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85 LE ROLE DE L’ECRIT DANS LES TRAVAUX NUMERIQUES AU DEBUT DU COLLEGE Jean-Claude RAUSCHER Irem de Strasbourg REPERES - IREM. N° 48 - juillet 2002 A l’Irem de Strasbourg 2 , dans le cadre de cette recherche menée en collaboration avec l’INRP et l’ADIREM à propos de “L’écrit en mathématiques au collège”, notre tra- vail, achevé en 1997, concernait plus spé- cialement le rôle de l’écrit dans les travaux numériques au début du collège. Tout par- ticulièrement, nous avons abordé la recherche en considérant le problème des apprentis- sages relatifs aux nombres décimaux en début de collège. Le texte qui suit a pour but de donner une idée de l’ensemble du travail mené et de développer plus précisément quelques aspects qui nous ont paru cruciaux. Pour com- mencer nous préciserons les trois perspec- tives à l’origine de notre travail. Nous don- nerons ensuite un aperçu des travaux réalisés et des procédures utilisées pour développer ces trois volets. Ensuite nous déve- lopperons quelques indications concernant les résultats observés. Résumé : La question posée à l’origine de cette recherche porte sur les apprentissages numé- riques en classe de 6ème : dans quelle mesure la diversité et la complexité des écrits et des modes de représentation des nombres et les différentes tâches qui résultent peuvent-elles les favoriser et les enrichir ? Nous avons ainsi été amenés à analyser les conditions dans lesquelles les dif- férentes écritures et représentations peuvent constituer des ressorts d’apprentissages. En accom- pagnement des activités mathématiques proposées, on a également sollicité des productions écrites des élèves supposant des retours réflexifs sur les connaissances mises en jeu, avec hypothèse que de tels écrits puissent servir d’appui aux apprentissages considérés. L’évolution des pro- ductions obtenues atteste d’un développement de la capacité des élèves à expliciter les appren- tissages en cours ; elle permet aussi aux professeurs d’observer la progressions des conceptions dans le domaine considéré et de réguler leur enseignement. 1 1 Article paru aussi dans les «Annales de didactique et de sciences cognitives» ULP, Irem de Strasbourg, Vol. 7, 2001. 2 Composition du groupe : BARBIER Jean-Luc, BLONDEL Edith, BOURDENET Gilles, HEYBERGER Gilles, KISTER Jean- Paul, RAUSCHER Jean-Claude, TOUCHEBOEUF Agnès, ZILLIOX André. François. PLUVINAGE (ULP Strasbourg) a pu nous donner quelques précieuses appréciations.

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LE ROLE DE L’ECRITDANS LES TRAVAUXNUMERIQUES AU DEBUT DU COLLEGE

Jean-Claude RAUSCHERIrem de Strasbourg

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A l’Irem de Strasbourg 2 , dans le cadrede cette recherche menée en collaborationavec l’INRP et l’ADIREM à propos de “L’écriten mathématiques au collège”, notre tra-vail, achevé en 1997, concernait plus spé-cialement le rôle de l’écrit dans les travauxnumériques au début du collège. Tout par-ticulièrement, nous avons abordé la rechercheen considérant le problème des apprentis-sages relatifs aux nombres décimaux endébut de collège.

Le texte qui suit a pour but de donnerune idée de l’ensemble du travail mené etde développer plus précisément quelquesaspects qui nous ont paru cruciaux. Pour com-mencer nous préciserons les trois perspec-tives à l’origine de notre travail. Nous don-nerons ensuite un aperçu des travauxréalisés et des procédures utilisées pourdévelopper ces trois volets. Ensuite nous déve-lopperons quelques indications concernantles résultats observés.

Résumé : La question posée à l’origine de cette recherche porte sur les apprentissages numé-riques en classe de 6ème : dans quelle mesure la diversité et la complexité des écrits et des modesde représentation des nombres et les différentes tâches qui résultent peuvent-elles les favoriseret les enrichir ? Nous avons ainsi été amenés à analyser les conditions dans lesquelles les dif-férentes écritures et représentations peuvent constituer des ressorts d’apprentissages. En accom-pagnement des activités mathématiques proposées, on a également sollicité des productions écritesdes élèves supposant des retours réflexifs sur les connaissances mises en jeu, avec hypothèseque de tels écrits puissent servir d’appui aux apprentissages considérés. L’évolution des pro-ductions obtenues atteste d’un développement de la capacité des élèves à expliciter les appren-tissages en cours ; elle permet aussi aux professeurs d’observer la progressions des conceptionsdans le domaine considéré et de réguler leur enseignement. 1

1 Article paru aussi dans les «Annales de didactique et desciences cognitives» ULP, Irem de Strasbourg, Vol. 7, 2001.

2 Composition du groupe : BARBIER Jean-Luc, BLONDEL

Edith, BOURDENET Gilles, HEYBERGER Gilles, KISTER Jean-Paul, RAUSCHER Jean-Claude, TOUCHEBOEUF Agnès,ZILLIOX André. François. PLUVINAGE (ULP Strasbourg) apu nous donner quelques précieuses appréciations.

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Le questionnementà l’origine de la recherche.

Le premier volet : prise en comptedes différentes écritures et modesde représentation des nombres dans les apprentissages numériques.

En début de collège, les acquisitions dansle domaine des nombres restent en grande par-tie à faire : si les résultats des évaluations endébut de 6ème montrent une bonne maîtrisedes nombres entiers, ils montrent en revancheque le travail amorcé à l’école primaire à pro-pos des décimaux ou des fractions n’est de loinpas achevé. L’année précédant le démarragede la recherche, nous avions déjà amorcé untravail à ce sujet. Une analyse des productionsde nos élèves dans le domaine des travaux numé-riques nous avait déjà confirmé que les différentsmodes d’écriture (utilisation de la virgule,fractions, etc.) et de représentation des nombres(graduations, fractions d’aires, etc. ) constituaientune source importante de difficultés. Larecherche sur la place de l’écrit nous a alorspermis de préciser deux questions auxquellesnotre recherche se proposait de donner des élé-ments de réponse dans le cadre de l’ensei-gnement au collège :

1 ) La diversité et la complexité des écrits etdes modes de représentation des nombresauxquels sont confrontés les élèves peuventêtre considérés comme des sources de difficultépour la compréhension. Mais nous nous deman-dions au contraire, dans quelle mesure cettediversité et cette complexité et les différentstâches qui résultent de leurs confrontationspouvaient favoriser et enrichir les processusde conceptualisation des nombres. La réflexionsur le repérage et la mise en oeuvre des tâchespossibles par rapport aux différents écrits et

l’évaluation des effets de cette mise en oeuvreméritaient à nos yeux d’être approfondies.

2 ) On peut se demander si les travaux queles élèves ont à effectuer en mathématiqueà propos d’objets proprement mathéma-tiques, nécessitent et permettent le fran-chissement d’étapes importantes quant àla maîtrise de différents niveaux ou fonctionsde l’écrit : par exemple, prise en compted’une information isolée en opposition à uneprise en compte globale d’informations lors-qu’on a à effectuer un calcul. Les travauxmathématiques seraient alors à la base dudéveloppement de compétences relatives àla maîtrise de l’écrit qui débordent du champde la discipline proprement dite. Il s’agiraitici de repérer la diversité et la complexité destâches que nécessitent l’appropriation par lesélèves des objets mathématiques envisagéset si possible d’en apprécier la valeur dansle processus éducatif.

En anticipant déjà sur la suite de notrearticle, nous pouvons déjà annoncer quel’essentiel de notre travail a porté sur la pre-mière question.

Le deuxième volet : la production d’écritspar les élèves en appui aux apprentissages.

Après un an de travail, un deuxième voletde travail est venu s’ajouter au précédent àpartir de la nécessité d’évaluer les effets dutravail d’enseignement mis en place à la suitedu premier volet et aussi à partir de la sti-mulation engendrée par la confrontation avecd’autres groupes menant cette rechercheINRP/ADIREM lors des réunions annuellesà Paris qui nous a incité à développer cetaspect de la prise en compte de l’écrit dans lesapprentissages.

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La première façon d’évaluer les effetsd’une telle action est classique: il s’agissait encertaines occasions d’évaluation de reprendrecertaines questions posées en début d’année.En voici un exemple relatif à l’année derecherche 94/95 :

Septembre Avril

I 1 2,3 × 10 75,8% 89,2%

I 2 35,2 × 100 59,8% 74,2%

La deuxième façon que nous avons eud’évaluer les effets de notre enseignementest moins classique et c’est elle qui nous a ouvertde nouvelles perspectives relatives à larecherche sur l’écrit : elle sollicite en effetchez les élèves la production d’écrits inhabi-tuels mais en relation avec les contenus ensei-gnés. Il s’agissait de vérifier s’il y avait tracesconscientes et restituables chez les élèves desprocédures de médiation rencontrées auxcours de l’année. Par exemple toujours en94/95 sur le thème précis de la multiplicationd’un entier par un décimal, nous avons deman-dé aux élèves de répondre aux questions sui-vantes :

7 × 0,51 — Comment lis-tu cela ?2 — Quelle réponse proposes-tu ?3 — Peux-tu donner toutes les façons

que tu connais pour illustrer ou effectuerce calcul ?

