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TOrTue eT GeOmeTrie DYnAmique Yves MArtin Université de La réunion reperes - irem. N° 109 - octobre 2017 l’espace que de la programmation en elle-même au collège. c’est le cas, pensons nous, des dernières avancées du logiciel de géométrie dynamique dGPad, avec son intégration de Blockly (autre environnement complet de programmation visuelle), et en particulier de la mise en œuvre de sa tortue dynamique qui ouvre des perspectives si nouvelles pour pratiquer la modélisation 3d qu’elle mériterait une réflexion plus appro- fondie pour une éventuelle utilisation scolai- re systématique. 1. — Rapide présentation de DGPad dGPad a d’abord été écrit pour tablettes (Androïd et iOS). rédigé en JavaSc ript, l’application est utilisable aussi comme appli- cation en ligne, et donc sur ordinateur, mais a priori en ligne (il existe néanmoins des ver- sions locales pour Linux et Mac OS X). Même La nouvelle rubrique « algorithmique et programmation » des programmes scolaires (cycles 3 et 4) installe désormais la program- mation visuelle au collège. Même si plusieurs environnements seraient utilisables (dont Snap de l’université de Berkley), compte tenu des contraintes de formation continue et de la richesse des ressources d’autoformation dis- ponibles sur ce logiciel (formations cana- diennes du rEcit, nombreuses chaines You- tube de collègues, en français), il était logique, et assurément réaliste, que l’institution orien- te les enseignants vers une utilisation systé- matique de Scratch pour cette première année de mise en œuvre de la réforme. Pourtant d’autres outils se mettent en place et leurs usages laissent entrevoir que certains pourraient non seulement être un complément significatif de ce que propose actuellement l’institution, voire inspirer des inflexions sur l’évo- lution curriculaire aussi bien de la géométrie dans 23 Cet article est également consultable en ligne sur le portail des IREM (onglet : Repères IREM) : http://www.univ-irem.fr/

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GeOmeTrie

DYnAmique

Yves MArtinUniversité de La réunion

reperes - irem. N° 109 - octobre 2017

l’espace que de la programmation en elle-mêmeau collège.

c’est le cas, pensons nous, des dernièresavancées du logiciel de géométrie dynamiquedGPad, avec son intégration de Blockly (autreenvironnement complet de programmationvisuelle), et en particulier de la mise en œuvrede sa tortue dynamique qui ouvre des perspectivessi nouvelles pour pratiquer la modélisation 3dqu’elle mériterait une réflexion plus appro-fondie pour une éventuelle utilisation scolai-re systématique.

1. — Rapide présentation de DGPad

dGPad a d’abord été écrit pour tablettes(Androïd et iOS). rédigé en JavaScript,l’application est utilisable aussi comme appli-cation en ligne, et donc sur ordinateur, maisa priori en ligne (il existe néanmoins des ver-sions locales pour Linux et Mac OS X). Même

La nouvelle rubrique « algorithmique etprogrammation » des programmes scolaires(cycles 3 et 4) installe désormais la program-mation visuelle au collège. Même si plusieursenvironnements seraient utilisables (dont Snapde l’université de Berkley), compte tenu descontraintes de formation continue et de larichesse des ressources d’autoformation dis-ponibles sur ce logiciel (formations cana-diennes du rEcit, nombreuses chaines You-tube de collègues, en français), il était logique,et assurément réaliste, que l’institution orien-te les enseignants vers une utilisation systé-matique de Scratch pour cette première annéede mise en œuvre de la réforme.

Pourtant d’autres outils se mettent en placeet leurs usages laissent entrevoir que certainspourraient non seulement être un complémentsignificatif de ce que propose actuellementl’institution, voire inspirer des inflexions sur l’évo-lution curriculaire aussi bien de la géométrie dans

23

Cet article est également consultable en ligne sur le portaildes IREM (onglet : Repères IREM) : http://www.univ-irem.fr/

outils sont préfixés, c’est-à-dire que l’on choi-sit l’outil puis les objets associés. On ne s’enaperçoit pas toujours car on a l’habitude et onva assez vite mais cette interface est particu-lièrement « gourmande en clic », surtout s’il ya des menus déroulants.

Eric hakenholz – l’auteur de dGPad – a réflé-chi à une interface plus efficace nécessitantmoins de contact (de « touché ») sur tablette,ou clic de souris sur ordinateur. il a choisi uneapproche radicalement nouvelle, celle des palettescontextuelles à la situation. informatiquement,c’est le choix d’une programmation objet cen-trée sur les objets géométriques et non plus surles outils. Une autre raison de cette réflexion estl’impossibilité de l’anticipation de construc-tions aussi simples que les segments ou lesdroites – comme on le constate dans les versionstablettes d’autres logiciels – si on conserve lalogique des outils préfixés. Avec cette interfa-ce, c’est comme si on venait réveiller un objet(point, droite, segment, polygone, cercle) etqu’il nous proposait tout ce qu’on peut faire aveclui. Les palettes sont alors différentes pour unpoint, une droite, un segment, un cercle …

si les outils sont utilisables à la souris, ilssont d’abord conçus pour tablette, en particulierpour un pointeur non continu (quand le doigtn’est plus au contact de la tablette), avecl’objectif de conserver la même ergonomied’engagement direct que sur ordinateur, voirede l’améliorer parfois. Par ailleurs il n’y a pasde roll-over sur tablette (réaction du logicielau survol d’une partie de l’écran à la souris),donc si on veut réaliser une application de géo-métrie dynamique moderne, qui accompagnela démarche cognitive de l’élève en anticipantses constructions, sur tablette, il faut réin-venter une interface adaptée. L’auteur dedGPad est aussi auteur de carMetal et pour-tant dGPad n’est pas – pas du tout – unetranscription du logiciel précédent plus oumoins adapté à la tablette, c’est un logiciel etune interface entièrement repensés.

