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    La pauvret au Maroc

    Introd uction..............................................................................................................9

    1. La pauvret et lexclusion sociale : une base conceptuelle......................112. La pauvret au Maroc : mesure, volution et profil ....................................13

    2.1. Mesure et volution de la pauvret au Maroc .......................................132.2. Profil de la pauvret au Maroc ..................................................................14

    2.2.1. Rpartition spatiale de la pauvret ................................................142.2.2. Pauvret et taille des mnages ............ ............ ............ ............. .....152.2.3. Sant et pauvret ..............................................................................16

    2.2.4. ducation et pauvret ....... ............. ............ ............ ............ ............ ..162.2.5. Femmes et pauvret ...... ............. ............ ............ ............ ............ ......172.2.6. Pauvret et cycle de vie ...................................................................18

    3. Politiques conomiques et pauvret au Maroc ........... ............ ............. .......203.1. Le cadre thorique ......... ............. ............ ............ ............ ............ ............. ...203.2. Ajustement, politiques de stabilisation et pauvret ...............................213.3. Dpenses publiques et pauvret .... ............ ............ ............ ............ .......... 213.4. Prix des produits alimentaires et rgulation des marchs ...................223.5. Politiques anti-inflationnistes et stabilisation des prix ..........................233.6. Politiques du commerce extrieur et pauvret ......................................233.7. Gestion du march du travail, emploi et pauvret .................................243.8. Le contexte marocain ........ ............. ............ ............ ............ ............ ............ 243.9. Ajustement et stabilisation de lconomie marocaine ..........................253.10. Facteurs exognes et pauvret ...............................................................27

    4. Croissance conomique et pauvret au Maroc : quel lien ? ......................284.1. Le cadre thorique ......... ............. ............ ............ ............ ............ ............. ...284.2. Le cas du Maroc...........................................................................................29

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    4.3. Niveau national ............................................................................................34

    4.4. Milieu urbain .................................................................................................354.5. Milieu rural ....................................................................................................36

    5. De lingalit et de son volution au Maroc ........... ............ ............ ............ ..375.1. Le cadre thorique ......... ............ ............ ............. ............ ............ ............ ....375.2. Le cas du Maroc : lingalit en matire de dpense ........... ............ ....385.3. Les autres formes de lingalit : lducation, la sant

    et lhabitat ....................................................................................................406. Dveloppement humain et pauvret humaine au Maroc ........... ............ ....427. propos des stratgies de lutte contre la pauvret au Maroc .................458. volution prospective de la pauvret au Maroc :

    des tendances ambigus ................................................................................50

    Conclusion............................................................................................................... 53Rfrences .............................................................................................................. 54

    TOUHAMI ABDELKHALEK

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    Introduction

    Au Maroc, comme dans tous les pays du monde, la pauvretsous ses diffrentes formes a toujoursexist. Cependant, pour diverses raisons et pour longtemps, mme reconnue, elle na t dsigne commetelle qu partir du dbut des annes quatre vingt dix du sicle prcdent.

    Aujourdhui, cinquante ans aprs lindpendance du pays, il est connu mais dur pour chaque marocaindaccepter que plusieurs millions des ses compatriotes vivent dans une pauvret crasante. Dans cecontexte on parle mme de deux Maroc ou encore dun Maroc deux vitesses . Celui des plus dmu-nis regroupe une population allant des chmeurs, urbains et ruraux, aux petits fonctionnaires en passant parles paysans sans terre du milieu rural ou encore par les artisans urbains dont lactivit et le chiffre daffairesne cessent de rgresser dune anne lautre.

    En essayant de faire un bilan global de lensemble des politiques conomiques inities depuis lindpen-dance du pays, en particulier depuis le milieu des annes quatre vingt, on se rend compte que le Maroc napas russi mettre en place un mcanisme efficace de lutte conte la pauvret et que les effets de certainesde ces politiques, conjugus avec ceux de certains facteurs plutt exognes mal contrs, ont parfois accen-tu la pauvret et les ingalits dans la population.

    En 2005, comme depuis plusieurs annes en fait, le niveau de vie dune grande partie de la population setrouve en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvret et se caractrise par une prcarit ou par unegrande vulnrabilit. En effet, selon les indicateurs usuels de mesure de la pauvret montaire, du dve-loppement humain ou de la pauvret humaine, la tendance gnrale de lvolution de la pauvret a t plutt la baisse mais reste des niveaux levs. En outre, le phnomne nest pas spcifique un milieu de rsi-dence ni une rgion plutt qu une autre, bien quil soit plus rpandu entre les populations rurales. Cestmalheureusement un phnomne gnralis qui touche les deux sexes et toutes les catgories dges.

    Les pauvrets (montaire et humaine) au Maroc, comme dans plusieurs autres pays, ont de multiplesfacettes et plusieurs dimensions. Leurs dynamiques, en fonction de lvolution conomique et dmo-graphique depuis lindpendance, rendent complexe toute stratgie de lutte. Celle-ci doit en effet tre detype pluriel, intgre, bien cible au niveau spatial et sur les populations pauvres. Elle doit aussi se baser surles causes profondes du phnomne pour assurer une plus grande efficacit.

    Or tous les travaux qui valuent les stratgies ou les programmes de lutte contre la pauvret entrepris auMaroc durant plusieurs dcennies font tat dun mauvais ciblage, dune grande dispersion des efforts desintervenants et dune faible participation des populations pauvres trs mal encadres. Par ailleurs plusieursdes actions menes en la matire ne sattaquent pas aux vritables causes de la pauvret et de la vulnrabi-lit.

    Aujourdhui et aprs plusieurs tentatives, il semble quil est maintenant clair quune stratgie nationale delutte contre la pauvret doit tre conue comme un projet cohrent et intgr. Elle doit tre logique dans sonarticulation, suffisamment ambitieuse mais raliste dans ses objectifs et doit reposer sur des moyens plussrs.

    Dans ce chapitre relatif lvolution de la pauvret au Maroc depuis lindpendance, nous privilgions defaon claire et volontaire une approche conomico-statistique du phnomne. Nous revenons, chaque foisque cest possible et pertinent, sur le cadre de rfrence thorique associ au paragraphe trait avant de pr-

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    senter le cas marocain. Ces socles thoriques, que nous jugeons ncessaires, permettent chaque fois demettre en vidence le lien entre les concepts conomiques en question et les phnomnes tudis (la pau-vret ou lingalit).

    Dans la premire section de ce travail nous faisons un essai de retour sur la base thorique du concept depauvret et sa dfinition en liaison avec celle du concept de bien-tre. Ce retour a t fait dans le cadre dudbat qui a toujours lieu entre les principales coles de pense en la matire. Dans ce mme paragraphenous voquons aussi de faon rapide mais qui nous semble utile, la relation qui existerait entre le concept depauvret et celui de lexclusion.

    Dans la section 2, en utilisant les seuls chiffres officiels publis disponibles en matire de pauvret, nousprsentons les principales mesures du phnomne pour les quarante dernires annes. Nous revenonsaussi sur les principales caractristiques du profil de ce phnomne au Maroc.

    La section 3 est consacre au lien entre un ensemble de politiques conomiques et lincidence de la pau-vret. Il sagit en particulier des politiques dajustement et de stabilisation, de la politique du commerce ext-rieur et de change, de la politique des prix, de celle des dpenses publiques et douverture commerciale.

    La section 4 traite une question qui a pris beaucoup dimportance durant les dernires annes en matiredapproches de la pauvret. Il sagit du lien entre la croissance conomique et la tendance gnrale de linci-dence de la pauvret. Aprs la prsentation de quelques lments du cadre thorique de ce lien, le cas duMaroc a t trait pour montrer les limites de toute politique conomique qui ne compte que sur la crois-sance pour rduire la pauvret.

    Bien que le concept de pauvret soit distinct du concept dingalit, ils sont manifestement lis. Il sembledonc difficile de traiter lun sans voquer lautre. Ainsi, la section 5 de ce chapitre est consacre lingalit.Ici aussi, aprs une brve prsentation thorique de ce concept, pour le distinguer suffisamment de celui depauvret, et en se basant sur diffrents indicateurs et mesures de lingalit, nous essayons de prsenterplusieurs aspects de ce phnomne et de son volution au Maroc. Il ressort de lanalyse des principauxrsultats dduits de ces mesures que lingalit, en matire de dpenses de consommation, tout comme lapauvret montaire, et aussi en matire daccs aux services prioritaires en matire de bien tre, est resteleve et plutt stable entre les mnages marocains durant les cinquante dernires annes.

    Pour tre aussi exhaustif que possible, dans le cadre dun chapitre synthtique, la section 6 a t consa-cre aux concepts de dveloppement humain et de pauvret humaine. Malgr les critiques mthodologiqueset statistiques auxquelles ils sont soumis, les deux concepts de dveloppement humain et de pauvrethumaine et leurs mesures (IDH et IPH-1) pour le Maroc ont t prsents. Ici aussi et depuis que ces indica-teurs ont t calculs, leur volution tait positive mais lente. Avec les rsultats obtenus en la matire, leMaroc se retrouve toujours dans le groupe le plus faible de la classe des pays dits dveloppement humainmoyen.

    Sans quelle ne soit vritablement son objet, la section 7 de ce chapitre a t consacre une prsentationet une analyse plutt critique de la stratgie de lutte contre la pauvret au Maroc. Nous y caractrisons defaon rapide et en termes gnraux les bases thoriques dune stratgie de lutte contre la pauvret. Unretour sur les principales phases, sur les grands axes et sur les caractristiques essentielles de la stratgiemarocaine de lutte contre la pauvret a t fait.

    En matire dvaluation de cette stratgie, le constat global est plutt ngatif. Tous les rapports font tatde la trs mauvaise coordination entre les diffrents programmes et institutions qui interviennent dans cedomaine et dune grande dispersion des efforts. Cette dispersion et ce manque de coordination portentatteinte lefficacit de plusieurs de ces programmes. Les interventions de lutte contre la pauvret mises enplace se caractrisent aussi par une prdominance des actions caractre plus conjoncturel que structurel.Ce type dactions, mme efficace court terme, reste dun impact limit moyen et long termes. Une autrerflexion et une structuration des actions simposent.

