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Université Paris Dauphine Master Comptabilité Contrôle Audit Julien LE PARCO Sous le tutorat d’Elisabeth THUELIN Mémoire de Master Analyse critique de la transition vers la norme IFRS 9: étude anticipée de ses impacts sur le secteur bancaire et des enjeux de ses développements ultérieurs Année universitaire 2011-2012

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Université Paris Dauphine

Master Comptabilité Contrôle Audit

Julien LE PARCO

Sous le tutorat d’Elisabeth THUELIN

Mémoire de Master

Analyse critique de la transition vers la norme IFRS 9:

étude anticipée de ses impacts sur le secteur bancaire et

des enjeux de ses développements ultérieurs

Année universitaire 2011-2012

Remerciements

Je tiens à remercier les deux professionnels qui ont accepté de me rencontrer en

entretien durant la préparation de mon mémoire. Les échanges que j’ai pu avoir avec

Madame Laure ATTIA et Madame Manon JACQUET-LAGREZE m’ont permis

d’avoir un regard extérieur différent et intéressant sur les sujets traités dans ce mémoire.

Je tiens également à remercier mon professeur tuteur Madame Elisabeth THUELIN qui

m’a aidé à lancer ce long travail de réflexion qu’est le mémoire, m’a mis sur la piste de

documents utiles à ma réflexion et m’a aidé à le structurer.

Je remercie enfin les différents collaborateurs rencontrés lors de mon stage de fin

d’étude chez Deloitte. Ils m’ont aidé à cerner plus clairement les problématiques et les

enjeux de la transition entre les deux normes, d’un point de vue qui sera le mien dans un

futur proche : celui d’un auditeur dans son travail quotidien au sein du département

« industrie des services financiers » d’un grand cabinet.

A toutes ces personnes, merci.

Résumé

Depuis 2008 et la crise financière mondiale, l’IASB réfléchit à la refonte de sa

norme comptable internationale sur les instruments financiers : la norme IAS 39. Cette

dernière a été ouvertement critiquée depuis la crise pour son obsolescence, notamment

sur le sujet des critères d’évaluation et de classification des actifs et des passifs

financiers à la juste valeur ainsi que sur ses règles empêchant toute anticipation des

évènements de marché en matière de dépréciation. Cette refonte a aujourd’hui pris

forme sous le nom de norme IFRS 9. Cette évolution normative est censée venir en

réponse à la crise et aux problématiques qui y sont liées. Elle s’accompagne donc

d’objectifs bien définis en matière de juste valeur, de transparence, de volatilité,

d’anticipation mais aussi de simplification.

Nous nous poserons donc la question dans ce mémoire de savoir si la nouvelle norme de

l’IASB remplit l’ensemble de ses objectifs, dans quelles proportions et par quels

moyens techniques y parvient-elle.

Nous nous intéresserons également sur un plan plus pratique aux différentes

anticipations des banques du monde entier sur le sujet de cette transition et sur les

moyens de conduire ce projet.

Ce mémoire présente un intérêt concret pour l’auditeur et le consultant dans le sens où il

essaie d’anticiper les grandes évolutions de demain dans les états financiers des banques

et d’identifier les nouvelles problématiques qui se poseront lors de l’audit ou du conseil

de ces entités lorsque celles-ci transiteront vers la norme IFRS 9. Je m’attache

également à mettre en avant dans ce mémoire les décisions que devront prendre en

amont les banques pour préparer cette transition, la réflexion et la préparation que

chaque thème implique de mettre en œuvre, que ce soit des moyens financiers ou des

moyens en matière de systèmes.

J’ai eu l’occasion et la chance de pouvoir m’entretenir lors de la rédaction de ce

mémoire avec deux grandes spécialistes du sujet sur le terrain. Ces deux personnes ont

chacune une très bonne expérience des normes IFRS et du secteur bancaire en

particulier, l’une d’entre elle a passé ses 10 dernières années de sa carrière

professionnelle au sein du département règlementation comptable d’une grande banque

française tandis que l’autre possède une expérience similaire au sein d’un cabinet

d’audit membre du « Big Four ». Ce double regard m’a donc permis d’approfondir des

sujets spécifiques, de « lire entre les lignes » des textes de l’IASB et d’obtenir le point

de vue des auditeurs et des banquiers sur le sujet étudié dans ce mémoire. Ces entretiens

sont appuyés par une étude réalisée par le cabinet Deloitte auprès des plus grandes

banques du monde entier sur la norme IFRS 9 et le secteur bancaire.

Les textes étudiés comprennent évidemment les textes normatifs de base de l’IASB, sur

la norme IAS 32, 39 et bien entendu la norme IFRS 9, mais également des réflexions et

des commentaires des différents acteurs concernés par cette refonte. Je me suis en outre

attardé à la lecture de différents rapports sur les causes et les conséquences, notamment

comptables, de la crise financière et de saisir l’avis de grands spécialistes de la question.

Ma revue littéraire est aussi composée d’ouvrages sur les normes comptables

internationales, détaillant plus en précision et en technique les différents aspects

notamment des thèmes définitifs d’IFRS 9.

Les résultats de ce mémoire sont mesurés, d’une part par l’objectif, ambitieux,

initialement fixé à la norme IFRS 9, d’autre part par les avancées significatives sur de

nombreux sujets majeurs. Les applications comptables futures de la nouvelle norme

peuvent ainsi laisser entrevoir un avenir plus réjouissant pour la santé des états

financiers des banques et la qualité du reporting qui y est lié.

Malgré cela, l’IFRS 9 ne réalise pas un sans faute, et certainement plus de juste valeur

qu’aujourd’hui. Mais ces propos doivent être nuancés par le fait que cette juste valeur

sera mieux adaptée aux instruments financiers auxquels elle s’appliquera, le « business

model test » tant réclamé par les banques ayant enfin trouvé à s’appliquer. Perfectibles

sur plusieurs points, remède curatif sur d’autres, la norme IFRS 9 laisse les banques

assez réservées sur le verdict qu’elles accorderont au final à une norme qui ne cesse

d’évoluer et qu’elles ont donc du mal à anticiper correctement.

Ce mémoire cherche donc à mettre en lumière de manière critique les différentes

évolutions entre les deux normes et à confronter le point de vue des banques sur le sujet.

Enfin, il identifie les points clés et les problématiques plus que jamais d’actualité d’une

norme toujours en plein chantier après 7 ans de travaux, et dont l’entrée en application

est pour le moins très attendue et sera à coup sûr décrypté de très près par l’ensemble de

la communauté financière. f

1

Sommaire

Sommaire………………………………………………………………………………...1

Introduction ....................................................................................................................... 4

I – Retour sur l’origine de la transition et les textes de la norme IFRS 9 déjà publiés ..... 7

1. Les normes IAS/IFRS et le traitement des actifs et passifs financiers .................. 7

1.1 A l’origine de la transition IAS 39-IFRS 9 .................................................... 7

1.2 Le traitement des actifs et des passifs financiers dans les normes IFRS

aujourd’hui .............................................................................................................. 11

2. La norme IFRS 9 et ses derniers développements ............................................... 12

2.1 Etat de la situation ........................................................................................ 12

2.2 Classification et évaluation des actifs financiers .......................................... 14

2.3 Classification et évaluation des passifs financiers ........................................ 24

2.3.9 Classification des dettes financières ......................................................... 32

3. L’IASB proche d’un consensus sur les dépréciations mais travaille toujours sur la

couverture ................................................................................................................... 34

3.1. La méthode des « 3 bucket » ........................................................................ 34

3.2. La comptabilité de couverture dans l’attente ................................................ 35

II – L’approche de la transition du point de vue des acteurs concernés au premier plan:

les banques et l’ensemble de la profession comptable ................................................... 37

1. Une approche méthodologique basée sur des entretiens et une étude de terrain du

cabinet Deloitte ........................................................................................................... 37

1.1. Deux entretiens réalisés auprès de deux spécialistes des normes IFRS et du

secteur bancaire ....................................................................................................... 37

1.2. L’exploitation d’une étude réalisée par le cabinet Deloitte sur les normes

IFRS appliquées au secteur bancaire ...................................................................... 38

2. La pression des banques en faveur de la réforme de la norme IAS 39 ................ 40

2

2.1. Sur le terrain, la norme IFRS 9 est perçue comme une réponse comptable à

la crise ..................................................................................................................... 40

2.2. La norme IAS 39 est vue comme étant trop ancienne, complexe et restrictive

……………………………………………………………………………...41

2.3. L’application anticipée de la norme est-elle envisageable ? Les banques

anticipent-elle les impacts futurs de la norme ? ...................................................... 42

2.4. Une date application une première fois repoussée et qui reste incertaine .... 45

3. La classification et évaluation des actifs et des passifs financiers : un objectif de

simplification pas forcément atteint ............................................................................ 46

3.1. Le « business model test » et le « cash-flow test » étaient réclamés par les

banques pour se rapprocher de la réalité de leur gestion ........................................ 46

3.2. Le débat autour des portefeuilles de liquidités représente un enjeu majeur

pour les banques ...................................................................................................... 47

4. Les nouvelles règles de dépréciation en réponse à la crise et aux effets

procycliques de la norme IAS 39 ................................................................................ 48

4.1. La nécessité d’une norme qui devienne contra-cyclique et d’une meilleure

anticipation des évènements de marché .................................................................. 48

4.2. Une méthode encore incertaine .................................................................... 50

4.3. Les « corporate » sont également très concernées par la question des

dépréciations ........................................................................................................... 53

4.4. Un effet non négligeable pourrait se développer lors de la transition

« incurred to expected » .......................................................................................... 53

5. La comptabilité de couverture doit se rapprocher de la réalité économique de

l’entreprise et de sa gestion ......................................................................................... 54

5.1. Distinction entre micro et macro-couverture ................................................ 54

5.2. La comptabilité doit se rapprocher du « Risk management » … ................. 55

5.3. … et pour cela, le champ de la comptabilité de couverture a été élargi ....... 56

5.4. L’enjeu de la macro-couverture est très important, notamment pour les

banques françaises .................................................................................................. 56

3

III – Synthèse des réponses apportées au travers de la norme IFRS 9 et des thématiques

de réflexion en cours pour sa finalisation ....................................................................... 58

1. La norme IFRS 9 : vers plus ou moins de juste valeur ? ..................................... 58

2. Les objectifs de simplification et de transparence sont-ils atteints ? ................... 59

3. L’application de la norme IFRS 9 réduira-t-elle la volatilité des états financiers

des banques ? .............................................................................................................. 61

3.1. Concernant le classement et l’évaluation des actifs et passifs financiers ..... 61

3.2. Concernant les dépréciations ........................................................................ 62

3.3. Concernant la comptabilité de couverture .................................................... 62

4. La norme IFRS 9 aurait-elle permis de réduire comptablement les impacts de la

crise financière de 2008 ? ........................................................................................... 64

Conclusion ...................................................................................................................... 66

Table des matières .......................................................................................................... 68

Annexe ............................................................................................................................... I

Bibliographie .................................................................................................................. III

Sitographie ...................................................................................................................... IV

4

Introduction

La crise financière de 2008 fut d’une ampleur et d’une portée sans précédent

historique. Les institutions financières en général et les banques en particulier furent

particulièrement touchées et la plupart d’entre elles se retrouvèrent contraintes à des

recapitalisations et des ajustements de leurs modèles jusqu’ici réputés inébranlables.

Cette crise a mis sur le devant de la scène une notion que seuls les comptables ou les

financiers utilisaient jusque là : la « fair value » (« juste valeur »). Cette notion si chère

aux américains et à leur régulateur comptable le FASB (Financial Accounting Standard

Board), mais également aux anglo-saxons d’une manière générale, s’est retrouvée du

jour au lendemain pointée du doigt par l’ensemble de la communauté financière et des

observateurs du sujet.

Introduite dès 2004 par l’IASB (International Accounting Standard Board), le régulateur

comptable mondial, au travers d’une norme qui va de ce fait se retrouver controversée

elle aussi, la juste valeur consiste en résumé à évaluer un instrument financier à sa

valeur de marché, ou à une valeur de modèle le cas échéant si l’instrument n’est pas

coté sur un marché. Accusée d’engendrer une trop grande instabilité bilancielle en cas

de situation dégradée sur les marchés, la juste valeur est défendue par les uns comme la

représentation la plus transparente qui soit de la valeur d’un instrument, et critiquée par

les autres comme étant inutilement et abusivement volatile.

La norme internationale IAS 39 est l’autre notion comptable au cœur de la crise. Elle

concentre en son sein les règles relatives à la comptabilisation et à l’évaluation des

instruments financiers, ces derniers étant eux-mêmes à l’origine directe de la crise avec

les désormais célèbres «crédits subprime ». Elle consacre notamment la notion de juste

valeur. Déjà ancienne et contestée, la norme IAS 39 se retrouve brutalement au centre

des préoccupations de l’IASB qui subit alors la pression de la communauté financière

pour la réforme de cette norme devenue obsolète.

Son projet s’appellera IFRS 9, et son travail sur le sujet se découpera en 3 thèmes :

classification et évaluation des actifs et des passifs financiers ; dépréciations ;

comptabilité de couverture.

5

Cette norme est née avec de nombreux objectifs à remplir, la plupart d’entre eux ayant

été dictés par la crise financière et les défauts révélés au grand jour de la norme IAS 39.

Son application prévue au 1er

janvier 2013 a été reportée de 2 ans, les travaux en cours

sur le sujet étant toujours nombreux et polémiques.

La question centrale de ce mémoire sera d’essayer d’établir, en l’état actuel des

connaissances et des travaux sur la norme, si celle-ci répond aux objectifs qui lui ont été

plus ou moins implicitement fixés dès sa gestation. Vient-elle comme une réponse

efficace à la crise financière ? Permettra-t-elle d’atténuer les conséquences d’une

potentielle future crise ? Aurait-elle permis d’atténuer les conséquences de celle que

l’on a connue en cas d’application dès 2008 ? Va-t-on avec la norme IFRS 9 vers plus

ou moins d’évaluation en juste valeur ?

Je me poserai ainsi la question de savoir si cette évolution normative permettra de

réduire la volatilité des états financiers des banques. J’évoquerai également le sujet de la

transparence, qui est un objectif propre aux normes IAS/IFRS en général. L’IAS 39 est

également née avec un objectif majeur de simplification du traitement des instruments

financiers. Nous verrons si cette volonté se traduit en pratique.

Enfin, le sujet du degré d’anticipation des banques vis-à-vis de cette nouvelle

norme sera également abordé: en appréhendent-elles d’ores et déjà les impacts ? En

anticipent-elles l’application?

Mon analyse dans ce mémoire se concentrera en majeure partie sur le cas particulier des

banques, premières concernées par la situation. Les évolutions intéressant les

entreprises non financières seront cependant parfois évoquées à titre comparatif.

Je m’efforcerai tout au long de ce mémoire de rester « lisible » et « accessible » sans

trop aller dans la technique pure donc, et d’analyser les tendances et enjeux majeurs du

projet de révision.

Je détaillerai dans une 1ère

grande partie le thème 1, quasi-définitif, de la norme IFRS 9

tandis que je me contenterai d’aborder plus succinctement les thèmes 2 et 3, encore loin

de leur version finale, en essayant plutôt de nous concentrer sur les enjeux, pour le

secteur bancaire principalement, de la révision des deux thèmes.

6

Je rendrai ensuite compte dans une deuxième partie de mes travaux empiriques sur le

sujet. Mes deux entretiens avec deux spécialistes des normes IFRS et du secteur

bancaires ont été extrêmement enrichissants et instructifs. Une enquête de terrain

réalisée par le cabinet Deloitte sur la norme IFRS 9 dans le secteur bancaire sera

également utilisée et fréquemment citée pour compléter ce double regard obtenu par le

biais de ces entretiens.

Enfin, dans une troisième et dernière partie, j’essaierai d’analyser les enjeux théoriques

avec les problématiques rencontrées en pratique par les banques, pour finalement

conclure sur les différentes questions évoquées dans cette introduction.

7

I – Retour sur l’origine de la transition et les textes de la norme IFRS 9

déjà publiés

Nous nous intéresserons dans cette partie aux origines de la transition entre les deux

normes. Des réflexions anciennes de l’IASB (en concertation avec le FASB) sur un

passage vers plus de juste valeur aux critiques nées de la crise envers la norme IAS 39.