1.a. Les palettes contextuelles

chacun a déjà pratiqué GeoGebra, ou cabripour les plus anciens, ou encore carMetal ouautres  : tous ces logiciels ont une interfaceclassique pour leurs outils. On dit que leurs

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conceptuellement, on peut dire que l’on passed’une interface où les outils étaient préfixés (tousles autres logiciels de géométrie dynamique),à une interface où ils sont infixés. c’est une nou-velle habitude à prendre surtout pour les outilsà trois entrées ou plus (cercle circonscrit, angle,polygone). En effet, le système ne peut pasanticiper où le pointeur tactile – le doigt – varéapparaître pour le troisième point du cerclecirconscrit. L’interface doit en tenir comptepour forcer le lieu où l’on attend le pointeur pourconserver des constructions en anticipation.

1.b. Le mode standard et le mode consultation

cette interface qui donne aux objets l’optionde nous présenter tout ce qu’il est possible defaire (16 actions depuis un point) a vite été éva-luée en classe comme trop ouverte. En pratiqueles élèves de seconde qui ont été les premiers 1

à tester le logiciel régulièrement créaient trop depoints alors qu’ils voulaient juste manipulerdes points ou des curseurs. L’option de rajou-ter un mode consultation a été rapidement miseen place (dès fin 2013). Le logiciel dispose dedeux modes  : un mode standard, quand undes outils du tableau de bord est sélectionné, etle mode consultation quand aucun outil n’estsélectionné (on dit aussi le mode « sans outils »).Pour manipuler avec Blockly (et la tortue dedGPad) il faut être en mode standard.

dans le mode consultation, en particulierle repère 3d est plus rapide et il ne se dépla-ce qu’à un doigt (tablette-trackpad) ou clic-gauche-glisser (souris) au lieu de deux doigts(respectivement clic-droit-glisser). Quand oncharge une figure, par défaut elle est en modeconsultation. Un « touché» (un clic sur ordi-nateur) sur un item du tableau de bord faitpasser l’application en mode standard, decréation d’objets.

En classe – surtout sur tablette – on peutapprendre aux élèves à passer d’un mode àl’autre rapidement pour manipuler la figure« en consultation ».

Exemple :

Pliage des 11 patrons du cube en mode consultation :

http://goo.gl/dtawaz

Le tableau de bord de dGPad, est donné ci-dessous sans plus de détail...

1.c. La palette des comportements (elle aussi contextuelle)

Elle apparaît sous chaque objet pour enri-chir soit le comportement, soit l’aspect desobjets (voir l’encadré correspondant en haut dela page suivante).

1 Au lycée professionnel de Saint Joseph dans les classes de david Ethève. Voir ses comptes-rendus sur le site de l’iremde La réunion.

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cette palette de comportement contient :

• des comportements spécifiques (d’où sonnom) : ancrage et aimantation en 2d, pointflottant en 3d ;

• des raccourcis du tableau de bord (inspec-teur, suppression, les expressions) ;

• des réglages qui ne se font que sur la fenêtreelle-même (la position du nom des pointset le déplacement d’objets superposés) ;

• enfin, et pour nous ici, surtout, l’accès à l’inter-face Blockly, et en particulier la tortuedynamique : l’interface Blockly est uncomportement d’objet.

2. — Les spécificités d’une tortue dynamique

Quand on ouvre Blockly sur un point,l’interface propose 5 onglets de comportementspossibles :

Par défaut, on est sur un comportementactivé par un déplacement du point. La tortueest donc un des cinq comportements. Quand onl’active, deux nouveaux items Blockly appa-raissent, un item Tortue bien entendu mais

aussi un item Texte car la tortue peut écrire etsurtout écrire en LateX, ce qui est une nouvellefaçon de mettre du teX dynamique un peupartout dans une figure.

La tortue de dGPad est dynamique. celasignifie plusieurs choses et en particulier quele logiciel construit la trace de la tortue entemps réel. Par exemple pour faire un carré, onpeut, séquentiellement, avoir différentes approches.En voici deux sur un simple carré :

dans une approche (ci-dessus), on place un« avancer » dans la boucle de répétition, aus-sitôt la tortue avance de 4 fois la longueur sou-haitée, puis dès que l’on ajoute un tournergauche, le carré se trace aussitôt.

dans l’autre approche (en haut de la premièrecolonne de la page suivante), on place sur l’envi-ronnement de travail un avancer, la tortue avan-

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ce aussitôt de la longueur voulue, puis on placele tourner gauche, et on voit aussitôt la tortuetourner, puis on place l’ensemble des deux blocsdans la boucle, et le carré se trace aussitôt.

c’est donc une logique très différente de

la démarche classique d’autres logiciels quipermet de ralentir la tortue et la voir faireson parcours. cet aspect dynamique de la tor-tue déplace les problématiques et ouvre desperspectives.

Elle déplace les problématiques car onpeut raisonner en terme d’anticipation et construi-re des activités dans cette optique.

Elle ouvre de nouvelles perspectives car onpeut aussi travailler avec cette instantanéité, surdes modifications en temps réel des instructions,et tester, explorer en direct, spontanément, desangles, des longueurs : là aussi, c’est une autrefaçon de concevoir des activités. On peut aussijouer sur les modifications d’ordre d’instructions,voir ce qui est invariant, voir ce qui change.

