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43 LES TPE : UNE AUTRE MANIERE D’APPRENDRE POUR LES ELEVES, ET POUR LES ENSEIGNANTS ? Marie-Hélène BOULET, Joëlle DELATTRE Irem de Lille REPERES - IREM. N° 52 - juillet 2003 Échos de la recherche collective en cours sur « les enjeux et les limites de la responsabilisation des élèves dans la mise en place des “ travaux personnels encadrés ” ou TPE » La recherche dont nous nous faisons l’écho concerne deux classes de première qui ont démarré dès le mois de septembre 2000, enca- drées par des enseignants volontaires. Les textes prévoyaient en effet que chaque lycée lance les “ travaux personnels encadrés ” (TPE) dans au moins une de ses classes de premiè- re 1 dès la rentrée de septembre 2000. Cette situation peut être considérée comme privi- Le texte à deux voix qui va suivre est le résultat d’une rencontre mémorable à Poi- tiers (16-20 juillet 2001), dans le cadre de l’Université d’été organisée par la Commission Inter-Irem Epistémologie et Histoire des maths : L’histoire des Sciences comme ins- trument d’une approche pluridisciplinaire de l’enseignement au collège et au lycée. Nous l’avons articulé en deux grands moments. Tout d’abord, nous allons donner les premiers résultats de notre recherche collective soutenue par l’IUFM de Lille sur les travaux person- nels encadrés (TPE) au lycée. Ensuite, nous avons mis en forme les remarques et les recommandations qui se sont formulées dans le groupe des collègues réunis à Poitiers pour échanger avec nous à propos de ces premiers résultats. 1 Excepté les classes technologiques pour lesquelles rien n’avait été prévu – elles ne commenceront qu’en 2001 de manière expérimentale –, et les classes professionnelles qui ont découvert les PPCP – projets pluridisciplinaires à caractère professionnel – spécialement créés et conçus pour elles.

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LES TPE : UNE AUTRE MANIERED’APPRENDRE POUR LES ELEVES,ET POUR LES ENSEIGNANTS ?

Marie-Hélène BOULET, Joëlle DELATTRE

Irem de Lille

REPERES - IREM. N° 52 - juillet 2003

Échos de la recherche collective encours sur « les enjeux et les limites de la responsabilisation des élèvesdans la mise en place des “ travauxpersonnels encadrés ” ou TPE »

La recherche dont nous nous faisons l’échoconcerne deux classes de première qui ontdémarré dès le mois de septembre 2000, enca-drées par des enseignants volontaires. Les textesprévoyaient en effet que chaque lycée lanceles “ travaux personnels encadrés ” (TPE)dans au moins une de ses classes de premiè-re 1 dès la rentrée de septembre 2000. Cettesituation peut être considérée comme privi-

Le texte à deux voix qui va suivre est lerésultat d’une rencontre mémorable à Poi-tiers (16-20 juillet 2001), dans le cadre del’Université d’été organisée par la CommissionInter-Irem Epistémologie et Histoire desmaths : L’histoire des Sciences comme ins-trument d’une approche pluridisciplinaire del’enseignement au collège et au lycée.

Nous l’avons articulé en deux grandsmoments.

Tout d’abord, nous allons donner les premiersrésultats de notre recherche collective soutenuepar l’IUFM de Lille sur les travaux person-nels encadrés (TPE) au lycée. Ensuite, nousavons mis en forme les remarques et lesrecommandations qui se sont formulées dansle groupe des collègues réunis à Poitiers pouréchanger avec nous à propos de ces premiersrésultats.

1 Excepté les classes technologiques pour lesquelles rien n’avaitété prévu – elles ne commenceront qu’en 2001 de manièreexpérimentale –, et les classes professionnelles qui ontdécouvert les PPCP – projets pluridisciplinaires à caractèreprofessionnel – spécialement créés et conçus pour elles.

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légiée pour l’observation que nous avonsmenée, puisque beaucoup d’autres classesn’ont débuté qu’en janvier, mais elle n’estpas vraiment expérimentale, car nous avonstenu à interférer le moins possible avec les choixet les décisions pédagogiques des enseignants.

Voici tout d’abord une présentation rapi-de du dispositif mis en place dans les deux éta-blissements où nous avons observé des élèveset accompagné des enseignants.

Le dispositif d’observation et d’accom-pagnement dans les deux classes

Au lycée Darchicourt d’Hénin-Beaumont,les TPE ont démarré dans une classe de1ère S. Les deux professeurs (E1) de mathé-matiques et (E2) de physique se concertent volon-tiers et souvent ; ils se sont répartis les élèvesen demi-classes sur les deux heures TPE dela semaine, le mercredi de 8 à 9 h, les élèvessont soit avec leur professeur de physique, soitau CDI, le vendredi de 15 à 16 h, ils sont soitavec le professeur de mathématique, soit auCDI. Une troisième enseignante (E3) profes-seur formateur à l’IUFM en physique et chi-mie, co-auteure de cet article, intervient àl’occasion comme professeur ressource oucomme observatrice. Nous avons réalisé cer-tains des entretiens toutes les deux.

Au lycée Darras de Liévin, la classe dontnous avons suivi le démarrage des TPE est uneclasse de S option SI (sciences de l’ingénieur) ;deux enseignants des spécialités technolo-giques : mécanique et électronique (E4 et E5)ont accepté que cela ait lieu dans le cadre deleur horaire de TP. Il y a peu d’affinité entreeux, et quasiment aucune concertation. Le pro-fesseur de mathématiques (E6), après unenégociation sans succès avec l’administra-

tion de l’établissement pour différencier l’horai-re TPE du reste de l’horaire des TP de tech-nologie, est resté volontaire pour intervenirdans ces conditions, le lundi de 16 à 18 h. Undeuxième professeur de mathématique etd’informatique (E7) intervient quant à luisoit comme personne ressource, soit commeobservateur. Il a réalisé plusieurs des premiersentretiens.

Pour une classe comme pour l’autre, lesCDI et les compétences des documentalistesont été largement utilisés, ainsi que l’instal-lation pour accéder aux réseaux Internet. Lesélèves ont été répartis par groupes de deux outrois, pas toujours par affinité, mais en fonc-tion aussi, parfois, des sujets choisis.

Seuls les enseignants E2, E3, E6 et E7 ontparticipé au groupe de discussion (qui s’est réuniune fois par mois) composé d’un collègue delettres, de trois collègues de philosophie (dontla deuxième co-auteure de cet article) pasencore engagés dans l’aventure, d’un collèguede physique chimie enseignant en classe depremière technologique, et entraîné aux TPdes chimistes futurs professionnels, ainsi qued’une collègue Conseillère Principale d’Edu-cation, tous issus d’autres établissements.

