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Progrès en Urologie (2000), lU, 271-276 ARTICLE ORIGINAL Les gangrènes Aspectsépidémiologique'" diagnostiques et thérapeutiques. A propos de 32 cas René HODONOU, Prince-Pascal HOUNNASSO, Dansou Gaspar GBESSI. César AKPO Clinique Universitaire d'Urologie, CHU de Cotonou, Bénin RESUME But : Décrire les caractéristiques des gangrènes de la sphère génitale masculine en vue d'une meilleure prise en charge thérapeutique. Matériel et Méthodes: Dans le service d'Urologie du CHNU de Cotonou au Bénin, trente quatre dossiers de malades hospitalisés et traités sur une période de 8 ans et 8 mois pour gangrènes pénG-périnéG-scrotales ont été dépouillés. Trente-deux ont été inclus dans cette étude rétrospective. Les aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de l'affection ont été analysés. Résultats: Les auteurs relèvent que les gangrènes pénG-périnéG-scrotales ont une fré- quence faible, 4 cas par an avec un pic de 8 cas en 1993, et que les sujets âgés de 40 à 70 ans sont les plus exposés, représentant environ 72% des cas. Les lésions, prenant scrotum et verge le plus souvent (56,25%) sont caractérisées par un oedème, une nécrose tissulaire plus ou moins étendue et, parfois, par une crépita- tion gazeuse (gangrène gazeuse). n est mis en évidence, d'une part la sténose uré- thrale (31,25%) comme facteur favorisant prépondérant, d'autre part de nombreux germes pathogènes comme facteurs déterminants dont Proteus mirabilis, Proteus aeruginosa, S. aureus, K1ebseUis pneumoniae, etc. Le traitement comporte une phase d'urgence médicG-Chirurgicale suivie d'une phase assez astreignante faite de panse- ments et de surveillance pour une cicatrisation dirigée. Il aboutit à 78,12% de guéri- sons. Conclusion: Les gangrènes péno-périnéo-scrotales sont une affection grave. Le taux de mortalité de 21,88% est assez élevé. Un diagnostic précoce basé sur les données cli- niques permettra, en association avec la prévention de la sténose uréthrale, d'en amé- liorer le pronostic vital. Mots clés: Gangrènes péno-périnéo-scrotales, traitement médical et chirurgical. Les gangrènes péno-périnéo-scrotales sont des lésions MATERIEL ET METHODES graves de nécrose plus ou moins étendues intéressant scrotum et verge, scrotum et périnée ou scrotum, verge Du lerjuillet 1989au 28 février 1998, trente-quatre et périnée mais parfois des lésions du scrotum seul. cas de gangrènes péno-périnéo-scrotales ont été hos- pitalisés et traités à la Clinique Universitaire Devant cette affection d'évolution rapide et imprévi- d'Urologie du CNHU de Cotonou. Deux cas ont été sible, il n'a pas toujours été possible dans notre contex- exclus pour insuffisance d'informations. Cette étude te de travail de préciser le délai écoulé entre les pre- essentiellement rétrospective est basée sur la collec- miers signes et le diagnostic, les malades se faisant trai- te des dossiers de malades. Le rempl issage des fiches ter d'abord chez les «tradi-praticiens» avant de recou- préétablies comportant entre autres l'année de la sur- rir à l' hôpital. Trente-deux observations ont été colligées et ont per- Manuscrit reçu: mai 1999, acceplé : février 2000. mis d'analyser les aspects étiologiques, diagnostiques Adresse pour correspondance: Dr. C. Akpo, Clinique Universitaire d'Urologie, et thérapeutiques de gangrènes péno-périnéo-scrotales. Centre National Hospi13lier et UnivL-rsitaire de COlonoU, Cotonou. Bénin. 271

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Progrès en Urologie (2000), lU, 271-276• ARTICLE ORIGINAL

Les gangrènes péno-périnéo~scrotales. Aspectsépidémiologique'" diagnostiques et thérapeutiques. A propos de 32 cas

René HODONOU, Prince-Pascal HOUNNASSO, Dansou Gaspar GBESSI. César AKPO

Clinique Universitaire d'Urologie, CHU de Cotonou, Bénin

RESUME

But : Décrire les caractéristiques des gangrènes de la sphère génitale masculine en vue d'une meilleure prise en charge thérapeutique.

