Quinzaine littéraire 107 décembre 1970
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Dylanhorna
JohnCage
e eUlnZalnelittéraire du 1er au 15 déc. 1970
SOMMAIRE
3 LE LIVRE DE John Cage Silence par Marcelin Pleynet
LA QUINZAINE
4 Gide au Collège de France
5 Jean Ristat Du coup d'Etat en littérature, suivi par Philippe Sollersd'exemples tirés de la Bible et desauteurs anciens
6 ROMANS FRANÇAIS Paul Werrie La souille par Paul Otchakowsky-LaurensPhilippe Wolff La flippeuse par Anne-Marie de VilaineMichel Huriet Une fille de Manchester par Cella MinartAnne Hébert Kamouraska par Anne Fabre-LuceJean·Louis Arnaud Chacun sa bière par Claude Bonnefoy
9 Philippe Jaccottet Paysages avec figures absentes par Pierre ChappuisLeçonsRilke par lui-même
11 L1TIERATURE Dylan Thomas Œuvres par John MontagueETRANGERE
12 Entretien avec Iwaszkiewicz Propos recueillis par C. B.
13 Marc Saporta Histoire du roman américain par C. B.Heather Ross Miller A l'autre bout du monde par Jacques-Pierre Amette
14 TRIBUNE Contre les idéologies de la mauvaise par Dionys Mascoloconscience
16 SCIENCES Jacques Monod Le hasard et la nécessité par Jean ChoayFrançois Jacob La logique du vivant par Jean-Paul Aron
20 Hélène Michel-Wolfromm Cette chose-là par A.-M. de V.
21 HISTOIRE William L. Shirer La chute de la IIle République par Jean Duvignaud
22 THEATRE Théâtre du Soleil 1789, la Révolution doit s'arrêter par Lucien Attounà la perfection du bonheur
Whitkiewicz La MèreEdward Bond Demain la veille
24 MUSIQUE Boulez au T.N.P. par Anne Rey
25 CINEMA Marin Karmitz Camarades par Louis Seguin
26 EXPOSITIONS Formes et béton par Roger DadounGaleries par Jean-Jacques Lévêque
La QuinzaineIlth·r.url'
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François Erval, Maurice Nadeau.
Conseiller: Joseph B.-eitbach.
Comité de rédaction :Georges Balandier,Bernard Cazes,François Châtelet,Françoise Choay,Dominique Femandez,Marc Ferro, Gilles Lapouge,Gilbert Walusinski.
Secrétariat de la réclactionet documentationAnne Sarraute.
Courrier littéraire :Adelaide B!asquez.
Maquette de couverture:Jacques Daniel.
Rédaction, administration :43, rue du Temple, Paris (4e)
Téléphone: 887-48·58.
Publicité littéraire :22, rue de Grenelle, Paris (7e).
Téléphone: 222-94·03.
Publicité générale : au journal.
PIÛ du nO au Canada : 75 cents.
Abonnements :Un an : 58 F, vingt-trois numéros.Six mois : 34 F, douze numéros.Etudiants: réduction de 20 %.Etranger: Un an : 70 F.Six mois: 40 F.Pour tout changement d'adresseenvoyer 3 timbres à 0,40 F.Règlement par mandat, chèquebancaire, chèque postal :C.C.P. Paris 15 551-53.
Directeur de la publication :François Emanuel.
Impreuion S.I.s.s.Printed in France.
Crédits photographiques
p. 1 Le SeuilD.R.
p. 3 DenoëlDenoël
p. 5 D. R.p. 7 Gallimardp. 8 D. R.p. 9 Gallimard
Le Seuilp. 11 Le Seuilp. 12 Stock
p. 13 Gallimardp. 17 Le Seuilp. 19 Gallimard
p. 20 Gni"ssetp. 23 Martine Franck
p.24 Bemandp. 25 D. R.
·p.27 D. R.
I.E I.IVRE DE
Cage et la modernité1. ... QUINZ ... INE
La QuinzaIne Uttéralre, du 1er au 15 décembl'e 1970
d'une analyse, que ce n'est pas lelieu de développer ici.
La forme poétique qu'empruntentles sûtra indiens se développe en effet dans une culture dont l'organisation relève d'une tout autre « logique» que la nôtre (1) - qu'onvoit par exemple au niveau de lamise ~n place de la langue lessûtra initiaux de la grammaire dePânINI : « Les voyelles â, ai, au,portent le nom de accroissement.Les voyelles a, e, 0, portent le nomde qualification secondaire... » etc.,et on se fera une idée de lacomplexité ainsi mise en jeu. Audemeurant, Cage n'est certainementpas parti sur cette piste, et pourentendre ce qu'il entend donnercomme définition de la poésie encitant cet exemple indien, il suffiten somme de souligner le caractèreirrationnel des éléments «musi·caux» que véhicule le signifiantpoétique. Mallarmé avait déjà, et
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l'édition anglaise et française deSilence, John Cage apporte, d'autre part, une précision tout à faitéclairante quant aux déterminationsde son travail de compositeur : « Sije regarde en arrière, je m'aperçoisque le souci de poésie m'accompagne depuis longtemps Il. Et Cagene veut pas seulement dire par là,qu'entre dix·huit et vingt et un ansil songea à une carrière littéraire,ou encore qu'il ne cessa en fait jamais d'écrire. Les deux tiers del'Avant-propos du livre de ce musicien, sont délibérément conditionnés, surdéterminés, si je puis dire,par la poésie : « Quand M.C. Richards m'a demandé pourquoi je nefaisais pas un jour une causerieinstructive classique, ajoutant queje ne saurais rien faire qui choquedavantage, j'ai dit : « le ne faispas ces causeries pour surprendreles gens, mais par besoin de poésie. » Finalement, c'est à la poésieque John Cage fait essentiellementréférence non seulement lorsqu'ilentend justifier sa « méthode »,mais encore lorsqu'il entend rendrecompte des divers emprunts culturels sur lesquels cette méthode s'appuie : « Selon moi, la poésie n'estpas la· prose purement et simpIe.ment parce que la poésie est d'unemanière ou d'une autre formelle.Elle n'est pas poésie du fait de soncontenu ou de son ambiguïté, maisdu fait qu'elle permet à des éléments musicaux (temps, son) des'introduire dans le monde desmots. Ainsi, par tradition, l'information si lourde soit-elle (les sûtraet shastra de l'Inde par exemple)se transmettait en poésie. Il étaitaisé de saisir cette méthode ».
John Cage précise ainsi l'importance qu'il attache et qu'il fautattacher à des textes comme « Discours sur rien», « Discours surquelque chose », et à l'aide de quelle discipline il convient de les aborder. Quoique insuffisamment développée, la définition que donne lecompositeur de ce qu'il entend parpoésie, n'en est pas moins suffisamment claire, pour qu'on puisse lasuivre à l'œuvre dans les textes quinous sont présentés aujourd'hui etdans toute la pratique de Cage.Pour lui la poésie n'est pas réductible au signifié (son contenu), elleest poésie « du fait qu'elle permetà des éléments musicaux de s'introduire dans le monde des mots ». Cecaractère « musical» du signifiant(le mot pris comme suite de lettres)rattaché aux sûtra de l'Inde nousentraînerait dans la complexité
discoursetécritspar
la version américaine, et de plus sedistingue de celle-ci par l'additionde trois courtes déclarations surMarcel Duchamp, Jasper Johns etMiro. Quoiqu'il faille regretterl'absence de textes importantscomme par exemple « Compositionas process» (dont ne figure dansl'édition française que la troisièmepartie), le livre publié aujourd'huin'en reproduit pas moins un nom·bre suffisant des essais les plus significatifs de John Cage pour êtreconsidéré comme représentatif dela complexe démarche théorique dumusicien.
Aussi bien dans les manifesta·tions spectaculaires que dans lesécrits de ce compositeur ce qui surprend le plus, et qui est le plus faitpour surprendre, c'est le caractèrejoué, enjoué et quasi enfantin despropositions qui les déterminent.Attitude puérilement avant-gardis.te, gestes provocateurs qui donnentaux fragments d'une démarche peu,mal, voire tout à fait, inconnue, unaspect superficiel et incohérent.Cage sera ainsi connu comme lecréateur du piano préparé, maiscombien sont ceux qui ont entenduA mores (créé à New York en1953)? Cage sera l'inspirateur duhappening, du pop.art, adepte duboudhisme zen, dadaïste, mycologue,tout et rien, n'importe quoi, maisencore? Silence, pour peu qu'ons'y arrête, permet de revenir surles divers aspects de cette activitétapageuse, dont on doit retenir unedéclaration d'intention avant-gar.diste. Déclaration en somme initialedésignant plus particulièrement lechamp à l'intérieur duquel lecompositeur entend inscrire la somme des textes aujourd'hui réunis etleurs références culturelles.
Dans l'Avant-propos de 1961, à
Mais ces notions elles-mêmesconviennent mal pour définir lapratique de Cage dont l'activitéconsiste précisément à contesterl'existence musicale d'un centre etd'une marge : « il s'agit évidemment de placer les choses qu'ons'était proposé de faire en rapportavec les choses alentour qu'on nes'était pas proposées» - « J'ensuis venu à penser qu'on pouvaitapprendre beaucoup sur la musique en se consacrant aux champignons ». (( La flore de l'amateur demusique»). On dira donc plus justement que c'est parce qu'il se veutpartout et nulle part que JohnCage occupe dans l'histoire de lamusique d'avant-garde une situation marginale et de premier plan.
De .cette attitude apparemmentparadoxale, que tout au long desa carrière John Cage n'a cessé desystématiser, le recueil de texteset essais Silence répond. C'est celivre que nous devons interrogermaintenant si nous voulons déterminer dans quelle mesure, commedit Proust : « Les paradoxes d'hierne sont pas devenus les préjugésd'aujourd'hui»; dans quelle mesure cette avant-garde brillante etbruyante répond de sa propositiond'hier : « Bien entendu c'est uneautre école - ce point de départzéro ». (texte sur Erik Satie, 1958).
Composé de textes choisis dansl'édition .de Silence paru en 1961au ,. M.1.T. Press de Cambridge,Massachussetts, le livre qui paraîtaujourd'hui en français ne reproduit donc pas dans son intégralité
Dans l'histoire de la musique moderne d'avant-garde, lasituation de John Cage est àla fois marginale et de premier plan. Marginale dans lamesure où, systématiquement,le musicien refuse d'envisager la discipline qui est lasienne dans le champ clos desthéories musicales plus oumoins contemporaines; depremier plan par l'influencequ'il a exercé et qu'il exercésur toute une génération dejeunes musiciens comme parexemple S. Bussotti, la MonteYoung, Metzger, certaines pièces de Stockhausen.
1John CageSilenceTrad. par Monique FongColl. « Les Lettres Nouvelles»Denoël éd., 184 p.
~ John Cage
INFORMATIONS
Gide au Collège de Francedéfinitivement marqué ce point :« Son sortilège, à lui (l'art littéraire), si ce n'est llhérer, 1wrs d'unepoignée de poussière ou réalité sansl'enclore, au livre, mêm.e commetexte, la dispersion volatile soit l'es·prit, qui n'a que faire de rien outrela musicalité de tout» (2). Maisalors que Mallarmé encre cetteCI musicalité» dans la matière même de son travail (dans les lettres),Cage pratique l'opération inverse, ildétache la musiCalité des lettres, quila produisent, et, si je puis dire,l'idéalise : « La musique est-elle le mot, j'entends - est-il un son ?Le mot « musique » est-il de la musique? » «( Communication »). Cette douhle position, parti pris d'irrationnalité poétique, mentalisationde la matière musicale, va conduireCage à une interprétation entière·ment phénoménologique. Décriteen elle-même et pour elle-même, endehors de toute construction conceptuelle, la musique va se trouver mé·caniquement assimilée à tout ce quis'entend, et si, dès lors, tout estmusique, c'est que tout vaut n'importe quoi «( on peut apprendrebeaucoup sur la musique en se con·sacrant aux champignons») et quede toute façon le hasard seul détermine l'ordre.
Ce qu'il y a de particulièrementimportant à remarquer chez JohnCage c'est que c'est, d'une certainefaçon, la nouveauté et la radicalitéde sa dé~c~e qui l'entraînent inconsciemment sur le terrain mêmequ'il croit dénoncer. Sa critique dusymbolique, du psychologique, dela rationalité, du sujet enfin, fautede pouvoir. s'incarner dans unescience, a recours à un produit deremplacement susceptible de répondre de cette position, de l'extérieur.D'où le recours métaphysique auBouddhisme Zen, tel que D.T. Suzuki, le maître japonais de Cage, ledéfinit : «Une transmission spéciale en dehors des Ecritures. Au·cune dépendance à l'égard de ~ots
et des lettres. Se diriger directementvers l'âme de l'homme. Contempler sa propre nature... » (3).
On voit bien comment ces principes répondent de la pratique deCage refoulant la réalité du supportmawrieletirrésistibœmente~
traîné vers ce qu'on pourrait appeler une sorte d'empirio-mysticisme.Empirisme sensible notamment avecl'emploi mécaniste qu'il fait d'undes plus vieux livres de la Chineancienne le Yi-king ou Livre desmutations. Cage opérant à ce niveau7 et pour cause, le même retour-
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nement, la même réduction SpJ.rltualiste que celle qu'il opère sur lamatière musicale de la poésie. C'estla voie mystique qui déterminel'emploi d'un livre de signes permutables ou mutants (le Yi-king) àdes fins divinatoires - fins qui neprennent en considération que lecontenu symbolique de ces signes(leur interprétation). Dès lors lechamp parcouru par le compositeur, dans un système dont lacomplète cohérence vient réduire àsa norme spiritualiste tout ce qu'ilenvisage, est complet. Chaque choseest ce qu'elle est et tout est pour lemieux dans le meilleur des mondes : « J'ai dit, « La musique m'aplu, mais je ne suis pas d'accordavec cette note dans le programmequi dit qu'il y a trop de souffrancedans le monde »" Il m'a dit « Comment? Vous trouvez qu'il n'y' en apas assez?» J'ai dit, « Je pensequ'il y en a juste ce qu'il faut. »(Silence, p. 50). Il nous suffit,quant à nous, pour nous y retrouver de restituer au Japon ce quiappartient au Japon (le Zen de lacôte ouest), à la Chine ce qui appartient à la Chine (le Yi-King), à lapoésie et à la musique ce qui leurappartient (les lettres), et enfin àl'histoire ce qui appartient à l'bistoire.
Pourtant, qu'on ne s'y trompepas, Silence, quelles que soient lesréserves, et, fondamentales, qu'ilfaut faire à son propos, est un livrequi marque une date dans l'histoire de la modernité. Moment ultimedu discours d'une certaine avant·garde, il en donne à lire tous leseffets progressifs (productivité desrapports interdisciplinaires, du paradoxe, aussi bien dans son activitéirrationnelle, voire de « rationalité»autre que l'occidentale) et les limites forcément régressives (la confusion idéologique; le manque depratique scientifique). Peu de livresaujourd'hui font appel à un champréférentiel ausi vaste que celui dontse réclame le livre de Cage. Il mérite non seulement qu'on s'y arrête,mais qu'on y revienne.
Marcelin Pleynet
\1) Voir Linnart MalI, c Une a}>proche possible du Sunyavada.,Tel Quel n° 32.
(2) Mallarmé c La Musique et lesLettres •.
(3) D.T. Suzuki, c Essais sur leBouddhisme Zen. t. I, éditions Albin Michel.
Un colloque, préparé par 'GeorgesBlin et présidé par Jean Delay, a réuniles 30 et 31 octobre derniers au Collège de France un certain nombre despécialistes français et étrangers del'œuvre d'André Gide. De ce colloques'est dégagée une image de l'hommeet de l'écrivain, fidèle en somme à lamultiplicité gldlenne.
Après Mme Marie-Jeanne Durry,M. Jean Delay retraça le long cheminement qui permit à Gide de parvenirà la conquête de sol et rappela l'importance du Journal qui souligne la perpétuelle osmose entre la vie de Gideet son œuvre. Sur le thème • AndréGide et autrui -, Robert Mallet montracomment Gide chercha perpétuellement à s'évader de sol pour, en somme, se mieux retrouver, après des en·richissements qui le portaient aux extrêmes : • André Gide, c'est l'expérience fln ,sol de l'autre, pour soi etpour autrui -.
Que Gide ait été attentif à l'imagepublique qu'on avait de lui, c'est ceque souligna Pierre Lafille tandis qu'àla séance suivante, animée par Georges Blin, Yvon Belaval se livra à unmagistral exposé sur ce que • parlerveut dire - et montra comment la recherche de la vérité se confondait pourGide avec l'acte d'écrire : • un efforttoujours recommencé pour mettre bastous les masques -.
L'attitude (ou les attitudes successives) de Gide il l'égard de l'U.R.S.S.donna lieu à un brillant commentaired'Albert Memmi pour qui Gide avaitfondé son élan sur un malentendu radical, d'où devait procéder la déception d'un homme qui avait préconisé la
GionoDes lecteurs se sont étonnés Il bon
droit que, dans notre n° 105, un titre:• Giono après mal 68 - ne corresponde à aucun article sur le romancierd'Un de Baumugnes. En fait, un entretien avec Giono où celui-cI se disaitindifférent aux événements ne nousa pas paru donner des garanties d'authenticité suffisante. Nous l'avons ôtéalors que la page était composée avecson titre, lequel est malheureusementresté. Nous nous en excusons auprèsde nos lecteurs.
GuyotatA la suite des mesures prises contre
le roman de Pierre Guyotat, Eden, Eden,Eden, l'Union des Ecrivains s'élève unefois de plus contre la censure de faitvisant à interdire la publication ou lavente d'un ouvrage ~ittéraire, ou à restreindre sa diffusion.
La Quinzaine littéraire s'associe Ilcette protestation.
libération de l'esprit et du corps.Un des ouvrages de Gide qui nous
Intéresse aujourd'hui le plus, Paludes,pamphlet Ironique contre le mondeconfiné de la littérature, permit IlM. Georges Albony de montrer toute lamodernité de cette œuvre de jeunesseoù • l'écriture prend sa source dansl'écriture, vit d'elle-même et ne renvoie qu'à elle-même -. Elle établissaiten même temps Gide comme écrivain.
On devait entendre également, à propos de l'esthétique gidlenne, Etiemble,Dominique Noguez, François Mouret(Liverpool), tandis que Georges Mounin, pour parler des Nourritures se plaça dans la situation du lecteur qui lesdécouvrit en leur temps. Il en profitapour donner à ce propos une leçon destructuralisme à l'assistance.
Daniel Moutote, sur le plan de l'érudition, Jacques Cotnam, sur celui del'accueil fait à André Gide au Québec,Walter Münch, à propos des influencesanglaises et allemandes subies par Gi·'de, Jean Hytier (qui professe à NewYork) s'accordèrent pour évoquer lecrédit dont a joui et continue de jouirl'auteur des Nourritures et des FauxMonnayeurs à l'étranger.
Ceux qui s'attendaient à des controverses passionnées à propos d'un homome et d'un écrivain qui ne cessa toutesa vie d'être discuté auront été surpris par l'accord entre eux des spécialistes de Gide. Lui-même n'aurait pasmanqué de s'en étonner.
D'après des renseignements foumispar Mme Claude Ouémar
Signalons qu'une Exposition AndréGide se tient actuellement à la Bibliothèque Nationale.
PrixLe Grand Prix de la Critique Litté
raire 1970 a été attribué à MichelMohrt pour son recueil d'essais :"Air du Large. Pascal Pia a obtenu leprix de l'Edition Critique (à l'unanimité) pour son Laforgue, publié dansle Livre de poche (voir la QuinzaineLittéraire nOf 93 et 97).
André Chastel a reçu le prix desAmbassadeurs pour l'ensemble de sonœuvre, à l'occasion de la parution deson ouvrage • le Mythe de la Renaissance - (voir la Quinzaine Littérairen° 77).
le Grand Prix du roman de l'Académie française a été attribué IlBertrand Poirot-Delpech pour La Follede Lituanie (voir la Quinzaine Il" 104).
Saint LouisDans le cadre des nombreuses ma
nifestations organisées autour du septième centenaire de la mort de SaintLouis, une exposition intitulée • LaFrance de Saint Louis - est actuellement présentée au public dans la Salledes gens d'armes du PaI~is de Justice.
roman
Collection des Lettres Nouvellescollection dirigée par Maurice Nadeau
plus reculée de l'édifice dont nousest donné, par ailleurs, le « dessin »imaginaire à ciel ouvert. Là unmeurtre politique et mythique, fixécomme un spectacle de marionnettesans fin répété, a lieu : celui deMarat par Charlotte Corday. Lafemme au couteau frappe l'hommeà la plume dans une baignoire. Ouencore : la femme-phallus percel'homme au pénis baigné par levagin maternel. Ou encore : lacontre-révolution assassine l'ami dupeuple, ce savant coupeur de têtes,vengeance de classe et de sexe surcelui qui avait osé déchirer le plusviolemment le voile de l'ancienrégime et, par avance, le masque,montant, du régime triomphant.« C'est pour avoir épousé la causedu peuple que je suis en' butte auxtraits des méchants qui me persé.cutent, que je suis dans les liensd'un décret de prise de corps,comme un malfaiteur. Mais jen'éprouve aucun regret; ce que j'aifait, je le ferais encore, si j'étais à
Les éditions Galanls (127, boulevardtitre d'. Ecritures -, une collection quiHaussmann, Paris-Se) lancent, sous lea pour ambition de réaliser, dans l'édition courante et pour un prix modique,ce qui était jusqu'ici l'apanage de l'édition de luxe : associer à des œuvresrares et d'une qualité d'écriture incontestée des illustrations de qualité,dues aux meilleurs artistes d'aujourd'huI. Premier titre paru : les CLXXXIProverbes à expérimenter, de JeanGuichard-Meili, illustrés par Lapicque,dont l'édition originale, de grand luxe,retenue dans la sélection des • Cinquante livres de l'année 1966 -, estbien connue des bibliophiles.
A paraître : Sentier d'Hermès, deCamille Bourniquel, illustré par Manessier; Harpe, de Guillevic. illustré parUbac.
par Philippe Sollers
n'ont plus de sens - où l'événement isolé n'est plus que le symbole d'un événement plus grand? »On dirait que son livre - ou plutôtla machination, la machinerie, qu'ilimplique - a ·pour fonction dérobée d'éclairer de l'intérieur ce phal.lus hiéroglyphique érigé sur la place ruisselante de sang de la révolution bourgeoise, celle qui castra unmoment si énergiquement - maisde façon trop éphémère - les représentants du trône et de l'autel.Eclairage d'opéra bouffe, historicomystique, dont les deux figm'escentrales sont apparemment Maratet Charlotte Corday. Coup de projecteur baroque : on entre par desjardins suspendus (forme poétique« à l'italienne»), on traverse unecour d'honneur (déclaration de lecture), on pénètre enfin, par une série de couloirs-promenades (la« promenade» étant ici, comme ilfaut savoir la lire chez Rousseau,une métaphore transparente de lamasturbation), dans la chambre la
Un ton qui rappelle parfois Boris Vian. Jean·FrançolsCornler.COMBAT L'originalitéet la maÎtrise de François Sonkin qui est un mélange unique de sociologie etde poète. Etienne Lalou. L'EXPRESS.Un petit livre d'apparence frivole. d'écrituresoignée qui en dit long sans en avoir l'air. Matthieu Galey. LE MONDE.
Rêver I~histoire
français sankinLES GENDRES
La nouvelle pièce de Joseph Breitbach • Camarade Veygond -, vientd'être présentée pour la première foisau· Théâtre Municipal de Baden-Baden.Breitbach est un écrivain engagé etdepuis la publication, en 1962, duRapport sur Bruno, on sait avec quelleperspicacité il examine les rapportsentre la politique et la morale. DansCamarade Veygond. il traite avec uneironie cruelle l'hypocrisie du dogmatisme, la contradiction entre les acteset les paroles des maîtres de l'intolérance politique.
Le jeune metteur en scène praguoisBohdan Denk a dirigé cette représentation avec beaucoup de talent. Maisl'ampleur de la pièce dépassait lespossibilités de ce petit théâtre. Lesuccès fut pourtant grand, mais Breitbach méritait mieux.
Jean Ristat est un lecteur de Ba·taille. Est-il parti, pour écrire sonCoup d'Etat en Littérature, de cetexte paru dans Mesures en 1938et intitulé l'Obélisque? Texte où« les interprétations faites dans lesens de la politique immédiate
Un lecteur de Bataille
journalistes gâteux et serviles(exemple: l'article - digne du professeur Claude, de Saint-Anne, dontAndré Breton publia la photographie dans Nadja afin, je suppose,de faire passer à la mémoire historique la trogne même de l'aliénation - de M. Bouret dans les Lettres Françaises). C'est ainsi que larépression bourgeoise, aVeC sa police, ses agents d'information, sesécrivains soi-disant modernes, maisvirant, en fait, à l'académisme leplus éculé, espère maintenir partous les moyens son pouvoir de surface ébranlé en mai 1968.
Qu'on ne s'y trompe pas: empri.sonnement de militants gauchistes,privés de leurs « droits civiques etfamiliaux»; interdiction de textesportant en eux une connaissance dusexe : ces deux mesures sont profondément solidaires, elles sontl'envers même de la mise en placedes inoffensifs « sex-shops » commede la contre-attaque politique du capital. Elles préparent une vaste cam·pagne, incessante, de délit d'opinion. Marat : « Les princes ontgrand soin de gêner la liberté dela presse. Trop timides pour l'attaquer d'abord ouvertement, ilsattendent que les citoyens en fournissent un prétexte plausible : etdès qu'il s'offre, ils ne manquentjamais de le saisir. »
« La philosophie a préparé, commencé, favorisé la Révolution, celaest incontestable; mais les écrits nesuffisent pas, il faut des actions, orà quoi devons-nous la liberté qu'auxémeutes populaires ? »
(Marat)
Voici l'un des livres les plus originaux puhliés depuis longtemps.C'est-à-dire : le moins répétitif, lemoins prévisible. Ou encore : celuioù les gravures toujours trop viteeffacées de l'inconscient dans sonrêve nous parviennent découpéesavec une netteté rapide, vive, ser·rée.
