Stress et polyarthrite rhumatoïde - Accueil - Rhumatos

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MAI 2018 VOLUME 15 N° 135 13 e DPC Développement Professionnel Continu REVUE INDEXÉE DANS LA BASE INTERNATIONALE LE POINT SUR Les rhumatismes à apatite Manifestations cliniques et prise en charge Dr C. Darrieutort-Laffite ZOOM SUR Activité physique et polyarthrite rhumatoïde Accompagner pour convaincre des bienfaits Dr G. Prado MISE AU POINT Les PR sont-elles aujourd’hui moins sévères ? Quel impact des traitements sur cette évolution ? Dr J-G. Letarouilly, Pr R-M. Flipo www.rhumatos.fr la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGie Rhumat o s Pr Thierry Schaeverbeke, Dr Vincent Germain, Dr Myriam Cadenne Stress et polyarthrite rhumatoïde • Physiologie, • Influence dans la PR, • Stress chronique, • Thérapeutiques non-médicamenteuses

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MAI 2018 • VOLUME 15 • N° 135 • 13 eDPC

DéveloppementProfessionnelContinu

REVUE INDEXÉE DANS LA BASE INTERNATIONALE

LE POINT SUR

Les rhumatismes à apatite

Manifestations cliniques et prise en charge

Dr C. Darrieutort-Laffite

ZOOM SUR

Activité physique et polyarthrite rhumatoïde

Accompagner pour convaincre des bienfaits

Dr G. Prado

MISE AU POINT

Les PR sont-elles aujourd’hui moins sévères ?

Quel impact des traitements sur cette évolution ?

Dr J-G. Letarouilly, Pr R-M. Flipo

www.rhumatos.fr

la Pratique quotidienne en RHUMATOLOGieRhumatos

Pr Thierry Schaeverbeke, Dr Vincent Germain, Dr Myriam Cadenne

Stress et polyarthrite rhumatoïde• Physiologie, • Influence dans la PR, • Stress chronique, • Thérapeutiques

non-médicamenteuses

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SOMMAIRE mai 2018Vol. 15N° 135

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AGENDA .................................................................. P. 144 ACTUALITÉS ................................................. P. 144, 169 RENDEZ-VOUS DE L’INDUSTRIE ....................... P. 181 BULLETIN D’ABONNEMENT ................................ P. 154

DOSSIER (P. 155)

MISE AU POINT ..................................................... P. 170Les polyarthrites rhumatoïdes sont-elles aujourd’hui moins sévères ?Nos traitements ont-ils un impact sur cette évolution ?Dr Jean-Guillaume Letarouilly, Pr René-Marc Flipo (Lille)

ZOOM SUR .............................................................. P. 177Activité physique et polyarthrite rhumatoïdeAccompagner pour convaincre des bienfaitsDr Guillaume Prado (Brest)

LE POINT SUR ........................................................ P. 145Les rhumatismes à apatiteManifestations cliniques et prise en chargeDr Christelle Darrieutort-Laffite (Nantes)

Stress et polyarthrite rhumatoïde

Pr Thierry Schaeverbeke, Dr Vincent Germain, Dr Myriam Cadenne (Bordeaux)

> Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 156

> 1/ Physiologie du stress aigu : phénomène d’adaptation rapide à une agression . . . . . . . P. 157

> 2/ Stress chronique : le stress pathologique . . . . . . . . . . . . . . P. 158

> 3/ Stress et polyarthrite rhumatoïde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 160

> 4/ Les thérapeutiques non-médicamenteuses dans la gestion du stress . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . P. 165

> 5/ L’influence du stress dans la PR : un modèle d’interaction neuro-immunologique . . . . . . . . P. 166

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AGENDA 2018 DES CONGRÈS

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LE POINT SUR

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 145

*Service de rhumatologie, CHU de Nantes

INTRODUCTION Le rhumatisme à apatite est lié à des dépôts périarticulaires de cristaux d’apatite carbonatée au niveau des tendons, des bourses ou d’autres tissus mous autour de

cal. Il existe également des formes diffuses, plus rares. La présenta-tion clinique est double avec des tableaux de douleurs chroniques gênant les patients dans leurs acti-vités quotidiennes ou des douleurs aiguës de durée brève dans les tableaux de résorption spontanée.

Les rhumatismes à apatiteManifestations cliniques et prise en charge

Cet article a pour but de passer en revue les connaissances actuelles sur le rhumatisme à apatite, pathologie fréquemment rencontrée en rhumatologie. Elle permettra de décrire les mani-festations cliniques que nous pouvons rencontrer

notamment dans certaines localisations bien plus rares que l’épaule. En deuxième partie, nous dis-cuterons les différents traitements disponibles et de la stratégie de prise en charge qui peut être proposée.

Dr Christelle Darrieutort-Laffite*

l’articulation. Il touche préféren-tiellement des sujets âgés de 30 à 60 ans avec une prédominance féminine. Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’une atteinte de l’épaule. Les autres localisations classiques sont la hanche, les mains et pieds et le rachis cervi-

RésuméLe rhumatisme à apatite est une pathologie microcristalline fréquemment rencontrée dans notre pratique. Il est lié à l’apparition de dépôts d’apatite carbonatée dans les tissus périarti-culaires. Il concerne généralement des sujets âgés de 30 à 60 ans et touche préférentiellement l’épaule puis la hanche. Bien que la pathologie soit fréquente, les facteurs favorisant l’appari-

tion ou la résorption spontanée des calcifications restent mal connus ainsi que les mécanismes impliqués dans le processus de minéralisation. Dans cette revue, nous aborderons les différentes localisations rencontrées dans ce rhumatisme et les manifestations cliniques en rapport. Nous décrirons également les moyens thérapeutiques disponibles pour prendre en charge ces patients.

AbstractRheumatism apatitisCalcium apatite deposition disease is a common disease for rheumatologists. It is also called calcific tendonitis or calci-fic periarthritis. It is characterized by deposition of carbona-ted apatite in and around tendons and other connective tis-sue structures. It most commonly affects patients between 30 and 60 and the main location is the shoulder followed by

the hip. Although the disease is common, factors associated with the appearance of the deposits or with their sponta-neous resorption stay unclear so as mechanisms involved in the mineralization process. In this review, we will describe the various affected sites and the symptoms induced. We will review in a second part the current treatments available in this disease.

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LE POINT SUR

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FIGURE 1 - Différents aspects des calcifications en échographie. A : Aspect dense avec cône d’ombre. B : Aspect nodulaire. C : Aspect kystique.

Concernant la constitution des dé-pôts d’apatite dans les structures périarticulaires, la théorie d’Uh-thoff est la plus reprise (1). Elle se fonde sur l’étude histologique de biopsies de tendons de la coiffe. Elle propose un cycle d’évolution en quatre phases : une phase précal-cique, une phase de formation des cristaux, une phase de résorption et une phase de réparation. La patho-logie débute par l’apparition d’une métaplasie fibrocartilagineuse au sein du tendon puis il apparaît des chondrocytes au sein de ce tissu fibrocartilagineux qui seraient res-ponsables de la formation des cris-taux. Enfin, il survient une résorp-tion spontanée après une phase de “quiescence”. À ce jour, les facteurs influençant l’apparition de la méta-plasie fibrocartilagineuse ne sont pas connus, ni le rôle exact des chondrocytes observés en périphé-rie des dépôts (2). Parmi les facteurs généraux asso-ciés, il a été montré au niveau de l’épaule qu’il y avait pas de lien avec le travail manuel ou le côté dominant. Il a été noté, par cer-tains auteurs, l’association avec des pathologies endocriniennes telles que l’hypothyroïdie ou le dia-bète, sans qu’il n’y ait de lien bien établi sur le plan physiopatholo-gique (3). Une étude de 2015 (4) a mis en évidence un taux inférieur de phytates urinaires chez les patients porteurs de calcifications de la coiffe, les phytates étant is-sus de l’alimentation (céréales et légumes) et connus pour être des inhibiteurs de la formation des cristaux d’apatite. Dans cette revue, nous allons dé-tailler les différentes localisations des dépôts d’apatite et les mani-festations cliniques en rapport, ainsi que les options thérapeu-tiques disponibles.

LOCALISATIONS ET MANIFESTATIONS CLINIQUES ASSOCIÉESChez les patients, les symptômes sont de deux types : douleurs ai-guës d’apparition brutale rapide-ment maximales et se résolvant spontanément en quelques jours dans les tableaux de résorption ou douleurs chroniques, généra-lement plus modérées, sur conflit mécanique. Dans le tableau aigu, le diagnostic différentiel princi-pal est l’arthrite septique. Le plus souvent, le diagnostic est posé sur la radiographie standard avec un aspect flou et fragmenté de la cal-cification contrastant avec l’aspect dense et homogène des calcifica-tions asymptomatiques ou respon-sables de douleurs chroniques. L’échographie peut également être utile au diagnostic, car elle est sen-sible pour détecter les calcifica-tions notamment au stade où elles peuvent paraître peu denses à la radiographie. Dans certains cas, l’imagerie en coupes est utilisée notamment pour éliminer les dia-gnostics alternatifs infectieux ou tumoraux. Le scanner est fréquem-ment fait dans les cas d’atteintes cervicales où la symptomatologie aiguë peut faire évoquer un abcès rétropharyngé. Enfin, l’IRM va sur-tout concerner les cas où il faut éliminer un processus tumoral lorsqu’il est observé une atteinte corticale adjacente à la calcification.

■■ ÉPAULELa localisation au niveau de l’épaule est la plus fréquente et la plus étu-diée. Les calcifications tendineuses se situent au niveau des tendons de la coiffe des rotateurs et majoritai-rement au sein du supra-épineux puis de l’infra-épineux. Elles sont retrouvées de manière asymptoma-tique chez 3 à 8 % des épaules non

douloureuses et sont responsables de 10 à 42 % des épaules doulou-reuses selon les séries. Concernant l’apparition des symptômes, il a été démontré que la taille de la calcifica-tion était associée aux douleurs no-tamment au-delà d’1,5 cm en radio-graphie (5). En échographie, la taille de la calcification, la présence d’un signal Doppler autour et la présence d’une bursite sont associées au dé-veloppement des douleurs (6). Les différents aspects échographiques des calcifications ont été décrits au niveau de l’épaule avec quatre pré-sentations possibles : dense avec cône d’ombre postérieur, fragmenté avec ou sans cône d’ombre, nodu-laire et kystique (Fig. 1).

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Les rhumatismes à apatite

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Des localisations plus rares sont décrites au niveau du chef long du biceps ou à l’insertion du grand pectoral. Dans cette dernière localisation en particulier, il est souvent rapporté une érosion cor-ticale en regard de la calcification pouvant faire évoquer un proces-sus tumoral (7).

FIGURE 2 - Radiographie et échographie d’une calcification en voie de résorption des épicondyliens latéraux avec aspect peu dense de la calcification en échographie et hypersignal Doppler périphérique.

FIGURE 3 - Calcifications de la région de la hanche. A : Calcifications bilatérales denses et homogènes péri-trochantériennes. B : Calcification en voie de résorption du tendon réfléchi du droit antérieur associée à un épanchement coxo-fémoral.

■■ COUDEIl a été rapporté, de manière plus rare, des cas de calcifications des épicondyliens médiaux et laté-raux, ainsi que des atteintes de l’insertion distale du biceps. La ra-diographie et l’échographie d’une patiente de 20 ans présentant une douleur aiguë du coude droit avec

limitation des amplitudes articu-laires en rapport avec une résorp-tion de calcification des épicondy-liens latéraux (Fig. 2).

■■ HANCHE Au niveau de la hanche, les dépôts sont majoritairement observés dans le moyen glutéal (Fig. 3A) puis

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LE POINT SUR

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au niveau du tendon réfléchi du droit antérieur qui s’insère dans la gout-tière sus-acétabulaire, juste au-dessus du toit du cotyle. D’autres localisations sont plus rarement rencontrées : tendon direct du droit fémoral, iliopsoas, piriforme ou au niveau de la capsule articulaire (8). Les résorptions en regard du tendon réfléchi du droit antérieur miment classiquement une arthrite septique de hanche et peuvent s’associer à un épanchement coxo-fémoral réactionnel comme chez ce patient de 32 ans (Fig. 3B) ayant présenté une douleur inguinale nocturne brutale associée à un pic fébrile à 39 °C avec une impotence fonctionnelle à la marche. L’écho-graphie montrait un volumineux épanchement de hanche de nature inflammatoire à 20 400 éléments/mm3 sous-jacent à la calcification en voie de résorption.

■■ GENOU Plus rarement, des cas de résorp-tion de calcifications peuvent être rencontrés au niveau des genoux avec un petit nombre de cas rappor-tés dans la littérature. Des dépôts d’apatite ont été observés au niveau des ligaments collatéraux médiaux ou latéraux, du tendon poplité, du tendon quadricipital, ou du biceps fémoral. Concernant les ligaments collatéraux, le dépôt est en général proche de l’insertion fémorale (9). ■■ MAINS/PIEDS

Les dépôts touchant les extrémi-tés sont une atteinte classique que ce soit au niveau des mains ou des pieds. Au niveau du poi-gnet, la localisation la plus clas-sique est l’insertion du fléchisseur ulnaire du carpe, mais des cas au niveau du fléchisseur des doigts, du long extenseur du pouce, du

long fléchisseur du pouce ou du court abducteur du pouce ont également été rapportés (10). Au niveau des doigts, on peut égale-ment observer des dépôts d’apa-tite périarticulaire des métacar-pophalangiennes (MCP) ou des interphalangiennes (IP).

Au niveau des pieds (Fig. 4), l’atteinte est généralement en regard de l’hallux avec des dépôts périarticu-laires à la partie médiale de la MTP ou proche du sésamoïde latéral, au niveau de l’insertion du court flé-chisseur de l’hallux. On peut égale-ment rencontrer des calcifications en regard de l’insertion du tibial postérieur sur le naviculaire, au ni-veau du long fibulaire ou en regard des autres MTP ou IP.

