LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812,...

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.. LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL (SCIENCE DE LA LOGIQUE) ImRODUCfION n ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé, et ce, on le sait jusqu'à sa mort, être parvenu à l'exposé de la «science absolue ». Pointe la plus élevée du savoir, dans son unification avec son objet, la logique, comme « système de la Raison pure », « royaume (Reich) de la pure pensée », « qui la vérité comme elle est sans voile en soi et pour soi », ne contient que « la présentation (Darstellung) de Dieu, comme il est dans son être (Wesen) éternel avant la création de la nature et d'un esprit fini» 1. Mais ce « système de la logique est [aussi] le royaume des ombres, le monde des essentialités (Weseflheit) simples libéré de toutes les concrétions sen- sillies. L'étude de cette science, le séjour et le travail dans ce royaume (\'()mbres est la formation (Bilduflg) et la discipline absolues de sa (WdL, 41). De cet éloignement de toute contingence, ln pensée gagne indépendance et auto-consistance (Selhststlindigkl.it), ,< cli c.: devient autochtone (einheimisch) dans l'abstrait et dans lu m:1l'chc il IntWIli des I.: oncepts sans substrats sensibles », et surtout, ellc « (!t'vielll pll l ss nll W (MI/dit) inconsciente» de « se débarrasser de l'extériorité Cl d' (m !.lllllllll,' I II Il » (Ibid. ). Puissance inconsciente où l'on reconnuÎI III pnhlfll lll l.' l' dil '--0 ---.Q C> J. WI .Henschaft der Logik, hrsg. von G. Lasson, Meiner, Philosophische Blbllol hl'I" ",""hllrg. 1932,1971. p. 3\. Nous citerons désormais, dans le cours de notre teKt " , I"" (, N II\ I I) Wdl. suivi de J'indication de page.

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LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL

(SCIENCE DE LA LOGIQUE)

ImRODUCfION

n ne fait guegravere de doute quen 1812 date de parution du premier tome de la Science de la logique Hegel n ait penseacute et ce on le sait jusquagrave sa mort ecirctre parvenu agrave lexposeacute de la laquoscience absolue raquo Pointe la plus eacuteleveacutee du savoir dans son unification avec son objet la logique comme laquo systegraveme de la Raison pure raquo laquo royaume (Reich) de la pure penseacutee raquo laquo qui e~t la veacuteriteacute comme elle est sans voile en soi et pour soi raquo ne contient que laquo la preacutesentation (Darstellung) de Dieu comme il est dans son ecirctre (Wesen) eacuteternel avant la creacuteation de la nature et dun esprit finiraquo 1 Mais ce laquo systegraveme de la logique est [aussi] le royaume des ombres le monde des essentialiteacutes (Weseflheit) simples libeacutereacute de toutes les concreacutetions senshysillies Leacutetude de cette science le seacutejour et le travail dans ce royaume (()mbres est la formation (Bilduflg) et la discipline absolues de sa lnllsci~ceraquo (WdL 41) De cet eacuteloignement de toute contingence ln penseacutee gagne indeacutependance et auto-consistance (Selhststlindigklit) lt cli c devient autochtone (einheimisch) dans labstrait et dans lu m1lchc il IntWI l i

des Ioncepts sans substrats sensibles raquo et surtout ellc laquo (tvielll pll lssnllW (MIdit) inconscienteraquo de laquo se deacutebarrasser de lexteacuterioriteacute Cl d(m lllllllll III

Il 1~ l qlle raquo (Ibid) Puissance inconsciente ougrave lon reconnuIcircI III pnhlfll lll l l dil

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J WIHenschaft der Logik hrsg von G Lasson Meiner Philosophische Blbllol hlI hllrg 19321971 p 3 Nous citerons deacutesormais dans le cours de notre teKt I ( NIIII) Wdl suivi de Jindication de page

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neacutegatif mais ougrave la penseacutee pure ou purifieacutee est censeacutee gagner sa stricte immanence fOt-elle celle des ombres

Au simple eacutenonceacute de tout cela qui est bien connu on est immeacutediashytement tenteacute de dire quici avec Hegel la philosophie est prise de folie Ou tout au moins pour reprendre un tenne plus ancien dune incroyable hybris - dautant plus incroyable quelle a lair de saffirmer tranquilshylement mecircme si etcest un signe avant la mise enjeu proprement dite de la laquoscienceraquo avec la premiegravere triade (ecirctre-neacuteant-devenir) il nen faut pas moins dune soixantaine de pages de Preacutefaces et dIntroductions eacutecrites de faccedilon plus ou moins rhapsodique pour y amener Ce nest pas le lieu ici de les reprendre de faccedilon deacutetailleacutee et nous nen ferons quune sorte de commentaire au second degreacute historico-philosophique pour nous acheminer vers ce qui sera notre interpreacutetation des premiegraveres pages de la Science de la logique lieu par excellence de lideacutealisme absolu

Avec le recul du temps et agrave la lecture de ces textes preacuteliminaires ougrave senchevecirctrent sous la plume de Hegel des allusion~ agrave et parfois des deacutebats plus ou moins explicites avec Fichte et Scheliing mais aussi des rappels agrave lui-mecircme agrave la Pheacutenomeacutenologie de lesprit on saperccediloit que le veacuteritable acte de naissance de ce que lon a nommeacute lideacutealisme allemand est en 1794 dans leacutecrit programmatiquede Fichte Ueber den Begriff der Wissenschaftslehre et dans le premier eacutecrit de Schelling qui en est deacutejagrave un mal entendu Ueber die Moglichkeit einer Forme der Philosophie uumlberhaupt (suivi de peu par Vom ch ais Prinzip der Philosophie) Deux choses apparaissent dans ces eacutecrits qui constituent deacutejagrave une rupture si profonde avec Kant quelle est en reacutealiteacute radicale par rappon agrave lideacutealisme transcendantal 1) Dune part la neacutecessiteacute dans lesprit du temps mais deacutejagrave incarneacutee dans la tentative de Reinhold de partir dun principe absolu (la fameuse identiteacute absolue du Moi absolu comme premier principe de la W-L chez Fichte) et la difficulteacute correacutelative dy comprendre la neacutegativiteacute (le Non-Moi fichteacuteen) pour arriver aux possibiliteacutes concregravetes et deacutefinies de l expeacuterience 2) dautre pan limpression (ou lillusion) quune articulashytion adeacutequate de la neacutegativiteacute dans lidentiteacute absolue du principe devrait amener la langue philosophique agrave lauto-transparence dans un engenshydrement simultaneacute de sa syntaxe (sa forme laquo logique raquo) et de sa seacutemantique (sa reacutefeacuterence agrave des contenus situeacutes par leur forme)