A en croire certains, dont la célébrité n'est que l'occasion pour l'idéologie technocratique dominante demettre une fois de plus en scène sonrefoulement, « l'érotisme» devraitêtre réglé dans un jeu tournant destéréotypes empruntés à la commer·cialisation sexuelle, se limiter à unfeuilletage visuel de magazinesillustrés. La « nouveauté» serait derefuser à la sexualité toute questionde base. C'est ainsi que GeorgesBataille sera traité, dédaigneusement de « chrétien »; c'est ainsique la puhlication de ses ŒuvresComplètes sera finalement entouréedu plus lourd silence. Par ailleurs,le livre de Guyotat - l'un desgrands événements de ces dernièresannées - se voit dérisoirementfrappé d'une triple interdiction parle ministère de l'Intérieur, et celaavec la complicité active de certains
1Jean RistatDu coup d'Etat en littérature,suivi d'exemples tirés de la Bibleet des auteurs anciensColl. « Le Chemin »Gallimard éd., 125 p.
La Qulnza1ne Uttérafre, du 1er au 15 décembre 1970 5
• Ristat
commencer. Hommes vils, qUl neconnaissez dans la vie que l'or, neme <'demandez pas quel intérêt mepressait; j'ai vengé l'humanité, jelaisserai un nom, et le vôtre est faitpour périr. »
C'est ce qu'il comporte d'inconscient qui fait du livre de Ristat unsymptôme du plus grand intérêt.Notre hypothèse est que, par toutun jeu de relais complexe, « l'auteur» s'est fait ici le porte-parole,le révélateur, d'un refoulé propreà la domination idéaliste bourgeoise.A la fois fascinée par ses originesmeurtrières, mais traînant avec elleune culpabilité déformée ; à la foisfière d'avoir ·su trancher sur le vifdes sujets qui s'opposaient à sa prise de pouvoir, mais craignant quele prolétariat ne suive trop bien, àson égard, son propre exemple. Lamachine mythologique montée endétails par Ristat pour animer cette«scène primitive» est l'expositiond'un conflit, d'une contradiction. Cequi nous permet de comprendre« théâtralement» que l'histoireréelle passe par une « équation »sexo-politique dont chaque classedoit élaborer et imposer dans le langage la reproduction légendaire.Marat, comme un sexe nu, venimeux, attire et repousse la conscience bourgeoise : elle s 'y reconnaîtavec terreur, elle ne peut que désirer, sans fin, le retuer magiquementsous forme d'un crime « sacré»commis par une vierge, presque unedéesse. Comme la vierge foule leserpent, la bourgeoise Corday frappe le « crapaud» Marat. Ristat,dans de belles séquences lyriques, sefait porteur de la jouissance diviséeainsi dégagée. « On danse dans leséglises. La roue désaxée du soleilfrotte sur le carreau du firmamentau milieu des flammes des tonnerres ». Autour de ce choc rassembléen une seul image mortelle (le diri·geant populaire nu, écrivant; labourgeoise parée et frappant), ilconvoque Isis, Osiris, Jésus, Œdipe,etc. selon la flottante mise en scènede l'époque, de type occultiste, quiformait, en fait, le « retour» obligéet mystifié de ce que le christianisme avait réprimé après l'avoirintégré.
La guillotine rejoint alors la fatalité qui tranche à la fois les couset les fils des Parques. CharlotteCorday et Marat sont transférésdans un drame cosmique « éternel ». On connaît les coulisses idéologiquement «égyptiennes» de larévolution de 1789. Ristat, rêveur
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et promeneur éveillé, induit par sondésir à retrouver sexuellement lesignifiant convulsif de ce passé, sefait l'acteur interne de tous lesrôles, comme si l'histoire « idéale »passait par le viol meurtrier d'unefemme « pure » en réaction contrele mâle « impur », ouvrant, de façon violente, la réalité sociale. Noslivres d'histoire sont formels sur cecontre-investissement psychique :c'est bien un cri de soulagement(un orgasme non dissimulé) qu'ilsexpriment entre les lignes devant le« juste» crime de Charlotte Corday. Dirai-je toute la vérité? Diraije que Charlotte était une vulgaireputain conventine payée par les Girondins, autrement dit par les « centristes» d'alors? Qu'elle reste, aufond, le symbole de la bonne conscience de ceux qui fracassèrènt àbout portant - et recommencentsans fin - la mâchoire de Robespierre, hantise cachée de notre république soi-disant calmée? Il estsignificatif qu'Eisenstein, lorsqu'ilvoulut condenser massivement, dansOctobre, l'échec de la révolution de1905, ait choisi le plan d'une bourgeoise assommant à coup de parapluie un soldat bolchevik. Mais là,plus d'un siècle a passé, et la nouevelle Corday n'a plus le relief som·bre de la criminelle hystériqued'une classe montante : ce n'estplus qu'une demi-mondaine sordide, excitée.
L'assassinat de Marat est un desnoyaux symboliques où l'accumulation inconsciente des mythes de toute une époque passe à fond perdudans l'histoire, un « épanchementdu songe dans la vie réelle », don·nant sa « profondeur» à l'événement. Artaud l'a senti : dans leNapoléon d'Abel Gance, il a vouluêtre le « crapaud » Marat, prendresur lui l'énigme d'une question àpeine entamée que le livre de Ristat,dans son ambivalence « poétique»repose, tout en l'entraînant danssa dérivation sublimée. Car enfin, àtravers le meurtre et le mythe, quelle force agit? Laissons le derniermot au grand refoulé de la placede la « Concorde », à ce mort troppeu connu dont le corps prématuréest mort par procuration: « Toutest perdu quand le peuple devientde sang-froid, et que, sans s'inquiéter de la conservation de ses droits,il ne prend plus de part aux affai.res : au lieu qu'on voit la libertésortir sans cesse des feux de lasédition. »
Philippe SoUers
FuitesIPaul Werrie
La SouilleMercure de France éd., 293 p.
Un vallon. Cul-de-sac humide bordé de forêts où rôdent braconnierset francs-tireurs. Entonnoir que limite un mur étrange et symbolique,négation de tout chemin. Quelqueschâlets, dans l'un d'eux Yves. Yves,le collaborateur que protège à cause du service autrefois rendu un médecin énigmatique, malin aux deuxpieds-bots, résistant de surcroît. Enbas on fusille les amis qui n'ont puéchapper, mais ici il ne s'agit mêmeplus de proximité, comme à la ville.Yves est au cœur du ·danger, voisindu « Commandant» qui dirige unréseau, victime des sarcasmes choisis et des silences calculés du « Docteur» qui lui fait garder ses porcs :dans la souille, une justificationpour celui qui n'en a plus...
« Fuyard immobile! Un de cesfuyards qui dansent sur place comme les Impalas à l'approche descarnassiers...·" Et Yves se vautredans cette nouvelle manière de fuite, fuite suspendue qui maintenantle disperse entre gestes et paroles,attitudes et silences : toujours ilfaut aller plus vite que les autrescar ceux·là certainement guettentla faille, la fistule suintante par oùvous retourner comme un gant; àtout moment risquer d'en avoir tropfait et en faire effectivement trop,emporté que l'on est par les vertiges convergents de l'expiation etde la peur, du reniement et de lahonte. « Le seul moyen de n'êtretraître à rien, c'est d'être traître àtout, non?» Et cette fuite (ce discours violemment, exagérément subjectif), cette débandade tout à lafois lucide et hallucinée mais toujours déraisonnable, par son propre
1Philippe WolffLa FlippeuseDenoël éd., 250 p.
Dans son appartement. de la résidence des Tilleuls, Porte d'Orléans,avec vide-ordures et chauffage parle sol, elle a mis des lithos de Prisunic, une chaine stéréo qui vient dela F.NA.C. et un fauteuil de chezBobois et Roche. Pour sa fille Valérie, elle ne tolère que les couchesLotus (avec une épaisseur supplémentaire de mousse de cellulose etaussi une feuille de Polyéthylène) etla Blédine dernier cri parfumée aumiel.
Elle a 26 ans, elle est ravissante,elle ne manque jamais les soldesde Gudule et s'habille volontierschez Dorothée Bis, encore qu'elleaime donner à ses robes un genreindien, style Jean Bouquin. Quandson mari, directeur artistique d'uneagence de publicité, rentre du bureau, elle lui prépare des rognonssauce madère comme on lui a conseillé dans cElle» ou dans c Millerecettes >t. Comme sa fille Valérie ne
désordre suscite elle-même les impulsions qui sans cesse la réactivent.
Ainsi n'y a-t-il pas dans « la Souille » de véritable progression dramatique, tout juste un démesuré etconstamment relancé tournoiementdont le narrateur, centre et circonférence à la fois, s'offre le suprêmeluxe de n'être plus le maître. Touteréalité n'est-elle pas viciée par lamon s t rue use dissimulation?L'amour, surtout, n'est plus quegestes parodiques jamais conduitsà leur terme.
C'est dans la mort que réside laseule solution. Déjà Yves le pressent qui se délecte à l'agonie desbêtes, à leurs ultimes convulsions.Mais quelle (s) mort (s) ? La sienne,fictive et grotesque, puisque condamné par contumace, il sera exécuté en effigie, ne change rien, ilen faut une autre. Pour se procurer un sauf-conduit, Yves assassinera Alice la résistante un momentconvoitée. Alors par le crime (parle livre) la condamnation, et lecondamné, se trouvent a posteriorijustifiés, alors est consommée l'expiation d'un fuyard réconcilié aveclui-même, avec sa fuite qui peut enfin déboucher, hors du vallon, surle salut, sur l'honneur, un honneurtout neuf, une vraie naissance.
Héros haïssable pour un livre quine l'est pas moins? Sans doute,mais l'auteur justement provoquesciemment dégoût et répulsion pourensuite les intégrer dans son développement. Nous autres lecteurs,comme les habitants du vallon,nous sommes constamment bernésmais à leur différence le savons.Ce n'est pas le moindre mérite dela Souille que de ne jamais renoncer à cette exigence expiatoirequi l'anime.
Paul Otchakovsky-Laurens
parle pas encore, elle écoute, pourse distraire, Europe 1, R.T.L., MénieGrégoire, Michel Polnareff, les Rolling Stone et le soir, elle regarde latélé en mangeant du faux caviaravec son mari. Elle envie les sacsVuitton et l'ensemble Saint Laurentde son amie Claude. Quand elle sesent nerveuse, (<< on ne dira jamaisassez le désarroi de la jeune femmeseule au foyer devant sa tranche dejambon de Paris»), elle prend duvalium, mais « elle ne se trouve pasassez con pour travailler». Elle abeau assassiner en imagination unmannequin, un chanteur Pop, uneproductrice de la télé, une vieilledame abusive, guérir sa dépression(la dépression des grands ensembles, elle l'a lue dans la presse) enpartant aux Canaries avec son mariet un copain (<< elle sait aussi, grâceà la presse que «la femme moderne a droit à deux hommes,,), elle netournera jamais rond. C'est toujourselle qui parle, et cela ressemble àune chanson pop échevelée, obsédante, trépidante comme la vie, lavie à Paris.
Anne-Marie de Vilaine
Entre hURlour et aRlertuRle
1Michel HurietUne fille de ManchesterGallimard éd., 240 p.
Un an après la Fête de la Dédicace, Michel Huriet publie UneFille de Manchester, qui est en réalité antérieur au précédent et quidoit probablement au succès remporté par celui-ci le fait de se voirpublié à son tour. Même si cedeuxième roman paraît moins subtilet moins accompli que le premier,il eût été dommage de ne pas leconnaître. Il y a, en effet, chezMichel Huriet, un si réel bonheurde narration, que ce petit livre serend immédiatement attachant et ced'autant mieux qu'il est servi parune écriture aisée et rapide qui,tout en restant fidèle aux modesd'expressions traditionnels, necraint pas de prendre le large entrouvant d'elle-même sa propre libération : collages composés avec desarticles de journaux, des petits poèmes naïfs, des comptines même,ajoutent une dimension nouvelle àun texte qui, sans cela, risquaitpeut-être de tomber dans les demiteintes monotones de la mélancolie.
Une Anglaisedans les Vosges
Aussi prend-ton beaucoup de plaisir à lire l'histoire de cette jeuneAnglaise amenée de Manchesterdans une petite ville des Vosgespar un fils de la bonne bourgeoisielocale, qui dépose sa femme surl'autel familial avec une fierté légi.time mais fortement mêlée d'inquiétude : comment cette greffe sera-telle acceptée du côté Vagney-Tissages? Or, c'est par Ann que les choses seront vues et commentées;non pas au moyen d'un banal « je »,mais par le bil\is de ce « vous » quifit couler tant d'encre autour deMichel Butor et dont il diffère, sanstoutefois être un tutoiement à l'anglaise. Le « vous» de Michel Huriet est plutôt celui du conteur arabe, du sage, et peut-être mêmeaussi celui de l'écrivain-miroir :« Car oui, Ann vous vous êtes décidée à acheter des pantoufles! Vous!S'il est une chose au monde quevous vous étiez juré n'acheter jamais, c'est bien celle-là. A quelleextrémité vous a donc pas réduitece lent pourrissement, cet exü !... »
Cependant, et aussi vilainementchaussés soient-ils, les pieds d'Annn'expriment que dans une faiblemesure les étapes de ce changement
Michel Huriet
irréversible qui ont fait d'une Bri·tannique saine et sportive, cettebonne épouse française, soumise à sabelle-mère, supportant un mari infantile et poltron, astreignant soncorps à des grossesses rapprochéeset que l'on voit se plier sans rechigner aux convenances de sa province d'adoption. La chose paraît tellement énorme que, scandalisé, le lecteur est prêt à bondir pour enavertir l'Ambassade de sa GracieuseMajesté, Scotland Yard, le Times,peut-être même Jack l'Eventreur.Mais non, il n'y a pas de quoi s'affoler ! Car si elle se laisse si facilement dissoudre par les VagneyTissages; c'est sans doute qu'Annle voulait bien, satisfaite - pourquoi pas? - d'avoir acquis uneraison sociale, une fonction sociale,une adresse sociale, une mission sociale : « Vous faisiez définitivementpartie de ces quelques mülionsd'humains qui disposent non seulement du nécessaire mais aussi duplus-que-nécessaire, d'une rationsatisfaisante de luxe et de superflusur la pente, Ann, sur celle que seulsde mauvais esprits qualifient de- qui jamais ne les satisfait...Mais vous étiez irrémédiablementdangereuse : vous commenciez àpenser que les gens moins chanceuxque vous étaient au fond punis pourquelque chose, que leur infortune,leur crasse, leurs ventres vides nepouvaient que représenter le châti~
ment mérité de quelque action cri-
minelle, connue seulement de ladivinité ». Amère leçon! Et qui nenécessitait même pas qu'Ann fûtabsolument anglaise, tant il paraîtévident que les Vagney-Tissages auraient pareillement croqué une Parisienne, une Marseillaise ou uneTonkinoise.
Chronique maritale?Chronique maritale? Sociologi
que ? Moins ambitieux, peut-être, leprojet de Michel Huriet n'en est pasmoins digne d'intérêt qui réussità trouver dans cette aventure banalematière à une fable touchante, précisément, parce qu'elle ne vise pasun seul instant à changer en quoique ce soit le cours du monde. C'estainsi, semble-t-il dire, et voyez com·me on dépose aisément les armeslorsque l'on entre dans l'engrenageépouse-mère et comme on se résignefacilement à ramener le bonheur àune affaire que l'on exhibe devantles voisins !
Restent les Vagney-Tissages, les
Hans-Draps, les Nathan-Picard-Vê·tements de Travail, les DelassieuxLinge de Table et leurs escortes denotables, d'importants, de faiseursde pluie et de beau temps quel'on découvre avec un émerveille·ment d'ethnographe. Ainsi, ils sontencore tous là, pleins de vigueur,de bonne santé, plus que jamais disposés à durer et à proliférer ? Estce possible -! Cela l'est tellement,qu'il y a tout lieu de croire quec'est dans un étonnement semblableque Michel Huriet a puisé la matière du livre, lui qui ne revient querarement en France et qui y découvre toujours un même spectacle,fascinant à force d'immobilité :comme un jeu d'échecs, demeurélà d'un voyage à l'autre et dont personne, entre temps, n'aurait bougéles pions. Et voilà pourquoi sonroman est fait d'un constant balancement entre humour et amertumeet pourquoi aussi on ne sait pas, àle-lire, s'il faut rire ou pleurer.
Cella Minart
La Quinzaine Utta"alre, du 1er au 15 décembre 1970 7
Rouge et blanc Les bruits du monde
1Anne HébertKamouraskaLe Seuil éd., 250 p.
« Le cœur souterrain, l'envers dela douceur, sa doublure violente »,telle est la matière secrète sur laquelle s'acharne Elizabeth d'Aulnières, l'héroïne de Kamouraska. Maiscette dernière parturition se faitpour elle sous le signe de la mort :celle de son mari qui agonise quelque part dans la maison, celle d'unamour arrêté en plein vol par lemeurtre et la fuite, et enfin celled'un monde ou bientôt la force desvaleurs traditionnelles ne parvien.dra plus à étouffer la force despassions qui brûlent sous la glacedes conduites victoriennes.
Le livre d'Anne Hébert est à lafois une douloureuse confession enmême temps qu'il se veut une autoaccusation impitoyable en face dela lâcheté intérieure qui permet auxvaleurs traditionnelles de l'emportersur la force de la passion. L'amourfou d'Elizabeth qui a pu mener leDr Nelson jusqu'au meurtre de sonmari, échoue en fait devant des résistances plus profondes : celle de latoute-puissante bienséance, celled'un visage à sauver à tout prix dujugement social, alors que le corpsépuise ses fureurs dans le cauchemar de rêves impossibles. Il s'agitlà d'une mauvaise foi exemplaire,d'un magistral échec devant sapropre vérité. Ce qui est essentiellement pitoyable chez cette femme,c'est qu'elle peut aller jusqu'au crime par amour, y entraîner une servante fascinée par les deux amants,au point de la charger du meurtre(en vain d'ailleurs), puis porter
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l'enfant de son amour en le faisantprendre pour le .fruit d'une brèvesoumission au mari détesté, toutcela pour aboutir à un remariagede sauvetage et donner le changependant dix-huit ans à la sociétécanadienne, au bras d'un nouvelépoux méprisé. Ainsi se présente letriste bilan d'une vie, d'un tempérament amoureux de la transgression et de la libération des valeursétablies.
Cette grande colère
Quand le récit commence, Elizabeth va enfin être libre, mais ce serapour rien, et surtout trop tard puisque l'amant criminel a fui depuislongtemps hors des frontières. Il nesurvit que dans la rage impuissantequi saisit cette femme, cette grandecolère qui traverse les mots. Cetexte a la force d'un cri, d'une impuissance longuement modulée parcelle « qui habite la fièvre et la démence» et qui voulait être pourl'autre « la vie et la mort inextricablement mêlées ». La quête d'absolu qu'elle poursuivait, réalisée brièvement par le crime, retombe à jamais dans le remédiable (Elizabetha été acquittée), dans l'agonie lentede la honne conscience.
Et « la chienne qui se couchepour hurler à la mort» ne parvientpas à réveiller le disparu. Elle estcondamnée à suhir dans sa vie sapropre mort, tandis que s'épuisepeu à peu le souffle de son mariauprès d'elle.
L'auteur a su adroitement conjuguer les temporalités différentesdans cette « vision crépusculaire»qui épouse de nombreux parcours.On y voit la complaisance, la lucidité, la vérité et le mensonge mêlerleurs courants dans cette âme coléreuse et désenchantée.
Entre le rouge du sang versé etla blancheur secrète de la neigeimmense qui finit par recouvrir etneutraliser la présence des séismesles plus profonds, une voix sansavenir, mais avide, et possédée parla vision de la mort s'élève : ellehésite tragiquement entre le droità la vie et la prudente reconductionde ses fougues intérieures. Elleeffraie et inquiète tout comme cespetits cyclones blancs qui tourbillonnent sans fin dans les grandsespaces neigeux où la vie est devenue une impossible conquête.
Anne Fabre-Luce
IJean-LouiS ArnaudChacun sa bièrePierre Horay, 320 p.
Ça parle, ça grouille, ça bouge.Plus 98 grouille, plus ça parle. Plus
.ça bouge, plus les mots fusent, drus,s'entrechoquent, dérapent, se rattrapent, passent à côté (des réalités), ouvrent des horizons (inquiétants, fabuleux), explosent et brusquement retombent (sur terre, dansle mille). Dans Chacun sa bière,Jean-Louis Arnaud organise unconcert de voix, nous fait entendre,à l'état brut, mais à l'intérieur d'unmontage subtil et riche en contrepoints, tout ce que disent quelquespersonnages bien choisis - pourleurs différences d'âge, de situationsociale, de tempérament, mais aussi pour toutes les chances qu'ilspeuvent avoir de se rencontrer par une belle journée de printempsqui pourrait bien être le premierjour de mai 1968.
Jean-Louis Arnaud ne cherche pasà recréer l'histoire de cette journée, à inscrire son récit, ses dialogues dans une succession d'événements situés, datés, dont les pro·tagonistes sont connus. Les drapeaux rouges ou noirs qui apparaissent dans la rue, sur les chantiers,l'effervescence qui anime la ville,les mots d'ordre de grève qui courent d'entreprise en entreprise, lescars de policiers qui bloquent lescarrefours, les grenades qui éclatent, la première barricade quibrûle, le calme, le retour à l'ordrequi succède à l'affrontement, toutcela, en apparence, n'est qu'unetoile de fond. Henri, Frédéric, Michel, Véra, Léna, Just, Moto, lesadultes arrivés et les jeunes gensdisponibles vivent l'événement,réagissent à l'atmosphère, sont entrainés dans un mouvement dontils ne perçoivent ni l'origine ni lesens. En même temps, cette journée a un pouvoir révélateur. Elledétraque les horaires, dérange leshabitudes, oblige chacun à jeter lemasque. Ainsi les intellectuels embourgeoisés qui d'abord sont amusés, prêts à entrer dans le jeu, excités comme par un feu de joie devant les premières planches quiflambent sur la chaussée prennentpeur dès qu'ils pensent à leur voiture. Michel, le publicitaire d'avantgarde s'affole parce que son fils estgardé à vue, Henri l'éditeur prendla fuite dans le rêve comme Mitrile photographe dans l'alcool. Frédéric le romancier se fait entaulerpar Ime petite putain. Seuls lesjeunes gens trouvent le ton justeet traversent la journée avec bonheur.
L'essentiel ici est la manière dontle thème est traité, dont les voixs'enchaînent, se chev'auchent ou serépondent. Jean-Louis Arnaud aadopté un style singulier, ramassé,étonnamment rapide où tout, mêmeles descriptions, les indications demouvements, d'actions, toujoursbrèves du reste, rappellent le langage parlé. Langage non point relâché, mais au contraire aiguisé, incisif, avec parfois un étrange pouvoir poétiq~e. Au commencement
il arrive que son langage irrite.C'est qu'il importe d'en saisir lacadence, ou plutôt les cadences, chacun des protagonistes ayant sonrythme, mais aussi ses images, sestics de vocabulaire.
Images et paro.les
Si tout le récit est en dialogue,pourtant nous ne sommes pas authéâtre. ·Le cinéma, lui, n'est pasloin. Les dialogues sont mouve·ments, les commentaires qui séparent les répliques ne visent pas àexpliquer mais à montrer des lieux,des comportements, des gestes. Toutest images et paroles : Jean-LouisArnaud suit ses personnages, filmeleurs déplacements, leurs rencontres, enregistre leur propos, demeu·rant toujours à une certaine distance, témoin, cameraman invisible.Comme au cinéma, encore, le montage joue un rôle important. Achaque heure du jour, l'auteur nousmontre ce que chacun fait, ce quise passe dans quatre, cinq, dix endroits, la rue, des bars, un taxi, unstudio de photographie, une exposition d'urbanisme, etc., comment lespersonnages, qui tous, à un momentoù à l'autre se croiseront, se parleront, se comprendront, s'opposeront, parlent, chantent, bougent,agissent, s'intègrent au rythme dela ville.
La ville etses rumeurs
Ce que décrit Jean-Louis Arnaud,dans ce fort brillant premier roman,c'est la ville et ses rumeurs. Certes,les voix qu'il nous fait entendresont des voix privilégiées, cellesd'Henri, de Frédéric, de Just, ·maiselles sont porteuses de ces rumeursqu'elles ne cessent de déformer etde transformer. Surtout, ce qu'ilessaye de saisir, par un savant jeude montage, c'est, en un même instant la multiplicité des événementset la variété des interprétations d'unmême événement. Par des moyenset avec un style très différents deceux de Michel Butor, il illustrecomme lui l'héritage d'Apollinaireet de la théorie simultanéiste, héri·tage qui le conduit naturellement àsouligner le sens de ses montagespar une disposition typographiquespéciale.
Bref, même s'ils sont souvent trèsprésents, les personnages l'intéressent moins que les bruits du monde, ou plutôt ne l'intéressent quepar rapport à ces bruits. Peu importe qui parle. Ce qui compte, c'estce qui est dit, c'est, dans un mêmelieu, dans une même ville, à partird'une même réalité, Ia diversité dece qui est dit. Car si tout le mondepuise au même tonneau, chacunboit sa bière, chacun vit sa vie.
Claude Bonnefoy
Ces lieux., ces moments ...
LeçonsPayot, Lausanne, éd., 38 p.
RilkePhilippe Jacottet
surveillance pour empêcher la dérive des images, la « singerie» :« Ces lieux, ces moments, quelquefois j'ai tenté de les laisser rayonner dans leur puissance immédiate,plus souvent j'ai cru devoir m'enfoncer en eux pour les comprendre;et il me semblait descendre en même temps en moi». Réalité intérieure et extérieure, dans la quêtede l'essentiel, se rejoignent. De fait,le travail de Ph. Jaccottet est uneintériorisation du signe, un dépouillement progressif de tout ornementpar une suite d'essais, de repentirs,de négations.