Matériel et Méthodes: Dans le service d'Urologie du CHNU de Cotonou au Bénin, trente quatre dossiers de malades hospitalisés et traités sur une période de 8 ans et 8 mois pour gangrènes pénG-périnéG-scrotales ont été dépouillés. Trente-deux ont été inclus dans cette étude rétrospective. Les aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques de l'affection ont été analysés.

Résultats: Les auteurs relèvent que les gangrènes pénG-périnéG-scrotales ont une fré­quence faible, 4 cas par an avec un pic de 8 cas en 1993, et que les sujets âgés de 40 à

70 ans sont les plus exposés, représentant environ 72% des cas.

Les lésions, prenant scrotum et verge le plus souvent (56,25%) sont caractérisées par un oedème, une nécrose tissulaire plus ou moins étendue et, parfois, par une crépita­tion gazeuse (gangrène gazeuse). n est mis en évidence, d'une part la sténose uré­thrale (31,25%) comme facteur favorisant prépondérant, d'autre part de nombreux germes pathogènes comme facteurs déterminants dont Proteus mirabilis, Proteus aeruginosa, S. aureus, K1ebseUis pneumoniae, etc. Le traitement comporte une phase d'urgence médicG-Chirurgicale suivie d'une phase assez astreignante faite de panse­ments et de surveillance pour une cicatrisation dirigée. Il aboutit à 78,12% de guéri­sons.

Conclusion: Les gangrènes péno-périnéo-scrotales sont une affection grave. Le taux de mortalité de 21,88% est assez élevé. Un diagnostic précoce basé sur les données cli­niques permettra, en association avec la prévention de la sténose uréthrale, d'en amé­liorer le pronostic vital.

Mots clés: Gangrènes péno-périnéo-scrotales, traitement médical et chirurgical.

Les gangrènes péno-périnéo-scrotales sont des lésions MATERIEL ET METHODES graves de nécrose plus ou moins étendues intéressant scrotum et verge, scrotum et périnée ou scrotum, verge Du lerjuillet 1989au 28 février 1998, trente-quatre et périnée mais parfois des lésions du scrotum seul. cas de gangrènes péno-périnéo-scrotales ont été hos­

pitalisés et traités à la Clinique UniversitaireDevant cette affection d'évolution rapide et imprévi­ d'Urologie du CNHU de Cotonou. Deux cas ont été sible, il n'a pas toujours été possible dans notre contex­

exclus pour insuffisance d'informations. Cette étude te de travail de préciser le délai écoulé entre les pre­ essentiellement rétrospective est basée sur la collec­miers signes et le diagnostic, les malades se faisant trai­ te des dossiers de malades. Le rempl issage des fiches ter d'abord chez les «tradi-praticiens» avant de recou­

préétablies comportant entre autres l'année de la sur­rir à l'hôpital.

Trente-deux observations ont été colligées et ont per­ Manuscrit reçu: mai 1999, acceplé : février 2000. mis d'analyser les aspects étiologiques, diagnostiques Adresse pour correspondance: Dr. C. Akpo, Clinique Universitaire d'Urologie, et thérapeutiques de gangrènes péno-périnéo-scrotales. Centre National Hospi13lier et UnivL-rsitaire de COlonoU, Cotonou. Bénin.

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R. Hodonou et coll.. Progrès en Urologie (2000), JO. 271-276

venue de la maladie, l'âge de chaque patient, la loca­lisation et l'étendue des lésions, le résultat des prélè­vements bactériologiques effectués, .es facteurs fa vorisants, les patho logies associées, le traitemen t, les résultats thérapeutiques et la durée d'hospitalisa­tion.

Les patients n'ont pas bénéficié de tous les progrès actuels de la thérapeutique et de la réanimation médi­cale

- L'antibiothérapie associant ~ lactamine, aminoside et dérivé nitro-imidazolé a été souvent interrompue faute de moyens fmanciers pour être remplacée par des anti­biotiques disponibles,

- L'oxygénothérapie hyperbare n'existe pas pour la prisé en charge notamment des cas de gangrène gazeuse;

- La réanimation médicale a été effectuée sous contrô­le de l'ionogramme sanguin, pour la rééquilibration hydro-électrolytique. La séro-vaccination antitétanique a été systématique. faute de moyens du contrôle de l'héparinémie, l'hèparinothérapie est d'application timi­de dans notre contexte tropical; l'apport calorique éner­gétique rare faute de moyens.

