Yoga Et Alchimie

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Yoga et alchimie Par Arion Ro§u, Versailles A la memoire du Professeur Jean Filliozat Depuis le sifecle dernier les indianistes ont pu prendre connaissance des pröcieuses informations donnöes en arabe par al-Birüni dans son livre sur l'Inde, termini en 1031.' Au chapitre XVII de cet ouvrage, le savant iranien nous renseigne sur la science que les Indiens appellent rasäyana, comparable ä l'alchimie mais qui leur est entiferement propre: «C'est un art, dit-il, qui fait intervenir certaines operations, drogues et compositions mfedicinales, dont la plupart sont d'origine vfegfetale. Ses prineipes r6tablissent la santfe des incurables et rendent la jeunesse aux vieillards d6crfepits; les hommes reviennent ä un äge proche de la pubertfe; les cheveux blancs redeviennent noirs; on retrouve l'acuitfe des sens, l'agilitfe de la jeunesse et mfeme la puissance sexuelle: ainsi la vie des hommes dans ce monde est prolongee jusqu'ä un äge avanc6»." Al- Birüni a compris abusivement comme «or» le premier membre du composfe rasäyana, alors que rasa dfesigne ici soit le mercure, soit le cinabre, ou les «corps essentiels» qui se trouvent ä l'fetat natif (cinabre, mica, pyrites, etc.). Cette erreur s'explique probablement par une fausse indication donnfee ä l'auteur, mais aussi par la difficultfe g6nferale d'acquferir des connaissances sur un savoir comme l'alchimie,'* en- seignfee en une tradition fesotferique.* Les techniques de rajeunissement, auxquelles se rfeffere al-Birüni, se rattachent non seulement ä l'alchimie {rasavidyä) mais aussi et surtout ' Edit6 en 1887 et traduit en 1888 par Ed. C. Sachau, qui a donnö ult6rieure- ment une nouvelle Edition: Alberuni's India. 2 vol. London 1910. ^ Alberuni's India I, p. 188-189. ' J. Filliozat: Al-Birüni et l'alchimie indienne. In: Al-Birüni Commemoration volume. Calcutta 1951, p. 104. Cf. Rasärnava/calpa 2SS: rasäy anam param guhyam gopaniy am prayatnatah 11 Cf Rasendracüdämanill, 58: rasa-vidyä drdham gopyä mätrguliy am iva dhruvam \ Voir aussi Alberuni's India I, p. 188. 24 ZDMG 132/2

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Roşu, ArionYoga et AlchimieZDMG Band 132 Heft 2 (1982)

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  • Yoga et alchimie

    Par Arion Rou, Versailles

    A la memoire du Professeur Jean Filliozat

    Depuis le sifecle dernier les indianistes ont pu prendre connaissance

    des prcieuses informations donnes en arabe par al-Birni dans son

    livre sur l'Inde, termini en 1031.' Au chapitre XVII de cet ouvrage, le

    savant iranien nous renseigne sur la science que les Indiens appellent

    rasyana, comparable l'alchimie mais qui leur est entiferement propre:

    C'est un art, dit-il, qui fait intervenir certaines operations, drogues et

    compositions mfedicinales, dont la plupart sont d'origine vfegfetale. Ses

    prineipes r6tablissent la santfe des incurables et rendent la jeunesse aux

    vieillards d6crfepits; les hommes reviennent un ge proche de la

    pubertfe; les cheveux blancs redeviennent noirs; on retrouve l'acuitfe des

    sens, l'agilitfe de la jeunesse et mfeme la puissance sexuelle: ainsi la vie

    des hommes dans ce monde est prolongee jusqu' un ge avanc6." Al-

    Birni a compris abusivement comme or le premier membre du

    composfe rasyana, alors que rasa dfesigne ici soit le mercure, soit le

    cinabre, ou les corps essentiels qui se trouvent l'fetat natif (cinabre,

    mica, pyrites, etc.). Cette erreur s'explique probablement par une

    fausse indication donnfee l'auteur, mais aussi par la difficultfe g6nferale

    d'acquferir des connaissances sur un savoir comme l'alchimie,'* en-

    seignfee en une tradition fesotferique.*

    Les techniques de rajeunissement, auxquelles se rfeffere al-Birni, se

    rattachent non seulement l'alchimie {rasavidy) mais aussi et surtout

    ' Edit6 en 1887 et traduit en 1888 par Ed. C. Sachau, qui a donn ult6rieure-ment une nouvelle Edition: Alberuni's India. 2 vol. London 1910.

    ^ Alberuni's India I, p. 188-189.

    ' J. Filliozat: Al-Birni et l'alchimie indienne. In: Al-Birni Commemoration

    volume. Calcutta 1951, p. 104.

    Cf. Rasrnava/calpa 2SS: rasy anam param guhyam gopaniy am prayatnatah 11

    Cf Rasendracdmanill, 58: rasa-vidy drdham gopy mtrguliy am iva dhruvam \Voir aussi Alberuni's India I, p. 188.

    24 ZDMG 132/2

  • 364 Arion Rou

    la mcdecine indienne.'' Le rasyana eonstitue traditionnellement, de

    mfeme que le vjikarana (aphrodisiaques), une des huit divisions ou

    articles (astnga) de l'yurveda ou science de longue vie.'' Pour les

    vaidya, les remfedes (bhesaja) sont en effet de deux sortes, selon qu'ils

    doivent gu6rir le malade ou fortifier le bien portant.' On y voit un

    prolongement de la vieille repartition atharvanique en charmes de

    gu6rison (bhaisajy) et charmes de long6vit6 (yusya).* Une thfese

    r6cente n'hfesite pas h associer la recherche de drogues fortifiantes et

    mficrobiotiques k l'institution asc6tique dans l'Inde ancienne. Afin de

    pourvoir h, leur subsistance, les mfeditants avaient k cueillir des plantes

    alimentaires, mais aussi k se procurer des simples vivifiants."

    D'aprfes les doctrines yurv6diques, l'organisme est constitu6 de sept

    tissus ou felfements (dhtu) anatomiques, qui dferivent les uns des

    autres, en partant du premier: le suc organique, assiinilfe au chyle

    (rasa), puis le sang (rakta), la chair (mrnsa), la graisse (medas), l'os

    (asthi), la moelle (majja) et le sperme (sukra).'" Caraka, qui montre les

    bienfaits longue vie, santfe, fepanouissement physique et mental du

    traitement vivifiant dfesignfe par rasyana, le dfefinit comme un moyen

    favorisant l'apport de suc organique et d'autres felfements constitutifs du

    corps (dhtu)." Cette interprfetation du terme rasyana, Dalhana, le

    savant' commentateur de Susruta,'^ la complfete par une explication

    ^ Voir A. Rou: Considerations sur une technique du rasyana yurvidique. In:nj 17 (1975), 1-2, p. 1-29 et 3-4, p. 395.

    " Suruta: Stra I, 7-9 et III, 45. Le Rasyanatantra et le Vjikaranatan.tra

    sont incorpors aussi bien par Susruta que par Caraka dans la section de th6ra-

    peutique ( Cikitssthna) .