Par exemple, il est facile de faire observerque l’algorithme qui construit un hexagonerégulier par centre et point est exactement le mêmeque celui qui le construit à partir d’un dia-mètre, il y a juste une ligne à changer, la lon-gueur du côté :

(tester la modification sur https://huit.re/hexacentrePoint, le code est en A)

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Sur figure précédente, déjà, beaucoupd’élèves ne mettent pas le « tourner droite » avantla boucle, et construisent un hexagone régulierde côté [OA] : travailler sur des points nommésdans la figure permet un apprentissage plusprécis, plus rapide.

Un autre aspect du dynamisme de la tortue,est que, justement, elle s’inscrit dans un envi-ronnement dynamique, et donc que l’on peut uti-liser ces points préalablement construits, et les dépla-cer ensuite : la trace n’est pas statique, elle est biensûr dynamique. Ainsi, cette question du même algo-rithme pour deux constructions est parlante dansun environnement dynamique, avec des points deréférence, car on voit que l’on utilise explicitementces points, que l’on peut les déplacer, alors quela question ne se pose pas vraiment dans une ver-sion non dynamique de la tortue.

La tortue dynamique de dGPad propose unnouveau paradigme d’exploration qui se construitdans une rencontre entre la géométrie dynamiqueet ce que l’on pourrait appeler la programma-tion visuelle dynamique (PVd). nous allons endonner quelques exemples.

3. — Exemple d’activités 2D

3.a. Un nouveau changement de cadre entre l’arithmétique et l’algèbre

L’idée de cette séquence – qui s’inscritdans une continuité avec un travail préalable –est de commencer par une activité « arithmé-tique », avec des nombres bien précis, puisensuite d’étendre les constructions à des« nombres généralisés » que peuvent être les cur-seurs d’entiers. Le fait que l’on produise des figuresintéressantes, probablement inédites pour lesélèves, participe de la dévolution de l’activité.

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dans une première phase (encadré précé-dent), on commence par prendre deux points (pardéfaut ils s’appellent P1 et P2) et sur le premierpoint, on construit un hexagone régulier decôté [P1P2]…

dans une deuxième phase, on se proposede l’itérer 6 fois – comme ci-dessous – en tour-nant de 60° à chaque itération.

dans une troisième phase, on explore« manuellement  » la situation, en modifiantles angles et le nombre d’itérations pour travailler,essentiellement, sur un carré et un octogone (éven-tuellement un pentagone). c’est l’occasion – selonla classe – de simples observations ou de conjec-tures qui peuvent être interrogées  : pour lespolygones avec un nombre pair de côtés, on repro-

duit, finalement, le même polygone dans unetaille double (simple constatation en collège).Les premiers questionnements peuvent porter

Concrétisation de la visualisation des rotationsde l’hexagone : La figure obtenue est trop complexepour être analysée de manière pertinente. Pourmieux voir ce qui est fait, on décide de colorier lepolygone construit, en ajoutant seulement une ins-truction de remplissage dans la première boucle (laplus profonde) après le dessin du polygone.

Les élèves peuvent alors décrire ce qu’il se passe,d’abord d’un point de vue opérationnel en termede variation de couleur. Ensuite, interpréter cettevariation, en termes géométriques, avec plus ou moinsde précision.

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sur le nombre de teintes différentes, et leurrégularité dans les cas pairs, et pourquoi il n’ypas cette régularité avec un nombre de côtésimpair. Selon la classe, on peut attendre desréponses très simples, de l’ordre de la plausi-bilité seulement, ce qui est, didactiquement,tout à fait acceptable dans ce contexte, l’essen-tiel étant la curiosité et le questionnement.

Pourquoi apparaît-il un carré dans laconstruction avec l’octogone ? certains étudiantsde M2 MEEF en td de ticE ont trouvé cettequestion délicate. On voit donc qu’il faut, rela-tiviser les possibilités de questionnement, maisaussi prendre conscience qu’on explore unchamp qui n’est pas encore dans l’environne-ment scolaire et que c’est l’occasion de construi-re des activités (et une culture) sur les figurespartielles extraites.

toutefois l’intérêt de cette séquence n’estpas tellement dans ces questionnements. il estsurtout dans l’introduction, à la phase suivan-te, d’un curseur entier qui sert de variable dunombre de côtés du polygone. La tâche estalors de remplacer les nombres, en particulierles angles, par des expressions algébriques.(huit.re/rotPoly1)

On peut poursuivre dans des variantesexploratrices, par exemple en doublant le nombre

d’itérations de la boucle extérieure et divisantpar deux l’angle de la rotation qui passe d’unpolygone au suivant : (huit.re/rotPoly2)

On n’est plus dans l’analyse de la figure –trop complexe – mais plutôt dans une démarchede « gamification  » (passage à des jeux sérieux)de l’activité géométrique.

Pour montrer au lecteur les possibilités decette tortue dynamique, poursuivons, horsdémarche scolaire : dans l’illustration suivan-te, on place le code initial précédent (de Poly1)

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dans une procédure RotationGene, et, en ajou-tant un curseur d’angle de rotation (a), on peutconstruire la figure et sa rotation dynamique enajoutant deux lignes, comme ci-dessus(huit.re/rotrotPoly1).

2.b. Exemple simple d’utilisation de LateX

La spirale de Pythagore est un bel exemplede subtil changement de cadre entre géométrieet programmation. dans la procédure Spiralesuivante, si on utilise l’angle droit – celui del’équerre du dessin papier crayon – on ne trace,dans un premier temps, que la spirale seule, sansl’hypoténuse. c’est donc la direction de la tor-tue (pivoter vers A) qui fait office de trait vir-tuel d’appui de l’angle droit. En ce sens cet exer-cice est particulièrement intéressant.