Par contre la prise en charge chirurgicale de ces patients a été plus ad6:juate comportant la biparti tion scrotale, l'évacuation des collections, l'excision des tissus nécrosés jusqu'à la limite du saignement des plaies, l'irrigation et les pansements aux antisep­tiques et à l'eau oxygénée sur lames de Delbet ou

Figure 2. Gangrène péno-périnéo-scrotale : aspect après le méchages. Selon l'importance de la nécrose les pan­traitement chirurgical initial et deux semaines de pansements sements sont bi-quotidiens, quotidiens puis plus humides au dakin (patient CL., 46 ans).

espacés, précédés de l'absorption d'un tranquillisant type méprobamate à partir de 12 ou 13. Quelques patients ont subi une plastie scrotale, péno ou péri­ - lésions urétrales (urétrite suppurée, fistule) 5 cas néo-scrotale lorsque la plaie est devenue propre

- lésions prostatiques (lithiase, cancer) 2 cas assez bourgeonnante. Des cas rares de greffe cutanée scrotale ont été effectuées. - surinfection de lésion de grattage pour 4 cas

prurit scrotal, inguinal ou après cure

RESULTATS d'hydrocèle

Les patients -lésions du pénis (pustule, cancer) 2 cas

L'âge moyen des patients est de 54 ans, les âges - orchite droite négligée 1 cas extrêmes 20 et 80 ans. l,es sujets les plus exposés sont

D'une façon générale ces 32 malades ont présenté unâgés de 41 à 60 ans (53,12 %) (Tableau 1).

état général plus ou moins altéré: il est très mauvais Le début de la maladie, précisé dans seulement 12 des dans 17 cas avec une hyperthermie au-dessus de 39Q C,

cas a varié de 2 jours (1 cas) à 15 jours (6 cas) en pas­ un choc toxi·infectieux dans 3 cas Dans 9 cas, la gan­sant par 5 jours (3 cas) et 7 jours (2cas). grène était débutante caractérisée par un volumineux

oedème du scrotum, du pénis parfois énorme et recro­Chez 91 patients le point de départ de la maladie était quevillée sur elle-même et du périnée. La peau était précisé: tendue, luisante, présentant quelques ulcérations suin­

tantes. Chez 23 patients la gangrène était très étendue, - lésions de la marge anale (abcès, fistule) 4 cas la nécrose très importante. On y relevait 3 cas de gan­

- lésions des fesses (abcès, bouton) 3 cas grène gazeuse.

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Figure 1. Gangrène péno-périnéo-scrotale : aspect après le traitement chirurgical initial (patient G.L., 62 am).

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Tableau J. Age de~ patients.

Tranches d'âge (ans) 10-20 21-30 31-40 41~ 61-70 71-80 Total

Nombre 1 0 4 17 6 4 32

% 3,12 - 12,5 53,12 18,75 12,5 99,99

Années 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Janvier et février

1998

Total

Nombre 4 1 5 1 8 3 3 1 4 2 32

% 12,5 3,12 15,62 3,12 25 9;37 9;37 3,12 12,5 6,25 99,97

Lésions Pénis

""ule

Pénis et scrotum

Scrotum

""u1 Scrotum

et périnée Périnée

seul Pénis, IICrotum

et périnée Thtal

Nombre 1 18 9 3 0 1 32

% 3,12 56,25 28,12 9;37 - 3,12 99,98

Tableau 2 Fréquence annuelle.

Tableau 3. Siège de.~ lésions.

Tableau 4. Facteurs favori~ants.

Facteurs favorisants

Sténose urétrale

P1qllre septique

Cancer du

pénis

Abcès du

pénis

Abcès de la marge anale

Prostatite et lithiase

prlMtatique

Hématome post-<>p. infecté

Cau",," indéterminées

Total

Nombre 10 1 1 1 3 3 2 Il 32

% 31,25 3,12 3,12 3,12 9,37 9,37 6,25 34;37 99,97

Tableau 5. Exa",en.~ bactériologique.~.

Germes Identiflès , 53,12% Non Identiflès Total

Siège Pus Urines

Nombre 8 9 15 32

% 25 28,12 46,87 99,99

Huit des 32 patients présentaient une pathologie asso­ciée à savoir le diabète (3 cas), l'insuffisance cardiaque

(3 cas ), l'asthme (2 cas dont l'un avec une insuffisance cardiaque), l'hypertension artérielle (1 cas) et le SIDA

(1 cas).

