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Actes du séminaire final PROJET LIFE+ ENVOLL 2013-2018

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Actes du séminaire final

PROJET LIFE+ ENVOLL 2013-2018

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Actes du séminaire final

PROJET LIFE+ ENVOLL 2013-2018

MISE EN RÉSEAU DE SITES DE REPRODUCTION SUR LE POURTOUR MÉDITERRANÉEN FRANÇAIS POUR LA PROTECTION

DES LARO-LIMICOLES COLONIAUX

15-17 octobre 2018, Palais des congrès, Arles.

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Remerciements :Nous tenons à remercier l’Union européenne et les co-financeurs français, l’en-semble des bénéficiaires associés, des acteurs du suivi, des gestionnaires d’es-paces naturels et des prestataires pour leur contribution et leur investissement dans le projet Life+ ENVOLL

Rédaction : Jean Emmanuel RochéAvec la collaboration de Nicolas Sadoul et Christelle Galindo (Amis des Marais du Vigueirat) et la relecture de l’ensemble des intervenants.

Citation : Projet Life+ ENVOLL. 2018. Actes du séminaire final, Palais des Congrès, Arles, 15 - 17 octobre 2018. 102 pages

Conception graphique : Chloé BordilsImpression : Public Imprim

Crédit photo page de couverture : R. Jullian / CEN L-R

Site Internet du projet Life+ ENVOLL : www.life-envoll.eu

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Sommaire

JOURNÉE 1 : PRÉSENTATIONS EN PLÉNIÈREAllocutions de bienvenue …………………………………………………………………………………… p. 6

Introduction …………………………………………………………………………………………………………… p. 9Une histoire de réseau ……………………………………………………………………………………… p. 9Pourquoi un Life sur les laro-limicoles coloniaux ? ………………………………………… p. 12

Session 1 - Les aménagements en réseau et leurs impacts sur les populations …………………………………………………………………………………………………p. 16

Bilan des aménagements réalisés ……………………………………………………………………p. 16Le suivi de la reproduction, une mesure de l’impact des aménagements …p. 21Impact sur les populations : effectifs reproducteurs et succès de reproduction …p. 24Un réseau de sites fonctionnel ? ………………………………………………………………………p. 30Débat session 1 …………………………………………………………………………………………………p. 35

Session 2 - Dérangement, sensibilisation et éducation à l’environnement …………………………………………………………………………………………………p. 39

Les actions de protection des colonies ……………………………………………………………p. 39Les campagnes d’éducation à l’environnement : mise en œuvre et bilan …p. 44La météo des oiseaux : un outil de sensibilisation des usagers du littoral ……p. 47Dérangement et police de l’environnement …………………………………………………p. 50Débat session 2 ……………………………………………………………………………………………………p. 53

Les films du projet Life+ ENVOLL …………………………………………………………………………p. 58

Un ostréiculteur, partenaire original du projet ………………………………………………p. 59

JOURNÉE 2 : ATELIERS DE TRAVAIL ET SORTIES SUR LE TERRAIN

Des sorties sur le terrain ………………………………………………………………………………………p. 60Marais du Vigueirat ……………………………………………………………………………………………p. 60Salin de Salin-de-Giraud ……………………………………………………………………………………p. 61

JOURNÉE 3 : RESTITUTION DES ATELIERS ET TABLE RONDE

Restitution des ateliers de travail ………………………………………………………………………p. 63Atelier 1 : Demain, quel réseau pour les laro-limicoles coloniaux ? ……………p. 63Atelier 2 : Des outils au service de la conservation des laro-limicoles …………p. 69Atelier 3 : Usages et enjeux de conservation ………………………………………………… p. 74Atelier 4 : Développement international du projet ………………………………………p. 80

Points de vue croisés sur la gestion des espaces naturels - Entre aménagement et naturalité ………………………………………………………………………p. 84

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p. 6 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

De gauche à droite : M. Hervé Schiavetti, M. Pierre Santori et M. Cyril Juglaret © L. Petegnief

Journée 1 : présentations en plénière

ALLOCUTIONS DE BIENVENUE

Hervé Schiavetti (Maire d’Arles)

Lorsque j’assurais la présidence du Parc naturel régional de Camargue, nous avions avec son directeur Didier Olivry décidé de mettre en œuvre des pro-grammes courts avec d’importants financements ayant notamment comme maître d’œuvre ou d’ouvrage le tissu associatif en charge de gérer des espaces sensibles. Les Marais du Vigueirat ont proposé, avec le Conservatoire du litto-ral, de porter cette dimension pour la commune d’Arles, le Parc naturel régio-nal de Camargue et le pays d’Arles. Il s’agissait d’aborder une autre forme de développement prenant en compte la protection des espèces et des espaces sur une portion de littoral, la seule non bâtie et protégée entre Espagne et Italie. Nous le devons à Luc Hoffman qui a proposé à l’époque au président Pompidou de porter cette dimension environnementale sur ce territoire. Je voudrais remercier donc tous les acteurs impliqués dans ces projets notam-ment le gouvernement de l’époque, le Ministère de l’environnement, les direc-tions régionales des services de l’État et le Conservatoire du littoral, principal interlocuteur en Camargue des collectivités locales. Je suis très heureux de voir que nous trouvons des réponses techniques et intellectuelles qui s’attachent à la recherche fondamentale et appliquée et s’inscrivent dans une économie de

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la protection de la nature. Les sites de la Bélugue et des Marais du Vigueirat en sont un exemple. Le département, la région et l’état avec l’intercommunalité participent à cette économie, ils l’ont toujours fait et ils continueront à le faire demain. Bon séminaire dans ce palais des congrès du pays d’Arles.

Cyril Juglaret (Conseiller régional Sud - Provence-Alpes-Côte d’Azur)

Ce séminaire est l’occasion de rappeler l’importance de la politique environne-mentale de l’Europe. Les LIFE (l’instrument financier pour l’environnement) en sont une pièce maîtresse : 4000 projets depuis 1992. Plusieurs volets existent. Les LIFE « Nature et biodiversité » en sont l’un des principaux. Ils soutiennent les programmes liés à la mise en œuvre des Directives Oiseaux et Habitats et à la gestion des sites Natura 2000. Le projet Life ENVOLL, coordonné par les Amis des Marais du Vigueirat, est financé à ce titre pour un montant de 3,6 millions d’euros. Il a permis sur trois régions françaises de favoriser la reproduction de mouettes et de goélands. C’est une action sensible pour la préservation de notre biodiversité. Elle a permis de faire travailler ensemble trois régions au pa-trimoine naturel particulièrement riche et qui ont le devoir de le protéger avec un esprit d’exemplarité. L’horizon à long terme défini par le président Muselier est fixé à 20 ans et à 3 ans pour les premiers résultats visibles au quotidien. Mais ces projets comme le Life ENVOLL ne pourraient voir le jour avec le seul sou-tien de la région ; et à ceux qui doutent de l’Europe, il apparaîtra ici clairement l’importance de son aide pour leur réalisation. « L’Europe sert quand on sait s’en servir » rappelle le président Muselier. Je ne peux que remercier les Marais du Vigueirat pour leur travail et leur expertise reconnue et appréciée. C’est une chance pour nous de vous avoir sur notre territoire et je vous confirme ici tout notre soutien. Bon séminaire.

Pierre Santori (Vice-président du Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée)

Je suis ravi d’être là aujourd’hui en clôture de ce projet LIFE pour trois raisons. J’ai d’abord le plaisir de revoir les spécialistes qui mettent leur savoir et leur passion au service collectif de notre biodiversité. Ensuite, c’est l’occasion de rappeler et de valoriser le travail que nous, Parc naturel régional, mettons en œuvre dans notre territoire pour la préservation de notre environnement. En-fin, je voudrais souligner les efforts menés par la petite ville de Sigean qui ac-cueille le siège du Parc et dont l’histoire est intimement liée à l’exploitation du

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sel, et ce depuis l’époque romaine au moins. L’exploitation des salins de Sigean a pris fin en 1968. Depuis, ils sont restés quasiment abandonnés pendant 40 à 50 ans avec les conséquences négatives que l’on imagine sur la biodiversité. Le Conservatoire du littoral a heureusement racheté cette partie du territoire en 2007 et en a confié la cogestion en 2013 entre le Parc naturel régional de la Narbonnaise et la ville de Sigean. Le programme Life+ ENVOLL a permis de lancer la renaissance de ces anciens salins. Nous n’y produisons plus de sel, mais d’importants travaux de restauration hydraulique y ont été engagés, au plus grand bonheur de la population locale attachée à son patrimoine culturel et au profit de la biodiversité. Le programme Life+ ENVOLL sur notre territoire de Parc a permis de développer une véritable action d’économie circulaire  : créations d’îlots de nidification, préservation d’un patrimoine culturel, inser-tion sociale de personnes dans un cadre différent et valorisant de la préserva-tion de l’environnement, recyclage de déchets coquilliers issus d’exploitations ostréicoles. Le programme Life+ ENVOLL a été une formidable valeur ajoutée apportée par l’étroite coopération entre gestionnaires, un travail en réseau et de nombreuses synergies de groupes sur notre vaste façade méditerranéenne. Aussi je suis fier d’avoir pu contribuer à notre modeste échelle à la préservation de la biodiversité au sein de ce projet dans un contexte morose de réchauffe-ment climatique et d’érosion de cette biodiversité.

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Figure 1 : organigramme des bénéficiaires associés du projet

Opérateur sur site Natura 2000

Marais du Vigueirat, salin de Fos, Poudrerie de St Chamas, Grandes Cabanes du Vaccarès

Coordination du suivi des espèces

Communication

Formation

BÉNÉFICIAIRE COORDINATEUR : AMIS DES MARAIS DU VIGUEIRAT

Suivi des espèces

Opérateurtransversal

Tour du Valat

Amélioration desconnaissances

Suivi des espèces

Opérateur sur siteNatura 2000

Collectivité de Corse

RNN BigugliaEtang d'Urbino

Opérateur sur siteNatura 2000

Compagnie dessalins du Midi

Salin de BerreSalin de Giraud

Opérateur sur siteNatura 2000

Suivi des espècesFormation

Salines deVilleneuve

Conservatoired'espaces naturels

du Languedoc-Roussillon

Opérateur sur siteNatura 2000

Ancien salinsde Sigean

Parc Naturel Régionalde la Narbonnaise

en Méditerranée

Opérateur sur siteNatura 2000

Salins du Castellas, de Villeroy,

de FrontignanLagune de Gachôn

Sète AgglopôleMéditerranée

Opérateurtransversal

Campagne de sensibilisation

et éducation àl'environnement

Réseau Ecoleet Nature

Le projet Life+ ENVOLL s’est déroulé sur 3 régions (Sud-Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Corse), 15 sites lagunaires distribués sur 9 sites Natura 2000. Coordonné par les Amis des Marais du Vigueirat, il associe 7 autres bénéfi-ciaires  : le Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc-Roussillon (CEN L-R), le Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée (PNRNM), Sète Agglopôle Méditerranée, la Compagnie des salins du Midi, la Collectivité de Corse, qui ont mis en œuvre les actions de conservation sur les sites ainsi que la Tour du Valat et le Réseau École et Nature qui ont pris en charge plusieurs opérations transversales (Fig. 1).

INTRODUCTION

UNE HISTOIRE DE RÉSEAU

Jean-Laurent Lucchesi (Amis des Marais du Vigueirat)

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Une multitude de partenaires techniques a participé à ce projet, certains sur les sites d’intervention (Syndicat Intercommunal de l’Ancienne Poudrerie de St Chamas, Office national de la chasse et de la faune sauvage, Eau et Vie pour l’Environnement), d’autres transversaux (Agence française pour la biodiversi-té, Conservatoire du littoral, Pôle-relais lagunes méditerranéennes, Office de l’Environnement de la Corse), ceux spécialisés en éducation à l’environnement (voir la présentation d’Isabelle Lépeule) ou encore ceux qui ont participé au réseau de suivi (voir la présentation d’Olivier Scher) et au réseau de gestion-naires des espaces naturels1.

Le projet s’est attaché à organiser et fidéliser ce réseau de partenaires liés par les problématiques de conservation des laro-limicoles coloniaux sur les trois régions. Le budget de près de 3,5 millions d’euros a été consacré pour plus de la moitié en coûts de personnels mais également à d’importants travaux de sous-traitance pour la restauration de sites de nidification. Financé pour moitié par l’Union européenne, le projet Life a obtenu le soutien complémentaire de 16 partenaires (Fig. 2).

Une étude commanditée sur les retombées socio-économiques du projet a mis en évidence qu’un euro dépensé a généré une production de 1,72 € de biens et de services et 1,27 € de valeur ajoutée, effets multiplicateurs qui situent le projet respectivement au 32ème et 4ème rang parmi les 64 secteurs d’activités de Méditerranée. Le projet a par ailleurs permis de maintenir ou de créer 19 emplois ETP pour 1 M € dépensé et occupe le 6ème rang des secteurs d’acti-vités cités plus haut. Une conclusion s’impose donc : la biodiversité c’est notre patrimoine, il a une valeur, mais sa gestion est aussi une source d’enrichisse-ment pour nos territoires.

1 - Adena, Agglomération Hérault Méditerranée, Agglomération du Pays de l’Or, AMP Métropole, ARDAM, EID Méditerranée, Eau et Vie pour l’Environnement, GIPREB, Mairie de Fréjus, Mairie du Grau-du-Roi, Mairie de Port St Louis du Rhône, Grand Port Maritime de Marseille, Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, PNR Camargue, Salin de l’Aude, SIANPOU, SIBOJAI, SIEL, SYMBO, SMBT, SMCG, SMDA, SM Rivage, Toulon Provence Méditerranée, etc.

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Figure 2 : Les partenaires financiers du projet

8%

14%Fonds propres bénéficiaires

49%

4%

1%2% 1%

9%8%

2%

2%

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De gauche à droite et de haut en bas : Goéland railleur (© C. Pin / AMV), Goéland d’Audouin (© Claude Gaillemin), Mouette mélanocéphale (© Patrick Portier), Mouette rieuse (© R. Jullian / CEN L-R), Sterne hansel (© Patrick Portier), Sterne caugek (© R. Jullian / CEN L-R), Sterne pierregarin, Sterne naine, Avocette élégante (© C. Pin / AMV).

POURQUOI UN LIFE SUR LES LARO-LIMICOLES COLONIAUX ?

Christelle Galindo et Nicolas Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat)

Le projet LIFE s’intéresse à 9 espèces ayant une valeur patrimoniale importante à l’échelle de l’Europe où les effectifs méditerranéens sont importants : deux goélands (G. railleur, G. d’Audouin), deux mouettes (M. mélanocéphale, M. rieuse), quatre sternes (S. pierregarin, S. naine, S. caugek, S. hansel) ainsi qu’un limicole colonial, l’Avocette élégante.

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Les populations de ces espèces présentaient un mauvais état de conservation sur la façade méditerranéenne française  : déclin des effectifs reproducteurs entre 1982 et 2006 (voir présentation Nicolas Sadoul, figure 4) et succès repro-ducteur insuffisant pour stabiliser ces effectifs. Les laro-limicoles coloniaux se reproduisent au sol et en colonie et ont par conséquence besoin d’îlots isolés des prédateurs terrestres et des dérangements par l’homme contre lesquels ils sont sans défense. La raréfaction de ces îlots au cours du XXe siècle est à l’ori-gine de leur précarité. Quatre causes principales y ont contribué. La première est la mise en œuvre des grands travaux d’aménagement qui ont non seulement contribué à la régression des zones humides littorales mais ont favorisé la sta-bilisation du trait de côte et interrompu les processus naturels autrefois géné-rateurs d’îlots. La seconde cause est l’intensification des dérangements suite à l’augmentation des activités de loisir sur le littoral. La troisième est la concur-rence des goélands leucophées. La croissance de leur population, favorisée par l’exploitation des décharges à ciel ouvert et les rejets de la pêche aux chaluts, a conduit ces oiseaux à coloniser le littoral lagunaire et occuper durablement les îlots disponibles pour se reproduire. S’ajoute enfin, sur certains sites, une gestion de l’eau peu favorable. L’impact des activités humaines est ainsi à l’origine de la disparition progressive des sites propices à la nidification des laro-limicoles colo-niaux qui n’ont eu d’autres choix que de coloniser des sites moins favorables sur lesquels le nombre de poussins produits est médiocre.

L’identification de ces changements historiques a orienté fortement les actions à mettre en œuvre pour améliorer les conditions de reproduction de ces espèces. Il est vite apparu que la meilleure stratégie de conservation, face au caractère nomade de ces espèces, était le développement d’un réseau de sites de nidifi-cation plutôt qu’un investissement limité à quelques sites remarquables qui ris-quaient tôt ou tard d’être abandonnés par les oiseaux. Autrement dit, leur offrir la possibilité de se déplacer d’un site à l’autre selon leurs besoins et répondre ainsi à leurs caractéristiques biologiques. Ce constat, présenté en 20062 à de nombreux acteurs institutionnels et techniques, a débouché sur un premier pro-jet pilote coordonné de 2007 à 20103 par les Amis des Marais du Vigueirat et le Conservatoire d’espaces naturels du Languedoc-Roussillon. Il s’est d’abord foca-

2 - La gestion des Goélands et des laro-limicoles. Actes du séminaire interrégional du 23 novembre 2006, Sète3 - Conservation des laro-limicoles sur le littoral méditerranéen. Actes du séminaire du 18 octobre 2011, restitution des actions 2007-2010, projet financé par la fondation Total et les collectivités.

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Les actions ont été définies comme autant de réponses aux problèmes de conservation :

1. Renforcer le réseau de sites en poursuivant les travaux de restauration hy-draulique et de création d’îlots et de radeaux sur les trois régions méditerra-néennes en réponse au manque de sites de nidification.

2. Réduire le dérangement des colonies par leur mise en protection sur les sites à risque, par le développement d’un programme d’éducation à l’envi-ronnement, par la mise en œuvre d’actions de communication pour la sen-sibilisation du grand public, la création et la diffusion d’outils d’information ciblant les usagers du littoral (sports de glisse notamment) et les polices de l’environnement.

3. Améliorer la gestion des sites en évaluant la fonctionnalité du réseau de sites et en développant le transfert de compétences pour tendre à une plus grande autonomie des gestionnaires d’espaces naturels et des acteurs du suivi et former ainsi un réseau durable.

Ces différents aspects seront développés tout au long de ces journées.

4 - Projet financé par les fonds européens FEDER et les collectivités.

lisé sur la mise en œuvre des premiers aménagements d’îlots et de radeaux sur les propriétés du Conservatoire du littoral et a fait émerger un premier réseau de gestionnaires associés à cette problématique des laro-limicoles. Le projet s’est poursuivi en 2011-20124, associant la Tour du Valat aux précédents coordinateurs. Le réseau de sites et de gestionnaires s’est alors étoffé avec l’appui de parte-naires institutionnels. C’est aussi durant cette période que le suivi de la repro-duction de ces espèces selon un même protocole et coordonné à l’échelle de la façade méditerranéenne française a vu le jour pour la première fois.

Il manquait toutefois encore une étape : renforcer le réseau, l’élargir aussi à la Corse et développer de nouvelles actions indispensables à la conservation des laro-limicoles. C’est ce que s’est proposé de faire le projet Life+ ENVOLL entre 2013 et 2018.

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Colonie mixte de sternes caugeks et goélands railleurs © C. Pin / AMV

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Grand îlot argileux avec un substrat de sable coquillier (salin de Berre) © C. Pin / AMV

SESSION 1 - LES AMÉNAGEMENTS EN RÉSEAU ET LEURS IMPACTS SUR LES POPULATIONS

Animateurs : Nathalie Lamande (DREAL Occitanie) & François Fouchier (Conservatoire du littoral)

BILAN DES AMÉNAGEMENTS RÉALISÉS

Olivier Scher (CEN L-R)

La création ou la restauration d’îlots ou de radeaux répond à la raréfaction des sites de nidification sur le littoral méditerranéen. Sélectionner précisé-ment l’endroit où réaliser un aménagement pour la nidification se fonde sur un diagnostic de terrain complet qui prend en compte différents facteurs bio-logiques et techniques. Le lieu doit tout d’abord présenter des sites d’alimen-tation périphériques et un contrôle maîtrisé de la fréquentation par le public. Plus précisément, le site d’implantation doit être éloigné de la berge et présen-ter un niveau d’eau suffisant (au moins 40 cm) durant la saison de nidification pour limiter le risque de prédation terrestre et de dérangement humain tout en étant protégé de l’érosion par le vent. Enfin, il doit prendre en compte les contraintes de logistique dans la phase de travaux : présence d’un sol portant et possibilité de réaliser un assec pour permettre le travail des engins.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 17

C’est à partir de ce diagnostic qu’un radeau sera préféré à un îlot quand le sol n’est pas portant ou quand les niveaux d’eau ne sont pas contrôlés. La forme des îlots réalisés est généralement ronde ou ovale avec des pentes douces de 10% car plus facile à construire et moins sensible à l’érosion. Leur taille est dé-terminée selon la distance à la berge : une petite taille pour les îlots proches de la berge afin de n’accueillir que de petites colonies moins attractives pour les prédateurs terrestres, une grande taille pour ceux réalisés loin des berges en vue d’une meilleure résistance à l’érosion.