4 — Peux-tu donner l’énoncé d’un pro-blème conduisant à cette opération ?

Et dans une évaluation finale nous avonsproposé aux élèves de répondre au question-naire suivant pour voir dans quelle mesure après

cette année scolaire ils étaient capables de for-muler les connaissances ou les activités ren-contrées.

1 ) Qu’est-ce que tu as vu de neuf cette annéeen mathématiques ?2 ) Dans tout ce que qu’on a fait qu’est-ce que tu as préféré ?3 ) Qu’est-ce que tu as le moins aimé ?4 ) Y-a-t-il des choses qui te semblaientdifficiles et que tu as maintenant com-prises ?5 ) Y-a-t-il des choses que tu n’as pascomprises ?6 ) Cette année, as-tu appris quelqueschoses de neuf sur :

a ) Les nombresb ) L’addition et la soustractionc ) La multiplicationd ) La division

Relativement à ce dernier questionnaire,l’analyse des productions des élèves nousmontrait alors que majoritairement et tout par-ticulièrement les élèves faibles ne formulentpas ou peu les connaissances rencontrées : “rien”ou juste une rubrique “les fractions”. Mais l’onperçoit souvent l’importance d’événementspersonnels au cours de l’année : “le jour où j’aicompris la division par 0,1..” ou “que multi-plier par un nombre c’était pas forcémentplus grand”.

Ces résultats, apparemment un peumaigres nous ont rendu attentifs aux pos-sibilités offertes par ces écrits un peu inha-bituels. Plutôt que de demander de telles pro-ductions écrites en fin d’année et de façonexceptionnelle, ne serait-il pas utile pour l’inté-gration des connaissances et le développe-

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ment de capacités langagières de solliciterplus régulièrement les élèves ainsi ? Ces écritsne pouvaient-ils pas avoir un rôle dans lesprocessus d’apprentissage des élèves. Nousnous référions là aux travaux de MJ. Per-rin (“Questions didactiques soulevées à par-tir de l’enseignement des mathématiques dansles classes faibles”, p. 5 à 119, RDM, 1993)qui montrent que les élèves qui réussis-sent sont ceux qui réinvestissent les expé-riences acquises dans les activités dans lasuite. Il est alors important de donner l’occa-sion aux élèves de se construire des repré-sentations mentales par un retour réflexifsur l’action. En l’occurrence, c’est au moyende productions écrites, individuelles, que nousavons voulu favoriser dans la suite de larecherche ce retour réflexif.

Un deuxième volet de type exploratoires’est donc ouvert dans cette recherche : ils’agissait d’élaborer et de mettre à l’épreuvedifférentes procédures permettant aux élèvesgrâce à des productions écrites de réaliserdes retours réflexifs sur leurs connaissances.L’hypothèse était que ces écrits pourraient ser-vir d’appui efficaces pour les apprentissagesconsidérés.

Le troisième volet de notre recherche : observation des incidences sur les pratiquesdes enseignants de la création d’un groupede recherche sur l’écrit en 6ème.

Notre équipe était constituée de huit pro-fesseurs de mathématiques de 6ème. Cetteéquipe était au départ hétérogène tant dupoint de vue des environnements dans les-quels ses membres exerçaient que du pointde vue des ses rapports à la didactique età ses recherches.

En effet, d’une part les établissements etles classes dans lesquels nous travaillionscorrespondaient à des environnements sociauxvariés. Ainsi certains professeurs exercentdans des établissements de zones résiden-tielles où les élèves ont aux évaluations natio-nales en début sixième des résultats bien audessus de la moyenne nationale. D’autresexercent dans des collèges type ZEP où les résul-tats de début d’année sont plus inquiétants.D’autres encore exercent dans des établisse-ment où le public est très hétérogène et les résul-tats proches de ceux de l’échantillon national.Cette hétérogénéité là, loin d’être un obstaclepour entamer notre recherche était un atoutcar représentative de différentes conditionsd’enseignement.

D’autre part, il y avait des différencesentre les professeurs de l’équipe quant à leurrapport initial à la recherche. Si certains,dont moi-même, avaient participé à deséquipes de travail à l’Irem, pour la plupart desenseignants c’était là la première expériencedans ce domaine. De façon générale, la majo-rité des participants connaissait très peu lesrecherches menées en didactique des mathé-matiques. Certains des professeurs faisaientd’ailleurs partie de l’échantillons de professeursobservés à l’occasion de mon travail de thèse(JC Rauscher, 1993, “L’hétérogénéité des pro-fesseurs face à des élèves hétérogènes. Lecas de l’enseignement de la géométrie audébut du collège.”).

A cette occasion, j’avais mis en évi-dence sur des contenus d’enseignement engéométrie d’importants écarts relatifs àl’analyse des tâches en jeu. En l’occurren-ce l’observation montrait des manières trèsdifférentes de prendre en compte la varié-tés des registres et des niveaux de com-plexité dans les traitements à effectuer par

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les élèves. Je montrais aussi que la progressiondes élèves de ces professeurs dépendait engrande partie de cette connaissance queles professeurs ont des différentes tâches enjeu dans les contenus abordés. Après avoirsoutenu ma thèse, j’ai proposé aux profes-seurs de mon échantillon de participer àl’IREM de Strasbourg à ce groupe recherchesur les apprentissages numériques en débutde collège et plusieurs ont accepté. Cette hété-rogénéité de départ se retrouvait aussi dansles idées et les références inspirant les pra-tiques. Dans les premières discussions detravail que nous avions eu dans le groupe,certains mettaient en avant l’importance dela mémoire et de l’apprentissage des algo-rithmes et exprimaient leur scepticismequant aux options de ceux qui préconisaientdes “activités” jugées trop complexes pourdémarrer des apprentissages. Cette hété-rogénéité de départ du groupe de travail pou-vait apparaître a priori comme un handi-cap dans une recherche. Pourtant il s’agissaitlà de ma part et de la part des professeursqui connaissaient le contenu de ma thèse unmoyen de mettre à l’épreuve une hypothè-se : à la suite de mon travail de thèse,j’avais émis l’idée que pour développer lesconnaissances des tâches en jeu sur lescontenus d’enseignement et transformeren conséquence les pratiques d’enseignement,le lieu idéal pour les enseignants était ungroupe recherche. Les participant du grou-pe se retrouvaient d’ailleurs unis par leursoucis d’améliorer l’efficacité de leur travailpar une recherche pragmatique et ouverteà tous apports et évolutions. L’observationde ces évolutions faisaient donc partie de notreplan de travail et constituait un volet expli-cite de notre recherche. A priori on pourraitpenser qu’il s’agit là d’un volet de la rechercheétranger à son sujet : l’écrit au collège. Enfait, il est apparu qu’il était intéressant de

savoir en quoi la création d’un groupe derecherche précisément sur l’écrit en débutde collège aurait des incidences sur les pra-tiques des enseignants y participant. C’estlà le troisième volet de notre recherche.Dans ce compte rendu nous développeronsrelativement peu ce volet, nous contentantde donner quelques indications et nousconsacrant davantage aux deux premiersvolets au centre de notre travail.

Nous allons maintenant donner un aper-çu des travaux réalisés et des procédures uti-lisées pour développer ces différents aspect denotre recherche.

Aperçu des travaux réalisés.

1er volet : prise en compte des différentsécritures et modes de représentation des nombres dans les apprentissages numériques.

Analyse des difficultés dans les apprentis-sages numériques en début de 6ème.

Pour élaborer et mettre à l’épreuvedans nos classes des activités pour déve-lopper les apprentissages numériques àfaire en début de collège à propos desnombres et tout particulièrement des déci-maux (écriture, lecture, calculs), nous avonsd’abord analysé les productions des élèvesdans le cadre des évaluations nationales dedébut sixième. Cette analyse montre qu’enl’occurrence l’écriture et la manipulation desnombres décimaux nécessite la maîtrised’un système d’écriture différent de celui desentiers, même si les éléments de base sontles mêmes (chiffres) et que dans un cascomme dans l’autre la disposition de deux

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chiffres consécutifs se rapporte à deuxnombres dans un rapport 10.