Comme on le sait le problegraveme poseacute a eacuteteacute traiteacute dans deux directions divergenteliuml)La premiegravere qui est celle de Fichte et ce degraves la premiegravere version de if94195 de la W-L sans quelle se soit deacutementie par la suite IIlulgreacute des transformations aussi profondes que complexes consiste pour l ellsentiel agrave dire que sil Y a bien quelque part un laquo systegraveme de lesprit [IIHllilin )1 ougrave existerait agrave leacutetat pour ainsi dire inconscient cette identiteacute de

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la syntaxe et de la seacutemantique - dans une sorte de meacuteta-langue de la langue philosophique - ce laquosystegravemeraquo nous est inaccessible dans la mesure ougrave nous venons toujours deacutejagrave trop tard par rapport agrave lui eacutetant toujours pris dans et par la disj nction de la forme logique et de la reacutefeacuterence et la W- comme science nest rien dautre que la reacuteeacutelaboration e la langue philosophique par rapport agrave celte irreacuteductible distance du laquosystegraveme raquo En ce sens et malgreacute des inco nsions grossiegraveres par rappon agrave lœuvreIcirc de Kant (en particulier mais surtougrave n ce qui concerne la nature de la faculteacute de juger reacutefleacutechiS on peut dire de la W-L quelle est encore critique malgreacute ses eacutequivoques (le point crucial est que lon ne peut trouver nulle pTUt chez Kant la notion de laquo lois de la reacuteflexionraquo par lesquelles Fichte pensait rejoindre agrave la limite dans lapregraves coup lidentiteacute transshycendantale de la syntaxe et de la seacutemantique) La W-L sera toujours leacutelaboration compreacutehensible de lincompreacutehens~

Irection est ce e de che mg u jeune Sc elling puis de Hegel Elle consiste pour lessentiel agrave croire dune faccedilon qui du point du vue critique est incontestablement dogmatique que non seulement le systegraveme tichteacuteen de lesprit humain est le systegraveme mais quil est aussi le systegraveme absolu Schelling aura beaucoup de peine agrave y parvenir souvent pris dans ~sse (en 1800 il a vingt-cinq ans ) par linstabiliteacute de laquo solutions verbales raquo et il lui faudra revisiter agrave sa maniegravere la WL de Fichte (dans le Systegraveme de lideacutealisme transcendantal en 1800) pour acceacuteder en 180 l au laquo systegraveme de lidentiteacute raquo dont lopeacuterativiteacute procegravede preacuteciseacutement de la dissolution des oppositions finies (ltlt dentendementraquo) dans linfiniteacute censeacutee opeacuterante (lest-elle reacuteellement ) de lidentiteacute absolue Et il suffit de lire attentivement les premiers eacutecrits de Hegel agrave Ieacutena pour sapercevoir combien autour de 18011803 il eacutetait laquo schellingien raquo Mais alors qlle

mineacutee du dedans par le geacutenie proteacuteifonne du philosophe la philosophiu rl l lidentiteacute sera prise de multiples vertiges et de multiples inswbil li eacutes (JI( III ~ ne viendrons pas sur ce que IF Marquet a si admirablell1ent IIlInlysllt1) 11

ce avant la grande crise de 180809 ougrave Sfln~ doule Schl lIing lOIlIlI H~ ri sapercevoir veacuteritablement de ce qu eacutelai i que philosophur Il ft lV l nl Hlili doute agrave Hegel durant les anneacutees dIeacutena j usqu i ln 1(IOIl f IfIll (j l l I l revisite agrave son tour la W-L) (Javoir IOlnpliS qUI Il AylUell ll dl1 1 1111 1111 1 n61 ait laquo tenable raquo - lei fut SQn coup de Ieacutell lu qllll~ li t1 lu ll 111111 1I11r l 11

riicircil Icirc~UVm(nt li 1tiieacuteri(j1r dc 1111 11liIl Ill II~ I ~ pUi l IIIrq lll lll 111 11 l Ordre discursif de mn (xpol II ion (ntl ShmiddotIIIIIU) p ill l lll IIIVI I 1 ni li III - --shy

_iJlUl1lh6 qUI se InrCI qui -le roprlilld -

(1II11Ull l lIdi 111 1 li II l Irr IJI I~ l lf 1

etJlI S6I1 UIIIlIcirc4UC de Ill ltUIUI I1ItUv~lph h l llll ( 1 11 11 11 ~ li 1111111 III middot BI

1 (1 JII M flljllrl i IIcircIltl ~I r I~H r 1hdli llll 1 JlII i 1

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on reconnaicirct la dialectique - bien ajusteacute par ses sauts du positif au neacutegatif et du neacutegatif au positif permettait de fractionner en les inteacutegrant toutes les eacutenigmes et les opaciteacutes qui demeuraient dans la philosophie de lidentiteacute Cest ainsi que Hegel a pu croire avoir laquo accompliraquo lideacutealisme allemand et par lagrave agrave ses yeux la philosoprue elle-mecircme

Quest-ce que cela veut dire plus concregravetement En fin de compte et pour aller droit agrave lessentiel que larticulation des trois principes de la W-L de 179495 pour peu quelle soit purifieacutee de tout rapport agrave une exteacuterioriteacute de tout rapport dune conscience agrave un objet - ce agrave quoi Hegel pense ecirctre arriveacute agrave la fin de la Pheacutenomeacutenologie avec le savoir absolu - donc pour peu que cette articulation soit penseacutee dans la stricte immanence dun mouvement agrave lui-mecircme est censeacutee livrer larticulation matricielle de la meacuteta-langue agrave travers laquelle la langue philosophique va pouvoir se redeacuteployer agrave la fois dans sa syntaxe-lagencement reacutegleacute des concepts - et dans sa seacutemantique - le sens strict censeacute rigoureusement deacutetermineacute par lagencement de chacun de ces concepts On retrouve ainsi au comshymencement de la Science de la logique dans la seacutequence qui fait passer de lecirctre au neacuteant du neacuteant au devenir et du devenir agrave lecirctre-lagrave une reacuteeacutelaboration en quelque sorte quintessencieacutee des trois principes fichteacuteens de la W-L (du Moi absolu au Moi limiteacute) quintessencieacutee en cela quil ne sagit plus du Moi (et du Non-Moi) mais de leur pointe ultime dans la penseacutee pure ougrave tout sujet (Moi limiteacute) est censeacute secirctre englouti dans tout objet (Non-Moi) au sein de luniteacute absolue (lidentiteacute schelshylingienne) des deux donc de la penseacutee pure et de lecirctre pur Par lagrave se joue en reacutealiteacute un eacutetrange jeu extrecircmement subtil qui fait toute la laquo magieraquo du texte heacutegeacutelien la meacuteta-langue eacutetant censeacutee articuler la langue en mettant en place son lexique et son articulation la langue ainsi reacuteorganiseacutee au fil dune tacircche quil faut reconnaicirctre comme gigan tesque finira par seacutegaler agrave la meacuteta-langue et la Darstellung du systegraveme avec le systegraveme lui-mecircme (ce sera lEncyclopeacutedie) Si bien quagrave linverse dans cette version radicale de lideacutealisme absolu cest tout autant la meacuteta-langue dans sa faccedilon deacutepuiser la langue en la reacuteorganisant qui finira au fil de cet eacutepuisement par inteacutegrer la langue en elle-mecircme selon ce qui apparaicirct comme un inexorable processus de laquo digestion raquo On comprend degraves lors que la meacutetashylangue est elle-mecircme comme mouvement dialectique sans origine - dans nos termes elle en est toujours deacutejagrave et pour toujours linstitution symbolique- quelle a toujours deacutejagrave eu lieu et devra toujours encore avoir lieu et que le commencement de la Darstellung quumli est le conunencement du systegraveme ne peut en ecirctre comme dans la Science de la logique avec la seacutequence qui va de lecirctre agrave lecirctre-lagrave que la version la plus abstraite seul point dentreacutee possible pour la langue philosophique qui est une langue