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    La section 8 de ce chapitre essaye desquisser les bases dune volution prospective de la pauvret auMaroc. Lvolution de ce phnomne dpend, on le sait, de plusieurs facteurs (conomiques, dmo-graphiques et autres) imbriqus les uns dans les autres. En mettant ceux qui nous semblent les plus impor-tants les uns ct des autres, aucune tendance claire ne se dgage. Si le rythme de croissance desindicateurs de dveloppement reste le mme, cest--dire que si la tendance ne fait que se maintenir, leMaroc reculerait certainement en terme de rang sur lchelle du dveloppement humain et de pauvret. Engros et selon presque tous les scnarios plausibles, seule une croissance conomique soutenue, forteintensit de main-duvre et cratrice demplois, dont les fruits sont quitablement rpartis dans la popula-tion, peut efficacement rduire la pauvret au Maroc. Il semble que cest le seul remde soutenable longterme.

    Comme il est dusage, la toute dernire section de ce chapitre est consacre une conclusion.

    1. La pauvret et lexclusion sociale : une base conceptuelle

    Malgr la prolifration des crits sur le phnomne, la pauvret est un concept qui reste globalementvague et peu prcis. la base et fondamentalement, la pauvret est un concept dordre normatif . Eneffet, en tant que concept, elle est dorigine thique et sociale. Elle sest retrouve par la suite au centre de lathorie conomique du choix social. Dans un essai de dfinition gnrale, on peut dire que la pauvretestune ou plusieurs situations considres comme inacceptablesou encore injustessur les plans conomiqueet/ou social.

    La question incontournable en matire dapproche de la pauvret dans une socit, est relative lespacede rfrence considrer pour identifier les situations juges inacceptablesou injustes. Les espaces aux-quels on pense naturellement sont ceux des ressources, des accomplissements, des capacits ou mme

    des liberts.Les principales coles de pense en la matire se heurtent, entre autres, la diffrence et la grandehtrognit entre les individus, dans le temps et dans lespace. Cette htrognit rend variable (mmetrop variable) le contenu des espaces gnralement considrs dans ce domaine. En effet, lespace usuelle-ment considr est celui du revenu disponible dun individu. tant donn un vecteur de prix, cet espace uni-dimensionnel dlimite en fait le domaine des choixde ce quun individu peut acqurir dans une conomie demarch. Cet espace est en gnral en relation vidente avec les autres espaces qui peuvent dfinir le bien-tre des individus.

    Cependant, il va sans dire que lgalit entre deux individus dans un espace particulier nimplique souventpas leur galit sur un autre espace qui peut tre aussi important que le premier. Cette complexit thoriquedapproche de la pauvret selon les espaces se reflte invitablement sur les mthodes empiriques et pra-tiques qui cherchent identifier la sous population qui serait considre pauvre.

    Dans le mme ordre dides, et de faon gnrale, les approches de la pauvret peuvent tre dcompo-ses en deux principales catgories. Celles qui se basent sur un certain indicateur de bien-tre (utilita-ristes ou welfarist)et les autres. Elles sont toutes les deux pertinentes, et peuvent tre utilises de faoncomplmentaire pour dcrire lvolution et ltat de la pauvret au Maroc.

    Les premires se concentrent principalement sur les comparaisons dun certain indice ou dune certainemesure du bien-tre ou du niveau de vie. Elles sont, par construction, trs lies aux thories micro-conomiques classiques. Elles sont aussi plus rpandues et largement utilises par les conomistes des ins-titutions internationales et par les directions des statistiques des diffrents pays comme le Maroc.

    Les approches concurrentes sont principalement bases sur des rfrences sociologiques. Elles sont plu-

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    tt multidimensionnelleset donc plus complexes. La premire et la plus importante cole de ce deuximecourant est celle dite des besoins de base . Son ide fondamentale est beaucoup plus pragmatique quecelle des approches utilitaristesbases sur le seul indicateur du bien-tre.

    Lcole dite des capacits et des fonctionnements , conduite par Amartya Sen, Prix Nobel dconomieen 1998, est aussi une raction thorique aux ides de lcole utilitariste. Elle repose quant elle sur unconcept, assez abstrait de justice sociale qui soppose par dfinition au critre classique de lutilit indivi-duelle.

    Dans cette approche, un ensemble qui contient explicitement un minimum social cohrent est identifiet accept par tous les membres de la socit. Les dimensions de lespace que doit couvrir ce contratsocial ne sont cependant pas faciles cerner et posent des problmes pratiques complexes. En particulier,pour chaque socit et un moment donn, des fonctionnements spcifiques exigent des capacits et desfacults spcifiques.

    Selon Sen (1987), le bien tre cest tre bien nourri, tre en bonne sant, tre bien duqu, ... lavaleur du niveau de vie a tout voir avec la vie, non pas avec la possession de biens.... . Ce qui a donc de lavaleur, selon cette cole, cest la facult ou la capacit dun individu tre fonctionneldans unesocit. La pauvretest alors considre comme une privation de cette facult ou de cette fonctionnalit.

    Selon ce courant de pense, lanalyse de la pauvret doit donc chercher dterminer les facultset lescapacitsncessaires dans chaque socit puis identifier les personnes qui ne peuvent pas les dvelopper.Cette approche de la pauvret savre cependant beaucoup plus thorique et na presque jamais t labo-re de manire convaincante dans la pratique, ni au Maroc ni ailleurs.

    En dfinitive, comme il y a plusieurs concepts de bien-tre, il y a plusieurs dfinitions de la pauvret. Cefait implique une multiplication des approches de la pauvret et aussi plusieurs complications empiriques.

    Toujours dans cette perspective conceptuelle, depuis bien longtemps maintenant, les deux concepts depauvretet dexclusion se trouvent lis dans la littrature. En effet et titre dexemple, Secrtan (1959) adfini la pauvret par lexclusion. Il dfinit ainsi les pauvres comme tant des personnes vivant part; ilssont de notre monde sans en tre . Cependant, et durant les annes 70, avec laggravation de la pauvretdans certains pays, le concept dexclusion a t utilis pour dcrire puis expliquer la situation des individusqui ne sont pas ncessairement pauvres, mais qui sont tenus, pour une raison ou une autre, tre en margede la socit, la pauvret pouvant tre bien sr une de ces raisons.

    Lexclusion dont il sagit ici se manifeste par au moins trois formes distinctes : le handicap, linadaptationet la dprivation. Certaines de ces formes sont gnralement lies entre elles et le sont aussi avec la pau-vret travers des relations causales. Dans ce sens, Lenoir (1974), prcise ces relations : Dire quune per-sonne est inadapte, marginale ou asociale, cest constater que dans la socit [...] cette personne, en raisondune infirmit physique ou mentale, de son comportement psychologique ou de son absence de formation,est incapable de pourvoir ses besoins, ou exige des soins constants, ou reprsente un danger pour autrui,ou se trouve sgrgue soit de son propre fait, soit de celui de la collectivit . Cette dfinition qui, par salongueur, essaye dtre exhaustive, fait donc le lien entre la pauvret, sous ses diffrentes formes, et lexclu-sion.

    Moss (1985) propose de son ct une dfinition de lexclusion un peu similaire celle de Lenoir (1974). Ildfinit les exclus comme tant des personnes qui nont pas le type de rgime alimentaire, habitat, envi-ronnement, ducation, conditions de travail et conditions sociales, activit de distraction qui sont habituels oudu moins largement encourags par la socit dans laquelle ils vivent .

    Il en dcoule que selon plusieurs auteurs, si la pauvret et lexclusion ne sont pas ncessairement confon-dues, elles sont certainement lies. Le pauvre et lexclu vivent tous les deux dans un tat de prcarit. Dansune perspective plus empirique, il ressort que ces deux concepts (pauvret et exclusion)sont tous les deuxlis lune ou lautre des caractristiques suivantes : lincertitude et/ou la faiblesse des ressources, linsta-

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    1. Nous ne revenons pas ici sur les ventuelles diffrences mthodologiques entre les oprations et enqutes qui ont produit ces rsultats nisur les effets probables de leurs dates de rfrence. Ce retour dpasserait lobjet de ce travail.

    bilit du statut professionnel, lisolement et la pauvret culturelle. Un pauvre, tout comme un exclu, naaucune matrise sur son avenir et se trouve perptuellement menac par des dgradations de ses conditionsde vie.

    2. La pauvret au Maroc : mesures, volution et profil

    Au Maroc, les seuls chiffres officiels disponibles en matire de pauvret sont dduits dune approchebase sur un critre de bien-tre. En effet, cest la dpense de consommation par personne, une mesuremontaire, qui a t toujours retenue. Notre analyse ci-dessous se base sur ces chiffres, malgr les multiplescritiques auxquelles ils peuvent tre soumis.

    2.1. Mesure et volution de la pauvret au Maroc

    Durant les cinq dcennies de lindpendance du pays, et selon les indicateurs usuels de mesure de la pau-vret, en matire de taux, ce phnomne affiche une tendance gnrale la baisse. Cette tendance nacependant pas t monotone. Aujourdhui ce taux se situe des niveaux levs. Lvolution gnrale ducontexte macro-conomique national et les effets des politiques conomiques poursuivies, en particuliercelles poursuivie pendant et aprs lapplication du programme dajustement structurel (1983-1991),expliquent en grande partie cette volution et ltat actuel du phnomne.

    Tableau 1 : volution des effectifs et des taux de pauvret au Maroc(les effectifs sont en milliers les taux sont en %)

    1959-60 1971 1984-85 1990-91 1998-99 2000-01

    Effectifs % Effectifs % Effectifs % Effectifs % Effectifs % Effectifs %

    Urbain 1750 43,8 2072 38,3 1300 13,8 912 7,6 1814 12,0 1560 9,6

    Rural 3995 60,0 4457 44,7 3300 26,7 2448 18,0 3496 27,2 3622 28,2

    Ensemble 5745 55,7 6529 42,4 4600 21,1 3360 13,1 5310 19,0 5182 17,8

    Source : Reconstruit partir des donnes de la Direction de la Statistique.

    En analysant de faon rapide les donnes du tableau 1, il ressort quau Maroc, la pauvret montaire,mesure par le taux de pauvret, a une tendance la baisse mais pas rgulire1. Ce taux est en effet passde plus 55 % en 1959-60 moins de 18 % en 2000-01. Cependant, et en terme deffectifs, le niveau de lapauvret est rest assez stable, entre 4 et 5 millions de personnes, pratiquement durant toute la priode. Ilfaut noter qu cause des interfrences entre les phnomnes dmographiques et ceux gnrateurs de pau-

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    vret, mme si le taux baisse, leffectif des pauvres peut augmenter ou rester stable. Ainsi, dans notre payset selon les donnes des enqutes statistiques effectues, on peut dire sans grande erreur que depuislindpendance, et tout instant, quatre cinq millions de nos concitoyens sont pauvres.