    ' Caraka: Cikitsl, 1,4: . . . bhesajarn dvi-vidham ca tat] svasthasyorjas-karam

    kim eil kim cid rtasya roga-nut 11Suruta (Stra I, 14) prffere parier de prescrip

    tions th6rapeutiques pour les malades et de prescriptions prophylactiques pourles bien portants: iha khalv yurveda-prayojanam vydhy-upasrstnrn vydhi-

    parimoksah, svasthasya raksanam ca \ |

    * P. Ray: History of chemistry in ancient and medieval India. Calcutta 1956, p.37 et 63.

    '* S. Mahdihassan: Indian alchemy or rasyana in the light of ascetism and

    geriatrics. New Delhi, [etc.] 1979, p. 10-12 et 16-18.

    "' Suruta: Stra XIV, 10.

    " Caraka: Cikits I, 1, 7-8: dtrgham yuh smrtim medhm rogyam tarunarn

    vayah \ prabh-varna-svaraudryam dehendriya-balarn param 11 7 11 vk-siddhim

    pranatim kntim labhate n rasyant | lbhopyo hi iastnm rasdinni ras-yanam 11 8 11Cf. Cikits I, 1, 73 et Suruta: Stra I, 8 (paragr. 7), cit6 ci-dessous,n. 42.

    '" Dalliauii sur Suriita: Cikils X.XVII, 1: randi-iUidlFiniii

  • Yoga et alchimie 365

    d'ordre pharmacologique: rasa dfesigne aussi la saveur et peut donner

    en mdecine des indications sur la composition, les propri6t6s et l'ac

    tion probable d'une drogue."*

    Utilis6 originellement en Ayurveda, le rasyana trouve plus tard une

    application dans l'iatrochimie m6di6vale (rasasstra) , marqufee par le

    rle majeur du mercure, qui domine aussi les speculations

    alchimiques.''' Le terme rasa est employ^ ici pour le vif-argent ou pour

    une sferie de corps essentiels, et l'expression sanskrite i-asyananitpar

    signifier alchimie en g6n6ral.' Les panac6es rasyaniques sont

    l'fepoque classique essentiellement v6g6tales (cyavanaprsa) , notam

    ment . base des trois myrobalans (triphal), mais certaines comportent

    aussi des composants animaux, minferaux {siljatu-rasayana) ou m6tal-

    liques (brhma-rasyana)."^

    En iatrochimie indienne, les 61ixirs vivifiants sont des preparations

    mercurielles, alors que le vif-argent est presque absent dans les

    formules anciennes. Avant le manuscrit Bower qui le nomme rasa, (II,

    4L 297), Susruta le mentionne, pour usage externe, sous le nom prada

    dans la preparation d'un onguent efficace [Cikits XXV, 39). II le

    prescrit egalement, avec le terme sutra, pour un antidote particulier,

    dont on enduit les instruments musicaux (vdya-pralepa) qu'on doit

    faire jouer en cas d'intoxication alimentaire (Kalpalll, 14-15). UAstn-

    gasamgraha de Vgbhata (VIe sifecle) est le premier traitfe medical qui

    prescrit l'emploi interne du mercure {Uttara XLIX, 245). La stance

    contenant cette formule therapeutiquo se retrouve identique dans le

    texte alchimique Rasrnava (XVIII, 14) du Xlle sifecle ou peut-fetre

    antfei-ieur," et un peu differente dans la Brfiatsarnhit (LXXV, 3) de

    drdhynin vayah-sthairya-karnm ayaiiam lbhopyo rasyanam. Cf.

    P. Kutumbiah: Ancient Indian medicine, Bombay, [etc.] 1974, p. 123.

    P. V. Sharma: Introduction to dravyaguna. Varanasi 1976, p. 24.

    Voir D. JosHi: Mercury in Indian medicine. In: Studies in history of medi

    cine 3 (1979), 4, p. 234-297. Cf. D. M. Bose, S. N. Sen, B. V. Subbarayappa(6d.): A concise history of science in India. New Delhi 1971, p. 313-338.

    P. Ray, op. cit., p. 166-167. Cf. (L. Renou et) J. Filliozat: LTnde classique. II. Paris-Hanoi 1953, p. 167-171 (chimie).

    '" Voir Caraka: Cikits 1, 1, 41-61 {brhma-rasyana), 62-74 (cyavanaprsa), I, 3, 15-23 (lauhdi-rasyana) , 41-47 (triphal-rasyana) , 62-65 (il-

    jatu-rasyana) . Voir aussi Susruta: Cikits XXVII-XXIX. Cf. S. Mahdi

    hassan, op. cit., p. 21-29. Les trois myrobalans (triphal) sont: malaka (Phyllanthus emblica Linn.), bibhitaka (Terminalia belerica Roxb.) et harltaki (Termi-nalia chebula Retz.).

    " D'aprfes D. Joshi, spfecialiste du rasasstra k la Facultfe de mfedecineindienne de Bfenarfes (eommunication personnelle).

    24'

  • 366 Arion Rou

    Varhamihira, mort en 587 de notre re. A l'6poque Gupta, la science du

    mercure {rasasstra) semble avoir abouti, parallfelement aux pratiques

    alchimiques {dhtuvd), des applications mfedicales {dehavda).'^

    Les rasavdin se sont ingfenifes trouver une mthode de traitement

    pour purifier le mercure et le rendre propre aux preparations m6dici-

    nales. Les v6g6taux interviennent aussi bien dans les processus chimi-

    ques de purification des mfetaux que dans les formules th6rapeutiques

    ou rasyaniques. La littcrature sanskrite du rasasstra leur reserve en

    elTet une place importante, plus de deux cents noms de plantes y 6tant

    mentionnfes, avec les propri6t6s et les emplois de ces vfegfetaux.'"

    Le Systeme mercuriel, auquel le Sarvadarsanasamgraha a consacrfe un

    chapitre,^" comporte deux orientations mfedicale et alchimique qui

    sont indissociables. Le refa9onnement de l'individualitfe physique

    {kya-kalpa) rejoint le perfectionnement du mfetal, la transsubstantia

    tion du corps {deha-vedha) fetant calqufee sur la transmutation des

    mfetaux vils (loha-vedha) L'aurification alchimique inspire I'opti

    misme macrobiotique, car la manipulation de divers mfetaux rejoint les

    procfedfes de rajeunissement. Les technique de longue vie sont intime

    ment associfees une recherche de la dfelivrance dans cette vie {jivan

    mukti). La conception d'un corps incorruptible, merveilleux (divya-

    deha), qui renferme ce trfesor infiniment prfecieux qu'est V tman, nourrit

    titres divers non seulement le tantrisme et l'alchimie, mais aussi la

    Cf. P. V. Sharma: Drugs as landmarks of the history of Indian medicine. In:

    Inde ancienne. VI. Paris 1976, p. 464 et 465-466 (Actes du XXIXe Congres international des orientalistes). Texte repris du Joumal of research in Indian medicine

    8 (1973), 4, p. 87-93, avec le passage concemant le mercure p. 88-89. Pour laBrhatsarnhit, notre r6f6rence est d'aprfes I'fedition de Varanasi 1968 et corres

    pond k LXXVI, 3 dans I'fedition de Bangalore 1947. L'interprfetation de ra,sY/

    mercure dans le manuscrit Bower, citfe ci-dessus, n'est pas unaniment admise

    (cf fed. A. F. R. Hoernle, p. 107, n. 123). Enfin, I Arthasstra ne connait ap|)a-remment pas le mercure, bien que certains n'aient pas hfesitfe y voir les

    premiferes allusions des opferations mercurielles. En fait, Kautilya dfesigne parrtwa des corps essentiels l'fetat liquide (II, 12, 1-3; 13,3). Voir R. P. Kangle:The Kautiliya Arthastra. III. Bombay 1965, p. 71-72.

