Quinzaine littéraire, numéro 93

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14 Stéphane Mallarmé

SOMMAIRE

a LB LIVRBDB LA QUINZAINE

58

'1 ROMANS .,RANÇAIS

•8 ROMANS

ETRANGERS

10

18 HISTOIRELITTERAIRE

18 BXPOSITIONS

18 HISTOIRE

20

2123

24 THEATRE

25 CINEMA

28 ..EUILLETON

Jules Laforgue

Violette LeducMichel Butor

Jean Pierre FayeDenys Viat

Clarice LispectorIsmaïl Kadaré

Laco Novomesky

Dirigée par Claude Pichois

Martchenko

Jean CharlotGeorges Clemenceau

Bernard Shaw

Poésies complètes

La folie en têteLa rose des vents

Les TroyensLe cœur en bandoulière

Le bâtisseur de ruinesLe général de farmée. morte

Portrait de Bergamin

Villa Téréza et autres poèmes

Littérature française

Correspondance III, 1886-1889

L'Afriqùe à MarseilleUn Californien à Amsterdam

Mon témoignageLes camps en U.R.S.S.après Staline

L'homme Lénine

Le phénomène gaullisteLettres à une amie(1923-1929)

Major Barbara

Objectif: Vérité

w

par Claude Pichois

par Anne Fabre-Lucepar Roger Borderie

par Marc Saportapar Alain Clerval

par Michèle Albrandpar Gilles Lapouge

par Claude Royet Florence Delav

par Serge Fauchereau

par Claude Bonnefoy

par Michel Décaudin

par Guy C. Buyssepar Jean-Luc Verley

par Roger Dadoun

par Vladimir Socoline

par Pierre Avrilpar Madeleine Reberioux

par Gilles Sandier

par Jacques-Pierre Amette

par Georges Perec

Crédits photographiques

La Quinzainelittéraire

2

François Erval, Maurice Nadeau.

Conseiller : Joseph Breitbach.Comité de rédaction :Georges Balandier, Bernard Cazes,François Châtelet,Françoise· Choay,Dominique Fernandez, Marc Ferro,Gilles Lapouge,Gilbert Walusinski.

Secrétariat de la .rédaction :Anne Sarraute.

Courrier littéraire :Adelaide Blasquez.

Maquette de couverture :Jacques Daniel

Rédaction, administration :43, rue du Temple, Paris-4e•

Téléphone : 887.48-58.

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Directeur de la publicationFrançois Emanuel.

Imprimerie: Graphiques GamboBImpression S.I.S.S.Printed mFrMef

p. 3p. 4p. 4p. 5p. 6p. 7p. Ilp. 12.p. 13p. 15p. 17p. 19p.20p.21p. 22p.23p.24

Pierre Cailler éd.Pierre Cailler éd.Pierre Cailler éd.Lüfti OzkokVascoLe SeuilD.R.D.R.Arthaud éd.Le Seuil éd.D.R.Le SeuilFayard éd.Fayard éd.Elliott Erwitt, MagnumRené DazyBernand

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LB LIVRB DB

LA QUINZAINB

Laforgue en poche

La QuinzùDe littéraire, du 16 GU 30 Gvril 1970

par Claude Piohoisle livre de poche, dans uneculture de masse, porte uneresponsabilité grandissante.Etudiants et lecteurs, ensei­gnants parfois, ne voient pastoujours la nécessité d'ac­quérir le même texte à unprix plus élevé. D'autant quesa présentation matériellepermet de l'utiliser dans descirconstances où, naguère,on aurait eu scrupule à ou­vrir un volume : aux Essaispubliés dans la « Bibliothè­que de la Pléiade -, Thibau­det appliquait le mot de Cicé­ron : nobiscum rusticantur.Combien plus vrai, mainte­nant, de ces petits livres !

Jules LaforguePoésies complètesPrésentation, noteset variantesde Pascal PiaLivre de poche

Leur apparition a aussi coïnci­dé avec le moindre respect portéà l'ouvrage imprimé, relié ou sim­plement broché -, à moins qu'el­le ne l'ait provoqué. Il en allaitdu livre comme du morceau depain qu'on avait brichaudé ou desdernières gouttes de vin au fondd'un verre, et peut-être pour lesmêmes raisons lointainement reli­gieuses : un tabou l'écartait durebut; les ciseaux, les encres decouleur n'osaient le défigurer.Que de travaux se font, au con­traire, à partir de deux exemplai­res d'un titre publié, dans les col­lections de poche : pages colléessur de grandes feuilles, constella­ti9ns de couleurs pour analyser,décomposer, recomposer. Qui dirasi quelques formes de la nouvellecritique ne sont pas nées de cettecommodité ?

Encore faut-il que le texte soitpur, fidèle. C'est loin d'être tou­jour le cas. Quand se lit au débutd'un Oberman : c: On verra dansces lettres l'expression d'un hom­me qui travaille », au lieu de :c: On verra dans ces lettres l'ex­pression d'un homme qui :rent, etnon d'un homme qui travaille »,n'y a-t-il pas lieu d'être saisi dedoutes, qui s'étendent à l'ensem­ble du volume? Une étude peut­elle prendre appui sur ces sablesincertains? L'éditeur - au senscommercial du terme - semble

parfois attacher plus d'importan­ce à la préface dont il pense qu'unpeu snob elle rajeunira un vieux·texte. Mais la préface de A est in­terchangeable avec la préface deB et, de toute manière, C pourraitl'écrire, et D et E. Points de vueou guides..ânes.

A l'autre extrémité du largeéventail dont se composent lescollections de livres de poche, ilest des auteurs qu'on ne peutlire, qu'on ne doit lire que souscette forme : le texte est pur, ilest exhaustif. Ainsi du Tout Ubuprocuré par Maurice Saillet. Etaujourd'hui des Poésies complètesde Laforgue dues à Pascal Pia( c: le livre de poche classique »,n° 2109, 672 pages!).

De cette œuvre, on connaît de­pnis longtemps l'histoire, dumoins sa fin, dessinée à grandstraits. En juillet 1885, paraissentles Complaintes, en novembre dela même année, l'Imitation deNotre-Dame la Lune. A partird'avril 1886, Laforgue écrit lespièces qu'il compte publier sousle titre: des Fleurs de bonne vo­lonté. Alors, dans la Vogue, enjuiri-juillet 1886, il prend connais­sance des Illuminations ainsi quede vers libres de Gustave Kahn ;sous ,cette influence, il rompt avecson ancienne esthétique, peu ouprou classique, assortie de disso­nances, et il renonce à publier desFleurs de bonne volonté, qu'il vatraiter comme une carrière. Il enextrait cinq poèmes dont il cons­titue le Concile féerique, publiédans la Vogue en juillet 1886, puisen une plaquette. D'autres poè­mes offrent des éléments auxDerniers 'Vers - douze pièces,dont onze furent insérées dans laVogue (août-octobre 1886) et dansla Revue indépendante (novembre1886) ; elles répondent à cetteconfidence, de juillet 1886c: roublie de rimer, loublie lenombre des syllabes, j'oublie ladistribution des strophes, mes li­gnes commencent à la marge com­me de la prose. L'ancienne stro­phe ne reparaît que lorsqu'ellepeut être un quatrain populaire,ete. ». Il est d'ailleurs probableque Laforgue a récrit, dans le sensd'une plus grande libération, cer­tains des onze poèmes publiés etque le dernier mot appartient nonaux imprimés, mais aux manus­crits. Puis, c'est la maladie et, enaoût 1887, la mort.

Jula lAlor&ue, bois de Félix Vallolon

Un recueil, deux plaquettes, voi­là les œuvres publiées par Lafor­gue. L'édition de' Pascal Pia lesreproduit, bien entendu, et lesfait suivre des Fleurs de bonnevolonté et des Derniers Vers dontFélix Fénéon et Edouard Dujar­din avaient donné en 1890 unetranscription que le nouvel édi­teur juge exemplaire, ,après enavoir éprouvé l'exactitude au vudes manuscrits. Ce sont les deuxdernières sections qui apportentles plus grandes nouveautés.

Les c:Poèmes posthumes divers»rassemblent les pièces qui n'a­vaient été recueillies ni par La­forgue lui-même, ni par Fénéon etDujardin, mais qui sont entréesensuite dans les prétendues édI­tions d'œuvres complètes procu­rées par Camille Mauclair (1901­1903) et Georges Jean.Aùbry(commencée en 1922 et re~tée ina­chevée), ainsi que par Sergio Ci­gada dans son édition des Poesiecomplete (Rome, Edizioni dell'Ateneo, [1966], 2 vol.), désor­mais incomplète, mais fort. bienprésentée, accompagnée de nom­breuses variantes et préfacée parSergio Solmi. Les c: Poèmes iné­dits », dernière sectiQn, le sont

au sens absolu - et c'est la plusgrande partie - ou, ayant été im­primés du vivant de Laforguedans des périodiques quasimentintrouvables, n'avaient pas encoreété publiés en volume. Cette for­mule a l'avantage de souligner leconsidérable apport du «Livre depoche », dont le juste sous-titreest : Edition augmentée de soi­xante-six poèmes inédits, mais ellea l'inconvénient de disperser despoésies vraiment contemporaines.Par exemple, les «poèmes posthu­mes divers » contiennent quatrepièces publiées dans la Guêpe(Toulouse) de juillet à septem­bre 1879, et les « Poèmes inédits»six pièces publiées à la même épo­que dans le même périodique, plusune partie en août 1879 dansl'Enfer, autre petite revue toulou­saine (leur auteur pensait alors lesrecueillir sous le titre : Un amourdans les tomb~). Pour suivre aussiexactement que possible l'évolutionde Laforgue, il convient que lelecteur établisse une table chrono­logique en s'aidant des indicationsdonnées par Pascal Pia et dontbeaucoup résultent de sa patienteet scrupulel,lSC étude des manus­crits. Ce classement chronologiqueest d'autant plus nécessaire que la

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majeure partie des poésies retrou­vées est antérieure aux Complain­tes et représente donc une impor­tante époque de composition poé­tique.

Comment expliquer le progrèsconsidérable que Pascal Pia vientde faire accomplir à notre connais·sance de Laforgue? Par le sortdésolant qui fut réservé aux pa­piers de celui-ci, histoire doulou·reuse qui fut racontée naguère parun excellent laforguien, J .•L. De·bauve, lequel nous promet deuxvolumes de et sur Laforgue. Dansla Revue d'Histoire littéraire· dela France d'octobre-décembre 1964,M. Debauve a mis en cause Ca­mille Mauclair, tartuffe du s)1UÙ>O­lisme. Pascal Pia aggrave l'accu­sation_ et la dirige égalementcontre X... : les inédits de Lafor·gue communiqués au Mercure deFrance, lorsque Mauclair préparasa mauvaise édition, furent si bienconservés par cette maison queGeorges Jean-Aubry, qui préparala seconde édition du Mercure,

Dessin de Jules Laforgue

Jules Laforgue à Berlin

n'en eut pas connaissance... Depuislors, ces manuscrits de poèmes,pour ne pas parler des autres frag­ments, ont été diaboliquement dis­persés. Et il a fallu, des annéesdurant, la quête acharnée de Pas­cal Pia aidé par des libraires etdes collectionneurs, pour que l'œu­vre de jeunesse (si l'on peut dire...)de Laforgue retrouve un visage.

Traditionnellement, des éditionss'ouvraient sur le Sanglot de laTerre, recueil que Laforgue rêvaautour de 1880 et qui compta jus­qu'à 1800 vers. Le titre de ce re­cueil et son inspiration généraleétaient connus par la correspon­dance. D'autre part, en préparantla première édition du Mercure,Mauclair avait reçu communicationde nombreux manuscrits inédits.Par une sorte de soustraction hâ·tive, de l'inconnu sur le connu, lareconstitution du Sanglot, titrebéant, semblait légitime. PascalPia se méfie : alors que Laforguenous a laissé une table des piècesqui devaient entrer dans Des fleursde bonne volonté, le Sanglot de laTerre n'existe qu'à l'état de projet:Mauclair, en choisissant, parmi lesinédits, vingt.neuf pièces, coifféespar lui de ce titre, s'est·il demandé« s'il n'en retenait pas de posté­rieures à l'abandon du projet derecueil poétique dont il prétendaitdonner un aperçu» ? Devant ceparti-pris on comprend mieux lavolonté strictement scientifique dunouvel éditeur. Celui-ci se refuse.à remplacer de vieilles hypothèsespar d'autres, de crainte d'imposerbientôt au lecteur des traditionstQut aussi suspectes.

Pascal Pia nous offre une édi­tion savante - et critique, au vraisens du mot, car les notes recensenttoutes les variantes des poèmes, deleurs brouillons et de leurs versionssuccessives. C'est donc là un étatprésent de notre connaissance poé.tique de Laforgue, et l'instrumentle plus sensible qui permette depoursuivre l'heuristique. L'œuvrepoétique de Laforgue n'a sansdoute pas fini de livrer ses secrets :« Il est à présumer - écrit PascalPia - qu'on repérera çà et làd'autres inédits de Laforgue etd'autres versions de poèmes déjàconnus. » Mais l'essentiel est main·tenant découvert, et c'est à PascalPia que nous devrons pendant desannées de pouvoir lire un Laforgueremembré.

Les poèmes retrouvés - grou·pons sous ce titre les «Poèmesposthumes divers» et les «Poè·mes inédits ~ - ressuscitent le La·forgue des années 80. Ils témoi·gnent de l'extraordinaire souples­se d'un poète moins précoce queRimbaud, mais aussi moins libreque lui. Rimbaud pouvait con­fesser le génie de Baudelaire sansen être offusqué. Laforgue, dixans plus tard, sent peser sur luicette grande ombre. Il sait la ra·nimer, en activer les ressourcespoétiques. Là où Baudelaire n'o­sait, s'échappant par la voie dupoème en prose, Laforgue, lui, ose.Et l'on comprend peut-êtremieux, à lire les inédits recueillispar Pascal Pia, l'admirationvouée à Laforgue par un EzraPound notamment, admirationqu'il me sur ait plus chiche­ment à Baudelaire, lequel luiparaissait par foi s timoré. Sil'on voulait à tout prix trouverune formule, il faudrait imaginerau point de départ de l'itinérairelaforguien un Baudelaire compli.qué de Charles Cros, - HubertJuin ayant avec raison attiré l'at­tention 8ur les vertus provocantesdu Coffret de santal (1) .

Le Laforgue d'avant«1_ Complaintes»

Ce Laforgue d'avant les Com­plaintes, ce Laforgue de vingt ansdont les lecteurs de la Quinzainelittéraire ont déjà pu goûter la pri.meur, ne rend pas toujours le sonvolontairement aigrelet, agaçantaux dents comme un fruit vert,

des poèmes postérieurs. Il est par­fois de ton plus ample, ainsi qu'ilconvient à une inspiration volon·tiers cosmique. Si l'on retire dugroupe des poèmes dont Mauclairavait constitué le Sanglot de laTerre, la Complainte de l'organistede Notre-Dame de Nice, dont onignore la date de composition, etla Chanson du petit hypertrophi­que, composée dès 1882, et qui nesemblent appartenir ni l'une nil'autre au Sanglot, on constate àun certain moment le ferme des·sein d'édifier un poème philoso­phique. Mais déjà, et admirable­ment, Laforgue sait tordre le couà l'éloquence : le sonnet sur l'Hé­lène de Gustave Moreau, si par­nassien de sujet, se termine enpointe par un concetto à rebours.De même, le sonnet suivant, Veilléed'avril. Hélène est une petite bour­geoise qui craint de « prendrefroid »; une méditation sur « lepourquoi des choses de la terre »se perd dans « Le roulement impurd'un vieux fiacre attardé ». Lapoésie traditionnelle est désamor·cée ; atteinte est portée aux grandsthèmes, récrits sur un autre regis­tre. A sa manière, Laforgue illustreles « deux qualités littéraires fon­damentales » que Baudelaire avaitconsignées dans Fusées : « Surna­turalisme et ironie » ; l'humour,· àla Henri Heine, se substituant lcià l'ironie.

L'expression cc poésies de jeu­nesse » est restrictive, dépréciative :on pense à des gammes, réservantles mélodies aux recueils publiéspar Laforgue. Erreur. La publica­tion des recueils s'explique par leurunité : celle du genre (les Com­plaintes), celle d'une typologie(l'1mitation...), celle d'un thème(le Concile féérique). Mais non paspar une différence de qualité :Apothéose, Bouffée de printemps,Excuse mélancolique, les Amou­reux, Dans la rue, les Boulevards- chacun fera son choix - sontdignes des poèmes publiés jadis ounaguère.

Pascal Pia n'a donc pas seule­ment complété l'œuvre de Lafor­gue : il a renouvelé la conceptionque nous en pouvions avoir; il l'amise en perspective. Grâce à lui,toute réticence doit céder. Laforguen'est plus comparable, à son dé­triment : il est un très grand poète.

Claude Pichois

1. Dans sa préface aux Œuvru poéti­quu de Laforgue, éd. Pierre Belfond,[1965], • Poche-Club poésie •.

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Le Dtal d'êtreComment jamais réaliser lafin de la • bâtardise », des­serrer J'étau que constitue lepassé et accomplir une véri­table naissance au monde ?Telle est la question quepose Violette Leduc dans celivre qui reprend la quêted'une coïncidence avec soi­même commencée avec laBâtarde. et qui confirme jus­qu'au délire J'impossibilitéqu'il y a à vouloir nier le'déracinement fondamentalqui est notre condition.

1Violette LeducLa folie en têteGallimard éd., 412 p.

Le « mal d'être », l'inadaptationprofonde au monde et à autrui quipouvaient aisément trouver leur jus­tification dans la guerre, la luttecontre la faim et le désespoir pré­sentés dans la Bâtarde ne peuventplus servir d'explication dans laFolie en tête. Les ponts sont pourainsi dire coupés, qui mènent auxsolutions pseudo - rationnelles, etforce nous est maintenant de com­prendre que le déracinement et ladéréliction de l'être sont en faittoujours antérieurs à la présencedes situations traumatisantes elles­mêmes. Tout incline en fait à croire'que l'ensemble des activités mercan­tiles par exemple, auxquelles se li­vrait avec tant de passion l'héroïne,servaient seulement d'écran à unedifficulté d'être plus générale, etqui se manifeste de manière déci­sive dans les rapports avec autruicomme horizon essentiel de touteexpérience vécue par la narratricede la Folie en tête. Pourtant, lespentes névrotiques sur lesquelles cebouleversant voyage intérieur nousinvite à glisser, sont aussi le luxeparticulier qui s'attache à 'la réus­site littéraire - réussite dans la­quelle cet autre lU:ll;e qu'est le suc­cès lui-même a toujours pour en­vers une transfiguration tragiquedu destin humain.

Considérés dans cette perspec­tive., les récidives mercantiles (vé­cues ou imaginées, peu importe)mais certes. incompréhensibles enface du « chemin» parcouru parl'auteur, son amour panique desobjets et sa perpétuelle terreur du« besoin », s'expliquent ocmme ten­tatives désespérées d'ancrage dansle réel et non pas en tant queconduites d'aliénation.

Le drame dans la possibilité rie(( printemps » que représente lanaissance à la vie littéraire et laconsécration par l'écriture qui vien­dt-ah' enfin iustifier l'existence del'écrivain dans le monde, c'est laprésence des autres. C'est pat' euxque s'exprime la carence fondamen­tale contre laquelle l'œuvre s'in·surge comme devant un scandale.Ils sOnt véritablement (( l'enfer»

'diïns le sens sartrien, pour VioletteLeduc qui ne vit leur présence que

, sur le mode du refus de sa propreexistence. Cette « affamée » dévo­re autrui de son désir pour se lais­ser ensuite détruire par lui. (( L'au­tre», qu'il soit Simone de Beau­voir, Jean Genet, ou Jacques ­l'impossible amant - est toujoursinaccessible parce que son désir est( ailleurs». On sait, d'entrée dejeu, qu'il vise un autre être, unautre objet que la narratrice. Saisisun instant comme possibilités pro­videntielles de coïncidence avecsoi et avec le monde, les autres netardent pas à se transformer enobstacles. Ils ne cessent alors derenvoyer, par leur seule existence,à un don impossible d'eux-mêmes,à une disponibilité dont l'absencene peut que désespérer celle quifixe sur eux son désir.

Ce livre sera donc aussi une tra­géd~e : celle du désir et du, manquequi confirment l'impossibilité dubonheur et l'impuissance de vivre.Pour l'auteur, l'activité littéraireest à la fois le seul refuge qui de­meure devant l'échec dans le mon­de, et l'assurance tragique que l'onest toujours seul et abandonné de~

autres. L'écriture c'est donc al1S!Ül'échec devant la vie, comme leremarquait Sartre, quand il écri­vait :

« Il n'y a pas de don d'affabu­lation : il y a la nécessité de dé­truire virtuellement le monde par·ce qu'anse trouve dans l'impossi­bilité d'y vivre. Il n'y a pas dedon verbal : il y a l'amour desmots qui est un besoin, un vide,une misère, une attention inquiètequ'on leur porte parce qu'ils pa­raissent recéler le secret de lavie... (1).

Violette Leduc ne dit pas autrechose quand, à propos de l'activi­té littéraire, elle conclut :

( Ecrire, c'est tremper sa plumedans l'eau de mer le premier jourdes vacances. Le reste est combi­naisons... tout le monde est écri­vain, après, ce sont des jeux deglaces... Courir d'une certaine fa­çon pour attraper un papillon, c'est

avoir un style... Ecrire le mot im­possible sur la courbe d'un arc·en-ciel. Tout serait dit. » (p. 411).

Le réçit sera donc un constatd'échec, ou il ne sera pas. Il re­présentera la transfiguration et ladestruction répétées des possiblesqui s'annulent douloureusementdans une conscience crucifiée lelong des années. Violette Leduc(( à bout de souffle», laisse fuserles métaphores et se débonder degrandes richesses intérieures sur unfond de négativité tragique.

Elle crucifie les_ printemps desa vie comme ceux de ses amours.Assumant jusqu'au bout son entre:prise de destruction, elle fait deses rapports avec les autres desthéâtralisations intérieures (trèssarrautiennes d'ailleurs) au seindesquelles, imaginaire et surréelprésident à la tétanisation dGulou­reuse des contraires: ou bien l'ab·sence d'autrui la confirme dans sanon-existence, ou bien ~lle trembleà l'idée d'oser exister devant lui.(De Genet elle dit: ( Je disparaisquand il arrive », et elle ajouteun peu plus loin : « C'est terrible...il m'accorde trop d'importance ».) .

Le monde de « l'autre » est doncvécu ainsi, sous le signe' d'unecontradiction irréductible : il esten même temps l'objet d'un désirinfini, et il est subi comme unemenace perpétuelle et obstacle per­manent à la réalisation du désir.

Violette Leduc nous donne dansce livre un tableau des plus saisis­sants de la solitude à laquelle sontcondamnés la femme, l'écrivain,solitude à laquelle ils se condam­nent aussi eux-mêmes. Mais cette( aventure » est toute vibrante desparoles, des émois, des séismes quifont de ce destin difficile la ma­tière du livre. Dieu qui sembleavoir donné à l'auteur « la per­miSsion de tout détruire » lui aaussi donné celle de tout fairerenaître sous sa plume, dans undésordre qui est celui de la vitalitémême de l'esprit et du cœur.

C'est dans la contradiction etl'ambivalence i n t i mes de ce« vécu » que réside la « vérité »du récit. L'amour y apparaît com­me la simultanéité déchirante dudon et du refus de soi et de l'autre:« C'est mon 'enfant, nous dit-ellede celui qu'elle aime. Je le couve.C'est en le couvant que je suis leplus vipérine. Je sors mon veninau moment où j'embrasserais ledessus de sa main... Je le vomis,ensuite je l'enveloppe de tulle.

Violette Leduc

C'est mon guepter d'impossibilités,j'y suis reine. Je me perds en l'ai·mant, je me perds en le démolis·sant... Qu'est.ce qu'adorer? C'estprier pour le boulet qu.'on a aupied ». (403).

Pourtant, les trêves ne sont pasabsentes de ce livre, et parfois la« féroce abeille » se perd un instantdans le padum des fleurs qu'elledévore. Paris s'enchante sous sondard amoureux : « Des pierres, desrugueuses, des rébarbatives, dessymétriques... le pont. Lointainsraffinés, lumières d'orient entre lesbranches ciselées. Notre·Dame estvoilée de sris, enivrement» (243).Les « cantiques » que sont pour

.l'auteur les romans de Genet, trans­paraissent ainsi dans la poésie d'unpaysage, ou dans le sordide-sublimed'une scène de prison, très Marat­Sade par ailleurs.

Simone de Beauvoir est aussi unetrêve.. Violette Leduc lui doit l'exi­geance sécurisante d'une amitiésûre, vécue à une distance consen­tie et conquise sur le désir, et quien fait, la rassure en dépit destourments qu'elle a pu provoquerchez un être qui ne cesse de tropdemander à autrui. La sereine« exemplarité » de cette amie quilui demande toujours si « elle atravaillé», oriente chaque fois lestumultueuses gravitations de lanarratrice vers un centre d'apaise­ment qu'elle s'acharnait à oublieret dont la présence fait que, sou­dain, les maléfices de la créationchan.gent de signes,' et se transfor­ment en grâces. Par elle, le côtépositif de la création se fait jourdans le sens que Gracq lui donnequand il écrit : « Servir avec intel­ligence les fatalités de sa proprenature, là réside le seul génie ».

Mais écrire, pour Violette Leduc,c'est aussi « prendre dans ses brasun absent »; c'est étreindre la« tendre indifférence » du monde,l'aimer à fonds perdu et se perdreen lui, pour rien.. Il s'agit aussid'accomplir par la lettre et ( avantla lettr~ » sa propre fin, et d'ac­quiescer par l'écriture à la doubleorgie de la vie et de la mort dontl'être du monde nous propose lemodèle.