Nous verrons quels sont les enjeux que l’on peut observer vu de l’extérieur, avant de les

analyser avec un regard interne dans la partie II.

Nous présenterons également de manière assez détaillée le 1er

thème de la norme IFRS

9, le plus abouti à l’heure actuelle. Nous présenterons aussi brièvement les travaux en

cours sur le thème 2.

1. Les normes IAS/IFRS et le traitement des actifs et passifs financiers

1.1 A l’origine de la transition IAS 39-IFRS 9

1.1.1 Une réflexion commencée très tôt

Dès la fin des années 90/début des années 2000 l’IASC (International Accounting

Standard Committee), devenu IASB (« Committee » devenant « Board » et surtout la

structure de l’organisation évoluant sensiblement) en 2001, avait pour projet de

remplacer la norme IAS 39 par une norme dite de « Full Fair Value », préconisant

l’évaluation de l’ensemble des actifs et passifs financiers à leur juste valeur. Mais

l’IASB reprenant le projet de l’IASC n’attendra même pas la fin de la période de

consultation pour annoncer qu’une norme de full fair value à l’horizon 2005 était

inenvisageable.

La principale critique qui ressort à l’époque est que les comptes en juste valeur ne

reflèteront pas correctement la manière dont les actifs et passifs sont gérés. En effet

pourquoi évaluer un instrument sur sa valeur de transaction potentielle si celui-ci n’est

pas destiné à être vendu mais plutôt à être gardé jusqu’à échéance ?

8

La norme IAS 39 fut instaurée en 1998 avec dès le départ l’idée qu’elle ne serait qu’une

norme provisoire. En effet, le débat sur la juste valeur a été initié en 1987 et la norme

IAS 39 n’est qu’une première étape du basculement progressif vers ce concept de fair

value notamment réclamé par la SEC et le FASB, le normalisateur comptable américain.

En 2005, D.Cormier et M.Magnan, enseignants-chercheurs à l’UQAM expriment l’idée

que « si une information comptable est en corrélation avec la cote boursière d’une firme,

il y a lieu de conclure que l’information est utile puisque le marché en tient compte ».

Cette affirmation va dans le sens d’un passage vers le « full fair-value » puisque celle-ci

reflète de manière plus ou moins parfaite (selon les différents degrés de juste valeur

utilisés) la valeur de marché d’un actif ou passif financier dans le bilan d’une entreprise.

1.1.2 La crise financière a profondément accentué les critiques et

accéléré les mutations de la norme IAS 39

La crise financière actuelle qui a débutée en 2008 a fait ressortir de violentes critiques à

l’égard de l’évaluation à la juste valeur des actifs et des passifs financiers. Dès juillet

2009, le ministre de l’économie de l’époque Madame Christine Lagarde fait une

demande à M.Pascal Morand, Directeur Général de l’école ESCP-Europe, et M.Didier

Marteau, économiste, pour un rapport1 sur les liens entre la crise financière mondiale et

les normes comptables internationales les plus communément adoptées : les normes

IAS/IFRS de l’IASB.

Les conclusions de ce rapport sont nombreuses et intéressantes (nous verrons d’ailleurs

par la suite que certaines des propositions sont présentes dans le projet de norme IFRS

9) et l’une d’entre elle est très claire: « la fair value a été un facteur mécanique

d’accélération de la crise ».

1 Rapport téléchargeable ici : http://www.focusifrs.com/content/view/full/4995

9

Les principales autres conclusions qui ressortent sont les suivantes :

- Appliquer une Full Fair Value reviendrait à nier le fait établi que dans un bilan

cohabitent deux types d’actifs et de passifs :

o Les valeurs d’échange (affectée d’un spread de liquidité)

o Les valeurs d’usage (non affectée d’un spread de liquidité) ;

- L’un des phénomènes amplificateur de la crise a été la prise en compte du

spread de liquidité sur des valeurs d’usage, d’où l’obsolescence de la norme IAS

39 ;

- L’application renforcée de l’évaluation à la juste valeur implique de pouvoir

renforcer les structures internes et externes de contrôle des modèles de calcul de

la juste valeur (lorsque la valeur sur un marché actif ou non n’est pas disponible

et que l’entité calcule elle-même la juste valeur) et de les doter avec des

ressources suffisantes pour effectuer cette tâche.

Le terme « fair value » est lui-même vivement critiqué dans ce rapport car un actif

financier peut par exemple parfaitement avoir 2 voir 3 valeurs que l’on peut qualifier de

« fair » :

- Le prix de marché peut être retenu et être « fair » dans le cas d’un actif destiné à

l’échange

- Le prix de modèle peut être retenu si le marché de l’actif est illiquide

- Le prix d’usage peut être retenu si l’actif est un élément structurel du processus

de production

Les 3 estimations peuvent donner des valeurs très différentes mais n’en restent pas

moins « fair », et le terme « fair value » d’un actif/passif est ainsi trop peu précis pour

être utilisé dans le but de donner une information utile et fiable aux utilisateurs des états

financiers.

La crise financière mondiale a ainsi accentué la pression à l’encontre de la norme IAS

39, qui renferme en son sein le principe d’évaluation à la juste valeur des actifs et

passifs financiers. C’est cette juste valeur qui est au cœur de toutes les critiques, elle est

définie dans la norme IAS 39 comme « Le montant pour lequel un actif pourrait être

10

2008: crise des subprimes

Chute de la "juste valeur" des titres

touchés par la crise

Effondrement du bilan des banques et

institutions financières porteuses

de ces titres

échangé ou un passif éteint, entre des parties bien informées et consentantes dans le

cadre d’une transaction effectuée dans des conditions de concurrence normale »2.

Cette juste valeur est décriée pour avoir un effet pro-cyclique : lorsque la situation des

marchés financiers est globalement bonne, les actifs évalués à la juste valeur au bilan

des entreprises appliquant ce modèle d’évaluation (requis par la norme IAS 39 pour

certaines catégories d’actif) ont une valeur qui va en s’accroissant, au bénéfice de

l’entreprise détentrice. Au contraire lorsque la situation s’inverse, la valeur de l’actif du

bilan de certaines entreprises peut alors s’effondrer en l’espace de quelques semaines,

entrainant des conséquences catastrophiques pour elles.

Le schéma ci-dessous résume globalement le lien de causalité et l’effet procyclique de

la juste valeur lors de la crise financière des dernières années. Entre le déclenchement

de la crise des « subprimes » et sa contagion néfaste sur l’actif et le passif des

entreprises et des banques propriétaires d’actifs et de passifs financiers évalués à la juste

valeur:

A l’opposé, le coût historique, souvent critiqué pour l’image trop peu fidèle qu’il donne

de la situation d’un actif ou d’un passif, est un véritable refuge en période de crise ou de

volatilité importante des marchés financiers.

Suite à sa réunion de novembre 2011, l’IASB (International Accounting Standards

Board) a pris le 15 décembre 2011 la décision de reporter au 1er

janvier 2015 la date

d’application de la norme internationale IFRS 9. Née par nécessité à la suite de la crise

financière mondiale de 2008, cette norme comptable internationale est censée apporter

une plus grande stabilité aux états financiers des sociétés dont les bilans sont

majoritairement constitués d’actifs et de passifs financiers en simplifiant et précisant le

champ et les conditions d’applications d’une évaluation d’un actif/passif financier à la

juste valeur.

2 Norme IAS 39, paragraphe 9, téléchargeable ici : http://www.focusifrs.com/content/view/full/4388

Figure 1 Lien entre crise financière, juste valeur et difficultés comptables

11

1.2 Le traitement des actifs et des passifs financiers dans les normes IFRS

aujourd’hui

1.2.1 Etat des lieux

Actuellement, on dénombre pas moins de 4 normes comptables de l’IASB qui traitent

du sujet des actifs et passifs financiers :

- La norme IAS 32 « Instruments financiers : présentation »

- La norme IAS 39 « Instruments financiers : comptabilisation et évaluation »

- La norme IFRS 7 « Instruments financiers : informations à fournir »

- La future nouvelle norme IFRS 9 « Instruments financiers »

Les normes IAS 32 et 39 sont aujourd’hui destinées à disparaître pour être

« regroupées » dans la nouvelle norme IFRS 9. La norme IFRS 7 quant à elle ne traite

que des informations à fournir concernant les instruments financiers. Ainsi, les normes

IAS 32 et IFRS 7, plutôt considérées comme des normes de présentation, ne sont pas les

plus polémiques.

1.2.2 Les critiques adressées à la norme IAS 39

Mal comprise, comportant une part trop importante accordée au jugement dans

l’évaluation, la norme IAS 39 est aussi et avant tout décriée pour sa complexité trop

importante.

Le 19 mars 2008, l’IASB publie d’ailleurs un « discussion paper » pour recevoir des

commentaires des différents acteurs concernés. Ce papier s’intitule « Reducing

complexity in Reporting Financial Instruments »3 (« Réduire la complexité dans la

comptabilisation des instruments financiers »), ce qui illustre bien cette forte critique de

la précédente norme et la volonté de simplification présente dans le nouveau projet de

norme.

3 Le « discussion paper » est téléchargeable ici :

http://www.ifrs.org/Current+Projects/IASB+Projects/Financial+Instruments+A+Replacement+of+IAS+3

9+Financial+Instruments+Recognitio/Discussion+Paper+and+Comment+Letters/Discussion+Paper+and+

Comment+Letters.htm

12

La liste résumée des arguments contre la norme IAS 39 est plus ou moins la suivante :

- Trop grande complexité

- La classification ne tient pas suffisamment compte de l’intention de gestion de

chaque actif

- La juste valeur est appliquée à tort sur certains instruments dits « d’usage »

- Manque de transparence

- Trop grande volatilité des états financiers établis en norme IAS 39

- Aucune anticipation possible des évènements de marché sur le thème de la

dépréciation

- Déconnexion totale entre comptabilité et gestion sur la comptabilité de

couverture

2. La norme IFRS 9 et ses derniers développements

La norme IFRS 9 est en maturation au sein des instances de l’IASB depuis 2008 et la

crise financière mondiale. Certains textes ont été rédigés de manière plus ou moins

« définitive » tandis que d’autres sont encore en projet. Nous nous intéresserons dans

cette partie principalement au thème 1 qui est le thème le plus abouti à ce jour. Nous

verrons cependant dans les parties II et III que l’IASB envisage à présent d’apporter de

légères retouches à ces textes qui étaient jusqu’à aujourd’hui considérés comme

définitifs.

2.1 Etat de la situation

La norme IFRS 9 a été publiée dans une première version le 12 novembre 2009 par

l’IASB en ne traitant que le cas de la classification et l’évaluation des actifs financiers.

La norme peut dès lors être appliquée pour les actifs financiers.

Le 28 octobre 2010, l’IASB publie la deuxième version en incluant la classification et

l’évaluation des passifs financiers. La première phase de la norme IFRS 9 est alors

complète et peut être appliquée pour l’évaluation et la classification des actifs et des

13

Thème 1

• Classification et évaluation des actifs et passifs financiers

Thème 2

• Instruments financiers: coût amorti et dépréciation

Thème 3

• Comptabilité de couverture

passifs financiers. Les entités qui décident d’adopter la norme IFRS 9 par anticipation

continuent tout de même d’appliquer la norme IAS 39 pour les aspects non encore

traités définitivement par la norme IFRS 9 comme les dépréciations et la comptabilité

de couverture.

Le 5 novembre 2009, l’IASB publie les résultats de l’exposé-sondage (« Exposure

Draft ») concernant le thème 2 : « Instruments financiers : coût amorti et dépréciation »4.

La période de commentaires sur ce thème s’est terminée le 1er

avril 2011 et le texte

proposé n’a pas satisfait les acteurs concernés. L’IASB a donc prévu un « re-exposure »

supposé arriver entre le 3ème

et le 4ème

trimestre 2012.

Le 9 décembre 2010, l’IASB publie l’exposé-sondage « Comptabilité de couverture »,

dernier axe essentiel destiné à intégrer un effet contracyclique dans la nouvelle norme

IFRS 95.

Cet exposure draft évoque le thème de la micro couverture mais pas celui de la macro-

couverture, pourtant le plus important pour les banques, notamment les banques

françaises (voir partie II).

Les trois phases de la norme IFRS 9 sont synthétisées ci-dessous :

4 Texte téléchargeable en version originale et en traduction française ici :

http://www.ifrs.org/Current+Projects/IASB+Projects/Financial+Instruments+A+Replacement+of+IAS+3

9+Financial+Instruments+Recognitio/Financial+Instruments+Impairment+of+Financial+Assetseplaceme

nt+of+IAS+39+Financial+Instruments+Recog/Financial+Instruments+Impairment+of+Financial+Assets.

htm 5 Exposure draft initial disponible ici :

http://www.ifrs.org/Current+Projects/IASB+Projects/Financial+Instruments+A+Replacement+of+IAS+3

9+Financial+Instruments+Recognitio/Phase+III+-+Hedge+accounting/edcl/ed.htm

Figure 2 Résumé des 3 composantes de la norme IFRS 9

14

L’application de la norme IFRS 9 est possible par anticipation. L’application obligatoire

devait initialement avoir lieu pour les exercices débutant à partir du 1er

janvier 2013,

mais le 16 décembre 2011, l’IASB a décidé de reporter la date de prise d’effet de la

norme aux exercices débutant à partir du 1er

janvier 2015. Il est à noter que la norme n’a

pas encore été adoptée par l’Union Européenne. La norme IAS 39 reste donc à ce jour la

norme en vigueur pour ce qui est de l’évaluation et de la classification des actifs et des

passifs financiers.

2.2 Classification et évaluation des actifs financiers

2.2.1 Définition d’un actif financier selon les normes IAS/IFRS

La définition d’un actif financier retenu dans IFRS 9 est celle d’IAS 326. Est considéré

comme un actif financier tout actif qui est :

- De la trésorerie ;

- Un instrument de capitaux propres d’une autre entité ;

- Un droit contractuel :

o de recevoir du cash ou un autre actif financier d’une autre entité ; ou

o d’échanger des actifs financiers ou des passifs financiers avec une autre

entité à la condition que l’échange soit potentiellement favorable à

l’entité ; ou

- Un contrat qui sera ou pourra être réglé en instruments de capitaux propres de

l’entité elle-même et qui est :

o un instrument non dérivé pour lequel l’entité est ou sera tenue de

recevoir un nombre variable d’instruments de capitaux propres de l’entité

elle-même ; ou

o un instrument dérivé qui sera ou pourra être réglé autrement que par

l’échange d’une somme d’argent fixée ou d’un autre instrument financier

contre un nombre fixe d’instruments de capitaux propres de l’entité elle-

même. Dans ce but, les instruments de capitaux propres de l'entité

n'incluent pas les instruments constituant eux-mêmes des contrats de

6 Texte de la norme disponible ici : http://www.focusifrs.com/content/view/full/4094

15

réception ou de livraison future d'instruments de capitaux propres de

l'entité elle-même.

2.2.2 Reconnaissance et évaluation initiale d’un actif financier

2.2.2.1 Reconnaissance initiale

La norme IFRS 9 dans son paragraphe 3 précise que l’instrument financier doit être

inscrit à l’actif lorsque l’entité acquiert l’instrument et devient donc une des parties au

contrat. La date d’échange ou la date de règlement peuvent être retenues, mais l’entité

doit toujours utiliser la même date pour l’ensemble de ses instruments.

2.2.2.2 Evaluation initiale

La valeur initiale d’un actif financier doit être sa juste valeur augmentée le cas échéant

des coûts de transaction directement attribuables à l’instrument, sauf pour les

instruments financiers qui seront par la suite mesurés à la juste valeur par le compte de

résultat.

Exemple :

Un actif est acquis par une entité pour 100 € avec une commission d’achat de 5€. Cet

actif entre dans la catégorie juste valeur par les capitaux propres. L’entité augmente

donc son actif de 105 €. Si l’actif était revendu, une commission de 10 € serait perçue.

A la date de clôture, le prix de l’actif sur un marché coté est de 100 €. L’entité

enregistre alors une perte de 5 € dans le « Other comprehensive income » dans les

capitaux propres, ne tenant pas compte de la possible commission de 10 € qui serait

perçue en cas de vente ultérieure de l’actif.