La procédure Hypoténuse est ici présentée(encadré page suivante) dans une versionsophistiquée pour montrer l’utilisation du teX.En classe on peut simplement chercher à laconstruire sans faire coïncider l’indice avec laracine carrée. Le principe retenu est de calquerla version papier-crayon, et donc de n’utiliserque des procédés géométriques élémentaires pour,ensuite – dans une version enseignant d’illus-tration – vérifier de résultat de Pythagore.dans cette procédure on retourne en A et onrejoint un point de la trace précédente. La dif-ficulté du côté de l’élève est de bien choisir lesindices. On voit aussi qu’une trace peut sedéfinir à partir des éléments précédents d’elle-même, à la manière d’une suite récursive, sansque le concept ne soit évoqué, il est seulement« en acte » ici.

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Une version finale «  enseignant  » – i.e.non construite par des élèves – permet ensuitede vérifier que la distance d’un point de la spi-rale au point A d’origine est bien égale à la raci-ne carrée annoncée :

ceci est possible car la figure initiale estconstruite dans le repère des unités du logiciel(la tortue avance d’une unité), indépendantd’un zoom à la souris par exemple. En pratiqueon se donne un curseur entier (k) et un point Mpréconstruit. Et sur M on place le comportementqui le positionne à la (k + 2)-ème position dela tortue. c’est encore un autre aspect, plustechnique, du dynamisme de la tortue.

huit.re/BalladeSurPytha

2.c. Quand la tortue devient elle-même algébrique

Une autre approche tout à fait nouvelle, etdidactiquement très prometteuse, de la tortuedynamique réside dans l’utilisation de la posi-tion de la tortue. Le fait que l’on soit dans unenvironnement dynamique peut donner à cetteposition, selon les activités, soit une dimensionarithmétique, soit une dimension algébrique. Onpeut même utiliser ce type de programmationcomme travail d’approche de la notion devariable.

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Voyons un exemple de base sur le paral-lélogramme. comme la tortue ne crée pasd’objets dGPad, on se propose de modifier –par un comportement – le sommet d d’un qua-drilatère ABcd pour qu’il devienne un paral-lélogramme. Le principe est le suivant : la tor-tue part de A, elle parcourt la moitié de Ac, puispivote vers B et recule de la distance entre elleet le point c. dans la dernière instruction, la posi-tion de la tortue est, de fait, une variable qui estutilisée dans un programme de constructiongéométrique. Ensuite, le point d est position-né, par la tortue, à sa position.

dans le cadre d’un travail sur la commu-nication, on peut introduire la notion de procédurequi ne sert ici qu’à rendre compte des différentesétapes à effectuer. Voir le déroulement résumédans l’encadré de la page suivante…

On peut envisager des exercices plus sub-tils, avec des calculs intermédiaires. Par exempleregardons cette mission de la tortue : partant deA la tortue doit transformer les sommets B etd du quadrilatère ABcd pour qu’il devienneun losange de diagonale [Ac] et de côté AB.(figure en ligne : huit.re/QdvsLosange)

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ce qui peut s’appliquer ainsi :

Figure en ligne : huit.re/QdvsParallelo

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L’exercice est décrit symboliquement ci-dessous en quatre étapes. Seule l’étape 1 est unpeu délicate car il faut utiliser le résultat de Pytha-gore pour redéfinir la position de B. L’activi-té est algorithmiquement subtile, même si celapeut passer inaperçu en classe, car on com-mence par positionner la tortue à la future placeB, calculée avec Pythagore et la longueur AB(Etape 1), puis on déplace B sur la position encours de la tortue (Etape 2). non seulement cela

fonctionne (pas de boucle logique) mais deplus c’est tout à fait dynamique : si on dépla-ce c, la position de B est recalculée et remiseà jour. cette subtilité de l’implémentation deBlockly dans ce contexte dynamique sera déve-loppé plus conceptuellement dans la dernièrepartie de cet article.

Entre ces deux extrêmes de nombreusesvariantes sont possibles, surtout si, finalement,

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on ne cherche pas à déplacer les points (il fautfaire attention à la récursivité qui guette, on estprécédemment — page 35 — à la frontière dupossible) mais plus à définir une figure, sousforme de trace, à partir d’une autre.

Voici un exemple de ce type d’activité : SoitABCD un quadrilatère. La nouvelle mission dela tortue est de réaliser un carré de sommet Aet de sommet opposé à A le milieu de [CD]. Elledoit redéfinir B comme sommet du carré, et ter-miner le carré. La tortue laissera visible toutesses traces préliminaires ou intermédiaires enbleu, le carré final sera en rouge, avec ses 4 côtés.(Encadré page 36 et : huit.re/Qd_carre1)

L’activité peut même être structurée autourd’un défi qui proposerait de construire la figu-re en un minimum de lignes de programme.

L’outil « position de la tortue » n’algébri-se pas nécessairement une situation. Parfois

elle reste dans un registre arithmétique commepar exemple cette nouvelle représentation del’intersection des médianes au tiers depuis le milieudu côté opposé :

Voici, dans le cadre ci-dessous, la construc-tion à la tortue, dans une version élève, desbissectrices d’un triangle à partir de la pro-priété de médiane d’un triangle isocèle… Onvoit sur ces exemples élémentaires combien

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cette rencontre entre la géométrie dynamiquemunie d’une tortue et la programmation visuel-le, quand elle est, elle aussi, dynamique commeici, active une réflexion algorithmique origi-nale et féconde qui invite à une explorationdidactique plus approfondie.