    Il faut aussi prciser que le taux de pauvret, ou encore lindice numrique de la pauvret utilis, est loindtre la meilleure mesure du phnomne. Son usage ici ne sexplique que par le fait quil est la seulemesure calcule et disponible pour toutes les oprations statistiques conduites depuis lindpendance.Certes, parmi toutes les mesures de pauvret, il est le plus simple et le plus facile comprendre. Les autresmesures montaires plus labores et plus pertinentes, calcules pour certaines des enqutes nationales,confirment gnralement les tendances enregistres par lindice numrique.

    Cette volution gnrale de la pauvret au Maroc trouve, au moins en partie, une explication dans lvolu-tion du contexte macroconomique gnral, dans la rpartition des fruits de la croissance et dans les diff-rents phnomnes conjoncturels (climatiques et autres) que le pays a connus durant toute cette priode.

    En effet, la faiblesse du niveau de lactivit conomique et le chmage associ, la frquence des annesde scheresse et labsence de politiques efficaces et coordonnes de lutte contre la pauvret y sont pour

    beaucoup. Le ralentissement de la croissance du produit intrieur brut (par tte et en termes rels), en parti-culier pendant les deux dernires dcennies, sest accompagn dune augmentation du taux de chmage. Cedernier se manifestait de faon encore plus inquitante entre les jeunes. Or, comme on peut le souponnerau Maroc et dans dautres pays, les mesures de la pauvret semblent positivement corrles avec le taux dechmage.

    Dans le mme sens, et pour une longue priode, le pays na globalement connu quune faible croissanceconomique. Celle-ci a t nettement mal rpartie dans le temps (grande volatilit) et dans lespace entre lesclasses de la population. Les quelques taux de croissance positifs significatifs obtenus pour certaines annesne pouvaient en aucun cas dissimuler sa faiblesse globale ni son faible impact en matire de rduction de lapauvret.

    2.2. Profil de la pauvret au Maroc

    2.2.1. Rpartition spatiale de la pauvret

    En matire de profil de pauvret, plusieurs caractristiques importantes sont relever. En effet, et selontoutes les oprations statistiques entreprises, il ressort dabord que la pauvret au Maroc est un phnomne dominante rurale. Pour diffrentes raisons, depuis lindpendance jusqu nos jours, lespace rural na quetrop peu bnfici des investissements publics en matire dinfrastructures conomiques et sociales.

    Cependant, cause des interfrences logiques entre les dynamiques conomiques, de la population et decelles de la pauvret, lamorce dune urbanisation du phnomne commence se manifester depuis aumoins une dcennie. Elle aura, nen pas douter, des consquences sociales prendre en considration lorsde llaboration de toute stratgie de lutte contre la pauvret.

    Sur le plan spatial et au niveau des disparits rgionales, il est frappant de remarquer quau Maroc et pourpresque toutes les oprations, les taux de pauvret de certaines rgions sont 3 fois plus levs que ceuxdautres rgions. Ainsi, comme attendu, inversement tout indicateur de dynamisme conomique, lesrgions du Nord-ouest et du Centre affichent en gnral les taux de pauvret les plus faibles alors queceux-l sont largement plus levs dans les autres rgions.

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    Tableau 2 : Rpartition de la population pauvre et taux de pauvret selon les rgions et le milieude rsidence en 1998-99

    Population pauvre (en %) Taux de pauvret (en %)Rgions

    Urbain Rural Ensemble Urbain Rural Ensemble

    Rgions du Sud* 5,2 13,1 10,4 6,0 23,2 15,6

    Marrakech-Tensift-Al Haouz, Doukala-Abda 12,9 25,7 21,3 13,1 29,8 23,6

    Chaouia-Ouardigha, Tadla-Azilal 2,7 11,9 8,7 4,2 22,7 15,4

    Grand Casablanca 8,6 - 2,9 5,4 - 5,0

    Rabat-Sal-Zemmour-Zaer, Gharb-Chrarda-Bni Hssen 19,3 11,4 14,1 13,1 29,8 18,6

    Oriental 10,8 4,4 6,6 16,0 19,0 17,2

    Mekns-Tafilalet 13,1 8,7 10,2 22,8 36,0 28,7

    Fs-Boulemane, Taza-Al Hoceima- Taounate 20,3 16,4 17,8 24,1 31,0 27,9Tanger-Ttouan 7,1 8,4 8,0 10,4 30,5 19,2

    Total 100,0 100,0 100,0 12,0 27,2 19,0

    Effectif en millier 1 814 3 496 5 310 - - -

    * Les rgions du Sud regroupent les rgions de Oued-Ed-Dahab-Lagouira, de Souss-Massa-Dara, de Layoune-Boujdour

    et de Guelmim-Es-Semara.

    Source : Direction de la Statistique

    La mme analyse, conduite selon les deux dimensions (milieu de rsidence et rgions conomiques)montre de faon plus critique la disparit du phnomne sur le territoire national. En effet, pour certaines

    enqutes, le taux de pauvret passe de moins de 3 % dans les zones urbaines de certaines rgions plus de40 % dans les zones rurales dautres rgions.Comme on peut le constater avec le cas particulier de lEnqute Nationale sur les Niveaux de Vie des

    Mnages (ENNVM) de 1998-99, il ressort que parfois 5 rgions sur 16 (Mekns-Tafilalet, Fs-Boulemane,Taza-Al Hocema-Taounate, et Doukala-Abda, Marrakech-Tensift-Al Haouz) regroupent elles seules prs dela moiti de la population pauvre. Par contre, des rgions comme celles du Grand Casablanca, de lOriental,de Rabat-Sal-Zemmour-Zaer et du Gharb-Chrarda-Beni Hssen sont relativement sous reprsentes dans larpartition spatiale de cette population (en comparaison avec leur poids dans la structure de lensemble de lapopulation du pays).

    2.2.2. Pauvret et taille des mnages

    En matire dmographique, il ressort quen gnral, les mnages des classes dfavorises ont des taillesmoyennes plus grandes. En effet, il est constat que plus la taille du mnage augmente plus lincidence de lapauvret augmente. Cette constatation se trouve plus renforce pour les mnages conduits par une femme.Il faut dire que la mthode dapproche et de mesure de la pauvret utilise, base sur la dpense par tte,sans aucune correction par des chelles dquivalents adultes et sans prise en considration des conomiesdchelle qui se ralisent dans les mnages, conduit directement ce constat.

    La comparaison des compositions dmographiques des mnages pauvres et des mnages aiss montreque les premiers ont en moyenne un nombre de personnes charge plus grand et une faible proportion

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    dactifs occups qui exercent des activits gnratrices de revenus. Ce fait explique, au moins en partie, lefait que la taille du mnage est une variable dterminante de la pauvret. Le contrle de cette variable, tra-vers les actions devenues classiques, qui assurent un meilleur accs des populations aux services de sant, linstruction et aux mthodes de planification familiale pourrait contribuer la rduction de la pauvret.

    2.2.3. Sant et pauvret

    Il est connu quune bonne sant est un lment de base du bien-tre individuel. La pauvret peut en effet,selon une certaine vision, tre approche par une faible esprance de vie, une mortalit ou une mortalitinfantile plus leve et donc par une faible accessibilit aux soins de sant. Un nombre lev de personnespar mdecin ou par lit dhpital dans une zone gographique sont des indicateurs dune pauvret collectivemais aussi individuelle. Il en est de mme des diverses diff icults daccs (loignement, cot ou non disponi-bilit) une vaccination convenable, des soins durgence, un suivi de grossesse ou une naissance assis-te. Le meilleur indicateur qui prendrait en considration tous ces lments serait la couverture ou pas de

    lindividu et de tous les membres de son mnage par une assurance maladie ou par tout systme de sant(public ou priv) quivalent. Lachat dune telle assurance ou encore les frais dadhsion constituent unecharge prendre en considration dans ltablissement dun seuil de pauvret. Cependant, dans un pays ola plus grande partie du service de sant est assure par un rseau public, a fortiori pour les populationsconsidres pauvres, cest beaucoup plus un critre daccessibilit ces services quil faut retenir.

    Dabord au niveau de ce qui nous semble tre le premier indicateur de cette accessibilit, savoir le tempsmoyen ncessaire pour se rendre jusqu une infrastructure publique de sant, il a t toujours lev etpasse du simple au double du milieu urbain au milieu rural. Entre les classes de dpenses, ce temps est tou-jours suprieur pour les classes dfavorises. Ces diffrences daccs aux infrastructures de sant entre lespopulations urbaines et rurales et aussi entre les populations pauvres et celles non pauvres est un indicateurde plus de linjustice sociale sachant que la sant est un lment primordial du bien-tre individuel.

    2.2.4. ducation et pauvret

    Il est incontestable que laccs un systme scolaire formel est aujourdhui lun des lments fonda-mentaux du bien tre individuel. La scolarisation et la pauvret peuvent tre lies par une causalit bidirec-tionnelle. Toutes les tudes qui font le lien entre alphabtisation, ducation et/ou niveau scolaire dune partet niveau de vie dautre part, focalisent leurs analyses sur la description et la caractrisation assez triviale, dufait que les populations dites pauvres, marginalises ou encore vulnrables sont celles qui ont des niveauxscolaires faibles, des niveaux dducation bas ou moyens et des taux levs danalphabtisme. Cette consta-tation est certes vraie, elle est cependant laboutissement dun processus dynamique qui a malheureuse-ment, pour diverses raisons, soit mal commenc soit qui sest compliqu pour ces populations. Le degrdanalphabtisme dune population peut ainsi expliquer, au moins partiellement, son niveau de vie et doncson niveau de pauvret.

    Par ailleurs, ces mmes enqutes montrent que le degr dalphabtisation augmente significativementavec laugmentation du niveau de vie. Selon une vision dynamique, il est naturel de croire que lducationdaujourdhui donne lindividu la possibilit dobtenir demain un emploi et une rmunration. Le schmanest certainement pas linaire dans la pratique, encore moins au Maroc. Malgr le fait que la formation et lascolarisation soient thoriquement un investissement en capital humain, limportance des cots directsimmdiats, de ceux indirects et surtout ceux dopportunit court terme, empchent les parents et lesmnages les plus pauvres de faire cet investissement. Lun de ces cots indirects, et parfois insupportable

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    de lducation est laccessibilit difficile voire la non disponibilit des infrastructures scolaires adquates, par-ticulirement en milieu rural.

