Tumeurs oculopalpébrales malignes dans le xeroderma pigmentosum : aspects cliniques et...

6
Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 99—104 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MÉMOIRE ORIGINAL Tumeurs oculopalpébrales malignes dans le xeroderma pigmentosum : aspects cliniques et thérapeutiques Ocular malignancies of xeroderma pigmentosum: Clinical and therapeutic features R.A. Touzri a,, Z. Mohamed b , E. Khalil a , M.-B. Ilhem a , M. Insaf b , F. Bassima a , M.O. Amel a a Service d’ophtalmologie, EPS Charles-Nicolle, Tunis, Tunisie b Service de dermatologie EPS Habib-Thameur, Tunis, Tunisie Rec ¸u le 19 mai 2006 ; accepté le 23 novembre 2007 Disponible sur Internet le 14 f´ evrier 2008 MOTS CLÉS Tumeurs oculaires ; Xeroderma pigmentosum Résumé But de l’étude. — Déterminer le profil épidémiologique, clinique, histologique et thérapeutique des tumeurs oculaires malignes dans le xeroderma pigmentosum à partir d’une série prospective de 32 malades. Malades et méthodes. — Il s’agissait d’une étude prospective réalisée dans le service d’ophtalmologie de l’EPS Charles-Nicolle durant trois ans entre janvier 2001 et janvier 2004. Nous avons distingué trois formes cliniques de xeroderma pigmentosum de gravité croissante (variante, intermédiaire et sévère). Un examen ophtalmologique complet et bilatéral a été pra- tiqué chez tous les malades et la photophobie quantifiée en quatre grades de gravité croissante selon son intensité. Résultats. — Trente-deux malades atteints de xeroderma pigmentosum ont été examinés au cours de cette période. La photophobie était présente dans 66 % des cas. Dix-neuf des 32 malades (59%) avaient des tumeurs malignes oculaires et périoculaires. L’âge moyen de ces malades était de 19 ans (quatre à 40 ans). Trente-trois tumeurs oculaires ont été diagnosti- quées chez ces 19 malades. Une cécité a été notée dans 3/26 (12 %) des yeux des malades sans tumeur maligne et dans 10/38 (26 %) des yeux des malades avec tumeurs malignes. Auteur correspondant. Immeuble le Capitole, Appartement Ennasr II, 2037 Tunis, Tunisie. Adresse e-mail : [email protected] (R.A. Touzri). 0151-9638/$ — see front matter © 2008 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.annder.2007.11.010

Transcript of Tumeurs oculopalpébrales malignes dans le xeroderma pigmentosum : aspects cliniques et...

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2008) 135, 99—104

Disponib le en l igne sur www.sc iencedi rec t .com

MÉMOIRE ORIGINAL

Tumeurs oculopalpébrales malignes dans lexeroderma pigmentosum : aspects cliniqueset thérapeutiques

Ocular malignancies of xeroderma pigmentosum:Clinical and therapeutic features

R.A. Touzri a,∗, Z. Mohamedb, E. Khalil a, M.-B. Ilhema,M. Insafb, F. Bassimaa, M.O. Amela

a Service d’ophtalmologie, EPS Charles-Nicolle, Tunis, Tunisieb Service de dermatologie EPS Habib-Thameur, Tunis, Tunisie

Recu le 19 mai 2006 ; accepté le 23 novembre 2007Disponible sur Internet le 14 fevrier 2008

MOTS CLÉSTumeurs oculaires ;Xerodermapigmentosum

RésuméBut de l’étude. — Déterminer le profil épidémiologique, clinique, histologique et thérapeutiquedes tumeurs oculaires malignes dans le xeroderma pigmentosum à partir d’une série prospectivede 32 malades.Malades et méthodes. — Il s’agissait d’une étude prospective réalisée dans le serviced’ophtalmologie de l’EPS Charles-Nicolle durant trois ans entre janvier 2001 et janvier 2004.Nous avons distingué trois formes cliniques de xeroderma pigmentosum de gravité croissante(variante, intermédiaire et sévère). Un examen ophtalmologique complet et bilatéral a été pra-tiqué chez tous les malades et la photophobie quantifiée en quatre grades de gravité croissanteselon son intensité.