    Cf B. V. Subbarayappa: Introduction Rasrnavakalpa. New Delhi

    1976, p. 3-6.

    ^" Chapitre IX: Rasevaradarana (Poona 1906, p. 80-84). Voir G. Mazabs:Un chapitre du Sarvadarianasarngraha sur l'alchimie. Strasbourg 1977 (Scientiaorientalis, n" 4.)

    ^' Rasrnava XVII, 165-166: yath lohe tath dehe kartavyah stakah sad |

    samnam kurute . . . deha-lohayoh \ \ 165 11prvam lohe parikset tato dehe prayo-

    jayet | . . . || 166 || Repris avec variantes dans Sarvadarsanasarngraha p. 82, 1.12-14.

  • Yoga et alchimie 367

    mfedecine et le yoga.^^ Experiences religieuses, operations mercurielles,

    pharmacop6e et difetetique de longue vie, techniques psychophysiologi-

    ques constituent l'arsenal du mfeditant en qufete de dfepassement. 11 faut

    s'appuyer sur le corps pour s'affranchir de la gangue psychosomatique.

    C'est de la sant6 que depend la realisation des purusartha, dont le terme

    est le salut. De cette mise en valeur du corps, sous-jacente sinon expli

    cite, tfemoignent les allusions des littferatures indiennes et notamment

    un vers du Kumrasarnbhava (V, 33): le corps est le premier moyen de

    gagner du mferite (sarlram dyam khalu dharma-sdhanam) . Un opuscule

    m6di6val d'alchimie exprime la mfeme id6e en affirmant que la dfeli

    vrance vient de la connaissance, qui repose sur l'fetude, conditionnfee

    par un corps durable.*' D'aprfes une stance nfeo-yurvfedique, l'homme

    par le corps rfealise ses quatre buts (purusrtha) , puisqu'en toute entre

    prise l'essentiel est bien que le corps soit sauf*" La mfedecine indienne

    traditionnelle donne en elfet une vision globale de l'homme dans sa

    rfealitfe physiologique comme dans son aptitude atteindre l'absolu.^^

    Plus encore que les vaidya, les yogin con9oivent le corps comme un

    Instrument sotferiologique, surtout dans l'fecole du hathayoga, rfeputfee

    pour son orientation mfedicale. 11 faut cependant noter que l'anatomie et

    la physiologic du yoga diffferent de l'enseignement yurvfedique, bien

    qu'elles reposent sur les donnfees fondamentales de celui-ci.** Susruta

    rapporte que l'enseignement relatif au corps (Srirasthna) donnfe par le

    Ifegendaire maitre Dhanvantari s'adresse aux mfeditants autant qu'aux

    mfedecins: vijnnrtharn arlrasya bhisajrn yoginm apiP Si la prfeoccu-

    Cf. M. Eliade: Le Yoga, immortality et liberti. Paris 1954, p. 229-237

    (L'feloge du corps. Le hathayoga), 273-282 et 288-290 (Le yoga et l'alchimie).

    *' Rasahrdaya l, 10: iti dhana-sarlra-bhogn matvnilyn sadaiva yataniyam \muktis tasya jnnt, tac cbhyst, sa ca sthire dehe \ \ Cf. Sarvadaranasarngrahap.83, 1. 20-21.

    *" Citfe par J. Filliozat: La mldecine indienne et l'expansion bouddhique enExtreme-Orient. In: JA 1934, p. 301 et 307: dharmrtha-kma-moksnm Sarlram

    sdhanam yatah \ sarva-kryesv antarangam Sarlrasya hi raksanam \ \

    *^ Cf notre artiele sur Le trivarga dans l'yurveda. In: Indologica Taurinensia

    6 {1978), p. 256. Sur le trivarga et le caturvarga en alchimie, voir Rasrnavakalpa84, 138, 151, etc.

    *" (L. Renou et) J. Filliozat: L'inde classique II, p. 52 ct 161.

    *' Suruta: Stra III, 17. En expliquant ce texte dans son commentaire Bh-

    numati, Cakrapni montre que l'intferfet des mfedecins pour cet enseignementdifffere de celui qui est propre aux yogin. Les premiers s'intferessent l'embryo-logie et a l'anatomie, alors que les seconds sont attirfes plut6t par les implica

    tions philosophiques du Srirasthna. Elles leur seront utiles dans l'oeuvre dusalut, savoir les correspondances entre l'univers et le microcosme du corps

  • 368 Arion Rou

    pation de la sant6 domine les exercices du yoga qui se rapporte au

    corps*" dans les textes tardifs, Patanjali (YS I, 30) avait d6j soulignfe

    I'importance du bien-fetre pour le mfeditant. II a inscrit la premifere

    place la maladie (vydhi) dans la liste des neuf interfferences (antarya)

    qui perturbent I'esprit (cilta-viksepa) et l'fecartent de la voie royale dusalut.

    Dans la conqufete de la dfelivrance, le yoga, qui est un systfeme aux

    ressources multiples, dispose d'une somme de moyens physiques,

    psychologiques et spirituels. Certaines pratiques different selon les

    fecoles ou les orientations bien que la mfethode psychosomatique fonda

    mentale ne soit pas contestfee. II se trouve que le mfeme al-BTrni, qui

    nous a renseignfes sur l'alchimie indienne vers I'an mil, s'fetait aussi

    initife au yoga, dont il donne un ample rfesumfe au chapitre Vll du livre

    sur rinde.*" La voie qui conduit au dfeconditionnement de l'homme

    comporte, dit-il, plusieurs possibilitfes dfefinies par Patafljali comme

    fetant I'entrainement, le dfepassionnement et la dfevotion au Seigneur.

    Cette dernifere doit en fait prfecfeder les deux autres, car la divinitfe est

    appelfee soutenir dfes le dfebut le mfeditant dans son itinferaire vers le

    salut. Enfin le philosophe Patafljali ajoute, comme quatrifeme moyen

    sotferiologique, le rasyana, qui consiste en opferations alchimiques h

    base de drogues. Puis al-Birni en discute le dfetail au chapitre XVII.

    D'ailleurs le savant iranien fevoque I'autoritfe de Patafljali comme un

    argument en faveur de la fonction salvifique de l'alchimie.

    La question mferite d'autant plus d'fetre fetudifee que la possibilitfe nous

    en est donnfee par al-Birni lui-mfeme. II a en effet laissfe une version

    arabe d'un traitfe sur le Yogastra, faite avant la rfedaction de son livre

    sur rinde, qu'U a terminfe en dfecembre 1031. L'opuscule sur le yoga en

    quatre parties, intitulfe Kith Ptan^al, nous est connu par un seul

    manuscrit corrompu, dfecouvert par Louis Massignon h, Constanti

    nople avant la premifere guerre mondiale. Plus de quarante ans aprfes,

    son fetude a rfevfelfe k I'fediteur allemand^" que les citations qu'en fait al-

    humain: anenvyakta-janyatdi-rpeim jnnam moicsopayuktatvd upakri yoginm.