16

2.2.3 Classification et évaluation ultérieure d’un actif financier

La norme IFRS 9 impose 3 manières d’évaluer un actif :

- Le coût amorti

- La juste valeur par le compte de résultat (« Fair Value through profit and loss »

ou « FVTPL »)

- La juste valeur par les capitaux propres (« Fair Value through Other

Comprehensive Income » ou « FVTOCI »)

En cas de contrat hybride comportant un dérivé, si le contrat entre dans le champ

d’application d’IFRS 9, l’ensemble du montage doit être évalué selon l’un des 3 modes

d’évaluation ci-dessus.

2.2.3.1 Le coût amorti et la norme IFRS 9

Un actif financier est évalué au coût amorti si les deux conditions cumulatives suivantes

sont remplies :

- L’actif financier est détenu au sein d’un « business model » dont l’objectif est de

détenir l’actif jusqu’à son échéance pour en percevoir les « cash flows »

contractuels.

- Les modalités contractuelles de l’actif financier donnent lieu à des dates précises

et déterminées de « cash flows » qui sont uniquement le paiement du capital et

des intérêts sur le montant restant du capital.

Si un actif financier rempli les deux conditions cumulatives ci-dessus, l’entité doit

évaluer l’actif au coût amorti à la seule exception près qui est celle de l’option pour la

juste valeur par le compte de résultat (que je traite dans la partie 2.2.3.2).

17

2.2.3.1.1 La nouveauté apportée par la norme IFRS 9 : le business

model test

C’est là l’une des réponses de la norme IFRS 9 aux critiques et aux craintes relatives au

passage vers une « Full Fair Value » (FFV).

Lors de l’évaluation d’un actif financier, l’entité doit tester son business model et se

poser la question de savoir si son objectif lorsqu’elle acquiert des instruments financiers

est de :

- Détenir ces instruments pour en percevoir les flux de trésorerie contractuels ; ou

- Réaliser la juste valeur de l’instrument avant sa date de maturité contractuelle.

Une des distinctions importantes avec la norme IAS 39 ici est le fait que le critère de

détention jusqu’à échéance n’est pas retenu : alors qu’il fallait détenir les actifs jusqu’à

leur échéance pour entrer dans la catégorie HTM (« Held To Maturity ») en IAS 39,

l’objectif en IFRS 9 est d’avoir dans son business model la volonté de percevoir les flux

de trésorerie de l’instrument financier, même si celui-ci sera vendu avant son arrivée à

échéance (si cette vente avant échéance n’est pas la raison principale de l’acquisition

bien sûr).

Ce test de business model est d’une importance majeure car elle va déterminer si un

actif financier doit être évalué sur la base de son coût amorti : solution la moins risquée

en cas de crise financière par exemple ; ou sur la base de sa juste valeur, par le compte

de résultat ou par les capitaux propres.

La considération qui doit être prise en compte est d’ordre global : une entité ne peut pas

tester son business model pour un seul actif financier. Le niveau minimum doit être le

niveau Business unit ou au moins le niveau portefeuille. Ainsi si un instrument

financier est acquis dans le but de rejoindre un portefeuille de trading, le business model

de ce portefeuille est de réaliser la juste valeur des actifs financiers qui le compose

avant leur échéance : l’instrument financier ne sera alors pas évalué au coût amorti mais

à la juste valeur.

18

La norme IFRS 9 précise que le business model est déterminé par les personnes clés du

management de l’entité, comme elles sont définies dans la norme IAS 24 « Informations

relatives aux parties liées ».

Un des points importants de ce nouveau critère de classification est le fait que le

business model de l’entité n’est pas un choix : il est la résultante de faits qui peuvent

être observés par la façon dont l’entité est gérée et par les informations qui sont fournies

au management.

Le business model une fois testé est normalement fait pour rester le même sur une durée

relativement longue. Si toutefois le business model venait à changer, IFRS 9 requiert

que l’actif soit reclassifié à la juste valeur.

Le cas des business model multiples :

Il arrive qu’une même entité gère ses actifs financiers selon divers objectifs : percevoir

les flux de trésorerie pour certains portefeuilles, réaliser la juste valeur de l’instrument

pour d’autres portefeuilles etc.

C’est notamment le cas de la très grande majorité des banques aujourd’hui, qui ont d’un

côté leur activité de banque de détail classique et de l’autre leur activité de banque de

marché.

La norme IFRS 9 préconise alors dans une telle situation de regarder le business model

du portefeuille dans lequel sera intégré l’actif pour déterminer s’il faut l’évaluer au coût

amorti ou à sa juste valeur.

Il peut arriver qu’une entité vende certains des actifs qu’elle détient dans un portefeuille

évalué au coût amorti avant leur date de maturité. Cela peut relever d’une décision de

gestion : baisse du « credit rating » de l’actif en dessous du niveau requis par la

politique d’investissement de la société par exemple, ou besoin de fond urgent de la

société imposant de vendre certains actifs. Tant que ces ventes avant échéances ne

deviennent pas une certaine « habitude », la société conserve son portefeuille au coût

amorti. Dans le cas contraire, la société doit se poser la question de réévaluer son

portefeuille à la juste valeur de celui-ci.

19

2.2.3.1.2 Le test des caractéristiques contractuelles des flux de

trésorerie

Pour qu’un instrument financier soit évalué au coût amorti, la seconde condition à

remplir est que l’instrument donne lieu à des dates définies au versement de flux de

trésorerie qui sont exclusivement le paiement du capital et des intérêts liés au capital

restant dû. La norme IFRS 9 donne une définition précise de ce que doivent représenter

les intérêts versés :

Les intérêts sont ainsi définis dans la norme comme la “consideration for the time value

of money and for the credit risk associated with the principal amount outstanding

during a particular period of time” soit la contrepartie de la valeur temporelle de

l’argent et du risque de crédit associé à l’encours du principal au cours d’une

période de temps déterminée.

Exemple :

Le cas des obligations zéro coupon :

Lorsqu’une entité acquiert une obligation d’une autre entité qui ne spécifie aucun taux

d’intérêt contractuel, l’obligation remplit toutefois les critères du test des

caractéristiques contractuelles des flux de trésorerie. En effet, lorsque le remboursement

de l’obligation aura lieu, la société émettrice de l’obligation versera le montant du

nominal de l’obligation augmenté d’un taux d’intérêt qui est la rémunération de la

valeur de l’argent durant la durée de l’obligation et du risque de crédit de l’entité. Le

test est donc satisfaisant pour l’entité qui acquiert l’obligation zéro coupon.

Les intérêts doivent dans tous les cas ne rémunérer que le prix de l’argent et le risque de

crédit de l’emprunteur.

On peut prendre pour exemple quelques cas particuliers d’instruments financiers qui,

sauf exception, remplissent les conditions du test des caractéristiques contractuelles des

flux de trésorerie :

- Les prêts à taux fixes ou variables

- Les instruments de dettes perpétuels : seulement si les intérêts ne rémunèrent

que le prix de l’argent et le risque de crédit de l’emprunteur

20

- Les instruments de dette dont les intérêts contractuels ne sont pas basés sur un

indice de taux d’intérêts : si par exemple l’instrument rémunère à un taux

d’intérêt déterminé en fonction du résultat net de l’émetteur, l’instrument

financier échoue au test car les intérêts ne rémunèrent pas uniquement le coût de

l’argent emprunté et le risque de crédit de l’emprunteur

- Les prêts assortis de garanties

- Les prêts en monnaies étrangères

- Etc.

2.2.3.2 Les instruments financiers évaluables à la juste valeur par le

compte de résultat (FVTPL) en IFRS 9

La grande simplification de la norme IFRS 9 relève du fait que les instruments

financiers qui échouent à l’un des deux tests pour l’évaluation au coût amorti (business

model ou caractéristiques contractuelles des flux de trésorerie) sont automatiquement

évalués à leur juste valeur.

Le cas échéant, les actifs financiers sont alors évalués à leur juste valeur par le compte

de résultat, sauf si l’actif est un placement en action non détenu dans un but de

trading.

L’option pour la juste valeur par le compte de résultat:

Certains actifs qui remplissent les critères de l’évaluation au coût amorti peuvent être

évalués à la juste valeur par le compte de résultat par option.

Cette option peut être retenue si l’évaluation à la FVTPL permet d’éviter une

inadéquation comptable qui aurait eu lieu en cas d’évaluation au coût amorti.

Par exemple : Une entité qui a des passifs sous contrats d’assurance dont l’évaluation

prend en compte des informations actualisées, et des actifs financiers liés qui seraient en

temps normal évalués au coût amorti. L’option pour la FVTPL permet ici de faire en

21

sorte que les variations de juste valeur des actifs financiers soient reconnues au compte

de résultat en même temps que les variations de valeur des passifs financiers.

Autre exemple : Une entité a des actifs financiers, des passifs financiers, ou les deux,

qui partagent un même risque (Risque de taux d’intérêt par exemple) et qui donnent lieu

à des variations opposées dans la juste valeur des actifs d’un côté et des passifs de

l’autre qui tendent à se compenser. Les actifs et les passifs financiers en question

peuvent être évalués sur des bases différentes et aucune comptabilité de couverture ne

peut être appliquée car aucun des instruments n’est un dérivé. Utiliser l’évaluation à la

juste valeur par le compte de résultat par option permet ici pour ces actifs et passifs de

réaliser une compensation comptable qui reflète la compensation économique.

2.2.3.3 La juste valeur par les capitaux propres (FVTOCI) en IFRS 9

Lors du choix initial de l’évaluation d’un actif financier, l’évaluation à la juste valeur

par les capitaux propres est une solution irrévocable. Lorsqu’une entité investit dans un

instrument de capitaux propres sans objectif de détenir cet instrument à des fins de

trading, elle doit classer cet actif financier dans la catégorie FVTOCI.

Un instrument financier est détenu pour le trading si :

- Il est acquis principalement dans le but d’être vendu et/ou racheté à court terme ;

- Lors de l’évaluation initiale il fait partie d’un portefeuille d’instruments

financiers identifiés gérés ensemble avec une tendance globale réelle pour le

profit à court terme ;

- Il s’agit d’un dérivé (sauf pour les dérivés qui sont des contrats de garantie

financière ou des outils de couverture efficace)

La décision d’évaluer un actif en FVTOCI doit se faire instrument par instrument. Une

fois cette évaluation faite, seuls les dividendes vont au compte de résultat (s’ils ne font

pas partie d’un remboursement du coût de l’investissement). Il est strictement

impossible de transférer un actif en FVTOCI en FVTPL.

22

2.2.3.4 Synthèse des méthodes d’évaluations et des critères de

décision

Le tableau ci-dessous reprend les différentes possibilités de classification en fonction du

type d’actif financier :

Type d’actif financier

Catégorie d’évaluation Instrument dérivé Investissement dans un

instrument de capitaux

propres

Investissement dans un

instrument de dette

Coût amorti X

FVTPL

- Obligatoire

- Par option

X

X

X

X

FVTOCI X

Tableau 1 Classification des actifs financiers en norme IFRS 9

23

L'instrument financier est-il un

actif dérivé?

FVTPL

L'actif est-il un investissement dans un instrument de capitaux

propres?

L'actif répond-il aux critères de la détention pour la trading?

L'entité a-t-elle désigné l'investissement en capitaux

propres comme étant à la FVTOCI?

FVTOCI

L'actif financier est-il détenu avec l'objectif de percevoir les

flux de trésorerie contractuels?

les flux de trésorerie sont-ils seulement le paiement du

capital et des intérêts sur le capital restant du?

L'entité a-t-elle utilisée l'option pour la juste valeur par le

compte de résultat pour réduire une inadéquation comptable?

Coût amorti

Le schéma ci-dessous résume le cheminement et le questionnement à suivre selon les

préconisations d’IFRS 9 pour savoir quel type d’évaluation retenir pour un actif

financier :

2.2.3.5 Le cas des reclassifications inter-catégories

Du coût amorti vers la FVTPL :

Une entité peut être amenée à reclassifier un actif au coût amorti à la FVTPL si elle

change son business model ou le business model du portefeuille dans lequel se trouve

l’actif.

De la FVTOCI vers la FVTPL :

Ce reclassement est strictement impossible en IFRS 9.

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Non

Non

Non Non

Non

Non

24

Les reclassifications sont supposées être rares et très peu fréquentes. Ces changements

doivent être motivés par le top management de l’entité, doivent résulter de changements

internes ou externes, doivent être significatifs pour l’entité et doivent être démontrables

à des parties extérieures à l’entité.

Evaluation à la date de reclassification :

Si une entité reclasse un actif pour qu’il soit évalué à la juste valeur, la juste valeur de la

date de reclassification doit être retenue. L’éventuelle différence entre la valeur

comptable et la juste valeur passe au compte de résultat.

Si une entité reclasse un actif à la juste valeur pour le mettre au coût amorti, sa juste

valeur au jour de la date de reclassification devient sa valeur comptable.

Si une entité reclasse un actif au coût amorti à la FVTOCI, l’entité doit présenter tout

gain/toute perte sur la différence de valeur dans son résultat étendu (« comprehensive

income ») comme le requiert la norme IAS 1.

2.3 Classification et évaluation des passifs financiers

2.3.1 Principes de classification entre instrument de capitaux

propres et dette financière

Un instrument financier doit être initialement reconnu comme étant soit un instrument

de capitaux propres soit un passif financier pour l’entité émettrice. Cette distinction doit

être faite en fonction de la substance de l’accord contractuel et de la définition d’un

instrument de capitaux propres et de passif financier donnée dans la norme IAS 32

paragraphes 15 et 18, et non de la forme légale de l’instrument.

Ainsi, pour certains instruments financiers, bien que leur forme légale les conduise à

aller normalement dans une des deux catégories, le contenu du contrat peut les faire

changer de catégorie.

25

Exemple :

Les actions de préférences sont traditionnellement classées en instrument de capitaux

propres, mais le contenu des droits et obligations qui s’y rattachent peuvent imposer le

classement en dette financière.

Une fois l’instrument classé dans une des deux catégories, la reclassification n’est

possible que si les conditions du contrat changent, à quelques rares exceptions près.

Définition d’un passif financier selon la norme IAS 32 (reprise dans la norme IFRS 9):

Est un passif financier tout passif qui est :

- Une obligation contractuelle :

o de remettre du cash ou un autre actif financier à une autre entité ; ou

o d’échanger des actifs ou des passifs financiers à des conditions

potentiellement défavorables pour l’entité ; ou

- Un contrat qui sera ou pourra être réglé en instruments de capitaux propres de

l’entité et qui est :

o Un instrument non dérivé pour lequel l’entité est ou pourrait être tenue

de livrer un certain nombre de ses propres instruments de capitaux

propres ; ou

o Un instrument dérivé qui sera ou pourra être réglé par un moyen autre

que l’échange d'un montant fixe de trésorerie ou d'un autre actif financier

contre un nombre fixe d'instruments de capitaux propres de l'entité elle-

même. Dans ce but, les instruments de capitaux propres de l'entité

n'incluent pas les instruments constituant eux-mêmes des contrats de

réception ou de livraison future d'instruments de capitaux propres de

l'entité elle-même.

Cette définition contient les modifications apportées par l’amendement de la norme IAS

32 d’octobre 2009 « Classification of Rights Issues ».

La norme définit un instrument de capitaux propres comme tout instrument qui donne

droit à un intérêt résiduel sur l’actif de la société après déduction de ses passifs.

26

2.3.2 L’obligation contractuelle de remettre de la trésorerie ou un

autre actif financier

La distinction essentielle entre dette financière et instrument de capitaux propres porte

donc sur l’obligation contractuelle de délivrer une somme d’argent ou d’échanger un

actif financier à des conditions défavorables à l’entité. En effet dans le cas d’un

instrument de capitaux propres, même si l’entité peut avoir à verser des dividendes ou

d’autres versements, il n’y a aucune obligation contractuelle à le faire.

Attention, si l’on prend l’exemple d’un instrument avec obligation de rachat à échéance

5 ans pour un montant fixe ou déterminable, cet instrument remplit donc les critères

d’une dette financière.

Exemple : prenons l’exemple d’une action de préférence avec obligation de rachat à

échéance 15 ans, avec une obligation contractuelle de racheter les actions à l’échéance.

Ces actions doivent donc être classées en dette financière. De même, un instrument à

durée indéterminée mais qui comprend un coupon obligatoire est une dette financière et

non un instrument de capitaux propres.