    En analysant le profil de la population pauvre travers les rsultats des diffrentes enqutes, il ressortquelle na dans sa majorit aucun niveau scolaire, et que seule une petite proportion de celle-ci est alphabti-se. La situation inverse se retrouve chez la population aise. Les deux principaux facteurs qui semblentexpliquer cet cart entre les deux sous-populations, sont linsuffisance du budget familial, cest--dire la pau-vret, et la difficult daccs lcole dans certaines rgions. Les rsultats des diffrentes enqutesmontrent en effet que la pauvret est le principal obstacle la scolarisation puisquelle explique elle seuleune bonne partie des non-inscrits. Les enfants des familles dfavorises en ge de scolarit voquentsouvent la pauvret, ses causes et ses consquences comme raisons de leur non scolarisation. En matirede dpenses annuelles moyennes par habitant en matire dducation par exemple, et de faon gnrale, les20 % les plus pauvres de la population ne dpensent en moyenne quune valeur 4 fois moins leve que ceque dpensent en moyenne les 10 % les plus riches.

    Les rsultats incontestables de certaines enqutes disponibles montrent aussi quen milieu rural en parti-

    culier, la distance moyenne entre le logement dun enfant et une cole primaire dpasse les 2 km. Cette dis-tance moyenne atteignait mme plus de 3 km pour certaines classes de dpenses. Cette information et denature contribuer lexplication des diffrences de dcisions en matire de scolarisation des enfants entreles diffrentes classes de dpenses, en particulier pour les petites filles rurales.

    La rsultante de tous ces facteurs cest, comme tout le monde le sait maintenant, lcart en matiredanalphabtisme qui sest creus particulirement au cours des annes 60 entre les deux milieux. En effet,cest initialement pendant cette priode que le milieu rural a pris du retard. Ce dernier sest par la suite ampli-fi faisant en sorte que ce milieu na plus jamais pu bnficier correctement de sa part des fruits de la crois-sance conomique, aussi modestes soient-ils, et son retard est rest chronique.

    Les diffrentes enqutes auprs des mnages, conduites au Maroc depuis lindpendance, montrent ainsique la proportion des enfants non scolariss a toujours t trs leve parmi les enfants des mnages dfa-

    voriss du milieu rural comparativement ceux des couches aises du milieu urbain. Ce fait observ il y aplus de trois dcennies, explique le profil des pauvres daujourdhui et nous donne une ide sur qui seront lespauvres de demain...

    Les diffrentes difficults actuelles (et mme un peu passes) daccs aux services scolaires aujourdhuignreraient en toute probabilit une pauvret et une vulnrabilit terme. Cest dans cette perspectivedynamique que nous devons considrer que laccs un systme scolaire efficace est un lment fonda-mental du bien tre individuel. Si aujourdhui les taux danalphabtisme, tout comme ceux de pauvret, sontplus levs en milieu rural ou encore dans certaines strates du milieu urbain, cest cause dune accessibilitrduite linfrastructure scolaire dans ces milieux dans le pass. Si cette accessibilit reste limite encorepour longtemps, on doit sattendre des taux similaires pour ces deux phnomnes dans le futur; lesmmes causes produiraient les mmes effets.

    2.2.5. Femmes et pauvret

    Lanalyse diffrentielle de la pauvret entre les hommes et les femmes est pertinente au Maroc. Lintui-tion et la prsomption gnrales laissent croire que la rsultante de tous les chocs des politiques cono-miques et autres vcus par notre pays ont t plus adverses pour les femmes que pour les hommes.

    Plusieurs raisons sont alors invoques pour supporter de telles affirmations. La premire repose sur lesimple fait que la femme a toujours t le maillon le plus fragile et le plus faible de la socit. Ainsi, tous leschocs ngatifs latteignent directement ou indirectement travers lhomme qui est capable de lui trans-

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    mettre ceux qui le touchent directement (le chmage, la dpression, le stress, la violence, le clibat, ...).Mme si on observe une augmentation du taux dactivit des femmes travers le temps, la situation nestpas ncessairement meilleure aujourdhui. En effet, la force de travail fminine utilise est gnralementsous paye, du moins comparativement celle de lhomme, et naide que marginalement sortir de la zonecritique de la pauvret. En outre, et de faon presque gnralise en milieu rural, la femme marocaine setrouve doublement occupe par des tches mnagres et par un travail lextrieur de la maison en tantquaide familiale, cest dire sans aucune contre partie salariale comptable.

    Ainsi et malgr le renforcement graduel et continue de la participation des femmes presque tous lesaspects de la vie conomique et sociale du pays, comme en tmoignent les indicateurs usuels en la matire,les disparits entre les femmes et les hommes subsistent. Le taux danalphabtisme des femmes resteaujourdhui encore lev (au voisinage de 60 %) et est bien suprieur celui des hommes (pas loin de 35 %).Le taux de scolarisation, tous niveaux confondus, des personnes ges entre 6 et 22 ans, stablit un peumoins de 50 % pour les femmes contre plus de 60 % pour les hommes. Le taux de chmage en milieuurbain, l o il a plus de sens, est aussi plus lev entre les femmes quentre les hommes.

    Si, sous leffet des pressions dmographiques et conomiques, et aussi cause de certaines rformesentreprises au cours des dernires annes, laccs certains services publics est devenu de plus en plus dif-ficile pour toute la population, en particulier pour la sous-population pauvre, cet accs est rendu presqueimpossible pour la femme pauvre; justement parce quelle est une femme et parce quelle est pauvre. Ilsagit par exemple des services de sant en milieu rural, l o aucun suivi de grossesse nest possible, deceux de la scolarisation (ce qui a laiss plusieurs petites filles marocaines lextrieur du cercle du savoir), deleau potable ou de llectricit (ce qui augmente et rend pnibles les charges de la femme rurale en parti-culier)...

    Sur la base de telles affirmations plutt admises, certains enchanent que paralllement lappauvrisse-ment gnral de la population des annes 90, qui se matrialise par laugmentation des effectifs absolus etrelatifs de la population pauvre, il y a aussi une fminisation accrue de la pauvret. Cependant, traverslobservation des donnes, il semble que cette dernire affirmation manque de soubassements empiriquessolides. Sans aller jusqu dire, quelle est compltement et partout fausse, faute justement de travaux scien-tifiques rigoureux, des retours sur les concepts et les approches usuels en matire danalyse, de dcomposi-tion et de suivi de la pauvret montrent que cette affirmation nest pas tout fait vrifie.

    Pour le cas qui nous proccupe ici, celui de la pauvret montaire, et sur le plan strictement statistique, ilest tout fait vrai que les femmes sont largement sur-reprsentes parmi les populations pauvres du pays etpour toutes les enqutes. Ceci ne veut nullement dire quil y a fminisation de la pauvretau Maroc. Eneffet, et par dfinition, la fminisation est un concept clairement dynamique. Il signifie que la part relative desfemmes dans la population pauvre augmente, ou encore, de faon plus gnrale, que lvolution de ladcomposition des mesures usuelles de la pauvret (autre que le simple taux de pauvret) se fait au dtri-ment des femmes. Une telle affirmation teste et vrifie statistiquement travers une suite denqutesauprs des mnages montre quelle est rejete pour le cas du Maroc (voir Abdelkhalek (2000)).

    Remarquons cependant que si la fminisation de la pauvret nest pas vrifie sur le plan global, elle peuttout fait ltre dans certains sous groupes particuliers de la population (familles monoparentales, mnages une seule personne, personnes ges, ..., etc.) ou encore selon un critre particulier dapproche de la pau-vret (ducation, sant, ..., etc.), ce qui conduit conclure parfois trop rapidement une fminisation de lapauvret.

    Justement, sur le plan de la pauvret montaire qui nous concerne de faon plus spcifique, ce phno-mne touche, en 1998-99, autant les femmes (18,9 %) que les hommes (19,1 %). Pour la mme opration, ilressort que le nombre de femmes pauvres remonte 2,7 millions de personnes environ, contre 1,7 millionsen 1991, soit des taux de fminisation de la pauvret au voisinage de 50 % pour les deux enqutes.

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    Il ressort aussi que le taux de pauvret entre les femmes est pass de 7,9 % en 1990-91 12,2 % en1998-99 en milieu urbain, et de 17,7 % 27,3 % en milieu rural. Pour la sous-population masculine, cesmmes taux sont passs de 7,2 % 11,7 % et de 18,3 % 27,0 % respectivement dans les deux milieux.

    Toujours, pour les deux enqutes ici utilises, il ressort que le taux de croissance annuel moyen de lapopulation fminine au niveau de tout le pays stablit prs de 1,7 %, alors que celui de la population fmi-nine pauvre est de lordre de 6 %. Les mmes taux de croissance annuels moyens pour la population mas-culine sont respectivement de 1,8 % et 6,6 %.

    travers ces indicateurs, il se dgage clairement que lvolution de la pauvret montaire sest accentuepratiquement de la mme faon pour les femmes que pour les hommes. Il ny a donc aucune videncechiffre la fminisation de la pauvret au Maroc, du moins pas durant les dernires dcennies.

    Si on sintresse maintenant de faon plus particulire la pauvret fminine et ses caractristiques, il res-sort que les femmes ges de moins de 25 ans sont en gnral plus touches par ce phnomne que lapopulation fminine dans son ensemble. Par ailleurs, et cest ici un rsultat interprtation sociale impor-tante, lanalyse de la distribution des taux de pauvret selon ltat matrimonial de la femme montre que le

    veuvage naugmente pas ncessairement le risque de pauvret. Cest du moins ce qui ressort des rsultatsdes dernires enqutes statistiques disponibles. En effet, et pour les deux milieux de rsidence, les taux depauvret enregistrs pour les femmes maries et ceux calculs pour les femmes veuves ne sont pas signifi-cativement diffrents. Par contre, et cest trs attendu, lincidence du phnomne est toujours plus impor-tante entre les femmes sans aucun niveau dinstruction (en milieu rural en particulier). Les femmes sansinstruction du milieu rural constituent la tranche de la population la plus touche par la pauvret au Maroc.

    En matire de politiques de lutte contre la pauvret fminine moyen et long termes, il ressort sans ambi-gut que le dficit scolaire de la petite fille dans le pass (femmes daujourdhui) a t llment dtermi-nant. Lamlioration de son accs lcole, linstruction et lducation est, aujourdhui, sans aucun doute,la cl de la rduction de la pauvret fminine et de lamlioration des conditions de vie de demain.