    ** Gherandasamhil I, 2: ghatastha-yoga. Le corps fragile, comparfe un pot de

    terre (ghata), doit 6tre cuit par le feu du yoga (ibid., I, 8). Cf. Shri Yogendra:

    Yoga. Hygiene, simplified. Bombay 1975, p. 32: The first and the most sacred

    duty ofthe yoga student, therefore, consists in taking care of his own body so asto affect the purity of his mind and souf.

    *" Alberuni's India I, 76-80.

    H. Ritter: Al-Biruni's bersetzung des Yogastra des Pataiijali. In: Oriens

    9 (1956), 2, p. 165-200. Cf L. Massignon: Essai sur les origines du lexique tech-

  • Yoga et alchimie 369

    Birni dans l'autre ouvrage s'6cartent souvent de l'original. Sous forme

    de questions et r6ponses, k I'instar d'un dialogue entre diseiple et

    maitre, le savant musulman a m61ang6 le texte fondamental des stra,

    dont le modfele patafljalien n'est pas toujours Evident, avec un commen

    taire, non identifi jusqu' present. R. Garbe l'avait d'abord attribu6 .

    Vysa (VIe sicle), mais par la suite il en a vu l'inspiration dans le Rja-

    mrtanda, attribu6 au roi Bhoja (Xle sicle). J. Filliozat a adopts

    cette seconde interpretation. Tout en a admettant certaines similitudes

    avec les sources d6j cit6es, d'autres chercheurs ont contests les solu

    tions envisag6es et propos6 en dernier comme original un des nombreux

    manuscrits de commentaires inconnus, conserves quelque part en Inde,

    sans exclure toutefois la possibility d'une source perdue.'"

    En attendant une solution decisive, une comparaison entre les deux

    ouvrages d'al-Birni met en Evidence une discordance, sinon une confu

    sion. Le livre sur I'lnde parle de quatre proc6d6s pour la d61ivrance,

    alors que le Patafljali arabe en analyse cinq, voire six. Les deux

    premiers proc6d6s I'entrainement {abhysa) et le d6passionnement

    (vairagya) sont mentionn6s au chapitre ler (question n" 6) et rappel

    lent le Yogastra I, 12. Le mfeme chapitre discute le troisifeme procfedfe

    dfefini par la dfevotion (question n 11), qui fevoque le stra I, 23 sur

    isvara-pranidhna.^^ Cependant la question n" 57, qui ouvre la dernifere

    partie de I'ouvrage, aflirme l'existence de cinq voies sotferiologiques,

    dont al-Birni analyse ici trois seulement, les deux autres, dit-il, fetant

    dfej dfecrites. En fait il a parlfe de trois d'entre elles au chapitre ler, y

    compris la dfevotion au Seigneur. Celle-ci est cette fois apparemment

    reprise pour etre diffferencifee en deux formes hiferarchisfees. Enfin, point

    essentiel, al-Biruni ajoute, en derniei', le moyen du rasyaiui qui

    consiste en drogues (adwiya) et remfedes ('il^t)?^

    Cette indication fait penser au premier stra de la quatrifeme partie du

    traitfe de Patanjali, dont la paternitfe lui a fetfe par ailleurs contestfee.

    nique de la mystique, musulmane. Paris 1922, p. 79. Nous remercions M. Bakri

    Aladdin, chargfe de cours d'arabe I'Universitfe de Paris VIII, qui nous a aid6 remonter aux textes originaux d'al-Birni.

    " S. Pines et T. Gelblum: Al-Birni's Arabic version of Patafijali's Yogastra: a translation of his first chapter and a comparison with related Sanskrit texts.

    In: BS.\S 29 (19()(i). 2. p. 3()H-3(>4. Sur la l)onn(' connais.sancc des sources

    indiennes d'al-Birni, voir J. Gonda: Pemarks on al-Biruni's quotations fr

  • 370 Arion Rou

    Le philosophe indien professe ici que les pouvoirs merveilleux (siddhi)

    sont produits par la naissance (janman), ainsi que par les drogues

    (osadht), les formules (mantrd), l'ascfese (tapas) et la mise en position

    stable du psychisme (samdhi). En fait, dans cette liste, le samdhi seul

    appartient la substance de l'enseignement patafljalien. La thauma-

    turgie bouddhique connait ces pouvoirs surhumains, appel6s rddhi (p.

    iddhi), qui sont fegalement de cinq sortes, savoir issus de la creation

    mentale (bhvan-ja) , innfes (upapatti-lbhika) , produits par des

    formules (vidy-, mantra-krta) ou par des simples (osadhi-krta) et prove

    nant des actes (karma-ja) En bonne tradition, les pouvoirs merveil

    leux ne sont pas recherchfes pour eux-mfemes par les yogin et le Buddha

    les condamne sfevferement, car aucune demonstration de ce genre ne

    conduit l'humanitfe la dfelivrance dfefmitive.^'^ Les mfeditants appelfes

    parfaits (siddha), rfeputfes notamment au pays tamoul, mais eonnus

    partout en Inde et mfeme au Nfepal et au Tibet, recourent tous ces

    moyens pour obtenir des pouvoirs extraordinaires. Cependant lorsqu'ils

    n'emploient pas exclusivement la technique du samdhi ce n'est plus

    en yogin qu'ils opferent mais en alchimistes, magiciens ou ascfetes.^"

    Les mfeditants possesseurs de siddhi peuvent avoir plusieurs compor-

    tements, selon qu'ils donnent prfefference soit ractivitfe matferielle

    (pouvoirs merveilleux, formules therapeutiques, opferations alchimi

    ques), soit la pratique du yoga, ou la spfeculation philosophique.

    Parmi les siddhi dont disposent les parfaits, on retrouve celui de

    conserver indfefiniment le corps (jivan-mukti) . Mais la dfelivrance est

    rfealisable aussi sans recours ces pouvoirs merveilleux produits par le

    samdhi. Et mfeme cette mise en position stable de I'esprit est finale

    ment rendue inutile par la dfevotion au Seigneur, comme l'affirme le

    pofete et yogin ivai'te Tirumlar dans son ceuvre tamouleTirumuntiram.^^

    Le mfeme texte, qui remonte probablement au VIe-VIle sifecle,

    interdit, avec la tradition orthodoxe, I'usage adjuvant de drogues

    enivrantes (chanvre Indien,^** opium) , auquel recourent parfois les yogin

    Abhidharmakosa (Trad. L. de La VALL^;E Poussin) ,vo1. V, p. 122.

    Cf. E. Lamotte: Les visions dans thistoire et la legende du bouddhisme

    ancien. In: Nouvelles de l'Institut cathohque de Paris 1976/1977, p. 156-157.

    J. Filliozat: Le yoga et les substances psychotropes, p. 3 (en manuscrit).

    " J. Filliozat: Mditation ct conditionnement psychologique selon le Tininuzn-

    tiram. In: Annuaire du College de France 75 (1975/1976), p. 439-440 et 76(1976/1977), p. 471-474, ainsi que nos propres notes de ces cours.

