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DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETAT DE MASSEUR KINESITHERAPEUTE 2016 Le positionnement du kinésithérapeute face à l’angoisse d’un adolescent amputé d’origine tumorale ou la juste distance professionnelle à adopter et ses enjeux Stage mémoire temps plein Jarry Camille

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DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS

ET DE LA COHESION SOCIALE

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLOME D’ETAT

DE

MASSEUR KINESITHERAPEUTE

2016

Le positionnement du kinésithérapeute face à l’angoisse d’un adolescent

amputé d’origine tumorale

ou la juste distance professionnelle à adopter et ses enjeux

Stage mémoire temps plein Jarry Camille

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RESUME

Y. s’est fracturé le fémur lors d’un match de football.

Ce jeune homme de 17 ans était alors loin d’imaginer les «conséquences» de cette blessure

d’apparence si commune… 3 mois plus tard, il se retrouve amputé trans-fémoral et sous

traitement chimiothérapique lié à son ostéosarcome.

Y. est, depuis, pris en charge dans un hôpital pédiatrique spécialisé en oncologie pour

bénéficier de séances de rééducation afin qu’il puisse retrouver une autonomie optimale et

se projeter à nouveau vers l’avenir mais dans un corps qui ne sera plus jamais le même.

J’ai pris en charge Y. en phase de pré-appareillage ; je n’ai pas rencontré de réel

problème d’ordre technique, cependant j’ai été confrontée à son anxiété, ses angoisses

jusqu’à une séance où il s’est laissé aller à ses émotions. A ce moment, je me suis sentie

déstabilisée concernant la gestion de la situation : l’écouter attentivement m’a semblé naturel

mais j’ai senti une difficulté à me positionner qu’il ne fallait pas occulter, dans un intérêt

commun, celui du patient et le mien en tant que professionnelle. J’ai donc entrepris des

recherches bibliographiques concernant la juste distance professionnelle à adopter. Il en

ressort une nécessité d’apprendre à communiquer avec son patient, par une écoute active

accompagnée d’empathie tout en étant conscient de ses propres limites.

En réalité, je me suis rendue compte qu’il ne suffisait pas d’avoir une capacité à

communiquer. En effet, la gestion de la distance professionnelle est un sujet complexe car il

fait interagir le patient et le professionnel.

Une juste distance permettra une meilleure adhésion du patient au traitement

kinésithérapique.

MOTS CLES KEYWORDS

Ostéosarcome Osteosarcoma

Amputation trans-fémorale Trans-femoral amputation

Phase de pré-appareillage Preprosthetic period

Angoisse Anguish

Distance professionnelle Professional distance

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SOMMAIRE

1 INTRODUCTION ......................................................................................................... 1

2 CLINIQUE .................................................................................................................... 2 Présentation patient .............................................................................................. 2

2.1.1 Mode de vie ..................................................................................................... 2 2.1.2 Anamnèse ........................................................................................................ 2 2.1.3. Traitement médical .......................................................................................... 3 Bilan masso-kinésithérapique initial à J+6 ......................................................... 3

2.2.1 Bilans morphostatique et morphodynamique .................................................. 3

2.2.2 Bilan sensitif : sensation de membre fantôme ................................................. 4

2.2.3 Bilan de la douleur : douleurs nociceptive et neuropathique ........................... 4

2.2.4 Bilan cutané, trophique et vasculaire : moignon œdématié ............................. 5 2.2.5 Bilan articulaire : important flexum de hanche ............................................... 5 2.2.6 Bilan musculaire : déséquilibre de la balance musculaire ............................... 6 2.2.7 Bilan fonctionnel ............................................................................................. 8

2.2.8 Bilan cardio-respiratoire .................................................................................. 9 2.2.9 Profil psychologique ........................................................................................ 9

Bilan diagnostic kinésithérapique ....................................................................... 9 2.3.1 Diagnostic kinésithérapique ............................................................................ 9 2.3.2 Objectifs kinésithérapiques............................................................................ 11

2.3.3 Principes kinésithérapiques ........................................................................... 12 Traitement kinésithérapique ............................................................................. 13

2.5 Bilan masso-kinésithérapique final à J+31 ....................................................... 15

3 DISCUSSION .............................................................................................................. 18

4 CONCLUSION ............................................................................................................ 30

REFERENCES .................................................................................................................... 1

ANNEXES ............................................................................................................................ 4

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1 INTRODUCTION

L’ostéosarcome est la plus fréquente des tumeurs malignes prenant naissance dans

l’os. 60% de ces ostéosarcomes surviennent chez des enfants âgés de 10 à 20 ans,

majoritairement de sexe masculin. 80% de ces tumeurs surviennent au niveau du genou, soit

sur l’extrémité supérieure du tibia ou l’extrémité inférieure du fémur.

L’ostéosarcome localisé est traité actuellement par une chimiothérapie ainsi qu’un acte

chirurgical conservateur. Cette chirurgie évite l’amputation. Cette dernière peut néanmoins

être nécessaire lorsque l’envahissement local est tel qu’il est impossible de conserver du

tissu sain en périphérie de la lésion, si la tumeur est infectée, ou si elle envahit la peau [1].

La tumeur fragilise l’os et un simple traumatisme peut facilement provoquer une fracture.

Dans ce cas, il y a des risques de dissémination de la tumeur via la circulation sanguine

amenant donc, également, à la question de l’amputation. (L’ostéosynthèse pour ce type de

fracture est donc à proscrire lorsque l’on sait qu’il y a un ostéosarcome, puisque la

dissémination en serait d’autant plus favorisée) [2].

La cause tumorale ne représente que 2% des amputations. L’amputation s’effectue

généralement dans le segment osseux sus-jacent au segment atteint par la tumeur.

Un adolescent, touché par un ostéosarcome devant être amputé pour une de ces rares

raisons, doit faire face à un basculement de sa vie remettant en cause son identité, son image

corporelle, sa vie sociale, ses projets. Il va aussi devoir affronter la maladie et tous ses effets

secondaires, traverser des phases d’angoisse qui sont autant de freins dans la rééducation.

Le masseur-kinésithérapeute va devoir prendre en charge le jeune patient dans sa globalité

en le respectant en tant qu’individu afin qu’il participe activement à sa rééducation.

Cela va nécessiter un positionnement particulier : une rééducation appropriée [3], une

relation de confiance, une écoute active, une disponibilité et un soin adapté pour prendre en

charge ses blessures physiques et psychologiques.

Par ailleurs, le kinésithérapeute effectue une thérapie de la gestuelle humaine : il

pratique des actes de massage et de rééducation fonctionnelle où le toucher et la

communication font partie intégrante du soin. «Une forte dimension émotionnelle innerve

les relations soignant-soigné. La qualité de la relation dépend de la juste distance que doit

maintenir le soignant avec le malade et la juste mesure dans l’expression des émotions de

l’un et de l’autre» [4]. Il va devoir être ni trop proche, ni trop loin de cet adulte en devenir.

Ce juste positionnement, cette juste distance professionnelle va influencer le bien-être, du

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patient et du soignant, ainsi que l’efficacité de la prise en charge masso-kinésithérapique.

Lors de ce stage, j’ai rencontré Y., un jeune homme de 17 ans, qui venait d’être amputé suite

à un ostéosarcome. Sa personne et sa pathologie m’ont vraiment motivées à le prendre en

charge. J’ai, par conséquent, été confrontée à cette complexité de la relation soignant-soigné

et à cette juste distance professionnelle à adopter que j’ai choisi d’approfondir dans ma

discussion.

2 CLINIQUE

Présentation patient

2.1.1 Mode de vie

Y. est un jeune homme âgé de 17 ans. Il est l’ainé d’une fratrie composée de deux

frères (de 11 et 7 ans) et d’une sœur (de 7 ans). Ses parents sont divorcés. Il vit

principalement avec sa mère, ses frères et sœur dans un appartement de plain-pied situé au

rez-de chaussée d’une école. Il va chez son père un week-end sur deux (maison de plain-

pied également).

Il est actuellement en terminale ES. C’est un adolescent très sportif qui pratiquait le football

en club depuis plusieurs années : il jouait dans la meilleure équipe départementale du club.

Il s’entrainait à raison de 3 fois par semaine. Son pied d’appui, pour cette discipline, est le

gauche (côté sain). Il est passionné de football mais s’intéresse aussi aux autres sports tels

que le basketball ou le tennis.

Il n’a pas encore le permis de conduire voiture.

2.1.2 Anamnèse

Y. a été hospitalisé le 12 octobre 2014 pour une fracture du tiers inférieur de la

diaphyse fémorale droite, suite à un tacle lors d’un match de football. Deux jours après, le

chirurgien orthopédique, n’ayant pas vu d’anomalie à la radiographie pré-opératoire, a

réalisé une ostéosynthèse par vis/plaque (ANNEXE I). Pendant l’intervention, il a remarqué

un aspect atypique de la lésion. Il a terminé son acte chirurgical puis a prescrit au patient une

biopsie. Cette dernière révéla un ostéosarcome localisé de haut grade télangiectasique de

l’épiphyse inférieure du fémur droit (ANNEXE II). Des examens complémentaires n’ont pas

montré de métastase, ni d’anomalies osseuses à distance.

Des cures de chimiothérapie ont donc été mises en place dans le but de diminuer l’activité

tumorale et métastatique (8 cures pré-opératoires de méthotrexate + VP-IFOSFAMIDE ont

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été effectuées, selon le protocole OS 2006 avec inclusion).

L’ostéosynthèse, risquant fortement de provoquer un envahissement local des parties molles,

voire une dissémination des cellules cancéreuses via la circulation sanguine [2], fût suivie,

3 mois plus tard (le 6 mars 2015), d’une amputation trans-fémorale (ANNEXE III). Cette

chirurgie d’exérèse de la tumeur primitive par amputation devenait la seule solution pour

tenter de le guérir de ce cancer (ANNEXE IV). Y. est retourné à l’hôpital pédiatrique à J+4,

là où il avait été admis le 15/12/14 suite à l’annonce de son ostéosarcome (pour débuter ses

soins : chimiothérapie et rééducation faisant suite à son ostéosynthèse et préparant Y. à sa

future amputation).

2.1.3. Traitement médical

Le traitement médical est détaillé en annexe (ANNEXE V).