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abstraite depuis ce qui a toujours deacutejagrave eu lieu vers ce qui a lieu et aura toujours encore lieu On sait que la progression dans leacutenonceacute du systegraveme est tout agrave la fois reacutegression vers lexpression plus concregravete du mouvement de labsolu et que la fin nest que le commencement deacuteveloppeacute reconnu en son eacuteterniteacute comme leacuteterniteacute du mouvement (cf sect 577 de lEncycloshypeacutedie version de 1830) Cela donne limpression quil ny a rien dautre (agrave penser) que ce mouvement ou que ce mouvement dans la forme quil prend au travers de la langue philosophique (battement de la positiviteacute et de la neacutegativiteacute absorption reacuteciproque de la positiviteacute et de la neacutegativiteacute) est la matrice en quelque sorte transcendantale non seulement de toute penseacutee mais aussi de tout ecirctre (assimileacute par lagrave agrave la penseacutee)

Cest lagrave que degraves leacutepoque de Hegel sest insinueacute le malaise de maniegraveres il est vrai fort diverses et avec plus ou moins dintelligence Car il y a lagrave nous le disions une sorte de laquomagieraquo ou de laquo tour de passeshypasseraquo dont Hegel lui-mecircme dans lincroyable force aveugle de son geacutenie aeacuteteacute lui-mecircme la victime Sil a reacuteussi il est vrai agrave construire cet objet quest le systegraveme si en son genre ce systegraveme est bien absolu quelle langue (encore philosophique) pourrait encore parler celui qui ne sy sent pas agrave laise qui sent que quelque chose ne marche pas degraves lors que cest tout ce qui est et tout ce qui est pensable (et sensible) qui sont censeacutes ecirctre eacutepuiseacutes mis en place Une consigne critique qui vaut pour toute philosophie est plus que jamais de mise avec Hegel fait-il bien accomplit-il bien ce quil dit quil fait quil accomplit Cest ce que nous voudrions mesurer ici avec la premiegravere seacutequence de la Science de la logique

Avantdy venir et pour achever de mettre en place les cadres de notre lecture il nous faut ajouter quelques remarques Dans la partie de lIntroshydUCTion consacreacutee agrave la division geacuteneacuterale de la logique Hegel eacutecrit

La logique serait deacutetermineacutee comme la science du pur penser qui a pour son principe le savoir pur luniteacute non pas abstraite mais vivante et concregravete par lagrave quen elle lopposition de la consshycience dun eacutetant subjectivement pour soi et dun objectif est sue comme surmonteacutee et que lecirctre est su comme pur concept en soishymecircme et le pur concept su comme le veacuteritable ecirctre Ceux-ci sont degraves lors les deux moments qui sont contenus dans le logique Mais ils sont agrave preacutesent sus comme inseacuteparables et diffeacuterents [dans] une uniteacute non pas abstraite morte immobile (unbewegend) mais ccedil()Ilcr~(e (WdL 42-43)

Ll(~ lors laquo le concept entier est agrave consideacuterer une fois comme concepT frol( lHUll( fois en tant que concept lagrave [comme] seulement concept en

soi de lu reacutealiteacute ou de lecirctre ici [comme] concept en tant que tel concept

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eacutetant pour soi raquo etlaquo la logique serait par lagrave tout dabord agrave diviser dans la logique du concept comme ecirctre et du concept comme concept dans la logique objective et la logique subjectiveraquo (WdL 43) Autrement dit le savoir pur le pur penser (le reacutesultat de la Pheacutenomeacutenologie comme savoir absolu) est comme principe de la logique par-delagrave lopposition du sujet et de lobjet lidentiteacute laquo vivante raquo cest-agrave-dire en mouvement du concept et de lecirctre ce que nous nommons quant agrave nous leur tautologie symboshylique en vertu de laquelle en langue heacutegeacutelienne ils sont tout agrave la fois inseacuteparables et diffeacuterents cest-agrave-dire indiscernables malgreacute leur diffeacuterence Cest la tautologie symbolique de lecirctre et du penser lun des lieux eacuteminents sinon le lieu mecircme de linstitution symbolique de la philosophie Cela implique que dans limmeacutediateteacute abstraite du comshymencement le concept soit tout dabord identique agrave lecirctre ou que dans son en-soi il soit eacutetant et mecircme leacutetant en geacuteneacuteral (lecirctre) toute meacutediation lui eacutetant exteacuterieure Et que par linteacutegration des meacutediations en lui au fil du mouvement il advienne comme concept en tant que tel-Ielaquo en tant queraquo supposant sa reacuteflexion dont Hegel agrave linstar de Fichte et contre Kant pense quelle peut ecirctre deacutetermineacutee par des lois celles de lengendrement (mais en est-ce un) dialectique ougrave les reacuteflexions senchaicircnent selon une syntaxe qui est censeacutee deacuteterminer la seacutemantique Cela explique deacutejagrave que la Science de la logique commence par lecirctre lecirctre cest le concept abstrait de tout rapport ou si lon veut la tautologie symbolique elle-mecircme agrave la fois dans sa forme (qui serait seulement logique cest de lagrave que part Fichte en 1794) et dans son contenu dans limplosion reacuteciproque du concept et de lecirctre de la syntaxe et de la seacutemantique Labstraction est donc moins ici labstraction de tout contenu (cest la forme qui est ici le contenu) que labstraction de tout rapport qui ramegravene agrave labsolument immeacutediat du moins en apparence On nest pas loin de labsolue identiteacute schellingienne sauf preacuteciseacutement on le sait quelle nest ici quune apparence parce quil faut commencer par le plus geacuteneacuteral le plus inchoatif du moins pour nous (cf aussi WdL 54 57-58) On ne comprend que par lagrave le fait que Hegel puisse dire dans le mecircme mouvement que luniteacute (lidentiteacute) du pur concept et du (pur) ecirctre soit concregravete concregravete elle lest seulement dans la mesure ougrave elle est mouvement et mouvement (nous allons y venir plus preacuteciseacutement) ougrave malgreacute lidentiteacute du penser et de lecirctre clignote en eacuteclipses reacuteciproques leur diffeacuterence la premiegravere la plus pure cest-agrave-dire la plus abstraite deacutefinition de labsolu est rappelle Hegel (WdL 59) laquolidentiteacute de lidentiteacute et de la non-identiteacute raquo ce qui comme tel est intenable mais prendra sa premiegravere figure concregravete avec le devenir

