QUELS NOUVEAUX MODES DE SOLIDARITE...

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QUELS NOUVEAUX MODES DE SOLIDARITE ? Actes des rencontres parlementaires sur le grand âge tenues le 24 janvier 2007 et présidées par Philippe VITEL Député du Var Président du groupe d'études sur la dépendance des personnes âgées Denis JACQUAT Député de la Moselle Président du groupe d'études sur la longévité Sous le haut patronage de Xavier BERTRAND Ministre de la Santé et des Solidarités

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QUELS NOUVEAUX MODESDE SOLIDARITE ?

Actes des rencontres parlementaires sur le grand âge tenues le 24 janvier 2007 et présidées par

Philippe VITELDéputé du VarPrésident du groupe d'études sur la dépendance des personnes âgées

Denis JACQUATDéputé de la MosellePrésident du groupe d'études sur la longévité

Sous le haut patronage de

Xavier BERTRANDMinistre de la Santé et des Solidarités

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ..................................................................................

GLOSSAIRE ..........................................................................................

OUVERTURE DES RENCONTRES ................................................................• Denis JACQUAT, député de la Moselle, président du groupe d'études sur la longévité

EXPOSÉ INTRODUCTIFVieillissements et activités économiques, une chance pour la France etses territoires ? ...............................................................................• Sylvie ESPARRE, conseillère-référendaire à la Cour des Comptes, directrice à la DIACT

(Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires)

TABLE RONDE N°1• VIVRE LE PLUS LONGTEMPS POSSIBLE À DOMICILE ............................

TABLE RONDE N°2• LE FINANCEMENT DE L'AUTONOMIE ..................................................

CLÔTURE DES TRAVAUX DE LA MATINÉE ...................................................• Martine LE QUELLEC-NATHAN, directrice pathologies et santé, direction générale de la Santé

TABLE RONDE N°3• INVENTER LA MAISON DE RETRAITE DE DEMAIN ................................

TABLE-RONDE N°4• ADAPTER L'HÔPITAL À L'ACCUEIL DES PERSONNES ÂGÉES ...................

SYNTHÈSE DES TRAVAUX ........................................................................• Philippe VITEL, député du Var, président du groupe d'études sur la dépendance des

personnes âgées

La journée est animée par Gilles DUTHIL, président de l'Institut Silver Life.

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Partenaires

Soutiens

Philippe VITEL et Denis JACQUAT remercient vivement Monsieur XavierBERTRAND, ministre de la Santé et de la Solidarité d'avoir accordé son hautpatronage aux rencontres parlementaires sur le grand âge.

Ils remercient également l'ensemble des orateurs qui sont intervenus et dontles communications ont contribué à la qualité et à la réussite de cettejournée.

Leur reconnaissance va à AG2R, à la Fédération Antadir et à la FFSA, qui, parleur partenariat ont permis l'organisation de ces rencontres.

Ils adressent enfin leurs remerciements à la Caisse des dépôts etConsignations et à EMERA - Maisonnées de France pour leur soutien et leurcollaboration.

Remerciements

Caisse des Dépôts et Consignations

EMERA - Maisonnées de France

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Glossaire

ADEHPA : Association de directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgéesANSP : Agence nationale des services à la personneAPA : Allocation personnalisée d'autonomieARH : Agences régionales de l'hospitalisationBPCO : Broncho-pneumopathie chronique obstructiveCCAS : Centre communal d'action socialeCDES : Commission départementale d'éducation spécialeCESU : Chèque emploi service universelCLIC : Centre local d'information et de coordinationCNAV : Caisse nationale d'assurance vieillesseCNSA : Caisse nationale de solidarité pour l'autonomieCODERPA : Comité départemental des retraités et des personnes âgéesCOTOREP : Commission technique d'orientation et de reclassement professionnelCRDS : Contribution au remboursement de la dette socialeCSG : Contribution sociale généraliséeCTP : Contrat de transition professionnelleDHOS : Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soinsEHPAD : Etablissements hébergeant des personnes âgées dépendantesFEHAP : Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratifFNAF : Fédération nationale de l'accueil familialHAD : Hospitalisation à domicileMARPA : Maisons d'accueil rurales pour personnes âgéesMSA : Mutualité sociale agricoleMDPH : Maison départementale pour personnes handicapéesONDAM : Objectif national des dépenses de l'Assurance maladiePSD : Prestation spécifique dépendancePRIAC : Programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perted'autonomieRMA : Revenu minimum d'activitéSARD : Services d'assistance pour le retour à domicileSHON : Surface hors œuvre netteSLD : Soins de longue duréeSROS : Schéma régional d'organisation sanitaireSSIAD : Services de soins infirmiers à domicileSSR : Soins de suite et de réadaptationT2A : Tarification à l'activitéUNA : Union nationale de l'aide, des soins et des services au domicileUSLD : Unités de soins de longue durée

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OUVERTURE DES TRAVAUX

Philippe VITEL, député du Var, président du groupe d'étude sur la dépendance des personnes âgéesà l'Assemblée nationale et moi-même, sommes très heureux de présider cette réunion. L'allongementde la durée de vie constitue un bouleversement sans précédent dans notre histoire. Aujourd'hui, 20%de la population française est âgée de 60 ans et plus. L'espérance de vie continue de progresser pouratteindre 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes. La prise en compte du vieillissements'impose comme une exigence essentielle pour notre société et constitue un des grands défis duXXIème siècle. Ses retentissements sont déjà sensibles dans la vie sociale, la santé et la vieéconomique. Chacun souhaite vivre longtemps, mais en bonne santé et à domicile. Favoriser levieillissement réussi, tel est donc l'objectif prioritaire que doit s'assigner une politique enfaveur des personnes âgées.

Des avancées dans le domaine de la prévention et de la santé, le développement des services à lapersonne, le recours aux nouvelles technologies et l'évolution des relations intergénérationnellesvont dans le sens du maintien à domicile. Celui-ci a cependant des répercussions budgétairesimportantes, qui imposent de s'interroger sur les nouvelles pistes de financement. Si les progrèsscientifiques et médicaux permettent de vieillir en meilleure santé, les pathologies liées auvieillissement sont également inévitables. La coordination entre acteurs médico-sociaux,l'organisation d'un système médical en situation d'urgence et l'adaptation de l'hôpital à l'accueil despersonnes âgées deviennent ainsi des questions cruciales. Lorsque la perte d'autonomie s'aggrave,comment mettre en œuvre la modernisation des établissements pour personnes âgées ? Commentfaire évoluer les structures d'accueil ? Quels moyens humains, matériels, financiers pouvons-nousenvisager pour améliorer la qualité de vie dans ces établissements ? Le programme national BienVieillir et le plan Solidarité-Grand Âge ont d'ores et déjà porté leurs fruits et témoignent d'unengagement pour que l'allongement de la vie se déroule dans les meilleures conditions. Il nousappartient de faire de ces années de vie supplémentaires une chance et non un privilège ou uneexclusion : nous nous situons là au cœur de notre responsabilité individuelle et collective.

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OUVERTURE DES RENCONTRES

Médecin ORL, Denis JACQUAT est député de la Moselle depuis 1986 et maire adjoint de Metz. Il est membrede la commission des affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée nationale. En 1993, il futrapporteur du projet de loi quinquennale relatif au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle etil fut, à de nombreuses reprises depuis sa mise en place, rapporteur du budget de l'assurance vieillesse dansle cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Spécialiste dans le domaine des personnesâgées et du social, il préside le groupe d'études sur la longévité de l'Assemblée nationale, créé à son

initiative en janvier 2006 avec le professeur Françoise FORETTE.

Denis JACQUAT

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VIEILLISSEMENTS ET ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES, UNE CHANCEPOUR LA FRANCE ET SES TERRITOIRES ?

La Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires a mené destravaux sur la démographie et le vieillissement de la population. Il a en effet été décidé en 2004 defaire de ce sujet un thème prioritaire de nos réflexions prospectives. Nos travaux se sont articulésautour de deux axes, à savoir :

• l'impact des dynamiques démographiques sur les territoires ;

• l'impact du vieillissement sur les activités et les territoires.

J'ai pris l'option de vous présenter de manière synthétique les résultats de ces travaux et de vousapporter un éclairage plus géographique que celui que vous aurez aujourd'hui, pour montrerl'existence d'une France assez diverse face à ce sujet majeur pour les 25 années à venir.

1. Le vieillissement à l'échelle européenne

Le phénomène du vieillissement touche tous les pays européens. Nous allons connaître, d'ici 2050,de profondes transformations dans la structure d'âge de nos populations. Il faut y voir le résultat dedeux facteurs que sont l'allongement considérable de la durée de vie, d'une part (l'espérance devie augmente à hauteur de 3 mois par an depuis 1996 pour les hommes et de 2 mois et demi par anpour les femmes) et le vieillissement progressif de la classe d'âge née depuis le début desannées 40, d'autre part.

Les perspectives de déclin démographique de l'Europe sont connues depuis fort longtemps. Unrapport de l'ONU a également indiqué que la population européenne diminuerait de 40 millionsd'ici 2050, alors que la population mondiale devrait passer dans le même temps de 6,3 milliards à8,9 milliards d'habitants.

En outre, la part de la population dépendante devrait quasiment doubler à l'horizon 2050. Dansle même temps, le vieillissement de la population active sera particulièrement sensible au sein del'Union européenne puisqu'entre 2010 et 2030, les actifs de 25 à 54 ans pourraient voir leur nombrebaisser de 25 millions, tandis que le nombre des personnes de 15 à 24 ans devrait diminuer de prèsde 7 millions. C'est pourquoi il faudra sans doute accroître le taux d'emploi des travailleurs les plusâgés (55-64 ans), ce qui ne suffira pas toutefois à combler ces déficits.

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EXPOSÉ INTRODUCTIF

Sylvie ESPARRE est directrice à la DIACT (nouvelle DATAR) depuis août 2004. Elle est directrice adjointedu cabinet de Serge LEPELTIER, ancien ministre de l'Écologie et du Développement durable d'avril 2004 àjuillet 2004. Diplômée d'études supérieures de droit public, elle fut conseillère technique du directeur del'aménagement au ministère de l'Agriculture (1983-1985), avant d'intégrer la délégation à l'aménagementdu territoire et à l'action régionale-Datar où elle fut notamment responsable de l'équipe " développementrural " (1985-1990). Elle fut aussi directrice adjointe de l'aménagement et des équipements collectifs au

conseil régional d'Île-de-France (1990-1992), conseillère technique chargée de l'aménagement du territoire, de l'agricultureet des affaires sociales au cabinet de René MONORY à la présidence du Sénat (1992-1996). Elle est nommée, en juillet1996, conseiller référendaire à la Cour des comptes.

Sylvie ESPARRE

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2. La spécificité de la France

La France, comme l'Irlande et la Pologne, affiche aujourd'hui un taux de fécondité qui lui permet dese différencier de ses partenaires européens, dans la mesure où le vieillissement de sa populationest moindre par rapport aux autres pays européens.

Outre cette première spécificité, la France se distingue par la diversité de ses situationsterritoriales face au vieillissement et à la natalité. La carte de l'indice de vieillissement en 1999montre une France assez jeune au Nord, notamment en région parisienne, et beaucoup plus âgéedans certaines zones, en particulier le centre de la France et une partie du sud-est. Près de 12% dela population métropolitaine vit dans les vingt communes les plus peuplées et 77% de la populationvit dans des communes urbaines en France. La hiérarchie des peuplements est également plusmarquée en France. Ainsi la majorité des Français les plus jeunes se concentre-t-elle en Ile-de-France. Par ailleurs, l'évolution du nombre de retraités entre 2000 et 2005 témoigne de mouvementscroissants de migration des personnes âgées vers des régions comme l'ouest de la France (Bretagne,Pays de la Loire) et le sud-est.

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3. La typologie des départements

Sur la base de ces constats, nous avons entrepris cette année des travaux plus approfondis, en lienavec l'INSEE, afin de tirer des enseignements de l'enquête statistique qui vient d'être lancée. Selonles derniers résultats statistiques, trois groupes de départements se distinguent :

• les départements bénéficiant doublement de l'évolution démographique, c'est-à-dire ceux dontla population croît et qui attirent le plus de personnes âgées (en Bretagne, en Corse et enLanguedoc-Roussillon) tout en conservant un certain nombre de jeunes, comme l'Ile-de-Franceou l'Alsace ;

• les départements au sein desquels le nombre de naissances excède le nombre de décès, à l'imagedes départements du nord de la France, de l'ouest de la Lorraine ou de la Picardie ;

• les départements connaissant une très forte croissance migratoire (départements du sud etnotamment le sud-ouest).

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En revanche, certains départements connaissent aussi une variation négative et un vieillissementaccentué de leur population. C'est le cas par exemple du département de l'Aisne, de l'est de laLorraine ou des départements de la région Champagne-Ardenne. Enfin, certains départements sontdoublement perdants, notamment les départements du nord du Massif central, à l'image du Berri etdu Morvan. Nous y assistons à un départ de la population jeune et à un vieillissement de lapopulation, avec la perte de nombreux emplois à la clé.

4. Une projection à l'horizon 2030

À l'horizon 2030, la projection du solde des arrivants et des partants parmi les personnes âgées de60 ans et plus montre que nous devrions assister à un déplacement massif de ces personnes lelong du littoral de la France, de la Bretagne nord à la Méditerranée. Les régions concernées devrontdonc plus que jamais s'interroger sur les équipements à mettre en place pour accompagner cemouvement.

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Variation des soldes naturel et migratoire entre 1999 et 2006

Solde naturel positif/ solde migratoire positif

Solde naturel positif/ solde migratoire négatif

Solde naturel négatif/ solde migratoire positif

Solde naturel positif/ solde migratoire négatif

Solde naturel négatif/ solde migratoire positif

Croissance

Décroissance

Source : Insee, DIACT (1990-1999) /Typologie d’après G.-F. Dumont

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Dans le même horizon de temps, le taux de retraités par rapport aux actifs devrait dépasser 0,75dans un certain nombre de régions françaises comme l'Auvergne, le Limousin, la région Poitou-Charentes, la Bourgogne et la Basse-Normandie.

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L'Ile-de-France, la Picardie, le Nord, l'Alsace et la région Rhône-Alpes conserveraient quant à elles unepopulation jeune importante, qui compenserait la progression du nombre de personnes âgées.

Ces événements poseront problème en termes d'équipement des territoires. La carte descommunes sous-médicalisées, notamment en Bourgogne et en Auvergne, fournit une illustration del'effort qui sera à fournir pour assurer une offre de services suffisante dans ces régions au seindesquelles l'afflux de personnes âgées devrait s'accentuer au fil des vingt prochaines années.

Au cours des dix ans à venir, 500 000 dirigeants de PME seront amenés à prendre leur retraite.Nombre de leurs entreprises ne seront pas reprises, faute d'une valeur d'actif suffisante et/ou enraison de leur caractère artisanal. La transmission n'est cependant pas le problème principal de cesentreprises. En réalité, la vraie difficulté tient à la création d'entreprises nouvelles qui correspondentà de nouveaux besoins. La baisse de la population active générera une pénurie de main-d'œuvre danscertains métiers et qualifications : les aides à domicile, les infirmiers, les aides-soignants. Dans cesmétiers, près de 900 000 postes " nets " devraient être à pourvoir d'ici 2015.

En outre, la hausse du taux d'emploi des plus de 60 ans sera nécessaire pour assurer l'équilibredu système de retraites. Nous estimons ainsi que le recours à l'immigration ne suffira pas pourrépondre aux besoins de la population. Par ailleurs, un important travail reste à accomplir pourassurer dans de bonnes conditions le déplacement des personnes âgées.

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5. Conclusion

Dans les années à venir, les principaux enjeux consisteront à développer et professionnaliserl'aide à domicile et à adapter le logement et l'aménagement urbain. Les territoires doivent, pourleur part, maintenir et stimuler les activités en déployant une stratégie qui ne soit plus basée surl'économie productive mais sur une économie présentielle, autour de pôles de qualité de vie et deservices qui tiennent compte des besoins des seniors.

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TABLE RONDE N°1

VIVRE LE PLUS LONGTEMPS POSSIBLE À DOMICILE

MODÉRATRICEDanièle HOFFMAN-RISPALDéputée de Paris, vice-présidente du groupe d'études sur la dépendancedes personnes âgées

INTERVENANTSStéphane Le BOULERChargé de mission au centre d'analyse stratégique

Anne-Carole BENSADONAuteur de la synthèse de l'enquête du Collectif " Combattre la solitudedes personnes âgées "

Arlette MEYRIEUXPrésidente de France Alzheimer

Jean-François MUIRPrésident de la Fédération ANTADIR

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I. Introduction

Je tiens à souligner en préambule que l'organisation d'un tel colloque revêt pour moi une importanceparticulière. En effet, il nous permet d'échanger, de partager des diagnostics et de formuler despropositions, de manière à rompre avec le catastrophisme ambiant qui associe le vieillissement etles notions de charges, de coûts ou de déclin. Or vieillir est une chance et notre société doit évoluersur ces questions. Cette table ronde nous fournit également l'occasion de souligner des enjeuxdevenus incontournables, à commencer par ceux qui se dessinent autour de la volonté unanime denos aînés de vivre le plus longtemps à domicile. La vie à domicile doit être assortie d'une offre dequalité qui permette, le cas échéant, l'alternance avec de courts séjours dans de petites structures- et ce d'autant plus que vivre à domicile peut susciter un sentiment d'isolement, voire une solituderéelle. En tout état de cause, je crois qu'un vieillissement à domicile se prépare. Les professionnelsque vous êtes le savent bien : il est difficile de mettre en place un soutien à domicile efficace lorsquela perte d'autonomie survient brutalement. Ainsi, le libre choix ne peut être réel que lorsque lesdispositifs de prévention ont été organisés et sont opérants.

Pour ma part, je distingue deux leviers d'action majeurs.

• l'aménagement des logementsLes logements doivent être aménagés, particulièrement en milieu urbain, où ils sont rarementadaptés. Des aides existent dans ce domaine mais elles sont rarement connues des populationsvieillissantes.

• la diversification de l'offre de soutien à domicileNous aurons à réfléchir collectivement à de nouveaux modes opérationnels (les gardesitinérantes de nuit, l'adaptation dans le cadre du droit français d'initiatives telles que le" baluchon Alzheimer " ayant cours au Canada, etc.). Il faudra aussi développer de nouveauxservices, par exemple dans les domaines de la culture - par le biais d'associations - ou de laconvivialité à domicile. À Paris, nous avons mené une expérience avec des jeunes des cités quiont aidé nos associations de soutien à domicile.

L'accompagnement psychologique des familles s'avère déterminant, comme en témoigne leplébiscite des centres d'accueil de jour. Le coût de ce type d'accueil (60 euros par jour à Paris) restenéanmoins prohibitif pour de nombreuses familles et nous avons donc créé un dispositif d'aide pourles plus démunis. L'État devra vraisemblablement s'engager plus fortement dans ce domaine à l'avenir.