Radeau de 22 m² (RN de Biguglia) et de 72 m² (Marais du Vigueirat) vu du ciel © P. Poli ; J.L Lucchesi / AMV

Grand îlot sableux avec un rideau anti-batillage (salin de Villeroy) © O. Scher / CEN L-R

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Figure 1 : Plan d’un îlot, en vue plane et de profil et emplacement des jalons (rouge). Schéma en haut à droite : Indication de la zone de prélèvement et de sortie de la pelle mécanique.

Le plan de chaque îlot est dessiné à partir des relevés bathymétriques réali-sés sur le terrain afin de calculer sa hauteur et s’assurer que la superficie pré-déterminée émerge durant la saison de nidification. Enfin, l’implantation des îlots est jalonnée sur le terrain pour permettre le travail des engins (Fig. 1).

19m

24m12m7m

Surface plane

Pente 10%

N

4m

7m

Zo

ne d

e roulement

Zo

ne d

e prélèvem

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7m

6m 6m

0,65 m0,35 m

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Pente 10%

Sortie dela pelle

Pe

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Pente immergée

Enfin, les îlots ont été construits à partir du prélèvement du sol des étangs et un îlot argileux nécessitera l’apport de substrat perméable (sable coquillier, coquilles d’huîtres concassées…) sur lequel les oiseaux pourront construire leurs nids tandis que les îlots sableux nécessiteront la construction d’une pro-tection contre le batillage permettant ainsi de réduire l’érosion. Quelques îlots ont aussi été ceinturés par une clôture grillagée pour une meilleure protection contre la prédation terrestre quand les niveaux d’eau sont mal maîtrisés.

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Depuis 2007, le réseau de sites de nidification s’est ainsi renforcé considéra-blement et il comprend aujourd’hui 165 îlots et 11 radeaux (tableau 1) répar-tis des salins d’Hyères à Sigean sans oublier la plaine orientale de la Corse (tableau 1 et Fig. 2).

Aménagements 2007-2012 2013-2018 Total

Grand îlot (50 - 1000 m²) 54 30 84

Petit îlot (1 - 50 m²) 81 0 81

Grand radeau (70 - 200 m²) 0 3 3

Petit radeau (18 - 22 m²) 5 3 8

Figure 2 : Carte de répartition des aménagements

Tableau 1 : Nombre d’aménagements réalisés durant le projet Life+ ENVOLL (2013-2018) et avant le projet 2007-2012.

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Il a parfois été nécessaire de réaliser de la restauration hydraulique sur certains sites afin d’améliorer le contrôle des niveaux d’eau autour des îlots aménagés ou augmenter la superficie des zones d’alimentation pour les laro-limicoles. Au total, l’installation ou la restauration de plus de 20 ouvrages (vannages) et de 2000 m de cayrels (petit endiguement avec un planchéiage) et de digues ont redonné une meilleure maîtrise de l’eau sur 491 ha.

Ouvrages hydrauliques installés sur, en haut le salin de Fos (canon) et, en bas, les salins de Sigean (martelière). © C. Pin / AMV ; N. Sadoul / AMV

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L’ensemble de ces travaux constitue une expérience unique qui a permis l’élaboration d’un module de formation sur la gestion et les aménagements hydrauliques ainsi que sur la construction d’îlots et de radeaux. Aujourd’hui en phase de finalisation, ce module sera bientôt disponible dans le cadre des formations de l’Agence française pour la biodiversité. Par ailleurs, le transfert d’expérience a été assuré durant le projet au travers de l’organisation de jour-nées techniques avec les gestionnaires d’espaces naturels. Ces dernières ont permis d’expliquer et de montrer sur le terrain ces techniques d’ingénierie.

Figure 1 : Carte de répartition des acteurs du suivi des laro-limicoles coloniaux. Sont soulignés les bénéficiaires associés du projet Life+ ENVOLL.

LE SUIVI DE LA REPRODUCTION, UNE MESURE DE L’IMPACT DES AMÉNAGEMENTS

Olivier Scher (CEN L-R)

Le suivi de la reproduction des laro-limicoles coloniaux à l’échelle de la façade méditerranéenne française vise à évaluer l’état de conservation de leurs popu-lations et, dans le cadre du projet, à mesurer l’impact des aménagements mis en œuvre durant le projet. Pour cela, il s’appuie sur la comparaison des effec-tifs reproducteurs et du succès de reproduction entre sites aménagés et non aménagés.

C’est la première fois que quinze structures réunissent leurs efforts pour appli-quer le même protocole à l’échelle interrégionale (Fig. 1).

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p. 22 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

Figure 2 : Exemple de bilan du recensement hebdomadaire des colonies de Sterne caugek sur la façade méditerranéenne française. La courbe verte exprime l’évolution des effectifs totaux. La barre rouge montre le pic d’installation et les cercles noirs l’effectif maximal de chaque colonie.

Le protocole consiste en un suivi hebdomadaire durant lequel les tech-niques de recensement sont calées sur la phénologie des colonies : comp-tage à distance durant les phases d’installation et d’élevage des jeunes pour réduire l’impact du dérangement, comptage à pied dans les colonies durant l’incubation afin de réduire les biais de recensement ou comptage aérien pour les colonies inaccessibles, et comptage à partir d’une cache avant l’envol afin d’inventorier les jeunes par classe d’âge, à faible distance et sans dérangement. Des recensements hebdomadaires sont indispen-sables chez ces espèces qui présentent une forte désynchronisation de leurs colonies afin de déterminer le pic d’installation de chaque espèce et ainsi de produire des estimateurs des effectifs non biaisés par un double comptage à l’échelle interrégionale (Fig. 2).

Semaine

No

mb

re d

e co

up

les

No

mb

re d

e co

up

les

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

3000

2500

2000

1500

1000

500

0

Effectif au pic = 2832 couples

Effectif au pic 2832 couples

18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31

Effectif max 2980 couples

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 23

Comptage à pied des nids sur une colonie du salin de Villeroy © O. Scher / CEN L-R

Le protocole de suivi nécessite une certaine technicité et expérience dans sa mise en œuvre et réclame, de fait, une forte coordination interrégionale qui a été assurée par les Amis des Marais du Vigueirat. Elle a consisté en l’orga-nisation d’une réunion de lancement de chaque campagne annuelle durant laquelle les techniques de recensement et de compilation des données sont abordées avec l’ensemble des acteurs du suivi, à la validation des fichiers de données en fin de campagne, et à l’organisation d’une réunion de restitution des suivis à laquelle les gestionnaires des espaces naturels concernés sont aussi invités.

Le protocole de suivi, la compilation et l’analyse des données font l’objet d’un module de formation en cours de finalisation qui sera bientôt disponible dans le cadre des formations de l’Agence française pour la biodiversité.

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Tableau 1 : Proportion des aménagements occupés au moins une fois par les oiseauxdurant le projet Life+ ENVOLL (2013-2017) et avant le projet (2007-2012).

Période 2007-2012 2013-2017

Aménagements N créés N occupés % N créés N occupés %

Grand îlot (50 - 1000 m²) 54 47 87% 30 26 87%

Petit îlot (1 - 50 m²) 81 70 86% 0 - -

Grand radeau (70 - 200 m²) 0 - - 3 2 67%

Petit radeau (18 - 22 m²) 5 5 100% 3 0 0%

IMPACT SUR LES POPULATIONS : EFFECTIFS REPRODUCTEURS ET SUCCÈS DE REPRODUCTION

Nicolas Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat)

L’objectif général des aménagements répond à la raréfaction des sites de nidifi-cation et vise à restaurer les effectifs reproducteurs des laro-limicoles coloniaux et à améliorer leur succès de reproduction. Comme présenté précédemment, le suivi de la reproduction permet d’évaluer l’efficacité de ces aménagements.

Notre premier critère d’évaluation est la proportion des sites aménagés uti-lisés au moins une fois depuis leur construction. Celle-ci apparaît très élevée (tableau 1) et confirme le besoin de ces espèces en sites de nidification. On n’observe pas de différence entre les grands îlots aménagés avant (2007-2012) et durant le projet Life+ ENVOLL (2013-2017), ni entre petits et grands îlots. De même, alors que l’on aurait pu s’attendre à une différence entre les îlots et les radeaux, les seconds n’étant occupés que par la sterne pierregarin, les diffé-rences observées tiennent essentiellement à la faible colonisation des radeaux installés durant le projet life en Corse : un seul radeau occupé sur quatre, celui d’Urbino. Ce résultat est sans doute à mettre en relation avec les petits effectifs reproducteurs encore observés dans cette région et une durée de disponibilité réduite, les radeaux ayant été installés depuis 2016 seulement.

1

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Figure 1 : Fréquence d’utilisation médiane des sites aménagés et non aménagés après leur première colonisation (pérennité d’utilisation).

Fréq

uen

ce d

'uti

lisat

ion

1,2

1

0,8

0,6

0,4

0,2

01-3 4-6 7-9 10-12

N années depuis première colonisation

90 88 232 264

Fréq

uen

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lisat

ion

1,2

1

0,8

0,6

0,4

0,2

01-3 4-6 7-9 10-12

N années depuis première colonisation

52 50 35 6

Petits et grands îlots aménagés

Sites non aménagés

Second critère d’évaluation, la pérennité de l’utilisation des sites par les oiseaux à partir de la première année de leur colonisation révèle que l’ensemble des sites aménagés est utilisé 100% du temps durant les trois premières années. Elle se réduit ensuite sensiblement pour les grands îlots et les radeaux qui ne sont plus occupés qu’à 80 % du temps au-delà de 3 ans. Elle faiblit en revanche fortement sur les petits îlots après les 3 premières années, ces derniers n’étant alors occupés qu’une fois sur deux ou sur trois. La particularité la plus remar-quable est la pérennité d’occupation des îlots aménagés beaucoup plus éle-vée que celle des sites naturels ou non aménagés (Fig. 1). Ce résultat témoigne de la meilleure qualité des sites aménagés.

2

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À l’échelle locale, les aménagements d’îlots et de radeaux entraînent un ac-croissement des effectifs reproducteurs de laro-limicoles coloniaux. C’est le cas dans le salin de Salin de Giraud où l’effectif médian de 75 couples observé entre 2007 et 2014 est passé à 160 couples en 2015, 500 couples en 2016 et 1930 couples en 2017 suite à la création respectivement de 2 puis 4 et enfin 2 îlots supplémentaires (Fig. 2). Un total de 7 espèces nicheuses était alors recensé cette dernière année. Sur ce vaste site de plusieurs milliers d’hectares, il semble que les îlots aménagés aient en outre contribué à attirer l’installation d’autres colonies sur l’ensemble du salin.

Figure 2 : Évolution des effectifs nicheurs de laro-limicoles coloniaux sur le salin de Salin de Giraud. Courbe rouge : effectif total ; histogramme marron : effectifs sur les sites aménagés. Les chiffres sur les histogrammes indiquent le nombre cumulé d’îlots aménagés.

No

mb

re d

e co

up

les

2000

1750

1500

1250

1000

750

500

250

0 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

6

8

2

Îlots aménagés Total

Sur le salin de Villeroy bien plus petit (130 ha), la démonstration est encore plus franche puisqu’aucune nidification n’était observée jusqu’en 2011 et près de 3000 couples de 5 espèces étaient tous installés en 2017 sur seulement 4 îlots aménagés (Fig. 3). Avec 90 % de l’effectif, la Sterne caugek y a même consti-tué le bastion de sa population reproductrice en méditerranée française. Des réponses semblables sont observées sur les salins de Sigean, de Fos-sur-Mer, de Berre et l’étang d’Urbino. Sur les salines de Villeneuve et les Marais du Vi-gueirat, les effectifs sont aussi étroitement associés à ceux installés sur les sites aménagés mais montrent de fortes variations interannuelles.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 27

Figure 3 : Évolution des effectifs nicheurs de laro-limicoles coloniaux totaux (ligne rouge) et sur les sites aménagés (histogramme orange) par localité.

À l’échelle interrégionale, après un déclin continu de plus de la moitié des ef-fectifs reproducteurs, déclin qui a suscité le démarrage en 2007 des actions de conservation en faveur de ces espèces, la courbe s’inverse jusqu’à dépas-ser le nombre de couples nicheurs du début des années 1980 (Fig. 4). Nos ac-tions semblent avoir grandement contribué à la restauration des populations de laro-limicoles coloniaux sur le littoral méditerranéen, même si l’influence d’autres facteurs, comme l’immigration ou une amélioration de la survie no-tamment en hiver, ont pu participer à ce redressement.

Figure 4 : Évolution des effectifs reproducteurs de laro-limicoles nicheurs, toutes espèces confondues, sur la façade méditerranéenne française depuis 1982. En vert depuis la mise en œuvre des programmes de conservation jusqu’au Life+ ENVOLL.

No

mb

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20000

18000

16000

14000

12000

10000

8000

6000 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018

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p. 28 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

Analysés espèce par espèce à partir de 2011, année à partir de laquelle les don-nées de recensement ont été récoltées selon le même protocole sur l’ensemble du littoral, les taux annuels de croissance permettent d’observer trois types de tendance : 2 espèces à population stable (Mouette mélanocéphale -1%) ou faiblement croissante (Mouette rieuse +3%), 4 espèces à croissance marquée, entre 9 et 11 %, (sternes hansel, naine et pierregarin, Avocette élégante) et 2 espèces en explosion démographique avec des taux très élevés de 14 % et 20 % (Goéland railleur et Sterne caugek respectivement).

Les deux espèces de mouettes utilisent peu les aménagements. Elles ont une préférence pour les sites plutôt végétalisés alors que nos îlots, relativement ré-cents, le sont encore peu voire pas du tout. En revanche, 30 à 40 % en moyenne des effectifs reproducteurs des sternes hansel, naine, pierregarin et de l’avo-cette occupent les sites aménagés depuis 2011. Quant à la Sterne caugek et au Goéland railleur, cette proportion atteint 70 à 80 % ! Ces résultats montrent l’impact des sites aménagés à l’échelle des populations.

Enfin, résultat plus remarquable encore, il apparaît que plus les espèces uti-lisent les sites aménagés et meilleur est leur taux annuel de croissance depuis 2011 (Fig. 5).

Figure 5 : Taux annuel de croissance 2011-2017 des différentes espèces de laro-limicoles coloniaux en fonction du pourcentage moyen de leurs effectifs installés sur les îlots et radeaux aménagés.

Tau

x an

nu

el d

e cr

ois

san

ce

Proportion moyenne des effectifs sur sites aménagés

0,25

0,2

0,15

0,1

0,05

0

-0,050% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

R² = 86% Sterne caugek

Mouette rieuse

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L’analyse des succès de la reproduction permet d’appréhender plus en détail l’impact des aménagements. De ce point de vue, les résultats sont moins en-courageants. Seuls le Goéland railleur, les mouettes rieuse et mélanocéphale, les sternes caugek et naine montrent une productivité moyenne (nombre de poussins produit par couple) supérieure au seuil de 0,6 poussin par couple considéré comme nécessaire pour le maintien des effectifs reproducteurs. Cependant, parmi elles, seule la Sterne naine montre un meilleur succès sur les sites aménagés comparé aux sites non aménagés tandis que l’on observe un effet inverse pour la Mouette rieuse. Pour les autres espèces, ainsi que pour les sternes pierregarin et hansel et les avocettes dont la productivité est inférieure à 0,6 poussin par couple, la productivité moyenne est comparable entre sites aménagés et non aménagés.

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p. 30 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

Plusieurs explications peuvent être apportées pour interpréter l’absence inattendue de différence du succès reproducteur entre sites aménagés et non aménagés. Tout d’abord, l’occurrence de conditions qui touchent indif-féremment l’ensemble des colonies : une météorologie défavorable pour les laro-limicoles ces dernières années (fortes précipitations printanières suivies d’une sécheresse estivale) et la prédation nouvelle du hibou grand-duc sur plusieurs sites de Camargue et du Languedoc. Ensuite, si les aménagements sont attractifs pour les oiseaux, encore faut-il que les conditions de reproduc-tion soient bonnes sur toute la durée de la saison de nidification. La gestion apparaît à ce titre comme une pièce maîtresse. Il en est ainsi de la gestion hydraulique qui doit assurer le maintien d’une lame d’eau optimale pour, à la fois, éviter l’inondation des îlots et garantir leur inaccessibilité aux prédateurs terrestres. De même, un substrat perméable a été déposé sur les îlots argi-leux au moment de leur construction pour réduire l’exposition des œufs et des jeunes poussins aux intempéries. L’apport et le rechargement en substrat apparaît indispensable quand le vent ou une inondation hivernale peuvent mettre à nu les îlots. L’attention des gestionnaires en matière de gestion des îlots et des niveaux d’eau s’avère essentielle.

UN RÉSEAU DE SITES FONCTIONNEL ?

Arnaud Béchet (Tour du Valat)

Les laro-limicoles coloniaux sont considérés comme des espèces nomades. Au printemps, l’échec précoce de la reproduction peut conduire les oiseaux à chercher un nouveau site de nidification plus ou moins éloigné où ils peuvent tenter aussitôt une nouvelle reproduction. Une seconde forme de nomadisme, moins facile à expliquer, tient au fait que les oiseaux peuvent chercher à se reproduire sur un site différent d’une année à l’autre même en cas de succès de la reproduction la saison précédente. Cette mobilité a fait prendre conscience de l’importance de travailler sur un réseau de sites pour assurer efficacement la conservation de ce groupe d’espèces en offrant la possibilité d’un report de reproduction d’un site à l’autre. Cette approche est tout à fait cohérente avec la Directive Oiseaux et la mise en œuvre de la trame verte et bleue.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 31

Le réseau mis en place durant le projet Life+ ENVOLL est-il suffisant et fonc-tionnel c’est-à-dire la distance entre les sites permet-elle le déplacement des individus pour satisfaire leurs besoins ? L’évaluation que nous avons effectuée porte sur les retours d’observation de goélands railleurs bagués, une espèce modèle suivie depuis son arrivée en Camargue en 1967 et baguée depuis 1997. A partir de 2004, les premières colonies de cette espèce sont observées en dehors de Camargue allant jusqu’aux salins d’Hyères à l’Est et à ceux de La Palme à l’Ouest (Fig. 1).

Figure 1 : Distribution des colonies de Goéland railleur en France de 2004 à 2016

Nous avons estimé les distances de dispersion de ces individus bagués au cours d’une même saison de reproduction et entre les saisons de reproduc-tion. L’analyse se fonde sur 4384 contrôles de bague, concernant 1588 oiseaux bagués, réalisés pendant 18 années de suivi (1999-2016) sur les 29 sites utili-sés par les colonies. Les suivis d’oiseaux bagués réalisés durant le projet Life+ ENVOLL ont contribué à améliorer le jeu de données. L’analyse statistique des données s’appuie sur des modèles de capture-recapture multi-évènements qui permettent d’évaluer la probabilité de dispersion des individus entre les sites et en fonction de la distance.

Les 29 sites donnent un échantillon de 812 distances entre sites pris deux à deux et leur distribution montre une forte proportion de couples de sites à moins de 25 km les uns des autres, proportion qui diminue ensuite régulière-ment pour atteindre, pour les sites distants de 60 à 150 km, moins de 15% (Fig. 2). Moins de 5% des sites sont à plus de 150 km du pool central camarguais.

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p. 32 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

Figure 2 : Fidélité de la population de goélands railleurs à ses sites de reproduction.

L’analyse montre que 77% des goélands railleurs restent fidèles à leur site de reproduction d’une année sur l’autre tandis que les autres changent de site. La répartition des retours de bagues révèle une dispersion inter-saisons des oiseaux d’un site de reproduction à l’autre assez peu différente de la dispersion des sites entre eux avec toutefois un pic de dispersion supérieur à l’attendu pour des distances de 25 à 60 km (Fig. 2). Autrement dit, des déplacements jusqu’à 60 km entre deux sites de reproduction d’une saison à l’autre ne posent aucun problème au Goéland railleur.