A noter que certains médicaments (OXYCONTIN, OXYNORM, SKENAN, ORAMORPH,

NEURONTIN, RIVOTRIL et LAROXYL) peuvent provoquer, par effet secondaire, de la

fatigue.

Y. doit prendre ses gouttes d’ORAMORPH une demi-heure avant chaque séance de

rééducation. Cet antalgique de palier 3 permet de contrôler l’éventuel réveil de la douleur

nociceptive qui serait causée par la rééducation.

Bilan masso-kinésithérapique initial à J+6

Le bilan initial a été effectué 6 jours après son amputation trans-fémorale.

2.2.1 Bilans morphostatique et morphodynamique

Avant l’amputation, Y. mesurait 1,78 m et pesait 68 kg. Son IMC était donc de 21, ce

qui correspondait à une corpulence « normale » selon l’Organisation Mondiale de la Santé

(OMS). Il pèse actuellement 62 kg. Sa perte de poids correspond au poids du segment

amputé (environ 10% du poids du corps). Sa corpulence est donc toujours considérée comme

« normale ».

Son moignon mesure 34 cm de l’épine iliaque antéro-supérieure (EIAS) à son extrémité

distale.

En décubitus dorsal, un flexum de hanche droite est observé dans le plan sagittal. De

plus, on remarque une attitude en hyperlordose lombaire due à une antéversion du bassin.

Assis, un déport du poids du corps vers le côté gauche est observé dans le plan frontal

(assis sur table, pied ne touchant pas le sol).

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Debout, en statique grâce à deux cannes anglaises, on retrouve son attitude en

hyperlordose lombaire avec antéversion du bassin ainsi que son flexum de hanche droit.

Dans le plan frontal, son épaule gauche est un peu plus élevée que la droite (ceci traduit un

certain déséquilibre d’appui des membres supérieurs sur les cannes anglaises) et son bassin

est oblique avec une crête iliaque droite légèrement plus élevée.

Debout, en dynamique (déambulation) on remarque cette différence de hauteur au niveau

des épaules ainsi que son flexum. Concernant les membres supérieurs : à cause du

béquillage, les mouvements de flexion/extension des épaules sont symétriques.

2.2.2 Bilan sensitif : sensation de membre fantôme

Y. a conscience de sa cuisse droite. La sensibilité superficielle est comparable à celle

de la cuisse gauche après réalisation des tests sensitifs évaluant les sensibilités tactile

(toucher du MK) et discriminative (test du « pic-touche »).

La sensibilité profonde est, elle aussi, intacte : évaluée statiquement, le patient décrit bien la

position dans laquelle nous avons placé son moignon. En dynamique, il reproduit bien le

même mouvement, que nous avons effectué en passif, avec son membre sain.

Ces tests, afin d’être conformes, ont été réalisés dans un environnement calme, sans

possibilité de contrôle visuel.

Y. décrit parfois des sensations de membre fantôme, notamment lorsqu’il est en

position de procubitus : il a la sensation que son genou droit est fléchi à 90°. Celles-ci sont

présentes chez 95 à 100% des patients venant de subir une amputation [5].

2.2.3 Bilan de la douleur : douleurs nociceptive et neuropathique

Le patient nous fait part de douleurs nociceptives ressenties dans la partie postéro-

inférieure du membre résiduel à la palpation ainsi qu’à la mobilisation dans les trois degrés

de liberté, correspondant à une sensation de tiraillement qu’il côte à 5/10 à l’Echelle Visuelle

Analogique (EVA).

Aussi, il ressent à certains moments (dans des périodes d’inactivité et d’ailleurs surtout

la nuit) des douleurs de membre fantôme (algohallucinoses) à type de piqures ainsi que de

décharges électriques dans le pied droit, bien qu’il soit sous traitement médical (notamment

sous NEURONTIN). Il les côte à 7/10 à l’EVA. Dès lors qu’il ressent ce type de douleur, il

prend des médicaments supplémentaires (RIVOTRIL) pour les calmer. Ces douleurs

intermittentes et localisées, lorsqu’elles surviennent la nuit, le réveillent et sont ainsi

responsables de fatigue le lendemain.

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Aucune douleur n’est exprimée au niveau du membre inférieur gauche, des membres

supérieurs ou encore dans la région lombaire.

2.2.4 Bilan cutané, trophique et vasculaire : moignon œdématié

Le moignon est œdématié, en forme de « ballon ». Il s’agit d’un œdème mixte c’est-à-

dire à la fois veineux et lymphatique (signe du godet positif et pli de peau difficile).

Sa trophicité est annexée (ANNEXE VI).

La cicatrice, située partie inférieure du moignon, est sous pansement. Les infirmières

décrivent une cicatrice très propre, sans suintement, parfaitement fermée par des agrafes et

des fils. Elle mesure 30 cm.

On ne remarque pas d’hyperpigmentation (« rougeurs ») sur la cuisse. La peau n’est ni

asséchée, ni luisante comparativement au côté opposé. Elle est tout de même plus fine

puisqu’elle a été étirée lors de la fermeture du moignon.

On note une légère hyperthermie à proximité du pansement qui recouvre la cicatrice,

ressentie par la face dorsale de la main, en comparaison au côté sain.

Son moignon est bandé. Il s’agit d’un bandage compressif, notamment pour drainer

complètement son œdème et donc, pour affiner son moignon (fig. 1).

On ne constate aucun signe de phlébite (prévention par traitement médicamenteux).

2.2.5 Bilan articulaire : important flexum de hanche

Le bilan articulaire a été réalisé en passif, en analytique et par comparaison au côté

opposé (tableau I).

Les rotations de hanche droite n’ont pu être mesurées à cause du niveau d’amputation.

On remarque facilement un flexum de hanche, côté amputé, de 20°.

La douleur nociceptive est principalement responsable des limitations d’amplitude de la

hanche droite.

Les articulations du genou ainsi que de la cheville gauches ont aussi été mesurées, ne

révélant pas de déficit d’amplitude particulier (ANNEXE VII).

Les membres supérieurs présentent des amplitudes fonctionnelles et similaires,

permettant notamment le béquillage.

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Tableau I : Tableau des amplitudes articulaires passives initiales mesurées pour les trois

degrés de liberté de la hanche

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE DIFFERENCE

D’AMPLITUDE

Flexion Genou fléchi : 100°

Genou tendu : 75°

60° -15°

Extension Genou tendu : 15°

Genou fléchi : 10°

-20° -30°

Abduction 30° 10° -20°

Adduction 20° 10° -10°

2.2.6 Bilan musculaire : déséquilibre de la balance musculaire

Quantitatif :

Une goniométrie active par groupe musculaire en comparaison au côté opposé a été

réalisée, étant donné que l’opération a eu lieu récemment (tableau II).

Une évaluation de la force musculaire, type testing, selon Daniels et Worthingham a tout de

même été réalisée mais sans résistance manuelle ajoutée afin d’éviter les contraintes sur les

sutures musculaires et sur la cicatrice (tableau III).

On constate un manque de force des extenseurs et des adducteurs de hanche du côté

de l’amputation.

Concernant le côté sain, tous les muscles sont côtés à 5 (ANNEXE VIII).

On a, par ailleurs, testé la force musculaire des membres supérieurs afin de voir si

elle permettait le béquillage. Pour cela, on a fait réaliser au patient le test du push-up : le

patient est assis en bord de table, il doit décoller les fesses de la table en appuyant sur la

paume de ses mains. Y. a réalisé ce test 10 fois, en tenant 10 secondes la position chaque

fois, tout en respectant un temps de repos double au temps de travail.

Ce test nous a permis de côter les grands dorsaux à 5. Ses triceps brachiaux sont également

côtés à 5. Ceci démontre qu’il peut béquiller sans risque de faiblesse musculaire des

membres supérieurs.

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Tableau II : Tableau des amplitudes actives initiales mesurées pour les trois degrés de liberté

de la hanche

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE DIFFERENCE

D’AMPLITUDE

Flexion Genou fléchi : 95°

Genou tendu : 70°

55° -15°

Extension Genou tendu : 15°

Genou fléchi : 10°

5° -5°

Abduction 25° 10° -15°

Adduction 15° 10° -5°

Tableau III : Tableau des cotations type testing attribuées initialement aux muscles de la

hanche selon Daniels et Worthingham

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE

Ilio-psoas 5 > 3+

Grand fessier 5 3-

Moyen fessier 5 > 3+

Adducteurs 5 3

Qualitatif :

Réalisé passivement, on a noté une hypoextensibilité du psoas droit caractérisée par un

arrêt élastique.

On remarque aussi, une nette amyotrophie du grand fessier droit après comparaison de

l’observation des galbes fessiers (fig. 1).

A la palpation, une hypertonicité globale du moignon est ressentie sous l’œdème

indiquant la présence de contractures musculaires. On ne note pas de contracture aux

membres supérieurs susceptibles d’être engendrée par le béquillage.

fig. 1 : Amyotrophie du grand fessier droit

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2.2.7 Bilan fonctionnel

Y. présente un bon équilibre assis : celui-ci est maintenu malgré des déstabilisations

proprioceptives.

L’équilibre debout en unipodal est tenu plus de 3 minutes (test réalisé entre les barres

parallèles, sans se tenir, yeux ouverts puis fermés). Des déstabilisations proprioceptives

intrinsèques (ballon à faire tourner autour de lui avec ses membres supérieurs) puis

extrinsèques (genou tendu puis, genou fléchi) démontrent une excellente proprioception du

membre inférieur gauche.

On note, par ailleurs, que lors de la réalisation de ces différents tests d’équilibre

(assis, debout), les réflexes d’équilibration sont bien présents.

Y. réalise tous ses transferts seul. En effet, il a réalisé les différents Niveaux

d’Evolution Motrice (NEM), permettant de passer du décubitus dorsal à la position debout

(important en cas de chute par exemple) et inversement, sans aide extérieure. L’équilibre

dynamique est satisfaisant pour la réalisation des NEM. Il est capable d’effectuer les

transferts assis/debout et inversement, ainsi que les retournements.

