l'internet au service des operations bancaires et financieres

487
UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Droit- Economie- Sciences sociales L’INTERNET AU SERVICE DES OPERATIONS BANCAIRES ET FINANCIERES Thèse pour le Doctorat en Droit (Arrêté du 30 mars 1992 modifié par l’arrêté du 25 avril 2002) Présentée et soutenue publiquement le 17 mars 2006 devant le jury de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) par Georges Daladier ABI-RIZK JURY Directeur de recherche : Monsieur Thierry BONNEAU Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II) Membres du jury : Monsieur Michel CASTEL Directeur des établissements de crédit et des entreprises d’investissement à la Banque de France Monsieur Jean - Jacques DAIGRE Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) Monsieur Luc GRYNBAUM Professeur à l’Université René Descartes (Paris V) Monsieur Jérôme HUET Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

Transcript of l'internet au service des operations bancaires et financieres

  • UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Droit- Economie- Sciences sociales

    LINTERNET AU SERVICE DES OPERATIONS BANCAIRES ET FINANCIERES

    Thse pour le Doctorat en Droit (Arrt du 30 mars 1992 modifi par larrt du 25 avril 2002)

    Prsente et soutenue publiquement le 17 mars 2006 devant le jury de lUniversit Panthon-Assas (Paris II)

    par

    Georges Daladier ABI-RIZK JURY Directeur de recherche : Monsieur Thierry BONNEAU Professeur lUniversit Panthon-Assas (Paris II) Membres du jury : Monsieur Michel CASTEL

    Directeur des tablissements de crdit et des entreprises dinvestissement la Banque de France

    Monsieur Jean - Jacques DAIGRE Professeur lUniversit Panthon-Sorbonne (Paris I) Monsieur Luc GRYNBAUM Professeur lUniversit Ren Descartes (Paris V) Monsieur Jrme HUET Professeur lUniversit Panthon-Assas (Paris II)

  • II

    LUNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Droit Economie Sciences Sociales nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans les thses, ces opinions devront tre considres comme propres leurs auteurs.

  • III

    RESUME

    Le secteur des services bancaires et financiers se voit aujourdhui tre le thtre dune

    concurrence exacerbe entre les tablissements de crdits, dsireux d'adjoindre lInternet

    leur arsenal de techniques commerciales et de partir la conqute du client internaute. La

    prise en compte de la ralit et des potentialits conomiques dun march virtuel par le

    lgislateur europen la conduit chercher en assurer le bon fonctionnement et dvelopper

    des outils pour parvenir cette fin. Ainsi, la directive sur le commerce lectronique ,

    favorable aux prestataires de services, est-elle venue garantir la libert et la lgalit de loffre

    de services financiers en ligne sur la base du principe de la loi du pays dorigine. LInternet ne

    modifie pas, pour autant, les obligations naturelles qui psent sur les tablissements de crdit

    mais autorise la possibilit de rpondre aux attentes du march tant en matire de scurit

    technique et juridique des transactions que dinnovations en ce qui concerne les moyens de

    paiement. Le bon fonctionnement du march rsulte, en outre, dune facult rsoudre les

    diffrends quil gnre. Les litiges lectroniques bancaires , forte consonance

    internationale, saccommodent mal des voies traditionnelles de rsolution et lInternet devrait

    permettre lmergence de modes alternatifs.

    La protection du consommateur de services bancaires et financiers est galement au centre des

    priorits du lgislateur dont lobjectif est de gagner la confiance. En premier lieu, lInternet

    est lorigine dvolutions juridiques majeures autorisant la dmatrialisation des contrats,

    tout en prservant dans une certaine mesure les garanties protectrices du consommateur

    traditionnellement dvolues lcrit. En deuxime lieu, la directive sur la commercialisation

    des services financiers distance a rquilibr les relations entre ltablissement de crdit et le

    consommateur au moyen dune information substantielle ainsi que dun certain nombre de

    droits exorbitants qui lui sont accords. En troisime lieu, de tels droits sont pareillement

    consentis au consommateur quant il sagit de la collecte et du traitement de ses donnes

    personnelles caractre financier ; le lgislateur cde alors le relais aux autorits de contrle

    dont laction reste le meilleur gage de la bonne foi des tablissements de crdit. In fine,

    larticulation des diffrents textes applicables la prestation de services bancaires et

    financiers en ligne offre au consommateur une protection cohrente.

  • IV

    PLAN SOMMAIRE

    PREMIERE PARTIE LA PRESTATION DE SERVICES BANCAIRES ET FINANCIERS SUR

    LINTERNET ET LE BON FONCTIONNEMENT DU MARCHE TITRE 1 : La clause de march intrieur comme fondement de la libre prestation de services bancaires et financiers sur lInternet Chapitre 1er : Porte de la clause de march intrieur Chapitre 2 : Limpact de la clause de march intrieur Titre II La scurit technique et juridique des oprations bancaires et financires sur lInternet Chapitre 1er : Cryptologie et facturation par voie lectronique comme rponses aux attentes scuritaires Chapitre 2 : Moyens de paiement en ligne comme nouvelles opportunits pour les tablissements bancaires et financiers Titre III - La rsolution des litiges internationaux relatifs aux oprations bancaires et

    financires sur lInternet Chapitre 1er : Juge comptent et loi applicable aux litiges relatifs aux oprations bancaires et financires sur lInternet Chapitre 2 : Les modes de rglement extrajudiciaire des litiges

    DEUXIEME PARTIE LA PRESTATION DE SERVICES BANCAIRES ET FINANCIERES SUR

    LINTERNET ET LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS Titre I : Le formalisme et la preuve des transactions bancaires et financires sur lInternet Chapitre 1er : Le formalisme li la prestation de services bancaires et financiers sur lInternet Chapitre 2 : De quelques exemples de contraintes spcifiques Titre II La rglementation des services bancaires et financiers distance Chapitre 1er : La protection du consommateur confronte loffre de services bancaires et financiers en ligne Chapitre 2 : Larticulation des directives commerce lectronique et services financiers distance

    Titre III La protection des donnes personnelles dans le cadre des oprations bancaires et financires en ligne

    Chapitre 1er : La protection par les droits accords Chapitre 2 : La protection par les obligations imposes

  • V

    PRINCIPALES ABREVIATIONS UTILISEES

    A. et M. Revue auteurs et mdia BRDA Bulletin rapide de droit des affaires Bull. Bulletin Cass. Arrt de la Cour de cassation CDE Cahiers de Droit Europen CE Arrt du Conseil dtat Civ. Arrt de la Cour de cassation (chambre civile) CJCE Arrt de la Cour de Justice des communauts

    europennes CNCC Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes CNCC Compagnie nationale des commissaires aux comptes Com. Arrt de la Cour de cassation (chambre commerciale) Comm. com. lectr. Communication, commerce lectronique Contrats conc. consom. Contrats, concurrence, consommation D. Recueil Dalloz DAOR Revue Le droit des affaires Het ondernemingsrecht DIT Droit de lInformatique et des Tlcoms EUREDIA La Revue Europenne de Droit Bancaire et Financier Gaz. Pal. Gazette du Palais Ibid. Ibidem, au mme endroit Inf. rap. Informations Rapides J.-Cl. com. Jurisclasseur de droit commercial J.T. Journal des tribunaux JCP E La semaine juridique. Edition entreprises JCP G La semaine juridique. Edition gnrale JDI Journal du Droit International JIBL Journal of International Banking Law JO Journal Officiel de la Rpublique Franaise JOCE Journal Officiel de la Communaut europenne JTDE Journal des tribunaux- Droit europen LPA Les petites affiches M.B. Moniteur Belge Op. cit. Opere citato- dans louvrage cit OPOCE Office de publication du journal officiel des

    Communauts europennes remplac par le Journal Officiel de l'Union Europenne

    RCDIP Revue critique de droit international priv RDAI La Revue de Droit des Affaires Internationales RDBF Revue de Droit Bancaire et de la Bourse devenue Revue

    de Droit Bancaire et Financier RDC Revue de Droit Commercial belge RDPC Revue de droit pnal et de criminologie RDUE Revue du droit de lUnion Europenne Rec. Recueil des arrts de la CJCE REDC Revue europenne de droit de la consommation. Rp. min. Rponse ministrielle Rp. Rpertoire Rev. prat. soc. Revue pratique des socits commerciales et civiles

  • VI

    Rev. soc. Revue des socits RGAT Revue Gnrale Assurances Terrestres RIDC Revue International de Droit Compar RJDA Revue de Jurisprudence de Droit des Affaires RLDI Revue Lamy de Doit Immatriel RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial RTD eur. Revue trimestrielle de droit europen TGI Tribunal de Grande Instance

  • VII

    A la mmoire de ceux qui, du Ciel, veillent sur moi :

    mon pre Daladier assassin le 7 fvrier 1980 dans des circonstances toujours non lucides, mon grand-pre Jim doyen de la famille dont dpend la russite de toute une gnration,

    et ma grand-mre Widad incarnant le dvouement sous sa plus belle forme, et qui ronge par lamertume, na pas tard rpondre lappel de rejoindre son fils bien-aim dans son voyage

    ternel.

    A mon oncle Elias, lavocat qui a plaid inlassablement ma cause mais encore celle de mes deux frres, en sacrifiant sa vie, pour la russite de la notre.

    A mon frre Antoine, lami disponible et indfectible.

    A ma sur Dalida, belle par son amour et sa patience inbranlables.

  • INTRODUCTION

    La technologie comprend trois sortes de problmes, rsultant de trois points de vue sous lesquels les techniques peuvent tre envisages: premirement, il y a lieu de procder la

    description analytique des arts, tels qu'ils existent un moment donn dans une socit donn...Secondement, il y a lieu de rechercher sous quelles conditions, en vertu de quelles

    lois, chaque groupe de rgles entre en jeu, quelles causes elles doivent leur efficacit pratique...Troisimement, il y a place une tude du devenir de ces organes eux mmes, soit qu'elle porte sur la naissance, l'apoge et le dclin de chacun d'eux dans une socit donne,

    soit qu'elle porte sur l'volution de toute la srie des techniques dans l'humanit... .