4. — Tortue 3D dynamique

il existe déjà une tortue 3d dans Géo-tortue. Le site propose la construction géné-rique des polyèdres réguliers et de plusieurspolyèdres archimédiens. toutefois le codedes figures s’inscrit dans le contexte d’unrepère absolu, avec un retour systématique àl’origine entre les faces. dans un contextedynamique, la géométrie de la tortue 3d prendune tout autre dimension. Elle simplifie énor-mément les constructions et offre, comme en2d, un regard neuf, innovant, extraordinaireà explorer et à enseigner. nous allons en don-ner quelques aperçus élémentaires, en restantdans une utilisation scolaire.

4.a. Une première approche, le « pivoter vers le haut »

La tortue 3d est une flèche, verte sur sa cara-pace (le haut), noire sur le ventre (le dessous).

Si l’on travaille des constructions pas à pas, paressais-erreurs, voir la tortue 3d pendant laconstruction est un atout important. Par ailleursun outil de réinitialisation des angles permet aussi,parfois, de simplifier grandement la réflexionet d’aller plus vite dans les réalisations.

L’utilisation la plus simple est celle quiutilise des pavés droits, en pratique des cubes.En effet l’outil 3d le plus immédiat, car per-ceptivement le moins orienté, est le pivotervers le haut. La tortue monte dans le sens de sadirection. il n’est utile que si la tortue est ortho-gonale à l’axe de rotation, ce qui est naturelle-ment le cas sur les faces carrées, même si ce pointlà reste une donnée non perçue explicitementpar les élèves. c’est seulement quand on utili-sera un autre outil, le pivoter vers la gauche,que cet implicite s’explicitera plus facilement.

Voici (cadre A ci-dessous) un exemple deconstruction d’un cube – et donc de ses 12arêtes – par 4 carrés. Soient 2 points A et B surle plan du sol, on se propose de construire uncube de côté [AB]. Pour cela on commence parconstruire une face, disons la « face avant » sila face contenant [AB] est une face à droite.

On voit bien les implicites opérationnels :pointant vers B, le pivoter vers le haut de 90°

encadré A

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place la tortue dans cette face orthogonale à [AB].L’utilisation didactique de cette opérationnali-té implicite n’est pas un problème, c’est une sim-plification qui éventuellement, permet de ren-trer dans une phase de recherche a-didactique.ces implicites seront verbalisés plus tard, quandil faudra en rendre compte, ou quand ce sera plusefficace de faire autrement.

La position de la tortue permet d’anticipersur la suite. Elle montre qu’il faut abaisser latortue sur le sol, avancer d’une arête, puis tour-ner à droite, avant d’itérer ce qui précède et cestrois instructions, le tout quatre fois. comme lesconstructions se font en temps réel, il faut choi-sir ce que l’on place en premier, soit l’itération(la boucle) soit les instructions nouvelles.

encadré B

encadré c

encadré d

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dans le cas de la boucle placée d’abord (illus-tration cadre B), il faut un peu d’habitude,pour voir qu’il manque, dans l’état de laconstruction ci-dessus, seulement une ins-truction. c’est une nouvelle culture, celle dela tortue dynamique, qui se construit dans letemps. ceci étant, il est plus simple, et didac-tiquement bien plus parlant, de placer (commedans le cadre c) les trois instructions avant d’ité-rer le tout dans une boucle.

On voit mieux, compte tenu de la positionde la tortue, orthogonale à l’arête [AB], qu’unsimple « répéter 4 fois » construit un cube, à par-tir de 4 carrés : cadre d.

La construction étant terminée, on remar-quera que la construction de 4 carrés permetde visualiser les 6 faces, mais que l’on n’a pasconstruit les 6 faces. Pour s’en rendre comp-te, il suffirait de remplir les carrés juste aprèsla boucle interne.

Figure en ligne : https://huit.re/cube4carres

En classe, on peut entamer une réflexionsur ce qui a été fait : combien a-t-on construit

de segment ? Quelles sont les arêtes construitesen double ?

Sur cette base-là, beaucoup de choses sontréalisables sans trop d’effort : le cuboctaèdreen ne traçant que 6 carrés, et même le rhombi-cuboctaèdre (ci-dessous) en ne traçant que 6 octo-gones réguliers, sans avoir à tracer de carrés.

Un objectif spécifique à cette dernière acti-vité pourrait être de chercher une programma-tion compacte – on dira factorisée – afin de pro-poser aux élèves une décontextualisation de lafactorisation (de l’algèbre) en l’appliquant à desprocédures de construction. d’une certainefaçon on peut dire que c’est, de la part d’un ensei-gnant de mathématique, une instrumentalisa-tion « algébrique » d’une réflexion naturelle surl’optimisation du code d’une procédure.

dans cette optique, voici (ci-dessous) unepremière partie de la construction, dont unefactorisation est mise en œuvre dans la procé-dure Partie Verticale : le fait d’avancer et detourner avant de tracer l’octogone vertical per-met, en plaçant ces trois blocs dans une boucle,

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de construire l’ossature verticale du polyèdreen quelques lignes.

À la fin de la procédure, la tortue est en A, orien-tée vers B. Pour terminer la construction, il suffitde la placer au bon endroit, de réaliser une procé-dure UnOctogoneH et de l’appliquer deux fois.

Figure : huit.re/rhombicuboAB (écrire OA à la place de AB pour centré en O)

4.b. Un patron de cube pliable, à la tortue, en trois étapes

toujours avec cette simple instruction« pivoter vers le haut », on poursuit vers la pro-grammation de figures tout à fait surprenantespar leur simplicité technique.