Il se déplace à l’aide de deux cannes anglaises, depuis J+2 (il n’a jamais eu besoin

de fauteuil roulant). Il s’agit d’une marche à 3 points d’appui, se réalisant en 2 temps (le

patient n’étant pas encore appareillé). Le moignon ne réalise pas de mouvement de

flexion/extension au cours du cycle de marche.

Son périmètre de marche est de 285 mètres sur 6 min (ANNEXE IX). Le test des 6 minutes

a aussi permis de montrer ses capacités d’endurance sur ces quelques minutes d’effort :

aucun signe de fatigue n’a été relevé, la vitesse de déplacement a été régulière pendant toute

la durée du test et sa récupération cardiaque s’est effectuée sur un temps inférieur à 5 min.

Le test du «Timed up and go», test clinique de locomotion et d’équilibre, a été réalisé

à l’aide de ses deux cannes anglaises (ANNEXE X). Il a effectué le parcours en 17 secondes,

résultat concluant à une bonne indépendance fonctionnelle. Ce test a surtout permis

d’apprécier la stabilité et la sécurité de ses demi-tours (sans pivot).

Il n’a pas utilisé les escaliers depuis l’opération.

Y. est autonome dans les Activités de la Vie Quotidienne (AVQ) : il fait sa toilette

(assis lorsqu’il prend une douche) et s’habille seul. Il nécessite une aide pour porter son

plateau repas jusqu’à sa table étant donné que ses deux membres supérieurs béquillent.

Le personnel soignant (infirmières, kinésithérapeutes) réalise le bandage de son moignon. Il

ne l’a pas encore réalisé tout seul.

A noter que lors des cures de chimiothérapie (qui durent 4 jours), il est relié à une pompe,

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ce qui diminue son autonomie puisqu’il a besoin de quelqu’un pour l’avancer en même

temps qu’il déambule. De plus, cette chimiothérapie le fatigue beaucoup : Y. est donc moins

actif durant cette période.

2.2.8 Bilan cardio-respiratoire

Y. ne présente pas de trouble cardio-respiratoire (fréquence cardiaque de repos à 70

battements/min, tension artérielle à 11/5 mmHg et sa saturation en oxygène (SpO2) est à

98%, en moyenne). A noter que Y. ne fume pas.

2.2.9 Profil psychologique

Au début de ma prise en charge, Y. se présente tel un jeune homme agréable, plein

de gentillesse et de générosité, très sociable. Il apparaît même joyeux et, d’ailleurs, n’hésite

pas à faire des blagues, ce qui semble pourtant contradictoire avec la chirurgie mutilante

qu’il vient de subir et la maladie à laquelle il doit continuer à faire face. Est-il dans le déni ?

Garde-t-il ses émotions en lui afin de protéger son entourage ainsi que le personnel

soignant ?

Lors des séances de rééducation, nous sommes en présence d’une personne motivée,

impliquée et très intéressée par sa rééducation. Il nous fait remarquer son impatience à

recevoir sa première prothèse. On lui explique cependant, qu’il va falloir du temps et de la

persévérance.

Sa famille et ses amis contribuent à sa gaieté. Y. est conscient du soutien psychologique

qu’ils lui apportent. De plus, ses grandes ambitions scolaires lui font penser à autre chose

qu’à son amputation, son cancer et lui permettent de se projeter dans l’avenir. Entourage et

projet professionnel représentent désormais son moteur de vie, à l’exception de son

attachement à la pratique du football.

Ce moral, qualifié d’excellent par toute l’équipe médicale, trouve cependant sa limite lors

des périodes chimiothérapiques par accumulation de fatigue. Cette dernière l’obligeant à

manquer des cours scolaires ainsi qu’à s’endormir sur la table en pleine séance de

rééducation.

Bilan diagnostic kinésithérapique

2.3.1 Diagnostic kinésithérapique

Y., jeune homme âgé de 17 ans a été amputé au niveau trans-fémoral du membre

inférieur droit. Cette amputation fait suite à la découverte d’un ostéosarcome, localisé de

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haut grade télangiectasique, lors de l’ostéosynthèse d’une fracture du tiers inférieur de sa

diaphyse fémorale.

Suite à l’amputation (chirurgie effectuée pour limiter les risques de propagation de la

tumeur), le patient a été transféré à nouveau dans l’hôpital pédiatrique, possédant un pôle

spécifique d’oncologie, pour poursuivre ses cures de chimiothérapie et pour entreprendre

une rééducation post-opératoire au fil de laquelle il sera appareillé.

C’est un adolescent souriant, dynamique aux premiers abords, montrant une grande

motivation pour sa rééducation. Sans doute est-il dans une phase de déni psychologique…

Il est entouré de sa famille et de ses amis, qui viennent lui rendre visite à l’hôpital ou qu’il

voit durant les week-ends puisqu’il est autorisé à rentrer chez lui chaque fin de semaine, hors

période de cure. Il poursuit sa scolarité dans l’enceinte de l’hôpital.

A une semaine de son amputation, les bilans réalisés montrent un important flexum

de hanche de 20°, dû au déséquilibre musculaire provoqué par l’amputation, pouvant être un

véritable frein à l’appareillage (confort, marche, …).

Son moignon, œdématié, présente un volume non stabilisé pour le moment et, étant en pleine

cicatrisation, est douloureux à la palpation ainsi qu’à la mobilisation (tiraillements et

contractures). Les amplitudes articulaires en sont donc globalement limitées. L’appareillage

ne sera possible qu’une fois le moignon stabilisé et cicatrisé afin que la prothèse soit la plus

adaptée possible. (A noter que la chimiothérapie peut avoir des répercussions sur le poids du

patient et donc modifier la trophicité du moignon).

L’absence de trouble cutané au niveau de l’ischion est un point positif puisque la répartition

des appuis, pour une prothèse trans-fémorale, se fait en grande majorité dans la région

ischiatique. La bonne qualité de son moignon est aussi favorable à la prothétisation.

Y. est gêné par des sensations de membre fantôme en procubitus. A savoir que, dans la

plupart des cas, cette sensation disparait au bout de plusieurs semaines (l’appareillage

pouvant y contribuer en stimulant la réorganisation neuronale et permettant ainsi au patient

de se réapproprier son nouveau schéma corporel). Cependant, quelques cas sont contraints à

garder cette sensation désagréable pendant des années pouvant gêner la reprise de la marche

avec prothèse.

Il décrit aussi des douleurs de ce membre fantôme (algohallucinoses), particulièrement

ressenties la nuit. Ces douleurs ainsi que la chimiothérapie sont à l’origine d’une fatigue

régulière diminuant ses activités fonctionnelles et altérant son moral.

Les douleurs nociceptives et neuropathiques peuvent également se présenter comme un frein

à la future prothétisation. En effet, les douleurs du membre résiduel diminuent généralement

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avec la cicatrisation, mais, si certaines douleurs persistent (à cause de névrome, d’infection

ou pour d’autres raisons), elles peuvent empêcher l’utilisation de la prothèse. De même que

les algohallucinoses, algies communes chez les amputés, bien souvent sévères, peuvent durer

plusieurs mois voire plusieurs années après l’amputation et, de ce fait, peuvent, elles aussi,

être à l’origine d’un abandon au port d’une prothèse.

La déambulation provisoire, avec 2 cannes anglaises, permet une bonne autonomie en

attendant l’appareillage.

Y. prend l’ascenseur, il est peu limité dans ses AVQ (hors période de cure).

Concernant le bandage de son moignon, il n’a pas encore appris à le réaliser.

Y. souhaite que cette rééducation lui permette de marcher à nouveau « comme

avant », grâce à une prothèse. Il ne sait pas s’il pourra pratiquer à nouveau un sport : en tous

cas, il a précisé que ça ne faisait pas partie de ses priorités. Ces dernières étant de retrouver

« une vie normale », c’est-à-dire d’avoir une autonomie complète dans ses AVQ, de rentrer

vivre chez ses parents et de retourner en établissement scolaire.

Y. étant un jeune sportif motivé, dynamique et impliqué dans sa rééducation, le projet patient

est considéré comme réalisable. Ainsi, l’objectif commun patient-kinésithérapeute principal

est donc que Y. puisse marcher avec une prothèse adaptée, au moins 500m, sans boiterie ni

douleur.

Pour cela nous devons pallier les déficits relevés lors des bilans initiaux afin que son futur

appareillage ne présente pas de réelles difficultés et que la phase post-appareillage, qui s’en

suit, soit la plus courte possible afin qu’il rentre chez lui rapidement (si possible avant le

mois de septembre pour qu’il puisse faire sa rentrée scolaire en établissement et non à

l’hôpital).

Cette rééducation doit être coordonnée avec les différentes interventions et surtout tenir

compte de la chimiothérapie et de ses possibles effets secondaires (importante fatigue, fièvre

corrélée à une aplasie, nausées, variation de la charge pondérale, entre autres) pouvant

ralentir sa progression.

2.3.2 Objectifs kinésithérapiques

Afin que le futur appareillage de Y. se déroule bien, il est important de ne pas négliger

cette phase de pré-appareillage, dont les objectifs sont les suivants :

Page 15: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

12

A court terme

Obtenir 10° d’extension de hanche droite et entretenir les amplitudes articulaires

bilatérales

Atteindre une force musculaire des muscles de la hanche droite côtée globalement à

4 (les extenseurs et les adducteurs étant particulièrement visés afin de rétablir

l’équilibre de la balance musculaire agoniste/antagoniste)

Obtenir la stabilisation trophique du moignon et de la cicatrice

Diminuer les douleurs (2/10 à l’EVA maximum)

A long terme

Le patient réalise seul le bandage compressif de son moignon

Le patient assure seul ses transferts et sa locomotion est fonctionnelle en toutes

circonstances (absence de boiterie, périmètre de marche illimité, marche possible en

terrain varié, accidenté, …)

2.3.3 Principes kinésithérapiques

Durant cette phase de rééducation, certains principes doivent être respectés :

Généraux :

Respecter ses douleurs, et d’ailleurs, veiller à l’observance du traitement antalgique

(prise d’ORAMORPH 30 minutes avant chaque séance de rééducation)

Respecter la fatigabilité du patient, et plus particulièrement lors des cures de

chimiothérapie, en favorisant les techniques kinésithérapiques peu coûteuses en

énergie pour le patient et en veillant à fractionner les séances

Tenir compte du patient dans sa globalité (adolescent/sportif/sous chimiothérapie)

Respecter la progression dans les exercices

Associer les exercices à la respiration

Spécifiques à l’amputation :

Surveiller l’apparition des sensations et douleurs du membre fantôme

Respecter les règles d’hygiène du moignon et surveiller le moindre signe infectieux

Surveiller les possibles adhérences et adapter nos contraintes à la cicatrisation du

moignon

Spécifiques à la chimiothérapie :

Respecter l’état physique du patient pouvant être influencé par les effets secondaires

(aplasie, nausées, …)

Page 16: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

13

Surveiller la variation de l’IMC de Y.

