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Sur les traces de Mélusine:

fées, sirènes et dames de la Charente-Maritime

Anne Hambücken1

Introduction

La légende veut que la ville de Pons ait été édifiée par la fée Mélusine. C’est elle aussi que certains

auteurs, tels que Lamontellerie (1995), reconnaissent dans la légende de l’anguille de Pons et de sa

clochette: Mais si on prêtait l’oreille (…), on entendait parfois tinter la clochette. Alors, le sire de

Pons savait que le malheur planait sur sa maison. Est-ce là un reflet de Mélusine déformée, rapetissée

à la seule fonction de génie familial, annonciatrice des prochains deuils ? Il est effectivement tentant

de voir dans ce poisson, dont la forme évoque celle d’un serpent, la queue de Mélusine, et dans sa

clochette annonciatrice de deuils, les cris déchirants poussés par la fée pour annoncer la mort de ses

descendants. Mélusine peut en effet prendre plusieurs aspects, fée, sirène et même dragon. C’est sur

ses traces que nous parcourrons la Charente-Maritime à la recherche de ses différents visages et des

prouesses, mésaventures et malédictions que lui a attribuée l’imagination populaire.

Mélusine et sa légende

L’origine de Mélusine est très ancienne

puisqu’elle serait née de plusieurs mythes de

l’Antiquité: la mère Lucine romaine qui présidait

aux naissances, une divinité celte protectrice des

fontaines, la Mélugina des Ligures, la Milouziena

des Scythes, ou Mélicine, la Parque des Gaulois.

Hérodote (circa 484-420 av. J.-C.) a raconté la

rencontre d’Héraclès avec une jeune fille serpent

formée de deux natures ; les parties supérieures

de son corps, à partir des hanches, étaient d'une

femme ; les parties inférieures, d'un reptile.

On trouve dès les XIIe et XIIIe siècles des contes

évoquant certains aspects de la légende de

Mélusine: l’histoire de Raymond du Château-

Rousset (Tilbury, XIIe siècle) ou celle d’une

lignée issue d'une serpente (Beauvais, XIIIe

siècle). Pierre Bressuire, au début du XIVe siècle,

a mentionné, dans son Reductorium Morale, une

fée dont l’histoire rappelle celle de la fée. Mais

ce n’est qu’en 1392 que Jehan d’Arras nomme

explicitement Mélusine dans son roman intitulé

La Noble Histoire de Lusignan, suivi en 1401 par

Coudrette, dans son Roman de Mélusine.

Il existe plusieurs versions de l’histoire de

Mélusine. Selon celle de Jehan d’Arras,

Raymondin a rencontré la fée alors qu’il venait

de tuer accidentellement son oncle, le comte

Aymar de Poitiers, lors d'une chasse au sanglier.

Pris de tristesse et de remords, il s’enfuit au

galop. C’est ainsi qu’à minuit, il dépassa sans les

voir, trois dames qui se baignaient dans une

fontaine enchantée. La plus belle dame arrêta le

cheval par la bride, réconforta Raymondin et

promit de faire de lui le plus grand des seigneurs

à condition qu’il l'épouse et qu’il ne cherche

jamais à la voir le samedi. Ils se marièrent, et

Raymondin devint seigneur de Lusignan.

La rencontre de Mélusine et de Raymondin. Illustration

de L'histoire de la belle Mélusine de Jehan d'Arras (1478)

(Bibliothèque nationale de France)

La fée donna naissance à dix fils. Les huit

premiers présentaient chacun une tare. Le couple

vécut heureux jusqu’à ce que le comte de Forez,

frère de Raymondin, leur rendit visite un samedi.

Etonné de ne pas voir Mélusine, il raconta à

Raymondin que la rumeur populaire prêtait à son

épouse de mauvaises mœurs. Fou de colère,

Raymondin se précipita jusqu’à la lourde porte de

la pièce où Mélusine se retirait chaque semaine.

Il creusa y un trou du bout de son épée et son

épouse lui apparut, se baignant dans un grand

bassin de marbre: [Il] vit Melusine qui estoit en

la cuve jusques au nombril en signe de femme, et

peignoit ses cheveulx ; et du nombril en bas en

signe de la queue d’une serpente grosse comme

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eung quaque à harenc, et moult longuement

debatoit sa queue en l’eaue, tellement qu’elle la

faisoit bondir jusques à la voulte de la chambre

(Jehan d'Arras, retranscrit par Jean, 1854).

Raymondin découvrant le secret de Mélusine.

Illustration de L'histoire de la belle Mélusine de Jehan

d'Arras (1478) (Bibliothèque nationale de France)

Raymondin, malheureux d’avoir trahi la

promesse faite à Mélusine, chassa son frère

pendant que la fée, qui avait pris l’apparence

d’un dragon, s’envolait par la fenêtre en poussant

des cris déchirants. Elle reviendra annoncer par

ses cris la mort prochaine de ses descendants.