Dans un but étiologique il était apparu nécessaire de

distinguer chez les patients :

- le groupe des malades facilement sondables et por­teurs d'une sonde urétéro-vésicale devant lesquels on a pris l'habitude d'évoquer le diagnostic de gangrène de Fournier par opposition au deuxième groupe;

- celui des malades non porteurs de sondes urétéro­vésicale chez qui il existe à l'origine de la gangrène, une sténose urétrale. Nous n'incluons pas ici les patients non porteurs de sonde pour motif de contre­

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indication au sondage vésical comme dans les cas de prostatite aiguë, d'abcès ou de cancer de la verge.

Les lésions

Les gangrènes péno-périnéo-scrotales étaient plus fré­quentes en 1993 que les autres années (Tableau 2). Ces lésions se retrouvaient plus sur le scrotum et le pénis (Tableau 3 et Figures 1 et 2),

Les facteurs favorisant relevés sont variés panni les­quels la sténose urétrale occupe le premier rang (cf Tableau n0 4).

Les examens para-cliniques

Les prélèvements pour les examens bactériologiques ne pouvaient pas être systématiques puisqu'en urgence les laboratoires ne pratiquent pas ces examens. Huit prélé­vements de pus et neuf d'urines ont été faits cependant et ont permis d'identifier les germes suivants :

Proteus mirabilis, Staphylocoque blanc, Staphylocoque doré, Providencia rettgen, et Pseudomonas aeruginosa dans le pus,

- Klebsiella pneumoniae, Citrobacter, Escherichia coli, Escherichia vulveris et Pseudomonas aeruginosa dans les urines.

L'exploration radiographique des voies urinaires basses a été nécessaire dans les cas de suspicion de sténose urétrale, L'uréthro-cystographie rétrograde a été effec­tuée cinq fois, l'urographie intraveineuse quatre fois et ont permis de mettre en évidence dix cas de rétrécisse­ment urétral (Tableau 4).

Traitement

Tous les patients ont bénéficié d'un traitement médical et d'un traitement chirurgical obligatoires. Une antibio­thérapie efficace sur les germes Gram + et Gram -, sur les aérobies et anaérobies et la réanimation médicale faite de la reéquilibration hydroélectrolytique et parfois de transfusion sanguine isogroupe iso-rhésus consti­tuent l'essentiel du traitement médical. La triple asso­ciation aminoside (Gentamycine) + imidazolé (Métronidazole) + ~-lactarnine (Ampicilline) a été régulièrement effectuée chez seulement cinq patients contre seize cas de la double association Gentamycine + Métronidazole.

Le Métronidazole est le produit le plus constant, (94 fois sur 32) dans toutes les combinaisons médicamenteuses forcées par les possibilités financières des malades.

La réanimation est réduite à la rééquilibration hydro­électrolytique (97 fois) et à la transfusion sanguine (9 fois). La séro-vaccination antitétanique est systéma­tique, les antalgiques de même et les anti-inflamma­toires en l'absence de contre-indication.

Tableau 6. Résultats thérapeutillue.f.

Résultats Décès Guérison: 25 (78,12%) Exeat En voie

Total

Nombre 7 23 2 32

% 19,35 74,19 6,45 99,99

Le traitement chirurgical a été systématiquemcnt effectué pour les 39 patients. Il a consisté en une bipar­tition scrotale (30 cas) parfois associée à une mise à plat périnéale et à l'excision de tous les tissus dévitali­sés, ce jusqu'en zone que l'on voit saigner. L'irrigation de la surface opératoire cruentée a été systématique­ment faite avec un antiseptique local (Dakin) dans les 32 cas, associée à une toilette à l'eau oxygénée (3 cas). Les pansements ont été faits sur méchage au Dakin. La dérivation urinaire par cystostomie a été pratiquée 13 fois en raison de sténose uréthrale ou de cancer, d'ab­cès du pénis ou de prostatite (faute de cystocathéter). Le drainage est uréthro-vésical chez les autres patients. Passée cette phase d'mgence médico--chirurgicale, le temps des pansements nécessite une surveillance pour une cicatrisation dirigée afm d'éviter les cicatrices vicieuses. Pour plus de 16 patients les pansements étaient d'emblée biquotidiens avant de devenir quoti­diens comme pour les 16 restants. Quinze minutes environ avant les pansements, les patients absorbent un comprimé de 400 mg de Méprobamate au lieu d'une anesthésie préalable. Dans une dizaine de cas le sac­charose a été utilisé comme détergent des plaies. Au bout de trois semaines à un mois commence la 3ème phase du traitement chirurgical, la phase de plastie scrotale ou du pénos (5 cas), de greffe cutanée (3 cas) ou de suture secondaire. Quelques cas de cicatrisation sans une autre intervention chirurgicale ont été relevés.