Ajoutons enfin avant de commencer que le paradoxe est aussi que concept et ecirctre et de mecircme neacuteant et devenir ont dans la langue

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philosophique une signification Dans nos termes cela signifie quagrave ces mors sont lieacutes ce que nous nommons des aperceptions de langue mais que prises dans le contexte heacutegeacutelien ces aperceptions sont vides de tout objer ou plutOt et Hegel y reviendra plusieurs fois des aperceptions sans intuitiviteacute des aperceptions sans aucune intuition -lintuition intelshylectu(~lIe eacutetant pour Hegel une intuition indiffeacuterencieacutee sans contenu Autrement dit si le concept purest comme tel (comme ce qui se tient de la con(cpuumlon de la penseacutee) aperception Hegel nous enjoint agrave penser cene situation Iregraves inteacuteressante dune aperception sans aucune intuitiviteacute Nous allons y revenir plus preacuteciseacutement car il est temps agrave preacutesent den venir au tCXI(~

IAN( Hm lANOAGE ET CLIGNOTEMENT PHEacuteNOMEacuteNOLOGIQUE

Lecirctre CS I i prendre selon Hegel au sens de la proposition kantienne en VCltu de laquelle il nest pas une proprieacuteteacute (des objets) ou un preacutedicat reacuteel (real) il na cn lui-mecircme aucune deacutetermination de contenu puisquil najoute rien au contenu (du concept empirique) dune chose (cf WdL 71) II est donc si lon veut forme mais en un autre sens que la forme logique traditionnelle cest pour ainsi dire la forme (syntaxique) hypershydense de la reacutefeacuterence (seacutemantique) en geacuteneacuteral cest-agrave-dire laperception pure sans intuition de la langue

Lecirctre est donc laquolimmeacutediat indeacutetermineacuteraquo (WdL 66) il est laquoseushylement identique (gleich) agrave lui-mecircmeraquo et pareillement laquo non-identique agrave leacutegard de lautre raquo nayant pas de laquodissemblance (Verschiedenheit) agrave linteacuterieur de soi ni non plus vers le dehorsraquo (Ibid) il est en reacutealiteacute sans autre et sans dehors en raison de son indeacuteterminiteacute Il ny a preacutecise Hegel laquo rien agrave intuitionner en lui raquo ou il nest que ce pur intuitionner vide II y a donc tout aussi peu agrave penser en lui ou il nest pareillement que ce penser vide (WdL 66-67) Il nest en reacutealiteacute que le neacuteant (Nichts) Le neacuteant reprend donc les mecircmes caractegraveres que lecirctre (identiteacute simple agrave soi-mecircme complegravete vacuiteacute absence de deacutetermination et de contenu indiffeacuterence cn lui-mecircme) Mais eu eacutegard au penser ou agrave lintuitionner il nesl pas indiffeacuterent de penser ou dintuitionner quelque chose (etwas) Cl de Ile

penser ou de ne nintuitionner rien Par conseacutequent ne rien penser ou Ill

rien inluitionner fait que le neacuteant y est (existe) ou plut(l qu il lll1l lintuitionnerou le penser vides eux-mecircmes (en vertu de l irnrIl6dhhh~ ) 1

cela en tant que lecirctre pur (cf WdL 67) laquoLecirctre pur et le n6unt pill ~H III

donc le mecircmeraquo (Ibid) Dougrave vient alors le double retournellleni dl l eil dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Dougrave vient mulgreacute lH h IU

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diffeacuterence On pressent par le sens (Bedeutung) de la langue philosophique que dans le cas de lecirctre tout quelque chose quelconque non encore deacutelimiteacute (deacutefini en langue heacutegeacutelienne deacutetermineacute) y est confondu alors que dans le cas du neacuteant il en est distingueacute mis agrave distance Mais cela preacutesupposerait que lon se donne deacutejagrave le laquoquelque chose raquo cest-agrave-dire plus primitivement le Dasein lecirctre-lagrave ou lexisshytence qui pour Hegel est deacutejagrave et toujours ecirctre-lagrave ou existence finie Cest pourquoi toute agrave lexercice de sa laquo magie raquo la penseacutee heacutegeacutelienne en passe par la meacutediation du devenir envisageacute en trois moments ceux de son uniteacute de sa diffeacuterence (les moments du devenir) et de sa sursomption (Aujhebung) Cest lagrave que nous allons toucher au cœur

Tout dabord de lidentiteacute de lecirctre pur et du neacuteant pur Hegel va tirer que laquo ce qui est la veacuteriteacute ce nest ni lecirctre ni le neacuteant mais cela que lecirctre shynon pas passe - mais est passeacute (uumlbergegangen ist) dans le neacuteant et que le neacuteant est passeacute dans lecirctreraquo (WdL 67) Formule capitale en ce que pour ainsi dire la penseacutee pure (qui est lecirctre pur et donc le neacuteant pur) ne peut tout dabord assister au passage lui-mecircme au retournement reacuteciproque lun dans lautre de lecirctre et du neacuteant mais vient en quelque sorte toujours deacutejagrave trop tard Le double retournement est donc immaicirctrisable (pour Hegel non meacutediatisable dans ces termes eux-mecircmes) et cest cette si tuation que nous deacutesignons par le clignotement reacuteciproque de lecirctre et du neacuteant qui est aussi le clignotement (louverture et la fermeture immaIcirctrishysables) de leur di ffeacuterence