Quant au travail des élèves il a connu dif-férentes phases depuis le mois de septembre ;on peut les récapituler rapidement de lamanière suivante :

1. choix du sujet,

2. recherche libre d’une problématique et desa formulation,

3. recherche documentaire plus ou moinslibre,

4. mise en forme écrite en vue d’un échange oral(soutenance blanche ou point intermédiaire),

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5. rédaction ou production du travail final àprésenter pour l’évaluation,

6. présentation orale du travail réalisé.

Les phases 2, 3 et 4 se sont parfois déve-loppées parallèlement, parfois télescopées ourégulées l’une par rapport à l’autre.

Les différents entretiens que nous avonsréalisés avec les élèves se situent soit aucours de la phase 4, soit au début de la phase5, après un premier échange oral organisé dansla classe. Les paroles d’enseignants, enrevanche, ont été formulées et recueillies toutau long du déroulement des opérations.

Au total, dix groupes d’élèves ont été ren-contrés : quatre groupes à Liévin à la mi-décembre et en janvier, six groupes à Héninà la mi-mars. Pour des raisons techniquesmal déterminées, seuls quatre enregistre-ments sont utilisables et analysables. A ce cor-pus s’ajoute l’expression libre écrite d’un avissur les TPE (deux lignes par élève) obtenuedans une classe de lettres et arts du lycée Gam-betta d’Arras, où ceux-ci avaient aussi com-mencé dès septembre.

Nous partirons de l’analyse thématiquedu corpus d’entretiens, en essayant d’illustrerd’extraits caractéristiques les principauxthèmes que nous en avons collectivementdégagés.

Ce qui change avec lesprofesseurs selon les élèves

Le récit des premières séances fait étatdu grand désarroi des élèves probablementinduit pour une part par le désarroi presqueaussi grand des professeurs. Dans l’une desclasses, cas extrême, deux élèves ont cru bon

d’utiliser le temps libéré pour finir un devoird’anglais ; dans l’autre classe, après la pré-sentation du nouveau type de travail, l’expres-sion des centres d’intérêt individuels s’estrévélée assez pauvre ou même inexistante(quatre élèves seulement sur quatorze avaientdes idées). Avant d’en venir aux aspects plusdirectement liés aux apprentissages réalisésou non par les élèves, nous présenterons rapi-dement quelques exemples des sentimentstrès contradictoires éprouvés par rapport àl’ensemble du dispositif, et en particulierconcernant le rapport au temps. Chaque itemde notre grille de lecture sera suivi d’un ou deuxextraits d’entretien.

Sentiments éprouvés

a)Perception de la solitude : “ on étaient com-plètement largués ”, “ abandonnés ”, “ pau-més ”.

b)Jouissance de la liberté : “ Les profs nouslaissent tranquilles ! ”

c) Plaisir de travailler avec son copain : “ Audébut on rigolait bien à deux… ”.

d)Satisfaction personnelle d’avoir appris et com-pris quelque chose de compliqué tout seul :“ On est très fières de ce qu’on a réussi à trou-ver et à comprendre toutes seules ”… “ Onveut leur montrer ce dont les filles (sectionSI) sont capables ! ”.

e)Absence d’évaluation chiffrée intéressanteAvec l’effet pervers que, du coup, elle auto-rise un investissement modéré (cool !) dansla tâche.

Rapport au temps

a)Lassitude par rapport à la régularité :“ Toutes les semaines, toutes les semaines,à la fin, c’est chiant ! ”.

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b)Plages horaires trop brèves : en particulierpour les plages de travail d’une heure : “ letemps de sortir les affaires, le carnet debord à remplir, le cahier, etc., on n’a plusle temps de rien faire… ”.

c) Longueur des phases nécessaire : “ Si la ren-contre avec les autres avait eu lieu plustôt, on n’aurait pas eu le temps de trouvertout ce qu’on avait à leur dire ! ”.

d)Temps perdu / temps volé : réflexion d’unedoublante : “ les profs n’ont plus de tempspour expliquer quand on n’a pas compris encours, comme ils faisaient avant en modules ”.

e)Inquiétude par rapport à la terminale :“ Avec le bac, on n’aura pas le temps, on auraautre chose à faire ”.

La transformation du rôle des professeurs

Nous voudrions ensuite insister surtoutsur ce que les élèves nous ont dit, en particulierla clarification et la distinction des multiplesfonctions des professeurs, dont voici une listerécapitulative, réalisée à partir de nos entre-tiens avec les élèves.

a)Conseiller, aide plus patiente d’individu àindividu

b)Ressource documentaire via Internet, lesmanuels, l’achat de livres…

c) Aide à la compréhension, explication mieuxadaptée ou appropriée aux demandes

d)Partenaire pour la définition du sujet, et éven-tuellement dans la constitution des groupes(sur des sujets liés)

e)Garde fou pour éviter l’éparpillement oule “ hors programme ”

f) Représentant d’une discipline scolaire, etgarant de la présence (ou non) de celle-ci dansle sujet traité

g)Surveillant ou garant du travail fourni, durespect du contrat ; rôle positif, dégagé del’aspect “ sanction ” et de l’évaluation du conte-nu du travail.

h)Expert de la structuration du savoir, laquel-le implique le tri sélectif des informationsà transmettre et leur mise en relation hié-rarchisée

Nous croyons bon d’accompagner cetteliste de quelques propos d’élèves assez repré-sentatifs, laissant cette fois au lecteur la libreappréciation de la rubrique à laquelle les rat-tacher.

P. : “ On a une autre façon de voir les pro-fesseurs. Ça crée des liens, on voit qu’onpeut poser des questions, ce ne sont pas desmonstres, et même si la question est absur-de, ils ne vont pas nous manger ”.

J. : “ C’est plus un prof, c’est un conseiller.En fait, on le voit plus avec l’œil d’un prof,c’est quelqu’un avec qui on peut parler, quivous explique des choses, mais à vous… Sion comprend pas, il va nous l’expliquertrois, quatre fois avec des schémas, nousaider beaucoup plus ”.

Ben. : “ On travaille personnellement… C’estpas le professeur qui nous donne les infor-mations, c’est nous qui allons les chercher ”.

N. : “ Ils nous posaient des questions pournous orienter… ”.

Y. : “ Ils nous ont beaucoup aidés à nous orien-ter… à restreindre. Ils n’hésitent pas àrépondre. Ils cherchent des revues, ils fontacheter des bouquins ”.