■■ RACHISLa localisation la plus décrite est

FIGURE 4 - Dépôts d’apatite périarticulaire au niveau des pieds. A : Plusieurs localisations des IPP et IPD. B : Tableau de résorption de la calcification à la partie médiale de la première MTP, radiographies à 10 jours d’intervalle. C : Calcification en regard du sésamoïde (S) latéral et avec image d’infiltration (flèche rouge).

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LE POINT SUR

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l’atteinte des fibres tendineuses de la portion oblique supérieure du muscle long du cou. Elle s’étend du tubercule antérieur de l’atlas aux tubercules antérieurs des processus transverses de C3-C5. En radiographie, la calci-fication se projette en regard de C1 et C2 (Fig.  5). La localisation rétro-pharyngée engendre des symptômes tels que des cervical-gies, une raideur cervicale, une odynophagie, une dysphagie qui, dans le cas où il existe de la fièvre, vont faire suspecter un abcès ré-tro-pharyngé, ceci nécessitant la réalisation d’un scanner cervical (11). Les éléments importants à repérer en faveur d’une résorption de calcification sont :- la localisation dans les fibres su-périeures du muscle long du cou, - la présence d’un œdème rétro-pharyngé sans rehaussement périphérique qui suggérerait un abcès,- l’absence d’adénopathies rétro-pharyngées, - l’absence de destruction osseuse des vertèbres adjacentes, - l’aspect hétérogène du dépôt calcique (11).

D’autres localisations plus basses ont également été rapportées en C4-C5 ou en C5-C6 et un cas unique d’atteinte postérieure avec calcification interépineuse en C4-C5 engendrant une lyse corticale des processus épineux sus- et sous-jacents (12). Enfin, la seule atteinte extracervicale rapportée concerne une calcification précoc-cygienne responsable d’une dou-leur coccygienne aiguë.

■■ FORMES DIFFUSES ET FORMES FAMILIALES Enfin, des formes avec dépôts arti-culaires diffus ont été décrites et

sont responsables de poussées douloureuses itératives (13). Il est donc important de connaître cette étiologie dans le bilan d’un rhuma-tisme inflammatoire chronique. Ces formes diffuses ont été dé-crites dans des cas familiaux ayant pu faire découvrir une maladie sous-jacente telle que l’hypophos-phatasie (14). L’hypophosphatasie est une maladie génétique en lien avec une mutation perte de fonc-tion du gène codant pour la phos-phatase alcaline non spécifique de tissu (TNAP). Les manifestations cliniques sont de sévérité variable, allant des formes les plus sévères, avec absence totale de minéralisa-tion osseuse, rapidement létales à des formes limitées, ne touchant que la dentition. L’accumulation de PPi (pyrophosphates inorga-niques) non métabolisés par la TNAP inhibe la minéralisation. Sur le plan osseux, les patients sont atteints de rachitisme ou d’ostéo-malacie et, au niveau articulaire, l’excès de PPi peut aboutir à la for-mation de cristaux de pyrophos-phate de calcium responsable de chondrocalcinose. Des dépôts périarticulaires d’apatite ont éga-lement été découverts chez ces patients, ce qui peut paraître para-doxal puisqu’il existe un défaut de minéralisation. Mais il semblerait que, dans certaines formes modé-rées sans phénotype osseux, le taux de PPi soit propice aux dépôts extra-articulaires et suffisant pour assurer une minéralisation os-seuse normale (15). Par ailleurs, des formes familiales sans pathologie associée ni dé-sordre du métabolisme phospho-calcique ont également été rap-portées, ceci suggérant que des avancées sont encore nécessaires pour comprendre les mécanismes d’apparition des calcifications.

MOYENS THÉRAPEUTIQUES Dans les tableaux aigus, le trai-tement symptomatique par anti- inflammatoires non stéroïdiens est généralement rapidement efficace. En cas de douleurs chroniques, les études sont nombreuses concernant les tendinopathies calcifiantes de la coiffe des rota-teurs. On peut tout à fait imaginer élargir ces techniques aux autres localisations. Les différentes techniques qui ont été évaluées sont l’infiltration de corticoïdes, les ondes de choc, la ponction-fragmentation-lavage (PFL) et la chirurgie. L’infiltration de corticoïdes est en général proposée en première intention après échec de la kinési-thérapie et des traitements symp-tomatiques. Dans une série de 102 patients ayant reçu une infiltration sous-acromiale (16), environ un patient sur trois (37 %) n’avait pas eu besoin de traitement complé-mentaire au cours des 2 ans de

FIGURE 5 - Calcification en voie de résorption au niveau du muscle long du cou en regard de C1-C2 (portion oblique supérieure).

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Les rhumatismes à apatite

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suivi (exérèse de la calcification par PFL ou arthroscopie). Les ondes de choc de haute éner-gie ont également montré leur efficacité malgré l’hétérogénéité des protocoles utilisés (17). Elles ont une efficacité supérieure au placebo à la fois sur la douleur et également sur la récupération de la fonction. La PFL a elle aussi montré son ef-ficacité. Elle est actuellement réa-lisée principalement sous écho-graphie avec une technique à une ou deux aiguilles. Elle nécessite une anesthésie locale, puis le la-vage est effectué à l’aide de sérum physiologique et se termine par une infiltration sous-acromiale de corticoïdes. Il est important par la suite de suivre l’évolution des malades, car il n’est pas rare qu’il existe une recrudescence des dou-leurs entre 6 semaines et 3 mois après le geste, bien que l’évolu-tion radiographique soit favorable. Dans ce cas, la réalisation d’une infiltration sous-acromiale com-plémentaire est généralement ef-ficace. Par ailleurs, il existe aussi des cas où un deuxième geste de lavage est nécessaire notamment dans le cas des calcifications denses avec cône d’ombre posté-rieur (18).

Les études comparant les tech-niques entre elles ont montré une efficacité rapide et similaire entre infiltrations et PFL les pre-mières semaines, mais une amé-lioration sur le long terme (1 an) uniquement dans le groupe PFL. Dans une étude de 2017, avec un suivi prolongé jusqu’à 5  ans, 65 % des patients ayant eu une infiltration au départ avaient finalement dû bénéficier d’une PFL (19). Les études comparant PFL et ondes de choc de haute

énergie montrent une efficacité des deux techniques, mais une supériorité de la PFL concernant l’amélioration des douleurs et la réduction de la taille de la calci-fication (20). Concernant la chirurgie, trois op-tions sont possibles : évacuation seule de la calcification, acromio-plastie ou les deux combinées. Les trois méthodes semblent efficaces selon les revues systématiques, mais il n’existe pas d’essai compa-ratif de puissance suffisante pour conclure si l’une d’elles est supé-rieure aux autres (21). Sur le plan fonctionnel, il semble tout de même que la récupération et le retour aux activités normales soient plus rapides dans les cas où il n’y a pas d’acromioplastie (22). En outre, il ne semble pas y avoir de différence entre l’extraction de la calcification

par arthro-scopie ou par PFL (16).Enfin, quand la gêne est modérée, on peut aussi ne pas intervenir, car l’évolution naturelle va vers l’amélioration spontanée comme le montre une étude de 2009 (23) où il n’y avait pas de différence de résul-tat à 5 et 10 ans entre les patients traités par PFL et ceux ne l’ayant pas été. À court terme par contre, l’amélioration était significative-ment meilleure dans le groupe PFL.Pour terminer cette partie, nous proposons un schéma de prise en charge thérapeutique en figure 6.

CONCLUSIONLes tendinopathies calcifiantes de l’épaule et autres localisations de rhumatisme à apatite sont une entité couramment prise en charge dans nos cabinets.

Tendinopathie calcifiante

Infiltration sous acromiale

Traitement conservateurKinésithérapieAINS

Gêne limitéeCalcification floueTableau d’épaule hyperalgique

Symptômes modérés à fortsSi calcification dense

Récidive

Échec

Disparition de la calcification

Infiltration sous-acromiale

2e PFL sous échographie ou

Évacuation de la calcification sous arthroscopie

Pas de modification de la calcification

Ponction-lavage-fragmentation > Ondes de choc

FIGURE 6 - Stratégie thérapeutique pour la prise en charge des tendinopa-thies calcifiantes de la coiffe.

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LE POINT SUR

154 Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135

Outre les tableaux aigus rapide-ment résolutifs sous traitement anti-inflammatoire, la prise en charge des formes chroniques peut nécessiter plusieurs étapes de traitement. La ponction-frag-mentation-lavage sous échogra-

1. Uhthoff HK, Loebr JW. Calcific tendinopathy of the rotator cuff: pathogenesis, diagnosis, andmanagement. J Am Acad Orthop Surg 1997 ; 5 : 183-91.2. Darrieutort-Laffite C, Blanchard F, Le Goff B. Calcific tendonitis of the rotator cuff: From formation to resorption. Joint Bone Spine 2017 ; pii : S1297-319X(17)30194-X.3. Harvie P, Pollard TC, Carr AJ. Calcific tendinitis: natural history and association with endocrine disorders. J Shoulder Elbow Surg 2007 ; 16 : 169-73. 4. Grases F, Muntaner-Gimbernat L, Vilchez-Mira M et al. Characterization of deposits in patients with calcific tendinopathy of the supraspinatus. Role of phytate and osteopontin. J Orthop Res 2015 ; 33 : 475-82. 5. Louwerens JK, Sierevelt IN, van Hove RP et al. Prevalence of calcific deposits within the rotator cuff tendons in adults with and without subacromial pain syndrome: clinical and radiologic analysis of 1219 patients. J Shoulder Elbow Surg 2015 ; 24 : 1588-93.6. Le Goff B, Berthelot JM, Guillot P et al. Assessment of calcific tendonitis of rotator cuff by ultrasonography: comparison between symptomatic and asymptomatic shoulders. Joint Bone Spine 2010 ; 77 : 258-63. 7. Cahir J, Saifuddin A. Calcific tendonitis of pectoralis major: CT and MRI findings. Skeletal Radiol 2005 ; 34 : 234-8.8. Park SM, Baek JH, Ko YB et al. Management of acute calcific tendinitis around the hip joint. Am J Sports Med 2014 ; 42 : 2659-65. 9. Watura K, Greenish D, Williams M et al. Acute calcific periarthiritis of the knee presenting with calcification within the lateral collateral ligament. BMJ Case Rep 2015 ; 10 ; 2015.10. Kim JK, Park ES. Acute calcium deposits in the hand and wrist; comparison of acute calcium peritendinitis and acute calcium periarthritis. J Hand Surg Eur Vol 2014 ; 39 : 436-9. 11. Offiah CE, Hall E. Acute calcific tendinitis of the longus colli muscle: spectrum of CT appearances and anatomical correlation. Br J Radiol 2009 ; 82 : e117-21.12. Urrutia J, Contreras O. Calcium hydroxyapatite crystal deposition with intraosseous penetration involving the posterior

aspect of the cervical spine: a previously unreported cause of neck pain. Eur Spine J 2017 ; 26 : 53-7.13. Zaphiropoulos G. Recurrent calcific perarthritis involving multiple sites. Proc R Soc Med 1973 ; 66 : 351-2.14. Guanabens N, Mumm S, Moller I et al. Calcific periarthritis as the only clinical manifestation of hypophosphatasia in middle-aged sisters. J Bone Miner Res 2014 ; 29 : 929-34. 15. Chuck AJ, Pattrick MG, Hamilton E et al. Crystal deposition in hypophosphatasia: a reappraisal. Ann Rheum Dis 1989 ; 48 : 571-6.16. Maugars Y, Varin S, Gouin F et al. Treatment of shoulder calcifications of the cuff: a controlled study. Joint Bone Spine 2009 ; 76 : 369-77. 17. Bannuru RR, Flavin NE, Vaysbrot E et al. High-energy extracorporeal shock-wave therapy for treating chronic calcific tendinitis of the shoulder: a systematic review. Ann Intern Med 2014 ; 160 : 542-9.18. De Conti G, Marchioro U, Dorigo A et al. Percutaneous ultrasound-guided treatment of shoulder tendon calcifications: Clinical and radiological follow-up at 6 months. J Ultrasound 2010 ; 13 : 188-98.19. de Witte PB, Kolk A, Overes F et al. Rotator Cuff Calcific Tendinitis: Ultrasound-Guided Needling and Lavage Versus Subacromial Corticosteroids: Five-Year Outcomes of a Randomized Controlled Trial. Am J Sports Med 2017 ; 45 : 3305-14. 20. Del Castillo-González F, Ramos-Alvarez JJ, Rodríguez-Fabián G et al. Extracorporeal shockwaves versus ultrasound-guided percutaneous lavage for the treatment of rotator cuff calcific tendinopathy: a randomized controlled trial. Eur J Phys Rehabil Med 2016 ; 52 : 145-51.21. Verstraelen FU, Fievez E, Janssen L et al. Surgery for calcifying tendinitis of the shoulder: A systematic review. World J Orthop 2017 ; 8 : 424-30.22. Marder RA, Heiden EA, Kim S. Calcific tendonitis of the shoulder: is subacromial decompression in combination with removal of the calcific deposit beneficial? J Shoulder Elbow Surg 2011 ; 20 : 955-60.23. Serafini G, Sconfienza LM, Lacelli F et al. Rotator cuff calcific tendonitis: short-term and 10-year outcomes after two-needle us-guided percutaneous treatment--nonrandomized controlled trial. Radiology 2009 ; 252 : 157-64.

Bibliographie

phie semble la méthode la plus intéressante compte tenu de son efficacité et des suites simples par rapport à une exérèse chirur-gicale. ■

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Mots-clés Apatite, Tendinopathie calcifiante, Périarthrite calcifiante

Keywords Apatite, Calcifying tendinopathy, Calcifying periarthritis

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RHUM

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Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1551

DOSSIER

> Éditorial � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 156 Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux)

> 1/ Physiologie du stress aigu : phénomène d’adaptation rapide à une agression � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 157 Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux)

> 2/ Stress chronique : le stress pathologique � � � � � � � � � � � � � � � P� 158 Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux)

> 3/ Stress et polyarthrite rhumatoïde � � � � P� 160 Dr Vincent Germain (Bordeaux)

> 4/ Les thérapeutiques non-médicamenteuses dans la gestion du stress � � � � � � � � � � � � P� 165 Dr Myriam Cadenne (Bordeaux)

> 5/ L’influence du stress dans la PR : un modèle d’interaction neuro-immunologique � � � � � � � � � � � � � � � P� 166 Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux)

Stress et polyarthrite rhumatoïde

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156 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

DOSSIER

ÉDITORIAL

Quel rhumatologue n’a pas entendu une patiente atteinte de polyar-thrite rhumatoïde (PR) lui rapporter que sa maladie était apparue à la faveur d’un événement de vie particulièrement éprouvant, tel que

la perte d’un proche, ou que ses poussées sont fréquemment déclenchées par un stress ?