Car il reste eacutenigmatiquement leur diffeacuterence que nous navons encore saisie que par rapport agrave ce que signifie penser ou intuitionner quelque chose Hegel enchaicircne en effet aussitocirct

Mais la veacuteriteacute est tout autant non pas leur indiffeacuterence (sei de lecirctre et du neacuteant) mais cela quils ne sont pas le m2me quils sont absolument diffeacuterents mais pareillement inseacutepareacutes et inseacuteparables et que cest immeacutediatement que chacun disparart dans son contraire Leur veacuteriteacute est donc ce mouvement du disparaicirctre immeacutediat de lun dans lautre le devenir un mouvement dans lequel les deux sont diffeacuterents mais par une diffeacuterence qui sest pareillement dissoute (auflosen) immeacutediatement (Ibid)

On ne pourrait mieux selon nous caracteacuteriser le clignotement luishymecircme cest-agrave-dire le double retournement ou passage incessant de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Mais ce qui reste difficile agrave penser cest que en un sens il ne sagit lagraveque du double passage du vide dans le vide et que tout tient apparemment dans une double attribution du vide une fois comme ecirctre lautre fois comme neacuteant Et comme ils sont le mecircme leur diffeacuterence aussitocirct seacutevanouit Comment degraves lors peut-elle

LANGAGE ET LANGUE PHrLOSOPHlQUE

ressurgir Notons deacutejagrave que le point de vue de leur diffeacuterence est le point de vue du mouvement Hegel neacutecrit plus que lecirctre (le neacuteant) est passeacute dans le neacuteant (dans lecirctre) mais que chacun disparaicirct (verschwindet) imshymeacutediatement cest-agrave-dire sans la maicirctrise que pourrait confeacuterer la meacutediation dans son contraire ce disparaicirctre de lun dans lautre eacutetant leur veacuteriteacute Notons encore car Hegel va y venir dans lanalyse des moments du devenir que les deux laquodisparaicirctreraquo ne sont pas eacutequivalents puisque la disparition de lecirctre dans le neacuteant est un eacutevanouissement (Vergehen) et puisque la disparition du neacuteant dans lecirctre est un surgissement (Entstehen) Le devenir le clignotement est en reacutealiteacute celui dun eacutevanouissement et dun surgissement

Il Il empecircche avant dy revenir que quelque chose comme la diffeacuterence doit hien pour le moins permettre damorcer le mouvement Hegel sen explique comme en passant dans sa seconde Remarque (WdL 78)

Leur diffeacutercnce (sci de lecirctre et du neacuteant) est compleacutement vide hu ulI des deux est lindeacutetermineacute de la mecircme maniegravere elle ne reacuteside (ltstcht) degraves lors pas en eux-mecircmes mais seulement dans un umiddotoisiegravell1e dnns le viser (Meinen) Mais le viser est une forme du subjectif qui ne relegraveve pas de celle suite (Reihe) de lexposition (Darftdlfl8) Neacuteanmoins le troisiegraveme en lequel ecirctre et neacuteant se trouvent (11 IJestelren haben) doit aussi survenir (vorkommen) ici et [Jccst le devenir En lui ils sont comme diffeacuterents

Texte qui peut seacutedalrerpar le suivant tireacute de la premiegravere remarque au sect 88 de lEncyclopeacutedie de 1830 laquo Mais parce que la diffeacuterence ne sest pas encore deacutetermineacutee ici car ecirctre et neacuteant sont preacuteciseacutement encore limmeacutediat elle est telle quelle est en eux lindicible la simple viseacutee raquo Autrement dit les mots nous font deacutefaut nous manquent dans la langue philoshysophique pour fixer les aperceptions pures de lecirctre et du neacuteant dans leur diffeacuterence et ce sans doute parce quelles sont aperceptions pures sans intuitiviteacute Ne reste que la viseacutee mecircme si elle est laquoagrave vide raquo viseacutee (aperception) de limmeacutediat comme ecirctre brut dans le premier cas donc viseacutee indiffeacuterencieacutee qui ne voit rien parce que rien nest deacuteterIIUgraveneacute et degraves lors viseacutee vide dans le second cas aperception vide du neacuteant parce que le neacuteant nest ici envisageacute par Hegel que comme le neacuteant de toute deacutetermination ou si Jon veut agrave la maniegravere de Heidegger comme neacuteant de toul eacutetant On voit comment par ce biais cest toute la langue philoshysophique toutes ses aperceptions de langue qui pegravesent par leur suspens nous osons dire leur eacutepochegrave deacutelibeacutereacutee mais peut-ecirctre pas nous allons y venir clairement situeacutee Epochegrave par surcroicirct hyperbolique dans une sorte dhyperbole hyper-carteacutesienne puisque cest toute la langue philoshysophique qui se trouve suspendue rapporteacutee au neacutegatif qui va se mettre agrave

IH MARC RICH IR

travailler agrave lexception notable de lecirctre immeacutediat indeacutetermineacute et indiffeacuterencieacute qui pour cette raison va se trouver emporteacute dans la tourmente dans la dissolution du devenir - le commencement neacutetant quun commencement ou un faux commencement puisque on le sait il ny a pas agrave la veacuteriteacute de commencement (pour Hegel il nyen a que pour