Voici quelques observations étayant cetteanalyse. Si 80% réussissent à effectuer :

“ 168,75 + 42,50 ”

sous forme posées, il n’y a plus qu’un élève surtrois pour réussir :

“ 7,24 – 4,3 ”

posé en ligne. Les réponses montrent alors quede nombreux élèves considèrent les décimauxcomme des entiers ou une juxtaposition de deuxentiers et leurs appliquent indépendammentles algorithmes qu’ils connaissent sur lesentiers : “ 7,24 – 4,3 = 3,21 ”.

On retrouve ce phénomène lorsque lesélèves répondent par exemple que dans lenombre 32,578 le chiffre 7 est celui desdixièmes. A travers leurs réponses, il appa-raît que ces élèves appliquent les algorithmesqu’ils connaissent sur les entiers parce qu’ilstraitent la partie décimale comme la partie entiè-re en l’organisant de la droite vers la gauche.Ils semblent ignorer les valeurs de position dansla partie décimale des nombres décimaux.

La virgule est considérée comme un sépa-rateur fort alors que le traitement adéquat detels calculs demande justement de considérerl’ensemble du nombre : il y a la même rela-tion entre le chiffre à gauche et à droite de lavirgule que celle qui existe entre deux chiffresconsécutifs dans la partie entière ou dans lapartie décimale.

La virgule comme séparateur fort seretrouve confirmé lorsqu’on constate que danscette évaluation deux élèves sur trois tra-duisent “quarante-huit francs cinq centimes”par 48,5 F. Ce phénomène se retrouve lors-qu’on considère les multiplications. Il y a seu-

lement un élève sur deux pour réussir lescalculs :

“ 1,54 × 1000 ” et “ 7,14 × 100 ”.

Le traitement ne s’effectue alors que sur l’unedes deux parties :

“ 1,54 × 1000 = 1,54000 ou 1000,54 ”.

Les traitements sont calqués sur ceux qu’ontrouve sur les entiers et il n’est pas tenucompte de la modification à apporter à ces trai-tements lorsqu’on a à effectuer des calculs surles décimaux.

Cette prise en compte apparaît évidem-ment plus difficile encore pour les élèves pourqui le système sémiotique décimal n’est pasencore tout à fait maîtrisé sur les entiers : les“zéros” intercalés dans les nombres entiers entrele premier et le dernier chiffre font quelquesravages lorsqu’il s’agit d’écrire ces nombres entoutes lettres ou inversement.

Le passage des entiers aux décimauxconstitue donc un obstacle qui est loin d’êtrelevé en début de collège. Il faut donc que lesélèves arrivent à réorganiser un systèmeacquis, celui de l’écriture et des traitementsdes entiers, pour y intégrer les décimaux :voilà la tâche des enseignants en début decollège. Mais comment aider les élèves danscette réorganisation ? Tel était le problèmequi nous est apparu suite à notre analyse,problème dont nous avons pris conscienceet qui, à notre avis, est assez méconnu dansles pratiques courantes. Nous rejoignonsen cela l’avis d’Alphonse Munyazikwiye (A.Munyazikwiye, 1995, Problèmes didac-tiques liés aux écriture des nombres, RDM,Vol 15 n°2, pp31-62, 1995) qui met en évi-dence de façon plus large (il s’intéresse àl’ensembles des apprentissages numériques)quelques points aveugles mais cruciauxdans l’enseignement des nombres.

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Il s’agit donc maintenant d’exposer les prin-cipes qui nous ont guidés pour l’élaborationde notre enseignement suite à cette analyse.

Élaboration et mise à l’épreuve d’activités et d’exercices. Utilisation de différentsmodes de représentation et d’écriture.

Notre analyse met en évidence le fait quel’écriture et la manipulation des nombresdécimaux requièrent la maîtrise d’un systè-me d’écriture différent de celui des entiers. Maison ne pouvait concentrer uniquement nosefforts sur l’acquisition des “règles” qui régis-sent les traitements en question. Même si cepoint a été au départ l’objet de quelques dis-cussions dans notre groupe (voir volet 3 de notrerecherche), il a été admis que cela renforce-rait les défauts naturels des élèves (et de cer-tains enseignants) de recourir à des traitementsalgorithmiques indépendamment de tout sensmathématique. Bon nombre d’erreurs chez lesélèves à l’entrée en collège viennent en effetdu fait que les élèves pour répondre aux ques-tions ont recourt à un schéma de type algo-rithmique (expression proposée ———> trai-tement algorithmique) qui ne permet aucuncontrôle et révèle une conceptualisationdéfaillante de la notion de nombre.

Notre problème d’enseignants était doncen 6ème de redonner vie au développementde la conceptualisation des nombres chez nosélèves à partir de ce qu’ils ont déjà fait àl’école primaire.

Pour cela nous avons adopté un canevascommun pour élaborer nos propositions d’ensei-gnement. Ce canevas propose de se donnerles outils suivants pour élaborer et proposerdes situations d’apprentissage qui permet-tent ou obligent les élèves à briser la relation

(expression proposée ———> traitementalgorithmique) par une médiation réalisée :

— soit par une situation qui donne sens auxcalculs. Donnons un exemple : pour effectuer0,75 + 0,3 il s’agit pour les élèves de recon-naître que 7 et 3 sont de même rang et nonpas 5 et 3, de voir 0,75 globalement confron-té à 0,3 et non pas 75 à 3. Pour cela il est pos-sible de demander aux élèves d’illustrer cetteopération sur 3 carrés 10 × 10 où le carréreprésente 1.

— soit par un changement de registre d’écri-ture. Par exemple en demandant de ranger lesnombres 0,7 - 0,51 - 3/4 - 33/100.

Les deux types propositions peuvent évi-demment se combiner.

Pour cette élaboration, nous sommes par-ticulièrement attentifs à la diversité et lacomplexité des systèmes d’écriture (entiers,décimaux, fractions), des cadres (numé-rique, grandeurs) et des représentations(dimension 1 dans les graduations, dimen-sion 2 avec les fractions d’aire) auxquels sontconfrontés les élèves dans le domaine numé-rique. Cette diversité et cette complexité sontsouvent considérées comme des sources dedifficulté pour la compréhension. Mais enl’occurrence nous pensons qu’au contrairequ’elle permet aux élèves de dépasser uneprocédure purement algorithmique ou dumoins de l’étayer et de la contrôler par desoutils qui permettent de donner du sens auxtraitements à effectuer. Nous adhérons encela à la perspective exprimé par Alphon-se Munyazikwiye (A. Munyazikwiye, 1995,Problèmes didactiques liés aux écriture desnombres, RDM , Vol 15 n°2, pp31-62, 1995),p59 : “La connaissance des nombres appa-raît comme la Somme ou la résultante dessavoirs atomiques sur les écritures et les tech-niques opératoires (traitement/et ou conver-

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sion), les représentations géométriquesainsi que leurs liens”.

Nous avons donc élaboré et mené en clas-se de 6ème des activités au sujet des appren-tissages dans le domaine numérique et plusprécisément des calculs au programme avecles décimaux. Ces activités avaient pourbut de faire dépasser aux élèves le simpletraitement algorithmique des calculs et deredonner vie au développement de la concep-tualisation des nombres décimaux. Pourles activités expérimentées qu’elles évo-quent, les recherches effectuées par G. Brous-seau, R. Douady et MJ. Perrin dans cedomaine nous ont inspirés.

Ainsi, par exemple, avant de revoir lesnombres décimaux, nous avons d’abord intro-duit les fractions à partir de mesures de lon-gueur (R. Douady et M.J. Perrin, “Liaisonécole-collège : Nombres décimaux”, Irem de ParisVII, 1986).

Chaque élève dessine sur sa feuille un seg-ment au stylo à bille. En se servant d’unebande unité les élèves doivent produire un mes-sage qui doit permettre à un récepteur dedessiner un segment ayant la même longueur.Dans cette activité, les écrits interviennentcomme moyen de formulation et de validationde nouveaux outils, les fractions. La notion defraction d’une longueur unité est ensuite sys-tématisée par l’usage du partageur (une ving-taine de droites équidistantes et une feuillede papier calque). Les fractions décimalesapparaissent alors comme un cas particulierde fractions. Nous avons aussi proposé à nosélèves des activités de recherche où il estnécessaire de recourir aux nombres décimauxet aux opérations sur les nombres décimaux ;citons la recherche de rectangles de péri-mètres ou d’aires données.

Mais MJ Perrin constatait que, si pourles élèves en difficulté ces activités fonc-tionnent à peu près de façon satisfaisante,il y a une rupture très nette de cette phased’action avec la réutilisation des connaissancesintroduites à ces occasions dans d’autres situa-tions. Par exemple, pour l’introduction defractions, dès qu’on passe à l’écriture formelleindépendamment de la situation d’action oùelles sont apparues, certains élèves pas-sent à des modèles numériques erronéspour les additionner. C’est pour cela que dansles situations de travail (activités ou exer-cices) que nous avons proposées à nos élèves,nous avons explicitement mis à leur dis-position différents systèmes d’écriture desnombres et différents modes de représen-tations graphiques de grandeurs.