Résultats. — Trente-deux malades atteints de xeroderma pigmentosum ont été examinés aucours de cette période. La photophobie était présente dans 66 % des cas. Dix-neuf des

des tumeurs malignes oculaires et périoculaires. L’âge moyen de

32 malades (59 %) avaient ces malades était de 19 ans (quatre à 40 ans). Trente-trois tumeurs oculaires ont été diagnosti-quées chez ces 19 malades. Une cécité a été notée dans 3/26 (12 %) des yeux des malades sanstumeur maligne et dans 10/38 (26 %) des yeux des malades avec tumeurs malignes.

∗ Auteur correspondant. Immeuble le Capitole, Appartement Ennasr II, 2037 Tunis, Tunisie.Adresse e-mail : [email protected] (R.A. Touzri).

0151-9638/$ — see front matter © 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.annder.2007.11.010

100 R.A. Touzri et al.

Conclusion. — Les tumeurs malignes oculocutanées qui se développent chez les malades atteintsde xeroderma pigmentosum sont de types variés. La progression rapide de ces tumeurs et notam-ment celles de la cornée et du limbe peut être responsable de cécité. C’est dire l’importanced’une prise en charge précoce et d’une surveillance régulière de ces malades afin de diagnos-tiquer les tumeurs précocement et de les traiter de la facon la moins mutilante possible.© 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSOcular tumours;Xerodermapigmentosum

SummaryBackground. — Our aim was to determine the epidemiological, clinical and histopathologicalfeatures as well as the most suitable therapeutic management of malignant ocular tumours inxeroderma pigmentosum based on a retrospective study of 32 patients.Patients and methods. — Our study was conducted in the ophthalmology unit of the Charles-Nicolle hospital between January 2001 and January 2004. A complete bilateral ophthalmologicinvestigation was performed for all patients and the severity of photophobia was scored on afour-point scale.Results. — Thirty-two xeroderma pigmentosum patients were examined during this period. Pho-tophobia was found in 66% of cases and 19 of 32 patients (59%) were presenting ocular andperiocular malignancies. The mean age of patients was 19 years (four to 40 years). Thirty-threetumours were diagnosed in these 19 patients. Blindness was noted in 3/26 (12%) eyes in patientswithout malignant tumour and in 10/38 (26%) eyes in patients with malignant tumour.Conclusion. — Various types of malignant ocular-cutaneous tumours relating to sunlight deve-loped in xeroderma pigmentosum patients. These disorders are more prevalent in severe andmoderate forms of xeroderma pigmentosum. Lesions occur almost exclusively in the eyelids,conjunctiva, limbus and/or cornea. The rapid regression of these tumours, particularly in thecornea and limbus, may cause blindness, emphasising the importance of early managementand regular monitoring of patients in order to allow early diagnosis of this condition, thereby

treaasso

Ltllund[Eroscnoo

dtp

M

Ca2ur

cTgldéctsmeapafàpvavdmcba

ensuring the least mutilant© 2008 Publie par Elsevier M

e xeroderma pigmentosum (XP) est une maladie hérédi-aire autosomique récessive, grave et invalidante. Elle estiée à un défaut du système de réparation de l’ADN lésé pare rayonnement ultraviolet dont la conséquence clinique estne photosensibilité extrême. L’accumulation des lésions auiveau de l’ADN est à l’origine des mutations responsablese la survenue précoce de nombreux cancers oculocutanés1]. Le XP est une maladie très rare aux États-Unis et enurope avec une prévalence estimée à 1/300 000. Elle estelativement plus fréquente au Maghreb et au Moyen-Orientù le taux de consanguinité est élevé, sa prévalence en Tuni-ie est estimée à 1/10 000 [2]. L’atteinte oculaire est quasionstante, la photophobie en constitue le signe fonction-el inaugural. Les lésions cornéolimbiques inflammatoiresu tumorales causées par la maladie peuvent conduire à plusu moins long terme à la cécité [1,2].