Par ailleurs, les CLIC ne doivent pas être négligés car leur apport est important. Toutes les étudesprouvent qu'au-delà des pathologies neurodégénératives, une personne âgée de 85 à 90 ans peutconnaître jusqu'à sept pathologies différentes. Cette situation doit être prise en compte par unemeilleure coordination des dispositifs actuels, sans nécessairement distinguer le sanitaire dumédico-social, comme nous avons trop tendance à le faire en France.

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Danièle HOFFMAN-RISPAL, est députée de Paris depuis 2002. Engagée en politique depuis 1974, elle estélue conseillère de Paris et du XIème arrondissement en 1995. Après son élection à l'Hôtel de Ville en 2001,Bertrand DELANOË lui confie la charge d'adjointe au maire de Paris déléguée aux personnes âgées. Elle estaussi membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, elle est également vice-présidente du groupe d'études de l'Assemblée sur la dépendance des personnes âgées.

Danièle HOFFMAN-RISPAL

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II. Exposé introductif : bâtir le scénario du libre choix

Je souscris entièrement aux propos de Madame la députée. Le rapport du Centre d'analysestratégique " Personnes âgées dépendantes - Bâtir un scénario pour le libre choix " (qui constitueavec le plan " gériatrie " l'un des deux piliers du plan Solidarité-Grand Âge) s'articule autour deplusieurs idées forces. Ce rapport a été commandé par Catherine VAUTRIN, ministre déléguée à laCohésion sociale et à la Parité, pour évaluer le besoin de places en établissements ; la commandeayant été prolongée par Philippe BAS, ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées,aux Personnes handicapées et à la Famille, qui l'a étendue à tous les éléments de prise en charge.

Cinq idées forces ont guidé ce travail :

• conforter le soutien au sein de la communauté, en insistant particulièrement sur les questionsd'habitat et de déplacement ;

• développer les innovations dans la gamme de prise en charge des personnes en assurant parexemple les petites unités de vie et un accueil de jour viable ;

• consolider le soutien de l'entourage familial, sans qu'il s'agisse d'une défausse de la puissancepublique ;

• renforcer la qualité du parc d'établissements, par la mise à niveau du bâti mais aussi despersonnels y travaillant ;

• assurer un financement équitable, à la fois en termes sociaux et territoriaux.

À été retenue, dans le rapport, une hypothèsehaute de croissance des personnes âgéesdépendantes de plus de 75 ans (GIR 1-4) surla période 2005-2025, ainsi estimée à 35%.Quelques années plus tard, on assistera àl'arrivée au grand âge des générations du baby-boom.

Crédibiliser un scénario de soutien à domicile de qualité impliquait de minorer la croissancepotentielle des places en établissement, tout en faisant une large place aux possibilités d'accueiltemporaire et en ne plaçant pas tous les moyens sur la catégorie des EHPAD stricto sensu. Encontrepartie, apparaît comme indispensable une montée en charge volontariste des places deSSIAD dont les effectifs devraient être multipliés par 2,5 jusqu'en 2025, ce qui impliquerait de

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Stéphane LE BOULER est chargé de mission pour les questions de protection sociale et de sécurité sanitaire auCentre d'analyse stratégique. Il a notamment conduit, en 2005-2006, les missions demandées successivementpar Catherine VAUTRIN et Philippe BAS sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Auparavant ila été collaborateur de Bernard KOUCHNER au ministère de la Santé où il fut responsable de l'évaluation despolitiques publiques au Commissariat général du Plan. Il est ancien élève de l'École normale supérieure deFontenay-Saint-Cloud, agrégé de sciences sociales et titulaire d'un DEA de sciences économiques.

Stéphane LE BOULER

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prolonger les efforts prévus par le Plan Solidarité Grand âge sur l'ensemble de cette période et nonpendant trois ans seulement. Les effectifs d'aide à domicile devraient s'accroître de 460 000personnes environ, ce qui ouvre des perspectives non négligeables en termes d'emploi, sachant que35 000 personnes devraient être recrutées chaque année d'ici 2015 (compte tenu des créationsnettes et des cessations d'activité).

Le coût global d'une prise en charge de qualité est estimé, à l'horizon 2025, à 32,5 milliardsd'euros par an (en euros constants) dont 13,2 milliards d'euros destinés au maintien àdomicile des personnes âgées et 19,32 milliards d'euros destinés aux établissements.L'augmentation de la richesse nationale ne permettra pas de pourvoir l'ensemble de ces besoins definancement. Je rappelle que jusqu'en 2010, les coûts en établissement augmenteront plusrapidement que les coûts à domicile, avant que l'effet ne s'inverse par la suite.

Afin de crédibiliser ces scénarios, les questions de financement, mais aussi d'attractivité sontessentielles. En résumé, la plus grande partie de la croissance des coûts, jusqu'en 2025 est liée auformidable effort de montée en gamme.

Besoins globaux en personnels pour la prise en charge des personnes âgées dépendantes

2005 2010 2015 2025

En établissement Agents de service et

d'entretien 118 800 130 500 132 200 132 500

Aides-soignantes 89 000 126 600 145 200 158 900

Infirmières 25 600 32 900 36 300 41 500

A domicile

Aides à domicile 335 200 365 700 438 700 648 900

Aides-soignantes 21 200 28 700 38 000 59 300

Infirmières 19 200 21 100 24 700 31 300

Total - Effectifs physiques 608 900 705 500 815 200 1 072 500

Le coût de la dépendanceEvaluation des coûts salariaux bruts

Coûts en millions d'euros (hors inflation)

2005 2010 2015 2025

Domicile 4 305 5 378 7 518 13 232

Etablissement 9 206 13 449 15 678 19 274

Total 13 511 18 827 23 196 32 506

Poids des dépenses en faveur de l'autonomie des personnes

âgées dépendantes dans le PIB dans l'hypothèse d'une montée

en charge rapide des dépenses de personnels en établissement (Projections PIB : Commission européenne)

2005 2010 2015 2025 0,94 % 1,17 % 1,29 % 1,55 %

(Calculs du Conseil d'analyses stratégiques)

2004 81 900

2010 110 800

2015 147 000

2025 229 000

Les places de SSIADUne montée en charge volontariste pour tenir compte de

l'augmentation des effectifs à domicile et de la charge en soins

Situation fin 2003

2010 2015 2025

Logements foyers et autres formules d'accueil peu

médicalisées

148.890 110.000

110.000 110.000

Etablissements médicalisés

dont accueil temporaire

493.110

9.260

570.000

40.000

570.000

58.000

570.000

68.000

Total 642.000 680.000

680.000 680.000

Les places en établissement

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III. Isolement, solitude et sentiment de solitude

L'enquête " Isolement et vie relationnelle des personnes âgées ", a été menée à l'initiative ducollectif " Combattre la solitude " (qui comprend l'Association des cités du secours catholique, laCroix rouge française, la Fédération de l'entraide protestante, la Fédération française de la Sociétéde Saint-Vincent-de-Paul, le Fonds social juif unifié, les Petits frères des pauvres, les Religieusesprésentes dans le monde de la santé et le Secours catholique/Caritas France comprenant denombreuses associations). Elle a porté sur 5 000 personnes interrogées (de 60 ans et plus) à traversdes questionnaires remplis en face-à-face et des entretiens individuels. Le choix a été fait de donnerla parole aux personnes âgées en mettant l'accent sur les données statistiques et la dimensionqualitative de l'enquête. La littérature existant à ce sujet a également été passée en revue, de mêmeque des expériences étrangères existantes.

Ce travail nous a conduits à distinguer trois groupes de population.

• les personnes le moins âgées, sans problème de santé, sortant régulièrement de chezelles. Ce sont essentiellement les jeunes retraités actifsPour eux, la solitude ne constitue pas réellement une préoccupation centrale.

• les personnes les plus âgéesSortant peu de chez elles, ces personnes souffrent souvent de problèmes invalidants et sonteffectivement très isolées.

• les personnes âgées relativement jeunes connaissant des difficultés économiquesimportantesCes personnes se trouvent dans une situation d'isolement et éprouvent le sentiment de solitude.

Plusieurs facteurs de risques de solitude ont été mis en évidence, à commencer par les changementsde trajectoire de vie que l'on constate souvent dans la tranche d'âge 79-83 ans. La perte d'un êtrecher, les problèmes de santé, le manque d'estime de soi, le manque de soutien, l'éloignement desfamilles et un faible niveau de ressources constituent d'autres facteurs de risque identifiés.

La famille demeure importante pour lutter contre la solitude et joue toujours un rôle de référence,malgré les changements sociaux et culturels qui sont à l'œuvre.

Enfin, plusieurs pistes ont été proposées par le collectif pour combattre l'isolement et lasolitude :

• prendre en compte la diversité des solitudes, en fonction des parcours de vie différents ;

• faire avec les personnes âgées au lieu de " faire pour " elles, d'autant plus qu'elles proposentsouvent des stratégies très intéressantes ;

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Anne-Carole BENSADON, médecin, docteur de l'École des mines de Paris, est chargée de mission à la direction del'hospitalisation et de l'organisation des soins depuis novembre 2004. Responsable des secteurs " santé " et" Personnes âgées " d'une union établissements de 1991 à 1995, elle rejoint la direction des hôpitaux jusqu'en 2000(mission PMSI et sous-direction de l'évaluation) et devient adjoint à la sous-direction des politiques de santé de ladirection générale de la santé. En 2002, elle est conseiller technique au cabinet d'Hubert FALCO, ministre déléguéaux personnes âgées.

Anne-Carole BENSADON

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• renforcer la coordination entre le sanitaire et le médico-social, au profit de la personne âgée,en complément du travail des CLIC ; cela recouvre pour partie les expériences sur lesgestionnaires de cas

• amplifier les relations de voisinage, par exemple dans l'esprit d'initiatives telles que l'opération" Immeubles en Fête ", laquelle a l'avantage de ne pas discriminer en fonction de l'âge ;

• renforcer le capital social tout au long de la vie ;

• promouvoir l'échange intergénérationnel ;

• conserver l'accès à un système d'éducation.

Telles sont les différentes pistes que nous avons explorées. En conclusion, je considère que cetteenquête fournit des éléments de réflexion pertinents, dans la mesure où elle permet de laisser laparole aux personnes âgées, pour construire avec elles des stratégies de lutte contre la solitude etl'isolement.

IV. Insuffisance respiratoire chronique du sujet âgé : l'expérience de l'ANTADIR

Créée en 1981 à la demande du Ministère de la Santé et de la Caisse nationale d'assurance maladie,l'ANTADIR fédère un réseau de 23 services d'assistance pour le retour à domicile (SARD) répartis surl'ensemble des territoires métropolitains et dans les DOM-TOM. Les SARD, répartis en un réseauassociatif et un réseau libéral, sont destinés à faciliter le retour et le maintien à domicile desmalades appareillés. Ils traitent chaque année 220 000 patients, dont 130 000 souffrantd'apnée du sommeil et 90 000 d'insuffisance respiratoire chronique et doivent donc disposerd'un matériel d'assistance à domicile. Il existe plusieurs méthodes d'assistance respiratoire, del'oxygénothérapie à la ventilation artificielle, invasive ou non, qui ont toutes pour objectif derestreindre aussi peu que possible la liberté de mouvement et d'action des patients.

Dans le cas des insuffisances respiratoires, la population entrante de 75 ans et plus (suivie parl'observatoire de l'ANTADIR) croît de façon importante depuis une dizaine d'années, phénomène quise poursuit actuellement. En termes de répartition, les hommes sont largement prédominants danscette population, même si la part des femmes tend à s'élever. L'âge moyen d'entrée dans les maladiesobstructives (principalement la BPCO, dite bronchite du fumeur) est de 73 ans. La BPCO devraitd'ailleurs devenir la troisième cause de mortalité par maladie dans le monde à l'horizon 2020,ce qui en fera un enjeu croissant de santé publique. Nous devrons donc prendre en charge despatients de plus en plus nombreux et de plus en plus âgés. Par ailleurs, les patients porteurs desséquelles de la tuberculose sont encore assez nombreux en France.

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Président de l'Association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche(ANTADIR), Jean-François MUIR est également président de l'association Aide à domicile aux insuffisantsrespiratoires de Haute Normandie (ADIR), président honoraire de la Société de pneumologie de languefrançaise et directeur de l'unité de recherche UPRES-Équipe d'accueil 3830 : " Groupe de recherche sur lehandicap ventilatoire " (GRHV) à l'université de Rouen. Médecin des Hôpitaux (spécialisé en pneumologie)et professeur des Universités, il est chef du service de pneumologie et de l'unité de soins intensifs

respiratoires du CHU de Rouen. Ses principaux axes de recherche portent sur l'insuffisance respiratoire chronique grave, laventilation artificielle, et la pathologie respiratoire du sommeil.

Jean-François MUIR

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Insuffisance respiratoire : évolution des âges

Ces constats ont des répercussions sur les schémas thérapeutiques. Du fait du nombre très élevé depatients souffrant d'apnée du sommeil, la pression positive continue est en progression forte etrégulière. Outre la progression des BPCO - dont 30% des malades évolueront vers l'insuffisancerespiratoire chronique grave, à des âges souvent avancés - l'incidence croissante de la grandeobésité constituera un défi à relever, de même que l'insuffisance respiratoire multifactorielledu sujet âgé (chez les personnes âgées de plus de 75 ans) ou la prise en charge des maladiesneuromusculaires.

V. Les mesures en faveur des familles : 2007, l'année Alzheimer

La maladie d'Alzheimer touche près de 25 millions de personnes dans le monde, dont 860 000malades en France, pour 225 000 nouveaux cas par an sur le territoire national. Par ailleurs, nousestimons que 50% seulement des malades ou apparentés sont diagnostiqués. Il s'agit là de ladonnée la plus difficile à accepter. Il est donc essentiel que tous les malades Alzheimer savent dequoi ils souffrent. J'ajoute que 10% d'entre eux ont moins de 65 ans et que 70% vivent à domicile.De plus, nous constatons que 70% des personnes en EHPAD sont atteintes de la maladied'Alzheimer. En conséquence, il est impératif de lancer une réflexion sur le mode d'accueil desmalades Alzheimer dans ces structures. A partir de 80 ans, une personne sur cinq est atteinte de lamaladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Enfin, le coût à la charge des familles est estiméà 10 milliards d'euros en 2005.

Vivre à domicile constitue le souhait de tout malade, ce qui rejoint l'aspiration des familles. La vieà domicile, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, présente toutefois des spécificités.

• Il est nécessaire de disposer de locaux adaptés au type de handicap entraîné par la maladie,notamment en cas de difficultés de déplacement dans le logement ;

• Il existe des risques liés aux actes de la vie quotidienne, par exemple le risque d'un oubli del'ouverture du gaz, le risque d'un oubli de la nécessité de s'alimenter (y compris lorsqu'un

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Arlette MEYRIEUX adhère au mouvement France Alzheimer en 1995. En 1998, elle devient présidente del'Union nationale des associations France Alzheimer et présidente de l'association départementaleAlzheimer Savoie. Elle s'attache à développer l'aide aux malades et à leur famille, l'information de l'opinionet des pouvoirs publics, la formation des bénévoles et professionnels de santé et la recherche.

Arlette MEYRIEUX

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portage de plateau repas à domicile est organisé), le risque d'un oubli de la nécessité de fairesa toilette et de se vêtir correctement. Afin de s'occuper convenablement d'un malade àdomicile, il est donc nécessaire de faire intervenir un ensemble d'intervenants (famille, aides àdomicile) ;

• D'autres spécificités sont la prise de médicament et le réseau de prise en soin ;

• La vie sociale constitue souvent un sujet de préoccupation pour la famille, d'autant plus quecelle-ci ne comprend pas toujours la maladie et peut avoir l'impression, le temps d'une visited'une heure, que tout va bien. En conséquence, il est essentiel de mettre en place un réseau.De plus, le maintien à domicile rencontre naturellement un certain nombre de limites. En outre,certaines familles n'ont pas les moyens de rémunérer les aides à domicile.

Le maintien à domicile peut se heurter à quelques limites, qu'elles soient d'ordre médical(polypathologies, évolution de la maladie…), familial ou financier. La famille assume pour unegrande part le soutien du malade, parfois en totalité. Cela pose la question de la formation. En effet,l'introduction d'aides à domicile, indépendamment de toute leur bonne volonté, peut susciter unesouffrance importante chez le malade, au sein de la famille et chez l'aidant lui-même, qui se sentiraparfois en situation d'échec. Ainsi, il ne s'agit pas uniquement d'augmenter le nombred'intervenants ; il faut également qu'ils soient le mieux formés possible.

Enfin, les malades jeunes sont souvent oubliés malgré les problèmes spécifiques qu'ilsrencontrent, notamment vis-à-vis des enfants ou sur le terrain de l'emploi.

La situation a évolué depuis une dizaine d'années, en particulier avec le premier Plan Alzheimerlancé en 2002, qui a pris pour la première fois en compte cette forme de dépendance. Un deuxièmePlan Alzheimer est en cours d'élaboration. Il a élargi les objectifs et s'est attaché à redéfinir desnotions telles que celles d'aidant ou d'accueil de jour.

Nous avons été heureux de voir reconnaître la maladie d'Alzheimer comme une affection de longuedurée. Si les avancées sont réelles, de nombreuses insuffisances demeurent. Nous adhéronsentièrement aux conclusions au rapport parlementaire. Cependant, d'autres défis seront à relever en2007, à commencer par l'application de la Déclaration de Paris - laquelle prévoit un partage desexpériences et des meilleures pratiques au plan européen.

Nous souhaitons aussi que le diagnostic précoce pour tous soit élevé au rang de priorité desanté publique. Aujourd'hui, il faut parfois attendre 8 mois pour disposer d'un diagnostic. En outre,il faut continuer à faire progresser les effectifs, qui demeurent insuffisants. L'accueil temporaire doitégalement être développé. Enfin, les capacités d'accueil de jour, conçues comme des vecteurs desocialisation, doivent être accrues en faisant évoluer le regard que nous portons sur ce type destructure. En Suède par exemple, chaque commune dispose d'un accueil de jour pour les personnessouffrant de ce type de maladie. Nous souhaitons naturellement que la France se dote d'un dispositifsimilaire. Surtout, nos malades et leurs familles ont plus que jamais besoin d'un lien social. Lacampagne de communication que nous lançons permettra de modifier le regard porté sur le maladeet de lui redonner une place digne d'estime et d'intérêt.

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VI. Débat

Danièle HOFFMAN-RISPALToutes les initiatives pouvant contribuer à faire évoluer le tabou qui existe autour de cettemaladie me semblent importantes. Je signale à ce sujet que le CODERPA Paris a publié hier unebande dessinée s'adressant aux jeunes, consacrée à la maladie d'Alzheimer. Nous pensons qu'unetelle initiative peut contribuer à modifier les perceptions, en profondeur.

S'agissant de la lutte contre l'isolement, force est de reconnaître que le passage à la retraite poseun réel problème compte tenu du rôle d'intégration que joue le travail. En conséquence, nouslançons des pistes de réflexions, nous organisons des forums destinés aux jeunes et futurs retraitésafin de les aider à préparer la transition vers cette nouvelle vie. Il s'agit notamment de mettre enlumière la place du bénévolat. Ainsi, nous avons tendance à oublier que 50% des bénévoles sontdes retraités. Enfin, j'insiste également sur la nécessité de mieux former les aidants.