Au-delà de ce constat, nous avons tous intuitivement conscience que l’état émotionnel peut avoir une influence sur l’état de santé, et plus particuliè-rement sur les maladies à médiation immunologique, comme la PR. Mais qu’en sait-on réellement ? Comment le stress peut-il affecter notre orga-nisme et notre système immunitaire ?

Le terme de stress lui-même n’est pas simple à définir : sa définition re-couvre à la fois l’origine du phénomène (contrainte, pression), sa nature (psychique : épreuve, agression, choc émotionnel ou physique : trauma-tisme, infection) et ses effets (détresse, oppression). Le stress est donc à la fois l’agent stressant et la réaction au stress, elle-même modulée par différents facteurs émotionnels, comportementaux, extérieurs (soutiens…). Un stress peut en outre correspondre à un phénomène aigu ou chronique, être lié à des éléments somatiques (maladie grave) ou purement psychiques (stress professionnel, familial, social…).

Nous aborderons dans un premier temps la physiologie du stress en tant que phénomène d’adaptation à une agression, puis nous parlerons le stress pathologique ou inducteur de pathologies. Nous analyserons ensuite les données de la littérature en ce qui concerne la PR. Enfin, nous verrons ensuite les perspectives thérapeutiques non-médica-menteuses et conclurons sur le modèle d’interactions neuro-immunes que constitue le stress.

Pr Thierry SchaeverbekeRédacteur en chef

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DOSSIER

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1571

*Département de rhumatologie, centre de réfé-rence maladies auto-immunes rares, FHU ACRO-NIM, CHU de Bordeaux, université de Bordeaux

COMMUNICATION INTER-SYSTÈMESi l’on analyse la réponse au stress comme un besoin ancestral de ré-pondre rapidement à une menace physique (combat, infection…) en maintenant l’homéostasie de l’organisme dans une situation d’urgence, on comprend que l’en-semble des grands systèmes de communication de l’organisme soient sollicités : - système nerveux central, - système nerveux autonome, - système endocrinien,- et système immunitaire.

Ces grands systèmes commu-niquent à leurs cibles par différents médiateurs  : neuromédiateurs, hormones ou cytokines, certains agissant en tant qu’activateurs et d’autres comme des régulateurs. Ces systèmes n’agissent pas de façon indépendante : ils sont étroi-tement intriqués et les neuro- peptides comme les hormones agissent sur les cellules immuni-taires, de même que les cytokines de l’inflammation agissent sur les cellules nerveuses et les glandes endocrines.

AXE CORTICOTROPEConfronté à une réaction de stress ou de danger, c’est le cerveau dit

cytokines pro-inflammatoires par les cellules immunitaires. Parallèle-ment, la sécrétion de cortisol va éga-lement stimuler le cortex et l’éveil, tout en ayant une action de régula-tion anti-inflammatoire sur les cel-lules immunitaires (3, 4). Ces deux hormones ont également une action hyperglycémiante, fournissant aux tissus périphériques (muscles) et au cortex l’énergie nécessaire à une réaction immédiate. L’activation du système nerveux autonome est ma-jeure. Le nerf sympathique produit essentiellement de la noradréna-line, qui a une action adrénergique se superposant à celle de l’adréna-line au niveau des différents organes cibles : hypervigilance corticale, my-driase, tachycardie, augmentation de la pression artérielle, sudation et

Cellules effectrices

Glande surrénale

ACTH

Cortisol

Stress

Syst. Nerv. Sympathique

Adrénaline

Noradrenaline

Nerf vaguee�érent

ACh

IL-1ß IL-6TNF-α

Nerf vaguea�érent

CRH

Cortisol

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Organes circumventriculaires�pas de �arri�re hémato-encéphalique�

• �ypothalamus• �ypophyse• �lande pinéale

Adrénaline

FIGURE 1 - Stress, système nerveux autonome, axe corticotrope et inflammation.

1/ Physiologie du stress aigu Phénomène d’adaptation rapide à une agression

Pr Thierry Schaeverbeke*

reptilien, celui de l’instinct, de la réponse immédiate et de la survie, qui va réagir immédiatement. Le système sympathique et les organes circumventriculaires neuro-endo-crines, avec l’hypothalamus, l’hypo-physe, et la glande pinéale, vont être les premiers activés (Fig. 1) (1, 2). L’hypothalamus produit la vasopres-sine, ou hormone antidiurétique, qui a un effet hypertenseur, et la CRH (corticotropin releasing hormone), qui, associée à la libération d’ACTH (adréno-cortico-trophic hormone), active la glande surrénale et la pro-duction d’adrénaline, responsable d’une augmentation de la fréquence cardiaque, d’une élévation de la pression artérielle, d’une dilatation des bronches et des pupilles, d’une sudation, et active la production de

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DOSSIER

158 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

*Département de rhumatologie, centre de réfé-rence maladies auto-immunes rares, FHU ACRO-NIM, CHU de Bordeaux, université de Bordeaux

2/ Stress chroniqueLe stress pathologique

Pr Thierry Schaeverbeke*

stimulation de la surrénale… L’acti-vation du système parasympathique aboutit, via le nerf vague efférent, à la synthèse d’acétylcholine, qui a une action excitatrice sur la jonc-tion neuromusculaire et sur le sys-tème nerveux central (5). Ces deux neuromédiateurs (noradrénaline et acétylcholine) activent également les cellules immunitaires. La pro-duction de cytokines pro-inflamma-toires par ces cellules immunitaires augmente la perméabilité de la bar-rière hématoencéphalique et donc la sensibilité du cortex à l’inflammation périphérique (anxiété, peur, agres-sivité, etc.), et diminue les seuils de perception de la douleur. Les cyto-kines pro-inflammatoires activent également le nerf vague afférent, qui agit d’une part sur le système ner-veux central en accentuant l’émo-

tion, l’excitation et la perception de la menace, et d’autre part sur des cibles périphériques avec pour effet principal la diminution du rythme cardiaque, pouvant aller jusqu’à la syncope, et l’accélération du péris-taltisme digestif et déclencher une vidange intestinale.

Cette réaction d’alarme a donc pour effet global à court terme d’induire une hypervigilance, une anticipation et une hyperréacti-vité vis-à-vis du danger, une sen-sibilité accrue à la douleur et une anxiété. Elle augmente la probabi-lité de survie face à une agression brutale en favorisant une réac-tion rapide de combat ou de fuite. La syncope elle-même peut être considérée comme positive si l’on admet qu’elle induit une rupture

de conscience face à une situation désespérée. À ce stade, c’est la réaction sympathique et parasym-pathique qui prédomine. n

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Mots-clés Stress, Polyarthrite rhumatoïde, Agression

S i la réaction physiologique au stress de notre “cer-veau reptilien” est parfai-

tement adaptée au stress aigu, les conditions de vie des humains ont considérablement évolué. La vie moderne nous expose beaucoup plus à des stress répétés ou à des situations de stress chronique (stress social, stress profession-nel, maladie chronique…) qu’au stress aigu (Fig. 1).

1. Dantzer R. Neuroimmune Interactions: From the Brain to the Immune Sys-tem and Vice Versa. Physiological Reviews 2018 ; 98 : 477-504. 2. Bains JS, Wamsteeker Cusulin JI, Inoue W. Stress-related synaptic plasti-city in the hypothalamus. Nat Rev Neurosci 2015 ; 16 : 377-88. 3. Nicolaides NC, Kyratzi E, Lamprokostopoulou A et al. Stress, the stress system and the role of glucocorticoids. Neuroimmunomodulation 2015 ; 22 : 6-19. 4. Slavich GM, Irwin MR. From stress to inflammation and major depressive disorder: A social signal transduction theory of depression. Psychological Bulletin 2014 ; 140 : 774-815. 5. Jänig W. Autonomic Neuroscience: Basic and Clinical. Auton Neurosci 2014 ; 182 : 4-14.

Bibliographie

Menace physique historique Menace sociale contemporaine

Gènes réponse immune pro-inflammatoire

Combat infection bactérienne des plaies

Gènes réponse immune anti-virale (IFN)

Cible virus et pathogènes intra-cellulaires

Bénéfices à court terme Favorise la cicatrisation

Améliore la récupération physique Augmente la probabilité de survie

Prix à long terme ↑ le risque de maladies inflammatoires ↑ la vulnérabilité aux infections virales

Diminue la probabilité de survie

FIGURE 1 - Stress aigu versus stress chronique (adapté de Slavich. Psychological Bulletin 2014).

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Stress et polyarthrite rhumatoïde

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1591

Symptômes neurovégéta�fs(ex : fa�gue)

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Dépression maximale

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Mauvaise réponse auxan�dépresseurs

Symptômes cogni�fs et humeur

Bonne réponse auxan�dépresseurs

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Facteurs de vulnérabilité

Réaction d’alarme Phase de résistance Épuisement Système

sympathiqueSystème hypothalamo-hypophyso-surrénalien

Pathologiessomatiques

Rési

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Impact cognitivo-émotionnel et santé

Court terme : Hypervigilance Anticipation / adversité Sensibilité à la douleur Anxiété

Moyen terme : Troubles du sommeil Douleurs chroniques Humeur dépressive Évitement social

Long terme : Susceptibilité / infections Maladies inflammatoires Vieillissement accéléré Mortalité précoce

FIGURE 2 - Les trois phases du stress.

FIGURE 3 - Symptômes neuropsychiatriques induits par l’interféron-α (adapté de Capuron et Miller. Pharmacol Ther 2011).

TROIS PHASES DE STRESS CHRONIQUELe stress chronique se caractérise par une évolution en trois phases.

Après la phase aiguë, caractérisée comme nous l’avons vu par la pré-dominance du rôle du système sym-pathique, celui-ci s’épuise rapide-ment et laisse place à une période plus ou moins longue de résistance au stress dominée par la réponse neuroendocrine, dépendante de l’axe hypothalamo-hypophyso- corticosurrénalien, et par la réponse immunitaire pro-inflammatoire. Cette réponse maintient un haut niveau de réponse au stress, favori-sant un comportement d’adaptation à la situation stressante. Au cours de cette phase, il semble s’installer une dichotomie entre deux situa-tions  : la perception d’un contrôle actif de la situation stressante (« je fais face à la situation ») ou perdure plus longtemps la prédominance de la réponse sympathique et médul-losurrénalienne, se traduisant par une augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression arté-rielle), et la résignation passive, ou la réaction sympathique s’efface et do-mine l’activation du système hypo- physo-corticosurrénalien. Cette réaction passive d’acceptation de la situation se caractérise par des perturbations de l’humeur et des fonctions cognitives, des troubles du sommeil, une fatigue, des douleurs chroniques, une humeur dépressive, une irritabilité, des troubles mné-siques et un comportement d’évite-ment social (Fig. 2). Cette transition est merveilleusement reproduite par l’évolution des symptômes neuro- psychiatriques induits par l’interfé-ron-alpha au cours du traitement des hépatites virales par exemple (1, 2). Ce traitement provoque dans un premier temps des symptômes

neurovégétatifs, dominés par une sensation de fatigue, des troubles du sommeil et un ralentissement psychomoteur, au cours des 4 à 8 premières semaines, puis sous la forme de symptômes anxio-dépres-sifs, de difficultés de concentration et de troubles mnésiques, qui appa-raissent vers la huitième semaine de traitement (Fig. 3).

Il est intéressant de noter que cette transition intervient après un temps variable, en fonction de l’existence de facteurs de vulnérabilité, caracté-risés par les antécédents de symp-tômes psychiques infracliniques tels que la tristesse, le pessimisme, les perturbations du sommeil ou le manque de soutiens sociaux  : plus le nombre et l’intensité des facteurs de vulnérabilité augmentent, plus

les perturbations cognitives et les troubles de l’humeur surviennent précocement (1). Cette période de résistance au stress s’épuise pro-gressivement, favorisant la persis-tance d’un état inflammatoire à bas bruit (le « low grade inflammatory state » des Anglo-Saxons) et d’une synthèse de cortisol inappropriée. C’est alors qu’apparaissent les conséquences somatiques du stress prolongé : augmentation de la sus-ceptibilité aux infections, l’émer-gence de maladies inflammatoires et dysimmunitaires, le vieillissement prématuré et la mortalité précoce (3-5). n

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Mots-clés Stress chronique, Stress pathologique

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DOSSIER

160 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

PRÉDICTEURS

Déclencheurs

Antécédents

Phase d’évaluation

Stratégies d’ajustement (coping)

Fonctionnement des systèmes physiologiques

TRANSACTION individus – contexte (rôle médiateur ou modérateur) ISSUES

État de santé physique

Bien-être subjectif (satisfaction, bonheur, etc.)

Stresseurs :- événements de vie, traumastismes

- stress perçu- contrôle perçu- soutien social perçu- anxiété - état

- centrées sur le problème- centrées sur l’émotion- recherche de soutien social

Système neurologique, endocrinien, immunitaire, etc.

Caractéristiques sociales et biologiques :- âge, sexe, ethnie- situation familiale, professionnelle, réseau social- constitution

Caractéristiques psychologiques :- style de vie (types A, C, etc.)- traits pathogènes (dépression, anxiété-trait, névrosisme, etc.)- traits immunogènes (optimisme, vitalité, contrôle interne, etc.)

FIGURE 1 - Modèle intégratif et multifactoriel en psychologie de la santé, d’après Bruchon-Schweitzer et Dantzer, Introduction à la psychologie de la santé, 1994.