Le but de notre travail était de déterminer le profil épi-émiologique, clinique, histologique et thérapeutique desumeurs oculaires malignes dans le XP sur une série pros-ective de 32 malades.

alades et méthodes

ette étude prospective a concerné tous les malades

tteints de XP colligés sur trois ans de janvier 2001 à janvier004 dans le service d’ophtalmologie du centre hospitalo-niversitaire Charles-Nicolle de Tunis. Les malades ont étéecrutés par la consultation de dermatologie du même

cpsr

tment possible.n SAS.

entre et par celui du centre hospitalo-universitaire Habib-hameur de Tunis. L’interrogatoire a recueilli les donnéesénérales de la maladie, en particulier la consanguinité etes antécédents personnels et familiaux. Les antécédentsermatologiques et les caractéristiques cliniques du XP ontté établis avec l’aide des dermatologues. La classificationlinique, établie par Zghal et al. [3], a permis de distinguerrois formes de gravité croissante (variante, intermédiaire,évère), dont les principaux items sont : l’âge de début de laaladie, le mode évolutif et l’âge de décès. La forme sévère

st caractérisée par un début très précoce, avant l’âge d’unn, la présence d’un érythème cutané associé à une photo-hobie intense, l’apparition de tumeurs cutanées malignesvant l’âge de dix ans, le décès avant l’âge de 15 ans. Laorme variante est d’apparition plus tardive, en moyenne

l’âge de quatre ans, avec un aspect poïkilodermie-likerogressif. L’érythème et la photophobie sont modérés,oire absents. Les premiers carcinomes apparaissent à l’âgedulte. En présence d’une photoprotection adéquate, la sur-ie peut rejoindre celle de la population normale. Entre ceseux formes, on peut décrire un continuum de formes inter-édiaires pour l’âge de début et l’importance des signes

liniques. Chaque malade a eu un examen ophtalmologiqueilatéral comprenant une mesure de l’acuité visuelle (AV)vec correction optimale, un examen des paupières, de la

onjonctive et de la cornée. L’examen de l’iris et du segmentostérieur a été réalisé si la photophobie le permettait,inon lors de l’anesthésie générale lors du traitement chi-urgical.

Tumeurs oculopalpébrales malignes dans le xeroderma pigmentosum 101

Tableau 1 Quantification de la photophobie.

Photophobie Grade Comportement dumalade exposé à lalumière du jour

Comportement dumalade exposé à lalumière de la salled’examen

Inspectionsans SL

Inspectionavec SL

Examen à laLAF

Absente 0 Normal Normal Aisé Aisé AiséMinime 1 Cache les yeux par des

lunettes solairesNormal Aisé Aisé SA possible

à faibleluminance,FO impossible

Modérée 2 Tête baissée, yeuxconstamment cachés

Regard fuyant Possible Possible Impossible

Intense 3 Tête baissée, yeuxconstamment cachés

Tête baissée et yeuxconstamment cachés

N’est possiblequ’avecouvertureforcée despaupières par

Impossible Impossible

L : so

LtdeeXr

1sdc

mc19 malades ayant des TO, une cécité était présente dans10/38 (26 %) yeux, causée par la présence d’opacités etde néovaisseaux cornéens dans six cas et par une tumeurcornéolimbique dans quatre cas.

FO : fond de l’œil ; LAF : lampe à fente ; SA : segment antérieur ; S

Nous avons quantifié la photophobie en quatre grades degravité croissante selon son intensité (Tableau 1) en nousbasant sur les critères suivants : le comportement du maladeexposé à la lumière du jour, le comportement du maladelors de l’examen par inspection sans source lumineuse oupar lumière focalisée à l’aide d’une source lumineuse ordi-naire et sur la difficulté de l’examen ophtalmologique enbiomicroscopie (à la lampe à fente). Cette photophobie aété considérée comme minime dans le grade 1 et invalidantedans les grades 2 et 3.

Résultats

Trente-deux malades atteints de XP ont été colligés au coursde cette période de trois ans. L’âge moyen des maladesétait de 18,6 ans (de quatre à 40 ans). Une consanguinitéa été trouvée chez 23/32 malades soit 72 % des cas et unehistoire familiale chez 24/32 malades soit 75 % des cas.La forme clinique du XP était sévère chez 9/32 malades(28 %), intermédiaire chez 14/32 malades (44 %) et variantechez 9/32 malades (28 %). Nous avons noté à l’interrogatoirequ’aucune mesure de photoprotection oculaire n’était res-pectée par les malades.