De la salleQuelle est la place des associations de malades et de familles aujourd'hui ? Pouvez-vous fournir deplus amples détails sur les coordinations gérontologiques et les politiques des différentsterritoires dans ce domaine ?

Arlette MEYRIEUXL'association France Alzheimer s'efforce de compter au moins une association par département,avec des antennes de proximité.

Gilles DUTHILQue pensez-vous du schéma gérontologique ?

Arlette MEYRIEUXNous sommes invités à la construction du schéma gérontologique, mais force est de constater quenous ne sommes pas aussi écoutés que nous pourrions le souhaiter. Si la nécessité de la formationa été rappelée pour les personnes travaillant auprès des malades, nous déplorons parfois unmanque de formation de l'administration qui gère les dossiers (par exemple concernant leclassement en GIR). Des améliorations ont certes vu le jour, mais la situation n'est pas encoreoptimale.

De la salleQu'en est-il de la coordination des schémas gérontologiques ?

Danièle HOFFMAN-RISPALCette coordination est encore déficiente, les départements agissant de manière relativementisolée. La Ville de Paris a établi un premier schéma gérontologique en 1999. Cependant, ici encore,les moyens manquent et je déplore un problème récurrent d'information, malgré la constitutionde structures dédiées.

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Philippe VITELLe département du Var a opté pour la territorialisation, c'est-à-dire une décentralisation intradépartementale au niveau des territoires. Ainsi, chacun des territoires dispose d'une Maison desterritoires, qui est chargée de la coordination et de l'information. En effet, j'estime que les CCASne sont efficaces que dans les villes d'une certaine importance.

S'agissant des associations, tout dépend du schéma gérontologique et de la place qui leur seradonnée dans la réalisation de ce schéma. Cependant, il ne faut pas repousser les bonnes volontés.Or les associations peuvent, dans ce domaine comme dans d'autres, donner l'exemple.

Gilles DUTHILQuelle est la vision de l'ANTADIR dans ce domaine ?

Jean-François MUIRPar l'entremise des amicales d'insuffisants respiratoires, il est possible d'assurer un relais àdomicile distinct de celui qui est permis par les appareils. Une expérience intéressante est ainsien cours sur la réhabilitation à l'exercice physique, dans le cadre de laquelle les amicales relaientles protocoles permettant d'assurer cette réhabilitation au long cours par l'intermédiaire de" parcours de santé " qui présentent aussi l'intérêt de faire sortir les patients de leur isolement.

S'agissant des réseaux, la fédération ANTADIR participe à toutes les structures de soinspermettant, plus ou moins rapidement, le retour des patients dans leur milieu familial. Noustravaillons sur les soins à domicile, mais également sur les soins de suite et de réadaptation.

Stéphane LE BOULERLa coordination gérontologique s'étend bien au-delà des CLIC. Il s'agit ainsi de désenclaver lemédico-social. De plus, la nouvelle génération des schémas gérontologiques, sous laresponsabilité des départements, est sans doute de bien meilleure qualité que ce qui était soumisà notre évaluation il y a quelques années. Des outils de planification des plans locaux d'habitat,qui doivent contenir des éléments concernant la prise en charge des personnes âgées, sontégalement disponibles. Les schémas régionaux d'organisation sanitaire doivent aussi faire uneplace à cette préoccupation spécifique. Il existe bien entendu les CLIC, mais aussi les EHPAD, quiont besoin d'être insérés sur un territoire. Les collectivités prennent des initiatives notables enmatière de structuration et les CLIC ne constituent qu'un élément dans cet ensemble. Quoi qu'ilen soit, cette insertion est fondamentale.

De la salleConcernant le domicile, ne faut-il pas nous diriger assez rapidement vers la diversification desmodes d'habitat des personnes âgées dans une logique de libre choix, en faisant en sorte quel'EHPAD, du fait de sa conception, devienne un véritable domicile choisi par nos aînés ? Il s'agitainsi de diversifier l'habitat. Les EHPAD doivent constituer des lieux " carrefours " et d'accueil dansla cité, autour d'un certain nombre d'activités.

En termes de réseau, le défi consiste sans doute à permettre une connaissance et unereconnaissance mutuelle du médical et du social, dont nous pouvons imaginer qu'ils parviennentà travailler ensemble sur des projets aux contours bien définis.

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Les hébergements temporaires sont difficiles à gérer, pour deux raisons principales : un manqued'information et de communication de la population maintenue à domicile, d'une part ; unobstacle financier, d'autre part, compte tenu du coût de ces hébergements (40 à 70 euros parjour).

Madame ESPARRE a évoqué des phénomènes migratoires concernant les personnes âgées.Cependant, nous pouvons également constater que les personnes âgées qui sont parties enprovince à la soixantaine reviennent parfois dans les grandes métropoles, pour y bénéficier d'unemeilleure qualité de soin.

Tiphaine de PENFENTENYO, déléguée générale, Ensemble 2 GénérationsNous participons à une initiative fondée sur le logement intergénérationnel, qui consiste àhéberger un étudiant chez une personne âgée. Nous réalisons, à chaque fois que la " chimie " d'untel binôme fonctionne, que les avantages de cette formule sont considérables. Afin de fairechanger les mentalités, les acteurs de terrain doivent nous aider à faire connaître cette initiative,en sachant que les trois gagnants sont la personne âgée, la collectivité et le jeune. J'ajoute quecette initiative n'a aucun coût pour la société.

Danièle HOFFMAN-RISPALJe constate assez régulièrement que de nombreuses aides dites facultatives sont soumises à unecondition : habiter à Paris depuis trois ans. Or je reçois un certain nombre de lettres qui déplorentcette condition préalable. En effet, de nombreux retraités se sont installés à 60 ans dans unerésidence secondaire à l'extérieur de Paris lorsqu'ils en avaient la possibilité. Lorsque survient laperte du conjoint, et a fortiori lorsque le retraité se trouve en milieu rural - peu sécurisant - unretour sur Paris est de plus en plus fréquemment envisagé vers 75 à 80 ans. Je pense que cephénomène doit bénéficier d'une attention particulière.

Le type d'initiative que vous évoquez me paraît très intéressant. Il requiert cependant uneformation initiale importante pour les étudiants : je ne laisserais pas une personne de 85 ansauprès d'un étudiant de 25 ans qui ne connaît rien à ces questions.

De la salleJe souhaite poser une question relative au financement. Les projections financières font état d'unetrès forte augmentation du coût de la dépendance. L'étude prospective évoquée par MonsieurLE BOULER anticipe-t-elle une réforme du financement vers la dépendance et le soin ?

Stéphane LE BOULERDans notre étude, nous avons établi un ordre d'idées pour chacun des financeurs. Il ne nousrevenait pas pour autant de préempter les conclusions de différents travaux passés ou en courssur les questions relatives au financement de la dépendance. Les infléchissements par rapport àdes hypothèses conservatrices de calcul des coûts pour les différents opérateurs ou financeurs ont

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surtout concerné un certain nombre d'éléments manifestement inéquitables ou injustes dans larépartition actuelle des coûts. Par exemple, dans les chiffres relatifs au développement de la priseen charge en établissement, nous avons mis un accent particulier sur les fonctions d'animation.Aujourd'hui, ces fonctions sont prises en charge sur le tarif d'hébergement et il n'était évidemmentpas question de conduire des projections laissant ces fonctions d'animation à la seule charge desusagers.

Nous avons également agi de la sorte pour l'investissement, qui pèse lourdement sur le coûtd'hébergement et donc sur la part usager. Nous avons présenté des propositions, dont certainesont été reprises dans le plan Solidarité Grand Âge, pour tenter de réguler les dérives des coûtsdans ce domaine.

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TABLE RONDE N°2

LE FINANCEMENT DE L'AUTONOMIE

MODÉRATEURGeorges COLOMBIERDéputé de l'Isère, vice-président du groupe d'études sur la dépendancedes personnes âgées

INTERVENANTSJean-Louis LOIRATDirecteur délégué des MDPH (Maison départementale pour personneshandicapées) à la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie)

Bruno ARBOUETDirecteur général de l'Agence Nationale des Services à la Personne (ANSP)

Jean CASTAGNÉDélégué général adjoint d'AG2R

Gérard de LA MARTINIEREPrésident de la FFSA (Fédération Française des Sociétés d'Assurances)

Jean-Michel RAPINATResponsable du service social de l'Assemblée des Départements de France

Emmanuel VERNYDirecteur général de l'UNA (Union Nationale de l'Aide, des Soins et desServices aux domiciles

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I. Introduction

Je tiens tout d'abord à saluer les organisateurs de ces Rencontres parlementaires sur le grand âge,ainsi que tous les participants de cette table ronde consacrée au financement de l'autonomie.

Chaque année, l'espérance de vie s'accroît d'un trimestre. Elle dépasse désormais 80 ans. Il s'agitd'une chance pour chacun d'entre nous et d'un enrichissement pour l'ensemble de la société. Quatregénérations - voire cinq - coexistent désormais au sein d'une même famille. Mais la longévitéconstitue aussi un défi, notamment financier, pour notre pays, notre système de soins et pourl'ensemble de la communauté nationale.

Il est certain que le nombre de personnes dépendantes ne va cesser de croître, même si la plupartdes personnes âgées vont bien vieillir. Je rappelle ainsi que de nos jours, 70% des hommes de 90ans sont encore autonomes. Nous estimons cependant que la perte d'autonomie touche aujourd'hui6 à 7% des personnes de plus de 60 ans. Pour les familles, avoir un proche dépendant nécessite delui consacrer un temps très important, mais également ses ressources financières.

Le vieillissement de la population ouvre de larges perspectives de création d'emplois dans le domainede l'aide aux personnes âgées dépendantes, notamment lorsque celles-ci ont fait le choix d'unmaintien à domicile. L'allongement de la durée de vie exige, pour pouvoir faciliter la vie quotidiennedes personnes âgées, de leur permettre d'accéder de manière rapide, facile et sécurisée aux servicesà domicile dont elles ont besoin. C'est l'objet, notamment, du plan des services à la personne lancépar Jean-Louis BORLOO, ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale et du Logement. Il s'agit biend'anticiper les transformations démographiques que va connaître notre pays et toutparticulièrement adapter notre politique de financement de l'autonomie à la diversité desattentes et des besoins des personnes âgées. Une telle action s'avère essentielle, à mes yeux, sinous voulons construire une société solidaire, qui permette à chacun de trouver sa place.

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Salarié de l'industrie, Georges COLOMBIER, est député de l'Isère depuis 1986. A l'Assemblée nationale, ilest secrétaire de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et vice-président des groupesd'études sur la longévité et la dépendance des personnes âgées. Actuellement, il est président et rapporteurde la mission d'information sur la prise en charge des urgences médicales. Il a été maire de Meyrieu lesÉtangs de 1973 à 2001. Depuis 1982, il est conseiller général du canton de Saint-Jean de Bournay et aété de 1985 à 1998, vice-président du conseil général de l'Isère chargé des affaires sociales et de la santé.

Il est également membre titulaire de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Georges COLOMBIER

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II. Exposé de la situation

La Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA) constitue un nouvel établissement public,créé par la loi du 30 juin 2004 instaurant la journée nationale de solidarité. Ainsi, depuis le 1er juillet2004, le produit du lundi de Pentecôte nous est affecté. Ensuite, la loi relative aux personneshandicapées du 11 février 2005 précise et renforce les missions de la CNSA, lesquelles sont au cœurdu financement d'une partie des réponses à la perte d'autonomie. Sur le terrain, les dispositifsproposés aux personnes âgées et aux personnes handicapées sont assez semblables.

L'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) est aujourd'hui intégralement décentralisée auprèsdes Conseils généraux. La nouvelle prestation de compensation du handicap est quant à elle serviepar les Conseils généraux, à partir de décisions prises par les commissions des droits et del'autonomie créées par la loi du 11 février 2005 au sein des nouvelles Maisons départementales despersonnes handicapées. Elles regroupent ainsi les COTOREP, les CDES et les aides pour la vieautonome, qui avaient été créées par le ministère de la Santé et des Solidarités.

La CNSA est une caisse disposant d'argent " neuf " en provenance de la journée nationale desolidarité. On assiste ainsi à la réorientation d'une politique adossée à un " début de financement ",ce qui n'est pas toujours le cas dans la réalité. La CNSA est une agence qui aide les acteurs publicset associatifs à organiser les réponses adressées à leurs destinataires. La Caisse entame actuellementsa troisième année d'exercice. Elle a développé un certain nombre d'outils et de dispositifsd'évaluation permettant aux maisons départementales d'appliquer au mieux cette politique. Il s'agitpour nous de garantir l'égalité de traitement sur tout le territoire, avec une personnalisation desréponses auprès de partenaires pouvant varier suivant les départements. En conséquence, d'un pointde vue méthodologique, nous avons plus agi pour le moment sur le versant " personneshandicapées " que sur le versant " personnes âgées ".

La journée de solidarité contribue au budget 2007 de la CNSA à hauteur de 2 milliards d'euros, tandisqu'un autre milliard lui est apporté par la CSG. Ce budget est composé de six sections, réparties encinq sections d'intervention et une section de fonctionnement. Ces sections étant très ciblées, notremarge de manœuvre est relativement restreinte.

Le budget émanant de la journée de solidarité est attribué aux prestations individuelles, dont 1,5milliard d'euros pour l'APA et 500 millions d'euros pour la prestation de compensation du handicap,celle-ci faisant suite à la CTP. Le budget tiré de la CSG s'ajoute pour sa part à l'ONDAM voté par leParlement et doté d'un budget de 13 milliards d'euros, qui a pour missions de participer au

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Diplômé en droit, Jean-Louis LOIRAT est directeur délégué au réseau, de la mise en place et de l'animationdes maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) à la Caisse Nationale de Solidarité pourl'Autonomie (CNSA. Nommé en 1973 inspecteur de l'action sanitaire et sociale à la DDASS de la Gironde,puis inspecteur principal à la DRASS d'Aquitaine à Bordeaux, il devient directeur départemental en Corrèzeen 1982, et directeur des actions sociales et de santé au Conseil général de la Gironde de1985 à 1990. Iloccupe ensuite, durant 4 ans, les fonctions de secrétaire général de l'École Nationale de la Santé Publique

à Rennes. De 1994 à 1999, il est directeur des affaires sanitaires et sociales de l'Essonne. En 2002, il est conseiller techniqueau cabinet de Madame Dominique VERSINI, secrétaire d'État à la lutte contre l'exclusion. Il crée en 1987, avec des collèguesresponsables des services sociaux départementaux, l'Association des directeurs d'action sociale et de santé desdépartements (ANDASS), dont il fut le président pendant 4 ans.

Jean-Louis LOIRAT

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financement des structures d'accueil des personnes âgées (EHPAD, SSIAD…) et des personneshandicapées (notamment maisons d'accueil spécialisées). Sur ce montant, 7,5 milliards d'euros sontdévolus aux personnes handicapées et 5,5 milliards d'euros aux personnes âgées. Certainsétablissements sont intégralement financés par ces crédits. Il s'agit des établissements de l'enfanceet des maisons d'accueil spécialisées ; les foyers d'accueil médicalisés pour personnes handicapéesadultes étant quant à eux partiellement financés par ces ressources. J'ajoute que la recette nouvellea rapporté ce qui était prévu.

L'APA vise à accompagner les personnes âgées en perte d'autonomie par le financement d'aidesà l'accompagnement des actes de la vie courante. Il s'agit d'une prestation en espèce,personnalisée, sur la base de référentiels bien connus. À cet égard, il sera utile de comparer les deuxsystèmes dans les mois à venir. Cette prestation a été versée en 2006 à 770 000 personnes vivant àdomicile et 210 000 personnes vivant en EHPAD. Le montant moyen d'un plan d'aide s'élève à 476euros pour les personnes vivant à domicile et à 402 euros par mois pour les personneshébergées en établissement. Le cofinancement apporté par la CNSA atteint 1,4 milliard d'euros en2006 (soit 33% de la dépense des départements, estimée à 4,2 milliards d'euros) et sera de 1,5milliard d'euros en 2007. Il convient de mener une réflexion sur ce mode de financement, puisquel'élasticité économique et financière peut être très différente d'un département à l'autre. Notreconseil se considère comme une caisse de résonance du ressenti sur le terrain, à la fois en termesorganisationnels et financiers.

L'évolution de l'offre collective d'accompagnement ressort de la loi du 2 janvier 2002 rénovantl'action sociale et médico-sociale et de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et deschances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il convient de faire en sorteque les outils mis en place par les deux lois soient correctement coordonnés. En revanche, il ne s'agitpas, pour la CNSA, d'élaborer à nouveau les schémas de gérontologie mais de les appuyer, en offrantune certaine visibilité aux directions régionales et départementales des affaires sanitaires etsociales, qui demeurent responsables sur le terrain.

Grâce aux recettes non utilisées en 2004 et en 2005, un plan exceptionnel d'investissement a puêtre mis en place en 2006, d'un montant de 500 millions d'euros. Les deux tiers ont été dirigés versles établissements d'accueil des personnes âgées afin de permettre notamment leur restructurationet leur modernisation. En ce qui concerne le Fonds de Solidarité Grand Âge, il conviendra de pendreen compte en 2007 la création de places (5 000 places d'hébergement, 6 000 places de service et 3200 places d'accueil de jour et d'hébergement temporaire) et la revalorisation du coûtd'hébergement.

Enfin, je précise que les sections 4 et 5 ne sont pas intégralement utilisées, d'un point de vuefinancier. Dans la section 4, il existe ainsi un crédit de 60 millions d'euros - auxquels 10 millionsd'euros ont été rajoutés pour les personnes handicapées - qui vise notamment à mettre en place unsystème de conventionnement offrant un levier organisationnel sur le terrain. La section 5 bénéficied'un crédit de 10 millions d'euros dévolu à l'étude et la recherche, l'innovation et les actions decoopération.

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III. Un nouvel outil moderne et souple : le CESU

La question de l'allongement de la vie pose bien sûr des problèmes d'autonomie et de financement.Mais n'oublions pas qu'il s'agit d'abord d'une chance historique pour notre pays : ce phénomène vagénérer de très nombreuses créations d'emplois, synonymes de développement économique etde création de richesses.

Ensuite, si la loi du 11 février 2005 sur les services à la personne n'apporte pas directementd'éléments de financement nouveaux, elle crée néanmoins un certain nombre de dispositifs quiparticipent, de fait, au financement des mesures qui peuvent leur bénéficier. Le chèque emploiservice universel (CESU) est un nouveau moyen de paiement cofinancé par les employeurs, lescollectivités territoriales, les caisses de retraites et institutions de mutuelle et de prévoyance, etc.Il pourra ainsi être utilisé, en particulier par les collectivités locales, pour le versement de leursprestations sociales en nature. L'APA sera ainsi concernée au premier chef.