Spécifiques au patient :

Entretenir l’autonomie du patient, tout en restant sécuritaire

Respecter le contexte psychologique, être à l’écoute et soutenir sa motivation

Traitement kinésithérapique

Ma prise en charge a débuté à J+6 de l’amputation trans-fémorale de Y. et s’est

terminée 4 semaines après, juste avant qu’il reçoive sa première prothèse. Mon traitement

kinésithérapique correspond donc à l’entière phase de pré-appareillage, phase où nous

souhaitons optimiser au mieux la préparation du moignon au futur appareillage.

Je voyais Y. 1 fois par jour durant 1 heure, soit le matin ou l’après-midi.

Avant chaque séance, j’appelais les infirmières du service d’oncologie pour vérifier que Y.

avait bien pris ses gouttes d’ORAMORPH. Aussi, je me souciais de l’état du patient : sa

fatigue, son moral, ses douleurs, ainsi que de l’état de son moignon.

A la fin de chaque séance, je questionnais Y. sur ses douleurs afin d’en informer le personnel

soignant si besoin.

Le traitement sera présenté en fonction des grandes dominantes rééducatives fixées

pour ce patient.

Dominante antalgique et sensitive :

Des stimulations tactiles manuelles au niveau du moignon permettent un effet « gait

control », efficace sur Y., lorsqu’il ressent des douleurs nociceptives ou neuropathiques.

On procède, également, à un massage décontracturant du moignon afin de diminuer les

douleurs musculaires, en restant à distance de la cicatrice.

Aussi, le fait de masser son moignon favorise l’appropriation de son nouveau schéma

corporel et peut permettre ainsi de diminuer les troubles de membre fantôme.

On conseille donc à Y. de s’auto-masser, en dehors des séances de rééducation.

Dominante cutanée, trophique et vasculaire :

Le volume du moignon devant être stable pour avoir une première prothèse la plus adaptée

possible, il nous est nécessaire d’éliminer l’œdème. Pour cela, on réalise un drainage

lymphatique manuel (DLM) du moignon, en position de déclive. Le bandage compressif

permet également de drainer l’œdème : il est refait après chaque séance, et on apprend au

patient à le réaliser correctement pour qu’il puisse l’effectuer de manière autonome.

Un massage cicatriciel sera effectué une fois que les infirmières auront enlevé tous les fils

Page 17: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

14

et le pansement, afin de lever les éventuelles adhérences.

Dominante articulaire :

Cette dominante est une priorité pour nous, puisque le flexum de hanche doit être corrigé

dans les plus brefs délais. Chaque séance comprend donc, une posture du moignon en

extension, pendant 20 minutes, en procubitus grâce à un coussin triangulaire.

On conseille au patient, dans cette même optique, de dormir à plat ventre.

Aussi, on mobilise passivement la hanche droite, de manière analytique, dans les trois degrés

de liberté, afin d’éviter l’ankylose et de gagner en amplitude.

Les techniques de levée de tension (contracté-relâché) seront débutées une fois la plaie et les

sutures musculaires cicatrisées.

Dominante musculaire :

Toujours pour contrer ce flexum, on procède à des étirements du psoas droit, en

latérocubitus. Par ailleurs, afin de rééquilibrer la balance musculaire fléchisseurs/extenseurs,

il est nécessaire de renforcer les extenseurs du moignon par des mobilisations actives

analytiques, en course interne, libres puis, résistées. On demande aussi au patient de réaliser

des séries de 10 ponts pelviens, tenus 10 secondes chacun.

On privilégie les répétitions à l’intensité de la résistance dans le but de développer

l’endurance musculaire.

Ce renforcement permettra également au grand fessier de retrouver une trophicité identique

au côté sain. On veillera à renforcer aussi, les adducteurs de hanche afin d’éviter le

développement d’un possible abductum. On évitera cependant de renforcer les fléchisseurs

en concentrique.

La technique de « globulisation », correspondant à une contraction volontaire et simultanée

de toute l’enveloppe musculaire, permet de préparer le contrôle de la prothèse.

Y. entretient la force musculaire de ses membres supérieurs, de son tronc ainsi que celle de

son membre inférieur gauche grâce à des séries de mobilisations actives avec haltères ou

bracelets lestés, de push-up, d’abdos-spinaux ainsi que des exercices d’équilibre debout sur

plan instable. Cela lui permettra aussi de lutter contre le déconditionnement à l’effort.

Dominante fonctionnelle :

On travaille le schéma moteur, lors de ses déplacements, en lui faisant prendre conscience

du mouvement d’extension de hanche qu’il doit réaliser à chaque « pas postérieur », afin que

celui-ci devienne automatique et intégré pour la future marche avec prothèse.

Aussi, on lui apprend à monter et descendre 10 marches d’escalier avec les 2 cannes.

Sur table, en latérocubitus, on effectue des déstabilisations extéroceptives au niveau du

Page 18: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

15

moignon afin de travailler sa proprioception.

2.5 Bilan masso-kinésithérapique final à J+31

Ce bilan final retranscrit les modifications par-rapport au bilan initial.

Concernant le moignon, son volume commence à se stabiliser : il n’y a quasiment

plus d’œdème (signe du godet négatif) et mesure désormais 33 cm de l’EIAS à son extrémité

distale (ANNEXE VI). Sa forme est devenue « conique » (fig. 2). La cicatrisation est

terminée (fig. 3) : il n’y a pas d’adhérence ni d’hyperthermie, cependant, la peau à tendance

à s’assécher (notamment sur les berges).

Cette bonne évolution du moignon a donc permis un premier moulage de prothèse à J+28.

A noter que Y. a perdu 2 kg (sans doute à cause de la chimiothérapie) : il est donc, désormais,

suivi par une diététicienne afin que son poids varie le moins possible dans le but d’éviter les

répercussions sur le moignon, et donc, sur l’appareillage.

fig. 2 : Forme « cônique » du moignon fig.3 : Cicatrice propre et fermée

Son flexum de hanche n’est plus que de 5° et on constate également un gain

articulaire de 10° en flexion ainsi qu’en abduction, et de 5° en adduction (tableau IV).

Il présente toujours des sensations de membre fantôme, qui cependant, restent

« tolérables ». A cette période, il ne décrit plus de douleur neuropathique ou nociceptive. Par

ailleurs, il nous a fait part de douleurs sous-costales droites qui n’ont cependant révélé

aucune anomalie à l’auscultation, effectuée par son médecin, ainsi qu’à la radiographie.

La tonicité du moignon est, cette fois, comparable au côté sain : on ne ressent plus

de contracture à la palpation mais l’amyotrophie du grand fessier droit est toujours visible.

A nouveau, on a réalisé une goniométrie active par groupe musculaire, afin de

comparer les amplitudes avec celles mesurées lors du bilan initial. Ces nouvelles mesures

sont désormais comparables au côté sain, avec un gain de 15° en flexion, abduction et de 5°

en extension, adduction (tableau V). De même, nous avons testé à nouveau les muscles du

moignon : ils sont tous côtés à 4 (tableau VI). Cela nous montre un renforcement global du

moignon, et notamment des extenseurs ainsi que des adducteurs.

Page 19: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

16

Afin de préciser cette force musculaire, nous avons décidé d’effectuer une évaluation de

RMI (Résistance Maximale Isométrique) qui consiste à déterminer la résistance maximale

(en kg) que les groupes musculaires peuvent supporter grâce à une contraction isométrique.

Cette évaluation est comparative au côté opposé (tableau VII).

D’un point de vue fonctionnel, Y. se déplace désormais sur terrains variés (sol lisse,

graviers, terrain d’herbe), toujours grâce à ses 2 cannes anglaises, et à bien intégré le

mouvement d’extension de hanche à chaque « pas postérieur ». Il monte et descend une

dizaine de marches d’escalier, sans aucune appréhension. De même, il effectue maintenant

lui-même le bandage compressif de son moignon. Il a ainsi gagné en autonomie.

Il est important de noter que son état psychologique s’est dégradé à partir de la 2ème

semaine de rééducation : Y. se montre désormais triste, taciturne et angoissé depuis que son

voisin de chambre a, lui, reçu ses résultats anatomo-pathologiques révélant qu’il était

mauvais répondeur à son traitement chimiothérapique. Y. qui est toujours dans l’attente de

recevoir les siens, a paru très affecté par la tristesse de son ami et a commencé à s’inquiéter

de ses propres résultats à venir. C’est à partir de ce moment-là qu’il s’est mis à manifester

certaines douleurs, sans cause retrouvée, et à extérioriser ses sentiments, comme si ça

devenait trop difficile de les garder en lui, à présent. D’ailleurs, il s’est laissé aller à ses

émotions, lors d’une séance où je lui massais son moignon, en exprimant peur, culpabilité,

incompréhension et en versant quelques larmes.

Cela montre bien qu’il vit toute la douleur, physique et psychique, de la maladie associée à

l’amputation. Sa difficulté à toucher son moignon, comme nous lui avions conseillé, le

confirme. La fatigue des cures, toujours présente, ne fait qu’accentuer ce mal-être.

Malgré tout, il reste motivé et espère recevoir sa prothèse dans la semaine à venir.