Le mythe de Mélusine a fait l’objet de

nombreuses analyses évoquées notamment par la

Société de mythologie française: C. Lecouteux

souligne le renversement qui s'est opéré dans la

thématique mélusinienne: l'homme attendait

autrefois de la divinité qui s'unissait à lui

richesse et immortalité, et tel était le propos des

hiérogamies sacrées entre le roi et un être

surnaturel. Avec le christianisme, c'est désormais

l'être féerique qui a besoin de l'homme pour

exister, gagner une âme et ainsi pouvoir espérer

le salut: L'homme devient égal sinon supérieur

aux divinités de la basse mythologie. (…) Elle

[Mélusine] reste, par-delà l'extinction des

croyances, l'antique divinité déchue, que l'on n'a

pourtant jamais vraiment cessé de révérer: la

toute-puissante Nature, celle qui a comblé les

hommes de ses dons.

Fées, dames et sirènes de la

Charente-Maritime

Les légendes concernant Mélusine se retrouvent

surtout en Aunis. Jean d’Arras, nous dit

Lamontellerie (1951), a fait dans son roman

belle place à l’Aunis et place maigre à la

Saintonge.

La fée Mélusine prend différentes formes en

fonction des légendes. Comme les autres fées du

Moyen Age, elle se montre sous l’aspect d’une

femme normale. Elle se fait fée bâtisseuse à La

Rochelle, à Pons et à Saintes pendant que son

mari Raymondin sillonne les chemins de

Bretagne. A Châtelaillon elle apparaît sous les

traits d’une femme âgée. Elle se devine sous la

forme d’une sirène sur les côtes de la même cité,

de La Rochelle et de l’île de Ré. C’est également

une version simplifiée de la Mélusine sirène

qu’évoque l’anguille de Pons.

Les fées, souvent bienveillantes, et les dames

blanches, proches des revenants, sont d’autres

êtres fantastiques plus ou moins apparentés à

Mélusine.

Angoulins

Le puits des Mazureaux (...) est visité par les

Dames blanches qui, pendant la nuit, les nuits

d'orage surtout, forment des rondes autour de

son orifice. (…) Il est notoire parmi le peuple,

qu'à moins de deux siècles derrière nous, un

fanfaron n'avait pas voulu s'enfuir à la vue des

dames blanches qui surgissaient du sol, il s'était

même permis, le téméraire, de faire acte de

courtoisie et de galanterie envers l'une d'elles

mais l'audacieux fut entraîné dans une sarabande

infernale, soulevé de terre et emporté dans les

airs, comme un petit nuage noir qui ne rendit à la

terre que la coiffure du trop galant cavalier des

dames fantastiques (Musset, 1885).

Antezant-la-Chapelle

Le dolmen de la Grosse-Pierre à Antezant-la-Chapelle

C’est à une fée qu’est attribuée l’origine du

dolmen d’Antezant-la-Chapelle (Musset, 1885):

Les habitants du pays disent que ce monument a

été déposé là par une fée et qu'elle cache l'entrée

d'un souterrain qui renferme un trésor. A une

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époque très reculée, le propriétaire du champ

voulant s'emparer du trésor caché dans le

souterrain réunit un grand nombre de

travailleurs armés de pelles, de pioches, de

leviers puis après avoir fait dégarnir la pierre

jusqu'à sa base, y fit atteler douze paires de

bœufs. Mais au premier coup de collier que ces

animaux donnèrent, un orage épouvantable

éclata, accompagné de ténèbres, de pluie et de

grêle. Les hommes se sauvèrent comme ils

purent, mais tous les bœufs périrent. Le

propriétaire effrayé fit solennellement le vœu de

ne jamais chercher à faire enlever cette pierre, et

fit faire le même vœu à ses enfants avec

recommandation d'exiger la même chose de leurs

descendants, de telle sorte que la pierre occupe

toujours la même place.

Ardillières

La tradition veut qu’à l’époque où Mélusine

bâtissait Châtelaillon, elle ait perdu à la pointe

du jour une dornée de pierres qui se transforma

en dolmens à Ardillières (Lamontellerie, 1995).

Une autre légende prétend qu’une fée habite le

sous-sol de la région et que le dolmen en garde

l’entrée (Pourtaud et Olivet, 2015).

Le dolmen de la Pierre Levée à Ardillières

Aumagne

Selon Cousset (1912), la pierre du Terrier de

Babelot est un polissoir néolithique. Voici la

légende qu’il a recueillie au sujet de cuvettes

dans lesquelles l’imagination populaire voit

l’empreinte du pied de Malésine, prononciation

locale de Mélusine: Une Fade du nom de

Mélusine [Malésine], avait été condamnée à

bâtir dans une seule nuit le Fanal de Villegouge.