Voyons par exemple ce que nous avonsproposé aux élèves dans le cadre des appren-tissages de l’addition et de la soustractionde nombres décimaux. Dans un premiertemps nous visons la maîtrise de ces opé-rations jusqu’aux centièmes. Pour cela,l’usage des nombres décimaux est associéà deux systèmes d’écriture (forme décima-le, forme fractionnaire) et deux modes dereprésentation : la droite graduée où l’unitéest divisée en 10 et 100 et le carré unité divi-sé en 10 lignes ou 100 carreaux suivant lesmodèles représentés dans l’encadré sui-vant.

L’objectif est qu’à travers la possibilité deconfronter ces écritures et ces modes de repré-sentation, les élèves aient différents moyensde donner sens aux valeurs de position du sys-tème décimal et de contrôler les traitementsqu’ils effectuent. Ces représentations et cesmodes d’écriture permettent alors de calcu-ler et de contrôler les résultats de différentesfaçons.

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Voici (ci-contre) un exemple d’exerciceoù les élèves sont ainsi amenés à calculer, àcontrôler et éventuellement à rectifier leurscalculs.

Il s’agit d’une part de remplir chaquecase vide de ces tableaux sans calculatrice etsans poser les opérations en respectant les règlesdonnées :

y = x + 0,7 et y = x + 0,17

D’autre part, pour chaque case remplie, ilfaut représenter chaque couple (x,y) dans unrepère sur une feuille de papier millimétré.1 correspond à 10 cm.

Les élèves observent très vite que lespoints obtenus sur le graphique semblent ali-gnés (alignement que l’on rencontre aussidans l’activité qui consiste à trouver des rec-tangles ayant un périmètre donné). En l’occur-rence, cette observation est confirmée par leprofesseur. A partir de là, le non-alignementd’un point avec les autres points du graphiquedevient un critère pour revenir sur les résul-tats des opérations. Pour cela les élèves ontà leur disposition des graduations et des car-

y = x + 0,7 y = x + 0,17x y x y

0,15 0,150,2 0,20,27 0,270,3 0,31,12 1,12

0,84 0,841,1 1,12,24 2,24

0,8 0,81,4 1,41,35 1,35

1,2 1,20,15 0,15

2,15 2,152,15 2,15

1,6 1,61,42 1,421,3 1,30,25 0,251,01 1,01

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rés comme ceux évoqués précédemment pourvisualiser et contrôler les calculs.

Par la suite, d’autres activités concer-nant les graduations (graduer entre 0,01 et0,02) ou la multiplication de décimaux (recherchede rectangles et en particulier d’un carréayant une aire de 12cm 2) font apparaître lesrangs suivants (millièmes, etc.) comme uneextension des dixièmes et centièmes.

2ème volet : Les écrits produits par lesélèves, en appui aux activités.

Pour amorcer une activité, favoriser unretour réflexif sur les travaux ou renforcer leshabitudes de contrôle, nous avons demandéà nos élèves de produire individuellementdes écrits qui selon les moments où ils étaientsollicités avaient des modalités et des fonctionsdifférentes. Nous avons exploré trois types deproduction différentes. Nous distinguons :

— les écrits portant sur les représentationsd’une notion avant son enseignement,

— les écrits sollicitant un jugement étayépar des arguments s’appuyant sur référencesrencontrées dans les activités et permettantainsi de contrôler ainsi des calculs préala-blement effectués,

— les écrits sollicitant un retour libre sur lesapprentissages (il s’agit pour les élèves d’expli-citer librement les apprentissages réalisés).

1) Les écrits portant sur les représentations d’une notion avant son enseignement.

Voici un exemple de questionnaire proposéaux élèves avant qu’on aborde la multiplicationde décimaux. Pour chacun des calculs les

élèves doivent répondre à trois questions :

1 ) Comment lis-tu ce calcul ? (si tu voisplusieurs façons de le lire écris-les) 2 ) Quelle est la réponse que tu proposes ?3 ) Trouve une ou des façons pour expli-quer ou illustrer ce calcul à quelqu’unqui ne sait pas ce qu’il signifie.

1er calcul : 6 × 3 2ème calcul : 7 × 0,43ème calcul : 7 × 0,54ème calcul : 0,2 × 0,3

2) Les écrits sollicitant un jugement étayépar des arguments s’appuyant sur réfé-rences rencontrées dans les activités.

Les élèves sont invités à revenir sur leursproductions (après une interrogation écrite parexemple) et à expliciter les connaissancesmises en oeuvre ou les incertitudes qu’ils ontencore. Pour cela nous leur avons demandéde revenir sur des calculs effectués pour expri-mer leurs doutes, leurs certitudes et de les jus-tifier.

Voici un questionnaire donné en find’année par rapport à une interrogation écri-te qui reprenait des calculs de début d’annéedu type “Calculer 7,24 – 4,3” :

Une autocorrection.....Il faudra ranger toutes tes réponses en troiscatégories et répondre aux questions sui-vantes pour chaque catégorie.

… / …

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LE ROLE DE L’ECRITDANS LE NUMERIQUE…

1ère catégorie : les réponses dont tu essûr(e).Donne chaque fois un argument pourprouver qu’elles sont correctes : une autreforme de calcul, une règle de calcul ou uncontrôle par un moyen qu’on a appriscette année, etc.2ème catégorie : les réponses fausses.Là aussi donne chaque fois un argumentpour prouver qu’il y a erreur : une autreforme de calcul, une règle de calcul ou uncontrôle par un moyen qu’on a appriscette année, etc.Tu corrigeras ensuite ton erreur initiale.3ème catégorie : les réponses dont tu n’espas sûr(e)et les raisons de ton hésita-tion.

3) Retour libre sur les apprentissages.

Il s’agit pour les élèves d’expliciter libre-ment les apprentissages réalisés commepar exemple par des questions du type sui-vant :

Dans les apprentissages numériquesrécents y-a-t-il des faits qui vous ont sur-pris ?Qu’avez-vous appris de neuf ? Y-a-t-il des erreurs que vous ne faitesplus maintenant ?

Nous allons maintenant développerquelques indications concernant les résul-tats observés relativement aux trois volets denotre travail.

Indications sur les résultats obtenus,côté élèves (1er et 2ème volet de larecherche) :

Constatations globales

1 ) On sait que les élèves ont en général beau-coup de réticences à écrire autre chose que lescalculs, à justifier un résultat, à expliquerune démarche dans le cadre d’un devoir clas-sique. En revanche, nous constatons que, sol-licités par nos questionnaires, les élèvess’expriment volontiers. Au début ils semblentun peu surpris d’être interrogés personnellementsur leurs apprentissages. Mais c’est une tâchequi s’intègre vite assez naturellement dans lecours de la classe. Il y a évidemment desquestionnaires qui sont plus propices qued’autres pour cela, comme nous allons le voir.

2 ) La quantité et la qualité de l’expression sonttrès variables d’un élève à l’autre. En parti-culier les élèves en grande difficulté ont beau-coup de mal à développer des descriptionsplus précises de difficultés ou d’apprentis-sages : “C’était facile parce que ce n’était pasdur”, “J’ai tout juste parce que j’ai bien cal-culé”.

Constatations par rapport aux différentstypes de questionnaires.

1) Observations sur les écrits portant sur lesreprésentations d’une notion avant sonenseignement.

Ces questionnaires permettent au pro-fesseur de prendre connaissance des repré-sentations explicites des élèves avant d’abor-der une notion. Ils permettent aux élèves dese rendre compte et de repérer des savoirs nou-veaux à envisager.

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LE ROLE DE L’ECRITDANS LE NUMERIQUE…

Dans le cas du questionnaire initial surles multiplications évoqué plus haut parexemple les réponses des élèves permettentau professeur d’avoir une idée de leurs repré-sentations par rapport aux contenus abor-dés, tant sur la diversité de ces représenta-tions pour chaque élève que sur l’endroit oùl’élève n’a plus de références ou des réfé-rences erronées.

Mickaèl par exemple écrit que 6 × 3 c’est3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 ou 6 + 6 + 6. Pour 7 × 0,5il écrit 0,5 + 0,5 + 0,5 + 0,5 + 0,5 + 0,5 + 0,5,7 × 0,5 = 7/2 et représente aussi 7 carrés uni-tés où il hachure chaque fois 5/10. Il y ajou-te aussi une explication algorithmique : 7 × 5 = 35et on ajoute la virgule à gauche. Explicationssimilaires pour 7 × 0,4, mais aussi pour 0,2 × 0,3 : 0,2 + 0,2 + 0,2 ou 0,3 + 0,3 ou 2 × 3 = 6 et on ajoute une virgule à gauche... !Mais beaucoup d’élèves ne savent plus com-ment expliquer 0,3 × 0,2.