Tableau IV : Tableau des amplitudes articulaires passives finales mesurées pour les trois

degrés de liberté de la hanche

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE DIFFERENCE

D’AMPLITUDE

Flexion Genou fléchi : 100°

Genou tendu : 75°

70° -5°

Extension Genou tendu : 15°

Genou fléchi : 10°

-5° -15°

Abduction 30° 20° -10°

Page 20: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

17

Adduction 20° 15° -5°

Tableau V : Tableau des amplitudes actives finales mesurées pour les trois degrés de liberté

de la hanche

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE DIFFERENCE

D’AMPLITUDE

Flexion Genou fléchi : 95°

Genou tendu : 70°

70° =

Extension Genou tendu : 15°

Genou fléchi : 10°

10° =

Abduction 25° 25° =

Adduction 15° 15° =

Tableau VI : Tableau des cotations type testing attribuées lors du bilan final aux muscles de

la hanche selon Daniels et Worthingham

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE

Ilio-psoas 5 4

Grand fessier 5 4-

Moyen fessier 5 4-

Adducteurs 5 4-

Tableau VII : Tableau d’évaluation de la Résistance Maximale Isométrique (RMI) pour

chaque groupe musculaire effectuée lors du bilan final

HANCHE COTE SAIN COTE AMPUTE

Flexion Genou fléchi : 17 kg

Genou tendu : 22 kg

7 kg

Extension Genou tendu : 10 kg

Genou fléchi : 10 kg

10 kg

Abduction 12 kg 7 kg

(L’adduction n’a pas été évaluée puisque la position sur le côté amputé est douloureuse).

Page 21: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

18

3 DISCUSSION

Lors de ma prise en charge de Y., je n’ai pas rencontré de réels problèmes d’ordre

technique, cependant j’ai été confrontée à une situation particulière : la manifestation de ses

angoisses, lors d’une séance où il s’est laissé aller à ses émotions. A ce moment, je me suis

sentie déstabilisée et cela m’a amenée à me questionner sur le comportement à adopter face

à de telle situation. J’ai tout de suite senti qu’il ne fallait pas occulter cette manifestation. Il

devenait donc nécessaire d’écouter attentivement Y., de se poser ensuite pour faire des

recherches et conduire une analyse des données. J’ai commencé à mesurer l’impact de la

gestion de cette difficulté sur la qualité de sa prise en charge kinésithérapique et sur moi-

même en tant que personne et professionnelle.

1ère partie : un frein dans l’optimisation de la rééducation de Y. : l’angoisse amplifiant

fatigue et douleurs psychiques

Définition de l’angoisse et ses causes concernant Y.

L’angoisse est une forme d’anxiété aigue. L’anxiété se manifeste face à une difficulté

à affronter. Toutefois, selon sa fréquence et son degré, elle peut devenir pathologique. Dans

le cas de Y., ses angoisses émanent de la maladie, de l’amputation, et ce, en pleine

adolescence.

Je vais donc développer ces 3 concepts qui sont en fait interdépendants.

La maladie

Les cancers de l’enfant et de l’adolescent représentent la 3ème cause de mortalité. La

fatigue occasionnée par les traitements, les douleurs physiques et psychologiques engendrent

des angoisses profondes.

Lors des « états généraux » du cancer qui donnèrent la parole aux patients, ceux-ci ont

décrit « cet anéantissement brutal au moment de l’annonce, ce basculement de la vie, cette

certitude que rien ne sera plus comme avant » [6]. Ce mot signifie dans notre inconscient la

mort, la maladie, la souffrance, l’isolement. Il faut donc tenir compte de toute cette

souffrance psychologique et le malade doit savoir qu’on est là pour l’aider à surmonter

l’épreuve sinon il risque de mettre en place ses mécanismes de défense : détresse

Page 22: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

19

psychologique, dépression, comportement suicidaire qui seraient de réels freins pour guérir.

Les conséquences psychiques influent directement sur les conséquences physiques de la

maladie et inversement [7]. Il y a donc une interaction importante entre le psychique et le

physique, c’est pourquoi la prise en compte de l’angoisse est tout aussi vitale que les

traitements prescrits.

De plus, l’adolescent est plus sensible aux effets des chimiothérapies : perte d’appétit,

céphalées, douleurs abdominales, tachycardie, nausées ; voire même refus de traitement, ce

qui altère la qualité de vie du jeune patient et sa prise en charge. Aussi, la plupart des

traitements entraînent des cicatrices en cas de chirurgie, perte des cheveux, amaigrissement

ou prise de poids [8, 9]. Il doit alors apprendre à vivre avec ces modifications physiques non

désirées qui durent parfois longtemps après l’arrêt du traitement et vont le contraindre à

dépenser une énergie considérable et occasionner une fatigue importante. Le jeune patient

se sent fragilisé par ce développement du cancer en lui. Il peut ne plus aimer son corps et ne

plus lui faire confiance. Quelle faute a-t-il commise ? Qui est-il devenu aux yeux des autres,

de ses proches ? Un corps malade ? Un futur handicapé ? Un enfant qui a trahi leurs espoirs

? [10]. Au moment de l’annonce, il ne peut s’appuyer sur ses proches, qui sont aussi

désarmés que lui.

Il lui faut aussi pouvoir comprendre tout le monde médical avec son jargon spécifique

souvent incompréhensible. Il va vraiment devoir apprivoiser le cancer et se l’approprier.

L’amputation

En cas de tumeur osseuse, comme ce fût le cas pour Y., l’amputation est parfois

nécessaire. Elle peut être mal vécue du fait de l’atteinte de l’image du corps et de la

mutilation réelle. Les adolescents y attachent beaucoup d’importance. En effet, une cicatrice

représente déjà une marque sur le corps, visible aux yeux des autres et source d’angoisse,

une amputation le transpose du monde des valides à celui des handicapés. Y. utilise l’humour

quand il parle de sa jambe amputée à de jeunes patients. Quand il s’agit de ses proches, il

esquive, ce qui met en évidence un certain mal-être, nécessitant une dépense d’énergie de Y.

pour adapter son langage suivant les interlocuteurs, et ce, pour les protéger. La prise en

charge psychologique de la personne amputée, d’autant plus s’il s’agit d’un adolescent

comme Y. doit être précoce et obligatoire, d’après E. KUBLER-ROSS. Le patient va

connaître 5 phases obligatoires pour aboutir ou non à la phase d’acceptation : déni, colère,

marchandage, dépression et acceptation.

La maladie et l’amputation sont difficiles à vivre, d’autant plus à 17 ans.

L’adolescence et l’entrée dans la vie d’adulte

Page 23: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

20

En effet, Y. a 17 ans, est un adulte en devenir.

La Haute Autorité de Santé écrit : « L’enfance et l’adolescence sont des périodes du

développement physique et mental, de l’acquisition d’un capital culturel et scolaire, de

l’intégration à la vie sociale. C’est aussi un moment d’identification personnelle et sociale

et celui où s’achève de se constituer le capital-santé, ce qui fait que leur personnalité et leur

appréhension de la maladie ou de la mort ne sont pas encore solidement constitués » [11].

B. BOVE a écrit en 2002 : « Ces deux facettes, celle de l’adolescence et celle de

pathologie lourde, cumulent la difficulté de prise en charge kinésithérapique. En effet,

l’injustice de la maladie, la rapidité de la cascade des mauvaises nouvelles, l’importance des

effets secondaires de la chimiothérapie, la lenteur des progrès, peuvent parfois entraîner chez

le patient des attitudes de révolte agressive, le désespoir et une démotivation profonde. Ces

difficultés peuvent encore être majorées par l’attitude des parents s’ils ne comprennent pas

les difficultés auxquelles leur enfant doit faire face et l’enfermer dans une situation d’échec,

de dévalorisation (« tu ne fais aucun effort ! ») » [12].

A l’inverse, les jeunes patients font souvent preuve d’une importante capacité à faire

face, ils sont plus disponibles dans leur tête que chez l’adulte (moins de soucis matériels) et

ont une plus grande capacité de récupération.

Aussi, l’adulte est un être finalisé, qui a un passé sur lequel il peut s’appuyer pour recouvrer

des capacités antérieures. Le jeune patient et sa famille, ont besoin de se projeter dans

l’avenir pour envisager un avenir professionnel et social adéquat. Il en découle que la

rééducation de l’enfant ou de l’adolescent doit être pratiquée d’une façon différente de celle

de l’adulte. « Pourra-t-il séduire, être séduit, désirer ? Plus tard, pourra-t-il constituer un

couple, devenir parent ? Le cancer, la durée d’hospitalisation, bouleversent leur choix

affectif, la recherche de leur identité sociale, leurs projets. Ils sont partagés entre une

régression vers la petite enfance et la fierté de la maturité déjà acquise. Ils ressentent parfois

la maladie comme un échec, une sanction contre leur vaillance ; Certains troubles du

comportement sont dus au sentiment d’échec par rapport aux responsabilités déjà prises,

pour certains, dans la famille» [10]. J’ai constaté et ressenti ces difficultés chez Y., et

notamment une certaine culpabilité, source d’angoisse. En effet, il est l’ainé de la famille de

parents séparés et de ce fait, faisait office « d’homme de la maison » et s’était attribué des

responsabilités notamment concernant ses frères et sœur plus jeunes.

Leur réceptivité n’est pas toujours aussi bonne qu’on le souhaiterait. Il faut donc

que le thérapeute sache se remettre en question, trouve la conduite à adopter pour faire

adhérer l’adolescent au traitement kinésithérapique : les contraintes que peuvent s’imposer

Page 24: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

21

des adultes « soyons raisonnables, forçons nous », sont inconnues des jeunes patients. A ce

titre, Y. pré-adulte a toujours été très déterminé et volontaire dans la prise en charge

kinésithérapique, dans la mesure de ses possibilités physiques et psychiques. Aussi, il faut

veiller à ne pas mettre l’adolescent en situation d’échec lors des séances, même si on sait

qu’on se construit sur ses échecs : il faut donc savoir motiver, encourager sans surprotéger.

Du fait de son statut d’adolescent, la scolarisation est une activité primordiale de sa

vie quotidienne. Il n’est pas toujours facile d’allier le planning des cours et celui du

traitement et de la fatigue occasionnée. Mais, il faut laisser de la place au patient pour vivre

sa vie d’adolescent et conserver une relation de qualité avec sa famille et ses amis. Pour une

optimisation dans la prise en charge kinésithérapique, avoir de meilleures chances de

guérison, et pour une bientraitance, il faut essayer de le maintenir le plus possible dans la vie

sociale (accès aux médias, internet, animations extra structurelle, comme une sortie au stade

de France pour Y., passionné de football), auprès de sa famille, de ses amis, et en poursuivant

son cursus scolaire (scolarité adaptée à l’hôpital).