    ESPINAS A., Les Origines de la technologie, Revue philosophique, 1890, II, 115-116.

    1. Linnovation technique. La technologie occupe une place prpondrante dans notre

    quotidien. On examine ici certains aspects dun nouveau n du progrs des techniques :

    lInternet. Ce dernier constitue le rseau informatique mondial et permet loffre et lutilisation

    de trs nombreux services. Tout particulirement le commerce sous ses formes les plus

    varies sest forg une place incontournable dans ce systme ; il est pass lre lectronique.

    2. Le potentiel conomique. Tous les organismes privs et les institutions surveillant

    lvolution du commerce lectronique saccordent lui attribuer une croissance fulgurante

    depuis les trois dernires annes. On trouve, par exemple, une confirmation officielle de cette

    envole dans la dernire version du tableau de bord tabli par la Mission pour lconomie

    numrique1. La mme volution peut tre dduite des chiffres publis par lACSEL2 : pour le

    quatrime trimestre 2005, les achats en ligne ont enregistr une hausse de 49% pour un chiffre

    daffaires de 849,4 millions deuros3. De mme, selon lindice du commerce lectronique

    1 Durant lanne 2003, lachat en ligne a connu une croissance 2,5 fois plus rapide que celle de la population dinternautes, selon les baromtres Multimdia de Mdiamtrie. Le nombre dinternautes a augment de 21 %, passant de 18 millions 21,8 alors que le nombre dacheteurs en ligne grimpait de 5,4 millions 8,3 millions dinternautes (+54 %) , HEITZMANN R. et DAYAN M., Mission pour lconomie numrique, Tableau de bord du commerce lectronique, SESSI, 6me d., dcembre 2004, disponible sur : http://www.men.minefi.gouv.fr/webmen/themes/eco/tbce91204.pdf. 2 L'ACSEL (Association pour le Commerce et les Services En Ligne) est l'organisation franaise reprsentative des acteurs du commerce lectronique et des services en ligne. Cre en 1980, elle a conduit de nombreuses actions en faveur du dveloppement des services en ligne, en particulier auprs des pouvoirs publics, au profit de lensemble des catgories dacteurs concerns. Ses adhrents sont des entreprises et organismes : e-commerants (lectronique, produits culturels, voyages, alimentation, produits financiers, etc.), banques, diteurs, offreurs de solutions. Informations disponibles sur : www.acsel.asso.fr. 3 Atelier groupe BNP Paribas, Commerce en ligne : une progression de 49% sur le march franais, 12 janvier 2006, disponible sur : http://www.atelier.fr/imprimer.php?artid=31241 .

  • Introduction

    2

    publi par la FEVAD4, les ventes de produits et services sur Internet ont progress de 45% sur

    le premier semestre 2005 par rapport la mme priode en 20045. Effectivement, le nombre

    des abonns haut dbit a connu une forte augmentation en France pour dpasser 9 millions fin

    dcembre 20056 et en Europe les internautes reprsentent dsormais 55%7 de la population,

    contribuant ainsi largement au dveloppement du trafic notion cl du commerce en ligne

    quand on sintresse au taux de transformation du visiteur en client. Quelle que soit

    lexactitude des donnes chiffres, la tendance est certaine et lon peut rellement dire

    aujourdhui quun nouveau canal de distribution est n. Il convient alors den prciser les

    contours.

    3. Internet et commerce lectronique. Selon la dfinition quen donne lOCDE, le commerce

    lectronique dsigne la vente ou l'achat de biens ou de services effectus par une entreprise,

    un particulier, une administration ou toute autre entit publique ou prive, et ralis au moyen

    d'un rseau lectronique8, fond sur la transmission de donnes. Il peut couvrir des activits

    trs diverses, telles que le transfert lectronique de fonds, les activits boursires, voire la

    livraison en ligne dinformations numriques Mais le commerce lectronique ne se limite

    pas lInternet puisquil inclut galement le vidotex, le tlachat, la vente sur Cd-rom, etc.

    Pourtant, lInternet occupe sans aucun doute une place prpondrante parmi les lments du

    commerce lectronique et il prsente des caractristiques propres ; cependant il suscite aussi

    de nombreuses interrogations quant la rglementation qui sy applique. On a pu ce titre

    entendre parler de vide juridique en matire dInternet .

    4. Internet et vente distance. En tant que vecteur de commerce lectronique, lInternet

    favorise la conclusion de transactions et, plus prcisment, de contrats. Au regard dune

    taxinomie non contestable ces derniers sinscrivent dans la catgorie des contrats entre

    4 La FEVAD (Fdration des Entreprises de la Vente A Distance), rassemble les entreprises qui pratiquent la vente distance (VAD) de produits et de services, quels que soient la taille et le secteur : vente aux particuliers, vente aux professionnels, vente entre particuliers. La Fevad accueille galement, parmi ses adhrents, des socits dont lactivit est directement lie la fourniture de biens ou la prestation de services des entreprises de VAD. Rapport dactivit 2005, p. 4, disponible sur : http://www.fevad.com . 5 Rdaction ZDNet, E-commerce : croissance de 45% en France au premier semestre, 13 septembre 2005, disponible sur : http://www.zdnet.fr/actualites/imprimer/0,50000200,39262116,00.htm 6 Atelier groupe BNP Paribas, Haut dbit : le Royaume-Uni dpasse la France, 3 janvier 2006, disponible sur : www.atelier.fr . 7 LEBLANC-WOHRER M., A quand une offre plus toffe ?, AGEFI, du 25 novembre au 1er dcembre 2005, p. 28. 8 COPPEL J., Le commerce lectronique : consquences et dfis pour la politique conomique, Document de travail du Dpartement des affaires conomiques de lOCDE, 13 juin 2000, disponible sur : http://www.oecd.org/searchResult/0,2665,fr_2649_37443_1_1_1_1_37443,00.html.

  • Introduction

    3

    absents ou par correspondance, cest--dire dans lesquels les parties (pollicitant et acceptant)

    sont physiquement loignes au moment de lacceptation. Les contrats conclus via lInternet

    ne sont donc pas une nouveaut juridique, la vente par correspondance ayant depuis

    longtemps contribu la rglementation de tels contrats. En ralit, lInternet se distingue

    beaucoup plus de par une accessibilit techniquement facilite loffre de contrat que par la

    permanence de la sollicitation. Ainsi, de prime abord, il nest pas vident quil justifie

    juridiquement un traitement particulier : lInternet est dabord et simplement un mode de

    vente distance.

    5. La banque et lInternet. Les marchs lectroniques se caractrisent par une transparence

    leve sur les prix. En effet, avec lInternet, la recherche dinformations sur les prix est

    facilite, certains sites (Shopbots) sont mme spcialiss dans la comparaison des offres9. Les

    cots de recherche dinformation tant plus faibles que sur les marchs physiques, on constate

    sans grande surprise que les vendeurs en ligne se livrent une concurrence plus intense. Une

    consquence de cette concurrence, que lon peut qualifier dexacerbe, mais qui est galement

    un des enjeux fondamentaux de lInternet, est la fidlisation de la clientle et, corollairement,

    sa captation. Cette concurrence touche tous les secteurs de lconomie, et ceci sest

    particulirement vrifi dans le secteur bancaire et financier qui est traditionnellement un des

    secteurs les plus fidlisants ; lInternet a ainsi permis la naissance de banques dites 100%

    Internet comme, par exemple, ING Direct10 ou Egg11. Les tablissements de crdit plus

    traditionnels sont donc contraints de concevoir de nouvelles stratgies (multicanal)12 pour

    contrer lmergence de ces nouveaux concurrents : une vritable bataille de lInternet sest

    engage. Le tmoignage le plus flagrant en est la stratgie dite des cots bas pratique par

    ces nouvelles banques, dont les infrastructures rduites leur permettent de limiter les charges

    fixes et donc dtre plus concurrentielles. Inversement, lInternet a donn lieu la conclusion

    de partenariats entre banques, et mme entre banques et acteurs non bancaires.

    9 Par exemple le site : www.kelkoo.fr 10 Pour plus dinformations sur cette banque, nous renvoyons sur : http://www.ingdirect.fr 11 En juillet 2004, la banque britannique a annonc son retrait du march franais en raison dimportantes pertes financires, bien quelle soit parfaitement rentable en Grande Bretagne : BEKY A., Les ufs sont cuits : Egg se retire du march franais, NetEconomie, Socit, 15 juillet 2004, disponible sur : http://www.neteconomie.com/perl/navig.pl/neteconomie/infos/article/2004071514521 12 Pour tre multicanal, un tablissement doit en effet offrir des canaux intgrs, cest--dire permettant un change fluide dinformations entre lagence, le tlphone et Internet de telle sorte que tous les chargs de clientle puissent avoir accs aux mmes donnes, et que le client soit en mesure de disposer dune information cohrente quel que soit son mode de contact avec la banque. Ces efforts ont suscit de lourds investissements qui devraient atteindre, pour les acteurs franais, 2,3 milliards de dollars en 2007. LEBLANC-WOHRER M., La relation clients un dfi technologique relever, AGEFI, du 25 novembre au 1er dcembre 2005, p. 32.

  • Introduction

    4

    6. Linfluence. LInternet a boulevers le march bancaire et financier mais reste, pour les

    tablissements de crdit, une formidable opportunit. En effet le cot des transactions,

    traditionnellement ralises en agence, dj rduit par la gnralisation des guichets

    automatiques, diminue encore avec lusage de lInternet en raison de linformatisation et de

    lautomatisation des procds ; de plus, linvestissement pour crer et maintenir un site

    Internet est largement infrieur celui ncessaire louverture et lentretien dune agence.

    LInternet a galement vu lmergence de nouveaux produits bancaires sur mesure ,

    rellement adapts aux besoins du client13, qui sopposent aux approches bancaires classiques.