Pour les élèves, le questionnaire révèle alorsla frontière entre ce qu’ils connaissent etqu’ils savent expliciter et ce qu’ils ne saventpas. Et de ce fait, il devient un tremplin pourl’activité qui permettra de travailler sur la nou-veauté, en l’occurrence un travail sur les airesde rectangles sur du papier millimétré. Ce genrede questionnaire semble intéressant à inté-grer dans nos pratiques.

2) Observations sur les écrits sollicitant un juge-ment étayé par des arguments s’appuyant surréférences rencontrées dans les activités.

Lors de l’année 95/96 nous voulions voirsi les élèves utilisaient les références ren-contrées dans les activités (références à uneconversion dans un autre système sémiotiqueou référence à une représentation en dimen-

sion 1 ou 2 par exemple). Nous voulions voiraussi s’ils rectifiaient certaines erreurs à cetteoccasion. Dans le cas du questionnaire évoquéplus haut (“Une autocorrection”) le documentqui suit (encadré page ci-contre) montre surle calcul “7,24 – 4,3” ce qu’il en est dans uneclasse de 29 élèves en fin d’année :

Comparaison des réponses septembre-juinau calcul : “7,24 – 4,3”. Pour les trois pre-mière colonnes voici les codes utilisés pourclasser les réponses des élèves :Code 1 : réponse correcte (2,94)Code 5 : 681 traitement sans tenir comptede la virguleCode 7 : 3,21 traitement séparé partie entiè-re/partie décimale Code 9 : autre résultatCode 0 : non réponse

Il apparaît donc :

— Des progrès sur la question elle-même : 8élèves ont toujours une réponse correcte en find’année, 10 élèves faisaient une erreur endébut d’année et ont un résultat correct en juinet 11 élèves se trompent toujours. Cette clas-se est représentative de ce qui s’est passé pourl’ensemble des élèves dont nous avions lacharge.

— Les élèves évoquent très rarement les réfé-rences rencontrées dans les activités au coursde l’année.

— La référence privilégiée reste le calcul“posé”.

— Les reprises suites au questionnaire sontrares.

Ce fait est en partie confirmé par ce quenous avons constaté avec d’autres question-

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LE ROLE DE L’ECRITDANS LE NUMERIQUE…

9/95 6/96 6/96 Degré de certitude et justification1ère éva. reprise

Isil 1 1 sûre, opération posée Grégoire 1 1 sûr, opération posée Gaèlle 1 1 sûre, c’est comme 724-430

et on rajoute la virguleChristophe 1 1 sûr, sans explicationConstance 1 1 pas sûre, globalement pour toutes

les questionsAndré 1 1 sûr, opération posée Alexandre 1 1 sûr, sans explicationAudrey 1 1 sûre, opération poséeFrédéric 9 1 sûr, opération posée Céline 9 1 sûre, opération posée Emmanuelle 9 1 sûre, opération posée Nathalie 7 1 sûre car (7 – 4 = 3) + (3 – 2 = 9) + 0,04 = 2,94Mickaèl 7 1 sûr, 724/100 – 43/10 = 2,94 E Mickaèl 9 1 pas sûr, sans explicationVanessa 7 1 pas sûre, globalement pour toutes

les questionsMarc 9 9 1 rectifie, (7/1 + 2/10 + 4/100) – (4/1 + 3/10) = 2,94Thomas 1 7 1 rectifie, sans explicationMatthieu 7 7 1 rectifie, pas d’explication de l’erreurA Céline 7 9 (2,86) pas sûre, hésite 7,24 – 4 = 3,24 et

3,24 – 0,30 = 2,86 ou 2,94Sébastien 7 9 ( 2,56) pas sûr, pas d’explicationH Alexandre 7 9(719,7) pas sûre, globalement pour toutes

les questionsRichard 5 9 (3,04) pas sûr, pas d’explicationNadège 5 9 (68,1) pas sûre, sans explicationJérémy 9 5 sûr, j’ai regardé, je n’ai pas vu

de faute (globalement)Cindy 9 9 (3,1) pas sûreAdèle 9 5 sûre, pose sans les virgulesSélim 7 9 (2,96) sûr, 7,20 – 4,30 = 2,90Bruno 9 0Lionel 7 0

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naires de ce type en cours d’année. Même sion demande explicitement aux élèves d’évo-quer les références rencontrées dans les acti-vités, ils le font mais ne rectifient pas pour autantleurs erreurs.

Citons à ce propos le cas typique d’une élève,Emmanuelle. Ce cas nous permettra d’ailleursde montrer que pour nous, l’accès aux écritsproduits par nos élèves nous a permis d’éva-luer et de réorienter les contenus de notre ensei-gnement. Emmanuelle au milieu de l’année,écrit que 0,3 + 0,7 = 0,10 et explique ensuiteavec pertinence et détail comment on peut repré-senter des additions de ce type à l’aide de car-rés unités partagés en 10 lignes 10 colonnes,mais qui après cela, écrit à nouveau que0,3 + 0,7 = 0,10. Il semble que pour Emma-nuelle, il y ait une cloison entre les traitementsnumériques et les traitements figuraux. Ellene fait pas le lien que nous escomptions et quilui aurait permis de contrôler ses traitementsnumériques. Il est vrai qu’en l’occurrence en95/96, plutôt que d’activités jouant sur l’inter-action entre cadre numérique et cadre géo-métrique, ou conversion d’un registre sémio-tique à un autre, les activités que nous avionspratiquées étaient plutôt du type “illustration”(on illustre un calcul par un dessin, un peucomme par la suite on illustre une identitéremarquable par un carré de dimensions a + b).

Ces illustrations permettent aux élèvesd’argumenter et donc de contrôler leurs résul-tats à condition qu’ils maîtrisent assez bienles concepts en jeu. Mais les illustrations neprovoquent pas en elles-mêmes les aller-retour qui sont à la base de l’acquisition deconcepts dans une dialectique outil-objet.C’est pour cela que durant l’année 96/97 dansl’élaboration des activités que nous avonsproposées dans le cadre de la révision de

l’addition et de la soustraction de décimaux,nous avons été plus attentifs à ces interactions.Ainsi en est-il dans l’exercice décrit plus haut(y = x + 0,7 et y = x + 0,17), où c’est le non-alignement des points du graphique qui inci-te les élèves à contrôler leur résultats parrecours aux modes de représentation des opé-rations additives.

Voici, à ce propos les observations faitesen 96/97 au sujet des progressions réalisés dansle domaine du “calcul mental” sur les décimauxpar une classe de 6ème ayant effectuée ces acti-vités. Ces observations avaient comme objec-tifs, de repérer d’une part l’évolution de leursperformances et, d’autre part l’évolution de leursconceptions. Voici comment nous avons pro-cédé pour réaliser ces repérages.

Le test du début d’année :

Avant toute reprise de la notion de nombredécimal les dix calculs suivants ont été pro-posés aux élèves dans cet ordre en septembre :

5 additions :a : 15,7 + 23b : 0,7 + 0,3c : 0,2 + 0,03d : 0,40 + 0,5e : 1,8 + 0,25

5 soustractions :f : 15,7 – 6g : 2,3 – 1,7h : 0,48 – 0,3i : 5 – 0,4j : 1,7 – 0,05

Nous avons choisi ces calculs parce quereprésentatifs des difficultés dans le domai-

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ne des additions et soustractions des déci-maux en fonction de l’analyse présentéeprécédemment. La virgule risque pour beau-coup d’élèves d’y jouer le rôle d’un sépara-teur fort.

Ces calculs ont été présentés selon la pro-cédure suivante :

1 ) Chaque calcul est dicté et écrit autableau. Les élèves recopient en ligne lecalcul proposé et lèvent le stylo pourl’effectuer mentalement. Au signal duprofesseur, ils écrivent la réponse. Le cal-cul suivant est alors dicté.

2 ) Après avoir effectué les dix calculs,les élèves prennent un stylo de couleur dif-férente. Les questions suivantes leur sontposées :

1 ) Quels sont les calculs que vous aveztrouvés les plus faciles et dites pourquoi.

2 ) Quels sont les calculs que vous aveztrouvés les plus difficiles et dites pourquoi.Ils ont aussi le droit de rectifier lesréponses avec ce stylo de couleur différente.

Par la suite, le test n’est pas corrigé avec lesélèves. Les professeurs ont gardé les copies ini-tiales sans y apposer de remarques ou de cor-rections. Il est annoncé aux élèves qu’il s’agit d’untest initial destiné par la suite à repérer leur pro-gression et il est rendu compte des nombresd’erreurs. Ces nombres les surprennent car engénéral, ils trouvaient ce test “facile”.