Proportion

Distances (km)

0,4

0,35

0,3

0,25

0,2

0,15

0,1

0,05

00-2,5 2,5-5 5-10 10-25 25-40 40-60 60-150 150-300

Proximités sitesTaux dispersion standardisé

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 33

Au sein d’une même saison de reproduction, la dispersion est beaucoup plus variable selon les années considérées. De 2005 à 2009 et en 2013 et 2014, 80% des oiseaux n’ont été observés que sur une seule colonie. Les autres années, jusqu’à 5 colonies différentes étaient explorées la même année. La majorité des déplacements intra-saisonniers entre deux colonies est de 10 km et en moyenne de 29 km. Cependant, certains individus ont été observés la même saison sur deux colonies très distantes, jusqu’à un maximum de 263 km.

En conclusion, la dispersion des goélands railleurs d’un site à l’autre reste forte jusqu’à une distance de 60 km. Elle diminue ensuite bien que des sites éloignés de plus de 200 km restent connectés.

Au regard de ces résultats et si l’on considère que le Goéland railleur est un modèle représentatif des autres espèces de laro-limicoles coloniaux, les sites situés entre l’étang de Thau et celui de Berre sont fortement connectés les uns aux autres et permettent une circulation facile des oiseaux au cours d’une même saison de nidification et d’une saison à l’autre (Fig. 3). La connectivité vers l’Ouest et vers l’Est apparaît plus faible mais toujours opérante. A noter que cette dernière n’apparaît pas améliorable dans un environnement de côtes essentiellement rocheuses et non propices à la nidification de ces espèces. Enfin, la distance avec la Corse apparaît comme limitante pour permettre des déplacements fonctionnels, notamment au cours d’une même saison de re-production.

Figure 3 : Distance entre les différents sites aménagés et fonctionnalité du réseau.

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p. 34 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

Le réseau de sites aménagés apparaît donc comme fonctionnel et satisfaisant sur la grande majorité de sa superficie. De plus, il renforce efficacement la connectivité de l’ensemble des autres sites de nidification du littoral méditer-ranéen français.

Un renforcement de ce réseau pourrait être envisagé dans le département de l’Aude notamment. Peut-on renforcer les connections avec les sites internatio-naux ? Ce sera l’objet de l’atelier N°4, prévu la seconde journée de ce séminaire.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 35

Un second point considère le seuil de productivité de 0,6 poussin par couple jugé comme indispensable au maintien de la population. Est-il identique pour toutes les espèces  ? Non, puisque qu’il est estimé à 0,8 poussin par couple pour la Sterne naine. L’estimation de ces seuils provient de calculs développés dans les années 1990 à partir de modèles matriciels de population structurée en classe d’âge (Leslie) dans lesquels sont insérés des paramètres démogra-phiques (survie, fraction de la population reproductrice…) qui varient selon l’âge. Nous avons ainsi utilisé les paramètres démographiques des espèces les mieux connues (Mouette rieuse, Sterne caugek et Sterne pierregarin) et les avons aussi appliqués aux autres espèces pour lesquelles ils n’étaient pas connus dans la littérature scientifique. Il est certain qu’il serait intéressant de mettre à jour l’estimation de ces seuils suite au développement des études démographiques plus récentes, tant sur les espèces connues (affinement des paramètres au regard de l’amélioration des modèles démographiques) que sur celles jusqu’alors non étudiées.

DÉBAT SESSION 1

Le niveau des populations et leur maintien sont apparus comme des questions centrales discutées sous plusieurs angles.

La première concerne l’évaluation de la capacité d’accueil des sites et des res-sources trophiques. L’idée d’une capacité d’accueil conduirait à définir une population de référence à atteindre. Or ce niveau de population est difficile à définir et dépend beaucoup des périodes considérées. La Camargue était la localité de référence pour les laro-limicoles coloniaux en France méditer-ranéenne jusque dans les années 1990, mais à partir des années 2000 on y a observé un déclin de leurs effectifs au profit du Languedoc. La question est donc très délicate par le choix de la référence à la fois dans l’espace et dans le temps. Par ailleurs, une meilleure connaissance des ressources trophiques per-mettrait peut-être de mieux comprendre les variations de succès de la repro-duction. Cependant, de façon générale, la productivité en poussins des diffé-rentes espèces d’une même colonie est le plus souvent similaire alors que ces espèces présentent des modes d’alimentation différents. Aussi, il est probable que la mauvaise qualité des sites de nidification, point commun à l’ensemble des espèces d’une même colonie, masque les effets d’un possible problème lié aux ressources alimentaires.

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Un troisième aspect concerne les facteurs susceptibles d’expliquer les mo-destes succès reproducteurs. Tout d’abord, il faut prendre conscience que s’il représente un investissement conséquent, un suivi hebdomadaire n’offre qu’une vision très partielle de ce qui se passe sur les colonies, soit une heure d’observation au mieux tous les 7 jours ! Les causes d’échecs sont multiples et d’autant plus difficiles à identifier que les échecs sont le plus souvent ponctuels. Cependant, la prédation ou le dérangement peuvent parfois être relevés indi-rectement par l’observation de traces (empreintes de pas ou de pattes, restes de coquilles d’œufs) durant les passages à pied dans les colonies. De même, la présence d’œufs englués dans l’argile, qui ne peuvent alors pas éclore, indique l’impact de la pluie et souligne l’intérêt des rechargements en sables coquil-liers. A noter que ces indices ne peuvent pas être relevés à distance et que les passages à pied sont limités à la période d’incubation. Ensuite, nombre de fac-teurs peuvent avoir un impact en dehors des colonies. C’est le cas par exemple des facteurs météo comme les longues périodes de vent violent qui ont une incidence sur les oiseaux en alimentation, notamment pour les sternes pisci-vores, et qui s’ajoutent à l’impact des orages et leur capacité à noyer les nids au sol. L’impact des conditions climatiques est aussi à prendre en considération dans le contexte actuel de changement climatique. Enfin, la pollution et les maladies sont aussi des facteurs à ne pas négliger mais nécessitent le prélève-ment d’échantillons frais (cadavres, sang etc.), afin de permettre les analyses

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en laboratoire, et l’existence d’un réseau de spécialistes pouvant prendre en charge rapidement les échantillons. Dans le cas de mortalités importantes, des poussins morts ont déjà été prélevés et transmis au réseau SAGIR de l’ONCFS pour analyses bactériologiques notamment. Si des infections à Escherichia coli et Staphylocoques ont déjà pu ainsi être relevées, il est souvent difficile d’iden-tifier les sources de contamination. De même, la dose létale pour la faune sau-vage étant inconnue pour l’écrasante majorité de la multitude de produits déversés dans l’environnement, il est très rare de savoir si la contamination est responsable de la mortalité observée.

L’échange d’individus avec les populations des pays voisins reste mal connu. Il nécessite l’existence de programmes de marquage et d’observations des individus marqués à large échelle. Parmi les laro-limicoles coloniaux de Médi-terranée, seul le Goéland railleur fait l’objet d’un tel programme, un peu à la manière du flamant rose, qui a montré que des mouvements existent entre la France, l’Italie, l’Espagne et la Tunisie. La population française n’est donc pas isolée du reste de la population européenne. Une harmonisation des bases de données et la pression d’observation permettraient cependant d’améliorer les connaissances sur les distances de dispersion et peut-être de mieux com-prendre le comportement des oiseaux à la suite d’échecs de la reproduction.

Jusqu’où aller dans le soutien aux populations ? Faudra-t-il continuer à entrete-nir constamment des îlots sachant notamment que les politiques d’aides dans le cadre de Natura 2000 pourraient être limitées dans le temps ? Les îlots se dégradent par l’érosion. Les plus vieux îlots ont aujourd’hui 11 ans et sont tou-jours en bon état mais certains, plus exposés, ont déjà été restaurés. Les îlots ont donc une durée de vie limitée à, probablement, une vingtaine d’années pour les moins exposés. Il ne faut pas oublier non plus que la création d’îlots par des processus naturels n’est plus possible aujourd’hui. Par conséquent, la poursuite de ces actions apparaît comme indispensable pour le maintien de ces populations, elles mériteraient même d’être développées afin de renfor-cer le réseau vers l’Ouest, en particulier sur la partie audoise du littoral médi-terranéen où des projets sont en cours, et en Corse. Quant à la décision de poursuivre ou non cette politique d’aides, elle n’appartient sans doute pas aux gestionnaires mais aux décideurs.

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Maintenir ces actions profite aussi à d’autres espèces comme les huîtriers pie, les gravelots à collier interrompu, les canards, les chevaliers gambettes, même si cette information reste anecdotique en l’absence de suivi de ces espèces. On a même observé à plusieurs reprises l’occupation des îlots aménagés par les flamants qui ont alors empêché l’installation des laro-limicoles.

Globalement, les sites aménagés ne concentrent pas les laro-limicoles sur quelques localités en vidant les autres. Au contraire, l’idée forte de la constitu-tion de ce réseau de sites est de permettre une répartition des effectifs dans l’espace et d’offrir aux espèces la possibilité de trouver ailleurs des conditions meilleures si localement elles rencontrent un problème. Dans ce contexte, le développement parallèle d’un réseau de gestionnaires est particulièrement important. Il doit tendre à considérer la gestion des espaces naturels non pas indépendamment les uns des autres mais de façon concertée à une échelle plus large. Pourquoi ne pas demain envisager des plans de gestion inter-sites ? On se rapproche là de la philosophie du réseau de sites Natura 2000 où les ac-tions sont réfléchies à large échelle et à l’intérieur duquel des actions comme celles du projet Life+ ENVOLL mériteraient d’être poursuivies sur le long terme.

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Panneaux d’information sternes naines : de gauche à droite : Grand Port Maritime de Marseille, LPO Aude, SIEL. © C. Pin / AMV ; C. Lauzier / PNRNM ; SIEL

SESSION 2 - DÉRANGEMENT, SENSIBILISATION ET ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

Animateurs : Sandrine Lafont (Syndicat mixte des étangs littoraux) & Gaël Hemery (PNR de Camargue)

LES ACTIONS DE PROTECTION DES COLONIES

Christophe Pin (Amis des Marais du Vigueirat)

Le principe de ces actions est d’installer un dispositif destiné à signaliser, réduire voire rendre difficile l’accès aux colonies ayant une forte probabilité d’échec de la reproduction en raison de leur forte accessibilité aux prédateurs terrestres ou au dérangement. Les sites concernés sont le plus souvent non protégés et les dispositifs y sont implantés temporairement et le plus souvent après l’installation des colonies.

L’espèce la plus concernée par ces actions est la Sterne naine, seule espèce par-mi les laro-limicoles coloniaux à nicher sur les plages. Dans leurs colonies de quelques couples à plusieurs centaines d’oiseaux, les nids sont très dispersés pour sans doute réduire l’impact de la prédation. Les premières pontes sont observées à partir de la mi-mai avec un pic d’installation au cours de la pre-mière quinzaine de juin, soit au moment du développement de la saison tou-ristique. Les sites colonisés varient beaucoup d’une année à l’autre et sont par conséquent imprévisibles. Les actions de protection ont commencé en 2001 et, jusqu’en 2017, elles ont concerné 59 colonies représentant 3264 couples (16 colonies et 269 couples durant le projet Life+ ENVOLL).

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Filet nylon. © C. Lauzier / PNRNM

D’autres mesures accompagnent parfois ces opérations comme le gardien-nage ou les actions de sensibilisation du grand public. Enfin, des mesures ré-glementaires ont pu être mises en place : arrêté municipal (plage des chalets à Gruissan) ou arrêté préfectoral de protection de biotope (plage de Beauduc à Arles, plage de Canet).

Sur les plages, l’action la plus rudimentaire est la simple pose de panneaux d’information. Plus élaborée, la pose de filets plastique ou nylon d’un mètre de hauteur ceinture partiellement (ouvert) ou totalement (fermé) la colonie. Ce matériel léger est facile à transporter et signalise le périmètre de protec-tion. Il fait cependant peu obstacle à la pénétration. Les ganivelles et les clô-tures grillagées, ouvertes ou fermées, ont aussi été utilisées et présentent l’avantage d’être plus hautes (1,50 m) et plus difficilement pénétrables. Leur installation nécessite cependant une logistique plus lourde, tarière pour enfoncer les piquets et véhicule, le plus souvent 4X4, pour le transport du matériel. L’installation de ces filets et clôtures est réalisée aussi rapidement que possible et nécessite beaucoup de personnel pour minimiser le temps de dérangement sur les colonies.

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De gauche à droite : filet plastique et clôture grillagée. © R. Jullian / CEN L-R ; C. Pin / AMV

Un grand nombre de structures a mis en œuvre ces actions sur les plages du lit-toral : le Groupe Ornithologique du Roussillon et le syndicat mixte Rivage dans les Pyrénées orientales, la LPO Aude et le PNR de la Narbonnaise en Méditerra-née avec l’aide d’Aude Nature et Rivage dans l’Aude, le CEN L-R avec le Syndicat Mixte des Étangs littoraux dans l’Hérault et les Amis des Marais du Vigueirat avec le PNR de Camargue et le Grand Port Maritime de Marseille en Camargue.

Le suivi de la reproduction des colonies installées sur les plages entre 2001 et 2017 a permis de mesurer l’efficacité de ces dispositifs. La productivité est infé-rieure à 0,1 poussin par couple en moyenne pour les colonies sans aucun dis-positif ou pour celles équipées uniquement de panneaux d’information, ce qui démontre le peu d’utilité de ces derniers quand ils sont utilisés sans les autres dispositifs. 0,2 à 0,5 poussins par couple sont produits en moyenne pour les co-lonies équipées de filets, ouverts ou fermés, ou de clôtures ouvertes. L’installa-tion de clôtures grillagées fermées montre une efficacité nettement supérieure avec une production de près de 1,2 poussins par couple (Fig. 1). L’analyse des données sur la période 2011-2017, période durant laquelle les méthodes de sui-vi et d’estimation de la productivité en poussin sont identiques pour toutes les colonies, révèle des résultats comparables. Seul le succès de reproduction des colonies équipées de filets, ouverts ou fermés, égal à 0,2 poussin par couple apparaît nettement inférieur.

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Figure 1 : Efficacité des diverses mesures de protection des colonies sur le succès reproducteur moyen de la Sterne naine sur les plages entre 2001 et 2017. Les chiffres en haut des colonnes indiquent les nombres de colonies et de couples concernés.

Ces résultats illustrent l’importance du contrôle de l’accès aux colonies dans l’efficacité de ces dispositifs. L’intérêt des clôtures grillagées est sans doute renforcé par leur capacité à réduire aussi la pénétration, dans les colonies, des prédateurs terrestres, notamment les chiens en liberté souvent très pré-sents sur les plages. Ainsi, près de 9 colonies sur 10 montrent un échec total de la reproduction quand l’accès est total (aucun dispositif ou uniquement des panneaux d’information) contre 3 colonies sur 10 pour un accès fermé par des clôtures grillagées.

Le gardiennage et la sensibilisation, effectués auprès des sites protégés par des filets, ne révèlent aucune différence dans les succès reproducteurs sans doute du fait que ces actions ne sont pas le plus souvent mises en place de façon continue.

Pour conclure, les protections des colonies de sternes naines sur les plages sont d’autant plus efficaces qu’elles sont fortes. Néanmoins, elles sont coû-teuses en temps et en personnel, nécessitent un matériel spécifique et

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demandent beaucoup de réactivité pour intervenir rapidement au bon en-droit, au bon moment. On peut contourner partiellement ces difficultés en intervenant avant l’arrivée des oiseaux y compris par la pose de clôtures per-manentes, mais la stratégie est risquée face à ces espèces nomades et impré-visibles. Elle mériterait tout de même d’être testée sur certains sites.

Il apparaît que la stratégie la plus efficace pour la protection des colonies de Sterne naine sur les plages consisterait en l’installation, temporaire ou permanente, de clôtures grillagées, associées à un gardiennage/sensibilisa-tion continu, du lever au coucher du soleil et en l’application d’une mesure réglementaire comme un arrêté municipal. Une autre stratégie certainement moins coûteuse mais politiquement plus difficile consisterait à partitionner l’espace en réservant des secteurs de plage aux activités humaines et d’autres pour les actions de conservation de la biodiversité. Une telle initiative est en cours sur les plages de Beauduc.

Sur le moyen terme, ces stratégies doivent être réfléchies au regard d’un fi-nancement dédié sans lequel elles ne peuvent être opérationnelles et, à plus long terme, dans le contexte de montée du niveau marin.

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5 - AREpb, Aude Nature, CEN Corse, CPIE Bassin de Thau et ses membres (LPO Héraut, ADENA, Ardam), CPIE Rhône-Pays-d’Arles, Écoute ta planète, Labelbleu, LPO Aude, LPO PACA.

LES CAMPAGNES D’ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT : MISE EN ŒUVRE ET BILAN

Isabelle Lépeule (Réseau École et Nature)

La mise en œuvre d’un programme d’éducation à l’environnement fait suite au constat de la méconnaissance par le public des laro-limicoles, de la notion de dérangement et des enjeux pour la survie de leurs populations. Son objectif vise à sensibiliser un large public et les usagers du territoire à l’identification de ces espèces, à leurs particularités, à leur mode de vie et aux impacts des acti-vités humaines, notamment le dérangement, afin de les inciter à des pratiques plus respectueuses.

Le projet a été coordonné par Juliane Huber (REN) sur les trois régions avec l’appui des GRAINE (PACA, Occitanie) et de l’Office de l’environnement Corse, et avec l’implication de 11 structures5. Il s’est attaché à développer la collabora-tion entre les gestionnaires et les éducateurs à l’environnement. Il est rare que le milieu de la protection de la nature travaille de manière aussi étroite avec celui de l’éducation à l’environnement. Et cette collaboration a été particuliè-rement fructueuse.

La première phase du projet a consisté à dresser un état des lieux des publics concernés, des besoins, des ressources éducatives et des potentiels éducatifs des sites. Ce travail a conduit à l’élaboration de divers outils pédagogiques de sensibilisation : fascicule à l’usage des enfants (carnet de voyage), dépliant pour les adultes, plaquette d’identification des espèces, jeux (memory, quizz, jeu de l’oie et de magnets…), œufs en bois et sacs à toucher, figurines etc. Ces outils composent la « Laro-mobile », carriole tirée par les animateurs pour aller au contact des usagers sur le terrain, technique dite de « maraudage » pour aborder un public non captif. Un sac à dos pédagogique a aussi été prévu pour des conditions de roulage plus difficiles. Enfin, un guide d’animation pour les éducateurs a aussi été conçu pour construire les messages de sensibilisation et exposer le potentiel pédagogique de la Laro-mobile.

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Un protocole d’évaluation des actions de sensibilisation a été élaboré au sein d’un groupe de travail associant une chercheuse en science de l’éducation, les gestionnaires et les éducateurs. Il s’appuie sur les avis du public (impact de la sensibilisation) et des éducateurs qui remplissent un questionnaire pour chaque animation permettant de dresser une typologie du public, du contexte de sa présence, de son degré de curiosité et d’appréhension de ses impacts…

Enfin, deux jours de formation ont facilité l’appropriation des outils et du protocole d’évaluation par les éducateurs, et ont per-mis l’acquisition de compétences sur les techniques de maraudage. Des réunions régionales et interrégionales réunissant l’ensemble des participants aux actions de sensibilisation ont permis annuellement de faire le point sur les actions mises en œuvre et de discuter des améliorations à apporter.

Outils pédagogiques conçus lors du projet Life+ ENVOLL. © X Aloujes / SIEL

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Formation aux outils pédagogiques (2015 Marais du Vigueirat et 2016 Aresquiers) © C. Pin / AMV ; J. Huber / REN

Trois campagnes de sensibilisation ont été menées de 2015 à 2017 sur 16 sites de Leucate à Fos-sur-Mer, incluant les territoires de la narbonnaise, de l’étang de Thau, des étangs palavasiens et de Camargue, et sur 6 sites de la plaine orientale de la Corse. Un total de près de 22000 personnes a été sensibilisé dont près de 8000 durant des actions, hors projet LIFE, utilisant le matériel pé-dagogique du projet. 6000 carnets de voyages et 1000 dépliants pour adultes ont ainsi été distribués tandis que divers articles sur ces campagnes ont été publiés dans la presse locale.

L’évaluation des campagnes révèle que 85% des personnes sensibilisées montrent de la curiosité pour les laro-limicoles, 70% peuvent expliquer un type de dérange-ment et 60% expriment la volonté de faire attention. Il est clair que les campagnes ont apporté une meilleure connaissance, notamment aux habitants permanents, de la diversité des espèces et des problématiques de dérangement. Enfin, 80% des agents d’animation gardent une très bonne impression du dispositif et expriment leur envie de continuer à l’utiliser à l’avenir. Les changements effectifs de compor-tements du public restent néanmoins difficiles à évaluer.

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L’avenir va consister à rechercher comment poursuivre le projet et avec quels financements. Plusieurs pistes sont déjà mentionnées  : en insérant un certain nombre d’actions dans les programmes de travail en cours ou déjà financés, notamment dans la continuité des actions de sensibilisation des gestionnaires ou lors des évènements dédiés à la nature comme les journées mondiales, et en développant ces actions en direction des scolaires ou de projets périscolaires.