F. : “ (Si c’était à recommencer), on irait voirles profs plus tôt, pour qu’ils nous donnentvraiment des axes ”.

Y. : “ Quand on a un prof en face de soi, c’estbeaucoup plus facile de se dire : bon, là je

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vais travailler… Mais là, on était tout seuls,c’était à nous de nous dire, ben, on va faireça, ça… Fallait vraiment s’accrocher, sedire : aujourd’hui faut qu’on travaille !Alors on discute, on parle d’autre chose, pasforcément des TPE… ”.

M. : “ On est vite tombées dans des chosestrop compliquées, avec des formules , des fonc-tions mathématiques qui ne sont pas auprogramme… On a voulu aller voir le coursde math de terminale : impossible !… On estallées voir le prof, on a montré nos docu-ments… Il nous a expliqué avec des suitesarithmétiques et géométriques, et il nous adit de ne pas nous inquiéter avec les formules(exponentielles). Ça a permis de tracer la cour-be. On est allées plus loin, on a trouvé la pro-blématique ”.

Ben. : “ Il y a des choses que peut-être la prof.va dire qu’on savait pas nous ”…

Aur. : “ Il y a des points que je suis sûre qu’onva faire en fin d’année et qu’on n’aura pasfaits nous… On va encore apprendre deschoses, ça c’est clair ! ”.

S. : “ Le calcul (calendrier lunaire/date duRamadan) est assez compliqué, je pense queje donnerai un aperçu assez simple, mais ceque j’ai appris, ce sera un plus pour masatisfaction personnelle ”.

A. : “ Assez vite on s’est aperçu que nos sujetsétaient complémentaires…, pour le mouve-ment de translation de la Terre, H. parlaitdes lois de Képler, et moi j’en donne l’expli-cation à partir de lois physiques, et ce sontles mêmes lois qui expliquent le mouvementde la Lune dont se sert S. (calendrier/Rama-dan). Pour H. et moi, c’est plutôt de la phy-sique, S. ce sont plus des maths… ”.

S. : “ Je suis plutôt solitaire, il a fallu quej’explique aux autres (= aux camarades dusous-groupe) ce que j’avais appris…, enfin,

ça sert aussi à celui qui explique. Je supposequ’on est vraiment sûr de savoir quelque chosequand on est capable de l’expliquer…, ça doitêtre comme ça quand on est prof.,… je medis que ça doit être ça enseigner ! ”.

Difficile de résister ici au plaisir de pré-ciser que cette dernière élève a fait le dépla-cement à l’Institut du Monde Arabe à Parispour trouver de l’information, et nous a mêmedonné la cote dans la classification docu-mentaire où elle a trouvé les renseignementsqu’elle cherchait.

Deux exemples de ce que l’onapprécie ou appréhende en TPE

Nous partirons encore de parolesd’élèves pour développer un peu plusdeux exemples qui nous tiennent à cœur,concernant une transformation ou cequ’on pourrait considérer comme unemeilleure maîtrise du rapport au travailscolaire et au savoir, obtenues par uneffet évident du dispositif TPE.

Le « gel »

Notre premier exemple sera empruntéau groupe d’élèves qui a travaillé sur l’écho-graphie. En effet, le gel que l’on utilise lors del’examen médical n’a pas une importancemédicale ni physique particulière, il n’est quele facilitateur du phénomène, sans vérita-blement y participer. Toutefois, il se trouveêtre en réalité “ la seule chose qui se voie etse perçoive physiquement ” dans le disposi-tif très sophistiqué de l’échographie. Voici cequi nous a été confié :

Y. : “ On s’était heurtés à un problème,justement, on ne trouvait pas la répon-se… C’était pour savoir ce que c’était le gel

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qu’on mettait sur le ventre pour faire l’écho-graphie. Et là on est allés voir un médecinde l’hôpital… on est allés voir carrémentun spécialiste…- C’est une fois, je suis allé à l’hôpital, et c’étaitjustement au rayon où on faisait les écho-graphies, et alors j’ai dit : je vais prendrele risque ; j’ai demandé à l’infirmière, ellem’a envoyé un médecin et il m’a renseigné…- Surtout que ça faisait un bout de tempsqu’on cherchait ce que c’était que ce gel.Et puis là, on a trouvé ! C’est un gel tout simple,c’est un truc à texture, enfin, je ne sais pascomment c’est, mais il nous a donné àquoi ça servait, il nous a donné le nom,ça s’appelle le “ gel ultrasons ”, c’est pas com-pliqué. […]- Ben disons que le médecin, je le connais-sais pas. Je l’avais jamais vu, il n’était pasobligé de me répondre non plus, enfin c’étaitpas son métier de répondre à quelqu’un quivenait comme ça… Surtout qu’il a passé unpeu de temps avec moi, on a parlé 10 mn,1/4 d’heure, il était pas obligé de le faire…Donc, bon déjà je me suis dit, je vais allervoir, il va me dire ça vite fait et puis c’est tout,donc moi, si j’ai pris une prise de risquesur ce point-là, c’est peut-être les TPEqui m’ont aidé à aller vers lui, et puisà lui demander parce que j’aurais jamaisparlé d’échographie, je ne serais jamais allévoir le médecin pour lui demander commeça de but en blanc : c’est quoi le gel quevous mettez pour l’échographie ? ”.

Ce même élève qui nous explique commentil s’est lancé, pour enquêter sur son sujet deTPE, lors d’un passage à l’hôpital, est celui quinous a défini, en début d’entretien, les TPEde la manière suivante :

Y. : “ Les TPE c’est ça : Travaux PersonnelsEncadrés, vous avez un prof en face de vous,

vous lui expliquez, il vous aide s’il faut,sinon vous travaillez tout seuls, vous faitesvos recherches entre vous, vous rédigez toutseuls, et vous passez à l’oral ; ça fait unpetit peu peur au début ! ”.

L’ambivalence du sentiment éprouvé dansl’expérience nouvelle du travail autonome estici fortement exprimée. Très fier d’avoir réus-si à travailler la plupart du temps en autonomieavec ses camarades, le même élève a néanmoinsprécisé, en fin d’entretien :

Y. : “ Ben, disons que là c’est bien, mais jepense que si les profs étaient encore un petitpeu plus proches de nous, c’est-à-dire s’ilsvérifiaient plus pour mieux nous orien-ter quoi, ça serait pas mal quoi… ”.

Une fois réglé, le problème posé par l’uti-lisation de ce gel, ce groupe d’élèves (excellentspar ailleurs) a pu s’approprier des connaissancesprécises concernant la technique de l’échographieet a su les présenter oralement. Néanmoins,nous pouvons remarquer à quel point un obs-tacle en apparence superficiel et extérieurpeut constituer un écran jusqu’à empêcher lesmeilleurs élèves d’accéder à une compréhen-sion du véritable phénomène physique enjeu. Les TPE ont permis ici de donner letemps et l’espace de liberté nécessaires àl’identification et à la levée d’un tel obstacle.