2.3.3 Les instruments financiers rachetables

Les instruments financiers rachetables (Originalement « Puttable instruments ») sont

définis par la norme IAS 32 (et repris par la norme IFRS 9) comme un instrument

financier qui donne le droit à son porteur de rendre l’instrument à son propriétaire en

l’échange d’une somme d’argent ou d’un autre actif financier, ou qui sont

automatiquement rachetables par l’émetteur en cas de survenance d’un évènement futur

et incertain, ou lors de la fin ou abandon du détenteur de l’instrument.

Ces instruments financiers sont généralement classés comme étant des dettes financières

de par l’obligation contractuelle qui existe de verser du cash ou un actif financier.

Cependant, sous certaines conditions spécifiques, ces instruments financiers peuvent

être classés en instrument de capitaux propres.

27

Les critères sont les suivants :

- Le détenteur a droit à un prorata de l’actif net de l’entité émettrice en cas de

liquidation de celle-ci.

- L’instrument est dans une catégorie subordonnée à toutes les autres classes

d’instrument en cas de liquidation.

- Tous les instruments classés dans la catégorie subordonnée à toutes les autres

doivent avoir les mêmes caractéristiques. Par exemple ils doivent être tous

rachetables et la formule de calcul utilisée pour déterminer leur prix de rachat

doit être la même.

- En dehors de l’obligation contractuelle pour l’émetteur de racheter ou de

rembourser l’instrument en cash ou par un autre actif financier, l’instrument ne

doit pas inclure d’obligation contractuelle de verser de l’argent ou un autre actif

financier à une autre entité, ou d’échanger un actif ou un passif financier avec

une autre entité à des conditions défavorables pour elle-même, et n’est pas un

contrat qui sera ou pourrait être conclu en instruments de capitaux propres de

l’entité elle-même.

- Le total attendu des flux de trésorerie attribuable à l’instrument tout au long de

sa durée de vie sont basés sur le résultat, la variation de l’actif net comptable ou

les variations de juste valeur comptabilisées ou non de l’entité.

2.3.4 Les autres instruments financiers classés en dette financière

2.3.4.1 Les instruments qui donnent droit à une part au prorata de

l’actif net en cas de liquidation

Lorsque la liquidation d’une entité est certaine d’intervenir et est en dehors du contrôle

de l’entité, en cas de durée de vie limitée par exemple, la sortie de trésorerie est

obligatoire et inéluctable, et l’instrument doit être classé en dette financière.

Il existe une exception lorsque l’émetteur d’un tel instrument financier doit délivrer à

une autre partie une part au prorata de l’actif net uniquement en cas de liquidation.

28

2.3.4.2 Les restrictions de capacité à satisfaire les obligations

contractuelles

Les restrictions sur l’obligation contractuelle de verser de la trésorerie ou un autre actif

financier, comme une approbation réglementaire pour le faire par exemple, n’annule pas

cette obligation. La classification en dette financière doit donc être conservée.

2.3.4.3 Les obligations contractuelles non explicites

Il peut arriver que découle d’un contrat une obligation contractuelle non explicitée dans

le contrat. Dans ce cas, l’instrument est à classer en dette financière.

Exemple : un instrument financier est une dette financière s’il est prévu qu’au moment

du règlement, l’entité doit délivrer du cash, un autre actif financier ou, si elle en est

incapable, des parts de son propre capital dont la valeur excédera ce qu’elle aurait du

payer en cash/actif financier.

2.3.4.4 Le remboursement par des instruments de capitaux propres

Il peut arriver qu’un instrument financier implique l’obligation pour l’émetteur de

délivrer des parts de son propre capital pour arriver au montant du remboursement

prévu en trésorerie/actif financier. Cette situation rejoint la précédente et l’entité doit

classer ce passif en dette financière.

2.3.4.5 Les dispositions relatives au règlement « éventuel »

Certains instruments financiers peuvent être structurés de manière à ce que cette

obligation de délivrer de la trésorerie ou un autre actif financier se produise selon la

survenance (ou non survenance) d’un évènement futur incertain hors du contrôle de

29

l’émetteur et du détenteur de l’instrument. La norme IAS 32 (reprise par la norme IFRS

9) considère ici que l’émetteur n’a aucune possibilité d’éviter le versement de trésorerie

ou d’actif financier et doit donc comptabiliser cet instrument comme une dette

financière à moins que :

- La clause conditionnelle de règlement ne soit pas réelle, authentique ; ou

- Le règlement en trésorerie ou autre actif financier ne peut se produire qu’en cas

de liquidation ; ou

- L’instrument remplit les critères de l’instrument financier rachetable ou de

l’obligation découlant de la liquidation devant être classifiés comme instruments

de trésorerie.

2.3.5 Les instruments de capitaux propres

La classification d’un instrument financier en capitaux propres est possible si

l’instrument échoue à remplir les critères de la classification en dette financière comme

vu ci-dessus. L’élément clé de la classification en dette financière c’est la capacité

inconditionnelle de l’émetteur à remettre de la trésorerie ou un autre actif financier.

Cette capacité n’est pas affectée par :

- L’habitude de faire des versements

- L’intention de faire des versements dans le futur

- Un possible impact négatif sur le prix des actions ordinaires de l’émetteur si des

versements ne sont pas faits concernant l’instrument financier en question

- Le montant des réserves de l’émetteur

- Les expectations de l’émetteur pour une période de profit ou perte

- Une capacité ou incapacité de l’émetteur à influencer le montant de ses

gains/pertes pour l’exercice.

30

2.3.6 Les instruments financiers composés

Certains instruments financiers sont structurés de manière telle qu’ils sont composés à

la fois d’une partie qui va en capitaux propres et à la fois une partie qui va en dette

financière. Ce sont des instruments composés. Une obligation convertible (OC),

obligatoirement ou selon la volonté du détenteur, est un exemple d’instrument financier

composé.

La norme IAS 32 reprise par la norme IFRS 9 préconise que les deux parties de

l’instrument soient comptabilisées séparément. Cela consacre le principe de « substance

over form » prôné par les normes IAS/IFRS. On évalue ainsi un instrument selon les

termes et modalités du contrat plutôt que sur la forme légale de l’instrument, le tout

pour une meilleure transparence et un meilleur reflet de la réalité économique dans les

états financiers comptables.

Une OC doit donc être comptabilisée en deux parties :

- Une partie dette financière liée à l’obligation de verser de la trésorerie

- Une partie pour l’option de convertir en parts de l’entité émettrice

Pour cela en pratique, on commence par évaluer la juste valeur de la partie dette

financière de l’instrument financier. Puis on va évaluer la juste valeur de l’ensemble de

l’instrument financier et déduire la JV de la composante dette pour obtenir la juste

valeur de la composante capitaux propres. En effet les capitaux propres sont sensés être

le résidu une fois que l’on a « netté » l’actif et le passif. Cela permet également de

s’assurer qu’aucun gain/perte ne soit reconnu lors de la comptabilisation initiale de

l’instrument financier.

L’évaluation initiale de la juste valeur de la partie dette se fait en actualisant les flux

contractuels de trésorerie avec un taux d’intérêt qui est celui que l’on trouve sur le

marché pour des instruments à la qualité de crédit similaire et des flux de trésorerie

équivalent mais sans option de conversion.

Par la suite, la composante dette sera évaluée en fonction de sa classification en FVTPL

ou en « Autre dette » et donc au coût amorti.

La composante instrument de capitaux propres ne sera pas réévaluée.

31

Flux de trésorerie liés à une dette

financière

Compte de résultat

Flux de trésorerie liés à un instrument de capitaux propre

Capitaux propre (net d'impôt)

2.3.7 Le traitement des intérêts, dividendes, gains et pertes et

autres éléments liés

Le traitement des flux de trésorerie d’un instrument est entièrement lié au sort de cet

instrument.

Les flux de trésorerie liés à une dette financière passeront directement en compte de

résultat, tandis que les distributions aux propriétaires du capital vont directement en

capitaux propres net de tout bénéfice d’impôt. De la même manière, les coûts de

transaction sur les opérations de capitaux propres vont en déduction des capitaux

propres.

2.3.8 Les actions d’auto-détention

Lorsqu’une entité rachète ses propres actions, ces actions sont alors déduites des

capitaux propres. Aucun gain ou perte n’est reconnu sur l’achat, la vente, l’émission ou

l’annulation d’actions propres à l’entité. Les achats et ventes d’actions de la société sont

un transfert de propriétaires, les sommes reçues et versées vont en fonds propres.

32

2.3.9 Classification des dettes financières

Toutes les dettes financières doivent être classées et donc mesurées au coût amorti en

utilisant la méthode du taux d’intérêt effectif (TIE), sauf en ce qui concerne :

- Les dettes financières à la FVTPL (voir ci-dessous);

- Les dettes financières qui apparaissent lorsque le transfert d’un actif financier ne

le rend pas éligible à la décomptabilisation ;

- Les contrats de garantie financière mesuré à la FVTPL qui ne sont pas

comptabilisés sous la norme IFRS 4 « Contrats d’assurance »

- Les engagements d’accorder un prêt à un taux d’intérêt inférieur à celui du

marché

Les instruments financiers couverts sont concernés par le thème 3 de la norme, qui traite

de la comptabilité de couverture.

2.3.9.1 Les dettes financières à la FVTPL

Cette catégorie se subdivise en deux :

- Les dettes financières détenues à des fins de spéculation (« Held For Trading »

HFT)

- Les dettes financières désignées par l’entité pour être mesurées à la FVTPL

2.3.9.1.1 Les dettes financières « Held For Trading »

Une dette financière appartient à la catégorie Held For Trading (HFT) si elle rentre dans

l’une des catégories suivantes :

- Les dettes contractées dans le but de les racheter à court terme ; ou

33

- Les dettes financières qui lors de leur comptabilisation initiale ont été intégrées à

un portefeuille d’instruments financiers gérés ensemble et pour lesquelles il y a

une évidente volonté de gestion tournée vers les profits court-termistes ; ou

- Les passifs dérivés, à moins qu’il ne s’agisse d’un contrat de garantie ou qu’ils

fassent partie d’une couverture.

Le simple fait de recourir à une dette financière pour financer ses activités de trading ne

suffit pas à placer cette dette financière en HTF.

2.3.9.1.2 Les dettes financières désignées à la FVTPL

Une dette financière peut être désignée à la FVTPL si elle remplit l’une des 3 conditions

suivantes :

- La désignation « élimine ou réduit de manière significative une incohérence

dans l’évaluation ou dans la comptabilisation qui autrement découlerait de

l’évaluation d’actifs ou de passifs ou de la comptabilisation des profits et pertes

sur ceux-ci sur des bases différentes »7 ;

- Un groupe d’actifs et/ou de passifs financiers est géré et évalué sur la base d’une

juste valeur, en accord avec la documentation fournie par le « risk

management », et des informations sur le groupe sont fournies en interne au top

management ;

- Dans le cas d’un instrument financier hybride contenant un ou plusieurs dérivés

incorporés, l’entité peut désigner l’ensemble du contrat comme à la FVTPL.

Cette désignation pour la juste valeur est définitive et irrévocable. Il en est de même

d’une façon plus générale pour l’ensemble des reclassifications d’une dette financière

en entrée ou en sortie de la catégorie FVTPL.

7 Repris du texte de la norme, voir exposure draft de septembre 2009 page 13 paragraphe 9 téléchargeable

ici en français et en anglais :

http://www.ifrs.org/Current+Projects/IASB+Projects/Financial+Instruments+A+Replacement+of+IAS+3

9+Financial+Instruments+Recognitio/Phase+I+-

+Classification+and+measurement/Exposure+Draft+Comment+Letters/Exposure+Draft+Comment+Lette

rs.htm

34

3. L’IASB proche d’un consensus sur les dépréciations mais travaille

toujours sur la couverture

3.1. La méthode des « 3 bucket »

Après avoir publié un premier texte fin 2009 unanimement rejeté par les acteurs

concernés, l’IASB a revu sa copie début 2011 et est resté attentif aux commentaires

reçus. Il semblerait que le régulateur comptable international soit arrivé à un consensus

sur la question avec sa méthode dite des « 3 bucket ».

Cette méthode, non encore définitivement confirmée, le « re-exposure draft » étant

attendu pour fin 2012 au plus tard, scinderait en 3 catégories les actifs financiers :

Bucket 1 :

Tous les actifs commenceraient dans le 1er

« seau » lors de leur première

comptabilisation. La provision qui serait affectée aux actifs de ce premier seau

correspondrait aux« expected loss » (« pertes attendues ») des 12 prochains mois de la

vie de l’actif. Sur le modèle de ce qu’a publié le comité éponyme lors des accords de

Bâle II, les expected loss seraient le résultat du produit de la probabilité de défaut de

l’emprunteur, de l’exposition de la banque vis-à-vis de cet emprunteur et du

pourcentage de perte en cas de défaut. Nous y reviendrons plus en détail dans la partie II.

Bucket 2 :

Les actifs évalués sur le bucket 1 seraient déversés dans le 2ème

seau par portefeuilles

lorsqu’il y aurait une détérioration plus qu’insignifiante de la qualité du crédit du

débiteur depuis la comptabilisation initiale, et que la probabilité d’un défaut soit telle

qu’il deviendrait possible et envisageable que les cash-flows liés à l’actif puisse être

affectés par cette situation.

Les provisions sur ce bucket seraient donc des « provisions de portefeuille » qui

prendraient en compte l’intégralité de la durée de vie de l’actif (et non plus 12 mois

comme dans le bucket 1).

35

Certains actifs pourraient commencer leur « parcours » directement dans ce 2er

seau.

Les provisions liées à ces actifs prendraient alors en compte les changements dans la

qualité de crédit du débiteur sur l’ensemble de la durée de vie de l’actif depuis son

acquisition.

Bucket 3 :

Les actifs du 2ème

seau seraient ensuite déversés un par un dans le 3ème

et dernier seau,

qui serait celui des contreparties en défaut. Les critères seraient les même que pour la

transition du 1er

vers le 2ème

seau mais l’analyse serait cette fois faite sur une base

individuelle afin d’identifier clairement les contreparties en défaut au sein d’un

portefeuille.

Certains actifs pourraient commencer leur « parcours » directement dans ce 3ème seau.

Comme pour le bucket 2, les provisions liées à ces actifs prendraient alors en compte les

changements dans la qualité de crédit du débiteur sur l’ensemble de la durée de vie de

l’actif depuis son acquisition.

Cette méthode des 3 bucket est appelée dans la pratique courante « the good, the bad

and the ugly » (« Le bon, le mauvais et l’affreux ») en référence aux 3 catégories

d’actifs.

Le débat suit son cours sur la manière d’évaluer les provisions à 12 mois et les

provisions sur l’ensemble de la durée de vie des actifs concernés.

3.2. La comptabilité de couverture dans l’attente

L’IASB a publié un review draft fin 2011 qui traite uniquement du cas de la micro-

couverture, qui n’intéresse que très marginalement les banques.

Le texte sur la macro-couverture est attendu lui pour la fin 2012 selon le calendrier de

l’IASB. Les banques sont donc attentives aux publications sur le sujet.

36

La norme IAS 39 est donc aujourd’hui considérée comme trop obsolète et trop peu

représentative de la situation économique des banques et des autres acteurs concernés.

La crise a brutalement réveillé le besoin de renouveau sur cette norme très ancienne.

L’IASB a immédiatement réagi et publié son projet de norme IFRS 9 en séparant son

travail en 3 thèmes distincts. Intéressons nous désormais à ce qu’en pensent les acteurs

impliqués au 1er

plan : les banques

37

II – L’approche de la transition du point de vue des acteurs

concernés au premier plan: les banques et l’ensemble de la profession

comptable

Le projet de norme IFRS 9 est un projet qui dure, qui traine même diront certains.

Débutée dès 2008, la norme est aujourd’hui prévue pour entrer en application

obligatoire au 1er

janvier 2015, soit près de 7 ans après. Pourquoi un tel délai ? Nous

ferons un tour d’horizon de l’avis des banques sur les différents chantiers de la norme

qui retardent son entrée en application de par leurs implications stratégique sur les états

financiers des banques du monde entier. Nous nous intéresserons également en premier

lieu aux réponses apportées par la future norme de l’IASB aux problématiques de la

crise financière ?