Cette Fade, qui avait bientôt terminé son travail,

portait dans son tablier la dernière pierre,

s’étant attardée en passant près de la Fontaine

de Reigner, et voyant venir le jour, elle se hâta

d’aller porter son fardeau qui devait finir le

fanal. Mais le chant du coq la surprit sur le

Terrier de Babelot ; les cordes de son tablier se

rompirent et la pierre tomba où elle est encore.

La Fade, posant la pointe du pied sur cette

pierre, poussa un grand cri et disparut !.. On ne

l’a plus revue depuis.

La pierre du Terrier de Babelot à Aumagne

Authon-Ébéon et Saint-Romain-de-Benêt

Mériot (1936) a raconté pourquoi le fanal

d’Ebéon n’a jamais été achevé: Quelques

membres de l’équipage d’un bateau naufragé sur

la côte de la Gironde prennent terre au Fa (…)

s’y réfugient dans une sorte d’abri naturel, où ils

découvrirent une pauvre femme toute hébétée.

(…) Les marins pris de pitié, prétendent

l’emmener avec eux sur la route de terre qui les

conduira en Ibérie, et la secourir, en dépit de

leur propre dénûment. Mais cette pauvre femme

se révèle être une fée, se transforme, devient

pleine de grâce et de jeunesse et métarphose le

refuge précaire en un palais fastueux où les

attend un magnifique repas.

La tour de Pirelonge à Saint-Romain de-Benêt

La fée, pour les aider à gagner l’Ibérie, prétend

jalonner leur route de signaux lumineux, avec

l’aide d’une collègue et d’un marteau enchanté.

Tandis qu’elle édifiait Pire-longue, son amie

bâtissait Ebéon, où la besogne s’avérait moins

facile. (…) La première fée, lorsqu’elle eût

terminé son ouvrage, lança si lestement le

marteau enchanté à sa collaboratrice qu’elle

l’assomma. Les fées étaient malheureusement

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mortelles ; du fait de ce déplorable accident du

travail, le « fanal » d’Ebéon ne fut jamais

achevé. …

Lamontellerie (1995) a mentionné d’autres fées

aux abords du fanal: La plupart de nos fées

bienveillantes se délassaient en dansant au clair

de lune ; elles aimaient beaucoup entourer le

fanal d’Ebéon de leurs rondes légères. Lasses de

danser, elles s’asseyaient dans l’herbe et l’herbe

poussait drue et verte à la place où elles s’étaient

assises ; c’étaient « les cercles de la fée »…

Le fanal d’Ebéon (photo J.-S. Pourtaud)

Bignay

Selon Lamontellerie (1995), une fée prit au

moulin de Saint-Marmé (près de Torxé et à

quelques kilomètres de Puyroland) la terre de la

Motte de Brignay érigée sur le bord de la voie

pré-romaine de Taillebourg à Tonnay-Boutonne.

Le même auteur a fait une autre allusion à cette

légende: une autre fée venant du Moulin de

Saint-Marmet a transporté dans son tablier « la

grosse motte » de Bignay.

Chaillevette

Colle (1976) rappelle que le très vieux chemin

qui allait de la Moullère à Crève-Sot au menhir

d’Etaules se nommait le « chemin des Dames ».

Châtelaillon

La légende veut que ce soit la fée Mélusine qui

ait construit la ville-forte de Châtelaillon. Selon

Lamontellerie (1995), c’est autour de la Tour de

l’Aigle construite par Jules César que fut bâtie la

ville: La dame fit environner la Tour de l’Aigle

de grosses tours et de forts murs et fit nommer la

forteresse le Chastel-Aiglon… La cité devint

ainsi l’une des plus riches de l’ouest et si

justement renommée qu’il fallait aller jusqu’à

Lusignan pour en trouver une aussi

belle. Mais le seigneur s’enrichissait de la mer

et d’avoir place-forte si belle, il s’énorgueillait

jusqu’à l’arrogance. Il aima le plaisir d’humilier

son prochain et de faire plus lourd le poids de sa

puissance … C’est pour cette raison que

Mélusine provoqua la destruction de

Châtelaillon. En voici la version de Musset

(1885): Aux soirées d'hiver, les vieilles gens du

pays d'Aunis racontent qu'il y a de cela bien

longtemps, par une nuit de tempête, la fée

Mélusine (…) vint demander l'hospitalité au

seigneur de Châtelaillon. (…) sous les traits

d'une vieille femme, la fée grelottait aux atteintes

de la tempête et du froid pénétrant de l'embrun.

Les châtelains furent impitoyables, toutes les

portes se fermèrent. Aussi, reprenant sa première

forme, Mélusine se redresse en face de la cité

inhospitalière et lui annonce (…) que

Châtelaillon s'en irait pierre par pierre sous les

coups de l'Océan, et qu'il périrait tous les jours

d'un sou et d'un denier.