Les atouts de ce dispositif sont considérables. Cette prestation garantit en premier lieu l'effectivitédu service, puisque le CESU ne peut être utilisé que pour l'achat de services à la personne. Ellerésout aussi de façon efficace la question des sommes indues (qui s'évaporent dans la nature en casde décès ou d'hospitalisation de la personne âgée) sachant que le taux des dépenses indues variede 15 à 25% suivant les départements ! Par exemple, dans le seul département des Pyrénées-Orientales, 3 millions d'euros (soit 17% de l'APA) ont ainsi pu être économisés. Aujourd'hui, plus de20 départements ont lancé des consultations pour retenir un émetteur responsable du versement dela prestation.

Le CESU a aussi le mérite de rendre lisible l'action publique. Il est enfin respectueux del'individualisation des plans d'aide et du libre choix du bénéficiaire de la prestation. Les associationsseront quant à elles en mesure d'élargir leur palette d'offres à tous les citoyens. Leur gestion s'entrouvera particulièrement facilitée, dans la mesure où ces associations sont aujourd'hui confrontéesà de grandes difficultés financières.

Enfin, la loi du 11 juillet 2005 crée un " droit d'option " qui a pu faire débat entre agrément dequalité et tarification selon la loi de 2002. L'agrément de qualité suppose la conformité à un cahierdes charges extrêmement exigeant - dont nous ne pouvons nier les effets structurants sur l'offre desétablissements. Cette loi permet ainsi un renforcement des acteurs et une mutualisation des réseaux.

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Bruno ARBOUET est directeur général de l'Agence nationale des services à la personne depuis octobre 2005. De1991 à 2005, il fut entre autre directeur interrégional SCET Icade-Cités (groupe Caisse des Dépôts etConsignations), directeur délégué en charge du développement et de la stratégie, directeur général de CDConsultants et directeur territorial de la SCET pour le nord de la France. Auparavant, il fut directeur du Conseilrégional du Languedoc-Roussillon de 1983 à 1986.

Bruno ARBOUET

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IV. Le rôle de l'UNA

L'UNA (Union nationale de l'Aide, des Soins et des Services aux Domiciles) constitue un réseaureprésentant 140 000 salariés. Il embauche 20 000 à 30 000 personnes par an dans 18 familles deprestations, notamment pour les personnes âgées et les personnes handicapées (aide à la personne,santé et soins à domicile, repas à domicile, etc.). La diversification des prestations à domicile estpossible. Elle suppose simplement de revoir l'élaboration des plans d'aide et leur gestion, sansoublier la formation des intervenants. L'esprit d'innovation existe donc bien, même s'il est parfoisétouffé, en ce moment.

La vie à domicile constitue à nos yeux un droit fondamental. Cette notion suppose la garantied'un choix éclairé et librement consenti des personnes quant au mode de vie qui leur est proposé.Elle implique aussi une refonte du financement, de vrais métiers et une autre façon d'entreprendre.

Ensuite, la professionnalisation est en marche depuis longtemps. Ainsi, la branche professionnellede l'aide à domicile consacre chaque année 30 millions d'euros à la formation professionnellecontinue (soit un taux de contribution de 10%). En trois ans, 60 000 salariés ont suivi uneformation. Il faut certes faire plus encore, et nous négocions des accords de branche qui structurentet professionnalisent peu à peu les entreprises qui la composent.

Les financements actuels sont insuffisants, compte tenu de la formidable progression du nombre debénéficiaires de l'APA (1 million de bénéficiaires), qui a été multiplié par dix au regard du nombrede bénéficiaires de la PSD. Parallèlement, la loi de 2003 n'a pas suffi à sécuriser le financement del'APA puisque ce dernier est souvent assuré à 70% par les départements, alors que le cofinancemententre l'État et les départements devrait se réaliser sur une base identique.

En outre, la prévention de la dépendance joue à guichet fermé puisqu'elle relève de l'action socialedite facultative de la CNAV. Le risque aujourd'hui est réel : la gestion de la pénurie budgétairerisque à terme de tourner à la maltraitance dans certains cas. Ainsi, pour justifier la gestion dela pénurie, on en vient à affirmer que les auxiliaires de vie sociale sont trop qualifiées, alors qu'ils'agit d'un diplôme de niveau V, dont sont titulaires des personnes travaillant souvent à deux tiersde temps pour un salaire compris entre 1 000 et 1 100 euros bruts par mois. Or peu de personnesseraient capables de réaliser les tâches qui leur sont confiées.

Plusieurs solutions méritent à nos yeux d'être étudiées, mais elles n'ont pas toute la même valeur.Nous estimons que nous n'échapperons pas à une augmentation de la CSG. Il est également possiblede réfléchir à des solutions collectives d'assurances mutualisées, voire des assurances individuelles.

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Emmanuel VERNY est directeur général de l'UNA (Union nationale de l'aide, des soins et des services auxdomiciles) depuis mai 1997. Auparavant il est directeur général de l'Union française des centres devacances et de loisirs (UFCV) de 1995 à 1997, directeur du développement des ressources humaines de laCaisse d'Épargne Aquitaine Nord de 1989 à 1995 et directeur général de l'Association pour ledéveloppement de la formation des immigrés de 1979 à 1986. Il est diplômé en sociologie de l'entrepriseet en sciences politiques, titulaire d'un DESS de gestion et d'un MBA.

Emmanuel VERNY

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V. Le point de vue des départements

Le financement de l'autonomie s'intègre dans un contexte général extrêmement exigeant pour lesdépartements. Ceux-ci sont en effet concernés simultanément par de grandes réformes telles que ladécentralisation du RMI et la création du RMA, la réforme de l'adoption, l'instauration du contrat deresponsabilité parentale (loi Egalité des chances), l'engagement national pour le logement ou encorela protection juridique des majeurs.

Au-delà de l'enjeu financier, les départements font face à un enjeu de ressources humaines(formation, recrutement, réorganisations) et à un enjeu d'évolution culturel, notammentl'articulation entre le monde social et le champ économique se déplace avec une logique decomplémentarité entre métiers " sociaux " et métiers " de l'humain " (santé, aide à la personne,etc.).

Ce contexte se traduit, pour les départements, par une forte augmentation des dépenses" subies " qui limitent la marge de manœuvre des Conseils généraux quant aux politiques publiquesqu'ils souhaiteraient décider par eux-mêmes. Les départements font ainsi face à des dépenses defonctionnement incompressibles.

Un contexte global marqué par des dépenses subiesPart des évolutions liées à des données exogènes par compétences départementales

Le grand âge n'est pas seulement à considérer comme une charge : il s'agit également d'une richesseet d'un vecteur de développement, ainsi qu'il a déjà été souligné par plusieurs intervenants. Maisnotre système social est-il adapté aux nouveaux enjeux qui se dessinent ? Pour l'heure, lefinancement de l'autonomie repose sur trois piliers : la solidarité nationale, la solidaritéfamiliale et la solidarité locale.

Diamètre de la bulle=

montant de laprestation en valeur

absolue 2005

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Auparavant responsable du secteur du développement social de cette association, Jean-Michel RAPINATdirige les politiques sociales, familiales, éducatives culturelles et du logement de l'Association desdépartements de France (ADF). Il s'est engagé il y a 20 ans dans le domaine des politiques sociales etnotamment en 1986 dans une structure d'accueil rattachée à un CCAS. Par la suite, il prend la directionéducative d'un établissement accueillant des publics en situation de grande précarité pour le compted'une grande association. Dans un second temps, il est successivement responsable territorial, puis chef

du service social départemental et de prévention spécialisée du Conseil général de la Marne, directeur adjoint de l'actionsociale en Meurthe-et-Moselle et directeur de la solidarité de la Meuse.

Jean-Michel RAPINAT

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L'Assemblée des Départements de France, aux côtés de l'Association des Maires de France et del'Association des Régions de France, a saisi le Conseil économique et social sur les questions defiscalité et de dépenses locales. Faut-il imaginer, demain, une CSG départementale ou une part deCSG qui soit dédiée aux dépenses des départements ? Faut-il envisager d'instaurer une nouvellejournée travaillée ? Qu'en est-il du débat sur la 5ème branche ? Ces questions préoccupantes seposent aujourd'hui, à nos yeux, pour permettre le financement de l'autonomie.

VI. AG2R, un pionnier de l'assurance dépendance

Le groupe AG2R, gestionnaire de retraite complémentaire, a été très tôt confronté à la problématiquede la dépendance. Très rapidement, nos commissions sociales ont été sollicitées pour des demandesd'aide de plus en plus nombreuses pour subvenir aux besoins des retraités, en situation dedépendance. Les fonds sociaux n'étant pas extensibles, il nous a fallu imaginer des solutionsdifférentes.

Ainsi, dès 1985, AG2R a conçu le premier contrat d'assurance dépendance du marché français,le contrat SAFIR. En 1995, environ 100 000 personnes avaient souscrit ce contrat. Leur nombre avaitatteint 240 000 personnes en 2006. Nous ne prétendons pas avoir la solution à tous les problèmesévoqués depuis ce matin, mais nous avons modestement apporté notre pierre à l'édifice.

L'âge moyen de la souscription est de 65 ans, pour un âge moyen des assurés de 75 ans. Lacotisation annuelle moyenne s'élève à 360 euros, pour une rente annuelle moyenne de 7 200euros. L'âge moyen de survenance est de 78 ans et l'âge moyen des rentiers atteint aujourd'hui 82ans, avec une prédominance des femmes, tant parmi les assurés que parmi les rentiers.

En 1985, il n'existait aucune statistique sur la dépendance. Nombre d'acteurs se demandaient ainsi,à l'époque, si la dépendance constituait un risque assurable. Il est clair que les contraintes étaientnombreuses (espérance de vie, tendance à l'augmentation du nombre de personnes dépendantes,etc.). Il nous a semblé néanmoins que ce risque était assurable sous certaines conditions, parmilesquelles :

• proposer une solution financière et viagère ;

• se concentrer sur le risque " lourd " ;

• veiller à la qualité de la souscription ;

• veiller à la stricte application des engagements contractuels dans le règlement des prestations ;

• disposer d'un suivi statistique robuste.

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Jean CASTAGNÉ est conseiller auprès du délégué général d'AG2R depuis le 1er janvier 2007. Il rejoint cegroupe en 1969 et y occupe notamment les postes de directeur du service études et informatique puisdirecteur du contrôle de gestion et chargé de la mise en place d'une filiale assurances IARD (sociétéPRIMA), en particulier pour le développement de l'assurance dépendance (Safir créé en 1986). En 1988,le conseil d'administration du groupe AG2R le nomme délégué général adjoint. Diplômé de l'Écolesupérieure des Sciences commerciales appliquées (Paris), il est responsable administratif et financier dans

un GIE " exportation " regroupant des PMI fabriquant des produits métallurgiques de 1967 à 1969.

Jean CASTAGNÉ

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Nous ne souhaitons pas, pour l'instant, garantir une prestation en nature dont nous serionsincapables d'estimer le coût à terme. Nous apportons des services, la garantie restant financière.Enfin, s'agissant du débat entre le collectif et l'individuel, il me semble que la multiplicationdu nombre d'assurances individuelles permet, d'une certaine manière, d'offrir unemutualisation.

VII. Le point de vue des sociétés d'assurance

Pour l'assureur, la dépendance constitue un risque à couvrir et à gérer. Ce risque est élevé comptetenu de l'évolution démographique. L'INSEE indique qu'en 2050, le nombre de personnes de plus de85 ans aura quadruplé, ce qui représente un coût potentiellement explosif. Tous nos scénariosaboutissent à des hypothèses d'évolution des coûts très supérieures à l'évolution naturelle duPIB. Il est donc impossible d'imaginer que nous financerons durablement le risque de dépendanceuniquement à partir des prélèvements obligatoires, dont la nature même est d'évoluer avec le PIB.C'est la raison pour laquelle la cinquième branche de la Sécurité sociale ne me paraît pas adaptée àla prise en charge d'un tel risque de dépense, qui va croissant et sur le long terme. Pour faire faceaux coûts futurs de la dépendance, il faudrait ainsi que la CNSA mette en réserve 80% de ses recettesannuelles. Nous imaginons mal les pouvoirs publics s'engager dans une telle voie. Nous pensonsnéanmoins que la dépendance est un risque assurable et un risque assuré, sur une longue période.De fait, 3 millions de personnes sont aujourd'hui couvertes, d'une manière ou d'une autre par uncontrat d'assurance dépendance.

Il faudra donc inventer la combinaison d'une offre publique (centrée sur les personnes les plusvulnérables et les besoins les plus immédiats) et d'une offre d'assurance (destinée à préparerl'avenir pour éviter de déboucher dans une impasse financière).

Afin d'assurer la dépendance, l'enjeu consistera à persuader les personnes de 35 ans à se couvrircontre le risque de dépendance, et non les personnes de 65 ans, comme tel est le cas à l'heureactuelle. Il est vrai que les Français sont fortement sensibilisés à la problématique des retraites, cequi peut constituer un levier d'adhésion significatif. En outre, les réseaux commerciaux sont déjàmobilisés dans la vente de couvertures retraites facultatives. Il nous faut également réinventerl'adaptation du profil de la rente pour tenir compte de ces contraintes. Traditionnellement, la renteest viagère et fixe. Or, lors de la période d'inactivité, les besoins sont élevés.

Dans ce domaine, une incitation publique (crédit d'impôt ou aide financière à l'acquisition d'unecouverture, comme en matière d'assurance maladie) serait naturellement bienvenue.

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Gérard de LA MARTINIÈRE est le président de la FFSA (Fédération française des sociétés d'assurances) éluen 2003. Auparavant il occupe diverses fonctions de direction au sein du groupe Axa qu'il rejoint en 1989.Il est aussi inspecteur général des finances, président du CEA (Comité européen des assurances), membredu conseil de surveillance de Schneider Electric et administrateur d'Air Liquide. Diplômé de l'éécolePolytechnique (1965) et de l'École nationale d'administration (1969), il a occupé plusieurs postes auministère des Finances de 1969 à 1984. Il est ensuite secrétaire de la COB (1984-1986), président de la

Chambre de compensation des instruments financiers de Paris (1986-1988) et directeur général de la Société des Boursesfrançaises de 1988-1989.

Gérard de LA MARTINIÈRE

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Mais nous avons surtout besoin d'une clarification : ce dispositif pourra fonctionner uniquementsi nous expliquons clairement aux Français qu'ils devront anticiper plutôt qu'attendre une manneaussi providentielle qu'improbable.

Une démarche de type " assurantiel " présente l'avantage d'être une démarche préfinancée, ce quipermet de générer une capacité d'investissement, qui peut être ensuite mobilisée pour lefinancement de structures d'accueil et l'aménagement des domiciles. Or ces éléments sont bien plusdifficiles à effectuer lorsque l'on intervient dans le cadre d'un schéma de répartition. Désormais,nous allons évoluer de la prestation en espèce à la prestation en nature, avec les partenairesdes services à la personne ; en fonction de leur structuration et de leur capacité à contracter avecdes assureurs sur le long terme. Ce dispositif est bien plus sécurisant pour les personnes concernéeset plus adapté à leur situation. En effet, lorsqu'un individu est en situation de dépendance, il n'estplus nécessairement en état de gérer un budget. Sur le plan fiscal, ce système est égalementoptimal, puisque les personnes concernées ne se voient pas reprendre par l'État, sous forme d'impôtsur le revenu, les prestations destinées à couvrir les actes de la vie quotidienne.

Dès lors que l'assureur aura pris en charge à l'avance le risque de la dépendance, il aura en tout casintérêt à appliquer toutes les mesures qui seront de nature à retarder la survenue de la situation dedépendance - or nous connaissons l'importance de la prévention sur ces sujets. À destination desélus, j'ajoute que la démarche de type " assurantiel " constitue un moyen d'éviter l'épineuxproblème du contentieux avec les familles sur la récupération de l'aide publique sur l'héritage.Dès lors que la personne a librement décidé de s'assurer et de couvrir son risque, plus personne nepeut discuter ce choix.

Il ne faut pas être suspicieux vis-à-vis de la démarche " assurantielle ", ni en termes d'égalité ni entermes de solidarité. En effet, les prestations qui seront délivrées par les assureurs pour l'assistancedans les actes de la vie quotidienne seront strictement identiques pour un ingénieur et pour unouvrier. Ainsi, la mise en place d'un système " assurantiel " n'occasionne pas de rupture d'égalité.Enfin, où se situe la véritable solidarité ? S'agit-elle de celle qui consiste à ne rien faire et à attendreque la collectivité assure une prise en charge ? Pour ma part, j'estime que la véritable solidaritéest celle qui consiste à dire que dès lors que j'ai les moyens de m'assurer contre ce risque, jeprends les dispositions pour ne pas être à la charge de la collectivité.

VIII. Débat

Gilles DUTHILJusqu'où peut aller l'effort des jeunes générations vis-à-vis des retraités ?

Emmanuel VERNYLes jeunes sont de futurs retraités. Il s'agit d'une question d'organisation de la société. Celarejoint aussi le débat entre répartition et capitalisation. Lorsque j'étais jeune travailleur, j'étaisloin de dépenser tout ce que je versais, en termes de cotisation. Ensuite, je me suis marié et j'aieu des enfants ; la situation a radicalement changé. C'est la raison pour laquelle le débat entreassurance individuelle et fonctionnement solidaire du système est extrêmement intéressant. À cetitre, je pense qu'il mérite d'être approfondi. Il s'agit notamment de s'interroger sur la place ducurseur. À la limite, il est possible de considérer que la solidarité pour les personnes âgéesconcerne directement les emplois des plus jeunes.

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Gilles DUTHILÈtes-vous favorable ou défavorable au cinquième risque ?

Gérard de LA MARTINIÈREIl me semble nécessaire de jeter un regard objectif sur la situation actuelle, du point de vue de lasolidarité intergénérationnelle. Les plus jeunes payent aujourd'hui des cotisations pour la retraite,tout en sachant qu'ils ne percevront pas le même niveau de prestation. Par conséquent, nousconnaissons déjà un phénomène de déséquilibre structurel, qui fait payer aux jeunes générationsle bénéfice de la retraite à leurs aînés, alors qu'ils ne pourront pas bénéficier, demain, des mêmesavantages. Ensuite, nous savons que 80% des consommateurs de l'assurance maladie sont desseniors, ce qui est, en soi, normal. En outre, la dette sociale sera remboursée par la CRDS sur 35ans.

Dans ces circonstances, est-il réellement indispensable de rajouter une nouvelle strate au titre dela solidarité intergénérationnelle ? Il me semble que l'on devrait plutôt se préoccuper d'éviterd'aggraver la situation, à un moment où un certain nombre de jeunes envisagent de quitter laFrance pour trouver un terrain plus propice à leur développement.

Georges COLOMBIERJe respecte votre point de vue. Nous n'avons pas été suffisamment nombreux à vouloir mettre enplace cette cinquième branche en 2002, au moment de la création de l'APA. Les pères fondateursde la Sécurité sociale s'étaient bien gardés en 1945, par prudence, d'énumérer les risques couvertspar cette branche.

Je crois qu'il faudra, tôt ou tard, créer cette cinquième branche de la Sécurité sociale, assortied'une cotisation sociale de nature spécifique et en confiant aux partenaires sociaux la gestion dece risque. Un certain nombre de parlementaires de tous bords défendent cette position.