Anne Fabre-Luce

1. ~. Cantat, M. Rybalka : w Ecritsde Sartre, «la Vocation d'écrivain:o,Gall. 1970, p. 696.

La Qui~e littéraire, du 16 ou 30 ovrü 1970 5

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Butor Areve sur Fourier

1Michel ButorLa Rose du Ven.ù(32 Rhumbs pourCharw Fourier)Coll. te Le Chemin ».Gallimard éd., 173 p.

On connaît la doubl.e prédi·lection de Michel Butor pourle rêve et la science. Elle

.trouve l'.occasion de s'accom·plir, par exemple. dans l'évo­cation de villes imaginaires.La ville est à la fois le lieude ,mille techniques et unproduit de l'imagination. Ence sens toutes les villes sontimaginaires: nous avons bâtinos rêves.

Dès 1953, Butor consacrait quel.ques pages pénétrantes à la science·fiction. Il y était question de villesfutures, de villes prédites, et Butorestimait qu'un système qui seraitassez fort pour intégrer les mythesfondamentaux dans le corpus scien·tifique contemporain., nous permet.trait (nous obligerait) de construireces villes rêvées. Mais un tel systè.me fait défaut et toujours selonButor, la science·fiction tourne àvide. Ainsi Les récits de S·F tirentleur puissance d'un grand rêvecommun que nous avons, mais ilssont incapables pour l'instant delui donner une forme unifiée. C'estune mythologie en poussière, im·puissante, incapable d'orienter no·tre action de façon précise.

Il n'y a donc rien d'étonnant àce que Butor ait été fasciné parl'œuvre de Charles Fourier qui of·fre un modèle de structures d'uneincomparable richesse. Le Traitéde l'Harmonie Universelle, le Nou­veau Monde Amoureux, le Nou­veau Monde Industriel, Analogie etCosmogonie, la Fausse Industrie,etc., constituent une somme de vè.ritable cosmologie.fiction.

Charles Fourier a imaginé unmodèle d'organisation de ses écrits,destiné il régir en même temps queses livres, « aussi bien la suite desâges de l'individu que celle des pé.riodes de l'histoire humaine ». Cepropos fait évidemment penser à ladémarche de savants (tout près denous : Einstein) partis à la recher·che d'une formule unitaire, d'uneéquation en tout cas d'une des plussaisissantes tentatives jamais décri·tes, de charpenter une mythologiede notre temps. La base de ce mo-

6

~'fichcl But"r, par \ '"CO

dèle d'organisation c'est, pour Foù·rier, la série de 32 termes, gammedu nouveau monde harmonieux.L'aspect scientifique précùrseur decette géniale rêverie à moins traità l'astrophysique ou aux sciencesnaturelles (encore qu'il soit iciabondamment question de Pluri­vers ou d'antibaleines et que la né·cessité d'une Encxclopédie natura·logique enluminée constammentmise à jour, soit clairement établie)qu'aux principes combinatoires surlesquels se fonde cette philosophiesérielle.

La théorie de Fourieroomme maohine à rêver

Selon Fourier, l'histoire de l'hu·.manité comptera donc 32 périodes.Il ne nous décrit que les neuf pre·mières, mais la grille qu'il proposeest conçue en fonction d'une struc·ture assez forte, et Butor est assezrompu à ces sortes de rêveries sys·tématiques, pour que ce dernier,extrapolant, ait pu entreprendre decompléter le tableau, se servant dela théorie de Fourier comme d'Une

véritable machine à rêver. Unexemple de cette « forme unifiée »qui faisait défaut à la Science·fic·tion était trouvé, et ce petit livrede 170 pages constitue un extraor·dinaire répertoire de sujets deScience·fiction. Sa force réside dansle fait que chaque sujet s'inscritdans une vision globale, au lieu defrapper d'impuissance l'imagina.tion, en lui proposant des thèmesde recherche divergents, fragmen.taires, contradictoires. Bien au con·traire, une nécessité organiquesemble devoir présider ici aux des·tinées de l'ensemble. En montrantque les périodes futures peuventêtre déduites des périodes décrites,Butor souligne que le système deFourier fonctionne.

A ceux qu'une lecture trop hâ·tive abuserait et qui se refuseraientà voir dans le fruit de la complicitéde Fourier et de Butor autre chosequ'un tissu d'élucubrations gratui.tes, nous ne saurions trop conseil·1er de se reporter à un autre ouvra·ge qui vient de paraître et mérite·rait un long commentaire; il s'a·git des excellents Fragments théo·riques l, de Henri Pousseur essaisur la musique expérimentale, pu­blié par les Editions de l'Institutde Sociologie de l'Université Librede Bruxelles. Le titre de la Conclu·sion est à lui seul tout un program·me fouriériste : Pour une périodi.cité généralisée. On peut y lire ceslignes significatives :

« Il semble possible de proposermaintenant, comme développementde la pensée sérielle, une méthode« périodique» généralisée, capablede donner à tout, au plus simplecomme au plus complexe, au connucomme à l'inconnu, au tout nou·veau comme au très ancien (et parexemple aussi aux formulationsthéoriques antérieures) un commundénominateur très proche de la réa·lité, parce que répondant à la foisaux propriétés synthétiques, concrè­tes et qualitatives de l'objet et auxexigences rationnelles de notre es·prit, une méthode capable d'ouvrirà tous ces domaines la voie d'unfonctionnement coordonné, d'unecoopération fructueuse. Je trouvecela d'autant plus utile que nousavons justement besoin, pour réa·liser les intentions formelles et ex­pressives très vastes développéespar la musique sérielle de trouverles moyens de réintégrer autantque possible le simple et le défini,de les mettre, par le truchementd'une économie générale, au servi·

ce d'un projet de variation, de dif·férenciation et de démultiplicationextrême ».

Inutile d'insister sur le fait quecette « économie générale» dontparle Pousseur, est précisément l'ob­jectif visé par Fourier. Remarqua­ble anticipation de ce structuralisteavant la lettre, de ce structuralistevisionnaire.

On imagine tout le parti que Bu·tor pouvait tirer d'une telle struc·ture génétique, qui recoupe, à cha·que intersection du rêve et de lascience, ses propres recherches.Fourier avait conçu cette pile géné.ratrice de rêves; Butor fait passerle courant. De l'hypothèse grandio­se (tout ce qui dure est assimilableà une onde) se déduisent indéfini·ment de nouveaux mondes. Le poè.te sans cesse à l'affût de nouvellesfleurs, de nouveaux astres, de nou­veaux sens, trouve ici l'occasiond'ébaucher une véritable Petite En­cyclopédie des Envies de vivre in·connues. Les dernières pages du li·vre sont d'une émouvante beauté.L'essayiste, de son côté, instaureune nouvelle pratique très complexeet fructueuse de la lecture. Lecturesmultiples : lecture de Fourier parFourier, impliquée dans le principemême de l'extrapolation; lecture deButor par Butor à travers Fourier.Ainsi lorsque Butor écrit : « Si lapensée de Fourier nous apparaîttoujours à travers un brouillard, s'ilfLOUS faut perpétuellement ln re·constituer ce n'est nullement là unhasard; il convient que le· lecteurlanguisse vers une harm.onie en­tr'aperçue », ne suggère-t-il pas unerelecture de ses propres harmoniesdéguisées, étant entendu qu'un es·sayiste commente toujours l'œuvrede son auteur en des termes qu'ilsouhaiterait voir appliquer à lasienne propre ?

Ici Butor ne s'est pas contenté detraverser le texte de Fourier d'unelumière nouvelle; il s'est arrangépour que la théorie de Fourier tra·verse d'une nouvelle lumière sespropres écrits. Le résultat est sin·gulier : les deux œuvres se traver·sent mutuellement. En un sens Bu­tor s'est approprié l'œuvre de Fou·rier. On pourrait dire que désor·mais le Traité de l'Harmonie Uni­verselle fait partie de son œuvre.Mais ce n'est pas tout: la Rose desvents, de Michel Butor, doréna­vant fait partie des œuvres complè.tes de Charles Fourier.

Roger Borderie

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ROMANS

Lire autrelDentFRANÇAIS

1Jean Pierre FayeLes Troyenshexagramme ou romanColl. Change Le Seuil, éd. 368 p.

Si le lecteur des Troyens faitpreuve de patience, ou se piqueau jeu des déductions que lui pro­po~ l'auteur, un certain nombrede faits se dégagent bientôt du li·vre où tout semble, à premièrevue, hypothétique, et se regrou­pent en certitudes. Ainsi, il appa­raît de façon rassurante que, mal­gré l'enchevêtrement initial desnotations éparses, l'on a affaire àun début d'intrigue : le narra·teur, livré à des recherches bi­bliographiques se trouve à Troyes.Par sa fenêtre, il observe unejeune femme qu'il finit par ren·contrer et avec qui il échange despropos téléphoniques. Bien queson nom varie parfois, elle répondau diminutif de El.

De même, l'on apprend, sansl'ombre d'un doute, que le biblio­graphe a rencontré, pour son tra­vail, une jolie documentaliste eu­rasienne, du nom de Lé. Il entre­tient aussi des rapports épistolai­res avec une Vanna qu'il n'a ja­mais vue.

Bien que ses relations avec lestrois jeunes femmes ne soient ja­mais claires, nombre de notationsérotiques, de mystérieuses anecdo­tes induisent à se demander sanscesse comment se dénoueront cesliens ambigus et pour quelles nou­velles liaisons. Tel est le suspense.

Comme le parler de J.P. Fayeest aussi compliqué que possible,et néo-médiéval en diable, ce sus­pense' est entretenu par la dé­marche imposée au lecteur : celui­ci doit déduire, détecter sans re­lâche, comme si le roman était po­licier, où tout l'intérêt consiste àdéjouer les ruses d'un auteur ap­pliqué à brouiller les pistes. Allette particularité près, que lesindices sont dans les mots et l'ex­pression, non dans les faits.

A cette première intrigue sen­timentale, et qui se dessine assez,-îte, dans l'entrelacs des lignes deforce, s'ajoute une dimension quiressortit plus ouvertement aux ro­mans de mystère. Tout donne àpenser que les personnages obs­curs, désignés sous le nom de «Té­moins », pour être apparus lorsd'un minime accident de circula­tion, font partie d'~n complot où

sont impliquées les jeunes fem­mes.

Lorsque l'émeute éclate, en vil­le, à la fin du livre, le lecteur estincité, malgré qu'il en ait, à cher­cher le rapport caché entre l'évé­nement politique et l'intrigueaIJ;loureuse. Mais en cours de rou·te, la menace, réelle ou supposéeque fait planer la présence descomploteurs ajoute au mystèreambiant.

Pourtant, rien de tout cela n'estvraiment apparent dans les pagesde Faye, ni même aisément com­préhensible. Au contraire, le tex­te, par ses implications incessan­tes et ses sous-entendus, revêt unetelle obscurité que l'on ne parvientà discerner ces faits qu'à force d'at­tention.

L'un des aspects les plus intéres·sants de l'exposé tient, notam­ment, au fait que tous les hérossont, de près ou de loin, affiliés àdes groupes rivaux' de linguistesqui se livrent à des recherchessur des dialectes divers, tandisqu'une sorte de personnage supé­rieur et lointain, connu de 'tous,respecté, craint, même par ceuxqui semblent s'opposer à lui, ten·te de mettre au point l'appareilde synthèse, la machine à traduiretous les parlers.

Une indioationlourde de sens

Ces écoles de lexicologues sym­bolisent-elles dans la pensée deFaye l'émiettement des groupus­cules de gauche? Plus précisé­ment, veut-il dire que les élémentsdivers du mouvement révolution·naire international diffèrent sur­tout par le langage et qu'il leurfaut avant tout chercher un dia­lecte commun? Leurs étudesthéoriques signifient-elles quetoute révolution est, avant tout,une question de vocabulaire ? Oubien ne. faut-il pas aller cherchersi loin l'explication d'une fantai­sie allégorique ?

Car l'auteur a pris soin de lais­ser dans le vague la relation quipourrait exister entre l'activité deces diverses organisations et lestroubles qlli ensanglantent la Cité.Après tout, il pourrait s'agir d'évé­nements séparés.

Pourtant, si J.P. Faye a prissoin de qualifier son œuvred' « hexagramme », ce n'est passeulement parce que le nom de

Jean.Pierre Faye

roman ne convient plus à un mo­de de narration de plus en pluséloigné du discours romanesquetraditionnel. A son tour, cette in­dication est lourde de sens. D'unepart, elle fait allusion aux cinqrécits antérieurs de l'auteur, aux­quels le nouveau livre s'articule etemprunte nombre de personnages.D'autre part, ses six chapitrespermettent de dessiner entre lesprotagonistes une série d'interpel­lations dont la géométrie se révè·le lorsque des calligrammes, en find'ouvrage, font apparaître sur lespages l'hexagramme de Pascal,dessiné par des mots.

Le lecteur est enfin incité à re­chercher des correspondancessouterraines à chaque carrefour :c'est l'usage de tournures emprun­tées au vieux-français qui s'har­monise discrètement avec les pré­occupations des philologues ;c'est la reversibilité des deux pré­noms El et Lé, dont chacun estl'envers de l'autre, mais qui, ac­colés renvoient à l'éternel Fémi·nin, Elle : c'est même, dans lamesure où les comploteurs sup·posés s'abritent derrière des re­cherches sémantiques~ l'allusion àtel ou tel groupe de littératurequi a cru ou voulu participer auxévénements de 68, sinon à ceuxqui ont suivi.

Tout cela, qui donne une idéede la richesse intrinsèque de cet­te splendide expérience littéraire,est couronné par la meilleure des­cription que l'on ait encore faitedes émeutes de mai 68... à ceciprès que le livre était terminé (entoutes ses parties, précise l'auteurdans une note) en février 68. Lecroira qui voudra 'et qui connaît

la bonne foi de J.P. Faye dont lesTroyens révèlent ainsi un certaindon inattendu de voyant.

Une obsouritédiftloile à peroer

Reste que, pour le lecteur inat­tentif, le texte tient du rébus, etque chaque passage revêt une ob­scurité difficile à percer. Peut-onprendre plaisir à cet exerciced'exégèse pe'rpéiuelle que consti­tue la lecture' de l'hexagramme ?Certes, mais l'on peut se deman­der aussi pourquoi l'écrivain apris ce détour pour raconter unehistoire. Autant s'interroger surles raisons qui portent un auteurde la Série noire à entourer unmeurtre de mystère. C'est là toutle problème du choix d'un genre.

Mais encore, pourquoi introduî·re dans un roman intellectuel dehaut vol, des procédés empruntésà un genre mineur? Sans douteparce que les procédés narratifsaudio-visuels remplissent le rôledévolu traditionnellement au ré­cit. Pour éviter que celui-ci, sup­planté par l'image, ne tombe endésuétude, il faut que le publicapprenne à lire autrement.

La peinture est devenue abstrai·te quand la photo a relevé l'artde ses fonctions de copiste. Le ro­man devient abstrait depuis quela narration crève l'écran. Cen'est pas la première fois que desécrivains - peu nombreux enco­re, il est vrai - utilisent la pagecomme un espace scénique à orga­niser et intègrent au texte des cal­ligrammes, non pas comme ceuxd'Apollinaire qui étaient des finsen eux·mêmes, mais à titre d'élé­ments inhérents à l'intrigue.

La page oommeespaoe soénique

Au demeurant, il n'est pas im­possible que J.P. Faye et une poi­gnée d'autres ne soient, en la ma­tière, destinés à faire subir auroman une mutation aussi sensi­ble que celle survenue dans lasculpture contemporaine - mobi·les et fers à souder - par rapportà la rondebosse. A moins, toutsimplement, que contesté par latélévision, le conteur ne soit enpasse de prendre la place laisséevacante par le poète.

Marc Saporta

La Quinzaine littéraire, du 16 ou 30 avril 1970 7

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ROMAN.$ Le langagedes pierres

1Denys ViatLe cœur en bandoulièreGallimard, éd., 144 p.Enfin un jeune écrivain qui ne

s'est pas cru obligé de défaire lelangage, de céder au vertige del'espace en l'emplissant d'idéo­grammes subtils, ni de prendre leLivre pour un tabernacle. DenysViat s'abandonne au seul bonheurd'écrire, de voir fuser en gerbes defeu une imagination et une sensi­bilité flamboyantes. Son premier etbref roman frappe par un accentlyrique, une superbe faite d'inso­lence et de désinvolture que brisesoudain un sanglot ou un sarcasmeblessé, une démarche incisive etbaroque tout en ruptures, en vol·tes et en retraits.

C'est dans la lignée de Morand,Larbaud, Nimier et Fitzgerald qu'ilfaut placer un récit imprégné d'in­fluences littéraires qui orchestreavec une somptuosité désespéréedes variations sur le thème roman·tique de l'adieu à l'adolescence, cecalamiteux passage de l'enfance àl'âge d'homme. Théobald, son hé­ros, est frère de Barnabooth parl'exigence et l'humilité éperdue.Pour se guérir du deuil de Sibylle,noyée en mer, sa cousine et samaîtresse, le narrateur que l'ar­gent, la fatigue des sens et des sen­timents vouent à l'exil intérieur,fait le tour du monde pour fuirun baillement précoce. De Saint­Tropez aux Baléares, à la NouvelleOrléans où, parmi les magnolias surle seuil des portiques à blanchescolonnades des demeures colonialesse dresse l'ombre de Faulkner, oubien en Arabie sur les traces deNizan, Théobald se dissipe en aven·tures et en fêtes galantes.

Comme Patrick Modiano avecqui il mÎmifeste une parenté cer­taine par l'humour et les pirouet­tes, Denys Viat éprouve un plaisirprovocant à s'exhiber en des tra­vestissements qui lui servent à seperdre ou à ressaisir sa fuyante iden­tité. L'enfance, l'amour et la morts'entrelacent en de savantes figu­res que gâte, parfois, uI!e excessivesophistication. Mais, nous retienttoujours un accent personnel quibalance de la dérision glacée àl'exaltation, de l'enjouement auxcrispations du défi, de la gouaillearistocratique à l'humilité infinie,où s'affirme la marque d'un écri­vain de tempérament. Sans doute,ce premier livre aura-t-il permis àDenys Viat de jeter sa gourme, dese délivrer des boutons de fièvre quiabîment son style.

Alain Clerval

8

1Clarice LispectorLe bâtisseur de ruinesTrad. du brésilienpar Violante do CantoGallimard éd., 327 p.

« Monter la colline, s'arrêter ausommet et, sans regarder, deviner,au·delà de l'étendue conquise, laferme, au loin... ». Ce rêve d'éva­sion de Joana, l'héroïne adolescen­te du premier roman de ClariceLispector, Près du cœur sauvage(Plon, 1954), Martin, l'homme, leréalise dans le Bâtisseur de ruines :il a su, à partir d'un geste de co~

1ère, d'un geste qui a tué, gravird'un (c grand bond» la colline pourembrasser d'un regard neuf surl'autre versant la vallée où tout enbas, dernière étape, la ferme, lacc fazenda » et deux femmes sont làpour abriter mais aussi le livrer ­refuge et guet.apens.

La trame policière, le Crime etson Châtiment, la piste perdue puisretrouvée du meurtrier traqué qui,après un long temps se laisse arrê­ter, n'est évidemment ici que pré.texte à la poursuite de cette allé­gorie en trois parties, de ce voyageintérieur du Nouveau Pélerin quipourrait avoir nom Chrétien, à. larecherche de sa vérité, par-delà lebien, purifié par l'acte du Malirrémédiable et nécessaire qui l'ar·rache à la banalité, la contrainte duquotidien et le délivre : (c Jusquelà. ce qu'il avait vu, il avait évitéde le voir, tout ce qu'il avait fait,il ne l'avait pas fait vraiment, ettout ce qu'il avait senti, il l'avaitsenti de travers ».

A partir de ce moment, il se re­trouve et se découvre comme il dé­couvre, les yeux ouverts, la gran·deur du monde- et le langage despierres. Comme si l'acte de mortlui transfusait la vie. Clarice Lis­pector l'avait déjà écrit : « N'est-cepas dans le mal que l'on peut res­pirer sans crainte, ouvrir à l'airses poumons ? » et Martin se sentplus caline quand il voit dans samain l'oiseau qu'il vient d'y écra·ser...

De là, il reconstruit, prudem­ment, sans cesse sur ses gardes,pierre à pierre, son univers. Il vavers un but encore confus, infor·mulé, par le labeur imposé et ac­cepté, l'héhétude, la lutte contre lestentations, notamment la plus insi­dieuse, celle du bonheur : c( A pré·sent qu'il avait créé de ses propresmains la possibilité de ne plus êtrevictime ni bourreau, d'être en de­hors du monde et de ne plus être

troublé par la pitié ni par l'amour,de n'avoir plus besoin de punir nide se punir - inopinément l'amourpour le monde était né. Et le dangerest que s'il n'y prenait garde, il re­noncerait à aller plus avant ». En­fin, au terme des renonciations, iltrouve avec extase le nom de saquête laborieuse : le salut. C'est àce moment. que surgit la punition,la censure du vieux monde : l'in­tervention ridicule du tribunal dé­risoire et bavard - le professeur,le maire, les inspecteurs - qui luirévèle que même son crime n'a pasabouti.

A la fin de son voyage, c'est doncl'éblouissement de l'échec, mais« l'histoire d'un homme ne serait·elle pas toujours l'histoire de sonéchec? ».

Histoire de la solitude et du si·lence ; atmosphère lourde des nou­velles de D.H. Lawrence transplan­tée dans les plaines du Brésil oùl'homme, importun et désiré, re­nard rôdeur, inquiète et tourmen­te, réveille les élans du sang, lespulsations sourdes, les enviesd'amour sans amour, vite calméeset ne laissant que regrets ou ran­cune, où trois êtres se côtoient, seguettent et s'affrontent, impuis­sants à partager joie ou angoisse« parce qu'on ne peut pas dire jet'aime ». Un monde immense et closoù la terre, la nature apporte sonécho : sèche, tourmentée et avidede pluie ; décor de Chirico : désertde pierres, arbre isolé, soleil énor­me, à portée de main et qui rendfou. Pour accuser mieux la profon­deur de la désespérance, le vol del'oiseau, pérdu et retrouvé, toujoursprésent, plumes chaudes et sang,essor et chant, symbole de libertéet de mort.

Histoire inquiétante, lente, en­voûtante, difficile, dense, parfoistrop dense. Dans la mesure où l'in­trigue n'est que prétexte, où le dé·détail concret n'apparaît que pourrenforcer le battement des conscien­ces, les monologues intérieurs enva­hissent tout le champ : même si ungeste, un regard, un moment de lanature viennent les éclairer, tous,à la fin, étirés sur la longueur d'unroman, finissent par se ressembleret c'est là peut-être le défaut de celivre, de pêcher par excès, dans ceta- priorisme d'incommunicabilitédes êtres, ce vouloir systématique.ment poussé à l'excès de tout inté·rioriser, on aboutit à une forme deparalysie. A force de ne voir que le« dedans» des choses, de vouloir

exprimer l'inexprimable, de letourner et le retourner, de tenterde l'explorer jusqu'au fond, avec lacruauté de projecteurs braqués, lalumière trop crue a mangé le re­lief, le vertige du mystère et la dou·ceur des ombres. Les discours 'et lesmots se succèdent sans jamais seconfondre, sans ces retours et dé·tours, fils impalpables, imprévisi­bles associations, caprices du mot,touches successives, jaillissementsque l'on trouve chez VirginiaWoolf, par exemple et qui sont laVle.

Michel Albrand

LES REVUES

Les Temps Modernes

(N° 284). - Si l'on excepte lesnotes de cInéma, de musique et dethéâtre, ce numéro de mars des T.M.est entièrement politique : il estcomme le dit Jacques Derrida dansune polémique avec le poète Jacques.Garelll qui l'avait pris à partie • pres­Que exclusivement consacré à la révo­lution, en cours ou à venir, à ses guer­res et à ses guérillas à travers lemonde ". En l'occurrence: le marxismede Mao et la gauche européenne, leBrésil, la Méditerranée des Polices,le Mexique et, pour la France, uneanalyse sévère du Parti CommunisteFrançais et des commentaires sur lesort des travailleurs émigrés.

Cahiers des amisde Valery Larbaud

(N° 5). - Pour ouvrir le numéro,un texte très émouvant de Claude Roy,lauréat du prix V.L. - Des lettresinédites de Larbaud à Léon·Paul Far­gue et à J.G. Aubry sont, en outre,publiées en bonnes feuilles avant leurparution chez Gallimard.

Aménophis

(N° 5). - Revue belge Qui se veutexpression d'une • littérature parai·lèle ", c'est-à-dire une littérature Qui,• en rupture avec la tradition cultu·relie, propose une nouvelle explora­tion de l'espace verbal et graphique,et une intégration directe et révolu­tionnaire des notions de temps, destructure et d'énergie. Une littérature,en somme, redevenue action ".

J.W.

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Un grand rOlllan albanais

""4VRIL 1970

8,65F

5,80F

4,35F

8,65F

24,80F

On a pu comparer ce roman auDésert des Tatares, de Dino Buz·zati et il est vrai que certainsaccents sont communs aux deuxlivres mais le récit d'Ismail Kadarén'est pas un récit fantastique. Ka­daré n'a jamais besoin de recourirà l'imaginaire pour nous donnerà voir ou à partager le ballet funè·bre de ses fossoyeurs, leur rondedans les cercles interminables dela mémoire, de la mort ou de ladétresse. En ce sens, il est plusproche d'un écrivain visionnairecomme Faulkner que d'écrivainsfantastiques comme Buzzati, Kafkaou Gracq. Au vrai, il n'est pasnecessaire de lui chercher des pa·rentages : ce livre se suffit à luimême. Tour à tour cocasse et cruel,sarcastique et jamais méchant, ten·dre et désespéré, plein de verveet grave cependant, ce livre annon·ce la naissance d'un grand talent.