1. Raison CL, Capuron L, Miller AH. Cytokines sing the blues: inflammation and the pathogenesis of depression. Trends in Immunology 2006 ; 27 : 24-31. 2. Capuron L, Miller AH. Immune system to brain signaling: Neuropsychopharmacological implications. Pharmacology & Therapeutics 2011 ; 130 : 226-38. 3. Dantzer R. Neuroimmune Interactions: From the Brain to the Immune System and Vice Versa. Physiological Reviews

2018 ; 98 : 477-504.4. Slavich GM, Irwin MR. From stress to inflammation and major depressive disorder: A social signal transduction theory of depression. Psychological Bulletin 2014 ; 140 : 774-815. 5. Stojanovich L. Stress and autoimmunity. Autoimmunity Reviews 2010 ; 9 : A271-6

Bibliographie

3/ Stress et polyarthrite rhumatoïde

Dr Vincent Germain*

MODÈLE MULTIFACTORIEL ET INTÉGRATIFComment aborder la question du stress dans la PR ? Considérer un

*Service de Rhumatologie, Hôpital Pellegrin, Bordeaux

stress comme une réaction unique de l’organisme face à un événement de vie serait trop réducteur. La ré-action au stress est propre à chaque individu, et met en jeu des proces-sus affectifs et cognitifs complexes.Un modèle en psychologie de la

santé distingue trois facteurs prin-cipaux interagissant étroitement pour retentir sur la santé physique et le bien-être psychique (Fig. 1).1. Les déclencheurs, ce que l’indi-vidu “subit” : événements de vie et traumatismes.

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Stress et polyarthrite rhumatoïde

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1611

2. Les antécédents, ce que l’indi-vidu “est” : caractéristiques socio-biologiques et psychologiques.3. Les transactions et les straté-gies d’ajustement, ce que l’indi-vidu “fait” face à l’adversité : éva-luation des événements de vie, stratégies d’ajustement face au stress (coping).La prise en compte de tous ces élé-ments est nécessaire pour com-prendre le stress dans la PR, puis discuter la question thérapeutique.

RÔLE DES ÉVÉNEMENTS DE VIE SUR LE DÉCLENCHEMENT DE LA PRDans la pratique courante, nom-breux sont les patients rappor-tant un ou plusieurs événements de vie traumatisants dans les semaines précédant le début des symptômes de PR, par exemple un deuil familial, un licenciement, une séparation conjugale… La fré-quence importante de ces événe-ments dans la phase préclinique a pu être démontrée par rapport à des populations de sujets arthro-siques, avec un effet cumulatif et un odds ratio jusqu’à 15 pour les sujets ayant expérimenté le plus d’événements dans l’année pré-cédant le diagnostic (1). Dans la cohorte suédoise EIRA, l’associa-tion entre les événements de vie stressants dans les 5 dernières années et le déclenchement de la maladie était plus importante chez les femmes que chez les hommes. Les événements asso-ciés à la survenue d’une PR séro-positive et séronégative chez les femmes étaient un conflit au tra-vail, un changement de domicile, une mutation professionnelle et une augmentation des responsa-bilités professionnelles (2).

Conséquence pathologique des événements de vie les plus trau-matisants, l’état de stress post-traumatique (ESPT) a été largement incriminé dans le déclenchement de la PR. L’étude d’une grande cohorte rétrospective de plus de 666 000 vé-térans américains d’Afghanistan et d’Irak retrouvait un risque relatif multiplié par deux de maladie auto-immune chez les vétérans atteints d’ESPT (30 % de la cohorte) par rap-port aux vétérans sans pathologie psychiatrique, traduisant une aug-

mentation du risque relatif de PR, mais aussi de thyroïdite, de mala-dies inflammatoires intestinales, de lupus et de sclérodermie systé-mique (Fig. 2) (3). Cette étude montre là encore que l’augmentation du risque de pathologie induite est plus importante chez la femme que chez l’homme (Fig. 3). Ces données sur l’état de stress post-traumatique (ESPT) ont été confirmées dans la cohorte NHS II, avec un “effet dose” du nombre de symptômes d’ESPT, et un Hazard Ratio calculé à 1,60

0,9 %1,2 %

1,7 %

2,5 %

3,1 %

5,4 %

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1,0 %

2,0 %

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Pas detroubles

psychiatriques

Autrestroubles

psychiatriques

ESPT Pas detroubles

psychiatriques

Autrestroubles

psychiatriques

ESPT

Hommes

Influence du genre

Femmes

FIGURE 2 - Risque de pathologies dysimmunitaires chez les vétérans d’Afghanistan et d’Iraq.

FIGURE 3 - Risque de pathologies dysimmunitaires chez les vétérans d’Afghanistan et d’Iraq : influence du genre.

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DOSSIER

162 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

(IC 95 % 1,05 - 2,43, p = 0,04) pour le déclenchement de la PR et la pré-sence de ≥ 4 symptômes d’ESPT, après ajustement sur les facteurs de risque de PR y compris le taba-gisme (4).

Les événements de vie trauma-tisants, compliqués ou non d’un ESPT, sont donc souvent retrou-vés dans la phase préclinique, et la femme paraît plus susceptible que l’homme vis-à-vis de déve-lopper une pathologie à la suite de ces traumatismes.

RÔLE DES ÉVÉNEMENTS DE VIE SUR LES SYMPTÔMES ET L’ACTIVITÉ DE LA PRLa survenue d’un événement stres-sant est souvent également perçue par les patients comme un facteur susceptible de déclencher des exa-cerbations de leur maladie. Dans une étude s’intéressant aux fac-teurs rapportés par les patients pour expliquer une poussée, 86  % mettaient en cause un stress psy-chologique ou un trouble de l’hu-meur, loin devant les infections et les traumatismes physiques (5). Là encore, les conséquences de l’ESPT sur les symptômes et l’activité de la PR ont été étudiées chez les vété-rans américains : la présence d’un ESPT était significativement asso-ciée à une augmentation de la dou-leur, de l’EVA, du nombre d’articu-lations douloureuses et du handicap fonctionnel par rapport aux patients sans diagnostic psychiatrique (6). En revanche, les paramètres d’éva-luation objectifs (synovites, inflam-mation biologique, DAS 28) n’étaient pas majorés chez les vétérans at-teints d’un ESPT. Les mécanismes de la modulation des symptômes et d’activité de la PR favorisée par

les événements de vie stressants restent à éclaircir, pour différencier une réponse médiée par le système immunitaire avec augmentation des phénomènes inflammatoires d’une part, et un changement dans la per-ception de la douleur d’autre part.

PERSONNALITÉ ET RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE, ÉVALUATION DU STRESS ET STRATÉGIES D’AJUSTEMENTSi les événements de vie semblent jouer le rôle de “déclencheurs” dans la PR, il est aussi nécessaire de s’intéresser aux caractéris-tiques et à la personnalité de l’indi-vidu sur lesquels ils surviennent, ainsi qu’à la manière de les évaluer et de réagir face à l’adversité. Le concept de “personnalité rhu-matoïde” est très ancien (7), et pourrait constituer un facteur prédisposant ou modulant la PR. Une association entre réactivité émotionnelle contenue et PR a été évoquée (8). Dans un travail très original conduit au Japon, il a été proposé à des patients atteints de PR d’être filmés pendant qu’une actrice leur lisait une histoire sen-timentale triste ; certains patients exprimaient leur émotion par des pleurs, tandis que d’autres ne manifestaient aucune émotion. Une relation a ensuite été recher-chée entre l’activité de la PR et la réactivité émotionnelle (pleurs ver-sus absence de pleurs) : 83 % des patients exprimant leur émotion par des pleurs avaient une CRP normale et 70 % un contrôle de la PR obtenu au cours de la première année d’évolution, contre 27  % et 30  % respectivement des patients non pleureurs. (9). Concernant l’évaluation des évé-

nements stressants, peu de don-nées sont disponibles dans la littérature pour comparer la per-ception du stress et du soutien social, le contrôle du stress, et le niveau d’anxiété état chez les patients atteints de PR par rap-port à la population générale. De manière évidente, des niveaux de stress perçus et d’anxiété plus importants jouent un rôle dys-fonctionnel, alors que la percep-tion d’un meilleur soutien social semble corrélée au bien-être sub-jectif et à une meilleure qualité de vie mentale.

Les stratégies de coping corres-pondent aux techniques d’ajuste-ment mises en place par le sujet pour réagir face à une situation stressante. Dans la PR, le coping centré sur le problème serait le plus favorable, consistant à éla-borer une stratégie active pour af-fronter la situation, avec recherche d’informations, élaboration de plans d’action, état d’esprit com-batif... En revanche, le coping cen-tré sur les émotions, c’est-à-dire tenter de gérer la tension émotion-nelle induite par la situation stres-sante via notamment des compor-tements d’évitement (répression des émotions, distraction, fata-lisme…) serait dysfonctionnel (10). Il semble difficile d’éviter la sur-venue des événements de vie traumatisants, mais il pourrait être judicieux de s’intéresser à la personnalité des patients, ainsi qu’aux stratégies d’évaluation et de réaction face au stress. Ces éléments donnent des pistes pour travailler sur la réactivité émo-tionnelle de nos patients atteints de PR, mais aussi sur le contrôle du stress, le niveau d’anxiété ou encore le recentrage du coping sur des stratégies plus actives.

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Stress et polyarthrite rhumatoïde

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1631

DÉPISTAGE DES ÉVÉNEMENTS STRESSANTS ET DES COMORBIDITÉS PSYCHIATRIQUESÉtant donné la prévalence des évé-nements stressants et de l’ESPT chez les patients atteints de PR, il paraît justifié de dépister réguliè-rement en consultation ces événe-ments et les éventuelles comorbi-

dités psychiatriques associées. Le risque de syndrome dépressif est largement majoré chez les patients atteints de PR, avec une préva-lence estimée entre 15 et 48 % en fonction des critères diagnostiques utilisés (11). Des questionnaires existent pour dépister facilement ces troubles psychiatriques, par exemple le questionnaire PHQ-9 (Tab. 1) pour le syndrome dépressif,

ou le questionnaire PC-PTSD (Tab. 2) pour l’ESPT comprenant quatre questions. Ces outils simples et ra-pides, utilisables lors d’une consul-tation, pourraient permettre d’opti-miser le dépistage et la prise en charge des comorbidités psychia-triques chez nos patients atteints de PR. De nombreux patients consi-dérés en rémission sur des critères objectifs (absence de synovite et

TABLEAU 2 - QUESTIONNAIRE PC-PTSD (PRIMARY CARE POST TRAUMATIC STRESS DISORDER) POUR LE DÉPISTAGE DE L’ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE. Score ≥ 3 : sensibilité de 78 % et spécificité de 87 % pour l’état de stress post-traumatique.Dans votre vie, avez-vous déjà eu une expérience si effrayante, si horrible ou si bouleversante que dans le dernier mois, 4 questions Oui NonAvez-vous fait des cauchemars à ce sujet ou vous y avez pensé même si vous ne le vouliez pas ?Avez-vous bien essayé de ne pas y penser et avez tout fait pour éviter les situations qui vous y font penser ?Étiez-vous constamment sur vos gardes, attentif, ou vous sursautiez facilement ?Vous vous sentiez insensible, ou détaché des autres, des activités ou de ce qui vous entoure ?

TABLEAU 1 - QUESTIONNAIRE PHQ-9 (PATIENT HEALTH QUESTIONNAIRE) POUR LE DÉPISTAGE DU SYNDROME DÉPRESSIF. Score ≥ 10 : sensibilité de 88 % et spécificité de 88 % pour le syndrome dépressif majeur.

Au cours des deux dernières semaines, selon quelle fréquence avez-vous été gêné(e) par les problèmes suivants ?

Jamais Plusieurs jours

Plus de la moitié

du temps

Presque tous les jours

Peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses 0 1 2 3Être triste, déprimé(e) ou désespéré(e) 0 1 2 3Difficultés à s’endormir ou à rester endormi(e), ou dormir trop 0 1 2 3

Se sentir fatigué(e) ou manque d’énergie 0 1 2 3Avoir peu d’appétit ou manger trop 0 1 2 3Avoir une mauvaise opinion de soi-même, ou avoir le sentiment d’être nul(le), ou d’avoir déçu sa famille ou s’être déçu(e) soi-même

0 1 2 3

Avoir du mal à se concentrer, par exemple pour lire le journal ou regarder la télévision 0 1 2 3

Bouger ou parler si lentement que les autres auraient pu le remarquer. Ou au contraire, être si agité(e) que vous avez eu du mal à tenir en place

0 1 2 3

Penser qu’il vaudrait mieux mourir ou envisager de vous faire du mal d’une manière ou d’une autre 0 1 2 3

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DOSSIER

164 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

1. Gross J, Oubaya N, Eymard F et al. Stressful life events as a trigger for rheumatoid arthritis onset within a year: a case–control study. Scand J Rheumatol 2017 ; 46 : 507 8. 2. Wesley A, Bengtsson C, Skillgate E et al. Association Between Life Events and Rheumatoid Arthritis: Results From a Population-Based Case-Control Study: Life Events and RA. Arthritis Care Res 2014 ; 66 : 844 51. 3. O’Donovan A, Cohen BE, Seal KH et al. Elevated Risk for Autoimmune Disorders in Iraq and Afghanistan Veterans with Posttraumatic Stress Disorder. Biol Psychiatry 2015 ; 77 : 365 74. 4. Lee YC, Agnew-Blais J, Malspeis S et al. Post-Traumatic Stress Disorder and Risk for Incident Rheumatoid Arthritis: PTSD and RA Risk. Arthritis Care Res 2016 ; 68 : 292 8. 5. Yilmaz V, Umay E, Gundogdu I et al. Rheumatoid Arthritis: Are psychological factors effective in disease flare? Eur J Rheumatol 2017 ; 4 : 127 32. 6. Mikuls TR, Padala PR, Sayles HR et al. Prospective study of posttraumatic stress disorder and disease activity outcomes in US veterans with rheumatoid arthritis. Arthritis Care Res 2013 ; 65 : 227 34.