Les calculs astronomiques.

Nous emprunterons le deuxième exempleà l’entretien avec le groupe d’élèves qui achoisi de travailler sur le Soleil, son origineet son évolution, et sa disparition possibleprochaine. Les élèves expriment la même“ peur ” initiale que le groupe précédent, et lemême plaisir d’avoir réussi à travailler seuls,par rapport à une documentation complexe et

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abondante qui les a amenés à faire évoluer leurproblématique. En même temps, ils nousparaissent avoir perçu avec une certaine acui-té, et être capables d’exprimer avec justesse,la différence fondamentale entre recherchedocumentaire et recherche scientifique, sour-ce de confusion pour beaucoup, et sans douteaussi de déception, au niveau de la qualité desproductions en TPE. Voici ce qu’ils nous ontdit :

G. : “ Ben, pff, puisqu’on cherche dans desbouquins et tout, c’est pas nous qu’on vachercher vraiment l’information, c’est le…celui qui a écrit les encyclopédies. Donc enfait nous, c’est pas tellement une recherche,c’est plutôt un exposé, c’est pas vraimentune recherche ”.

Aur. : “ Ouais, parce que si c’était vraimentune recherche, c’est nous qui aurions dûfaire les calculs pour savoir combien detemps il faut pour que le Soleil disparais-se, tandis que là, on a ouvert des livres, ona lu, on a trouvé […]. Il aurait fallu quenous-mêmes après, avec des formules,on recalcule pour voir si on trouve lamême chose. Pis, si on trouvait pas lamême chose, ben, on aurait dit : ben, nouspersonnellement on a trouvé ça, peut-être quec’est bon, peut-être que c’est eux qui ont cibléautrement… ”.

A la compréhension de ce qui différenciela recherche documentaire ou livresque, de ceque peut être “ vraiment une recherche ”,s’ajoute ici à propos des résultats scienti-fiques, la saisie remarquable de leur caractèrerelatif aux conditions d’obtention, et discutablede ce fait ou “ falsifiable ” par de nouveaux cal-culs ou de nouvelles conditions d’observationou d’expérimentation. Ici, de notre point de vue,une collaboration avec le professeur de phi-losophie, pourrait aider à articuler ces réflexions

spontanées sur une problématique épisté-mologique plus approfondie. Mais dans les condi-tions ordinaires d’organisation des TPE, celasemble bien difficile.

L’analyse de ces deux exemples nous a ainsiconduits à constater certaines modificationsdu rapport au savoir et au travail scolaire, quenous ramènerons à trois types principauxd’audace, “ prise de risque ” ou défi relevé :

• oser travailler seuls, sans recourir au pro-fesseur que l’on sait pourtant disponible,

• oser s’informer en connaissance de causeauprès d’experts non enseignants, ou d’autresenseignants, non impliqués dans le dispo-sitif TPE,

• oser imaginer que ce qui est donné commerésultat dans un document puisse être faux,et envisager de le recalculer différemment,ou de croiser les sources documentaires encherchant d’autres documents éventuelle-ment en décalage ou en contradiction avecla première information recueillie.

Ces trois formes d’audace nous sont appa-rues comme essentielles du point de vue dela construction réussie d’un rapport actif etautonome au travail intellectuel et au savoirscientifique. Il convient de rappeler toutefoisle caractère extrêmement modeste de notreétude qualitative, limitée seulement à deuxclasses de première de spécialité scientifique.

Ce qu’en pensent etdisent les professeurs

Les paroles de professeurs que nous allonsmaintenant analyser sont extraites soit de nosséances de travail, soit de la consultationrégulière par l’une d’entre nous d’une « listeTPE » sur Internet. Nous les avons ordonnéessous cinq thèmes différents.

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Le choc TPE. Certains enseignants vontjusqu’à parler de “ choc TPE ”, en précisantque ceux-ci apprennent des choses aux élèves,sans doute, mais qu’ils en apprennent autantaux professeurs. La reproduction, à partirdes manuels ou des notes de cours de l’annéeprécédente, d’un enseignement caricaturépermet de repérer plus précisément où setrouve l’incompréhension des élèves, où lelien a disparu, où peut-être même il n’a jamaisexisté. En particulier, en physique, ce quel’enseignant croit montrer de la démarchescientifique dans le raccourci de la manipu-lation ou dans l’expérience dite de démons-tration, n’est pas perçu ni compris en tant quetel par les élèves 2. L’image que les élèvesrenvoient aux enseignants de la discipline àlaquelle ils les identifient est très pauvre etpresque cruelle. Par exemple les mathématiquessont réduites le plus souvent à des formulesou des calculs. L’enjeu de l’interdisciplinari-té dans un tel contexte est peut-être alors defaire percevoir aux élèves la différence entreles regards de chacune des disciplines sur unmême objet. Par exemple la présentationd’une courbe sera différente en mathéma-tiques, en physique ou en électronique. Maisil reste que, actuellement, la structuration desconnaissances à la rencontre et à l’articula-tion des différentes disciplines, on ne sait pasqui s’en charge. Est-elle laissée à la seuleresponsabilité des élèves dans l’interaction entreeux, et tour à tour avec chacun des ensei-gnants et des autres adultes interlocuteurs ?Quelles compétences des enseignants pre-nant en charge des TPE doivent ils posséderou acquérir pour pouvoir assumer la respon-sabilité de cette structuration, et du même coupson évaluation ?

La documentation accessible. Unepremière difficulté constatée par les observateursa trait au fait que les élèves sont bien “ enrecherche ”, mais que cela a très peu (sinonpas du tout) de rapport avec les disciplines enprincipe concernées, technologie (mécaniqueou électronique) et mathématiques par exemple.Beaucoup des sujets sont abordés sousl’angle de la sociologie ou de l’histoire,ce qui est bien sûr très nouveau dans les dis-ciplines scientifiques. Les rares questions demathématiques qui sont posées se trouventcomplètement hors programme ; ou bien lesélèves choisissent des sujets par exemple enphysique ou en astronomie, dans lesquels ils“ ne voient pas du tout ” de mathématiques.

Une autre difficulté vient aussi de ce quela phase d’accumulation de documentationse prolonge, et dure même assez longtemps ;dans ces conditions la tentation est très forte 3

d’une reprise en mains rapide et ferme par l’unou l’autre des enseignants, sous le prétexte soitdu rapport avec le programme, soit du lien avecau moins l’une des disciplines concernées 4. Leproblème qui subsiste est alors de savoir com-ment freiner la “ recherche ” tous azimuts, com-ment la canaliser, l’orienter 5, sans la “ pré-mâcher ” ni interrompre son élan.