Gilles Lapouge

LI"'ELa révolution bolchevisteP.P.8."u

Catalogue sur simple demande à la Librairie Payotservice QL : 106, boulevard Saint·Germain - Paris 6·

B. IIILmOWSII 1

La vie semeDe des sauvagesdu nord-ouest de la 1161aD6sieP.P.8... 168

PETITE BIBLIOTBEQUE PAYOT

ILBIRT ORIIIIRLes8aulolsP.P.B."167

RICHIRD IVUSEntretiens avec C.G. Jungavec des commentaires d'Ernest .JonesP.P.B.I'166

IIIICII ILlIDEDe Ialmons à lengis-Khan6tudu compuaUvu sur lu reUgioDS et le folklore de la Dacie etde l'Europe orientale 29,70 F

SIIIIIL!De la proleettonune 6tude PSJchaDalJ1ique

comme le serupule n'est pas sonfort, elle n'hésite pas à chaparderles cadavres italiens et à les fairepasser pour siens. Quel sacrilège !Tant de vilenie jette le généralitalien dans l'indignation : « Lesrestes de nos soldats vont être di.~­

tribués à des familles étrangères.Ils nous chipent les nôtres ». Lesfossoyeurs s'acharnent mais rien neva plus. On creuse la terre et l'onne découvre pas le moindre cada­vre parce que l'autre mission araflé auparavant toute la récolted'ossements. Tout cela est biendécourageant. Les deux missions sesurveillent, se disputent les dépouil­les comme deux troupeaux de hyè­nes. Le devoir sacré du générals'achève dans une sorte de déban­dade qui répond, peut-être, à ladébandade de jadis, comme si lesfossoyeurs ne formaient que le du­plicata grotesque, sinistre et spec­tral des adolescents de jadis.

La brume, le froid,l'épouvante, l'horreur

Mais le bonheur des commence·ments ne dure pas. Une guerre abeau être achevée depuis vingt am.elle commet encore des méfaits. Lessignes inquiétants se multiplient.Une vieille Albanaise mélange lesannées et maudit les envahisseursétrangers. On dirait que la compa·gnie des fossoyeurs a pouvoir deremettre en marche le temps quis'était pétrifié depuis vingt ans. Laguerre parle, elle envoie des mes­sages. Des bouts de passé sont arra­chés en même temps que les cada­vres : les papiers que l'on trouvesur les morts, un médaillon autourd'un ossement, le journal intimed'un jeune soldat fasciste, tout celaranime les braises de l'ancien com·bat, de l'ancienne misère. Un fos­soyeur se blesse en maniant les dé­pouilles, il meurt, comme si uneballe tirée vingt ans plus tôt attei­gnait enfin sa cible. Le généralassiste, médusé, à ces malheurs. Ilentre dans l'horreur.

La guerre parle

La pluie ne cesse guère de tom·ber, tout au long de la mission.Dans la brume et le froid, l'équipepoursuit son inventaire. L'épouvan­te augmente et la dérision. Uneautre nation, qui a eu maille à par­tir, elle aussi, avec les Albanais,a dépêché dans le pays une mis·sion identique mais cette missionn'a pas des plans aussi remarqua­bles que ceux des Italiens. Et

Dans les débuts, la mISSIon dugénéral se déroule assez bien. Com­me l'armée italienne est parfaite­ment administrée, les fossoyeurs seguident sur des plans précis. Ilscreusent la terre à coup sûr ettrouvent tous les cadavres qu'ilscherchent. Le général en tire va­nité: «Nous sommes les fossoyeursles plus modernes du monde ». Ilserait presque gai, ce général cro·que-mort. En même temps, il estému à l?idée de tous les orphelins,de toutes les veuves pour lesquels ilest en train de gratter les boues del'Albanie. Le groupe accomplit di­gnement son devoir : il déterre, ilcontrôle, il vérifie, il établit deslistes. Il forme d'impeccables pe­lotons de cadavres.

De ce pays lointain et pres­que imaginaire qu'est l'Alba­nie, un roman nous parvientaujourd'hui et il étonne : ilne sacrifie ni au réalisme so­cialiste, ni à la propagandemaoïste. 1\ est profondémentincarné dans la réalité alba­naise mais il est pur de toutfolklore et de tout régiona­lisme. En vérité, cet écrivaininconnu d'un pays dont la lit­térature écrite est inexis­tante ou ignorée nous pro­pose d'emblée un livre. Re­marquable.

Cette guerre italo-albanaise faitle thème du roman d'Ismai! Ka·daré. Nous sommes en 1958, vingtans après les hostilités. Une mis­sion italienne est envoyée en Alba­nie pour arracher à la terre étran­gère les restes des soldats mortset les rapatrier. Ce devoir sacréest confié à un général et à unprêtre. Les deux hommes débar­quent à Tirana par une neigeusejournée d'automne. Un groupe decinq fossoyeurs leur est adjoint etvoici la funèbre petite équipe occu­pée à fouiller les montagnes afin derecomposer, sous forme d'ossementsenveloppés dans des sacs en nylon,la brillante armée qui s'y décom·posa vingt années auparavant.

Il raconte une histoire de guerreet c'est que la guerre est la grandeaffaire de cette nation. On prétendque chaque nourrisson y reçoitun fusil dans son berceau. Devenusgrands, les Albanais brûlent d'uti·liser ce fusil. Que cette anecdotesoit légende ou vérité, le sûr estque les Albanais forment un peuplede guerriers tout à fait redoutables.Accrochés dans leurs montagnesde début du monde, inaccessibles àla peur, féroces et intraitables, ilsse battent comme des fauves, de·puis le début des temps, contre tousles conquérants qui ont tenté deles soumettre. Le sol albanais estplein de soldats tués. Parmi cespeuples conquérants, il en est undont les souvenirs sont particuliè.rement amers : l'Italie qui se lanceglorieusement contre la minusculeAlbanie, en 1938, et dont les lé·gions sont décimées.

1Ismai! KadaréLe général de l'armée morteAlbin Michel éd., 288 p.

La Quinzaine littéraire, du 16 GU 30 avril 1910 9

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Portrait dePortrait? Plutôt idéograDlDte par Claude Boy

Ce grand d'Espagne est untout petit homme, net com­me un merle bien lissé,juste plissé autour des yeuxnoirs d'oiseau vif, les plis del'attention, de la malice ai­guë, du chagrin tout de suitedéguisé en sourire.On ne sait pas du tout s'ilest si léger que le vent val'emporter d'un coup de ventamical, ou s'il est si ailéqu'il va se jouer du vent, denous, de lui-même. Se jouer?Est-ce que c'est bien le mot?Il a l'air de s'amuser maisc'est très gravement. Il fartchavirer la barque des lo­cutions toutes faites, il metun bonnet d'âne aux idéesreçues, il bouscule les puis­sants, les pesants (c'estcomme un pick-pocket, pourmieux leur faire les pocheset prouver qu'elles étaientvides), il lance des sailliescomme on lance des fléchet­tes en papier, il birliboqueet fait mouche de toute étin­celle. A première vue, oncroirait que dans le Qui­chotte il a choisi, plutôt que

Fils de Dieu et du Diable qui,en Espagne, prennent souventle masque l'un de l'autre, JoséBergamin a, aujourd'hui, soixan­te-quatorze ans. Cela a peud'importance puisqu'il se ditmort et devenu fantôme. Imagequi est un concept. Si l'allégo­rie dit une chose et en signifieune autre, Bergamin dit biendes choses qui en signifientd'autres.

Ses mains ont manié l'écri­ture comme une arme car il aaccompli le vœu de Machado etd'Hernandez : .que la plumevaille un pistolet! Il vit pauvre­ment, comme un étudiant, dansune chambre. En exil, commeun politique. Dans une cham­bre dans l'espace, comme lepoète. Et sa mince silhouettetoujours en marche, telle unesculpture de Giacometti, sem­ble avoir le temps avec sol.

1.

Sancho, trop lourd pour lui,que don Quichotte, tropgrand, de jouer le personna­ge du moulin à vent, le mou­lin moqueur qui moud legrain volant de la dérision.Derrière la grâce des maniè­res, et le sarcasme gai auxlèvres, comme un œillet depoète, rouge sang, ce mou­lin est un moulin rural. A lasagesse des nations de l'Es­pagne paysanne, Bergamin afait don d'une moisson deproverbes qui ont l'air immé­moriaux, et de p 0 ème squi ont l'air d'écho de vieilleschansons populaires. Quandon y regarde d'un peu plusprès, ces proverbes sont lé­gèrement sournois, déran­geants, de bien inquiétantsdictons. Et ce folklore imagi­naire, à mi-chemin de la pré­ciosité et du bon sens rail­leur, est tissé d'arrière­pensées. Non : ce n'est pasla sagesse des nations,c'est la folie des nationsqu'on aurait mal examinées,que Bergamin révèle.Bergamin, c'est avant tout

A peine une brise avait-ellerafraîchi l'Espagne et lui per­mettait-on de rentrer, en 1958,qu'il faisait une conférence surla censure et signait un mani­feste en faveur des mineurs engrève aux Asturies. Il fallutregagner Paris. Maintenant, onse méfie.

Ses œuvres, durant le pluslong exil qui dura deux décen­nies, 1939-1958, portent le nomdes pays qu'il a occupés: Mexi­que, Venezuela, Uruguay, Fran­ce. Sa solitude morale et poli­tique est telle que les infor­mations les plus absurdescourent sur lui. Le peintre DiegoRivera va jusqu'à le dénoncercomme agent bolchévique de­vant la commission sénatorialeaméricaine Dies. En fait, ce pas­sager sans autres bagages quesa famille - n'était-il pas hé­roïque d' a v 0 i r alors une

deux yeux perçants. Il a l'aird'un clown bien vêtu, céré­monieux, catholique et nar­quois; d'une balle de ping­pong noire sur un jet d'eaudésinvolte; d'un merle (déjànommé) qui siffle en persi­fiant; du maître des comé­dies du Siècle d'Or, quandil se déguise en valet, etque ce seigneur se montreplus agile à jouer des toursaux grands que les Farceurseux-mêmes. Mais tout celan'est que l'apparence, la po­litesse des apparences. Alire José Bergamin, à écou­ter don Pepe, on sait que lerire ou le sourire aigu nesont en lui que les étoiles fi­lantes d'une nuit admirable,de cette noire, somptueuseet fourmillante étoffe dont ontisse les rêves. Toujours enporte-à-faux entre exil etabsence, entre tragique vraiet feinte frivolité, entre lafoi et l'humour critique, entrele courage et l'ironie, JoséBergamin est un porte-à-fauxqui parle juste. Roseau quine plie ni ne rompt, il répète

famille ? - se pose dans lesuniversités pour que les étu­diants le fassent vieillir, publiedes revues, des articles, deslivres. Il collaborera quinze ansau Nacional de Caracas, jus­qu'en mai 68, où l'on jugea sonenthousiasme irrationnel et dé­finitivement impubliable.

Il avait quitté l'Espagne en1938. Premier écrivain catholi­que à se ranger aux côtés dela République, il avait créé avecMachado, Baeza, Alberti et Her­nandez, l'Alliance des intellec­tuels antifascistes dont l'acti­vité incessante au front commeà l'arrière-garde allait organiserun congrès international desécrivains à Madrid, pendantl'été 37, et, plus tard, un autreà Valence. Dans la bouche deGuernico, personnage de l'Es­poir, s'expriment certaines deses prises de position d'alors:

en riant que comme le RoiMidas le Roi Franco a desoreilles d'âne. Ecrire l'his­toire de Bergamin, ce seraitécrire l'histoire de l'Espagnequotidienne depuis trenteans, qui meurt souvent et nese rend jamais. Mais ce se­rait écrire aussi une histoireplus ancienne, pareille àcelle des journées du drameespagnol, où l'action se jouedans cent lieux et sur plu­sieurs plans, le Ciel. laTerre, l'Enfer. Où se' rejoi­gnent le sacré et le burles­que, la théologie et la farce,la politique et le jeu. Poète,dramaturge, essayiste, JoséBergamin est un orchestreoù don Pepe fait semblantparfois, malicieux, de n'êtreque le joueur de flûte, là-bas,entre la timbale et le bas­son. Mais quand on s'appro­che, on s'aperçoit que tousles musiciens, le chef et lecompositeur ont son visage,celui d'un petit homme quiest un grand d'Espagne ­un grand écrivain de l'Espa­gne.

cc J'attends plus pour monEglise de ce qui se passe main­tenant ici, et même des sanc­tuaires brûlés de Catalogne,que des cent dernières annéesde la catholique Espagne, Gar­cia. »

Les années qui précédèrentlà guerre civile avaient étéd'une grande activité Intellec­tuelle. Cruz y Raya que Berga­min fonda en 1933, + et -,revue d'affirmation et de néga­tion, complétait la Revista deOccidente d'Ortega y Gasset:tandis que cette dernière ou­vrait l'Espagne, l'autre l'enraci­nait dans une terre qui était satradition. La pure poésie espa­gnole s'êst toujours allié le ré­cit, a toujours chanté en racon·tant, comme l'a exprimé,à tra­vers une allitération qui estpresque un jeu de mots, Ma­chado : • la poesia canta y

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Bergalllincuenta •. Il s'agissait donc demettre au présent le récitessentiel de l'Espagne, en lerépétant de le découvrir.

Il veut délinéer l'objet dessystèmes de pensée qui occu­pent le présent, défaire les fauxalliages entre activité intellec­tuelle et étiquette confession­nelle, dégager la structure de laquête de ses finalités, bref, endonnant des frontières claires àla pensée retrouver celles de savérité et défendre l'authenticitédu combat pour les frontières.En fait il s'agit plus d'une dé­marche formelle que d'un enga­gement. Pourtant ceux qui l'en­treprendraient se verraient vitecompromis dans une batailled'hommes.

Singulière démarche quecelle de ce jeune homme, filsd'un ministre d'Alphonse XIII,qui avait étudié le droit pourpréserver les lettres et préfé­rait au bureau de son père dontil fut secrétaire les cafés litté­raires où explosa, en 1924,l'Etoile et la Fusée, son premierlivre de • doutes aphoristi­ques ". Nous pouvons remon­ter jusqu'à la grande maisonpleine de frères et de sœurs oùil fut élevé par des servantesandalouses « qui heureusementétaient encore analphabètes,c'est-à-dire conservaient unefraîcheur d'imagination et delangage qui correspondaient àl'enfance, à mon enfance ou àl'enfance de mon squelette D.

Ainsi arrivons-nous à ce pre­mier souvenir, ce jour où, entombant, il fit connaissanceavec la douleur et où il pritconscience que ce n'était pasla terre qui était si dure maisquelque chose en lui d'encoreplus dur qu'elle. • J'ai l'âmedans les os ", dira son don Qui­chotte. Et dans « l'invisible pré­sence vive de la mort qui naîtavec le squelette» il allait cher­cher son âme.

L'œuvre de Bergamin est dif­ficile à trouver, elle existe parfragments que republient timi­dement les éditeurs de Madridet de Barcelone ou des maisonsd'édition latino-américaines. Onpeut trouver traduits dans • lesLettres Nouvelles " de mars 59quelques-uns de ses Aphoris­mes, dans la N.R.F. d'août 65son Art de Birliboque. La ra­diodiffusion a monté deux deses drames, Echo où est-tu?

et Médée. La télévision vient delui consacrer un film de deuxheures • Masques et Bergamas­ques ou reportage sur un sque­lette " tourné par Michel Mi­trani. Mais l'édition complètede son théâtre, de ses essais,de ses poèmes, reste à faire.Alors Bergamin a pris uncrayon. Il a dessiné un arbrequi s'enracinait dans l'enfance,la poésie, et dont le tronc,mince comme celui d'un peu­plier, s'appelait aphorisme. Dece tronc s'évasaient deux bran­ches principales : le théâtre etl'essai. Les dernières frondai­sons se perdaient à nouveaudans le poème. Tel lui apparais­sait l'arbre de son œuvre.

L'essayiste et le dramaturgecommencèrent, en effet, parêtre aphoristiques. Que sa pro­se réfracte ou réfléchisse lesauteurs qu'il interroge, qu'ilanime dans de brefs dialoguesleurs idées et les siennes, ilva toujours à toute allure. Maisen compliquant son parcours.Car les personnages connusqu'il met en scène, Hamlet,Faust, Sigismond ou don Juanet don Quichotte (qui dialo­loguent aux portes de l'enfer,l'un voulant le quitter pour l'af­firmer éternellement. l'autre yentrer pour l'anéantir) doiventrépondre au sphinx espagnolqui pose l'énigme du paradoxe.Les voici projetés hors de leurdécor (l'œuvre d'où ils vien­nent) et entraînés par un mou­vement de spirale vertigineuxà tourner autour d'un autre axeque le leur.• La paradoxe estun parachute de la pensée. Jefais des paradoxes pour ne pasme casser la tête ". En d'autresmots, pour survivre. Dans unede ses Trois scènes à angledroit, un profane, un bourgeois,interroge anxieusement un moi­ne dont la robe de bure s'en­trouvre sur un costume d'Arle­quin. Le paradoxe est ami dumasque. Et si le masque a iciune telle importance c'est qu'àtravers lui, comme à travers leparadoxe, s'exprime une véritédissimulée par ce second mas­que qu'est le visage ou la pen­sée droite. Dans Mélusine etle miroir la thématique baroquede l'apparence et du reflet, del'envers et de l'endroit, du dé­menti. trouve son plus long dé­veloppement. « J'ai toujourspensé, écrit Bergamin, qu'un

masque qui se dévêt se sui­cide D. Sur la fantasmagoriebergamasque, quand les per­sonnages cessent de se prou­ver leur existence et se retrou­vent seuls, plane la menace dela disparition. Tel est le sensdu monologue inquiet de Mélu­sine qui se mire: cc Qui deman­de au miroir son avis?

Si son savoir est connais­sance ou pure intelligence? lt

Si l'aphorisme, ce • court­circuit de la pensée ", est restél'expression favorite de l'au­teur, c'est qu'il est un relai oùpensée et poésie se déchar­gent. A peine cet éclair a-t-iltroublé l'atmosphère, à peinea-t-il été formulé, qu'il disparaît.A nous les suites de l'orage.

La prose de Bergamin n'a,elle, rien d'aérien. Terre mor­celée en fragments de couleursdifférentes, compliquée d'unemultitude de sédiments divers,éventée et irriguée de partout,on ne découvre qu'à vol d'oi­seau, enfin la lecture achevée,la clarté géométrique de sonordonnance. Ses essais - etparticulièrement "admirableFrontières infernales de la poé­sie - sont écrits dans unelangue concise, difficile, oùl'œuvre interrogée et la répon­se donnée, les citations et lesdécouvertes, les échos et lavoix, se mêlent inexorablement.« Sur Sénèque, Dante, Rojas,Shakespeare, Cervantes, Que­vedo, Sade, Byron, Nietzsche...

mes yeux furent toujours p0­sés. Parce que d:ms ces neufje sens vraiment une vie éter­nelle. D C'est à chacun d'entreeLix - pré-chrétien ou antichré­tien - qu'il demande : où estl'Enfer, en-deçà ou au-delà de lamort? La véhémence du ques­tionneur semble prouver quel'enfer n'est pas pour lui uneillusion mythique mais bien uneréalité v ive que l'hommecontemporain élude en le limi­tant à ('infernale expérience hu­maine, en niant la possibilité deson prolongement au-delà de lavie. Partant de Sénèque quiaffirme • pire que la mort estsa tanière ", Bergamin décou­vre que dans l'homme est latanière. C'est l'affirmation tra­gique qu'il poursuit dans cesonge de la vie qu'est la litté­rature. En retrouvant l'hispani­té de Sénèque, que Nietzscheappelait toréador de la vertu,le sénéquisme de Shakespeare,le stoïcisme maudit de Sade(cc ne pas rire, ne pas pleurer:comprendre D) ou la surhu­maine libération morale deNietzsche, Bergamin découvrel'action dramatique d'affronterd'éviter à la fois la philosophieet la religion. Pour cet Espagnoldont on ignore ce qu'il regardesans sourire, l'art du torero. cc cejeu de pure intelligence où lejoueur risque sa vie If symbo­lise l'attitude exmplaire

Florence Delay

1.. Quinzaine littbrahe, du 16 /lU 30 avril 1970 11

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POÉSIE

Novornesky

Voici les lauréats:

convictions communistes restéesintactes après avoir tant souffert;un homme grand qui parle «Avoix haute ~ :

Serge Fauchereau

- Ça faisait mal?- Ça faisait mal, et commentEt aujourd'hui je ne sais plus

ce qui faisait le plus mal ;Le dégradant va-et-vient dans la

crasse et les ruisseaux,Les montagnes d'humiliations,

r offense et la faim,Ou le regret de tout ce que jadis

j'aimai...Je recommencerais par là

où nous avons commencé.Avec plaisir. Comme un savant

étudie les microbesQui le tuent.

Qui est-ce?

Comme nous J'avons dit dans notre dernjer numéro, aucundes participants au jeu Imaginé par Pierre Bourgeade n'a ré­pondu aux douze questions posées. JI nous a semblé, toute­fois, qu'un grand nombre d'entre eux, avaient des qualités delimiers littéraires qui méritent d'être récompensées.

A. M,-M, André Angoujard à Rennes et Yves Mathez à Bon­court (Jura Suisse) qui ont fourni six réponses justes, nousoffrons un volume à choisir dans la Bibliothèque de la Pléiade.

MM. Hubert Brlcaud à Cholet, Jean-François Marquet àTours, Tiar Malek à Paris (14') qui ont fourni cinq réponsesexactes ont droit à un volume de leur choix dont le prix n'ex­cède pas 30 F.

MM. Henri Gautreau à La Baule, qui avait pris un brillantdépart et Jean-Patrick Imbert à Toulouse (4 réponses justes)verront leur abonnement à La Quinzaine littéraire prolongéde six mois.

Abonnement prolongé de trois mois pour Albert Bensous·san à Rennes, Pierre Berthon à Bellerive-sur-Allier, Nicole Gil­bert à Paris-1S", Line Hémery à Paris-Se, Pierre Lepère à Paris­15", Isabelle Micha à Bruxelles, Alain Montandon à Paris-12"O. Denys à St-Etienne, Bernard Plouzennec à Quimper, JeanQuéguiner à Melun, Gyula Sipos à Paris-14· qui ont fournitrois réponses exactes.

Pierre Bourgeade et La Quinzaine littéraire s'en voudraientde ne pas remercier également les malchanceux qui, parleur nombre et leur empressement, ont contribué à l'intérêtdu jeu.

grisés de tant de découvertes,cependant qu'au-dessus de nos

têtes et sur Prague dans r ombrela bannière et le vent battaient

des mains dans le ciel denovembre.

Novembre. Octobre était doncdéjà passé. En filigrane du poèmea toujours couru l'histoire person­nelle du poète. Le lecteur est en­traîné par le mouvement de VillaTéréza, mais certaines allusionslui échappent. Les poèmes lesplus courts de la seconde partiedu recueil le touchent, le frap­pent, le heurtent davantage (et lechangement de traducteur, peut­être, n'y est pas pour rien). Leplus bouleversant dans l'œuvre decet homme emprisonné, bâillonné,est sa confiance en l'avenir, ses

l'éducation, poste qu'il occuperajusqu'à son arrestation en 1951.Accusés de trahison, Novomesky,Clementis et quelques autres sontcondamnés. Le poète échappe auxpotences staliniennes mais passe­ra plusieurs années en prison.Grâcié mais gardé à vue, il ensort à Noël 1955 (Sortir de la gri­saille des années avec un petit pa­quet sous le bras, aller et passerdevant la sentinelle...). Il devraattendre 1963 pour être réhabilitéet autorisé à publier. Retiré desaffaires publiques, Novomeskycontinue cependant à suivre at­tentivement la vie sociale de sonpays : à la fin de ce volume, dansun entretien avec Antonin Liehm,on le voit analyser avec intransi­geance l'antagonisme Tchèques­Slovaques et les dangers qu'il re­présente puisque toute interven­tion étrangère (1938 ou 1968) ena toujours profité.

Dans la Villa Téréza habitaitdans les années vingt, Antonov­Ovséenko, «Chef de la missiondiplomatique de l'URSS en Tché­coslovaquie ~; c'est à cet hom­me «injustement rayé de r his­toire de la révolution d'Octobreet des premières années derUnion Soviétique~ que le poèmeest dédié. Intéressé par toutes lesrecherches artistiques, Ovséenkorecevait volontiers les écrivains del'époque. Et ce sont leurs discus­sions d'alors que Novomesky seremémore, entre ceux qui vou­laient une littérature prolétarien­ne et ceux qui suivaient Nezval etles théories poétistes. Discussionspassionnées et fraternelles, heu­reuse époque dont un poète gardela nostalgie :

Laco NovomeskyVilla T éréza et autres poèmesTrad. du slovaquepar H. Deluy et F. KérelSuivi d'un entretienavec A. LiehmPostface de J. FelixP.J. Oswald éd., 142 p.

Cimetières immenses, angoissesans limites,

Age de crânes fracasséset de rêves fusillés

Tant de raisonsde se poser la question

Etre ou ne pas être...

A la libération, il est nomméCommissaire à la culture et à

Dans une collection qui, la pre­mière, nous a donné un choix depoèmes de Khlebnikov et de Vla­dimir Holan, un Russe et unTchèque, parait aujourd'hui uneanthologie de textes du plusgrand poète slovaque contempo­rain, Laco Novomesky.

Villa Téréza, le long poème quiouvre le recueil est la preoùèreœuvre que Novomesky donna aupublic lorsqu'il eut de nouveaul'autorisation de publier, qui luiavait été retirée douze ans plustôt. Avec un détail aussi tragique,il faut bien en venir à quelqueséléments biographiques puisque,outre la vie de l'homme qui ap­partient à l'Histoire - à la pou­tre horizontale de ce grand H,Staline fit pendre Clementis etSlansky -, l'œuvre du poète nousy invite.

Novomesky n'avait pas vingt­trois ans lorsqu'il publia Diman­che, son premier rècueil, en 1927.C'est l'heureuse période de la viedu jeune écrivain slovaque évo­quée dans Villa Téréza.