Ses proses apparaissent donccomme une sorte de vagabondage (seresserrant en réalité autour du centre), comme une approche du poème par la négative. Elles sont élanvers le poème, elles en communiquent le besoin, elles soulignent unmanque. D'où la crainte constanted'en dire trop, de n'avoir pas trouvéle mot, dénis non seulement scrupuleux, mais inhérents au propos.Semblable démarche se distingue decelle de Ponge en même tempsqu'elle s'y apparente, car, si Pongelivre notes, variantes, remarques,recherches de dictionnaire, etc.comme le seul texte réellement écrit,le seul texte possible restitué dansson devenir, Ph. Jaccottet, mêmepareillement attentif aux choses etsoucieux d'exactitude, ne donne destravaux (Travaux au lieu ditl'Etang) que comme un pis-aller,dans l'attente ou l'espoir du moment où le jaillissement poétiquedevienne possible, la méfiance àl'endroit du langage étant enfintrompée ou endormie.
Jusqu'à ces « bonds de côté », lelecteur était, si je puis dire, endifféré (ce sentiment, chez Ponge,viendrait au contraire du poèmeachevé), soit qu'on lui ait fait unrécit au passé ou qu'on ait introduitcomme un écho le souvenir, ou encore (sans parler de l'écran queconstitue la ré-flexion morale) quel'accent ait été mis sur le sujet, personnel ou impersonnel, par lequelpasser obligatoirement : « On estentré dans un cercle de collines...On ne s'en assure qu'en s'engageantdans les fourrés de roseaux plushauts que vous... » La phrase ellemême, me semble-t-il, concourt àdonner cette impression par son ordonnance mesurée (j'y reviendrai),car il arrive, généralement à la findu texte - et nous voici en direct- qu'elle se précipite soudain, volontiers tronquée ou exclamative,dans un mouvement rappelant les
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Abandon à l'imagination et réflexion, mais librement déroulées,telles sont les proses de Paysagesavec figures absentes, autant de promenades, de rêveries où l'auteur,aussi bien que sur les lieux auxquelsil revient et toujours relativementà eux, s'interroge sur la poésie, surle réel, sur la présence, l'être aumonde. Ainsi la haute Provence oùPhilippe Jaccottet réside depuis denombreuses années n'est pas unrefuge (la première page du livre leprécise), et l'expérience poétique,poursuivie avec ferveur et patience,n'a de valeur que parce qu'elleconstitue, plus largement, une expérience de vivre.
« Il semble qu'il faudrait dormirpour que les mots vinssent toutseuls. Il faudrait qu'ils fussent déjà venus, avant même d'y avoirsongé. » Ecrite comme sous dictée,une parole immédiate répondant àun contact immédiat avec le réel serait seule juste. L'objet de la poésie,c'est le plus commun, le simple, levrai. Ou plutôt : l'entièrement vrai,c'est (ce serait) l'entièrement simple, que l'image n'a pas caché, quela trouvaille n'a pas trahi. (La dénonciation du souci esthétique estsous-jacente aussi à tout le Rilkepar lui-même, notamment à proposdu rapprochement entre la recherche de la poésie et la recherche dudivin, mais également à propos del'idée, réaffirmée par Rilke, que lecréateur n'a pas le droit de choisir,de rien refuser, même de laid,d'odieux). Cette parole naïve, cet« énoncé direct» auquel Holderlin- mais après avoir subi quels assauts? - a pu accéder (1) n'est pasce qui nous vient d'abord parce quel'originel - ou premier - est leplus enfoui et ne cesse de se dérober : « On laisse venir, on laissealler les images. Les premières quise présentent à l'esprit ne sont pasnécessairement les plus simples, lesplus naturelles, ni les plus justes;au contraire... » Si donc il est bonde se laisser guider d'abord par ledésir, il n'est pas moins nécessairede lui résister, d'exercer ensuite une
1Philippe JaccottetPaysages avec figures abentesGallimard éd., 176 p.
1
1Rilke par lui-mêmeColl. Ecrivains de toujoursSeuil éd., 190 p.
La QuInzaIne Uttéraire," du 1er au 15 décembre 1970 9
.. Philippe Jaccottet
courtes flammes d'Airs, commedans ces deux images se rapportantaux cris d'Oiseaux invisibles: « Ily a une constellation, en plein jour,dans l'ouïe! Il y a de l'eau quisourd là, et là, et là ! »
Notre vie profonde
Ce ne sont là que de brèves échappées grâce auxquelles retrouver, nonau-delà mais au cœur du réel, « notre vie profonde». Qu'elles soientpour nous comme un salut n'empêche pas de regretter leur sporadicité.y correspond - éclat, bribe, météorite, éjection d'un morceau de vécuhors du temps - le poème brefvers lequel Ph. Jaccottet s'est sentitiré malgré lui' depuis une dizained'années. Mais, et c'est là le point,de tels instantanés ne sont que deslancers; ils ne peuvent pas noussatisfaire parce qu'ils ne s'inscrivent pas (et ne nous inscrivent pas)dans une durée comme le pourrait,un des textes le constate, la prose.Aussi voit-on que, par une sortede va-et-vient, le mouvement dupoète est autant d'être projeté de laprose vers le poème (ou l'image, quiest saut) que d'être rejeté du secondvers la première (vers « l'énoncédirect », qui est phrase ininterrompue). D'où l'alternance de livres depoèmes et de livres de proses (2).
N'est-on pas proche de MichelLeiris, oscillant aussi entre la poésie et le discours? (Je m'y réfère,lui ayant pris déjà le terme de lan~
cers, comIile à un auteur cher,assurément, peut-être autant quePonge, à Jaccottet lui-même). Mais,par la forme et la qualité de l'écri·ture, apparaît une différence essentielle.
Déchirure surdéchirure
La prose extraordinairement souple et développée de Leiris s'enroule, se love sur elle-même; elle s'interrompt rarement (peu de coupures, qu'il s'agisse des phrases, desparagraphes, de la division en chapitres), elle contribue, autant que larésurgence des thèmes, à créer cetout, cette unité mythique qui devrait remédier, sur le plan del'écrit, à la discontinuité de l'existence.
Au contraire, et conformément àla démarche tâtonnante dont j'ai
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parlé, les proses de Philippe Jaccottet, rarement longues, sont non pasd'une seule coulée, mais articulées;elles se présentent comme un assem·blage. Ph. Jaccottet lui-même constate que, pour ses réflexions, il doits'en tenir à des notes, que le « discours continu» lui est interdit(p. 159). Quant à la phrase, elleest d'un dessin toujours simple.C'est que l'attachement ici n'est pastant à l'Un qu'à l'Harmonieux. Toute distance, toute rupture n'est pas,comme pour Michel Leiris, intolérable ; elle nécessite l'accord entre lesparties séparées, elle est la conditionde la naissance autant que de lamort : « Déchirure sur déchirure.Comme d'une infime graine tombéeen terre sort une tige, et de celle-cides branches, et de chaque branchedes feuilles, de la première énorme
.distance naissaient mille distancesde plus en plus courtes et subtiles,chaque pôle se formant aux extrémités de chaque intervalle commeun fruit. »
Une transparencevoilée
Comme la prose rassemble desimages que la poésie risquerait deperdre en les maintenant dans leurisolement ou comme, sur un autreplan, l'écriture fait tenir ensembledes notes sans vraiment les fondredans un tout (des blancs séparentsouvent les paragraphes), de même,thématiquement, l'accent porte surce qui sauve le particulier de l'éparpillement en le comprenant, maissans l'y faire s'évanouir, dans legénéral. Ainsi, l'heure de l'éternitéqui bat « dans toute l'étendue », oula tourterelle turque voyageantdans l'espace comme dans sa patrie(sans se dépayser ou s'égarer), ouencore, dans le pré de mai, les herbes et les fleurs aperçues « au milieu d'un plus vaste et vague ensemble ».
Ces exemples suffisent à rappelerl'importance, dans l'œuvre dePh. Jaccottet, de tout ce qui ménage une transition, assure un passage, filtre, écluse, barrière, « buissons comme autant de peignes pourl'air », etc. On sait aussi de quelledélicatesse, de quelle approche timide s'accompagne l'équilibre des« contraires fondamentaux ». Notrelot n'est ni la clarté ni l'obscuritéabsolues, mais la pénombre ou la .transparence voilée, ce n'est pas laplénitude, mais la place reconnue
du manque, de l'ombre - le gouffre, la mort, mais domestiqués.
L'agonie d'unêtre cher
Tel est notre lieu, et si la joie estpossible, si la plupart des textes dePaysages avec figures absentes parlent de plaisir, de fête, si, métaphoriquement, apparaissent dryades,nymphes, jeunes filles surprises àleur toilette, corps surpris dans leursommeil - images du Désir le plusprofond - si ailleurs sont faites,dans le même sens, des référencesà l'enfance (transport, émerveillement, indistinction entre le dedanset le dehors), ce. n'est pas sans laconscience de nêtre plus dans leJardin (qui n'a jamais existé) etd'avoir à le recréer. Leçons retracel'agonie d'un être cher, rongé, rui·né, devenu totalement étrangeravant d'être anéanti (peu de textes,dans notre poésie, sont aussi dépouillés). Mais, en dépit de l'arra·chement, de la misère, de l'horreur,de l'ordure indicible, « Ordure nonà dire ni à voir: à dévorer », endépit de l'innommable qu'il n'estpas permis d'éluder (rappelons-nousla leçon de Rilke), la vie exige denous plus qu'une -acceptation passive : une remontée sereine, un actede créance, une salutation à laquelleaccède la fin du poème :
Je ne vois presque plus rienque la lumière,
les cris d'oiseaux lointainsen sont les nœuds,
toute la montagne du jourest allumée,
elle ne me surplombe plus,elle m'enflamme.
Voilà le centre vers lequel noussommes attirés. La vie ne peut êtreque ce mouvement (non agité), cetélan, cette marche vers le point« où tout s'apaise et s'arrête ». Lorsqu'il semble être atteint, toujoursfugitivement, en des pages où laphrase elle-même en prenant de lahauteur se fait admirablement légère et ténue, ce n'est jamais l'im·mobilité totale (qui équivaudrait ausilence de la mort), mais un délicieux suspens qui est attention etattente, mesure, équilibre fragile.
Rien d'étonnant que se retrouvela métaphore de la demeure - ouverte, lumineuse - ni que se réaf·firme l'attachement à « la voix méditerranéenne » (à Grignan même),aux dieux grecs, à « la maîtrise du
Sacré » et, bien entendu, à Holderlin. Mais faire la même place auxdieux et aux nuages, aux arbres etaux nymphes, c'est poser, à l'instarde Rilke, « l'unité du ciel et de laterre ». Les dieux, les nymphes nesont que des figures : « pour êtretout à fait exact, je devrais, aprèsavoir évoqué, l'image de la Grèce,l'effacer, et ne plus laisser présentsque l'Origine, le Fond: puis écarter aussi ces mots; et enfin, revenir à l'herbe, aux pierres, à une fumée qui tourne aujourd'hui dansl'air, et demain aura disparu ». Ainsi des paysages de Cézanne « avecfigures absentes», par oppositionà ceux de Poussin; ainsi des derniers poèmes de Holderlin d'où lesdieux se sont effacés sans que leurabsence soit néant.
Culture et nature
La culture, on le voit, ne contredit pas le contact immédiat avec leschoses. Elle ne s'oppose pas à lanature mais elle y conduit pourvuqu'on veuille, ayant fait détour parelle, se dépouiller du savoir et semettre en état d'ignorance. Je nevais pas, une fois encore, mettre enquestion cette communication enquelque sorte absolue où toute figure, tout langage trouverait son origine et sa justification. Plutôt citerl'admirable livre de Roger Munierdans lequel le visible est définicomme la seule présence, comme laseule possibilité, pour le Seul (3) Ph. Jaccottet dirait l'Inconnu, l'Insaisissable - de se manifester eny disparaissant :
« Il n'est au fond de monde quece monde présent, qui naît et meurtavec moi, s'égale à mon passage.
Dans sa pérennité, indéfiniment,innombrablement discontinu etmortel. »
Pierre Chappuis
(1) Les deux derniers textes surtout sont consacrés à Holderlin età Rilke. Faut-il rappeler que Ph. Jaccottet, traducteur de HOlderlin, apréfacé le volume de ses œuvrespublié dans la Pléiade? La traduction de poèmes de Rilke, pour l'édition du Seuil, est encore inédite.
(2) Paysages avec figures absentes fait ainsi suite à La Promenadesous les arbres (1957, Mermod, Lausanne), Eléments d'un songe (1961,Gallimard), La Semaison (1963,Payot, Lausanne).
(3) Roger Munier : Le Seul, pré.·facé par René Char (Tchou éd., coll.le Prix des mots).
LITTERATURE
ETRANGERE
Dylanpar John Montague
Thomas1Dylan Thomas
Œuvres. 2 tomesLe Seuil éd.
Il ne doit pas y avoir beaucoup de gens qu'intéresse lalittérature et qui connaissentun peu d'anglais, à n'avoir pasentendu un disque de DylanThomas. Et au ~on de cettevoix « comme un gong ardentsur un océan de mélasse»pour reprendre sa propre expression, même les plus rationnels ressentent jusqu'à lamoelle la présence du génie,les purs accents du Barde qui,selon Blake: cc Voit le Présent,le Passé et l'Avenir/Dont lesoreilles ont entendu/le SaintVerbe/Marchant sous lesfeuillages antiques. »
Dès l'adolescence, Dylan Thomasa fait montre d'un implacable sensdu destin. Il réussit à rater sescompositions dans toutes les matières, sauf en anglais, où ses notesétaient excellentes. Son père, quiaurait voulu être poète lui-même,était son maître et c'est là sans doute qu'il faut chercher la raisond'une précocité si unilatérale. Desannées plus tard, dans son Manifeste Poétique, Dylan Thomas devait reconnaître sa dette : « C'estquand j'étais très jeune, tout justeentré à l'école que, dans le bureaude mon père, avant mes devoirs,que je ne faisais jamais, j'ai appris à distinguer un style de l'autre... Ma première et plus grandeliberté était celle de pouvoir liretout ce que je voulais. Je lisaisn'importe quoi, les yeux pendants...
Autre raison pour l'irruption deDylan Thomas sur la scène littéraire, c'est que le pays de Gallesn'avait pas encore trouvé sa voixen anglais, comme l'Irlande l'avaitfait avec Yeats et Joyce, l'Ecosseavec Mac Diarmid (une élégie dece dernier établit le parallèle). Dylan Thomas avait beau rejeter violemment son patrimoine, « la terrede mes pères, ils peuvent la garder... », il coulait dans ses veines.Autant que les pentes de Swansea,il célébrait la campagne galloiseoù, enfant, il avait passé ses vacan·ces, et où il retournait avec sa femme et ses enfants. Et quand il s'estlivré à des expériences techniques,ou bien elles résonnent des assonnances complexes de la métriquegalloise, ou bien elles affectent la
forme de losange chère au pasteurpoète du XVIIe siècle, Georges Herbert, Gallois lui aussi.
Quoi qu'il en soit, le Londres deslettres, dominé par le vers intellectuel d'Eliot et d'Auden, se trouvasoudain confronté au plus pur génielyrique depuis Keats. Ce qui étaitextraordinaire, chez le jeune Thomas, c'est que sa vision était déjàentière. Du début de son premierrecueil, Dix Huit Poèmes : « Jevois les enfants de l'été dans leurruine... », jusqu'à la fin de l'un deses derniers textes: « Le temps metenait, vert et mourant... », le' processus poétique est celui de la cla·rification et non pas d'une modification. Malgré sa vie difficile, Thomas parvint graduellement à accepter et même à chanter le pouvoirdestructeur du temps, ce mariageincessant de la vie et de la mortqui l'obsédait:Le temps me tenait,
vert et mourant,Mais je chantais dans mes
chaînes comme la mer...Maintenant que la trajectoire est
accomplie et bien documentée, onse serait attendu à ce qu'une édition aussi élaborée que celle duSeuil essaie de distinguer le poète desa légende. Comme Vernon Watkins l'explique dans la préface àl'édition anglaise des Aventuresdans le commerce des peaux, Thomas avait des priorités très claires.Ce qui comptait, il le savait, c'étaitla poésie; après cela, il était prêtà exploiter d'autres talents, commeson don du dialogue et du récit picaresque, pour distraire le puhlic.Car malheureusement, il faut bienvivre et il n'existe guère, pour lepoète romantique, de moyen honnête de gagner son pain. Le poètecontemporain le plus semblable àThomas, George Barker, aimait àrépéter là-dessus la phrase de Rilke :« Un emploi, c'est la mort, sans ladignité. »
Au début, cependant pour Tho·mas, la ligne de partage entre letravail sérieux et l'autre n'était passi nette. Ses premières nouvellessont plutôt des poèmes en prose etj'aurais préféré que les éditeurs deces œuvres les aient groupées avecles poèmes, afin de souligner l'ex·travagante imagination du jeuneécrivain. On les a dites surréalistes,mais à part le geste d'offrir des tas·ses de ficelle bouillie aux passants,à l'Exposition Surréaliste de Londres en 1935, Thomas avait peu deliens avec la littérature françaisede l'époque. Chez lui, comme chez
Faulkner, c'est le mélange de psy·chologie et de folklore et les richescadences de la Bible de King Jamesqui exhalent ce rare fumet de chairbrûlée :
Et le bébé prit feu. Les flammess'enroulèrent autour de sa boucheet attaquèrent les gencives qui secontractèrent.
Autour de son cordon rouge, lesflammes léchèrent son petit ventrejusqu'à ce que la chair saignantes'affaissât parmi la bruyère.
Une flamme toucha sa langue.Hüiii! cria le bébé qui brûlait etla colline illuminée répercuta sonen.
Le Portrait de l'Artiste commeun jeune chien montre Thomas aumieux de sa forme d'amuseur. Laparodie de Joyce dans le titre donnele ton et rares sont les recueils denouvelles aussi vivants que ces vi·gnettes de la vie à Swansea. Ou aussipleins d'imagination verbale : sûrde son talent, Thomas y inclut unautoportrait, sous les traits du petit« Rimbaud de Cwmdonkin Drive »,obsédé sexuel et fou de mots.
Après cela, il y a peu de prosede qualité. Si bien qu'il est triste devoir la copieuse édition du Seuilfaire la part si belle aux textes deradio de Thomas, ou pire, à ses scénarios. On trouve certes la charmante fantaisie, Moi et mon vélo,mais pourquoi le public françaisqu'on imagine impatient d'en connaître devantage sur un grand poè.te, devrait·il lire l'adaptation d'unenouvelle de Stevenson, auteur surlequel Thomas n'aurait jamais travaillé s'il n'avait été payé pour lefaire? La traduction d'une adaptation par Thomas de la version anglaise d'une autobiographie écrite
en gaélique occupe presque autantde place (et le fait qu'il existe déjàune traduction par Queneau dutexte anglais en rend le choix encore plus absurde).
On pourrait se dire que VingtAns de Jeunesse est un galop d'essai pour le chef-d'œuvre dramati.que de Thomas, Au Bois lacté. Maisceci serait attribuer aux rédacteursde cette édition un souci du géniede Thomas qu'ils n'ont manifeste·ment pas, puisque cette édition endeux volumes ne contient guère quela moitié de ses poèmes. On setrouve ainsi dans la situation paradoxale de voir dans l'essai introductif de Karl Shapiro (poète avec qui,au reste, Thomas a fort peu encommun) donner une liste des poèmes les plus certains de durer etdont la plupart ne sont pas inclusdans l'édition elle·même !
L'excuse présentée - « que leurdensité avait de quoi effrayer lepuhlic français » - a de quoi surprendre de la part de Denis Roche.En outre, comme je l'ai dit, l'œuvre de Thomas devenait plus claireet de nombreux documents ont étépubliés, comme ses lettres à PamelaHapsford Johnson et à son ami etcompatriote Vernon Watkins, quiexpliquent les poèmes, souvent engrand détail. Denis Roche cite cespièces et les précoces Carnets dansun essai qui est finalement la seuletentative d'analyse de l'œuvre deThomas dans l'ensemble des deuxvolumes. Quand un poète s'est faitune légende, c'est pour lui édifierun monument qu'il faudrait s'enservir et non pas pour l'enterrer ànouveau sous le fatras qui l'a humi·lié et épuisé.
John Montague
La Q"'nu'ne Uttéra1re, du 1er au 15 décembre 1970 1 1
Une histoireEntretien avec
Iwaszkiewicz du roman ,. .amerlcaln
Président de l'Union des EcrivainsPolonais, Directeur de la revue Tworczose (Création), romancier, essayiste,poète, également traducteur de nombreux auteurs français, de Marivauxà Rimbaud, Claudel, Valéry, Gide etGiraudoux, Jaroslaw Iwaszkiewicz, dontles éditions Stock viennent de publier• Les Amants de Marone., est surtout connu en France comme l'auteurde Mère Jeanne-des-Anges que Kawalerowlcz a remarquablement adapté aucinéma. Mais s'il est peu et pas asseztraduit, il l'est depuis longtemps.
J. 1. - En 1926, grâce à la mèred'un de mes amis qui était française,un de mes romans, dit-il, a été tr.duit et publié chez Rieder. En 1938, unde mes livres de nouvelles a paru auSagittaire dans une traduction de C.zln, presque trop belle, d'une beautéf1aubertlenne.
De ces premiers textes aux Amantsde Marone, existe-t-il une certaine con·tlnulté? Ou bien ce roman occupe-t-ilune place à part dans votre. œuvre ?
J. 1. - Ce n'est pas celui de mestextes que je préfère. Je ne l'estimepas parfaitement réussi. Cependant ilest très caractéristique de ce genre dela longue nouvelle ou du court roman,comme vous voudrez, que j'affection.ne. Comment se rattache-t·i1 à mes au·tres textes? Ce n'est pas à moi deJuger. Mais Rynard Prybylski a intituléun essai sur mes premiers récits :Eros et Thanatos. Les amants de Marone se placent sous le même signe.L'amour, la mort, ce sont les chosesqui composent la vie. Peut·être pour·ralt-on ajouter l'ambition, la carrière,mals je ne veux pas faire concur·rence à Balzac.
Sur qui vous avez écrit une pièce,«le Mariage de Balzac".
J. 1. - Vous savez que Balzac vieil·lissant (il devait mourir peu après sonretour) a fait en Pologne un long sé·jour chez Madame Hanska, <<l'étran·gère., au cours duquel il l'a épousée.Mais Balzac malgré sa grande connaissance du cœur humain était souventdérouté par les habitudes du pays,ce qui entraînait de petits conflits. Lethème de la pièce, c'est donc • unétranger en Pologne". Je connais bienla maison de Mme Hanska. J'ai mêmerencontré dans ma jeunesse, en 1910,un vieil homme, du nom de Moise quiy avait été employé comme domesti·que. C'était lui qui entretenait les poê·les du pavillon où habitait Balzac,mais il se souvenait surtout de luiavoir préparé d'énormes quantités decafé.
Pourquoi Les amants de Marone Ilesont-ils pas un de vos textes préférés?
J. 1. - Ce roman me touche de tropprès. Ce qui me gêne, c'est qu'il esttrop authentique. Le décor, l'atmosphère, le sanatorium au bord du lac,certains personnages même ont exis.té. Si la situation de la jeune fille estcomplètement changée, l'histoire desdeux amis est vraie. J'ai même gardéJe nom de l'un d'eux, Aristarque, maisc'est Justement ce détail authentique
qui fait peu naturel.
:L'imagination vous parait donc êtrela première qualité du romancier?
J. 1. - Qui n'est pas réaliste? Danstout ce qu'on écrit, Il y a une part denous-mêmes. On introduit fatalementdes éléments autobiographiques. Maisau cours de l'élaboration, de l'écrituredu roman, ils doivent se disposer lesuns par rapport aux autres comme lescailloux dans une mosaique. Ce quicompte, ce n'est pas les cailloux, maisla mosaique.
Vous dirigez la revue Création. Quelest son rôle dans les lettres polonai·ses?
J. 1. - C'est d'abord une revue detextes où s'expriment les poètes, lesprosateurs, les essayistes; dans la·quelle on accueille volontiers les meil·leurs des jeunes écrivains. Ce qui mefrappe actuellement, en Pologne, c'estl'apparition d'écrivains venus de lacampagne, de souche paysanne, etqui pour la plupart traitent le thèmede la migration vers les villes et desdifficultés d'adaptation à la vie industrielle et urbaine. D'autre part, avec lapublication régulière d'une « revue desrevues., de l'Ouest comme de l'Est,Création fait régulièrement le point
. sur les problèmes littéraires et phi·. losophiques de notre temps, le nou
veau roman, le structuralisme ou Mar·cuse. Pour cette raison, la revue esttrès lue par la jeunesse.
Toutes vos activités, à la revue, àl'Union des Ecrivains ne freinent·ellespas votre travail personnel?
J. 1. - De temps en temps, j'écris.J'ai écrit des nouvelles à Rome, auprintemps. A Rome, je n'ai que ça àfaire. J'habite bien à trente-clnq kilomètres de Varsovie, mais c'est devenula banlieue, j'ai tout le temps desvisites... Ah, J'oubliais. J'écris toujoursdes poèmes. A mon âge, ce n'est passérieux. Ce sont les jeunes gens quiécrivent des vers. Même libres, mesvers, ce sont des poèmes...
Claude Bonnefoy
1Marc SaportaHistoire du roman américainSeghers éd., 392 p.
Voici une precIeuse Histoire duroman américain. .précieuse, d'abordparce qu'elle manquait, précieuseaussi par la réunion de deux quali·tés qu'on trouve rarement ensem·ble dans les histoires littéraires, saprécision et son ouverture. Au dé·part, en effet, Marc Saporta savaitque son lecteur français attendaitde lui deux choses : un bon instru·ment de référence dont on puissese servir à tout moment et sansdifficulté, un guide permettant demieux comprendre l'évolution et laspécificité du roman américain.Aussi aurait·il pu céder à la ten·tation soit de rédiger un diction·naire des romanciers, soit d'écrireun essai brillant où il aurait faitla part belle à ses auteurs de pré·dilection. Mais se gardant de cesfacilités, il a réussi à nous donnerun livre utile sans néanmoins re·noncer à ses qualités d'écrivain.
