Conséquences nutritionnelles de l’agression Emmanuel Lorne.

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Conséquences nutritionnelles de l’agression

Emmanuel Lorne

Métabolisme = nécessaire à la vie cellulaire

Catabolismedégradation :glucides, lipides et protéines

Anabolismeassemblage des:acides aminés en protéines, des nucléotides en ADN et ARN, du glucose en glycogène, des acides gras en lipides

Larges molécules

Petites molécules

Energie(ATP)

Energie(ATP)

localisation subcellulaire : cytosol et organites

Réactions enzymatiques

Production d'ATP dans la mitochondrie

Krebs

Chaine respiratoire

Mitochondrie

O2

O2

½ H2OATPcytoplasmeGlucose,

lipides

Acetyl CoACO2

1

2

3

Physiologie de l’aggressé

Les réserves et leur utilisation

• Lors d’une affection aigue, le métabolisme énergétique est réorienté comme en témoigne l’hypermétabolisme et l’hypercatabolisme constants au cours de l’agression.

Physiopathologie

• La réserve énergétique physiologique est mal mobilisable :– réduction de la lipolyse adipocytaire ( premier

effet de l’insulinorésistance ! )– Donc l’obèse est aussi fragile que le maigre !

• Le « réservoir mobilisable », ce sont les protéines !– Capital qui est limité– D’autant plus que dénutrition préalable

Elévation de la dépense énergétique dans l’agression

Koea J.B. et al. Surgery 1995;118:54-62

Complément

coagulation

InfectionsTrauma ChirurgicalIschémie-reperfusionchoc

Protéines du sérum

Cytokines proinflammatoiresChémokinesROScatécholamines

Perméabilité vasculaireTroubles de la coagulationTachypnéeFièvrehyperleucocytoseTachycardieRésistances péripheriquesanorexie

SIRS

OedèmesDommages cellulairesDéfaillances d’organesDiminution de la phagocytose des bactériespar les PNN et macrophages susceptibilité à l’infection

Phase hyperréactive

Phase hyporéactive

D’après Riedemann, Nature Medicine, 2003

Inte

nsité

de

la r

épo

nse

infla

mm

atoi

re

temps

AGRESSION – SEPSIS

Réponse inflammatoire- stress oxydatif

- dysfonction endothéliale- activation coagulation

- apoptose….

Inflammation, Cytokines, Hormones, Catécholamines

Réponse métabolique- glucides- lipides- protéines

Dysfonctions d’organes

L’agression modifie le métabolisme intermédiaire des nutriments

Médiateurs de l’adaptation métabolique lors de l ’agression

• Effets spécifiques des cytokines : – Hyperthermie, frissons, anorexie, apathie

• Elévation des taux périphériques et locaux de :– Catecholamines, ACTH, cortisol, glucagon, GH,

insuline • Métabolismes des substrats Energie ; G ; L ;

P : – Modifies +++ par le nouvel equilibre hormonal

REPONSE METABOLIQUE A L’AGRESSION

Biolo G et al, ICM 2002;28:1512

REPONSE METABOLIQUE A L’AGRESSION -LES PROTEINES-

Biolo G et al, ICM, 2002

• Augmentation de certaines synthèses– albumine – protéines de la réponse

de phase aigue – protéines de l’immunité

• Balance protéolyse / synthèse protéique toujours négative en phase aigue

• Hypercatabolisme

REPONSE METABOLIQUE A L’AGRESSION - LES LIPIDES -

Biolo G et al, ICM, 2002

• Elévation des catécholamines– Augmentation de la lipolyse

adipocytaire– Augmentation de l’oxydation des

acides gras– Cétogenèse faible car

hyperinsulinisme • Cytokines (TNF-a) = inhibition de

la Liporoteine lipase (hydrolyse les TG des VLDL)

• Au total : au cours du stress, les réserves lipidiques sont mobilisées mais leur utilisation est limitée

REPONSE METABOLIQUE A L’AGRESSION -LES GLUCIDES -

Biolo G et al, ICM, 2002

• Augmentation de la production endogène de glucose

• Augmentation du turn-over du glucose

• Production de lactate très augmentée

• Insuline très élevée mais peu efficace

• L’infusion de glucose ne freine plus la production endogène

REPONSE METABOLIQUE A L’AGRESSION Adaptation physiologique au jeûne

Hypercatabolisme- dépense énergétique- substrats essentiels

HyperglycémieRésistance insuline

Inflammation, Cytokines, Hormones, Catécholamines

Altération de fonction- musculaire (protéolyse)- digestive (déficit Gln)

Poursuite de l’agression = cachexie, défaillance viscérale et décès

Bases de l’approche nutritionnellechez l'agressé

Évaluation de l’intensité de la réponse cataboliquedépister et éviter la dénutrition