Le suivi des groupes et l’évaluation.Les carnets de bord et les cahiers de travaildes groupes sont des outils que les élèves nesavent pas très bien comment renseigner ; làaussi la mise en place de modèles ou de

2 Voir G. Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, p.18, les professeurs de sciences ne comprennent pas que lesélèves ne comprennent pas.

3 Elle le sera d’autant plus pour les classes qui ont com-mencé en janvier seulement.4 En particulier, la consigne contraignante du “ TP Libre ”en classe de S, option sciences de l’ingénieur, induit natu-rellement un tel comportement chez les enseignants desspécialités technologiques, qui ont une longue habitude dufonctionnement en TP (travaux de groupes encadrés plusou moins en autonomie).5 Terme utilisé aussi beaucoup par les élèves.

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consignes pour les “ remplir ” ne risque-t-ellepas de contredire l’esprit même de la démarchede recherche autonome qu’on essaie de pro-mouvoir ? “ Je ne peux pas m’empêcher d’éva-luer en constatant que quelqu’un n’a rientrouvé ”, dit l’un des enseignants. Pourtant enphase de recherche et de questionnement, ilest difficile parfois de montrer un résultattangible, d’expliciter ce que l’on a appris (à faireou ne plus faire). Comment alors gérer l’impres-sion de “ temps perdu ” ? L’équilibre est peut-être à trouver entre l’exigence que les TPE pro-fitent à chacun (aider un élève à s’accomplirseul dans une recherche autonome) et l’exi-gence que les TPE profitent à tout le monde(mettre en place une culture commune enréinsérant l’individu dans le groupe-classe) :Un des groupes d’élèves rencontré nous aconfié que la rencontre et l’échange oral avecles autres élèves avait été très fructueux poureux. Cela leur avait fait prendre conscienced’un aspect de leur sujet, laissé complète-ment dans l’ombre, et avait relancé leur moti-vation en transformant aussi leur méthode detravail. Le problème de l’évaluation résideraalors moins dans le suivi individuel que dansl’importance accordée à la présentation auxautres.

Ce qui est vraiment différent. Si lahiérarchie de réussite scolaire ne semble pasbouleversée, les enseignants ont constaténéanmoins un respect plus grand du groupeen recherche en train de dialoguer avec eux.Les paroles et les échanges dans les autresgroupes sont moins bruyants, l’attente n’estpas aussi impatiente. L’impression qu’onest “ à égalité ”, pour chercher des solu-tions, ou pour s’engager dans une explorationavant de décréter que c’est trop compliqué, estsingulièrement nouvelle. D’autre part, commenous l’avons déjà signalé, l’expérience de lacommunication aux autres groupes, ou de la

soutenance blanche, aide beaucoup à la prisede conscience de difficultés intellectuellesspécifiques, rarement travaillées en coursordinaire 6 : par la mise à l’épreuve desdémarches qu’il a adoptées et des contenus qu’ila abordés, le groupe d’élèves est amené mieuxse les approprier. La qualité d’écoute entre lesgroupes est d’ailleurs étonnante et l’échangeparfois même constructif, y compris sur leplan méthodologique.

Mais les retombées des TPE les plusimportantes devraient aussi se mesurer auniveau de l’enseignement hors TPE. Impos-sible de ne pas modifier la manière de menerle cours, et encore plus, en physique, les Tra-vaux Pratiques. Finalement un TP qui “ tour-ne bien ”, trompe les élèves qui n’ont pas par-ticipé à sa conception et à sa mise au point.Ils ne perçoivent pas nécessairement à quellesquestions il leur propose de répondre 7. Cer-taines expériences “ presse-bouton ” ont ce défautque le lien — le lien entre soi et la machine,comme aussi le lien entre ce qu’on cherche àmesurer et l’instrument de mesure —, n’estpas saisi, si bien que l’enjeu de l’expérience,comme celui de la mesure, restent inaccessibles,hors de portée et de compréhension pour laplupart des élèves. De ce point de vue, les expé-riences historiques sont sans aucun doute à

6 De fait, la tâche de faire construire de toutes pièces auxélèves un écrit ou un exposé exige une compétence nouvellechez beaucoup de professeurs (de sciences en particulier),différente de celle qu’ils mettent habituellement en œuvre dansla construction de leur propre cours, plus ou moins “ emprun-té ” de-ci, de-là. En ce sens, le dispositif TPE remettrait vrai-ment en cause, mine de rien et intimement, la manière donton fonctionne dans les classes par routine !7 “ Maintenant, nous a dit une enseignante, quand je fais moncours, je leur demande pourquoi je fais l’expérience ”. La mêmenous a confié aussi : “ l’an prochain, en début d’année, je feraivisiter le labo, on fera l’inventaire pour voir à quoi sert le maté-riel ”. En effet, si l’exigence de mesure existe, il n’y a aucu-ne raison qu’on ne donne pas aux élèves l’instrument leplus adéquat.

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exploiter davantage qu’on ne le fait actuelle-ment. Par exemple, lorsque Joule élabore laloi symbolisée de nos jours par la fameuse for-mule Q = R.I 2.t la « découverte » de la rela-tion a bel et bien précédé les mesures, audemeurant assez peu nombreuses ! 8. Celaaiderait à comprendre, précisément, com-ment un modèle, une théorie peuvent donnerl’intuition d’une loi, et à quelle phase de larecherche seulement la mesure devient néces-saire !

Tout se passe comme si on ne donnait pasassez à se mettre sous la dent aux élèves.Pourtant quel plaisir pour eux d’expliquer àun professeur qui l’ignore comment fonctionneune centrale nucléaire ! Certes, parler de cequ’on sait, de ce qu’on sait faire, ne va pas desoi, loin de là ; mais l’impression de succès résul-tant d’une telle prestation aboutie ne manquepas du tout d’intérêt 9.

L’inter/pluri/trans/disciplinarité. Pourcompléter les témoignages et les réflexions denotre groupe d’analyse et d’écoute à propos desdeux expériences observées tout au long de

l’année scolaire, nous avons aussi consulté uneliste Internet “ TPE TICE ” sur laquelle nousavons sélectionné et classé une série de pro-pos assez intéressants échangés entre ensei-gnants de physique, de mathématiques, maisaussi de français et de philosophie. Certainsreconnaissent que le dispositif a “ boulever-sé les habitudes de professeurs persuadés deconnaître la musique et refusant d’entendrele point de vue des autres ”, et qu’il a surtout“ interpellé les professeurs dans leurs pratiquesen les faisant échanger entre eux et avec lesdocumentalistes ”.