D'entrée de jeu, il est évident quecette histoire est extrêmement maniable. Qui a besoin d'un renseignement le trouve à l'instant. Les pagesannexes ne comportent pas seule·ment un index, ce qui va de soi etune table de concordance entre lesévénements historiques et littérairesce qui est classique, mais un réper·toire biographique des écrivains dequelque importance - ou de quel·que renom. Mais ce répertoire estaussi un répertoire critique. Sapor·ta ne se borne pas ici à donner lesprincipaux titres des œuvres. Enqudques formules ramassées etdont certaines sont de petits chefs·d'œuvre d'ironie ou de justesse(Elinor Wylie « poétesse et beautéfatale", William Goyen « un sudisme innocent"), il fait le point surla vie, les œuvres, le public et- laqualité d'un écrivain.
Ce répertoire, ce petit dictionnai·re de poche est le reflet du livre.Ici comme là, on retrouve la précision, la rapidité, la sûreté du trait.En trois cents pages, en effet, Saporta dit l'essentiel sur la littératureaméricaine. On peut n'être pas d'accord avec lui sur certains juge·ments, estimer qu'il passe trop vitesur certains auteurs, mais il fautreconnaître qu'il n'esquive aucunproblème ni ne néglige aucun genre,y compris ceux qu'oublient généra·lement les historiens de la littérature. Non seulement le roman poli·cier et le roman de science·fictionont leur place ici, mais la bandedessinée, le roman populaire, la lit·térature de colportage qui au siècledernier contait les légendes del'Ouest sont sinon étudiés en profon·deur du moins signalés et leurs rap·ports avec la littérature propre·ment dite comme leur rôle dansla culture et la civilisation améri·caines sont clairement analysés.
En fait, le parti pris adopté parSaporta l'obligeait à interrogeraussi ces littératures marginales. Sison essai suit moins la chronologieque l'histoire des différents cou·rants littéraires dont certains sontnettement localisés (Sur la frontiè·
re, Le roman de l'Ouest, Le romandu Sud, le roman de la Côte Est,etc.), il s'attache surtout à montrerce qui fait la spécificité du romanaméricain. Aussi bien, à travers ladiversité des genres et des écoles,des influences régionales ou ethniques, ce qu'il montre, c'est la persistance plus ou moins marquée decertains thèmes qui ont leurs racines profondes dans l'Amérique descolons et la guerre d'Indépendance.L'écrivain américain, de FenimoreCooper à Faulkner, de Melville àHemingway, de Thoreau à Norman Mailer, retrouverait toujourssoit le goût de ces aventures vécuesqu'inaugurèrent sur le sol du nouveau monde pionniers et traceursde pistes, soit le souvenir effrayé
·ou la nostalgie du puritanisme dela Nouvelle Angleterre, soit enfince sens de la rébellion et de l'in·surrection qui anima les fondateursdes Etats·Unis.
Cette dernière tradition, celle des« Insurgents », Saporta dans saconclusion, et après des analysesnombreuses et pertinentes, n'hésitepas à affirmer qu'« elle est omni·présente. Et particulièrement dansle fait que tout romancier américain est en même temps un rebelle,dressé contre ce qui subsiste d'injustice dans la société américaine.Il est rare qu'il accuse, comme ail·leurs, la condition humaine. Le malqu'il dénonce, s'il le découvre, il nele situe pas dans le monde en géné·raI, mais s'applique à le localiserchez lui dans le cadre le plus familier, comme s'il n'existait pas endehors des Etats·Unis ».
Ainsi tout le livre tend à dégagerce qu'il y a de spécifique dans leroman américain. Mais l'exposé,loin d'être systématique, témoigned'une grande souplesse, indiquantaussi bien les parentés avec la littérature européenne que les aspectsmultiples d'une œuvre donnée. Lefait que Truman Capote, par exem·pIe, figure dans deux chapitres, l'unconsacré au roman de l'opulence,l'autre à la littérature de recherchepermet à Saporta de jeter des ponts,de montrer les interactions constan·tes entre différents thèmes. Il apparaît alors, à un lecteur attentifque son découpage regroupant sousune même rubrique des écrivainsd'une même inspiration (poétique,politique, religieuse, régionale,ethnique, etc.), n'a rien de systéma·tique. Ou plutôt qu'aucun chapitren'est clos sur lui·même. Commedans ses romans, Saporta a procédéici à un jeu de collage ou de montage, chacun des éléments séparésne cessant de renvoyer aux autreset ne prenant sens que par lesautres.
Même s'il étudie séparément desauteurs importants - et il y a dansson essai de fort belles pages surMelville, sur Faulkner « intrusdans sa propre maison, dans sondomaine» - c'est toujours en lessituant dans le devenir de la civilisation et du roman américains. C'estpourquoi son bel essai n'est passeulement l'histt>ire du roman amé·ricain mais aussi le roman del'Amérique.
C.B.
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et la nuit suivante la fièvre des marais se déclare. C'est un même mouvement, une même force. La forêt,comme la mer, reprend tout.
Il n 'y a pas de leçon à tirer.Tscharner n'en tire pas. Il prépareses herbes, prend son cheval, soigneses malades. Il n'a aucune illusion.La nature n'est ni protectrice nimalfaisante : elle est. Si l'humus etla feuille pourrie sont si doux, c'estqu'ils sont faits de la décomposition de nos morts.
L'écriture volontairement sèche,abrupte, exprime bien ce mouvement de célébration réprimé quivient éclairer les meilleurs passagesdu roman. La dureté et la beautévont de pair. Dans ce livre la femmejoue le rôle d'intercesseur entrel'homme et son milieu. Elle appartient aux deux : d'où sa fragilité.On voit bien que le livre tend à sesituer au niveau mythologique.
Vieille mythologie païenne qu'onretrouverait sous la trace visible del'écriture, quelque chose d'oublié etde mystérieux. Cette touffeur de lavision donne le dessein du livre.
Jacques-Pierre Amette
Née en Caroline du nord, HeatherRoss Miller est connue en Francepar. un très beau récit, l'Orée dubois. La critique avait remarquéchez cette jeune femme un alliageréussi de tradition faulknérienne,évidemment, avec une fermeté stylistique et une sensualité des plusétranges, faisant bruisser les motscomme une forêt, levant des nuéesd'images soigneusement enchâsséesdans un terreau riche, très fort,étourdiSsant. La souplesse deses phrases donnait un charmecomplexe, subtil à l'ensemble. Sonlivre avait une odeur entêtante.
On retrouve dans A l'autre boutdu monde cette richesse de résineet d'écorce, ce langage qui est sève,passage, métamorphose. La phrasea sa pulsation, d'ordre végétal. Maisla galopade d'un homme à pèlerinenoire jette comme une note glacéeau creux du livre. Ce cavalier solitaire sorti tout droit d'une gravureromantique dérange les lieux dès lepremier paragraphe.
C'est le docteur Tscharner. Il aquitté l'Europe avec sa jeune épouse. Il s'installe en Caroline. Noussommes à la fin du siècle dernier.Les chevauchées de ce médecin taciturne et actif couvrent de son ombreles autres personnages. On meurtautour de lui, les saisons changent:pas lui. L'épouse disparaît, la seconde femme perd ses couleurs. Neparlons pas des enfants. Tout peuts'écrouler. Tscharner continuera àtraverser la forêt pour donner despilules de camphre, saigner un malade au scalpel, écraser des plantes,préparer des remèdes. La forêtblanchit, verdit, s'irise à l'automne, et la vie passe ainsi au fil deschapitres, avec quelque chose demorne que rend bien la monotoniede la syntaxe.
Le roman, tel quel, déconcerte.Toute vie est subordonnée à l'équilibre biologique. Le choix d'un docteur pour personnage principal estsignificatif. Significatif aussi cettescène où Cassandra connaît l'éphémère joie sensuelle d'un bain ausoleil. Elle étend sa robe, se jetteà l'eau. Les moustiques la piquent,
Heather Ross MillerA l'autre bout du mondeTrad. par Michel GressetGallimard éd., 244 p.
Heather Ross MillerA l'autre bout du mondeTrad. par Michel GressetGallimard éd., 244 p.
La Quhmdne UttftoaJre, dU 1er au 15 décembre 1970 13
TRIBUNE
Contre les idéologies·par Dionys Mascolo .
Sous le titre. Faut-il rééduquer l'intellectuel? -, BernardPingaud a récemment pris position à propos de déclarationsde J.-P. Sartre sur le rôle desintellectuels, ici et maintetenant. (La Quinzaine. n° 104).
Dionys Mascolo donne ci·dessous son sentiment sur lespositions de Sartre et de Pingaud.
Sartre et Pingaud, l'un reprenant l'autre, ont récemment avancé,sur le rôle de l'intellectuel dans sesrapports avec le projet révolutionnaire avant et depuis Mai, un certain nombre de propositions qui neme semblent pas à la hauteur de lanouveauté que nous vivons. Dansce qu'elles ont d'incomplet surtout,elles mettent en œuvre (et même envaleur) des équivoques qui ont cons·tamment, depuis un demi-siècle, faitoffice de freins (depuis peut-êtrel'acte de décision de Lénine fondant un pouvoir révolutionnairecontre toutes les règles ?) et qui risquent aujourd'hui encore de détourner l'intellectuel de ce qu'ilpeut réellement.
L'intellectuelcc classique »
L'un pour le déclarer penmé,l'autre pour affirmer qu'il a encorede beaux jours devant lui, Sartreet Pingaud s'entendent sur une définition de l'intellectuel: c'est l'intellectuel « classique ». Il se caractérise par les traits suivants1) Comme tous les « techniciens dusavoir pratique », il travaille en faitpour les privilégiés; l'universalitédu savoir se trouve réduite en lui àservir le particulier. 2) Qu'il s'avisede cela, c'est alors qu'il devient àproprement parler un intellectuel etil ne peut plus vivre que dans lamauvaise conscience, laquelle leconduit à chercher une bonne conscience en dénonçant la société quigarantit ses privilèges : c'est sacontradiction. 3) Il a, enfin, un« capital idéologique » : le poids deses œuvres le tire en arrière.
Que l'intellectuel ainsi décrit doive se supprimer en tant que tel(sans trop de pathétique: c'est sup-
. primer l'insupportable contradiction qu'il est) et qu'en Mai la nécessité en soit apparue clairement, onne peut qu'en tomber d'accord avecSartre, et s'étonner que Pingaud
accepte un avenir où cet intellectuelcontinuerait « d'aimer son rôle».La question, pour nous, n'est pas là.Elle est en ceci que cette description a toute la généralité mais aussitoutes les limites des descriptionssociologiques. L'analyse sartrienneest donc limitée à ce que l'on nomme les intellectuels « de gauche»,masse indéfinie de personnes disposant à divers titres d'une « audien·ce », n'ayant en commun que le vague commun aux divers humanismes auxquels les idéologies diversesdonnent lieu (athées, socialistes,chrétiens libéraux, capitalistes éclai·rés, progressistes...) et aucun principe, créateurs ou manipulateurs de« valeurs» dont ils sont dupes, placés en effet sous le signe de lamauvaise conscience, voués d'ailleurs à fournir de réguliers contingents de « compagnons de route»aux organisations, dans l'attente oùils sont toujours de recevoir de l'extérieur leurs attributs proprementpolitiques. Ce dernier point est essentiel. A s'en tenir. à cette définition, il y aurait seulement une action révolutionnaire, mais pas depensée révolutionnaire, a fortioripas d'intellectuels révolutionnaires(le seul « intellectuel révolutionnai·re » dont l'existence soit implicitement reconnue serait en dernièreanalyse défini par l'âge: c'est l'étudiant, celui qui n'a pas de passé,donc pas « d'intérêt idéologique»ou - ceci est une paraphrase celui qui n'a pas encore eu le tempsde faire œuvre). On voit la simpli.fication, encore assombrie d'un« trop tard» fataliste. Mais voicile plus grave. Une telle définition,fermant toutes les voies, suggère(sous-entend?) qu'il dépendraitd'une instance extérieure que lapensée théorique - puisque c'estd'elle qu'il s'agit ici de rappelerl'existence - reçoive la détermination qui ferait d'elle une pensée révolutionnaire. Cette instance extérieure, ce sont les masses, oui, enprincipe ; et à défaut (comme il ar·rive), ce sera l'organisation qui ditqu'elle parle au nom de masses. Al'encontre d'une telle démarche,véritable idéologie d'intimidationsecrétée par l'intellectuel classiquelui-même dans son ardeur autocritique, et qui lui retire à l'avancetoute' perspective autre que celle dedevenir le sujet, l'esclave ou le fidèle de l'Organisation, il faut affirmer qu'une telle instance extérieure n'existe pas; que la pensée révolutionnaire est sa propre instance ;qu'aucune autre autorité que la
sienne propre ne la fonde; et quec'est d'elle seule que l'organisation,et le projet révolutionnaire lui·mê·me, reçoivent toute existence ettout sens.
L'intellectuel« non classique »
En serait-il différemment que laquestion se poserait de savoir com·ment Lénine et Trotsky, Ho ChiMinh et Mao Tsé-Toung, qui nesont pas des travailleurs, ont cesséun jour d'être des intellectuels petits-bourgeois - et Marx, dont l'apparition deviendrait un mystèrethéologique. Pour n'avoir été nidirigeants ni hommes d'organisation, et avoir apparemment parléd'autre chose; Artaud, Breton, Bataille ne furent pas davantage cela.
Il faut donc admettre que l'intelligentsia n'est pas composée seulement d'intellectuels « classiques »,ou « de gauche », qu'une pensée libre existe déjà (un jeu de l'intelli·gence en quoi il n'est rien qui puisse servir les privilèges), pensée postrévolutionnaire, libérée donc de toute naïveté idéaliste comme de toutesuperstition de mauvaise conscience. C'est celle qui s'identifie à l'exigence communiste. C'est d'elle quel'on est en droit d'attendre aujourd'hui que la pensée participe deplein droit, et en tant que telle, autravail révolutionnaire.
Ne nous en remettons pas ici à unjeu de mots. Celui dont la penséeÙdentitie à l'exigence communistes'est déjà, en un sens, supprimé parlà comme intellectuel. Nullementparce qu'il aurait fait effort pourse « rééduTIer », s'étant mis parexemple à écrire avec des ouvriersdans un journal de masses, maisau contraire parce qu'il n'aurapas renoncé au travail théorique(critique toujours, destructeur), etqu'il aura maintenu dans cetravail la vue selon laquelle, larévolution sociale ne faisant qu'unavec la recherche du vrai (destruction du non-vrai), « il ne suffit pas que la pensée recherche laréalité, il faut aussi que la réalitérecherche la pensée ». Par opposition à l'intellectuel classique, créateur de biens culturels, « ingénieurdes âmes », porteur de l'idée satisfaisante, féconde, l'homme de l'exigence communiste est l'homme porteur de l'idée dépossédante, qUi n'estgrosse que de refus, de négation, dedés-illusion, de dé-ception. S'identi-
fiant à une exigence infinie, il vitle dénuement, le manque de sens,dans une abstraction égale à celledu prolétariat, et dans une pareillerupture avec l'intériorité. Loin devivre la « vie des idées» tellequ'elle est reçue, voire honorée dansle monde (vie culturelle), l'intellectuel révolutionnaire vit avec l'idéenon apprivoisée, privée de garantie,d'attaches, idée « juive », et tellequ'elle ne peut être reconnue au-dehors avant que ne soit instituée pourle moins l'égalité absolue. Vie cachée, à demi-clandestine, seulementpartagée dans l'amitié, non exempte certes d'une juste et nécessaireschizophrénie, dont il n'est bienentendu pas question de guérir d'autre façon que par la révolution. Iln 'y a évidemment plus de place icipour la mauvaise conscience. Nimême pour une conscience malheureuse. La vie objectivement malheureuse de l'idée, le malheur de l'idée,l'idée prolétaire - comment celaconduirait-il à une mauvaise conscience ? ou, sauf accident mélancolique, à intérioriser le malheur?cela conduit à chercher une libération. La mauvaise conscience est lecomplément malheureux des pensées triomphantes, heureuses, quise nomment elles-mêmes « créatrices », et vivent la contradiction.Mais pas plus que la condition ouvrière, le malheur de la pensée n'estune contradiction.
Rôle de l'intellectuel
Un phénomène original de révolution culturelle, rendu manifestepar mai, est en cours dans nos so·ciétés. Ce profond mouvement quibouscule toutes les habitudes mentales a déjà fait perdre à la classedominante une grande part de sonpouvoir idéologique : les idées dominantes de l'époque ne sont plusles siennes, mais les nôtres. En cesens nous vivons déjà sous un ancien régime, dont la législation esttoujours en place, mais dont l'apparence de légalité même a disparu.Il est clair que le plus urgent (saufimprévu) est de précipiter la défaiteidéologique de la bourgeoisie. Ellen'en sera pas vaincue pour autant,mais réduite au moins à se défendreà découvert. Mieux armés qu'aucune autre couche de la société pourle faire, c'est aux intellectuels querevient la tâche d'abattre le décor,en sorte que place nette soit faiteau véritable facteur historique : la
de la mauvaise conscience
catalogue sur deDWlde. au BdltlODS Pa,ot,sentee QL 108. Boulevard IaiDt-8erma1D ParIs 1·
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tement conduire les désirs latentsde tous s'ils viennent à se mallÜester - au refus de toute autorité, detout ordre moral, de toute hiérarchie, de toute délégation de pouvoiret de toute organisation en effet bref. combien la fleur libertaire quise prépare au cœur de l'idée communiste était plus près de montrerses couleurs que nous ne l'imaginions.
Dans la lumière qui s'est faitealors s'est dissoute la puissance d'intimidation que l'Organisation prétendument dépositaire de l'idée révolutionnaire (et qui continue d'immobiliser les plus grandes masses)faisait peser sur les esprits. C'est déjà beaucoup. Il serait trop triste devoir les intellectuels pressés par lesfantasmes de la mauvaise conscience perdre à nouveau de vue que lapensée théorique révolutionnaireest l'instance suprême et qu'ils enont la charge, et réintégrer complaisamment les idéologies d'intimida·tion où ils ont été longtemps séquestrés, laissant la théorie faire sanseux son chemin de taupe aveugledans le monde.
Dionys Mascolo
Dr D.W. \VIDIoonBnmODDement et pr018SSBde matuatlon ohell'eDlot
1O,70r
B08BBT.1I011iLes problèmes monétalresinternationauxau tournant des années 1970
(leur redonner vigueur de besoins,de désirs ...). Cette aggravation historique des idées, heureusementconstante, est ce qui tire du désespoir philosophique. Il en est ainsi :l'histoire fournit des moments oùs'abolit cette patience qui faisaitprendre le mal en patience (ce n'estpas que le mal n'était pas pensécomme mal avant cela). Quant à« l'échec » de mai qui serait dû àson radicalisme, à son refus de l'organisation (cf. Pingaud), il faut redire ceci : en raison même de ceradicalisme, un futur éloigné, cequ'il ne sera question de « réaliser »à l'échelle de toute la société, quebeaucoup plus tard, a été là préfiguré, en un moment post-révolutionnaire qui transforma l'idée enquelque chose de vécu, l'événementprenant valeur d'exacte prophétie.Non pas souvenir donc - et l'immense plaisir que ce fut (nous avonsété réalistes, avons demandé l'impossible et l'avons obtenu) comptepour peu de chose auprès de ce quien fut l'inappréciable importanceactuelle. Mieux que n'eût pu faireaucune réflexion optimiste, mainous a appris à quoi peuvent direc-
0.1. GOUtIADBegelOU la phIlosopbie de la erlse
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Mai aujourd'hui
Venons-en à mai 1968. Pour Sartre il n'y avait rien avant mai. Lesintellectuels qui ont participé aumouvement n'ont vu - vainement- en mai qu'une occasion de réaliser des idées qu'ils avaient« avant D. Pour Pingaud, mai nefut qu'un moment avant et aprèslequel les mêmes problèmes exactement se posent, et la fidélité à maiest impossible.
Il est vrai que nous ne sommespas nés en mai (sont nés en maiceux qui étaient en âge ou en étatde naître, et c'est sans importance:ce qui donne sa jeunesse à la jeunesse même, c'est la mise en doutede tout ce qui se présente commevrai, dans tous les ordres, et il nenous est pas donné d'en finir aveccette manière d'être). En mai, disons-le en pensant à demain, non àhier, nous sommes devenus des mi·litants et avons tenté alors, avecbeaucoup d'autres, et selon nosmoyens, de favoriser l'apparition deformes insurrectionnelles dans lemouvement; il s'agissait de pousserles choses le plus loin possible dansle sens de l'exemplarité. Quant à yvoir l'occasion de « réaliser nosidées D, s'il n'en fut rien, c'estd'abord que nous avons presque toujours été conscients que le mouvement n'en serait pas capable. Maissurtout, il ne s'agissait vraiment pasde cela. (Et il ne s'agira sans doutejamais de cela. Dans aucune hypothèse, peut-être, ces idées ne sontde celles que l'on « réalise D, maisbien plutôt de celles que l'on peutseulement mettre en branle : uncommencement... Mais cela relèved'une autre réflexion.)
La fidélité à mai ne s'en imposepas moins, pour la simple raisonque le travail de métamorphosealors amorcé se poursuit. Elle estdonc moins fidélité que présence.« Rien n'est comme avant D et« tout est comme avant» sont deuxillusions. On peut bien dire que, philosophiquement, mai n'a rien apporté de nouveau. Aucune idée, aucun concept politique inédit n'ensont sortis, notre outillage conceptuel n'a pas changé, nos « idées »sont les mêmes. Sartre a donc tort.Mais Pingaud, qui lui donne tort,infiniment plus. Car, historiquement, la nouveauté de mai est inépuisable. Ces « idées» (c'est-à-diredes rêves, des désirs, des besoinsconceptualisés), l'événement est venu leur redonner une actualité, lesremettre en vigueur comme jamais
lutte de classes. C'est là l'œuvrede la pensée théorique. Son sens estde préparer intellectuellement à laguerre civile si la résistance de laclasse qui opprime oblige à laguerre civile.
Pour être en mesure de jouer cerôle, l'intellectuel n'a pas à se chercher d'abord quelque justificationextérieure ou morale que ce soit.Il Servir le peuple D, il y a encoredans cet engagement dont la noblesse est certaine un mouvementqui place à part du peuple. Il luisuffit de ne pas se nier l'oppressionqu'il subit, et qui, littéralement,ne ferait-il que parler, lui dérobesa parole. TI s'agit alors pour lui dese libérer, lui : la pensée à laquelle il s'identifie. En ce sens la révolution est l'affaire des intellectuelsautant et plus que celle des travailleurs. TI y a même dans l'exigencethéorique quelque chose d'irréductible qui n'appartient pas naturellement à la condition prolétarienne(voir Prague à ses débuts) : d'oùvient qu'une défaillance théoriqueest trahison, ce que ne peut êtrel'inertie des masses, l'absence dupeuple. Tout ouvriérisme, tout populisme sont encore des erreurs néesdes fermentations de la mauvaiseconscience. Et soit dit contre touteconfusion: il n'y a pas d'ouvriérisme dans notre volonté d'instituerun pouvoir ouvrier. Le communisme passant par l'abolition de ladivision bourgeoise du travail, etquelque minoritaire que soit appelée à devenir la classe ouvrière" tantqu'il existera un travailleur manuel,c'est la classe ouvrière, c'est ce travailleur qui décidera de toute l'organisation de la société. C'est ence sens et uniquement en ce sens(qui est aussi tout le sens du matérialisme révolutionnaire) que nousavons Il besoin des masses D. Nonpour Il apprendre », mais pour nouslibérer, pour que soit admis ce quenous savons déjà, ce que nous vivons en pensée.
Pour conclure : l'intellectuel clas-. sique doit certes se supprimer com
me tel. Mais il ne peut éviter de lefaire vainement, mystiquement ouservilement, et par suite révocablement, qu'en agissant à l'inverse dece. que lui indique la mauvaiseconscience : en affirmant l'autoritéintellectuelle de l'exigence révolutionnaire, autorité sans pouvoir, exigence anonyme qui fait de celui quil'a conçue l'égal du dernier deshommes, sans qu'un fi: renoncement D intellectuel y soit nécessaire.
La Quinzaine UttâaIre, du 1er au 15 décembre 1970 15
SCIENCES
Jacques Monod:par Jean Choay
1Jacques MonodLe hasard et la nécessitéEssai sur la philosophienaturelle de la biologie moderneLe Seuil éd., 224 p.
Le hasard et la nécessité, essai surla philosophie naturelle de la biologie moderne, est, en fait, l'histoirede deux révolutions : l'une aiguëet décisive, dans le domaine de labiologie, l'autre plus indécise, au« Royaume» des idées.
La première révolution dont Jacques Monod fut l'un des principauxartisans, et dont il décrit superbement les conquêtes, les principes etles objectifs, a transformé la biologie en une science constituée, déjàen partie théorique, à laquelle laqualification de moléculaire peutlégitimement être attribuée. Maiscette qualification montre aussi àquel point l'autonomi~, peut-êtremême l'existence de la biologie estmenacée par les sciences de la molécule, la physique et la chimie.
L'événement initial
L'événement initial fut la découverte, par Mendel, de la nature del'invariant biologique, le matérielgénétique. Le système de la biologiemoléculaire s'est formé en analysant le fonctionnement cellulaire àpartir des caractéristiques physicochimiques de cet invariant.