La photophobie était présente dans 66 % des cas (21/32malades). Elle était invalidante dans 89 % des cas de XPsévère (8/9 malades), minime ou absente dans 86 % des casde XP intermédiaire (12/14 patients) et dans 89 % des cas deXP variant (8/9 patients) (Fig. 1).

Au moment de l’inclusion dans l’étude, 24/32 malades(75 % des cas) avaient déjà été traités pour des tumeurs cuta-nées des zones exposées de la face, en dehors des paupièreset de la région périorbitaire. L’âge moyen d’apparitionde ces tumeurs cutanées était de 12,7 ans. Des tumeurs

malignes oculaires et périoculaires (TO) ont été notées chez19/32 malades (59 % des cas). La distribution et l’âge moyende ces 19 malades en fonction de la forme clinique du XP sontrapportés dans le Tableau 2. Les TO apparaissaient d’autantplus précocement qu’il s’agissait de forme sévère de XP.

Fnt

un aide

urce lumineuse.

e délai moyen entre la date d’apparition de la premièreumeur cutanée (TC) et de la première TO était plus courtans les formes sévères que dans les formes intermédiairest variantes. Chez 17/19 malades, les TC étaient apparuesn premier. Dans un cas de XP sévère et un autre cas deP intermédiaire, la TO était apparue avant la TC, et ce,espectivement à l’âge de sept ans et à l’âge de cinq ans.

Nous avons diagnostiqué 33 tumeurs chez ces9 malades ; le siège et le type histologique des tumeursont rapportés dans le Tableau 3. Chez les malades ayantes TO, le grade de la photophobie en fonction de la formelinique du XP est rapporté dans la Figure 1.

Une cécité a été notée dans 3/26 (12 %) yeux sans tumeuraligne, cette cécité était causée dans ces cas par une opa-

ification et/ou une néovascularisation cornéenne. Chez les

igure 1. Grade de la photophobie en fonction de la forme cli-ique du XP, chez la totalité des malades et chez les malades avecumeurs oculaires (TO).

102 R.A. Touzri et al.

Tableau 2 Données cliniques en fonction de la forme du XP chez les 19 malades ayant des tumeurs oculaires.

Forme clinique Sévère Intermédiaire Variant

Nombre 7 7 5Âge moyen (ans) 8,2 20,2 31,8Délai entre Tc et To (ans) 2,8 8,3 12,8Âge moyen d’apparition de la To (ans) 6,6 14,4 31

To : tumeur oculaire ; Tc : tumeur cutanée.

Tableau 3 Distribution des 33 tumeurs en fonction du siège et de l’histologie.

Siège Histologie Nombre (%)

Paupières CBC 16 (48)CE 1 (3)

Limbe CE 11 (33)Limbe étendu à la cornée et la conjonctive CE 1 (3)Limbe étendu à la cornée CE 4 (12)

bdcbt1cclft1gnde

lt(tta

D

Ltcdrdpdn

Figure 2. Malade âgée de cinq ans, atteinte d’un XP sévère,ayant un carcinome épidermoïde du limbe de l’œil gauche et uncarcinome épidermoïde de la paupière inférieure gauche.

CBC : carcinome basocellulaire ; CE : carcinome épidermoïde.

En ce qui concerne le traitement des 17 tumeurs palpé-rales, nous avons effectué une résection tumorale suivie’une reconstruction palpébrale dans 15 cas et traité parryothérapie deux carcinomes basocellulaires confirmés pariopsies de la paupière inférieure chez deux malades. Les 16umeurs limbiques et cornéolimbiques ont été traitées dans3 cas par résection tumorale large et profonde suivie deryoapplication dans le même temps opératoire. Dans deuxas, la résection chirurgicale était incomplète, du fait de’extension du carcinome épidermoïde vers les couches pro-ondes de la cornée et de la sclère, et en postopératoire unraitement adjuvant par deux cures de 15 jours espacées de5 jours, de mitomycine collyre à 0,02 % à raison de quatreouttes par jour a été réalisé. Enfin, dans un cas de carci-ome épidermoïde avec envahissement massif de la cornée,e la conjonctive et des paupières, le traitement a consistén une chirurgie mutilante par exentération.