Installé à Prague, il est mêlé àtoutes les recherches de l'avant­garde sans s'engager dans aucunmouvement littéraire : une pho­tographie de l'époque montre unjeune homme souriant en compa­gnie d'un petit groupe au bordd'un lac où l'on reconnaît IIyaEhrenbourg, Roman Jakobson etVladioùr Clementis. C'est désor­mais un écrivain connu et un où­litant communiste actif que l'onverra dans des conférences à Mos­cou, à Paris ou à Madrid. Aprèsl'invasion nazie, Novomesky parti­cipe à la résistance et à la forma­tion du gouvernement tchécoslo­vaque en exil. Il écrit alors lespoèmes de D'un crayon de contre­bande :

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Nos lettres

11 a été tiré à part

1000 exemplaires numérotés

reliés pleine peau

Souvenirs de Max FrischKarl Korsch et Brecht

Hanns Eisleret le "Manifeste communiste"

BertoItBrecht

Dans toutes librairiesVolume broché 16.5 x 21.5 cm

couverture acétatée. F 35.-

Roland Barthes

L'empiredes signes

42 ILLUSTRATIONS

Vient de paraître

NouvellesLes Lettres

Nick Ra11lson .--- Jean Chesneaux:L'or et l'argent chez Jules Verne ---CharlesJuliet: Propos de Bram Van Veld~----Poèmes d'André Chédid---- Serge~~~ M~D~Marcei Jean-- José Pierre Domini'l"e Nores

Mais comment écrire l'histoirelittéraire? Cela déjà faisait pro­blème alors même - il n'y a passi longtemps - que celle·ci domi·nait l'enseignement et la critiqueuniversitaires. Depuis, la « nouavelle critique » influencée par lessciences humaines a proposé d'au·tres méthodes d'approche desœuvres littéraires. Sans doute,ces méthodes ne sont pas appli.cables telles quelles dans un ou·vrage aussi vaste et dont le butest d'être une « encyclopédie dela littérature française ». Toute·fois, elles ne sont pas ignorées,et au passage, J. C. Payen montrebien comment la littérature mé·diévale « se prête à ranalysestructurale ». Surtout, Claude Pi·chois, dans son introduction, pré.cise qu'une encyclopédie, au sensdu XVIIIe siècle ne peut se bornerà un ensemble de constatations,mais suppose une interprétation,des choix et des refus. Pour don­ner une unité à sa collection, ila procédé à un découpage en vo­lumes se référant non plus à l'his­toire événementielle (1610, géné­ralement adopté par les manuelscomme date charnière entre leXVIe siècle et le pré.classicisme« ne met en évidence qu'un cou·teau et une vell.ve : ce ne sont

Littérature Fra n ç ais e estd'abord une histoire de notre lit­térature, les origines à 1960. Elledoit être un instrument de travail- dont l'absence se faisait sentir,les histoires littéraires existantesétant soit trop brèves, soit partiel­les ou partiales, soit écrites deseconde main, soit trop marquéespar l'influence classique - pourles étudiants et les chercheurs.D'où la présence en fin de volu­me de dictionnaires et de ta­bleaux. D'où la rédaction de cha­cune des parties par un spécia.liste de l'époque concernée. Enmême temps, elle se veut d'unelecture agréable pour le profanequi se réjouira de certaines for·mules aussi vives qu'heureuseSlde Raymond Pouilliart, qui sui·vra avec plaisir Jean CharlesPayen dans ce monde médiévaloù « la nature collabore avec lagrâce ».

leur juste place. Mais c'est auseuil de l'ouvrage de Jean·Char­les Payen que, dans une intro­duction générale à la collection,Claude Pichois qui la dirige pré­cise les intentions et la structurede celle-ci.

Mme DI LA FAYETTE

« Le Moyen Age des ongmesà 1300 ~ est le quatrième volumeparu, mais selon l'ordre logiqueet chronologique, le premier desseize tomes de la collection Lit­térature Française. Depuis la pa·rution, il y a deux ans, de l'étuderemarquable d'Antoine Adam surles débuts de rAge classique, onconnaissait le style de la collec·tion, on appréciait que chaque ou­vrage fût complété par un tableausynoptique, une bibliographie etsurtout un très précieux diction·naire des auteurs et des œuvresoù les « minores » eux·mêmes, les« laissés.pour.compte » des ordi·naires histoires littéraires qui nes'embarrassent guère des victimesde Malherbe ou de Boileau, sonttraités avec précision et remis à

1Antoine AdamL'âge classique 11624-1660Tome 6, 312 p.

1Pierre ClaracL'âge classique Il.1660.1680Tome 7, 328 p.

1Raymond PouilliartLe Romantisme III1869-1896Tome 14, 340 p.

Ilean Charles PayenLe Moyen Age 1de~ origines à 1300Tome 1, 360 n.

1Littérature FrançaiseColl. dirigéepar Claude PichoisArthaud éd.

La Quinzaine littéraire, du 16 ·au 30 avril 1970 13

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Lepar Michel Déeaudin

pa de& objeü, de& perlOnnage&littéraires :t), mais à la notion dec générations littéraires :t. Demême, il impose à tous les ouvra­ges une structure commune. Maisce découpage et cette structuresont suffisamment souples pourque chaque auteur puisse, à l'inté­rieur, maDÜester ses goûts com­me adopter des méthodes person­nelles d'analyse.

Pour la perspective d'ensemble,Claude Pichois la définit ainsi :c La littérature n'est pas unen-soi. Elle est une manifestation- privilégiée, certes, par sa tIQ­

riété et ses nuances infiniu - der histoire des sociétés. :t Chaquevolume part donc de l'infrastruc­ture politique, économique et so­ciale d'une époque pour aboutir,après un panorama de l'activitélittéraire au sens large, à une ana·lyse des œuvres majeures. Maissur ce canevas, chacun brode Be­

lon son tempérament ou intro­duit les variantes qu'impose lapériode traitée. Si Pierre Claracdécrit les événements et lesœuvres de la période cla88ique,avec du reste une clarté et unehonnêteté scrupuleuses, JeanCharles Payen n'hésite pas à don­ner une analyse brillante de lacivilisation médiévale, à proposerune interprétation de la poétiquedes troubadours. De même cha­que auteur met l'accent sur un ouplusieurs problèmes. On sait gréà Pierre Clarac de nous exposerce qu'était la situation matériellede l'écrivain au XVII" siècle, àAntoine Adam d'insister sur leproblème de la langue au momentde la formation du cla88icisme etde donner la parole aux baroqueset aux précieux. à RaymondPouilllart de dégager le rôle de lapresse littéraire, de chercher dansles expériences des symbolistes,les sources de la littérature mo­derne, d'analyser les thématiquesdu naturalisme et du symbolisme,de sortir de l'ombre où les aban­donnaient les manuels Cros, Da­rien ou Elémir Bourges, à JeanCharles Payen de taire le pointsur la culture médiévale et de rap­peler les règles de l'ancien fran­çais.

Si, avec ses quatre premiers vo­lumes, remarquablement illustrés,Liuérature Française s'annoncecomme une collection de hautequalité, indispensable à quicon­que s'intére88e à l'histoire de noslettres, c'est peut-être l'essai deJean Charles Payeo sur le Moyen

Age (encore que ceux d'AntoineAdam et de Raymond Pouilliartp088èdent des qualités similaires),qui illustre le mieux ce que peut,ce que doit être l'histoire littérai­re aujourd'hui : non pas une sui·te de petits faits, une successionou un cha88é-croiBé d'influences etde querelles, mais une analyse desmouvements de pensée et des phé­nomènes de création, une mise enévidence des langages - ou desgenres - littéraires, de leur ac·cord avec ou de leur avance surla culture de leur temps.

Sans doute la tâche de J .C.Payen était-elle facilitée par lefait qu'on ne compte pas auMoyen Age d'individualités aU88imarquantes que dans les sièclessuivants, que la littérature médié­vale, souvent anonyme, est unelittérature où non seulement do­minent formes fixes et conven­tions, mais où les histoires elles-'mêmes sont infiniment reprises,la nouveauté du dire importantplus que celle du contenu. Enco­re fallait-il qu'il sût se servir deces atouts, ce qu'il a fait avec unesingulière maîtrise et, souvent,aveé un réel bonheur d'écriture.Par exemple, les chapitres qu'ila consacres aux structures menta­les du Moyen Age, au rapport del'homme à la mort, au temps ou àsa condition terrestre, nourris deréférences historiques et d'exem­ples littéraires, constituent plusqu'une transition entre le tableaude la civilisation médiévale et ladescription des différents genrespoétiques, ils montrent le lienétroit entre la littérature et la vie,ils révèlent comment troubadourset romanciers cristallisèrent lestendances latentes, tendirent àleur _public un miroir inquiétantou merveilleux ou lire et recon··naître le visage de leur propremonde.

En même temps, Payen commeAdam pour le baroque, Claracpour le classicisme, Pouilliart pourle naturalisme ou le symbolisme;dégage tout ce qui dans la littéra­ture médiévale annonce l'évolu­tion ultérieure ou fait signe, detrès loin, aux recherches d'aujour­d'hui. Et ce n'est pas le moindremérite de son essai, comme celuide toute la collection, que de nousoffrir une histoire littéraire nonseulement dépoussiérée mais quiensemble attise notre curiosité,accroisse nos connaissances et fas­se écho à nos preoccupations.

Claude Bonnefoy

« Comme si les poètesavaient une vie! • s'écriaitun correspondant de l'abbéBrémond, pour la plus grandesatisfaction du fougueux in­venteur de la poésie pure.Mais les poètes ont, aussi,une vie : les biographes lesavent comme les collection­neurs d'autographes, et leséc:litions de correspondancessont là pour nous le rappeler.S'agirait-il même de Mallar­mé, dont l'œuvre, écrite ourêvée, semble tellement déta­chée d'une existence qu'onimagine petite et monotone,l'homme ne cesse de ren­voyer au poète, par un jeud'échos plus subtils, maispeut-être plus impérieux, queceux dont se contente tropsouvent l'histoire -littérair.e.

Stéphane MallarméCorrespondance, III, 1886·1889recueillie, classée et annotée parHenri Mondor ètUyod James AustinGallimard éd., 446 p.

Ce ~iSième tome de sa coues­pondancegénérale a été établi parLJ. Austin avec une rigueur et unescience exemplaires. TI nous proposeplus de 400 lettres (parmi lesquelles50 {( fantômes », lettres perduesmais attestées par les J:épow;c;, desdestinataires) étalées sur quatre ansde 1886 à 1889. Mallarmé appro­che de la cinquantaine. TI est pro­fesseur d'anglais à Rollin - ft. unpeu par accident », dira en 1887un inspecteur général. TI s'échappede Paris pour Valvins le plus sou­vent possible; ce sont ses seulsvoyages, ·avec deux courts séjoursà Royat où l'attendent Méry Lau­rent et le Dr Evans. Nous sommesdans les belles années du Symbo­lisme. Les jeunes poètes, habituésdes mardis ou désirant y être ad­mis, le vénèrent comme leur maî­tre - et ne manquent pas d'ail­leurs - signe des temps - de luidonner du « Maître ».

Le voici aux prises avec ses édi­teurs dans des discussions qui nousrappellent que le poème, s'il est unobjet, n'est trop souvent qu'un objetimparfait. Sans doute il peut calli-

graphier ses poesIes pour une édi­tion à 40 exemplaires que doit réa­liser Edouard Dujardin. Mais Va·nier ne lui apporte que mécompteset cet amoureux de la belle typ0­graphie qu'il est se révolte. Et s'ilfait remarquer à Gustave Kahn quel'absence de ponctuation dans lemanuscrit de M'introduire dans tonhistoire... est « à dessein », n'est-ilpas contraint d'expliquer un peuplus tard à Dujardin que s'il aponctué tel autre po ème, c'estli parce que somme toute ü ne fautpas nous meUre tout le monde àdos » ? TI fait heureusement, grâceà Verhaeren, la connaissance d'unéditeur bruxellois, Deman, pour quiil éprouve rapidement une estimeaffectueuse. Si

Avec l'éditeur DemtIAOn n'a pas d'emmerdement,

ce n'est pas seulement parce quece Belge travaille consciencieuse­ment et avec goût, c'est aussi par­ce qu'il est, à sa manière, poète, etque l'édition devient une collabo­ration:

Nous avons encore bien des cho­ses à nous dire, vous l'éditeur quiallez jusqu'à la poésie et à son deve­nir nouveau; moi, le leUré quimise à ce que le texte faue corpsàvec le papier même. Noue pointde jonction est absolu...

.Que fait-il paraître? Peu dechose, en somme. Des poèmes dansles revues amies. Une édition deses Poésies en tirage de luxe, qne,ou plutôt deux rééditions (à lasuite d'un différend avec Vanier)de l'Après-midi d'un faune. Unprojet, le Tiroir de laque, n'abou­tira qu'en 1891 sous le titre Page&.Quant au Grand Œuvre, il en parle,il y pense. A Pica à la fin de 1886il résume son idéal :

Je crois que la liuérature, repriseà sa source qui est l'Art et laScience, nous fournira un Théâtre,dont le& représentations seront levrai culte moderne; un Livre, ex­plication de l'lwmme suffisante ànos plus beaux rêve&. Je crois toutcela écrit dans la nature de façonà ne laisser fermer le& yeux qu'auxintéressés à ne rien voir. CeUeœuvre existe, tout le monde l'a ten­tée sans le savoir; ü n'est pa un

Page 15: Quinzaine littéraire, numéro 93

poète et sa •vIeCet artiste obsede d'absolu a le

sens du « joli D, du « charmant D :

deux adjectifs qui reviennent sou­vent sous sa plume. Cet homme quiaffirme son « goût de solitaire » vitentouré d'amis. Il manifeste, danstous les rapports humains, d'uneextraordinaire gentillesse, qui sem­ble être plus qu'une affabilité ex­quise de sudace. Il n'a pas seule­ment de l'attention pour les jeunessymbolistes les plus proches de lui,Dujardin, Kahn, Vielé - Griffin,Henri de Régnier. Il fait égalementl'éloge de François Coppée et deCatulle Mendès, dont il apprécie« la rareté et magnificence d'écri­ture D, de Paul Adam et d'ErnestRaynaud.

Avec cela, toujours un certainsourire qui affleure, dans les adres­ses en vers, ou dans d'autres jeuxde langage. A Champsaur, dont ilvient de voir la pantomime Lulu,il avouequ'il préfère « Lulu lu D ;

ou il rédige - le remarquera quivoudra - un télégramme eJ1. octo­syllabes : li: Je vous souhaite unbonheur neuf en 1889 ».

Mais cet enjouement n'est-il pasun masque, ou plutôt une conduitede sauvegarde ? Même à sa femmeou à sa fille, quelle que soit la sen­sibilité des lettres qu'il leur envoie,Mallarmé se donne peu. Il a beau­coup d'interlocuteurs, mais com­bien de confidents? On ne peutdouter de la profondeur de l'amitiéqu'il porte à Villiers de l'Isle-Adamquand on voit son dévouement dis­cret et efficace : il collecte des fonds

pour le vieux compagnon maladeet sans ressources, veille sur ses der­niers jours, s'occupe de l'avenir deson fils. On est aussi frappé du tonparticulier de ses lettres à MéryLaurent. A elle, et à elle seule (uneversion plus anodine est destinéeà la famille) il raconte l'épisodetragi-comique d'une chute où il afailli rouler sous un train : il fautlire cette lettre du 15 août 1889.Surtout on entrevoit, bien que L,J.Austin ait écarté de cette Corres­pondance les billets que lui adres­sait Mallarmé, le rôle qu'elle jouadans sa vie. En 1888, « l'excellentdocteur et Madame Laurent »,comme il l'écrit à « Mesdames Mal­larmé D lui réservent le meilleuraccueil à Royat. L'an suivant, il.écourte son séjour et envoie à Mérycette lettre du Il septembre, quiest une de celles où il se livre leplus, dans sa « sensibilité aiguë »et .ses ~mplexités. « Le cœur, luidit-il, je ne sais ce que cela signi­fie. Le cerveau, avec je goûte monart et j'aimai quelques amis ». Aveuterrible, mais ensuite : « Vois donc,il n'y a sur rien presque de rapportentre nos pensées, et l'attrait seu­lement qu'en tant que femme tu aspour moi est merveilleux de sur­vivre à tout cela, ce miracle subireprésente assez généralement cequ'on nomme de l'amour; hors lui,quoi ? D Pour terminer ainsi : « Siun grand dévouement sûr. Tu l'au·ras ». Limites et élans, il est toutentier, et à découvert, dans ce mou­vement.

Michel Décaudin

Portrait' de Méry Laurent par Manet

Vient de paraître

Roger~aillois

L'écrituredes pierres

45 ILLUSTRATIONS

Il a été tiré à part

1000 exemplaires numérotésreliés pleÎne peau

Dans toutes librairiesVolume broché 16.5 x 21.5 cmcouverture acétatée. F 35.-

C'est sa tapisserie de Pénélope­l'expression est de lui. Il ne la re­prend que, semble-t-il, pour la dé­truire ou l'abandonner à nouveau.Est-ce pour s'encourager lui-même,ou parce qu'il a conscience de lanouveauté de l'entreprise ? Il songeà une « publicité D, qui consisteraità « jongler avec le contenu d'unlivre D, dans le courant de l'hiver1888-1889. Mais rien ne se fera.On touche par transparence, dansce jeu de confidences voilées, depromesses vagues et de silences di­latoires, tout le drame secret de lavocation et de la création mallar­méennes.

Plaisir et torture, quête essen­tielle. A, Mockel le 9 février 1889il confie:

Vous avez mis le doigt singuliè­rement sur ce point que tout ou lepeu que j'ai livré est chose de tran­sition. Le reste, ce qu'il faut faire,à quoi je m'obstine, dùssé-je y lais­ser l'âme, est à des siècles d'ici...

genre ou un pitre, qui n'en aitretrouvé un trait sans le savoir..Montrer cela et soulever un coindu voile de ce que peut être pareilpoème, est dans un isolement monplaisir et ma torture.

La Quinzaine littéraire, du 16 GU 30 livra 1970 15

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BXPOSITIONS L'Afriqueà Marseille

L'apprendssage d'une vision nouvelle

Il se pourrait bien que l'expo­sition Arts africains (1) quivient de s'ouvrir au Musée Can­tini de Marseille constitue untournant dans notre approched'un univers dont nous com­mençons à peine à entrevoir ledessein. Le titre même choisipar les organisateurs de cetteexposition est révélateur de leurdémarche. Celle-ci s'inscrit eneffet dans un processus de dé­mythification qui se veut aussiretour à la genèse d'un mondede formes profondément origi­nales. On sait le choc que la ré­vélation de ces formes provo­qua en Europe. Le caractère sis­mique de cette découverte etl'odeur de poudre et de razziaqui lui sont associés ont sansdoute marqué notre attitude àl'égard des arts d'Afrique. L'am­biguïté de cette attitude est lerésultat de réactions profondé­ment divergentes.

Le souci de ne pas imposernos catégories esthétiques occi-

dentales à un champ qui sem­blait récuser leur ordonnanceet leur discipline peut paraîtreà première vue une préoccupa­tion honorable. Sous les dehorsd'une apparente déférence, ellese double toutefois d'un certainmépris à l'égard d'un universque l'on préfère laisser àl'écart du domaine esthétiquepour ne pas avoir à en rendrecompte. La magie et le ritualis­me deviennent ainsi les alibis etles fausses clés de l'art primi­tif, à l'instar de ces vestigesdes religions désertées que l'ef­fet diluant du syncrétisme a pri­vé de leur signification premiè­re et de leur saveur originale. Ily a là un mécanisme de sublima­tion empreint d'une singulièreduplicité, comme si nous cher­chions à justifier notre effrac­tion et la fascination qu'exercesur nous cet univers en le reje­tant dans les ténèbres herméti­ques de rites mystérieux etd'usages inconnus. Cette démar­che, qui tient de l'exorcisme,aboutit à confondre l'ensemblede l'art africain dans l'anonymatrassurant d'une nuit peuplée dephantasmes et de mythes obs­curs. Sculptures et objets y ap-

16

paraissent exclusivement liés àleur destination fonctionnelleou religieuse, l'une comme l'au­tre énigmatique, à l'exclusionde toute considération esthéti­que proprement dite.

Une telle approche est aussipeu satisfaisante que si nousavions analysé pendant des dé­cades les fresques de la Renais­sance italienne en nous atta­chant uniquement à leur valeurdidactique ou à leur enseigne­ment historique et religieux,sans jamais nous soucier de latechnique de la fresque, ni dela personnalité de Giotto, Ma­saccio, Mantegna, et della Fran­cesca, ni de l'évolution de laperspective dans l'œuvre de cesdifférents artistes. Il sembleque les arts de l'Afrique émer­gent peu à peu de la conjurationde silence et d'ignorance, où ilsse sont trouvés confondus parnotre vénération hypostatique.

L'exposition de Marseille iI-

lustre cette approche nouvellequi transparaît dans la belle pré­face (2) de Jacqueline Delangesur laquelle s'ouvre le catalo­gue. Celui-ci ne comporte pasmoins de deux cents pièces,dont la plupart sont d'une gran­de beauté. Or, la majeure partied'entre elles - et sans douteles plus remarquables - pro­viennent de musées peu connusou de collections privées. Aupremier rang de celles-ci. il fautciter la collection de L.P. Guerrequi livre ici quelques piècesmaîtresses : un masque Bamba­ra couvert de cuivre martelé,trois statuettes Fang d'une pati­ne superbe. et des figures dereliquaire Ba-Kota dont le géo­métrisme rigoureux et le regardfendu rappellent le Senecio deKlee. Certains musées de pro­vince nous apportent égalementdes révélations. A l'entrée del'exposition, on se trouve ac­cueilli par une majestueuse di­vinité Baga, provenant du Mu­sée d'Histoire Naturelle de Tou­louse, tandis que le Bénin estadmirablement représenté par:une tête de Reine-Mère, prove­nant des musées de la ville deLiverpool.

Enfin, il faut aussi se féliciterdu choix des objets exposés.Les expositions d'art africain selimitent trop souvent à une sé­lection de statuettes, de mas­ques et de bijoux. Les armes etles outils de la vie quotidiennene sont pas jugés dignes de no­tre délectation. Les organisa­teurs de l'exposition de Marseil­le ont eu le singulier mérite dene pas négliger ces témoigna­ges subtils et émouvants de lasensibilité esthétique africaineque sont, dans leur simplicité,les peignes ou les poulies demétier à tisser baoulé. C'estqu'on y voit affleurer avec unefraîcheur bouleversante une re­cherche de la beauté, qui ne selaisse pas réduire à la seule no­tion d'adéquation fonctionnelleou d'efficacité pratique. On ytouche du doigt l'éveil d'une di­mension Douvelle. Il y a là. enattente, tout un monde que nousavons à peine commencé à dé­couvrir : celui de l'artiste afri­cain, dont l'œuvre se veut unecréation et pas seulement('émanation d'une ombre fécon­de. 11 est grand temps d'aban­donner le mythe. secrètementpaternaliste d'une Afrique peu­plée de formes, vaste grenier àl'imagination fertile dont l'in­conscient collectif engendrecomme par enchantement cesmasques et ces statues, qui netrouveraient que dans notre re­gard le fondement de leur sta­tut esthétique.

Au delà des poncifs de la cos­mogonie nègre et de la penséesauvage, les arts d'Afrique nousramènent ainsi à leurs auteurs;par où il eût fallu commencer.L'exposition de Marseille cons­titue à cet égard une véritable- initiation -, entendue cette foisnon plus comme la découverted'un mode d'emploi ou d'une ex­plication rituelle, mais commel'apprentissage d'une visionnouvelle.

Guy C. Buysse.

1. Jusqu'au 20 mal.2. Artistes et iugements esthé·

tiques.

BibliographieP. lempels : La philosophie bantoue,

Présence Africaine, 1949.G. Balandier : Afrique ambiguë. Plon

1957.W. Fagg : Sculptures africaines.

Hazan, 1965.M. Leiris et J. Delange : Afrique

noire, N.R.F., 1967.

Le Stedelijk Museum d'Ams­terdam présente actuellementdix - tableaux» de J'artiste cali­fornien Edward Kienholz, réàli­tés durant la dernière décade(1).

Il s'agit d'assemblage~, c'est-à­dire de collages tridimension­nels constitués par la juxtaposi­tion d'objets préexistants et de-sculptures- créées. Par rapportà de nombreux - assembleurs»américains que cette démarchea conduit, vers les années 60 auPop-art, Kienholz présente unegrande originalité, tant dans sestechniques que dans le regardqu'il jette sur la Société. Sa dé­nonciation de l' - American Wayof Life» ne s'attarde pas à saforme la plus visible (la publi­cité, la société de consomma­tion) mais aborde brutalementles tabous les plus intangibles(présence de la décadence etde la souillure humaine, frustra­tions sexuelles, a b sur dit é~onfortable des certitudes so­ciales ou patriotiques).