    Au regard de la nouvelle donne de lInternet, dans laquelle se sont engags les tablissements

    de crdit, certains services bancaires et oprations de banque se sont adapts au contexte

    dmatrialis14. Par exemple, en mme temps que sont apparus des services personnaliss

    fournis en ligne tels que la consultation des comptes, la ralisation doprations de virement,

    ldition de relev didentit bancaire (RIB) et lenvoi de relevs de comptes, ont merg des

    solutions de paiement en ligne permettant aux professionnels de facturer et dobtenir le

    paiement des biens ou services fournis directement par le biais de leur site Internet. Par

    consquent, limpact de lInternet sur le secteur bancaire et financier est double, puisquil ne

    concerne pas que les tablissements de crdit, mais affecte galement tout le commerce

    lectronique, en tant quutilisateur de solutions bancaires et financires.

    7. Droit bancaire. En dautres termes, lInternet affecte dans son ensemble le droit bancaire,

    dfini selon le Professeur T. BONNEAU, comme un droit des acteurs et des activits15 .

    Comme le souligne lauteur, il sagit dun droit des acteurs, car ses textes rgissent les

    conditions daccs et dexercice des activits des tablissements de crdit, mais aussi un droit

    des activits, car il prcise celles que peuvent exercer ces mmes tablissements. Certaines

    activits relvent du monopole bancaire : il sagit des oprations de banque. Dautres

    oprations et services, qui ne sont pas concernes par ce monopole, pourront tre confies

    dautres intermdiaires. Nanmoins, ces derniers sont, de la mme manire, touchs par le

    13 La banque BNP Paribas, par exemple, a mme eu lide dutiliser les espaces interactifs communment connus sous le nom de blogs afin dattirer les jeunes de 18 29 ans sur son site pour leur faire connatre loffre de nouveaux produits : HAQUANI S., BNP Paribas surfe sur les blogs , AGEFI, du 25 novembre au 1er dcembre 2005, p. 47. 14 La dmatrialisation permet doffrir un service valeur ajoute pour les clients et trouve un quilibre conomique rapide compte tenu des conomies ralises, par exemple, sur ldition et lexpdition des relevs : LEBLANC-WOHRER M., Le cyberclient, un client rentabiliser, AGEFI, du 25 novembre au 1er dcembre 2005, p.34. 15 BONNEAU T., Droit bancaire, Paris, Montchrestien, 6me d., 2005, n2, p.5.

  • Introduction

    5

    phnomne Internet. Ainsi, tout en oprant les distinctions qui savreront ncessaires, cest

    lensemble de ces services bancaires et financiers qui retiendra notre attention.

    8. Services bancaires et financiers. La directive du 23 septembre 200216, relative la

    commercialisation distance de services financiers auprs des consommateurs, transpose par

    lordonnance du 6 juin 200517, propose une dfinition volontairement large de ces services

    bancaires et financiers ; il sagit, selon elle, de : tout service ayant trait la banque, au

    crdit, lassurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements18 . On

    peut constater demble une premire difficult au regard du champ dapplication du Code

    montaire et financier. Ce dernier ninclut pas, en effet, les services lis aux assurances ni

    dans sa dfinition des oprations de banque de larticle L. 311-1, ni dailleurs dans celle des

    services dinvestissement de larticle L. 321-1, ni enfin dans celles des oprations ou des

    services connexes envisags aux articles L. 311-2 et L. 321-2. De telles oprations relvent de

    dispositions spcifiques en droit franais. Aussi notre tude doit- elle ncessairement se

    limiter la conception franaise des oprations bancaires et financires.

    9. Lobjectif communautaire. Trs tt, les institutions communautaires ont pris conscience des

    perspectives et du potentiel que reprsentait ce march ; ainsi, lobjectif avou de linitiative

    europenne en matire de commerce lectronique prcis dans une communication de la

    Commission du 18 avril 199719, est clairement de stimuler la croissance du commerce

    lectronique en Europe. La Commission envisage donc ds 1997 de rduire les prix et

    dinstaurer des systmes de tarification plus souples pour les entreprises afin damliorer

    lutilisation de lInternet et, par l, de promouvoir le commerce lectronique. Si lon peut

    affirmer que lInternet sest mis au service des oprations bancaires de telle sorte quil

    constitue aujourdhui un nouveau canal de distribution de ces produits, il nen demeure pas

    moins que des zones dombres ont accompagn lapparition de ce nouvel outil. Plus

    particulirement, en raison de la nature transfrontalire des transactions, la question de la

    rglementation applicable sur lInternet se pose. Dans un tel contexte, au surplus domin par

    le sacro-saint principe de libre circulation des services [de la socit de linformation], le rle 16 Directive 2002/65/CE du Parlement europen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation distance de services financiers auprs des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE. 17 Ordonnance n 2005-648 du 6 juin 2005 relative la commercialisation distance de services financiers auprs des consommateurs. 18 Article 2 b) de la directive de 2002. 19Communication de la Commission au Conseil, au Parlement europen, au Comit conomique et social et au Comit des rgions, Une initiative europenne dans le domaine du commerce lectronique, COM/97/0157 final.

  • Introduction

    6

    du lgislateur communautaire, ayant pour but dans ce domaine, comme dans dautres,

    dtablir un cadre rglementaire europen cohrent, est primordial. Ce souci se retrouve de

    faon continue dans la lgislation communautaire, notamment travers la directive sur le

    commerce lectronique du 8 juin 200020. Crer la confiance pour gagner les milieux

    daffaires et les consommateurs la cause du commerce lectronique , la terminologie

    employe en 1997 par la Commission se retrouve quasiment inchange dans la directive de

    2000 qui fonde le bon fonctionnement du march sur un principe de confiance21.

    10. Les acteurs. Deux groupes dacteurs aux intrts divergents sinstallent dans la grande

    balance europenne : dun ct les consommateurs, de lautre les milieux daffaires que lon

    veut attirer vers le commerce sur lInternet pour en assurer la croissance au moyen dun

    principe de confiance mutuelle qui, de surcrot, ne concernerait pas seulement les Etats

    membres. Les premiers souffrir dun manque de confiance dans la scurit des services

    financiers sur lInternet sont les consommateurs ; cette problmatique est dailleurs voque

    dans la directive 2002/65/CE (considrant 3) : Afin d'assurer la libert de choix des

    consommateurs, qui est un droit essentiel de ceux-ci, un niveau lev de protection des

    consommateurs est ncessaire pour accrotre leur confiance dans la vente distance . Il est

    vident que lobjectif communautaire premier est de promouvoir un environnement

    commercial favorable.

    11. Problmatiques. Si lInternet ne se dfinit finalement que comme un nouveau support de

    commercialisation pour le secteur bancaire et financier, comme un cas particulier de vente

    distance et un march dmatrialis, il agit cependant comme un acclrateur des

    problmatiques traditionnelles. En effet il ne fait quaccentuer les risques classiques lis aux

    services bancaires et financiers en raison de ses adaptations, de ses spcificits, de la rapidit

    des transactions, et de la concurrence exacerbe : scurit des oprations, blanchiment

    dargent, protection du consommateur, toutes ces problmatiques ne sont pas rcentes

    certes mais trouvent un nouvel cho avec lInternet. Lobjectif premier de cette tude est

    danalyser limpact de cette technique sur la rglementation bancaire et financire, tant

    communautaire que nationale : la conclusion et lexcution des transactions sont-elles

    modifies via lInternet ? La spcificit des services bancaires et financiers en ligne ncessite- 20 Directive 2000/31/CE du Parlement europen et du Conseil du 8 juin 2000 relative certains aspects juridiques des services de la socit de l'information, et notamment du commerce lectronique, dans le march intrieur ( directive sur le commerce lectronique ). 21 Considrant 7 de la directive de 2000.

  • Introduction

    7

    t-elle une rglementation particulire ? Le cas chant, il sagit dexaminer la pertinence des

    rponses juridiques apportes par le lgislateur europen et national aux problmes ventuels

    lis la fourniture de ce type de prestations en ligne. Cette tude vise galement dterminer

    les incertitudes juridiques ainsi que linadquation ventuelle de certaines rgles dont

    lapplication a t envisage dans un contexte papier au phnomne de loffre des oprations

    bancaires et financires lectroniques.

    12. Plan. Lanalyse de la prestation de services bancaires et financiers en ligne doit donc, pour

    tre exhaustive, prendre en considration tant les intrts des tablissements de crdit que

    ceux des consommateurs. Techniquement, lInternet permet un tablissement de crdit

    doffrir ses oprations aux ressortissants de tous les Etats, quils soient membres ou tiers.

    Aussi, la lgalit de loffre de contracter de ces tablissements, la scurit des transactions et

    la rsolution des litiges constituent-elles les conditions sine qua non du bon fonctionnement

    du march (partie I). Corrlativement, ces oprations seront conclues avec des internautes ; les

    droits qui leur sont accords et les obligations imposes leurs cocontractants, forment un

    corpus juridique visant assurer la protection du consommateur (partie II).

    Premire partie : La prestation des services bancaires et financiers sur lInternet et le

    bon fonctionnement du march.

    Deuxime partie : La prestation des services bancaires et financiers sur lInternet et la

    protection des consommateurs.

  • PREMIERE PARTIE

    LA PRESTATION DE SERVICES BANCAIRES ET FINANCIERS SUR

    LINTERNET ET LE BON FONCTIONNEMENT DU MARCHE

  • 1re Partie - La prestation de services bancaires et financiers sur lInternet et le bon fonctionnement du march

    9

    OBSERVATIONS PRELIMINAIRES

    13. Evolution. Le march unique des services financiers sest construit partir des annes 1970.

    Ainsi, une quinzaine de directives a t adopte entre 1973 et 1997. Plus rcemment, dans une

    communication au Conseil du 11 mai 1999, la Commission europenne a mis en place un plan

    daction pour les services financiers (PASF) qui sattache mettre au jour les freins au

    dveloppement et la fluidit dun march financier22 unique afin de mieux en dfinir les

    rgles de bon fonctionnement.