Après un recul moyen de 24 mois, tous les malades, à’exception de celle ayant eu une exentération, ont eu unraitement conservateur avec un bon résultat fonctionnelFigs. 2—4). Nous n’avons noté aucune récidive sur les sitesraités. Néanmoins, de nouvelles tumeurs sont apparues :rois limbiques et deux palpébrales, chez trois maladesyant une forme sévère de XP.

iscussion

a prévalence du XP est élevée en Tunisie en raison du fortaux de consanguinité, celle-ci a été notée chez 72 % desas de notre série, alors qu’elle a été trouvée dans 40 %es cas de la série de Goyal et al. [1] et 31 % des cas de la

evue de la littérature de Kraemer et al. [4]. Le degré élevé’ensoleillement de notre pays ainsi que la mauvaise photo-rotection chez ces malades expliquent l’incidence élevéees tumeurs cutanées (75 %) et oculaires (59 %) notée dansotre série.

Figure 3. Même malade en postopératoire immédiat (résectioncryoapplication de la tumeur du limbe, résection de la tumeur pal-pébrale suivi de reconstruction palpébrale par suture directe).

Tumeurs oculopalpébrales malignes dans le xeroderma pigmento

dlddifvpmlo

cppctd

ddctcKuceléqpeà

tlcpdpiLdcdltàff

R

[

1994;78:295—7.

Figure 4. Même malade un an après.

L’atteinte oculaire est quasi constante dans le XP, en par-ticulier dans les formes sévères et intermédiaires, elle esttardive si elle apparaît dans les XP variants. Le premier signeophtalmologique est la photophobie, elle précède parfoisles signes cutanés et permet d’orienter le diagnostic dansles familles à risque [3]. Elle est constante et intense chezles XP sévères et intermédiaires, inconstante et discrètechez les XP variants. Dans notre série, elle était invalidantedans 8/9 cas des formes sévères, minime ou absente dans12/14 cas des formes intermédiaires et elle était totale-ment absente dans 5/9 cas des formes variantes (Fig. 1).Elle pourrait être expliquée par la présence d’une irrita-tion conjonctivale continue, accentuée par l’apparition delésions cornéolimbiques inflammatoires ou tumorales. Cettephotophobie était plus intense et plus constante chez lesXP sévères chez qui la photosensibilité cutanée et oculaireest plus importante. La fermeture des yeux par photophobieconstituerait un élément de photoprotection naturelle desglobes oculaires. Il ne faudrait donc pas lutter contre cettephotophobie chez ces malades.

Les lésions siègent presque exclusivement sur la peau despaupières, sur la muqueuse conjonctivale, limbique et/oucornéenne, qui sont les tissus exposés directement au rayon-nement ultraviolet solaire. L’inflammation chronique despaupières est responsable d’atrophie cutanée, d’ectropionnotamment en paupière inférieure, de perte des cils oumême de toute la paupière, ce qui accentue l’exposition dela surface oculaire aux rayonnements ultraviolets et doncaugmente le risque d’apparition de néoplasie. L’iris, le cris-tallin, la choroïde et la rétine sont le plus souvent épargnéscar protégés par les tissus précédemment cités [2]. Rare-

ment ont été notées une atrophie de l’iris ou des tachesd’hyperpigmentation. Seulement trois cas de mélanome del’uvée (iris et choroïde) ont été décrits dans la littérature[4,5].

[

sum 103

Kraemer et al. ont trouvé que 50 % des malades atteintse XP développaient des tumeurs oculaires malignes vers’âge de 11 ans [4]. Dans notre série, l’âge moyen’apparition des tumeurs oculaires malignes était de 6,6 ansans les formes sévères, de 14,4 ans dans les formesntermédiaires et de 31 ans dans les formes variantes. Laréquence de ces tumeurs oculaires malignes était plus éle-ée dans notre série, observée dans 59,4 % des cas, cela trèsrobablement en rapport avec le mode de recrutement desalades. En effet, les malades consultent en dermatologie

e plus souvent lors de l’apparition de signes cutanés et enphtalmologie lorsque l’atteinte oculaire est déjà installée.