Les - tableaux - de Kienholzsont des pièces entières, avecleur mobilier, leur plancher, lesbibelots, les objets courants qui- traînent - après usage... danslesquelles sont incorporés desmannequins néo-surréalistes detaille humaine. A cet égard,l'œuvre la plus caractéristique,Roxy (1961), évoque un fameuxbordel de Las Vegas. La recons­titution a été effectuée avec uneminutie d'entomologiste : let­tres de famille et souvenirs per­sonnels dans le sac des - pen­sionnaires -. portrait du généralMac-Arthur au mur; un calen­drier publicitaire et les magazi­nes datent la scène de juin 1943.Au son d'un juke-boxe diffusantdes airs à la mode pendant laseconde guerre mondiale, Ma­dame, grotesque figure affubléed'un crâne de porc, veille surses filles ... Dans toutes ces scè­nes. la juxtaposition, soigneuse­ment étudiée dans ses moindresdétails, d'objets usuels. parfoisdémodés ou même choquants,empruntés à la banalité de la viequotidienne. crée, par l'accumu­lation des anecdotes, une super­réalité oppressive physique­ment insupportable. Les envi­ronnements de Kienholz atta­quent le public et exigent de luiune réponse qui ne peut guèreêtre autre chose que des grin-

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Un Calif'ornien à Amsterdam

Edward Kieoholz : L'hôpital d'état, concept tableau 64.

cements de dents. Entrez, Mes­sieurs et Mesdames, entrez.Vous y verrez une vieille fem­me sans amis et sans parents,seule avec ses souvenirs (soi­gneusement mis en conservedans des bocaux), qui attend lamort: vous y verrez, grandeurnature, le rêve d'un vieil hommeincurable condamné à vivre. En­trez Monsieur, venez fairel'amour a v e c MademoiselleCockeyed Jonny au bordel Roxy;une poubelle (marquée • Love •sur le couvercle pour éviter tou­te confusion) recueillera votreprécieuse semence de bon ci­toyen et/ou de bon père de fa­mille. Voyeur, vous préférezpeut-être revivre la première ex­périence sexuelle de milliers dejeunes Américains en pénétrantdans une Dodge 38 où un hom­me en treillis (pas un militaire;du treillis de cage à lapin) cul­bute des morceaux d'une fem­me après des libations dont té­moignent les bouteilles de bièrevides qui jonchent le sol... Quelmauvais goût! Vous trouveriezsans doute de meilleur ton unepure description d'opération iIIé·gale (1962) : au premier plan,des cotons tachés de sang et,dans des récipients en émail,des instruments chirurgicauxrouillés et également tachés;un tabouret en bois rouge (troispieds contournés) devant unsiège à roulettes d'infirme. Unelampe (pied en cuivre, abat-jourdéfraîchi tombé en arrière)éclaire ce qui se trouve posésur un drap souillé recouvrant lesiège: un sac avachi, de formeindécise, fendu sur le devant;par cette fente s'échappe ce quireste (une poignée d'une matiè­re meuble, de couleur cendre).Il n'y a pas dans l'art contem­porain d'œuvre qui exprime unetelle agonie.

Les sujets sont variés, tou­jours perturbants. « White Vi­sions of Sugar Plume Danced intheir Heads» (1964), dont le ti­tre se réfère à un poème enfan­tin, traite des phantasmessexuels nécessaires aux rap­ports d'un homme et d'une fem­me qui s'ennuient mutuellement.L'œuvre se situe sur plusieursplans temporels : l'image ducouple se déshabillant est figéedans le miroir; dans le lit lesdeux corps s'étreignent sous lesdraps tandis que s'écartent les

Ce tableau est relatif à un vieillardinterné dans un hôpital psychiatriqued'Etat. Il est sur un lit, les bras atta­chés, dans une chambre nue (l'œuvresera constituée d'une chambre réelleavec des murs, un plafond, un plan­cher, une porte verrouillée, "etc.). Ily aura seulement un bassin et unetable d'hôpital (hors d'atteinte).L'homme est nu. Il souffre. On l'a bat·tu sur l'estomac avec une barre desavon enveloppée dans une serviette(pour ne pas faire d'ecchymoses). Satête est un bocal éclaird contenant del'eau et deux poissons noirs vivants.Il est couché immobile sur le côté.

Au-dessus du vieil homme dans le

têtes, démesurément gonfléespar les images érotiques aux­quelles l'autre n'a point de part(on peut apercevoir ces imagespar l'intermédiaire de deux len­tilles). Le Mémorial de guerretransportable (1968), où des sol·dats sans visage piquent le dra­peau américain au centre d'unetable de jardin, à côté d'une bu­vette et d'un distributeur auto­matique, est un violent constat

lit, il y a sa réplique exacte, y com­pris le lit (les lits sont superposés,comme des couchettes). Le person­nage supérieur aura aussi la tête·aqua­rium, deux poissons noirs, etc. Maisde surcroît, il sera entouré d'une sortede bulle de plastique transparent(peut-être semblable à un ballon debande dessinée) représentant lespensées du vieil homme.

Sa pensée ne peut pas le situer endehors de l'instant présent. Il estcondamné à rester là pour le restantde sa vie.PRIX : première partie : 15.000 dol­lars; deuxième partie : 1.000 dol­lars; troisième partie : les frais plusles gages de l'artiste.

de l'absurdité de la guerre quia fait accuser son auteur d'in­sulte à l'Amérique...

Les difficultés de réalisationet de transport de tels • ta­bleaux. (il y a aussi un coupde patte aux collectionneurs quiachètent l'art contemporain pourspéculer) ont conduit l'auteur àréaliser virtuellement une partiede son œuvre sous forme deconcepts-tableaux. Il s'agit d'une

plaque de brol')ze, portant le titrede l'œuvre et, au verso, la des­cription de celle-ci. L'acquéreurdu concept-tableau (pour unprix fort sérieux...) signe avecl'artiste un contrat (d'une iro­nique minutie bien digne deKeinholz) qui lui accorde la pro­priété potentielle de l'œuvre. Sile bailleur le souhaite, il peutfaire exécuter par l'artiste,moyennant une petite sommesupplémentaire, un dessin. En­fin, dans un troisième temps, ilpeut faire réaliser l'œuvre à sesfrais. Le seul concept-tableauexistant sous les trois formesest l'hôpital d'Etat (1966), quiappartient encore à l'artiste (en1948 Kienholz avait travaillédans un hôpital psychiatrique etavait été horrifié des traite­ments que subissaient les mala­des) .

Jean-Luc Verley

1. L'exposition vient du musée d'artmoderne de Stockholm; après Amster·dam, elle Ira à Düsseldorf.

Le Qwai...imt UtténUe, da 16 .. 30 .ml 1970 17

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HISTOIRE

MartchenkoAprès six années de dépor­tation (1961-1966) dans uncamp de Mordavle - qu'ildécrit dans son livre quivient de paraître en françaissous le titre mon Témoignage- Anatoli Martchenko estarrêté à nouveau le 29 juil­let 1968 pour avoir publique­ment affirmé sa solidaritéavec le parti communistetchécoslovaque; sous pré­texte d'une infraction • aurèglement sur les passe­ports -, il est condamné à unan de déportation; le jourmême de sa libération, le20 août 1969, il se voit en­core condamné à deux ans dedéportation supplémentairesen raison de son attitude aucamp.

MartchenkoMon témoignageLes camps en U.R.S.S. aprè&StalineColl. Combats,Seuil, éd., 332 p.

L'objectif poursuivi par les auto­rités soviétiques et leurs exécutants,les administrations judiciaire et pé­nitentiaire, est clair : elles veulent]a peau de Martchenko - elle veu­lent, par l'action conjuguée de la.famine, de l'épuisement et de lamaladie, le faure crever dans uncamp, de « mort naturelle » - seu­le .façon de le faire taire, commec'est aussi la seule façon d'en finiravec les Soljenitsyne, les Daniel,les Siniavski... Aussi, ces quelqueslignes consacrées au témoignage deMartchenko ne peuvent avoir d'ob­jectif plus impérieux que de fairesavoir qu'à cet instant même Mart­chenko est en train d'être assassiné.

Assassiné selon la méthode qu'ildécrit dans son livre lorsqu'il évo­que l'arrivée et le séjour de IouliDaniel dans le camp de Mordavie.Premier contact avec l'écrivain,dans un éclat d'humour: « Nousnous serrons la main... En parlant,il tend l'oreille droite et me deman­de de hausser la voix. En lui répon­dant, je tends aussi vers lui l'oreilledroite et mets ma main en cornet.Nous sommes collègues, aussisourds l'un que l'autre D. Daniel esta.ffecté aux travaux les plus durs :décharger de lourdes pièces de bois,alors qu'il souffre d'une blessurede guerre au bras; la blessuresuppure, un fragment d'os appa·

18

rait sous le pus; cela n'exige au­cun soin, décrète ]e médecindu camp; comme Daniel tientle coup, l'administration luiinflige, sous le prétexte toujoursdisponible de c non-exécutiondes normes ~, quinze joursde cachot, suivis de dix jours sup­plémentaires. « Il faut simplementlui faire la peau~, constate Mart­cbenko.

Lui-même a failli crever de cettefaçon : le 17 mars 1966, décharge­ment - à la main - de trois wa­gons pleins de rondins de bouleauxd'un mètre et demi. recouvertsd'une mélasse de neige et d'eau;ce travail exténuant terminé, atten­te de l'escorte dans le vent glacial,pendant une heure. Brûlant de fiè­vre, saisi de vomissements, Mart­chenko est transporté à l'infirme­rie ; il reste six ou sept jours sanssoin, attendant la visite d'un oto­rhino qui prescrit des piqûresinefficaces; pendant vingt jours,avec une température proche de40°, il est soigné par un voisin,qui réussit à faire tomber lafièvre; envoyé par ses amisde baraquement, un déportémédecin diagnostique une mé­ningite purulente; mais cela n'em­pêche pas le médecin du camp derenvoyer Martchenko dans uneéquipe d'urgence - celle qui exé­cute les travaux les plus durs ; sur­vient, quelques jours après, unecommission de Santé : «deux in­connus en civil, trois femmes, n0­

tre chirurgien aux bras tatouéscomme un pilier de prison. Tousbien habillés, bien nourris, bienpropres. Des médecins!» Mart­chenko expose son cas - et la com­mission le classe - elle est venuepour cela - travailleur de 1re

catégorie, c'est-à-dire apte à tous lestravaux, et dépose le rapport sui­vant : «Le service médical ducamp nO Il atteste que le détenuMartchenko A.T. n'a pas besoin desoins. Signé : le chef de la commis­sion médicale du Doubrovlag, ma·jor du service médical, Petrouchev­ski D. Martchenko réussit à survi­vre pendant quatre mois, jusqu'àsa libération ; il se rend alors chezle Dr. G.V. Skourevitch, agrégé demédecine, qui l'opère d'urgence del'oreille gauche, puis de l'oreilledroite. « Après quoi, raconte Mart­chenko, il me déclara qu'il lui arri­vait rarement de recevoir des mala­des dans un état aussi grave et me­naçant... Il me dit que lorsqu'ilperça mon tympan, le pus jaillitcomme un liquide à haute pres­sion. ~

On voit que le témoignage deMartchenko ne doit d'être connuqu'à un miraculeux concours decirconstances; en quoi, il s'appa­rente aux témoignages .du mêmetype, à ces œuvres exceptionnelles,singulières, redoutables, qui par­viennent, par la voix d'un individudevenu pour nous unique, irrem­plaçable, à nous faire entendre lespulsations même de l'histoire :l'Accusé, d'Alexandre Weissberg(1), ouvrage disparu de la circula­tion, et que, curieusement, aucunéditeur ne cherche à re-publier;le Pain amer, de Jozsef Lengyel(2), le Vertige, d'Evguénia Guinz­bourg 3) ; Récits de Kolyma, deVarIam Chalamov (4) , et leslivres de Soljenitsyne (5)... MonTémoignage d'Anatoli Martchen­ko met une nouvelle fois ànu les procédés caractéristiquesde tout camp de concentration, qu'ilsoit nazi ou stalinien, ou relevantde tout autre système répressif :le travail et la famine brisent lesforces de l'individu ; les maladie~ lemettent à la merci de la mort ; lecachot, les coups, parfois les armesl'achèvent; l'extermination - del'opposition d'abord, puis de toutesles oppositions possibles et imagi­nables, puis de tout ce qui porte laplus infime marque d'altérité, (etqui. n'en porte pas ? jusqu'au bour­reau lui-même qui finit par avoirpeur de son ombre) - se poursuità un rythme relativement régulier,menée danS certains cas jusqu'àson terme, comme ce fut le cas pourtoute la génération bolchevique dé­truite par Staline, ou pour l'ethnietzigane détruite par Hitler.

Certaines gens, généralement pro­gres.'listes, s'amusent à distinguercamp nazi et camp stalinien; unancien déporté des camps nazis ré­tablit l'identité fondamentale dessystèmes lorsqu'il écrit: « Des hom­mes qui ont vécu à Auschwitz et àBuchenwald vont entendre deshommes qui ont vécu à Kolyma etMagadan». (6). L'identité fonda­mentale réside dans l'administra­tion systématique et massive de lamort; si différence il y a, elletient dans le « style», lui-mêmedéterminé par les conditions spéci­fiques de « travail»; les nazisétaient pressés par le temps et limi­tés par l'espace, d'où leurs métho­des d'extermination «intensive»,si l'on peut dire; le système sta­linien disposait de plus de temps etde plus d'espace, d'où son styled'extermination « ex t e n s ive» ;«l'espérance de vie» d'un dépor-

té de camp stalinien devait êtred'environ douze mois, selon les esti­mations des différents témoins, etnotamment de Martchenko; ellen'était guère que de trois à quatremois dans les camps nazis (7).

Le déporté de camp stalinien nedispose pas seulement d'un peuplus de temps ; l'hypocrisie du sys­tème - « l'homme est le capital leplus précieux» disait Staline ­lui accorde un peu de Il matièrehumaine», il a un peu plus dechair, un peu plus de sang, un peuplus de parole disponibles - et ils'en sert, en tournant presque tou­jours contre lui-même la maigreénergie qui lui reste. I( TOI~s lesdéportés de Mordavie connaissent »l'histoire de Nicolas Chtcherbakov,dit Martchenko qui lui avait remisune lame de rasoir. Il Nicolas s'étaitd'abord fait tatouer sur l'oreille,avant de se la trancher (sinon lesang se serait écoulé complètementavant qu'il n'y parvînt) ; e Donpour le XXII" congrès du PCUS ».Puis il s'amputa, cogna à la porteet, lorsqtle le surveillant se présen­ta et ouvrit la porte massive del'extérieur, Nicolas lui jeta à tra­vers la grille son oreille avec cettedédicace ». Encore ce geste a·t-ilun charme à la Van Gogh! Laréalité est souvent beaucoup plushorrible. eParfois, écrit Martchen­ko, dans des moments de désespoirimpuissant, je me suis surprismoi-même à penser : « Ah, fairequelque chose! Jeter à la face destortionnaires un morceau de moncorps!» Des déportés se livraientà des actes d'auto-cannibalisme :« Dans une cellule, rapporte Mart­chenko, des déportés s'étaient pro­curé une lame et, depuis quelquesjours, entassaient du papier. Lors­que tout fut prêt, chacun découpaun morceau de sa propre chair, cer­tains du ventre, d'autres de la jam­be. Ils recueillirent tout le sangdans une assiette, firent du feu depapier et de livres, y jetèrent lachair et se mirent à faire cuire leurrôti. Lorsque les gardiens s'aper­çurent du désordre, la cuissonn'était pas terminée et les dépor­tés, se bousculant et se brûlant, at­trapaient les morceaux dans ras­siette et se les fourraient dans labouche... ~ Un personnage remar­quable dans ce domaine était IouriPanov, qui était dans la cellule oùeurent lieu ces agapes : Il Panov...avait déjà plusieurs fois découpédes morceaux de son propre corpspour les jeter à la face des gardiensà travers le guichet; il s'était éven-

Page 19: Quinzaine littéraire, numéro 93

La QuinzaineIltü,..ln

43 rue du 'feml'I.,', Paru •.c.c.P. 15.551.53 Paris

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A.u­

Ville

Dak

des cancéreux, Julliard 1968; Le Pre­Inier cercle, l.affont, 1968.

6. Cité dans Récits de Kolyma, préface.7. Le bilan des massacres et de l'exter­

mination dans le système stalinien resteconsidérable; cr. les évaluations indiquéesdans le livre de Robert Conquest, TheGreat Terror (Macmillan) et reprisesdans un article de Prelwes (no 215-216,février-mars 1969), où il cite Soljenitsynequi, dans Le Premier Cercle, évaluait lapopulation des camps en 1949 à 12-15millions, et surtout le document du sa­vant atomique et académicien AndréSakharov évaluant à 10-15 millions aumoins le nombre des morts du fait desexécutions ou des conditions de détentionsous Staline; selon Sakharov, 1.150.000membres du parti communiste soviétiqueauraient péri dans les purges.

8. Seuil, 1970. Cf. La Quinzaine Lit,­téraire, nO 90.

traite... Les camps de concen·tration où r on encage les déte­nus politiques en U.R.S.S. au·jourd'hui sont aussi terrifiants queles camps de Staline... »

Assuré du silence de ses compli­ces internationaux, la machinestalinienne continue à broyer; maissi la solidarité du crime unit en­core les dirigeants du Kremlin (lesKossyguine, Brejnev, Souslov, Kiri­lenko, Mazourov etc.) et les privi­légiés de l'appareil, les finalités de­viennent de plus en plus confuses,les contradictions plus insupporta­bles, les échecs plus apparents etplus sordides. Le courage, la téna­cité et la ~nérosité d'un Martchen·ko ne sont pas seulement les quali­tés propres d'un individu, ils sontaussi et surtout l'expression d'unnouvel état de la conscience politi­que en U.R.S.S., telle qu'elle semanifeste avec une particulière vi­gueur dans le Samizdat 1 (8) ; siquelques années de déportation ontfait du débardeur Anatoli Mart­chenko un écrivain remarquable etun esprit politique lucide et auda­cieux, c'est peut-être qu'une géné­ration nouvelle est prête à entrersur la scène de l'histoire et à de­mander des comptes.

Roger Dadoun

1. FasqueUe éditeUl'S, Paris, 1953.

2. Coll. Lettres Nouvelles, Denoël, 1965.

3. Seuil. 1967.4. Coll. Lettres Nouvelles, Denoël, 1969.

5. Voir notamment Une joumée d'IvanDenissovitch, Julliard, 1963; Le Pavillon

Anatoli Martche'lko.

tré plus d'une fois et avait sortises intestins; il s'était ouvert lesveines, avait mené de longues grè­ves de la faim, avalé toutes sorte~

de choses et on lui avait ouvert leventre et l'estomac à l'hôpital...Pourtant, il sortit de Vladimir vi­vant, puis on l'envoya au camp11,0 7 et au camp 11,0 Il ».

Chalamov dit, dans les Récitsde Kolyma, qu'un déporté qui aperdu le sens de l'humour est déjàun homme fini. Au cœur même deses descriptions cannibaliques, Mart­chenko évoque le tour qu'il joua,avec ses compagnons, au vieuxTkatch, qui avait de grandes etbelles oreilles et crut longtempsque Martchenko voulait les lui cro­quer. Peu de temps avant sa libé­ration, convoqué par les instruc­teurs du KGB chargés de son « édu­cation», Martchenko les met sé­rieusement dans l'embarras en leurposant la questiQn : « Je vous de­mande à quel type de communistevous appartenez : les communistesparallèles, les communistes perpen­diculaires ou les communistes endiagonale ? » Et les autres de cher­cher une réponse dans des collec­tions de journaux. Mais ce qui don­ne au livre de Martchenko une for­ce incomparable, c'est la volontéfarouche, inflexible, de ne pas sesoumettre, de ne pas se résigner ­de témoigner. A aucun moment, ledébardeur Martchenko, né de pa­rents « totalement illettrés» n'ac­cepte de passer aux fameux« aveux » ; il tient tête, autant qu'ilest possible, à ses bourreaux, s'ef­force de comprendre le système quil'écrase, lit les classiques du com­munisme, et accède ainsi à uneconscience révolutionnaire qui de­vient son arme privilégiée face. austalinisme. On comprend alors quetémoigner devienne le sens mêmede sa vie : « raconter la vérité surles camps et les prisons où l'on jetteaujourd'hui les détenus politi­ques », c'est dénoncer le bluff de ladéstalinisation; « on a puni lescoupables des crimes monstrueuxcommis hier, on a réhabilité lesvictimes }) ? « Rien n'est plus faux,dit Martchenko. Combien de victi­mes a-toOn réhabilitées après leurmort, combien de victimes oubliéescroupissent aujourd'hui encore dansles camps, combien de nouvellesvictimes s'y entassent; combiencremprisonneurs, crenquêteurs, debourreaux occupent aujourcrhuiencore leur poste ou viventtranquillement de leur grasse re-

La Quinzaine littéraire, du 16 au 30 avril 1970 19

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L'hommeLe 22 avril de cette année,l'URSS célèbre le centièmeanniversaire de la naissancede Vladimir Illitch Lénine,fondateur de l'Etat soviétiqueet grand inspirateur du com­munisme mondial.Depuis des mois déjà, tousles peuples de l'URSS, l'éco­le, les entreprises, l'armée,l'information dédient au cen­tenaire 1es efforts, lesprouesses, la fleur de leursaccomplissements.

la stature de l'homme, sonrôle, sa légende émergent dubroui liard sanglant de notretemps et s'érigent sur le soclecardinal de l'Histoire dans uneaura d'amour et de contesta­tion. Le vieux venin s'aigrit, sesséquelles suintent, les cultesennemis se disputent les droitset les feuilles ruissellent d'eaulustrale à la rose.

De son vivant, Lénine ne futpas une idole. Sa réflexion cri­tique dans la simplicité n'écra­sait pas l'ami qui demandait àvoir et lorsqu'il brandissait lesarmes du courroux, ni caprices,ni orgueil, ni les à-coups cruelsne guidaient son combat. L'in­finitésimal démon des vanitésfutiles ne s'aventurait pas dansl'ombre du prestige et nulleprésomption .ne ternissait lasobre majesté des projets pla·nétaires.

Les souvenirs sans nombrefleurissent le mémorial.

Je le revois, assis devant cebureau net comme l'établi d'untravailleur de choc : la tête

. penchée de côté, il lève un re·gard attentif vers l'interlocu­teur. Là, un éclair moqueur sil·lonne le sourire; là, un mottéméraire, une idée trop cruedéclenchent le plissement de lalèvre et des rides légères quiourlent l'oreille fine.

Illitch vient un instant s.'as­seoir chez des amis. L'enfantde la maison grimpe sur sesgenoux et lui fait part tout hautdes • secrets " que l'on chu­chote : cc Tu ressembles à So­crate, il n'était pas bien beau;Papa est plus joli, mais on di­rait le tsar, tandis que l'oncleKoba (Staline), avec son fou·lard affreux et sa vilaine cas­quette, c'est un vrai voyou, tune trouves pas? » Illitch rit

20

Ci·dessus Lénine en 1920.

Ci.dessous : Lénine et Kroupskaïa pen·dant un défilé des milices populaires le25 mai 1919.

Ces photographies, co=e celle de I~

page 21, sont extraites de Lénine vivant,Fayard éditeur, où sont reproduites denombreuses photos inédites.

très fort, comme un bambinheureux, puis gentiment se dé·robe : cc Qu'est-ce que tu ferasquand tu seras grand?»- cc Conducteur de tram, ettoi? »

Je le revois sur la PlaceRouge, le 7 novembre 1918, pre­mier anniversaire de la Révo­lution. Il se tenait à gauche dela plaque commémorative qu'ilvenait d'inaugurer, à quelquespas seulement de son futurtombeau. On ne se pressait pasautour de lui. Personne pourmendier une marque exclusive.Ouelques hommes de la • Vieil­le Garde » devisaient entre eux,tandis que Trotsky, un peu plusloin, caracolait sur un chevalmaigre devant des détache·ments sans panache de la jeuneArmée rouge. Ouelques-uns des« viennent-ensuite » contem­plaient la scène en échangeantdes propos où l'ironie et un brinde cynisme, se mêlaient à l'ad­miration.

Cinq ans plus tard, des délé·gués français débouchant sur laPlace Rouge où la milice prépa­rait la voie au défilé de troupesdéjà belles lançaient, rieursdes : cc Mort aux vaches! »,cc La police avec nous! », cc A

Vladimir Socoline est un anciendiplomate soviétique qui vit actuelle·ment en Suisse. Enfant, il a approchéLénine de près, comme le montrentles souvenirs que nous avons choiside publier en raison de leur ton trèspersonnel et qui tranche sur les géné·ralités dont nous sommes actuelle·ment abreuvés à l'occasion d'un cen·tenaire. Vladimir Socoline, qui a rom­pu avec le régime stalinien du vivantde Staline, a brossé un tableau de lavie de ses compatriotes dans un ro·man naguère publié chez Robert Laf·font : Trois Kopecks. Le texte qu'IInous a envoyé a été écrit directementen français.

bas l'armée! » et cc Vive l'ar­mée rouge! ». Sans le savoir,ils déchiffraient avec brio lescénario plus discret des novi­ces attardés de l'An Un.

Illitch fait signe à un jeunot,lui demande des nouvelles desa famille, l'interroge sur sontravail. Peut·être prend-il plai­sir à s'entendre rappeler la cé­lèbre bise de 1908, lors duretour à Genève, capitale durefuge. Les petits yeux en vrillesondent le jeune homme qui lesvoit soudain grands et remplisde douceur. Ce regard, presquefixe l'espace d'une minute,s'implante au fond de l'âme etne pourra mourir. L'épouse,attentive et soucieuse, inter­vient: cc Volodia, viens, tu pren·dras froid». Sans escorte,IIlitch et sa femme traversent laPlace Rouge. Une voiture lesattend près du Musée d'Histoi·re. Un • hourra » solitaire lessalue au passage.

Les assemblées, les mee­tings tant de fois décrits ! Pen­ché, un peu voûté, Lénine par­court les planches. Les mainstantôt rivées au. revers du ves­ton, tantôt projetées en avant,il expose, expnque, fait péné­trer l'idée. Son débit curieuse­ment grasseyant module desphrases sans fioritures. Un motlivresque lui échappe-t-il, le voi­là traduit en langage général. Iln'est pas le plus grand orateurdu pays mais le plus simple, leplus substantiel. Certaines sail­lies provoquent plus de riresque les siennes, telle pérorai­son déchaîne des tempêtes queses discours ne provoquent pas,

Page 21: Quinzaine littéraire, numéro 93

Lénine Le gaullisme

La Quinzaine littéraire, du 16 au 30 avril 1970

Lénine dans la cour du Kremlin.

mais, l'ivresse passée, c'est àson enseignement à lui que lapensée s'attache.