nous) Par lagrave cest bien toute la langue philosophique qui clignote dans le

devenir entre sa condensation en implosion dans lecirctre pur et son eacutevaporation indiffeacuterencieacutee dans le neacuteant pur comme si dans le prerriler cas elle eacutetait tout lecirctre et dans le second aucun - ou comme si dans le premier cas ele pensait tout lecirctre et sans reste et dans le second ne pensait quele-mecircme sans voix ou sans mots devant limmeacutediat indifshyfeacuterencieacute La diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant est bien dans la viseacutee de la langue et dans linquieacutetude hyperbolique de son inaniteacute onto-Iogique et cette diffeacuterence lui eacutechappe du moins agrave ce moment de lexposition puisque Hegel pensera toujours que linteacutegration du travail du neacutegatif dans la discursiviteacute de la langue lui permettra de dire tout le pensable et tout lecirctre De la sorte dire ici comme Hegel que la figure laquologiqueraquo de la viseacutee est le devenir cest dune certaine maniegravere accomplir un coup de force ougrave tout est preacutesupposeacute sans avoir lair de lecirctre Cette prerrilegravere impression on va le voir va se renforcer Avanccedilons deacutejagrave que si la difshyfeacuterence de lecirctre et du neacuteant est indicible elle ne lest peut-ecirctre que dans lagencement mis en place par Hegel de la langue philosophique et que la viseacutee pourrait bien ecirctre autre chose quunelaquo forme du subjectifraquo agrave savoir certes recodeacutee dans les termes de la langue philosophique la forme de laperception pure matricielle de toute langue dans ce qui fait il est vrai eacutenigmatiquement chaque fois que nous parlons linseacuteparabiliteacute de sa syntaxe et de sa seacutemantique Dans ce cas laperception pure vide cest encore vrai de toute intuition (de toute aperception deacutetermineacutee) ne serait pas vide en geacuteneacuteral mais seulement vide daperceptions de langue etce qui en congruence avec une autre ligne du texte heacutegeacutelien serait preacutecishyseacutement aperccedilu ne serait autre que la penseacutee mais non pas cette fois la penseacutee pure (cest du vide Hegel laquoa vu justeraquo) mais la penseacutee qui court entre les lignes et les mots chaque fois que nous parlons et eacutecrivons Cette penseacutee qui est le mouvement insaisissable en concepts du sens se faisant et qui court laquo agrave traversraquo et laquoderriegravereraquo la langue relegraveve de ce que nous nommons le langage en lui-mecircme irreacuteductible parce queacutechappant agrave tout codage symbolique agrave une quelconque meacuteta-langue 1 Nous serions tenteacute de dire dans ce contexte qui est le nocirctre que pour ecirctre indicible ou ineffable

Cf notre ouvrage Lexpeacuterience du penser Pheacutenomeacutenologie philosophie mythoshylogie JeacuteTOcircme Millon Coll laquo Krisis Grenoble 1996

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 183

la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant nest pas pour autant impensable reste agrave voir comment dans cette prerrilegravere seacutequence de la Logique Hegel va travailler cette ambiguiumlteacute fondamentale quant au penser sans laquelle sa penseacutee nexisterait mecircme pas

Passons donc agrave lanalyse des moments du devenir Analyse tout aussi cruciale que celle de leur sursomption Hegel reprend tout dabord le devenir comme passage eacutenigmatique de la laquo repreacutesentationraquo CI aperception pure de langue) agrave son indicibiliteacute immeacutediate lecirctre et le neacuteant laquosont dans cette uniteacute (sei du devenir) mais en tant que disparaissant seulement comme sursumeacutes (Aufgelwbene) Ils sombrent (herabsinken) depuis leur auto-consistance (SelbstsUindigkeit) tout dabord repreacutesenteacutee pour [devenir] des moments encore diffeacuterents mais en mecircme temps sursumeacutesraquo (WdL 92) Cest cette Aujhebung quil sagit de comprendre de plus pregraves par lanalyse des laquo moments raquo Hegel poursuit

Saisis tous deux (sie) dapregraves cette diffeacuterence (Unlerschiedenheit) qui est la leur chacun est en elle comme uniteacute avec lautre Le devenir contient donc ecirctre et neacuteant comme deux uniteacutes de cette sorte dont chacune est elle-mecircme uniteacute decirctre et de neacuteant lune [est] lecirctre comme immeacutediat et comme relation au neacuteant lautre [est] le neacuteant comme immeacutediat et comme relation agrave lecirctre les deacuteterminations ne sont pas de mecircme valeur dans ces uniteacutes (Ibid)

De prime abord Hegel ne fait ici comme il le fera toujours quinteacutegrer dans chacun des termes la meacutediation avec lautre le terme est lui-mecircme immeacutediatement et meacutediatement sa relation avec lautre Il ne sagit apparemment que dun jeu logique ougrave linteacuteriorisation ou limshymanentisation de la relation doit conduire agrave lAujhebung agrave la sursomption par ce mouvement de chacun des termes ainsi enrichis dans une nouvelle uniteacute qui de la sorte plus riche sera deacutesigneacutee par un nouveau terme paraissant par lagrave engendreacute agrave sa place (syntaxe) et dans sa signification vraie (seacutemantique) Mais cette uniteacute sera elle-mecircme censeacuteelaquo stabiliseacuteeraquo comme laquo momentraquo ce sera ici le Dasein

Notre interrogation porte neacuteanmoins sur ce qui se passe laquo derriegravereraquo ce processus logique Et Hegel doit bien y toucher lui-mecircme si preacuteciseacutement le processus logique doitecirctre autre chose quun jeu avec les concepts Cest pourquoi justifiant lineacutegale valeur des deux moments (des deux deacuteterminations) dans les deux uniteacutes quils constituent Hegel poursuit

Le devenir est de cette maniegravere dans une double deacutetermination dans lune le neacuteant est en tant quimmeacutediat cest-agrave-dire quelle est commenccedilante agrave partir du neacuteant qui se rapporte agrave lecirctre ce qui veut dire passe en lui dans lautre lecirctre est en tant quimmeacutediat ces(shy

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

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Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

nouvelles publications de seacuteminaires ou colloques etc

Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

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Page 2: LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé,

175 174 MARC RICH IR

neacutegatif mais ougrave la penseacutee pure ou purifieacutee est censeacutee gagner sa stricte immanence fOt-elle celle des ombres

Au simple eacutenonceacute de tout cela qui est bien connu on est immeacutediashytement tenteacute de dire quici avec Hegel la philosophie est prise de folie Ou tout au moins pour reprendre un tenne plus ancien dune incroyable hybris - dautant plus incroyable quelle a lair de saffirmer tranquilshylement mecircme si etcest un signe avant la mise enjeu proprement dite de la laquoscienceraquo avec la premiegravere triade (ecirctre-neacuteant-devenir) il nen faut pas moins dune soixantaine de pages de Preacutefaces et dIntroductions eacutecrites de faccedilon plus ou moins rhapsodique pour y amener Ce nest pas le lieu ici de les reprendre de faccedilon deacutetailleacutee et nous nen ferons quune sorte de commentaire au second degreacute historico-philosophique pour nous acheminer vers ce qui sera notre interpreacutetation des premiegraveres pages de la Science de la logique lieu par excellence de lideacutealisme absolu