A la lecture de ces nombreuses déclara-tions et prises de position, nous en sommesvenus à nous poser la question suivante : lesTPE sont ils une révolution, ou un dispositifencore insuffisant ? Les paroles des professeursen effet sont, sur ce point, assez contradictoires.Pour les uns, c’est la première fois qu’ils assis-tent à des échanges de qualité sur leur métier,ou qu’ils échangent leurs pratiques sur l’éva-luation, ou qu’ils sont amenés à adapter leurspratiques pédagogiques au travail en colla-boration avec les documentalistes. Mais pourd’autres, ce dispositif est un recul, entermes d’école active, parce que le cadre ins-titutionnel est trop rigide 10. Si pour certains,“ c’est tout ce qu’on rêve de faire avec lesélèves, et qu’on ne fait jamais…, réfléchir surun sujet, prendre le temps de mener uneréflexion ”, pour d’autres, c’est mission quasiimpossible “ avec des élèves qui ont du malà vivre et encore plus à apprendre ”. En effet,les professeurs qui se sont portés volontairespour encadrer les TPE ont souvent été aussiceux qui étaient déjà engagés dans d’autresprojets “ actifs ” : ils avouent manquer de

8 Sur la chaleur développée par les conducteurs de l’élec-tricité... par J-P. JOULE. Philosophical Magazine, 19, 1841. :« j’ai pensé que l’effet produit par une augmentation del’intensité du courant électrique devrait être comme le carréde cet élément, car il est évident que dans ce cas la résis-tance devrait augmenter dans un rapport double, élevé parl’augmentation de la quantité d’électricité passant en untemps donné et aussi par l’augmentation de la vitesse de élec-tricité. Nous allons voir immédiatement que cette idée est réel-lement confirmée par l’expérience. ». Cf. le compte rendu destravaux du groupe de recherche de l’IUFM Nord-Pas-de-Calais (1995 - 1999) : Aider les enseignants à maîtriserl’approche historico-épistémologique des sciences phy-siques.9 Ne serait-ce par exemple, pour peu que l’entraînement aitété conçu et organisé en concertation avec d’autres ensei-gnants de la classe (au lieu de rester limité au seul horaireTPE), qu’une efficacité immédiatement repérable, et signa-lée par les élèves eux-mêmes, concernant leurs prestationsà l’épreuve orale de français.

10 La circulaire du 14 juin 2001 annonçant le caractère facul-tatif des TPE en classe de terminale, loin d’introduire de lasouplesse, risque de compliquer encore la situation et l’orga-nisation dans les établissements.

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temps et de disponibilité pour “ encadrer ” cor-rectement ; ils déclarent “ finir l’année sur lesgenoux ” avec l’intime conviction de “ s’être plan-té par excès d’optimisme 11 ”.

Alors, la véritable question à se posern’est-elle pas de chercher à quels élèves les TPEont-ils le plus profité. La réponse est claire,ce sont sans aucun doute, même dans la clas-se où les enseignants ont l’impression quecela n’a pas bien fonctionné, les élèves lesplus défavorisés socialement. Ils ont été ame-nés à défendre fièrement leur production à l’oralet ils ont le plus de raisons d’être fiers deleur travail et de leurs apprentissages. Ilsont eu, en effet, accès à des habitudes cultu-relles qui ne sont pas “ de leur milieu ”, ontmanipulé d’autres livres que les manuels sco-laires, ont découvert les richesses et les limitesd’Internet, ont appris à utiliser tableur ettraitement de texte, se sont exprimés orale-ment, en étant le centre d’attention de tousautant que les “ bons élèves ” habituellementseules en vedette ; sans doute est-ce un desapports les plus intéressants du nouveau dis-positif, si l’on veut bien le reconnaître.

En conclusion de cette première partie, nousredirons très prudemment le caractère modes-te et inachevé de notre étude. Sans doutemanquons-nous du recul de quelques annéeset d’une compréhension plus précise du fonc-tionnement du dispositif TPE, dans une ou deuxannées, puisque nous avons la chance quenotre recherche soit autorisée à se poursuivredans un tel délai. Fassent les acteurs intelli-gents de l’institution que ce dispositif, à peinené, ne sombre pas dans une nouvelle tourmente

politique avant qu’on n’ait eu le temps d’en obser-ver et analyser calmement tous les effets ! Audelà des remarques déjà faites concernant latransformation du rapport au travail et au savoirscolaires, ce qui saute aussi aux yeux, auterme de la première année de fonctionnement,c’est l’importance déterminante de la concer-tation entre les enseignants. Elle apparaîtcomme la condition incontournable et néces-saire de la réussite du dispositif, perçue parles “ professeurs TPE ” eux-mêmes comme“ nécessaire, régulière et continue ” ; dans lesautres cas, qu’elle soit inexistante ou à éclipses,elle s’avère être un obstacle au bon fonction-nement et un facteur de démotivation desélèves. L’articulation entre le travail desenseignants en TPE et celui des autres ensei-gnants s’est faite, somme toute, assez facile-ment par les questions des élèves ; enfin il setrouve que certains des professeurs volon-taires de cette année deviennent, presquemalgré eux, soit le leader “ audacieux ” soitle conseiller “ précieux ” de leurs collègues plusréticents, lesquels sont en tout cas avides deréunions d’information et d’échanges surl’organisation ou l’évaluation du nouveau dis-positif pédagogique 12.

Echanges entre collègues et recommandations.

Par souci d’efficacité, et pour permettreà chacun de s’exprimer et de tirer le meilleurparti de l’échange à propos des premiers résul-tats de notre recherche, nous nous étionsséparés en trois sous-groupes de discussion.Chacune des animatrices de sous-groupe a fait

11 “ Les élèves ont besoin d’être beaucoup plus accompagnésqu’on ne l’imaginait pour réussir à maîtriser leurs projets ”.Cette remarque se croise tout à fait avec la demande, déjàcitée, d’un élève “ que les profs soient encore un petit plusproches de nous, c’est-à-dire qu’ils vérifient plus pour mieuxnous orienter ”.

12 Signalons aussi que, dans l’un des établissements où sedéroule notre recherche, le Proviseur qui avait demandé àl’inscription des élèves de terminales, de préciser s’ils envi-sageaient ou non de “ participer à un TPE facultatif ”, a étéfort étonné d’obtenir un pourcentage de réponses positivesde l’ordre de 75 %.

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remonter des éléments d’information sur lecontenu des échanges. Merci à celles qui ontaccepté de se prêter à l’exercice.