    2.2.6. Pauvret et cycle de vie

    Une dimension importante du profil de la pauvret sur le plan social au Maroc est celle relative au cycle devie des personnes. Il ressort en effet que plusieurs personnes chappent la pauvret avec lge. Lesenfants de moins de 20 ans sont en effet gnralement plus reprsents dans la sous population pauvre quedans la population dans son ensemble. linverse, les autres classes dges sont videmment moins repr-sentes entre les pauvres, tant donn leur poids relatif dans la population. Par exemple, en 1998-99 les per-sonnes de 60 ans et plus reprsentent quelque 7,2 % de la population totale alors que leur part dans lastructure de la population pauvre nest que de 5,1 %. En gros, on peut dire que notre contexte social fait queles personnes ges se trouvent prises en charge par leur descendance et chappent ainsi la pauvret. Cetaspect mrite, aussi notre sens, plus danalyses rigoureuses pour mieux clarifier et prciser les sens cono-mique et social de toute ventuelle relation entre le cycle de vie et la pauvret au Maroc.

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    3. Politiques conomiques et pauvret au Maroc

    3.1. Le cadre thorique

    Une politique conomique est une action qui vise corriger les distorsions cres par les mcanismes desmarchs. Elle peut aussi chercher se substituer ceux-ci ou les remplacer en cas dabsence. Une poli-tique conomique peut avoir comme objectif dagir sur une grandeur macro-conomique, une composantesectorielle ou encore microconomique. Elle peut influencer, directement ou indirectement, comme objectifou pas, le bien-tre dun ou de plusieurs agents conomiques. Elle peut donc avoir des effets dsirs toutcomme dautres moins dsirs ou pas du tout souhaits en particulier sur les mnages pauvres ou vuln-rables.

    Les politiques macroconomiques dsignent donc plusieurs actions gouvernementales prises une une,en combinaison ou encore simultanment pour influencer certains mcanismes conomiques globaux ou

    encore pour agir sur un ou plusieurs agrgats macroconomiques.Selon les circonstances, certaines de ces politiques se rvlent trs efficaces sur le plan strictement

    conomique. En toute vidence, elles ont aussi des effets ngatifs, au moins court terme et en priode detransition, sur les niveaux de la pauvret.

    Pour pouvoir mesurer et juger ces effets (positifs ou ngatifs) sur la pauvret, celle-ci doit tre mesuredune faon plus ou moins usuelle. Les mesures de pauvret gnralement calcules sont de deux types.Celles bases sur une mesure montaire, comme celles utilises dans un paragraphe prcdent, et cellesbases sur les niveaux de satisfaction de certains besoins de base de la population. Les diverses politiquesde lutte contre la pauvret sont censes modifier directement et vers lallgement, les niveaux de lune aumoins de ces mesures alors que les politiques macroconomiques peuvent, quant elles, les modifier soitdirectement soit indirectement et dans nimporte quel sens.

    Dans le cas le moins difficile suivre, et qui utilise une mesure montaire pour approcher la pauvret, cesindices changent si la moyenne de la variable retenue (revenu ou dpense de consommation) change (crotou dcrot) ou encore lorsque la distribution ou la rpartition de cette mme variable se modifie, ou encoredans les deux cas (la moyenne et la rpartition changent). Les politiques macroconomiques affectent direc-tement ces deux aspects.

    Cependant, la faon dont laquelle ces politiques affectent les niveaux du revenu ou de la dpense (ou leurstaux de croissance) ou encore la rpartition de ces variables dans la population nest pas unique. Elle dpendlargement des circonstances et des caractristiques de chaque pays (institutions, ressources naturelles ethumaines, niveau de dveloppement, structure de lconomie, caractristiques dmographiques, ..., etc.). Ilen dcoule que les effets et lefficacit des politiques macroconomiques, susceptibles de rduire la pau-vret, dpendent aussi de plusieurs facteurs relatifs au pays sous ltude. Un mme instrument de politiquemacroconomique peut produire diffrents effets sur les niveaux des variables utilises pour mesurer la pau-vret et sur la distribution de celles-ci dans la population. Leffet sur la pauvret dune politique macro-conomique particulire nest donc pas systmatique et peut ne pas tre le mme dun pays lautre.

    Par ailleurs, la majorit des pays en dveloppement dont le Maroc, se sont trouvs presque tous face aumme package de politiques macroconomiques, dit Programme dajustement structurel (PAS). Plusieurs deces pays navaient pas le choix de slectionner celles qui sont optimales, dans le sens de la rduction de lapauvret dans leur pays. En effet les considrations financires classiques, qui recherchent les quilibresmacroconomiques internes et externes, ressortent presque toujours dominantes. Les politiques qui enrsultent, et qui sont adoptes par tous les pays en dveloppement comme le Maroc partir des annes 80,

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    peuvent aggraver la pauvret dans certains de ces pays. On peut par exemple penser aux politiques derduction des dpenses publiques (taille de ladministration et gel des salaires), suppression ou diminutiondes subventions des produits alimentaires, libralisation du commerce extrieur, suppression du contrledes prix de certains produits, etc.

    Les liens qui existent entre ces politiques et les niveaux de la pauvret, lorsque celles-ci sont mises enplace, sont assez complexes. Ils se manifestent diffrents niveaux (macroconomiques, sectoriels etmicroconomiques, ...) et diffrents termes (court, moyen et long). Les effets ngatifs probables sur lespopulations vulnrables de ces mesures devraient impliquer des politiques daccompagnement bien tu-dies.

    Lorsque dautres approches sont utilises pour rendre compte du niveau de la pauvret (satisfaction desbesoins de base par exemple), certaines politiques macroconomiques se trouvent interpelles beaucoupplus que dautres. Il sagit principalement de celles des dpenses publiques dans certains secteurs et de leurniveau de ciblage. Elles sont en gnral diffrentes de celles qui cherchent appuyer directement la crois-sance conomique ou la relance conjoncturelle de lactivit conomique de court terme. Ces politiques etces dpenses ont un effet certain et direct sur le bien tre des mnages. Pour mesurer leurs effets, il fautaller bien au del des effets macroconomiques directs des politiques conomiques classiques, et consid-rer de nouvelles dimensions danalyses, en particulier laccs des populations certains services publics.

    3.2. Ajustement, politiques de stabilisation et pauvret

    Il est communment admis que les politiques dajustement et de stabilisation qui cherchent en particulier assurer les quilibres internes et externes de lconomie, comme celles contenues dans les diffrents PASsubis par diffrents pays en dveloppement dont le Maroc, aggravent les niveaux de la pauvret. Cependant,et daprs plusieurs expriences, il nest pas toujours vident que toutes les politiques contenues dans ces

    programmes soient nfastes pour les pauvres.Au niveau analytique de cette question, des problmes mthodologiques standards de comparaison ensciences conomiques, de type avec et sans ces politiques, se posent. Ceci laisse croire queffective-ment celles-ci sont totalement ngatives. En fait, lorsque ces politiques sont bien choisies et appliques avecmodration, elles peuvent amliorer les quilibres conomiques sans trop dtriorer le bien tre despauvres, voire mme lamliorer moyen terme. linverse, appliques avec rigueur et sans discernement,elles aggravent la pauvret. Il y a donc une marge daction que les dcideurs peuvent et doivent exploiterpour essayer de chercher simultanment des objectifs de stabilisation conomique, dajustement et peut-tre de rduction de la pauvret.

    3.3. Dpenses publiques et pauvret

    Les dpenses publiques bien cibles, en particulier en matire dinvestissements, sont un instrument puis-sant pour dynamiser lactivit conomique et rduire, soit directement soit indirectement, les niveaux de lapauvret. Elles sont en effet trs efficaces court terme en tant que composantes de la demande finale eten terme de distribution de salaires et de revenus. Elles le sont aussi long terme lorsque les investisse-ments raliss sont gnrateurs de croissance. La ventilation sectorielle et spatiale de ces dpenses peut eneffet influencer largement la distribution des revenus et/ou des dpenses des mnages. La programmationet la localisation des infrastructures et des activits, qui bnficient aux investissements et aux entreprises

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    privs mais aussi aux pauvres est un exemple loquent dans le sens de la rduction de la pauvret. Il y a lune sorte de complmentarit entre les dpenses publiques en investissement et linvestissement priv, uneffet inverse leffet dviction classique.

    Par contre, la rduction des subventions publiques de diverses natures, celles qui bnficiaient auxpauvres en particulier, qui ne saccompagnent daucun programme de substitution ou encore la baisse desdpenses publiques en matire de sant et dducation, augmenteraient la pauvret court et/ou longtermes. Par ailleurs, et dans certains cas, qui dpendent en particulier des modes de financement desdpenses et des dficits publics, celles-ci peuvent provoquer des effets dviction en rduisant les inves-tissements privs. Leur efficacit en matire demploi et en matire de lutte contre la pauvret peut nette-ment tre remise en cause.

    Un autre point important en la matire est relatif la concentration des dpenses publiques en matiredinfrastructure et ses consquences. Il est assez facile de justifier et mme de dfendre la localisation deces infrastructures dans des zones assez riches et qui ont dj un potentiel conomique important. En effet,ce sont ces zones qui sont les plus attractives pour les investisseurs nationaux et internationaux. Cependant,

    en matire de lutte contre la pauvret, cette concentration aggrave la fois la pauvret dans plusieurs autresrgions du pays ( travers lexode) et lingalit entre les rgions. Celles qui sont la base les moins nantieset qui renferment le plus de pauvres se trouvent encore une fois marginalises. Cest exactement lexempledu Maroc depuis lindpendance.

    3.4. Prix des produits alimentaires et rgulation des marchs

    Les niveaux, lvolution des prix des produits alimentaires de base et le fonctionnement de leurs marchssont dterminants en matire de pauvret. Laugmentation des prix de ces biens pour des mnages deman-deurs nets, suite la libralisation du fonctionnement dun ou de plusieurs marchs, la suppression dune

    subvention ou encore suite la mise en place ou laugmentation dune taxe la consommation impliquetout naturellement une aggravation de la pauvret.

    Cependant, les augmentations des prix de certains produits agricoles, qui sont dans ce cas des amliora-tions des termes de lchange de ces produits pour les mnages ruraux offreurs nets, peuvent avoir deseffets positifs en matire de rduction de la pauvret.

    cause de ces effets parfois opposs, la rsultante en matire dincidence de la pauvret des variationsdes prix des produits alimentaires est parfois assez complexe prdire. Elle dpend en effet de la structurede lconomie en matire de production et dimportation de ces produits, de la rpartition des terres et desfacteurs de production entre les mnages, des types de productions et de consommations des mnagespauvres et de leurs demandes en produits alimentaires... En matire de politiques macroconomiques, leschoix entre celles qui couvrent certaines catgories de mnages (en occurrence les pauvres), travers dif-frentes subventions ou encore travers des prix artificiellement rduits, rduisent la pauvret courtterme. Elles peuvent par contre compromettre lefficacit conomique de plusieurs secteurs, rduire la crois-sance globale dans son ensemble, ce qui peut conduire une aggravation de la pauvret long terme. Enterme de dcision, pour essayer damliorer lefficacit de ces mcanismes de subvention et pour viter enmme temps de telles situations, il est parfois prfrable de libraliser et de ne pas soutenir les prix desbiens en question (ce qui vite alors les problmes de ciblage ce niveau) et mettre en place des politiqueset des mcanismes de compensation en matire de revenus pour les pauvres (programmes demploi ou dedistributions de produits). Le design thorique de ces mcanismes est assez facile. Ils sont par contre trscomplexes mettre en place dans la pratique.