Étape 1 : une procédure d’initialisation construitun carré de côté [AB] dans le plan du sol. Onplace la tortue orthogonalement à l’arête [AB](le tourner à droite ci-dessous) :

Étape 2 : un curseur a de 0 à 90° représentel’angle de pliage du patron. dans cette étapeon construit une procédure Face qui permetde factoriser la partie latérale du patron stan-dard dans une boucle. cette procédure Facen’est rien d’autre que la construction d’uncarré précédée d’une rotation vers le haut dela tortue de l’angle a du curseur :

il suffit (ci-dessous) de répéter la procédurepuis d’avancer d’une arête : localement on pivo-te de l’angle a, sur l’arête qui convient.

Le lecteur percevra sur cet exemple la sim-plification apportée par un travail en local, c’est-à-dire dans le repère propre de la tortue, parrapport à une démarche basée sur des produitsde matrices 3x3 dans un repère absolu.

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Étape 3 : ajout des deux dernières faces.

il est facile de construire la fin du patron enregardant, pas à pas, où est la tortue  : ladémarche est donc opérationnelle. chacunpeut suivre la construction de la face gauchedepuis la position précédente de la tortue.

On arrive donc, avec une seule instruction3d de la tortue, pivoter vers le haut (ou le basune fois), sans aucun calcul, ni d’angle, ni delongueur, à construire un patron pliable de cubeen quelques procédures élémentaires à réaliser.

Figure : huit.re/cube1PatronAB (OA à la place de AB pour centré en O)

Quatre patrons à la fois :huit.re/cube4PatronsAB (ou OA à la place de AB)

4.c. « Pivoter vers la gauche », l’instruction générique de la 3D des polyèdres

L’exemple précédent est simple car le pivo-ter vers le haut s’applique toujours. En effet, latortue étant orthogonale à l’arête à chaque sortiede « Face », cela correspond à une rotation selonun axe orthogonal à la direction de la tortue. Surdes exemples plus généraux, on utilisera plutôt un« pivoter vers la gauche » qui correspond à unerotation dans l’axe de la tortue. En pratique, pourtoutes les autres situations que le cube et le pavé,c’est cette instruction qui est à privilégier. À titred’illustration, montrons – hors cadre du collège,plutôt pour le lycée – comment réaliser le patronstandard pliable d’un tétraèdre régulier :

On suppose avoir déjà fait une procédured’initialisation avec un triangle équilatéral dansle plan du sol :

La tortue est sur une arête de la face du sol. Pourtracer une face (2 côtés seulement, sans finir la face,pour pouvoir itérer plus facilement), il suffit de :

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• pivoter sur l’arête de l’angle voulu (ligne 1),• tracer les deux côtés du triangle équilaté-

ral (les lignes 2 à 5 ci-contre),• remettre la tortue dans le plan de l’arête sui-

vante, dans la bonne direction, pour itérer laprocédure (les 3 dernières lignes ci-dessous).

Visualisons ces trois dernières lignes :Illustration 1 : on vient de finir la face par le

tracé de la seconde arête. La tortue est doncdans le plan de la face, dans la direction decette seconde arête.

Illustration 2 : par une rotation (tourner, dansle plan de la face) de 30°, on place la tortueorthogonalement à la face tracée et donc à l’arêtede cette face au sol.

Illustration 3  : un pivoter vers le haut del’angle du curseur replace alors la tortue dansle plan du sol (car elle est déjà orthogonaleà l’arête de la face, au sol).

Illustration 4 : par une rotation (tourner, dans leplan du sol) on positionne la tortue sur l’arête sui-vante, ce qui permet ensuite d’itérer la procédure.

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ces illustrations montrent à quel point lavisualisation de la tortue en temps réel est unapport didactique essentiel et comment ellepermet (et oblige à) une appropriation fine del’espace, au moins, par exemple, en formationinitiale des enseignants.

Mathématiquement, ces trois opérationsne sont, bien entendu, pas commutatives. cetteprocédure UneFace illustre aussi que la com-posée de rotations dans l’espace n’est pas com-mutative, et la présence de la tortue montreclairement l’ordre dans lequel il faut effectuerles opérations  : cela peut même être utilisécomme outil d’illustration en formation initia-le des étudiants en licence sur le produit dematrices.

Pour terminer ce patron, il suffit d’itérer cequi vient d’être fait :

On peut voir aussi cet autre patron :

huit.re/Patrontetra2

cette technique s’applique sans problèmeà des figures plus complexes (hors contextescolaire ou de formation), comme par exemple :

trois patrons du dodécaèdre : huit.re/dodeca_3patrons.

cinq patrons du ballon de football (32faces) : huit.re/Ballon_5patrons.

Même figure en version animée : huit.re/Ballon_5Panim.

Patron du snubdodécaèdre (92 faces) :huit.re/Snub_dodeca.

Patron du rhombicosidodécaèdre (62 faces) :huit.re/rhombicosidodeca_Patron

Même figure en version animée :huit.re/rhombicosi_Anime.

5. — Les possibilités du Blockly de DGPad hors contexte tortue

L’adaptation de Blockly dans un logicielde géométrie dynamique permet un enrichissementsurprenant du logiciel initial, voyons quelquesexemples.