1. Une approche méthodologique basée sur des entretiens et une étude

de terrain du cabinet Deloitte

1.1. Deux entretiens réalisés auprès de deux spécialistes des normes IFRS et du

secteur bancaire

J’ai eu l’occasion lors de mon stage de fin d’étude chez Deloitte de pouvoir rencontrer

plusieurs clients soumis à des sujets de consolidation. Cependant, malgré mes

nombreuses demandes, aucun d’entre eux ne maitrisait suffisamment le sujet de la

future norme IFRS 9, ni ne l’appliquait concrètement lors de leur travail quotidien pour

m’accorder un entretien qui soit réellement enrichissant pour mon mémoire.

C’est donc en interne, chez Deloitte, que j’ai eu l’opportunité de réaliser deux

entretiens sur le sujet.

Le premier entretien fut la rencontre de Madame Laure Attia, manager en « Consulting

& Risk services », membre du département risk advisory. Laure Attia est une

spécialiste de la gestion des risques et des instruments financier., Elle s’occupe

38

notamment de la mise en place opérationnelle des nouvelles réglementations applicables

aux instruments financiers auprès de ses clients, elle participe à de nombreuses missions

de conseils sur le sujet.

Le deuxième entretien que j’ai réalisé fut avec Madame Manon Jacquet-Lagreze, senior

manager arrivée chez Deloitte depuis 4 mois. Avant cela, Madame Jacquet-Lagreze a

travaillé pendant 10 années au sein d’une grande banque française dont elle a souhaité

que le nom reste anonyme. Son travail portait notamment sur le calcul des impacts de la

classification et de l’évaluation des instruments financiers dans cette banque. Elle a

passé 7 années au sein du département normes comptables de cette banque, en

travaillant beaucoup sur la comptabilité de couverture. Chez Deloitte, Manon Jacquet-

Lagreze fait partie de l’équipe DQEPP (Direction Qualité Ethique et Protection

Professionnelle) spécialiste des normes, et fait partie de « l’IFRS center of excellence ».

Elle fait plus précisément partie de l’équipe « principes comptables » et travaille

spécifiquement sur les instruments financiers. Il y a deux grands volets dans les

missions réalisées par son équipe:

- suivi de l’évolution normative, pour anticiper quels seraient les impacts sur les

clients et former les collaborateurs de Deloitte ; et

- un rôle de consultation, auprès des équipes d’audit par exemple.

Les expériences conjointes de ces deux grandes spécialistes de la question nous

éclaireront lors de la suite de ce mémoire.

1.2. L’exploitation d’une étude réalisée par le cabinet Deloitte sur les normes

IFRS appliquées au secteur bancaire

Sur le premier trimestre 2012, Deloitte a réalisé sa seconde enquête de terrain8

concernant le secteur bancaire et son appréhension des développements futurs des

normes IFRS le concernant.

8 Les deux enquêtes sont disponibles en téléchargement à cette adresse :

http://www.iasplus.com/en/publications/global-ifrs-banking-surveys/global-banks-react-to-developing-

accounting-reform/file

39

Les résultats de cette étude ont été publiés le 19 avril 2012. Les objectifs de cette étude

sont les suivants :

- Aider le secteur bancaire à mieux comprendre et à le sensibiliser sur les impacts

futurs des normes IFRS qui le concerneront, avec un focus important sur la

norme IFRS 9 ;

- Assister le secteur bancaire dans sa préparation et son planning de mise en

application de ces normes ;

- Aider Deloitte et d’une manière générale la profession de comptable et

d’auditeur à préparer les défis qui risquent d’apparaître lors de l’audit des états

financiers des banques établis sous ces nouvelles règlementations.

Dans cette étude réalisée par le réseau Deloitte monde, 32 questions ont été posées à 56

banques du monde entier, dont plus de la moitié des 50 plus grandes banques mondiales

(classées selon leur total actif) et 19 des 29 établissements financiers considérés comme

« systémique » par le Financial Stability Board9.

La répartition géographique des participants est la suivante :

Figure 3: répartition géographique des participants ayant répondu (EMEA=Europe, Middle East and Africa)

Les réponses seront détaillées et utilisées dans la suite de notre réflexion.

9 Site internet du FSB : http://www.financialstabilityboard.org/

40

2. La pression des banques en faveur de la réforme de la norme IAS 39

2.1. Sur le terrain, la norme IFRS 9 est perçue comme une réponse comptable à

la crise

D’après Laure Attia, il ne fait aucun doute que la norme IFRS 9 est née principalement

du fait de la crise financière. A cette époque, toutes les institutions financières et les

gouvernements se sont retournés vers les régulateurs comptables pour critiquer les

comptes établis en norme IAS 39. Selon eux, ces comptes ne reflètent pas correctement

l’activité des entreprises, et ils ne permettent pas à ces dernières d’anticiper

correctement des évènements de marché. L’un des principaux points de critique

concerne l’ « impairment » (dépréciation) des pertes attendues plutôt que les pertes

constatées pour les actifs évalués au coût amorti.

La crise a finalement poussé l’IASB et le FASB (le régulateur comptable américain, qui

partage certains travaux de l’IASB) à retravailler cette norme. Le mot d’ordre initial des

IFRS était le « Full Fair Value », mais cette proposition n’est pas perçue comme étant

réaliste en pratique. Même les banques anglo-saxonnes, réputées en faveur d’un passage

fort vers la juste valeur, ont mis tout leur poids dans la balance pour s’opposer au projet

de Full Fair Value examiné par le FASB en 2010. Lors de sa réunion du 25 janvier 2011,

le FASB semble ainsi abandonner l’idée d’une Full Fair Value pour se rallier au projet

de l’IASB et de sa norme IFRS 9.

En effet, il n’est pas pertinent selon Laure Attia et Manon Jacquet-Lagreze d’évaluer un

actif à la juste valeur si l’intention de son porteur est de le détenir jusqu’à échéance pour

en percevoir les flux de trésorerie. Il n’apparait pas pertinent pour la qualité de

l’information financière de faire passer des variations de valeur de ces titres en résultat.

41

2.2. La norme IAS 39 est vue comme étant trop ancienne, complexe et

restrictive

La norme IAS 39, datant de 2003 et très peu révisée par la suite, est une norme ancienne

qui n’est plus adaptée aux exigences du marché bancaire. La norme IFRS 9 vient donc

soulager les banques qui font part à l’IASB du moindre de leur mécontentement pour

arriver à une norme reflet de la réalité économique et qui ne soit pas un handicap

obligatoire à appliquer.

Manon Jacquet-Lagreze, forte de sa bonne

expérience du secteur bancaire, nous explique

que la norme IAS 39 est unanimement vue

par les banques comme trop complexe. Les

normes IFRS sont déjà d’un niveau de

complexité souvent important, et les normes

sur les instruments financiers le sont encore

plus car elles mêlent comptabilité et finance

de marché. Ainsi, un département spécifique

est affecté dans chaque banque aux normes

comptables sur les instruments financiers. Cependant, la nouvelle norme IFRS 9 n’est

pas selon elle beaucoup plus simple. Le thème 1, réputé le plus complexe de par le

nombre de catégories et les différents modèles d’évaluation qui en découlent a

légèrement été simplifié par la double approche Business model – test des cash-flows,

mais le nombre de catégories n’est passé que de 4 à 3. De plus, la réflexion actuelle de

l’IASB, sur la demande des banques, serait d’ajouter une catégorie pour les titres de

liquidités. Ces titres, détenus dans ce que l’on appelle en langage bancaire des

« portefeuilles de liquidités » dans lesquels les banques détiennent des titres (souvent

des titres de dette souveraine) avec l’intention de les conserver jusqu’à échéance mais

peuvent être amenées à les céder en cas de besoin soudain de liquidités. Nous y

reviendrons dans l’analyse du thème 2.

Manon Jacquet-Lagreze : « Je ne

pense pas que l’on puisse parler

d’une véritable « simplification »

quant au passage de la norme IAS

39 vers la norme IFRS 9. Le terme

« Moindre complexité » serait

probablement plus adapté »

42

2.3. L’application anticipée de la norme est-elle envisageable ? Les banques

anticipent-elle les impacts futurs de la norme ?

2.3.1. Un correct niveau d’implication du « top management » au sujet

de cette anticipation

8 mois après sa première étude de terrain, le cabinet deloitte a de nouveau interrogé les

banques sur le niveau d’implication de leur conseil d’administration et de leur comité

d’audit sur les évolutions normatives comptables à venir. Le résultat est assez rassurant

avec un relativement bon degré d’implication, en très légère amélioration depuis la 1ère

étude avec une diminution des conseils et comité non impliqués.

2.3.2. L’application anticipée de la norme

Dans l’Union Européenne, il est évident qu’aucune banque n’anticipe l’application de la

norme, pour la simple et évidente raison que pour qu’une norme IAS/IFRS soit

applicable aux entreprises européennes, il faut que l’Union Européenne approuve la

norme (approche d’« endorsement »), ce qui n’est pas le cas de la norme IFRS 9.

Figure 4 Degré d’implication du board et du comité d’audit des banques sur les changements comptables à venir

43

L’Union Européenne refuse d’adopter la norme tant que celle-ci ne sera pas définitive

sur l’ensemble des thèmes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

De plus, en France, les banques veulent une catégorie supplémentaire, équivalente à la

catégorie AFS pour les titres de dettes, donc elles continuent de faire pression auprès de

l’IASB pour la révision du thème 1 qui est censé être le plus proche de son

aboutissement final. Elles ne sont donc pas pour l’application anticipée de cette norme

qu’elles continuent de contester.

Cela dit, rien n’empêche les banques de commencer à adapter leurs systèmes et à

préparer l’implémentation de la norme. Elles sont malgré tout seulement 30% à déclarer

avoir déjà commencé à le faire, tandis que 32% prévoient de commencer à le faire en

2012. Une grande partie commencera en 2013 lorsque les contours définitifs de la

norme auront été dessinés.

Laure Attia nous explique en revanche qu’au Moyent-orient, à Dubaï etc., certaines

banques ont commencé à appliquer le thème 1 de la nouvelle norme. Il en est de même

selon elle pour certaines banques en Asie.

Figure 5 Date prévue de début de l’implémentation de la norme IFRS 9

44

2.3.3. L’anticipation des impacts de la norme

Pour ce qui est de l’anticipation des impacts, les banques Européennes ne font là non

plus pas beaucoup de travaux préparatoires concrets. En témoigne le budget actuel

alloué à la transition vers la norme IFRS 9 : voir annexe 1. Les banques mondiales

accorderaient ainsi 4,8 millions d’euros en moyenne en 2012 pour préparer cette

transition, soit près d’1/3 de ce qu’elles estiment qu’elles devront dépenser au final.

Manon Jacquet-Lagreze confirme en nous

expliquant que cela représenterait une charge de

travail trop importante, et des implications

systèmes trop difficiles à gérer. Il faudrait en effet

continuer de tenir une comptabilité en IAS 39 tout

en ayant dans les systèmes informatiques un

parallèle IFRS 9, ce qui serait beaucoup trop lourd.

De plus, les banques sont déjà sous une pression

forte, et les normes les concernant sont

nombreuses :

- La norme IFRS 10 sur les états financiers

consolidés ;

- La norme IFRS 12 qui amène de nouvelles informations à fournir sur les intérêts

détenus dans d’autres entités ;

- La norme IFRS 13 sur le calcul d’évaluation de la juste valeur des actifs et des

passifs.

Cet environnement normatif en forte évolution maintient les banques sous pression et

une grande majorité d’entre elles ne peut se permettre de dépenser du temps pour

anticiper chaque norme et surtout les modifications apportées en permanence par

l’IASB en cours de production. D’autre part, le risque serait d’apporter au marché un

flux trop important d’informations, et de perdre ainsi en clarté et en lisibilité des états

financiers.

Ce qui est en revanche important selon Laure Attia, c’est que les banques réalisent des

pré-études, afin de déterminer les impacts et surtout de voir si ceux-ci seront

Laure Attia : « En France, les

banques n’anticiperont pas. Elles

produiront éventuellement, si les

autres le font et si le marché est

demandeur, des données

financières en norme IFRS 9 dans

des slides de communication pour

anticiper certains impacts, mais

c’est tout »

45

significatifs pour eux ou non. Il apparait essentiel que chaque banque détermine quels

portefeuilles vont être évalués en juste valeur, est-ce qu’il est opportun de les céder, de

les restructurer, etc. ? Il y a donc un gros travail préparatoire à faire en interne pour

éviter les mauvaises surprises le jour où la norme entrera en application.

2.4. Une date application une première fois repoussée et qui reste incertaine

L’IASB avait initialement prévu pour sa norme IFRS 9 une date d’entrée en application

pour les exercices ouverts à partir du 1er

janvier 2013. Cependant, l’avancée des travaux

sur la norme est plus compliquée que prévue et les débats sur les différents points de

discorde se sont prolongés.

De plus, l’IASB souhaiterait publier cette norme en parallèle de celle sur les contrats

d’assurance, la norme IFRS 4.

En novembre 2011, l’IASB prend donc la décision de reporter la date d’entrée en

application aux exercices commençant le 1er

janvier 2015.

Cependant, les textes de l’IASB ne sont toujours pas définitifs en ce qui concerne les

thèmes 2 et 3. Ainsi, rien n’a été publié sur la macro-couverture (une des composantes

du thème 3). Même le thème 1 pose toujours problème, notamment sur le sujet des

dérivés incorporés.

Sur le sujet de la micro-couverture, le « review-draft » de l’IASB était attendu pour la

fin 2011, puis reporté au Q1 2012, puis finalement au Q2 2012. A l’heure où ces lignes

sont écrites, l’IASB n’a pas encore publié ce review-draft attendu.

L’IASB compte laisser au minimum 2 ans aux banques et aux entreprises (les

« corporate ») pour préparer l’entrée en application de la norme. Si le calendrier veut

être respecté, l’IASB devra donc avoir publié les textes définitifs des 3 thèmes à un

horizon fin 2012. Une fois définitivement passé sur la norme IFRS 9, les banques sont

seulement 6%10

à envisager de fournir des comptes pro-forma complets qui permettront

une comparaison avec la norme IAS 39. Cependant, 44% envisagent tout de même de

fournir un pro-forma partiel.

10

Selon l’étude Deloitte

46

3. La classification et évaluation des actifs et des passifs financiers : un

objectif de simplification pas forcément atteint

3.1. Le « business model test » et le « cash-flow test » étaient réclamés par les

banques pour se rapprocher de la réalité de leur gestion

La grande nouveauté apportée par la norme IFRS 9, est la prise en compte du business

model du portefeuille dans lequel l’actif sera géré. C’était l’une des demandes les plus

urgentes des banques, afin d’éviter le Full Fair Value et d’évaluer par le résultat des

portefeuilles appartenant à leur département « retail » (dépôts et crédits à la clientèle).

Ce business model est donc unanimement jugé pertinent. Le Full Fair Value était vu

comme la simplicité, mais une simplicité risquée. Un gros travail d’analyse est donc

désormais prévu au sein de chaque banque afin de déterminer avec précision l’intention

de gestion au-dessus de chaque portefeuille. Ce business model test « à l’avantage

d’apporter une cohérence entre la gestion et la comptabilité » selon Manon Jacquet-

Lagreze.

Mais ce test du business model laisse tout de même une place au jugement de chaque

banque. En documentant correctement, une banque peut justifier un business model

plutôt qu’un autre. Selon Laure Attia, il devrait cependant y avoir un consensus, au

moins par pays au départ. En effet en interprétant de manière extrêmement stricte la

norme, les anglo-saxons, plus en

faveur de la juste valeur, devraient

passer un nombre important de

portefeuilles en FVTPL. En étant un

peu plus « lâches » sur l’interprétation

de la norme, les français par exemple

arriveront certainement à un peu moins

de juste valeur. Avec le temps ces

interprétations tendront dans le même

sens dans l’ensemble des pays selon

elle.

Manon Jacquet-Lagreze : « Le business

model test, c’était une demande récurrente

des banques. La reconnaissance des

différents business model présents en leur

même sein pour la classification et

l’évaluation de leurs actifs est essentielle

pour eux : le département « retail » à

évidemment un modèle de gestion très

différent de celui du département « capital

market » »

47

Le test des cash-flows était déjà plus ou moins présent dans la norme IAS 39, avec la

catégorie HTM (Hold To Maturity) par exemple. Ce critère risque de faire beaucoup

moins consensus que celui du business model selon Laure Attia. Manon Jacquet-

Lagreze confirme en expliquant que le critère du SPPA (« Solely Payement of Principal

and Interest », « Seulement paiement du principal et des intérêts ») peut s’avérer très

compliqué à identifier en pratique et que les interprétations de chacun ne seront pas

celles des autres.