7. Booth GC. Personality and chronic arthritis. J Nerv Ment Dis 1937 ; 85 : 637 62. 8. Cobb S. Contained hostility in rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum Off J Am Coll Rheumatol 1959 ; 2 : 419-25. 9. Ishii H, Nagashima M, Tanno M et al. Does being easily moved to tears as a response to psychological stress reflect res-ponse to treatment and the general prognosis in patients with rheumatoid arthritis? Clin Exp Rheumatol 2003 ; 21 : 611-6. 10. Vriezekolk JE, van Lankveld WG, Geenen R, van den Ende CH. Longitudinal association between coping and psychologi-cal distress in rheumatoid arthritis: a systematic review. Ann Rheum Dis 2011 ; 70 : 1243 50. 11. Matcham F, Rayner L, Steer S, Hotopf M. The prevalence of depression in rheumatoid arthritis: a systematic review and meta-analysis. Rheumatology 2013 ; 52 : 2136 48. 12. Nyklíček I, Hoogwegt F, Westgeest T. Psychological distress across twelve months in patients with rheumatoid arthri-tis: The role of disease activity, disability, and mindfulness. J Psychosom Res 2015 ; 78 : 162 7. 13. Prothero L, Barley E, Galloway J et al. The evidence base for psychological interventions for rheumatoid arthritis: A systematic review of reviews. Int J Nurs Stud 2018 ; 82 : 20 9.

Bibliographie

de syndrome inflammatoire bio-logique) nous rapportent toujours des signes fonctionnels souvent difficiles à appréhender et traiter, comme une fatigue chronique ou un syndrome polyalgique mal sys-tématisé ; le dépistage des comor-bidités psychiatriques pourrait être particulièrement intéressant chez cette catégorie de patients.

CONSÉQUENCES THÉRAPEUTIQUESLes comorbidités psychiatriques nécessitent une collaboration étroite entre le rhumatologue et le psychiatre. Sur le plan médica-menteux, les antidépresseurs de type inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) sont utilisés en première intention dans le syndrome dépres-sif majeur et l’ESPT, avec un impact particulier sur la douleur psychique. Outre les traitements médicaux, les psychothérapies paraissent extrê-

mement séduisantes, et agissent en synergie avec les traitements anti- dépresseurs. De nouvelles thé-rapies novatrices ont montré leur efficacité dans le soin des trau-matismes antérieurs associés à la maladie  : méditation en pleine conscience, hypnose, EMDR (Eye Movement Desensitization and Re-processing) permettant au sujet de “réparer” son sommeil paradoxal dérangé par un événement trauma-tisant… Par exemple, un programme de méditation en pleine conscience chez 201 patients atteints de PR a montré son efficacité sur la baisse du stress psychologique après un an de suivi (12). Les psychothé-rapies donnent des résultats très intéressants dans la PR sur les symptômes fonctionnels tels que la douleur, la fatigue, l’anxiété ou encore les symptômes dépressifs (13), au prix d’effets indésirables négligeables. En revanche, il n’a pas été démontré d’efficacité sur les critères d’évaluation objectifs, ce

qui suggérerait là encore de cibler les patients chez qui persistent des plaintes fonctionnelles malgré une maladie inflammatoire considérée en rémission. Sur un plan pratique, de nombreuses formations existent pour les professionnels de santé, permettant d’appréhender cer-taines de ces techniques et de les mettre en pratique en seulement 4 à 5 jours. Un transfert de com-pétence du médecin au patient est ensuite possible, afin que le patient puisse rapidement s’approprier et se former à ces techniques puis les réaliser de lui-même à domi-cile. Les nouvelles psychothérapies centrées sur une approche psycho-corporelle pourraient bien être des outils essentiels dans l’arsenal thé-rapeutique des rhumatologues de demain. n

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.

Mots-clés Stress, Polyarthrite rhumatoïde

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Stress et polyarthrite rhumatoïde

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1651

4/ Les thérapeutiques non-médicamenteuses dans la gestion du stress

Dr Myriam Cadenne*

*Rhumatologue, Centre d’étude et de traitement de la douleur, CHU Bordeaux

INTRODUCTIONAvec le regain d’intérêt pour la prise en charge globale du patient (médecine holistique), la méde-cine intégrative connaît un grand développement. Parmi les diffé-rentes disciplines nous aborde-rons les méthodes psycho-corpo-relles que sont l’hypnose médicale et, de façon plus approfondie, la méditation en pleine conscience. D’une part, elles répondent à une demande croissante des patients pour les thérapeutiques non phar-macologiques et les thérapeu-tiques dites alternatives, d’autre part, la preuve objective de leur action notamment par des tech-niques d’imagerie fonctionnelle cérébrale les rend crédibles aux yeux du corps médical. Leurs indications sont les patho-logies organiques, dysfonction-nelles ou psychiatriques dans leurs symptômes principaux, leurs conséquences ou leurs co-morbidités.

Chez les patients affectés de poly- arthrite rhumatoïde, les cibles sont la douleur nociceptive in-flammatoire, la douleur par sensi-bilisation centrale ou périphérique (douleur résiduelle après contrôle

de l’inflammation ou associée à la douleur nociceptive), le stress et les comorbidités psychiatriques (dépression, fibromyalgie). Ces techniques présentent l’inté-rêt de pouvoir, après apprentis-sage, être pratiquées par le pa-tient de façon autonome.

L’HYPNOSESelon Milton Erikson, l’hypnose « est un état de conscience dans lequel vous présentez à votre sujet, une communication avec une com-préhension des idées, afin de lui per-mettre d’utiliser cette compréhen-sion et ces idées à l’intérieur de son propre répertoire d’apprentissage ». Pour François Roustang, « l’hyp-nose est un état de veille para-doxale ; c’est un phénomène naturel et actif où il y a une augmentation du contrôle de soi » (1).Elle utilise les propres ressources du sujet ; elle fait appel, par l’uti-lisation de métaphores et de sug-gestions notamment, à l’imagi-naire du patient lui permettant de se dissocier, de se distraire, ou de modifier ses perceptions senso-rielles. L’IRM fonctionnelle a mis en évi-dence des modulations d’activité des aires cérébrales normalement impliquées dans la nociception au cours de séances d’hypnose

comme en particulier l’aire cingu-laire antérieure (2). L’hypnose mé-dicale a une action documentée sur la composante sensori-discri-minative de la douleur, mais aussi et surtout sur sa composante af-fectivo-émotionnelle à l’origine de la souffrance, avec en particulier l’anticipation anxieuse et le stress induit. Elle peut être pratiquée de manière formelle (séances) ou conversationnelle.

LA MÉDITATION EN PLEINE CONSCIENCELa méditation en pleine conscience est issue de la tradi-tion bouddhiste ; il s’agit de porter son attention sur l’instant présent, sans jugement, moment après moment. L’imagerie montre des modifications morphologiques et fonctionnelles du cerveau chez le sujet méditant : par exemple, une augmentation de la connectivité du cortex préfrontal dorso-laté-ral, aire cérébrale connue comme étant impliquée dans l’attention et les fonctions exécutives qui contrôlent le comportement, mais aussi aire cingulaire antérieure (3). La méditation entraîne une désac-tivation du réseau par défaut ; celui-ci, responsable du vagabon-dage des pensées, est susceptible

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DOSSIER

166 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

5/ L’influence du stress dans la PR Un modèle d’interaction neuro-immunologique

Pr Thierry Schaeverbeke*

*Département de rhumatologie, centre de réfé-rence maladies auto-immunes rares, FHU ACRO-NIM, CHU de Bordeaux, université de Bordeaux

d’amplifier l’expérience doulou-reuse sensori-discriminative par l’apparition de conséquences comme l’anticipation, l’angoisse et le stress. Ces phénomènes parti-cipent de la composante émotion-nelle et cognitive de la douleur, à l’origine de la souffrance.

La méditation a aussi des effets biologiques comme la modifi-cation de l’expression de gènes pro-inflammatoires par réduc-tion de la synthèse du facteur de transcription NF-kB  : ce facteur, qui est activé par le système sym-pathique, a pour rôle d’augmenter la production de cytokines pro-inflammatoires par les cellules cibles que sont notamment les macrophages (4).

Dès 1979, John Kabat-Zinn a éla-boré un programme de réduction du stress à partir de la méditation

en pleine conscience  : le MBSR (Mindfulness Based Stress Reduc-tion) ; il repose sur une expérience participative destinée à être dé-ployée dans la vie quotidienne et dans les différentes activités du sujet. Son efficacité a été démon-trée par de nombreuses études à titre symptomatique chez les patients souffrant de pathologies chroniques, mais également à titre préventif chez les profession-nels de santé notamment.

CONCLUSIONCes différentes techniques, bien qu’elles soient de plus en plus intégrées au panel des thérapeu-tiques proposées par les struc-tures antidouleurs, sont encore largement sous-employées. Le constat de l’insuffisance des trai-tements purement anti-inflam-matoires à contrôler l’ensemble

des phénomènes douloureux et la fatigue au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques est susceptible d’ouvrir la voie à une plus large utilisation de ces théra-peutiques non-médicamenteuses dans les rhumatismes inflamma-toires. n

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt.

Mots-clés Stress, Hypnose, Méditation en pleine conscience

1. Roustang F. Qu’est-ce que l’hypnose ? Editions de minuit 2002.2. Rainville P, Hofbauer RK, Paus T et al. Cerebral mechanisms of hypnotic induction and suggestion. J Cogn Neurosci 1999 ; 11 : 110-25.3. Zeidan F, Martucci KT, Kraft RA et al. Brain Mechanisms Supporting Modu-lation of Pain by Mindfulness Meditation. J Neurosci 2011 ; 31 : 5540-8. 4. Buric I, Farias M, Jong J et al. What Is the Molecular Signature of Mind–Body Interventions? A Systematic Review of Gene Expression Changes Induced by Meditation and Related Practices. Front Immunol 2017 ; 8 : 670.

Bibliographie

L es rhumatologues sont ha-bitués à envisager la poly-arthrite rhumatoïde (PR)

sous un angle purement immuno-logique.

LE MODÈLE PHYSIOPATHOLOGIQUE IMMUNO-INFLAMMATOIRELe modèle physiopathologique immuno-inflammatoire de la PR, proposé notamment par Klares-kog, est le plus communément admis (1). La PR survient sur un terrain génétique propice, dominé

par la présence de l’épitope par-tagé, qui regroupe l’ensemble des molécules HLA partageant la ca-pacité de présenter des peptides citrullinés au système immuni-taire. Sur ce terrain génétique favori-sant, l’exposition à des facteurs d’environnement tels que le tabac ou la parodontite à Porphyromonas

Page 23: Stress et polyarthrite rhumatoïde - Accueil - Rhumatos

DOSSIER

168 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

gingivalis, inducteurs de citrullina-tion des protéines, est susceptible d’induire un conflit immunologique qui se caractérise par l’apparition d’anticorps antipeptides citrulli-nés (ACPA) et de facteurs rhuma-toïdes. Ces phénomènes immu-nologiques caractérisent la phase préclinique de la PR. L’imminence de la PR clinique se traduit par un élargissement du répertoire des ACPA, et par l’appa-rition de marqueurs biologiques d’inflammation. Puis les premières synovites apparaissent, et se déve-loppe la PR avec son cortège de complications  : destructions arti-culaires, comorbidités liées à l’in-flammation chronique associant infections, ostéoporose, athéroma-tose et risque accru de lymphome.

LE MODÈLE NEUROPSYCHOLOGIQUEUn deuxième modèle physiopa-

thologique est en train d’émer-ger  : le modèle neuropsycholo-gique. Ce modèle se caractérise là encore par une phase préclinique suivie d’une phase clinique évo-luant vers son lot de complica-tions. La PR survient toujours sur un terrain génétique prédispo-sant, notamment le sexe féminin caractérisé par une propension à développer des complications somatiques du stress. Sur ce terrain génétique propice, des facteurs d’environnement tels qu’un stress et un contexte psychologique favorable (humeur dépressive, croyances, manque de soutien social) favoriseront l’émergence d’un stress chro-nique ou d’un authentique état de détresse post-traumatique. Cet état favorise le développement de la PR, et la douleur articulaire se compliquera plus facilement sur ce terrain de phénomène de sen-sibilisation périphérique et cen-

trale. Ces phénomènes de sensi-bilisation à la douleur feront le lit de comorbidités que sont la dé-pression et la fibromyalgie (Fig. 1).

DES LIENS ÉTROITS ENTRE CES MODÈLESDécrire ces deux modèles comme deux histoires indépendantes est bien évidemment stupide  : les liens étroits entre système ner-veux et système immunitaire, les connexions neuro-endocrino-im-munitaires multiples apportent la démonstration que la PR résulte d’une interaction permanente entre système nerveux et système immunitaire. Une ultime preuve de cette nécessaire interaction vient des observations de PR sur-venant chez des sujets hémiplé-giques, où l’activité inflammatoire et destructrice de la maladie est restreinte au côté non paralysé (2,3). L’insensibilité semble préve-

FIGURE 1 - Modèle physiopathologique neuro-immunologique de la PR.

Destruction articulaire

Phase préclinique Phase clinique

Environnement

citrulline

Temps

Génétique

ACPA

Facteurs de risque de PR

Conflit immuno

PR récente PR établie Sujet à risque de PR

Inflammation chronique

inflammation biologique

Comorbidités

Infections Lymphomes

Ostéoporose Athéromatose

Altération de la gestion de la douleur

Activation des nocicepteurs

Sensibilisation périphérique

Perte du contrôle sympathique

Sensibilisation centrale Genre

Stress

Facteurs de risque de douleur chronique

Génétique Comorbidités

Fibromyalgie

Contexte psychologique Humeur

Croyances Manque de

soutien social

Syndrome de détresse post-

traumatique

Dépression Environnement

Douleur chronique

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Stress et polyarthrite rhumatoïde

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 1691

nir le développement de l’inflam-mation articulaire !Jusqu’à présent, les rhumatolo-gues se sont concentrés sur la gestion de l’inflammation dans la PR. Mais de nombreux travaux montrent que, malgré un contrôle parfait de l’inflammation arti-culaire, environ 40 % de nos pa-tients continuent à se plaindre de douleurs et de fatigue chro-

1. Klareskog L, Catrina AI, Paget S. Rheumatoid arthritis. The Lancet 2009;373(9664):659–72. 2. Kim CW, Kim MJ, Park SB, Han SH. A case of rheumatoid arthritis with unilateral knee synovial hypertrophy in hemiplegia. Annals of rehabilitation medicine. 2012;36(1):144–7. 3. Rabquer BJ, Koch AE. Rheumatoid arthritis: Microvascular clues to hemiplegia-induced asymmetric RA. Nature Reviews Rheumatology 2014;10(12):701–2. 4. McWilliams DF, Ferguson E, Young A, Kiely PDW, Walsh DA. Discordant inflammation and pain in early and established rheumatoid arthritis: Latent Class Analysis of Early Rheumatoid Arthritis Network and British Society for Rheumatology Biologics Register data. Arthritis Research & Therapy; 2016:1–12.