Avec le recul du temps et agrave la lecture de ces textes preacuteliminaires ougrave senchevecirctrent sous la plume de Hegel des allusion~ agrave et parfois des deacutebats plus ou moins explicites avec Fichte et Scheliing mais aussi des rappels agrave lui-mecircme agrave la Pheacutenomeacutenologie de lesprit on saperccediloit que le veacuteritable acte de naissance de ce que lon a nommeacute lideacutealisme allemand est en 1794 dans leacutecrit programmatiquede Fichte Ueber den Begriff der Wissenschaftslehre et dans le premier eacutecrit de Schelling qui en est deacutejagrave un mal entendu Ueber die Moglichkeit einer Forme der Philosophie uumlberhaupt (suivi de peu par Vom ch ais Prinzip der Philosophie) Deux choses apparaissent dans ces eacutecrits qui constituent deacutejagrave une rupture si profonde avec Kant quelle est en reacutealiteacute radicale par rappon agrave lideacutealisme transcendantal 1) Dune part la neacutecessiteacute dans lesprit du temps mais deacutejagrave incarneacutee dans la tentative de Reinhold de partir dun principe absolu (la fameuse identiteacute absolue du Moi absolu comme premier principe de la W-L chez Fichte) et la difficulteacute correacutelative dy comprendre la neacutegativiteacute (le Non-Moi fichteacuteen) pour arriver aux possibiliteacutes concregravetes et deacutefinies de l expeacuterience 2) dautre pan limpression (ou lillusion) quune articulashytion adeacutequate de la neacutegativiteacute dans lidentiteacute absolue du principe devrait amener la langue philosophique agrave lauto-transparence dans un engenshydrement simultaneacute de sa syntaxe (sa forme laquo logique raquo) et de sa seacutemantique (sa reacutefeacuterence agrave des contenus situeacutes par leur forme)

Comme on le sait le problegraveme poseacute a eacuteteacute traiteacute dans deux directions divergenteliuml)La premiegravere qui est celle de Fichte et ce degraves la premiegravere version de if94195 de la W-L sans quelle se soit deacutementie par la suite IIlulgreacute des transformations aussi profondes que complexes consiste pour l ellsentiel agrave dire que sil Y a bien quelque part un laquo systegraveme de lesprit [IIHllilin )1 ougrave existerait agrave leacutetat pour ainsi dire inconscient cette identiteacute de

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE

la syntaxe et de la seacutemantique - dans une sorte de meacuteta-langue de la langue philosophique - ce laquosystegravemeraquo nous est inaccessible dans la mesure ougrave nous venons toujours deacutejagrave trop tard par rapport agrave lui eacutetant toujours pris dans et par la disj nction de la forme logique et de la reacutefeacuterence et la W- comme science nest rien dautre que la reacuteeacutelaboration e la langue philosophique par rapport agrave celte irreacuteductible distance du laquosystegraveme raquo En ce sens et malgreacute des inco nsions grossiegraveres par rappon agrave lœuvreIcirc de Kant (en particulier mais surtougrave n ce qui concerne la nature de la faculteacute de juger reacutefleacutechiS on peut dire de la W-L quelle est encore critique malgreacute ses eacutequivoques (le point crucial est que lon ne peut trouver nulle pTUt chez Kant la notion de laquo lois de la reacuteflexionraquo par lesquelles Fichte pensait rejoindre agrave la limite dans lapregraves coup lidentiteacute transshycendantale de la syntaxe et de la seacutemantique) La W-L sera toujours leacutelaboration compreacutehensible de lincompreacutehens~

Irection est ce e de che mg u jeune Sc elling puis de Hegel Elle consiste pour lessentiel agrave croire dune faccedilon qui du point du vue critique est incontestablement dogmatique que non seulement le systegraveme tichteacuteen de lesprit humain est le systegraveme mais quil est aussi le systegraveme absolu Schelling aura beaucoup de peine agrave y parvenir souvent pris dans ~sse (en 1800 il a vingt-cinq ans ) par linstabiliteacute de laquo solutions verbales raquo et il lui faudra revisiter agrave sa maniegravere la WL de Fichte (dans le Systegraveme de lideacutealisme transcendantal en 1800) pour acceacuteder en 180 l au laquo systegraveme de lidentiteacute raquo dont lopeacuterativiteacute procegravede preacuteciseacutement de la dissolution des oppositions finies (ltlt dentendementraquo) dans linfiniteacute censeacutee opeacuterante (lest-elle reacuteellement ) de lidentiteacute absolue Et il suffit de lire attentivement les premiers eacutecrits de Hegel agrave Ieacutena pour sapercevoir combien autour de 18011803 il eacutetait laquo schellingien raquo Mais alors qlle

mineacutee du dedans par le geacutenie proteacuteifonne du philosophe la philosophiu rl l lidentiteacute sera prise de multiples vertiges et de multiples inswbil li eacutes (JI( III ~ ne viendrons pas sur ce que IF Marquet a si admirablell1ent IIlInlysllt1) 11

ce avant la grande crise de 180809 ougrave Sfln~ doule Schl lIing lOIlIlI H~ ri sapercevoir veacuteritablement de ce qu eacutelai i que philosophur Il ft lV l nl Hlili doute agrave Hegel durant les anneacutees dIeacutena j usqu i ln 1(IOIl f IfIll (j l l I l revisite agrave son tour la W-L) (Javoir IOlnpliS qUI Il AylUell ll dl1 1 1111 1111 1 n61 ait laquo tenable raquo - lei fut SQn coup de Ieacutell lu qllll~ li t1 lu ll 111111 1I11r l 11

riicircil Icirc~UVm(nt li 1tiieacuteri(j1r dc 1111 11liIl Ill II~ I ~ pUi l IIIrq lll lll 111 11 l Ordre discursif de mn (xpol II ion (ntl ShmiddotIIIIIU) p ill l lll IIIVI I 1 ni li III - --shy

_iJlUl1lh6 qUI se InrCI qui -le roprlilld -

(1II11Ull l lIdi 111 1 li II l Irr IJI I~ l lf 1

etJlI S6I1 UIIIlIcirc4UC de Ill ltUIUI I1ItUv~lph h l llll ( 1 11 11 11 ~ li 1111111 III middot BI

1 (1 JII M flljllrl i IIcircIltl ~I r I~H r 1hdli llll 1 JlII i 1

177 176 MARC RICHIR

on reconnaicirct la dialectique - bien ajusteacute par ses sauts du positif au neacutegatif et du neacutegatif au positif permettait de fractionner en les inteacutegrant toutes les eacutenigmes et les opaciteacutes qui demeuraient dans la philosophie de lidentiteacute Cest ainsi que Hegel a pu croire avoir laquo accompliraquo lideacutealisme allemand et par lagrave agrave ses yeux la philosoprue elle-mecircme