2.a. Exemple d’utilisation en cours à l’université, en L1 GéoSciences

dans cet exemple, il s’agit d’illustrer demanière dynamique, en manipulation directe,une simulation du modèle proie/prédateurdans une variante dite «  de compétition  »(avec deux lois logistiques) du modèle initialde Volterra. Le contenu de ce cours n’est pasparticulièrement technique mathématique-ment, la maquette insiste sur la dimension «des-criptive  » des mathématiques abordées. ils’agit donc surtout de donner à voir et à mani-huit.re/Patrontetra1

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puler en td autour de ces phénomènes. L’inté-rêt ici est d’observer, dans le cas d’un pointrépulsif, le comportement temporel du modè-le : sur la trajectoire (verte - du champ de vec-teur), on ne voit pas réellement que le pointmobile M frôle longtemps le point répulsifavant la répulsion, c’est-à-dire pendant denombreuses itérations – donnée manipulableavec un curseur. Plonger la trajectoire classiquedans sa temporalité de courbe intégrale estune illustration très enrichissante. On voitréellement le point proche du point d’équilibrerépulsif, sur la durée. cette figure est faiteavec Blockly, sur des listes de segments,l’interface générale de la géométrie dyna-mique permettant de faire varier tous les para-mètres de la situation.

dans l’illustration ci-contre :

• le champ de vecteurs de l’espace de phase(du plan de la trajectoire) est produit par unaspect des listes de segments qui n’existeque dans l’environnement Blockly (ajou-té amicalement par l’auteur pour ce cours) ;

• la trajectoire verte est produite par uneprogrammation de runge Kutta du systè-me, en Blockly (la seule chose non trivia-le de cette figure) ;

• La courbe intégrale rouge n’est qu’un jeud’écriture avec la liste précédente.

La courbe intégrale permet de voir que, pourcertaines positions initiales de M, le pointrépulsif, intersection des deux isoclines, estlonguement approché avant de devenir brus-quement répulsif. Sur la figure on a fait appa-raître un segment pointillé pour voir le pointd’équilibre dans le temps.

En termes de programmation, la courbe rouge(3d) se construit à partir de la trajectoire vertede la façon suivante : on introduit le temps (dis-crétisé par le compteur i) en première coordonnée,et on déploie les coordonnées de la trajectoi-re (liste M_rK4) dans le temps :

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Remarque : c’est le comportement d’une listequi existe. Le terme créer de la première lignesignifie essentiellement « initialiser ». On ne créepas, on modifie les objets.

La figure standard (ci dessus) :https://huit.re/competition3d1

La même avec animation temporelle :

https://huit.re/competition3dt1

Voltera simple :

https://huit.re/Volterra3d(ou 3dt pour animation)

Volterra logistique :

https://huit.re/LVLogistique5

[la manipulation directe – du point M, des cur-seurs – est beaucoup plus rapide sous chromeque sous Firefox par exemple]

5.b. Auto-référence et rupture du déterminisme

L’utilisation de Blockly, dans un logicielde géométrie dynamique peut être bien plusconceptuelle. En effet celui-ci autorise l’auto-référence des objets (essentiellement des pointset des listes), et cela permet de rompre le déter-minisme des logiciels de géométrie dynamique(Gd dans la suite), et donc d’accéder à d’autreschamps d’investigation, en particulier dans desréalisations plus didactiques par exemple.Voyons cela en détail.

Déterminisme et continuité

En Gd, on parle de déterminisme poursignifier qu’une figure reprend sa position ini-tiale quand les objets initiaux reprennent leurspositions initiales. cela paraît être un minimumdu cahier des charges d’un logiciel de géo-métrie dynamique (avec d’autres propriétés) maiscela ne va pas de soi car cette propriété est, en

général, en contradiction avec la demande decontinuité – et en particulier de continuité desintersections. Par exemple la version 1 de cin-derella, le logiciel de Ulrich Kortenkamp, étaittotalement continu (en particulier les inter-sections de coniques étaient continues  !) etdonc non déterministe, ce qui n’était pas un pro-blème pour l’utilisation au niveau d’ensei-gnement où il était utilisé (Bac +4). La version2 de cinderella – celle actuellement dispo-nible en ligne – est déterministe, pour une uti-lisation scolaire.

Une des tâches des pionniers de la géométriedynamique a donc été de concilier la contrain-te du déterminisme et des choix pertinents decontinuité. Pour cela l’auteur de cabri Géomètre,Jean Marie Laborde, avait institué un engage-ment direct très subtil sur les intersections : quandon prend dans cabri, une intersection droite-cercle« à la volée » (ie sans créer les deux intersec-tions par l’outil d’intersection), il y a conti-nuité de l’intersection retenue même quand lerayon du cercle (par exemple défini par 3 points)passe par l’infini et que le cercle change d’orien-tation. cette technique a depuis été reprise partous les logiciels, et parfois systématisée (au moinspar GeoGebra).

Exemple de rupture de déterminisme

Avant dGPad, seul carMetal avait déjà unepotentialité d’autoréférence des points qui per-met de briser le déterminisme d’une figured’une manière ciblée, choisie par l’utilisateur,tout en permettant un retour au déterminismesi nécessaire, dans la même figure. cette fonc-tionnalité était présente dans son noyau carmagistralement écrit par rené Grothmann. Lafigure dite «  du thermomètre à mémoire  »,archétypique de cette situation, a été déjà pré-sentée sous carMetal. Voici une versiondGPad, réalisée en Blockly : sur une droite hori-zontale, pilotée par un point P, on place un

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point M et des points Min et Max qui peuventêtre créés au préalable n’importe où sur la page.ils vont représenter les abscisses minimales etmaximales que va prendre le point M dans unemanipulation de l’utilisateur. Le point Min,restant au minimum du déplacement de M, y com-pris quand M revient à une position initiale, ily a rupture de déterminisme et la figure ci-dessus contient en mémoire (une partie de)l’action de l’utilisateur. ce n’est donc plus dela géométrie que l’on fait, mais de la cinéma-

tique à mémoire. L’écriture est toute simple, carelle est auto-référente, le point Min est définià partir du point Min. Le tour de force est ducôté du programmeur qui a fait en sorte que cecifonctionne (alors que Blockly justement a prio-ri ne le permet pas, voire même pas du tout, aucontraire).