Bibliographienique (4). Gageons qu’à l’avenir nos stratégies de prise en charge intégreront également une prise en charge spécifique de la compo-sante douloureuse et psychoaffec-tive de la maladie. n

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Mots-clés Stress, Polyarthrite rhumatoïde

Activité sportive

Le sport santé bien-être au cœur des actions de la Fédération française sports pour tousLes difficultés cardio-vasculaires, le diabète, l’obésité, ou encore les effets négatifs du vieillissement sont autant de caractéristiques qui éloignent trop souvent les personnes concernées de la pratique physique et sportive. La Fédération a décidé de réconcilier avec le sport tous ceux dont la santé pourrait ainsi être mise à l’épreuve, et de les accompagner tout au long de ce chemin vers le mieux-être. Parce que non seu-lement la pratique régulière d’une activité est autorisée, mais elle est recommandée ! La vocation première de la Fédération française sports pour tous va dans ce sens : offrir du plaisir grâce à la pratique sportive de loisir ! Tout le monde est en capacité de pratiquer une activité physique régulière, il existe un sport (au moins !) pour chacun, il faut juste trouver lequel.

Tourné vers la convivialité, des rencontres, de la solidari-té et du partage, le Club Sports pour Tous offre la possibi-lité de pratiquer ensemble en partageant une activité ac-cessible dans une ambiance chaleureuse, en bénéficiant d’un encadrement de qualité et en favorisant l’échange autour de nouvelles pratiques. L’accompagnement sur mesure et l’adaptation au besoin de chacun sont les pré-occupations majeures de l’ensemble des intervenants Sports pour Tous.

La Fédération a développé quatre programmes sport santé bien-être pour guider les personnes éloignées de la pra-

tique physique et sportive. Il s’agit, pendant 12 semaines, de les informer et de les accompagner grâce à une pratique sportive adaptée et progressive vers un apprentissage de plus longue durée en initiant des changements de compor-tement. Le parcours d’accompagnement sport santé a été imaginé dans ce sens et oriente chaque pratiquant de façon personnalisée vers des programmes adaptés puis vers des Clubs (PASS Club) qui sont en mesure de les accueillir, c’est une véritable passerelle vers le Club Sports pour Tous.

• PIED© (Programme intégré d’équilibre dynamique) L’objectif principal est de per-mettre aux seniors de conser-ver un maximum d’autonomie, le plus longtemps possible et également de leur offrir une dynamique sociale qui leur fait souvent défaut. Ainsi, en se réunissant, chacun retrouve à son rythme de l’assurance. Individuellement et en groupe, les participants sont invités à consolider leur base musculaire et osseuse pour un quoti-dien plus serein. •

+ Pour en savoir plus :www.sportspourtous.org.

✖ MC d’après le communiqué de la Fédération française sports pour tous du 15 février 2018.

ACTUALITÉS

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 169

Page 25: Stress et polyarthrite rhumatoïde - Accueil - Rhumatos

MISE AU POINT

170 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

*Service de rhumatologie, CHU de Lille, Université de Lille

les polyarthrites rhumatoïdes sont-elles aujourd’hui moins sévères ? Nos traitements ont-ils un impact sur cette évolution ?

Dr Jean-Guillaume Letarouilly, Pr René-Marc Flipo*

La polyarthrite rhumatoïde a bénéficié de nom-breuses avancées thérapeutiques notamment avec l’arrivée des biothérapies dans les années 2000. Actuellement, elles sont moins sévères tant sur le plan fonctionnel avec un recours plus faible à la chirurgie que systémique avec une diminution

des manifestations extra-articulaires. Cependant, l’amélioration des patients dès 2000 remet en question le simple argument d’une utilisation plus précoce de traitements efficaces. L’évaluation mé-dico-économique de ces traitements coûteux peut donc être soulevée.

QUELLE EST LA DÉFINITION DE LA SÉVÉRITÉ ?Tout d’abord, il est nécessaire de définir la sévérité dans la polyar-thrite rhumatoïde. Il n’existe pas de consensus dans les outils que nous utilisons pour évaluer ce rhumatisme (1). Une polyarthrite rhumatoïde peut être sévère, en raison du décès du patient, d’un score radiographique élevé, d’un recours à la chirurgie, d’un score fonctionnel type HAQ élevé ou de manifestations extra-articulaires (vascularite, amylose…).

En 1949, Steinbrocker proposait deux classifications  : une fonc-tionnelle et une anatomique. Une polyarthrite rhumatoïde est défi-nie sévère chez un patient pré-sentant une impotence fonction-nelle importante avec réduction

nette de son activité. D’un point de vue anatomique, il existe une destruction ostéo-articulaire avec ankylose, atrophie musculaire étendue, nodules, ténosynovites, subluxation, déviation ulnaire et/ou hyperpression (2).

En 2003, un groupe de 30 experts français tirés au sort dans la liste des investigateurs de l’essai PRACTIS devait classer 30 critères selon la méthode DELPHI. Après trois tours, les trois critères les mieux classés, quelle que soit la durée de l’évolution, étaient :- l’aide d’une tierce personne, - le score HAQ,- la classe fonctionnelle ACR. Les atteintes extra-articulaires et les interventions chirurgicales n’étaient pas retenues.

Après distinction du stade évolu-tif, il était proposé pour une poly-arthrite rhumatoïde récente :

- les érosions radiologiques, - le nombre d’articulations gonflées,- les atteintes extra-articulaires.

Pour une polyarthrite rhuma-toïde ancienne étaient retenues : - les atteintes extra-articulaires, - les érosions radiologiques,- l’aide d’une tierce personne (3).

Dans le même esprit, Cabral et al. proposent, en 2005, 47 indicateurs potentiels de sévérité à un groupe de six experts selon la méthode DELPHI. Ils devaient mettre une note de 0 à 6 à chaque item. Les experts retenaient 28 critères de sévérité. Les mieux classés correspon-daient à une note supérieure ou égale à 5 (Tab. 1) (4) :- le recours à une chirurgie (arthro-dèse cervicale, prothèses d’épaule, de coude, de hanche et de genou), - la présence d’une subluxa-tion C1-C2,

Page 26: Stress et polyarthrite rhumatoïde - Accueil - Rhumatos

Corticoïdes et diabète

RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353 1711

FIGURE 1 – Forme lytique de polyarthrite rhumatoïde. A : doigts en lor-gnette. B : traduction radiographique de la photographie. C : coxite rhuma-toïde.

- le nombre d’articulations avec érosions,- les manifestations extra-articu-laires (syndrome de Felty et vas-cularite).

En 2007, la Haute autorité de san-té définit une polyarthrite rhuma-toïde comme sévère :- s’il existe un handicap fonction-nel mesuré par le HAQ ≥ 0,5, - si des lésions structurales en imagerie existent ou progressent - ou s’il existe des manifestations systémiques. Un seul critère est suffisant pour déclarer une polyarthrite rhuma-toïde comme sévère (5).

Nous pouvons aussi considérer qu’une polyarthrite rhumatoïde est sévère si elle présente :- des complications graves comme une forme lytique avec destruc-tions ostéoarticulaires sévères (Fig. 1), - une atteinte du rachis cervical (luxations atloïdo-axoïdiennes), - une coxite rhumatoïde, - une manifestation systémique grave. Il est nécessaire d’évoquer les complications graves de la maladie avec les risques cardiovasculaire, infectieux, néoplasique, iatrogène, mais aussi personnel (divorce, perte d’emploi, dépression, etc.).

LES POLYARTHRITES RHUMATOÏDES ACTUELLES SONT MOINS SÉVÈRESMais qu’en est-il aujourd’hui ? La question n’est pas récente. Les polyarthrites rhumatoïdes ac-tuelles semblent moins sévères. En effet, l’incidence de certaines manifestations extra-articulaires graves diminue. Le recours à la chirurgie orthopédique est moins fréquent. La progression struc-turale, la sévérité fonctionnelle, l’impact sur le plan professionnel sont plus faibles. Par ailleurs, la survie est améliorée.

■■ LES MANIFESTATIONS EXTRA-ARTICULAIRESEn 2004, Ward et al. analysent les données de patients californiens de plus de 40 ans, atteints de poly- arthrite rhumatoïde (exclusion des formes à début juvénile), hos-pitalisés soit pour une splénecto-mie dans le cadre d’un syndrome de Felty, une vascularite rhuma-toïde, une arthrodèse cervicale ou la pose d’une prothèse totale de hanche de 1983 à 2001. Il y avait une décroissance statistiquement significative pour la splénectomie pour syndrome de Felty et la vas-cularite rhumatoïde. En effet, 3 897 patients ont été hospitalisés pour une vascularite rhumatoïde : 170 pour 100 000 pa-tients en 1983 et 99 pour 100 000 patients en 2001, soit une réduc-tion de 33  % entre 1983-1987 et 1998-2001 et un risque relatif à 0,67 (IC 95 0,61-0,64, p = 0,0001). Concernant la splénectomie pour syndrome de Felty, 118 pa-tients ont été hospitalisés  : 8,0/100  000  patients en 1983 et 1,0/100 000 patients en 2001, soit une réduction de 71 % entre 1983-1987 et 1998-2001 et un risque

TABLEAU 1 - DÉFINITION DE LA SÉVÉRITÉ DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE SELON CABRAL ET AL. (4) Les critères mentionnés ici sont les mieux classés parmi les 28 avec leurs notes.Critères Note moyenne finaleArthrodèse cervicale 5,5Prothèse d’épaule 5,5Prothèse de coude 5,3Subluxation de C1-C2 5,2Prothèse totale de hanche 5,2Prothèse totale de genou 5,2Nombre d’articulations avec érosion 5,0Vascularite 5,0Syndrome de Felty 5,0

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MISE AU POINT

172 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

relatif à 0,29 (IC 95  0,15- 0,55, p = 0,0001).

Pour le recours à la prothèse totale de genou, la réduction s’observait en comparant la période 1998-2001 à 1990-1993 avec une réduction de 10 % : 16 133 hospitalisations (dont 10 124 pour une première prothèse entre 1990 et 2001), 486/100 000 pa-tients en 1990, 530/100 000 patients en 1998 et 390/100 000 patients en 2001 (Fig. 2) (6).

Les atteintes extra-articulaires sévères deviennent plus rares comme le prouvent les registres VARA et NORVASC. VARA analyse plus de 35 000 patients américains de 1985 à 2006. Les atteintes extra-articulaires sévères considérées étaient les atteintes pulmonaire et cardiaque, ainsi que le syndrome de Felty. Il y a une véritable cassure de la courbe de prévalence de ces at-teintes groupées : de 10 % en 2000 à moins de 7 % en 2006 (Fig. 3) (7). Le registre anglais des vascularites de Norfolk (NORVASC) débuté en 1988 étudie toutes les vascularites systé-miques. À partir de ce registre, Nt-sataski et al. ont calculé l’incidence des vascularites rhumatoïdes défi-nies par les critères 1984 de Scott et Bacon de 1988 à 2010. L’incidence de cette manifestation diminue au cours du temps : 9,1/million d’habi-tants de 1988 à 2000, à 3,9/million d’habitants de 2001 à 2010. Les caractéristiques cliniques de la vas-cularite rhumatoïde étaient compa-rables (moins de nodules rhuma-toïdes et d’infarctus dans la période de 2001 à 2010). La prise en charge thérapeutique (associant bolus de méthylprednisone et cyclophospha-mide puis relais par corticothérapie per os) et la mortalité (14 % à 1 an et 51 % à 5 ans) étaient similaires (8).

■■ LE RECOURS À LA

Rate

(per

100

000

)Ra

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00)

Rate

(per

100

000

)

200180160140120100

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2001

0

200180160140120100

80604020

1983

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1993

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2001

0

600

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1989

1991

1993

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1997

1999

2001

0

FIGURE 2 – Les complications de la polyarthrite rhumatoïde deviennent moins fréquentes au cours du temps avec les taux annuels d’hospitalisation selon les complications (6). A : vascularite rhumatoïde. B : splénectomie pour syndrome de Felty. C : prothèse totale de genou (la courbe inférieure correspond aux patients ayant une première pose de prothèse).

CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUELe recours à la chirurgie est moindre. Weiss et al. ont analysé une cohorte suédoise de 49  802 polyarthrites rhumatoïdes de 1987 à 2001 : 38  908 patients ont fait

l’objet d’une hospitalisation et 8 396 ont bénéficié d’une chirurgie du membre inférieur. Une réduc-tion de 42  % du nombre d’hospi-talisations était observée ainsi que de la durée d’hospitalisation

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Corticoïdes et diabète

RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353 1731

(9). Deux études scandinaves vont dans ce sens. Dans le cadre du registre finlandais des arthroplas-ties totales, Jämsen et al. obser-vaient une réduction du nombre de gestes passant de 18,5 pour 100  000 habitants en 1995 à 11 en 2010 (p  <  0,001) (Fig.  4) (10). De même, Nystad et al. notaient une réduction de l’incidence de la chirurgie de prothèse chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde comparés à ceux at-teints d’arthrose où l’incidence ne fait que monter. La plus grande réduction concernait la chirurgie de la main et du poignet (11).

Toutes les chirurgies diminuent notamment les synovectomies dans les cohortes, qu’elles soient japonaises comme IORRA ou bri-tanniques comme ERAS et ERAN (12,13). En effet, IORRA est une cohorte japonaise créée en 2000 avec 4 à 5  000 patients vus en

consultation par mois. La chirur-gie de synovectomie a été effec-tuée sur 201 articulations chez 183 patients de janvier 2000 à dé-cembre 2007 : 50 en 2000 à moins de 10 en 2007. Pour réaliser l’in-tervention, il ne devait pas y avoir de progression radiographique, mais les articulations devaient rester douloureuses pendant au moins 6 mois et présenter une résistance au traitement médical. Les auteurs proposent l’hypothèse de l’utilisation du méthotrexate. Il faut savoir toutefois que le métho-trexate a reçu l’autorisation sur le marché japonais en 1999.