Adaptation des apports énergétiques et les modalités la dépense énergétique

l’entérale/parentérale, précoce/retardée

Interférence avec la réponse cataboliqueles micronutrimentsles pharmaconutriments : glutamine, oméga-3 , arginine, anti-

oxydantsla manipulation de la réponse hormonale : insuline

Tappy L et al, Ann Med Interne 2000, 15:584-93

Principaux enjeux de la nutrition artificielle de l’agressé

Contrôle de la réponse métabolique à l’ agression

Prévenir la dénutrition

Promouvoir la nutrition entérale et le rôle de l’intestin

Établir un support nutritionnel précoce

Promouvoir la fonction des organes défaillants

Moduler la fonction immunitaire et la réponse inflammatoire« immunonutrition »

Justification de la nutrition artificielle en réanimation

• Dépense énergétique quotidienne : de l’ordre de 1500 à 2000 kcal/ jour

• Un jour de jeune = déficit de 1500 kcal et perte de 70 à 120 g de protéines

• 7 jours de jeune = déficit de 10 500 kcal et perte cumulée de 500 à 700 g de protéines, soit 2.5 à 3.5 kg de muscles !

• Une dette de plus de 10000 kcal la premiere semaine a des consequences negatives sur la duree de sejour en reanimation (R. Chioléro)

Nutrition de l’aggressé

Rappels:• L’apport en glucosé n’est pas de la nutrition

– Mais 4 l de SG 5% = 200g = 800 kcal !• Nutrition artificielle si « au moins » deux classes de macro-

nutriments• Priorité absolue à la nutrition entérale

– pour ne pas perdre le tube digestif ++– pour être plus physiologique– pour être moins nocif– adéquation des nutriments– moindre risque iatrogène (KT, etc)– mais attention aux risques spécifiques de la NE !!

Le jeune en réa: combien de temps

Mise en oeuvre

Apports caloriques Apports azotés Vitamines-oligoéléments

Calculés: formule de Harris-Benedict (dépend de sexe, poids, taille, âge, aggression)

60-70%glucides

30-40% Lipides1-2 g/Kg/j d’acides aminés

150-300 mg d’azote/j

ZN, Se, vit E, vit C, Vit AImmuno modulation:

glutamine

Mise en œuvre :Les indications « incontournables »

• Toutes les atteintes de l’abdomen, altérant le fonctionnement du tube digestif – dont péritonites, ischémie digestive, pancréatite aigue, contusion,

syndrome du compartiment • Tous les syndromes cataboliques • Traumatisme crânien, polytrauma, SIRS• Infections non ou mal controlées• Déficit neurologique périphérique sévère • les traitements agressifs

– Chimiothérapie, immunothérapies, corticoides.. – Circulations extra corporelles si répétés (EER)– Chirurgies répétées

Quand débuter?Nutrition entérale précoce

• = introduite avant la 48 eme heure de Réa • Indiquée pour :

– Les brulés – Les dénutris chroniques – Les traumatisés et traumatisés cérébraux – Les patients immunodéprimés – Les patients avec co-morbidité importante (IRC/IRC) – Les patients qui ne se ré-alimenteront pas avant 5

jours

Quand débuter?Nutrition entérale classique

• retardée entre 3 et 8 jours • On y pense après la phase aigue; on attend la «

reprise d’un transit »... d’ou retard +++ • Indiquée pour :

Tous les patients non réalimentés correctement (prise orale restant < à 60 % des besoins théoriques)

• Tous les patients intubés et/ou comateux • En entérale, trop tard = trop difficile = abandon !

nutrition entérale choix des produits

• Les nutriments « standards» – Les mélanges polymériques

• Normocaloriques pour l’initiation • hypercaloriques (1,5 kcal/ml), hyperprotidiques (20 % AET) • 1000 ml/ 24h assurent l’apport de 1500 kcal et 75 g de protéines

( > 1g/kg )

– Les mélanges semi-élémentaires ?– Les mélanges enrichis en immunonutriments ? non

• Rappel : surveiller les apports en micronutriments car apports suffisants uniquement à partir de 1500 à 2000 ml /j

nutrition entérale choix des produits

• Produits spécifiques de la gamme immunonutriments – Ajout d’arginine, d’acides gras à chaines moyennes,

d’acides gras polyinsaturés en n-3 issus d’huile de poissson, d’ARN ribosomial bactérien

• = IMPACT, CRUCIAL* (avec Alanine +/ -Gln*) • Contre-indication chez le patient septique !!

• Ajout de glutamine + cystéine : – Modulis anti-Ox et Amino5 (12 et 6g de Gln /unité)

• Ajout de Zn, Se, vit E, vit C, Vit A – Modulis module anti-Ox

Quand débuter?La nutrition parentérale

• Introduite en général avant la 48 ème heure Indiquée pour : – Les « insuffisances digestives certaines »

temporaires ou définitives • Introduction sans urgence pour

– Les échecs confirmés de la voie entérale – En complément d’une nutrition entérale restant à

bas niveau (< 50-60 % des besoins)

nutrition parentérale choix des produits

quelles modalités en réanimation ?

• Mélanges ternaires industriels, offrant une large gamme de volumes, apports calorique et azoté

• Mélanges binaires dans les cas d’intolérance aux lipides IV (dosage des triglycérides) ou pour tous ? (Canada)

• Flacons séparés ?