Rappelons-les brièvement. Chimiquement, il est composé d'une macromolécule, l'acide désoxyribonucléique, constitué par une séquencede nucléotides dont les résidus debase sont de quatre types. Physiquement, deux de ces séquences complémentaires sont associées en uncomplexe bi-hélicoïdal non covalent;souvent dénommé double hélice.Biochimiquement cette double séquence est hautement signifiante,puisque l'ordre de succession des résidus nucléotidiques est le supportde l'information génétique. Elle estcapable; lors de la division cellulaire . de se reproduire, identique àelle-même: c'est le phénomène dénommé réolication. Par ailleurs elleprogramme l'ensemble des réactionschimiques de la cellule; elle estdonc capable de transmettre, sousforme d'ordres, certaines des informations qu'elle détient : c'est lephénomène dénoIIimé traduction.L'étude de cette traduction, en réalité transmission, de l'information
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des séquences nucléotidiques aux séquences peptidiques a nécessité lacréation d'un nombre important denotions relatives soit à la structuremême du materiel génétique (gènerégulateur, segment opérateur, segment promoteur, opéron, codon)soit à la régulation de la transmission (répresseur), soit à la traduction elle-même (messager, code génétique). Cette machinerie se retrouve, monotone, dans toutes lescellules de tous les vivants et l'onpeut constater l'identité de leurtype de molécules informationnelles,l'universalité. du code génétiquecomme ]a siniilitude de leurs grandes voies métaboliques.
Ces résultats n'ont pas manquéde soulever de profondes dificultésd'interprétation; pour les leverJacques Monod, ainsi que d'autresbiologistes moléculaires proposentdeux principes fondamentaux, véritables règles du système, on peut lesénoncer de la façon suivante : lesphénomènes biologiques sont réductibles aux lois de la physico-chimie,donc régis par leur nécessité, ils nesont cependant pas déductibles deces lois car seul le hasard les acréés. Ainsi l'apparition des vivantsdans l'univers, loin d'être nécessaire, est fortuite, fortuite égalementleur constitution chimique et leurspropriétés. On peut penser qued'autres molécules informationnelles, d'autres systèmes énergétiquesou d'autres - codes génétiques auraient pu exister. On peut imaginerdes « vies» à nombre de moléculesessentielles plus bas ou plus élevé.Mais l'imagination ne doit pas sedébrider car tout système créé parle hasard ne peut fonctionner ques'il en est physico-chimiquementcapable. La nécessité reprend sesdroits imprescriptibles.
La propriétéla plus spectaculaire
La propriété la plus spectaculairedes organismes vivants, leur finalité, nommée par Jacques Monodtéléonomie afin d'échapper à laconnotation liée à cette notion, neconstitue bien entendu pas une exception à cette règle, on en trouvedéjà la trace au niveau moléculaire.La téléonomie de l'organisme est larésultante de tous les systèmes particuliers qui le constituent, commeeux elle est la fille du hasard et dela nécessité. L'instable stabilité dumatériel génétique est ~galement
toujours fortuite car imprévisible,et parfaitement nécessaire car elleest la conséquence du second principe de la thermodynamique. Lanécessité physico-chimique est doncla grande loi du règne vivant quedes coups de dés en nombre infinicréent de façon continue.
Une réponseaffirmative
Le système de la biologie moléculaire a été construit à partir del'étude de la structure et du fonctionnement des organismes, particulièrement des plus simples d'entreeux, les virus et les bactéries. Cesconcepts, articulations et règles sontils extensibles à l'ensemble des phénomènes de la biosphère, l'évolutiondes espèces et l'émergence du cerveau humain en particulier? Jacques Monod répond de façon absolument affirmative à cette question :l'évolution est causée par des modifications chimiques du génome, cesmodifications sont fortuites et ellessont la conséquence de l'instabilitéthermodynamique moléculaire.
Pour parvenir à une théorie del'évolution, il doit introduire unenouvelle règle : c'est la sélectionnaturelle qui choisit parmi lesstructures apparues. En effet lesmodifications du matériel génétique provoquent des changements deperformance ou de téléonomie ; sontseules retenues les performancesles plus efficaces face au mondephysique et biologique. Jacques Monod réalise la fusion de la biologiemoléculaire et de la théorie darwinienne ; on assiste à la naissance dela théorie darwinienne moléculairede l'évolution.
Dans cette théorie toute téléonomie préétablie est exclue ; on constate naturellement au cours de l'évolution une amélioration des performances et l'apparition de formes deplus en plus complexes et autonomes, toutefois ce « progrès» n'estqu'une conséquence de mutationsfortuites sélectionnées. L'émergencedes structures est toujours préalable à leur téléonomie. Ainsi l'évolution des espèces, loin de constituerune exception au principe de Clausius en devient une manifestationpuisque l'instabilité de l'invariantest à l'origine des organismes queleurs performances destinent à lasélection.
L'apparition de la structure laplus complexe de la biosphère, le
cerveau humain, n'échappe pas àce mécanisme. Sa performance majeure est la simulation, c'est-à·direle déploiement rationnel de l'imaginaire. Sa dimension propre est l'expérience langagière dont les travauxactuels des linguistes ont égalementmontré le caractère fortuit. Le langage a créé le monde humain enpermettant une autre évolution,idéelle cette fois. Jacques Monodsuggère d'ailleurs l'intérêt qu'auraitl'application de règles de sélectionà l'histoire des idées.
L'apparition des concepts et desénoncés de la biologie moléculaireétait déjà d'un grand intérêt. Leurinsertion dans une théorie généraledarwinienne moléculaire est unévénement épistémologique de première grandeur. La fin de la biologie se doit d'engendrer de profondeshypothèses. François Jacob a démontré avec une extrême précisionles mécanismes de recherche quiont abouti à un tel événement. Lalecture de l'histoire de la biologiepar Jacques Monod met en évidence trois grandes coupures : Mendeldécouvre le véritable invariant biologique, l'hérédité; Darwin, le véritable fondement de l'évolution, lasélection naturelle ; Avery, Watsonet Crick donnent à la biologie moléculaire son essor décisif.
D'un très grandintérêt
La théorie proposée par JacquesMonod est d'un très grand intérêtcar sa force de synthèse et sa violence polémique sont telles qu'ellene peut qu'être génératrice d'expériences destinées à l'infirmer ou àla confirmer, en particulier dans undomaine où le savoir biochimiqueest encore insuffisamment avancé,la connaissance même du matérielgénétique. Si paradoxal que ce puisse être la structure de ses enchaînements nucléotidiques est peu élucidée, faute de méthode appropriée.La cartographie comparée des enchaînements peptidiques d'espècesvoisines est loin d'être suffisante.Par ailleurs des enzymes aux curieuses propriétés, capables de remonter l'information génétiqued'un acide ribonucléique à un acidedésoxyribonucléique semblent avoirété détectées. Peut-être permettrontils d'éclairer le mécanisme de certains changements de génome. Toutun univers de fusion, de fragmentation, de délétion, s'ouvre, et cette
n'est qu'un accident
Jacques Monod nous rappelle que l'homme est enfouidans deux systèmes d'information, le matériel génétiqueet le langage. Cette présence du langage empêche deressentir l'effroi de la solitude.
théorie oblige les chercheurs à s'yprécipiter. Divers niveaux expérimentaux sont envisageables : com·prendre la chimie de l'évolution, lareconstruire par simulation, enfinsi cela est concevable la réaliserartificiellement. Les travaux à venirparviendront peut-être à déterminerla probabilité de l'improbable.
Mais que l'on ne s'y trompe pas,tout retour en arrière est désormais impossible. Ce nouveau système a exorcisé les ombres qui planaient séculairement sur la théoriebiologique. En effet, les notions deforce vitale, entéléchie, orthogénèse,dépassement, venues de tous les secteurs idéologiques, religieux ou progressistes, ont toujours supposé uneorganisation latente préalable àl'émergence des structures. En leséliIillnant et en mettant en question
la diffuse notion de « vie » la biologie moléculaire a transformé la biologie en une science comme lesautres.
Mais le coût de cette transformation est élevé car, la biologie concerne tous les vivants, donc égalementl'homme lui-même. De plus nombrede nos idées politiques, religieuses,philosophiques, sont pénétrées d'éléments mal contrôlés provenantd'idées vitalistes pré-scientifiques.
L'avènement d'une nouvelle biologie, évanescente et pure, a pOurJ. Monod, un corollaire nécessaire,l'avènement d'une philosophie naturelle, origine d'une véritable révolution intellectuelle. En effet le tempsest venu de mettre radicalement enquestion la place de l'hoDllJle dansl'univers. L'homme non seulementn'est plus le centre du monde, mais
il n'est plus inséré dans un réseaude déterminations qui rendait saprésence déductible ; non seulementil est inutile, mais plus grave encore il n'est qu'un accident. De pluscet accident n'est pas contraire auxlois de la physique et de la chimie.
Cette révolution suppose l'éradi·cation d'une illusion fondamentale,que nous appellerions volontiers anthropotélique, et qui consiste à fai-
re de l'homme et de son esprit la finde l'univers. Elle témoigne d'uneincapacité à assumer la disparitiondu géocentrisme. Depuis le XIX·siècle cette illusion accapare la notion d'évolution pour tenter de retrouver la quiétude de l'état précopernicien.
Une proie facile
Les religions sont bien entenduune proie facile pour la « nouvellecritique» de J. Monod. Les croyantsdevront se convaincre qu'il est inutile et vain de chercher la trace deDieu dans les brins de la doublehélice.
Les systèmes post-hégéliens deMarx et de Engels ne sont pas da·vantage épargnés. Leur projetn'était pourtant pas de lier l'homme à de vieux rites ou d'anciennesparoles. Il visait au contraire à lelibérer, des contraintes qui ont rejeté une partie de l'humanité horsdu monde humain. Mais ce projet,par la médiation de la dialectique dela nature, n'a pas résisté à faire del'homme la finalité de l'univers. Lesconséquences de ce glissement sontlourdes, et le refus par Lyssenkode l'invariant génétique est riche deconnotations galiléennes. Nous ajouterions que le renouveau d'intérêtpour le Engels de la dialectique dela nature est significatif.
Pour assumer cette nouvelleconception, philosophique et naturelle, de l'homme dans l'univers,Jacques Monod propose une éthiquede la connaissance basée sur le pos-
tulat d'objectivité, cette éthique permettant seule l'accès au «Royaume » des idées.
Son «Essai» provoquera maintes polémiques, certaines inutiles :les chrétiens ont toujours un « quiaabsurdum » possible. Les marxistesont la possibilité de « lire » JacquesMonod et d'y découvrir un matérialisme qui, pour être mécaniste, n'enest pas moins rigoureux. Ils pour-
ront ensuite dénoncer une nouvellephilosophie non dialectique.
Au-delà de ces propos il faut admirer sans réServe cette réussiteparticulière de Jacques Monod; saphilosophie naturelle, aussi darwi·nienne soit-elle, ne l'a pas conduità la nécessité d'un discours opératoire, voire performant, il nous rappelle très justement que l'hommeest enfoui dans deux systèmes d'information, le matériel génétique etle langage.
Présence dulangage
Toutefois cette présence du langage et au langage empêche certai·nement de ressentir l'effroi de lasolitude. Les hommes sont dans lediscours et cherchent le vrai discours. Penser avec Jacques Monodque cette.recherche doit partir d'unpostulat n'est-ce pas, au mieux rétablir le point fixe que durant toutun beau livre il a essayé d'écarter,au minimum rétablir une tonalitéopératoire qu'il avait paru éviter. Lascience pour la science qu'il nousprésente est-elle déductible ou inductible d'une philosophie naturelie? L'auteur laisse cette interrogation sans réponse. Ce n'est paspar hasard, mais par nécessité quele titre de son livre est tiré des présocratiques, c'est-à-dire du mondedes commencements.
Jean C/way
La Quinzaine littéraire, du 1er: au 15 décembre 1970 1 7
F. Jacob et lapar Jean-Paul Aron
"logique.,.,
L'apparition d'organisations supérieures intègre dansla nature vivante des composantes que la génétique desbactéries n'explique pas: avec le sexe, avec la naissanceet la mort, la vie a fait des bonds dont aucune fl logique ft
n'est parvenue jusqu'ici à rendre compte. Avec l'hommeet son histoire, il s'agit d'une autre affaire encore.
1François JacobLa logique du vivantBibl" des sc. humainesGallimard éd., 354 p.
C'est une leçon d'histoire, et pas.seulement des sciences, que nousdonne François Jacob dans la pluséclatante et la plus érudite vue d'ensemble jamais prise sur l'évolutionde la biologie. D'emblée, la modernité de sa méthode s'affirme: à lavieille glose idéaliste des progrès dela conscience, il substitue la représentation des étapes du savoir, desaccents qui marquent pour chaqueépoque sa problématique originale,des vérités comme des erreurs quicernent son profil épistémologique.Il n'est pas question de parcourir àrebours le cheminement de la raison vers son triomphe ultime. Ils'agit de s'installer dans une longuedurée, d'y voir converger desconcepts apparemment hétérogènes,de définir le système de leurs interactions. Surtout, il importe de mettre en évidence la discontinuité deces conjonctures, de montrer l'émergence de nouveaux systèmes oùd'autres rapports se nouent entreles secteurs particuliers de la scien-ce globale.
Structures d'accueil
La découverte en biologie est,telle quelle, toujours précaire. Spallanzani, dès 1785, révèle le rôle dela liqueur séminale du mâle dans lafécondation de l'œuf de grenouille.En 1824, Prévost et Dumas affinentl'expérience de Spallanzani et démontrent une fois pour toutes lafonction des « animalcules », des« zoospermes» de la fécondation.Il faut pourtant attendre 1875 pourque celle-ci soit, par Richard Hertwig, analysée dans sa contextureproprement scientifique. Ce n'estpas seulement l'usage inédit d'unmatériel commode (l'œuf d'oursin)ou l'élucidation de phénomènes inconnus (la fusion des deux noyauxparentaux) qui constituent i'apportd'Hertwig à la biologie cellulaire,mais sa relation spécifique à- unepensée ambiante, à un réseaud'écoutes et d'échos. Sans doute lapart du créateur, pour autant, n'estelle pas négligeable : Bütshli et
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Auerbach avaient, les années précédentes, décrit des faits très proches sans en percevoir le sens. Toutefois l'œuvre d'Hertwig n'est rendue possible que par son temps, seul
armé pour prendre en charge desdonnées qui s'étaient déployées sanshorizon autour de Prévost et Dumas. C'est que le temps d'Hertwigest aussi celui de Flemming, deBoveri, de Van Beneden qui, de1879 à 1887, expliquèrent la division chromatique, dans les cellulessomatiques et dans les cellules germinales ; c'est qu'il succède à peineà celui de Claude Bernard par quil'expérimentation s'est imposée enbiologie non pas telle une technique,au demeurant connue de longuedate, mais comme une modalité dela recherche, une démarche inhérente à son objet et indissoluble desconcepts.
Poupées russes
Suivons à présent dans StiS
rythmes h<lurtés l'aventure de l'hérédité. De la Renaissance à nosjours, on la voit changer de dimension, de formes, de perspective. Achaque tranche historique correspond une figure du savoir : un espace qui, de proche en proche, se creuse, s'approfondit, du visible aumoins visible, jusqu'aux régionsd'abord construites par la pensée,faute d'apparaître" aussitôt à l'expérience sensible. Si bien que l'histoire de la biologie ressemble à un jeude poupées russes emboîtées les unesdans les autres. Derrière chaqueorganisation s'en dissimule une autre : « Au-delà de chaque structureaccessible à l'analyse finit par serévéler une nouvelle structure, d'ordre supérieur qui intègre la première et lui confère ses propriétés. »
Première figure, la structure vi-
sible, au XVI~ siècle enchevêtréeavec le monde inanimé, avec la nature et les chimères, en un systèmequi enveloppe innocemment le fantasme et le réel : « Le médecin, dit
Paracelse, doit savoir ce qui estutile et nuisible aux créatures insensibles, aux monstres marins etaux poissons, ce qu'aiment et ceque détestent les animaux privés deraison, ce qui leur est sain et maLsain. V oici sa culture concernant lanature. Et encore? Les pouvoirsdes formules magiques, leur origineet leur source, leur nature : qui estMélusine, qui est Sirène... » L'âgeclassique commence à mettre del'ordre dans ce visible, débarrassantles vivants de leur chape d'analogies et de similitudes afin de les résoudre dans leurs lignes et leurs surfaces apparentes. D'où plusieursavenues de la science de la vie, parfois opposées et cependant convergentes dans la constitution du système : au XVIIe siècle, le mécanisme, la machinerie des poulies, desleviers, des essieus qui composentl'économie vitale; au XVIIIe, l'animisme, son contraire, l'activité mlelligente et bienveillante, impalpableet inssaisissable, ne se révélant àl'œil nu que par ses productionsmerveilleuses : la ruche des abeilles,la géométrie de ses alvéoles...
Ce système se donne les matériaux de sa cohérence : une classification, des espèces aux \raits ·biensaillants permettant d'inventorierla vie sans rien laisser au hasard ouà l'ignorance; une « embryologie D
qui va chercher dans l'infinimentpetit, dans l'invisible absolu la certitude d'une visibilité future : c'estla préformation, la théorie du germe, miniaturisation de la forme accomplie, portant en soi les germesde sa descendance. Miniatures deminiatures, quelle taille avaientdonc les germes du premier homme
et de la première femme ? Quel estle véhicule de cette filiation fabuleuse? L'œuf? La semence dumâle ? Il y a des ovistes et des animalculistes, il y a ceux qui croientque les germes sont disséminés primitivement dans l'univers et ceuxqui tranchent pour leur emboîte-ment à l'intérieur des corps vivants. Mais ces disputes ne concernent que l'accessoire. Le principeest irrécusable; il répond à l'exigence fondamentale du système : le décryptage de la vie. Or voici qu'aumilieu du XVIIIe siècle, quand onn'a pas fini encore de s'invectiversur l'origine des germes, des ombres se glissent sous cette belleordonnance. Des questions filtrentqui bientôt se transforment en problème et modifient l'espace de laconnaissance : on va lui conférerune épaisseur et découvrir derrièrele visible les processus de la vie.C'est la seconde figure : l'organisation.
Le savoir à présent procède d'unedouble impatience: d'atteindre lesstructures fines des corps vivants :le tissu, puis la cellule ; de trouverà cette unité morcelée un principed'unité. Le vitalisme, souligne Jacob, se pose de ce fait contre l'animisme. Celui-ci venait relayer lemécanisme en lui empruntant sessous-entendus ; celui-là marque l'irréductibilité du vivant à la matière.Il vient par conséquent appuyerl'analyse qui accède aux profondeurs de l'organisation, non pourl'identifier à la nature inorganiquemais pour lui arracher ses secretsspécifiques.
Dès avant 1830, l'organisation,unité du multiple, éclate dans sadéfinition statique. L'espace ne saurait plus suffire à en exprimer l'authentique complexité. Celle-ci, indique Lamarck, se réalise à travers letemps. La géologie du XIXe siècleapporte à la biologie une contribution décisive : la terre a ses âgespropres recoupant ceux de la vie. ADarwin il appartenait, souverainement, de débrider le temps biologique, de le livrer à son impulsionirrésistible, d'abolir toute limite àson pouvoir de transformation.Cette mutation de paramètre étaitnécessaire à l'instauration de latroisième figure du savoir : le gène,ambigu, facteur de la stabilité héréditaire et de la variation. La pensée
. ~vivantdufait ici un saut périlleux : le rapport n'est plus du caché au visible,car ce qui est caché n'est que provisoirement ou artificiellement dérobé à l'observation directe. Lastructure génétique, de Mendel àMorgan, est hétérogène à tout système apparent. Certes, on peut, surles chromosomes du noyau, repérer des éléments correspondants augène. Néanmoins, celui-ci, plusqu'une organisation spatialementdéfinie, est une unité de fonctionnement. Réelle, à travers ses effets.
Au cœur même de la structuredu gène se construit depuis deuxdécennies la biologie moléculaire :quatrième figure. En investissantl'espace de la configuration génétique, elle éclaire son fonctionnement. Et l'intégration de cette physiologie et de cette cytologie s'effectue par l'intermédiaire de la physique et de la chimie. Le gène est unlong polymère d'acide désoxyribonucléique (A.D.N.) formé de deuxchaînes enroulées en hélice, commel'a montré Watson, l'une autour del'autre. Cette molécule géantecontient le programme de l'hérédité : elle le transmet par des messagers chimiques à des unités protéiques logées dans le cytoplasme :20 acides aminés qui vont constituer les agents (protéines-enzymes)de toutes les réactions biologiquesrequises par le programme génétique. Pour instruire ces unités, lastructure nucléique utilise un véritable code. Chacune des séquencesd'A.D.N. se compose de sous-éléments, les nucléotides qui ne peuvent être que de quatre sortes différentes. Ils s'organisent trois partrois en triplets (ou codons) d'information. Les messagers sont de troisespèces : un messager transcripteur, portant les informations del'unité nucléique aux granules cytoplasmiques à partir desquels sontfabriqués les protéines-enzymes. Dece texte transcrit, un messager traducteur, chargé à la fois de l'alphabet de l'A.D.N. et de celui des protéines, va collecter les acides aminés : il y a un messager traducteurpour chaque acide aminé. Enfin unmessager fabricateur qui adresseaux granules cytoplasmiques le plande synthèse des protéines. La cellule est une usine de montage où s'édifient, de la bactérie à l'homme,l'ensemble des appareillages produisant, contrôlant et ajustant, à quelque degré de complexité que ce soit,les régulations des organismes vivants.
Constellationsépistémologiques
L'originalité de l'entreprise deJacob consiste dans la mise en place,face à chaque figure, de véritablesconstellations épistémologiques oùse rencontrent des problèmes, des recherches, souvent fort éloignés àl'intérieur de la biologie, mais aussi d'autres sciences, d'autres techniques qui ont, directement ou indirectement, influé sur ses développements. Sans doute ces ensembless'enrichissent-ils au XIX' siècle,après que la biologie se fut constituée en science autonome. Maisdéjà, à l'âge classique, les références à la géométrie cartésienne, à lamécanique newtonienne situent labiologie dans une configuration quila déborde de tous côtés. Vers lemilieu du XIX' siècle, cette synthèse interdisciplinaire occupe unepart imposante de l'ouvrage : lespassages consacrés à la géologie deLyell, à la chimie de Liebig, à l'analyse statistique de Boltzmann et deGibbs, et au XX, siècle, à la cybernétique, à l'informatique, à la chimie ou à la physique des polymèresfont éclater toutes les frontières etrompent définitivement l'isolementde la biologie.
Une question se pose alors: oùfixer les limites d'une telle constellation? Il s'agissait évidemmentpour Jacob d'utiliser ceux desconcepts « étrangers» qui étaientintel'Yenus plus ou moins explicitement dans la problématique desêtres vivants. Cependant, au XIX'siècle, les liens de la biologie avecl'économie, la sociologie, la démographie sont évidents et opératoires.Faut·il rappeler, d'autre part, quel'endocrinologie sexuelle qui tint,pendant plus de cinquante ans, uneplace capitale dans la physiologiegénérale n'institua son domainequ'après que Freud eut publié sespremiers travaux sur l'instinctsexuel ? Enfin, à l'ère de la sémiologie, et lors même qu'on n'hésiteplus à formuler en termes de linguistique la structure du code génétique, doit-on se taire sur cette relation privilégiée ? Il est à souhaiterque dans le sillage de Jacob lechamp de l'histoire des sciencess'ouvre toujours plus largement etqu'elle renonce du même coup àses dernières pudeurs, au sentimentd'une indiscrétion de l'histoire sociale ou culturelle à son égard. Comment disjoindre l'œuvre de Cuvier,
à laquelle F. Jacob attache unesignification privilégiée au· débutdu XIX' siècle, de la création duMuseum d'histoire naturelle? Labiologie, à l'instar des sciences humaines, est inséparable des institutions peut-être parce qu'il y a entreces divers visages de l'organisationun peu plus qu'une identité lexicologique.
Ordre et savoir
Dans l'introduction, puis à la findu livre, Jacob éclaire le sens profond du titre : La logique du vivant. C'est une combinatoire, la cohérence des éléments dans un système dont ia grammaire génétiqueest actuellement le modèle le plusaccompli. Mais c'est toute formed'agencements déchiffrables, quandJacob écrit que « toute une sériede structures biologiques, les polymères, les membranes, les organitesrépartis dans la cellule ont aussileur. logique interne» (p. 325).C'est sans doute le principe de toutsystème, comme « celui qui régitdes programmes complexes, le dé·veloppement d'un mammifère parexemple», et qu'on ignore encore(p. 334). C'est donc à l'instaurationde telles logiques que tend la vie,et à la reconstitution de leur avènement que s'essaie à son tour l'histoire de la biologie qui s'est élevée,
d'intégrations en intégrations, jusqu'à la biologie moléculai~e, prologue à d'autres intégrations. Ici onne peut se défendre d'une légèresuspicion: Jacob n'introduit-il passubrepticement une finalité de laraison, ne lui prête-t-il pas une·nouvelle fonction transcendantale : larégulation d'une complexité qu'elles'est efforcée, dans son évolution, àcontrôler et à systématiser peu àpeu?
Le sexe et la mortPourtant, l'omniprésence dans
l'univers de systèmes codifiables nepréjuge pas de leur contenu spécifique. L'apparition d'organisationssupérieures intègre dans la naturevivante des composantes que la génétique des bactéries n'expliquepas : avec le sexe, avec la naissance et la mort, la vie a fait des bondsdont aucuné « logique» n'est parvenue jusqu'ici à rendre compte.Avec l'homme et son histoire, ils'agit d'une autre affaire encore.Jacob n'exclut pas que les systèmesainsi échafaudés ne soient déchiffrables en d'autres langues mais lalecture biologique en est impossiblecar le texte du code n'est pas, enl'homme, réductible aux textes déjàdécryptés. C'est sur cette constatation, et j'avoue m'en réjouir, quese ferme ce livre majeur.
lean-Paul Aron
La Qghmdne UtUnlre, du 1er au 15 décembre 1970 1 9
Hélène WoIfromm etl·a sexualité féminine
1Hélène Michel WolfrommCette chose-làGrasset éd., 392 p.
Parce qu'elle était genereuse deson temps, débordante de vie, et s'in·téressait passionnément aux gens,le Docteur Hélène Michel-Wolfromm ne s'est pas contentée desoigner ses clientes, elle a voulu lescomprendre, ce qui lui a permissouvent de les guérir... Morte à cinquante-cinq ans en avril 1969, d'uncancer du poumon, Hélène W01·fromm laisse un des meilleurs livresqui ait été écrit en France sur lasexualité féminine.
