désir sur la jolie blonde. Elle se rapprocha, se redressa davantage et vint l'embrasser d'un baiser appuyé, empreint de désir...

— Fais-moi l'amour, murmura-t-elle... J'ai envie de toi ici... Et maintenant...

Emma fut prise d'assaut par les lèvres de Regina. Elle ne s'était pas attendue à cette réaction, mais de toute évidence, la sienne avait réjoui sa Majesté au point de l'exciter à un point tel que la Reine ne pouvait attendre d’être revenue chez elle. Emma recula son siège, tandis que Regina grimpait sur elle, à califourchon. Ce baiser volé, pris par la Reine alluma un feu brûlant au fond d'elle. Ce

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matin, elle n'avait pu répondre à ses envies mal placées, n'avait pu que poursuivre et renchérir sur leur énième dispute. Mais Regina exigeait d'être satisfaite et pour quelle raison Emma refuserait-elle cette demande embrasée ? Alors, elle répondit avec autant de passion et referma ses lèvres sur les siennes. Ses mains lui ôtèrent sa veste de tailleur puis déboutonnèrent son chemisier de soie. Il ne lui en fallait pas plus pour que la fièvre remonte. Sa colère, sa jalousie possessive, sa haine à l'encontre de ce Prince Noir lui avait fait miroiter quelque chose de malsain, d'inconcevable, d’insupportable. La Reine était sienne. Avec ou sans bague, elle lui appartenait corps, cœur et âme. Jusqu'à quel point devait-elle le prouver ? Les mains de sa Majesté desserraient déjà la boucle de sa ceinture en quête de leur trésor, de ce que Gold avait voulu leur dérober. Leur intimité ne valait pas leur bonheur, leurs liens familiaux. Autant de conflits, d'affrontements personnels, de luttes acharnées pour en arriver là, sur le siège de cette voiture à désirer l'autre au point de ne plus pouvoir attendre la moindre seconde...

— T'es à moi, fit Emma, à moitié menaçante, prise dans le feu de l'étreinte.

Sa main écarta le soutien-gorge de dentelle de sa reine et ses lèvres prirent possession de son sein. La chaleur grimpait dans la voiture, la pression s'accentuait et rien au monde ne pourrait

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interrompre leur petit tête-à-tête. Emma n'assumait rien de son côté Mills, aucune de ses sombres facettes, mais acceptait la présence de sa Reine auprès d'elle, en avait besoin chaque jour qui défilait. Elle lâcha un soupir spontané en sentant la main de Regina s'infiltrer dans son jeans, entre ses cuisses. Elle en étouffa un autre sur ses caresses et ses mains se hâtèrent alors de relever sa jupe sur ses hanches. Le plaisir devait être partagé, l'envie ressentie des deux côtés, assouvie pour l'une ou pour l'autre. Elle devenait absolue, nécessaire. Et lorsqu'à son tour, Emma trouva son trésor, l'union devint pleine et entière. Leurs lèvres se scellèrent à nouveau dans un baiser étouffé, essoufflé. Ni l'une, ni l'autre ne trouvait plus assez d'oxygène pour le poursuivre, l'approfondir. Leurs soupirs se mêlèrent les uns aux autres au même rythme que leurs caresses respectives. Regina se déhanchait délicieusement sur sa Sauveuse, en quête de plus de contact, plus de proximité si cela était encore possible.

Les vitres de la Mercedes se couvraient de buée et les dissimulaient de l'extérieur, les gardait à l'abri du moindre regard, du plus petit jugement. Parce que nul n'avait besoin d'en savoir davantage, nul n'avait le droit de s'insinuer au sein de leur vie, de prendre part à leurs conflits internes. Même leurs désaccords devenaient intimes, aussi privés et personnels que l'était leur couple. Nul n'avait le droit d'infiltrer leur vie et tous connaissaient maintenant le risque de désobéir à cette règle. Un

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étranger avait déjà payé le prix fort, un autre avait été menacé. Peut-être y avait-il plus dangereux que la Méchante Reine finalement ?

* * *

Fin...

(pour l'instant)