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    3.5. Politiques anti-inflationnistes et stabilisation des prix

    Bien que la relation soit assez complexe tablir entre lvolution de linflation et celle de la pauvret,

    cause encore une fois des diffrentes connexions entre les phnomnes, il semble que les annes forteinflation voient progresser les indicateurs de pauvret. Le cas du Maroc des annes 80 en est un exemple.Ainsi, et comme corollaire immdiat de ce fait, la stabilit des prix permet de rduire la pauvret, ou au moinsde la maintenir ses niveaux. En effet, dans un contexte inflationniste aigu, il est en gnral difficile dajus-ter compltement ou indexer les salaires nominaux (ou tout autre revenu non salarial) aux variations des prixde faon conserver le pouvoir dachat des populations pauvres.

    De ce fait, en matire de lutte contre la pauvret, toutes les politiques macroconomiques caractreinflationniste (fiscale trop large ou dpensire avec de grands dficits publics, ou montaire trop expansion-niste et donc gnratrice dinflation) sont viter ou utiliser avec beaucoup dattention en essayant de trou-ver un certain quilibre en matire de relance conomique (emploi et production) et niveau dinflation.

    3.6. Politiques du commerce extrieur et pauvret

    Lobjet de plusieurs politiques macroconomiques de lutte contre la pauvret est dassurer, au moins moyen terme, une croissance conomique gnratrice demplois et de revenus. Cest lobjet explicite desrformes commerciales internes et de libralisation des marchs, des ouvertures commerciales et de linser-tion dans lconomie mondiale, des diffrentes dvaluations, des politiques dincitations des capitaux tran-gers, ..., etc. Les principaux mcanismes de transmission des effets de ces politiques vers le bien tre desmnages (dont les pauvres) sont multiples. Ils passent au moins par deux marchs; celui du travail (emplois,salaires et revenus), et celui des biens et services (prix des produits intermdiaires et finaux, productions,consommations et bien-tre).

    Pendant les quelques dernires annes, au Maroc comme ailleurs, les rformes dans la gestion du com-merce extrieur font partie intgrante du package des politiques macroconomiques gnratrices de crois-sance. Leffet de ces mmes politiques, y compris la gestion du taux de change, sur lincidence de lapauvret reste par contre trs discutable et il ne semble pas y avoir de consensus dans ce sens. Les effetsde court terme sont parfois inverses (ngatifs pour les pauvres?!) de ceux de long terme (positifs pour lespauvres?!). Les priodes de transition, suite la mise en place de telles politiques, sont assez dlicates etdoivent tre convenablement gres par des politiques macroconomiques spcifiques pour allger leseffets ngatifs de court terme et acclrer larrive des effets positifs de moyen et long termes.

    Ce sont en fait, les objectifs des programmes dits de mise niveau adopts dans plusieurs conomies endveloppement dont le Maroc, suite aux entres en vigueur des diffrents accords dassociation et des lib-ralisations commerciales significatives.

    Dans le mme sens, la gestion du taux de change, qui est souvent utilise comme outil dajustement, derelance des exportations et de rduction des importations, a aussi des effets sur les populations pauvres.Ainsi, et en principe, si une dvaluation arrive maintenir ou augmenter le revenu des petits producteurs(paysans et artisans) ou mme des grandes entreprises, grandes utilisatrices de main douvre, elle contri-buera rduire la pauvret. Une survaluation de la monnaie nationale produirait en toute vidence les effetsinverses et aggraverait la pauvret. En effet, elle encouragerait les activits de production intensives en capi-tal gnralement import, rduirait les exportations et conduirait moyen et long termes une stagnationconomique qui serait dommageable une politique de lutte contre la pauvret.

    Ici aussi, il semble quune analyse plus profonde fait dfaut pour le cas du Maroc. Elle est la seule capable

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    dapporter des claircissements sur les effets attendus des rformes commerciales et de lintgration duMaroc lconomie mondiale sur les niveaux de la pauvret. En principe, une libralisation commerciale peutrduire la pauvret si le pays arrive exploiter ses avantages comparatifs au niveau de lemploi et de la posi-tion stratgique, si ses secteurs exportateurs augmentent leurs activits de faon substantielle, si lespauvres y sont employs, si le taux de salaire nest pas rduit, si les secteurs non comptitifs se mettent niveau ou se convertissent sans perdre trop de leurs employs. Ces conditions ne sont videmment pastoutes faciles raliser pour le cas du Maroc.

    3.7. Gestion du march du travail, emploi et pauvret

    Les anticipations optimistes sur lamlioration du bien tre des mnages et sur la rduction probable de lapauvret, suite une ouverture commerciale, trouvent le gros de leur fondement dans le fait que ces poli-tiques contribuent la mise en place de nouvelles rallocations des ressources en faveur des secteurs expor-tateurs, gnralement intensifs en main duvre dans les pays en dveloppement. Cest en fait, peinedguise, la thorie classique des avantages comparatifs associe, dans sa version dynamique, des dloca-lisations dindustries et des apports en investissements directs trangers la recherche de cots rduits.

    Cependant, et selon les expriences de plusieurs pays en dveloppement, pour diverses raisons, ces anti-cipations thoriques ne se ralisent pas toutes comme attendu. Llasticit de lemploi global par rapport loutput global reste trs faible et la cration attendue demplois nest pas toujours au rendez vous. Linter-frence entre les effets de ces politiques avec ceux dautres inverses conduites simultanment, et qui visenten particulier la rforme du secteur public et ses emplois, en plus de la contraction des autres secteurs privsnon comptitifs, fait que la rsultante est trs mitige sinon franchement ngative. Labsence quasi totale desystmes officiels dassurance chmage et de toutes autres formes de protection sociale, fait que la pau-vret augmente court terme. long terme, et aprs toutes les corrections des effectifs dans le secteurpublic et dans les secteurs privs qui se contractent, une efficacit globale de lconomie pourrait tre enre-gistre et la pauvret pourrait baisser.

    Ce sont principalement ces facteurs qui dterminent et conditionnent le plus le fonctionnement du marchdu travail au Maroc, comme dans dautres pays en dveloppement et qui ont des implications en matiredvolution court et long termes de la pauvret suite lintgration de ces pays dans la globalisation encours.

    3.8. Le contexte marocain

    Suite la dtrioration accentue des quilibres internes et externes de lconomie marocaine et aveclaide des institutions financires internationales, le Maroc a entrepris ds le dbut des annes quatre vingtun vaste programme de stabilisation et dajustement de son conomie.

    En effet, au dbut des annes 80 et pour diverses raisons, le Maroc sest retrouv face une situationconomique et financire difficile et complexe. Entre 1981 et 1983 le taux de croissance du PIB na pasdpass les 2 % en termes constants alors que linflation a enregistr des taux de presque 10 %. Le dficitbudgtaire a atteint un taux de 12 % du PIB alors que le solde du compte courant de la balance des paie-ments a enregistr un dficit de plus de 10 % conduisant une rduction des rserves de change qui ne cou-vraient que moins dun mois dimportation. La dette externe du pays a aussi atteint des sommets et son

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    service lui seul absorbait plus de 40 % des recettes des exportations. Dans ces conditions, la gestion delconomie nationale a t impossible et un plan de sauvetage est devenu ncessaire.

    Le plan dajustement structurel mis en place comportait des volets caractre financier et dautres basssur des rformes conomiques qui permettent le retour des quilibres internes et externes soutenables.Globalement, il sagissait de libraliser les changes des biens et services et daccrotre la part du secteurpriv en accordant une importance au comportement individuel des agents conomiques. Les mots dordrede ce programme ont t : assainir, stabiliser et libraliser lconomie ct dune plus large ouverture pourintgrer lconomie nationale dans le march mondial.

    Si ce programme a globalement russi dans sa dimension conomique, en rtablissant les quilibres fon-damentaux, il a conduit des rsultats plutt mitigs sur le plan social. Son impact sur la pauvret, sesniveaux et sa svrit mrite dtre tudi.

    3.9. Ajustement et stabilisation de lconomie marocaine

    Les rformes entreprises concernent plusieurs secteurs. En effet, en plus des rformes dordre financieret budgtaire, lconomie marocaine sest largement ouverte sur lextrieur travers son commerce. Unelibralisation des prix de plusieurs biens, visant une augmentation du rle des marchs et de lactivit cono-mique intrieure en gnral, a t adopte. Au niveau de la politique montaire et de change, plusieursrformes ont t entreprises et dautres sont en cours. Elles visent toutes terme, une convertibilit totaleet complte du Dirham et une libre circulation des capitaux. Sur le plan fiscal une large rforme a t enga-ge. La politique fiscale a t en effet considre la fois comme le moyen privilgi pour stimuler lactivitconomique mais aussi comme loutil de rtablissement des quilibres macro-conomiques. Sur ce plan, larforme a t mene sur trois fronts. Ainsi, une nouvelle imposition des activits de production a t mise enplace par linstauration dune taxe la valeur ajoute (TVA) en 1986. Cette taxe remplaa lancienne taxe sur

    les produits et services. Par ailleurs, un impt sur les bnfices des socits (IS) remplaa limpt sur lesbnfices professionnels et il y a eu enfin la cration dun impt gnral sur le revenu (IGR).

    Bien que les rsultats de toutes les rformes entreprises ne peuvent tre correctement perus qumoyen et long terme, il semble que selon plusieurs indicateurs, lconomie marocaine a russi son ajuste-ment interne et externe. Ces rsultats ont t raliss malgr la conjoncture internationale pas trs favorable(chute de la demande et des prix du phosphate par exemple), et le cycle de scheresse quasi permanentqua connu le pays durant les deux dernires dcennies du sicle dernier. Cette russite relative a redonnconfiance aux investisseurs trangers qui ont significativement augment leur contribution leffort dinves-tissement global dans le pays.