Une autre légende attribue également la

disparition de Châtelaillon à Mélusine, mais cette

fois, la fée apparaît sous la forme d’une

sirène (Musset, 1885): Nous retrouvons la fée

serpente dans notre sirène de Châtelaillon,

seconde forme de notre Mélusine, et dont

l'habitation, l'hâté, a encore conservé son nom

parmi les pêcheurs. La ville de Châtelaillon fut

florissante tant que la sirène fut respectée au

milieu des rochers qu'elle habitait, mais un jour

un pêcheur l'ayant blessée par mégarde, la sirène

avant de mourir annonça à la capitale de l'Aunis

qu'elle s'en irait tous les jours à la mer d'un

sillon et d'un denier.

Courcoury

C’est la fée Mate qui fait l’objet de cette légende

racontée au sujet de l’origine du terrier de la Fade

de Courcoury par Chaudruc de Crazannes

(1820): Dans la petite île de Courcouri, ou

Courcori, formé par la Charente et la Seugne

(…) on voit un autre de ces Tumuli, nommé le

terrier de la Fade, ou de la fée. On raconte dans

le pays qu'une Fée qui habitait cette île, et qui

s'appelait Mate, ayant laissé tomber dans la

Seugne son fils qu'elle allaitait, et l'en ayant

retiré mort, se mit en devoir de l'enterrer: à cet

effet, elle remplit son tablier de graviers, et les

jeta sur le corps de son nourrisson: cet amas de

terre forma le terrier ou tertre de Courcori, et

l'on montre, à quelque distance de la motte, la

place où la fée en prit les matériaux; c'est une

cavité large et profonde.

Musset (1885) précise que la fée dans son

désespoir, (…) voulut lui élever une sépulture en

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rapport avec sa grande douleur. Elle remplit

donc sa robe de pierres et de terre qu'elle

arracha au sol. Mais les cordons de son tablier

se dénouèrent et la charge qui lui échappa forma

le terrier de la Fade; la rivière se précipita de

son côté dans le trou qu'elle avait creusé et qui

devint la Fosse Argentine.

Le terrier de la Fade à Courcoury (photo J.-S. Pourtaud)

Une autre légende a été recueillie en patois

saintongeais par Nicolas Moreau vers 1840. Elle

a été traduite dans la Revue de Saintonge et de

l’Aunis en 1931 (Colle, 1976): Il y avait deux

fades, l’une Courcouride, que l’on appelait aussi

la fée Corcosse, et l’autre, Sargentine, qui était

la plus puissante. Celle-ci était une méchante qui

tourmentait Courcouride. (…) Courcouride avait

deux fadets qu’elle aimait de tout son cœur. L’un

d’eux s’amusait dans une flaque d’eau et

barbotait au bord de la Seugne. Sargentine

creusa un trou à côté de lui. Hélas, le fadet

tomba au milieu, se débattit, coula au fond et se

noya. La mère s’agita, cria, s’agenouilla, comme

un traquet de moulin, se faisant entendre au loin.

(…) Courcouride s’empressa de combler le fossé

pour garantir du danger les autres enfants. Elle

prit, bonnes gens, de la terre plein son tablier et

la porta, en pleurant, dans ce fossé. Mais la

dame Sargentine, toujours empressée à lui faire

de la peine, lui jeta un sort. Tout aussitôt, la

corde de son tablier se rompit, et la terre, en

tombant, fit le « terrier de la Fade » et,

aujourd’hui, nous appelons Fosse Argentine le

grand trou où le fadet se noya.

Ile d’Aix

Une légende comparable à celle de Châtelaillon a

été rapportée par Colle (1979) au sujet de la

destruction d’un château qui se dressait là où l’île

d’Aix était autrefois attachée au continent. Son

propriétaire ayant refusé l’hospitalité à une vieille

femme par une terrible nuit d’orage, il la vit

apparaître sous les traits de Mélusine: Pour te

punir, dit-elle, je t’annonce que ces biens dont tu

es si avide vont disparaître rapidement. Son

château et ses domaines furent en effet peu à peu

rongés par l’océan, et c’est ainsi que le territoire

d’Aix devint une île.

Ile d’Oléron

Colle (1979) a raconté l’histoire de la sirène

d’Antioche que l’on peut résumer comme suit. A

Chassiron vivait un jeune pêcheur qui ramassait

d'énormes crabes sur les rochers d'Antioche.