ERAS est une cohorte multicen-trique de 1 465 polyarthrites rhu-matoïdes récentes (moins de deux ans, sans utilisation préalable de DMARD) incluses de 1986 à 1999 dans neuf régions d’Angleterre avec un suivi médian de 10 ans. La cohorte ERAN a un modèle

similaire : 1 236 polyarthrites rhu-matoïdes de moins de 3 ans, sans utilisation préalable de DMARD. Elle regroupe 23 centres en An-gleterre, au Pays de Galle et en Ir-lande de 2002 à 2012 avec un suivi médian de 6 ans. En combinant les deux cohortes, 1 602 chirurgies ont été réali-sées chez 770 patients, soit 29 % des patients avec un suivi maxi-mal de 25  ans. Une diminution statistiquement significative de l’incidence cumulée à 10 ans était observée pour les chirurgies intermédiaires (poignet, main, pied). Il n’y avait pas de différence pour les chirurgies majeures (grosses articulations) ou mi-neures (tendons et canal carpien).

■■ L’IMPACT FONCTIONNEL ET LA QUALITÉ DE VIEDe même, plusieurs études montrent une amélioration des scores fonctionnels et psycholo-giques. L’étude du registre norvé-gien ORAR a démontré que le début de la maladie était moins sévère dans la période la plus récente (de 1990 à 1994) avec un effet longitu-dinal sur les scores SF-36 physique (p = 0,001) et douleur (EVA douleur p = 0,001, SF-36 douleur p = 0,001) par rapport aux périodes  1980 à 1984 et 1985 à 1989 (14).

Les résultats de la cohorte d’Utrecht rassemblant 1 151  pa-tients ayant une polyarthrite rhu-matoïde récente de 1990 à 2011 vont dans le même sens. Une réduction significative était obser-vée dans le taux de dépression, d’anxiété et de handicap phy-sique en début de maladie dans les années les plus récentes (15). Les données de l’Assurance mala-die finlandaise de janvier 2000 à décembre 2007 sur 7 831 patients

10

%

9

8

7

6

5

1985 1990

inpatientoutpatient

1995 2000 2005

FIGURE 3 – Prévalence des manifestations extra-articulaires : les atteintes pulmonaire et cardiaque ainsi que le syndrome de Felty (7).

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MISE AU POINT

174 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

atteints d’une polyarthrite rhu-matoïde récente démontrent une diminution significative du nombre de patients perdant leur emploi à cause de la polyarthrite rhuma-toïde au cours du temps : Hazard Ratio = 0,61 (IC 0,39-0,97) (15).

■■ LA SURMORTALITÉ

LIÉE À LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDELa surmortalité liée à la polyar-thrite rhumatoïde est en régres-sion. Lacaille et al. ont démontré une diminution de 39 % de la mor-talité globale dans une cohorte rétrospective de 24  914 patients

et 24  914 contrôles canadiens entre les périodes  1996-2000 et 2001-2006 (16). Les résultats de la cohorte française ESPOIR à 5 ans vont dans le même sens (3  % de chirurgie et 9/573 décès) (17).

Dans la cohorte suédoise de 17  512  patients atteints de poly-arthrite rhumatoïde récente com-parés à 78  847 témoins sains, la polyarthrite rhumatoïde n’était pas associée à une surmortalité (Ha-zard Ratio = 1,01, IC 95 0,96 à 1,06) (18). Une analyse de 201 488 certi-ficats de décès suédois montrait un taux de mortalité standardisé par l’âge de 15,5 par 100 000 patients- années avec une décroissance de 1,1 % par an entre 1998 et 2014 (19).

Une étude de 2017 de l’équipe de la Mayo Clinic démontre une dimi-nution de la mortalité cardiovas-culaire. La cohorte de 813 patients était divisée en trois périodes  : 202 patients de 1980 à 1989, 296 de 1990 à 1999 et 315 de 2000 à 2007. Les patients ayant com-mencé leur maladie entre 2000 et 2007 avaient une mortalité cardio-vasculaire globale à 10 ans sensi-blement diminuée par rapport aux patients dont le diagnostic avait été posé entre 1990 et 1999 : 2,7 % (IC 95 0,6 – 4,9 %) contre 7,1 % (IC 95 3,9 – 10,1 %) soit un Hazard Ra-tio à 0,43 % (IC 95 0,19-0,94). Elle était similaire entre les patients entre 2000 à 2007 et les témoins (p = 0,95) (20).

Dans la même veine, Zhang et al. ont utilisé le dossier médical britannique «  Health Improve-ment Network  ». Ils ont identifié 10 126 patients atteints de polyar-thrite rhumatoïde qu’ils ont com-parés à 50  546 témoins appariés pour la période de 1999 à 2006 et

1995 1997

Knee replacementHip replacement

Elbow replacementShoulder replacement

19990

1

2

3

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5

6

7

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2001 2003 2005

2012

2010

2008

2006

2004

Year of arthroplasty surgery

RA* OA*

2002

2000

1998

1996

1994

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Inci

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2007 2009

FIGURE 4 – Réduction de la chirurgie orthopédique au cours du temps. A : cohorte finlandaise de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. B : cohorte norvégienne comparant les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et ceux atteints d’arthrose (10, 11).

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MISE AU POINT

176 RHUMATOS • mai 2018 • vol. 15 • numéro 1353

de 10 769 à 53 749 pour la période de 2007 à 2014. La mortalité est significativement abaissée dans la cohorte la plus récente  : respec-tivement Hazard Ratio  1,56 (IC 95 1,44-1,69) et 1,29 (IC 95 1,17-1,42) avec p < 0,01.

POURQUOI UNE MOINDRE SÉVÉRITÉ ACTUELLE ?Tout d’abord, il faut noter que cette moindre sévérité était déjà notée par Silman et al. en 1983, avant même l’utilisation du méthotrexate ou des biothérapies (21) ! Cette évolution n’est donc pas dépen-dante que des traitements. Quels sont les facteurs qui ont pu jouer sur la sévérité de la polyarthrite rhumatoïde ?

En parallèle de cette moindre sévé-rité, la prévalence de cette patho-logie diminue, comme le montre la cohorte américaine NHANES  : de 5,9 % entre 1999 et 2000 à 3,8 % entre 2013 et 2014 (p < 0,01) (22). Et cette décroissance est observée dès la seconde moitié du XXe siècle avant l’apparition de nos traitements ac-tuels. En effet, l’incidence de la po-lyarthrite rhumatoïde dans le comté de Rochester dans le Minnesota est passée de 61,2/100  000 de 1955 à 1964 à 32,7/100 000 de 1985 à 1994 (23). Cette baisse est également observée dès 1990 dans la popula-tion des Amérindiens Pima, une des plus à risque de développer une po-lyarthrite rhumatoïde. L’incidence a décrû de plus de 50 % entre 1965 et 1990 (24). De plus, l’âge d’en-trée dans la maladie a augmenté,

comme le montre la cohorte japo-naise NinJa passant de 55,8 ans entre 2002 et 2003, à 57,0 ans entre 2007 et 2008 et à 59,9 ans de 2012 à 2013 (25).

Les raisons de cette évolution sont probablement multiples. Dans la récente publication de la Mayo Cli-nic, Myasoedova et al. observaient une régression du tabagisme et une augmentation de l’obésité (20) qui étaient également consta-tées dans les cohortes ERAN et ERAS(26). Or, l’obésité est asso-ciée avec une moins grande pro-gression structurale (27,28), et le tabagisme aux manifestations extra-articulaires (29).L’impact de nos traitements actuels peut être questionné. Comme nous l’avons vu précé-demment, la polyarthrite rhuma-toïde devient moins sévère à partir de la seconde moitié du XXe siècle. Or, la stratégie d’optimisation du méthotrexate n’est apparue que dans les années  2000 avec no-tamment les recommandations françaises à ce sujet datant de 2006 (30). Concernant les biomé-dicaments, les premiers essais cliniques datent de 1999 pour les anti-TNF (31) et leur utilisation en pratique clinique commence à partir de 2002 (32, 33). Mais les pa-tients avaient une durée moyenne d’évolution supérieure à 10 ans.

CONCLUSIONEn conclusion, la polyarthrite rhu-matoïde est moins sévère actuel-lement. Un patient commençant sa maladie en 2018 est très différent de

celui de 1980. Il présente moins de manifestations extra-articulaires. Il n’aura probablement pas ou peu recours à la chirurgie. Son pro-nostic fonctionnel, psychologique et professionnel est bien meilleur. Enfin, il a une espérance de vie qui se rapproche de la population géné-rale. La question de l’impact de nos traitements actuels, notamment les biomédicaments peut être soulevée dans son évolution, tant ces chan-gements ont débuté bien avant leur utilisation. ■

✖ Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.

Mots-clésPolyarthrite rhumatoïde, Biothérapie, Sévérité

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Bibliographie

Retrouvez la bibliographie sur le site rhumatos.fr

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ZOOM SUR

Rhumatos • mai 2018 • vol. 15 • numéro 135 177

*Médecin du sport, service de rhumatologie, CHU de Brest

INTRODUCTIONRésultant de travaux de recherche de l’Inserm et des rapports de l’Anses sur les effets néfastes de la sédentarité et les bienfaits de l’activité physique, son application légale s’intéresse particulière-ment aux affections longue durée listées, mais de manière plus glo-bale à l’ensemble des pathologies chroniques (2, 3). Bien que ce type de prescription soit actuellement peu développé, il semble voué à s’étendre en pratique courante, sous l’impulsion de l’instruction ministérielle du 3 mars 2017 (4). Celle-ci a pour objectif de donner aux services de l’État, aux struc-tures et professionnels de santé les moyens nécessaires pour :- faciliter la prescription d’activi-tés par le médecin traitant ; - recenser les offres locales d’ac-tivités physiques adaptées à la pathologie,- et construire le cas échéant des systèmes intégrés de nature à for-maliser cette offre.

duire des termes fréquemment employés dans le domaine du sport-santé.

■■ NOTIONS ET DÉFINITIONSLa notion de sédentarité est le fléau du monde actuel, définissant le comportement physiquement passif pour lequel la dépense éner-gétique est à peu près égale au métabolisme énergétique de repos et responsable d’après les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), d’environ 5,3 millions de morts dans le monde chaque année, donnée supérieure à celle engendrée par le tabac (5). L’inactivité physique représente quant à elle une dépense énergé-tique supérieure à celle de repos, mais inférieure aux recommanda-tions d’activité physique pour la santé. Ces termes sont à différencier, tout comme il est préférable d’em-ployer la notion de prescription d’activité physique et non de sport lorsque l’on s’adresse au patient afin d’éviter tout préjugé néfaste, pouvant présenter un certain dan-ger pour l’intéressé.

Activité physique et polyarthrite rhumatoïdeAccompagner pour convaincre des bienfaits

Dr Guillaume Prado*

Méconnue des praticiens et appliquée de manière disparate sur le territoire fran-çais, la prescription d’activité physique adaptée est pourtant chose possible dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé parue en 2016 (1).

Preuve de son importance aux yeux des autorités sanitaires, ce domaine a fait l’objet de ré-formes concernant le programme du premier cycle des études de médecine ainsi que de l’ajout de trois nouveaux items à l’examen classant national. Les affections chroniques de l’appareil locomo-teur étant multiples et fréquentes, elles forment d’ores et déjà une cible de choix dans ce domaine. La littérature s’étant largement attachée à démontrer l’efficacité de la pratique d’une activité phy-sique régulière dans les patholo-gies mécaniques, se pose alors la question de l’intérêt et de la mise en pratique de ce type de pres-cription dans les maladies inflam-matoires chroniques, au premier rang desquelles la polyarthrite rhumatoïde.

RÔLES DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVESAvant d’étayer les bénéfices atten-dus de ce nouveau genre de pres-cription, il est nécessaire d’intro-

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ZOOM SUR

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FIGURE 1 – Fonction catabolique de l’exercice musculaire à travers la production de myokines. D’après So B et al. Exercise-induced myokines in health and metabolic diseases. Integr Med Res 2014 ; 3 : 172-9.

■■ BÉNÉFICES RECHERCHÉSLes effets escomptés de la pres-cription d’une activité physique régulière sont multiples dans la polyarthrite rhumatoïde, mais ils concernent en premier lieu les fac-teurs de risque cardiovasculaires, prépondérants au sein de cette population. Hypertension arté-rielle, diabète, surpoids, sédenta-rité et hypercholestérolémie sont des comorbidités pour lesquelles la littérature a bien démontré un meilleur contrôle chez des pa-tients bénéficiant d’un programme d’activité physique aérobie au long cours. Nous savons également que l’amélioration de la capacité physique est corrélée à une plus grande longévité, retardant ainsi les phénomènes de dépendance (6). Parallèlement, les effets posi-tifs sur l’appareil respiratoire, le système métabolique, la santé mentale, la qualité du sommeil et le contexte psychosocial sont bien connus. Mais ce qui intéresse particulièrement la polyarthrite rhumatoïde concerne bien évidem-ment l’appareil locomoteur.

ACTIVITÉ PHYSIQUE ET IMMUNITÉQue peut-on attendre plus spéci-fiquement de la pratique d’activité physique régulière dans la poly- arthrite rhumatoïde ? Tout simple-ment, un effet anti-inflammatoire. Actuellement, les mécanismes phy-siopathologiques de cette affection sont mieux maîtrisés et la cascade immunitaire qui en découle, néfaste au cartilage et à la synoviale, l’est également. Proche de ces zones d’atteintes, le muscle joue quant à lui un rôle souvent méconnu, celui d’organe endocrine. L’exercice mus-culaire a effectivement une fonction catabolique, mais également une

fonction endocrinienne à travers la production de myokines aux mul-tiples actions sur l’organisme (Fig. 1). Prenons l’exemple de l’une d’entre elles, l’IL-6, cible de traitements récents et longtemps associée à un rôle pro-inflammatoire, jouant pour-tant un rôle anti-inflammatoire en l’absence de TNFα (7). Ce fameux TNFα, lui-même présent de manière accrue dans un contexte d’obésité, car libéré par les adipocytes.