• L’émulsion lipidique – A 20 % (100 g / 500 ml) – Recommandée en Europe (SFNEP, ESCIM) – Proposition de pouvoir « ne pas en utiliser » pour des NP de

moins de 10 jours chez des patients non dénutris (Canada) • A ce jour pas de critères définitifs de choix entre les

différentes émulsions lipidiques – classique = 100 % soja ; – melanges : Huile d’olive à 70% ou – TCM (coprah) à 50 %, en mélange simple ou « structuré » – Huiles de poissons (oméga 3)

Modes d’administration

• Tenir compte de la ration en acides aminés – ration azotée : en g d’N /poche : de 8 à 18 g – Apport d’acides aminés à hauteur de 15 à 20 % de

la ration calorique totale • Rappels : en NP, expression usuelle de l’apport

protéiques en grammes d’azote ; convertir en g d’AA • expression usuelle des apports caloriques en calories

non protéiques • notion de rapport « calorico-azoté »

Mise en oeuvre

• Voie centrale séparée – Kt multilumière

• Perfusion continue • pompe

• Surveillance : – glycémie / 4 h – iono...

• Glucose :– 4 g /kg / j = 280 à 300 g/j

• Acides aminés– 1 g / kg /jour = 70 g /j – Au minimum

• Lipides – 0, 7 g /kg /j = 50 g / j

• Place de la voie périphérique : plutot exceptionnel

supplémentation de la NP en composés spécifiques

• Glutamine :En France dipeptide Ala-Gln (Dipeptiven)– 20 g d’Ala-gln = 13,5 g de Gln– 20 g d’Ala-gln = 100 ml = + 3,2 g d’N– Recommandations

• Canada: ajout à la nutrition parentérale pour tous les patients agressés 0.3 à 0.4 g/kg/j (soit 1.5 à 2 ml/kg)

• France : R41 : En cas de complications postopératoires majeures, il est recommandé de prescrire de la glutamine par voie intraveineuse, à forte dose (0,2 à 0,4 g/kg/j de glutamine, soit 0,3 à 0,6 g/kg/j sous forme de dipeptide).

supplémentation de la NP en composés spécifiques

• Lipides particuliers – acides gras particuliers :

• acide oléique (monoinsaturé)• TCM (chaine moyenne : 10 à 14 C)• oméga 3 :polyinsaturé, double liaison en n-3

– Huile de poissons riches en oméga 3

A ce jour, aucun travail clinique probant en réanimation

supplémentation en micronutriments

• Aucun composé de type micronutriments dans les produits de base de la NP (traces de vit K et E, zinc dans le mélange Nutriflex B Braun)

• Nécessité absolue d’une supplémentation (dans le mélange ou en parallèle)

• Sur la base des apports journaliers recommandés chez l’adulte sain (AJR)

La nutrition parentérale : supplémentation en Micronutriments

• Intraveineux • Tous les jours ++ • Mélanges polyvitaminiques : oui

(mais absence de de vit K dans Cernevit et Soluvit) • Vitamine K : ajout de 2 à 10 mg /j • Apport renforcé en vit B1(500 mg) B9(25 mg) et PP(100 mg) • Mélanges d’oligoéléments : oui • 9 ou 10 oligo-éléments • données nombreuses pour préconiser une supplémentation

spécifique en Zinc et Sélénium (antioxydant) (disponible en préparation spécifique Se : 0,1 mg, Zn 10 mg)

Les micronutriments: qu’est ce que cela change?

Immuno modulation nutritionnelle de l’agressé = glutamine

114 patients

0,5 g/kg/j Ala-Gln 0,5 g/kg/j Ala-Prorandomisation

Outcomes: durée séjours, mortalité, etc.

Dechélotte, CCM, 2006

Immuno modulation nutritionnelle de l’agressé = glutamine

Ala-Gln Ala-Pro0

10

20

30

40

50

60

70

infections nosocomialespneumopathies noso-comiales

% d

e pa

tient

s

Dechélotte, CCM, 2006Pas d’effet sur la mortalité, ni sur la durée de séjour

Sélénium et glutathione peroxidase-3activity (antioxydants)

Manzanares, ICM, 2009

Immuno modulation nutritionnelle de l’agressé = sélénium?

Manzanares et al. Critical Care 2012,Méta analyse, sur 21 essais cliniques randomisés

Chez l’aggressé

• quelques messages :– Placer la fonction « nutrition/métabolisme » au

même rang que les autres fonctions d’organes– notion de gut failure– Faire un point initial– Puis une évaluation régulière (1 j /2 minimum)

Chez l’aggressé

• Le qualitatif est aussi important que le quantitatif– pas seulement « 25 à 30 kcal/ kg/jour »– mais aussi la bonne ration protéique– le bon apport en micronutriments…

• Complémentarité de la voie entérale et de la voie veineuse– habituelle pour l’équilibre hydrique, ionique, en

vitamines et oligoéléments– Probablement utile pour l’apport

protéinoénergétique