C’est ce qui se pratique à l’hôpital où j’étais stagiaire.

Manifestations de cette angoisse

Les mauvais résultats anatomo-pathologiques de son voisin de chambre ont été

l’élément déclencheur d’un trop plein d’angoisse accumulée et qui s’est manifesté de

plusieurs façons : repli sur lui-même, stress, appréhensions, perte de son sourire et de son

humour, douleurs sans cause retrouvée. La situation la plus délicate a été l’instant où il s’est

laissé aller à ses émotions en ma présence, avec des pleurs : c’est à ce moment que je me

suis retrouvée confrontée à la problématique de ma juste distance professionnelle et de la

gestion de mes émotions.

2ème partie : le positionnement du MK : à la recherche de la juste distance professionnelle,

les enjeux pour le patient et les pièges à éviter pour conserver un bien-être au travail

Généralités :

Interaction soignant-soigné

L’acte de soin n’est pas destiné à un organisme malade, mais à un individu souffrant.

La prise en charge de la douleur est une des premières missions du soin. Que deviendrait le

Page 25: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

22

soin si le désespoir ou la dépression n’étaient pas reconnus ?

Depuis quelques décennies, les patients eux-mêmes, y compris Y., nous rappellent à

ce devoir majeur, le devoir d’attention et le regard humain. L’histoire nous rappelle qu’il

n’en a pas toujours été ainsi : en effet, jusque dans les années 1980, la relation d’aide et de

soutien à la personne n’étaient pas reconnus comme étant un travail du soin [13].

La particularité de la relation soignant-soigné c’est qu’elle est thérapeutique : elle est

susceptible de guérir une maladie et repose sur un soin relationnel. Bien que la formation

théorique ne soit pas riche sur ce sujet, dès les premiers stages, que ce soit près des personnes

âgées, près des plus jeunes, notamment près des adolescents et qui plus est malades, comme

Y., j’ai été confrontée à la souffrance du patient, inquiet sur son devenir. Toute la relation

soignant-soigné, est à adapter. L’exercice n’est pas facile car c’est un apprentissage difficile

à transmettre. JP. SAUZEDE écrit : « Si nous avons tous appris à parler, rares sont les lieux

(et trop rarement encore à l’éducation nationale) pour nous apprendre à être en relation »

[14]. Cela repose sur des attitudes, des paroles, des gestes de l’un ressentis et interprétés par

l’autre. Une bonne connaissance de la spécificité de la relation soignant-soigné permettront

au thérapeute de trouver sa place, d’être à la fois proche et attentif tout en préservant la juste

distance, et d’accomplir sa mission de soin et d’aide au patient souffrant. « Ni bourreau, ni

victime, ni sauveur, il doit intégrer dans sa pratique, habileté technique et approche humaine

» [15].

Relation de confiance, relation d’aide

Le terme « relation » signifie entrer en lien, être à l’écoute. Quant au terme «

confiance », le dictionnaire nous dit que c’est le fait de croire avec assurance, de se fier à

quelqu’un.

C. DESHAYS écrit : « Il est important d’établir une relation de confiance pour être

entendu, compris, négocier les arrangements entre ce que l’un espère recevoir et ce que

l’autre est prêt à donner. Seul notre patient pourra nous dire s’il est en confiance » [14].

Il s’agit d’un processus car il ne suffit pas seulement d’établir une relation de confiance mais

il faut également qu’elle se développe et se maintienne. Elle doit être une vraie collaboration

entre deux être différents. Le patient est une personne à considérer en tant que telle avec son

histoire et ses particularités individuelles. « L’enfant ou l’adolescent cancéreux, n’est pas la

somme de douleur, amputation, intervention chirurgicale, séquelles physiques ou

intellectuelles. Il est un jeune normal confronté au cancer et à ses effets psychiques » [16].

En effet, le jeune patient malade est vivant « à sa façon » [10].

P. PRAYEZ, parle de « relation d’aide » pour aider les soignants à trouver la bonne distance

Page 26: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

23

avec leur patient et dit ceci : « La juste distance ne coupe pas d’autrui, elle construit, au

contraire, un lien de qualité, point essentiel de la relation d’aide » [16], mais qu’est-ce que

la distance professionnelle, quels en sont les éléments et qu’est-ce que la juste distance ?

A la recherche de la juste distance (ou juste proximité) professionnelle ou bien

positionner le curseur relationnel

Distance professionnelle et curseur relationnel

E.T. HALL dit qu’il existe quatre distances dans l’expérience humaine : la distance

publique, la distance sociale, la distance personnelle et la distance intime [17]. La

terminologie m’a tout de suite posé question : en effet, faut-il parler de distance

professionnelle ou de proximité professionnelle ? Les lectures que j’ai faites me parlaient

surtout de distance professionnelle, je vais donc conserver ce terme, mais le terme

« proximité professionnelle » me semblerait plus adapté.

C. DESHAYS a simplifié ma vision. En effet, elle préfère parler de curseur

relationnel, avec des notions de rapprochement et d’éloignement. Ce curseur peut osciller

dans une zone d’équilibre. Au-delà, on n’est plus dans la juste distance ; C’est un outil simple

à comprendre, plus difficile à appliquer, ce qui explique qu’il y ait tant de livres sur ce sujet.

Nous allons nous attarder sur les composants de cette distance professionnelle, les moyens

pour rechercher la juste distance, la trouver et l’adapter.

Les composants de la distance professionnelle

Il s’agit des techniques de communication, l’écoute non verbale, le vouvoiement-

tutoiement et la gestion de l’empathie avec les notions d’attachement, de tendresse, de

séduction et de transfert…

La communication verbale

Communiquer est un moment important de la relation soignant-soigné (discussion,

écoute verbale, reformulation, questions ouvertes et fermées) : le patient et ses proches

doivent être mis en confiance. Selon P. PRAYEZ, « écouter » signifie d’abord « savoir se

taire » pour laisser la parole à son interlocuteur et « savoir se taire intérieurement », c’est-à-

dire, ne pas s’identifier à l’autre, s’écarter de ses propres réactions émotionnelles, quitter son

propre système de valeurs [16]. Or, il n’est parfois pas facile de se taire pour pouvoir laisser

l’autre parler lorsque la souffrance d’autrui touche nos blessures personnelles et réveille nos

propres souffrances.

L’écoute non verbale

Selon P. PRAYEZ, elle se pratique en trois temps : une observation de ce qui se

passe en l’autre (ce qu’il exprime par ses gestes, la position de son corps, son inaction, le

Page 27: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

24

rythme de sa respiration et mimiques), une observation de ce qui se passe en soi (prendre

conscience de mes sensations : plaisir, déplaisir) et enfin une observation des réponses non

verbales de l’autre (mimiques du visage pour exprimer son accord ou pas) [18].

Cela démontre une forte interaction. Cette attention portée en alternance favorisera la

confiance.

Le vouvoiement-tutoiement

Selon P. PRAYEZ : « Dans la langue française, le tutoiement et le vouvoiement

sont deux modalités différentes d’échange verbal : le tutoiement est habituellement réservé

aux relations proches ou entre personnes de même âge. Le vouvoiement, marque

l’éloignement relationnel plus important des interlocuteurs. C’est un signe de politesse,

éventuellement associé au respect d’une différence d’âge ou d’une différence de niveau

hiérarchique » [18]. Le vouvoiement est souvent associé aux relations professionnelles.

Ainsi, il peut être judicieux de vouvoyer lorsqu’on est jeune professionnel comme moi, pour

être à l’aise dans sa posture de soignant. Dans la structure d’accueil de Y., du fait qu’il

s’agisse d’un hôpital pédiatrique, les soignants et patients forment en quelque sorte « une

union », et le tutoiement respectueux où chacun garde sa place a été adopté. J’ai, par

conséquent, respecté cet usage après avoir eu son accord.

L’empathie, ses différentes formes et comment la manifester

C. DESHAYS relate : « La relation fondée sur l’empathie, loin d’être une attitude

spontanée et naturelle, trouver le juste soutien est un art subtil » [13]. Cela veut dire qu’il

faut du courage du fait que c’est une relation qui engage, qui nécessite une implication

émotionnelle. Elle dit avoir rencontré des soignants, qui lui ont dit que leur hiérarchie leur

avait conseillé de tenir leur émotivité à distance, qu’il fallait qu’ils apprennent à s’endurcir

devant la souffrance ou devaient faire un travail personnel de psychothérapie s’ils ont un

problème dans leur travail dû « au relationnel ». Ainsi, on constate qu’un savoir-faire

relationnel s’impose. Il est maintenant reconnu comme essentiel à une bonne prise en charge

soignante [19].

C. ROGERS défini l’empathie, « comme la compréhension du monde du patient

comme s’il était le vôtre, mais sans jamais oublier la qualité de ‘comme si’ car si l’on perd

le ‘comme si’, on tombe dans l’état d’identification. Il ne s’agit donc pas de prendre la place

du patient mais de ressentir et de comprendre la vie intérieurement d’autrui. Elle permet au

patient de trouver de nouvelles solutions à ses difficultés. Elle vise donc une efficacité »

[20].

Concrètement, c’est se poser la question : « Comment je me sentirais ou j’agirais dans la

Page 28: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

25

situation de l’autre si j’étais à sa place ? » ; C’est seulement un processus mental pour mieux

comprendre l’autre et l’aider. Une attitude empathique permet au patient de se sentir en

confiance en face d’un soignant qui tente de le comprendre : le malade espère un

soulagement, et le soignant, une reconnaissance de son savoir-faire, l’efficacité de sa

pratique.

L’attachement, la tendresse et la séduction :

La relation soignant-soigné est une relation d’égalité et en même temps d’inégalité avec cette

notion de supériorité de la blouse blanche et d’infériorité du fait que le soigné est malade et

couché. C’est aussi une relation avec des droits et des devoirs, pour le patient et le soignant.