    14. Dfinition. Le bon fonctionnement du march dpend en ralit davantage dintrts

    conomiques que juridiques. En effet, le march nvoluera effectivement que sil rpond aux

    attentes en terme de chiffre daffaires ou en nombre de transactions ralises, preuve que les

    parties sont rassures. En amont, seul un systme juridique efficace et transparent serait

    capable de stimuler le march et gagner la confiance de ses acteurs. Ainsi, dans lesprit du

    lgislateur communautaire, le march bancaire et financier ne peut-il fonctionner

    correctement que sil est dcloisonn (a), accessible et sr (b), et enfin surveill (c).

    a. Un march dcloisonn : implique que les investisseurs, les prestataires de services, voire

    les intermdiaires doivent pouvoir accder tous les marchs nationaux au travers dun

    seul point d'accs : le leur. Ds lors, les prestataires de services bancaires, financiers et

    notamment les tablissements de crdit peuvent offrir leurs services sur une base

    transfrontalire sans se heurter des entraves inutiles, cest--dire des obstacles administratifs

    ou juridiques.

    b. Un march accessible et sr : il sagit de donner aux cocontractants les outils

    (informations) et les garanties (droits clairement tablis et procdures efficaces de rglement

    des litiges) ncessaires pour participer pleinement et activement au march unique des

    services financiers. Lobjectif est daboutir lharmonisation des rgles de protection des

    diffrents intervenants afin de rduire les entraves aux changes transfrontaliers. De ce point

    22 LAGARDE X., Le droit des marchs financiers prsente-t-il un particularisme ?, JCP G, 2 novembre 2005, n 44 45, p. 2045. A travers cette analyse lauteur nous rvle que le droit des marches financier nest pas seulement un agrgat de mesures disparates destines servir des besoins de financement, des apptits de spculation, ou encore, des intentions de couverture. Il met en place des mcanismes qui partagent en commun de permettre aux investisseurs la matrise de risques que ceux-ci prennent volontairement; telle est sa profonde originalit .

  • 1re Partie - La prestation de services bancaires et financiers sur lInternet et le bon fonctionnement du march

    10

    de vue, le bon fonctionnement du march passe galement par l'exploitation des nouveaux

    circuits de distribution et des nouvelles technologies servant la vente distance. De mme, il

    sagit dencourager la mise en place de systmes de paiements conomiques srs qui

    permettent aux citoyens d'effectuer des rglements transfrontaliers de faible valeur sans avoir

    acquitter des frais dun montant dissuasif. c. Un march surveill : le bon fonctionnement du march implique galement une

    intensification de la concurrence. Cependant cette dernire doit seffectuer au sein dun cadre

    contrl et surveill. Pour ce faire il parat ncessaire dliminer les lacunes dues aux

    nouveaux types d'oprations financires ou de la mondialisation qui pourraient apparatre

    dans la lgislation prudentielle de l'Union europenne afin de renforcer la stabilit et la

    confiance du march europen des services financiers. In fine, ce dernier montrera son

    efficacit sil permet l'Union europenne d'assumer un rle cl dans la dfinition de critres

    mondiaux exigeants en matire de rglementation et de surveillance.

    15. La problmatique de lInternet. La runion de ces trois conditions doit conduire au bon

    fonctionnement du march des services bancaires et financiers, lequel doit intgrer les

    nouvelles techniques de communication dont lInternet, de par sa nature mondialise, fait

    naturellement partie. Ainsi, au regard des opportunits offertes pour les secteurs concerns, la

    corrlation entre le bon comportement du march et la prestation des services bancaires et

    financiers sur lInternet parat vidente voire fondamentale.

    16. Au regard du secteur bancaire. En ralit, les activits financires en ligne se situent la

    croise de deux plans de rgulation communautaire : lun ax sur linstauration dun march

    commun pour les services financiers, lautre visant loptimisation des nouveaux moyens de

    communication caractristiques de la socit dite de linformation. LInternet, dont la forte

    croissance est trs rcente, avec les opportunits et les menaces quil comporte, ne risque-t-il

    pas de remettre en cause luvre dj entreprise ? En effet, lInternet constitue lui seul un

    catalyseur des problmatiques traditionnelles lies aux prestations bancaires et financires. Et,

    sil nest pas matris (en termes de cadre juridique appropri), cet outil peut rapidement

    devenir la cause du dysfonctionnement du march des services bancaires et financiers.

    17. Les attentes des professionnels. LInternet, que certains considrent comme tant lui seul

    un vritable march, est le vecteur dambitions de premier ordre pour les professionnels du

  • 1re Partie - La prestation de services bancaires et financiers sur lInternet et le bon fonctionnement du march

    11

    secteur bancaire et financier. En effet, il prsente une double potentialit pour ces

    prestataires : rduire leurs cots de fonctionnement, et accrotre leurs clientles, tout en

    limitant leurs frais de communication. Autrement dit, les prestataires de services sont les

    premiers intresss par le bon fonctionnement du march des services financiers sur lInternet.

    Depuis un seul point : leurs postes informatiques ou le serveur hbergeant leur site Internet,

    ils ont accs lintgralit du march communautaire et aussi tous les Etats relis au rseau

    et leurs ressortissants. Sur la seule Communaut europenne, lInternet permet ces

    professionnels de contacter virtuellement des millions dinternautes qui sont galement des

    clients potentiels. Ds lors, on comprend aisment lintrt et les attentes que lInternet

    reprsente pour les prestataires de services bancaires et financiers. Enfin il parat utile

    dajouter que les transactions effectues via lInternet, au moyen de cartes de paiement ou

    autrement, font gnralement lobjet dune commission paye par le professionnel utilisateur

    du service de paiement ltablissement de crdit ; cela explique pourquoi ce dernier est

    intress double titre par lessor du commerce sur lInternet.

    18. Les positions communautaires et nationales. Considrant que les interfrences entre les

    rgimes de rgulation constituent des entraves la russite du march unique des services

    financiers et des investissements, le Conseil de Lisbonne a dcid en mars 2000 dencourager

    la poursuite de la rforme en profondeur de la rglementation communautaire en la matire. Il

    a ainsi raffirm limportance des marchs financiers pour la prosprit conomique et a fix

    2005 comme date butoir pour linstauration de marchs financiers efficients et intgrs. La

    France sest-elle aussi engage dans un processus favorisant lconomie numrique. Rompant

    avec la logique des grands plans , le plan RE/SO 200723 a d'ores et dj donn lieu

    d'importantes applications, avec notamment la loi pour la confiance dans l'conomie

    numrique (transposant la directive sur le commerce lectronique)24, la loi pour l'initiative

    conomique25, l'adoption de nouvelles orientations pour acclrer l'amnagement numrique

    du territoire lors du Comit interministriel ad hoc le 13 dcembre 2002 et le plan innovation

    destin entre autres aider les jeunes entreprises innovantes accrotre leurs efforts pour la

    Recherche et le Dveloppement. Notons galement le rle de lAutorit des marchs

    23 Le plan RE/SO 2007 - pour une REpublique numrique dans la SOcit de l'information - a t prsent par le Premier ministre le 12 novembre 2002. 24 Loi n 2004 - 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans lconomie numrique (LEN). JO 22 juin 2004, p.11168. V. MATHEY N., Le commerce lectronique dans la Loi n 2004 - 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans lconomie numrique, Contrats conc. consom., octobre 2004, p. 7. 25 Loi n 2003-721 du 1er aot 2003 pour l'initiative conomique.

  • 1re Partie - La prestation de services bancaires et financiers sur lInternet et le bon fonctionnement du march

    12

    financiers (AMF)26, pour ses comptences en matire de rglementation des marchs

    dinstruments financiers, favorisant ainsi leurs bons fonctionnements.

    19. Libre circulation. Face aux dmarches dj entreprises par les institutions communautaires

    en matire de construction dun march unifi des services financiers et compte tenu de

    lvolution du cadre juridique des prestations bancaires et financires distance, ladoption de

    la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce lectronique peut paratre risque. En

    effet, cette dernire a adapt aux services de la socit de linformation le principe de libre

    circulation des services consacr par la clause de march intrieur (titre 1). Celui-ci est

    naturellement assorti dune interdiction de restriction, mais pour autant la pratique montre

    encore linquitude des prestataires. Ainsi lintrieur de la Communaut la meilleure

    stratgie de lancement doprations financires auprs des internautes reste souvent

    louverture dune filiale constitue sur le territoire de la Communaut qui, aprs agrment des

    autorits de ltat membre de constitution se voit la possibilit doffrir ses services au sein de

    celle-ci.

    20. Le besoin de scurit. Paralllement, le bon fonctionnement gnral du march des services

    bancaires et financiers sur lInternet nest pas uniquement li un principe de reconnaissance

    de la libre prestation de services, mais est galement sous-tendu par une adaptation correcte

    des techniques employes. En effet, le bon comportement du march suppose la confiance de

    ses acteurs dans le support technique quils manient (lInternet). Ainsi les institutions

    communautaires semblent tenir compte de cette ralit dans leurs tractations visant attirer

    tant les investisseurs que les prestataires. A cette fin, la ralisation des transactions bancaires

    et financires en ligne implique ncessairement un niveau de scurit, technique et juridique,

    lev (titre 2).

    21. La rsolution des litiges. Mais encore, gagner la confiance des acteurs du march bancaire et

    financier suppose linstauration de rgles de rsolution des litiges (titre 3) adaptes ce

    nouveau support de communication. Il sagit dune condition sine qua non du bon 26 Cre par la loi n 2003-706 de scurit financire du 1er aot 2003, l'Autorit des marchs financiers est issue de la fusion de la Commission des oprations de bourse (COB), du Conseil des marchs financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financire (CDGF). Pour une prsentation dtaille de lAMF, nous renvoyons sur : www.amf-france.org . Il a fallu attendre presquun an pour que lAMF soit dote dun Rglement gnral qui ft publi par un arrt du 12 novembre 2004. Sur ce nouveau texte v., LEFEVRE V., Le Rglement gnral de lAMF : un texte en volution, Revue Banque, fvrier 2005, n 666, p. 48 ; DE VAUPLANE H., Publication du nouveau rglement gnral de lAMF, Revue Banque, fvrier 2005, n 666, p. 86.