INTÉRÊT DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDEContrôler l’activité de la maladie, prévenir les évolutions structu-rales articulaires, éviter les effets indésirables d’origine iatrogène et atteindre la rémission clinique si possible sont des objectifs défi-nis par les dernières recomman-dations EULAR (8). La question de l’effet d’une activité physique régulière et adaptée sur ces cri-tères se pose alors légitimement. Les données actuelles sur le sujet sont florissantes dans la littéra-ture, au travers d’essais contrôlés randomisés évaluant l’impact de

programmes d’activités aérobies, de résistance ou de préhension sur la douleur, les échelles de qualité de vie, le DAS-28, l’évolu-tion radiographique articulaire, etc. Les résultats vont de manière globale dans le même sens, et ce, indépendamment du format des différentes études (9). Sur le ver-sant locomoteur est relevée une amélioration de la fonction mus-culaire, en particulier de la force et de la fatigabilité. Les échelles de douleur, les échelles de qua-lité de vie, les capacités fonction-nelles ainsi que le DAS-28 sont également modulés positivement. Par ailleurs, aucune accentuation en lien avec un programme d’acti-vité physique n’a été mise en évi-dence en ce qui concerne l’évolu-tion des destructions articulaires radiographiques ou l’activité de la maladie entre les poussées, mais également au cours de celles-ci (10). À noter, également, l’intérêt de l’activité physique régulière sur le contrôle de l’indice de masse corporelle (IMC) chez les patients sous anti-TNFα pour lesquels le surpoids pourrait avoir un impact sur l’efficacité du traitement (11).

Page 33: Stress et polyarthrite rhumatoïde - Accueil - Rhumatos

Activité physique et polyarthrite rhumatoïde

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APPLICATION EN PRATIQUELa prescription d’activité physique sur ordonnance est relativement simple, car similaire à celle d’un médicament classique : type d’ac-tivité, intensité, durée de l’exer-cice, fréquence hebdomadaire et contexte de pratique représentent les éléments fondamentaux (Fig. 2). Néanmoins, elle doit respecter cer-taines règles, notamment la règle dite des trois « R » pour raisonnée, régulière et raisonnable. Raisonnée, afin de privilégier une activité ludique, adaptée aux goûts (individuel ou en groupes) et aux possibilités du patient (temps, matériel, etc.), mobilisant de pré-férence l’ensemble du corps et bien évidemment à faible risque traumatique. Une activité régulière suivant les recommandations, soit une acti-vité physique de type aérobie ou cardiovasculaire d’intensité mo-dérée pendant une durée mini-male de 30 minutes ou d’intensité élevée pendant 15 minutes, et ce, cinq fois par semaine. Enfin, une activité raisonnable avec échauffements préalables, des séances initiales courtes, une augmentation progressive de la charge de travail et des phases de récupération.

■■ PRESCRIPTIONEn ce qui concerne la polyarthrite rhumatoïde, la prescription d’acti-vité physique respecte un schéma qui est également valable pour les autres pathologies de l’appareil locomoteur et restant accessible à la réalisation en consultation, res-pectant les étapes suivantes : - évaluation de l’activité physique habituelle du patient au travers de tests d’auto-évaluation (ex : test de Ricci et Gagnon) ;

- identification des freins à la pratique (manque de motivation, temps, moyens, symptômes, etc.) ; - réalisation d’un examen clinique complet s’attachant à rechercher une contre-indication ou une in-dication restrictive à la pratique d’une activité précise ; - réalisation d’examens complé-mentaires si nécessaire ; - classification des éventuelles restrictions sur le plan locomo-teur définies par le cadre législatif afin d’adresser l’intéressé au pra-ticien concerné (éducateur sportif, APA, kinésithérapeute, etc.). Il sera alors intéressant dans la poly- arthrite rhumatoïde de prescrire une activité aérobie réalisée au sein d’associations sportives agréées avec un travail de résistance et de préhension en kinésithérapie afin

de lutter contre les facteurs de risque cardiovasculaire et à la fois d’améliorer la dextérité.

■■ SUIVI DES PATIENTSLes recommandations actuelles préconisent un suivi tous les 3 mois pendant 1 an puis tous les 6 mois. Cependant, le suivi n’étant pas évident à organiser et la com-munication entre les différents in-terlocuteurs pas si simple en pra-tique courante, un carnet de suivi a été développé, accessible auprès des différents réseaux sport-san-té, afin d’élaborer une adaptation progressive et personnalisée de l’activité physique prescrite (Tab. 1).

■■ FINANCEMENTÀ ce jour, la prescription d’acti-vité physique n’est pas rembour-

FIGURE 2 – Exemple d’ordonnance type pour la prescription d’activité physique.

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ZOOM SUR

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sée. Néanmoins, de nombreuses mutuelles proposent d’ores et déjà des forfaits pour des prises en charge sur plusieurs mois. Il est également important d’inciter les patients à se rapprocher des instances territoriales, qu’elles soient régionales, départemen-tales ou locales, proposant pour la plupart des programmes de financement dans le cadre du dé-veloppement des réseaux sport-santé. Par ailleurs, il existe des programmes en phase de tests mis en place par certaines caisses primaires d’Assurance maladie.

■■ PROJET MÉDICO- SPORT-SANTÉAfin de soutenir la prescription d’activité physique, le Comité natio-nal olympique et sportif français (CNOSF), en partenariat avec les dif-férentes fédérations sportives, tra-vaille actuellement sur le projet mé-dico-sport-santé. Celui-ci s’inscrit à travers une base de données de l’en-semble des activités sportives décri-vant les adaptations nécessaires à appliquer selon les pathologies avec restrictions cardiovasculaires, neu-rologiques ou locomotrices. Sont dé-

taillés les bénéfices attendus, mais aussi les contre-indications. Dispo-nible sur le site internet du CNOSF, cette ressource sera prochainement disponible dans le Vidal sous forme de fiches détaillées (12).

■■ FREINS À LA PRESCRIPTIONLes freins à la prescription dans le domaine de la rhumatologie sont multiples et récurrents, mais communs aux autres spécialités. Il s’agit entre autres des croyances erronées sur l’absence d’efficacité, voire l’exacerbation de certaines pathologies en cas de pratique d’activité physique. En pratique, il est avant tout mis en évidence un manque de connais-sances sur le contenu des pro-grammes, mais également un phénomène d’appréhension lié au risque cardiovasculaire pour le-quel il faut être rassuré quand les règles de prescription précédem-ment citées ont été respectées.

CONCLUSIONLa prescription d’activité physique adaptée dans la polyarthrite rhu-

matoïde n’a pas pour objectif de remplacer la prescription médica-menteuse du traitement de fond, mais doit s’y associer pour y être complémentaire. Les bénéfices escomptés concernent les fac-teurs cardiovasculaires prépondé-rants dans cette population, mais également l’aspect locomoteur avec une amélioration attendue sur la douleur et l’activité de la maladie en lien avec la production de myokines anti-inflammatoires. La crainte des effets indésirables, principal frein à cette pratique, peut être dissipée en respectant les règles de prescription et en s’appuyant sur les réseaux de sport-santé grandissant sur le territoire. Reste la question du remboursement déjà anticipé par les mutuelles. Affaires à suivre. ■

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Mots-clés Polyarthrite rhumatoïde, Activité phy-sique, Prescription, Sport-Santé

TABLEAU 1 – LIMITATIONS PAR RAPPORT AUX MÉTIERS.

Métier / Limitations Aucune limitation

Limitation minime

Limitation modérée

Limitation sévère

Masseurs/kinésithérapeutes +/- + ++ ++Ergothérapeutes et psychomotriciens (dans leur champ de compétences respectif)

(si besoin déterminé)

(si besoin déterminé) ++ +++

Enseignants en APA +/- ++ +++ ++Éducateurs sportifs +++ +++ + non concernésTitulaires d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification professionnelle inscrit sur l’arrêté interministériel

+++ ++ + non concernés

Titulaires d’un diplôme fédéral inscrit sur l’arrêté interministériel +++ ++ + non concernés

Retrouvez la bibliographie sur le site rhumatos.fr

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Activité physique et polyarthrite rhumatoïde

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1. Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. 2016-41 janv 26, 2016. 2. Activité physique : Contextes et effets sur la santé. http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/803. Anses. Plus d’activité physique et moins de sédentarité pour une meilleure santé https://www.anses.fr/fr/content/plus-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-moins-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-pour-une-meilleure-sant%C3%A94. Legifrance. Instructions et circulaires récentes http://circulaire.legifrance.gouv.fr/index.php?action=afficherCirculaire&hit=1&retourAccueil=1&r=420715. Kohl HW, Craig CL, Lambert EV et al. The pandemic of physical inactivity: global action for public health. The Lancet 2012 ; 380 : 294-305. 6. Arem H, Moore SC, Patel A et al. Leisure Time Physical Activity and Mortality: A Detailed Pooled Analysis of the Dose-Response Relationship. JAMA Intern Med 2015 ; 175 : 959-67. 7. So B, Kim H-J, Kim J, Song W. Exercise-induced myokines in health and metabolic diseases. Integr Med Res 2014 ;

3 : 172-9. 8. Agca R, Heslinga SC, Rollefstad S et al. EULAR recommendations for cardiovascular disease risk management in patients with rheumatoid arthritis and other forms of inflammatory joint disorders: 2015/2016 update. Ann Rheum Dis 2016 ; annrheumdis-2016-209775. 9. Baillet A, Zeboulon N, Gossec L et al. Efficacy of cardiorespiratory aerobic exercise in rheumatoid arthritis: meta-analy-sis of randomized controlled trials. Arthritis Care Res 2010 ; 62 : 984-92. 10. Verhoeven F, Tordi N, Prati C et al. Physical activity in patients with rheumatoid arthritis. Joint Bone Spine 2016 ; 83 : 265-70. 11. Iannone F, Lopalco G, Rigante D et al. Impact of obesity on the clinical outcome of rheumatologic patients in biotherapy. Autoimmun Rev 2016 ; 15 : 447-50. 12. CNOSF. http://cnosf.franceolympique.com/cnosf/actus/7038-nouvelle-version-du-mdicosport-sant.html

Bibliographie

RENDEZ-VOUS DE L’INDUSTRIE

RHUMATISME PSORIASIQUECelgene lance sa Bourse de recherche dédiée au rhumatisme psoriasique

Les lauréats seront récompensés lors du 31e Congrès français de rhumatologie. Après les deux premières

éditions de la Bourse de recherche sur le prurit en 2016 et 2017, Celgene poursuit son engagement dans la recherche des maladies immuno-inflammatoires chroniques avec cette seconde bourse dédiée aux chercheurs en rhumato-logie. Le jury est présidé par le Pr Laure Gossec, rhuma-tologue à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris, et élira deux lauréats pour financer leurs projets de recherche. Chacun recevra un prix de 20 000 €. Le dossier de candida-ture sera disponible à partir du mois de juin sur demande à l’adresse e-mail dédiée ([email protected]) ou auprès des équipes Celgene, et devra être complété et renvoyé avant le 4 novembre 2018 à minuit.

✖ D’après le communiqué de presse des laboratoires Celgene de mai 2018.

POLYARTHRITE RHUMATOÏDEQuand les patients s’expriment sur ce qui compte pour eux

L’enquête RA Matters/“La polyarthrite rhumatoïde, ce qui compte pour vous”, est une enquête internatio-

nale en collaboration avec les associations de patients (enquête menée en ligne par Lilly entre le 4 novembre 2016 et le 13  février 2017 dans huit pays dont la France, avec 6 208 personnes dont 5 400 patients et 808 professionnels de santé). Son objectif est de permettre que leurs besoins et aspirations soient mieux pris en compte dans les déci-sions et discussions relatives à leur maladie. Les résultats concernent à la fois la vie quotidienne (la fatigue, les dou-leurs, les raideurs), la vie professionnelle (le manque de flexibilité et de compréhension), les relations personnelles (le manque de compréhension), ou encore les aspirations des patients. Cette analyse riche et nuancée de l’impact de la maladie sur les aspects essentiels de la vie permet notamment de mettre en lumière l’importance, au-delà de

la douleur et des contraintes physiques supportées par les malades, de l’impact émotionnel de la polyarthrite rhu-matoïde sur ces derniers. Les résultats dévoilés dans ce document concernent exclusivement les patients français ; l’ensemble des chiffres et résultats français de l’enquête peut être retrouvé sur www.ramatters.eu/fr_FR.

✖ D’après la conférence de presse de l’AFPric, des laboratoires Lilly et de l’Andar du 16 mai 2018.

POIGNETUne nouvelle orthèse Poignet/Main Salva

Développée par le Laboratoire Cooper, cette nouvelle orthèse permet de stabiliser efficacement le poignet

dans une position de repos et réduire ainsi la douleur en cas de tendinite, arthrose (épisodes douloureux), arthrite, état post-traumatique (entorse bénigne), syndrome du canal carpien. Confortable et peu encombrante, elle per-met de maintenir les activités quotidiennes. Ambidextre, elle va répondre immédiatement au besoin des patients de la pharmacie avec un stock minimum.Tarif LPPR : 56,64 €.

✖ D’après le dossier de presse des laboratoires Cooper d’avril 2018.

DOULEURSArgicalm, nouveau pack chaud/froid réutilisable à base d’argile naturelle

Les coussins Argicalm de Thuasne s’adaptent aux dif-férentes parties du corps grâce à leur forme anato-

mique, l’argile naturelle, qui leur confère une conforma-bilité permettant de couvrir de manière homogène toutes les zones douloureuses. Pour un meilleur confort d’utili-sation, chaque coussin est fourni avec une housse de pro-tection en tissu et une sangle élastique auto-adhérente permettant une mise en place facile. Argicalm est proposé en cinq tailles pour couvrir tous les besoins des patients : dos, ventre, épaule, cou, coude, poignet, genou…

✖ D’après le communiqué de presse des laboratoires Thuasne d’avril 2018.