Quelle place pour les mathématiques dans les TPE ? 13

L’échange n’a pas seulement consisté à listerdifférents sujets où apparaissent des ques-tions mathématiques traitables en TPE : parexemple la croissance du fœtus, le double-ment de la population, la comète de Halley,ou en Terminale sous “ ordre et désordre ”, lessymétries, les classifications, sous “ l’Europe ”,la réalisation des voies de communication,la santé, la scolarité, les migrations, la mon-naie, les unités de mesure, d’où viennent lessciences ?, etc.

Il a porté aussi sur les modalités de tra-vail de l’année. Par exemple, on a remarquéque le lien entre les maths et les SVT s’est faitpar le biais du thème de la santé. Les statis-tiques interviennent bien sûr mais de façondescriptive ou graphique ce qui est plutôtléger, encore que si les élèves savent correc-tement présenter, interpréter les graphiques,il y a déjà un travail de fait. Deux suggestionsimportantes ont été faites : lors de la recherchedocumentaire, les éléments étant très variés,on peut chercher à repérer et à conserver “ cequi fait penser aux maths ”, comme le terme“ cycle ” dans un document sur l’effet de serre.On a aussi suggéré de faire travailler plusieursgroupes sur des sujets complémentaires, ainsi“ les transports dans une ville et ses quartiers ”,on a même envisagé que le travail sur une agglo-mération puisse durer plusieurs années TPE.D’où la proposition à partir d’une nouvelle pra-tique en enseignement supérieur et recherche :

le nombre de DEA se multipliant, il est pos-sible de demander aux étudiants de fairel’inventaire des problématiques sur un thèmepuis, en thèse, de choisir d’en explorer une.Ne peut-on pas au fil des années faire demême pour les TPE, dans la première phasepour leur faire gagner du temps ? Utiliserl’aspect cumulatif des travaux déjà faits ; ouse partager les tâches pas seulement dans legroupe mais dans la classe (exemple les quar-tiers d’une ville) est-ce impossible en TPE ?

Ensuite une question importante a rete-nu longuement l’attention du groupe : Est-cequ’il y a quelque chose qui se mesuredans le TPE ?

Un travail sur les risques naturels (séismes)a fait, par exemple, intervenir l’échelle deRichter donc les logarithmes… La questionrécurrente reste bien : “ maths outils ou mathsdémonstrations ? ”, ou encore : “ maths puresou maths appliquées ? ”.

Comment mesurer une distance ? Voilàune question simple qui pourrait être poséeau cours du TPE et non le jour de la soutenance !(des questions doivent être régulièrementposées aux élèves ; ce n’est pas faire le travailà leur place mais au contraire les obliger à appro-fondir). Plusieurs aspects alors apparaissent :triangulation dans le cas d’une mesure delongueur terrestre ; traitement statistiquedans tous les cas ; réflexion sur l’intérêt ou nonde garder toutes les mesures pour estimer lamesure à obtenir, etc.

Il y a une certaine difficulté à trouver lechamp disciplinaire où s’inscrivent les maths.Il convient d’avoir en tête que l’aspect modé-lisation intervient très souvent même si ce n’estpas dit (la courbe apparaissant dans un gra-phique n’est peut-être (et même sûrement) que

13 A partir des notes de A. Béhagnen et M. F. Josiaux

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le lissage d’un graphique obtenu par l’expé-rience ; pourquoi ce choix ? Quelle approxi-mation ? Peut-on s’en servir pour faire des pré-visions ? Quel est le domaine de validité ?…).

Une autre piste reste à explorer : celle del’écart entre le phénomène mesuré et la réa-lité… un champ vaste s’ouvre alors : penseraux plans d’expériences (à faire bien sûr dansun cas simple, avec deux paramètres parexemple ; les matrices arrivent, tableaux dechiffres puis calculatrices…) ; penser aussi auxcontrôles de qualité, là encore sur un cassimple.

Le prof de maths peut aussi faire saisirla formule de physique dans sa dynamique :quel paramètre retenir, faire varier, quelle lettreest la variable, quelle autre la fonction ;pourquoi ces choix ?… Il s’agit bien sûr de serendre compte que l’on travaille plus dans lesmaths discrètes que continues, en utilisant lesabaques, les log., etc.

Quelle perspective historiquedans les TPE ? 14

La documentation « grand public » dis-ponible au premier abord (via Internet, les dic-tionnaires, etc.) présente souvent un caractère« historique ». L’entrée par l’histoire serait doncplutôt facilitée, grâce à la première étape dutravail. D’autre part, pour le prof, une certainefamiliarité avec l’approche historique aide àrepérer l’interdisciplinarité qui se « cache » der-rière un sujet.

Un souhait est largement exprimé : ne pasassocier systématiquement deux disciplines« scientifiques » en S ou deux disciplines « lit-

téraires » en L permettrait d’utiliser plusfacilement (plus naturellement ?) la dimen-sion historique des sujets à traiter et de la docu-mentation trouvée par les élèves.

En S des associations sciences-histoireou sciences-philosophie permettraient en limi-tant la complexité des sujets scientifiquesabordés, de ne pas négliger la rigueur, l’exi-gence de « sens ». La science, jusqu’au XIXè-me siècle propose aux élèves des problématiquessouvent plus accessibles que la science contem-poraine. De même en L ou ES, les mathéma-tiques peuvent prendre du sens au travers desujets tels que : Perspective-Arts plastiques,Probabilités, Statistiques et Condorcet, etc.

L’entrée historique est actuellement plusou moins évitée (voire interdite) comme « nonscientifique ». Il faut réussir à persuader noscollègues du caractère triplement intéressantque présente le travail avec les élèves à pro-pos d’une question d’histoire des sciences : dupoint de vue didactique tout d’abord, les ques-tions traitées prendront une dimension cul-turelle non négligeable qui risque de récon-cilier certains de nos élèves avec l’enseignementdes sciences. Du point de vue pédagogique, larecherche plus ou moins « à égalité » avec lesélèves contribue à créer une nouvelle situa-tion de travail favorable à la qualité desapprentissages ; enfin, sur le plan épistémo-logique, l’appréhension des questions scien-tifiques contemporaines dans leur épaisseurhistorique permettrait d’en restaurer, aussibien pour les professeurs que pour les élèves,le sens véritable qui échappe parfois, et de leverdes obstacles à la compréhension.

Toutefois, l’histoire des sciences n’est pasla panacée. On peut mesurer par exemplecomment la didactique recourt parfois abu-sivement à un vocabulaire scientifique emprun-14 M.-H. Boulet.