Ni ascète ni saint, sansnimbe ni auréole, l'homme Lé­nine ressemblait à tous ceuxqu'il aimait. L'éclat de son géniene terrassait personne. Le pluseffacé des humbles ne bégayaitpas devant lui. Le démiurge estvenu plus tard, des histoiresd'outre-tombe. Lui se trompait,avouait, réparait si possible, etmême s'excusait. Ce n'était pas« le rêveur du Kremlin • queWells imagina, mais le chef defile engagé dans un monde sansroute, un monde inexploré auxfondrières piégées. Ni géantsmaléfiques ni moulins à ventpour cet homme de justice. Peu

d'aléas, au fond, mais deserreurs humaines, l'héritage sé­culaire et l'ennemi puissant.

Je me souviens du soir où,figé à mon poste, j'attendais lesnouvelles que le cœur refusait.Implorant du regard le cadrande l'automatique, je crois queje priais pour que rien n'arrivât.

- « Il est mort. Faites venirle sculpteur et les anatomistes,les embaumeurs aussi, mais neleur dites rien ».

C'est ainsi qu'en secret, le21 janvier 1924, j'appris en fré­missant, la mort du chef aimédont d'immenses multitudeschérissent la mémoire dans lerecuei llement.

Vladimir Socoline

Jean Charlot, qui a donné, ily a trois ans la première étu­de scientifique de l'UNR (1),reprend, aujourd'hui, son su­jet en l'élargissant à l'ensem­ble du gaullisme et en le re­plaçant dans la vie politiquefrançaise. Intéressant parcequ'il s'attache à un phénomè­ne qui nous concerne tous,son livre l'est plus encorecomme témoignage des tra­vaux de la nouvelle généra­tion des politistes français.

1Jean CharlotLe phénomène gaullisteFayard, 204 p.

Le gaullisme ne se ramène pas àune aventure exceptionnelle ni àun phénomène de conjoncture. Ilest certes cela, aussi, mais l'obser­vateur attentif décèle des transfor­mations autrement significativeslorsqu'il dépasse la simple chro­nique du règne.

Jean Charlot a eu recours àl'analyse fonctionnelle dont Geor­ges Lavau vient de tirer des résul­tats si prometteurs en l'appliquantau PCF (dans le Communisme enFrance, paru l'an dernier chezArmand Colin). Cette méthode, queles sociologues connaissent bien,consiste à considérer les différentesmanifestations de l'activité politi­que du point de vue de leur parti­cipation à la vie de l'ensemhledont elles dépendent (soit pour lerenforcer, soit pour l'affaiblir). Ain­si l'UNR s'interprétait-elle par safonction dans le système nouveaude la y. Répuhlique : « Fairequ'un système ·parlementaire et ma­joritaire soit possible dans un paysoù le multipartisme et la force des'barrières idéologiques ont créé unelongue tradition de régime d'assem­blée ».

Le phénomène majoritaire qui aaccompagné le principat du géné­ral de Gaulle s'est d'abord mani­festé grâce aux instroments de la« démocratie directe » (ou plébisci­taire) mais ceux-ci étaient étroite­ment personnels et d'un maniement.exceptionnel. Il fallait qu'une orga­nisation prenne le relais en prolon­geant et en stabilisant l'adhésionpopulaire immédiate. Tel était lerôle du parti gaulliste. C'est parrapport à ce schéma fonctionnalisteque Jean Charlot a apprécié les

performances de l'UDR. Sile partiréussit et si son succès renforce lerégime, c'est que .l'interprétationa bien mis en lumière une « loi »du développement de la y. Répu­blique. Le raisonnement théoriqueavait permis à l'auteur d'affirmerque le gaullisme devait normale­ment survivre à son fondateur, nongrâce à l'inertie des comportements,mais parce que l'intervention dugénéral avait entraîné une transfoI:­mation du système politique. Dansla mesure où l'UNR (puis UDR).en appliquait les règles du jeu, leparti gaulliste devenait un élémentnécessaire du nouveau régime ettendait ainsi à acquérir une exis­tence autonome, objective par rap-.port à son leader.

La première phase de la muta­tion s'est produite à l'automne1962, lorsque le gaullisme « parti­san » a commencé à se détacher dugaullisme « d'unanimité ». On avaitcru discerner l'amorce du déclindans cette réduction, mais c'Jtaitune erreur de perspective : la dé­monstration est, sur· ce point, par­ticulièrement frappante. La courbedu {( gaullisme référendaire »,observe Jean Charlot n'a cessé dedécroître et elle est passée au-des­sous de la ligne de flottaison des50 % lors de la dernière consul­tation (47 % de « oui »). Inverse­ment, la courbe du « gaullisme lé­gislatif » n'a cessé de s'élever :19,5 ro en 1958 ; 35,4 % en 1962 ;37,7 % en 1967 et enfin 43,6 %en 1968.

Certes, la multiplicité des procé.dures a pu donner le change. Elle.l'a même donné au principal inté·ressé dont Alain Lancelot avait no­té qu'il abordait l'élection présiden­tielle de 1965 comme un nouveau'·referendum. Mais dès cette époque,le ballotage de décembre 1965 si­gnifiait que sa statue échappait àPygmalion... La confirmation en aété apportée, définitivement, le 27avril 1969.

Le fait que l'œuvre échappait ausculpteur ne voulait pas dire qu'elleallait nécessairement passer à l'op­position ! Tout au plus pouvait-onpenser qu'elle se donnerait à quirespecterait ses lois. Or l'oppositionn'est pas allée au bout de ses effortsd'adaptation. Elle a affronté l'épreu.ve de la seconde élection prési­dentielle en adoptant un comporte­ment « dysfonctionnel » : son suc­<cès paraissait peu compatible 2,vecle maintien du régime majoritaire.

~2J

Page 22: Quinzaine littéraire, numéro 93

En faoe d'une gauohe en miettes, le gaullisme, oonsi·

déré dans sa longue période, apparaît comme l'agent de

réoonoiliation entre la droite et le suffrage universel.

Dès lors une majorité de Françaispouvait bien souhaiter le départ duGénéral, mais il ne s'en trouvaitplus assez pour se mettre d'accord.sur une succession qui ne fût pasgaulliste au sens objectif (c'est-à­dire, conforme aux lois du systèmenouveau).

La première partie de l'ouvrageest consacrée à l'étude du « gaul­lisme de l'opinion ». Les donnéesélectorales y sont éclairées par lessondages. Ces éléments permettentde dégager deux époques bien dis­tinctes : la période algérienne, du­rant laquelle le général est unleader d'union nationale, et la pé­riode suivante, pendant laquellè ilapparaît de plus ep plus comme lechef d'une majorité. Les courbes

de popularité et d'impopularité duprésident de la République y sontparallèles. (bien que décalées res­pectivement vers le haut et le bas)à celles du Gouvernement.

L'éclat d'une personnalité a mas­qué la réalité d'une transformationde l'opinion qui s'est concrétiséedans l'apparition, avec l'U.D.R., d~

ce que l'auteur appelle « un parUd'électeurs» caractéristique des dé­mocraties industrielles. Ce parti estaussi un parti dominant pour labonne raison que l'introduction dece type d'organisation politiquedans un .système de partis multi­ples tel que nous le connaissions,bouleverse les règles antérieures derépartition des forces.

La simplification objective qui

en est résultée a très naturellementdissipé l'amhiguïté des rapports dugaullisme du général avec la gau­che. Le parti gaulliste de 1968­1969, nous montre Jean Charlot,est « le fédérateur de la droite )en face d'une gauche toujours enmiettes... Cette première partie estla plus neuve de l'ouvrage. La se­conde «( le gaullisme des groupesgaullistes ») est plus descriptive :

elle analyse les « trois âges » dugaullisme et dresse l'inventaire desdiverses organisations. La dernière,assez brève, esquisse les portraitsdes deux occupants successifs del'Elysée.

La qualification du gaullismecomme fédérateur de la droite nefera sans doute pas plaisir à biendes gaullistes historiques qui ver­ront la confirmation de leur pho.bie du pompidolisme. Quant auxantigaullistes, ils contesteront un~

vision un peu irénique de la y. Re­publique dont l'auteur re~ie~~ sur­tout ce qui conforte la validIte abs­traite de son schéma. En forçantparfois les analogies, Jean Charlota peut-être affaibli la portée de sadémonstration, selon laquelle lamutation a rapproché le régimefrançais du système anglais telqu'il fonctionne globalement. Ilpourrait répondre que les imper.fections qu'un observateur pluscritique relève volontiers sontdes scories et, surtout, qu'elless'expliquent par l'absence d'op­position cohérente : une telleopposition est en effet néces­saire pour contraindre la ma·jorité, par la pression qu'elle exercesur elle, à un respect plus attentifdes droits de la minorité. Il n'em­pêche qu'une pareille lacune privele système d'un élément essentielde so~ équilibre, et donc de sa vali­dité.

On voudrait plutôt 'signaler unpoint historiquement curieux. Con­sidéré dans la longue période, legaullisme objectif analysé par l'au­teur apparaît l'agent de la récon·

ciliation de la droite et du suffrageuniversel. La droite s'était toujoursméfiée de lui, avant de découvrir leparti qu'elle pouvait en tirer (parexemple en juin 1968). Aussi sesconceptions tendaient-elles toujoursà l'enfermer dans des limites aussiétroites que possible. Or la Consti­tution de 1958, de ce point de vueétait d'inspiration « réactionnaire l)

selon le mot de Raymond Aron,puisqu'elle soumettait le seul or­gane populaire, c'est-à-dire l'Assem·blée nationale, à la double tutelled'un Président et d'un Sénat issusde la même base de notables rasiiis(les mêmes qui, plus tard ...).

Etait-ce une ruse de l'Histoire...ou du Général ? A lire les exégètesautorisés, comme Michel Debré«( Est-il possible d'asseoir l'auto­rité sur un suffrage aussi divisé? »interrogeait-il en août 58 pour écar·ter la désignation du Président ausuffrage universel), on ne le pensepas. Certes, l'ancien Premier minis­tre, s'est toujours mépris sur le sensdes mouvements contemporains,mais le général de Gaulle lui-mêmeavait esquissé son modèle dans lediscours de Bayeux, qui préfiguraitle texte de 1958. Or, il procédait dela même inspiration « réactionnai­re ». Tout y était fondé sur unEtat fort et indépendant des fou­cades électorales. Analysé (c exante ", l'équilibre institutionnel dela y. République était donc exac­tement l'inverse de celui qui s'estétabli c( ex post l).

Jean Charlot n'évoque pas cetaspect qui affecte évidemment laclairvoyance du gaullisme originel :peut-être sa démonstration n'enaurait-elle été que plus frappanteencore, puisque la logique du sys­tème l'a emporté malgré le contre­sens initial de ses fondateurs !

Pierre Avril

)ui=aw littéraire de fé-vr.

Page 23: Quinzaine littéraire, numéro 93

Le Tigre• •IntIme

Le roman par lettres surgit,en tant que genre littéraireau XVIII" siècle et enchantepour un siècle le lecteur deson apparente authenticité etdu jeu de miroirs qu'il rendpossible. Balzac y met en1840 un point d'orgue avecles admirables Mémoires dedeux jeunes mariées. Les édi­tions de correspondancesauront la vie plus dure, pluslongue : Diderot et Sophie,Hugo et Juliette, ou, dans unautre • genre -, Charles Bru­nellière, armateur nantais dela fin du XIX' siècle, franc­maçon, socialiste, qui gardasa vie durant copie de toutesles lettres qu'il écrivit à safamille, à ses amis (1).

1Georges ClemenceauLettres à une amie 1923-1929Gallimard éd., 650 p.

Lorsque les épîtres voyagentd'un sexe à l'autre, c'est générale­ment l'homme qui l'emporte. Lafemme est plus discrète, plus me­nacée aussi, dès qu'il s'agit d'unecorrespondance amoureuse. AinsiMarguerite Baldensperger - en­tre 'quarante et cinquante ans,épouse d'un professeur à la Sor­bonne, et, comme on dit enmilieu protestant, «dame d'œu­vres» - demande-t-ellç à Geor­ges Clemenceau - entre quatre­vingt et quatre-vingt-dix ans,anticlérical, maire de Parissous la Commune, et «premierflic de France» - de détruirechacune des quelque sept cents let­tres qu'elle lui adresse entre 1923et 1929; et il les détruit. MaisClemenceau, lui, 'n'exige, ne sug­gère rien de tel. Ses quelque septcents lettres sont conservées. Ellessont même, quarante ans plus tard,publiées, à la N.R.F. bien sûr, etsous un titre modeste : Lettre!; àune amie. De la longue épître aucourt billet, voici la dernière cor­respondance du Tigre.

Il faut tout de suite dire qu'elleest dépourvue de tout intérêt poli­tique. Que Clemenceau ne se soitjamais senti «aucune sympathiepour les Soviets» (24-7-29), on s'endoutait. Qu'il méprise Tardieu pouravoir aœepté d'entrer dans le mi­nistère de son vieil ennemi Poin­caré - cet Il: accident» lui fait« pour la France beaucoup de pei­ne » (1-8-26) - il n'y a guère lieu

de s'en étonner. La portée publi­que des lettres est quasi nulle, mê­me si l'on voit se profiler au loinla silhouette du colonel House ousi l'on apprend avec émotion queLouis Lépine le grand «préfet»du début du siècle, resté fort liéavec son ancien ministre de l'inté­rieur et président du Conseil, con­tinuait à quatre-vingt-deux ans, en1928, d'aller à pied, de Paris àVersailles, déjeuner le dimanchechez sa fille : la police conserve.

La haine aussi. L'irénisme n'ajamais caractérisé Georges Clemen­ceau, et il ne fut jamais très scru­puleux sur le choix des moyens. DeJules Ferry à Joseph Caillaux, ilssont nombreux ceux dont il brisaou lenta de briser la carrière. Maie;s'il donnait des coups, il en rece­vait aussi : au temps de Panama,ses relations avec Cornélius Herzlui valurent d'apparaître comme leporte-drapeau de la corruption dela république bourgeoise et seschoix politiques dessinèrent sur sapersonne l'image du vassal de l'An­gleterre alors haïe : «aoh! yes! »criait-on à ses trousses, dans la rue,et, en plein Parlement : « Qu'ilparle anglais! ». Ce sont là polé­miques véhémentes, entre égauxsomme toute, entre députés suscep­tibles de devenir un jour ministreset journalistes susceptibles de de­venir un jour députés. L'homme yrévèle sa pugnacité. Mais elles'exerce aussi par la provocation, lamachination policière, pour la­quelle il n'hésita pas à utiliser tousles moyens que mettait à sa dis­position l'appareil d'Etat, dès qu'ilflJt président du Conseil. JacquesJulliard l'a démontré à propos decette tuerie ouvrière, l'affaire deDraveil - Villeneuve-Saint-George,en 1908 (2).

Ce ministre de l'intérieur accom­pli, « voué au mépris » comme ondisait avant guerre, dans les grou­pes socialistes et les sections cégé­tistes, le voici amoureux. A quatre­vingt-deux ans? Pourquoi pas?« La main dans la main », «lesyeux dans les yeux », comme ill'écrit quotidiennement à son amielorsque Paris ne les réunit pas. Unamour véritable, car, au bout dequelques mois, il tourne à l'habitu­de, à l'affection. Un amour vérita­ble car, au début, il n'est mêmepas égoïste : « le voudrais quequelque chose vous fût venu quivous créât une saveur des chosesen tous temps, en tous lieux»;cette sorte d'assurance dans le pou­voir d'un grand amour de créerchez l'autre le bonheur s'accompa-

gne parfois d'un cri d'angoisse«Est-il donc possible que je soisimpuissant à vous aider? ». Aureste, la plume est allègre, le voca­bulaire vif et ~-arié, et le récit <plo­tidien, avant de se muer en train­train, donne à voir en ce vieillard,que ronge une toux diabétique, unêtre amoureux des roses et des pins,de l'océan surtout, qui bat les pla­ges de sa Vendée.

Beaucoup de mièvreries bien sûr,qui ne sont telles que dans la me­sure où elles sont publiées et quifont regretter souvent - une foisn'est pas coutume - l'intégralitéde la publication. Une dose raison­nable aussi de mesquineries finan­cières, d'incompréhension devantsa propre famille. Tout ceci coexis­te avec qne grande, une belle con,s­cience de soi. Je préfère ce mot àcebÜ d'orgueil. « Ma raison d'êtreest d'enfanter des ouragans'» s'é­crie-t-il le 9 septembre 1924. Songoût de la vie jaillit en août 1929,à quelques semaines de la mort ­« Fatigué, mais pas fini de vivre l)

- et son mépris de l'humanité ­mais non des êtres - qui dès leurspremières rencontres avait écartéde lui Jaurès, surgit à maintes re­prises au milieu de ses protesta­tions d'amour: « le Pflrle au nomde la médiocrité qui est la loi du

monde et le sera jusqu'au jour oùl'humanité aura tout au moins dis­paru » (5-4-1925).

Décidément, fou de politique,ivre de pouvoir - « Il n'y a riende plus malheureux que d'être leplus fort, mais ce malheur 1le vapas sans agrément» - ou livréaux joies de la terre ou, à la -ten­dresse d'une femme, c'est bien lemêJhe Clemenceau -. Sa vie pu­blique est terminée : il en fait destestaments, au soir de sa pensée.Ses choix, ses préférences, qu'ilesquisse souvent au fil des page,s,ses silences aussi nous apprennentbeaucoup sur l'homme et ses con­tradictions. Au petit jeu desamours, Clemenceau eût répondupêle-mêle : Claude Monet et Gus­tave Lanson, Beethoven et Edmondde Rothschild. Mais Bourdellequ'on lui a signalé comme « cubis­te» l'inquiète, la Commune est« loin », l'affaire Dreyfus oubliée,le pauvre Marcelin Albert et l'in­dicateur Métivier aussi : « Gran­deQ.l's et misères d'une victoire ».

Madeleine Reberioux

1. Cf. Claude Willard. La correspon­dance de Ch,Jrles BruneUière, socialistenantais 1880-1917, Klincksieck, 1968.

2. Jacques Julliard, Clemenceau brioseur de sri!ves, « Archives », 1965.

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 avril 1970 %3

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THÉATRB

Shaw socialiste?1

Bernard ShawMajor BarbaraThéâtre de l'Est parisien

Bernard Shaw, qui avait legoût du paradoxe, doit bien riredans sa barbe et sa tombe : ilaura fait grimper sur la scènedu TEP, Pierre Dux et lise Dela­mare, figures mythologiques duBoulevard et de la ComédieFrançaise, assurant du mêmecoup le triomphe d'un vieuxthéâtre sur une scène habituel­lement ouverte à d'autres exer­cices; et il aura d'autre part,avec une pièce grinçante et so­cialiste sur l'Armée du Salut etles marchands de canons, en­thousiasmé la critique bourgeoi­se. Voilà, du coup, - en appa­rence du moins, - deux para­doxes.

Cela dit, pourquoi pas ? Pour­quoi ne pas jouet cette pièce auTEP ? Major Barbara, qui datede 1905 était une œuvre inédi­te en France. Rétoré a eu raisonde la présenter, Il aurait pu seu­lement la faire plus méchante,et moins équivoque qu'il ne l'afaite : Il est vrai qu'elle auraitmoins plu.

La pièce, en son temps, avaitde quoi provoquer. Elle a pourhéros une sorte de Krupp - Ils'appelle Undershaft - cyni­que, sans complexes et sansmasque, et d'une logique imper­turbable. l'argent n'a pasd'odeur (c'était le titre de lapremière pièce de Shaw, nou­vellement acquis au socialis­me) : ce milliatdaire a une -usi­ne de mort • pOur faire des mil­liards et fonder sa puisssance.A sa fille, qui s'était engagéedans -l'Armée du Salut (- MajorBarbara .) Il va prouver en sor­tant son carnet de chèques, quecette - usine de rédemption •fonctionne avec les chèquesdes fabricants de whisky et desmarchants de canons, et qu'audemeurant cette pieuse engean­ce, ôtant des cœurs des pau­vres la haine et la colère, leurôte du même coup l'idée de serévolter ou la tentation de sefaire socialistes (. vous avezles remerciements de la grandeindustrie -) ; à son fils, honnêtejeune homme qui veut faire dela politique. il démontre où estle vrai siège du pouvoir: .Je suisle gouvernement de ton pays-.(Marx ne dit rien d'autre). Toutcède à sa logique: il est l'ordre

Arlette Tépbany et Pierre Dux.

du monde; ses principes seulssont adaptés à la nature deschoses, pas d'autre solution quede se rallier à lui; (au J- acteon a visité l'usine de mort, usi­ne - modèle évidemment avecdispensaire, log e men t s ou­vriers, gros salaires et tuttiquanti) , et en effet tout cède de­vant cette démonstration :l'aristocratique rombière, - safemme -, qui méprisait en luile self-made man, est retournéede fond en comble, sa fille cla­que la porte de l'Armée du Sa­lut; il n'est pas jusqu'au petitprof de grec, ami de la fille etsalutiste lui aussi, - ironique,pacifiste et vaguement sociali­sant - qui ne soit conquis :après tout, ce capitalisme intel­ligent et dynamique est une es­pèce d'humanisme; avec demeilleurs salaires, que diable,on apprend à se mieux respec­ter (et à respecter l'ordre éta­bli) ; bref, • tourner le dos àUndershaft, c'est tourner le dosà la vie.; tout le monde s'in­cline.

Et pour un peu, il sembleraitque Bernard Shaw, lui aussi,

s'incline. Après tout, il ne seraitpas le seul. Cette logique, unpeu moins cyniquement exhibéefait aujourd'hui fortune ; c'estun langage qu'on parle volon­tiers, du côté des maîtres etqu'on sera assez enclin à écou­ter, de l'autre côté, • tant que,- pour citer Sartre - le PartiCommuniste français restera leplus grand parti conservateurde France-.

Mais, en fait, entendre ainsila pièce, admettre que l'auteur,lui aussi, se rallie à l'idée de lafatalité du capitalisme, c'est fai­re bon marché de l'humour deShaw, de ce même G. B. Shawqui, d'ailleurs, après la lecturedu Capital, disait que ce livre• constituait contre la sociétébourgeoise le plus inexorableréquisitoire qui ait jamais étéécrit -. Il est déjà plaisant d'en­tendre un marchand de canonsreprendre cyniquement à soncompte l'analyse marxiste :mais l'humour de Shaw pousseplus loin le paradoxe, puisqu'ilconduit le spectateur à ce pointextrême où Il est presque con·traint de se rallier à la logique

d'Undershaft; mais à peine s'yest-il rallié qu'aussitôt il lui sau­te aux yeux que cette logique,c'est celle d'Ubu : un sophismes'ouvrant sur la monstruosité;la logique capitaliste est irréfu­table, soit; il n'y a pas d'autresolution que de se rallier à sonordre, soit: mais comme on nese rallie pas à Ubu, c'est doncqu'il faut l'abattre; il Y a doncune solution : changer radicale·ment le monde; la logique deKrupp n'avait oublié qu'une cho-,se : la possibilité, pour la -luttede classes, de se faire révolu­tion; la logique ubuesque y ra­mène le spectateur.

Brecht, dans un texte de 1926,rendant hommage à Shaw, defaire, dans ses œuvres, « hardi·ment appel à l'entendement - etde « prendre plaisir à semer letrouble dans le système de nosassociations d'idées -, ajoutaitque Shaw «est convaincu qu'iln'y a rien à retarder en ce mon­de hormis le regard tranquilleet incorruptible de l'homme ducommun -. Ce regard-là déman­tèle immédiatement la logiqued'Undershaft.

Mais tous n'ont pas nécessai­rement le regard tranquille etincorruptible de l'homme ducommun. Ils peuvent donc à leuraise • récupérer. la pièce, ets'ébrouer là-dedans comme ilsferaient dans de l'Anouilh; lachose leur est d'autant plus fa­cile que, pour ce qui est de laforme dramatique, il n'y a pasgrande différence entre lesdeux: un Anouilh socialiste (1)aurait écrit cette pièce grinçan­te. le tort de Rétoré est d'avoirfacilité la confusion. Shaw n'estpas Brecht, certes; mais puis­que l'un retrouvait dans l'autrequelque chose de sa propre dé­marche, Rétoré aurait pu es­sayer de nous faire songer àBrecht au lieu d'accuser la res­semblance avec Anouilh. Uneautre mise en scène moins uni­ment boulevardière, et d'autresacteurs moins imperturbable­ment boulevardiers, auraient punous faire oublier la factureconventionnelle de la pièce et,par delà cette forme discrète,faire éclater -, et sans équivo­que, ce qui n'est pas le cas ici-, le sens d'une pièce qui peutêtre singulièrement percutante.Mais cela aurait fait grincertrop de dents. Il était plus ten­tant de les faire sourire.