  • 1re Partie - La prestation de services bancaires et financiers sur lInternet et le bon fonctionnement du march

    13

    fonctionnement du march : linvestisseur contractant avec un prestataire dun autre Etat

    membre que le sien doit tre rassur en termes de protection juridique. Le cot de la

    rsolution judiciaire du litige est souvent disproportionn par rapport la valeur absolue de ce

    dernier. Dans la mesure o les transactions bancaires et financires sont facilites avec

    lInternet, les modes de rsolution des litiges devraient galement ltre, dautant plus quune

    solution amiable est souvent prfrable un procs coteux en terme de temps et dimage. Ici,

    on se heurte alors la problmatique de la communication sur ces modes et rseaux de

    rsolution des litiges, lesquels restant en ralit peu connus alors mme quils jouent un rle

    de premier plan dans la scurisation des rapports entre les diffrents acteurs du march des

    services bancaires et financiers.

  • TITRE 1

    LA CLAUSE DE MARCHE INTERIEUR COMME FONDEMENT DE LA LIBRE

    PRESTATION DE SERVICES BANCAIRES ET FINANCIERS SUR

    LINTERNET 22. Dfinition. La construction dune Europe financire repose sur deux piliers : le premier a

    pour base le principe de la libre circulation des capitaux tandis que le second correspond

    laction coordinatrice mene par les autorits communautaires notamment dans le domaine

    des services dinvestissements ainsi que celui des oprations bancaires et financires. Dans le

    cadre de la mise en uvre de cette libert de prestation de services, conformment aux articles

    44, 47 et 52 du Trait de Rome, les autorits communautaires veillent la suppression dune

    part, des obstacles discriminatoires et, dautre part, des rglementations indistinctement

    applicables. Aujourdhui, via lInternet, cette libert de prestation de services est assure par

    la clause de march intrieur issue de la directive 2000/31/CE sur le commerce lectronique

    du 8 juin 2000.

    23. Construction europenne. Dans le domaine bancaire et financier, de nombreuses directives

    dites de coordination des lgislations nationales ont t adoptes. Ainsi, grce la

    reconnaissance mutuelle des agrments prvue initialement par la deuxime directive bancaire

    du 15 dcembre 198927, tout tablissement de crdit communautaire peut proposer ses services

    dans toute la Communaut. De mme, les articles L. 511-22 et L.511-2428 du Code montaire

    et financier envisagent notamment la libre prestation par voie de succursale. Par consquent,

    les oprations bancaires et financires classiques semblent bnficier dun cadre juridique

    de la libre prestation de services. Pourtant, lInternet entrane une prise de conscience

    particulire des institutions communautaires et nationales.

    27 Aujourdhui dans la directive 2000/12/CE du Parlement europen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant l'accs l'activit des tablissements de crdit et son exercice 28 Dernirement modifis par la loi n 2003-706 du 1er aot 2003, dite de scurit financire.

  • 1re Partie : Titre 1 - La clause de march intrieur comme fondement de la libre prestation des services bancaires et financiers sur lInternet

    15

    24. La logique concurrentielle du march. En raison de lobjectif dintgration conomique

    quil se fixe, le march communautaire semble rsolument se construire autour de concepts

    fondamentaux et interdpendants, notamment la libre circulation et la libre concurrence. Il se

    caractrise galement par sa complexit et son volutivit pour sadapter sans cesse aux faits

    conomiques. Ces liberts sont tout la fois principes directeurs et conditions du bon

    fonctionnement du march. Ainsi larticle 3, g du trait instituant la Communaut Europenne

    prvoit linstauration dun rgime assurant que la concurrence nest pas fausse dans le

    march intrieur . LInternet trouve naturellement sa place dans cette logique de libre

    concurrence ; le rseau commercial quil cre nest pas seulement communautaire mais

    mondial. Rduction des distances entre prestataires et clients, rapidit des transactions : il

    apparat ds lors comme un instrument de la libre concurrence entre les prestataires de

    services, a fortiori entre les tablissements de crdits. En raison de la facilit de collecte des

    informations relatives aux concurrents, de la ractivit accrue des prestataires puis enfin de

    laugmentation des attentes des clients, la concurrence est plus encore exacerbe grce

    lInternet. Assurer le bon fonctionnement du march des prestations bancaires et financires

    sur la toile revient donc garantir le jeu de la libre concurrence entre tablissements de crdits

    et supprimer les entraves au commerce en ligne. De plus, il reprsente un enjeu tel qua t

    adopte une directive sur le commerce lectronique venant assurer la libre prestation de

    services sur lInternet.

    25. La directive commerce lectronique. Ainsi, la volont communautaire dtablir un cadre

    rglementaire europen cohrent pour les services de la socit de linformation29 (par voie

    lectronique) sest traduite par ladoption de la directive 2000/31/CE du Parlement Europen

    et du Conseil du 8 juin 2000 relative certains aspects juridiques des services de la socit de

    linformation, et notamment du commerce lectronique, dans le march intrieur (ci-aprs la

    directive sur le commerce lectronique). Cette directive est dite horizontale en ce quelle ne

    concerne pas seulement les services bancaires et financiers, par opposition aux directives dites

    verticales propres ce secteur et ne concernant pas spcifiquement lInternet.

    Particulirement, larticle 3 de cette directive nonce la clause de march intrieur et consacre

    la libre circulation des services de la socit de linformation notamment par voie dInternet,

    29 Toujours dans la mme perspective, la Commission europenne a lanc son plan daction i2010 pour stimuler la croissance de la socit europenne de linformation. V. Atelier groupe BNP Paribas, LEurope fixe un plan quinquennal pour dynamiser lconomie numrique, 2 juin 2005, disponible sur : www.atelier.fr; DUMOUT E., Socit de linformation : Bruxelles se fixe des objectifs ambitieux pour 2010, 3 juin 2005, disponible sur : www.zdnet.fr .

  • 1re Partie : Titre 1 - La clause de march intrieur comme fondement de la libre prestation des services bancaires et financiers sur lInternet

    16

    (article 3, 2) et soumet ses services la lgislation du pays dtablissement du prestataire

    (article 3, 1).

    26. Problmatique. En adoptant cette directive, le lgislateur communautaire a souhait favoriser

    la libre prestation de services par voie lectronique ainsi que le bon fonctionnement du

    march. Au regard de la clause de march intrieur, deux problmes peuvent tre identifis :

    lacquis communautaire en matire de services bancaires et financiers est-il remis en cause

    (a) ? Et, via lInternet, dans quelle mesure la libert de prestation de services bancaires et

    financiers sexerce-t-elle (b) ?

    a. La remise en cause des acquis communautaires en matire bancaire et financire

    27. Constat. Sagissant des services bancaires et financiers, la spcificit de lInternet et la

    dtermination de la rglementation applicable induisent le recoupement de deux catgories de

    rgles. A ce titre, on remarque que le nombre important de dispositions contraignantes en la

    matire cre des incertitudes quant larticulation entre, dune part, lacquis communautaire

    dans le domaine des services financiers en gnral30 et, dautre part, les rgles31 mises en place

    par la directive 2000/31/CE du Parlement Europen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le

    commerce lectronique dans le march intrieur.

    28. Scurit juridique. Cette articulation suscite, en effet, beaucoup de questions et

    dincertitudes. Or lon sait que la Cour europenne de Justice considre que les principes de

    scurit juridique et de protection des particuliers exigent que, dans les domaines couverts

    par le droit communautaire, les rgles du droit des Etats membres soient formules de

    manire non quivoque qui permette aux personnes concernes de connatre leurs droits et

    obligations dune manire claire et prcise et aux juridictions nationales den assurer le

    respect 32, par consquent la lgislation communautaire doit tre certaine et son

    30 On pense notamment la premire et deuxime directives bancaires, dsormais coordonnes par la directive 2000/12/CE du Parlement europen et du Conseil du 20 mars 2000 concernant laccs lactivit des tablissements de crdit et son exercice, ainsi quaux directives ayant trait aux services dinvestissement (directive 85/611/CE du Conseil du 20 dcembre 1985 portant coordination des dispositions lgislatives, rglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilires (OPCVM) ; directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 1993, concernant les services dinvestissement dans le domaine des valeurs mobilires). Dans la mesure o il fait lobjet dune exclusion particulire de la clause march intrieur , nous naborderons pas le secteur des assurances. 31 Spcialement larticle 3 relatif la clause march intrieur . 32 CJCE, 21 juin 1988, Commission/Italie, aff. 257/88, Rec., 3249.

  • 1re Partie : Titre 1 - La clause de march intrieur comme fondement de la libre prestation des services bancaires et financiers sur lInternet

    17

    application prvisible pour les justiciables. Cet impratif de scurit juridique simpose avec

    une rigueur particulire lorsquil sagit dune rglementation susceptible de comporter des

    consquences financires, afin de permettre aux intresss de connatre avec exactitude

    ltendue des obligations quelle leur impose 33. Par nature, ceci est le cas dans le domaine

    des services bancaires et financiers.

    b. Lexercice de la libre prestation de services bancaires et financiers sur lInternet

    29. Ambigut. Dans la mesure o le site dun prestataire issu dun Etat membre est

    automatiquement accessible dans lensemble des Etats membres, lInternet complique

    singulirement la donne traditionnelle dans les services bancaires et financiers, comme

    dailleurs dans les autres secteurs. Pour autant, si le libre tablissement et la libre prestation de

    service classique impliquent ncessairement une intention doprer dans un autre Etat de

    la Communaut, lInternet offre aux prestataires dun Etat membre la possibilit de contracter

    avec des rsidents dautres Etats europens sans lavoir souhait (du moins officiellement

    pour exemple, les conditions gnrales de vente du site Internet de la Caisse dEpargne34

    limitant leur offre aux domicilis en France).