Le test de janvier :

Après révision au premier trimestre desnombres décimaux avec l’addition et la sous-

traction, nous présentons au mois de janvierles mêmes dix calculs selon la même procé-dure.

Après avoir effectué les dix calculs, nousredonnons les copies de début d’année aux élèveset leur posons la consigne et la question sui-vantes :

1 ) Corrigez les deux feuilles en expli-quant chacune de vos erreurs.

2 ) Y-a-t-il des choses vues au premiertrimestre qui vous ont permis de corriger ?

Observation des évolutions :

“Score de réussite en septembre, 1ère répon-se” signale le nombre de réussites au pre-mier jet. “Score de réussite en septembre , réponsefinale” signale le nombre de réussites aprèsune éventuelle modifications du résultatinitial possible après réponses aux questionsdemandant de préciser les questions lesplus faciles, les plus difficiles et la justifi-cation de ces jugements.

(cf. tableau de la page suivante)

La situation en septembre :

Les performances :

Les questions sont rangées dans l’ordredécroissant des réussites des réponses finalesde septembre. On voit que les questions lesmieux réussies a et f sont d’abord celles oùle traitement ne concerne que la partie entiè-re. Viennent ensuite les questions b, c, d et hoù le traitement ne concerne que la partie déci-

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male (partie entière = 0) mais où il y a de nom-breux échecs lorsque la partie décimale est consi-dérée comme un nombre entier et lorsque lesvaleurs de position dans la partie décimale des nombres décimaux sont ignorés(0,48 – 0,3 = 0,45). Dans cette catégorie on peutaussi ranger le dernier calcul donné, j oùseuls six élèves réussissent : souvent c’estune addition qui est faite (réponse 1,75), oualors la réponse donnée est 1,2 ou 1,02. Dansles calculs i, e et g très peu réussis au premiertrimestre les traitements corrects affectent lapartie entière et la partie décimale.

Le diagnostic fait par les élèvesen début d’année :

Les élèves ont eu à signaler les questionsqu’ils jugent faciles et les questions qu’ils

jugent difficiles en justifiant leurs réponses.Quelles sont les conceptions qui se dégagentalors de leurs réponses ?

Voici comment les élèves ont jugé lesquestions (cf. page suivante, chaque x correspondà un exercice signalé par un élève).

La distinction principale faite par lesélèves oppose les cinq additions jugées facilesaux cinq soustractions jugées plus difficiles.Pratiquement aucune des additions n’estrepérée comme difficile par les élèves. Ainsi,pratiquement personne ne signale les ques-tions b, d, c et e comme difficiles. Pourtant denombreux élèves ont échoués à ces questions.En fait quand on regarde à quoi ils rapportentcette facilité, on constate que très souventils explicitent leur conception erronée des

Effectif présent aux deux Score de Score de Score de Score detests : 26 élèves. réussite en réussite en réussite en réussite en

Septembre Septembre Janvier Janvier1ère réponse réponse 1ère réponse réponse

finale finale

a : 15,7 + 23 = 38,7 22 24 24 25

f : 15,7 – 6 = 9,7 18 21 23 23

b : 0,7 + 0,3 =1 17 18 21 21

c : 0,2 + 0,03 = 0,23 14 16 24 24

d : 0,40 + 0,5 = 0,9 8 12 22 25

h : 0,48 – 0,3 = 0,18 9 11 22 23

i : 5 – 0, 4 = 4,6 10 10 19 21

e : 1,8 + 0,25 =2,05 7 10 18 19

g : 2,3 – 1,7 = 0,6 4 7 11 14

j : 1,7 – 0,05 =1,65 6 6 17 19

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nombres décimaux : par exemple pour “0,40 + 0,5” ces élèves expliquent qu’il suffitd’additionner 40 et 5 et que ça se fait facile-ment ! On constate pourtant que dans leurensemble, les élèves ne se sont pas trompéssur la question la plus facile, la question a(15,7 + 23 = 38,7) signalée 18 fois comme laplus facile avec une analyse qui, si elle ne secontente pas de ranger ce calcul dans lesadditions, est souvent pertinente.

Ainsi, plusieurs élèves signalent commeCédric que 15,7 + 23 et 15,7 – 6 sont des cal-culs faciles parce qu’on n’a pas à se soucier duchiffre qui est après la virgule.

Dans leur ensemble, les élèves ont aussirepéré les deux questions qui leur posent leplus de problème : la question g (2,3 – 1,7 = 0,6)et la question j (1,7 – 0,05 = 1,65). Ils rapportentsouvent la difficulté de ces questions à des pro-blèmes de retenue en se référant ainsi à la forme“posée” de ces opérations. En fait en ce débutd’année, il semble qu’au-delà de la distinction

entre addition et soustraction, le critère prin-cipal des élèves pour juger de la complexitéd’un calcul est la possibilité ou non de fairele calcul directement sans le poser dans satête. Ainsi Ludovic écrit que “les calculs facilessont ceux où il y a de petits nombres comme0,7 + 0,3 = 1 et 0,40 + 0,5 = 0,45, mais que lescalculs comme 2,3 – 1,7 = 1,4 et 5 – 0,4 = 4,96sont plus difficiles parce que les nombres sontun peu plus grands”. De même Julie écrit : “0,7 + 0,3 = 10 , 5 – 0,4 = 0,1 , 0,2 + 0,03 , cesdeux additions et cette soustraction sontfaciles parce qu’il y a des zéros devant et unchiffre derrière et parce que les zéros ne comp-tent pas”. Elle ajoute : “0,48 – 0,3 = 0,51 et 15,7 + 23 = 17,6 sont des opérations difficilesparce qu’il n’y a pas beaucoup de 0, avec plusde 0 ça serait un peu moins difficile”.

La progression :

On voit que si la hiérarchie des réussitesdégagées en début d’année est conservée, lesréussites sont bien plus nombreuses. Les pro-

Facile Difficile

a : 15,7 + 23 = 38,7 xxxxxxxxxxxxxxxxxx 18 xx 2

b : 0,7 + 0,3 = 1 xxxxxxxxxxxxxxxxx 17 x 1

d : 0,40 + 0,5 = 0,9 xxxxxxxxxxx 11 0

c : 0,2 + 0,03 = 0,23 xxxxxxxxxx 10 x 1

e : 1,8 + 0,25 = 2,05 xxxxxxx 7 x 1

f : 15,7 – 6 = 9,7 xxxxxxx 7 xxxxxx 6

i : 5 – 0,4 = 4,6 xxxxx 5 xxxxxxxx 8

h : 0,48 – 0,3 = 0,18 xxxx 4 xxxxx 5

g : 2,3 – 1,7 = 0,6 x 1 xxxxxxxxxxxx 12

j : 1,7 – 0,05 = 1,65 x 1 xxxxxxxxxxxxx 13

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grès sont évidents. Il reste à voir si cette pro-gression dans les performances correspond aussià un progrès de la part des élèves dans la capa-cité d’expliciter par écrit ces progrès (question1 de janvier) et peut-être de situer ce qui leura permis de progresser (question 2 de janvier).

Le tableau ci-dessous et ci-contre indique,pour chaque élève, l’évolution des perfor-mances et le type de diagnostic qu’il a pro-duit par écrit en septembre puis en janvier.Rappelons les questions :

En septembre :

1 ) Quels sont les calculs que vous aveztrouvés les plus faciles et dites pourquoi.

2 ) Quels sont les calculs que vous aveztrouvés les plus difficiles et dites pourquoi.

En janvier :

1 ) Corrigez les deux feuilles en expli-quant chacune de vos erreurs.

2 ) Y-a-t-il des choses vues au premiertrimestre qui vous ont permis de corriger ?