Elle a créé en médecine une nouvelle spécialité : la gynécologie psychosomatique, qu'elle a enseignée àde nombreux élèves. Elle a été, avecle Dr Lagroua WeiH-Hallé, une despionnières du planning familial. Sesmalades l'adoraient, et son bureauétait tapissé de photos de bébés quelui envoyaient les femmes qu'elleavait guéries de leur stérilité. Sesnombreux amis, écrivains, médecins, psychanalystes gardent d'ellele souvenir d'une personnalité exceptionnelle.
Très douée pour les études, travailleuse, Hélène passa facilementl'externat et fut interne à vingttrois ans. Elle aurait pu faire unecarrière officielle. A cette époqueelle rencontra François Michel,beaucoup plus âgé qu'elle, banquier,riche, intelligent, plein d'esprit.Rompant avec sa famille et son éducation puritaine, Hélène épousaFrançois Michel qui fut, jusqu'à lafin de sa vie, son grand amour...
Son mari ne voulait pas d'unefemme dévorée par son métier, ellene se présenta pas à l'oral duconcours d'assistanat des hôpitaux.François Michel, Israélite, dut se réfugier en zone libre en 1940 etgagna l'Algérie. Hélène le suivit àAlger où elle s'engagea comme médecin sous-lieutenant de l'Armée del'Air et des Forces combattantes.Après la guerre, elle revint à Paris,et commença à exercer.
Est-ce sa rencontre avec JacquesLacan pendant les années 50, ou cetélan chaleureux qui toujours l'avaitportée vers autrui? Très vite Hélène Michel·Wolfromm choisit depratiquer 'une médecine que l'onappelle maintenant psychosomatique.
« Mais à cette époque », explique"son frère, René Wolfromm, Professeur à la Faculté de Médecine, « lamédecine française classique était
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contre la psychanalyse. Elle a prisun chemin très novateur. Les milieux officiels lui étaient hostilesou bien ne la prenaient pas au séneux. »
Amie et collaboratrice d'HélèneWolfromm depuis 1955, le Dr Gilberte Steg, qui assistait à toutes sesconsultations à l'hôpital Broca, raconte : « Elle disait qu'elle servaitde « poubelle ». Les médecins luienvoyaient toutes les femmes qui neguérissaient pas ou ne voulaientpas guérir. Elle les examinait trèssérieusement, son temps n'était paslimité. Elle les laissait parler jusqu'à ce que leur problème apparût.Elle les revoyait plusieurs fois.Elle était toujours disponible. Elles'est intéressée tout de suite à lapersonnalité totale des malades. Ellea démontré que les gens qui venaient consulter pour une maladie,venaient pour autre chose. La maladie n'était qu'un prétexte, un appelau secours. Elle faisait du Balintavant l'heure. Elle a d'ailleursconnu Balint par la suite et ils sesont beaucoup appréciés... »
« Hélène Wolfromm avait unevitalité et une puissance de travailconsidérables, et elle savait aussijouir de l'existence et de tout cequ'elle pouvait apporter », dit d'elleson amie Marianne Basch, gynécologue.
François-Régis Bastide qui laconnaissait bien la décrit amsi :« C'est une Sagittaire, fantastiquement passionnée, ardente, détestantles demi-mesures et l'éau tiède. Ellene passait pas une seconde à rêver,et travaillait tout le temps. Dans sonmoulin à Tachainville, près deChartres, où elle passait tous sesweek-ends avec son mari et desamis, elle entraînait tout le mondedans d'incessantes activités. Le matin, elle jouait au tennis, ensuite
elle tapait un chapitre de son livreà la machine, puis on jouait auportrait chinois, à la charade, ou onse baignait dans l'eau glacée del'Eure. C'était un personnage fiévreux, jamais détendu, à moteur.Elle avait une énergie incroyable,un courage énorme... » Elle fumaitbeaucoup, buvait beaucoup, parlaitbeaucoup. Elle donnait beaucoupaux autres et leur prenait beaucoup.C'était un personnage excessif.
Pourtant, elle savait écouter sesmalades pendant des heures, mêmesi elle ne résistait pas, ensuite, àl'envie de leur parler d'elle. « C'était une psychothérapie efficace enfin de compte. Elle avait l'air dedire : « finalement on est toutespareilles. » Les femmes qu'elle soignait ne voulaient pas aller voir unpsychanalyste. Elles avaient besoind'une explication et d'un modèle...Elle savait écouter et d'autre partse proposer. Sur le plan de la psychothérapie médicale quotidienne,elle apportait quelque chose de positif. Le fait d'être trop excitée, tropbavarde, de s'exposer trop avaitquelque chose d'utile, son agitationrassurait beaucoup de gens » dit leDocteur Serge Lebovici, psychanalyste.
Ayant constaté que les deux tiersde ses patientes venaient consulterpour frigidité, Hélène Wolfromms'étonne de « l'inaptitude au plaisirde notre civilisation », et tente dedéfinir dans son livre, ce « nouveaumal du siècle» en se basant surl'observation de 1 656 cas.
Selon elle, les femmes frigides appartiennent le plus souvent à la pe.tite bourgeoisie. Une sur quatretravaille dans :un bureau. Elles renoncent à leur métier plus souventque' les autres. La plupart ont unelégère tendance à l'homosexualité etsemblent plus attachées à leur mèrequ'à leur père. Leurs partenairessont en majorité des techniciens.Elles ont eu une éducation sexuelledésastreuse ou nulle.
Ignorantes de leur anatomie, habitées par la peur et l'angoisse,« neuf femmes frigides sur dix ontreçu une éducation sexuelle déplorable » affirme Hélène Wolfromm.Il y a les pères qui imposent desinterdits très stricts, mais susurrentà leurs filles des conseils libertinstrès détaillés ; il y a les parents exhibitionnistes qui se promènent nusdevant leurs enfants; il Y a lesmères bien intentionnées qui croienttout résoudre en faisant à leur filleun petit cours de sexologie poétique... Hélène W olfromm raconte
comment la mère de Béatrice, lui atout expliqué lorsqu'elle eut douzeans :
« Tu as dans le ventre une orange creuse qui contiendra un jour unenfant. C'est l'utérus. Il est attachéaux deux ovaires par deux canaux,deux espèces de macaronis terminéspar une main. Ce sont les trompes.L'ovaire est une amande qui chaquemois pond une perle. Quand la femme embrasse un homme de trèsprès, la perle rencontre un petittêtard et ça fait un enfant. »
Plus qu'une véritable éducationsexuelle, Hélène Wolfromm propose aux parents de créer un climatfavorisant la sexualité : « Entourerles enfants d'une tendresse sensuelle, leur inspirer le goût des baisers,des caresses, du contact de .la peau,me paraît la seule pédagogie effi·cace » écrit-elle.
Bien qu'elle se soit insurgée trèstôt contre la loi de 1920 « quiconfond avortement et contraception », et qu'elle ait aidé ses malades à prendre des mesures contraceptives, dix ans avant la fondationdu Planning familial, Hélène W 01fromm pense qu'il faudra plusieursgénérations pour que les femmesacceptent d'être libérées par lacontraception.
« L'espacement des naissancesn'est qu'une mesure d'hygiène.Trop rationnelle, elle ressemble àla diététique : la contraception està l'amour ce que le régime est àl'art culinaire. La contraceptio11l estune politique à trop long terme. Elleaggrave les troubles sexuels autantqu'elle les améliore. Exercer unebonne contraception n'est pas signed'équilibre psychique comme je lecroyais autrefois. D'affreuses obsédées apportent des courbes de tem·pérature impeccables, n'oublient jamais diaphragmes ni pilules. Decharmantes filles, brillantes de fantaisie, commettent hélas! quelquesnégligences. Mais le contrôle desnaissances permet aux femmes uneprise de conscience de leur réel désir de maternité », écrit-elle.
Contraception, éducation sexuel·le, plaisir, amour, mariage. Tousces mots recouvrent une réalitécomplexe. Le grand mérite du livred'Hélène Michel-Wolfromm est denous révéler comment ces notionsmaniées si souvent de façon abstraite par les législateurs, les moralistes,les médecins et les « spécialistes »,sont vécues de l'intérieur par lesfemmes.
Anne-Marie de Vilaine
HISTOIRE
Mort de la me
EF FLAMMARION
1William L. ShirerLa chute de la Ille RépubliqueStock éd., 1 047 p.
« - V oyons, mes enfants, il ya des canons, du matériel, reprenezla lutte!
- Mon colonel, on veut rentrerchez nous pour reprendre notre petit boulot. Ce n'est pas la peined'essayer: il n'y a rien à faire! Onest perdu! On est trahi! »...
Quand le « brave colonel Costal »reçoit cette réponse de ses « enfants », non loin de Sedan, le 14mai 1940, les blindés nazis franchissent la Meuse sans rencontrerde résistance. On attendait l'ennemià l'Ouest (comme en 1914), maisGuderian lance ses chars vers laManche par les Ardennes : il redoute une contre-attaque. La plusforte armée du monde s'effondrecomme un château de cartes.
Quand une armée s'effondre decette sorte, c'est qu'un régime politique et social se disloque avec lui.Clausewitz l'a dit voici bien desannées. William Shirer entreprenddonc en-deçà de l'histoire de la défaite de 1940 l'analyse de la Ille République.
Shirer est un journaliste améri·cain venu très jeune en France,comme ces autres intellectuels américains qui s'appelaient Herningay, Miller, ses aînés. Le pays letouche, il y reste vingt ans. Peu detemps avant la guerre, il part com·me correspondant, pour Berlin. Deprès il suivra l'évolution du Reichhitlérien, accèdera aux archivesaprès la défaite et tirera de son expérience un livre devenu classique(du moins pour quelques années) :l'Ascension et la chute du IlleReich (1).
Retenons ces titres : Chute duIlle Reich, Chute de la Ille République. Optique profondément enracinée depuis la guerre dans le « nouveau monde 1) : les grands empiress'effondrent (ajoutons-y le Japon)et les U.S.A. prennent en charge ledestin moral de l'humanité.
Shïrer n'est pas un moraliste. Ildédaigne l'impérialisme. Il constatesimplement - et tente de compren·dre comment la Ille République quia pu gagner la guerre de 1914 glisselentement vers la désagrégation de1940.
Son analyse n'a pas toujours lavigueur qu'on trouvait dans son étu·de sur le Reich hitlérien. L'apparition de Hitler, l'effondrement des(lIasses «libérales» et des partis
révolutionnaires était ici limitésdans le temps, gangrène ou pustulesur l'histoire de l'Allemagne; l'effondrement français remonte plusavant et il met en cause la vie sociale de ce pays depuis le SecondEmpire. On serait tenté de dire quece régime ne s'est jamais relevé del'écrasement de la Commune, qu'ilpaie en 40 les crimes de M. Thiers,que sa vie apparemment ordonnéen'a été qu'une succession de compromis. La vie de la République relèveici davantage de la sociologie quede l'histoire.
La première partie de son .livreest la moins fmte : on y évoque l'affaire Dreyfus, le scandale de Panama, les contractions d'énergie de 14mais ce sont des événements, desanecdotes : la réalité est ailleurs,dans les profondeurs non analyséesde la société d'un pays qui a man·qué déjà une révolution et s'estenlisée dans le confort et l'oubli dutemps.
Les historiens professionnels (pastous, il est vrai !) n'aiment pas lesjournalistes qui écrivent l'histoirerécente. Ils préfèrent, pour leurpart, reconstruire un passé avec lequel nous n'avons plus d'attaches.Shirer n'échappe pas à cette hargne.N'a-t-il pas le front d'utiliser lesdocuments dont l'effet de choc n'apas diminué sur nos contemporains?
Cette histoire directe et vécueporte un accent puissant : elle déborde le cadre de l'histoire, apporteà l'analyse sociale et plus généralement humaine un accent et uneforce insoupçonnée. S'ordonnentalors les souvenirs, les angoisses, leségarements. En ce sens, Trotsky disait, en parlant de la Révolutionsoviétique, qu'il est impossibled'échapper aux « affirmations implicitement normatives ». Qui, d'ailleurs y échappe, sauf à sortir denotre « culture » ?
Le récit que fait Shïrer de laguerre de 1940 est saisissant. C'est]a meilleure partie du livre. Ilconnaît la réalité française non seulement par sa présence à Paris, detemps à autre, mais surtout, de l'autre côté de ]a barricade, par les témoignages allemands et les attitudesou croyances de l'ennemi. Et cequ'il sait ne passe pas toujours directement. Il lui faut, par courtoisiesans doute, sinon ruser, du moinsbiaiser.
Ainsi, il lui faut faire entendreque la presse française d'avant 1940dans sa presque totalité était unepresse corrompue ou du moins pero
vertie, que les généraux et les techniciens militaires, mis à part desexceptions détestées et connues(plus connues ensuite d'ailleurs!)s'étaient enfermés dans un crétinisme bureaucratique, mortel pourl'existence du pays, que nombre depoliticiens cédaient aux tentationsde l'ennemi, pour ne pas dire plus..
Son analyse ou sa relation constitue donc un réquisitoire et apportenombre de pièces au procès déjà entendq. dans la plupart des esprits :le petit soldat qui à Sedan assuraitque l'Armée était trahie ne se trom·pait pas. Il se trompait seulementen pensant qu'il allait retrouverson « petit boulot » - et la France« des coteaux modérés ») ...
Le passé est fait de chances perdues, on le sait. Il faut en prendreson parti. Après coup, ce qui a éténous apparaît sous la couleur de cequi aurait dû être : si le généralHunziger avait contre-attaqué dansles Ardennes au lieu de faire démanteler les fortifications et de ter·giverser bassement, si Gamelinavait su prendre une décision aulieu de s'enfermer dans une schizophrénie autoritaire et endormie, siBlanchard avait pu contre-attaquerde Belgique... Avant ces « si ) tardifs, d'autres « si») apparaissent :l'intervention dans la Ruhr réoccupée, la défense de l'Autriche, dela Tchécoslovaquie, l'acceptationdes conditions soviétiques avant lepacte, tout cela aurait pu freinerl'invasion nazie. Shïrer le sait bienqui a décrit dans son précédent livre les hésitations et les angoissesde Hitler et de ses généraux.
Examinant le comportement deshommes politiques et des techni·ciens militaires, Shïrer paraît obser·
ver des animaux enfermés danS unzoo, prisonniers de barreaux symboliques qui sont autant d'institutions,de croyances figées, de peur. L'opposition entre la France et l'Allemagne en 1940 n'est pas seulement'celle de deux régimes : elle est celled'un pays où l'industrialisation en·traîne la violence et une paranoïarationnelle de la puissance, et d'unautre qui ne parvient pas à entrerdans la vie moderne. S'agit-il dechances perdues ? On dirait plutôtque l'Europe s'effondre dans l'opposition de deux nations qui affron·tent le XXe siècle à reculons !
La description de Shïrer, aprèsd'autres mais avec une lucidité etune documentation supérieures, re·late un effondrement, une rupturedans l'écoulement historique: avecl'armée les structures sociales s'ef·fondrent en 1940, dans la dérisionet la trilhison. La destruction desrégimes (régime tzariste, régimeTchang Kai-chek en Chine) ne sefait pas autrement.
Le problème est moins historiqueque social : comment se fait-il quele régime de Pétain, celui de la IVeRépublique et celui de la Ve aientprolongé une société apparemmentdétruite? Comment se fait-il quela société française ait secrété lesbacilles d'une survie ou d'un prolongement?
On comprend mieux la craintetoujours renouvelée des spécialistesdu maintien de l'ordre en France :ils pressentent que le plancher dela barque .n'est pas sûr et que l'en·semble de l'édifice repose depuis1940 sur du vide.
Jean Duvignaud
(1) Stock, éd.
D
La Qufimalne Uttéralre, du les: au 15 décembre 1970 21
THilATRE
"1789~~, "la Mère~~
43 rue du ·fempl.,', ParÙl 4.C.c.P. 15.SH.53 Pari!
La QuinzaineU"....I"
cc La Mère))
C'est une vue autrement pessimiste de l'Histoire que nouspropose Witkiewicz avec laMère, première pièce jouée enFrance de cet auteur polonaisqui s'est suicidé en 1939 pourprotester contre l'invasion allemande (1). Comme avec soncompatriote Gombrowicz, autrepoète de l'âme exilée, découvertlui aussi tardivement, il y a chezce Slave impénitent l'obsessionde l'Histoire dérisoire qui écrase sous son monument immense l'homme, fragile insecte à lamémoire d'éléphant. Et commedans le théâtre de Gombrowicz,la trame de la Mère sembe assez simple. Un fils de vingt-septans qui n'en finit pas de malgrandir, et dont l'ambition première est de donner au mondeune nouvelle théorie humaniste,ne parvient pas à se détacherde sa mère qui lui voue unamour passionné et destructeur.Entre sa mère qui tricote pourlui jusqu'à l'aveuglement et safemme, dont il fait une prostituée consentante, il ne perçoitqu'une issue tragique.
Mais Witkiewicz tout en projetant ses fantasmes et son drame personnel dépasse l'anecdote pour rejoindre "universel. Ilapparaît aujourd'hui non pascomme un précurseur mais comme un novateur génial. "a Mèrea été écrite, il faut le souligner,
1er au cœur et à l'esprit, à concilier divertissement et réflexionsans que jamais l'un ne gêne leplaisir de l'autre?
Hélas! vous ne verrez peutêtre pas 1789 : après Milan, ladifficulté de trouver un lieu adéquat, tout sauf un Théâtre, etaussi la peur du risque de quelques directeurs, habituellement« concernés lO par ce genre despectacles, fait que pour l'instant le Théâtre du Soleil n'estassuré que de six contrats enFrance! Eh quoi, la Cuisine, leSonge d'une Nuit d'Eté, lesClowns, qui ont constitué lesétapes nécessaires à l'élaboration et à la réussite de 1789,seraient déjà oubliés? Spectateurs, avec 1789, vous pourriezde nouveau avoir la parole. Profitez-en ! Sinon vous manqueriez,et ça serait dommage pour vous,un très grand spectacle!
a pris la Bastille.• Mais; disentles comédiens, c'était une façonde raconter l'Histoire. Nous enavons choisi une autre. D Toutefois, dans 1789, l'Histoire n'estqu'un prétexte parce qu'elle estla matière dans laquelle l'homme essaie de s'inventer son chemin. Et l'homme, qui suit aussivite qu'il le peut le cheminementde l'Histoire en marche, ne peuttout au plus que s'arrêter detemps à autre. pour se confronter à son passé. Une révolutionqui réussit est une révolutionmanquée : elle frustrera ungrand nombre d'espérances confusément entretenues dans undifficile mais nécessaire etpermanent dépassement.
Le Théâtre du Soleil, par unesérie d'actions présentées selon des formes, des esthétiqueset des techniques différentes,qui vont de la parodie débridéeà la stylisation efficace, racontela Révolution de 1789 depuis laconvocation des Etats Généraux,avec une fidélité réelle mais enne manquant jamais de donner,en contre-point, la position dela Compagnie face à l'événementbrut, ce qui permet aux spectateurs de rejoindre l'Histoire d'aujourd'hui. La participation activeet saine des spectateurs, quin'est rien d'autre qu'un regardlucide et attentif, constitue lacondition première de la réussite de 1789 admirablement misen scène par Ariane Mnouchkine. Si les comédiens du Théâtredu Soleil, tous remarquables,qui imaginent des bateleurs defoire, des acteurs populairesjouant à chaud la Révolution,avec toutes les ficelles du métier, pour un public supposéconcerné par l'Histoire qu'il vitau jour le jour, ne parvenaientpas à établir le dialogue avecleurs spectateurs, nous retomberions dans la représentationthéâtrale avec tout ce qu'ellepeut avoir de figé pour une telleforme de spectacle. Et les spectateurs, éblouis par tant de vie,d'humour, de dérision insolente,happés par un rythme rapide,conçu autour d'un montage cinématographique nerveux, où lesséquences courtes succèdentà de plus longues dédoubléessur plusieurs aires de jeu, sontcontraints de participer 1ibrement ou de quitter les lieux.Mais comment partir quand leThéâtre du Soleil réussit à par-
perfection du Bonheur ».Pourquoi, en sous-titre, cette
citation de Saint-Just? Parceque le 17 jui Ilet 1791, avec lafusillade du Champ de Mars,• la Révolution est finie D, malgré une dernière tentative inconsciente de jouer à jouer par• l'aristocratie des riches qui aremplacé l'aristocratie des nobles D. Le jeu théâtral est terminé: déjà Marat annonce l'inévitable guerre civile, déjà Ba·beuf en appelle à la révolutiondu peuple pour le peuple. Et leslumières s'éteignent à moitié auPalais des Sports de Milan, où,à l'invitation de Paolo Grassi,directeur du Piccolo Teatro, leThéâtre du Soleil vient de créertriomphalement, devant un public jeune et étonnamment attentif, 1789. C'est, dans la perspective historique choisie par lescomédiens de la Compagnie, quiont conçu cette création collective à partir de citations intégrées à leur dialogue, le commencement de la fin d'un vieuxmonde qui vient de tisser sonlinceul. Et c'est aussi pour les« sans-culottes lO, manipulés pardes révolutionnaires en perruques, le commencement de laprise de conscience, le réveild'un long sommeil, qui est lepain de toute révolution, et quile mènera, à travers leurs héritiers spirituels, à 1848 et à laCommune de Paris.
Dans un raccourci idyllique,chacun l'a appris à l'école, en1789 le peuple s'est révolté et
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Vill.
Da..
Un praticable rectangulaireouvert à deux angles opposés,cinq aires de jeu principales signalées par des toiles de fondamovibles, deux fausses coulisses apparentes avec leurs patères et tréteaux supportant unecentaine de costumes, des marionnettes et des accessoiresdivers, l'ensemble délimitant unparterre dans lequel les spectateurs sont invités à se déplacerlibrement au gré de leur envieet des péripéties d'une actionjouée, durant deux heures trente, par vingt-sept comédiens etmusiciens, tandis que ceux quisouhaitent plus de confort peuvent s'asseoir sur les gradinsaménagés à l'extérieur du lieuscénique, c'est d'abord une fausse représentation théâtrale, autrement dit, un vrai jeu théâtral, avec ce que cela comportede naïf, de démesuré, de tendre,de simple, de poétique et de violent à la fois, c'est 1789, cc laRévolution doit s'arrêter à la
IWitkiewiczLa MèreThéâtre Récamier
1Edward BondDemain la veilleT.N.P.
11789, la Révolutiondoit s'arrêterà la perfection du bonheurPiccolo Teatro, Milan.(Théâtre du Soleil)
22
"Demain la veille~~
en 1924, elle annonce à la foisle fameux cc l'enfer, c'est les au·tres ", de Sartre, et le théâtredit de l'absurde. Et précisément,Claude Régy a composé une mise en scène subtile qui déroutera quelques-uns. Tout en restantfidèle à un théâtre de chuchotement, entrecoupé de silencesmartelés à pas feutrés, il a voulu se renouveler et s'éprouver.
Par un éclatement incontrôlé,le spectacle se déroulant partout dans la salle et jusqu'aufoyer même du Théâtre Récamier, il reconstitue, avec la campi icité du décorateur JacquesLe Marquet, la cérémonie rituelle pour la remettre en miettes :Claude Régy nous rappelleconstamment que nous sommesau Théâtre. Par les maquillagescrayeux, les costumes noirs etles taches blanches, par le jeudes acteurs, fait de rupturesbrusques, il nous donne à voirune manière de rétrospective duthéâtre expressionniste des années 25 et de l'un de ses enfants naturels, le théâtre du tragique des années 50. En mettant en scène Witkiewicz, Claude Régy ne pouvait oublier Samuel Beckett. Tous les acteurssont excellents même quand ilsn'ont qu'un petit rôle. Mais ilfaut bien détacher trois d'entreeux, Juliette Brac, dans un rôlede femme-prostituée, d'une vulgarité naïve, évite tous les pièges, et dessine, par fines touches, une femme évanescente'et délicate. Michel Lonsdale, lefils dénaturé, est un Hamlet moderne, dont le physique et lavoix complètent un jeu où le silence alterne avec le cri, le toutconstituant un mélange fort etinquiétant. Il apporte un contrepoint indispensable, et inversement du reste, à la performance de Maleine Renaud. Ceux quil'ont vue récemment dans Oh,les Beaux Jours, l'Amante an·glaise, la trouveront méconnaissable. Et c'est vrai: elle est toujours aussi admirable; mais cette fois, elle est autre. Jusqu'oùpeut-elle encore aller dans sonrenouvellement? Un spectacleà ne pas manquer.
Décidément, l'Histoire semble, cette quinzaine, la grandeaffaire des gens de théâtre :après Mnouchkine, Régy, Georges Wilson nous propose auT.N.P., Demain la veille (1), dé-
Une scène de « 1789 »
cc Early Morning»
jà présentée sous un autre titre,Early Morning, au dernier Festi·val d'Avignon. Cette fois, jecrois que la pièce d'Edward Bondapparaîtra dans toute sa nouveauté et témoignera du talentd'un auteur, connu déjà à l'étranger, mais qui a quelque difficulté à s'imposer en France. Lesréférences à la vie anglaise ysont plus universelles que, parexemple, dans la Route étroitevers le grand Nord, montée parGuy Lauzun à Nice.
Ici, c'est la reine Victoria,plongée de temps à autre, pardes anachronismes savoureux,dans notre époque, qui, entreson mari, le prince Albert, sesfils siamois, George et Arthur,symbole peut-être facile, maisaux vertus comiques certaines,des contradictions que tout pouvoir porte en lui, et « son. peuple, tente de 'naviguer commeelle peut : l'important est dedurer.. Early Morning est unegrande fr~sque historique amusée, sans queue ni tête, vue depuis la cuisine de la politique,mais où domine un esprit caustique impitoyable qui dénoncetout à la fois le pouvoir, toujours ambitieux, égoïste et sour-
nais, la passivité de ceux quilaissent faire, soit parce qU'ilsveulent ménager leur place, soitparce qu'exclus, ils se sentent« petits» et gouvernés.