    30. Clarification. Par consquent, la Commission a t amene ragir et publier une

    communication concernant le commerce lectronique et les services financiers35. Cette

    dernire tente dapporter des claircissements sur la vision de la Commission propos des

    questions et incertitudes ainsi que sur les actions quelle entend mener pour rsoudre les

    divers problmes ayant t mis au jour. Quoi quil en soit, en adoptant cette directive, le

    lgislateur europen opte pour un cadre juridique capable dassurer la circulation des services

    de la socit de linformation, tout en prcisant quil est important dviter la

    surrglementation, de se baser sur les liberts du march intrieur, de tenir compte des

    ralits commerciales et dassurer une protection efficace et effective des objectifs dintrts

    gnraux 36. La difficult de la tche consiste donc prciser les rgles visant assurer la

    libre circulation des services tout en bouleversant le moins possible le cadre communautaire

    existant. Cest lobjet principal de larticle 3 de la directive commerce lectronique 33 CJCE, 15 dcembre 1987, Commission/Irlande, aff. 239/86, Rec., 5271. 34 Conditions gnrales de vente consultables sur : www.caisse-epargne.fr. 35 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement europen, Commerce lectronique et services financiers, COM (2001) 66, 7 fvrier 2001. 36 Proposition de directive du Parlement europen et du Conseil relative certains aspects du commerce lectronique dans le march intrieur, 18/11/1999, COM (1998) 586 final, p. 6.

  • 1re Partie : Titre 1 - La clause de march intrieur comme fondement de la libre prestation des services bancaires et financiers sur lInternet

    18

    consacrant la clause dite de march intrieur . Cette dernire, qui doit tre considre

    comme le moteur de la directive, fonctionne sur la base du principe du pays dorigine et de la

    reconnaissance mutuelle, ceci est assorti dune srie de limites gnrales et particulires tout

    en tant naturellement sous-tendu par un principe de confiance entre les Etats membres,

    condition indispensable au bon fonctionnement du march.

    31. Plan. Etant donn les difficults dinterprtation que prsente la clause march intrieur ,

    une tude approfondie doit tre mene. Il sagira denvisager la porte de cette clause

    (chapitre 1) avant den tudier limpact (chapitre 2).

  • CHAPITRE 1er

    PORTEE DE LA CLAUSE DE MARCHE INTERIEUR

    32. Le contexte. Lorigine de la clause de march intrieur est lie au manque de clart

    concernant le cadre juridique existant. En effet, lInternet dans sa dimension bancaire et

    financire notamment, implique la rencontre dacteurs loigns physiquement, rsidents dans

    des Etats membres diffrents. Se pose alors le problme de leur localisation et par voie de

    consquence celui du droit applicable, tant la relation contractuelle (mais ce problme nest

    pas rsolu par la directive sur le commerce lectronique) quau prestataire de services

    bancaires et financiers (lgalit des services quil propose). Comme le rappelle la

    Commission en 1998, ces services ne se dveloppent pas dans un vide juridique mais au

    contraire sont dj soumis une srie de rglementations nationales , la question tant de

    savoir laquelle sapplique...

    33. Les acteurs. Apparaissent ici deux lments soupess de la balance europenne, il sagit

    dassurer un quilibre entre les intrts contradictoires de deux familles dacteurs : les

    consommateurs dun ct et les milieux daffaires de lautre (les tablissements de crdits)

    puisque la confiance entre les deux est indispensable au bon dveloppement du commerce sur

    lInternet. Laisser perdurer des incertitudes juridiques pour le prestataire bancaire et financier,

    dans un secteur particulirement rglement, risquait de poser dimportants problmes

    dorganisation et de dveloppement de son activit et dengendrer des frais non ngligeables

    danalyse juridique.

    34. La rgle tablie. Aux termes de larticle 3 de la directive sur le commerce lectronique :

    1. chaque tat membre veille ce que les services de la socit de l'information fournis

    par un prestataire tabli sur son territoire respectent les dispositions nationales

    applicables dans cet tat membre relevant du domaine coordonn.

    2. Les tat membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonn,

    restreindre la libre circulation des services de la socit de l'information en provenance

    d'un autre tat membre .

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 20

    35. La satisfaction des prestataires. Les institutions communautaires ont clairement pris parti en

    faveur des prestataires de services qui se voient consacre la possibilit de proposer leurs

    oprations toute la Communaut sur la base de la loi de leurs pays dorigine. La

    communication de la Commission du 7 fvrier 2001 justifiant ce choix rappelle qu exiger

    dun prestataire de services financiers quil se conforme quinze rgimes juridiques

    diffrents serait excessivement lourd. Si tel tait nanmoins le cas, les prestataires de services

    financiers se verraient obligs de respecter les exigences propres chaque Etat membre, ce

    qui dcouragerait les initiatives de commerce lectronique couvrant lensemble de lUnion

    europenne. Les choix proposs la clientle en seraient limits et, plus gravement encore,

    les prestataires pourraient tendre privilgier les marchs nationaux les plus importants, au

    dtriment des Etats membres de plus petite taille. Quant aux consommateurs de lUE, ils se

    reporteraient sur le reste du monde pour leurs transactions lectroniques .

    36. Le scepticisme des Etats. Les principes mis ont t bien accueillis par les reprsentants du

    secteur, ils les considrent en effet comme un impratif pour le dveloppement du commerce

    lectronique37. De leur ct, certains Etats membres sont toujours sceptiques quant

    lapplication de la clause dite de march intrieur, tel point quau deuxime trimestre 2003,

    une sorte de dlai de transition (en attendant une harmonisation plus pousse des lgislations

    en matire bancaire et financire) avait t sollicite et aussitt rejete par la Commission au

    motif que la directive sur la commerce lectronique offre des garanties suffisantes aux

    Etats membres38 .

    37. Problmatique. En fin de compte, la balance a pench pour cette fois en faveur du

    professionnel et cest au consommateur quil appartient de se renseigner sur la lgalit de la

    prestation qui lui est propose. Cette option parat contestable au regard du degr

    dinformation du consommateur qui semble tre moindre que celui du professionnel. Le

    prestataire peut, quant lui, proposer ses services aux ressortissants des autres Etats membres

    conditions que ceux-ci respectent les lois de son propre pays dtablissement. Sagissant de

    crer un cadre juridique cohrent et transparent, ceci pose videmment un problme de

    contrle de la lgalit de ces services. En effet, si le 2 de larticle 3 de la directive sur le 37 Sur les craintes formules par les organismes de dfense des intrts des consommateurs, cf. Bureau Europen des Unions de Consommateurs (BEUC), Jurisdiction and applicable law on cross-border consumer contracts, 8 octobre 1999, p. 7-8, disponible sur : http://www.beuc.org/public/xfiles2000/x2000/x019e.pdf. 38 Communication de la Commission au Conseil, au Parlement europen et la Banque centrale europenne, Lapplication aux services financiers des articles 34 36 de la directive sur le commerce lectronique, du 14 mai 2003, COM (2003) 259 final, 1, p.2.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 21

    commerce lectronique consacre pour lInternet, un principe de libre circulation des services,

    le 1 semble en attribuer la sauvegarde et le contrle lEtat dorigine. Pour autant, cela veut-

    il dire que cet article instaure une rgle juridictionnelle pour prcisment assurer le respect de

    ce principe sopposant ainsi avec les solutions juridictionnelles dj en vigueur ? Plus loin, le

    principe pos par la clause de march intrieur est immdiatement assorti dexceptions

    cependant, se pose la question de savoir si elles sont de nature le remettre en cause car la

    problmatique globale est bien celle de lefficience du nouveau dispositif lgislatif intgr

    dans un corpus juridique dj actif.

    38. Les concepts de base. Afin dnoncer les principes des 1 et 2 de la clause de march

    intrieur, la directive se rfre particulirement trois concepts : les services de la socit de

    linformation (a), le prestataire tabli (b) et le domaine coordonn (c). Ces notions, dlimitent

    le champ dapplication de la clause de march intrieur.

    a. Services de la socit de linformation : distinction entre prestation de services et

    mouvement de capitaux

    39. Dfinition. La notion de service de la socit de linformation nest pas dfinie

    directement dans la directive sur le commerce lectronique mais seulement par renvoi

    larticle 1er 2, de la directive 98/34/CE39, modifie par la directive 98/48/CE et vu le

    considrant 19 de la directive, par rfrence larticle 50 du Trait. Ainsi, il sagit de tout

    service fourni, normalement contre rmunration, distance au moyen dquipement

    lectronique de traitement (y compris la compression numrique) et de stockage de donnes

    la demande individuelle dun destinataire de service et les prestations sont considres

    comme des services dans la mesure o elles ne sont pas rgies par les dispositions relatives

    la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes . Cette notion de

    services ayant clairement un caractre rsiduel40, se pose alors la question de savoir dans

    quelle mesure la directive sapplique ds lors que lon est en prsence dun mouvement de

    capital au sens du Trait relevant de la libre circulation des capitaux. Notons dailleurs que

    larticle 51, 2 du Trait tablit une prminence des rgles relatives la libre circulation des

    39 Directive 98/34/CE du Parlement europen et du Conseil du 22 juin 1998 prvoyant une procdure dinformation dans le domaine des normes et rglementations techniques et des rgles relatives aux services de la socit de linformation modifie par la directive 98/48/CE. 40 V. par exemple CJCE, 4 dcembre 1986, Commission c/ Allemagne, C-205/84, Rec., I-1986, p. 3755 et CJCE, 31 janvier 1984, Luisi et Carbone, C-286/82, et 26/83, Rec., I-1984, p. 377.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 22

    capitaux sur les rgles relatives la libre prestation de services. Allant plus loin, lannexe I de

    la directive 88/361/CEE du Conseil du 24 juin 1988 tablit une nomenclature des

    mouvements de capitaux qui vise en ralit la plupart des services financiers (oprations en

    compte courant et de dpts auprs des tablissements financiers, prts et crdits financiers,

    cautionnement et autres garanties, transferts en excution de contrats dassurances,

    mouvements de capitaux caractre personnel, etc.).

    40. Consquences. Lapplication combine des deux catgories de disposition devrait permettre

    de suivre une approche identifiant trois hypothses :

    1. Soit il sagit dun service bancaire pur et dans ce cas seules les dispositions du Trait sur la libert de prestation de services sappliquent.