Voici les abréviations utilisés pour coderles réponses : Descr. pert d’erreur : description d’unecomplexité ou d’une erreur liées aux valeursdes positions ou évocation d’un support (gra-duation ou fraction d’aires) avec descriptionpertinente d’un traitement. Evocation calcul posé : allusion à un cal-cul posé par exemple évocation des retenues.Evocation d’un support : évocation d’un sup-port (graduation ou fraction d’aires) sans pré-cision d’un traitement. Descr. red. d’erreur : description redon-dante d’une erreur (ex : au 1er trimestre j’aifait 0,2 + 0,03 = 0,05 et non 0,23).Descr. d’une attitude : description d’une atti-tude (“cette fois j’ai plus réfléchi”) ou d’uncontexte (“on avait vu ça au primaire”) Jugement sans justif. : jugement sans jus-tification (ex : c’’était difficile)Evocation oppos. +/- : évocation d’une oppo-sition entre l’addition et la soustraction commecritère de complexité.Descr. err. d’erreur : critères de complexi-té qui témoignent d’une conception erronée desdécimaux(par exemple : évocation d’un trai-tement séparé de la partie entière et de la par-

Nombre Score Score Score Score Questions Question 1 Question 2de réussites réussites réussites réussites Sept. Janvier Janvier

questions: Sept. 1e Sept. Rép. Janv. 1e Janv. Rép.10 réponse finale réponse finale

Aude 9 10 9 10 Evocation pas de pas deoppos. +/- réponse réponse

Aurélie 9 10 10 10 Evocation pas de Descr. perti.calcul posé réponse d’erreur

Amand. W 9 10 8 10 Evocation Descr. pert. Descr. pert.calcul posé d’erreur d’erreur

Amandine 9 9 10 10 Evocation Evocation Evocationcalcul posé calcul posé calcul posé

Cédric 9 9 10 10 Evocation Descr. red. pas decalcul posé d’erreur réponse

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Déborah 8 8 10 10 Evocation Evocation pas deoppos. +/- calcul posé réponse

Anaïs R 5 7 9 10 Evocation Descr. pert. Descr. pert.oppos. +/- d’erreur d’erreur

Anthony 4 7 10 10 Evocation Descr. pert. pas deoppos. +/- d’erreur réponse

Pierric 5 5 10 10 Evocation Descr. pert. pas deoppos. +/- d’erreur réponse

Julia 3 7 8 10 Jugt. sans Descr. red. Descr. d’unejustif. d’erreur attitude

Thierry 3 3 10 10 Descr. err. Descr. pert. pas ded’erreur d’erreur réponse

Cyril 4 5 9 9 Descr. err. Descr. pert. pas ded’erreur d’erreur réponse

Florian 3 3 9 9 Evocation Descr. d’une pas decalcul posé attitude réponse

Maximilien 3 3 9 9 Descr. err. Evocation pas ded’erreur calcul posé réponse

Léa 4 7 6 8 Evocation Descr. pert. Evocationoppos. +/- d’erreur d’un support

Ludovic 4 4 7 8 Descr. err. Descr. pert. Descr. pert.d’erreur d’erreur d’erreur

Christelle 5 4 8 8 Descr. err. Descr. pert. Descr. pert.d’erreur d’erreur d’erreur

Julien 3 3 5 6 Evocation Descr. red. Descr. d’uneoppos. +/- d’erreur attitude

Mickaèl 1 2 5 8 Descr. d’une Evocation Evocationattitude d’un support d’un support

Camille 4 4 7 7 Evocation Descr. pert. Evocationoppos. +/- d’erreur d’un support

Jérôme 3 3 6 7 Descr. d’une Descr. red. pas deattitude d’erreur réponse

Céline 3 4 7 7 Descr. d’une Evocation Descr. pert.attitude calcul posé d’erreur

Julie 0 0 8 5 Descr. err. Descr. red. Descr. red.d’erreur d’erreur d’erreur

Elodie 1 3 6 6 Evocation Descr. red. Descr. red.oppos. +/- d’erreur d’erreur

Anaïs 3 3 4 4 Jugt. sans Evocation pas dejustif. calcul posé réponse

Vijitha 0 0 1 1 Descr. err. Descr. d’une pas ded’erreur attitude réponse

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tie décimale avec erreurs associées :0,40 + 0,05 = 0,45)

Observations :

La première observation concerne lanature du calcul mental proposé : ce cal-cul ne teste pas tant la virtuosité des cal-culs en jeu que la compréhension des déci-maux et des traitements à effectuer. Le faitque lors des reprises tant en septembrequ’en janvier où les élèves ont le temps derectifier les erreurs repérées les correc-tions sont peu nombreuses le prouve. Lors-qu’en septembre un élève écrit que 0,40 +0,5 = 0,45 il revient rarement sur ce résul-tat ! C’est bien la compréhension de l’écri-ture des décimaux qui est en jeu et nonpas la virtuosité de calculer rapidement.

La deuxième observation qui confirme laprécédente est que les quelques élèves quien septembre rectifient tout de suite quelqueserreurs (Anaïs R., Anthony, Julia, Cyril, Léaet même Mickaèl), les progrès dans les réus-sites sont assez spectaculaires. Ces élèvessemblent déjà en début d’année en coursd’apprentissage.

La troisième observation concerne lesréponses aux questions (trois dernièrescolonnes) : les conceptions des décimauxqu’elles révèlent semblent bien en évolutionchez de nombreux élèves. Ainsi si l’on ne ren-contre pas de code 1 à la question de sep-tembre, en janvier ils sont 12 à situer préci-sément la nature des erreurs commises. Peud’élèves se réfèrent encore à l’opération posée.Ce sont surtout, et cela paraît cohérent, lesélèves qui n’ont pas beaucoup progressé quine sont pas capables de décrire les caracté-ristiques de l’écriture décimale.

La quatrième observation est que si denombreux élèves ont progressé et sontcapables de préciser les traitements à effec-tuer, ils sont peu nombreux (6) à évoquerles supports et activités rencontrés au pre-mier trimestre pour étayer cette progression.Comme lors de l’expérience de l’année 95/96décrite plus haut ces supports et ces acti-vités semblent oubliés : mais est-ce grave ?Peut-être ont-ils servi de moyen transitoi-re pour évoluer et permettre de décrire lanature de l’écriture décimale ? C’est cela quiest finalement important.

3) Quelques observations à propos desretours libres sur les apprentissages.

Rappelons les expériences et les obser-vations faites en 95/96. Il s’agissait pour lesélèves d’expliciter librement les apprentis-sages réalisés comme par exemple par des ques-tions du type suivant :

Dans les apprentissages numériquesrécents y a-t-il des faits qui vous ont sur-pris ? Qu’avez-vous appris de neuf ? Y a-t-il des erreurs que vous ne faites plus main-tenant ?

Ces questions ouvertes qui demandentaux élèves d’expliciter librement les appren-tissages réalisés sont plus propices à l’enga-gement personnel des élèves dans la repri-se et l’objectivation de leurs apprentissages.Bien sûr, nous avons observé de nombreusesréponses du type : “Je n’ai rien appris de nou-veau, on avait déjà fait l’addition des nombresà virgule à l’école primaire”. Mais bien desélèves se sont engagés plus avant et ont faitpart de constats qui, au-delà de formulationsparfois maladroites, pointent des réarran-gements pertinents de leurs connaissances :

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“Je sais bien faire les opérations poséesmais pas les calculs en lignes” (début d’année)“Je ne savais pas que l’on pouvait diviseren multipliant” “J’ai appris que le résultatd’une multiplication pouvait être plus petit”“J’ai appris que multiplier par 0,5 c’est divi-ser par 2” (en fin d’année). Il semble doncque les élèves peuvent reprendre et appro-fondir leurs connaissances en les explicitantainsi librement.

Indications sur les résultats obtenus, côtépratiques des professeurs (3ème volet de la recherche) :

La procédure employée :

Notre groupe est constitué de professeursde collège qui en majorité au départ n’étaientpas initiés aux recherches et aux résultatsde la didactique des mathématiques. Maissoucieux d’améliorer l’efficacité de notretravail avec nos élèves, nous étions prêts àmettre en commun nos expériences et àentreprendre une recherche pragmatique etouverte aux apports pouvant s’intégrerdans nos pratiques. Outre un aspect recherche,notre action revêt donc indéniablement unaspect formation. Dans notre recherche, ilest donc aussi intéressant de faire un bilansur les répercussions de notre travail sur nospratiques en classe.

Quels sont les effets de la considérationexplicite de la place de l’écrit dans notre ensei-gnement sur nos pratiques ? Pour répondreà cette question nous avons d’abord fait unbilan individuel et par écrit (il n’y a pas de rai-son que nous échappions à l’objet de notrerecherche...!) chacun répondant aux ques-tions suivantes :

1 ) Est-ce que cette recherche a modifiévotre pratique d’enseignement en 6ème.En quoi ?2 ) Sur quels points envisagez-vous d’accen-tuer encore cette évolution ? 3 ) Décrivez ce qui mériterait d’être com-muniqué de notre recherche à des col-lègues de math qui enseignent en 6èmeou 5ème .4 ) Qu’avez vous appris de neuf dans cetteexpérience :

a ) sur les contenus enseignés ?b ) sur les façons d’enseigner ces conte-

nus ? c ) sur les élèves ?

Les observations :

Après mise en commun et analyse de nosréponses, il apparaît que la recherche estrévélatrice d’autres moyens d’enseigner. Nousne tracerons pas ici les évolutions indivi-duelles mais signalerons plus globalementque le fait de considérer explicitement laplace de l’écrit dans les apprentissages numé-riques a eu des répercussions individuellesinnovantes et apparaît comme une clé d’accèsà la compréhension de phénomènes et didac-tiques.