L’homme a besoin de compassion, d’attention dans le soin. Le soin que nous procurons en

masso-kinésithérapie est un soin dans le toucher, qui fait résonance chez la personne qui le

reçoit. Le patient est un être vivant, tout comme le soignant, qui éprouve des émotions, des

sentiments. Ni l’un, ni l’autre ne sont des robots. Pendant les séances, il y a une proximité

physique et psychique, une expérience d’intimité confiante et respectueuse avec des contacts

physiques. On entend souvent dire que l’affect serait gênant dans la relation de soin. Pour

un soignant, n’est-ce pas plutôt un élément de professionnalisme ? Parler de ses émotions à

un collègue n’est pas facile car c’est reconnaître le risque que le côté humain l’emporte sur

le professionnalisme, dans la relation. Il faut donc trouver un équilibre entre distance et

proximité et trop de proximité peut engendrer trop d’attachement voire de la séduction.

Selon P. PRAYEZ : « La tendresse protège sans imposer. Elle reste centrée sur les besoins

de l’autre » [18]. On reste à l’écoute de ce que l’autre accepte, tout en étant prêt à stopper

lorsqu’il ne le souhaite plus. Cette attention participe à une juste distance. La tendresse offre

un appui pour avancer, pour « tenir » face à la douleur et à la souffrance. Mais c’est vrai que

dans cette expérience, il y a un partage émotionnel nécessairement impliquant : le soignant

est ainsi confronté à vivre le rapproché intime, à s’ouvrir à des échanges relationnels vrais.

Saura-t-il rester centré sur les besoins de l’autre ? En effet, soigner un patient de 5 ans plus

jeune comme Y., a nécessité un juste équilibre distance-proximité. En cas de suivi sur une

durée assez longue, dans une situation de grande souffrance corporelle et psychique,

j’imagine que ce pourrait être un exercice difficile.

J’ai partagé un certain attachement, une certaine tendresse avec Y., mais n’ai pas connu de

quelconque amitié ni séduction, la blouse blanche y a sans doute contribué. Je pense avoir

géré la situation du mieux possible car je n’ai pas rencontré de mal-être particulier pendant

ma prise en charge et dans les semaines qui ont suivi la fin de mon stage.

Notion de transfert : et contre-transfert

Page 29: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

26

Cette notion a été découverte par S. FREUD, pour désigner un mouvement affectif rencontré

dans la relation de soin.

C’est un mouvement « transférentiel », selon P. PRAYEZ, qui est la répétition d’un schéma

émotionnel vécu initialement avec les parents ou membres de la famille [18]. En milieu

hospitalier, ce concept est peut-être trop souvent utilisé pour accuser un soignant qui est

considéré trop proche de ses malades, trop attentionné, trop humain. N’est-ce pas plutôt un

moteur du soin ?

Les moyens pour trouver cette juste distance professionnelle

Rappeler le mandat, le cadre d’intervention du thérapeute

Dans la plupart des cas, le fait de rappeler le mandat du MK et les règles de

fonctionnement permet de recadrer des comportements déplacés ou, au contraire, de

favoriser la relation de confiance. Il me semble que dire que JE suis là en tant que

professionnelle du soin, que JE suis employée par l’hôpital ou le centre pour effectuer sa

rééducation et optimiser son autonomie, au sein de la structure en question, pendant toute la

durée de sa prise en charge, suffira bien souvent à me positionner.

Partager avec l’équipe soignante

Avoir une bonne adhésion de l’équipe soignante et partager entre professionnels

pluridisciplinaires permet de bien doser la juste distance, tout en respectant l’éthique et le

secret professionnel, car nous nous transmettront nos expériences. Une formation

professionnelle aux questions psychologiques spécifiques rencontrées par les jeunes malades

me semble nécessaire pour tous les soignants, notamment en pédiatrie, « car il n’y a pas d’un

côté les ‘spécialistes du corps’ et de l’autre ‘ceux de l’esprit’ et le soutien psychologique

peut être nécessaire au jeune et à ses parents, mais aussi à l’équipe soignante dans la mesure

où tous sont confrontés aux difficultés comme l’angoisse, voire la mort ». Certaines unités

de soin ont déjà intégré un psychologue dans leur équipe pluridisciplinaire pour venir en aide

aux patients et aux soignants [21].

Ce partage permet également d’extérioriser notre trop plein d’émotion.

A ce titre, lors de la période d’angoisse importante de Y., j’ai su être à son écoute,

j’ai en quelque sorte « fait éponge » car j’avais senti qu’il fallait que je sois « forte » face à

lui. Mais, quand je suis sortie de sa chambre et que j’ai fermé la porte, j’ai ressenti le besoin

d’évacuer. J’ai rencontré sa kinésithérapeute dans le bureau des kinés, ai pris garde à ce qu’il

n’y ait pas de patients dans notre entourage et lui ai confié une partie de mon expérience

avec Y. Comme il était prévu que je rencontre la psychologue pour échanger sur Y., nous

sommes allées ensemble et j’ai éprouvé un soulagement à pouvoir partager.

Page 30: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

27

Apprendre à se connaître

Apprendre à se connaître, c’est détecter ses faiblesses et ses forces, ses émotions.

La difficulté est que nous ne contrôlons pas tout : dans certains cas, nous voudrions être plus

proche de notre patient et nous n’y arrivons pas (nous sentons de la distance) sans en

connaitre la raison, ou au contraire, nous pouvons nous sentir plus touchés que ce que nous

voudrions. Nous ne pouvons pas commander nos émotions, et dans notre société, les affects

et les sentiments sont représentés comme un aveu de faiblesse. Réfléchir sur ces mécanismes

complexes permet une ouverture d’esprit et permet de mieux se connaitre. En effet, il faut

savoir se poser, pour comprendre sa façon d’agir professionnelle et mieux se connaitre

nécessite de faire référence à son vécu personnel. Il s’agit donc d’un travail permanent sur

les relations, les sentiments, les intentions, qui permet d’ajuster sa posture professionnelle et

d’établir une relation d’aide fructueuse. Travailler sur la distance professionnelle permet

d’améliorer l’écoute et la compréhension du patient tout en évitant l’épuisement et le

découragement.

Comme le dit P. PRAYEZ « Il ne faut jamais perdre de vue que l’identification à

l’autre est un mouvement imaginaire. Et même si le fait de se mettre en pensée à la place de

l’autre peut nourrir une certaine empathie, fondamentalement, JE ne suis JAMAIS à la place

de l’AUTRE. Ce qui ne signifie pas : incommunication » [18].

J’en déduis que la juste distance serait une présence qui favoriserait le contact, avec

un certain affect comprenant de la tendresse, un certain attachement, tout ceci restant

contenu, sans débordement. Elle serait donc la capacité à être sur le terrain du patient, en

pleine CONSCIENCE de la différence des places. La relation doit aussi être chaleureuse,

bien-traitante et respecter nos engagements éthiques (concernant notamment le respect des

attentes et du consentement du patient).

Les pièges à éviter, pour conserver un bien-être au travail

Savoir reconnaître qu’on a atteint ses limites

On atteint ses limites quand on est amené à utiliser des mécanismes de défense et

on le fait pour se protéger et de s’adapter au monde externe.

D’après M. ESTRYN BAHAR, il existe neuf mécanismes de défense propres au soignant :

le mensonge, la banalisation, l’esquive, la fausse réassurance, la rationalisation, l’évitement,

la dérision, la fuite en avant, l’identification projective [22]. L’utilisation souvent

inconsciente de mécanismes de défense du soignant sont préjudiciables au patient et au

Page 31: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

28

soignant, il faut donc y avoir recours le moins possible.

Quelques questions simples et concrètes à se poser

Mieux me connaître, c’est aussi avoir en tête ces quelques alertes concrètes pour

me prémunir du risque de mauvaise distance professionnelle :

Si je désire, pour le patient ou sa famille, autre chose que ce qu’ils souhaitent.

Si je décide quelque chose à leur place.

Si je crois savoir mieux que le patient ce qui est bon pour lui ou que je lui cache des

informations que je suis censée lui transmettre, même avec la bonne intention de le protéger.

Si je sors de mes missions ou que je ne fais pas retour de mes actes, consciemment.

Si je pense qu’il m’est inutile de m’exprimer sur ce que je vis et ce que je ressens.

Le but recherché : éviter le découragement et l’épuisement

professionnel

« Etre un soignant heureux, quoi de plus naturel pour celui qui a choisi ce beau

métier ! Et pourtant la chose ne parait pas si simple… car être heureux dans le milieu

professionnel nécessite, entre autres, des relations harmonieuses avec les patients, les

collègues, sa hiérarchie et soi-même. Bien peu d’ouvrages sont dédiés à ce thème. Beaucoup

ont trait au malaise des soignants mais peu donnent des solutions dans la vie de tous les

jours » [23].

Il s’agit donc d’avoir de bonnes relations avec tous ceux qui nous entourent au travail.

Concernant les patients, le MK est un professionnel particulièrement exposé parce qu’il

travaille avec le corps [24], porteur de souffrance, et que les séances, régulières, qui parfois

se déroulent pendant plusieurs mois sont des occasions pour les patients d’exprimer leur

vécu intime. Il s’agit donc d’écouter le malade, de lui donner les explications nécessaires, de

l’accompagner et l’aider à affronter les moments difficiles, en plus du traitement

kinésithérapique, en gardant la juste distance. En ce qui concerne les collègues et la

hiérarchie, le fait de partager entre professionnels va engendrer une bonne collaboration.

Reste enfin une bonne relation avec soi-même, ce qui revient à bien se connaître. Tous ces

termes ont été abordés précédemment.

En cas de difficulté de relation, le recours à un psychologue peut être une ressource

intéressante.

Les enjeux pour le patient

Page 32: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

29

Dans « La force de guérir » en 2001, E. ZARIFIAN parle de « l’importance de

l’intervention du soigné dans la guérison.

Le soignant et la technologie ne sont pas les seuls à intervenir dans le processus et il

est même essentiel que le soigné soit pris en considération » [25]. Il évoque une réelle

influence de l’entourage sur le résultat des soins et dit qu’aucune guérison n’est complète si

ne s’instaure entre le malade, ses proches et les soignants une relation humaine particulière.

Il se bat contre la déshumanisation qui guette la relation soignants-malade.