LA MÉTÉO DES OISEAUX : UN OUTIL DE SENSIBILISATION DES USAGERS DU LITTORAL

Christophe Lauzier & Kattalin Fortuné-Sans (PNR de la Narbonnaise en Méditerranée)

En plus des activités balnéaires, les sports de pleine nature et plus particuliè-rement les sports de glisse ont été identifiés par les gestionnaires d’espaces naturels durant le projet Life+ ENVOLL comme l’une des premières sources de dérangement des colonies sur le littoral. Le projet s’est donc attaché à déve-lopper des actions pour réduire l’impact de cette activité.

De la rencontre avec Michael Gas, amateur de sports de glisse, il est apparu que ces pratiquants expriment une forte sensibilité aux questions de protection de la nature mais ont une méconnaissance des enjeux environnementaux et des impacts potentiels de leur activité. Le croisement de ces deux approches va faire naître l’idée de construire un outil permettant de diffuser, auprès de ces publics, une information sur la sensibilité des spots de glisse afin de leur permettre d’adapter leur pratique en conséquence.

Campagne de sensibilisation : sac à dos pédagogique (Port-St-Louis-du-Rhône) et laro-mobile (Villeneuve-lès-Maguelone). © GRAINE PACA ; M. Couronne / CEN L-R

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Figure 1 : Page d’accueil Facebook de la « Météo des Oiseaux «

L’idée de la Météo des oiseaux, créée en 2016 sur le territoire du PNR de la Nar-bonnaise en Méditerranée, est de responsabiliser les usagers par un porter à connaissance, afin qu’ils puissent eux-mêmes décider d’adapter leur pratique/comportement. Son originalité est de communiquer une carte indiquant en quasi-temps réel la sensibilité des sites de pratique sportive pour les laro-limi-coles coloniaux ; la sensibilité est alors déterminée selon la présence/absence de colonies, information issue des données de suivi des effectifs reproducteurs mises à jour de façon hebdomadaire. Les pictogrammes attachés à chaque site changent alors de couleur en fonction de l’installation ou de l’abandon de co-lonies : bleu (sensibilité faible, hors période de nidification), jaune (les oiseaux sont arrivés et cherchent à s’installer, soyez vigilant), rouge (forte sensibilité, présence de colonie à proximité, ne vous approchez pas des regroupements d’oiseaux).

Le réseau social Facebook a été choisi comme le vecteur de diffusion en raison de sa forte utilisation par les pratiquants de sports de glisse comme le grand public (Fig. 1).

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Dès 2016, la page Facebook de la Météo des oiseaux est alimentée de façon heb-domadaire par les cartes éditées par le PNRNM suite à ses échanges avec la LPO Aude et Aude Nature, en charge des suivis sur son territoire, et par un message de sensibilisation coécrit par le PNR et Michael Gas. Ce dernier en assure la pro-motion dans le réseau des pratiquants. Les utilisateurs ont la possibilité de zoo-mer sur le site de pratique qui les intéresse pour en connaître la sensibilité.

Le succès de ce pilote est au rendez-vous avec 300 followers, des publications affichées près de 5000 fois et des films visionnés plus de 1000 fois.

À partir de 2017, le projet s’étend à l’ensemble de la façade méditerranéenne fran-çaise. Pour l’insertion de chaque pictogramme, l’ensemble du littoral est subdivisé en secteurs par les Amis des Marais du Vigueirat et le CEN Languedoc-Roussillon. Ce dernier développe aussi les outils informatiques permettant automatiquement de générer les cartes hebdomadaires à partir des données de suivis et le change-ment de couleur des pictogrammes selon la présence ou non de colonies (Fig. 2).

Figure 2 : Cartographie de la Météo des oiseaux du 18 mai et 15 juin 2018 à l’échelle de l’ensemble du littoral.

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Par ailleurs, les AMV poursuivent l’animation de la page et Michael sa promotion. L’outil est en pleine expansion avec, à la fin du printemps 2018, un nombre de fol-lowers multiplié par trois et des publications affichées plus de 10 000 fois.

La Météo des oiseaux apparaît comme un outil innovant basé sur la responsabili-sation des usagers. Sa fragilité tient à sa dépendance vis-à-vis des suivis ornitholo-giques sur le terrain et à leur pérennité. Elle nécessite aussi une animation et une promotion dans les réseaux qui pourrait être élargie à l’ensemble des usagers du littoral. Enfin, à terme, il serait aussi souhaitable d’évaluer son impact réel sur les changements de comportement des pratiquants de sports de glisse à l’égard des colonies, dans l’espace comme dans le temps.

DÉRANGEMENT ET POLICE DE L’ENVIRONNEMENT

Ludovic Foulc (CEN L-R)

La police de l’environnement est complémentaire des autres outils de protec-tion des laro-limicoles coloniaux. Elle s’adresse à la petite fraction des usagers particulièrement hermétique au message de sensibilisation. Elle est aussi né-cessaire au regard de l’impact possible d’un seul individu sur l’abandon d’une colonie par un dérangement répété ou de longue durée.

Selon sa nature, qu’il s’agisse d’un piéton, d’un chien ou d’un aéronef par exemple, et son mode opératoire, le dérangement peut être qualifié comme une infraction à différents titres. Au titre du code de l’environnement, le dé-rangement intentionnel d’une espèce animale non domestique protégée et la divagation de chien susceptible d’entraîner la destruction d’oiseaux sont considérés comme des infractions (de catégorie 4) et peuvent faire l’objet d’une amende. Il devient un délit (amende et peine de prison) quand il est ac-compagné de la destruction ou l’enlèvement d’œuf ou de nid, la mutilation ou la capture d’espèce protégée non domestique ou de l’altération ou la dégrada-tion de son milieu de vie. Au titre du code rural, la divagation de chien est aussi une infraction. Le code de l’aviation civile réglemente quant à lui les survols et les punit, quand ils sont pratiqués en dessous de 150 m, par des poursuites administratives (suspension du permis) ou pénale. Ce panel d’outils juridiques

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peut être utilisé sur l’ensemble du territoire par les agents qui ont des pouvoirs de police de l’environnement : gendarmes, gardes assermentés du littoral, de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, policiers municipaux etc. Les infractions comprennent aussi le non-respect des réglementations locales plus restrictives comme les arrêtés municipaux et préfectoraux (délimitation de zones interdites d’accès au public ou aux chiens, navigation sur les plans d’eau, pêche maritime de loisir, hauteur de vol…) ou celles propres aux espaces protégés (arrêtés de protection de biotope). Ces arrêtés permettent de fonder l’acte de verbalisation.

Plusieurs constats ont été faits durant le projet Life+ ENVOLL :

• La réglementation est très mal connue du public. C’est pourquoi le travail des gardes assermentés, par exemple, consiste avant tout à sensibiliser, communiquer et éduquer, les sanctions ne s’adressant le plus souvent qu’aux personnes faisant l’objet d’interpellations répétées.

• La connaissance des enjeux/impacts du dérangement et de la régle-mentation qui lui est propre n’est pas uniformément partagée ou appli-quée par les différents corps de police. Il y a nécessité à partager et faire connaître l’information en favorisant le travail en réseau par les échanges avec les gestionnaires, les mieux à même d’expliquer les problématiques rencontrées sur le terrain et les enjeux écologiques, voire en organisant des opérations de police communes. De même, la sensibilisation des Par-quets (procureurs, juges, officiers du ministère public) apparaît nécessaire pour les inciter à poursuivre les procédures en considérant la valeur de ces espèces et la nature des impacts, tant il est vrai que ces infractions peuvent apparaître anodines au regard de bon nombre d’infractions de droit commun.

• Les infractions sont parfois difficiles à caractériser. Il en est ainsi, par exemple, de la démonstration de l’intentionnalité du dérangement ou de la mesure de la distance entre le chien et son maître pour caractériser la divagation. La mise en place d’un panneautage de la réglementation et de la délimitation claire des périmètres de protection permettent de renfor-cer l’applicabilité de la loi. Il en est de même de la mise en place d’une ré-glementation spécifique, comme les arrêtés municipaux, qui fait souvent défaut sur les sites à enjeux.

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Dans le cadre du projet, plusieurs actions ont été menées. Une analyse des textes de loi et de leur applicabilité a été facilitée par la participation à une rencontre entre les gardes du littoral et le procureur de la république du tri-bunal de grande instance de Tarascon sur le thème des dérangements. Une réflexion sur des mesures de réparation pénale (travaux d’intérêt général), en remplacement d’une politique de contravention, a aussi été discutée. Un inventaire de la réglementation existante sur les sites à enjeux du littoral mé-diterranéen a ensuite été dressé tandis qu’un arrêté municipal et un arrêté préfectoral types, qui encadrent les usages et qualifient le dérangement, ont été rédigés. Ces informations permettront de compléter une plaquette, en cours de finalisation, destinée à porter à connaissance la problématique du dérangement et de ses enjeux dans les espaces naturels et à promouvoir les outils pour renforcer l’applicabilité des textes de loi. Cette plaquette d’infor-mation sera diffusée à l’ensemble des corps ayant pouvoir de police (Direc-tion Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, Direction Départementale des Territoires et de la Mer, préfectures, tribunaux de Grande Instance), au Conservatoire du littoral, en tant que propriétaire de nombreux terrains, et aux structures animatrices Natura 2000 mais aussi aux communes et gendarmeries qui présentent des sites à enjeux pour les laro-limicoles sans réglementation adaptée.

Exemple de dérangement : ici survol d’un avion (salin de Villeroy). © O. Scher / CEN L-R

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DÉBAT SESSION 2

Sensibilisation et éducation à l’environnement

N. Lamande (DREAL Occitanie) - Avez-vous prévu une mise à disposition et une valorisation des outils d’éducation et de sensibilisation élaborés auprès du mi-lieu scolaire et des animateurs des sites Natura 2000 ?

I. Lepeule (Réseau École et Nature) - L’idée effectivement est d’élargir le discours à de nouveaux publics. Il existe 7 exemplaires de la « Laro-mobile » pour les 3 régions méditerranéennes françaises, dont un qui est géré par le GRAINE Occi-tanie. Il faut voir avec ces partenaires s’il y a le besoin et les financements.

R. Rolland - La campagne d’éducation à l’environnement est très intéressante mais elle semble difficile à évaluer en termes d’efficacité. Je la résumerai en disant : « On est condamné à faire de l’éducation à l’environnement sans savoir si cela sert ». C’est un peu une provocation et en même temps une sensation d’usager de la nature. Certes il y a 80 % d’avis positifs mais 20% de gens sont moins positifs. C’est beaucoup car on sait qu’une seule personne suffit à provo-quer un dérangement qui peut conduire à l’échec de la reproduction. Il reste un déni de la protection de la nature et une part de la population encore non négligeable, n’hésite pas à jeter ses déchets n’importe où. Certains, c’est pé-nible à dire, agissent même ostensiblement face à la protection de la nature.

I. Lepeule (Réseau École et Nature) - Je serai plus optimiste sur le besoin de re-trouver le contact avec la nature. Ce qui se perd c’est la connaissance et pour cela il faut se retourner vers l’éducation scolaire. Il faut diffuser davantage d’in-formation dans de nombreux médias et par d’autres créneaux.

J.L. Lucchesi (Amis des Marais du Vigueirat) - Une approche en amont de la ver-balisation induite par la pression touristique consiste à contacter les gens avant leur arrivée sur les plages. Cela a été fait sur les aires d’autoroutes avec l’aide de Vinci pendant trois ans. On dispose d’espaces propices, les gens sont dispo-nibles et les financeurs tels que Vinci sont prêts à soutenir ce genre d’action. Sur l’éducation nationale, il faut développer le travail avec les rectorats pour valider les outils pédagogiques et les mettre à la disposition des enseignants et prévoir des temps de formation à ces outils dans le cadre des formations de l’Agence française pour la biodiversité, avec aussi les DREAL et les sites Natura 2000. Cela permettrait d’élargir l’impact de ces actions tant à l’échelle de terri-toire plus vaste que des populations concernées.

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E. Launay (GRAINE Occitanie) - En matière d’éducation à l’environnement, nous sommes dans un paradoxe perpétuel. Nous avons des comptes à rendre, et c’est normal s’agissant d’utiliser de l’argent public, mais nous devons nous inscrire dans un temps long car nous effectuons de la sensibilisation à l’envi-ronnement. Idéalement, il faudrait pouvoir suivre des cohortes de gens sur plusieurs années et essayer d’imaginer la manière de les suivre pour voir si les programmes de sensibilisation ont une utilité. Mais l’éducation à l’envi-ronnement est généralement le parent pauvre et les projets passent d’autant plus vite à la trappe qu’ils ne peuvent, en matière de sensibilisation, faire la preuve de leurs résultats. Cela ne doit pas nous enlever le minimum d’ambi-tion indispensable pour progresser dans ce domaine. Il faut davantage faire sortir le jeune public pour le raccrocher à la nature par la dimension sensible. Il faut recréer du plaisir au contact de la nature, engendrer un attachement aux espaces naturels pour donner envie de les protéger. Cela nécessite du temps et beaucoup d’investissement pour que les associations travaillent dans la du-rée avec les enseignants, les sportifs, les pêcheurs, les agriculteurs et tous les acteurs du territoire afin de créer un lien affectif et donner aux jeunes un sens à l’espace qu’ils habitent.

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - Notre siècle est passé d’une popu-lation essentiellement rurale à une population profondément urbaine qui a perdu ses repères à l’égard de la nature et de son fonctionnement. La nature est devenue une aire de jeu, de sport… La question du dérangement est tota-lement étrangère à ce public qui montre des comportements totalement ina-daptés, comme par exemple pique-niquer sur une grosse colonie de sternes sans percevoir le problème des oiseaux qui volent et crient au-dessus d’eux. Ce rapport à la nature n’est pas ou plus enseigné à l’école et l’éducation à l’envi-ronnement apparaît à ce titre essentiel. Changer les mentalités apparaît très compliqué et les enfants devraient sans doute être la cible principale de ces actions.

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Photo : Formation aux outils pédagogiques © C. Pin / AMV

L’outil Météo des Oiseaux

G. Hémery (PNR de Camargue) - Une question sur la Météo des Oiseaux. Ce pro-jet reste-t-il porté par un privé ou d’autres ont-ils pris le relai comme la fédé-ration de kitesurf ? Il nous a été difficile d’associer la fédération de kitesurf sur Beauduc.

C. Lauzier (PNR de la Narbonnaise en Méditerranée) - Actuellement, les fédéra-tions de sports de glisse ne sont pas impliquées directement. Elles sont pro-gressivement sollicitées. Un travail est à faire aussi localement avec les clubs qui feront le relai. L’outil est encore très jeune et on avance progressivement à condition qu’il perdure.

C. Pin (Amis des Marais du Vigueirat) - Il serait intéressant de développer des formations sur les laro-limicoles dans les fédérations de sports de glisse pour toucher les pratiquants fédérés et, pour les pratiquants libres, la Météo des Oiseaux semble être le bon outil.

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Police de l’environnement

N. Lamande (DREAL Occitanie) - Y-a-t-il eu des problèmes avec les drônes et quels sont les moyens de police dans ce cas ?

L. Foulc (CEN L-R) - La réglementation reste encore particulière et compliquée. Sur le site des Salines de Villeneuve, je n’ai pas rencontré de problèmes de dérangement de colonies de laro-limicoles liés à des drônes, mais il pour-rait y en avoir. On a un vide juridique avec certains sites de nidification sur lesquels ces survols sont autorisés et l’objectif est d’y mettre en place une réglementation (arrêtés municipaux ou préfectoraux) puisque le maire peut réglementer le survol des drônes par arrêté municipal.

S. Lafont (SIEL) - Ce problème est récurent à l’échelle des sites Natura 2000. Aujourd’hui, on peut actuellement le réglementer sur des arrêtés préfecto-raux de protection de biotope mais il faut l’envisager plus largement et se poser la question à l’avenir.

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - Le modèle de partition de l’espace mis en place par le Parc naturel régional de Camargue sur le site de Beauduc pour des activités différentes est-il transférable à d’autres sites, en Occitanie par exemple ? Quels retours d’expériences sur cette opération ?

G. Hémery (PNR de Camargue) - Sur Beauduc, la partition s’est faite, grâce à un travail de concertation avec les usagers de la plage, en trois secteurs : voile, plaisance/pêche, protection faune/flore. L’étendue des plages de Beauduc facilite grandement la mise en place de cette partition, chaque activité pou-vant disposer d’un espace suffisant. Le changement de propriété foncière (vente des terrains des salins du midi au Conservatoire du littoral) a été aussi une opportunité pour remettre à plat la question des usages. Le résultat a été une très forte réduction de la fréquentation par les véhicules. Malgré ce contexte favorable et spécifique, nous avons dû prendre en compte 40 ans d’histoire et ne pas vouloir avancer trop vite dans l’application de la régle-mentation (en constatant parfois plus de 130 infractions par jour !) mais plu-tôt avancer par phase. Il n’est pas sûr qu’on puisse partitionner l’espace par-tout. C’est peut être envisageable ici ou là.

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R. Rolland - Sur la police de l’environnement et la protection des espèces et de leurs habitats, il n’est pas nécessaire de spatialiser les enjeux pour constater une infraction. On peut sanctionner sans forcément qu’il y ait un périmètre de protection. On manque surtout de moyens pour la police de la nature et notamment recueillir des flagrants délits qui sont compliqués à établir. En outre, on communique davantage sur une police de la nature conciliante, dis-tribuant des avertissements, mais ne dressant jamais des procès-verbaux en bonne et due forme.

L. Foulc (CEN L-R) - Sur la verbalisation, les agents peuvent se référer à une réglementation nationale (code de l’environnement ou autre) pour verbaliser destruction, dérangement, atteintes aux espèces mais il est bien plus facile pour eux de constater un défaut de respect à une réglementation locale et spatialisée (interdiction de fréquentation d’une plage par des chiens, ferme-ture d’un sentier au public) surtout quand elle est affichée.

B. Recorbet (DREAL Corse) - En Corse, la diversité des habitats est grande mais les espaces sont très confinés, de petite superficie, ce qui accroît souvent la pression sur les sites, en particulier sur les plages. Les risques de dérangement sont plus élevés et la précarité de la reproduction plus grande. Qu’en est-il de la circulation des véhicules à moteur du point de vue de la réglementation ?

L. Foulc (CEN L-R) - La circulation des véhicules terrestres à moteur en espace naturel est une infraction réglementée par la loi 4 x 4 de 1991. Elle concerne les voitures, 4x4, quads, motos qui circuleraient sur les espaces naturels, en dehors des chemins ouverts à la circulation autorisée ou sans autorisation. La réglementation doit être le complément d’une information par les panneaux et la sensibilisation. Une action importante a été menée par exemple sur une plage de la narbonnaise pour faire reculer le stationnement des plages vers un parking et développer de la surveillance sur les accès.

C. Lauzier (PNR de la Narbonnaise en Méditerranée) - Beaucoup d’éléments ont été nécessaires pour en arriver à ce résultat sur la plage de la Vieille Nouvelle (commune de Port-la-Nouvelle)  : un classement en réserve naturelle régio-nale, l’aménagement et l’agrandissement portuaire qui empêchaient de conserver l’accès existant à cette plage (d’où une révision de la circulation) et beaucoup d’autres conditions qui n’entraient pas directement dans l’objectif de limiter l’accès à cette plage.

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LES FILMS DU PROJET LIFE+ ENVOLL

Les 4 films réalisés dans le cadre du projet Life+ ENVOLL ont été visionnés lors de cette première journée de séminaire.

L’ensemble de ces films a été réalisé par Antoine Auricoste et Evelyne Guibert d’Océanides Production.