Un premier aspect de modification estdans la prise de conscience de l’importan-ce qu’il y a à donner du sens aux contenusmathématiques : “Je veille à donner plusde sens aux nombres décimaux, fraction-naires” “Mon but n’est plus que les élèvessachent faire par “bachotage” et répéti-tions d’exercices mais que les élèves sachentfaire parce qu’ils ont compris ce qu’ils fai-

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saient” “Avant cela représentait très sou-vent une technique, une règle de cuisine quiavait son fonctionnement propre sans avoirpossibilité de recours à une vérification” “Cen’est pas la quantité d’exercices qui estimportante, mais la qualité : que ceux -ciprennent du sens, autant que possible”“Avec ce travail de recherche, les élèves sem-blent moins impatients d’avoir une “recet-te” à faire fonctionner. Ainsi, pour calcu-ler 2:0,1 ou 6:0,2, l’interrogation “où placerla virgule dans le résultat” est moins fré-quente ; elle est remplacée par “combien defois 0,1 dans 2”.

La sensibilisation à l’analyse des tâchesfait aussi partie de découvertes explicitespour certains : “une erreur résulte rarementd’un comportement anarchique de l’élève ;l’erreur est en général le résultat d’une mau-vaise interprétation qu’il faut découvrir poury remédier”.

Cette prise de conscience a parfois des consé-quences sur la gestion de la classe telle qu’elleest vécue par l’enseignant : “Je me permetsplus souvent de faire des exercices qui autre-fois me semblaient être une perte de temps(vu le temps que cela prenait par rapport auprofil tiré). Mais en fait avec le recul, jem’aperçois que ce temps est gagné par lasuite. Exemple : lors de la présentation desnombres décimaux, questionnement par écrittoutes les façons possibles et imaginablesqu’ils ont pour les représente et les expli-quer. Ensuite faire présenter à chacun sasolution aux autres. Cela permet à la longueaux timides de prendre d l’assurance, de for-muler clairement leurs idées et de mettre enplace un esprit critique”.

Même si chez certains quelques inquié-tudes se révèlent par rapport à la perte de temps,

(un enseignant affirme sous forme de bouta-de que ce qui a changé c’est qu’avant larecherche…, il terminait le programme etque maintenant il est un peu mal à l’aise),chez d’autres c’est la gestion du temps qui estvue autrement. Ainsi on trouve plusieurs foisexprimée l’idée de décloisonnement des conte-nus : “Le travail de recherche a renforcé chezmoi l’idée que l’acquisition d’une notion doitêtre étalée sur toute l’année et qu’il fautdécloisonner les chapitres. Ainsi, la notiond’aire a commencé à être vue dans la multi-plication et la division par 10, 100, 1000 puisdans la multiplication de 2 décimaux. Lorsquele chapitre “aires” apparaît, certains jalonsimportants sont déjà posés”

Et surtout très fortement il apparaît quel’appel à diverses formes d’écrits chez nosélèves joue un rôle de régulation dans notrepratique : c’est par les écrits que l’on serend compte de difficultés, de progrès, quel’on connaît mieux les élèves et les tâchesqu’ils ont à remplir… Un autre précise : “Jesuis davantage à l’écoute des enfants. Onse prend plus de temps de faire vraimentle tour de la question, en insistant souventvolontairement chez un élève plus faible”.“Il est judicieux de faire formuler la ques-tion par l’élève avec son propre vocabulai-re, afin de se rendre compte comment il asaisi la question”.

Ces quelques avis constituent déjà uneamorce d’une conclusion possible pour notretravail, cela au moins dans la perspectived’une recherche-action, perspective qui aconstitué une des caractéristiques de notre tra-vail. Mais plus rigoureusement, nous allonsvoir en quoi nous avons répondu aux questionsà la base de notre recherche et souligner lesapports qui nous apparaissent les plus cruciauxde notre travail.

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En conclusion...

Initialement nous nous demandions, dansquelle mesure la diversité et la complexité desécrits et des modes de représentation desnombres et les différentes tâches qui résultentde leurs confrontations pouvaient favoriser etenrichir les apprentissages numériques.

Par la suite, une deuxième question s’estajoutée : il s’agissait d’élaborer et de mettreà l’épreuve différentes procédures permet-tant aux élèves grâce à des productions écritesde réaliser des retours réflexifs sur leursconnaissances. L’hypothèse était que ces écritspourraient servir d’appui efficace pour lesapprentissages considérés.

En ce qui concerne la première question,notre hypothèse était que le fait d’augmenterle nombre de modes représentation et d’écri-ture pouvait apporter une aide aux appren-tissages en jeu. Mais comme chaque modede représentation (graduations, aires) et d’écri-ture (fractions, écriture décimale) implique desapprentissages spécifiques, on pouvait sedemander si cette diversification et cet enri-chissement n’allaient pas au contraire alour-dir les difficultés des élèves. Dans le cadre denotre travail dans nos classes, nous noussommes rendu compte que cela n’était effec-tivement pas facile et nous ne pensons pas pou-voir apporter de procédure modèle d’ensei-gnement dans ce domaine. Mais en revanchenous pensons avoir dégagé un questionne-ment et quelques composantes didactiquespermettant d’optimiser le rapport entre lenombre de représentations et d’écritures et l’aidequ’elles peuvent apporter.

En fait, il nous est apparu que les diffé-rentes écritures et représentations pouvaientavoir des fonctions différentes. Elles peuvent

servir à ce que nous avons appelé des “illus-trations” mais aussi comme des ressortsd’interactions où l’une peut servir d’outil à l’autreou bien faciliter le traitement dans l’autre.Comme “illustrations” nous avons vu qu’ellesne sont pas forcément source de progrès et quedes élèves peuvent parfaitement cloisonner lesdifférents modes de représentations et don-ner des résultats divergents sans en prendreconscience ! Le problème de l’enseignant estalors d’élaborer des situations d’interactions.Mais nous ne rejetons pas la fonction “illus-tration”. En effet dans notre travail, nousavons trouvé une façon de la féconder, par laproduction d’écrits sollicitant un jugementétayé par des arguments s’appuyant sur réfé-rences rencontrées dans les activités et per-mettant ainsi de contrôler ainsi des calculs préa-lablement effectués. Mais, bien sûr dans uncas comme dans l’autre, il s’est confirmé quel’élaboration par l’enseignant de situationsd’interactions ou d’illustrations est condi-tionnée par une analyse préalable des diffi-cultés en jeu. Pour notre compte personnel,cette analyse en ce qui concerne les appren-tissages sur les décimaux représente rienqu’en soi une avancée importante.

En ce qui concerne la deuxième question,l’introduction de procédures permettant auxélèves de faire par écrit un retour réflexif surleurs connaissances, nous venons de voirqu’elles trouvent leur place dans le disposi-tif d’enseignement. En revanche nous deman-dons comment mesurer l’impact de cette intro-duction sur les apprentissages en jeu. Nousn’avons pas de réponse rigoureuse à ce sujet.Mais nous ne pouvons que souligner les effetsque cette introduction a eu dans nos pra-tiques comme moyen d’évaluation et de régu-lation de notre enseignement (voir le paragraphesur les résultats obtenus, côté pratiques desprofesseurs). En particulier dans ce travail nous

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avons montré comment nous avons pu repé-rer l’évolution des conceptions des élèves dansle cas des opérations sur les nombres décimaux.Nous pensons que pour les élèves, il s’agit làaussi d’une façon pertinente de prendreconscience de leurs progressions et de s’appro-prier les connaissances.

Il reste des questions ouvertes dansnotre travail. En particulier, en ce quiconcerne les écrits des élèves permettant unretour réflexif sur leurs connaissances, nousétions dans une phase exploratoire. Uneanalyse plus rigoureuse, d’une part de la typo-logie de ces écrits , d’autre part des proto-coles par lesquels on sollicite et aussi exploi-

te ces écrits dans les classes resterait àfaire pour pouvoir par la suite en observerles effets. En ce qui concerne la typologie,il faudrait par exemple approfondir l’ana-lyse des différents questionnements appe-lant les écrits : portant soit directementsur des contenus mathématiques précis,soit sur des impressions plus générales etc.En ce qui concerne les procédures de pas-sation, dans la plupart des cas ces écrits ontété sollicités de façon individuelle et parfoisexploités de façon collective. Il y a d’autresfaçons de susciter ces écrits (voir rechercheIREM de Paris) et une étude des variablesen jeu serait nécessaire pour pouvoir par lasuite procéder à des observations.

Bibliographie.

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F. Pluvinage, 1977, “Difficultés des exercices scolaires”, Thèse d’Etat, Stras-bourg

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