Un nodule testiculaire

2
Ann Pathol 2006 ; 26 : 463-4 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 463 Cas pour diagnostic Accepté pour publication le 4 janvier 2005 Tirés à part : S. Dimet, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected] hop-paris.fr Un nodule testiculaire A testicular nodule Stéphanie Dimet (1) , Eva Comperat (2) , Audrey Mansuet-Lupo (1) , Gonzague De Pinieux (3) , Annick Vieillefond (3) (1) Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre. (2) Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital Pitié Salpêtrière, 47 boulevard Hôpital, 75013 Paris. (3) Service d’Anatomie Pathologique, Groupe Hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul, 27 rue du Faubourg Saint Jaques, 75014 Paris. Dimet S, Comperat E, Mansuet-Lupo A, De Pinieux G, Vieillefond A. Un nodule testiculaire. Ann Pathol 2006 ; 26 : 463-4. Observation Chez un jeune homme de 25 ans sans antécédent particulier, notamment pas d’infertilité ou de syndrome endocri- nien, une orchidectomie était réalisée devant la découverte à la palpation d’un nodule ferme intra-testiculaire de 14 mm de diamètre. L’examen histologi- que mettait en évidence une proliféra- tion tumorale dense, bien limitée non encapsulée, constituée de cellules fusi- formes, s’agençant en courts faisceaux entrecroisés (figure 1), englobant de rares tubes séminifères résiduels. Les cellules tumorales avaient un noyau allongé, ovalaire, aux contours un peu irréguliers, et un cytoplasme éosino- phile, aux limites imprécises. Les atypies cytonucléaires étaient discrètes. L’index mitotique était évalué à 5 mitoses pour 10 champs × 40, sans mitose atypique. Il n’y a pas de nécrose tumorale, ni d’embol vasculaire. Dans le paren- chyme testiculaire avoisinant, la matura- tion des cellules de la lignée germinale était complète avec présence de sper- matozoïdes. Il n’y avait ni néoplasie ger- minale intra-tubulaire ni hyperplasie leydigienne. L’étude immunohistochimique montrait une positivité des cellules tumorales pour les anticorps anti-vimentine, anti-inhibine (positivité faible et focale), anti-calrétinine (positivité dif- fuse et intense) (figure 2a), anti-melan-A (figure 2b) et anti-actine-muscle-lisse. La h-caldesmone, la desmine, la PS100, le CD99 et la PLAP n’étaient pas exprimés. L’index prolifératif (Ki67) était évalué à 8 %. Quel est votre diagnostic ? FIG. 2. — a) Marquage intense et diffus par la calrétinine ( × 400), b) Marquage plus focal par mélan-A ( × 400). FIG. 2. — a) Strong and diffuse staining with calretinin (×400), b) More focal immunoreactivity for Melan-A (×400). a b FIG. 1. — Prolifération de cellules fusiformes (HES × 400). FIG. 1. — Proliferation of spindle-shaped cells (HES×400).

Transcript of Un nodule testiculaire

A n n P a t h o l 2 0 0 6 ; 2 6 : 4 6 3 - 4

© 2 0 0 6 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s . 463

Cas pour diagnostic

Accepté pour publication le 4 janvier 2005

Tirés à part : S. Dimet, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected]

Un nodule testiculaireA testicular nodule

Stéphanie Dimet(1), Eva Comperat(2), Audrey Mansuet-Lupo(1), Gonzague De Pinieux(3), Annick Vieillefond(3)

(1) Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital Bicêtre, 78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre.(2) Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital Pitié Salpêtrière, 47 boulevard Hôpital, 75013 Paris.(3) Service d’Anatomie Pathologique, Groupe Hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul, 27 rue du Faubourg

Saint Jaques, 75014 Paris.

Dimet S, Comperat E, Mansuet-Lupo A, De Pinieux G, Vieillefond A. Un nodule testiculaire. Ann Pathol2006 ; 26 : 463-4.

Observation

Chez un jeune homme de 25 ans sansantécédent particulier, notamment pasd’infertilité ou de syndrome endocri-nien, une orchidectomie était réaliséedevant la découverte à la palpation d’unnodule ferme intra-testiculaire de14 mm de diamètre. L’examen histologi-que mettait en évidence une proliféra-tion tumorale dense, bien limitée nonencapsulée, constituée de cellules fusi-formes, s’agençant en courts faisceauxentrecroisés (figure 1), englobant derares tubes séminifères résiduels. Lescellules tumorales avaient un noyauallongé, ovalaire, aux contours un peuirréguliers, et un cytoplasme éosino-phile, aux limites imprécises. Les atypiescytonucléaires étaient discrètes. L’indexmitotique était évalué à 5 mitoses pour10 champs × 40, sans mitose atypique. Iln’y a pas de nécrose tumorale, nid’embol vasculaire. Dans le paren-chyme testiculaire avoisinant, la matura-tion des cellules de la lignée germinaleétait complète avec présence de sper-matozoïdes. Il n’y avait ni néoplasie ger-minale intra-tubulaire ni hyperplasieleydigienne.