REGARD SUR LES LARO-LIMICOLES COLONIAUX (10’50)

Ce film, réalisé en début de projet, a pour objectif de présenter le projet Life+ ENVOLL dans son ensemble : présentation des laro-limicoles coloniaux, les pro-blématiques de conservation, les objectifs et les résultats attendus.Liens : http://www.life-envoll.eu/ ; https://youtu.be/UPIJe5NVmpA

DE SABLE ET DE PLUMES (4’42)

Ce petit film de sensibilisation explique ce qu’est un dérangement, son impact sur les oiseaux du littoral pendant la période de reproduction et les gestes simples que nous pouvons faire pour l’éviter ou le réduire. Ce film a été utilisé comme outil de sensibilisation dans le cadre des campagnes d’éducation à l’en-vironnement et va être proposé dans les offices de tourisme équipés d’écran à l’usage du public.Liens : http://www.life-envoll.eu/ ; https://youtu.be/ZTr893XY_Sc

DES ÎLOTS ET DES RADEAUX (12’46)

Comment créer ou restaurer des sites de nidification (îlots et radeaux flottants) pour les laro-limicoles coloniaux sur la façade méditerranéenne française  ? C’est ce qu’illustre ce film, construit comme un outil qui sera intégré dans le module de formation à destination des gestionnaires d’espaces naturels qui sera proposé dans le catalogue de l’Agence Française pour la Biodiversité.Liens : http://www.life-envoll.eu/ ; https://youtu.be/5RnhIn-OjQo

PAROLES PARTAGÉES AUTOUR D’UN PROJET EUROPÉEN, LE PROJET LIFE+ ENVOLL (20’52)

Au travers de ce dernier film, le projet Life+ ENVOLL fait le bilan de ses 5 ans et demi de mise en œuvre, en donnant la parole à une diversité d’acteurs qui s’expriment librement sur l’apport d’un tel projet européen sur les territoires et les résultats obtenus.Liens : http://www.life-envoll.eu/ ; https://youtu.be/JizfOBilbTw

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UN OSTRÉICULTEUR, PARTENAIRE ORIGINAL DU PROJET

Christophe Guinot, ostréiculteur de l’étang de Salses-Leucate (Aude), a été récompensé en 2017 par le prix pôle-relais lagunes méditerranéennes pour son ini-tiative conjointe avec le Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée, consistant à valoriser ses déchets d’exploitation de coquilles d’huîtres dans un objectif de conservation : favoriser la nidification

des laro-limicoles coloniaux, qui se reproduisent au sol sur des îlots peu ou pas végétalisés, et qui affectionnent tout particulièrement ce type de substrat pour construire leur nid.

Aussi, après avoir été concassées, les coquilles d’huîtres de son exploitation os-tréicole recouvrent désormais les trois îlots créés en 2016 dans les anciens salins de Sigean pour la reproduction des laro-limicoles coloniaux.

C’est dans ce contexte que M. Guinot et son épouse ont effectué spécialement le déplacement pour nous offrir une dégustation d’huîtres et de moules crues assaisonnées pour l’apéritif.

J’ai bien failli rater un joli moment de gastronomie, elles sont délicieuses ces huîtres et les moules crues au vinaigre sont une belle découverte.

« D’où viennent-elles ? » - L’ostréiculteur me taquine : « À vous de trouver avant de goûter » Sûr de moi j’avance : « étang de Thau ». J’ose même : « Bouzigues ou marseillan  ».  «  Non… plus à l’Ouest  ». Sans y croire je lâche  :  «  Leucate  ? »  « Gagné ! ».

Conversation entendue lors de la dégustation : Des huîtres en dégustation lors d’une pause ? Belle surprise.

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Journée 2 : ateliers de travail et sorties sur le terrain

Année Nombre de couples

2015 47

2016 62

2017 39

2018 50

Lors de cette deuxième journée de séminaire, quatre ateliers de travail se sont déroulés sur deux sites, sur lesquels une visite de terrain a ensuite été organisée.

DES SORTIES SUR LE TERRAIN

Marais du Vigueirat

Site naturel protégé de 1 200 hectares à la jonction de deux écosystèmes re-marquables, le delta du Rhône et la plaine steppique de la Crau, les Marais du Vigueirat constituent l’une des propriétés du Conservatoire du littoral les plus remarquables du point de vue biodiversité et notamment par sa richesse avifaunistique.

Afin d’améliorer la conservation des laro-limicoles coloniaux sur le site, en par-ticulier celle de la Sterne pierregarin (10 % de la population camarguaise), un radeau flottant de 72 m² a été construit et installé début 2015 sur un étang si-tué au cœur de la réserve nationale. Cette structure flottante de grande dimen-sion vient compléter deux petits radeaux de 18 m², installés avant le début du Life, et vise à attirer d’autres espèces comme la Mouette rieuse. Les Marais du Vigueirat abritent également un îlot de nidification entretenu annuellement pour favoriser l’accueil de ces espèces (mouettes rieuse et mélanocéphale, Sterne naine, Sterne pierregarin et Avocette élégante).

Population reproductrice de Sterne pierregarin sur le site depuis la création du radeau

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Salin de Salin-de-Giraud

Le Groupe Salins est propriétaire et gestionnaire du salin de Giraud sur une superficie de près de 7 300 ha. La principale activité du site est la production de sel de déneigement. Son fonctionnement hydraulique, avec une mise en eau printanière et une forte gamme de salinité, correspond tout à fait aux exi-gences des laro-limicoles coloniaux pour la reproduction et l’alimentation.

Très présentes jusqu’au tout début des années 2000, ces espèces ont forte-ment diminué suite à l’érosion des sites de reproduction ou à leur colonisation par le Goéland leucophée. Le projet Life+ ENVOLL a permis la création et la restauration de sept îlots permettant d’augmenter la superficie d’accueil de ces oiseaux sur le site et de retrouver des effectifs en nette augmentation.

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Espèce 2015 2016 2017 2018

Goéland railleur 0 192 830 95

Mouette rieuse 0 0 0 2

Avocette élégante 0 14 184 137

Sterne naine 0 75 64 103

Sterne pierregarin 3 72 75 108

Sterne hansel 0 0 2 18

Sterne caugek 0 250 1030 400

Total 3 603 2185 863

Nombre d’îlots disponibles 1 5 7 7

Population reproductrice des 7 espèces de laro-limicoles nicheuses (nombre de couples) sur le site de Salin de Giraud

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Journée 3 : restitution des ateliers et table ronde

Cette journée a été consacrée à la restitution des quatre ateliers de travail, te-nus la veille, ainsi qu’à un débat sur le thème « Aménagement versus naturalité pour la gestion des espaces naturels ».

RESTITUTION DES ATELIERS DE TRAVAIL

Atelier 1

Animateur : Ludovic FOULC (CEN L-R)Rapporteur : Nathalie Barré (Pôle-relais lagunes, Tour du Valat)

DEMAIN, QUEL RÉSEAU POUR LES LARO-LIMICOLES COLONIAUX ?

Nathalie Barré

Le projet Life+ ENVOLL a permis de créer un maillage de sites de nidification pour les laro-limicoles coloniaux sur la façade méditerranéenne française sur lequel se superpose un réseau de gestionnaires et d’acteurs du suivi de ces espèces. Le pôle-relais lagunes a validé la prise en charge, à partir de 2019, de l’animation de ce réseau formalisé lors du projet Life+ ENVOLL. L’objectif de cet atelier était de recueillir les attentes et besoins des acteurs du suivi et des ges-tionnaires concernant le futur réseau thématique laro-limicoles sur le littoral méditerranéen français. Trois questions clefs ont permis de définir différentes opportunités d’actions et de moyens à mettre en œuvre avec les partenaires techniques des trois régions méditerranéennes françaises.

Quels financements et autres moyens envisagés pour poursuivre les suivis à l’échelle de la façade méditerranéenne française ?

Le suivi des laro-limicoles coloniaux va se poursuivre durant les trois ans à venir sur l’ensemble de la façade méditerranéenne française au travers d’une convention de financement en cours de finalisation qui liera le CEN L-R avec l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB) et les DREAL. Ce suivi sera basé sur un protocole simplifié, développé par les Amis des Marais du Vigueirat (AMV) dans le cadre du projet Life+ ENVOLL, visant à réduire les investissements tout en minimisant la perte d’informations. La coordination interrégionale, réalisée jusqu’à présent par les AMV, sera assurée par une coordination régionale de

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la Tour du Valat (TdV) et du CEN L-R et les suivis seront mis en œuvre par l’en-semble des acteurs du suivi du Life.

Cependant, la poursuite des suivis à partir de 2022 n’est pas assurée et dépen-dra des résultats obtenus par le projet en cours STRATECH (AFB/GISOM/CEFE-CNRS) visant à déterminer le plan d’échantillonnage des suivis oiseaux marins, dont font partie les laro-limicoles coloniaux, à l’échelle nationale pour une prise en charge financière par l’AFB. Aussi, la fréquence annuelle et l’échelle géographique des suivis, ensemble du littoral méditerranéen versus quelques localités échantillons, pourraient être remises en cause. Afin d’anticiper une telle situation, la question de la montée en compétences des acteurs concer-nés et des capacités internes des structures à optimiser les plans de charge de son personnel se pose.

Une stratégie sur plusieurs années reste à définir pour le suivi de la façade méditerranéenne et il serait alors nécessaire d’identifier une à deux têtes de réseau pour mieux mutualiser les recherches de fonds et travailler sur des pistes de financement. Financer une structure qui coordonne les suivis sur tous les sites à laro-limicoles (Natura 2000, hors Natura 2000…) reste nécessaire et permettrait de distinguer les structures selon leur capacité d’autofinancement. Les opportunités de financement qui seraient à explorer sont par exemple ceux de Natura 2000, les appels d’offres finançant la biodiversité, le mécénat mais aussi les collectivités.

L’optimisation des moyens humains existants reste une piste à ne pas négliger. Il pourrait être proposé à certains acteurs de terrain, tels que les techniciens des mairies, les gardes ONCFS et du littoral, de prévenir de l’installation des colonies en dehors des espaces protégés. De plus, dans le cadre des plans de gestion et des conventions pluriannuelles des sites Natura 2000, il serait inté-ressant de planifier des actions en routine d’accompagnement au suivi sur les laro-limicoles coloniaux.

Enfin, le protocole de suivi nécessite un apprentissage conséquent. L’expé-rience a montré que les structures en charge du suivi assuraient de façon trop rudimentaire le transfert des acquis en cas de renouvellement de personnel. Une piste à privilégier pour garantir la qualité à long terme du suivi serait d’identifier dans chacune de ces structures un binôme de suivi «  référent et suppléant formé » qui présenterait aussi l’avantage de pallier à des absences

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imprévues. De plus, le projet Life+ ENVOLL a développé un module de forma-tion dédié au protocole de suivi qui sera inscrit au catalogue de formation de l’AFB. Un tutorat/parrainage pourrait aussi être envisagé pour aider à la prise en main du protocole.

Comment optimiser les échanges entre acteurs du suivi et gestionnaires de sites, et mieux valoriser les suivis ?

Grâce au projet Life+ ENVOLL, le réseau actuel bénéficie de nombreuses forces vives et a permis de recueillir une matière de qualité (données, techniques) qu’il faut rendre facilement transférable aux gestionnaires et acteurs du suivis. Aujourd’hui, de nombreux gestionnaires peuvent également être porteurs de nouveaux projets. Il est donc primordial de poursuivre l’animation interrégio-nale de ce réseau pour maintenir la cohésion et la mobilisation des personnes ressources, d’en faire la promotion et de valoriser les retours des suivis annuel-lement. En revanche, un des freins au bon fonctionnement des échanges entre les partenaires à l’échelle régionale et interrégionale est le manque d’accès des gestionnaires aux résultats des suivis et le manque d’information des acteurs du suivi sur la gestion des sites.

À cette fin, plusieurs propositions ont été rapportées :

• Dans un premier temps, une enquête pourrait être diffusée par les coordina-teurs du réseau (TdV et CEN L-R) pour connaître les besoins des gestionnaires en matière de suivi et des acteurs du suivi en matière de gestion et estimer le temps nécessaire à cela.

• Sur le volet de la valorisation des données du suivi, une piste suggérée est d’améliorer l’accès aux bases de données du suivi. Il est attendu de pouvoir visualiser l’évolution de la reproduction des oiseaux par le biais d’une inter-face spécifique et commune aux deux bases de données existantes (CEN L-R & TDV) qui devront fusionner. Des niveaux d’utilisateurs devront être définis suivant le public cible et notamment pour l’adapter à une liste élargie de par-tenaires. Un tel développement d’interface impliquerait une prestation infor-matique dédiée et de préparer prochainement son cahier des charges.

• D’autre part, il a été proposé de promouvoir l’outil « Météo des oiseaux » au-près de l’ensemble des partenaires (gestionnaires, animateurs Natura 2000 etc.) sur tout le territoire méditerranéen français afin qu’ils prennent connais-sance en temps réel de l’installation des oiseaux sur les sites concernés.

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• Enfin, une meilleure coordination entre acteurs du suivi et gestionnaires apparaît nécessaire afin que les premiers puissent informer en temps réel les seconds de la présence de colonies sur leur terrain et de situations en lien avec la gestion à même de menacer les colonies installées comme par exemple une baisse ou une hausse dangereuse des niveaux d’eau, la pré-sence de dérangement répété par le public ou encore la présence de colo-nies sur des secteurs autorisés au public. A cet effet, un gestionnaire réfé-rent pourrait être systématiquement désigné sur chaque site.

De nombreux acquis du Life+ ENVOLL sont à mieux mutualiser entre les membres du réseau existant mais aussi auprès des prestataires de service. Sur le plan technique, l’animation interrégionale peut permettre de transférer aux acteurs les retours d’expériences réussies sur l’aménagement et la construc-tion d’îlots, des cahiers des charges type, une liste d’entreprises de référence et des recommandations pour effectuer les chantiers.

Quels sont les besoins des gestionnaires en matière de formation/d’accompagnement ?

Les acteurs du réseau n’ont pas tous la même maîtrise du protocole et les mêmes moyens alloués à la surveillance et la protection des colonies. De plus, l’entretien et la création des îlots à laro-limicoles sont souvent coûteux pour le gestionnaire et la gestion de colonies d’espèces aussi dynamiques nécessite de l’être tout autant dans la gestion des sites sur le long terme.

Afin de répondre aux besoins d’accompagnement, il est nécessaire de pour-suivre les discussions et l’entraide entre les gestionnaires au travers de l’anima-tion d’un réseau d’échanges et de la coordination régionale. Cette coordination peut permettre de garder une vision et une analyse macroscopique des sites en vue d’appréhender leur gestion non pas de façon indépendante mais concertée (pour aller vers une gestion inter-sites des espaces naturels), ou à une échelle plus réduite de promouvoir une veille des sites de nidification afin de planifier leur entretien en prévision de leur évolution (développement de la végétation, perte de substrat de surface…). Enfin, la dynamique des territoires face aux changements globaux ne doit pas être perdue de vue, et une réflexion sur la translation rétro-littorale des populations de ces espèces doit être menée pour pouvoir adapter les enjeux de gestion à ceux des populations de laro-limicoles, et de les intégrer comme une opportunité de renaturation des sites.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 67

Enfin, en matière de formation, le projet Life+ ENVOLL a monté deux autres modules de formation qui seront intégrés au catalogue de l’AFB. Le premier, à destination d’un public large en lien avec les laro-limicoles coloniaux, propose une synthèse d’informations sur la reconnaissance de ces espèces, les enjeux et leurs besoins écologiques. Le second, à destination spécifique des gestion-naires, développe la gestion hydraulique à mettre en œuvre pour favoriser ces espèces et les méthodes d’aménagement pour favoriser plus spécifiquement leur nidification (restauration ou construction d’îlots et de radeaux).

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DÉBAT

O. Scher (CEN L-R) - Rappelons que la base de données disponible n’est pas celle du CEN L-R mais celle du projet Life+ ENVOLL. Elle a été développée pour ré-colter des données protocolisées (passage hebdomadaire) dans un cadre très précis. La question essentielle sur l’avenir est surtout celle de la gestion des sites : gestion des îlots, financements à trouver pour la poursuite de la restaura-tion hydraulique, part du bénévolat (pas une solution à long terme, problème de formation) et développement du travail avec des professionnels.

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B. Recorbet (DREAL Corse) - La poursuite du projet pour trois ans s’envisage d’ores et déjà avec le soutien des DREAL Occitanie et PACA et de l’Agence fran-çaise pour la biodiversité mais la Corse ne semble pas avoir été consultée. Il serait dommage que la dynamique engagée sur ce territoire ne soit pas pour-suivie. Qu’en est-il ?

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - La convention pour la poursuite du projet n’est pas encore signée et la construction du projet est en cours y com-pris au niveau financier. Par ailleurs, j’avais cru comprendre de votre part que les laro-limicoles coloniaux ne constituaient pas un enjeu en Corse. Mais je vous rassure, il y a une vraie volonté d’intégrer la Corse dans le réseau.

O. Scher (CEN L-R) - Une difficulté en Corse est que les acteurs sont nombreux et le réseau complexe. Il nous faut un peu de temps pour identifier qui peut porter quoi. Cela s’est éclairci pour les suivis des radeaux. Cela reste à définir concernant le suivi des goélands d’Audouin. L’idée est de démarrer avec les partenaires indiqués et de raccrocher la Corse (la DREAL, l’OEC et les autres partenaires) au projet dès que la situation sera décantée.

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - La grande question actuellement est de savoir comment prolonger le projet au-delà des trois ans. Une des perspec-tives serait de trouver des financements auprès de l’Agence française pour la biodiversité dans le cadre des rapportages qu’elle doit effectuer pour l’Europe sur les oiseaux marins. Or ces rapportages doivent rendre compte des ten-

dances des populations de ce groupe d’espèces, données qui pourraient s’acquérir pour partie grâce aux suivis des laro-limicoles coloniaux. Les tendances de ces oiseaux marins sont en cours d’analyse par le CEFE de Montpellier en collabora-tion avec le GISOM (Grou-pement d’Intérêt Scien-tifique Oiseaux Marins). ©

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Elles devraient permettre de définir le pas de temps du suivi des oiseaux marins pertinent à l’avenir pour fournir des tendances fiables et donc l’ampleur des suivis à mettre en place et des financements à y consacrer.

S. Giret (DDTM Arles) - Qui serait le grand coordinateur de ce vaste réseau ?

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - Il n’y a pas de grand coordinateur mais plutôt un partage entre, d’un côté le pôle-relais lagunes assurant l’animation du réseau des gestionnaires et des acteurs du suivi, de l’autre le CEN Languedoc-Rous-sillon et la Tour du Valat assurant chacun dans leur région la coordination des suivis ornithologiques, ces deux dernières structures travaillant bien sûr ensemble. Le partage des tâches s’effectuera aussi en fonction de l’émergence des besoins de-puis la base comme les besoins de formation qui devront être programmés dans le calendrier des formations de l’Agence française pour la biodiversité.

Atelier 2

Animateur : Isabelle Lépeule (Réseau École et Nature)Rapporteur : Olivier Scher (CEN L-R)

DES OUTILS AU SERVICE DE LA CONSERVATION DES LARO-LIMICOLES

Olivier Scher

Un certain nombre d’outils ont été développés dans le cadre du projet Life+ EN-VOLL. Deux d’entre eux reçoivent une attention particulière :

• Une base de données (BDD) dédiée au projet pour les suivis des laro-limicoles • Un outil de sensibilisation, la Météo des Oiseaux (MDO)

L’objectif de cet atelier vise à discuter de l’utilisation de ces outils après la fin du projet et de l’opportunité de s’appuyer sur de nouveaux outils pour améliorer certaines pratiques ou pour combler certaines lacunes dans nos connaissances. .

La base de données

Elle avait pour objectif de limiter les erreurs de saisie en particulier sur les sites suivis (BDD géo-référencée), de faciliter la sauvegarde des données de suivi et leur conservation à long terme. L’ensemble des sites historiques de nidifica-tion de la façade méditerranéenne a été intégré à la base ce qui permet de les

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localiser précisément grâce à un module cartographique intégré. Une petite différence à noter entre le Languedoc-Roussillon, où les sites sont représen-tés sous forme de polygones, et par des points dans les régions Sud-PACA et Corse. Par ailleurs, l’outil offre la possibilité avec l’outil cartographique de créer de nouveaux sites à l’apparition de nouvelles colonies et de renseigner le suivi sur ce dernier. Cette BDD, créée et hébergée par le CEN L-R, est accessible à l’ensemble des opérateurs du suivi qui n’ont accès qu’aux données concernant leur territoire. Un export automatique sous format Excel permet de travailler quand on le souhaite sur le format de tableur classique. De manière concrète, la BDD a été testée durant le projet au sein de l’équipe du CEN L-R dans un premier temps puis à l’échelle du Languedoc-Roussillon où elle a démontré sa fonctionnalité.

La présentation de la BDD a suscité une discussion et l’émergence d’un certain nombre de remarques :

• De nombreuses BDD naturalistes existent et les renseigner est chronophage. Néanmoins, l’intérêt d’une BDD est souligné pour une sauvegarde efficace des données (contrairement au carnet de terrain qui peut prendre l’eau ou s’égarer ou des fichiers sous forme de tableurs qui ne garantissent pas la protection des données). Elle permet en outre un accès facilité et partagé de l’information et devrait faciliter le renseignement automatique d’autres outils (tels que la météo des oiseaux). L’interopérabilité entre bases est technique-ment faisable (contrairement à la volonté de partager des données entre ob-servateurs) et pourrait être envisagé sur la BDD. A ce titre, un renseignement automatisé des bases de données du Système d’Information sur la Nature et les Paysages (SINP) de chaque région pourrait ainsi être mis en place.