Résultats thérapeutiques

Ils sont résumés dans le Tableau 6. Sept décès ont été relevés dont un cas par le SIDA. Parmi les 25 malades guéris neuf ont cicatrisé simplement les plaies avec les pansements, pendant que huit autres ont nécessité une suture secondaire des plaies restantes; cinq autres ont guéri après une plastie de recouvrement des testicules les trois derniers ont bénéficié d'une greffe cutanée scrotale ou du pénis.

Durée d'hospitalisation

La durée d'hospitalisation est variable. Pour trois patients elle était inférieure à 10 jours dont un cas de décès à 12. Trois autres malades sont restés entre 10 et 20 jours dont un cas de décès à 117. Entre un et deux mois, huit des 32 malades étaient encore à l'hô­pital; 7 parmi eux il y a eu un cas de décès à un mois

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vingt-SIX 10urS. Six malades sont restés hospitalisés Citrobacter, &cherichia coli, &cherichia vulveris. pendant au moins trois mois dont un cas de décès à 3 Cette liste de gennes est presque identique à celle de mois 17 jours et un cas de long séjour d'environ sept EfEM [10] qui rencontre entre autres : Enterococci, mois. Bacteroides fragilis, Anaerobic, Streptococcus.

DISCUSSION

Dans la même pérooe (1er juillet 1989-fin février 1998), 2.728 malooes ont été hospitali!'és dans le service d'Urologie. Par rapport à ce nombre, la fréquence des gangrènes péno-périnéo-scrotales représente 1,17%. Aux années 1991 et 1993 correspondent les plus fortes fréquences annuelles (fableau 1). A Casablanca au Maroc et en Afrique du Sud, cette affection représente 0,6% et 1% des causes dhospitalisation [3, 11]. Dans les pays développés cette affection est rare, même si des auteurs remarquent sa résurgence [20).

Age

Avec notre série de 39 patients, les gangrènes péno­périnéo-scrotales paraissent plus fréquentes entre 40 et 70 ans, avec un pic pour la tranche de 51 à 60 ans, soit au total 23 malades sur 32 (71,87%). Le plus jeune des patients a 20 ans. (Tableau 1). EfEM [10] fait remarquer que cette affection et particulièrement la gangrène de Fournier est la pathologie du sujet âgé même si de rares cas se rencontrent chez le nouveau-né et chez la femme. Des cas sporadiques de gangrènes chez la femme et chez l'enfant sont rapportés dans la littératu­re [1,2,8,16,22].

Facteurs favorisants et germes

Les facteurs favorisants sont nombreux et parfois sur­prenants, tel le cas d'une gangrène scrotale secondaire à une infection d'hydrocèle après appendicectomie laparoscopique [15]. A la base de ces gangrènes se trouve l'infection des fascias périnéaux à partir d'un foyer régional. Cette infection peut être secondaire à un traumatisme [14,18, notre série) ou s'associer à une tumeur testiculaire [13], à un cancer de la vessie [14], à un abcès ou à un cancer du pénis (Tableau 4). La piqûre septique et l'hématome post-opératoire sont des facteurs relevés dans notre série. Les affections diges­tives tels la fistule et les abcès anaux, les cancers colo­rectaux, la perforation anale par corps étranger favori­sent également les gangrènes [5, notre série]. VASTYAN rapporte un cas de gangrène secondaire à la ponction­biopsique de la prostate [25]. Tous les facteurs relevés à Cotonou figurent au Tableau 4.

L'identification des gennes n'a pu être faite chez tous les patients, en particulier pas chez les malades admis et opérés en urgence la nuit A partir des examens de pus et d'urine effectués on incrimine les gennes sui­vants: Proteus mirabilis, Staphylocoq ue blanc, Staphylocoque doré pathogène, Providencia rettgen, et Pseudomonas aeruginosa, Klebsiella pneumoniae,

En plus de l'infection des fascias périnéaux détenni­nant les gangrènes secondaires les autres phénomènes pathologiques incriminés dans la littérature sont la thrombose aiguë des artères scrotales [17], la coagula­tion intravasculaire à manifestation locale et l'endarté­rite oblitérante des petits vaisseaux [12].