C’est là qu’il aperçut un jour une sirène si belle

avec ses longs cheveux d’or, avec ses yeux

d’aigues marines qu’il en tomba aussitôt

amoureux et il alla voir la sorcière de Brée qui lui

indiqua comment l’attraper: Le seul moyen de

capturer une sirène est de se glisser derrière elle

et de la prendre par les cheveux, alors elle ne

peut plus bouger. Mais il ne peut qu’advenir du

mal d’une telle aventure. Tu ferais bien de

l’oublier. Le pêcheur captura la sirène et malgré

ses supplications, il refusa de lui rendre sa liberté

et l'épousa. Pendant quelques semaines, ils

vécurent heureux et tout lui réussit. Il put acheter

une grosse barque et embaucher un marin et un

mousse. Alors qu’ils pêchaient un jour au large

de pointe d’Arceau, le pêcheur s’endormit et fit

un terrible cauchemar: trois énormes vagues

s’abattaient sur la barque, l'une de cristal, l'autre

de lait et la troisième de sang. Dans la vague de

sang se trouvait un monstre marin prêt à les

dévorer. A peine avait-il raconté aux deux

hommes son rêve que la première vague s'abattit

sur le bateau, suivie de la vague blanche et de

celle de sang. Le pêcheur se saisit de son harpon

et le planta dans l’eau. Un hurlement d’agonie

retentit et l’eau sanglante se fendit pour laisser

passer la barque. En rentrant chez lui, il vit un

attroupement de femmes qui se lamentaient. Il

découvrit son épouse ensanglantée agonisant sur

le lit, blessée par un harpon. La sirène s'éteignit

le soir même, et le pêcheur désespéré mourut peu

de temps après. Tous deux furent enterrés au

cimetière de Saint-Denis-d'Oléron. On dit que

quelques siècles plus tard, on découvrit un

squelette de dauphin dans l'une des tombes.

Ile de Ré

Lamontellerie (1995) raconte que les sirènes de

l’île de Ré aimaient singulièrement les jeunes

marins et les enlevaient sans pitié à leur fiancées.

On les a vues à la pointe des Baleines, dans la

baie du Fier, près des écueils de Chanchardon à

Antioche …

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La Brousse

Hermelinde, l'une des filles du seigneur des

Brousses, avait été contrainte d'épouser contre

son gré le sire de Godefroid. Son affection s'était

portée sur le beau Roger, fils du seigneur de

Varaize, que l'on accusait d'avoir des rapports

avec le démon. Le mariage devait se célébrer

dans la chapelle d'Esset. Au moment où la jeune

fille affolée allait prononcer non, à la question du

prêtre, on entendit une voie tonnante crier

malédiction puis un cliquetis d'armes et le saint

prêtre tomba baigné dans son sang. Le seigneur

des Brousses et le sire de Godefroid (…)

succombèrent sous les coups des ennemis dont la

face était cachée par les hauberts. (…) Le

tonnerre vint frapper à plusieurs reprises la

vieille chapelle isolée qu'il renversa de fond en

comble. Le lendemain de ce funeste événement,

on trouva, sur les bords d'un bois, le cadavre

meurtri et encore vêtu de ses habits de noce de la

jeune fiancée Hermelinde. De la chapelle, il ne

resta pas pierre sur pierre, et l'on dit que

pendant le désastre, on vit Satan (…) saisir en

ricanant la cloche fatale qui avait sonné (…) le

glas de la fille du seigneur des Brousses, la jeter

avec violence au fond d'un gouffre qui s'ouvrit

pour la recevoir et se ferma sur elle. « Reste

cachée, dit-il, jusqu'au jour où je donnerai à un

de mes élus le pouvoir d'aller te tirer du puits où

tu reposeras pendant des siècles » (…) On dit le

soir, aux veillées du village, qu'à la nuit

tombante, on voit, au clair de la lune, la jeune

fille apparaître au coin d'un bois avec sa robe

blanche, et que Roger qui avait un pacte avec le

diable, est condamné depuis ce jour à errer au

milieu des forêts…. (Musset, 1885).

La Jarne

Le dolmen de la Pierre Levée reconstitué à La Jarne

C'est à Mélusine que la tradition attribue la

construction du dolmen de La Jarne (Musset

1885, voir aussi Châtelaillon et La Rochelle): Les

vieilles gens ajoutent que, pendant bien

longtemps, on vit la fée revenir aux mêmes lieux

[Châtelaillon] elle emportait dans les plis de sa

robe (sa dorne) les pierres du vieux castrum pour

élever la magnifique abbatiale de Maillezais. Un

jour, cependant la charge était trop lourde, et

une pierre tombée du tablier de la fée est restée

près de la Jarne, faisant, sous le nom de pierre

levée, l'étonnement des populations.

La Rochelle

Selon Jehan d’Arras, c’est après la naissance de

son troisième fils qui eut nom Guion, et fut moult

bel enfant ; mais il eut ung œil plus hault que

l’aultre que Mélusine fonda les tours de la

Rochelle et le chasteau, et commença de la ville

une partie (Jean, 1854).