La seule « faille » éventuelle de ces deux tests serait le cas où un actif remplit les

critères des deux tests mais est placé dans un portefeuille à la juste valeur. Il devrait

alors être évalué à la juste valeur, mais la banque devrait alors se poser soit la question

de la justesse de la décision prise de placer cet actif dans ce portefeuille soit de

l’intention réelle de gestion du portefeuille si de tels actifs sont placés en son sein.

3.2. Le débat autour des portefeuilles de liquidités représente un enjeu majeur

pour les banques

Le principal sujet sur le thème 1, c’est le cas des portefeuilles de liquidités, ces

portefeuilles que les banques se constituent comme des réserves de liquidités et qui sont

majoritairement constitués de titres de dette souveraine. Ces portefeuilles sont destinés a

priori à être conservés jusqu’à leur échéance, mais lorsqu’intervient un évènement qui

réduit les réserves de liquidités de la banque, celle-ci vend une partie de ce portefeuille,

partie plus ou moins importante en fonction de l’intensité de l’évènement. La crise

financière a ainsi conduit de nombreuses banques à se séparer d’une grosse partie de ses

titres souverains afin de récupérer des liquidités. Ces portefeuilles sont dans le modèle

IAS 39 classés en AFS (Available For Sale), et donc pas à la FVTPL.

Ce sont ces portefeuilles qui vont créer le plus de distorsions entre les banques sur le

traitement à leur réserver. Encore une fois les anglo-saxons risquent de vouloir les

passer à la juste valeur en s’appuyant sur le fait que les ventes de ces titres sont

fréquentes et significatives, encore plus en ces temps de crise, et qu’ils ne sont donc pas

détenus dans un business model de collecte des cash flows. Les banques germaniques

essayeront peut être d’en laisser la moitié au coût amorti et l’autre moitié en juste valeur,

48

les banques françaises décideront peut être de tout maintenir au coût amorti etc. Un

consensus par pays peut être envisageable mais reste insuffisant et insatisfaisant.

Cette analyse va se faire banque par banque et cette part importante laissée au jugement

risque de nuire fortement à la comparabilité entre les banques, qui est pourtant l’un

des objectifs fondateurs des normes IAS/IFRS.

Ces portefeuilles de liquidités représentent des centaines de milliards de dollars et sont

aujourd’hui l’un des enjeux majeurs pour les banques qui ont poussé l’IASB à se

repencher sur la question d’une 4ème

catégorie similaire à celle qui existait pour les AFS

auparavant, cette catégorie étant réclamée par de nombreuses banques mondiales pour

éviter d’avoir à trancher la question de manière trop brutale et de voir des portefeuilles

d’une taille aussi importante transférés subitement en FVTPL.

Le thème 1 de la norme IFRS 9 est finalement celui qui fait le plus consensus, à la fois

pour le business model test et le test des flux de trésorerie contractuels et contre la

disparition brutale de la catégorie AFS et le traitement des portefeuilles de liquidités.

4. Les nouvelles règles de dépréciation en réponse à la crise et aux effets

procycliques de la norme IAS 39

4.1. La nécessité d’une norme qui devienne contra-cyclique et d’une meilleure

anticipation des évènements de marché

La principale remarque faite à l’IASB sur la dépréciation des actifs financiers portait sur

l’aspect trop procyclique de la norme, et le manque d’anticipation d’évènements de

marché qui a complètement handicapé les banques lors de la survenance de la crise de

2008. Une fois la crise survenue, la situation des bilans des banques n’a fait que se

dégrader sans qu’aucune réaction ne soit possible.

Avec la révision de la norme IAS 39, ce sont les portefeuilles de « loans and

receivables » (« Prêts et créances ») qui ont été les principaux concernés. L’idée de

l’IASB est d’offrir un « coussin » qui va amortir le « jump » entre la situation où le titre

est considéré comme étant en « bonne santé » et aucun indice objectif de dépréciation

49

ne justifie une dépréciation de celui-ci, et le moment où le titre est à déprécier, à hauteur

50% par exemple.

Ce gap qui a eu lieu sur de très nombreux titres durant la crise a dégradé de manière

catastrophique le bilan des banques. Le passage d’un modèle d’ « incurred loss »

(« pertes constatées ») à un

modèle d’ « expected loss »

(« pertes attendues ») permettra

aux banques de provisionner au

moment d’accorder un crédit un

certain pourcentage de ce crédit.

Ce montant sera calculé sur des

bases statistiques historiques :

une banque sait que lorsqu’elle

accorde 1 000 crédits, 300 ne

seront pas remboursés par leurs

titulaires, du fait d’une insolvabilité de ceux-ci par exemple. La banque devra donc

provisionner au moment d’accorder un crédit un montant de: 300/1 000 = 3% du

montant total du crédit. Ce montant de provision viendra diminuer le résultat dans des

périodes où la situation des emprunteurs est bonne.

Ce « matelas » de 3% permettra d’amortir le choc en cas de dégradation de la situation

des emprunteurs de la banque, qui aura déjà provisionné en partie la dégradation de

cette situation. Cette évolution de la norme donne donc un effet contra-cyclique à celle-

ci.

La formule de l’expected loss est celle qui ressort des accords de Bâle II :

Expected Loss = Probability of Default (PD) * Exposure At Default (EAD) * Loss

Given Default (LGD)

Où PD est la probabilité que l’emprunteur fasse défaut, EAD l’exposition de la banque

au moment du défaut de l’emprunteur (le montant restant prêté par exemple), et LGD le

pourcentage de pertes sur le prêt en cas de défaut de l’emprunteur.

Selon les approches, les banques déterminent elles-mêmes la probabilité de défaut ou se

basent sur des notations et chiffres du comité de Bâle. La majorité des grandes banques

Manon Jacquet-Lagreze : « Ce pourcentage de

défaut peut être considéré comme un élément de

marché à part entière. Au moment d’accorder un

crédit une banque sait que sur plusieurs crédits

accordés de ce type, certains ne seront jamais

remboursés. Cette norme doit donc permettre de

traduire cet évènement avec un meilleur « timing »

que précédemment »

50

ont des notations internes sur la qualité de leurs débiteurs et sur leur probabilité de

défaut.

Le comité de Bâle a également prévu que les pertes attendues doivent être couvertes par

une provision, tandis que les pertes inattendues doivent être couvertes par des fonds

propres.

4.2. Une méthode encore incertaine

L’IASB a longtemps tâtonné pour en arriver à une méthode qui peut sembler définitive.

La méthode dite des « 3 bucket » semble s’imposer après des oppositions plus ou moins

catégoriques de la part de la profession sur les deux premières méthodes proposées.

Selon Laure Attia, le texte définitif pourrait cependant ne pas être connu avant le mois

de décembre 2012, malgré les promesses de l’IASB.

Le « bucket » 1 (littéralement « seau ») n’appelle pas de remarques particulières, il

ressemble très fortement à l’impairment tel que publié règlementairement par Bâle II.

Le bucket 3 ne pose pas lui non plus de problème, il s’agira des contreparties en défaut

et se rapproche donc du modèle de l’ « incurred loss » que l’on applique aujourd’hui.

Le bucket 2 appelle en revanche un peu plus de commentaires et d’incertitudes. On ne

sait pas encore aujourd’hui précisément comment sera calculé ce qui ressemble à une

« provision de portefeuille » ni sur quelle base elle sera calculée. Manon Jacquet-

Lagreze nous explique cependant qu’aujourd’hui les banques passent déjà des

provisions de portefeuille sur des en-cours qui ne sont pas douteux, et que la méthode

n’est donc pas tout à fait nouvelle mais que son assiette va cependant largement

s’agrandir du fait de la révision de la norme, ce qui est selon elle un bon point.

51

Le graphique ci-dessus montre bien les divergences d’opinions qui séparent en 2 les

avis des banques sur la manière de faire entrer les actifs dans les bucket. La première

solution consisterait à faire entrer tous les actifs dans le bucket 1 lors de leur

comptabilisation initiale puis de les faire descendre dans les bucket 2 et 3 au fur-et-à-

mesure que la qualité de crédit de la contrepartie se détériore. L’autre proposition serait

de faire entrer directement des actifs dans les bucket 1, 2 et 3 en fonction du risque de

crédit de leur débiteur lors de leur comptabilisation initiale.

L’IASB va devoir trancher sur le sujet et le moins que l’on puisse dire c’est que cela

divise. La méthode fait consensus mais ses modalités d’application diffèrent selon les

banques.

Il convient de rappeler que les modèles de dépréciation des banques sont revus par les

autorités de tutelle, comme l’ACP (Autorité de Contrôle Prudentiel) en France, la FSA

(Financial Services Authority) au Royaume-Uni etc. Ces modèles sont donc fiables et

approuvés, et la seule place laissée à l’interprétation des banques porte sur le

pourcentage de provisionnement à passer, l’estimation des cash-flows en début de

période si ceux-ci ne sont pas contractuels et sur la notation interne selon le degré de

qualité accordée aux débiteurs. En effet, si une banque note ses débiteurs de 1 à 10,

comment vérifier avec certitude qu’un débiteur doit bien se trouver dans la catégorie 3

plutôt que la 4 par exemple ?

Figure 6 La manière de faire entrer les actifs au sein des « bucket » divise les banques : risque de crédit à la

date d’évaluation contre détérioration ultérieure du risque de crédit

52

Le cas de la crise des dettes souveraines est un cas particulier et d’actualité. Lors de la

survenance des différentes crises des pays européens en difficulté, Grèce en premier lieu

puis Portugal, Irlande, Espagne et Italie, les banques ont cherché à alléger leurs

portefeuilles de liquidités. Certaines ont reclassé ces portefeuilles en loans&receivables

lorsque le marché est devenu inactif, ce qui leur évite ainsi de passer des provisions sur

l’illiquidité de ces titres et d’en passer seulement sur le risque de crédit associé.

Certaines banques ont fait le choix de passer ces portefeuilles en juste valeur, profitant

de leur très faible exposition pour pouvoir se prévaloir d’adopter la méthode la plus

reconnue par le marché. Les dépréciations sur la dette grecque n’ont pas soulevé de

problème particulier puisque toutes les banques se sont accordées pour déprécier entre

70% et 80% à la clôture 2011 selon les banques les titres grecs qu’elles détenaient en

portefeuille, se calquant sur le plan d’aide européen qui est censé représenter la juste

valeur de ce qu’elles pouvaient s’attendre à recevoir. L’ESMA (European Securities and

Market Authority) a publié un comminiqué sur les « disclosure » à réaliser à la clôture

comptable 2011 sur le sujet des dettes souveraines11

. Le suivi très attentif des

investisseurs et des observateurs sur le sujet à quelque peu forcé les banques à ne pas

sortir du rang et à se faire remarquer sur le sujet en provisionnant moins que toutes les

autres par exemple.

Une des questions qui reste en suspens sur ce thème est de savoir si l’IASB fournira une

base de données historiques commune aux banques pour calculer leur probabilité de

défaut ou si chacune devra faire un travail de fonds pour retrouver des historiques

fiables et ainsi partir sur une base de calcul potentiellement fiable mais aussi

potentiellement différente de celle de son concurrent. C’est l’une des difficultés qui

ressort de l’enquête Deloitte sur le sujet.

11

Communiqué téléchargeable ici :

http://www.focusifrs.com/menu_gauche/normes_et_interpretations/crise_financiere/la_dette_souveraine_

et_les_ifrs

53

4.3. Les « corporate » sont également très concernées par la question des

dépréciations

Les grandes entreprises non bancaires appliquant les normes IFRS sont une fois n’est

pas coutume concernées par la révision des règles d’impairment. Elles devront en effet

désormais provisionner un certain pourcentage de leurs ventes réalisées à crédit. La

problématique va donc les forcer à réflexion sur le sujet, et notamment sur la qualité de

la contrepartie de leurs nombreux clients. La situation et le degré de préparation des

entreprises sont très variables aujourd’hui, certaines pratiquent en effet déjà des

couvertures sur le risque de crédit de leurs clients tandis que d’autres ne sont

absolument pas équipées pour évaluer ces pertes attendues.

4.4. Un effet non négligeable pourrait se développer lors de la transition

« incurred to expected »

Comme le montre ce graphique, les banques envisagent en effet de faire évoluer le prix

des produits qu’elles offriront au marché. En effet, le passage forcé vers un modèle

Figure 7 Le prix des produits offerts par les banques pourrait varier du fait du nouveau modèle d’impairment

54

d’expected loss obligera les banques à provisionner dans leurs comptes de résultat une

partie de chaque prêt accordé.

Cela aura donc une influence directe négative sur leurs comptes de résultat. Pour

compenser, les banques pourraient être tentées d’augmenter le « prix » des produits

financiers qu’elles offriront au marché, justifiant cela par le fait que si l’on peut

anticiper qu’il y aura des pertes, il n’y a pas d’obstacle au fait d’augmenter légèrement

le prix pour compenser ce risque de non remboursement pris par la banque.

5. La comptabilité de couverture doit se rapprocher de la réalité

économique de l’entreprise et de sa gestion

5.1. Distinction entre micro et macro-couverture

La révision de la norme IAS 39 se fait en faveur d’un assouplissement des règles

relatives à la comptabilité de couverture. D’emblée, il convient de séparer notre analyse

entre :

- La micro-couverture (« micro-hedging ») : « pratique consistant à se protéger

contre le risque lié à une opération spécifique ou un actif particulier et non à

l’ensemble d’un portefeuille »12

- La macro-couverture (« macro-hedging »): se définit par opposition comme la

protection contre le risque de l’ensemble d’un portefeuille.

Les banques pratiquent les deux types de couvertures, mais la micro-couverture est

marginale par rapport à la macro-couverture. Or, le texte concernant la macro-

couverture n’a pas encore été dévoilé par l’IASB, et reste donc à ce jour le plus gros

chantier de l’IASB sur la norme IFRS 9. En effet la macro-couverture est absolument

essentielle pour les banques qui vont chercher à couvrir l’ensemble d’un portefeuille de

crédits d’un coup par exemple, plutôt que de couvrir chaque crédit un par un. Le

département ALM (« Asset and Liability Management ») d’une banque fait du micro-

hedging sur quelques gros actifs ou passifs significatifs de la banque, mais c’est bel et

bien le macro-hedging qui intéresse au plus au point les banques.

12

Définition vernimmen : http://www.vernimmen.net/html/glossaire/definition_micro-couverture.html

55

5.2. La comptabilité doit se rapprocher du « Risk management » …

L’objectif principal de la norme IFRS 9, et principale critique adressée à la norme IAS

39 : rapprocher la comptabilité et la gestion. Les deux sont en effet à l’heure actuelle

complètement déconnectés. Une banque (ou même une entreprise) lorsqu’elle met en

place une couverture, doit désigner l’actif ou le passif couvert et formaliser une

documentation relative à cette couverture. Le département « risk management » est

celui qui décide et gère les couvertures au sein d’une banque. La comptabilité va ensuite

traduire cette couverture dans les comptes, en respectant certains critères spécifiques à

la comptabilité dite « de couverture ». Ainsi dès sa mise en place, une couverture doit

être « hautement efficace », c’est-à-dire couvrir les

variations de juste valeur (fair value hedge) ou les

variations de flux de trésorerie (cash-flow hedge) de

l’instrument couvert dans une fourchette comprise

entre 80% et 125%.

Exemple : si un instrument couvert voit sa juste

valeur varier de 50, le dérivé qui le couvre doit voir

sa juste valeur varier d’au moins :

50/0,8 = 62,5 ou 50/1,25= 40 pour que la

couverture soit considérée comme « hautement

efficace » et soit comptablement acceptable.

Le souci c’est que la gestion d’une banque ne se préoccupe pas réellement aujourd’hui

de savoir si la couverture qu’elle met en place est comptablement acceptable. Ainsi, il

n’est pas comptablement accepté de couvrir un résultat en devise par exemple. Dans ce

cas, la banque qui va quand même faire cela va chercher d’autres masses d’actifs ou de

passifs et documenter la couverture sur ces masses. L’objectif de couverture n’est alors

pas du tout celui qu’ils documentent.