Des repères anatomiques pennettent de comprendre le processus expansif des gangrènes. Il s'agit d'une part du fascia pénien profond et du dartos par lesquels l'ex­tension de gangrène pénopérinéo-scrotale se fait vers la paroi abdominale antérieure [7]; par le fascia superfi­ciel d'autre part les lésions gangréneuses s'étendent aux fesses, aux cuisses, aux fosses ischio-anales voire aux espaces para-rectaux et rétropéritonéaux [24]. Ce sont là des stades d'évolution grave qu'il faut empêcher les lésions d'atteindre grâce à un diagnostic précoce.

DIAGNOSTIC PRECOCE DES GANGRENES

Très souvent le malade arrive à l'hôpital avec une gan­grène très évoluée, évidente à l'inspection. L'utilisation de l'imagerie (ultrasonographie, IRM et scanner) est recommandée pour le diagnostic précoce par MICHEL [19], BERNARDO DE QulROS [6], SODA [23] et leurs col­laborateurs respectifs. La prise en charge thérapeutique de ces malades est pluridisciplinaire.

TRAITEMENT ET RESULTATS

En matière de gangrènes péno-périnéo-scrotales, une réanimation adaptée au tableau clinique est commen­cée avant la chirurgie d'urgence qu'elle accompagne souvent. Elle comporte la perfusion de solutés associée ou non à la perfusion sanguine. L'antibiothérapie est obligatoire. Comme au Maroc par l'équipe de EL MOUSSAOUI [11], nous utilisons avec succès l'associa­tion ~-lactamine (pénicilline G ou Ampicilline), ami­nosides (Gentamycine) et imidazolé (Flagyl). DURAND­GASSELIN préfère l'association uréidopénicilline, phos­phomycine et imidazolé pour sa meilleure diffusion et sa toxicité moindre [9]. La bipartition scrotale associée à l'excision de tous les tissus nécrotiques laisse en place une plaie dont la cicatrisation est parfois lente. L'oxygénothérapie hyperbare utilisée par PIZZORNO [21], BAYKAL (4) et leurs collaborateurs n'a pas été effectuée une seule fois dans notre série malgré l'exis­tence des indications. Le taux de mortalité de 21,82% de notre série avoisine les 25% de BENlZR1 [5]. Une attention particulière doit être accordée à cette affec­tion dans le but d'un diagnostic précoce et une prise en

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charge plus efficiente, SODA et OGURA [21] du Japon recommandent l'utilisation d'argatroban, un antibiotique efficace pour accélérer la cicatrisation après la chirurgie de la gangrène.

CONCLUSION

La fréquence des gangrènes péno-périnéo-scrotales au CNHU de Cotonou est de quatre cas en moyenne par an pendant environ neuf ans avec un maximum de huit cas (25 %) en 1993, Les facteurs favorisants sont multiples avec cependant la prépondérance des sténoses uré­thrales (31,25%) et des facteurs indéterminés (34,37%) pourvoyeurs de la gangrène de Fournier. Les gangrènes péno-périnéo-serotales représentent une affection grave compromettant le pronostic vital. Leur traitement est médical et chirurgical. Il doit être énergique et entrepris sans perte de temps chez ces malades admis le plus sou­vent bien tardivement.

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SUMMARY

Peno-perineo-scrotal gangrene. Epidemiologiea!, diagnostic and therapeutic aspects at the University Urology Clinic and National University Hospital of Cotonou, based on 32 cases.

The authors analyse the epidemiological. diagnostic and thera ­peutie a;çpects ofpeno-perineo-scrotal gangrene in the urology department of a university hospital of a developing African

country. Thefrequency ofthis disease is low.jour cases per year, and mosJ patientç (ahouJ 72%) are hetween the ages of40 to 70 years. The authors identified urethral stricture (31.25%) and idiopathie causes as the main predisposing factors, and man)' pathogenic hacteria, inc/uding P mirahilis. P. aeruginosa. S. aureus, K. pneumoniae etc., as decisive factors. The treatment of peno-perineo-scrotal gangrene must he hoth medical and surgi ­cal. In addition to the medical treatment currently performed in the department, the authors would /ike to comhine hyperharic oxygen therapy and, as in Japan, the use ofargatrohan to acce ­lerate wound healing.

Key-FWJrds: Peno-perineo-scrotal gangrene, medical and surgi ­cal !reatment.

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