• L’interface de la BDD ne permet pas une visualisation pratique des don-nées. L’accès et la visualisation des données au cours de la saison de suivi pourraient en effet être facilités (synthèses automatiques à la demande). De même, les gestionnaires pourraient avoir accès et visualiser les données de suivi liées à leur territoire de compétence.

• Cette BDD restera l’outil central de compilation des données dans la pour-suite des actions de suivi des populations. A ce titre une convention entre chaque opérateur de suivi et le gestionnaire de la BDD sera signée. Les sites de nidification des régions Sud-PACA et Corse étant déjà intégrés à la BDD, les opérateurs de suivi disposent d’ores et déjà d’un outil fonctionnel.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 71

La Météo des Oiseaux

C’est un outil destiné à informer les pratiquants de sport de glisse de la pré-sence de colonies de laro-limicoles pour les inciter à être vigilant ou à aller pra-tiquer sur des sites moins sensibles afin de limiter les impacts du dérangement sur la nidification. Il a été développé dans le cadre du projet Life+ ENVOLL sur l’ensemble de la façade méditerranéenne française continentale. L’outil génère une carte sur laquelle sont disposées des balises colorées (bleu, jaune et rouge) réparties par secteur dont la couleur change de façon hebdomadaire au gré de l’installation des colonies et qui marquent ainsi l’évolution de la sensibilité de chaque secteur. L’information permettant les changements de couleur des balises est générée par les suivis hebdomadaires. Une interface Lizmap a été utilisée par le CEN L-R en lien avec la BDD et constitue le support de la carte du littoral. Pour des raisons de renseignement incomplet de la BDD de suivi en temps réel, une interface simplifiée a été développée pour renseigner la MDO (nom de la colonie à cocher en cas de présence avérée d’oiseaux et à décocher en cas de disparition de la colonie). En raison de sa forte utilisation par les pratiquants de sports de glisse, l’outil de diffusion choisi de la MDO est le réseau social facebook où, chaque semaine, est partagée la carte de sen-sibilité du littoral (https://www.facebook.com/Meteodesoiseaux/). L’outil a reçu un accueil positif de la communauté d’utilisateurs sans que son impact sur un changement de leur comportement n’ait pu être évalué.

La présentation de la MDO a suscité l’unanimité en tant qu’outil pour la sen-sibilisation des usagers. Il apparaît intéressant de le développer en faisant également participer les gestionnaires de sites dans l’avenir. En raison de la dépendance de la MDO avec les suivis sans lesquels elle ne peut fonctionner, le maintien des financements pour la mise en œuvre des suivis apparaît comme une priorité. La façade atlantique possède également un outil d’alerte (C mon spot http://www.c-monspot.fr/) qui alerte les usagers sur la sensibilité des diffé-rents spots de pratique en Bretagne. Contrairement à la MDO, c’est une infor-mation figée qui n’évolue pas en cours de saison. Néanmoins, un lien entre ces deux outils serait à développer. Par ailleurs, il a été rappelé qu’une manière de développer la visibilité de l’outil serait de pouvoir l’intégrer dans les pages web des communes, agglos, PNR, etc. à l’échelle territoriale pertinente. L’inté-gration est en effet très simple à effectuer et la mise à jour de la carte se fait automatiquement sur tous les sites où elle apparaît (carte dynamique).

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Autres outils

Les discussions se sont ensuite orientées vers les nouvelles technologies potentiellement mobilisables pour les suivis ou l’acquisition de nouvelles connaissances sur les espèces. Drônes et GPS ont été largement cités par les intervenants en insistant sur la limite de leur utilisation comme des outils et non pas comme une fin en soi. En particulier, de nombreux dérangements de la faune par les drônes de loisirs sont décrits dans la littérature. Il pourrait ainsi être compliqué que les agents gestionnaires des espaces naturels puissent uti-liser des drônes sur ces mêmes espaces tandis que le public, qui ne manquera pas d’en faire l’observation, ne le puisse pas. Néanmoins, les résultats de tests conduits sur les Salines de Villeneuve et les Marais du Vigueirat sur des colonies de laro-limicoles montrent que c’est un outil efficace pour évaluer les effectifs nicheurs sans dérangement apparent. Considéré comme un outil, il convient cependant de réserver cet usage aux colonies peu accessibles autrement.

La technologie GPS est en plein essor avec une miniaturisation toujours plus importante des balises. Cette technologie, utilisée principalement pour étu-dier les déplacements permet aujourd’hui d’aborder des problématiques com-portementales (chasse, reproduction, etc.). La question de la localisation des zones d’alimentation en mer par exemple et la fréquence de capture de proies pourraient être abordées de cette manière.

La formation à ces nouvelles technologies est une demande qui remonte dans les réseaux d’espaces naturels et il semble évident que ces outils seront utilisés dans un avenir proche. Ces outils et l’acquisition des données qu’ils permettent (en particulier GPS) nécessitent également une montée en puissance des com-pétences d’analyses de données dans le réseau, en particulier en statistiques et analyse spatiale. Aujourd’hui, ces compétences sont quasi-inexistantes alors que le traitement de données de plus en plus complexes devient une nécessité afin d’évaluer les actions (impact d’aménagements, d’un type de gestion, etc.). C’est typiquement une compétence que pourrait mettre à disposition l’AFB ou plus régionalement l’ARB auprès des gestionnaires d’espaces naturels (au moins dans un premier temps).

Les nouvelles technologies sont en plein développement et s’insèrent petit à petit dans nos métiers. Il apparaît important d’accompagner ce changement par une formation adaptée des gestionnaires à ces nouveaux outils.

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 73

DÉBAT

K. Fortuné-Sans (Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée) - Un mot pour donner un aperçu d’une enquête menée par Christelle Galindo sur la page facebook de la Météo des Oiseaux. Un petit nombre de personnes ont répondu (40), surtout des riders dont quelques-uns sont dirigeants de clubs donc des per-sonnes ayant une bonne connaissance de leur territoire et une bonne analyse des comportements. Plus des deux-tiers disent qu’ils sont prêts à changer de comportement s’ils voient que leur lieu de pratique est passé au rouge sur la carte. Mais pour réaliser une véritable enquête, il faut commencer par faire la promotion de l’outil Météo des Oiseaux avant d’en analyser les effets. Cet outil mérite d’être développé parce qu’il est innovant et s’appuie sur un mode de communication très utilisé par les riders.

B. Recorbet (DREAL Corse) - Avez-vous testé le comportement des colonies de laro-limicoles à l’égard des drônes  ? Cela pourrait permettre d’encadrer leurs conditions d’utilisation.

O. Scher (CEN L-R) - Des essais ont été effectués sur une colonie aux salines de Vil-leneuve avec un drône à 6 branches à 40 m de hauteur, sans réaction de la part des oiseaux. Un test dans les Marais du Vigueirat avec un appareil à 4 branches à 10 m de hauteur au-dessus des sternes pierregarin n’a pas suscité non plus de réaction. Les oiseaux semblent plus réactifs sur les sites d’alimentation (tra-vaux du CEFE sur le site de l’étang de l’Or). Globalement, la bibliographie semble indiquer que l’impact des drônes est faible ou nul sur les colonies de reproduc-tion. Pour en savoir plus, je vous invite à lire la synthèse bibliographique réalisée récemment par le Muséum national d’histoire naturelle (utilisation des drônes sur les sites Natura 2000) et le prochain numéro d’« Espaces naturels » qui four-nira beaucoup d’éléments. Une formation pour les gestionnaires à l’usage des drônes a été envisagée avec l’Agence française pour la biodiversité mais elle a été finalement jugée prématurée. L’usage doit être bien encadré pour que les gestionnaires puissent s’en servir dans un contexte et dans un but clair vis à vis du public.

D. Cohez (Tour du Valat) - Dans la plupart des rencontres entre gestionnaires d’es-paces naturels, la question des drônes est abordée sous l’angle du dérangement et de la réglementation. C’est devenu un vrai problème dans certaines réserves naturelles avec parfois des survols presque quotidiens. Il reste difficile à expli-

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quer au public qu’il existe une réglementation de survol des réserves naturelles et qu’elle s’applique aux drônes. L’outil est séduisant pour certaines opérations de dénombrement. Son usage pose néanmoins la question du développement des technologies dans l’acquisition de données naturalistes et du fossé qu’elles créent entre le naturaliste et le terrain, fossé malvenu au moment où on plaide pour un rapprochement de l’homme et de la nature. Parcourir le terrain à pied peut fournir quantité d’informations qui échapperont au drône.

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - Je suis tout à fait d’accord sur le fait que nous, naturalistes, devons être vigilants à ne pas se laisser enfermer dans une surveillance de la nature par ordinateur et à ne pas perdre le lien direct avec le terrain. Ce n’est pas l’idée développée dans ce projet Life.

Atelier 3

Animateur : Christelle Galindo (Amis des Marais du Vigueirat)Rapporteur : Kattalin Fortuné-Sans (Parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée)

USAGES ET ENJEUX DE CONSERVATION

Kattalin Fortuné-Sans

Aujourd’hui appuyées par les politiques publiques, les activités sportives de pleine nature sont en plein essor sur le littoral méditerranéen. De multiples actions de canalisation des publics, de zonage, de sensibilisation ont été mises en œuvre par les gestionnaires, de façon individuelle ou dans le cadre des pro-grammes tels que le Life Lag’Nature ou le projet N2Glisse. Le projet Life+ ENVOLL a, lui aussi, contribué à tester de nouveaux outils visant à sensibiliser les publics et, in fine, réduire l’impact de ses activités sur les laro-limicoles coloniaux (laro-mobile, météo des oiseaux, etc.). L’atelier a pour objectifs d’identifier, parmi l’en-semble de ces actions ou outils, ceux qu’il serait intéressant de faire connaître/diffuser, de développer/optimiser, mais aussi d’imaginer d’éventuelles innova-tions à explorer afin d’assurer la cohabitation entre les activités de pleine nature et la biodiversité littorale. Deux niveaux d’actions ont été identifiés.

La prise en compte de la biodiversité littorale dans les politiques publiques

L’identification des leviers visant une plus grande prise en compte des enjeux de biodiversité dans les politiques d’aménagement du littoral et de développement

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socio-économique a mis en évidence qu’il était d’abord nécessaire de mieux sensibiliser les élus et autres décideurs en la matière.

De telles initiatives existent et doivent être relayées voire développées… Plutôt que le fond du message, c’est sans doute la forme qu‘il conviendrait de modi-fier en utilisant des arguments qui touchent les décideurs : évaluation et intérêt social (en terme d’emploi) et économique des espaces naturels, de leurs services rendus, comparaison des coûts d’entretien entre espaces naturels et espaces verts, jardins publics, etc.

Il serait aussi pertinent de créer de nouveaux outils visant à mieux informer voire à former les élus ou leurs conseillers : intégrer des notions de biodiversité et de services rendus par les espaces naturels dans la formation des maires, ou créer des MOOC (cours en ligne) pour les agents des collectivités ou de l’État et ainsi permettre l’autoformation.

Il faut aussi convaincre de nouveaux types d’interlocuteurs. Une plus grande prise en compte des coûts évités, notamment par les compagnies d’assurance, pourrait permettre d’inciter à mieux préserver les espaces naturels et la biodi-versité du littoral. Le calcul des primes d’assurance pourrait par exemple être influencé par l’état de la nature dans les secteurs concernés.

Enfin, l’évaluation des politiques publiques, telle qu’elle peut être effectuée par la Cour des comptes par exemple, ne devrait-elle pas obligatoirement intégrer des critères environnementaux ?

Beaucoup d’autres outils restent bien entendu à inventer en la matière. Dans quelques pays d’Europe sont testées les « ordonnances de nature » ; des ordon-nances médicales accompagnant des thérapies encadrées et contribuant ainsi à une plus rapide convalescence des malades. Ne pourrions-nous pas ainsi décou-vrir (ou plutôt redécouvrir) que l’air de la mer soigne ?

En tout état de cause, afin d’atteindre ces publics, il est maintenant nécessaire que nos messages mais aussi nos méthodes de communication évoluent : il est aujourd’hui urgent que nous travaillions plus comme des lobbyistes que comme des formateurs. La sensibilisation des élus et des décideurs nous donnerait plus de facilités à intégrer concrètement les enjeux environnementaux dans les documents cadre de planification de l’aménagement du littoral et/ou de déve-loppement des activités touristiques ou de loisirs tels que les SCOT, PDESI, etc.

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Certains territoires méditerranéens, comme celui du PNR de la Narbonnaise et l’agglomération du Grand Narbonne, testent d’ailleurs l’élaboration conjointe de documents directement dédiés au développement maîtrisé des sports de nature en intégrant les enjeux de biodi-versité connus.

Impossible de clore ce chapitre « poli-tiques publiques » sans aborder la ques-tion des outils réglementaires. En la ma-tière, il n’y a, a priori, plus rien à inventer mais tout à améliorer. Les outils existent et permettent une grande adaptation à

tout type de situation. Tout au plus, et afin de permettre une meilleure connais-sance et compréhension des réglementations, il pourrait être envisagé de créer un outil numérique d’information géographique en ligne les recensant.

Quoi qu’il en soit, c’est dans l’application des règles, et leur respect que le bât blesse. Mutualisation des moyens, coordination des actions de police, sensibi-lisation des parquets… autant d’actions identifiées depuis longtemps, mais qui sont, de l’avis de beaucoup, encore insuffisamment mises en œuvre.

L’action envers les usagers des espaces naturels littoraux

Des outils pédagogiques tels que la laro-mobile, outil de maraudage idéal pour les publics familiaux, pourraient maintenant être utilisés hors saison avec les sco-laires ou les centres aérés. La création d’un jeu en ligne permettant de simuler et tester des pratiques sportives et de loisirs sans dérangement des oiseaux, pour-rait être un complément numérique pour les projets pédagogiques proposés en milieu scolaire.

La Météo des Oiseaux est un outil numérique utilisant les réseaux sociaux et leur réactivité pour informer les usagers du littoral « en temps réel » de la sensibilité des différents sites ou plages, développé lui aussi dans le cadre du Life+ ENVOLL. C’est une véritable innovation. Si sa diffusion a été ciblée vers les pratiquants de sports de glisse, elle mériterait d’être étendue plus largement auprès des usagers afin que l’outil porte véritablement ses fruits. Pour cela, outre une campagne

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 77

de promotion dans la presse, notamment spécialisée, qui a déjà commencé ces dernières années, les gestionnaires d’espaces naturels pourraient relayer les informations de la Météo des Oiseaux sur leurs propres réseaux/médias. Les quelques tests de « facebook live », façon météo télévisée, ont bien fonctionné en Narbonnaise pendant l’été 2018…

Des innovations importantes pourraient aussi être apportées à ce type d’outil : développement d’une application smartphone de la Météo des Oiseaux, utilisa-tion des signaux GPS des sportifs (montres connectées et autres outils embar-qués de mesure des performances) pour les alerter immédiatement dès qu’ils approchent d’une zone à enjeu… avec, pourquoi pas, une motivation des per-sonnes à s’éloigner par un système de bonus numérique ?

En termes d’aménagements dans les espaces naturels littoraux, entre les pan-neaux et les installations pour la canalisation du public, beaucoup a déjà été fait. Pour autant, des améliorations sont à apporter sur les messages de sensi-bilisation. Nous devons impérativement mieux communiquer en utilisant des techniques issues des sciences de la communication telles que le nudge mar-keting6 par exemple - quitte à mettre l’information technique parfois au second plan. Et, dans certains espaces naturels gérés, on pourrait penser à remplacer la signalétique en place par une mise en scène bien faite, moins impactante pour le paysage et visant à canaliser le public sans barrière, de manière à susciter des émotions qui laisseront une trace plus profonde qu’un message technique.

Par ailleurs, la création d’outils numériques d’information tels qu’un inventaire cartographique argumenté des réglementations en place sur les territoires pourrait faciliter leur prise en compte par le grand public.

Enfin, c’est aussi nos méthodes de concertation que nous pouvons optimiser : lorsque cela est possible, l’implication forte des acteurs locaux dans les choix d’aménagement/gestion permet une plus grande appropriation des enjeux et par conséquent un plus grand respect des éventuelles nouvelles règles mises en œuvre. Dans ce sens, transposons au littoral terrestre une action déjà déve-loppée en mer : les aires marines éducatives, où une classe travaille avec le ges-tionnaire et un animateur pendant une année, afin de définir des objectifs de conservation, et de les décliner en actions concrètes. Le plan de gestion ainsi élaboré est ensuite présenté en conseil des jeunes voire en conseil municipal.6 - Nudge marketing : coup de pouce incitatif qui pousse l’usager vers des décisions plus vertueuses en matière environnementale ou sanitaire de manière intuitive.

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« Usages et biodiversité : vers un partage de l’espace ? » n’est en réalité plus une ques-tion sur le littoral tant les activités récréatives et sportives y sont devenues omni-présentes. Pour autant, le mot partage doit être compris sous ses deux sens :

• Celui d’une partition où des zones réglementées (réserves naturelles par exemple) permettent de créer des espaces de quiétude pour la faune et où les activités ne sont pas forcément interdites mais fortement contrôlées, ou bien le cas, a contrario, où des zones sont réservées à certains usages dans les espaces naturels en se préservant de certains débordements (par exemple un zonage nautique réservé à des sports de glisse sur une partie de lagune).

• Celui du partage d’espaces indivis, où les usagers qui peuvent accéder à l’en-semble de l’espace sans restriction, parce qu’ils sont sensibilisés et respon-sables, adoptent des comportements qui ne nuisent pas à la biodiversité.

En utilisant ces niveaux d’intervention de la manière la plus adaptée à chaque situation (aménagement et/ou sensibilisation), les gestionnaires d’espaces na-turels et leurs partenaires arrivent, lorsque cela fonctionne, à concilier activités humaines et préservation des espaces naturels littoraux.

L’analyse effectuée collectivement lors de l’atelier a permis d’identifier les pistes d’amélioration ou de renouvellement, mais révèle surtout qu’il nous reste en-core beaucoup à inventer.

Alors, pour cela, ne bridons plus notre imagination !

DÉBAT

O. Scher (CEN L-R) - Le principe de signaliser des périmètres à enjeux est déjà ap-pliqué dans les parcs nationaux en région Rhône-Alpes. Les réseaux de natura-listes y sont quelquefois réticents pour éviter d’accroître le dérangement. Avez-vous envisagé la possibilité de signaliser des zones interdites à toute pratique pendant certaines périodes ?

K. Fortuné-Sans (PNR de la Narbonnaise) - Oui nous l’avons discuté dans le cadre notamment des arrêtés de protection de biotope. Cette manière de partager l’espace doit être développée mais elle n’est applicable que sur de petits sec-teurs.

DDTM Arles - L’idée est davantage de diriger les gens vers les lieux que l’on sou-haite voir fréquenter plutôt qu’interdire des accès.

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I. Lepeule (Réseau École et Nature) - Un travail à l’échelle nationale, appelé la « Dy-namique sortir », est en cours dans le réseau École et Nature sur le besoin de nature. Il s’appuie sur des recherches anglophones sur le syndrome du manque de nature. Quelques mutuelles en reconnaissent l’intérêt et commencent à rem-bourser des activités dans la nature. C’est beaucoup plus répandu en Suisse et en Allemagne. Sur la question de la signalisation (panneautage), il faut solliciter des spécialistes de l’interprétation de sites. C’est un véritable métier que de travailler la forme des messages. Quant au travail éducatif, il faut développer des « coins nature » à proximité des écoles et plus généralement développer des projets qui impliquent les enfants.

L. Foulc (CEN L-R) - Sur la réglementation, la police nationale sur la protection de la nature souhaitée existe en fait déjà et est très bien structurée. Le problème pour le gestionnaire me semble davantage de faire remonter les enjeux et les zones concernées vers les structures de police pour qu’elles nous appuient dans la résolution des problèmes. Sur les zones terrestres éducatives, cela a déjà été mis en place dans le réseau des CEN et des réserves naturelles.

D. Réault (Président de Rivages de France et du PN des Calanques) - Vos question-nements et vos réflexions sont intéressants et largement partagés par d’autres réseaux nationaux comme celui des Parcs nationaux et des Grands sites. Rivages de France a entamé une série de réflexions auprès des gestionnaires, non seule-ment sur les coûts, mais aussi sur la mise en valeur des expérimentations et des expériences faites sur les façades maritimes. Le principal problème est la capa-cité, pour nous élus comme pour les gestionnaires, de passer de l’information à une véritable ère de la communication s’appuyant d’abord sur l’émotion pour ensuite transmettre des messages. Il faut par exemple, sur les entrées de parcs, mettre en place des démonstrateurs de nature c’est à dire des moyens dans des lieux adaptés pour capter le grand public et lui expliquer ce qu’il pourra voir, au-jourd’hui ou peut-être seulement demain. Cela nécessite les moyens importants que suppose la gestion d’un véritable site d’accueil capable de sensibiliser et d’orienter les gens, de les faire consommer différemment la nature et d’éviter les atteintes à la biodiversité. De tels sites d’accueil apparaîtraient comme des sites de valorisation de l’espace naturel avec aussi une fonction de relai économique.