Laure Attia : «Aujourd’hui, les

banques mettent en place des

dérivés de couverture pour une

raison économique donnée, et les

documentent comptablement pour

une autre raison. Pourquoi ? car la

raison économique pour laquelle la

couverture a été mise en place n’est

comptablement pas acceptable »

56

5.3. … et pour cela, le champ de la comptabilité de couverture a été élargi

La fourchette des 80/125 n’existera plus, toute efficacité de couverture sera désormais

autorisée. Attention cependant explique Manon Jacquet-Lagreze à se poser les bonnes

questions en gestion si l’efficacité du dérivé de couverture commence à descendre en

dessous de 50%...

L’inefficacité devra toujours être comptabilisée au compte de résultat, et l’IASB a

également élargi le spectre des éléments susceptibles d’être couverts et de couvrir.

Désormais, les instruments cash peuvent être utilisés comme couverture par exemple, de

même qu’une banque pourra agréger des instruments cash et des instruments dérivés en

tant qu’élément couverts.

5.4. L’enjeu de la macro-couverture est très important, notamment pour les

banques françaises

Les banques françaises sont particulièrement vulnérables sur le sujet de la macro-

couverture, et pour cause : les banques françaises prêtent à taux fixe et doivent donc

gérer un risque de taux. En effet, si les taux du marché augmentent, le prêt accordé à

taux fixe ne pourra pas voir son taux augmenter. La banque française devra donc se

refinancer à des taux supérieurs sans pour autant augmenter les taux des prêts en-cours.

La problématique n’est pas du tout la même pour les banques américaines par exemple,

car elles prêtent à taux variables et les évolutions des taux du marché se répercutent

donc directement sur les prêts accordés à leurs clients. Il en est de même en Europe pour

les banques espagnoles par exemple, qui prêtent et se refinancent à taux variable.

Si jamais le texte produit par l’IASB sur la macro-couverture est plus réducteur (plus

contraignant) qu’aujourd’hui, les impacts sur les banques françaises pourraient bien être

difficiles à supporter. C’est ce qui rend ce texte si attendu aujourd’hui.

Les « corporate » sont également concernées par ces opérations de couverture. Et

l’évolution de la norme leur est favorable : les règles en matière de micro-hedging sur

57

matières premières sont plus souples qu’auparavant et les couvertures sur matières

premières sont plus largement autorisées.

Finalement, les assouplissements en matière de comptabilité de couverture concernent

surtout les entreprises non financières, plus concernées par les problématiques de micro-

couverture que les banques, qui sont, elles, beaucoup plus largement intéressées par les

problématiques de macro-couverture.

Les banques européennes sont d’ailleurs d’accord sur le fait que l’UE doit attendre que

la position de l’IASB soit définitivement connue sur la macro-couverture avant

d’adopter la norme IFRS 9 : voir annexe 3. Les banques sont en effet prudentes quant

aux nouvelles normes en matière de macro hedging et préfèreraient voir l’UE adopter la

norme IFRS 9 en une seule fois plutôt que par petit morceaux. Ces même banques sont

d’ailleurs confiantes quant à la probabilité de voir l’UE adopter le thème 3 de la norme

IFRS 9, 40% environ envisagent cette adoption au 1er

janvier 2015 tandis que l’autre

moitié envisage une adoption retardée.

Pour conclure, les banques anticipent pour l’instant assez peu les impacts de la

transition vers la norme IFRS 9, et y allouent un budget relativement faible (1/3 de ce

qu’elles estiment être le budget total). Cela s’explique par les hésitations de l’IASB qui

rendent difficile toute tentative d’anticipation.

Le consensus semble trouvé du côté des banques sur le thème de la dépréciation, qui

était l’un des plus attendu. Le thème 1 est lui quasi-définitif et reste suspendu au sujet

des portefeuilles de liquidités que de nombreuses banques aimeraient ne pas voir passer

à la juste valeur par le compte de résultat pour éviter des « swing » trop importants vers

la juste valeur dans leur bilan.

La comptabilité de couverture est dans l’attente de son texte définitif sur le macro-

hedging, et la majorité des banques sont extrêmement attentives aux « disclosure» de

l’IASB sur le sujet, certaines encore plus que d’autres de par leur exposition. Ce thème

semble en tout cas sur la bonne voie pour rapprocher risk management et comptabilité.

58

III – Synthèse des réponses apportées au travers de la norme IFRS 9 et

des thématiques de réflexion en cours pour sa finalisation

Nous essaierons dans cette courte partie d’apporter une réponse synthétique aux

questions que nous avons évoquées en introduction et dans la 1ère

partie de ce mémoire,

puis de développer les chantiers restants de la norme avec les enjeux stratégiques qui y

sont liés.

1. La norme IFRS 9 : vers plus ou moins de juste valeur ?

De l’avis des deux spécialistes interrogées, la norme IFRS 9 entrainera une part plus

importante de juste valeur au sein du bilan des banques. Les désirs de Full Fair Value du

FASB et de l’IASB n’auront été que freinés par la crise financière qui a mis sur le

devant de la scène ce terme auparavant seulement connu des comptables.

C’est également l’une des

réponses apportées par les

conclusions du rapport

Marteau Morand sur les

normes comptables et la crise

financière évoqué dans le I, le

périmètre de la fair value par

le résultat va s’accroître selon

ce rapport.

Les banques sont du même

avis et pensent à 50% que cela

entrainera plus de juste valeur, contre 37% qui n’en envisagent pas nécessairement

plus : voir annexe 4.

Considérée comme plus proche de la réalité économique, la juste valeur sera désormais

appliquée selon une approche plus juste qu’auparavant : le business model et les cash-

flows.

Manon Jacquet-Lagreze : « La structure du bilan

des banques n’évoluera pas de manière radicale.

Oui, de nombreux portefeuilles seront transférés

en juste valeur par le compte de résultat, mais

pas pour des montants significatifs. La seule

contrariété à cette affirmation, c’est le sujet sur

les portefeuilles de liquidité : leur évaluation à la

juste valeur entrainerait des reclassements de

plusieurs centaines de milliards d’euros »

59

Cela signifie concrètement que les banques qui veulent s’écarter un peu du spectre de la

juste valeur le pourront de par leur activité. Les banques à forte tendance « activité de

marché » verront leur bilan beaucoup plus orienté fair value que les banques qui

privilégieront le modèle classique de « retail banking », ce qui devrait plaire à la fois

aux banques et à leurs clients avisés.

Malgré cela, les montants des transferts vers la juste valeur devraient rester raisonnables

à la condition près que les portefeuilles de liquidités soient maintenus en grande partie

au coût amorti.

C’est bien là le sujet actuel de l’IASB sur le thème 1. Que faire de ces portefeuilles de

liquidités qui sont à cheval entre le business model de collecte des cash flow et celui à la

juste valeur ? Les banques arriveraient-t-elles à défendre le fait de classer ces

portefeuilles au coût amorti ? Au moins le temps de les basculer dans une future 4ème

catégorie qui leur serait dédiée ?

Si non, cela risque d’être un peu gênant et de modifier profondément la répartition des

actifs entre coût amorti et juste valeur (la classification en OCI est et devrait rester

relativement marginale). Une interprétation très stricte du texte pourrait entrainer ce

reclassement massif à la juste valeur. Quoi qu’il en soit, un éclairage de l’IASB est

attendu sur ce sujet.

2. Les objectifs de simplification et de transparence sont-ils atteints ?

La critique n’était peut-être pas la plus virulente mais elle était celle qui ressortait le

plus souvent à l’encontre de la norme IAS 39 : cette norme est trop complexe pour les

auditeurs, les investisseurs et les autres lecteurs des états financiers.

La critique concernait surtout le thème 1 et ses problématiques de classification et

d’évaluation. Force est de constater que la simplification n’est pas si prononcée que ça.

Le nombre de catégories est passé de 4 à 3 mais la suppression de la 4ème

catégorie pose

problème et pourrait finalement réapparaître face aux nombreuses demandes des

banques.

60

Le test du business model simplifie cependant indéniablement l’analyse. Il est fastidieux

mais aisé pour le management d’une banque de définir clairement les intentions de

gestion de chacun de ses portefeuilles afin de splitter en deux catégories entre ceux dont

l’intention est de détenir les actifs pour en percevoir les cash-flows et ceux pour

lesquels ça ne l’est pas.

Le test des cash-flows contractuels en revanche peut se révéler beaucoup moins évident.

Le critère du « SPPA » est en pratique parfois beaucoup plus compliqué à distinguer.

Le split-accounting concernant les dettes hybrides n’évolue pas par rapport à l’IAS 39 et

reste un des points les plus complexes. Le TIE (taux d’intérêt effectif) reste toujours

applicable pour les dettes au coût amorti, tandis que le calcul de la couverture doit

toujours être réalisé. Ces points maintiennent un certain niveau de complexité à chaque

thème de la norme et laissent le constat que celle-ci ne s’est réellement simplifiée que

pour la classification et l’évaluation des actifs financiers de par sa double approche

business model + cash-flows.

Pour ce qui est de la transparence, les conclusions du rapport Morand-Marteau sont

claires. L’objectif de simplification et de transparence intégré dans le thème 1 de la

norme IFRS 9 n’est pas parfaitement atteint car la juste valeur dite de « prix de

modèle » (reposant sur des calculs d’actualisation plutôt que sur une cotation sur un

marché) va s’étendre et accroître avec elle l’opacité et l’incertitude liée à ces modèles de

calcul de la juste valeur.

Les banques corroborent ces conclusions. A la question « Pensez-vous que la norme

IFRS 9 reflètera de manière plus précise la performance financière et la situation de

votre banque ? » elles estiment en majorité que la norme IFRS 9 n’améliorera pas la

précision de l’information donnée au marché en terme de performance (41% de oui,

59% de non) ni de situation de la banque (39% oui, 61% non).

61

3. L’application de la norme IFRS 9 réduira-t-elle la volatilité des états

financiers des banques ?

Cette question a été posée par Deloitte aux banques interrogées lors de son étude sur la

norme IFRS 9. Les banques anticipent à 48% une plus grande volatilité des revenus

déclarés sous la norme IFRS 9, tandis que seules 28% envisagent une volatilité plus

faible : voir annexe 2.

Pour répondre plus précisément à cette question, il est nécessaire de séparer l’analyse

par thème.

3.1. Concernant le classement et l’évaluation des actifs et passifs financiers

Pour ce qui est de la classification et de l’évaluation des actifs et passifs financiers,

Manon Jacquet-Lagreze et Laure Attia nous ont expliqué que selon elles les nouveaux

critères de classification entraineraient une part plus importante d’évaluation à la juste

valeur, ce qui aura donc pour effet une volatilité accrue du bilan des banques, qui était

pourtant l’un des points les plus critiques reprochés à la norme IAS 39.

Laure Attia nous explique cependant que la partie sur la classification et l’évaluation

des passifs financiers devrait entraîner une réduction forte de la volatilité de la partie

« passif » du bilan des banques : la réévaluation des passifs à la juste valeur sur option.

Ces passifs sont aujourd’hui réévalués au titre du taux mais aussi du spread de crédit. Or

durant la crise, le spread de crédit des banques s’est d’abord considérablement élargi,

puis lorsque la situation s’est améliorée ce même spread s’est resserré, entrainant un

passage brutal en compte de résultat de cette réévaluation de ce « stock » de spread de

crédit.

Par exemple : une banque qui avait au 31/12/2011 un « stock » de spread de crédit de

1,6 milliard d’euros, la situation s’étant améliorée au 31/03/2012, ce stock s’est réduit

à 800 millions d’euros. La banque concernée doit alors passer 800 millions d’euros en

pertes sur 1 trimestre ( !) sur la réévaluation de son propre « stock » de spread de

crédit.

62

Avec les nouvelles règles relatives à la norme IFRS 9, ces variations passeront

désormais en compte de résultat global (Other Comprehensive Income) et donc en

capitaux propres plutôt qu’en résultat. Une part importante et significative de la

volatilité qui passait en compte de résultat va donc être transférée en capitaux propres.

Les investisseurs sont moins sensibles à la variation de l’OCI qu’à celle du résultat de la

banque.

La question est cependant pendante sur le thème 1 à la décision de l’IASB concernant le

sort des portefeuilles de liquidités dont le passage à la juste valeur renforcerait

profondément la volatilité du bilan « actif » des banques.

3.2. Concernant les dépréciations

L’avancée sur le thème 2 était unanimement demandée par la communauté bancaire et

le passage d’un effet pro-cyclique à un effet contra-cyclique ne saurait être contesté. Le

passage vers un modèle d’expected loss comme présenté réglementairement dans les

accords de Bâle II était une nécessité qui vient en réponse directe à la crise financière.

Cette obligation d’anticiper offre aux banques un coussin de protection contre des

évènements de marché qu’elles connaissaient d’avance mais contre lesquels elles ne

pouvaient rien faire jusqu’ici.

Désormais le passage d’une dépréciation d’un prêt se fera d’une manière moins brutale

qu’auparavant puisque la banque aura déjà provisionné une partie de la créance à

déprécier dans ses comptes au moment d’accorder le crédit.

3.3. Concernant la comptabilité de couverture

Sur ce point, on ne peut pas réellement affirmer que la volatilité des états financiers des

banques s’en trouvera diminuée. En effet, le véritable chantier sur ce point portait plus

sur le rapprochement entre la comptabilité et la gestion.

63

Le département comptabilité devait auparavant utiliser des « artifices » pour justifier

d’une couverture pratiquée en gestion, l’objectif était donc plutôt de réconcilier la

traduction comptable avec les pratiques de gestion.

Les règles de la comptabilité de couverture plus souples qu’auparavant vont cependant

permettre à la comptabilité de justifier d’un plus grand nombre d’éléments couverts et

d’utiliser un plus grand nombre de dérivés de couverture.

Ce recours plus important à la comptabilité de couverture va donc permettre de limiter

la volatilité en résultat des instruments couverts.

La macro-couverture est cependant l’un des points essentiels de la norme qui n’a pas été

encore publié. Si l’IASB ne publie pas ce texte avant fin 2012, l’application de la norme

sera encore repoussée, car l’IASB veut laisser 2 ans aux entreprises pour anticiper son

application avant de la rendre obligatoire. De même, si les règles sur le sujet sont plus

strictes qu’auparavant, les banques émettant à taux fixe s’en trouveront, comme c’est le

cas des banques françaises,

fortement impactées.

Le problème sur le texte de la

macro-couverture est d’après

Manon Jacquet-Lagreze à la fois

historique et politique. En effet, lors

de l’adoption de la norme IAS 39

par l’Union Européenne le 19

novembre 2004, la norme a été

adoptée avec deux carve-out

(littéralement « tailler », cela

signifie que la norme a été adoptée

avec des découpes dans ses textes) :

- L’option pour la Full Fair Value, l’UE ayant été refroidie sur ce point par les

préoccupations et les mises en garde de la banque centrale européenne (BCE)

sur le sujet ;

- La comptabilité de couverture, l’Union Européenne a sur ce sujet décidé de ne

pas adopter les règles de l’IASB.

Manon Jacquet-Lagreze : « Le problème sur

la comptabilité de couverture est que l’enjeu

principal des banques sur ce thème se situe

sur la macro-couverture. Or aujourd’hui

l’IASB n’a encore rien publié sur le sujet.

L’UE est très attentive à ce texte car

l’adoption intégrale de la norme IFRS 9

reviendrait pour elle à revenir sur le carve-

out qu’elle avait imposé sur la norme IAS 39

concernant la comptabilité de couverture. »

64

Ces deux carve-out étaient censés être

temporaires. C’est effectivement le cas du

premier: lorsque l’IASB reverra son texte

en éliminant son projet de Full Fair Value

en 2005, l’Union Européenne supprime

alors le carve-out sur l’option de juste

valeur.

Le carve-out sur la comptabilité de

couverture ne sera jamais définitivement

supprimé, l’UE acceptant plus tard

d’assouplir sa position sur la comptabilité

de couverture pour certaines opérations

de couverture.

L’adoption de la norme IFRS 9 dans sa

version complète entrainerait ainsi la fin d’un carve-out qui dure depuis 2005 sur le

sujet de la comptabilité de couverture. C’est l’une des raisons pour laquelle l’IASB

travaille toujours son texte sur le sujet afin de parvenir à un consensus qui soit adopté

sans carve-out dans l’ensemble des pays favorables aux normes IAS-IFRS.