Contrairement. à Witkiewicz,Bond, s'il démolit lui aussi avecbonne humeur les statues enplace - imagine-t-on, en France,Jeanne d'Arc peinte sous lestraits repoussants d'une femmecupide, dévoreuse d'hommes ethomosexuelle, comme l'est devenue sous la plume de Bond lapuritaine Victoria? - a néanmoins quelque tendresse pourle peuple, versatile, par cequ'ignorant. Ce peuple sentconfusément qu'il peut « faireun bout de chemin. avec leprince Arthur, qui, rejeté par lepouvoir, le rejette à son tour.Mais l'entreprise échoue : Arthur n'est qu'un révolté individualiste et n'a pour le peuplequ'une sympathie octroyée, comme Goetz, dans le Diable et leBon Dieu. Dès lors, tandis quedans un paradis de folle opérette, notre terre qui n'est pasau ciel, les uns et les autres semangent entre eux, il n'y ad'autre issue, dans un hypothétique dialogue avec l'éternitéfaite homme, que celle que cha·cun porte au fond de lui-même.En définitive, Ariane Mnouchkine, Witkiewicz et Bond nous
disent, par des voies différentes,la même chose : à chacun debien choisir son rôle dans unmonde que nous construisons.
Comme on le voit, la tâche deGeorges Wilson n'était pas aisée : la pièce de Bond est tropfoisonnante. Mais depuis Avignon, les choses ont bien changé. Sur l'immense plateau duPalais de Chaillot, habilementresserré par un praticable discret, le rythme accéléré, et nécessaire au déroulement duspectacle, s'est imposé, à telpoint qu'on pourrait imaginer,mais la surface à couvrir estencore trop grande pour les acteurs, une accélération plus forte. Early Morning doit s'avalercomme un antidote amer, maisbénéfique, qu'avec leur talentGeorges Wilson et ses comédiens font passer agréablement.Puisse le public du T.N.P. ne pass'y méprendre!
Lucien Attoun
(1) La traduction de Koukou Chanska et François Marié est publiée auxEditions Gallimard (collection Théâtredu Monde Entier) alors que. MargueriteDuras a apporté sa collaboration à laversion jouee. Dans la même collection, Demain la veille (ou Early Mor·ning) d'Edward Bond, dans l'adaptatiol'!française d'Eric Kahane.
La QuInzaIne Uttéralre, du 1er au 15 décembre 1970 23
MUSIQUE
Boulez au T.N.P.
la venue de Boulez au T.N.P.est un phénomène de basse fréquence (mai 69 - novembre 70)qui, un peu après et longtempsavant son apparition, accélère lepouls du public parisien. Afind' • en être - au moins une fois,l'on s'arrachait cette année, pourvingt-sept francs, les dernièresplaces libres dans la grande salledu Palais de Chaillot et seul unmiracle pouvait, le lendemain,vous ouvrir les portes de lapetite Salle Gémier, affichantcomplet de longue date et pleine, en effet, comme un œuf (cequi faisait paraître dérisoire unprix des places relativementabordable). Ainsi transformé,par la force des choses, en manifestation • underground., cesecond concert montrait troples limites, en France, d'uneconsommation musicale dite• de masse - et rappelait (comme· l'a fort bien dit Boulez luimême) qu' • une hirondelle nefait pas le printemps -.
l'essentiel reste, cependant,l'extraordinaire courant d'émotion et de sympathie que suscitechez • so.n - public, et en dépit
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des ruptures officielles, ce • petit homme chauve et napoléonien - (comme le caractérise unjournal anglais), ce chef auxmains nues, épandues commedes ailes, incisives ou tranchantes, avec qui l'écoute musicaledevient une passion d'apprendreet un besoin de découvrir.
Premier expérimentateur, enquelque sorte, d'une • nouvellecritique - musicale, Bou 1e zrompt en effet, avec la traditionsensualiste de l'interprétation:Sur les quelques auteurs qu'épargnent tant son obédience sérielle que ses principes iconoclastes (Debussy, Strawinski,Bartok et les trois Viennois), ilpose, comme un filtre ou comme un projecteur, sa propreappréhension théorique des phénomènes musicaux en vue d'une• analyse structurale -, par ailleurs consciente de la dimension historique de chaque œuvre. le résultat: ses exécutionsprofondément renouvelées et déjà célèbres de Jeux et de Pelléas(dont l'enregistrement vient deparaître), du Sacre, de Wozzecket, l'autre soir, à la grande salle
du T.N.P., de la Musique pourcordes, percussion et célesta deBartok et des Pièces op. 6 deBerg.
Grâce à la précision coloriste,à la plasticité et aux réservessonores d'un orchestre aussisubtil que le B.B.C. SymphonyOrchestra (dont Boulez est lechef permanent), le chef-d'œuvre de Bartok y prit un caractère épuré, au-delà de la violence (3e mouvement), de l'angoisse (mouvement lent n° 2)et du lyrisme (final), prolongeant, dans la prédominancedes articulations et des contrastes rythmiques, l'esprit mêmede la fugue initiale.
• Dans les Pièces opus 6 deBerg - nous dit Boulez, .. la densité sonore arrive au point desaturation par l'accumulation etla superposition de toutes lescatégories de timbres. On n'aplus affaire, dans ce cas, à unedensité illusoire, due à de simples redoublements, mais à uneaccumulation de parties réelles,ce qui ne va pas quelquefoissans une mécompréhension desdivers dessins attribués à desgroupes instrumentaux différents D. Conjurant le risqued' • opacité. sonore, dû à l'énormité de l'orchestre, à cette écriture par masses grouillantes età la complexité d'un climat expressif où s'imbriquent fuséeslyriques et marches militaires,Boulez parvient à démultipliernotre écoute de chaque pièceet à en ordonner les couchessuccessives.
Cette technique de • sérialisation. des plans orchestrauxdoit évidemment beaucoup auxrecherches du Boulez compositeur dont on découvrait au même concert une amplificationd'Eclat pour grand ensembleinstrumental, créé en 1965 etintitulé dans sa plus récente version Eclat-Multiples.
Pour l'instant • en devenir.comme le fut longtemps Pli se-·Ion Pli (entre autres), Eclat-Multiples 1970 frappe tout autantpar la cohérence de son pland'ensemble en trois parties quepar le caractère apparemmenthétérogène des timbres qui s'yentrechoquent et dont 1e s• éclats - seuls s'allient (célesta, harpe et cymbalum, guitare, mandoline, flûte, deux pianos dont l'un • préparé -, etc.).D'abord dispersées dans l'espa-
ce et prises dans une durée trèslente, de fines particules sonores s'organisent peu à peu autour d'un noyau plus dense etsemblent tournoyer rapidementautour de ce centre en fusion.Puis, sur de longues pédales,tout se pétrifie par étapes, dansune conclusion plus contemplative, où l'on retrouve le mondeglacé du début.
A la tête de l'ensemble Musi·que Vivante, Boulez dirigeait lelendemain la première auditionfrançaise de ses Domaines, œuvre autant à voir qu'à entendreet dans laquelle la dispositionscénique traditionnelle de la SalIe Gémier ne nous permettaitguère d'entrer physiquement,comme il le faudrait.
Disposées, en effet, autour duchef, six petites formations deun à quatre musiciens reçoiventtour à tour (selon un ordre établi avant chaque exécution) la• visite - d'un clarinettiste qui,s'approchant d'eux, vient introdUire et comme susciter par uncourt solo la séquence qui leurest confiée. Après qu'en a étéexploré de cette façon le sixième • domaine., la musiquesemble pivoter sur son axe et leclarinettiste refait alors le même parcours inversé, répondantcette fois aux petits groupesd'instrumentistes dont les parties sont, par rapport à leurs symétriques, écrites en • miroir -.
Comment cette œuvre, malgréson déterminisme proprementnumérique, parvient-elle à recréer l'atmosphère d'une séance de musique de chambre improvisée entre amis? Commentla vie circule-t-elle dans des for·mes aussi manifestement éta·blies ? Il y a là une sorte d'illusionnisme dont Boulez a le se·cret et auquel participaient largement, ce soir-là, l'espèce d'humour à froid du clarinettiste Michel Portal, la verve truculenteet inspirée avec laquelle il semblait improviser sa partie. Ainsise trouve illustré le projet deBoulez qui est de Il concilier cequi est proclamé inconciliablepar tant de gens superficiels : lanetteté et la logique des formeset des structures avec l'essorde l'imagination, de la fantaisie,de l'improvisation. Car il y a àl'intérieur de toute écriture unlibre jeu.•
Anne Rey
"CIN'IIA
" Camarades!
du 10< Novembre 1970 au 31 Mars 1971
13 DÉPARTS PAR SEMAINE
d'analyse, de discussion et de jugement. Le premier est un emploi très brechtien de la chanson.Le second est l'insertion d'unelongue séquence de l'Heure· desBrasiers de Fernando Solanas.Le troisième est la citation dequelques phrases de Lénine, extraites des Thèses de principecontre la guerre, d'après l'anthologie des Editions du Peuplereprise par la Librairie Gît-LeCœur, à l'orientation marxiste-léniniste, donc, parfaitement définie, et aussi de trois paragraphes du Manifeste dont le dernier, qui sert de conclusion aufilm. La valeur de ces enrichissements et leur possibilité de réflexion sont inégales. Autant leschansons permettent l'accèsd'une ironie fertile, autant l'extrait de Sotanas facilite l'intelligence de l'internationalisme, autant les réflexions écrites paraissent plus discutables, tropabondantes et, la dernière exceptée, assez gratuites. Ellesrelèvent d'une superstition à la-
~
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IAvecAIR
qu'au désir de maintenir l'attention et de donner au sujet lesmarques extérieures d'un certain respect. A partir de là, troisprocédés veulent permettre unpremier recul et, en conséquence, une première possibilité
politique réactionnaire et la forme politique des œuvres »), sebornant, pour le premier, àcondamner les excès du schématisme (.. contre la tendanceà produire des œuvres au • stylede slogan et d'affiche - qui expriment des vues politiques justes mais sont dépourvues deforce d'expression sur le planartistique ..). Cette lecture, parsa différence même, est caractéristique du désir de romprecommun au jeune cinéma gauchiste qui assimile, peut-être unpeu hâtivement, l'académisme,voire la tradition, avec un stylede la classe au pouvoir, alorsqu'ils sont moins et davantage,et bien qu'ils ne se recoupentpas exactement. Dans Camarades, fort heureusement, le produit dépasse le propos et, visantà la simplicité des moyens etde la langue, rejoint Venan parun autre chemin. Karmitz, enfait, lutte contre la quantité parla qualité et, soucieux avant toutd'être lisible, veut • apprendreconsciemment le langage desmasses -.
Camarades trace le récit trèslinéaire d'une prise de conscience. Un jeune chômeur monte deSaint-Nazaire à Paris pour ytrouver un emploi de bureau. Ilfinit par travailler en usine etassiste à l'éclosion de sa penséepolitique. La chronologie et lamise en scène obéissent à une·même rectitude. La qualité même de la photographie - il fautsouligner le très beau travailde Pierre-William Glenn - cèdemoins à la tentation de séduire
Devant un film tel que le Camarades, de Marin Karmitz, levéritable, sinon le seul, problème critique est la question, quesoulevait brièvement Paul-LouisThirard, dans le numéro 119 dePositif, de savoir s'il toucheraitun public, quel public et de quelle manière. Karmitz n'est pas leseul à avoir voulu faire de laclasse ouvrière l'héroïne de sonrécit. Même si l'on met de côtéle cinéma des pays socialistes,assez pauvres d'ailleurs en lamatière, on trouve en Francedes exemples aussi classiques,voire rabâchés, Que la BelleEquipe et le Point· de Jour ou,dans l'Allemagne des annéesvingt, les admirables et méconnus Unser Taglisches Brot etMutter Krause de Phil Jutzi;mais Camarades est vraisemblablement le premier à se vouloirdélibérément politique, à abandonner le mélodrame populistepour mieux insister, précis et didactique, sur le sens de l'histoire qu'il trace. Une telle prétention ne doit se justifier, ou non,que dans une pratique et, plusque jamais, la critique écrite nepeut y être qu'un relais. Elle permet seulement un défrichementdes approximations, jouant lerôle intermédiaire, et provisoire,de l'hypothèse.
Le premier souci est un soucide clarté. Tandis que beaucoupde ses confrères ne peuventconcevoir la portée révolutionnaire du fond sans une subversion préalable de la forme, l'ambition de Karmitz est plus modérée si elle n'est pas fondamentalement différente. Il veut se reporter aux Interventions dE: Venan et se plaît à les résumer, enles interprétant de façon significative. Il déclare, dans Les Lettres Françaises : .. un contenujuste sur une forme académiquea aussi peu d'efficacité qu'uneforme brillante et nouvelle surun contenu erroné., cependantque Mao insistait surtout sur lesecond point (CI mie trait commun à la littérature et à l'artde toutes les classes exploiteuses sur leur déclin, c'est lacontradiction entre le contenu
iMarin KarmitzCamaradesLuxembourg 1Studio MédicisStudio République
La Quinzaine UttéraJre, du 1f!r au 15 décembre 1970 25
LES NOUVEAUX CAHIERSCHARLES PEGUY ET BLANCHE RAPHAEL: RabiLA BARRICADE ISRAELIENNE: Claude RanelIMAGES OU STEREOTYPES? : André ElbazSTRUCTURE DE LA METAMORPHOSE: E. Assor-ElmalehLE QUATRIEME MYTHE: David JassineAVOUEZ! : Joseph BergerLES ARABES HUMILIES?: Gérard IsraëlL'INTEGRATION DES JUIFS NORD-AFRICAINSDoris Bensimon-
EN FRANCE: DonathCES JUIFS DU SUD-EST ASIATIQUE: Eve Dessarre
Des textes de Théo Dreyfus, Joël Arkenazi, Sylvie Korcaz,Colette Sirat, E. Spatz
Ce N° 22 - Automne 1970 est en vente dans les grandes librairies et dansles drugstores ou au siège de la revue: 45, rue la Bruyère - (6 F).
~ Camarades !
quelle nul «gauchiste» (et jeplaide coupable, même pour l'avenir) n'échappe tout à fait.Elles restent, bien entendu,« justes» mais prennent aussitrop facilement la relève d'uneanalyse, d'une description ou deconclusions plus concrètes et,partant, plus profitables.
L'histoire elle-même est, enbonne dialectique, la relationd'un parcours circulaire. Elle estconstruite autour d'un héros,Yan (et le comédien, et co-scénariste, s'identifie, ancien ouvrier de Citroën, dans une certaine mesure avec le personnage), et va d'une première expérience ouvrière, aux chantiersde l'Atlantique, à l'entrée définitive, à Paris, dans une usine d'automobiles. Elle se partage endeux parts de durées presqueégales. Dans la première lejeune homme, fils de p.etitscommerçants à demi-ruinés, setrouve comme englué dans lespièges de sa classe, entre unefamille qui lui fait bien sentir sadépendance, une petite amievendeuse, des copains enchaînés par la fiction des loisirs. Il vad'un travail sans issue, de manœuvre à qui est refusée touteformation professionnelle, à unevague occupation d'enquêteurqui permet un tableau sommairemais habile de quelques fétichismes marchands. Lorsqu'il vientà Paris, à l'invitation d'un ami, ilpoursuit la même existence marginale, divaguant d'une embauche à l'autre, apprenant, à l'occasion la psychologie de l'acheteurvu par le placier (<< tous descons»), jusqu'au jour où il sevoit forcé au travail en usine,obligé de vendre sa force de travail de la façon la plus directe.A partir de là il passe par troisétapes, révolte contre la maîtrise, information générale du Comité d'Action et lutte au Comitéde Base.
Camarades ne vise pas à l'originalité ni à une nouveauté desystème mais, partant d'un postulat individualiste et très au faitde ses propres limites, à uneproposition simple. Le faitqu'ainsi le héros n'appartiennepas, au départ, de par sesorigines familiales, à la classe ouvrière apporte à son aventure,et au récit, une certaine innocence qui n'est pas sans efficacité. Le travail d'usine; présentécomme une chute dans l'inhu-
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main, voire, lors d'une scène devisite médicale qui est l'un despoints forts du film, dans le sordide, se voit dépouillé de touteauréole traditionnelle comme detoute poésie populiste. Seule demeure la réal ité brutale de l'exploitation. La haine du chef, l'isolement systématique des travailleurs, l'accélération des cadences et la mécanique répressivedes licenciements sont découverts avec une naïveté qui leurdonne un poids tout nouveau,une âpreté point encore poliepar les frottements de l'habitude. De même pour la pratiquede la lutte. Les journalistes officiels du P.C.F. et les critiquesqui, aujourd'hui, font assaut debonne volonté pour bien se placer dans la ligne de M. Marchais, reprochent à Karmitzd'avoir complètement négligé lavoie habituelle de la stratégieouvrière, autrement dit de n'avoir soufflé mot des syndicats.L'accusation est certes d'unemauvaise foi tout à fait naturelle, car le réformisme syndical est dénoncé avec précisionet insistance en trois endroitsau moins de Camarades, mais ilest évident que le chemin suivipar Yan ne suit pas la directionnormale de la C.G.T. ou de laC.F.D.T. et le conduit directement au mode d'action pratiquépar les Comités de Base. L'expérience de Yan est caractéristique d'une attitude nouvelle,commune à une large partie dela jeunesse ouvrière. Bien entendu il eût été plus probant, etsans doute plus efficace, d'insister davantage et de décrire au'"trement que par le dialogue lesconditions et les limites du réformisme, de même qu'il eût été
plus fécond de présenter les comités de base sous un jourmoins arbitraire, mais l'on buteici sur une limite de Camarades,dont les auteurs, Karmitz aussibien que les travailleurs auprèsdesquels il a mené toute une en·quête préliminaire, sont parfaitement conscients. Cette limiteest la barrière des moyens, l'impossibilité de tourner en usineplus de quelques plans, grâce àdes subterfuges que trop d'insistance aurait vite éventés, et quiont en dé.finitive imposé jusqu'àla forme du récit, qui tourne etmédite autour de l'aventure plusqu'il ne la décrit.
Le cinéma politique, aujourd'hui, est à créer mais les expériences ne manquent pas, ni leserreurs. Ayant reproché quelques replis derrière la citation,il va de soi que j'ose à peineévoquer ce que disaient, précisément, de l'erreur, Engels ouRosa Luxembourg. Mieux vautnoter que depuis quelques années, des efforts importants ontété menés pour assurer cettecréation, en Amérique Latine, enItalie, à Cuba voire au Japon.Nous connaissons en France, depuis 1968 et le travail malheureusement hasardeux et fragmentaire des Etats Généraux(mais pouvait-il, dans le contexte politique, en être autrement ?), un effort, également,dans ce sens. De ce point de vuele travail de Karmitz, ne seraitce que parce qu'il se chercheun public prolétarien et parcequ'il veut lui proposer un discours directement politique, etnon plus intégré et édulcorécomme dans les films de CostaGravas, est exemplaire.
Louis Seguin
EXPOSITIONS
Après avoir montré comment des«rythmes et animations modulairesen plâtre. pouvaient donner du mouvement, de la profondeur, de la grâce,aux murs, aux plafonds, à n'importequelle surface (1), le Centre d'Art etde Recherche Plastique Architecturale,en présentant aujourd'hui les recherches de quatre sculpteurs - Paul Cheriau, Michel Gérard, Danièle Obled,Pierre Szekely - groupées sous la rubrique «Formes et Béton» (2), poseen termes originaux non seulement letraditionnel problème de la relationarchitecture-sculpture, mais encore etsurtout celui de l'intervention de l'artiste à la source même de la construction et de la fabrication industrielle.
Michel Gérard en est vivementconscient. «J'ai réalisé, précise-t-il,plusieurs programmes de sculptureintégrée à l'architecture, en employantle béton ou le plastique - matériauxchoisis pour leur prix de revient peuélevé et leur très grande souplessede mise en forme." (II s'agit, en particulier, de vastes reliefs en béton don·nant une vie insolite à des murs debanque, et d'un jardin-sculpture de200 m2 pour le patio des laboratoiresBeytout à Saint-Mandé, avec partie enpolyester de 20 m2 destinée à éclairelle hall inférieur.) Programmes réalisésgrâce à une étroite collaboration - unevéritable symbiose - avec une équiped'architectes (Rémy. de Sèze, JacquesDulieu, Michel Maure!) avides euxmêmes de poursuivre de telles expé·riences.
D'audacieusesperspectives
Les recherches actuelles de Gérardconstituent une nouvelle étape : .. Ilne s'agit pas de trouver des solutionsdécoratives de revêtement, il est nécessaire de passer maintenant dans laconstruction et, en travaillant dès ledépart en équipe avec le maître d'œuvre, de modifier l'aspect de "œuvrebâtie... D'où l'expérience entreprisechez un préfabricant industriel, et menée selon trois directions : traces,signes, empreintes sur sable de fonderie, imprimés tels quels en béton; travail manuel avec un matériau industriel, polystirène expansé en fond demoule travaillé avec chalumeau, etc.;et moules en plastique calés dans lefond de sable. S'il n'est pas certainque la mise en œuvre de ces procédés aboutisse encore à un «style~,
au moins une problématique claire estelle proposée.
Les perspectives ainsi ouvertes sontaudacieuses, car il ne s'agit de rienmoins que d'opérer une transformationradicale du milieu urbain, de ce « cadrede vie. - murs, espace, chambres,objets ... - auquel enfin une centralesyndicale, la C.F.D.T., consent à s'inté·resser. Ces projets et ces recherches,si elles témoignent d'un climat nouveau, se heurtent toujours à ce qu'onpeut appeler ici, sans jeu de mots, le«mur d'argent. : la sainte trinité dela construction composée des politiciens de l'. enrichissez-vous!., d'architectes-mandarins exploitant dansleurs agences cent à deux cents • nègres., et des promoteurs-<:onstruc-
Formes et béton
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GARCIA MULET26 novembre-19· décembre
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17 novembre-20 décembre
La galerie Athanor, place du Marchéau Vésinet montre la symphonie végétale et les dessins de THERON Grand Prix des Beaux-Arts de la Villede Paris.
La galerie M. Bénézit (93, bd Haussmann) expose les peintures récentesd'ADLEN jusqu'au 5 décembre.
Pierre RISCH a obtenu cet été le'1er prix de la Jeune Peinture auGrand Prix International de Genève(en permanence galerie Vallombreuseà Biarritz). .
La 'librairie lardanchet expose lesgravures de ·Dunoyer de Segonzacjusqu'au 20 décembre.
C'est LEFEVRE-DELESTANG qui succède à B.Y. à la galerie Bruno Bassano,avec de belles aquarelles.
Pierre G. LANGLOIS qui fut lauréatdu Prix Emile Bernard présente GalerieVendôme, rue de la Paix, en décembre,ses œuvres récentes.
ORLEANS. - La Maison de la Cultureexpose, en décembre, les photographies de Lucien CLERGUE.
Josette HERARD-MARLIN présentaiten novembre, au Centre Culturelde PORT - VILA (Nouvelles-Hébrides)ses œuvres récentes.
(Communiqué)
C'est Jean F,RELAUT qui succède àJ.-J. RIGAL aux cimaises de la galeriedes Peintres-Graveurs Boulevard duMontparnasse.
Jean-Luc GODARD était le dimanche15 novembre l'hôte de la Maison dela Culture d'Orléans (dir. OlivierKatian) où il présentait son film• Lutte en Ital ie -.
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sensuels, la sculpture de PeggyGoldstein (Galerie Lambert) n'est pasencore arrêtée à une formulation, définie à l'intérieur d'un vocabulaire. Ellea la richesse de la quête, le foisonnement de l'inquiétude, mais la chaleurhumaine d'une grande générosité.
Jean-Jacques Lévêque
Roger Dadoun
(1) Cf. la revue Recherche et Architecture,no 4. 1970.
(2) Centre ARPA, 24, rue du Pont LouisPhilippe, Paris.
Le Corbusier n'avait pas droit de cité,est le pays du tourniquet de SaintLaurent-du-Pont.
MaryanPlus de nature ici, ni d'espace; d'ail
leurs, dans quel lieu se situent cesmonstres? Maryan qui, dans sa peinture, • mettait en scène -, a renoncédans ses aquarelles (Galerie ClaudeBernard) à toute localisation. De cesméandres inquiets, surgissent, parfoi.s,des silhouettes, au cœur des ces Laocoon bigarrés, des figures de proues'élèvent, se distinguent, éructent,postillonnent. Plus proche du geste,l'aquarelle conserve les sursaûts de lamain, son inquiétude épidermique, lespulsations du sang. C'est une radiographie assez terrible d'un mal intérieur.
force ramassée qui donne à l'imagel'impact direct du signe.
Moins qu'un style, l'Ecole de Parisimpose une certaine élégance du discours plastique qui. constitue d'ailleurs, aux yeux de certains, une faiblesse de plus en plus inadmissibledevant l'urgence du • dire -. Cette élégance-là ne gommant jamais les spécificités respectives de ceux qui composent le groupement le plus fluctuant, le plus r·elatif. Zao Wou Ki,Chinois de 1"Ecole de Paris, a une double raison d'illustrer cette qualité parquoi l'art, souvent, acquiert sa dimension d'éternité. Au raffinement parisien, il ajoute celui de son pays, quiréside dans la rapidité de la touche,sa légèreté, la promptitude des rythmes, la science des mises en page. Sestableaux récents (Galerie de France)allient toutes ces qualités. La forcen'est point exclue dans les trouées subites sur le vide, les chutes de la lumière dans les suggestions végétales,certains frissons, justement retenus là,dans l'ampleur de l'aube et le silencedes étendues de nulle part.