Gilles Sandier

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CINEMA

Objectif' : Vérité

INFORMATIONS

le jeune cinéma américainexplose. Nous avons eu droit,depuis quelques mois, à unebonne dizaine de films turbu­lents, passionnants, authenti­qUes, sortant des studios car·tonnés pour courir les rues, serépandre dans la vie quotidien­ne américaine, interroger les re­présentants du Black Power, lesmanifestants contre la guerredu Vietnam, rencontrant deshippies, interrogeant des flics,bref un cinéma documentairequi change le présent en Histoi­re et qui fait de l'Histoire un ré­cit cinématographique. Alorsque le cinéma français s'accro­che au divertissement psycholo­gique (signe évident d'on saitquoi !) ou au divertissement dit• du samedi soir ., alors que lesauteurs les plus turbulents (Go­dard, mais aussi beaucoup dejeunes inconnus) pratiquent uncinéma muet, un cinéma enfer­mé dans les bobines de ferblanc, un cinéma qui ne peutpas se montrer parce que lesEtats généraux du cinéma sontrelégués à l'époque héroïquedes révolutions manquées,alors qu'au niveau de la censureinconsciente les cinéastes derenom pratiquent une politiquede refuge (dans l'Histoire, lapsychiatrie, le policier ou le dé­sespoir métaphysique), alorsqu'il n'est donc plus possible deparler de cinéma français docu­mentaire, le cinéma américaintravaille sur le vif, le présent,les secousses d'une société em­pêtrée dans ses contradictions;le cinéma américain parle, lui,fait parler, et dresse procès-ver­baux et procès-images avec descoups de zoom, avec des inter­views cU'eillies au vol dans unerue de Chicago ou dans une ra­me du métro aérien. Bref: c'estl'actualité saisie au vol. la poli­tique redécouverte à l'indicatifprésent. Bref, c'est l'Amériquevue - par les cinéastes améri­cains. Imaginez la Frànce descommerçants contestataires fil­mée par Chabrol. Imaginez leproblème de l'Université filmépar Truffaut. Imaginez la grèvedes cheminots vue par Jean­Pierre Melville. Eh bien' non,n'est-ce pas, vous n'arrivez pasà imaginer ça et vous avez ral­son. C'est pas demain qu'onverra ça. Nous restent un petitEustache par-ci, un petit Rei-

chenbach par-là. Quelques miet­tes de Jean-Pierre Mocky. Pourle reste allez voir ObjectifVérité? de Haskell Wexler.

Qu'est-ce donc qu'ObjectifVérité? C'est un film d'une ba­nalité décourageante. le hérosest reportèr pour une chaîne detélévision. Il se promène, camé­ra sur l'épaule et court les ac­cidents de voiture, les réunionspolitiques, les manifs, les crimi­nels à la petite semaine. Il cou­che avec une infirmière. Il a unposter de Jean-Paul Belmondodans sa chambre et surtout il ades idées généreuses, humanis­tes. Il donne dans le style. p'titgars courageux., honnête, quin'hésite pas à dénoncer la vio­lence de la police et la démago­gie des politiciens locaux. Cereporter fait donc du cinéma po­litique et son objectif, c'est lavérité. Mais tout ceci ne tientpas le coup quand les choses segâtent. Par exemple, au coursdes émeutes à Chicago en 1968,les choses se sont gâtées. lesflics ont tapé trop dur. Et les ma­nifestants pacifistes ont essayéde tenir bon. lé fait-divers s'é­crase dans des images chahu­tées de sang, de têtes labou­rée.s, de corps emmenés dansdes ambulances aux sirèneshurlantes. Mais la bonne cons­cience du reporter en prendraencore un coup. En mieux et enplus -fort. Au- cours d'un entre­tien, plutôt d'une tentative d'en­tretien, avec le Black Power. Ici

le dialogue est impossible. lereporter s'aperçoit qu'il estfloué. Ses belles idées de blancbien propre, sûr de tenir la Vé­rité dans son objectif de camérafichera le camp. l'objectivité estun luxe de reporter blanc. Maisce n'est pas la Vérité. Ici il fauts'arrêter, le film devient trèsbeau. Il y a quelques secondesoù on sent physiquement que lepersonnage doute de sa mission,de ses bons sentiments. \1 faitmême plus. On a l'impressionqu'JI n'aura plus de bons senti­ments, mais des mauvais senti­ments. \1 ne fera plus des ima­ges. \1 filmera l'événement se­lon une certaine dialectique, se­lon une certaine sensibilité, se­lon ses croyances, ses convic­tions, mais inversées, c'est-à­dire marquées par le sceau dela révolte, de l'inquiétude. lemérite de ce film est d'avoir fil­mé l'Amérique et montré com­ment on passe du 24 images se­conde à un cinéma vraiment po­Ii.tique : de la recherche au mou­vement, de l'inquiétude à uneattention qui n'est plus un atten­tisme. Beau travail. Chapeau.Cinéma de prise de consciencepolitique qui laisse loin derriè­re lui le travail honnête des ci­néastes engagés dans leurs cer­titudes politiques et, à l'autreextrémité, les tenants d'une ob­jectÏ\{ité qui n'est qu'une formede désinvolture appliquée auxévénements.

Jacques-Pierre Amette

DeUZième l'estivaldu Livre à Niee

Le deuxième Festtval Internationaldu Livre se déroulera à Nice du 26mal au 1er juin 1970. Un certain nom­bre de manifestations ont été préwespar ses organisateurs pour illustrer lebut premier de ce Festival, qui est deréunir, autour de cet élément communqu'est le livre, les spécialistes lesplus divers, depuis les librairies Jus­qu'aux représentants des associationspopulaires, en passant par les auteurs,les bibliothécaires, la presse, les re­présentants des lecteurs, etc.

On pourra -ainsi assister à un collo­que dont le thème est • Le livre etses publics - et qui sera animé pardes conférences de personnalités di­verses (dont Alain Robbe-Grillet, lesamedi 30 mai à 15 heures). un carre­four sur la circulation du livre au­quel prendront part divers spécialis­tes (le mardi 26 mai), un carrefourintitulé • Création et public de mas­se. au cours duquel les porte-parolede différents groupes confronterontleurs wes ~t fixeront leurs positionsà propos du divorce de plus en plusmarqué entre ce qu'il est convenula littérature d'avant-garde et les be­soins du grand public (le 29 mal).

Sous les auspices du ministère desAffaires Culturelles, un autre collo­que réunira un 'certaln nombre de spé­claljstes de l'enfance aftn d'étudierles rapports de la poésie et de l'en­fant. Un essai d'anthologie poétiqueidéale sera réalisé en fin de journée,tandis qu'une autre équipe, patronnéepar le Secrétariat d'Etat à la Jeunesseet aux Sports, montera- dans le théA­tre de Gabriel Monnet • L'histoire duSoldat -, avec des enfants des éco­les de Nice.

Comme en 1969, • L'Aigle d'Or du'Meilleur Livre - désignera le livre lemieux fait sur le plan techntque, tan­dis que • L'Aigle d'Or de la Poésie­attlrel'll l'attention sur un poètecontemporain. Trois nouveautés ontété cependant prévues pour 1970 : • LeGrand Prix Littéraire du Festival-,créé pour remplacer • L'Aigle d'Or duRoman - et dont le Jury sera composéexclusivement de directeurs littérairesde maisons d'édition, lesquels serontInvités, au premier tour, à voter pourun auteur de leur maison et, ausecond tour, pour un auteur d'unemaison concurrente; • L'Aigle d'Orde la Bibliophilie -, dont le jurysera présidé par Julien Cain etqui est destiné à attirer l'attentiondu Wblic sur cette spécialité essen­tlellernent française; le • Prix CharlesPerrault -, dont le jury sera com·posé des membres non-éditeurs dela section française de l'Union in­ternationale du Livre pour la Jeunes­se et qui couronnera un ouvraged'imagination pour la jeunesse parul'année -précédente chez un éditeurfrançais. Enfin, le • Prix du GrandAigle d'Or de la ville de Nice'-, dé­cerné par un jury composé des mem­bres du Comité d'honneur et du Co­mité International du Festival, seraattribué à un auteur français ou étran·ger pour l'ensemble de son œuvre,

La QuiuPne littéram, du 16 ou 30 avril 1970 25

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COLLECTIONS

Soienoes seorètes

Après «Les énigmes de l'univers",chez Laffont, «En marge", à EditionSpéciale, et «Les chemins de l'im­possible", récemment Inaugurée chezAlbin Michel, Pierre Belfond lanceà son tour une nouvelle série consa­crée aux «Sciences secrètes.~ dontles premiers titres seront : le Dic­tionnaire Initiatique d'Hervé Masson;les Admirables secrets de la magienaturelle et cabalistique du grand etdu petit Albert; Erotique de l'alchimie,par Elle Charles Flamand.

Dans le même ordre d'Idée, «LaBlbllotheca hermetica., chez SGPP(diffusion Denoël) , reprendra d'an­ciens textes comme Le Livre desfigures hiéroglyphiques de NicolasFlamel ou l'Alchimie et les alchimistesde Louis Figuier.

Signalons également, chez Fayard,une collection dirigée par JacquesBrosse et qui sera composée d'ouvra­ges appuyés sur des expériences vé­cues et consacrés aux récentes inves­tigations dans le domaine métapsychi­que : «L'expérience psychique •. Pre­mier titre : Les Lamas du Tibet, parPaul Arnold, spécialiste de la littéra­ture et de la pensée orientales.

Chez Christian Bourgols sera Inau­gurée sous peu une collection consa­crée à la littérature d'épouvante etdu surnaturel et qui tire son titre d'undes premiers ouvrages li paraître :Dans l'épouvante, par Hans Ewers. Au-

tres titres, la Mandragore, du mêmeauteur; le Repaire du grand ver blanc,par Bram Stocker, le père de Dracula;Nouvelles d'Arthur Machen.

Dunod aotualités

Dunod lance ce mois-ci une vastecampagne de publicité autour de sanouvelle collection : «Dunod actua­lités •. Au rythme de trois volumespar mois, « Dunod actualités. présen­tera, à l'intention du grand public, desouvrages destinés à répondre à l'en·semble des problèmes qui, dans ledomaine social, politique ou économi­que déterminent notre vie quotidienne.Vendus au prix de 9 F, les livres se­ront différenciés par la couleur de leurcouverture qui sera rouge pour lasérie politique, jaune pour la sérieéconomique et orange pour la sériesociale. Les trois premiers titres vien­nent de sortir : Qui dirige Israël,par Simon Ben David; Pourquoi lesprix -montent-Ils ? par Bernard Ber­nier; La Vie sexuelle du couple, parPierre Vellay.

La 3e République

Sous le titre de «Souvenirs et do­cuments sur la III' République., Jé­rôme Martineau lance ce mois-cl unenouvelle collection. Elle sera Inau­gurée par un ouvrage de M.-E. Nae-

gelen : l'Attente sous les armes 1939­1940 (la «drôle de guerre. vue ducôté de la politique). Autres titres :Histoire et philosophie d'une guerre1870-1871), par Emile Olivier, épuisédepuis longtemps; le Mémorial desplébiscites, par François Piétri; lesGrandes heures du cabinet Clemen­ceau, par André Tardieu.

" Perspectivcséoonomiques"

Deux nouveaux titres dans la collec­tion «Perspectives économiques. deCalmann-Lévy : le Modèle suédois,par Jean Parent, dans la série «Eco­nomie contemporaine., et Cou r sd'économie politique, par Jean-Baptis­te Say, avec une préface de GeorgesTapinos, dans la série « Fondateurs del'économie '.

"Les chemins del'impossible"

Dans la nouvelle collection d'AlbinMichel, «Les chemins de l'impossi­ble., paraît une histoire de la sor­cellerie et de la magie à partir del'assassinat de Sharon Tate : les Es­claves du diable, par Georges J. De­maix. Signalons également, dans lacollection «Lettre ouverte " uneLettre ouverte aux juifs, par RogerIkor et, dans la collection • Présencedu judaïsme., une anthologie bilin·gue de textes talmudiques réunis etcommentés par Abraham Epstein sousle titre d'Etincelles.

"Trésors inoonnus "

A l'heure où nos sociétés en voiede surdéveloppement et en mal defrissons sacrés s'imaginent de bonnefoi découvrir l'érotisme, et où les mo­ralistes de tout poil se penchent avecanxiété sur un phénomène que lemercantilisme international s'est pour­tant chargé avant eux de désamorcer,il est bon de prendre du recul, de fairedes confrontations, de revenir auxsources. C'est ce à quoi nous invitela série intitulée les «Trésors incon­nus. de Nagel et ce n'est pas lemoindre mérite de cette collectionconsacrée aux représentations éroti­ques dans l'art des différents p~ys etqui nous montre que la symbiose del'érotisme et du sacré est présentedans toutes les civilisations hormis lanôtre, que l'érotisme sous toutes sesformes a toujours fait partie, soustous les climats et en tous temps, dumatériel même de la création artistl·que.

Collection de prestige, somptueuse­ment illustrée, rédigée par des spé­cialistes internationaux et publiée si­multanément en français, allemand,anglais et italien, • Trésors Inconnus·apporte une contribution importante àl'histoire de l'art en ce qu'elle jetteun éclairage nouveau sur un sujet vul­garisé par l'expression populaire etnous donne à découvrir, sans fardsmais sans complaisances, des œuvresqui, jusqu:ici, étaient obstinément oc­cultées ou défigurées par les tabous

par Georges Perec

Celui qui commence à se familiariser avec la vie W, un novice parexemple qui, venant des Maisons de Jeunes, arrive vers 14 ansdans un des 4 villages, comprendra assez vite que l'une des carac­téristiques, et peut-être la principale, du monde qui est désormaisle sien est que la rigueur des institutions n'y a d'égale que l'am­pleur de leurs transgressions. Cette découverte, qui constituerapour le néophyte un des éléments déterminants de sa sauvegardepersonnelle, se vérifiera constamment, à tous les instants, à tousles niveaux. La loi est implacable, mais la loi est imprévisible.Nul n'est censé l'ignorer, mais nul ne peut la connaître. Entreceux qui la subissent et ceux qui l'édictent se dresse une bar­rière infranchissable. L'athlète doit savoir que rien n'est sûr; ildoit s'attendre à tout, au meilleur et au pire; les décisions quile concernent, qu'elles soient futiles ou vitales, sont prises endehors de lui; il n'a aucun contrôle sur elles. Il peut croire que,sportif, sa fonction est de gagner, car c'est la victoire que l'onfête et c'est la défaite que l'on punit; mais il peut arriver premieret être déclassé, il peut arriver dernier et être proclamé vain­queur : ce jour-là, à l'occasion de cette course-là, quelqu'i.Jn, quel­que part, aura déCidé que l'on courrait à qui perd gagne. Les athlè-

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tes auraient pourtant tort de se livrer à des spéculations sur lesdécisions qui sont prises à leur égard. Dans la majorité des cour­ses et des concours, ce sont effectivement les premiers, les meil­leurs qui gagnent et il se vérifie presque toujours que l'on a intérêtà gagner. Les transgressions sont là pour rappeler aux athlètesque la victoire est une grâce, et non un droit : la certitude n'estpas une. vertu sportive; il ne suffit pas d'être le meilleur pourgagner, ce serait trop simple. Il faut savoir que le hasard fait aussipartie de la règle. Am Stram Gram ou Pimpanicaille, ou n'importequelle autre comptine, décideront parfois du résultat d'une épreu­ve. Il est plus important d'avoir de la chance que du mérite.Le souci de. donner à chacun sa chance - peut paraîtreparadoxal dant un monde où la plupart des manifestationssont fondées sur un système d'éliminatoires (les championnatsde classement) qui interdit dans presque tous les cas à quatreathlètes sur 5 de prendre part aux principales épreuves. Il estpourtant évident et c'est à ce souci que l'on doit deux des institu­tions les plus caractéristiques de la vie sportive W : les Sparta­kiades et le Système des Défis.Les Spartakiades sont, on le sait, des jeux ouverts aux athlètes• sans noms .. , à ceux qui ne se sont pas classés dans leurs vil­lages et qui, par conséquent, ne participent ni aux championnatslocaux ou aux épreuves de sélection, ni aux Olympiades, ni auxAtlantiades. Il y en a quatre par an, une par trimestre. Ce sont desépreuves très disputées et d'un haut niveau compétitif, bienqu'opposant entre eux les plus mauvais éléments des équipes,ceux qui, dans l'argot du public, s'appellent. la piétaille -, • l'écu­rie - ou «les crouilles ». En effet ces épreuves sont pour cesathlètes la seule chance d'obtenir un nom et de disposer de quel­ques-uns des avantages (droit aux douches, laisser-passer dansles stades, bons d'équipemenL) réservés aux athlètes nommés.

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INFORMATIONS

Beckett au Festival de Royan

occidentaux. Pour reprendre le mot deBataille, nous découvrirons ainsi avecMulk Raj Anand, professeur à l'Univer­sité du Pendjab qui, dans Kama Kala,s'est efforcé d'interpréter, tout aulong de trois millénaires d'histoire re­ligieuse et philosophique, le messagespirituel contenu dans les sculpturesérotiques hindoues, que • la suprêmeinterrogation philosophique coïncideavec le sommet de l'érotisme -. Aceux qui considèrent avec Baudelairequ'il n'est de plaisir en amour quedans la transgression et la souillure,Vun Vu, l'essai de R. Etiemble sur lesentiment de l'amour et sur les re­présentations érotiques de la Chine,révélera une pensée dont le propreétait de ne pas connaître le péché, dumoins sous la forme qui accable lespays judéo-chrétiens, une philosophienaturelle à contre-courant du purita­nisme confucéen ou du réalisme socia­liste, et qui savait prôner avec infini­ment de charme et de saveur l'inno­cence du sexe et la douceur du senti­ment de l'amour partagé.

C'est un ouvrage non moins inatten­du et non moins fascinant que devaitnous proposer le regretté Rafael Larco­Hoyle, disparu au cours du séismequi dévasta récemment la région deLima et détruisit les plus belles piè­ces du musée dont il était le conser­vateur (pour la plupart reproduitesdans le livre), avec Checan, étude ad­mirablement illustrée sur un aspectInconnu de l'art précolombien: l'éro­tisme du Pérou antique, dont l'exubé­rance et l'humour débridé tranchentsingulièrement avec l'austérité et la

cruauté que l'on associe généralementà l'âme précolombienne.

Oe même, avec Rosa Amor, où sontreproduites pour la première fois lespièces les plus représentatives desmusées secrets de Naples, Rome etPompéi, et Eros Kalos, où se trouventréunis des documents d'une savou­reuse originalité sur l'érotisme grec,que seule l'audace de leur sujet avaitjusqu'ici reléguées dans l'ombre, JeanMarcadé nous plonge au cœur des su­perstitions les plus anciennes del'humanité et nous invite à une com­préhension profonde du paganisme.Citons également Shunga • Images duprintemps, essai sur les représenta­tions érotiqufls du Japon auxquellesCharles Grosbois rend, loin de toutevulgarité, leur véritable dimension;Sarv-é Naz, par Robert Surieu qui nousrend sensible l'évolution d'une sensi­bilité à maints égards fort différentede la nôtre, celle de l'Iran, depuis lescommandements austères de l'Avestajusqu'à l'aube de l'ère moderne incar­née par l'avènement des Pahlevis, enpassant par les romans courtois duMoyen Age, les poètes épicuriens etmystiques de l'Islam et les récits desvoyageurs occidentaux du XVII' siè­cie; Rati·Lila, par Giuseppe Tucci, quinous entraîne au cœur de l'aimableroyaume du Népal où le plus extrava·gant des humours s'allie au mysticis­me le plus délirant.

Le 23 mars, au Festival de Royan, aeu lieu la création mondiale de Paroleset Musique d'Arié Ozierlatka, sur letexte de Samuel Beckett. Arié Ozier­latka, trente-sept ans, d'origine polo­naise, est né à Anvers; il a composénotamment un Hommage à Bram VanVelde. Conçue pour baryton, voix etorchestre, cette nouvelle compositionentendait suivre de près les indicationsde Beckett. Le musicien explique lui­même : • Beckett utilise simultané­ment quelqu'un (Croak) et personne(Paroles et Musique). Ils font jeu égalet dialoguent ensemble. Cela est hal­lucinant. N'est-il pas INOUI ce motque Paroles adresse à Musique :• Ecoute... - ? Je vois aussi cette œu­vre comme un chant de la vieillesseavançant en quelque sorte à reculons,regardant en arrière, se souvenant, dis­courant avec une emphase grinçantesur la paresse, l'amour, les passions,l'âme... J'ai été amené à traiter musi­calement certaines données que Bec­kett indique évidemment par desmots -. Or ni la beauté du texte ni laqualité de la partie or·chestrale magni­fiquement dirigée par Marius Constant

n'ont empêché les manifestationsbruyantes de mécontents pas toujoursaussi jeunes qu'on l'a dit. Précisonsqu'il ne s'agissait pas de contesta­tion, terme à la mode couvrant unpeu n'importe quoi, mais de simplechahut. Peu après les premières mesu­res commençaient sifflements et quo­libets adressés aux acteurs et auxmusiciens, mêlés aux protestationsdes partisans de l'œuvre. Si une œu­vre comme les Variations baroques deLukas Foss était explicitement des­tinée à irriter la critique et le public(hurlements lorsque la percussionbrise des chaises et des planches auxaccents de Bach ou Scarlatti) , cen'était pas le cas de Paroles et Musi·que, évidemment. L'œuvre n'avait pasl'heur de plaire aux amateurs de Mar­cei Achard et de Frank Pourcel, aufond pas si rares jusque dans lesmanifestations de musique contempo­raine. Comme toujours l'incompréhen­sion rencontrée par l'œuvre est moinsdésagréable que la volonté d'une mino­rité sujette aux lubies, d'imposer unecontrainte au créateur et de gêner lesexécutants.

S.F.

Par ailleurs, les Spartakiades rassemblent 1 056 athlètes, alorsqu'il n'yen a que 264 pour les Olympiades et l'ampleur de la par­ticipation garantit souvent une combativité exceptionnelle qui,des éliminatoires aux finales, donne aux courses et aux concoursune vigueur peu ordinaire et à toute la rencontre une ambiancepassablement survoltée; les récompenses sont d'ailleurs souventà la hauteur de ce climat et la victoire de ces sans-grade estfêtée avec une chaleur et un enthousiasme que les vainqueursdes Olympiades ne connaissent pas toujours. Les vainqueurs desSpartakiades, pendant tout le trimestre qui suit l-eur triomphe,jouiront pleinement de leur nom et des prérogatives qui y sontattachées; ils auront droit, en particulier, à un handicap favorabledans les championnats de classement et il est presque de règlequ'un vainqueur de Spartakiade (un Newman, un Taylor ou unLama pour le 200 m par exemple) gagne aussi dans le champion­nat de classement qui suit et soit dès lors admis à part entièredans toutes les autres rencontres.Les athlètes classés n'ont évidemment que mépris pour les Spar­takiades et pour leurs vainqueurs. L'idée est venue assez vite auxofficiels d'utiliser ce mépris et d'en faire le moteur d'une mani­festation originale; de là est né le Système des Défis. Le principedu défi est assez simple : un athlète classé et qui, par consé­quent, n'a pas participé à la Spartakiade, s'approche du vainqueurdans la minute qui suit sa victoire et le défie de recommencerson exploit. On dit, en argot de stade, qu'il le « coinche - ou en­core qu'il le « contre -. Le Spartakiste n'a pas le droit de se déro­ber; tout au plus peut-il espérer triompher de son adversairegrâce au handicap, parfois considérable, que les juges lui laisse­ront et qui sera déterminé par le directeur de courses en fonctionnon pas tant de l'état 'de fatigue du vainqueur que de la qualitédu « coincheur ,. ; en principe, plus le coincheur est célèbre (plus

lA Quinzaine littéraire, du 16 au 30 avril 1970

il a de noms), plus le handicap qu'il concède est lourd. Ainsi, si leJones de Humphrey d'Arlington Von-Kramer-Casanova) on recon­naît sous ces noms le second sprinter de 100 m de Nord-OuestW, vainqueur olympique, etc.) défie Smolett jr (vainqueur du100 maux Spartakiades) Smolett jr partira avec 30 m d'avance, cequi, sur une si faible distance, constituera vraisemblablement unhandicap décisif. Si le Jones parvient quand même à triompher,il bénéficiera immédiatement de la victoire de l'autre et s'empa­rera, non seulement de son nom (Smolett jr) mais de ceux dusecond (Anthony) et du troisième (Gunther) de la course, cequi, en principe, lui assurera des avantages considérables. S'ilperd, par contre, c'est son titre le ~Ius prestigieux qu'il perdra,celui du Jones, celui de Vainqueur Olympique, et que portera dé­sormais, avec toutes les prérogatives afférentes, le Smolett jrqu'il aura imprudemment défié.Le système des Défis est, par excellence, une arme à double tran­chant. Car, de même que le Spartakiste ne peut refuser le défi,aucun athlète nommé ne peut refuser de le lui lancer, pour peuque la foule ou qu'un officiel lui en fasse la demande. L'humeurdes officiels, en fixant le handicap que le défiant concède audéfié, déterminera à elle seule le résultat de l'épreuve: ou bienelle privera le Spartakiste de la seule victoire qu'il pouvait espérerremporter, ou bien elle détrônera en un instant un athlète que sesvictoires auraient pu rendre impudent. Ce n'est pas tellement queles officiels soient opposés à l'impudence; au contraire, ils l'en­couragent souvent, ils s'en amusent. Ils aiment que leurs vain·queurs soient les dieux du stade; mais il ne leur déplaît pas nonplus, précipitant d'un coup dans l'Enfer des Innommables ceuxqui croyaient, un instant plus tôt, en être sortis à jamais, rappelerà tous que le sport est une école de modestie.

(A suivre)

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Page 28: Quinzaine littéraire, numéro 93

Livres publiés du 20 Dlars au 5 avril

ROMANSl'RANCAIS

• J.-P. AmetteUn voyage en provinceMercure de France,136 p., 9 FUn court roman d'unton très nouveau.

Ange BastlanlIrisA. Balland, 264 p., 27 F.

Jean-Roger BourreeLa brûlureGallimard, 184 p.,13,75 F

Un premier romanauquel son stylefiévreux, exalté,passionné confère unegrande originalité.

Pierre CaminadeLe don de merciR. Morel, 232 p., 25 F

Un chant d'amour à"alliance physique,intellectuelle et moraledu couple.

François CoupryLa promenade casséeGallimard, 184 p.,13,75 F

Un premier romand'un ton très insolite,où la tendresse et lafantaisie sontadroitement dosées.

• René FalletAu beau rivageDenoël, 208 p., 15 F

la chroniquesavoureuse d'un petithôtel-pension oucomment échapper à

la platitude de la viequotidienne.

Jean-Claude FontanetLa montagneTable Ronde, 216 p.,15 FUn roman régionalistepar un écrivain suissedont c'est la premièreœuvre publiée enFrance.