Il parle donc de « jeu de la parole et de l’écoute » : il faut, selon lui, être conscient du fait

que le soin exercé dans n’importe quelle discipline, ne réside pas seulement en la pratique

du geste technique ; en effet, il s’y rajoute la relation établie entre le soignant et le soigné ;

celle-ci est très importante, elle est constituée par le dialogue, l’écoute active, la

compréhension et permet le bon déroulement du soin dans un rapport de confiance entre le

patient et le soignant. En fait, l’un ne va pas sans l’autre. Il dit ensuite : « Pour guérir ? La

volonté ! » [25]. Il explique que : « Il existe une force psychique en chaque être humain et

qu’elle peut être identifiée par lui, mobilisée et fortifiée pour atteindre un but conforme à

son désir » [25]. Selon les circonstances, explique-t-il, on appelle cette force la « volonté, la

conviction ou la motivation » [25]. Or, si cette force est inexistante ou qu’elle n’est pas

activée, la guérison est difficile, parfois impossible, quels que soient les traitements qu’on

apporte. En matière de soins, elle joue donc un rôle important et vient s’ajouter aux effets

des interventions techniques du soignant [26].

J’en déduis ainsi, qu’une bonne proximité relationnelle favorise une meilleure

compréhension du patient et ainsi une meilleure prise en charge de sa souffrance psychique

et physique. Cette attitude instaure une relation de confiance, qui va engendrer naturellement

un encouragement adéquat et une motivation accrue. Il va en découler une meilleure

acceptation des diagnostics médicaux et des soins proposés, une meilleure adhésion aux

traitements kinésithérapiques et donc, un patient acteur dans sa rééducation. Tout ceci va

engendrer de meilleurs résultats cliniques et par conséquent un plus grand bien-être pour le

patient.

A l’inverse, C. DESHAYS confirme : mal maitriser « le relationnel » nuit à

l’efficience dans son travail [14]. Dans la revue FACE A FACE, H. MARCHE, dit qu’il faut

qualifier et tenir compte de la dynamique des émotions du patient et qu’un bon travail

relationnel garantira la coopération des patients au cours de la prise en charge proposée [13].

Page 33: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

30

4 CONCLUSION

Lors du choix de mon futur métier et au travers de mes précédents stages, j’avais

cerné qu’il fallait avoir une certaine aptitude au « relationnel » mais n’en n’avais pas mesuré

toute l’importance et toute la complexité. Il suffit de voir tous les écrits sur le sujet de la

distance professionnelle ! J’ai bien pris conscience que les différents éléments énoncés dans

ce mémoire ne sont que des pistes de progrès, et qu’en aucun cas, il ne s’agisse de « recette

miracle » : chaque soignant ou patient est un être à part entière, et n’est donc pas un robot.

Je cerne maintenant, suite à cette analyse, toute l’importance des cours théoriques en

psychologie reçus en institut. Le fait de les avoir rendus concrets grâce à ce stage, m’a fait

me poser des questions et m’en fera désormais poser de nouvelles lors de mes prochaines

prises en charge. Ce stage en pédiatrie oncologique m’a fait prendre conscience, d’autant

plus, de l’importance de la gestion de la relation humaine et de la juste proximité

professionnelle à adopter. En effet, la difficulté est importante quand il s’agit de jeunes

patients malades, amputés comme Y., car on estime la souffrance encore plus injuste.

Ne pas respecter cette juste proximité professionnelle pourrait conduire le soignant à utiliser

consciemment ou pas, des mécanismes de défense et ainsi contribuer à une certaine

maltraitance des patients et à un mal-être du soignant.

Le travail sur ce mémoire m’a aussi permis d’attacher de l’importance au fait de mieux me

connaître, mieux appréhender mes forces et mes faiblesses pour pouvoir prendre un certain

recul, une certaine distance, et une certaine proximité.

La prise de conscience des différents éléments énoncés dans ce mémoire vont faire

évoluer ma pratique dans mes futures prises en charge kinésithérapiques, cela va m’aider à

être plus professionnelle de jour en jour.

Le but d’une prise en charge kinésithérapique étant de rééduquer ses patients avec efficacité,

les accompagner, les bien-traiter et se maintenir une qualité de vie optimale au travail.

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Être attentif sans se faire envahir, ferme sans être rejetant. 2e édition. Paris: InterEditions;

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Page 37: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

ANNEXES

ANNEXE I : Compte rendu opératoire de l’ostéosynthèse réalisée le 14/10/2014

ANNEXE II : Compte rendu de la biopsie du 06/11/2014

ANNEXE III : Réunion de concertation pluridisciplinaire du 05/01/2015

ANNEXE IV : Compte rendu opératoire de l’amputation réalisée le 06/03/2015

ANNEXE V : Traitement médical de Y.

ANNEXE VI : Mesures périmétriques du moignon, partant de l’EIAS (Epine Iliaque

Antéro-Supérieure à l’extrémité distale)

ANNEXE VII : Tableau des amplitudes articulaires passives initiales mesurées pour la

flexion/extension du genou et de la talo-crurale

ANNEXE VIII : Signification des cotations type testing selon Daniels et Worthingham

ANNEXE IX : Test des 6 minutes

ANNEXE X : Test du « Timed Up and Go »

ANNEXE XI : Photos complémentaires

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ANNEXE I : Compte rendu opératoire de l’ostéosynthèse réalisée le 14/10/2014

ANNEXE II : Compte rendu de la biopsie du 06/11/2014

Page 39: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

ANNEXE III : Réunion de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) du 05/01/2015

ANNEXE IV : Compte rendu opératoire de l’amputation réalisée le 06/03/2015

Page 40: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

ANNEXE V : Traitement médical de Y.

NOM MEDICAMENT CATEGORIE

DOLIPRANE Antalgique palier 1

OXYCONTIN Antalgique palier 3

OXYNORM Antalgique palier 3

SKENAN Antalgique palier 3

ORAMORPH Antalgique palier 3

NEURONTIN Antiépileptique

RIVOTRIL Antiépileptique

LAROXYL Antidépresseur

KITRIL Antiémétique

LOVENOX Anticoagulant

CALCIDOSE Complément calcium

UVEDOSE Complément vitamine D

DIFFU-K Complément potassium

MAG 2 Complément magnésium

ANNEXE VI : Mesures périmétriques du moignon, partant de l’EIAS (Epine Iliaque Antéro-

Supérieure à l’extrémité distale)

Périmètre

(en cm)

12/03/15

COTE

SAIN

12/03/15

COTE

AMPUTE

19/03/15

COTE

AMPUTE

24/03/15

COTE

AMPUTE

30/03/15

COTE

AMPUTE

09/04/15

COTE

AMPUTE

+ 15 cm 55 62 60 59 58 56

+ 20 cm 56 61 59 59 56 54

+ 25 cm 55 55 55 55 50,5 50

+ 28 cm 54 47 47 47 47 43

Page 41: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

ANNEXE VII : Tableau des amplitudes articulaires passives initiales mesurées pour la

flexion/extension du genou et de la talo-crurale

GENOU COTE SAIN

Flexion Hanche tendue : 120°

Hanche fléchie : 120°

Extension 0°

TALO-CRURALE COTE SAIN

Flexion dorsale Genou fléchi : 5°

Genou tendu : 5°

Flexion plantaire Genou tendu : 55°

Genou fléchi : 45°

La référence est prise pied à 90° par-rapport au segment jambier.

ANNEXE VIII : Signification des cotations type testing selon Daniels et Worthingham

Page 42: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

ANNEXE IX : Test des 6 minutes

Matériel :

- Couloir dégagé calme d’au moins 20 mètres de long, sans obstacle au sol

- Marquage au sol du point de départ, puis tous les 5 mètres

- Aides de marche habituelles du patient : 2 cannes anglaises pour Y.

- Chronomètre

Objectif : Réaliser la plus grande distance possible en six minutes à vitesse confortable

Test 6 min adapté Distance (m) Fréquence cardiaque

(battements/min)

Saturation (%)

Au repos 0 107 98

1 min 45

2 min 90

3 min 135

4 min 185

5 min 235

6 min 285 140 96

Assis, repos 3 min 113 97

Assis, repos 5 min 109 97

Y. ne s’est pas arrêté durant le test et n’a pas montré de signe de fatigue.

ANNEXE X : Test du « Timed Up and Go »

Le test doit être réalisé avec un chaussage habituel, une éventuelle aide à la marche.

Il est demandé au patient de se lever d’un fauteuil, de marcher sur une distance de 3 mètres,

de faire demi-tour et de revenir s’asseoir ; le test est chronométré.

Y. a utilisé deux cannes anglaises pour réaliser ce test. Son temps : 17 secondes.

(Une valeur > 30 secondes signe un niveau de dépendance élevé).

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ANNEXE XI : Photos complémentaires

Push-up Massage du moignon

Travail debout des extenseurs de hanche droite Pont fessier avec appui moignon

Page 44: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

Frise chronologique retraçant la succession des évènements

Fracture

12.10.2014

Ostéosynthèse

14.10.2014

Révélation

ostéosarcome

06.11.2014

Amputation

06.03.2015

Page 45: Le positionnement du kinésithérapeute face à l¶angoisse ...

Modélisation du diagnostic masso-kinésithérapique selon la CIF

Problème de santé

Amputation et chimiothérapie

Fonctions & structures

corporelles

(Déficiences)

-Amputation fémorale

-Flexum 20°

-Déséquilibre balance

musculaire

-Œdème

-Douleurs (moignon et

fantôme)

-Sensation fantôme

-Fatigue

Activités

(Limitations)

Actuellement

-Moulage (prothèse) retardé

-Autonomie diminuée sous

chimiothérapie

-Appropriation du nouveau

schéma corporel complexe

Pour l’appareillage

-Appui moignon/prothèse

compliqué

-Absence de pas postérieur

(marche)

-Mauvais « contrôle » de la

prothèse

-Périmètre de marche limité

Participation

(Restrictions)

Actuellement

-Moins actif sous

chimiothérapie

-Dépendance (repas)

-Absences en cours

Pour l’appareillage

-Déplacement avec ses

2 cannes anglaises

-Dépendance (repas)

-Handisport impossible

-Projet professionnel à

adapter

Facteurs environnementaux

-Traitement chimiothérapique (par pompe)

-Rentre chez lui tous les week-ends

-Maison de plain-pied

-Scolarisé à l’hôpital

Facteurs personnels

-17 ans, l’aîné de la famille

-Vit chez sa mère, avec ses frères et sœur

-Terminale ES

-Dynamique, motivé