A gauche, la tour Saint-Nicolas ou tour Mélusine

de La Rochelle

Pour Musset (1885) également: C'est encore

Mélusine qui a construit la tour de la Rochelle à

laquelle elle a laissé son nom, la tour de

Mélusine ou Saint-Nicolas. La corrélation existe

ici entre les deux légendes de Mélusine et de la

Sirène. Nous savons tous que la forme serpente

était l'une des formes de Mélusine or la fée

poitevine apparaît dans l'autre légende pour

venir, en punition de la dureté des seigneurs et

des habitants de Chatelaillon, leur annoncer que

la ville périra tous les jours d'un sou et d'un

denier, et nous l'avons trouvée, reprenant son

rôle de bâtisseuse, prenant le chemin de

Maillezais, et laissant tomber le dolmen de la

Jarne. La légende ne nous ajoute pas qu'elle bâtit

au même moment la tour de la Rochelle, et pour

le même motif. Mais c'est à elle que fut attribuée,

dans le peuple, la construction de la tour de la

chaîne, aujourd'hui Saint-Nicolas. Encore au

XVIIe siècle, cette tour était parfois appelée la

tour de Mélusine.

C’est aussi une sirène qui serait à l’origine du

nom de La Repentie, au nord de la ville de La

Rochelle (Musset, 1885): Nous retrouvons

encore la Sirène aux portes de la Rochelle, à la

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Repentie. D'après une légende populaire, (…) le

nom de Repentie aurait été donné à ce point de la

côte de Chef-de-Bois, par suite de la

circonstance suivante Un riche habitant de cette

côte, qui y avait une belle propriété et était père

de plusieurs enfants, étant à la pêche avec sa

femme, prit dans ses filets une sirène. Celle-ci la

supplia de lui rendre la liberté. Le mari y était

disposé, mais la femme insista pour garder la

curieuse capture qu'ils venaient de faire, et pour

la transporter dans leur demeure. La sirène la

menaça de l'en faire repentir. Mais malgré ses

pleurs et ses menaces, elle fut conduite dans la

maison de ses capteurs. Quelque temps après, la

mer envahit le rivage et détruisit leur propriété,

en enlevant le mari et ses enfants avec la sirène

qui laissa ainsi la veuve, ruinée et repentie, la

malheureuse femme, principal auteur de la

captivité de ce fantasque habitant de l'Océan.

La Vallée

La Vierge a pris la place d’une fée dans la

légende qui raconte la construction du dolmen de

la Vallée (en fait, il subsiste deux monuments):

La bonne Vierge portait des pierres dans son

tablier, la lie s'étant rompue, les pierres

tombèrent et formèrent le dolmen (Musset,

1885).

Les dolmens de la Pierre Levée à La Vallée

Marsais

Si la légende n’attribue pas aux fées la

construction des dolmens de Marsais, elle les fait

hanter les alentours (Musset, 1885): Ces fées, au

contraire de quelques autres, jouissaient d'une

détestable réputation, et le seul moyen

d'échapper à leurs embûches, quand on

s'engageait, la nuit, dans les bois où elles

faisaient leur demeure, était d'user de

conjurations magiques. (…) Ce sont aussi des

fées sous forme humaine qui avaient établi leur

demeure dans les bois de la Faye-d'Epannes,

entre Marsais et Saint-Félix, où s'élevaient, il y a

quelque trente années, deux beaux dolmens

aujourd'hui détruits (voir aussi Lamontellerie,

1995).

Montguyon

Selon la tradition populaire, le Dolmen de

Montguyon a été élevé par la Sainte Vierge ; les

pierres qui le composent viennent du ciel et ont

été portées par elle dans un voile de gaze

(première qualité) (Duteil, 1840).

Les dolmens de La Pierre Folle à Montguyon

Montlieu

Le trou des fadets est une de ces grottes où les

celtes se réfugiaient… et qu’on regardait au

moyen âge comme la demeure des fées et des

farfadets (Lesson, 1845).

Le trou des Fadets à Montlieu (photo J.-S. Pourtaud)

Pons

C’est également après la naissance de Guion que,

selon Jehan d’Arras, Mélusine édifia Pons en

Poetou, et Saintes, qui pour lors estoit nommée

Linges (Jean, 1854, voir La Rochelle).

Pour Musset (1885): Sirène encore, croyons-

nous, l'anguille de Pons si légendaire dans la

contrée. Sirène mais banshee, si l'on en croit la

légende. Cette anguille prise un jour dans la

poissonneuse rivière de la Seugne, était si belle

que les habitants de la ville de Pons résolurent de

la conserver; ils lui mirent une sonnette au cou et

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la descendirent dans l'énorme puits creusé jadis

dans l'intérieur du château, sur l'emplacement

occupé aujourd'hui par le château-d'eau. De

temps à autre, les Pontois allaient prêter l'oreille

à l'orifice du puits pour constater la présence de

l'animal. (…) l'anguille ne se faisait entendre

qu'à la veille de grands malheurs.

L'anguille de Pons, sous la forme d’une sirène, se

retrouve sur tous les monuments du moyen âge

de la ville de Pons, et notamment à l'hôpital neuf

et dans les chapiteaux de la porte du donjon, qui

remonte au XIIe siècle. Le souvenir de l'anguille

est resté lié à la gloire des sires de Pons.