L’étude immunohistochimique montraitune positivité des cellules tumoralespour les anticorps anti-vimentine,anti-inhibine (positivité faible etfocale), anti-calrétinine (positivité dif-fuse et intense) (figure 2a), anti-melan-A(figure 2b) et anti-actine-muscle-lisse. Lah-caldesmone, la desmine, la PS100, leCD99 et la PLAP n’étaient pas exprimés.L’index prolifératif (Ki67) était évalué à8 %.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 2. — a) Marquage intense et diffus par la calrétinine (× 400), b) Marquage plus focal par mélan-A (× 400).

FIG. 2. — a) Strong and diffuse staining with calretinin (×400), b) More focal immunoreactivity for Melan-A (×400).

a b

FIG. 1. — Prolifération de cellules fusiformes (HES × 400).

FIG. 1. — Proliferation of spindle-shaped cells (HES×400).

Stéphanie Dimet et al. A n n P a t h o l 2 0 0 6 ; 2 6 : 4 6 3 - 4

464

Diagnostic : tumeur indifférenciée des cordons sexuels

Les tumeurs des cordons sexuels sont rares,représentant 4 à 6 % des tumeurs testiculai-res de l’adulte. La moitié correspond à destumeurs à cellules de Leydig dont le diag-nostic histologique se fait sans recours àl’immunohistochimie. L’autre moitié estreprésentée par des tumeurs de Sertoli etpar des tumeurs peu différenciées souventà cellules fusiformes. Étant donné la raretédes tumeurs conjonctives de siège intra-testiculaire, on doit de principe évoquerune tumeur des cordons sexuels devant uneprolifération de cellules fusiformes, mêmeen l’absence de secteurs de différenciationdans le sens Leydig ou Sertoli. Seule uneétude immunohistochimique complémen-taire permet d’en apporter la preuve. Uneétude récente a montré que 95 % destumeurs des cordons sexuels exprimaientau moins l’un des trois marqueurs suivants :inhibine, CD99 et vimentine, mais l’inhibinequi est considérée comme le marqueur leplus spécifique n’était exprimée que dans80 % des cas [1]. D’autres marqueurs ont étéévalués. Certaines équipes ont montré quela calrétinine, marqueur des cellules méso-théliales, est exprimée par les cellules deLeydig et les tumeurs à cellules de Leydig[2]. Sur plusieurs séries de tumeurs des cor-dons sexuels ovariennes [3, 4], la calrétinineest apparue plus sensible que l’inhibine,mais moins spécifique [4]. Actuellement,aucune étude n’a été publiée sur leurshomologues testiculaires. Le Melan-A, éga-lement exprimée par certaines tumeurs descordons sexuels [5] peut être ajoutée aupanel immunohistochimique. PS100, des-mine et actine musculaire lisse, expriméestant dans les tumeurs conjonctives que dansles tumeurs des cordons sexuels ne sontpas discriminantes. Dans notre cas, le profilimmunohistochimique nous a permis derattacher cette lésion au cadre des tumeursindifférenciées des cordons sexuels et d’éli-

miner le principal diagnostic différentiel,celui de leiomyosarcome.Chez l’adulte, 25 % de ces tumeurs seraient depronostic défavorable. Les critères histopro-nostiques, similaires pour toutes les tumeursdes cordons sexuels sont : taille supérieure à5 cm, extension extra-testiculaire, atypies cyto-nucléaires, nécrose, nombreuses mitoseset emboles vasculaires. Un index prolifératif(Ki67) supérieur à 30 % et la perte d’expressionde l’inhibine seraient également de mauvaispronostic [1]. Pour notre patient, dont l’évolu-tion clinique n’est pas connue, seul un indexmitotique un peu élevé incite à une sur-veillance régulière et prolongée, la dissé-mination vers les ganglions inguinaux etrétro-péritonéaux ou plus rarement viscéralepouvant survenir tardivement. ■

Key words: sex cord-stromal tumor, testis.

Mots-clés : tumeur des cordons sexuels, testicule.

Références

[1] Comperat E, Tissier F, Boye K, De Pinieux G, Vieille-fond A. Non-Leydig sex-cord tumors of the testis.The place of immunohistochemistry in diagnosis andprognosis. A study of twenty cases. Virchows Arch2004 ; 6 : 567-71.

[2] Augusto D, Leteurtre E, De La Taille A, Gosselin B,Leroy X. Calretinin: a valuable marker of normal andneoplastic Leydig cells of the testis. Appl Immuno-histochem Mol Morphol 2002 ; 10 : 159-62.

[3] Deavers MT, Malpica A, Liu J, Broaddus R, Silva EG.Ovarian sex cord-stromal tumors: an immunohisto-chemical study including a comparison of calretininand inhibin. Mod Pathol 2003 ; 16 : 584-90.

[4] Movahedi-Lankarani S, Kurman RJ. Calretinin, amore sensitive but less specific marker than alpha-inhibin for ovarian sex cord-stromal neoplasms: animmunohistochemical study of 215 cases. Am J SurgPathol 2002 ; 26 : 1477-83.

[5] Busam KJ, Iversen K, Coplan KA, Old LJ, Stockert E,Chen YT et al. Immunoreactivity for A103, an anti-body to melan-A (Mart-1), in adrenocortical and othersteroid tumors. Am J Surg Pathol 1998 ; 2 : 57-63.