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - Je partage ce diagnostic mais il faut mieux communiquer au niveau national pour toucher le grand public et pour cela avoir le soutien des politiques publiques.

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Atelier 4

Animateur : Arnaud Bechet (Tour du Valat), Rapporteur : Laura Dami (Tour du Valat).

DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU PROJET

Laura Dami

Le projet Life+ ENVOLL a permis de développer des outils d’ingénierie écolo-gique, d’aménagement et de gestion de sites de nidification et de suivi de la reproduction transférable à d’autres sites de la façade méditerranéenne. Aussi, le présent atelier avait pour but de réfléchir à l’intérêt et à la possibilité de trans-férer ces acquis par le développement d’un nouveau projet sur d’autres pays de la Méditerranée.

La Tour du Valat est un institut de recherche qui porte différents projets de suivi et de recherche dans d’autres pays de la Méditerranée, tissant ainsi de nom-breuses collaborations internationales. Parmi ceux-ci, le Réseau Oiseaux d’Eau Méditerranée (ROEM) travaille depuis 2012 à l’amélioration de la qualité et de la quantité des données de comptages des oiseaux d’eau hivernants, en collabo-ration avec les cinq pays d’Afrique du Nord. Depuis 2017, le réseau s’est étendu à une collaboration scientifique avec cinq autres pays de la méditerranée (Es-pagne, Italie, Macédoine, Turquie et Grèce). Son positionnement en tant que leader pour animer et/ou développer une extension du projet Life+ ENVOLL au niveau international apparaît de fait logique et pertinent.

Depuis 2017, dans le cadre de la collaboration avec la fondation MAVA et ses pro-jets stratégiques, la Tour du Valat collabore avec BirdLife International pour la mise en œuvre d’activités de protection des zones humides côtières et notam-ment pour la préservation de la biodiversité dans les salins en activité. Dans ce contexte, l’élaboration d’un projet multi-sites, dans lequel il serait possible d’in-tégrer des activités du projet Life+ ENVOLL a été envisagée. Dans ce cadre, il est prévu de recruter en 2019 une personne pour 6 mois afin de rédiger un projet « multi-sites » à soumettre ensuite à un bailleur externe.

D’une façon générale il semble important de porter une réflexion internationale sur les laro-limicoles coloniaux et d’agir sur une dynamique de sites interconnec-tés en réseau afin d’améliorer la conservation de ces espèces. Un projet cohérent

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se devra de choisir entre adopter une politique opportuniste dans le choix des sites, i.e. des pays, à intégrer à tra-vers un réseau de connaissances déjà établies autour de la Méditerranée ou bien adopter un choix plus fonctionnel par rapport à la biologie des espèces selon les voies de migration comme l’axe France-Espagne-Maroc ou l’axe France-Italie-Tunisie.

Si l’idée forte consiste à partager et transférer les savoir-faire développés du-rant le projet Life+ ENVOLL, la problématique du futur projet doit s’adapter au contexte global de la Méditerranée. Ainsi, certaines opportunités apparaissent comme autant de points forts sur lesquels s’appuyer : l’existence d’un réseau de partenaires disponibles et intéressés, la possibilité de travailler sur des habitats simplifiés, dans le cas des salins en activité ou non, qui présentent l’avantage d’avoir un fonctionnement homogène pour lequel l’efficacité des outils mis en œuvre durant le projet Life+ ENVOLL a fait ses preuves, et l’existence d’outils fi-nanciers (Life, INTERREG par exemple) qui permettent de travailler à une échelle internationale.

Dans le même temps, il faut pouvoir prendre en compte certaines contraintes structurelles liées à l’outil financier comme la possibilité d’in-clure ou non des structures :

• de pays ne faisant pas partie de l’Union Européenne, comme par exemple l’AAO/BirdLife Tunisia volontaire pour participer à un tel projet dans un pays important pour les laro-limicoles coloniaux

• ou liées au statut foncier en s’assurant que les ONG, garantes des savoir-faire transférés, soient gestionnaires ou propriétaires des terrains où tra-vailler ou bien aient un partenariat fort avec le propriétaire de ces terrains.

Enfin, une attention toute particulière devra être apportée à l’expérience et à la maîtrise des partenaires locaux dans leur capacité à assumer le reporting réclamé par certains outils financiers tels que le Life et à leur capacité à capter des co-finan-cements. A ce titre, certains bailleurs pourraient être sollicités comme l’Agence Française de Développement ou le Fond Français pour l’Environnement Mondial.

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L’ingénierie écologique, comme autant d’actions de conservation, peut être assimilée à de l’interventionnisme qui s’oppose à une politique de naturalité. Une adéquation entre les enjeux et les actions à mettre en œuvre devra être clairement définie. Ainsi, une intégration de ces enjeux aux conséquences des changements climatiques, notamment de la montée du niveau marin, apparaît déterminante pour ces espaces le plus souvent littoraux.

D’autres actions peuvent aussi être envisagées. La connaissance sur l’état des populations des laro-limicoles coloniaux n’est pas homogène selon les pays et il pourrait paraître nécessaire de développer des activités de suivis afin de pré-ciser le statut de ces espèces dans les pays les moins pourvus. Si les projets de type Life peuvent permettre la mise en œuvre de suivis, ils apparaissent dans ce cas comme une mesure de l’impact des actions de conservation, axe priori-taire de ce type de projet, mais ne répondent pas à un objectif d’amélioration des connaissances. Aussi, un tel objectif nécessiterait de faire appel à un autre type d’outil financier. De même, un volet d’éco-tourisme pourrait être déve-loppé. Associé à une forte part de sensibilisation du public pour les enjeux liés à ces espèces, il présenterait l’avantage de constituer à terme un apport finan-cier aux gestionnaires ou propriétaires de sites et d’aider à les intégrer dans le projet. Enfin, intégrer une participation citoyenne au moyen de questionnaires permettrait de susciter un intérêt des usagers envers le projet comme outil de développement sur leur territoire et d’évaluer le ressenti de ce public en fin de projet.

DÉBAT

L. Foulc (CEN L-R) - Pourquoi distingue-t-on les salins en activité de ceux aban-donnés ?

L. Dami (Tour du Valat) - La réflexion de BirdLife international pour la constitution d’un réseau de sites pour les laro-limicoles coloniaux s’effectue actuellement sur les salins en activité du fait d’une exigence du bailleur du projet (la MAVA). Cette enveloppe financière va permettre le recrutement d’une personne. La difficulté est que ce projet reste circonscrit aux salins actifs. S’inscrire dans ce contexte compliquerait la mise en place d’un réseau plus large, plus conforme à l’orienta-tion du projet Life+ ENVOLL, mais qui incluraient des salins abandonnés.

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L. Foulc (CEN L-R) - Il serait dommage de se limiter aux seuls salins en activité. Il faudrait aussi intégrer le Maroc et la côte sud marocaine.

E. Gerbeau (Métropole Aix Marseille Provence - étang de Bolmon) - Le réseau Laro-limicoles coloniaux ne pourrait-il associer un autre réseau qui fonctionne déjà très bien à l’initiative du Conservatoire du littoral et qui concerne les petites îles méditerranéennes (réseau PIM) ?

L. Dami (Tour du Valat) - Nous avons un contact avec une personne de ce réseau. Il y a de vraies opportunités de collaboration avec le réseau PIM.

N. Sadoul (Amis des Marais du Vigueirat) - Il y a certainement un enjeu de partena-riat avec l’initiative PIM. Il concerne cependant de petites îles, surtout rocheuses et avec peu de milieux lagunaires, où les problématiques sont surtout centrées sur les oiseaux marins et moins sur les laro-limicoles. Corse et Sardaigne en sont exclues par exemple.

J. Jalbert (Tour du Valat) - Trois points. Tout d’abord sur la restriction aux salins en activité, c’est une donnée du projet « salins » que soutient la MAVA, mais il n’y pas lieu d’en faire une contrainte pour un nouveau projet sur les laro-limicoles colo-niaux. Il est effectivement important de prendre en compte une large gamme de sites y compris des salins abandonnés. En second lieu, il est important de travail-ler la communication vers le public avec des professionnels de façon à innover et à sortir de nos schémas et cercles habituels. Enfin, il faut intégrer dans le projet laro-limicoles coloniaux le fait que les salins sont sur la ligne de front du change-ment climatique et sont menacés par la hausse du niveau des mers. Le contenu du projet ne doit pas être fondé seulement sur des opportunités financières. Son positionnement et les actions de gestionnaires doivent aussi s’adapter à cette réalité écologique et anticiper sur ces changements attendus, extrêmement impactants pour les salins.

I. Lepeule (Réseau École et Nature) - École et Nature est disponible pour réfléchir à la mise en place d’un volet sensibilisation, voire éducation à l’environnement, à l’échelle européenne dans le cadre du développement de ce projet. Nous avons déjà des contacts avec des structures sur le pourtour méditerranéen. Il existe aussi un réseau européen d’éducation à l’environnement. Travailler avec d’autres acteurs est une de nos préoccupations.

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POINTS DE VUE CROISÉS SUR LA GESTION DES ESPACES NATURELS

ENTRE AMÉNAGEMENT ET NATURALITÉ

La tribune de ce débat animé par Jean-Laurent Lucchesi (directeur des Amis des Marais du Vigueirat) a rassemblé six personnalités  : Valérie Chansigaud (histo-rienne, chercheure associée à l’université Paris Diderot), Matthieu Delabie (délé-gué régional Occitanie du Conservatoire du littoral), Jean Jalbert (directeur de la Tour du Valat), François Letourneux (président d’honneur du comité français de l’UICN), Jean-Louis Martin (directeur adjoint du CEFE Montpellier), Didier Réault (président du Parc national des Calanques et de Rivages de France).

Le thème du débat s’impose comme très pertinent dans le cas des laro-limi-coles coloniaux. Le programme Life+ ENVOLL s’est en effet développé par la mise en œuvre de nombreuses opérations de gestion comme la création d’îlots et de radeaux, la gestion de niveau d’eau ou la mise en place de pro-tection de sites. Cette politique de conservation apparaît à la fois comme efficace (accroissement des populations) mais aussi comme très intervention-niste. Dans le contexte d’érosion rapide de la biodiversité et de changement climatique qui transforme les espaces littoraux, que doit-on faire ? Les outils réglementaires qui protègent espèces et espaces sont-ils suffisants  ? Faut-il développer l’ingénierie écologique qui permet de restaurer, créer, recréer de la nature sauvage ? Ou faut-il laisser faire la nature réparatrice et tendre à plus de naturalité ? Avons-nous les moyens de ces politiques ? Les intervenants ont émis une diversité de points de vue sur ces questions.

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L’homme est partout

Ce point de vue est celui de François Letourneux. À bien y regarder, nous dit-il, la problématique « naturalité vs ingénierie » est peut-être une fausse question. Et de poursuivre : « Patrick Blandin l’a mis en évidence dans un ouvrage inti-tulé : De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité. Nous n’avons plus le choix. Il n’est plus possible de préserver des espaces de nature pour que la biodiversité se construise sans l’homme. L’homme est présent partout. Et les régressions continuent. Pour preuve deux exemples. En France, le suivi STOC montre que les oiseaux des milieux agricoles sont 30% moins nombreux qu’il y a quinze ans. En Allemagne, la quantité d’insectes dans les réserves – des espaces naturels protégés et dûment réglementés – a diminué de 80 % en trente ans. Notre relation à la nature est souvent une stratégie de consola-tion. Nous nous consolons de la perte par des interventions défensives, parfois anecdotiques. Lorsque le dernier rhinocéros blanc par exemple disparaît, on nous propose d’en reconstituer quelques individus à partir de sperme congelé et de femelles porteuses. Espère-t-on ainsi reconstituer une population équili-brée de rhinocéros blanc ?! La question est la même quand on introduit deux ours slovènes dans les Pyrénées occidentales. À quoi joue-t-on en faisant cela ? Notre système de protection reste presque exclusivement tourné vers des es-pèces emblématiques et des espaces précieux alors que les vrais problèmes sont aussi ailleurs. Les thèmes développés dans ces journées – gestion entre réseaux, entre espaces, communication, cumul de données – sont au cœur de ces problématiques. Autant la connaissance de quelques espèces peut être le fait d’un petit nombre de chercheurs autant celle des grands mécanismes et des grandes évolutions nécessite le concours de tous. Les programmes de sciences participatives, comme ceux évoqués pour les oiseaux et les insectes, sont donc très importants. Ils recourent à de nombreux bénévoles actifs. Cet engagement est un moyen de lier l’amélioration des connaissances et la com-munication. Mais quel message véhiculer  ? S’agit-il ici seulement des popu-lations de laro-limicoles, ou plus largement de préserver, de reconstruire des systèmes écologiques fonctionnels sur le littoral méditerranéen ? De plus en plus souvent aujourd’hui, il faut arbitrer des conflits entre les objectifs environ-nementaux et même des conflits entre objectifs de biodiversité (lynx et tétras par exemple). Cela pose de multiples questions et suscite de nombreux débats sur ce que sont les flux et les équilibres globaux. Le monde vivant nous paraît

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La nature est partout

Cette approche apparaît comme le miroir de la précédente. Pour Jean-Louis Martin, où est la part du domestique (ce qui est là pour nous et par nous) et celle du sauvage (ce qui est là pour lui-même) ? Le sauvage s’exprime partout. Et le chercheur souligne que : « Nous ignorons sans doute l’essentiel de ce qui fait fonctionner la nature y compris dans les milieux les plus artificiels. Ne sous-estimons donc pas la part du sauvage dans le monde qui nous entoure. Pour avoir une vision claire du chemin entre aménagement et naturalité, encore faut-il avoir une vision en amont de ce qu’est la nature. La perception d’une nature totalement imprégnée par l’homme est arrogante. Nos sociétés sont construites aujourd’hui sur un modèle de type prédateur par rapport aux res-sources naturelles. Ce qui caractérise leur fonctionnement c’est qu’elles ont perdu toute «  conversation avec la nature  » c’est à dire toute appréhension de la façon dont elles interagissent avec le monde. Cette « conversation » vaut

d’autant moins figé que les évolutions sont accélérées aujourd’hui par le chan-gement climatique. Dans ce contexte global, il faut se garder de l’idée que les protecteurs de la nature, même réunis en réseaux, pourront seuls résoudre les problèmes ».

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 87

Gérer le temps et la complexité

En Méditerranée, la naturalité est un concept discutable. Ce point de vue qui implique un retour sur l’histoire et sur les civilisations qui ont depuis des mil-lénaires aménagé les rives de la Méditerranée est celui de Jean Jalbert. Pour le protecteur de la nature, les enjeux n’ont pas beaucoup changé récemment mais la situation s’est aggravée. Et d’expliquer  : «  Nous prenons aujourd’hui conscience de l’ampleur des changements globaux et notamment du change-ment climatique. Or la boîte à outils de la protection de la nature est rudimen-taire et peu adaptée à une vision dynamique. L’ingénierie écologique peut ré-pondre efficacement à des défis « simples » comme la protection des espèces. Ce projet de protection des laro-limicoles, comme celui des flamants voilà quelques décennies, en sont la démonstration. En revanche, nous sommes très démunis pour gérer la complexité et le temps long. A l’échelle du changement climatique par exemple, celle des décennies à venir, le milieu de vie littoral des laro-limicoles est clairement exposé à la submersion marine. Nos efforts actuels pour protéger ces espèces risquent d’être anéantis parce que leurs habitats vont disparaître. Il nous faut donc anticiper ces évolutions et adapter la gestion. Aujourd’hui, l’enjeu de la conservation de la nature est moins de

aussi entre les espèces. Il n’est pas sûr qu’elle fonctionne sur le seul mode de la sélection/compétition mais qu’elle repose sans doute aussi, voire surtout, sur celui de la coopération au sein de réseaux d’espèces. Survivre c’est peut-être même d’abord vivre avec l’autre. La perception de l’aménagement peut être abordée aussi sous l’angle de cette conversation avec la nature. Aména-ger n’est-ce pas ménager des opportunités de fonctionnement des systèmes vivants ? Pour sortir de la tension qui existe entre le mode de fonctionnement de la nature et celui de nos sociétés, nous devons nous appuyer sur le bon sens, la connaissance et l’expérience, l’empathie vis à vis des dynamiques naturelles et du sauvage, la conscience de notre interdépendance avec elles, et peut-être aussi sur davantage d’humilité, parce que les résultats de cette conversation ne sont pas toujours contrôlables et peuvent être riches en surprises. Notre empreinte planétaire sur la biodiversité mériterait également une lecture plus intégrative, en particulier pour démêler les liens et interactions complexes entre les conséquences des changements intervenus dans notre usage des sols et les conséquences dues aux changements que nos activités imposent au climat de la planète Terre. »

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conserver les espèces ou leurs habitats en un lieu donné que de conserver un potentiel d’évolution et d’adaptation des communautés animales, végé-tales et humaines dans l’espace et dans le temps. Nous sommes d’autant plus démunis, qu’avec peu d’outils il nous faut réagir vite à des pressions qui s’ac-célèrent, celle du changement climatique venant s’additionner aux multiples pressions anthropiques directes. La hausse du niveau marin est enclenchée et inexorable pour les siècles à venir, ce qui doit dès maintenant obliger les ges-tionnaires à anticiper sur la gestion de l’espace. Des expériences intéressantes existent comme la gestion des anciens salins de Camargue. Dans cet espace, le retour vers davantage de naturalité signifie que c’est la mer qui dirige l’évolu-tion au moins entre le trait de côte et la digue à la mer. Cette portion de littoral est valorisée aujourd’hui comme amortisseur du changement climatique mais il est clair que dès maintenant nous devons réfléchir à la gestion à mettre en œuvre plus en arrière encore quand cette digue sera devenue elle-même le trait de côte. L’enjeu est donc d’apprendre à reculer de manière organisée tant du point de vue des enjeux de la conservation de la nature que des enjeux humains et d’inventer une approche dynamique dans laquelle les milieux na-turels ne seraient pas une simple variable d’ajustement permettant de mainte-nir les autres usages. Nous avons donc l’obligation aujourd’hui de définir une trajectoire pour ces espaces et d’inventer de nouveaux outils d’aménagement du territoire pour les gérer et notamment pouvoir transformer des espaces agricoles, industriels ou urbains en espaces naturels sous la pression des forces naturelles ».

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Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final p. 89

À la recherche d’une stratégie

Dans ce contexte comment définir une stratégie ? C’est la question que sou-lève Didier Réault. Le président de Rivages de France, un vaste réseau natio-nal de propriétaires riverains du littoral, ne peut se satisfaire des nombreuses stratégies locales, nationales et internationales qui se présentent souvent comme des catalogues de mesures permettant de contenter chacun mais qui négligent de définir des objectifs et de les hiérarchiser dans le temps. « A court terme dit-il, nous devons réfléchir à ce qui peut encore être sauvé dans les meilleures conditions. L’aménagement est une réponse possible à cet objectif en contribuant à la reconstruction, la réparation des habitats, à terre comme en mer. Le parc national des Calanques a implanté par exemple des récifs ar-tificiels dans la baie du Prado pour restaurer des habitats. A long terme, les établissements publics, les collectivités, les associations ont une vraie respon-sabilité. Le parc national a mis ainsi l’accent sur la qualité des eaux en mer, un facteur très limitant de la biodiversité marine. Ceci a conduit à une réflexion sur la gestion globale des eaux du bassin versant de la métropole marseillaise, eaux d’épuration, eaux pluviales, eaux de ruissellement. La mise en place d’un contrat de baie a fait prendre conscience aux communes de l’amont du bassin de la nécessité d’une action sur leur territoire : désimperméabilisation des sols, traitement des berges des fleuves côtiers, sensibilisation du public (jeunes, associations). L’enjeu est de faire comprendre que la gestion de la nature est un enjeu parce que la biodiversité est attractive pour le territoire au plan tou-ristique comme économique. L’accès à la nature est devenu par exemple un critère important de sélection pour la détermination du site d’implantation de grandes entreprises. En termes de stratégie, la valorisation de la nature doit donc passer par une forme de monétarisation parce que les espaces naturels rendent des services. Entre aménagement et naturalité, nous n’avons pas à choisir, il faut à la fois aménager et garder des espaces naturels notamment les continuités écologiques sur nos territoires ».