    '^^ Employfe depuis le moyen ge en mfedecine yurvfedique et utilisfe par lesmfeditants, le chanvre indien comporte de nombreux noms Sanskrits et vemacu-

  • Yoga et alchimie 371

    pour faciliter leurs exercices.^" Mais cet usage altre l'enseignement

    psychosomatique du yoga, qui vise la maitrise de l'individualitfe

    psychique par la mise en oeuvre de mfecanismes physiologiques. La

    vision hallucinatoire provoqu6e par l'absorption de substances aux

    propri6t6s ascensionnelles difffere des phfenomfenes lumineux k dfeclen-

    chement automatique rencontrfes chez les yogin.*" Pour ces derniers, les

    visions de lumifere colorfee marquent une fetape dans les exercices,

    conduisant par la rfegulation du souffle la pleine connaissance de la

    Rfealitfe. La conscience et la logique de cet itinferaire dfelibferfement fixfe

    se trouveraient done faussfees par I'usage de substances psychotropes.

    La vraie ivresse, celle de la ffelicitfe dans I'esprit stabilisfe, n'est pas

    donnfee de l'extferieur, mais par la maitrise du souffle, que Tirumlar

    appelle mfetaphoriquement cheval et dont il fait l'feloge: Si on monte

    le cheval qui l'emporte en vitesse sur l'oiseau, il ne faut pas consommer

    de vin de palme. Lui-mfeme (ce souffle) il donnera l'ivresse, il fera

    marcher en bondissant, il fera cesser la torpeur; c'est pour ceux qui ont

    la connaissance que nous avons dit la vferitfe."'

    Quant au texte patanjalien (IV, 1) qui autorise l'emploi de drogues

    [osadhi) dans la recherche des pouvoirs merveilleux, la tradition des

    commentateurs du Yogastra est unanime dans l'apprfeciation de cet

    usage comme le fait des dfemons. Vysa (Vie sifecle) voit en osadhi un

    felixir vivifiant servi dans les demeures des dfemons (asura-bhavanesu

    rasyanena) . En expliquant cette glose, Vcaspatimisra (IXe sifecle)

    laires. Voir Bhagwan Dash: Fundamentals of Ayurvedic medicine. Delhi [1978],

    p. 141-147. Cf. P. V. Sharma, op. cit., Paris 1976, p. 467 et 470. Le chanvre

    indien (Cannabis indica Linn.) a 6t6 longtemps consid6r6 comme 6tant diffferentdu chanvre textile (Cannabis sativa Linn.) des pays tempferfes. En fait, la

    morphologie de ces deux herbes ne justifie pas la difference de nomenclaturebotanique, qui a fetfe abandonnfee par certains, en faveur du second nom scienti

    fique. La diffference apparente de varifetfe vient plutt de la biologie et desproprifetfes de cette plante, sa production fibre ou rfesine variant selon le

    climat tempferfe ou tropical et subtropical. Cf R. N. Chopra et al.: Chopra's indi

    genous drugs of India. 2nd ed. Calcutta 1958, p. 84-85. D'autres ouvrages, plusrfecents, emploient le nom Cannabis sativa var. indica (R. N. Chopra, I. C.Chopra, B. S. Varma: Supplement to Glossary of Indian medicinal plants. New

    Delhi 1974, p. 12).

    ^ J. Filliozat: Les visions chez les spiritualistes indiens. In: Nouvelles de

    I'institut catholique de Paris 1976/1977, p. 145. Cf S. Radhakrishnan:

    Indian philosophy. New York-London 1962, p. 367-368.

    *** Cf A. Rou: Les ccmceptions psychologiques dans les textes nUdicaux indiens.Paris 1978, p. 26-27.

    *' Tirumantiram 566, citfe par J. Filliozat: Le yoga et les substances psycho-tropes, p. 4 (en manuscrit).

  • 372 Arion Ro?u

    rapporte aux dieux les pouvoirs merveilleux qui viennent de naissance

    et montre les vertus du rasyana asurique, qui donne la jeunesse et la

    permanence du corps ainsi que d'autres pouvoirs merveilleux {ajarma-

    ranatvam any ca siddhih). Mais on peut les obtenir ici-bas (iha) aussi

    par un 61ixir de jouvence, I'instar du sage Mndavya, qui a absorb^

    une potion (rasa) semblable. Pour le Rjamrtanda. du roi Bhoja (Xle

    sifecle), le terme osadhi dfesigne des felixirs vivifiants, etc. k base de

    mercure, etc. {praddi-rasyandi) . II ajoute que, tant pour les

    pouvoirs merveilleux nfes du samdhi que pour les autres, la cause

    premifere (krana) est seulement le samdhi pratiqufe dans d'autres exi

    stences, alors que les formules, etc. ne sont que des causes instrumen

    tales (mantrdtni nimitta-mtrni) . Vijflnabhiksu (XVIe sifecle) intro

    duit dans le Yogavrttika une explication alchimique, en prolongement

    de l'interprfetation botanique (osadhi-dravya) , lifee aux demeures des

    dfemons. En effet, dit-il, on peut obtenir ici-bas aussi, par des plantes,

    des pouvoirs extraordinaires tels que l'aurification, etc. (atrpy

    osadhibhih suvarrmdi-siddhinrn bhvt). Cette explication est reprise

    par le mfeme Vijftanabhiksu dans son opuscule Yogasrasamgraha, la

    fin du chapitre III: les pouvoirs provenant des drogues sont attribufes

    aux dfemons et se manifestent par un accroissement de la force, etc.,

    ainsi que par le don de fabriciuer de l'or. etc. (a.fvrndinm causadha-

    siddhir mahbalatvOdih, suvanidi-siddhis cd). Parmi les commentaires

    plus modernes, la Maniprabh de Rmnanda Sarasvati (vers 1600) et

    la vrtti de Bhvganea n'apportent rien d'important pour l'exfegfese du

    stra qui nous occupe. Enfin, la glose de Ngea (XVIIIe sifecle)

    souligne l'excellence des pouvoirs merveilleux nfes du samdhi par

    rapport aux autres (itara-siddhy-apeksay samdhi-siddher utkarsam).

    Le commentateur marathe relfeve que les pouvoirs merveilleux tels que

    l'atomicitfe (animan), etc., obtenus par la naissance appartiennent au.\

    dieux, alors que les pouvoirs produits par le rasyana sont propres aux

    dfemons.

    Force est done de constater que les glossateurs de Patafljali tfemoi-

    gnent d'une certaine fevolution dans l'explication du rasyana. SuSinta

    le dfefinit au dfebut de notre fere comme un remfede roboratif, qui

    prfemunit l'homme en mfeme temps contre la maladie et la vieillesse.''* A

    Suruta: Stra l, 8 (paragr. 7): rasyana-tarUram nma vayah-sthpanamyur-medh-bala-karam rogpaharana-samartham ca \\ Dans le commentaire,

    quelques precisions de Dalhana sur les termes vayas (ge vigoureux) et yus(pleine durfee de vie de cent ans ou plus): vayah-sthpanam varsa-Satam yuh-

    sthpanam | yus-kararn, iatdhikam api karoti \ anye tu vayah-sthpanam jarpa-haranam, trunyam bahu-klam sthpayatity arthah || Voir ci-dessus, n. 11.