De la salle, le président de la Fédération nationale des malades insuffisants ou handicapésrespiratoires

Je signale que notre fédération travaille actuellement à une charte qui précisera les droits etdevoirs des malades. Cette charte comportera également les engagements que nous demandonsaux prestataires de santé.

Christian AKERMANN, CCAS de la Rochelle Nous disposons d'une expérience d'un an en matière d'utilisation du CESU et de deux ans sur leprécédent chèque domicile. Le Conseil général de la Charente-Maritime a aujourd'hui abandonnéle financement de cet outil, au grand soulagement des usagers et des services. Les premiers, eneffet, préfèrent généralement déléguer à leur aide à domicile ou au service lui-même le comptagedes chèques. Il existe cependant de grandes difficultés liées au CESU, du point de vue dufinancement de l'APA. A mon avis, un bilan exhaustif doit être dressé sur ce sujet. Ainsi, lafacturation des CESU dans notre département s'élevait à 1 000 euros par mois, en raison des fraisde traitement pris par les organismes.

De la salleIl est essentiel d'évoquer les questions fiscales. Ainsi, dans sa grande sagesse, le Parlement vientd'adopter un amendement selon lequel une personne hébergée en maison de retraite et quipercevra l'équivalent de deux SMIC bruts n'aura plus à payer d'impôt. Le jeune, lui, restera soumisà cet impôt même s'il perçoit le même montant.

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Bruno ARBOUETDans le département des Pyrénées-Orientales, le CESU permet d'économiser 3 millions d'euros pourle co-financeur. Dans ce cadre, un surcoût éventuel de 1 000 euros par mois pour la structureprestataire ne me semble pas déraisonnable.

Par ailleurs, une question écrite porte sur la téléassistance. Il est vrai que celle-ci n'est pas inclusedans le décret assorti de la liste des 20 métiers. Ce décret est cependant en cours d'actualisation.Ainsi, je puis vous annoncer qu'elle figurera dans le nouveau texte (décret et arrêté).

Jean-Michel RAPINATLe Parlement a voté cette semaine une proposition de loi réformant les minima sociaux. Un peuplus de 6 millions de Français bénéficient directement ou indirectement d'un minima social. LesConseils généraux s'interrogent tous sur le financement durable de la dépendance pour lespersonnes placées dans une situation extrêmement délicate. Or je rappelle qu'un Français sur dixrencontres de telles difficultés. Ainsi, les trois quarts des bénéficiaires de l'APA perçoivent desressources inférieures au minimum vieillesse. Je rappelle aussi que nous avions prévu un maximumde 800 000 bénéficiaires de l'APA. Or nous avons déjà dépassé le million et 50% des bénéficiairesde l'APA se classent dans le GIR-4. Désormais, il s'agit surtout de savoir comment nous allonsadapter les structures et les offres de services aux besoins de ces personnes, lesquels sontextrêmement évolutifs. Malheureusement, cette question n'est pas suffisamment considérée, àl'heure actuelle.

Gérard de LA MARTINIÈREUne question écrite est formulée de la manière suivante : " Les pouvoirs publics cherchent depuisplusieurs années à lancer un prêt viager hypothécaire sans rencontrer un grand succès auprès desbanques. Une solution alternative a été lancée en 2005, à l'initiative d'un assureur sous l'appellation" Immo Retraites ". Elle consiste à vendre un bien immobilier et à apporter le produit de la rente àun assureur, qui percevra une rente viagère immédiate, avec un système de partage d'occupationentre l'acquéreur et le vendeur. Aujourd'hui, seuls les assureurs américains, canadiens et allemandsacceptent de donner des garanties de rentes viagères. Pourquoi les assureurs français restent-ils enretrait ? "

Je ne peux apporter de réponse définitive à cette question. La solution évoquée constituecertainement une piste intéressante, dans la mesure où une bonne partie de nos concitoyens ontfait le choix d'un investissement immobilier, avec la perspective de pouvoir sécuriser leursressources lors de la période d'inactivité. En outre, à l'évidence, l'industrie financière française abesoin de mettre en œuvre les dispositifs et les produits qui permettront de mobiliser cetinvestissement.

Une autre question écrite attire notre attention sur les autres préoccupations que peuvententretenir les ménages de 35 ans (éducation des enfants, loisirs, construction d'une maison) vis-à-vis des questions de dépendance. Je voudrais nuancer cette appréciation dans la mesure où, ànotre grande surprise, les meilleurs taux de souscription de plans d'épargne retraite populaire ontété enregistrés dans la tranche d'âge des 35-45 ans. Ainsi, nos jeunes actifs sont très préoccupéspar leur future situation, lorsqu'ils entreront dans une période d'inactivité.

De plus, la couverture du risque de dépendance devrait représenter un tout petit nombre d'annéesau regard de la période d'inactivité, laquelle dure 20 à 30 ans. Le surcoût du risque de dépendancedevrait donc finalement être assez limité.

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Martine LE QUELLEC-NATHANDirectrice pathologies et santé, direction générale de la santé

En 2005, 21% des Français étaient âgés de plus de 60 ans, contre seulement 17% en 1960. Leur partdans la population sera de 31% en 2030. L'espérance de vie dépasse aujourd'hui 80 ans ; l'espérancede vie sans incapacité s'accroît aussi régulièrement. Ce phénomène constitue une chance maiségalement un défi collectif pour notre pays et pour notre système de santé et la solidarité nationale.La France se situe dans le peloton de tête des pays marqués par une faible mortalité aux âges élevés,avec le Japon, le Canada, l'Australie et la Suisse. L'augmentation du nombre de centenaires en Franceest ainsi remarquable. Leur nombre est ainsi passé de 200 en 1950 à 16 000 aujourd'hui. Il devraitêtre de 160 000 en 2050.

La prise en charge de la dépendance des personnes âgées nécessite d'agir dans trois directions.

• Il convient d'anticiper les problématiques sociales, sanitaires, environnementales afin deretarder au mieux les effets indésirables et les complications liés au vieillissement. Il s'agitnotamment de développer la prévention et le concept du " bien vieillir " ;

• Il convient d'organiser et de coordonner les modes de prise en charge sanitaire, sociale,médico-sociale, dans un souci d'intégration des services et non de juxtaposition desdispositifs - faute de quoi nous rendrons notre système illisible ;

• Il convient enfin de maintenir et de développer les modes de solidarité en luttant contrel'individualisme et les inégalités d'accès aux soins.

La dépendance augmente fortement avec l'âge. Elle concerne 2% des personnes de 60 à 69 ans,10,5% des personnes de 80 ans et 30% des personnes âgées de plus de 90 ans. Les différentesprojections démographiques s'accordent pour considérer que le nombre de personnes âgéesdépendantes devrait atteindre 1 million en 2020 et 1,2 million en 2050. Le nombre de personnesâgées de plus de 60 ans bénéficiaires d'aides sociales était de 800 000 fin 2003, mais la progressionest exponentielle.

La prévention des maladies liées à l'âge et des incapacités entraînées par les maladies chroniquesreposent sur des données scientifiques de plus en plus nombreuses. Il est possible d'agir par laprévention pour repousser la survenue de la dépendance et continuer de prolonger l'espérance de viesans incapacité. En l'an 2000, l'espérance de vie à 75 ans était de dix ans pour les hommes et detreize ans pour les femmes contre, respectivement, moins de six ans et six ans et demi en 1900. Nouspouvons affirmer que 60% des Français ne deviendront jamais infirmes ni dépendants, quandbien même ils vivraient très vieux. A 75 ans, seuls 5% de la population estiment être en mauvaisesanté.

Les progrès réalisés par la médecine et l'amélioration de nos conditions de vie ont pour effet deretarder l'apparition des incapacités, y compris les plus lourdes. Nous remarquons toutefois que siles femmes jouissent d'une longévité moyenne supérieure à celle des hommes, la période durantlaquelle elles souffrent de diverses incapacités est aussi plus longue. Nous notons par ailleurs unedifférence plus marquée de l'influence du milieu social sur l'espérance de vie sans incapacité. En

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CLÔTURE DES TRAVAUX DE LA MATINÉE

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dépit des progrès réalisés, la perte d'autonomie, qui affecte aujourd'hui 6 à 7% des personnes deplus de 60 ans et la dépendance lourde constituent des phénomènes réels et des enjeux essentielsen matière de santé publique. Des efforts sont à mener pour améliorer et prolonger l'espérancede vie mais aussi la qualité de vie, en particulier au cours des dernières années.

En conséquence, l'action en matière de prévention est devenue une nécessité pour favoriser unvieillissement réussi et réduire les inégalités face à la vieillesse. La prévention des facteurs derisque de certaines pathologies invalidantes, le développement de l'activité physique, lerenforcement du lien social et le développement de la solidarité intergénérationnelle constituent lesaxes majeurs des actions de prévention en faveur des personnes âgées de 55 ans et plus, marquéesnotamment par la loi relative à politique de santé publique du 9 août 2004.

Ces actions se sont traduites dans divers plans de santé publique, tels que le plan qualité de vie despersonnes atteintes de maladies chroniques, qui devrait prochainement être annoncé ou le plan" Bien vieillir " qui est annoncé aujourd'hui même. Ce dernier a été élaboré en lien avec la CNSA, leministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, l'ensemble des partenaires et desacteurs locaux.

Améliorer la qualité de vie des personnes devenues dépendantes constitue aussi un axe majeur deréflexion et d'action. Nous pouvons citer par exemple les actions mises en œuvre dans le cadre duplan Alzheimer 2004-2007.

La dépendance se traduit par le besoin d'aide éprouvé par une personne pour effectuer des actes dela vie quotidienne, auquel s'ajoutent des besoins de soins liés à ces pathologies et de soutienpsychologique, voire une protection juridique. Les réponses apportées à ces divers besoins doiventprendre plusieurs formes.

En France, 65% des personnes dépendantes vivent aujourd'hui à domicile, les 35% restantes vivanten établissement. La moyenne d'âge de l'entrée en institution est de plus en plus élevée (83 ansaujourd'hui) et traduit le plus souvent le moment d'entrée dans la grande dépendance.

L'enjeu des pathologies neurodégénératives est particulièrement prégnant dans le cadre duvieillissement de la population. Ainsi, les démences, qui se traduisent par le déclin progressif etinexorable des fonctions intellectuelles et la perte d'autonomie, évoluent le plus souvent vers unétat grabataire. La durée moyenne de la maladie d'Alzheimer (60 à 70% de démences) est de septans, dont deux ans en état de grande dépendance. Nous estimons qu'une personne sur deux n'estpas diagnostiquée aujourd'hui et que 18% des personnes de plus de 75 ans sont atteintes dedémence. Chaque année, 225 000 nouveaux cas sont pronostiqués et selon les projectionsdémographiques, si aucun traitement curatif ou préventif n'est découvert, le nombre attendu depersonnes âgées atteintes de démence s'établira à 1,3 million en 2020 et 2,1 millions en 2040.

Nous l'avons vu, la survenue de la démence constitue l'un des facteurs essentiels d'entrée eninstitution. Des mesures peuvent d'ailleurs permettre de limiter l'entrée dans la dépendance ou ladémence, telles que :

• la prévention du développement des facteurs de risque d'entrée dans la maladie, par exemplel'hypertension artérielle ;

• la lutte contre les conséquences de l'iatrogénie médicamenteuse ;

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• le repérage et la meilleure prévention de la dépression chez les personnes âgées ;

• l'importance à accorder à la formation des professionnels de santé pour leur permettre d'établirdes diagnostics précoces des troubles cognitifs.

La mise en place, dès cette année, de la consultation de prévention des personnes de 70 ans etplus participe de cette volonté. Il convient également de former les professionnels de santé à uneprise en charge de qualité intégrée à domicile ou en établissement, de développer des formesinnovantes de soutien aux aidants, d'améliorer les conditions de diagnostic et de prise en charge,avec le développement des consultations " mémoire ", des centres de mémoire et de ressources.

Il nous faut aussi réaffirmer le principe d'égalité d'accès aux soins pour tous et pallier les inégalitésqui peuvent se faire jour entre régions. Les personnes âgées sans invalidité qui présentent unepathologie bien déterminée relevant d'une spécialité donnée doivent être prises en charge dans desservices communs et être traitées comme d'autres malades, indépendamment de leur âge. Lacoexistence de plusieurs pathologies, associées à une perte d'autonomie ou à un risque de perted'autonomie, justifient la prise en charge dans un service spécialisé de gériatrie. À tout le moins,l'intervention d'une équipe gériatrique consultante est indispensable à l'évaluation de l'étatfonctionnel de la personne âgée malade et devrait permettre la mise en œuvre d'actions deprévention de la dépendance, dans le cadre d'une filiale gériatrique organisée.

Ces mesures entrent dans le cadre du Plan Solidarité Grand âge présenté en juin 2006, quiprévoit par exemple d'augmenter en cinq ans le nombre de places de SSIAD de 40%, de créer2 500 places d'accueil de jour, 1 100 places d'hébergement temporaire et 5 000 places dansles EHPAD.

Il prévoit aussi, à l'hôpital, la création de 1 000 lits supplémentaires de courts séjours gériatriques,de 86 équipes mobiles de gériatrie et de 950 places d'hôpital de jour. Ce plan prévoit en outre deproposer systématiquement une consultation gratuite de prévention aux personnes de plus de 70ans.

Enfin, l'effort de recherche doit être soutenu pour développer de nouveaux traitements etréfléchir à de nouvelles modalités de prise en charge. De nouveaux métiers, tels que lesgestionnaires de cas, pourraient également permettre une meilleure intégration des servicesd'intervention auprès des personnes lourdement dépendantes. De même, nous souhaitonsdévelopper la prise en charge des malades chroniques en valorisant les actions d'éducationthérapeutique, l'accompagnement personnalisé et la collaboration des soins.

Nous découvrons progressivement l'importance d'un certain nombre de processus physico-chimiquesdans le vieillissement, avec l'affirmation de plus en plus avérée d'un rôle de l'environnement sur cesprocessus. A côté de la recherche fondamentale, il est nécessaire de développer activementl'enseignement et la recherche en gériatrie. De plus, le développement de nouvelles solidarités doitpermettre de faire évoluer la représentation sociale de la vieillesse, de combattre les imagesnégatives de l'avancée en âge et d'affirmer le rôle économique positif des personnes âgées dans lavie familiale, sociale et dans la politique de l'emploi. Il s'agit ainsi d'éviter les risques d'inégalité etde rupture sociale consécutifs au déséquilibre démographique croissant entre les classes d'âge.Quatre, voire cinq générations, coexistent ainsi désormais au sein d'une même famille.

Enfin, il est nécessaire d'élargir notre réflexion au niveau de l'Union européenne, dans la mesure oùla problématique démographique concerne l'ensemble de notre continent.

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TABLE RONDE N°3

INVENTER LA MAISON DE RETRAITE DE DEMAIN

MODÉRATEURDominique TIANDéputé des Bouches-du-Rhône, vice-président du groupe d'études sur ladépendance des personnes âgées

INTERVENANTSDidier SALONArchitecte

Colette EYNARDGérontologue

Michel AGAËSSEPrésident de la filiale les Maisonnées de France - membre du groupe EMERA

Guy BERNFELDDirecteur général adjoint chargé des grands projets de SNI

Pascal CHAMPVERTPrésident de l'ADEHPA (Association des directeurs d'établissements etd'hébergement pour personnes âgées)

Marie-France MARCHALPrésidente de la Fédération nationale des MARPA

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I. Introduction

La question des maisons de retraite n'est pas simple à aborder, dans un contexte de vieillissementde la population largement exposé ce matin. L'offre d'hébergement est indispensable pour apporterdes réponses adaptées aux besoins des personnes âgées, qui présentent des caractéristiques d'étatde santé, de ressources, d'environnement familial et social différents.

Actuellement, 600 000 lits sont proposés aux personnes âgées au sein de 9 500 établissementsdifférents, parmi lesquels 6 500 établissements de retraite regroupant 440 000 lits. S'y ajoutent3 000 logements-foyers représentant 170 000 lits. L'encadrement moyen des établissements ayantsigné une convention était de 0,55 encadrant par personne hébergée - ce chiffre tendant àaugmenter. Ensuite, 95% des établissements relevant du champ sanitaire, représentant 76 000 lits,émanent des hôpitaux publics. Enfin, les résidences-services sont libres dans leurs choixd'implantation. 5 000 places d'établissements pour personnes âgées dépendantes seront créées aucours des cinq prochaines années, comme l'a annoncé Philippe BAS, ministre délégué à la Sécuritésociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées, et à la Famille. Le besoin en placesnouvelles d'hébergement est cependant estimé à 10 000 places par an, ce qui donne une idéedes défis que nous avons collectivement à relever.

II. Exposé introductif

Peut-on habiter une maison de retraite ?

Inventer la maison de retraite de demain suppose de porter un nouveau regard sur cesétablissements et de changer de modèle, à partir d'une problématique d'habitation. Si l'on peut vivreet mourir dans une maison de retraite, peut-on y habiter ?

Lorsqu'on parle de création et de restructuration d'établissement, on nous adresse parfois unedemande technique en référence à un modèle implicite d'EHPAD. Parfois, on nous demande dedonner forme à un projet social. Plus souvent, il s'agit de créer un établissement correspondant aumodèle de l'EHPAD, auquel l'on ajoute une recherche de formes.

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Maire du 4ème secteur de Marseille depuis 1995 et suppléant de Jean-François MATTEI, Dominique TIAN, estdéputé des Bouches-du-Rhône depuis 2002. A l'Assemblée nationale, il est membre de la commission desaffaires culturelles, familiales et sociales. Il est vice-président du groupe sur la dépendance des personnesâgées. Il est président d'une mission d'information sur les moyens de contrôle de l'UNEDIC et des ASSEDIC.Diplômé de l'Institut d’Études Politiques d’Aix-en Provence, il est gérant de sociétés.

Dominique TIAN

Après des études universitaires en lettres classiques et une formation en gérontologie sociale àl'Université Lyon 2, Colette EYNARD a travaillé pendant une quinzaine d'années à Villeurbanne, commecoordinatrice de l'action gérontologique ; elle a accompagné des projets de petites unités de vie,notamment dans le cadre du programme SEPIA. Parallèlement, son activité de consultant dans le réseauARCG l'a amenée à participer avec Didier SALON à des projets de construction et de restructurationd'établissements. Elle a co-écrit avec lui l'ouvrage " Architecture et gérontologie ".

Colette EYNARD

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Lorsqu'il est question de libre choix, il importe de se démarquer d'une politique qui accorde uneplace prépondérante à la reproduction de modèles, bien souvent au détriment de la mise en œuvred'un projet réel. De plus, inventer suppose en tout cas une commande spécifique : si le porteur deprojet ne manifeste pas une volonté de mener un projet social ou gérontologique, sa demande serésumera à quelques chiffres, en termes de nombre de lits principalement. Il me paraît plusintéressant d'essayer de transformer cette demande initiale, assez courante, en une commandespécifique qui partirait de l'histoire de l'établissement, de la commune, du site…

Ces nouvelles méthodes de travail doivent nous conduire à associer le plus largement possible lesacteurs concernés par une offre de logement à des personnes qui avancent en âge, à commencer parla personne elle-même, sa famille, ses voisins, le personnel ou la direction.