    Le train de mesures contenues dans le programme dajustement structurel, et que le Maroc a administrpour une dcennie et qui a continu mme aprs, a clairement permis la correction et le rtablissement desprincipaux quilibres financiers. En effet, le dficit budgtaire a t ramen des niveaux matrisables parrapport au PIB. Cette matrise du dficit est essentiellement due la rduction des dpenses de ltat quinont cess de diminuer (en % du PIB) durant plusieurs annes en ralisant mme un solde primaire positif partir de 1987. Au niveau du compte courant de la balance des paiements, son solde (en % du PIB) a taussi largement matris et ramen de plus de 12 % en 1982 quelque 8 % en 1985 moins de 2 % en1992 o il sest stabilis pendant plusieurs annes. Les rserves de change sont passes plus de 12 moisdimportations fin 2003. Dun autre ct, et grce une politique montaire rigoureuse, les taux dinflationenregistrs ces dernires annes ne dpassent presque jamais les 5 %.

    priori, lensemble des politiques conomiques inities par le programme dajustement structurel et pour-

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    suivies depuis, devrait conduire, toutes choses gales par ailleurs, un appauvrissement de la population. Eneffet avec la suppression des subventions et la libralisation des prix de certains biens et en labsence decontrle de ces mmes prix, le pouvoir dachat de la population devrait en souffrir. La mise en place dunnouveau systme fiscal, un contrle aigu des dficits publics et une politique montaire rigoureuse qui vise juguler linflation ne peuvent quaugmenter le chmage et la pauvret entre les citoyens. Cependant, et aposteriori, en regardant les chiffres relatifs aux mesures de la pauvret en 1990-91, il semble que globale-ment les consquences sur le niveau de vie des mnages nont pas t aussi graves quon pourrait syattendre, du moins pas court terme. moyen terme, les rsultats de lENNVM de 1998-99 ont cependantmontr une nette aggravation de la pauvret montaire.

    Toujours en matire de relations entre les politiques conomiques et lvolution de la pauvret, au coursde la premire phase de lajustement (1983-1986), lorsque le gouvernement a mis en place une politique decompression des importations et de labsorption, les conditions de vie de la population se seraient nettementdtriores. En effet, en plus des effets directs, et avec la baisse des dpenses dquipement, les couchesles plus dfavorises, qui ont tant attendu lamlioration de leurs conditions de vie, ont vu ajourns pluslong terme leurs accs leau potable, llectricit, aux routes, aux soins de sant et une scolarisation dequalit.

    Cependant, en plus des chiffres relatifs lvolution de la pauvret montaire, les rsultats des diffrentesenqutes montrent une amlioration globale dans laccessibilit plusieurs de ces services de base (ali-mentation, habitat, sant et enseignement). Le PAS et les politiques budgtaires associes, malgr la lutteaux dficits quils impliquaient, ont semble-t-il globalement russi ne pas trop rduire les dpenses consa-cres ces secteurs pour ne pas rendre encore plus prcaire la situation des classes dfavorises. Ainsi, et titre dexemple, depuis la mise en application du PAS en 1983, le secteur de lenseignement a toujours bn-fici dune bonne part des postes budgtaires crs et les effectifs de lducation nationale sont passs de164 790 en 1981 268 149 en 1995. Plusieurs prestations caractre social ont t aussi maintenues mal-gr la lourdeur de la charge cause des effectifs croissants. Il sagit des programmes des cantines scolaires,des bourses dtudes secondaires, des bourses de lenseignement suprieur, des rsidences et des restau-rants universitaires qui ont t rviss par la suite.

    Mais, et partir dun autre angle de vue, les secteurs sociaux au Maroc sont malheureusement rests loinen dessous des attentes, mme comparativement des pays qui ont des niveaux de dveloppement compa-rables. Il sagit justement des secteurs de lducation, de la sant, de lhabitat et de laccs dautres quipe-ments. Cette situation, dj pas trs rjouissante la base, sest trouve aggrave suite aux rductions desdpenses imposes dans le PAS. Les dpenses sociales par habitant ont, en effet, baiss en termes rels deplus de 23 % entre 1982 et 1990.

    La rduction du dficit public, recommande par le PAS, passait par une rduction des dpenses, une aug-mentation des recettes ou par les deux la fois. Or il est incontestable que des dpenses publiques biencibles constituent un des instruments les plus puissants pour amortir, allger et rduire la pauvret et seseffets. Au Maroc, en plus dun essai de restructuration fiscale pour augmenter le niveau des recettes, lesdpenses ont largement diminu passant de 34 % 26 % du PIB entre 1982 et 1991 respectivement. Parcontre, et pour la priode entre 1990 et 1995, et selon la classification fonctionnelle du Budget Gnral deltat, les dpenses publiques dites sociales ont connu une augmentation nominale de plus de 40 % et ontreprsent plus de 38 % du budget hors service de la dette et des dpenses imprvues.

    Malgr tous les efforts du Gouvernement pour viter de toucher leurs niveaux, les dpenses en matiredducation et de sant ont baiss de 6.5 % 5.3 % et de 1.1 % 0.9 % du PIB respectivement entre 1982et 1991.

    Sur un autre plan, il est connu que les petits salaris reprsentent une part importante des populationspauvres. Ce fait met en vidence limportance dune politique salariale dans la lutte contre la pauvret. Au

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    Maroc, la politique retenue par les autorits publiques en la matire a toujours soutenu un accroissement dela valeur nominale du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) et celle du Salaire Minimum Agri-cole Garanti (SMAG). Cette politique a relativement protg certaines couches dfavorises (celles qui tra-vaillent et qui touchent effectivement ces salaires) dune rosion plus accentue de leur pouvoir dachat,malgr linflation qui a un impact ngatif, mais limit, sur les conditions de vie des pauvres. Les ajustementsde ces salaires nont certainement pas toujours compens les bnficiaires pour la perte de leur pouvoirdachat. Ils ont tout de mme protg, dans une certaine mesure, cette catgorie de la population contreplus de pauvret.

    3.10. Facteurs exognes et pauvret

    Parmi les facteurs qui dterminent de faon cruciale lvolution et les performances de lconomie maro-caine, et qui ont, ne pas en doter, un effet direct sur la pauvret, on retrouve naturellement les niveaux des

    campagnes agricoles. Or celles-ci fluctuent normment avec une tendance gnrale plutt dfavorable.Comme tout le monde le sait, au Maroc quand lagriculture va tout va mais linverse est aussi vrai. Lesrsultats des campagnes agricoles se traduisent par des effets sur lemploi, sur les productions, sur les reve-nus, sur les consommations et donc sur les niveaux de la pauvret. Cette donne, typiquement exogne, etqui devient malheureusement de plus en plus structurelle, complique la gestion, a priori simple, desmnages ruraux pauvres en particulier et donne naissance des difficults additionnelles majeures pourtoute cette population qui na que trs peu de marge de manuvre et qui absorbe donc mal les effets deschocs externes.

    Bien quaucune analyse srieuse ne soit disponible en la matire, il est trs probable quun autre facteurplus ou moins exogne a aussi une assez grande influence sur lvolution de la pauvret au Maroc. Il sagitdu flux des transferts des travailleurs marocains ltranger. Ces envois de fonds ont en effet contribu,depuis plus de trois dcennies et de manire significative, allger le fardeau de la pauvret pour plusieursmnages marocains. Une estimation faite partir des donnes de lENNVM 90-91 par exemple, montre que500 000 personnes environ ont bnfici de ces transferts en provenance de ltranger. Sans ces derniers, etselon une analyse comptable et de trs court terme, il ressort que quelque 180 000 personnes se retrou-veraient au-dessous du seuil de pauvret et donc dans la catgorie des pauvres. Ce chiffre reprsente envi-ron 5 % de la population pauvre estime en 1991.

    Conscients de ce fait, mais aussi des autres intrts de ce flux de devises, les pouvoirs publics ont tou-jours mis en place un ensemble de politiques macro-conomiques incitatives. Celles-ci ont t caractremontaire (surtout de taux de change) et dautres qui cherchent encourager le rapatriement des fonds etdes pargnes de nos concitoyens et ont essay de rendre attrayant, avec plus ou moins de succs, linves-

    tissement au pays.

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    4. Croissance conomique et pauvret au Maroc : quel lien?

    4.1. Le cadre thorique

    Jusqu une date rcente, pour rduire la pauvret, les dcideurs marocains et dautres de pays en dve-loppement misaient beaucoup, peut-tre mme trop, sur la croissance conomique. Par la suite, et pendantles quelques dernires annes, tout le monde sest rendu compte que pour plusieurs raisons, celle-ci ne suf-fisait pas pour rduire la pauvret. Un dilemme sest mme pos face aux dcideurs de certains pays :rechercher une efficacit conomique et une allocation optimale des ressources qui conduiraient un tauxde croissance lev, malgr lventuelle aggravation de la pauvret qui pourrait en dcouler ou, linverse,sacrifier, au moins en partie, ces mmes critres defficience conomique et viter une plus grande dgrada-tion de lquit au niveau de la distribution du revenu et ne pas accentuer la pauvret?

    Dans le contexte du dbat qui a accompagn ces options, en particulier pour soutenir ou sopposer des

    programmes caractre social, plusieurs questions importantes se sont poses : la croissance conomiquedans les pays en dveloppement se traduit-elle effectivement par une distribution des revenus plus ingaleet par plus de pauvret? La croissance conomique est-elle plus lente lorsque lingalit et la pauvret sontplus grandes? Lingalit et la pauvret baissent-elles partir dun certain niveau de revenu par habitant? ...etc.

    En parallle, il y a dj quelques annes maintenant, plusieurs conomistes remarquaient que la crois-sance conomique ne sufft pas pour rduire la pauvret dans les diffrents pays. La problmatique de lacroissance conomique se trouvait alors associe au problme de la rpartition du revenu dans la lutte contrela pauvret. Un consensus de plus en plus large commenait alors se manifester. Selon celui-ci la crois-sance conomique doit saccompagner dune rpartition plus quitable des revenus afin de satisfaire lesbesoins les plus lmentaires des populations vivant dans une pauvret absolue et qui sont longtemps res-

    tes lcart. Les taux moyens de croissance obtenus dans plusieurs pays en dveloppement ne pouvaienten aucun cas dissimuler laccroissement de la pauvret. Certains pays, tenants inconditionnels dune crois-sance rapide, affichent aujourdhui la rduction de la pauvret comme un objectif primordial et lintgrentexplicitement dans leurs programmes de dveloppement et de politiques conomiques.