Pour Lamontellerie (1995), il semble bien que

l’anguille de Pons doive à la dame de Lusignan

sa grande beauté et le don de prophétie qui lui

était échu.

Les remparts de Pons

Colle (1979) a livré une autre version, moins

connue, de la légende, trouvée dans un opuscule

daté de 1875: C’était à l’époque féodale où les

serfs devaient, à certaines occasions, apporter un

cadeau à leur seigneur. Or, un paysan de

Mosnac avait attrapé dans la Seugne une

anguille d’une taille énorme. (…) Il se rendit

donc au château (…) il apprit que son seigneur

était absent. Que faire du poisson ? (…) Il eut

alors une idée merveilleuse: il jeta l’anguille

dans le puits qui se trouvait près du

donjon. Rentré chez lui, le paysan se fit disputer

par son épouse qui pensait l’anguille perdue. Pas

si sot, répondit l’homme. Avant de la jeter, je lui

ai passé au cou une clochette…

Saintes

Selon Coudrette, c’est Mélusine qu'à Saintes fist

un moult beau pont (Pinto-Matthieu, 1990). C’est

également la fée qui d’après d’autres auteurs,

éleva les ruines gallo-romaines de la ville

(Knight, 2013).

Saint-Laurent-de-la-Prée

Selon Desaivre (1883), c’est à Mélusine que l’on

doit les pierres closes de Charras (voir également

Pillard, 1978 et Mozzani, 2015): Mélusine revint

souvent joindre ses efforts à ceux de l'Océan.

C'était à Maillezais qu'elle transportait dans les

plis de sa robe les débris des murailles

renversées, destinés cette fois à la magnifique

cathédrale dont on admire encore les restes.

Souvent la fatigue lui faisait abandonner sur la

route les énormes moellons arrachés à la ville

ensevelie sous les flots. (…) Ce sont là, comme

ailleurs, des pierres levées: Dolmens de

l'Houmée, commune de Saint-Laurent de la Prée,

d'Ardillères, …

L’une des pierres closes de Charras près de l’Houmée

Comme l’a fait très justement remarqué

Lamontellerie (1995), cette légende est par

ailleurs inconnue.

Saint-Palais-de-Négrignac

Les cercles de fées, dans lesquels l’herbe

poussait drue et verte étaient, selon

Lamontellerie (1995), plus nombreux à Saint-

Palais-de-Négrignac qu’ailleurs.

Saint-Savinien-sur-Charente et Saint-Thomas-

de-Cosnac.

Si l’on se perd dans les bois, c’est qu’on aura

foulé sans la voir la fameuse herbe de détourne

dont le maléfice s’apparente sans doute à une

phase de la lune. On raconte en effet que celui

qui pose le pied sur « l’herbe de Mélusine » ou

« herbe de détourne », tourne en rond sans

retrouver sa route et ne peut quitter le cercle

enchanté que si un passant secourable – et aux

pieds prudents !.. – le prend par la

main (Lamontellerie, 1995).

Saint-Porchaire

La source du Bouil-bleu est une eau sombre et

profonde, calme en cette saison, [qui] avait en

effet des teintes d’un bleu turquoise. (…) La

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légende veut (…) qu'une fille des châtelains de la

Roche-Courbon, s'étant éprise d'un berger du

fief, fut précipitée dans ces ondes par une fée...

Depuis, on voit une forme blanche, la nuit, errer

sur ces rives sauvages … (Glénisson, 1987).

Le Bouil-Bleu (photo J.-S. Pourtaud)

Soubise

C’est aussi à la fée Mélusine qu’est attribuée la

fondation de Soubise (Lamontellerie, 1995).

Thou

Non loin de Rochefort, à La Preuille, une

tombelle ou dolmen couvert est arrivé jusqu'à

nous sous le nom de tombeau de la Demoiselle,

sans doute fille de la dame ou fée dont les

apparitions ont donné le nom à la chaume

voisine (Musset, 1885).

Il existe également à Thou un lieu-dit

« Merlusine ».