  • Yoga et alchimie 373

    l'fepoque classique, la mfedecine indienne dominfee par la pharmacopfee

    vfegfetale connaissait six mfetaux seulement (or, argent, cuivre, fer, fetain

    et plomb), auxquels s'ajoutaient le laiton (alliage de cuivre et de zinc) et

    le bronze (alliage de cuivre et d'fetain), mentionnfe par Caraka et

    Susruta. Ce demier se rfeffere deux fois au mercure, que Vgbhata est le

    premier k prescrire pour un usage interne/^ II est normal que les

    commentaires sur le Yogastra IV, 1 reflfetent aussi l'fevolution de la

    pharmacopfee indienne. Bhoja est le premier k interprfeter osadhi comme

    fetant un felixir k base de vif-argent (prada) k une fepoque o les opfera

    tions mercurielles fetaient connues. Cette allusion alchimique nous

    ramfene tout droit au curieux texte arabe de Patafijali, qui fait fetat du

    rasyana en tant que voie sotferiologique, et cela en discordance avec la

    tradition orthodoxe du Yogastra. Cette mpture rfevfele, d'aprfes

    S. N. Dasgupta, un changement de la doetrine patafljalienne dans une

    perspective vedntique et tantrique.

    Mais le problfeme se complique avec l'identitfe de Patafljali,"* que son

    activitfe de polygraphe rapproche du docteur bouddhiste Ngrjuna.

    Sous le nom de Patafljali figurent non seulement des ouvrages de gram

    maire (Mnhnl)h.'

  • 374 Arion Rou

    Dans le livre sur l'Inde, al-Birni donne une description de l'alchimie

    indienne qui consiste en divers proc6d6s ( tadblr) base de drogues et

    compositions mfedicinales. Quant k la signification de l'expression ras

    yana, le savant iranien fevoque le sens d'or du mot rasa, qui dfesigne ici

    en rfealitfe le mercure ou les corps essentiels.*" Le Maitre ne mentionne

    pas non plus le mercure dans I'ouvrage arabe dit de Patafljali,*" o le

    rasyana est caractferisfe par des drogues (adwiya) et des remfedes

    ('il^t), au sens large du terme (traitement). II faut cependant noter

    que le commentaire du roi Bhoja, dont on rapproche le Kitb Ptanal,

    fait fetat d'felixirs mercuriels (praddi-rasyana) . Ce dfesaccord termi

    nologique rend douteux ce rapprochement entre les textes de Bhoja et

    d'al-Birni, qui est venu dans finde du Nord avec les armfees du sultan

    turc Mahmd de Gazni (998-1030). Le savant musulman avait feerit son

    opuscule concemant le yoga avant d'avoir terminfe en 1031 le livre sur

    I'lnde, et le rfegne de Bhoja, souverain Paramra mort en 1055, corres

    pond la premifere moitife du Xle sifecle. Les circonstances historiques,

    de mfeme que la confusion terminologique au sujet du mot rasa, nous

    invitent supposer une autre souree sanskrite, plus ancienne que le

    Rjamrtanda, pour I'ouvrage arabe d'al-Birni, intitulfe Kitb Ptanal,

    qui rfevfele une composante alchimique dans l'expferience spirituelle du

    yoga. D'aprfes R. Garbe, al-Birni donne l'impression d'avoir utilisfe,

    outre la vrtti de Bhoja, une information insuffisante de facture populaire.

    Les thfeories alchimiques, dont l'apparition remonte k l'fepoque

    Gupta, rejoignent le tantrisme et la mfedecine traditionnelle indienne

    dans la qufete d'un corps incormptible. Les eures yurvfediques de rajeu

    nissement comportent des traitements laborieux, surtout pour le ras-

    yarmen milieu fermfe (Icuti-prveAika) . Cette technique figure le retour k

    la vie intra-utferine et fevoque une nouvelle naissance, sinon une trans

    mutation du corps (kya-kalpa),^' qui se retrouve dans les procfedfes des

    alchimistes. En effet, ces demiers opferaient sur les mfetaux ordinaires

    pour les convertir en or, le mfetal noble, parfait, symbolisant l'immorta-

    *" Voir ci-dessus p. 363 et 368.

    * Cf. P. Kutumbiah: The siddha and rasa siddha schools of Indian medicine.

    In: Indian joumal of bisloiy orincdicinc 1 8 (1973). 1. p. 2.5: There is no warrantyto conclude that the rasyana recommended in this book {KilOb Ptanal) was in

    any way connected with the use of mercury and its preparations.

    R. Garbe: Srnkhya und Yoga. Strassburg 1896, p. 41-42. Sur les expeditions ghaznfevides dans l'Inde du Nord k l'6po((uc du roi Bhoja, de la dynastieParamra de Mlava, voir R. C. Majumdar (fed.): The stmggle for empire.Bombay 1957, p. 5-22 et 66-67.

    ^' DetaUs dans notre article dej cit6: IIJ 17 (1975) 1-2, p. 1-28.

  • Yoga et alchimie 375

    lit6 depuis le Veda.''* Mais pour transmuer la vile matifere en prfecieux

    or, felixir de vie, le mercure {rasa) fetait employfe comme souverain agent,

    sur lequel les traitfes Sanskrits du rasastra ne tarissent pas d'feloges.

    Cette riche littferature alchimique, dont la Chronologie n'est pas

    toujours assurfee, a connu son acmfe du Xe au XlVe sifecle, mais elle a d

    commencer se dfevelopper dfes le premier millfenaire."^ La tradition

    controversfee du docteur bouddhiste Ngrjuna, philosophe, mfedecin et

    alchinuste la fois, en est une preuve."'' Comme d'autres sourees

    indiennes du Petit et du Grand Vfehicule, son traitfe Mahprajnprami-

    tsstra, traduit en chinois vers 400, mentionne la transmutation des

    mfetaux, qui est un des multiples pouvoirs extraordinaires.'*''' L'alchimie

    indienne conjugue la manipulation de certains mfetaux {dhtuvd) avec

    des pratiques spagiriques, comportant des applications mfedicales des

    substances minferales, notamment du mercure {dehavda). Pour le traitfe

    Rasapraksasudhkara (Xlle-XIIIe sifecle), l'art de modifier la nature

    des mfetaux reprfesente fe bonheur suprfeme de ce savoir traditionnel:

    dhtnm kautukarn param (XI, I).

    Les aspects naturalistes de ces techniques relfevent en grande partie

    de la mfedecine classique, qui a primitivement fait une large place la

    pharmacie empirique. Le dfeveloppement de la chimie indienne a bfenfe-

    ficife des connaissances classiques dans la prfeparation des drogues

    (Caraka, Susruta, Vgbhata) et aussi des procfedfes avancfes de la mfetal

    lurgie ancienne, dont certaines rfealisations lui font encore honneur

    (pilier de Delhi).'''' Rarement reprfesentfee dans la pharmacopfee clas

    sique, la matifere inorganique domine en revanche l'iatrochimie mfedife-

    vale, avec des felixirs vivifiants {rasyana) essentiellement mercuriels.

    Le terme mfedical rasyana (composfe de rasa et ayana) est entrfe dans

    le vocabulaire de l'alchimie, laquelle a hferitfe des procfedfes mfedicaux de

    rajeunissement^' et des conceptions de la magie vfedique sur la longue

    vie et l'immortalitfe. Ce terme technique rasyana comporte une

    certaine ambigui'tfe, par la polysfemie du vocable rasa.