    2. Soit il sagit dune opration impliquant uniquement un mouvement de capital, auquel cas elle ne peut tre considre comme un service et ds lors seules les rgles spcifiques sur

    les mouvements de capitaux sappliquent.

    3. Soit lopration implique un service bancaire li un mouvement de capital, et cette opration doit donc tre ralise au fur et mesure de la libration des mouvements de

    capitaux41.

    41. Applicabilit de la directive. Il faudra donc, dans chaque cas despce, vrifier sil sagit

    dun pur service, auquel cas la directive sur le commerce lectronique pourra avoir

    vocation sappliquer, dun pur mouvement de capital, ne devant alors logiquement pas

    sappliquer ou enfin dun service li un mouvement de capital. La nomenclature prcite

    laisse clairement entrevoir la difficult de la tche dans la mesure o la plupart des

    transactions relveront bien souvent de la troisime catgorie Des restrictions qui ne

    pourraient tre admises au titre de la libre circulation des services en raison de lapplication de

    la directive sur le commerce lectronique risqueraient donc toutefois dtre maintenues au

    titre de la libre circulation des capitaux et influer, ds lors, sur le mouvement du service

    financier qui sous-tend le mouvement de capital.

    41 MOHAMED S., European Community law on the free movement of capital and the EMU, Kluwer Law International, Stockholm, 1999, p. 183.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 23

    b. Le prestataire tabli lorigine de la loi applicable

    42. Problmes poss. Selon larticle 2, point c), de la directive, le prestataire tabli sentend

    comme celui qui exerce dune manire effective une activit conomique au moyen dune

    installation stable pour une dure indtermine. La prsence et lutilisation des moyens

    techniques et des technologies requis pour fournir le service ne constituent pas en tant que

    telles un tablissement du prestataire . Cette dfinition pose au minimum trois problmes :

    1. Tout dabord, celui de la stabilit de linstallation, notion trs dlicate dans le monde de lInternet.

    2. Ensuite, celui dune activit exerce pour une dure illimite, ce qui ne concide pas toujours avec lventuelle limitation dans le temps des socits commerciales.

    3. Et enfin, celui de la multiplicit des lieux dtablissement du prestataire.

    43. Solutions. Selon le considrant 19 de la directive, il est admis quune socit constitue pour

    une priode donne rpond lexigence dactivit exerce pour une dure illimite, et ce

    malgr la contradiction in terminis ! Par ailleurs, le lieu dtablissement dune socit

    fournissant des services par le biais dInternet nest pas le lieu de linstallation technologique

    servant de support au site, ni le lieu o celui-ci est accessible mais celui o elle exerce son

    activit conomique42. Enfin, lorsque le prestataire a plusieurs lieux dtablissement, il est

    important de dterminer celui partir duquel le service concern est fourni. Lorsque ce

    dernier est difficile identifier, il se trouve tre celui au sein duquel le prestataire a le centre

    de ses activits43 pour ce service spcifique.

    c. Notion de domaine coordonn : les exigences relatives aux services et aux prestataires

    44. Champ dapplication. Le domaine coordonn dtermine les exigences que le prestataire doit satisfaire en ce qui concerne laccs lactivit dun service de la socit de linformation

    (SSI), telles quen matire de qualification, dautorisation ou de notification. Doit-on ds lors

    42 Toute activit consistant offrir des biens ou des services sur un march donn par une entreprise, indpendamment du statut juridique de cette dernire ou de son mode de fonctionnement , (CJCE, 23 avril 1991, Hfner et Else ; 23 mars 2000, Pavel Pavlov) ; notion indiffrente du caractre lucratif ou non de loprateur (CJCE, 25 octobre 2001, Ambulanz Glckner). 43 Cest--dire le lieu o le prestataire effectue ses principaux investissements, o elle possde le sige de ses affaires ou le centre de ses activits professionnelles, do elle administre ses biens et prend ses dcisions. Comp. CJCE, 5 juin 1997, Communaut flamande de Belgique, o la Cour juge sur le visa de la directive tlvision sans frontire que le centre des activits dun radiodiffuseur est celui, notamment, o sont prises les dcisions de programmation.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 24

    comprendre par la rgle du principe du pays dorigine que son champ dapplication inclut non

    seulement les dispositions nationales ayant trait aux services, mais galement celles qui se

    rapportent aux prestataires eux-mmes ? Cette question est dautant plus importante que

    larticle 3, 2, prvoit que les Etats membres ne peuvent, pour des raisons relevant du

    domaine coordonn, restreindre la libre circulation des services de la socit de

    linformation en provenance dun autre Etat membre , hormis pour les motifs et dans les

    conditions restrictives signifies par le paragraphe 4 du mme article. Considrant que le

    premier et le second paragraphe de larticle 3 semblent viser essentiellement les services de la

    socit de linformation et ne font nulle mention du prestataire, la question mrite dtre

    pose. Il est toutefois indispensable de relever que les exigences lgales concernant le

    prestataire bnficient galement de la clause de march intrieur et dans la mesure o le

    lgislateur communautaire a jug ncessaire de prciser la notion de domaine coordonn en

    insrant un point visant spcifiquement les rgles ayant trait au prestataire, et non directement

    aux services fournis par celui-ci, il y a lieu de donner au texte une interprtation conforme

    cette prcision.

    45. Les difficults dinterprtation. La dfinition des SSI44 pose en outre une question

    subsquente : pourrait-on considrer que seules les rgles qui sappliquent quand il y a une

    demande individuelle sont concernes par la clause march intrieur, et que par consquent

    les rgles sappliquant aux prestataires avant cette demande individuelle ne sont pas

    affectes ? Cette question nest pas sans porte pratique en ce qui concerne les services

    financiers : il existe, par exemple, des rgles qui imposent un agrment avant de pouvoir

    commencer une activit, des rgles qui rgissent lusage de certains termes protgs, des

    rgles qui imposent un contrle pralable des contrats. Pourrait-on considrer que ces

    exigences ne relvent pas de la clause de march intrieur ds lors quelles sappliquent aux

    prestataires avant toute demande individuelle ? Une telle interprtation restrictive ne semble

    pas pouvoir tre suivie. En effet, la dfinition du domaine coordonn vise expressment

    laccs lactivit dun service de la socit de linformation, telles que les exigences en

    matire de qualification, dautorisation ou de notification ainsi que lexercice de lactivit

    de la socit de linformation, telles que () le contenu du service . La volont du

    lgislateur communautaire a, sans conteste, t de donner la dfinition la plus large possible

    du domaine coordonn, sans gard pour les moments o ces rgles taient susceptibles

    44 Cf. supra n 39.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 25

    dentrer en uvre. Par consquent, ces rgles, dont lapplication prcde toute demande

    individuelle paraissent devoir tre interprtes comme ressortissantes du domaine coordonn.

    46. Bilan. Le mcanisme de l'article 3 de la directive ne constitue pas une innovation en droit

    communautaire. En effet, la technique du contrle exclusif par l'tat membre d'origine

    couple la reconnaissance mutuelle des contrles a dj t utilise diverses reprises en

    droit communautaire driv. On ne peut videmment imaginer un march unique dcloisonn

    si les prestataires de services tablis dans un tat membre de l'Union europenne sont soumis

    des contrles nationaux ds quils veulent s'tablir ou fournir des services dans d'autres

    tats membres. Dans ce flou relatif, on constate que le rle de la coopration entre les

    autorits de contrle dune part, et de la Commission dautre part, sera dterminant et devra

    conduire une rflexion plus large sur lopportunit de formes nouvelles de contrle ntant

    plus seulement nationales.

    47. Illustrations. Ainsi, la rglementation des activits bancaires au sein du march intrieur

    comporte une srie de rfrences cette technique, notamment en matire d'agrment et de

    contrle des tablissements bancaires, de services d'investissement dans le domaine des

    valeurs mobilires45 ou encore de protection des dpts46. La directive tlvision sans

    frontire prvoit elle aussi le contrle exclusif par l'tat membre d'origine de l'organisme de

    radiodiffusion47. Sans prtendre aucune exhaustivit, citons encore la directive sur la

    signature lectronique48 qui recourt partiellement ce mcanisme.

    48. Plan. Si le contrle exclusif par l'tat membre d'origine coupl la reconnaissance mutuelle

    des contrles nest pas innovant, il convient cependant dobserver que la clause de march

    intrieur de la directive sur le commerce lectronique prsente une particularit importante en

    ce qui concerne la dfinition du champ d'application du principe du pays d'origine. Il convient

    45 Cf. FERON B. et WOUTERS H., La directive 93/22 concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilires et son impact sur la loi du 4 dcembre 1990, Rev. prat. soc., 1994, pp. 226 et s. et pp. 234 et s. 46 Cf. WILMS W., Les succursales bancaires et les systmes de protection des dpts, in Les succursales bancaires, Cahiers AEDBF, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 61 et s. 47 Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant la coordination de certaines dispositions lgislatives, rglementaires et administratives des tats membres relatives l'exercice d'activits de radiodiffusion tlvisuelle. Cette directive a t modifie par la directive 97/36/CE du Parlement europen et du Conseil du 30 juin 1997. 48 Directive 1999/93/CE du Parlement europen et du Conseil du 13 dcembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures lectroniques.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 26

    donc, den tudier le contenu (section 1). Ce mcanisme nest pas cependant absolu et peut

    faire lobjet de drogations tant gnrales que particulires (section 2).

    Section 1 : Le contenu de la clause de march intrieur

    49. Plan. Lobjet de la clause de march intrieur est dtablir le principe de la libre circulation

    des services de la socit de linformation fournis via lInternet. Ce principe applicable aux

    prestations bancaires et financires seffectuant sur la base du respect de la loi du pays

    dtablissement (1) est le principal acquis de la directive sur le commerce lectronique. Ce

    dernier soulve un certain nombre de problmes quant son articulation avec le corpus

    lgislatif existant en matire bancaire et financire et les rgles gnrales de droit

    communautaire. Se pose alors maintenant la question concernant ses consquences (2).