4. La norme IFRS 9 aurait-elle permis de réduire comptablement les

impacts de la crise financière de 2008 ?

Mon expérience de fin d’étude en audit au sein du cabinet Deloitte m’a appris une chose

que l’on peut appliquer ici de manière inversée pour justifier cette question :

Un bon moyen de savoir si un nouveau système est bon, c’est de tester ce nouveau

système sur une période couverte par l’ancien système, et dont les résultats ont été

validés, pour voir si on arrive aux même résultats.

La norme IFRS 9 est analysée du point de vue des banques comme la réponse de

l’IASB à la crise et aux problématiques de juste valeur, de dépréciation et de couverture.

La crise financière s’est produite et ses résultats sont connus de tous, bien que ses effets

Laure Attia : « Je ne suis pas convaincue

que la norme IFRS 9 aurait radicalement

changé la situation en cas d’application

anticipée avant la crise. Les thèmes 1 et

3 ne viennent pas réellement répondre

directement aux effets néfastes de la

crise financière mais plutôt à des

problématiques de simplification et de

représentation fidèle de la réalité

économique. Le thème 2 en revanche s’il

avait pu être anticipé aurait eu un effet

apaisant pour les états financiers de nos

banques »

65

à long terme ne fassent que commencer. Si la norme IFRS 9 avait été applicable en

l’état au moment du début de la crise, les conséquences comptables de celle-ci en

auraient-elles été moins catastrophiques ?

Rien n’est moins sûr, nous explique Manon Jacquet-Lagreze. Le thème 1 rénové aurait

certes protégé certains actifs et passifs de la volatilité intrinsèque à la juste valeur, mais

dans l’ensemble, les bilans des banques auraient été plus largement évalués à la juste

valeur. Ils auraient donc été plus fortement exposés aux problématiques de volatilité

directement liés à une évaluation en juste valeur.

La réponse est différente concernant le thème 2. Cette évolution normative si elle avait

été anticipée aurait clairement permis aux banques de moins « subir » la crise. La crise

de la dette souveraine qui a éclatée en Europe après la crise financière mondiale aurait

pu être moins soudaine dans les bilans des grandes banques européennes

particulièrement exposées en anticipant cette situation au moment de prêter aux divers

pays dont certains se sont retrouvés en grande difficulté.

Les banques européennes ont ainsi dû attendre le mois de juin 2011 pour pouvoir

déprécier dans leurs comptes une dette souveraine grecque dont la situation était déjà

très largement dégradée et compromise depuis de nombreux mois, dégradation que les

marchés avaient déjà anticipé depuis longtemps.

La comptabilité de couverture ne répond quant à elle pas directement à la crise mais

bien à une amélioration du reporting financier et de la qualité de l’information fournie

au marché. La plupart des portefeuilles étaient déjà économiquement couverts mais

cette traduction comptable ne pouvait se faire sans le recours à un certain

« maquillage » qui rendait finalement totalement obsolète l’information fournie sur les

couvertures pratiquées.

66

Conclusion

Au moment de faire la synthèse des avancées entrainées par la réforme de la norme IAS

39, force est de constater que celles-ci sont nombreuses, mais que les problématiques

initiales n’ont pas toutes été résolues de manière absolue.

La part de juste valeur dans le bilan des banques devrait en effet augmenter, et ce

malgré les critiques issues de la crise. Cependant, la répartition des instruments

financiers évalués à la juste valeur sera désormais réalisée sur la base de critères plus

pertinents qu’auparavant. L’intention de gestion de l’instrument a été mise au cœur du

sujet et il apparait aujourd’hui que les banques qui auront un bilan composé d’actifs

financiers évalués d’une façon proche de ce que l’on appelle « Full Fair Value » seront

celles qui l’auront choisi ! La distinction devrait en effet se faire entre les différents

business model des différents portefeuilles. Les banques ont ainsi la responsabilité vis-

à-vis de leurs actionnaires, de leurs salariés et de leurs clients d’ici à 2015 d’anticiper

les portefeuilles qu’elles souhaitent conserver et ceux dont elles souhaitent se séparer,

selon ce critère de juste valeur et la volatilité qui en découle.

La volatilité justement, qui devait être réduite et qui devrait finalement s’en trouver

accrue de l’avis des banques par le passage à la norme IFRS 9. Le thème 1et le passage

de plus de portefeuilles à la juste valeur est l’explication de ces anticipations sur le sujet.

Il est cependant difficile de contester que les nouvelles règles d’impairment vont

« lisser » les passages auparavant brutaux en résultats issus des dépréciations des crédits.

La possibilité offerte par la norme IFRS 9 d’anticiper les pertes au moment de l’octroi

d’un crédit est une bonne solution, et n’est que la très juste obligation imposée (avec

leur soutien le plus unanime) aux banques de reconnaître un évènement de marché dont

elles savent historiquement qu’il va se produire.

N’étant pas significativement plus « transparente » ou plus « simple », la norme IFRS 9

n’a peut être pas entièrement accompli son objectif sur ces points. Il n’en reste pas

moins qu’elle a considérablement réconcilié comptabilité et gestion sur le thème de la

couverture, ce qui en matière de pertinence des informations données au marché

représente une avancée non négligeable.

67

L’IASB n’a finalement pas inventé un « vaccin » contre une future crise, mais il a

assurément avancé dans le bon sens. La norme IFRS 9 n’aurait certainement pas permis

d’atténuer significativement la crise financière passée mais elle aurait au moins eu

l’avantage d’en anticiper les effets et de les étaler dans le temps. La crise n’en aurait été

que moins brutale.

En l’état actuel des réflexions, les banques anticipent relativement peu le changement

normatif. Les réflexions de l’IASB les en empêchent pour le moment, de par la trop

grande instabilité et les retouches permanentes qui sont apportées aux textes de cette

norme IFRS 9.

Le timing force cependant l’IASB a des avancées concrètes rapides sur le sujet afin de

répondre à deux des problématiques qui s’offrent à lui pour le futur. L’IASB cherche en

en effet à synchroniser la publication de la norme IFRS 9 avec sa norme IFRS 4 sur les

contrats d’assurance. Autre problématique majeure : les avancées règlementaires

significatives et les publications du comité de Bâle poussent le régulateur comptable

international à proposer rapidement une norme sur les instruments financiers qui soit en

bien meilleure adéquation avec ces textes bâlois que sa vieillissante norme IAS 39,

actuellement toujours en vigueur.

68

Table des matières

Sommaire ……………………………………………………………………………......1

Introduction ....................................................................................................................... 4

I – Retour sur l’origine de la transition et les textes de la norme IFRS 9 déjà publiés ..... 7

1. Les normes IAS/IFRS et le traitement des actifs et passifs financiers .................. 7

1.1 A l’origine de la transition IAS 39-IFRS 9 .................................................... 7

1.2 Le traitement des actifs et des passifs financiers dans les normes IFRS

aujourd’hui .............................................................................................................. 11

2. La norme IFRS 9 et ses derniers développements ............................................... 12

2.1 Etat de la situation ........................................................................................ 12

2.2 Classification et évaluation des actifs financiers .......................................... 14

2.3 Classification et évaluation des passifs financiers ........................................ 24

2.3.9 Classification des dettes financières ......................................................... 32

3. L’IASB proche d’un consensus sur les dépréciations mais travaille toujours sur la

couverture ................................................................................................................... 34

3.1. La méthode des « 3 bucket » ........................................................................ 34

3.2. La comptabilité de couverture dans l’attente ................................................ 35

II – L’approche de la transition du point de vue des acteurs concernés au premier plan:

les banques et l’ensemble de la profession comptable ................................................... 37

1. Une approche méthodologique basée sur des entretiens et une étude de terrain du

cabinet Deloitte ........................................................................................................... 37

1.1. Deux entretiens réalisés auprès de deux spécialistes des normes IFRS et du

secteur bancaire ....................................................................................................... 37

1.2. L’exploitation d’une étude réalisée par le cabinet Deloitte sur les normes

IFRS appliquées au secteur bancaire ...................................................................... 38

2. La pression des banques en faveur de la réforme de la norme IAS 39 ................ 40

2.1. Sur le terrain, la norme IFRS 9 est perçue comme une réponse comptable à

la crise ..................................................................................................................... 40

69

2.2. La norme IAS 39 est vue comme étant trop ancienne, complexe et restrictive

……………………………………………………………………………...41

2.3. L’application anticipée de la norme est-elle envisageable ? Les banques

anticipent-elle les impacts futurs de la norme ? ...................................................... 42

2.4. Une date application une première fois repoussée et qui reste incertaine .... 45

3. La classification et évaluation des actifs et des passifs financiers : un objectif de

simplification pas forcément atteint ............................................................................ 46

3.1. Le « business model test » et le « cash-flow test » étaient réclamés par les

banques pour se rapprocher de la réalité de leur gestion ........................................ 46

3.2. Le débat autour des portefeuilles de liquidités représente un enjeu majeur

pour les banques ...................................................................................................... 47

4. Les nouvelles règles de dépréciation en réponse à la crise et aux effets

procycliques de la norme IAS 39 ................................................................................ 48

4.1. La nécessité d’une norme qui devienne contra-cyclique et d’une meilleure

anticipation des évènements de marché .................................................................. 48

4.2. Une méthode encore incertaine .................................................................... 50

4.3. Les « corporate » sont également très concernées par la question des

dépréciations ........................................................................................................... 53

4.4. Un effet non négligeable pourrait se développer lors de la transition

« incurred to expected » .......................................................................................... 53

5. La comptabilité de couverture doit se rapprocher de la réalité économique de

l’entreprise et de sa gestion ......................................................................................... 54

5.1. Distinction entre micro et macro-couverture ................................................ 54

5.2. La comptabilité doit se rapprocher du « Risk management » … ................. 55

5.3. … et pour cela, le champ de la comptabilité de couverture a été élargi ....... 56

5.4. L’enjeu de la macro-couverture est très important, notamment pour les

banques françaises .................................................................................................. 56

III – Synthèse des réponses apportées au travers de la norme IFRS 9 et des thématiques

de réflexion en cours pour sa finalisation ....................................................................... 58

1. La norme IFRS 9 : vers plus ou moins de juste valeur ? ..................................... 58

70

2. Les objectifs de simplification et de transparence sont-ils atteints ? ................... 59

3. L’application de la norme IFRS 9 réduira-t-elle la volatilité des états financiers

des banques ? .............................................................................................................. 61

3.1. Concernant le classement et l’évaluation des actifs et passifs financiers ..... 61

3.2. Concernant les dépréciations ........................................................................ 62

3.3. Concernant la comptabilité de couverture .................................................... 62

4. La norme IFRS 9 aurait-elle permis de réduire comptablement les impacts de la

crise financière de 2008 ? ........................................................................................... 64

Conclusion ...................................................................................................................... 66

Table des matières .......................................................................................................... 68

Annexe ............................................................................................................................... I

Bibliographie .................................................................................................................. III

Sitographie ...................................................................................................................... IV

I

Annexe

- Annexe 1

- Annexe 2

Figure 8 Budget actuel alloué à la préparation de la transition vers la norme IFRS 9

Figure 9 Anticipations des banques sur la norme IFRS 9 en termes de volatilité attendue

II

- Annexe 3

- Annexe 4

Figure 10 L’UE doit-elle attendre la position de l’IASB sur la macro-couverture avant d’adopter la norme IFRS 9 ?

Figure 11 La norme IFRS 9 entrainera-t-elle plus d’évaluation à la juste valeur ?

III

Bibliographie

- Deloitte (2012), iGAAP 2012 Financial instruments – IFRS 9 and related

Standards, LexisNexis.

- Deloitte (2012), iGAAP 2012 Financial Instruments – IAS 39 and related

Standards, Lexis/Nexis.

- P.Morand & D.Marteau (2009), “Normes comptables et crise financière »,

Propositions pour une réforme du système de régulation comptable, Rapport au

Ministre de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi.

- Deloitte (2012), Second Global IFRS Banking Survey, A changing landscape.

- ESMA (2011), Public Statement, Sovereign Debt in IFRS Financial Statements.

- IASB, Texte des normes IAS 32, IAS 39, IFRS 7 et IFRS 9.

- Colmant B. & Hubier J.-F. & Masquelier J.-F., Application des normes IAS 32,

39 et IFRS 7, Bruxelles, Larcier, 2007.

- Lopater C. & Saint jean C. & Schérer O., IFRS 2010, F.Lefebvre.

- Raffournier B., Les normes comptables internationales : IFRS, Paris, Economica.

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- de Larosière J., « The High-level group on financial supervision in the EU », 25

février 2009, document téléchargeable,

(http://ec.europa.eu/internal_market/finances/docs/de_larosiere_report_fr.pdf)

- AGEFI (2009), Normes comptables : faut-il en changer ?

IV

Sitographie

- Galea&Associés (2011), Date d’application d’IFRS 9 repoussée :

http://www.galea-

associes.eu/index.php?option=com_content&view=article&id=84:date-

dapplication-difrs-9-repoussee&catid=15:news-assurance&Itemid=56

- Conseil supérieur de la comptabilité (2001), Le spectre de la « Full Fair Value »

s’éloigne :

http://www.csc.mg/index.php?option=com_content&task=view&id=61&Itemid

=42

- Instruments financiers : le FASB pourrait-il abandonner la « Full Fair Value » :

http://www.compta-online.com/newsletter.php?instruments-financiers-fasb-

pourrait-abandonner-full-fair-value&news_id=23&cat_id=2&aid=246

- Accounting standards: Commission endorses “IAS 39 Fair Value Option”:

http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/05/1423&format=H

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- Deloitte (2010), L’IASB publie des ajouts à l’IFRS 9 concernant la

comptabilisation des passifs financiers :

http://www.iasplus.com/en/binary/ca/1011ifrs9revisions.pdf

- Deloitte (2009), The beginning of the end for IAS 39-Issue of IFRS 9 regarding

Classification and Measurement of Financial Assets:

http://www.deloitte.com/view/en_NZ/nz/services/audit/c2d5f3d86b325210Vgn

VCM200000bb42f00aRCRD.htm

- CFO News (2010), Refonte d’IAS 39, une révolution ou une simplification,

Juste valeur au pilori après la crise financière :

http://www.cfo-news.com/Refonte-d-IAS-39-une-revolution-ou-une-

simplification_a14352.html

- FocusIFRS (2011), La dette souveraine et les IFRS :

http://www.focusifrs.com/menu_gauche/normes_et_interpretations/crise_financi

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- CNCC & OEC, IFRS 9 « Instruments financiers », 16 mai 2011 :

http://www.focusifrs.com/menu_gauche/normes_et_interpretations/textes_des_n

V

ormes_et_interpretations/ifrs_9_instruments_financiers_phase_1_classification_

et_evaluation_des_actifs_et_passifs_financiers_non_adop_ue

- Guédas F., La juste valeur critiquée mais consacrée, 12 novembre 2009 :

http://www.agefi.fr/articles/La-juste-valeur-critiquee-consacree-1113917.html

- Ernst&Young, Refonte de la norme IAS 39 : la vie n’est pas un long fleuve

tranquille, décembre 2009 :

http://www.ey.com/LU/en/Newsroom/PR-activities/Articles/article_2009-

refonte-de-la-normes-ias39-december09

- Mc2i, En route vers la norme IFRS 9 !!, 20 avril 2011:

http://www.mc2i.fr/En-route-vers-la-norme-IFRS-9

- Fiducial Audit, Les enjeux de la réforme comptable sur les instruments

financiers (IFRS 9), 23 février 2010, document téléchargeable:

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- Bernard Chauveau, L’IFRS 9 a été révisée en octobre 2010, 11 janvier 2011 :

http://www.normesias-ifrs.info/article-l-ifrs-9-a-ete-revise-en-octobre-2010-

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- Alternatives économiques, Bâle III ou les premiers pas d’une vraie régulation

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http://www.alternatives-economiques.fr/bale-iii-ou-les-premiers-pas-d-une-

vraie-regulation-des-banques_fr_art_633_50460.html

- SIA Conseil, Bâle III décryptage de la réforme et étude d’impact, 18 août 2010 :

http://www.fimarkets.com/pages/bale_3.php

Sites internet fréquemment utilisés :

- www.ifrs.org

- www.iasplus.com

- www.focusifrs.com

- www.deloitte.com

- http://www.fasb.org