    * M. Eliade: Yoga, p. 280. Sur la perfection de l'or en Inde, cf. du mfeme

    auteur: Forgerons et alchimistes. Paris 1977, p. 43-44 et 109.

    Voir D. M. BosE, S. N. Sen, B. V. Subbarayappa (fed.), op. cit., p. 55,231, 232-233 et 314-315.

    ^* Lire en dernier J. Filliozat: YogaSataka. Pondichfery 1979, p. IV-XIX.

    ^'^ E. Lamotte : Le traiti de la grande vertu de sagesse. I. Louvain 1944, p. 382-383.

    (L. Renou et) J. Filliozat: L'Inde classiquell, p. 167-168. Voir aussi P.

    Ray, op. cit., p. 99-101.

    ^' Cf A. S. Altekar: Education in ancient India. Benares 1938, p. 199-200.

  • 376 Arion Rou(

    II faut remarquer que le recueil du bouddhisme tantrique Sdhana

    ml emploie le composfe rasa-rasyana por fevoquer un pouvoir merveil

    leux (siddhi) dans une liste qui en comporte huit, mais diffferents de ceux

    qui sont propres au brahmanisme classique. Dans la littferature iatrochi-

    mique sanskrite, notamment le Rasendracdmani (Xlle-XlIIe sifecle),

    le composfe copulatif rasa-rasyana, dont les deux substantifs sont

    employfes aussi sfeparfement, sert dfesigner des prfeparations minferales

    ou mercurielles et des felixirs vivifiants. L'expression semble done signi

    fier dans la Sdhanaml non la fabrication synthfetique de l'or, comme

    l'a propose B. Bhattacharyya, mais seulement une drogue macrobio

    tique base de mercure (rasa):'" Dans cette acception , c'est une mfede

    cine universelle laquelle les textes du rasasstra se rfefrent souvent.

    De cet felixir ont toujours rfevfe les alchimistes en Asie comme en Europe.

    La civilisation occidentale a dfeveloppfe une doetrine peut-fetre primiti

    vement chinoise, qui lui aurait fetfe transmise par le monde islamique, le

    terme arabe al-iksir (felixir) fetant pour certains d'origine chinoise.'^^

    L'alchimie et le yoga prfesentent un certain parallfelisme dans leurs

    enseignements sotferiologiques. Les alchimistes se proposent de

    parfaire la vile matifere pour rfealiser la synthfese de l'or incormptible.

    Les mfeditants, eux, opferent sur la gangue corporelle pour libferer

    I'esprit de l'asservissement de la vie mentale. L'analogie entre la

    perfectibilitfe de la matifere inorganique et celle qui est propre au

    composfe humain psychosomatique se rencontre aussi bien dans l'al

    chimie asiatique indienne et chinoise que dans l'alchimie occiden

    tale. L'aurification est une transmutation d'ordre minferal, alors que le

    yoga rfealise une transmutation spirituelle."" Les deux procfedfes se

    conjuguent chez certains mfeditants, comme le montre un texte du

    Sdhanaml, vol. II (Baroda 1928), p. 350, 1. 3-5 et p. 509, 1. 14-16.

    D'aprfes I'fediteur de ce texte B. Bhattacharyya, rasa-rasyana se rfeffere iciprobably to the magic solution which turns the baser metals into gold, or the

    medicine which gives immunity from death (p. LXXXVI). Cf. Harsacarita (fed.P. V. Kane) p. 51, 1. 2: rasyana-rasbhinivein.

    Voir J. Needham: The elixir concept and chemical medicine in East and West.

    In: Journal ofthe Chinese University of Hong Kong 2 (1974), 1, p. 243-265.

    Repris par l'auteur et traitfe amplement dans: Science and civilisation in Chirm.V, 2-4. Cambridge 1974-1980 (voir index: felixirs de longue vie et d'immorta-litfe). Cf. M. Eliade: Forgerons et alchimistes, p. 143.

    "" Cf M. Eliade: Yoga, p. 281-282. Sur les analogies entre les opferations

    alchimiques et les expfericnces spirituelles, voir du mfeme auteur: Forgerons etalchimistes, p. 103-105 (Chine), p. 107-110 (Inde), p. 133-142 (Occident).

  • Yoga et alchimie 377

    Rudrayamalatantra, qui mentionne des prfeparations mercurielles pour

    favoriser certaines opferations psychiques.'"

    Le rapprochement entre alchimie et yoga se traduit aussi par des

    mfetaphores employfees dans certains textes. Ainsi le Sarvasiddhnta-

    samgrcdia compare l'femancipation spirituelle du mfeditant avec la fabri

    cation de l'or au moyen du mercure."* Certains termes techniques sont

    ambivalents, ayant des applications dans les registres psychologique et

    alchimique. La Hathayogapradtpik (IV, 26) identifie I'esprit {manas) et

    le vif-argent {rasa) en raison de leur commune mobilitfe {cancalatva). La

    stabilisation du premier assure le succfes psychologique par arrfet des

    mouvements de I'esprit"'' et la fixation {baddha) du second le succfes

    alchimique dans les opferations mercurielles difficiles. Le mfeme texte

    (IV, 27) assimiie ensuite fe mercure au souffle {prna), lesquels dfefail-

    lants {mrcchita) dfetruisent les maladies, et morts {mrta) font vivre

    longtemps."* Ces expressions banales ont ici une valeur technique, car

    elles dfesignent des opferations alchimiques ou psychophysiologiques.

    D'aprfes le commentaire de Brahmnanda sur le Hathayogapradipik,

    le mercure est dfefaillant quand il perd sa mobilitfe {gata-cpala) . Lors

    de la rfegulation respiratoire (prnyma), le souffle est dfefaiilant,

    lorsque l'expiration (recaka) n'intervient pas la lin de la rfeplfetion

    prolongfee (kumbhaka). Le mercure et le souffle sont morts (mrta),

    quand le premier est rfeduit en cendre (bhasmi-bhta) et que le second

    est rfesorbfe dans l'orifice du brahman. Le vif-argent est fixfe, quand il

    est prfeparfe sous forme de pilule (gutik), alors que le souffle est fixfe

    quand il est retenu (dhrta) entre les sourcils (bhr-madhya) ou dans

    d'autres centres. Le Sarvadarsanasamgraha prfecise que le maintien du

    Corps en bon fetat se rfealise par le kamia-yoga aussi bien du mercure que

    du souffle.""