    1. La libre prestation de services bancaires et financiers sur lInternet

    50. Le texte. Larticle 3, 1, nonce que chaque tat membre veille ce que les services de la

    socit de l'information fournis par un prestataire tabli sur son territoire respectent les

    dispositions nationales applicables dans cet tat membre relevant du domaine coordonn .

    Larticle 3, 2, indique quant lui que les tat membres ne peuvent, pour des raisons

    relevant du domaine coordonn, restreindre la libre circulation des services de la socit de

    l'information en provenance d'un autre tat membre . Autrement dit, le principe (A) de la

    libre prestation des services bancaires et financiers sur lInternet reoit, par-l, un champ

    dapplication trs large (B).

    A. Le principe

    51. Lutilit du principe. La libert de circulation des services sur lInternet est consacre par la

    lettre mme de la clause de march intrieur. Dans la mesure o le principe gnral de libre

    prestation de services et a fortiori en matire bancaire et financire est dj acquis en droit

    communautaire (larticle 3 2 de la directive ne fait que rpter dans le contexte particulier

    du commerce lectronique le principe contenu dans larticle 49 du Trait) la question de son

    utilit peut lgitimement se poser. De mme, la lecture du 1 de la clause de march intrieur

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 27

    peut surprendre car on envisage difficilement quun professionnel exerce en toute illgalit

    dans son propre Etat qui, de surcrot, ne le contrlerait pas. Aussi ce principe ne prsente-t-il

    pas rellement dintrt que dans la mesure o il lui faut rgler une contrainte technique :

    assurer la lgalit dun site Internet, quel que soit lEtat partir duquel on le visionne. En

    effet, en raison de la disparit des lgislations et vu les offres quils proposent, certains sites

    apparatraient purement et simplement illgaux au regard du droit de cet Etat. Par consquent,

    ltablissement de crdit devrait se conformer la lgislation de chaque Etat membre. Et

    quand bien mme ce prestataire crerait de multiples sites, ses versions illgales seraient

    nanmoins accessibles. Cest donc bien la spcificit technique de loutil Internet qui a

    entran ladoption dune lgislation communautaire.

    52. La question du contrle. Plus encore, ce principe de libre circulation des services via

    lInternet repose non seulement sur un contrle de la lgalit de la prestation par lEtat

    dtablissement mais aussi, aux yeux de la Commission, sur le principe de la reconnaissance

    mutuelle des contrles effectus par les tats dorigine, sur la base de leurs lgislations

    nationales. Il en ressort que cette libre circulation ne peut tre effective que sur la base dune

    confiance rciproque entre les Etats. Au-del de la rgle juridique, lintrt du principe est

    dimposer cette confiance et donc bien de favoriser le bon fonctionnement du march.

    53. Applicabilit aux services bancaires et financiers. Selon le lgislateur europen, le contrle

    doit tre exerc la source de lactivit pour assurer son efficacit49. Le principe consacr

    larticle 3, 1 est donc bien denjoindre ltat membre dorigine exercer un contrle de

    lgalit. Par son caractre englobant, cette disposition sapplique aux oprations bancaires et

    financires raliss via lInternet. En dautres termes les services dun tablissement de crdit

    proposs par lInternet doivent respecter la lgislation de lEtat membre au sein duquel ce

    prestataire est tabli, et cest cet Etat quincombe le devoir de veiller cette lgalit. Dans le

    secteur particulier des services bancaires et financiers simposeront a priori toutes les

    lgislations nationales concernant, par exemple, les rgles exigeant un agrment avant de

    pouvoir commencer une activit ou celles rgissant lusage de certains termes protgs et

    49 Cf. le considrant n 22 : Le contrle des services de la socit de l'information doit se faire la source de l'activit pour assurer une protection efficace des objectifs d'intrt gnral. Pour cela, il est ncessaire de garantir que l'autorit comptente assure cette protection non seulement pour les citoyens de son propre pays, mais aussi pour l'ensemble des citoyens de la Communaut. Pour amliorer la confiance mutuelle entre les tats membres, il est indispensable de prciser clairement cette responsabilit de l'tat membre d'origine des services () .

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 28

    enfin celles requrant un contrle pralable des contrats. Larticle 3, 1 renvoie aux

    dispositions nationales applicables dans ltat membre dorigine relevant du domaine

    coordonn . Il semble donc que le champ dapplication du principe du pays dorigine doit

    tre dtermin sur la base de la dfinition du domaine coordonn .

    B. Champ dapplication

    54. Le domaine coordonn. Selon larticle 2, h, de la directive sur le commerce lectronique, il

    faut entendre par domaine coordonn : les exigences prvues par les systmes juridiques des

    tats membres et applicables aux prestataires des services de la socit de l'information ou

    aux services de la socit de l'information, qu'elles revtent un caractre gnral ou qu'elles

    aient t spcifiquement conues pour eux .

    Le domaine coordonn caractrise des exigences que le prestataire doit satisfaire et qui

    concernent :

    * L'accs l'activit d'un service de la socit de l'information telles quen matire de

    qualification, d'autorisation ou de notification.

    * L'exercice de l'activit d'un service de la socit de l'information, telles que celles

    portant sur le comportement du prestataire, la qualit ou le contenu du service en matire de

    publicit et de contrat ou enfin sur la responsabilit du prestataire.

    La dfinition du domaine coordonn concerne toutes les exigences gnrales ou spcifiques

    applicables laccs et lexercice de lactivit dun service de la socit de linformation.

    Force est de constater quau-del des seules questions harmonises par la directive, le

    caractre exemplaire de lnumration contenu l'article 2, h, i) indique clairement que

    lensemble du droit matriel applicable un prestataire pour son activit en ligne 50 est vis.

    55. La porte. Selon le lgislateur communautaire, la porte du domaine coordonn doit tre

    aussi large que possible (au-del des seules rgles harmonises par la directive) afin de

    garantir un contrle efficace des activits des prestataires de services de la socit de

    linformation ainsi quune circulation vritablement libre de ces services, tout en vitant que

    les tats de destination puissent invoquer leurs dispositions nationales sur des questions

    nayant pas t traites dans la directive mais sintressant nanmoins aux activits des

    50 Ibid. Cf. galement le considrant n 21. Contra, FRANCQ S., op. cit., pp. 66-67 (qui estime que la rgle du pays dorigine ne sapplique quaux questions harmonises par la directive). Cette dernire position est cependant difficilement conciliable avec lnumration contenue dans larticle 2, h.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 29

    prestataires des services de la socit de linformation51. Ce champ d'application tendu

    constitue incontestablement une particularit marquante du mcanisme de la clause de march

    intrieur de la directive. En effet, on considre gnralement que l'imposition de ce type de

    clause requiert un degr suffisant d'harmonisation des diffrents droits nationaux des tats

    membres. Ainsi le champ d'application de ces clauses est logiquement restreint aux questions

    harmonises par l'instrument communautaire qui les contient52. Ds lors, le choix du

    lgislateur communautaire en faveur d'une dfinition trs large du domaine coordonn peut

    aisment s'expliquer. Compte tenu de l'objet limit de la directive53, il n'tait videmment pas

    question d'adopter des dispositions affrentes aux activits ne pouvant tre considres

    comme des services de la socit de l'information. Mais il tait par ailleurs tout aussi vident

    que des dispositions rgissant des activits de type traditionnel pourraient s'appliquer de

    manire incidente certains services de la socit de l'information prsentant un lien plus ou

    moins troit avec les dites activits54. Aussi les divergences entre les lgislations nationales

    rgissant des activits traditionnelles risquaient-elles de rduire nant les avantages

    dcoulant de l'uvre de coordination communautaire porte par la directive ainsi que de

    constituer un obstacle au dveloppement du commerce lectronique li ces activits. En

    outre, les incertitudes affectant le rglement des conflits de lois pouvaient accentuer cette

    crainte.

    56. Lobjectif. Il devenait donc ncessaire de mettre sur pied un rgime permettant de limiter,

    autant que possible les obstacles l'usage du commerce lectronique par les oprateurs

    conomiques existants. Compte tenu de l'impossibilit de soustraire les services de la socit

    de l'information l'application de toute rgle juridique de droit commun, le lgislateur

    europen a choisi le mcanisme de la clause de march intrieur pour tous les aspects

    juridiques affrents l'activit consistant fournir des services de la socit de l'information y

    compris les aspects non harmoniss par la directive.

    57. Les limites. Malgr le champ large du domaine coordonn, larticle 2, h, ii, prcise toutefois

    quil ne concerne que les activits en ligne du prestataire de services de la socit de

    linformation. Les exigences relatives aux biens en tant que tels, leurs livraisons ou aux

    51 A ce sujet v., CRABIT E., Lunivers de la directive sur le commerce lectronique , op. cit., p. 9. 52 Cf. la directive sur la signature lectronique, article 4, qui limite les effets de sa clause de march intrieur. 53 Harmonisation de certains aspects juridiques des services de la socit de l'information. 54 Tel est le cas, par exemple, dun site Web assurant la promotion des activits d'un constructeur de voitures, dun site Web permettant d'acqurir en ligne un bijou, etc.

  • 1re Partie : Titre 1 : Chapitre 1 Porte de la clause de march intrieur 30

    services non fournis par voie lectronique sont exclues de son domaine dapplication55. Cette

    exclusion est la consquence logique de l'objet de la directive qui vise tablir un cadre

    juridique pour la libre circulation des services de la socit de l'information. Dans la mesure

    o la dfinition de ces services ne couvre pas ces lments, il s'imposait de les carter de la

    clause de march intrieur. Cette dfinition permet d'ailleurs elle seule d'exclure du champ

    d'application de la directive les activits qui ne s'exercent pas en ligne56. Le rappel de cette

    exclusion l'article 2, h, n'tait alors pas indispensable. Enfin, il convient de prciser que le

    principe du pays dorigine ne sapplique que dans les relations entre tats membres. Dans

    lhypothse o les services de la socit de linformation manant dun pays dorigine non

    membre de la Communaut, la rgle de larticle 3, 1er, nest pas valable et il sera donc

    ncessaire de faire