Nous pouvons envisager trois pistes d'évolution du modèle :

• la relation du bâtiment avec l'espace public ;

• l'aménagement autour de l'espace privatif, la chambre ;

• les articulations intérieures entre les différents espaces : espaces de soins, espacesdomestiques, espaces hôteliers, etc.

Il est possible de faire rentrer l'espace public dans l'établissement ou de rapprocher celui-ci del'espace public. Une première difficulté peut alors apparaître sur le plan foncier, lorsque le prix del'immobilier impose de s'éloigner.

S'agissant de la chambre, l'expérience montre qu'une surface de 25 mètres carrés apporte une qualitéde logement bien supérieure à une surface de 20 mètres carrés, étant entendu que les normes àrespecter imposent une surface d'au moins 17 à 18 mètres carrés.

L'EHPAD doit-il évoluer, est-il réellement en mesure d'évoluer, ou faut-il inventer un autredispositif ? Nous ressentons en tout cas une demande très forte de diversification de l'offre.Correspond-elle à un éparpillement ou à une réalité sociologique ? Il ne m'appartient pas de le dire.Il est en tout cas possible, du point de vue architectural, de faire évoluer cette offre de manièreassez significative. De fait, si la situation n'évolue pas, nous allons au devant de très gravesdifficultés.

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Didier SALON, diplômé de l'école d'architecture de Paris-Belleville, est spécialisé dans l'habitat despersonnes âgées. Depuis sa première réalisation en 1990, il s'attache à concevoir les établissements enprivilégiant une démarche d'expertise partagée. En 1997, sa rencontre avec Colette EYNARD, gérontologuea confirmé l'intérêt du croisement de regards dans l'élaboration des projets architecturaux. Leur expérienceet leur confrontation avec le " terrain " ont donné lieu en 2006 à la publication du livre Architecture etGérontologie (éditions l'Harmattan). Il intervient depuis 2005 dans le cycle de formation politiques

gérontologiques à l'Institut d'Études Politiques de Paris.

Didier SALON

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Colette EYNARD

Le principal danger consiste sans doute à établir des modèles. J'ai beaucoup participé, dans lesannées 80, à la construction de petites unités de vie. Malheureusement, celles-ci sont devenuesaujourd'hui un sigle supplémentaire.

III. Le point de vue des dirigeants d'établissements

Il est vrai que les personnes âgées souhaitent globalement vivre à domicile. Les points de vue sontcependant plus partagés lorsqu'on demande à ces personnes si elles souhaiteraient rester à domiciledans l'hypothèse où elles deviendraient handicapées ou fragilisées : une personne sur deuxestime alors préférable d'être hébergée en structure collective, à certaines conditions. Lapremière condition peut s'exprimer en ces termes : " meunier est maître chez lui ". Au fond, que l'onsoit à domicile ou en établissement, lorsqu'on est fragilisé, la question consiste à savoir à partir dequoi l'on peut définir des normes (nomos, en grec) et les fabriquer soi-même (auto, en grec). Ainsi,cette capacité de réaliser soi-même ses propres normes est au fondement de l'autonomie.

L'avenir des établissements passera irrémédiablement par le domicile. Le Danemark avait décidéd'un moratoire sur la construction d'établissements. Ayant également l'excellente habitude d'évaluerses lois, ce pays s'est aperçu que la situation n'était pas tenable. Il a ainsi opté pour la constructionde nouveaux types d'établissements, qui s'apparentent davantage à des domiciles regroupés, avecune taille minimum de 40 mètres carrés pour les espaces privatifs. Désormais, la surface privilégiéeau Danemark est d'environ 60 mètres carrés. Les Suédois construisent des surfaces privatives de 35mètres carrés dans le même type d'établissements. Il faut donc que les établissements deviennentdes domiciles.

Nous pourrions parler des logements-foyer, dont on ne cesse d'annoncer la fin prochaine alors mêmeque la demande est de plus en plus importante, pour une raison simple : on y est chez soi. Nousavons d'ailleurs obtenu de Xavier BERTRAND, ministre de la Santé et des Solidarités, que les fumeurspuissent continuer à fumer dans leur espace privatif au sein des établissements et nous sommes fiersd'avoir obtenu cette autorisation, au terme d'une négociation avec le ministre. En effet, les lois dela République n'interdisent pas aux Français de fumer chez eux.

Oui, il faut un vrai libre-choix et il faudrait cesser d'affirmer que la France aurait fait le choix dudomicile : le dramatique épisode de la canicule a montré que ce n'était pas le cas. Certes, denombreuses personnes préfèrent rester à domicile, et il faut le leur permettre chaque fois que celaest possible. Mais un libre choix doit leur être laissé entre un domicile de qualité et desétablissements de qualité, qui reviendraient à des domiciles regroupés.

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Pascal CHAMPVERT est président de l'ADEHPA (Association des directeurs d'établissements d'hébergementpour personnes agées), co-président d'AVVEC (Association pour vivre et vieillir ensemble en citoyens) etdirecteur d'établissement et services à domicile dans le Val de Marne (Saint-Maur, Sucy-en-Brie, Bonneuilsur Marne).

Pascal CHAMPVERT

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Au sein des établissements, il s'agit d'une affaire de regard et de culture. Il s'agit aussi d'une affairede moyens puisque nous manquons de personnel dans les établissements, comme dans lesservices à domicile. Il s'agit enfin d'une affaire de réglementation. La mission d'études sur lescomptes de la Sécurité sociale de l'Assemblée nationale a voté, à l'unanimité, un certain nombre depréconisations sur les établissements d'hébergement. En matière de sécurité incendie, notamment,elle rappelle que des règles sans commune mesure avec les risques encourus sont imposées. Enfin,faisons en sorte de faciliter toutes les expériences nouvelles. L'établissement doit aller vers ledomicile, et réciproquement. Nous devons favoriser l'émergence de structures fondées sur lelien, le " vivre ensemble " et le " vivre seul ". Il s'agit ainsi de faire sorte que même fragilisé ouhandicapé, on puisse simplement continuer à vivre, en vrai citoyen.

IV. L'exemple des MARPA (Maison d'Accueil Rural pour Personnes Agées)

Nous avons entendu, tout au long de la journée, que les personnes âgées souhaitaient de plus enplus demeurer dans leur domicile. Mais ce n'est pas toujours possible, et les personnes âgées doiventpouvoir se tourner vers ce qui ressemble le plus à leur domicile. Les petites unités de vie, etnotamment les MARPA (entre 20 et 24 places), constituent une des réponses en matière d'accueildes personnes âgées. Mises en place suite à une expérimentation de la Mutualité sociale agricole,les MARPA accueillent initialement des personnes non dépendantes ; la plupart y restent toutefoisjusqu'à la fin de leur vie.

Dans ces structures, qui évitent l'isolement et la solitude, la personne vit dans ses meubles etconserve ses relations sociales. Elle est soignée comme chez elle précédemment, avec son médecin,son kinésithérapeute et ses infirmières. La MARPA ne comporte pas de personnel soignant mais sonéquipe accompagne les personnes au quotidien. À la MARPA, nous estimons qu'il faut prendre soinavant de soigner, aider à faire plutôt que faire à la place. Le fait de conserver ces unités de vie dansle canton est également bénéfique, en termes d'emplois.

La qualité de vie des retraités implique aussi le maintien du cadre de vie et des liens familiaux,et la notion de domicile revêt une grande importance à cet égard. Ces petites unités évitentégalement de diriger trop rapidement nos aînés vers des établissements médicalisés. Peut-être despasserelles pourraient-elles d'ailleurs être créées entre ces deux types de structures. L'âge moyend'un habitant de MARPA s'élève à 84 ans et une étude réalisée en 2005, montre que l'on vit pluslongtemps dans ces unités, sans doute parce que nous essayons de conserver le plus possiblel'autonomie des personnes. Il s'agit d'un projet de vie original ayant un impact très positif sur lasanté physique, psychique et sociale de ceux qui y résident.

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Marie-France MARCHAL, installée en structure sociétaire (SCEA) avec son fils, dirige une exploitationagricole spécialisée en élevage porcin sur la commune de Sizun, dans le Finistère. Administratrice MSA(mutualité sociale agricole) depuis 1984, elle est aujourd'hui présidente du conseil d'administration de laMSA du Finistère. Ses fonctions à la Caisse centrale de MSA lui ont permis de s'investir au sein del'association nationale des MARPA, dont elle est la présidente depuis 2000. Elle participe également auxtravaux du Conseil économique et social régional.

Marie-France MARCHAL

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En conclusion, je tiens à indiquer que les décideurs gérontologiques, au sein des Conseilsgénéraux, doivent offrir cette diversité de choix, afin de répondre pleinement aux attentes despersonnes âgées de notre époque. La participation des résidents favorise la prévention etréduit les coûts à la charge des familles et de la société.

Le réseau existant :

Au total une cinquantaine de projets à l'étude pour répondre à une demande locale de plus en plusforte

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V. Le logement social : une alternative

Le groupe SNI gère 300 000 logements sociaux, des EHPAD et des RPA. Dans une optique visant àfavoriser le parcours résidentiel des Français, nous avons besoin d'y introduire de la fluidité enoffrant des capacités d'accession sociale mais également en proposant de nouvelles réponses auxpersonnes âgées qui occupent des logements familiaux, mais dont les enfants ont quitté le domicile.En conséquence, nous avons été particulièrement attentifs aux expériences qui ont été menées enFrance et, plus largement, en Europe.

L'habitat mixte d'intérêt générationnel comporte par exemple, sur un même palier, un logement dedeux pièces pour les grands-parents et un T4 pour la famille des parents. Aux Pays-Bas existent, dansles immeubles collectifs, des appartements familiaux classiques au sein desquels une place estréservée aux personnes âgées, avec une cuisine commune. Le concept de villages de retraite tendaussi à se développer en France, avec des pavillons répartis dans un grand parc où se trouve aussiune maison de retraite médicalisée. Nous avons tenté de rassembler ces idées autour du concept du" Papy Loft ", qui vise d'abord à offrir un logement social autonome, à travers 12 ou 15 pavillons deplain-pied entourés par un vaste jardin collectif, à proximité d'un centre-bourg. Ce concept offrel'avantage de concilier à la fois le privatif et le collectif. Ces logements peuvent être occupés àpartir de 65 ans et jusqu'à 90 ans, favorisant ainsi une solidarité entre différentes générations. Ilssont bien sûr adaptés, en termes d'accessibilité ou de sécurité notamment.

Une convention passée avec le CCAS assure la possibilité d'offrir des services à domicilecomplémentaires tels que le portage de repas. Le concept nous semble ainsi assurer un bon équilibreentre un logement autonome et une offre de prise en charge des pathologies des personnes âgées.Aujourd'hui, deux ensembles de " Papy Loft " existent déjà en Normandie. Nous sommes satisfaits devoir que ce concept intéresse fortement les élus. En conséquence, nous envisageons la duplicationde ce modèle dans des logements collectifs, y compris dans les grandes villes, en lui réservant parexemple les premiers étages de plus grands ensembles.

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Guy BERNFELD est docteur en gestion de l'université Paris Dauphine, diplômé de l'IEP Paris, d'un DESS delogistique de l'université Paris Dauphine et ancien auditeur du centre des Hautes études sur l'Afrique et l'Asiemoderne et de l'Institut des Hautes études du développement et de l'aménagement du territoire. Il acommencé sa carrière en 1978 au Syndicat des transports parisiens avant d'exercer différentes responsabilitésau sein d'Aéroport de Paris (1980-1989). Il a ensuite successivement occupé les fonctions d'adjoint audirecteur commercial de la RATP puis de secrétaire général de la Société d'aménagement de la RATP et

directeur du patrimoine et de la logistique de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris de 1998 à 2003. Il a ensuite intégréle Groupe Caisse des dépôts où il est actuellement directeur général adjoint chargé des grands projets du groupe SNI.

Guy BERNFELD

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VI. Les résidences services

Comme l'a souligné précédemment Pascal CHAMPVERT, il faut tout d'abord mettre en avant lacitoyenneté des personnes que nous hébergeons et des personnels encadrants. Cette préoccupationguidera constamment mes propos. Si tout le monde est conscient que l'institution ne constitue pasla solution idéale pour les personnes âgées, comment faire évoluer celles qui existent et commentconstruire celles de demain ?

À l'évidence, la maison de retraite ne peut constituer qu'un complément du domicile mais il survientun moment où l'institutionnalisation de la personne âgée est la seule solution. La maison de retraitedoit en tout cas équivaloir à un substitut au domicile et se présenter comme un complément, entermes d'offre de services à domicile. Il s'agit donc de présenter l'établissement comme une structurevalorisante. Il est également nécessaire de s'engager à accueillir les personnes âgées jusqu'à leurdécès, ce qui suppose de disposer d'un équipement qui le permette. Nos établissements doivent, pluslargement, devenir des plates-formes de services afin de faire de la loi de 2002 une réalité, dans unelogique de mise en réseau susceptible de revaloriser l'environnement des institutions de retraite.

Peut-être les maisons de retraite n'existeront-elles plus demain : la réforme de la tarification,l'évolution des GIR dans nos établissements ou la tendance à la médicalisation croissante de nosétablissements, compte tenu des règles imposées, tendent à faire de nos EHPAD des établissementsde longs séjours à soins réduits, en quelque sorte. Parallèlement, la libéralisation du secteur desrésidences " seniors " a suscité leur multiplication rapide, mal évaluée aujourd'hui. Il faudra ainsitenir compte de ce phénomène, dans la mesure où les résidences seniors actuelles me semblentfonctionner comme les maisons de retraite dans les années 70, sans contrôle et sans garanties pourles personnes qui y sont hébergées. Pour ma part, je suis favorable à un plus grand nombre decontrôles, en contrepartie d'une réglementation allégée.

Nous verrions ainsi le paysage institutionnel évoluer autour de deux grands pôles : les EHPAD quideviendraient des établissements de long séjour à soins réduits, d'une part ; les résidences" seniors " qui évolueraient au gré des projets et des opportunités d'investissement, d'autre part. Lesinvestisseurs ont également la chance de pouvoir construire immédiatement lorsqu'ils trouvent unterrain intéressant, ce qui n'est pas le cas des EHPAD. Pourquoi n'existerait-il pas aussi deslogements pour personnes âgées semi-autonomes qui leur permettraient de bénéficier d'unenvironnement familial et social inchangé ? Cette solution permettrait ainsi de créer un cadrerassurant. Ce cadre permettrait, par ailleurs, aux personnes âgées de passer le plus sereinementpossible les dernières années de leur vie. J'appelle cela un pôle gérontologique. Enfin, dans lamesure où l'État est contraint de nous laisser une marge de manœuvre sur les petites unités de vie,pourquoi ne créerions-nous pas des établissements par strates, en demandant quelques litsinitialement, tout ayant à proximité une résidence senior adaptable, susceptible de reprendre,demain, d'autres lits médicalisés ? En effet, nous devons prêter attention à ne pas reproduire lesrésidences du passé.

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Michel AGAËSSE est président des Maisonnées de France après avoir été directeur général du groupeDoyennés de 1993 à 2003. Avec ces deux sociétés il a créé, construit et géré une trentaine d'établissementspour personnes âgées. Il a également créé et dirigé pendant plus de vingt ans des établissements pourenfants et adultes handicapés. Élu local de 1971 à 1989 il a été chargé de mission en 1986 et 1987 auministère du Travail et des Affaires sociales. Il est l'auteur du Guide de la création et de la directiond'établissements pour personnes âgées (Dunod, Paris 2004).

Michel AGAËSSE

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VII. Débat

Dominique TIANNous nous sommes livrés à des exercices d'imagination sur la maison de retraite, mais nous n'avonsjamais évoqué son coût. Avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?

Michel AGAËSSELe coût n'est certes pas le même selon que les espaces privatifs sont d'une superficie de 20, 40ou 60 mètres carrés. En résidence senior, une personne âgée dépendante ou semi-dépendanteacquitte un prix de journée représentant 75% de celui d'une maison de retraite, pour une surfaceprivative bien supérieure. Normalement, une maison de retraite n'a pas la possibilité de bénéficierd'une défiscalisation, alors que les résidences senior peuvent profiter de " loyers à 5% ".

Didier SALONLa question du prix est toujours délicate car tout dépend de ce que propose l'établissement. Toutesles pistes qui ont été évoquées se cristallisent en tout cas sur l'enjeu de la conceptionarchitecturale. Il est, en tout cas, très difficile de transformer la destination d'un bâtiment, pourdeux raisons : d'une part, la réglementation évolue dans des proportions considérables et de plusen plus vite ; d'autre part, il est délicat de prévoir à long terme l'adaptabilité d'un bâtiment. Nousle constatons par exemple avec les foyers-logements des années 70, qui sont extrêmementdifficiles à adapter.

Ensuite, lorsque nous menons des projets, nous sommes amenés à réfléchir selon deux horizonsdistincts.

• À court terme, il nous est demandé de réfléchir à la livraison d'un bâtiment correspondant àun cahier des charges précis ;

• À plus long terme, nous sommes invités à mener une réflexion prospective plus large sur levieillissement et les enjeux, en y intégrant aussi des problématiques telles que la hautequalité environnementale. Malheureusement, il existe peu de prospectives sur le sujet.

Par ailleurs, d'autres contradictions se font jour. Le concept de " Papy Loft " me paraît un conceptintéressant. Cela revient cependant à créer une offre pavillonnaire qui consomme énormément defoncier. En conséquence, il ne peut être envisagé pour l'ensemble du territoire, sauf à accepterd'en payer les conséquences dans vingt ou trente ans.

Marie-France MARCHALLes MARPA sont des constructions de plain-pied. Je précise que le tarif des MARPA varie entre1 050 et 1 250 euros par mois, dont il faut soustraire les aides au logement et l'APA. En y incluantles meubles et l'équipement intérieur, ces unités représentent en moyenne un investissement de2 millions d'euros.

Evelyne GUIRE-RECHAUSSAT, directrice de la Résidence du Marais, ParisAujourd'hui, des autorisations sont octroyées pour les lieux d'accueil de demain mais le marchéest détenu par des gros groupes, qui disposent de 300 à 400 établissements dans toute la Franceet qui négocient des équipements ou des prestations de services pour l'ensemble de leursétablissements. Dans ces conditions, il me paraît difficile de donner une âme particulière à chaqueétablissement.

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Maryse MONTANGON, présidente de la FNAF, gérontologue, consultante et référente en qualitédans un EHPAD

Je m'étonne de l'absence de transversalité des discours. En EHPAD, un travail important esteffectué avec les accueillants familiaux, afin d'éviter les phénomènes d'enfermement.Régulièrement, nous effectuons ainsi des visites. Cependant, nous avons beaucoup de mal à fairevenir les clubs du 3ème âge dans nos EHPAD. Il s'avère aussi, semble-t-il, beaucoup plus facile devivre à côté d'une résidence-service qu'à proximité d'un EHPAD : celui-ci voit souvent des murs serehausser lorsqu'il s'implante quelque part. Ces éléments méritent une réflexion sur levieillissement lui-même et sur le regard que nous portons sur l'avancée en âge.