    Au-del du langage alchimique, la littferature du yoga fait fegalement

    fetat de drogues et de procfedfes alchimiques. Elle mentionne en effet la

    B. V. Sriin.\n.\v.\i'i>A: Introfluclion RannianikaljKi. p. 1, n. 1. Siirl'an-

    ciennclfe du Rudraynui(d

  • 378 Arion Rou

    fabrication de l'or parmi les pouvoirs merveilleux {siddhi). Le m6tal

    noble est pr6par6 k partir de mfetaux ordinaires frottfes par les yogin

    avec leurs propres excrfements et urines."" Les contemplatifs recourent

    parfois k des potions d'origine minferale pour faciliter la mise en posi

    tion stable du psychisme {samdhi).'^^ Mais les mfemes textes jugent ces

    adjuvants chimiques un obstacle {vighna) sur la voie des exercices

    psychosomatiques."** Cette attitude rejoint la tradition orthodoxe pataft-

    jalienne qui interdit, tout comme le bouddhisme, I'usage des drogues: la

    modification artificielle des fetats de conscience au moyen de substances

    psychotropes contredit mfeme la nature psychologique du yoga. Mais un

    tel usage n'a pas d fetre complfetement exclu, comme le montre la

    mention des drogues {osadhi) dans le texte de Patanjali lui-mfeme

    (IV, 1). L'absorption de substances aux proprifetfes ascensionnelles,

    auxquelles certains ont voulu associer la plante k soma du Veda,"" a pu

    s'amplifier au cours des sifecles, k la faveur d'influences tantriques,

    alchimiques ou autres. Le Maitre al-Birni a done pu se faire lui aussi,

    vers l'an mil, l'echo de cette pratique, hfetferodoxe pour les vrais mfedi

    tants.'"

    Addendum (p. 372): Parmi les moyens curatifs qu'emploient les

    habitants asuriques des rfegions souterraines, le Bhgavatapurna

    (V,24,13) mentionne, aprfes les herbes merveilleuses (divyausadhi) , les

    remfedes et les felixirs vivifiants k base minferale {rasa-rasyana).

    "" Yogatattvopanisad 74: mala-mtra-pralepena lohdeh svarnat bhavet || Cf.

    Sivasamhit III, 54: vin-mtra-lepane svarnam. Sur l'eniploi des excreta en

    alchimie, voir aussi Rasrnavakalpa 146: prasvedt tasya yogena rasarjaA cavadhyate \ \

    "' Sivasanihit V, 6: nava-dhtu-rasam chindhi, Sunthiks tdayet punah \ eka-

    klam samdhih syt . . . 11Le composfe nava-dhtu-rasa est ambigu, cause de

    nava (numferal ou adjectif) et surtout cause de la polysfemie de rasa (suc, corps

    essentiel, mercure). En mentionnant ce texte k propos de l'emploi de droguespar les yogin, S. Lindquist ne discute pas le sens alchimique du composfe nava-dhtu-rasa dans: Die Methoden des Yoga. Lund 1932, p. 193-194 et 200.

    "" ivasamhit V, 1-8 et Yogatattvopanisad 30-31.

    "" Voir en demier F. Staal: Exploring mysticism. Harmondsworth (Mid

    dlesex) 1975, p. 183-192. Cf A. Rou, op. cit., 1978, p. 38-39.

    '" Cf A. Bharati: The tantric tradition. London 1965, p. 250-251, 286-287et 301, n. 5. L'absorption du chanvre {vijay-grahana) est pratiqufee dans lesmilieux tantriques de l'Inde du Nord, sans qu'elle fasse partie formellement deleur rituel. Le terme sanskrit vijay donneuse de victoire est rfevfelateur de l'ac

    tion euphorique attribufee k cette drogue, ingferfee ou lmfee (haschisch), qui estappelfee siddhi pouvoir merveUleux en bengali.

  • Yoga et alchimie 379

    Summary

    The indications given in Arabic by al-Birni on mineral elixirs of life (rasyana) used about A.D. 1000 by Indian contemplatives are connected withancient and medieval Sanskrit teachings on yoga, medicine and alchemy. Reju

    venation cure to which the Iranian scholar refers are linked not only to rasavidy

    but also to Ayurveda.The use of psychotropic drugs, a use forbidden in the Patafljali tradition of

    yoga and also by the Buddha, could however spread under the influence of

    tantrism among the yogins. At the same time tantrism itself was involved in

    alchemical procedures (aurifaction, etc.).

    25 ZDMG 132/2

  • Bcherbesprechungen

    Lexikon des Mittelalters. 1: Aachen his Bettelordenskirchen. Mnchen & Zrich:

    Artemis 1980. 2107 Sp. 4". 398 - DM.

    In ZDMG 129 (1979), S. 158-9 wurde die 1. Liefenmg des Lexikons des

    Mittelalters kurz angezeigt. Sehr zgig sind die weiteren Lieferungen erschienen,so da jetzt bereits der 1. Band des auf insgesamt fnf Bnde und einen Ergn

    zungsband mit Karten, Registern usw. berechneten Werkes vorliegt. Inzwischenist auch ein Vorwort erschienen, das Angaben zur rumlichen und zeitlichen

    Abgrenzung macht. Zeitlich behandelt das Lexikon die Jahre 300-1500, undrumlich sind die arabisch-islamischen Reiche, Byzanz und das Osmanenreichbis zum frhen 16. Jhdt. eingeschlossen. Weitere auereuropische Gebieteerhalten einen Artikel, wenn sie der mittelalterlichen Welt bekannt waren'.

    Da sich eine vielbndige Encyclopaedia medii aevi occidcntalis nichtverwirklichen lie, mute das Lexikon umfangsmig beschrnkt werden. Das

    machte sowohl eine Konzentration auf Schlagworte von allgemeinem und nicht

    nur fachspezifischem Interessse als auch eine Umfangsbegrenzung fr dieeinzelnen Artikel notwendig. Es ist deshalb verstndlich, da die meisten

    Artikel schon aus Raumgrnden mit denen der vielen Spezialenzyklopdien, mitdenen das Lexikon des Mittelalters konkurrieren mu*, an Informationsflle

    nicht mithalten knnen. Der Spezialist wird deshalb, wie schon in der Kurzan

    zeige vermerkt, das Lexikon vor allem fr die Artikel benutzen, die nicht seinFachgebiet betreffen.

    Soweit ich das beurteen kann, sind alle Artikel von anerkaimten Fachleuten

    geschrieben und bieten den neuesten Stand der Forschung. Das Streben, jeweilsden engsten Fachmann zu Wort kommen zu lassen, hat bei lngeren Artikeln oftzu Aufteilungen an mehrere Autoren gefhrt, von denen manche dann nur

    wenige Zeilen beitragen. Hier ist vielleicht des Guten etwas zu viel getanworden. In den Literaturangaben, die jedem Artikel folgen, scheint mir in denmeisten Fllen das richtige Ma gehalten zu sein.

    ' Verwunderlich ist deshalb das Fehlen eines Artikels thiopien", das durchdie Vorstellung vom Priester Johannes und auch durch direkte Kontakte dem

    Mittelalter bekannt war. Auch der Artikel Afrika" erwhnt htiopien nicht.

    * Es handelt sich hier sowohl um religis abgegrenzte Lexika wie die EI,

    Encyclopaedia Judaica, Jdisches Lexikon, Lexikon fr Theologie und Kirche, Religion in Geschichte und Gegenwart, als auch um sachliche Lexika wie Musik in

    Geschichte und Gegenwart, Enzyklopdie des Mrchens, Reallexikon der germanischen Altertumskunde, Lexikon der Geschichte der Naturwissenschaften usw. undum die vielen Nationalbiographien, ganz abgesehen von den starken ber

    schneidungen mit dem Pauly-Wissowa und dem Reallexikon fr Antike undChristentum.

    Zeitschrift der Deutschen Morgenindischen Gesellschaft Band 132, Heft 2 (1982) Deutsche Morgenlndische Gesellschaft e. V.

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