Tonnay-Boutonne

Musset (1885) a raconté la légende de la Dame

au blanc mantel comme suit : Le château de

Tonnay-Boutonne était occupé par Gannes,

commandant les marches de Saintonge, et chargé

de les défendre contre les Sarrasins. Gannes

avait deux enfants, Gannelon, uni secrètement

aux Maures, et Isèle, qui s'était éprise d'un

sarrasin, Ismaeli. Quand les Sarrasins se

dirigeant vers le centre eurent franchi la

Charente, (…) les guerriers soupçonneux du

chàteau remarquèrent avec inquiétude des

signaux d'intelligence établissant une comm-

unication directe entre les appartements du

donjon et la tente du chevalier maure placée sur

le haut du côteau de Luret. Plusieurs alertes

furent vivement repoussées; la garnison fidèle ne

se laissa pas surprendre, et bientôt le corps

ennemi, fatigué de ses vaines tentatives, resta

dans l'inaction, en se bornant à l'investissement

de la place. Un soir, (…) Gannes, seul, agité par

de funestes pressentiments, (…) visitait les

abords des douves et les poternes (…) Il entendit

glisser sur les eaux paisibles de la Boutonne, un

bateau dont la rame, maniée avec prudence, ne

produisait qu'un léger murmure; (…) quelle fut

sa fureur quand il entendit les gonds de la porte

de fer rouler sous une main peu assurée qui

ouvrait une issue à l'ennemi. (…) Gannes, en

poussant son cri d'alarme, s'élança vers ceux qui

le trahissaient et plongea vivement son épée dans

le cœur de la première personne qui s'offrit à ses

coups. (…) les Maures furent repoussés, car

c'étaient eux que dirigeait Ismaeli et qui allaient

s'emparer du château dont Isèle leur avait frayé

le chemin. Des torches (…) firent voir Isèle, la

poitrine traversée d'un coup d'épée, gisante près

d'Ismaéli, dont le crâne avait été brisé le vieux

Gannes, lui-même, était tombé sur leur corps

grièvement blessé. « Malédiction sur ta race, oh

mon père et malheur à toi, mon frère, qui m'as

donné les pernicieux conseils qui m'ont perdue,

dit Isèle, en exhalant le dernier soupir.» Depuis

lors, à minuit, surtout à l'approche des grands

événements, Isèle, vêtue de blanc, apparaît sur

les ruines de la poterne, placée au bas du terrier

de la tour de Cannes elle s'élève comme une

légère vapeur, en plaçant un doigt sur sa bouche,

et semble errer, comme une ombre chassée du

ciel, sur le théâtre de sa trahison.

Villexavier

Selon la légende, c’est une fée qui a bâti le

Château de la Fade (Lamontellerie, 1995).

Virson

Près de Virson, existe une très jolie fontaine qui

se nomme la fontaine de Mandroux, elle est

excessivement large, limpide, et l'on prétend

qu'elle est sans fond. On raconte à son sujet

qu'une jeune fille habitait le château de

Mandroux tout proche de la fontaine. Un jour,

poursuivi par un jeune seigneur, elle se précipita

dans la fontaine et le château disparut en même

temps. A certain jour, on aperçoit au fond du

gouffre la silhouette du château, et l'ombre de la

jeune fille, sous la forme d'une dame blanche,

apparaît fréquemment sous la lune au-dessus du

cristal des eaux (Musset, 1885). Les grottes des bords de la Charente

Chaudruc de Crazannes (1820) racontait que les

Saintongeais croient fermement à l'existence des

fées. On les voit errer la nuit dans les

campagnes, au clair de la lune; elles sont

ordinairement au nombre de trois. Les bonnes

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gens de village les ont vues souvent assises en

groupes auprès de quelques fontaines solitaires

filant leur quenouille, et vêtues de robes d'une

éclatante blancheur, particulièrement sur les

bords de la Charente, près des grottes de la

Roche Courbon, de Saint-Savinien, des

Arciveaux, etc.

Haute-Saintonge

L’abbé Mongis (1894) a raconté la légende d’une

Dame qui hante la Haute-Saintonge: La Grande

Dame des Rives, sévère promeneuse de la race

des Ondines, probablement, (…) suit certains

soirs à petits pas, les méandres capricieux des

cours d’eau. Elle effleure d’un pied léger les

herbes fleuries des bords des ruisseaux, d’où lui

vient probablement son nom de Dame des Rives.

Elle est surtout visible, de la Saint-Jean à la

Notre Dame de septembre, par les nuits claires et

sereines. Aux reflets argentés de la lune, sa robe

d’une blancheur éclatante ressemble à une

armure de métal brillant. Malheur à ceux qui la

rencontrent et que la curiosité attire à sa portée !

Elle les saisit d’une étreinte vigoureuse et

cherche à les noyer dans le trou d’eau le plus

voisin.

Monument indéterminé

Ce passage du XVIIe siècle pourrait, selon Binot

(1994), concerner le domen d’Arvert, de

Meschers, de Barzan ou des Combots: Vieil

mozolée dans un bois que les païsans du païs

disent ignorament avoir esté basti par les fées.

1 Chabane, 8 - 33410 Sainte Croix du Mont -

[email protected] - Collaboratrice scientifique

au Service Anthropologie et Préhistoire, Institut Royal

des Sciences Naturelles de Belgique, Bruxelles.

En hommage à Marie José Delperdange.

Je remercie chaleureusement Jean-Sébastien Pourtaud

qui m’a fourni certaines des photos qui illustrent cet

article et Stéphanie Brochon qui a guidé mes premiers

pas parmi les mégalithes de la Charente-Maritime.

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