Pascal CHAMPVERTPour ma part, j'ai plutôt été marqué par la transversalité des propos des différents intervenants.Tant que nous nous définirons par opposition aux autres, nous ne progresserons pas. Nous devonscomprendre pourquoi il est utile que certaines personnes restent à domicile très longtemps etpourquoi il est indispensable que des établissements existent en parallèle. Dans ce domaine, latransversalité est une notion pertinente. Enfin, les établissements doivent aussi permettre auxpersonnes âgées, handicapées de sortir autant qu'elles le veulent. Cela dépend de la culture dechaque établissement ; à nous d'y travailler. Permettez-moi de préciser qu'il s'agit aussi en partied'une question de moyens.

Didier SALONIl existe de nombreux moyens permettant de créer des centrales d'achat. Sur la question del'immobilier, tout est affaire de négociation. Nous devons donc engager une réflexion sur la façond'optimiser les processus, tant pour les petites que pour les grosses structures.

Michel AGAËSSEÀ mettre en avant le programme architectural, nous oublions parfois de définir le projetd'établissement. Les architectes ou les conseils se trouvent souvent désorientés, dans la mesureoù le promoteur n'a pas forcément des idées bien définies sur le sujet. De plus, les services desConseils généraux ne connaissent pas toujours suffisamment bien le secteur.

Laetitia ANDRE, chargée de recherche à l'Institut du VieillissementLorsqu'un projet d'établissement se fait jour, il prévoit généralement une unité spécialisée dansla maladie d'Alzheimer. Malheureusement, les unités spécialisées sont souvent fermées à clé ouprotégées par des digicodes, ce qui contribue à leur isolement. À mon sens, ce problème estessentiel et j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

Didier SALONCe schéma est malheureusement courant et votre observation rejoint la question des articulationsinternes : nous rencontrons des difficultés à faire cohabiter des catégories de personnesdifférentes. Nous avons ainsi tendance à créer des cases et des murs. Dans certains établissements,l'objectif est pourtant bien d'articuler l'unité Alzheimer avec le reste de l'établissement. Celasuppose néanmoins de définir ce qu'il peut exister en commun dans le mode de fonctionnementdes différentes unités.

Colette EYNARDLorsqu'on nous demande de travailler par exemple sur un projet de 80 lits, 14 ou 15 lits sontgénéralement réservés à des malades atteints d'Alzheimer. Or, en rencontrant les intervenants,

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nous réalisons que les animateurs de l'établissement d'accueil de personnes âgées ne savent pastoujours exposer un projet clair d'animation. Tout se passe comme s'il devenait habituel deréserver une partie des lits aux malades d'Alzheimer, sans qu'une réflexion soit menée surl'articulation avec le projet d'établissement.

Marie-France MARCHALÀ chaque fois qu'une MARPA est créée, les délégués de la MSA (Mutualité sociale agricole) y sontassociés. Compte tenu de la proximité géographique, la personne qui est hébergée en MARPArecevra toujours la visite de sa famille et de ses amis. Des clubs d'aînés ruraux viennent aussiassurer des animations, une fois par semaine, dans ces établissements, ce qui renforce encore laproximité entre l'établissement et le territoire.

Arlette MEYRIEUXIl est effectivement difficile, mais nécessaire, de trouver la bonne limite entre liberté et sécurité.Sur le plan architectural, il est cependant possible de concilier ces deux impératifs.

Michel AGAËSSEIl faut certes créer des lieux de vie, mais je souligne que nous vivons à une époque consuméristeet que les familles sont très exigeantes en termes de sécurité. Il faut également prendreconscience des responsabilités que prennent les professionnels, et notamment les directeursd'établissement, lorsqu'ils laissent vaquer des personnes désorientées.

Pierre PONTAVILLES'agissant de la sémantique, je suis favorable au bannissement du terme " maison de retraite ",que nous pouvons remplacer par celui de " maison ". Si je suis âgé et fragilisé, ai-je l'interdictionde me rendre dans une résidence-service ? Il serait temps que la loi évolue sur ce point. Ne faut-il pas, en tout cas, promouvoir le modèle de résidences-services où existe une solidaritéintergénérationnelle ? Enfin, en passant de 20 à 30 mètres carrés SHON individuels, l'impact n'estqu'au maximum de 2 euros sur le prix journalier, pour un confort indéniable. La modernisation oul'extension d'un établissement a donc un impact très relatif. En conséquence, l'exemple duDanemark n'est pas irréaliste et peut tout à fait être transposé en France.

Richard TOURISSEAU, directeur d'un EHPAD dans le Val-de-MarneMonsieur COLOMBIER s'étonnait que nous n'évoquions pas le reste à charge. Qui, parmi lesintervenants à la tribune, peut m'affirmer que je ne m'acquitterai que de 10 euros par jour lorsqueje serai âgé et dépendant ? Je rappelle au passage que nous n'avons toujours pas obtenu gain decause concernant l'assujettissement à la TVA.

Pascal CHAMPVERTSur le reste à charge, nous demandons à tous les députés et à tous les partis politiques que laprochaine législature permette de donner suite aux travaux de la mission d'étude des comptes dela Sécurité sociale de l'Assemblée nationale sur la dépendance des personnes âgées.

Pour répondre à une question précédente, ce débat entre sécurité et liberté me paraîtfondamental. La Haute Autorité de Santé a demandé d'éviter la contention, à quelques très raresexceptions près, et de considérer la liberté d'aller et venir comme une priorité dans une démocratiecomme la nôtre. Certes, des problèmes de responsabilité se posent, mais ils peuvent toujours êtreatténués par des dispositions contractuelles, en informant les résidents et les familles. La position

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de la société est assez schizophrène, dans la mesure où il prône la liberté tout en édictant desobligations de sécurité absolue. Par ailleurs, les hôpitaux locaux me semblent constituer un lientrès intéressant entre les établissements d'accueil de personnes âgées et les structures de soins,à condition que la culture de soin n'imprègne pas les établissements d'accueil de personnes âgées(au sein desquels la culture du domicile doit conserver la primauté).

Dominique TIANJe rappelle que nous devrons créer 600 000 places d'hébergement d'ici une vingtaine d'années. Ledébat ne fait que commencer.

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TABLE RONDE N°4

ADAPTER L'HÔPITAL À L'ACCUEILDES PERSONNES ÂGÉES

MODÉRATRICECécile GALLEZDéputée du Nord, auteur du rapport sur la maladie d'ALZHEIMERmaladies apparentées pour l'Office Parlementaire d'Evaluation desPolitiques de Santé

INTERVENANTSFrançoise FORETTEGériatre, directeur de la Fondation Nationale de Gérontologie, conseillerdu Ministre

Benoît LECLERCQDirecteur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris

Yves-Jean DUPUISDirecteur général de la FEHAP (Fédération des EtablissementsHospitaliers et d'Assistance Privés à but non lucratif)

Philippe VIGOUROUXGériatre, directeur général du CHU de Limoges, co-auteur du " Planpour la gériatrie " avec Claude JEANDEL

Annie PODEURDirecteur de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins

Jacques SOUBEYRANDChef du service de médecine interne et gériatrie de l'hôpital Sainte-Marguerite de Marseille, coauteur du livre On tue les vieux (Fayard)

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I. Introduction

Le gouvernement avait souhaité qu'au sein des unités de soins de longue durée (USLD) existe lapossibilité de " tester " les aptitudes des personnes accueillies, afin de leur permettre, le caséchéant, d'évoluer vers une structure plus légère. Cette possibilité me paraît intéressante mais resteà mettre en œuvre. L'hospitalisation à domicile constitue une option à défendre mais, à l'évidence,elle se heurte aussi à des limites, notamment pour les personnes les plus dépendantes (GIR-1).

II. Exposé introductif

La nécessaire adaptation du système de santé à la révolution de la longévité

L'accroissement de la longévité constitue un privilège, à condition que la majorité de la populationâgée soit active et en bonne santé. Le système de santé doit naturellement contribuer à lapréservation de la santé. Naturellement, l'incidence des maladies et donc la dépendance augmententavec l'âge. Mais nous constatons que seuls 6,63% de la population française des seniors (les +de 60 ans), soit environ un million de personnes, sont dépendants. Le défi que doit relever lesystème de soins consiste à abaisser encore ce pourcentage. La prise en charge de la dépendancereprésente un coût de 15,5 milliards d'euros par an. Nous avons donc une équation complexe àrésoudre :

1- la population âgée augmente dans tous les pays.

2- La dépendance augmente avec l'âge.

3- Grâce à la prévention la dépendance diminue à chaque âge donné (par exemple à 80 ans onest moins dépendant qu'il y a 10 ou 20 ans).

4- La croissance de la population âgée doit donc être contrebalancée par la diminution à chaqueâge de la dépendance, de sorte que le nombre de personnes dépendantes reste stable oudiminue. Le système de santé peut tout à fait atteindre cet objectif ; l'hôpital devantnaturellement y contribuer.

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Pharmacienne, Cécile GALLEZ est maire de Saint-Saulve depuis 1977, conseillère générale de 1994 à 2003et députée du Nord depuis 2002. Elle est membre de la commission des affaires culturelles, familiales etsociales à l'Assemblée nationale, ainsi que des groupes d'études sur la dépendance des personnes âgées,l'intégration des personnes fragilisées, et les professions de santé. Elle est à l'origine d'un rapportparlementaire sur la maladie d'Alzheimer. Elle fut présidente de la communauté de communes de la Valléede l'Escaut jusqu'à la dissolution de celle-ci en 1992. Elle est vice-présidente depuis 2000 de la communauté

d'Agglomération de " Valenciennes Métropole ".

Cécile GALLEZ

Françoise FORETTE est professeur des universités (CHU Cochin, Université Paris V), médecin des hôpitaux,présidente de la commission de surveillance à l’hôpital Broca (AP-HP) Paris. Elle est aussi directrice de laFondation nationale de gérontologie, présidente d'ILC-France (International Longevity Center-France), co-présidente de l'Alliance pour la santé et l'avenir, ainsi que membre du conseil d'administration de la Croix-Rouge. Elle occupe par ailleurs des fonctions dans le domaine politique : conseillère de Paris et du XIIIème

arrondissement, conseiller technique du ministre de la Santé et des Solidarités et du ministre délégué à laSécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille.

Françoise FORETTE

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Un tiers des séjours hospitaliers concerne des personnes âgées et deux tiers des hospitalisationsd'urgence sont le fait de personnes âgées. En conséquence, le système de santé se doit d'accorder,en particulier au niveau du système de soins, une grande attention aux trois étapes de laprévention :

• la prévention primaire tout au long de la vie ;

• la prévention secondaire, chez les personnes autonomes mais fragilisées et vulnérables ;

• la prévention tertiaire, de la progression de la dépendance, impliquant une prise en chargemédicale et médico-sociale d'excellence.

La prévention primaire tout au long de la vie est ainsi primordiale. L'ensemble des maladiesdites liée à l'âge peuvent être prévenues par une prise en charge des facteurs de risque tout au longde la vie. Pour éviter les maladies cardiovasculaires de l'âge adulte, il faut lutter contre l'obésité del'enfant et le tabagisme des adolescents. À tous les âges, la prise en charge de l'hypertensionartérielle permet de diminuer de 40% la survenue d'accidents vasculaires, cérébraux, de 30% lesmaladies cardiaques…Le grand enjeu des années qui viennent est aussi de prévenir ou de retarderl'apparition de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées car elle est responsable de laplupart des cas de dépendance, de 70% des placements et de 70% des demandes d'APA.

Il convient donc d'insuffler une nouvelle dynamique à la recherche et la prévention. Le PlanSolidarité Grand âge prévoit par exemple une consultation systématique à l'âge de 70 ans quirecherchera tous les facteurs de risque de dépendance. Dans le domaine de la recherche, un vasteprogramme a été annoncé par le Premier ministre concernant le cerveau. Toutefois, ces actions neseront pas suffisantes et la réflexion lancée à propos des gérontopôles me paraît à approfondir. Lagériatrie universitaire doit aussi être encouragée et le Plan Solidarité Grand âge doit croître de 60%d'ici à 2010 le nombre de professeurs de gériatrie et de chefs de clinique. D'ores et déjà, le contrata été rempli en 2006.

La prévention secondaire est également essentielle. Il s'agit ainsi d'adapter l'hôpital aux personnesâgées, de manière à ce que le patient puisse être pris en charge avec compétence et cohérence, àchaque étape de ses besoins. Il est donc nécessaire de développer de véritables filières gériatriquescomprenant les courts séjours, les SSR, les équipes mobiles de gériatrie, les soins de longue duréeet les plates-formes d'évaluation. Ces filières gériatriques doivent être articulées avec le domicile,les médecins libéraux et les structures médico-sociales. De même, il faut accorder une attentionparticulière aux enseignements de gériatrie et de gérontologie à touts les acteurs du soin. Enfin, ilest fondamental de poursuivre le développement des réseaux, afin de pouvoir travailler de manièrecohérente, tout en informant en temps réel les personnes âgées des éléments disponibles.

La prévention tertiaire des personnes déjà dépendantes doit favoriser le maintien à domicile pourles personnes qui le souhaitent, tout en inventant la maison de retraite de demain et en augmentantle nombre de postes dans ces structures.

En conclusion, nous devons comprendre que, loin d'entraîner une diminution de la croissanceéconomique, la longévité la renforce. Naturellement, la dépendance augmente avec l'âge.

Il existe un renforcement mutuel entre la santé mesurée par l'espérance de vie et la prospérité. Enpromouvant la santé, on promeut la longévité et l'autonomie, à condition de permettre auxpersonnes âgées ou aux jeunes seniors de rester dans le secteur économique.

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Dans ce domaine de la longévité, les clefs de la réussite sont les suivantes :

• développer la recherche sur la longévité ;

• développer la prévention des maladies liées au vieillissement ;

• développer la gériatrie universitaire ;

• favoriser les liens avec la famille et les plus jeunes ;

• faire éclater les structures rigides ;

• cesser de croire que la longévité est un poids, alors qu'il s'agit d'une formidable opportunitésociale et économique.

III. Le rôle de l'hôpital universitaire

Il me paraît intéressant de positionner le tissu hospitalier dans la problématique visionnaireprécédemment évoquée par Françoise FORETTE.

L'AP-HP dispose d'environ 8 000 lits-places de gériatrie qui se répartissaient fin 2004 en 573 lits decourt séjour gériatrique (la moitié de l'offre francilienne), 2 722 lits de soins de suite gériatriquessur un total de 4 459 lits de SSR (dont 3 584 lits en Ile-de-France soit 20% de l'offre francilienne),4 432 lits de soins de longue durée (la moitié de l'offre francilienne) et 183 places d'hôpital de jourgériatrique.

Dans le cadre du plan stratégique 2005-2009 de l'AP-HP, le développement de l'offre pour lesmalades âgés est la première priorité : il est prévu la création de 150 lits de court séjourgériatrique, de 50 places d'hôpital de jour gériatrique et de réadaptation, de 1 000 lits de soins desuite et de réadaptation (dont 300 réouvertures), de 400 places d'hospitalisation à domicile et de 9équipes d'intervention gériatrique soit 1 600 lits-places supplémentaires au bénéfice des maladesâgés. Par ailleurs, l'AP-HP humanise ses SLD et contribue au développement d'EHPAD puisque 1 955places d'EHPAD habilités à l'aide sociale, dédiés à la lourde dépendance, ouvriront en Ile-de-Francesur la même période, grâce aux crédits rendus par l'AP-HP, en plus des 1 000 places crééesannuellement par le PRIAC, selon la programmation du préfet de région.

Quel est le rôle du CHU aujourd'hui dans la prise en charge du malade âgé dépendant ? Au-delà dela prise en charge de proximité, le CHU doit développer ses missions d'expertise, d'innovationet de recherche. Ceci se traduit en particulier à l'AP-HP par le développement de centres de

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Benoît LECLERCQ, est directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris depuis le 21 octobre2006. À la tête des Hospices civils de Lyon, de 2003 à 2006, il fut également directeur général du CHUde Nancy de 1999 à 2003 et du CHU de Dijon de 1993 à 1999. Ancien élève de l'École nationale de Santépublique de Rennes, il est membre du conseil d'administration de la Fédération hospitalière de France etdu conseil d'administration de l'INSERM. Il est également membre du Conseil économique et social de laRégion Rhône-Alpes

Benoît LECLERCQ

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ressources et de filières de soins spécialisés par exemple pour la maladie d'Alzheimer, les accidentsvasculaires cérébraux, la cicatrisation des plaies complexes ou l'oncogériatrie. Ce phénomène devraitêtre particulièrement pris en compte lors des prochaines années. La formation constitue aussi l'undes rôles importants du CHU, étant donné les besoins existants - ainsi, l'AP-HP devra recruter 65gériatres dans les cinq années à venir. Ceci nécessite aussi que des postes de PU-PH soit créés engériatrie : on ne compte aujourd'hui que 9 PU-PH de gériatrie sur les 1 000 PU-PH de l'AP-HP.

L'hôpital universitaire n'est pas le seul acteur de la prise en charge des personnes âgéesdépendantes, mais il se situe dans un maillage sanitaire et social qu'il convient de prendre enconsidération pour assurer un continuum de soins et rendre plus visible l'offre qui est offerte à cettepopulation. Les hôpitaux de l'AP-HP sont impliqués dans les réseaux de prise en charge despersonnes âgées dépendantes et développent des partenariats innovants avec les acteursgérontologiques de leurs territoires : téléconsultation entre hôpital et EHPAD ; équipes mobilesexternes, exportant l'expertise gériatrique à l'extérieur de l'hôpital, notamment vers les EHPAD ;intervention de l'HAD en EHPAD ; centre et programmes de formation gérontologique à l'attentiondes aidants, dont l'utilité n'est plus à démontrer.

IV. Le développement de la filière gériatrique

Il est nécessaire de faire face à l'accroissement du nombre de personnes âgées. Les établissementsde santé doivent tout particulièrement répondre aux besoins spécifiques des personnes présentantdes polypathologies - lesquelles jouent en tant que facteur de vulnérabilité, sachant que touterupture dans le continuum de soins accroit cette vulnérabilité.

Ce souci du continuum doit être un enjeu majeur des filières gériatriques. A ce titre, il estnécessaire de généraliser et de renforcer les dispositions de la circulaire du 18 mars 2002. Sur chaqueterritoire, la filière gériatrique doit prévoir des dispositifs de soin proposant des parcours - pardéfinition divers - dans lesquels le patient doit bénéficier :

• d'une palette complète de soins, en fonction de sa situation clinique et sociale - cette dernièredimension étant trop souvent occultée ;

• d'un avis gériatrique ;

• d'un accès à un plateau technique ;

• d'un accompagnement de la sortie d'hospitalisation, destiné à éviter une réhospitalisationrapide.

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Annie PODEUR est directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, au ministère de la Santé etdes Solidarités depuis l'automne 2006. Elle fut auditeur, puis conseillère référendaire, à la Cour descomptes et rapporteur à la 4ème chambre, entre 1988 et 1993, elle est également, pendant cette période,rapporteur auprès de la commission d'accès aux documents administratifs (1989-1991), chargéed'enseignement à l'institut régional d'administration de Nantes (1990-1992) et secrétaire générale du Gemsur la " distribution " (1989-1993). De 1993 à 1997, elle est directrice générale des services

départementaux du Maine-et-Loire, puis conseillère auprès du président d'EDF de 1997 à 1999. En août 1999, elle estnommée directrice de l'agence régionale de l'hospitalisation de Bretagne, fonction qu'elle exerce jusqu'en 2006.