Raynaud
Livrets
Dans les MaleriesDessins
Relief de Michel Gérard
teurs-industriels dictant leur loi duprofit maximum, fait, plus que jamais,main basse sur la ville. Les brillantesinitiatives de quelques artistes, lespercées opérées par quelques cellulesd'architectes, ne doivent pas cachetl'essentiel : que la France de la construction, après avoir été le pays où un
Ils sont trois, qui n'ont, de commun, ici, que la technique utilisée.Encore que Titus-Carmel situe le dessin comme une démonstration visuelled'un énoncé verbal. Segui, lui, en useavec une maîtrise diabolique, pour plaquer des scènes qui sont perçues avecl'œil d'un photographe. Gian FrancoFerroni y cherche un cadre logiquepour l'intensité de ce qu'il a à dire.C'est ce dernier qu'il faudra retenir(les deux autres étant mieux connusdu public français). Voici une œuvretouffue, désordonnée, d'une acuité exceptionnelle, et d'une intensité rare.On sent, sous le trait, battre le poulsde la vie, sourdre le cri (Galerie duDragon) .
Au risque de passer pour rétrogradeil faut dénoncer l'absurdité de l'insertion d'une œuvre qui ne se justifie quepar sa charge révolutionnaire chezlolas, dans le contexte le plus mondain, le plus rassurant, le plus • in -.Une œuvre qui a cette retenue dansle cri, cette pudeur dans la douleur,cette densité dans les moyens cette densité dans les moyens mis enœuvre, au point de passer pour limitée,demande d'autres lieux et, certainement, un autre public que celui quivient aussi bien voir des Léonor Finiet des Max Ernst.
Aux • CLXXXI Proverbes à expérimenter -, que nous propose Jean Guichard-Melli, Lapicque offre le contre
point de 9 dessins, au pinceau, d'une
La QuInzaIne Uttéralre, du 1er au 15 décembre 1970 27
e Pierre Herbart Quinzaine) • gouvernante italienne -. Au lendemain de la
ROMANS Histoires confidentielles ROMANS Gisela Elsner Leo Perutz Révolution, les réactions,Grasset, 232 p., 15 F. La génération montante ,Le Marquis de des paysans sibériens
FRANÇAIS Recueil de nouve'lIes ETRANGERS Trad. de l'allemand Boliber devant les problèmes depoétiques, par l'auteur par Lily Jumel Trad. de l'allemand la collectivisation.d' & Alcyon - et de Gallimard, 200 p., 18 F par O.N. Château Patrick White
Jean Basile & Souvenirs Anatoli Un procès sans pitié, A. Michel, 320 p., Le mystérieuxGrasset, 236 p., 18 F imaginaires -. Babi lar plein de verve et de 16,50 F MandalaL'acide Trad. du russe par démesure, des relations Réédition de ce roman Trad. de l'anglaisLa chronique d'une M. Menant dites & humaines -. fantastique publié en par Andrée R. Picardjeunesse aux prises Rafael Pividal
Julliard, 608 p., 31,30 F France avant la guerre Gallimard, 368 p., 27,50 F,avec la drogue. Plus de quartier
L'histoire de Un nouveau romanl'occupation de l'Ukraine eSlawomir Mrozek du grand romancierpour Paris par les Hitlériens, vue Une souris dans Susan Sontag
australien, sur leSeuil, 192 p., 18 F Derniers recoursJean-Louis Baudry
Par l'auteur d' & Unepar un enfant. l'armoire Trad. de l'américain problème du & Double -
La • Création •paix bien intéressante-
Trad. du polonais par A. Minkowski et de la recherchePremier état : l'année
(Prix Hermès 1964) et Miguel Angel Asturias par Thérèse Douchy Seuil, 336 p., 30 F de l'identité.Coll. • Tel Quel - de & Tentative de visite Trad. de l'espagnol A. Michel, 224 p., 19 F. Par l'auteur deSeuil, 224 p., 25 F.
à une base étrangère - Le larron qui ne croyait Six nouvelles où l'on « L'œuvre parle.Un livre d'une facture
(voir le n° 85 de la pas au ciel retrçlUve l'Jronie, le un livre dont POESIEtrès nouvelle sur comique poussé jusqu'à le héros, confronté à sal'origine cyclique de la Quinzaine) . par Claude Couffon l'absurde, de l'auteurUn ,nouveau roman du propre mort, épuisesignification et de la Prix Nobel de Littérature de • Tango. jusqu'à leurs limites Gaston Bonheurlinguistique. 1967 (voir les nO' 4, 9 et (voirie n° 23 de la extrêmes les ambiguïtés Chemin privé
Boris Vian 43 de la Quinzaine). Quinzaine) • de 'la condition humaine. Poèmes et chansonsLe loup-garou réunis par H. Parisot
G.E. Clancler Ch. Bourgois, Flammarion, 160 p., 12 FLes Incertains 240 p., 20,90 F Laurence Durrell Iris Murdoch S. Zalyguine L'ensemble des poèmesR. laffont, 312 p., 18 F. Treize nouvelles Nunquam Les demi-justes Au bord de de Jeunesse et desRéédition, revue et inédites qui ont pour Trad, de l'anglais Trad. de l'anglais l'Irtych chansons écrites enmodifiée, d'un roman dénominateur commun par Roger Giroux par Lola Tranec Trad. du russe par marge d'une carrière,paru en 1965 chez un humour à la fois Gallimard, 336 p., 26 F Gallimard, 384 p., 26 F Annie Meynieux par un grandSeghers. cruel et tendre. (Voir le n° 105 de la Par J'auteur de & La Gallimard, 184 p., 17 F journaliste.
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H.G. KœnigsbergerG.l. MosseL'Europe auxvr siècleTrad. de l'anglaispar S. ChassagneEd. Sirey, 400 p., 46 FUne contributionoriginale à l'étude decette période de notrehistoire, due à deuxuniversitairesaméricains.
• Nestor MakhnoLa Révolution russeen Ukraine(1918-1921)Avant-propos deDaniel GuérinColl.• Changer lavLe -Belfond, 240 p., 18 FPar un des premiers• guerilleros - littérairesde l'histoirecontemporaine,mort à Paris en 1935.
HISTOIRE
Patrick MooreL'atlas del'univers1 500 ill., nombr. carteslaffont, 272 p., 179 F(prix de souscription :149 F jusqu'au1er décembre)Une exploration et unecartographie complètedu ciel et de la terrevue du ciel.
Michel de CerteauLa possession deLoudunColl. • Archives Julliard, 350 p., 20 FL'affaire UrbainGrandier et, à traverselle, la radioscopied'une société maladed'elle-même.
Jean-Paul BertaudValmy, la démocratieen armesColl. • Archives Julliard, 326 p., 20 FUne reconstitutionminutieuse de la célèbrevictoire, 'à travers lesregistres de contrôledes troupes.
Jacques ChastenetDe Pétain à de Gaulle(11 juillet 1940 •25 aoOt 1944)Fayard, 272 p., 28 FUne mise au pointremarquablementdocumentée et d'unerare objectivité sur cesquatre années crucl·alespour la France.
A. Colin, 104 p., 14 FUne initiation à laportée d'un large publicà la théorie modernedes atomes et desmolécules.
F. UnkLa luneTraduit de l'allemandpar Françoise Lutz64 figuresA. Michel, 176 p., 18 FUne histoire dessciences "unairesappuyée sur les plusrécentes acquisitions ence domaine.
Carl BurkhardtRichelieu· T. 1 :La prise du pouvoirTrad. de -l'allemandpar H. Comsier16 p. d'illustrationsR. Laffont, 384 p., 30 FUne biographie à la .tolstrès rigoureuse et d'unegrande qualité littéraire.
• Maurice ChouryLe Paris communard
François MauriacLe nouveau BlocNotes· IV(1965-1967)Flammarion, 480 p., 38 F
Scientifique Flammarion,224 p., 20 FUn important ouvrage'Sur la problématique dela psychanalyse par lePrésident del'AssociationPsychanalytiquede France.
ESSAIS
Pierre SchaefferMachines àcommuniquer1 - Genèse dessimulacresSeuil, 320 p., 30 FLe premier tome d'unetrilogie consacrée àl'étude des mass-mediaet de leur genèse.
André JulgAtomes et liaisons
Ernst JüngerEssai sur l'hommaet le tempsTraduit de l'allemandpar H. PiardCh. Bourgois,592 p., 20,90 FRééditkm d'un ouvrageparu autrefois auxéditions du Rocher etdont le thème est aucœur même de 'Iapensée de l'auteur :la liberté.
SCIENCES
François BiraudJean-Claude RibesLe dossier descivilisations extraterrestresFayard, 256 p., 24 FLes manifestationsde caractèrescientifique desréalités astronomiquesdu monde extraterrestre.
Denis de RougemontLe cheminement desespritsEd. de la Baconnière,250 p., 20,80 FPour une unité del'Europe fondée enpremier lieu sur unecommunauté culturelle
G. BoulangerBalleyguierLa recherche ensciences humainesEd. Universitaires,158 p., 25,90 FLes grandes étapes parlesquelles doit passerla recherche dans ledomaine des scienceshumaines.
SOCIOLOGIEPSYCHOLOGIE
Etudes surMontesquieuOuvrage collectifLettres ModernesMinard,104 p., 12 F• Archives des LettresModernes -.
Jean RicherNerval par lestémoins de sa vie5 planchesLettres ModernesMinard,413 p., 48 F• Nouvelle BibliothèqueNervalienne -.
La mort de Godotattente et évanescenceau théâtreOuvrage collectif sousla direction dePierre Brunei,Lettres ModernesMinard, 194 p., 22 FAlbee, Beckett, Betti,Duras, Hazaz, lorca,Tchékhov.
et le féminismeromantique1 plancheLettres modernesMinard, 228 p., 38 F• Bibliothèque delittérature etd'histoire -.
E.D. CancalonTechnique etpersonnages dans lesrécits d'André GicleMinard96 p., 11 FSérie • ArchivesAndré Gide-.
Dr BrusselPsychanalysedu crimeDr BensoussanTrad. de l'américainPréface dupar Benoit BraunTchou, 250 p., 25 FSix enquêtes policièreset médicales menées par. François Jacobun psychiatre La log!que du vivantnew-yorkllis. ~':re'd~:"re de
• Jean Laplanche Gallimard, 380 p., 32 FVie et mort enpsychanalyse• Nouvelle bibliothèque
Eliane BickertAnna AkhmatovaSHence àplusieurs volxResma, 128 p., 12,40 FL'itinéraire intérieurde l'un des plus grandspoètes russes de notresiècle.
Richard BolsterStendhal, Balzac
André GideLa symphoniepastoraleAvec une introduction,des notes, des lettresinédites, l'adaptationcinématographique de1945 et uneLettres Modernes,bibliographie,par Claude Martin.Minard, 261 p., 30 F.Edition critique établiesur les manuscrits etles diverses éditions.
littératurerévolutionnaireRécits chinois(1918-1942)Traduction etprésentation parM. Vallette-HémeryL'Herne, 336 p., 48 FUne anthologie desécrivains chinois quiont contribué par leurtémoignage à unerévolution nonseulement politique,mais aussi moraleet esthétique.
CRITIQUEmSTOIRELITTERAIRE
Burroughs, Ginsbergles lettres du YageTrad. de l'anglaispar Mary BeachAdaptation deClaude PélieuL'Herne, 78 p., 15 ~
Les lettres deBurroughs à un jeunepoète new-yorkaisalors inconnu, mais quia"ait devenir une grandevoix de la BeatGeneration : AllenGinsberg.
touise WeissMémoires d'uneEuropéenne· Tome III :1934-1939Payot, 272 p., 32,70 F(Voir le n° 66 de laQuinzaine) •
André Gide n° 1Etudes gidiennessous la directionde Claude MartinTextes de CécileDelorme, Jef Last etAlain Goulet MinardLettres Modernes,192 p., 21 FL'œuvre romanesque
E. de La Rochefoucauld d'André Gide et sonCourts métrages rayonnement dans leGrasset, 216 p., 15 F monde.Un recueil de souvenirssur des contemporains t 1Pierre Barbérlsillustres. Balzac et le mal
du siècleContribution à unephysiologie du mondemoderneTome 1 (1799-1829):Aliénations et prisesde conscienceTome 2 (1830-1833) :Une expérience del'absurde: de la prisede conscience àl'expressionGallimard, 816 et1176 p., 55 F et 75 FUne thèseadmirablementdocumentée et quiutilise avec beaucoupde doigté etd'originalité lesméthodes de pointe dessciences humaines.
Arno BrekerParis, Hitler et molPresses de la Cité,300 p., 22 FPar ·le sculpteurofficiel du Ille Reich,ami d'Hitler et d'Abetz.
BIOGRAPHIESMEMOIRES
Camille BelguiseLa vie a tout dictéGrasset, 192 p., 15 FA la fois un recueil desouvenirs et uneméditatkm sur la poésiedu quotidien, par lafemme de JacquesChardonne.
Marthe BibescoLe confesseur et·les poètesGrasset, 320 p., 25 FDe la poésie aumysticisme : un recueilde souvenirs, de lettreset de méditations, parla princesse Bibesco.
Didier CostePour mon herbeSeuil, 144 p., 25 FPar l'auteur du• Voyage organisé - etde • Journalexemplaire - (voir lesnO' 58 et 73 de laQuinzaine).
• De la révolutionlittéraire à la
La Qulnzal.... Uttéralre, du 1er au 15 décemb"e 1970 29
Joseph-L. AliotoSan Franciscoque j'aime120 ill. en noir eten couleursVilo, 140 p., 45 FLe 20e volume de cettecollection dont nousavons parlé dans len° 96 de la Ouinzaine
HUMOURSPORTVOYAGESDIVERS
L. Van PuyvelveLa peinture flamandeau siècle de Rubens145 i11. en noir eten coul.Editions Meddens (Vilo) ,245 p., 153,20 FLe troisième volumed'une trilogie consacréeà l'art flamand.
A. MazahériLes trésors del'Iran125 ill. dont 87en couleurs17 dessins in texteSkira, 300 p., 175 FLa singularité et lapermanence d'unecivilisation dont serafêté l'année prochainele vingt-cinquièmecentenaire.
William GauntCités flamandesBruges, Gand, Anvers,BruxellesColl .• Cités d'art.98 ill. noir et couleursA. Michel, 160 p., 63,30 FQuatre cités célèbresdans le monde entierprésentées à leurapogée, c'est-à-dire duXIV' au XVIII' siècle.
Daniel SchlumbergerL'Orient helléniséNombr. i11. en noiret en couleursColl. • L'Art dans lemonde.A. Michel, 248 p., 52,40 FLe destin de l'art grecdans la Syrie, laMésopotamie, l'Iran etl'Inde.
Frédéric DardTout San-AntonioTextes choisis etprésentés par
Flammarion, 590 p.Les grands ensemblesde la peinture muraleromane, étudiés parrégions artistiques.
Otto DemusLa peinture muraleromanePhotographies deMax Hirmer250 pl. en noir et102 h.-t. couleurs
Paul TillichAux frontières dela religion et dela scienceTraduction de F. ChapeyPréface d'A. Barthel,postface de M. EliadeCenturion. 208 p., 14,95 FLa religion face auxgrands courants depensée nouveaux et àl'évolution du mondemoderne.
Sagesse éternellede la ChineChoix et présentationpar Marcel HertsensCenturion, 288 p., 38,70 FLes grands textes duconfusianisme et dutaoïsme.
Christoph CzwiklitzerAffiches dePicassoPréface de J. Adhémar345 affiches, 314 ill.140 pl. dont 70 en coul.Trinckvel, 362 p., 300 F.
André MartinLes croyants enU.R.S.S.(L'Eglise officiellecontestée - Procès etpersécutions)Fayard, 272 p., 24 FUne analyse, fondée surdes documentsauthentiques, desaspects les plus cachéset les plus significatifsde l'évolution religieuseen U.R.S.S.
René NelliJournal spiritueld'un Cathared'aujourd'huiResma, 216 p., 14,55 FL'actualité d'unedoctrine dont l'auteurretrouve ·Iaproblématique sous desformes spécifiquementmodernes.
ARTSURBANISME
• Yves BonnefoyRome 1630Coll. • Les balancesdu temps.Flammarion, 204 p., 60 FLe premier ouvrage decette nouvelle collectionqui se propose deprésenter quelques-unsdes instants décisifs del'histoire de la peinture.
Peter WeissTrotsky en exilTrad. de l'allemandpar P. IvernelSeuil, 176 p., 16 FUne tragédie historique,résolument optimiste etrévolutionnaire, parl'auteur de• L'Instruction. (voir len° 4 de la Ouinzaine).
RezvaniThéâtreCh. Bourgois,272 p., 20,90 FTrois pièces inédites,par l'auteur des• Années-Lula· :• L'immobile., • Lecerveau. et • Body •.
Jacques LoewCe Jésus qu'onappelle Christ(Retraite au Vatican1970)Fayard, 314 p., 20 FVingt-deux entretiens,rédigés à l'intention dePaul VI et de sesfamiliers.
Eloi LeclercLe cantique descréaturesou les symbolesde l'unionFayard, 280 p., 24 FUne exégèse du fameux• Cantique descréatures " qui aboutità une véritablepsychanalyse deFrançois d'Assise.
Boris VianThéâtre inéditTextes établis parNoël ArnaudCh. Bourgois,384 p., 23,70 FCe recueil réunit troispièces de Boris Vian :Tête de méduse - Sérieblême - Le Chasseurfrançais.
RELIGIONS
Friedrich GogartenDestin et espoirdu monde moderneTrad. de l'allemandCasterman, 208 p., 18 FUne étude duphénomène moderne dela sécularisation, parun théologien protestant.
Kateb YacineL'homme aux sandalesde caoutchoucSeuil, 288 p., 20 FUne pièce inédite dugrand auteur dramatiquealgérien, qui a pourtoile de fond la guerredu Vietnam et les ·Iuttesdu Tiers-Monde.
Radioscopie del'EuropePréface de M. PiatlerVilo, 212 p., 250 FUne enquête trèscomplète sur l'économieeuropéenne.
Jean FreireLes maquis au combatJulliard, 224 p., 14,30 FUn document à la foisvivant et très completsur l'implantation etl'organisation desmaquis.
Georges PillementLe théâtre d'aujourd'huiDe Jean-Paul Sartreà ArrabalEd. Le Bélier Prisma,528 p., 30,20 FUne anthologielargement commentée,qui groupe la plupartdes auteurs dramatiquesdes dernières années.
François NourissierHenri Cartier-BressonVive la France265 documents inéditsdont 17 enquadrichromieLaffont, 288 p., 75 FUn étonnant portrait dela France et desFrançaisd'aujourd'hui
Raymond DronneLa Libérationde ParisPresses de la Cité,348 p., 26,90 FUn document depremière main puisqueson auteur fut lepremier à pénétrer dansParis sur son charen août 1944.
THEATRECINEMA
Gérard GozlanJean-Louis PaysGatti aujourd'huiSeuil, 256 p., 18 FUne étude critique etbiographique qui éclaired'un jour nouveaul'homme et l'œuvre.
première et décisivebrèche dans lesystème stalinien.
Robert TownsendAu-delà dumanagementTrad. de l'américainArthaud, 216 p., 20 FUne mise en piècesaussi féroce que toniquedes mythes dumanagement.
DOCUMENTS
Jacques MinotL'entreprise EducationNationaleA. Colin, 432 p., 43 FUne contributionoriginale à l'œuvre derénovationadministrativedans un secteur clé.
Jacques NobécourtL'Italie à vifSeui·l, 368 p., 30 FPar le correspondant à. .Rome du • Monde " un Henri Jé!nnèsbilan sur l'Italie actuelle, Le d~~sler secretles forces politiques du telep~oneen jeu, les perspectives F!ammarlon, 192 p., 16 Fd'avenir. L.au~e~r .de ce
requlsltolre assure laprésidence del'association des usagersde télécommunications.
R. NitscheL'argentColl. • InternationalLibrary •Flammarion, 128 p.,19,50 FL'évolution de lamonnaie depuis saforme la plus primitivejusqu'à son rôle dansl'économie moderne.
Michel BodiguelCorsaires et négriers5 illustrationsEditions Maritimes etd'Outremer, 244 p., 18 FLes aventures descorsaires et négriersd'après les journauxde bord de l'époque.
Christian BrincourtMichel LeblancLes reportersPréface de J. Kessel16 p. d'illustrationsR. Laffont, 384 p., 24 FUn portrait sur le vifdu métier de reporter,à travers lesconfessions de centjournalistes.
• Vladimir DedijerLe défi de TitoStaline et laYougoslavieTrad de l'anglaispar M. PazPréface de K.S. KarolGallimard, 368 p., 32 FUn document depremière main surl'affaire yougoslave etune analyserétrospective de la
Bruno TavernierLes grandes routes400 documents inéditsLaffQnt, 288 p., 79 FL'histoire des grandsitinéraires de lanavigation mondiale detous les temps.
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Celso FurtadoL'Amérique LatineTrad. du portugaispar E. BailbyEd. Sirey, 300 p., 44 FUn ouvrage de synthèsesur le développementéconomique des paysd'Amérique Latine.
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6 Michel Déon Les poneys sauvages (Gallimard) 9 27 . Anne Hébert Kamouraska (Le Seuil) 1
8 Philippe Alexandre Le duel de Gaulle-Pompldou (Grasset) 3 29 Gilbert Cesbron Ce que Je crois (Grasset) 6 1
10 Michel Tournier Le roi des aulnes (Gallimard) 1
LA QUINZAINE LITTERAIIIEVOlJS RECOMl\tIAN[lE
Liste établie d'après les renseignements donnés par les libraires suivants:Biarritz, la Presse. - Brest, la Cité. - Dijon, l'Université. - issoudunCherrier. - Lille, le Furet du Nord. - Lyon, la Proue. - Montpellier,Sauramps. - Paris, les AIIscans, Aude, au Charlot d'or, Fontaine, la Hune,Julien-Cornic, Marceau, Présence du Temps, Variété, Weil. - Poitiers,l'Université. - Rennes, les Nourritures terrestres. - Royan, Magellan, Strasbourg-Esplanade, les 1Id6es et les arts. - Vichy, Royale.
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Daniel Chauveyles femmes Intéressées Alain Lancepar les problèmes Autogestion
du recyclage.Les gens perdus Seuil/Politiquedeviennent fragiles Une analyse approfondiePierre Jean Oswald/ des contenus concrets
Georges Sonnler Action poétique. de l'autogestion, par unLa montagne et homme qui joint àl'homme l'expérience militante42 hors-texte la compétence d'unA. Michel, 336 p., 39 F THEATRE cadre industriel.Une histoire de lamontagne et des Fioccarapports qu'elle Jean-Louis Barrault L..ltalien enentretient avec Jarry sur la Butte 90 leçonsl'homme. Gallimard/Le Manteau Livre de Poche.
d'ArlequinLe texte de la pièce
Marie-Louise HeersreprésentéeEric Bublozactuellement à
l'Elysée-Montmartre. Les Etats-Unis
POCHE contemporainsA. Colin/Dossiers
LITIERATURE Tennessee Williams Sciences HumainesLa statue mutilée Un ensemble deLivre de Poche. documents d'où se
Colette dégagent les caractèresLa naissance propres à ladu jour civilisation américaine.Flammarion ESSAIS
ColetteDaniel JoskiArtaudJulie de Camellhan Raymond Aron Ed. Universitaires/Livre de Poche. La philosophie Classiques du XX·
C.V. Gheorghiucritique de 11alstoire siècleSeuil/Points. La portée·
Le meurtre de révolutionnaire deKyralessa André Breton· l'œuvreLivre de Poche. Les vases d'Antonin Artaud.
communicantsVictor Hugo Gallimard/Idées Emmanuel RenaultBug JargaI suivi de
Thérèse d'AvilaLe dernier jour René Guénon et l'expérienced'un condamnéLivre de Poche. Le règne de mystique
la quantité et Seuil/Maîtres
Octave Mirbeaules signes des temps spirituelsGallimard/Idées. La vie et l'expérience
Le jardin des supplices de Sainte ThérèseLivre de Poche.
Allen Dulles d'Avila et leurLes secrets d'une signification pour les
Alan Paton reddition chrétiens d'aujourd'hui.Quant l'oiseau cI1sparut Livre de Poche.Livre de Poche.
M.-e.
Louis PergaudRoman Jakobson Ropars-WuiUeumierEssais de linguistique De la littérature au
De GoupIl à Margot générale cinéma : genèse d'uneLivre de Poche. Seuil/Points. écriture
Lénine A. Colin/U2Georges Simenon Textes sur les Une initiation àLa nuit du carrefour syncIcats l'esthétiqueLivre de Poche. Editions de Moscou cinématographique.
La QuIma"'e UttâaIre. du le: au 15 décembre 1970 31
Réclamé par les spécialistes, attendu par tous les lecteurs cultivés,voici enfin le premier DICTIONNAIRE D'HISTOIRE UNIVERSELLEparu depuis cent ans.L'Histoire depuis cette époque, a pris de nouvelles dimensions. :économiques, sociales, idéologiques, dont le nouvel ouvrage sedevait de tenir compte. Si tous les événements, tous les personnagesde l'Histoire, de tous les peuples dans tous les pays y sont traités,une part importante n'en est pas moins réservée aux Etats les plusrécents d'Asie ou d'Afrique.Plus de 1 000 synthèses sur les sujets majeurs, 29 000 définitionsclaires et précises, 4 000 articles divers, 18 000 personnages, 6 000villes ou lieux historiques cités, traitent aussi bien des personnalitésqui ont marqué leur époque - qu'il s'agisse d'Alexandre Le Grand,de Juliette Gréco, d'Einstein ou de Hemingway... que des doctrineséconomiques, de l'Histoire politique des partis, de l'évolution socialeet culturelle des Etats.Truffé de faits, de dates, d'informations, le DICTIONNAIRE D'HISTOIRE UNIVERSELLE, l'est aussi d'anecdotes amusantes ou tragiques. Il est fait de toutes les histoires qui ont fait l'Histoire: tellecelle de Jeanne 1re , Reine de Naples, qui eut quatre maris et, pourse faire absoudre du meurtre présumé de l'un d'eux, vendit Avignon80 000 florins au Pape Clément VI. On y lit aussi bien la descriptiondes" fourches patibulaires" ce que fut la "cabale des Importants"que l'Histoire complète des Etats-Unis, du communisme ou même
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