Comme dans la littérature [6], dans notre série, le car-inome basocellulaire était la tumeur maligne palpébrale lalus fréquente, alors que le carcinome épidermoïde étaitlus fréquent au niveau du limbe, de la conjonctive et de laornée. Trois cas seulement de mélanome de la conjonc-ive ont été décrits dans la littérature, ainsi qu’un cas’angiosarcome de la cornée [7,8].

La cécité chez les malades atteints de XP est secon-aire soit à une opacification et une néovascularisatione la cornée, elles-mêmes secondaires à une inflammationornéoconjonctivale chronique et à des infections à répéti-ion, soit à l’extension vers la cornée de la néoplasie de laonjonctive ou du limbe. Dans la revue de la littérature deraemer et al. [4], 12 % des malades atteints de XP avaientne cécité alors que dans notre série celle-ci a été notéehez 20 % des yeux de tous les malades examinés. Ce tauxst élevé car ces malades ont été vus à un stade avancé dea maladie, alors que le taux observé par Kraemer et al. até calculé par rapport au nombre total de malades quelue soit le stade évolutif. Le risque de cécité est d’autantlus élevé qu’il existe une néoplasie oculaire, comme celast démontré dans notre série, où le taux de cécité s’élève26 % des cas chez les malades ayant des tumeurs oculaires.

La prise en charge des malades atteints de XP est mul-idisciplinaire, elle doit être précoce dès le diagnostic dea maladie, avec une éducation des familles et des enfantshez qui il faut insister sur les mesures générales de photo-rotection. L’ophtalmologiste doit insister sur l’importancee la photoprotection oculaire et conseiller le port de cha-eaux à lisière large et de lunettes munies de filtre à fortndice de protection anti-UV et à cadre et bras larges.’amélioration du pronostic visuel passe également par unépistage précoce des lésions oculaires précancéreuses etancéreuses et cela grâce à une surveillance régulière aveces contrôles semestriels jusqu’à l’apparition des premièresésions oculaires, puis des contrôles plus rapprochés en fonc-ion du profil évolutif de l’atteinte oculaire. Nous proposons,

titre d’exemple, une surveillance trimestrielle dans lesormes sévères sans atteinte oculaire et mensuelle pour lesormes sévères avec atteinte oculaire inflammatoire.

éférences

1] Goyal JL, Rao VA, Srinivasan R, Agrawal K. Oculocutaneousmanifestations in xeroderma pigmentosum. Br J Ophthalmol

2] Moussala M, Behar Cohen F, D’hermies F, Bisseck AC, Renard G.Le xeroderma pigmentosum et ses manifestations oculaires,à propos du premier cas Camerounais. J Fr Ophtalmol2000;23:369—74.

1

[

[

[

[

[

04

3] Zghal M, Fazaa B, Kammoun MR. Xeroderma pigmentosum.Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Dermatologie, 98-660-A-10,2006, 6p.

4] Kraemer KH, Lee MM, Scotto J. Xeroderma pigmentosum. Cuta-

neous, ocular, and neurologic abnormalities in 830 publishedcases. Arch Dermatol 1987;123:241—50.

5] Johnson MW, Skuta GL, Kincaid MC, Nelson CC, Wolter JR. Mali-gnant melanoma of the iris in xeroderma pigmentosum. ArchOphthalmol 1989;107:402—7.

[

R.A. Touzri et al.

6] Hadi U, Tohmeh H, Maalouf R. Squamous cell carcinoma of thelower lid in a 19-month-old girl with xeroderma pigmentosum.Eur Arch Otorhinolaryngol 2000;257:77—9.

7] Vivian AJ, Ellisson DW, McGill JI. Ocular melanomas

in xeroderma pigmentosum. Br J Ophthalmol 1993;77:597—8.

8] Bellows RA, Lahav M, Lepreau FJ, Albert DM. Ocular mani-festations of xeroderma pigmentosum in a black family. ArchOphthalmol 1974;92:113—7.