Annie PODEUR

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La filière gériatrique se définit donc comme un pôle de ressources, dans lequel on tentera dedévelopper la culture gériatrique et de travailler en réseau. La filière s'organise autour de différentséléments.

• le court séjour gériatriqueLe cœur de la filière gériatrique est représenté par le court séjour gériatrique. Actuellement,seules 120 unités peuvent offrir ce service sur un total de 630 sites d'urgences. Ce ratio doitaugmenter.

• l'équipe mobile gériatriqueUne équipe mobile gériatrique doit permettre qu'une personne âgée arrivant aux urgenceshospitalisée dans un service de spécialité non gériatrique soit prise en compte globalement(avec ses polypathologies). Il existe actuellement 134 équipes de ce type ; notre objectif estd'augmenter ce potentiel de 40% dans les années à venir.

• l'unité de consultation et d'hospitalisation de jourLes unités de consultation et d'hospitalisation de jour sont nécessaires pour nous permettreune meilleure évaluation. C'est dire combien ce maillon de l'unité de consultation etd'hospitalisation est important. Notre objectif est de disposer d'une place pour 2 000 habitantsde plus de 75 ans. Il s'agit d'une ambition raisonnable, mais qui doit être tenue.

• le soin de suite et de réadaptation gériatriqueConcernant les soins de suite et de réadaptation gériatrique, nous pourrions considérer quenous disposons aujourd'hui de soins de suite généralisés. En réalité, l'idée consisterait àdisposer d'un encadrement adapté aux personnes âgées, avec par exemple la présence dekinésithérapeutes ou d'ergothérapeutes qui pourraient intervenir en complément des infirmierset des assistantes sociales, afin de conserver la part d'autonomie que la personne âgée possèdeencore.

• les soins de longue duréeEnfin, en matière de soins de longue durée, les personnes doivent avoir un projet de vie,nonobstant leur extrême dépendance et la nécessité de soins médicaux ou infirmiers lourds.Nous savons quels sont les besoins en unités de longue durée et le Parlement a voté le principedu lancement d'une réforme de ces unités, au travers de laquelle nous avons l'ambition deporter le taux d'encadrement à 1 soignant pour 1 lit.

Tout ceci n'aurait pas de sens si un tel programme n'était profondément arrimé à l'hospitalisation àdomicile, au dialogue avec le médecin-traitant, aux établissements et aux réseaux de santé quimaillent le territoire. Ces filières de soins gériatriques s'inscrivent dans une dynamiqueterritoriale qui est à l'œuvre dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire de troisièmegénération.

Ainsi, dans pratiquement toutes les régions, il existe un plan de déploiement des filièresgériatriques. Nous nous battons pour faire apparaître ces engagements dans les contratspluriannuels d'objectifs et de moyens, sur la base de référentiels d'organisation des soins, enarticulation avec le dialogue de gestion annuel. Il s'agit d'élaborer un calendrier et une définitiondes plans d'action sur l'ensemble des territoires de santé. L'immense avantage de ces contrats résidedans la possibilité d'effectuer une revue annuelle des objectifs. Au total, nous consacrerons 400millions d'euros à l'ensemble des filières gériatriques.

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V. Un programme pour la gériatrie : synthèse et récapitulation financière

Philippe VIGOUROUX

Un CHU constitue un lieu de soins, d'innovation, de recherche, et la gériatrie constitue un enjeu desanté publique considérable qui mérite une recherche développée. J'ai pris, il y a trois ans, ladirection du CHU de Limoges, dans une région marquée par l'indice de vieillissement le plus élevéde France avec taux de 0,57 (soit 57 personnes de plus de 75 ans pour 100 personnes de moins devingt ans).

J'ai participé à la rédaction du rapport " un programme pour la gériatrie ", qui comporte 5 objectifs,20 recommandations et 45 mesures. L'objectif n°5 de ce rapport, à savoir " disposer en nombre eten qualification des femmes et des hommes pour animer cette politique gérontologique ", me paraîtparticulièrement important. Cet objectif doit être atteint au travers de plusieurs recommandationsdont l'une - précisément la recommandation n°17 du rapport - invite à valoriser les métiers de lagériatrie. Il nous paraît indispensable de renverser la tendance actuelle et de faire des soignants degériatrie des soignants " plus ", alors qu'ils se vivent aujourd'hui comme des soignants " moins ".

De fait, les professionnels de santé demandent rarement à exercer dans la gériatrie (à l'inverse de lapédiatrie) et négocient fréquemment avec le directeur des soins leur retour, à terme, vers un servicede court séjour. Les raisons de ce constat sont culturelles, pour une large part, mais elles tiennentaussi à la charge de travail, perçue comme étant supérieure dans ces services.

Le rapport détaille cinq mesures qui doivent permettre de mieux valoriser les métiers de lagériatrie.

• Il est nécessaire de renforcer la formation initiale en gériatrie dans les écoles d'infirmièreset d'aides soignants ;

• Il faut développer les formations continues en gériatrie auprès de tous les professionnels desanté qui œuvrent auprès des personnes âgées ;

• Il faut valoriser par une bonification indiciaire les IDE et les AS ayant suivi une formationcomplémentaire en gériatrie ou gérontologie ;

• Il faut poursuivre les campagnes de valorisation des métiers de la gériatrie ;

• Il est important de renforcer les équipes soignantes (IDE, AS, ASH) au sein des SSRgériatriques et des USLD.

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VI. Le point de vue de la Fédération des établissements privés (FEHAP)

Dès que le Plan Solidarité Grand âge a été présenté, nous nous sommes réjouis de constater l'ambitionqu'il portait, tout comme la perspective de création d'une nouvelle filière gériatrique. Plusieurspoints nous conduisent cependant à nous interroger.

Le volet sanitaire doit d'abord s'inscrire dans une démarche plus large intégrant le réseau " personnesâgées ", afin d'assurer une réelle cohérence avec les démarches d'autres opérateurs. Il est égalementimportant que les référentiels proposés constituent un cadre et non un élément de " rigidification "des relations entre les acteurs. La filière doit, de plus, intégrer l'ensemble des acteurs, en incluantpar exemple l'HAD et la psychiatrie.

L'accessibilité effective des plateaux techniques constitue également une difficulté à laquelle nousnous heurtons en pratique. Par ailleurs, il nous paraît nécessaire de clarifier le rôle du médecincoordonnateur. Enfin, les conventions signées entre les établissements de santé publics, lesétablissements de santé privés et les EHPAD doivent témoigner d'un parallélisme des formes qui écartel'affirmation d'une hégémonie d'un secteur par rapport à un autre.

Je souhaite également évoquer trois exemples précis de notre réseau. En premier lieu, au sein del'hôpital gériatrique " Les Magnolias ", dans l'Essonne, plusieurs actions partenariales ont été misesen place dans une logique de filière. Un projet d'établissement a été élaboré et il est entièrementconçu pour le décloisonnement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, par la créationd'une filière gériatrique complète.

En second lieu, le Groupe Hospitalier - Institut Catholique de Lille / GHICL (établissement M.C.O. à labase) mène une véritable politique de développement des activités tournées vers les personnes âgées.

De nombreux projets ont ainsi vu le jour : un réseau gérontologique, une vaste étude sur ladénutrition, une réflexion éthique sur la dignité de la personne âgée, et un projet médicalcomprenant des actions spécifiques dédiées aux personnes âgées.

Actuellement, émerge par ailleurs un pôle universitaire " handicap - dépendance - citoyenneté ",en matière de formation, mais sont aussi en cours un projet d'unité pour personnes handicapéesvieillissantes ainsi qu'une importante unité pour personnes âgées sourdes (concept emprunté auxPays-Bas ; novateur sur la région du Nord).

Enfin, la Clinique de la Porte Verte, dans les Yvelines, a concrétisé quatre projets d'importance adaptésaux personnes âgées : une consultation mémoire labellisée depuis janvier 2007, un réseaugérontologique, un réseau d'oncologie, et une coordination gérontologique sur le bassin de lapopulation de Versailles.

Je conclurai mon intervention en une phrase : les établissements privés non lucratifs revendiquentaujourd'hui toute leur place dans la filière gériatrique.

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Yves-Jean DUPUIS, diplômé en droit et en sciences politiques, et ancien élève de l'École nationale de laSanté publique, est directeur général de la FEHAP depuis le 1er janvier 2005. Directeur d'hôpital à Thononles Bains, Embrun, Grasse, Angoulême et Bicêtre entre 1978 et 1999, il fut aussi directeur général adjointpuis directeur général des services du Conseil général de la Seine-Maritime de 2000 à 2004.

Yves-Jean DUPUIS

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VII. Le point de vue d'un chef de service en gériatrie

Nous nous heurtons aujourd'hui à une insuffisance de la formation en gériatrie, parallèlement à unefloraison de formations dans ce domaine, qu'il conviendrait de mieux évaluer. La gériatrie n'est pasconsidérée aujourd'hui comme une discipline attractive ; il s'agit en tout cas d'une disciplinetransversale pour laquelle se posent des questions d'articulation avec les autres spécialités. Il estsouhaitable qu'une " culture gériatrique " s'étende à toutes les disciplines médicales etchirurgicales.

Un autre point important porte sur l'accueil des patients déments, pour lesquels un diagnosticrapide doit être assuré. En effet, toute pathologie intercurrente ne fait qu'aggraver la démence. Pluslargement, l'accueil des personnes âgées à l'hôpital soulève de réels problèmes d'éthique. Leséquipes mobiles gériatriques ont été évoquées, avec juste raison, par Madame PODEUR mais ilimporte qu'elles soient constituées de façon complète, y compris en termes d'équipement, et qu'ellesne soient pas détournées de leur spécificité.

Sur le plan des moyens techniques, on relèvera un lapsus inquiétant. Or comme l'avait dit SigmundFREUD, aucun lapsus n'est gratuit. Ainsi, le Plan Solidarité Grand âge et le rapport relatif à ladémographie médicale doivent, à n'en pas douter, être complémentaires. Or, si le terme gériatrieapparaît huit fois dans le rapport sur la démographie médicale, cette discipline ne figure pas parmiles spécialités répertoriées à la fin du rapport... Sans doute faut-il voir là le symptôme d'unproblème culturel gériatrique. Cela semble néanmoins préoccupant, dans la mesure où ce rapportva conditionner le fonctionnement médical de notre pays.

Le coût du Plan Solidarité Grand Âge a été estimé à 3 milliards d'euros et plusieurs observateurséconomiquement compétents ont soulevé des interrogations quant à son financement. Il apparaîtégalement à la lecture de différents documents comme " Les Comptes nationaux de la Santé 2005 "," Résultats et Gestion budgétaire de l'État. Exercice 2005. Rapport de la Cour des Comptes ", quel'exécution des plans successifs dédiés aux personnes âgées ne constitue pas une préoccupation depremier ordre.

Dans ce contexte, il apparaît que l'on ne résoudra pas les problèmes de terrain en multipliant lesrapports et autres recommandations techniques, dont la qualité seule ne permet pas d'en assurerl'application. Comme le fait remarquer Philippe MANIERE, directeur général de l'Institut Montaigne,il est souhaitable que l'on donne aux Parlementaires, en matière financière, les moyens d'un contrôleefficace du législatif sur l'exécutif. Dans ce sens, la Loi Organique sur les Lois de Finances (LOLF)qui permet des ajustements de la dépense apparaît comme un outil particulièrement appréciable.

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Médecin, responsable interrégional du DESC de gériatrie (diplôme d'étude supérieure complémentaire)Jacques SOUBEYRAND est l'auteur du livre On tue les vieux. Il a enseigné à la faculté de médecine d'Abidjan(Côte d'Ivoire) avant de rejoindre celle de Marseille en 1976 où il fonde et dirige le département demédecine générale entre 1990 et 1993. Il devient chef de service et enseignant à l'hôpital Sainte-Marguerite en médecine interne et gériatrie en 1991. Il est président de l'Entraide des Bouches-du-Rhône.

Jacques SOUBEYRAND

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VIII. Débat

Cécile GALLEZUn point n'a pas été évoqué aujourd'hui : la situation des personnes handicapées qui vieillissent.Auparavant, ces personnes trisomiques mouraient relativement jeunes. Il m'a été répondu une foisque ces personnes étaient des personnes âgées comme les autres, affirmation avec laquelle je nesuis pas d'accord. Un accompagnement spécifique doit être prévu à leur intention.

De la salleLes EHPAD constituent l'aval du court séjour et du SSR. Avec la mise en place de la T2A(tarification à l'activité), les établissements doivent " désemboliser " leurs courts séjours et lespatients âgés sont ceux qui leur posent le plus de difficultés. Dans ce contexte, ne craignez-vouspas que les EHPAD deviennent des établissements de " longs séjours " médicalisés sans disposerdes moyens d'assumer une telle fonction ?

Annie PODEURN'exagérons pas les impacts de la T2A dans la prise en charge de courts séjours. Je ne suis pascertaine qu'un établissement proposant des courts séjours gériatriques soit aujourd'hui pénalisépar ce type de prise en charge, car la T2A prévoit une sur-tarification lorsque la personne soignéea plus de 75 ans. La co-morbidité associée est également prise en compte et la T2A évolueraencore pour tenir compte de la sévérité des pathologies prises en charge.

Le réel danger réside à mes yeux dans le raccourcissement des séjours dans les services demédecine d'organe ou de chirurgie, qui pourraient être tentés de renvoyer les patients en résidenceou en SSR avant qu'ils ne soient stabilisés. Dans ce cadre, les ARH (agences régionales del'hospitalisation) devront se montrer particulièrement vigilantes sur ce point. Il faut ainsi rappelerque les résidences dont vous avez la responsabilité constituent des substituts de domicile.

De la salleQuel lien existe-t-il entre les secteurs sanitaires et les schémas gérontologiques départementaux,notamment dans une région comme l'Ile-de-France ?

Annie PODEURChaque région comprend trois, quatre ou cinq départements. Il est donc nécessaire de parvenir àun niveau de cohérence entre les SROS et les schémas gérontologiques départementaux. Celasuppose une concertation et un travail commun entre l'ARH et chaque service départemental. LesDDASS, qui siègent au sein de la commission exécutive de l'ARH, constituent dans ce cadre deprécieux relais entre ces deux niveaux territoriaux. En outre, dans chaque territoire de santé, leConseil général est également invité à prendre sa place au sein de la Conférence de territoire. Ilexiste donc des liens au niveau organique, mais la volonté des uns et des autres de travaillerensemble reste essentielle.

Françoise FORETTELes EHPAD ne deviendront pas des établissements de long séjour. Ainsi, un patient de long séjoura besoin d'un plateau technique et de la présence d'une infirmière 24 heures sur 24. J'ajoutequ'une expérimentation sera prochainement lancée concernant les équipes mobiles qui rejoindrontles EHPAD. Ainsi, nous verrons si les équipes mobiles répondent aux besoins de compétencemédicale des établissements, lesquels sont distincts des besoins d'une unité de long séjour.

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Philippe VIGOUROUXJe tiens à évoquer la question du devoir de contrôle des ARH sur les sorties éventuellementabusives. Il peut survenir des sorties rapides d'un établissement de court séjour pour de mauvaisesraisons liées à la T2A, même si je n'y crois pas réellement, dans les faits. Nous devons rechercherune sortie rapide, mais pour d'autres raisons, et notamment parce que la personne n'est nulle partmieux que chez elle pourvu que la continuité des soins soit assurée de la meilleure manière.

Gilles DUTHILUn participant nous demande par écrit où nous en sommes des consultations " mémoire " et lesbesoins qui restent à couvrir.

Françoise FORETTE Toutes les consultations " mémoire " qui étaient prévues dans le plan Alzheimer 2004-2007 ontété créées, même si elles ne sont pas toujours très bien réparties sur l'ensemble du territoire.Ainsi, des efforts restent à accomplir dans certains de ces territoires. En outre, le diagnosticprécoce de la maladie d'Alzheimer sera certainement amélioré.

En région parisienne, la file " mémoire " active de ces consultations est considérable, ce quitémoigne de leur succès même si aucun bilan national n'a été dressé à ce jour.

Cécile GALLEZDans mon département, la durée d'attente pour ces consultations a été réduite de six mois à unmois.

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Ce colloque a été organisé à l'initiative de deux groupes d'études parlementaires : le groupe d'étudessur la dépendance des personnes âgées, que j'ai l'honneur de présider, et le groupe d'études sur lalongévité, présidé par Denis JACQUAT.

La législature a été marquée par la prise de conscience des enjeux liés à la longévité et à l'attentionparticulière que requièrent les personnes dépendantes. Un incident climatique est survenu au coursde ces quatre années et a cruellement démontré nos insuffisances. Ce malheur n'est pas resté vain :la commission d'enquête parlementaire a heureusement montré que nous avions su mettre en placedes dispositions qui nous prémunissent contre la reproduction d'un tel désastre.

Le plan Solidarité-Grand Âge prend en compte les enjeux de la longévité - l'espérance de vieprogresse de trois mois chaque année - et la nécessité d'une mutation. Une fois n'est pascoutume, nous nous donnons les moyens d'anticiper et nous savons aujourd'hui que du fait du babyboom, le nombre de personnes de plus de 75 ans est appelé à croître sensiblement. Le nombre depersonnes dépendantes augmentera lui aussi, même si les progrès médicaux et les mesuresd'encadrement permettront, par des mesures de prévention adaptées, de faire en sorte que cetaccroissement soit tempéré. Quoi qu'il en soit, 70% des hommes de 90 ans sont encore autonomes.

Aujourd'hui, les personnes âgées souhaitent rester aussi longtemps que possible à domicile. L'offrede soins et de services qui en découle doit être désormais développée et adaptée pourrépondre aux attentes des personnes âgées et de leur entourage. Ainsi, sur les 12 millions depersonnes de plus de 60 ans, 3,2 millions sont aidées, dont la moitié par leur entourage direct,auquel il faut donner une formation, voire un statut, et des moyens pour concilier les exigences del'accompagnement d'une personne dépendante et la nécessité de mener leur propre vie. C'estpourquoi j'estime que nous devons absolument mettre en place le dispositif du " baluchonAlzheimer " en France.

La continuité de la prise en charge implique une transition harmonieuse entre l'hôpital,l'établissement d'accueil des personnes âgées et le domicile. Des synergies doivent être mises enœuvre pour que cette harmonie devienne une réalité. Le développement de réelles filières degériatrie, jusque dans les établissements de formation universitaires, devient également unepriorité.

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SYNTHESE DES TRAVAUX

Chirurgien plasticien, Philippe VITEL est député et vice-président du Conseil général du Var, président dugroupe d'études sur la dépendance des personnes âgées. Il est également membre de la commission pourla défense, vice-président des groupes d'études sur l'amiante, l'armement, l'obésité, l’intégration despersonnes fragilisées, les professions de santé, les sectes et la sécurité civile.

Philippe VITEL