    Dans le mme sens, lvidence empirique montre que les pays en dveloppement, qui ont ralis de bonsrsultats en matire de lutte contre la pauvret, ont des taux de croissance conomique positifs mais mod-rs. ce niveau, il faut noter quun taux de croissance mme lev du produit intrieur brut par tte, peut nepas garantir une rduction de la pauvret. En effet, un tel taux lui seul ne peut en aucun cas assurer unebaisse significative de la pauvret. La croissance conomique peut ne bnficier quaux individus nonpauvres de la population, ceux qui vivent des activits des secteurs secondaires ou tertiaires et vivant enmilieu urbain par exemple et pas du tout aux populations rurales. Elle peut ainsi tre accompagne duneaggravation des ingalits.

    Lide conomique et statistique de base qui motive aussi les intuitions sur cette problmatique, cest quilest naturel de penser que toute croissance conomique, qui se traduit dabord par une augmentation durevenu disponible moyen ou de la dpense moyenne nest pas seulement un dplacement vers la droite dela distribution de cette variable, cest aussi un changement dans sa forme gnrale. Il est en effet clair quetoute croissance, rpartie de faon non uniforme modifierait la moyenne mais aussi la dispersion et le niveaude concentration de la distribution. En dcomposant limpact dune telle croissance sur les mesures de lapauvret, il peut savrer que leffet des autres caractristiques lemporte sur celui de laugmentation de lamoyenne. Il ny a donc, a priori, aucune justification croire quune croissance (du revenu ou de la consom-

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    mation par tte par exemple) rduirait leffectif des pauvres ou dautres mesures de pauvret. Ce constatdevenu assez vident, a t approch et mis en vidence de diffrentes faons sur le plan thorique par Dattet Ravallion (1992) et Ravallion (1996), entre autres.

    Dans cet ordre dides, et selon une tude de la Banque Mondiale (Deininger et Squire (1997)) conduitesur 91 pays, il ressortait que les priodes de croissance conomique se sont accompagnes par des aug-mentations des ingalits et de pauvret pour 43 cas et avec des diminutions de celles-ci pour 45 cas. Cettetude montre aussi que mme lorsque lingalit saccentue, son effet ngatif sur le sous-groupe le pluspauvre de la population est gnralement compens par leffet positif de la croissance globale.

    Dans les faits, et pour plusieurs pays en dveloppement, la croissance conomique ne saccompagne pasncessairement dune augmentation des revenus de plusieurs classes dfavorises de la population. Parfoismme, elle senregistre avec une aggravation de la pauvret. Ce phnomne peut apparatre lorsque parexemple, le taux de croissance de lactivit agricole, la principale source de revenu de la population ruralepauvre, est faible ou ngatif en prsence dun taux de croissance global positif au niveau de toute lcono-mie. Ctait particulirement le cas du Maroc pour les annes de scheresse, qui se sont succdes sur le

    pays durant les annes 80 et 90. Une telle situation aggrave en toute vidence les ingalits et exacerbe lapauvret. Une analyse approfondie de telles situations montrerait, quau moins en partie, les politiquesmacroconomiques en sont responsables (orientation sectorielle des dpenses publiques, incitations linvestissement, systmes de taxation et de subventions, ...).

    Il faut aussi noter ce niveau que le caractre et le type de la croissance qui peut tre enregistre, ainsique la rpartition de ses fruits dans la population, sont principalement dtermins par les rpartitions initialesdes capacits de production humaines et physiques. Les investissements en ducation et en sant am-liorent les capacits des pauvres et assurent une plus grande croissance court et long termes des partsde leurs revenus.

    Il en ressort donc que pour quune croissance conomique rduise la pauvret -au moins celle mesuresous langle montaire- elle doit imprativement se traduire par une augmentation du revenu des pauvres et,

    dans le meilleur des cas, sans aggravation des ingalits. Pour le dcideur public, lorsque larbitrage entre lespolitiques macroconomiques pertinentes qui visent une croissance conomique de long terme, et cellesbeaucoup plus rductrices de la pauvret court terme est invitable et que ce sont les premires qui sontretenues, des politiques et des mesures de protection des pauvres sont alors ncessaires. Il sagit principale-ment de programmes sociaux bien cibls (ducation, sant, aides aux groupes vulnrables, etc.), dactions etdinterventions microconomiques (oprations daides, de subventions, de micro crdits, etc.) au bnfice degroupes particuliers comme les petits paysans, les jeunes la recherche dun premier emploi, les personnesges, ...

    4.2. Le cas du Maroc

    Lvolution rcente du contexte macro-conomique national et les effets des politiques conomiques,poursuivies pendant et aprs le Programme dajustement structurel (1983-1991), ont trs probablement eudes effets ngatifs sur certaines strates de la population et continuent en gnrer.

    On reconnat globalement que la stabilisation de lconomie en elle mme na pas conduit une rcessionaussi grave quon pourrait sy attendre. Morrisson (1991) affirmait dans ce sens que le Maroc est parvenu rduire les principaux dsquilibres sans baisse de revenu par habitant ni aggravation de la pauvret et envitant les troubles sociaux majeurs . Ce rsultat plutt heureux dans certaines de ses dimensions a tfavoris par certains facteurs externes positifs. Les rsultats en dents de scie que retracent les taux de crois-

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    sance du PIB, pour la priode de lajustement, sont certes lis aux conditions climatiques mais aussi soute-nus par une expansion des exportations. Si la croissance du PIB a t maintenue des niveaux plus ou moinsacceptables il en a t de mme pour la consommation prive globale et pour linvestissement.

    Les taux de croissance modrs que notre conomie a enregistrs durant la priode de lajustement etaprs nont cependant jamais t suffisants pour absorber les chmeurs et les nouveaux flux de mainduvre qui arrivent chaque anne sur le march du travail. Or, et sans lien de causalit vident, il a tremarqu partir de toutes les enqutes disponibles que lincidence du chmage parmi les pauvres est plusimportante tant en milieu urbain quen milieu rural. Par exemple, en 1990-91, le taux de chmage a t de30 % pour les pauvres en milieu urbain et de 7 % en milieu rural alors que ce mme taux na t que de20,6 % et 5,6 % respectivement pour lensemble des deux milieux. De plus, en 1990-91 la probabilit dtreen chmage a t plus leve chez les pauvres que chez le reste de la population.

    Si aucune relation directe entre les politiques constituant le programme dajustement structurel et lesniveaux de pauvret ne peut tre tablie ce niveau, il est cependant vraisemblable quune incidence indi-recte de ce type peut tre soutenue. En effet, toute aggravation du chmage, urbain ou rural, augmente le

    nombre de pauvres et de dfavoriss. Dans son tude sur la pauvret, la Banque Mondiale (1993) prciseque le sous-emploi est la principale cause de la pauvret au Maroc et que le chmage est troitementli la pauvret . Or il est dmontr que le PAS et les autres politiques conomiques en place se sontaccompagns dune aggravation du taux de chmage et donc dune aggravation de la pauvret, en labsencedun systme dassurance chmage ou dassurance sociale efficace. Les mnages dont des membres setrouvent en chmage, voient leur niveau de vie constamment la baisse et certains parmi eux basculent car-rment dans la pauvret. Lvolution de ce phnomne pourrait sexpliquer, nous lavons prcis, au moinsen partie, par la mauvaise rpartition des fruits de la croissance dj insuffisante.

    Pour se rapprocher encore plus de cette liaison entre la pauvret et la croissance conomique, nous analy-sons dabord assez rapidement lvolution des dpenses de consommation des mnages dans le temps(entre 1984-85, 1990-1991 et 1998-1999) et ceci pour les deux milieux de rsidence (urbain et rural). Ces

    dpenses, il faut le rappeler, sont la base du calcul des indices de la pauvret montaire. Le tableau 3 ci-dessous, rapporte lvolution des dpenses annuelles moyennes par mnage et par personne entre trois desenqutes disponibles ainsi que leurs taux de croissance, en dirhams constants.

    Tableau 3 : Taux de croissance des dpenses annuelles moyennes par mnage et par personne (endirhams constants de 1990)*

    Entre 1984/85 et 1990/91 Entre 1990/91 et 1998/99 Entre 1984/85 et 1998/99 Taux de croissance Taux de croissance Taux de croissance

    global en % moyen en % global en % moyen en % global en % moyen en %

    DAMMUrbain 30,41 4,52 -18,14 -2,82 6,76 0,50Rural 22,60 3,45 -9,04 -1,35 11,51 0,84Ensemble 29,70 4,43 -11,77 -1,77 14,44 1,04DAMP

    Urbain 35,42 5,18 -23,53 -3,76 3,56 0,27Rural 26,51 4,00 -11,66 -1,76 11,75 0,86Ensemble 35,04 5,13 -15,20 -2,33 14,52 1,05

    Source : Calculs partir des donnes de la Direction de la Statistique* Les dflateurs utiliss sont ceux utiliss par cette dernire.

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    En analysant rapidement ces rsultats, on remarque que la dpense annuelle moyenne par mnage et partte, et qui a t croissante en terme nominal pendant les deux dcennies et ce tous les niveaux (urbain,rural et national), enregistre, en terme rel, certains taux de croissance ngatifs. Cest prcisment lvolu-tion entre 1990-91 et 1998-1999. Ce fait corrobore la dtrioration des indicateurs de pauvret entre cesdeux dates. Entre 1984-85 et 1998-99, ces taux de croissance sont positifs, cest--dire quil y a une crois-sance au niveau de lindicateur usuellement utilis pour approcher la pauvret montaire. Cependant, etcomme nous lavons illustr dans un paragraphe prcdent, la pauvret au Maroc na connu en tout et pourtout quun assez faible flchissement entre les deux dates. La croissance enregistre, mal oriente, na past suffisante pour contribuer la baisse durable et significative des mesures de pauvret.

    Dans son rapport sur la pauvret au Maroc, la Banque Mondiale (2000) souligne que la faiblesse de la crois-sance est responsable 84 % de la hausse la pauvret. Le reste est d la mauvaise distribution de celle-cientre la population. Lutilisation de la technique de dcomposition propose par Datt et Ravallion (1992)confirme cette remarque.

    Encadr 1 : Dcomposition des variations des mesures de pauvret de Dattet Ravallion (1992)

    Cette mthode permet de dterminer quelle est la part des variations des mesures de pauvret considres quisexplique par un effet de croissance et quelle est celle qui revient des changements dans la distribution entre deuxdates. De faon formelle, on considre des mesures de pauvret notes Pt= P(z/t, Lt)o zest un seuil de pauvret, tlesprance mat