On peut retrouver une position initiale (ouen fixer une) en activant, sur le point P, le com-portement de déplacement suivant :

Utilisation en ligne : huit.re/thermo1

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Exemple d’utilisation scolaire : l’entrée dans lechamp fonctionnel en début de lycée confron-te l’élève à un nouveau paradigme, avec des pro-priétés qui ont un sens global (sur un interval-le, comme le sens de variation) alors que, avecl’apprentissage de l’algèbre, les problématiquesdes années précédentes étaient uniquementlocales. La difficulté est renforcée dans la mesu-re où, pour enseigner le global, on va se cen-trer sur du local (dérivation en un point) et dulocal universel : une propriété locale vraie entout point d’un intervalle (dérivable sur unintervalle), concept que les élèves identifient sou-vent à la définition d’une propriété globale.

La méthode précédente permet de tra-vailler cette question essentielle de différen-tiation entre le global et le local universel.Voici une visualisation explicite des extremalocaux (en construction) d’une fonction par pré-gnance kinesthésique des positions extrêmesdes ordonnées.

Bien entendu nous sommes ici loin, très loin,des problématiques fondamentales sur les ques-tions de réification des concepts mathéma-tiques, et de cette époque où les mathématiciens(Frege entre autres) ont fait sortir l’étude desfonctions de la cinématique du point, y com-

Manipuler la figure en ligne : huit.re/Extrema (on peut placer A, B, c, d pour illustrer qu’un extre-mum local n’est pas nécessairement global). de nombreuses variantes sont possibles.

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pris dans les programmes scolaires, puisquec’est bien cela que cette figure réintroduit,comme support temporel de représentationd’un concept global.

cette figure est alors une illustration concrè-te des propos de Michel Serre, dans « Petite Pou-cette2 », quand il explique que « le cognitif pro-cédural  »… «  celui que j’appelle PetitPoucet…  l’emporte sur Socrate ! retournementplus que millénaire dans la présomption decompétence ! »

Conclusion

Après avoir exploré rapidement la pertinencede la notion de tortue dynamique en 2d, nousvenons de voir la puissance que ce conceptdéploie en 3d, avec simplicité, sans calculs, eninstallant un rapport direct avec les probléma-tiques de la géométrie dans l’espace, y comprisau lycée et au-delà si on le souhaite.

il serait intéressant de faire connaître plusavant cette tortue dynamique construite au cœurmême du nouveau programme de collège, dansune rencontre entre deux outils en manipulationdirecte que sont la géométrie dynamique et laprogrammation par bloc, rendant, aussi cette der-nière dynamique.

L’existence d’un seul outil ne peut proba-blement pas modifier les orientations curricu-laires générales d’un programme. néanmoins,force est de constater qu’une tortue 3D dyna-mique comme celle de dGPad modifie en pro-fondeur le rapport à la pratique de la géométriedans l’espace chez l’utilisateur, qu’il soit étu-diant, enseignant ou élève, et ouvre des pers-pectives si innovantes, dans l’esprit des pro-

grammes actuels, qu’il serait intéressant, d’unefaçon ou d’une autre d’en tenir compte insti-tutionnellement.

Compléments

cet article n’a pas abordé la prise en mainde l’interface, ces points sont détaillés dansles deux articles suivants :

• pour le Blockly de dGPad : http://revue.sesa-math.net/spip.php?article863 ;

• spécifiquement pour la tortue:http://revue.sesamath.net/spip.php?article875 (très long article dont celui-ci est inspiré).

ces deux articles détaillent la constructiond’environ 160 figures, environ 40 en Blocklyet environ 120 avec la tortue.

• Les spirolatères, avec une utilisation enclasse de 4° de la tortue de dGPad

http://revue.sesamath.net/spip.php?article934

irem.univ-reunion.fr/IMG/pptx/spirolateres_irem_fev2017.pptx

La tortue de dGPad ayant été implémen-tée en mai-juin 2016, au moment de la rédac-tion de cet article il y avait encore peu de sitesqui en traitait. Outre les précédents, citonsl’irem de toulouse, dont la communication àl’APMEP en octobre 2016 :

http://www.ires-tlse-mathsetnumerique.fr/Ate-lierLyon/index.htmlEt cet atelier à Limoges (2017)

http://www.ires-tlse-mathsetnumerique.fr/Ate-lierLimoges/index.html

L’auteur de dGPad, Eric hakenholz, pourses cours en collège, a une utilisation très dif-férente de sa tortue, avec une utilisation systé-2 « Petite Poucette » 2012 – Editions du Pommier - cha-

pitre sur l’algorithmique ; pages 73 à 76.

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matique du teX. il propose de superbes exer-cices sur les fractions et les nombres décimaux.

On consultera avec intérêt ses pages decours qui contiennent des liens sur toutes sesfigures :

* en 5° géométrie huit.re/coursEric_Angles_tr ;

* en 5° sur les relatifs huit.re/coursEric_relatifs ;

* en 4° sur le triangle rectangle huit.re/coursEric_pytha ;

* en 5° sur les fractions  huit.re/coursEric_Fractions

deux iBooks dynamiques (figures mani-

pulables dans le livre), en téléchargement gra-tuit pour faire connaître ces possibilités, sont dis-ponibles sur AppStore pour Mac OS X ou iOS(iPad)

cours L1 sur Volterra :

http://itunes.apple.com/fr/book/id1223516709

ce cours (50 pages – 25 figures – 50 Mo) seracomplété début 2018 d’un chapitre qui détaille-ra, pour les collègues, la façon dont ces figuressont réalisées.

Blockly tortue et dGPad :

http://itunes.apple.com/fr/book/id1231386212

Livre de 186 pages dont 82 figures – 240 Mo– détaille et complète cet article.