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p. 90 Projet Life+ ENVOLL - Actes du séminaire final

Une stratégie de réseau

La protection des côtes à l’échelle nationale est au cœur des préoccupations du Conservatoire du littoral. Matthieu Delabie, en tant que délégué régional pour l’Occitanie, rappelle  : «  L’établissement créé initialement dans le cadre d’une politique de protection par l’acquisition foncière et non d’aménagement du littoral, s’est doté d’une véritable stratégie. L’objectif affiché, dit ‘‘ Tiers sau-vage ’’, est de préserver 320 000 ha de côtes (30%) à l’horizon 2050. Nous en sommes à 200 000 ha actuellement. Cette responsabilité de propriétaire, par-tagée également avec celle des gestionnaires, doit être remise dans le contexte de la consommation d’espaces naturels par la société. En Occitanie, le Conser-vatoire a permis la protection de 15 000 ha de littoral ces quarante dernières années tandis que l’aménagement a consommé 100 000 ha. Rien que dans le département de l’Hérault, en 30 ans, 17 000 ha de terres agricoles ont été artifi-cialisées. Comparer ces échelles de grandeur démontre qu’on est bien dans un problème plus profond que la simple protection de l’environnement. Il s’agit plutôt de se questionner sur la relation qu’entretient la société aux espaces qui l’entourent qu’ils soient agricoles ou naturels. Comment faire des propriétés du Conservatoire des hauts lieux de biodiversité dans un contexte d’érosion de cette biodiversité et d’artificialisation des sols qui découlent de nos besoins et de nos modes de vie et de consommation  ? Un des enjeux en Occitanie est de maintenir un espace agricole suffisant, interface indispensable entre l’espace urbain et l’espace naturel. Il convient de ne pas oublier que l’agricul-ture reste la plus grande occupation du sol du littoral français (800 000 ha). En outre, il nous faut certes développer nos acquisitions foncières avec des sites de taille suffisante pour permettre aux fonctionnalités écologiques de s’expri-mer, mais surtout il convient de développer des réseaux de sites, fonctionnels et de partage, qui permettent de mieux affronter le changement climatique et les diverses pressions en cours, ce qu’a parfaitement démontré ce projet Life+ ENVOLL. Cela oriente évidemment nos stratégies d’acquisitions foncières dans l’espace pour préserver ou développer certaines continuités et contribuer à une recomposition spatiale de la biodiversité littorale. Mais un enjeu plus fort encore est de faire de ces espaces des lieux de perception et de compré-hension des enjeux et des relations que la société entretient avec ses espaces naturels. Des lieux de pédagogie de l’environnement et d’éveil à la sensibilité envers la nature et pas seulement des lieux de savoir. Les espèces symboles

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ont leur place dans ce domaine pour faire rêver et sensibiliser. Le sensible est au cœur de l’histoire de la protection de la nature avec les premières lois (sites inscrits, sites classés) qui ont permis de protéger les paysages. C’est l’émotion que procure une expérience de vie dans un espace qui va créer l’attachement à cet espace et l’envie de le préserver. Multiplions donc ces expériences de vie dans les sites dont nous partageons la responsabilité. Travaillons en réseau pour répondre aux enjeux globaux, partageons, mutualisons pour infléchir la tendance actuelle de la société à consommer l’espace et à faire régresser les espaces agricoles et de biodiversité. »

Transfert de discours et régulation sociale

Boîte à outils, travail en réseau, expériences de vie,… Y a-t-il dans ces ap-proches les clés de l’avenir ? s’interroge Valérie Chansigaud. Ne rêvons-nous pas un futur dont la mise en œuvre risque d’être un peu rude ? L’historienne des sciences nous rappelle que le concept d’environnement en tant qu’objet scientifique émerge à la fin du XVIIIe siècle. Le langage en témoigne avec l’ap-parition de nombreux termes (habitats, milieux, stations, environnement chez les anglophones). Elle ajoute : « Dans le même temps, les premières dénoncia-tions de la destruction de la planète apparaissent avec Lamarck au tout début du XIXe siècle. Les femmes au sein de la société civile y prennent une part très active (les sociétés Audubon notamment aux États-Unis). Un discours plus scientifique émerge au milieu du XXe siècle qui s’accompagne de l’éviction des femmes des grandes organisations (de protection des oiseaux par exemple) au profit des hommes. Le propos change et quitte le registre sensible pour s’affirmer sur un plan technique. La protection des oiseaux affichée comme une lutte contre la cruauté et l’égoïsme de la société s’efface au profit de l’im-portance de leur rôle dans la nature et de leur utilité. Aujourd’hui, le discours s’élargit encore et la référence à la nature, notamment l’accès à la nature, est devenue le témoin d’une réussite sociale. Au dilemme entre domestique et sauvage, aménagement et naturalité, il n’y a pas de bonne réponse. On essaie de faire au mieux en sachant que le mieux ne sera jamais parfaitement bien. On vend de l’imparfait à des gens qui n’ont pas les connaissances ou n’ont même pas envie d’en avoir. Nous avons dépassé la question de savoir ou de ne pas savoir. L’expertise scientifique est aujourd’hui dévalorisée. Il n’y a plus de vérité face à la multiplication des savoirs. Les acteurs de la protection de la

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nature au XIXe siècle œuvraient au nom d’un bien commun qui était la stabilité et l’épanouissement social. Le meilleur argument pour la défense d’une nature sauvage ou supposée telle, ne serait-il pas finalement la capacité à produire de la régulation sociale ? Les responsables des grandes organisations de protec-tion de la nature sont presque tous des hommes, blancs, de rang social élevé. Comment ce que nous partageons ici entre nous du rapport à la nature est-il audible par des gens qui ne sont jamais parmi nous ? Comment s’adresser à un public qui sort de notre communauté ? Depuis un siècle, les mouvements de la protection de la nature ont été très orientés en matière de composition sociale. Finalement, on peut se demander si le discours sur la nature sauvage n’est pas le reflet d’une culture dominante et si l’enjeu n’est pas le transfert vers d’autres classes sociales ?

DÉBAT

Les échanges avec le public ont permis d’aborder trois approches principales.

Les relations homme nature

N. Sadoul - Sur la question posée de l’aménagement vs la naturalité, faut-il être dogmatique ou s’adapter aux conditions rencontrées ?

F. Letourneux – La question n’a pas de sens en soi. Le problème est davantage dans ce qu’on en fait. Si on dépense son énergie pour faire de la production de laro-limicoles en pensant avoir ainsi réglé les problèmes écologiques, alors se trompe. Nous n’avons pas à nous targuer d’être pilote de la biodiver-sité. Notre responsabilité d’être humain s’exerce partout, même là où nous choisissons la naturalité. Rien de ce que nous faisons avec le reste du vivant n’est anodin.

J.L. Martin – La naturalité est partout et la conversation avec elle commence sur le pas de notre porte. Dans tous les cas elle aboutit à un compromis. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure les espaces naturels protégés peuvent jouer un rôle dans la contagion vers la société de cette conversation que l’homme entretient avec la nature.

F. Letourneux – Sur la question de la réintroduction, je m’interroge sur l’op-portunité d’une telle opération quand on a un vrai problème d’incompré-hension, d’absence de conversation entre les éleveurs et les protecteurs de

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la nature. Dans un tel contexte, la réintroduction n’est pas une priorité. Je ne demanderais pas mieux que de voir les ours réintroduits dans les Pyrénées mais dans le cadre d’une vraie « conversation » entre humains. Aujourd’hui, nous ne sommes même plus en capacité de protéger des espèces symboles comme le macareux qui est pourtant l’emblème de la plus importante orga-nisation ornithologique de France (LPO) et de la première réserve naturelle créée en 1912. Avec le réchauffement des eaux marines et les modifications des ressources alimentaires, le macareux va disparaître de notre pays. Notre stratégie aujourd’hui ne doit plus se limiter aux espèces symboles.

J.L. Martin – En Colombie britannique, les populations locales (les « Haïdas ») valident complètement notre manière de décrire les communautés vivantes comme des réseaux d’interactions quand nous leur présentons nos re-cherches sur les conséquences de l’introduction des cerfs sur les îles que ces populations habitent. Leur représentation de la hiérarchie chez les animaux va jusqu’à placer l’orque au-dessus des hommes parce qu’il vit à l’interface des deux mondes essentiels à leurs yeux, le monde sous-marin et le monde terrestre.

O. Scher – Au Canada, les interactions homme-milieu sont parfaitement inté-grées dans le discours que l’on peut lire dans les textes indiens. Que la dispa-rition d’un élément du réseau (un saumon, un arbre,…) impacte le reste de

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l’environnement est une évidence pour ces populations. Il était important, dans le cadre du projet Life+ ENVOLL, de développer la conscience de l’ap-partenance à un réseau pour ancrer celui-ci dans le territoire.

Biodiversité et société

V. Chansigaud – Il nous faut faire du lien avec la nature mais entre les hu-mains. Freiner l’érosion de la biodiversité passe aussi par des politiques qui ne relèvent pas directement de la biodiversité. L’accroissement des inéga-lités sociales et la perte de biodiversité relèvent des mêmes acteurs et des mêmes facteurs. Un intérêt de cette approche est de valoriser l’objectif de restauration de la biodiversité, qui peut paraître théorique à certains, en le rattachant à la vie de tous les jours. Cette approche plus large intégrant la dimension sociale est trop peu abordée.

J. Jalbert – Je voudrais appuyer cette idée que les processus de perte de bio-diversité et de paupérisation sont les mêmes. Le réchauffement climatique est largement perçu comme un enjeu fort parce que chacun comprend que cela va changer son mode de vie. Il nous faut donc exploiter cette opportu-nité pour expliquer les processus qui sont sous-jacents du point de vue de la nature comme du point de vue de notre quotidien.

J.L. Martin - Chez les populations de Colombie britannique étroitement liées à la nature que j’évoquais précédemment, les projets de destruction de la forêt ont entraîné des mouvements sociaux importants et forcé les autorités à faire un constat clair et partagé des désaccords entre premières nations et gouvernement fédéral. Cette démarche «  d’accord sur les désaccords  » était symboliquement très importante car elle reconnaissait aux premières nations une forme de souveraineté sur leur territoire qui permettait d’avan-cer ensuite dans le projet. Ce respect mutuel a permis de dialoguer ouverte-ment, d’expliquer ses points de vue. Se mettre d’accord sur les désaccords a abouti aujourd’hui à une protection négociée de 50 % de l’archipel, archipel d’une superficie égale à la Corse.

N. Sadoul - En France, en un siècle, on est passé d’une population rurale à une population urbaine mal informée, sans enseignement des sciences na-turelles à l’école à qui on demande de consommer toute l’année et d’avoir soudain des comportements adaptés dans l’environnement. L’inadaptation

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des gens à la nature n’est pas surprenante. Les protecteurs sont des profes-sionnels appartenant à une classe sociale plutôt aisée qui a souvent fait des études supérieures et a des difficultés à converser avec d’autres parce qu’elle a un langage propre.

M. Delabie – Le Conservatoire du Littoral a quelques temps financé une en-quête sur la perception de la protection de la nature par les usagers du lit-toral. Les usagers, principalement un panel d’urbains, se révèlent être des consommateurs multi-usages (balnéaires, de services, d’espaces naturels…) en aucun cas ils ont une approche monolithique. Ils retiennent les noms des sites mais peu les contenus des panneaux ou qui fait quoi sur le site. Notre action, notamment avec les maisons de sites, est de toucher ce grand public. Il nous faut être à l’écoute de ces citoyens pour rapprocher nos combats de leurs préoccupations et s’adresser à eux dans un langage qui est le leur. Nos comités de gestion ont très peu de représentants de la société civile. Il nous faut les rouvrir. Il nous faut développer des projets sur le modèle des Marais du Vigueirat où la gestion du site va bien au-delà de la seule gestion du patrimoine naturel et intègre des préoccupations sociales.

Un exemple d’action de la société civile est celui de l’étang du Bagnas près d’Agde. Sous l’impulsion d’un pharmacien et d’une mobilisation citoyenne et associative, cette propriété des salins du Midi a échappé à un projet d’aménagement et a été classée en réserve naturelle nationale avant d’être achetée 15 ans plus tard par le Conservatoire du littoral. Mais aujourd’hui l’association initiale n’a pratiquement plus de membres, elle se sent exclue de la gestion conservatoire et naturaliste et doit régénérer son projet asso-ciatif. Redonner de la place à la société civile est une tâche à laquelle nous devons nous atteler.

J.L. Martin – Nous vivons dans une société partagée entre ceux qui dé-fendent la nature et ceux qui pilotent le développement et possèdent les moyens économiques et financiers de le faire. Cela pose la question du rôle des politiques : complices ou victimes de la situation ? Les enjeux financiers (immobiliers, aménagements divers) sont souvent très grands et il y a fré-quemment collusion entre les élus et les aménageurs au point que des élus peuvent parfois passer outre le résultat défavorable d’une consultation sur un projet d’aménagement.

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J. Jalbert – Le Conservatoire du littoral a apporté son appui aux institutions tunisiennes pour mettre en place une structure équivalente, l’Agence pour la Protection et l’Aménagement du Littoral. Or cette agence, face à une problé-matique d’érosion littorale, pratique de l’aménagement lourd comme nous l’avons fait en France il y a 50 ans mais réalisé ici avec une appellation de « Protection », ceci en toute bonne foi. Autre exemple de difficulté de com-munication. Les mécanismes intergouvernementaux sont inefficients face à des politiques d’aménagements autour de la Méditerranée. Aucun État ne va dénoncer son voisin. … Dans l’élan des printemps arabes, la société civile s’est mobilisée et une alliance de 24 organisations non gouvernementales s’est constituée pour jouer le rôle de lanceur d’alerte, faire constater objecti-vement la nature de la menace, lever une pression internationale sur les États et se faire source de propositions. Ce mécanisme est en cours de mise en place et a déjà fonctionné par exemple en Turquie.

L. Foulc – Quelle place pour la naturalité dans les pays émergents où le dé-veloppement passe par d’énormes aménagements ? Par ailleurs, la société civile me semble assez concernée par la nature. J’ai pu le constater encore récemment dans une lutte contre des projets hôteliers au Maroc menée par une association de femmes. A l’échelle française, quid de la possibilité de réurbanisation du littoral qui semble se faire jour avec la révision de la loi lit-toral ? Est-ce compatible avec une stratégie de repli envisagée face à la pres-

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sion du changement climatique ? Enfin les gestionnaires vont vers davantage d’aménagements car ils sont plus faciles à financer dans leur plan de gestion. En revanche, il est plus difficile d’obtenir un soutien pour l’accueil du public, l’intégration de politiques sociales, l’accueil de travailleurs en insertion…

V. Chansigaud – Relativisons nos difficultés. La démocratie est nécessaire à la protection de l’environnement. La conservation de la nature dans les dic-tatures est très risquée et beaucoup y ont laissé leur vie. Une perte de la dé-mocratie c’est une limitation de nos capacités d’agir. Parmi les populations non directement visées par la protection de la nature, il ne faut pas oublier des acteurs trop souvent oubliés comme les syndicats d’entreprises. Ils sont informés sur le fonctionnement des entreprises et sont potentiellement des partenaires ouverts aux questions environnementales avec lesquels on pour-rait développer des synergies… si nous savons protéger notre démocratie.

B. Recorbet - Le réseau naturaliste s’est démocratisé et cela continue. Des cloi-sonnements persistent néanmoins. Il faut aller vers plus de démocratisation encore et plus de collaboration entre les réseaux existants.

I. Lepeule (Réseau École Nature) – Personnellement, je trouve que la société civile se mobilise. Des mouvements alternatifs émergents (Alternatiba pour le climat, Colibris pour l’agriculture…), des marches, des mobilisations se déroulent partout. Les réseaux sociaux sont très efficaces pour mobiliser la société civile mais il faut les entretenir. Les protecteurs de la nature ont tout intérêt à se rapprocher de ce genre de mouvements afin de mobiliser des gens qui ne sont pas nécessairement prêts à s’investir dans le milieu associa-tif et à y prendre des responsabilités. L’idée est de créer du lien sur le long terme.

V. Chansigaud – Méfions-nous des auto-évaluations. Les mobilisations di-verses sont intéressantes mais que représentent-elles politiquement dans les urnes ? Quelques pour cents à peine. Même des manifestations rassemblant quelques centaines de milliers de personnes, pour le climat par exemple, cela représente quoi  ? Au-delà des critiques faciles aux grands problèmes, qu’est-ce qui anime cette foule ? Et surtout cela signifie quoi ? De quoi parle-t-on ? Sur quel projet concret se bat-on ?

F. Letourneux - L’important est d’agir avec bonne volonté et dans l’écoute de l’autre. Et méfions-nous des excès du réglementaire et du dogmatisme.

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Le Conservatoire a été créé dans cet esprit sur la base d’un constat (rapport Picard) que le règlement ne résiste pas à la pression, que le propriétaire ne doit pas être le gestionnaire et que la concertation doit l’emporter sur le pou-voir. La même logique s’exerce aussi dans les parcs naturels régionaux. Elle s’appuie sur une maxime « Pour gagner, il faut renoncer à vaincre ».

V. Chansigaud – Tout le problème est de juger du volontarisme et de l’autori-tarisme c’est à dire de savoir quelle liberté on confie aux individus et quelles obligations on leur fait porter. Oui il faut un laisser faire mais la bonne volonté ne suffit pas et tout le problème est de trouver un équilibre entre les deux.

M. Delabie – L’histoire du Conservatoire du littoral c’est la rencontre entre un acteur public, des élus, la société civile dans le cadre de projets. Dans bien des cas, face à un projet d’aménagement, c’est de la société civile qu’est venu le premier émoi, il a fallu la lutte des habitants pour faire reculer les promo-teurs et les aménageurs et permettre ainsi de préparer la phase d’acquisition par le Conservatoire du Littoral. Ce qui est remarquable c’est qu’il y a une régénération perpétuelle des acteurs et de l’action menée dans une société nouvelle. Dans bien des projets, il est trop souvent question de défendre des chapelles et des egos plutôt que de travailler collectivement dans un esprit d’ouverture. L’adhésion à une association se fait souvent dans le cadre d’un projet porteur mais pas forcément sur le long terme ad vitam aeternam. Le

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développement des projets au Marais du Vigueirat est emblématique d’une démarche innovante et d’ouverture au cours de laquelle les différents projets se succèdent les uns aux autres en fonction de ce qui fait sens au moment où il a été choisi d’avancer. C’est véritablement vers ce type de démarche dans laquelle nous devons nous inscrire.

Le modèle associatif

Q. Giraudon (Groupe ornithologique du Roussillon) – Quid de l’effritement du modèle associatif dans le monde de la conservation ?

D. Réault – L’engagement associatif faiblit dans tous les domaines. Le nombre des associations s’accroît mais le nombre de leurs membres actifs et béné-voles diminue. On assiste à une professionnalisation du monde associatif.

J. Jalbert – Le tissu associatif est très dynamique aujourd’hui dans le bassin méditerranéen et nous devons exploiter ce levier. Il y a une véritable soif de la société civile à devenir actrice. Soyons à l’écoute de ce mouvement, soute-nons le, profitons-en pour développer des réseaux.

F. Letourneux – Beaucoup d’associations se sont endormies ou se sont profes-sionnalisées. Il y a une nouvelle manière de faire du bénévolat hors associa-tions et une opportunité de faire passer des messages à d’autres publics. A la LPO, la moitié des bénévoles ne sont pas adhérents de la LPO. La science par-ticipative, l’expérience, l’engagement des bénévoles, méritent considération.

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A. Dervieux – J’invite les naturalistes à ne pas rester dans des communau-tés trop restreintes, perçues comme des groupuscules, et à entrer en réseau avec les autres éléments de notre société.

S. Bertrand (CEN L-R) – Je m’interroge sur les rapports entre intérêt général et intérêt particulier. L’engagement citoyen dans la prise de responsabilité exige un dépassement de son intérêt individuel au profit du collectif. L’indi-vidu ne veut plus être contraint par la décision du groupe en milieu associa-tif. Cela interroge sur la gouvernance de nos associations.

J.L. Martin – Il faut stimuler l’adhésion, au sens de l’implication, plus que la cotisation qui peut n’apparaître que comme un soutien financier. Pour au-tant, la cotisation à une association est importante car c’est une manière qui nous est offerte de décider de ce que nous faisons avec nos impôts (grâce à l’exonération).

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PROPOSITIONS DE LECTURES

De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité. Patrick Blandin. Ed. Quae, 2009.

L’invention de la nature. Andréa Wulf. Ed. Noir sur blanc, 2015.

La société écologique et ses ennemis. Serge Audier. Ed. La découverte, 2017.

La part sauvage du monde. Virginie maris. Ed. du Seuil, 2018.

La vie secrète des arbres. Peter Wohlleben. Ed. Les Arènes, 2018.

La revue durable. Ed. Association Artisans de la Transition, Fribourg (Suisse).

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