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té à l’histoire récente de la science, croyant ainsiaider à modéliser une situation pédagogiquenouvelle et instable. R. Pantanella 15 proposeen effet une « métaphore explicative à partirde la théorie de l’information et de la ther-modynamique ». Osant parler d’« entropieénergétique du système classe », l’auteur exa-mine, dans le système à trois pôles en inter-action : Professeurs, Élèves, Groupes d’élèves,ce qu’il « en coûte à toute heure » au profes-seur et aux élèves, pour se remettre en situa-tion d’enseignement et d’apprentissage. LesTPE seraient, selon lui, une occasion pourles professeurs de faire travailler davantageles élèves, en classe même, de mettre en appli-cation « cette équation métaphorique, maismathématiquement juste : W(P)xW(E) = Cte ».Il est certain que quand le professeur en faittrop, la quantité de travail fournie par l’élèvetend à diminuer, mais rien n’est moins sûr quevice versa. L’enjeu, on le voit bien, serait detrouver le meilleur équilibre, la meilleureéconomie, difficile à déterminer a priori. Uneimpression subjective de praticien pédagogues’est habillée ici en « loi mathématique» parle biais d’une formule utilisée en faitcomme emblème de la rigueur scienti-fique ; mais elle ne correspond à aucun modè-le explicatif ni à aucune quantification pos-sible des données.

Quels nouveaux rôles de l’enseignant,quelles modifications du rapport au tra-vail et au savoir des élèves ? 16

De manière récurrente s’est expriméel’impression que pour les professeurs et les éta-blissements qui sont déjà en innovation, les

TPE sont vécus comme une régression. En par-ticulier, l’organisation imposée pour les TPEsemble même mettre en péril la façon de tra-vailler habituelle quand elle est déjà de typepluri-disciplinaire. La question posée estalors : “ comment faire pour intégrer ledispositif sans détruire les pratiquesinnovantes déjà en place ? ”, et com-ment aussi éviter qu’il s’y surajoute simple-ment comme une surcharge de travail, impos-sible à gérer pour les enseignants comme pour les élèves ?

L’exemple du lycée du Futuroscope estintéressant. Depuis sa création en 1988, pro-fesseurs et élèves se sont engouffrés dansl’espace de liberté offert. On repère dans cetétablissement des élèves tellement compé-tents, qu’ils seraient capables éventuellementde former des profs (en particulier sur le plandes savoirs techniques en informatique et enaudio-visuel) ! Néanmoins ces élèves perfor-mants représentent environ 10% de la popu-lation totale d’élèves fréquentant l’établisse-ment. Le fossé se creuse d’ailleurs entre euxet les “ glandus ” qui se regroupent. Quant aux“ bosseurs ”, ils rament tellement que s’ils s’inves-tissent trop sur le TPE, ils vont se trouver endifficulté plus grande encore. Notons en effetque les excellents élèves très performantssont tellement “ hors norme ”, qu’ils n’obtien-nent souvent leur baccalauréat que “ ric-rac ”,tout juste, ce qui est une source de grande décep-tion pour l’équipe enseignante : les exigencesde l’examen étant en complet décalage par rap-port à la qualité des prestations dont cesélèves sont capables, le travail innovant de l’éta-blissement d’une certaine manière n’est pasreconnu ni validé.

Deux questions importantes ont été débat-tues à propos de la production des élèves.Faire un CDRom, une cassette vidéo, etc.,

15 Cf . R. Pantanella , Les TPE, vers une autre pédagogie,2000, CRDP d’Amiens, p. 69-72.16 J. Delattre.

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c’est bien, mais se pose le problème de lalégèreté du contenu. Du point de vue desenseignants, anciens dans le métier, se fait jouraussi, en sciences en particulier, la diffi-culté de faire créer, faire écrire les élèves,quand on n’a jamais été soi-même confrontéà ce type de tâche. Le décalage est impor-tant entre les professeurs qui ont une pratiquede recherche et d’écriture de leur recherche,et les autres qui n’ont parfois jamais eu à“ écrire ” quoi que ce soit à propos de leur ensei-gnement !

Certains, d’autre part, ont évoqué la soi-disant “ fuite ” de la discipline dans l’acti-vité interdisciplinaire. Comme si un nou-veau type de professeurs risquait d’émerger,“ sans discipline fixe ”.

Des divergences sont apparues précisémententre les disciplines, concernant la définitionde ce qu’on entend par “ problématique ”.Certains responsables institutionnels ont crubon d’émettre des directives et des instructionstrès “ conformistes ”, assez peu compatiblesavec l’esprit innovant du dispositif, allantjusqu’à interdire l’histoire des sciences enTPE. Cela n’empêche pas fort heureusementquelques pionniers militants d’en montrerl’intérêt et l’avantage. En effet, la science du18ème siècle propose aux élèves des pro-blèmes bien plus accessibles que la sciencecontemporaine.

Le groupe a aussi débattu des forma-tions qui ont été souvent trop “ admi-nistratives et pas assez réflexives ”, du pro-blème de l’accès aux livres, revues et matériels,parfois trop “ réservé ”, sinon confidentiel.Sans doute y a-t-il eu souvent confusion entreliberté et autonomie, cela a entraîné, en toutcas, un vrai débat sur la façon dont les pro-fesseurs voient leur métier.

En conclusion, nous formulerons sim-plement trois recommandations et un sou-hait.

Voici les recommandations :

• prenons garde à laisser le temps néces-saire à la levée des obstacles et à laconstitution par les élèves eux-mêmesde leur socle documentaire, fut-il histo-rique, en évitant d’intervenir prématu-rément sous prétexte d’efficacité et de qua-lité de la production (qui serait exigibleà cause de l’évaluation par d’autres col-lègues) ;

• pour que derrière les TPE il y ait uncontenu disciplinaire facilement repé-rable, présentons aux élèves dès la secon-de des sujets, des types de questions pourles “ appâter ”, et laisser mûrir leurs pro-jets ;

• pour que les élèves bénéficient bien del’encadrement dont ils ont besoin, etqu’ils réclament d’ailleurs, veillons à ceque des personnes ressources puissentsuivre les projets de très près et régu-lièrement, notamment à l’aide des carnetsde bord.

Quant au souhait, il concerne l’espace etle temps de liberté ménagés par ce dispositifpédagogique innovant, à côté de l’enseignementordinaire.

Puisse ce texte aider les collègues à en recon-naître l’intérêt, afin d’éviter que, sous prétexted’efficacité, ne se figent et se rigidifient desactivités tellement codifiées et contrôlées quetoute la créativité et l’inventivité des élèvescomme des enseignants s’en trouveraient aus-sitôt complètement exclues.

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