• Viviane ForresterAinsi des exilés« lettres Nouvelles.Denoël, 192 p., 14 F

l'après-guerre dansune petite villebalnéaire de Hollande,hantée par le passérécent.

Jean FougèreFloR. Morel, 188 p., 18 F

les annéesd'apprentissage d'unadolescent enAngleterre et unesavoureuse étudede mœurs sur les genset les chosesd'Outre-Mançhe.

RÉÉDITION

Romain GaryChien blancGallimard, 256 p., 20 Fla chroniqueterrifiante del'Amérique en crise(voir le numéro 9 dela Quinzaine).

• Julien GracqLes presqu'îlesCorti, 224 p., 19,50 FUn recueil de nouvellespar l'auteur du«Rivage des Syrthes •(voir le numéro 29 dela Quinzaine).

• Bilou Grand MaitreCarnavals et cendresGallimard, 208 p., 17 FUn roman d'amour quise déroule dans uncoin perdu du Brésil.

Cornélius HeimHorizon guérillaMercure de France,192 p., 16 FPremier roman quitraduit les angoissesd'une ville en émeute.

Johanne KleinOcéaneDenoël, 112 p., 11 F

le très mystérieuxpassage de l'enfanceà la maturité sexuelle.

Jean lorbaisLes cicatricesGallimard, 288 p.,21,25 F

la confession d'uncroyant mais aussid'un homme assoifféde tendresse humaine.

Paul dei PerugiaLes derniersrois magesGallimard, 272 p.,21,25 F

A travers le récitd'une expéditionethnologiquedans le Ruanda, unevaste fresque épiqueet romanesquesur l'Afrique éternelle.

Marcel SauvageLa fin de ParisDenoël, 176 p., 12 F

Réédition, sous uneforme nouvelle, d'unroman qui obtint avantla guerre le PrixGeorges Courteline.

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'iÎ' k 1 Centre d'action sociale.ri garderie d'enfants; conseils sociaux.1 : accueil des anciens

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Page 29: Quinzaine littéraire, numéro 93

.John BarthL'enfant boucTrad. de l'anglaiset préfacé parMaurice RambaudGallimard, 448 et360 p., 54 Fies 2 vol.Par l'auteur de• L'Opéra flottant •.

• G. Cabrera InfanteTrois triste.> tigre.Trad.> du cubain parAlbert Bensoussan,avec la collaborationde l'auteurGallimard, 468 p.,30,75 FUn roman qui a pourcadre La Havanede la Révolutionmals dont levéritable sujet estla littérature et lesavatars du langage.

• Rosario CastellanosLe Christ de. ténèbresTrad. da l'espagnol parA. et J.-C. AndroGallimard, 364 p.,25,50 FUne farce sanglantequi a pour cadrele Mexique et, pourprotagonistes, lesIndiens exploités parles propriétaires blancs

• Hugo von HoffmannstahlAndréas et autre.récitsTriKl. de l'allemand pare: Badoux et M. MichelPréface d'Henri ThomasGallimard, 264 p.,21,25 FNouvelles Inédites dugrand écrivain allemand.

• Ling Mong-tch'ouL'amour de la renardeMarchands et lettrésde la vieille ChineTraduit, préfacé etannoté par A. LévyGallimard, 296 p.,29,75 F

Douze contes chinoisdu XVII' siècle.

• B. Perez Galdosfortunata et JacinteHistoire de deuxfemmes marl'esTrad. de "espagnolpar Robert MarrastRencontre, 500 p.,17,60 FL'œuvre maîtressedu Balzac espagnol.

Daniel BlanchardCartesMercure de France,72 p., 12 F.

Alain RaisLa nuit manquede mallMi'œuvreColl.• J'exigela parole.Plerre-Jean Oswald,136 p., 13,50 F.

REEDITIONSCLASSIQUES

Joseph DelteilCholéraR. Morel, 194 p., 25 FVoir le n° 58de la Quinzaine.

Charles DickensŒuvres • Tome VILa petite DorrltUn conte de deux villesPublié sous la directionde Pierre LeyrlsIntroduction et notesde Pierre LeyrlsTrad. de l'anglaispar Jeanne Métlfeu­BéjeauBibliothèque de laPléiadeGaillmard, 1.392 p., 52 F.

Jean DouassotLa GanaPréface deMaurice NadeauIllustrationsde l'auteurLosfeld, 744 p.Voir le n° 71 dela Quinzaine.

EuripideMédéeEdition, Introductionet commentaire deRobert FlacellèreP.U.F., 128 p., 15 F.

Joseph KesselLes rois aveuglesPlon, 320 p., 22,50 FRéédition, entièrementremaniée par l'auteur,d'un ouvrage surles derniers jours dela Grande Russie.

Gaston LerouxLa poupée sanglanteLa machineà assassinerL()sfeld, 336 p., 24 F.

Jean LorbaisSans armureGallimard, 144 p.,11,75 F

Réédition du premierroman de l'auteur,paru en 1948chez Plon.

Guy de PourtalèsLa piche miraculeusePréface de F. Nourlssle.Gallimard, 556 p., 35 FRéédition d'un romanqui obtint le Grand Prbdu Roman del'Académie Françaiseen 1937.

Dom Ph. RouillardLe dictionnairedes saintsR. Morel, 426 p., 25 f.

BIOGRAPHIESCORRES·PONDANCBS

Victor AlexandrovRoulette russeTable Ronde, 320 p.,19 FLe roman des dernièresdécades, vu à traversune vie d'homme.

• Brendan BehanEncore un verreavant de partir 1Trad. de "anglaispar P.-H. ClaudelGallimard, 208 p., 17 FChroniques sur la viequotidienne en Irlandeparues dans l' • IrishTlme. de 1954 à 1956

Lucien BodardMao Tsé-toung360 illustrations15 cartesGallimard, 256 p., 64 FL'épopée de Mao miSEen textes et en images

• François CaradecIsidore Ducasse,comte de Lautréamont8 p. de hors-texteTable Ronde, 248 p.,23 FUne biographie trèscomplète de ce grandpoète mystérieux.

• Malcolm CowleyWlliam FauJknerCorrespondanceTrad. de l'anglaispar R. HilleretGallimard, 216 p.,15,75 FUn recueil de lettreset souvenirs de 1944à 1962,commentés parl'historien et critiqueMalcolm Cowley,qui fut aU8s1 l'ami

de Faulkneret de Dos Passos.

• Basil L1ddel HartMémoire.Fayard, 560 p., 50 F50 ans de notre passérécent, vus par celuique Montgomeryappelait • l'écrivainmilitaire britanniquele plus Importantde notre époque •.

• Prince de JoinvilleVieux souvenirsEdition présentéeet annotée parD. MeyerColl. • Le tempsretrouvé •Mercure de France,328 p., 21 FLes mémoires du filsde Louis-Philippe, quifut commandant dela flotte françaiseen Algérie.

• Violette LeducLa folle en têteGallimard, 416 p.,28,50 FVoir ce numérode la Quinzaine.

Ignace LeppLettres posthumesà mes lecteursPréface dliDr ChauchardAubier-Montaigne, 15 FRecueil de noteset de lettres trouvéesparmi les papiersde ce marxisteconverti restéun authentiqueprogressiste.

• Rosa LuxemburgLettres à Karl etLuise KautskyTrad. de l'allemandpar N. Stchoupaket A.·M. Bracke­DesrousseauxPrésentation parDominique DesantiP.U.F., 212 p., 24 FUne correspondanceétalée survingt-deux anset qui éclaire d'unjour nouveaules conceptions de lafondatricedu parti communisteallemand.

Lec MellorLord ChesterfieldMame, 340 p., 29 F.Une grande figuredu XVIII' siècle.

Marcel SauvageJ. et E. de Goncourt,précurseursMercure de France,208 p., 19 F.

La vie des frèresGoncourt,leurs rapportset leur influencesur la littératurecontemporaine.

Lanza dei VastoEnfances d'une penséeDenoël, 128 p., 12 F.Premier volumed'une série Intitulée• Le Viatique •.

CRITIQUEHISTOIRELITTERAIRE

ChaucerTroile et Crisède(Extraits)Présentation,traduction et notespar J.R. SimonAubier-Montaigne,16,50 F.

'. Pol ErnestApprochespascaliennesDuculot, Gembloux(Belgique), 712 p.,650 FB.L'unitéet le mouvement,le sens et la fonctionde chacunedes 27 liasseslaissées par Pascal.

L'érotismedans le romancontemporainChoix et présentationpar René VarrlnEd. de la PenséeModerne, 320 p., 20 F.Une anthologiede textes érotiques.

André ThériveProcès de littératureLa Renaissancedu livre éd.,276 p., 28,95 F.Un ouvrage posthumede l'auteurde • Clotilde de Vaux.,disparu en juin 1967.

SOCIOLOGIEPSYCHOLOGIE

P. Bertrand, V. Lapie,J.-C. PelleDictionnaired'information sexuelleE. Privat, 280 p., 25,60 F.Une étude trèscomplète où le vastedomaine de la sexualité

est abordé dans toute ladiversité de ses faits etde ses problèmes.

• Pierre BourdieuJean-Claude PasseronLa reproductionEléments d'une théoriedu systèmed'ense.lgnement3 graphiques et 10tableaux in texte,1 graphique hors texteet un indexEd. de Minuit, 288 p.,20 F.Un ouvrage de synthèsethéorique, appuyésur des travauxempiriques, et qui faitsuite aux • Héritiers -.

• Changer l'écoleEd. de l'Epi,256 p., 20 F.Un ouvrage étayésur des expériencesconcrèteset où la parole a étédonnée aussi biena~ enseignantsqu'aux enseignés.

• Jean DuvignaudAnthologie dessociologues françaiscontemporainsP.U.F., 256 p., 18 F.Un ouvrage critiqueà travers lequelse constitueun discours objectifde la sociologiecontemporaine.

• Charles FordCaméra et mus mediaMame, 158 p., 11,55 F.Du bon usage des masCJmedia.

Salvador GinerInitiationà l'IntelligencesociologiqueTrad. de "espagnolpar T. JerphagnonEd. Privat, 208 p.,18,50 F.

Une vue d'ensembleobjective et trèsactuelle.

La sociologieOuvrage collectifsous la directionde J. Cazeneuveet D. VlctoroffDenoël, 548 p., 47,50 F.Collection• Dictionnairesdu savoir moderne -.

Odile LevassortGarçon. et fillesou le bonheur d'aimerNombr. photosMame, 368 p., 12,50 F.

La Quinzaine littéraire, du 16 au 30 avril 1970 29

Page 30: Quinzaine littéraire, numéro 93

Livres publiés du 20 mars au 5 avril 19'70

L'amourpour les adolesl~ents

d'aujourd'hui :un livre écritpar des jeunes,pour des jeunes.

Serge LeboviclMichel SouléLa connaissancede l'enfant par lapsychanalyseavec la collaborationde S. Decobertet J. NoëlP.U.F., 648 p., 44 F.Les applicationsde la métapsychologiefreudienne dansles cures d'enfants.

Suzanne MathieuLe célibat fémininMame, 230 p., 16,50 F.Les motivationsdu célibat fémininet sa problématiquedans le monde actuel.

.P.C. Racamierla psychanalysesans divanla psychanalyse et lesInstitutions de soinspsychiatriquesAvec la collaborationde R. Diatkine,S. Lebovici, P. Paumelle,P. Béquart, l. Carretier,S. Ferraresi-Taccani,D. MassonPayot, 424 p., 42,60 F.La pratiquepsychanalytiqueen milieuinstitutionnel.

Marguerite QuiduLe suicidePréface dePaul SivadonE.S.F. éd., 160 p., 28 F.Les aspectspsychopathologlqueset sociaux du suicide.

• Daniel WildkôcherFreud et le problèmedu changementP.U.F., 216 p., 30 F.Les principales étapesde la découvertedes changementsindividuelsen psychanalyse.

PBILOSOPHIBLINGUISTIQUE

.Leonard BloomfieldLe langageTrad de l'américainAvant-proposde Frédéric FrançoisPayot, 552 p., 49,60 F.Traduit pour la premièrefois en français,le livre capital du père

30

de la linguistiquestructurale américaine.

J.-l. BoursinP. CaussatAutopsie du hasardBordas, 334 p., 19,30 F.Une étude à la foisphilosophiqueet mathématiquesur le conceptde hasard.

• Martin HeideggerTraité des catégorieset de la significationchez Dun ScotTraduit de l'allemandet présenté parFlorent GaboriauGallimard, 240 p.,26,50 F.Ecrit Immédiatementavant .. Sein und Zeit-,une méditationsur le problèmede la langue et sur ieproblème de l'être.

.Gérard LegrandPour connaîtrela penséedes pnisocratiquesBordas, 174 p., 10 F.Une étude très complètesur une penséedont les philosophescontemporainsredécouvrent l'actualité.

BSSAIS

André BonnardLes dieuxde la GrèceRencontre, 288 p.,17,60 F.

Les grandes figuresde la mythologie,vue par un grandhélléniste.

J.A. BakerLa collinede l'étéTrad. de l'anglaispar E. GasparMercure de France,200 p., 18 F.

Un livre qui est le fruitd'une longuefréquentationamoureusede la nature.

André DeledicqInitiationà l'intelligenceinformatiqueEd. Privat, 180 p., 18 F.Les conceptionsfondamentalesde l'informatiqueet ses diversesapplications.

HISTOIBB

Cyril AlfredAkhenaton145 photosdont 17 en couleursJules Tallandier éd.,271 p., 58 F.Les mystères du règnede ce pharaon mystiquequi fut le premiermonothéistede l'histoire.

lieutenant ChevalierSouvenirs des guerresnapoléoniennesPubliésd'après le manuscritoriginal de Jean Mistleret de H. MichaudHachette, 338 p., 30 F.Non moins émouvantque les • Cahiersdu Capitaine Coignet-,le journal, tenu de 1789à 1815 par un hérosde l'épopéenapoléonienne.

Dominique EudesLes KapetanlosLa guerre civilegrecque de 1943 à 1949Préface de Poulanzas16 p. de photosFayard, 496 p., 30 F.Un livre qui éclairesingulièrementla situatlon actuellede la Grèce.

Fritz FischerLes buts de guerrede l'AllemagneImpérialePréface de Jacques DrozTrévise, 556 p., 62 F.Les responsabilitésallemandesdans le déclenchementde la Première Guerremondiale.

J.V. LuceL'Atlantideredécouverte114 photos dont 14en couleurs.Jules Tallandier éd.,223 p., 55 F.Une étude appuyéesur les découvertesles plus récentesde l'archéologie,de la sismologieet de l'océanographie.

• Relations desambassadeurs vénitiensChoix et introductionsde François GaetaTrad. de J. ChuzevilleKlincksieck, 384 p., 48 FOuvrage classiqueet introuvable éditédans la collectionUnesco d'œuvresreprésentatives.

POLITIQUBECONOMIE

• Joe Mc GinnlssComment on • vend •un présidentArthaud, 224 p., 19,80 F.Dans les coulissesdes électionsprésidentiellesaméricaines.

Jean Parentla concentrationindustrielleP.U.F., 224 p., 12 F.Les relationsde la grande entrepriseavec la société.

PatriceLa France ImpossibleR. Morel, 256 p., 25 F.Un pamphletd'une grande luciditésur le malaiseet la maladiede la France actuelle.

Bernard Voyennele droità l'informationAubier-Montaigne,224 p.. 15 F.La liberté de .Ia pressedans la Franced'aujourd'hui.

A. WolfelspergerLes biens durablesdans le patrimoinedu consommateurP.U.F., 160 p., 30 F.Une étude de théorieéconomique qui met"accent sur le rôleque jouent ces biens,en tant qu'actifsà la fois physiqueset financiers.

DOCUM.NTS

Uri DanL'embargo12 illustrations h. t.Edition Spéciale,256 p., 21 F.Edition revueet augmentée dede • De Gaullecontre Israël-•

Georges GuetteLa tour octogonePostface d'A. DecauxPlanète, 512 p., 29,50 FL'histoire tragi-comiquede l'anciennesouverainetéde Dombes.

Jorgen HaestrupLe mouvement de laRésistance danoise1940-1945préface de RémyPresses de la Cité,42 p., 22,50 F.A l'occasionde l'expositionqui se dérouleactuellementà la Maisondu Danemark à Paris.

• Lénine vivantPréface deAnastase MikoyanFayard, 128 p., 18 F.Un album de 145 photospour la plupartinédites,de Lénine.

Jean-Pierre Migeon.Jean JollyA qui la Palestine 7Nombr. cartesEdition Spéciale,256 p., 21 F.Un dossier complet,par deux journalistesde • L'Aurore -.

J.-P. N'DiayeNégriers modernesPrésence Africaine,128 p., 12 F.Le dossier explosifd'une exploitationsordide.

Jacques SadoulLe trésordes alchimistes12 i11. hors texte344 p.. 24 F.Qu'est-ce quel'alchimie, qui furentles grands alchimistes.comment deveniralchimiste?

Shabtaï TevethLes chars de Tarnmuz32 p., d'i11. hors texteRencontre, 368 p.,17,60 F.La campagnedes blindésisraélienspendant la Guerredes Six Jours.

.José YglesiasDans le poingde la révolutionTrad. de l'américainpar Elisabeth Gille• Dossiers des LettresNouvelles -Denoël, 336 p., 28 F.A travers la chroniqued'une petite villecubaine, une imagevivante de la révolutionvécue au niveaude la réalitéquotidienne.

Mary BosanquetVie et mortde Diebich Bonhoeffer4 p. de hors-texteCasterman, 304 p., 22 F.La pensée et l'actionde ce grand théologienexécuté par les nazis.

Heinrich FrlesLa foi contestéeTrad. de l'allemandpar H. RochaisCasterman. 224 p.. 15 F.la foi est-elle encorepossible aujourd'hui'1

Y. KaufmannConnaître la BibleTrad. de l'hébreupar l. Toboulet C. DuvernoyP.U.F., 400 p.. 32 F.Un des monumentsles plus importants.de la culture hébraïquemoderne.

D. MackensieP. BrownPaul nllichs'expliqueTrad. de l'anglaispar Jean-Marc SaintPlanète, 368 p.. 29.50 F.A travers un débatorganisé dansune universitéaméricaine,une introductionà la tMologiede PaÜI Tillich.

Michael NovakOù est dieu 7Mame, 240 p., 19 F.la profession de foid'un laïcde notre temps.

Cardinal RenardVivre la folen communionavec l'EgliseFayard, 144 p., 15 F.Par l'archevêquede Lyon, Primatdes Gaules.

Gustave ThlbonNotre regardqui manqueà la lumièreFayard. 256 p., 22 F.Une méditationsur la vie intérieure.les rapports humainset le rapport avec Dieu.

ARTS

L'art moderneet le mondeSous la direction

Page 31: Quinzaine littéraire, numéro 93

de René Huygheet de Jean Rudel2.500 IllustrationsLarousse, 2 vol. 784 p.,278 F (prixde souscription)Toutes les tendanceset toutes les formesde l'art dans tousles pays, de 1800à nos jours.

La Renaissanceen ItalieTexte et photosde H. Decker4 hors-texte couleur295 III. en héliogravure27 plans et croquisBraun éd., 352 p., 75 F.

Belgique romaneTexte de A. CourtensIllustrationsde Jean Roubler30 hors-texte couleur125 III. en héliogravure24 plans et croquisBraun éd., 224 p." 89 F.

Merveillesdes châteauxde Bretagneet de VendéePréface de L. Guilloux300 photographiesdont 55 en couleursHachette, 308 p.,96,60 F.

HUMOURVOYAGESDIVERS

Joies de la gastronomieLa cuisine aux étoilesNombr. illustrationsen noir et en couleursHachette, 340 p., 75 F.Un panoramade la Francegastronomique.

Ils sont fous,ces gauchistes 1Citations recueillieset commentéespar Dominique VennerEd. de la PenséeModerne,Un recueil .des meilleures phraseset prophétiesdémenties par les faits,signées Marx, Staline,Marcuse,Mao Tse Toung,Castro, etc.

J. LanzmannWolinskiKama-Soutra 197080 illustrationsEdition Spéciale,200 p., 12 F.La quintessenceérotiqueet humoristique

du plus célèbre livreérotique de tousles temps.

Les curesDenoël, 256 p., 19 F.Un nouveau• Guide pratiquede la vie quotidienne-.

Fernand LequenneLe livre des boissons31 IllustrationsR. Morel, 400 p., 40 F.Une encyclopédie fortvivante sur l'histoiredes boissons et l'artde boire à traversles âges.

Pierre LleutaghiLe livre des arbres75 pl. IllustréesR. Morel, 1.392 p. en2 vol., 90 F.Un ouvrage sanséquivalent,qui répondà toutes les questionsque l'on peut se poserà propos des arbres

J. PoujolM.OrianoInitiationà la civilisationaméricaine150 illustrationsMasson éd., 384 p., 25 FUn livre où se trouventrassemblée,sous une forme vivanteet condensée,la massedes renseignementsde base nécessairesà qui veutcomprendreles Etats-Unis.

Jean RiverainLa folledes extravagances16 p. hors texteHachette, 304 p., 28 F.De l'Antiquitéà nos jours,une évocationdes grandspersonnagesdont les extravagancesont étonné le monde.

Livresdepoche

LITTBRATURB

AndersenContes

Garnier/Flammarion

Henry JamesMaud-EvelynLa mort du lionIntroductionpar T. TodorovTraduit de l'anglaispar L. ServlcenAubler-Flammarion/Collection bilingue.

Jules VallèsL'insurgéGarnier/Flammarion.

THÉATRB

André BenedettoRosa Lux

Théâtre en France

Bertolt BrechtL'achat du cuivreTrad. de l'allemandpar E. Perregaux,J. Jourd'heuil,J. TailleurL'Arche/TravauxEntretienssur une nouvellemanière de fairedu théâtre.

Pierre Jean OswaldGeorg BüchnerThéâtre completTraductionspar A. Adamovet M. RobertL'Arche/Travaux

CourtelineMessieursles ronds de cuirGarnier/Flammarion

POESIE

Louis AragonLe mouvementperpétuel précédéde Feu de Joie et suivid'EcrituresautomatiquesPréface d'Alain JouffroyGallimard/Poésie

Roland BoyezAbîmesJean Grassln/Poésie actuelle

Emily DickinsonPoèmes

Bilingue Aubier­Flammarion.

Michel VacheyAmulettes maigresPierre Jean Oswald/Contes et poèmes.

Paul ValéryEupalinosL'âme et la danseDialogue de l'arbreGallimard/Poésie

I:SSAIS

Colette AudryLéon Blumou la politique du JusteGonthier/Médiations.

Aimé CésàireDiscourssur le colonialismePrésence Africaine.

Le CorbusierSur les quatre routesGonthier/MédlationsRéédition d'un ouvrageparu en 1940 et devenuintrouvable.

Lucien GoldmannRacineL'Arche/Travaux.

MontesquieuDe l'esprit des loisLes grands thèmesIntroduction et notespar J.-P. Mayeret A.F. KerrGallimard/Idées.

NietzscheLa .naissancede la tragédieTrad. de l'allemandpar G. BianquisGallimard/Idées

INÉDITS

Barthélémy AmengualDovjenkoSeghers/Cinémad'aujourd'huiUn grand classiquedu cinémasoviétique

Henri ArvonL'esthétiquemarxiste

P.U.F.jSUPLes fondementshistoriqueset philosophiquesde cette esthétiqueet l'opposition entrel'art révolutionnaireet le réalismesocialiste

Jean-Louis BédouinLa poésie surréalisteSeghers/P.S.Un panorama du plusriche courant de lapoésie moderne

Marle-Thérèse BodartMarcel LecomteSeghers/Poètesd'aujourd'huI.Une étude, Illustréede nombreux Inédits,sur ce grand poètesurréaliste belgé,découvert par Paulhanet disparu en 1966

Paul ChauchardConnaissanceet maîtrisede la mémoireMarabout ServiceComment mettrela mémoire en conditionet l'exercer

Marcel DavidLa neurochirurgieQue sais-je?

Jacques FontaineLa littérature latinechrétienneQue sais-je?

Claude GuillotLes InstitutionsbritanniquesQue sais-je ?

Alex JacqueminLe droit économiqueQue sais-je?

Jean LacroixSpinoza et le problèmedu salutP.U.F.jSup.Le salut par laphilosophie et le &alutpar la fol. problèmeessentiel du spinozisme

Louis Le GuilloulamennaisDesclée de BrouwerLes Ecrivainsdevant Dieu

Les comptinesde langue françaiserecueillieset commentéespar J. Baucomont,F. Gulbat, T. Lucile,

R. Pinon et Ph. SoupaultSeghers/P.S.Un panoramade ce folklore enfantin,essencede tout langage,de tout rythme,de toute poésie

Jean-Jacques MarleLe TrotskysmeFlammarion/Questionsd'histoireLe trotskysmeaujourd'hui

Juan MarlneUoJosé MartiSeghers/Poètead'aujourd'huiLa vie et l'œuvrede ce poète cubain,héros de la luttecontre les Espagnols

Alexander MitscherlichL'Idée de paixet l'agressivité humainepar S. BricianerGallimard/IdéesUne étudepsychanalytiquecapitale sur la sexualité,l'agressionet les difficultésde l'effort humaind'adaptationà la civilisation

Jean-Jacques Nattiez« Che. GuevaraSeghers/Destinspolitiquesd'Ernesto Guevara :une biographie éclairéepar un choix de textes,pour la plupartinédits

Jean-Marc PelorsonCervante.Seghers/Ecrivainsd'hier et d'aujourd'huiUne étude qui s'écarteopportunémentdes sentiers battusdu cervantisme

G. Rodls-LewisLa morale stoïcienneP.U.F./SUPLes thèsEls maîtressesdu système stoïcien

Henri RousseauL'électricité en France\Jue sais-je '!

Raymond RuyerDieu des religions,Flammarion/ScienceLe problème du théismeet du principede l'unité du mondeil la lumièredes grandes thèsesde la sciencecontemporaine

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