Quest-ce que cela veut dire plus concregravetement En fin de compte et pour aller droit agrave lessentiel que larticulation des trois principes de la W-L de 179495 pour peu quelle soit purifieacutee de tout rapport agrave une exteacuterioriteacute de tout rapport dune conscience agrave un objet - ce agrave quoi Hegel pense ecirctre arriveacute agrave la fin de la Pheacutenomeacutenologie avec le savoir absolu - donc pour peu que cette articulation soit penseacutee dans la stricte immanence dun mouvement agrave lui-mecircme est censeacutee livrer larticulation matricielle de la meacuteta-langue agrave travers laquelle la langue philosophique va pouvoir se redeacuteployer agrave la fois dans sa syntaxe-lagencement reacutegleacute des concepts - et dans sa seacutemantique - le sens strict censeacute rigoureusement deacutetermineacute par lagencement de chacun de ces concepts On retrouve ainsi au comshymencement de la Science de la logique dans la seacutequence qui fait passer de lecirctre au neacuteant du neacuteant au devenir et du devenir agrave lecirctre-lagrave une reacuteeacutelaboration en quelque sorte quintessencieacutee des trois principes fichteacuteens de la W-L (du Moi absolu au Moi limiteacute) quintessencieacutee en cela quil ne sagit plus du Moi (et du Non-Moi) mais de leur pointe ultime dans la penseacutee pure ougrave tout sujet (Moi limiteacute) est censeacute secirctre englouti dans tout objet (Non-Moi) au sein de luniteacute absolue (lidentiteacute schelshylingienne) des deux donc de la penseacutee pure et de lecirctre pur Par lagrave se joue en reacutealiteacute un eacutetrange jeu extrecircmement subtil qui fait toute la laquo magieraquo du texte heacutegeacutelien la meacuteta-langue eacutetant censeacutee articuler la langue en mettant en place son lexique et son articulation la langue ainsi reacuteorganiseacutee au fil dune tacircche quil faut reconnaicirctre comme gigan tesque finira par seacutegaler agrave la meacuteta-langue et la Darstellung du systegraveme avec le systegraveme lui-mecircme (ce sera lEncyclopeacutedie) Si bien quagrave linverse dans cette version radicale de lideacutealisme absolu cest tout autant la meacuteta-langue dans sa faccedilon deacutepuiser la langue en la reacuteorganisant qui finira au fil de cet eacutepuisement par inteacutegrer la langue en elle-mecircme selon ce qui apparaicirct comme un inexorable processus de laquo digestion raquo On comprend degraves lors que la meacutetashylangue est elle-mecircme comme mouvement dialectique sans origine - dans nos termes elle en est toujours deacutejagrave et pour toujours linstitution symbolique- quelle a toujours deacutejagrave eu lieu et devra toujours encore avoir lieu et que le commencement de la Darstellung quumli est le conunencement du systegraveme ne peut en ecirctre comme dans la Science de la logique avec la seacutequence qui va de lecirctre agrave lecirctre-lagrave que la version la plus abstraite seul point dentreacutee possible pour la langue philosophique qui est une langue

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE

abstraite depuis ce qui a toujours deacutejagrave eu lieu vers ce qui a lieu et aura toujours encore lieu On sait que la progression dans leacutenonceacute du systegraveme est tout agrave la fois reacutegression vers lexpression plus concregravete du mouvement de labsolu et que la fin nest que le commencement deacuteveloppeacute reconnu en son eacuteterniteacute comme leacuteterniteacute du mouvement (cf sect 577 de lEncycloshypeacutedie version de 1830) Cela donne limpression quil ny a rien dautre (agrave penser) que ce mouvement ou que ce mouvement dans la forme quil prend au travers de la langue philosophique (battement de la positiviteacute et de la neacutegativiteacute absorption reacuteciproque de la positiviteacute et de la neacutegativiteacute) est la matrice en quelque sorte transcendantale non seulement de toute penseacutee mais aussi de tout ecirctre (assimileacute par lagrave agrave la penseacutee)

Cest lagrave que degraves leacutepoque de Hegel sest insinueacute le malaise de maniegraveres il est vrai fort diverses et avec plus ou moins dintelligence Car il y a lagrave nous le disions une sorte de laquomagieraquo ou de laquo tour de passeshypasseraquo dont Hegel lui-mecircme dans lincroyable force aveugle de son geacutenie aeacuteteacute lui-mecircme la victime Sil a reacuteussi il est vrai agrave construire cet objet quest le systegraveme si en son genre ce systegraveme est bien absolu quelle langue (encore philosophique) pourrait encore parler celui qui ne sy sent pas agrave laise qui sent que quelque chose ne marche pas degraves lors que cest tout ce qui est et tout ce qui est pensable (et sensible) qui sont censeacutes ecirctre eacutepuiseacutes mis en place Une consigne critique qui vaut pour toute philosophie est plus que jamais de mise avec Hegel fait-il bien accomplit-il bien ce quil dit quil fait quil accomplit Cest ce que nous voudrions mesurer ici avec la premiegravere seacutequence de la Science de la logique

Avantdy venir et pour achever de mettre en place les cadres de notre lecture il nous faut ajouter quelques remarques Dans la partie de lIntroshydUCTion consacreacutee agrave la division geacuteneacuterale de la logique Hegel eacutecrit

La logique serait deacutetermineacutee comme la science du pur penser qui a pour son principe le savoir pur luniteacute non pas abstraite mais vivante et concregravete par lagrave quen elle lopposition de la consshycience dun eacutetant subjectivement pour soi et dun objectif est sue comme surmonteacutee et que lecirctre est su comme pur concept en soishymecircme et le pur concept su comme le veacuteritable ecirctre Ceux-ci sont degraves lors les deux moments qui sont contenus dans le logique Mais ils sont agrave preacutesent sus comme inseacuteparables et diffeacuterents [dans] une uniteacute non pas abstraite morte immobile (unbewegend) mais ccedil()Ilcr~(e (WdL 42-43)

Ll(~ lors laquo le concept entier est agrave consideacuterer une fois comme concepT frol( lHUll( fois en tant que concept lagrave [comme] seulement concept en

soi de lu reacutealiteacute ou de lecirctre ici [comme] concept en tant que tel concept

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eacutetant pour soi raquo etlaquo la logique serait par lagrave tout dabord agrave diviser dans la logique du concept comme ecirctre et du concept comme concept dans la logique objective et la logique subjectiveraquo (WdL 43) Autrement dit le savoir pur le pur penser (le reacutesultat de la Pheacutenomeacutenologie comme savoir absolu) est comme principe de la logique par-delagrave lopposition du sujet et de lobjet lidentiteacute laquo vivante raquo cest-agrave-dire en mouvement du concept et de lecirctre ce que nous nommons quant agrave nous leur tautologie symboshylique en vertu de laquelle en langue heacutegeacutelienne ils sont tout agrave la fois inseacuteparables et diffeacuterents cest-agrave-dire indiscernables malgreacute leur diffeacuterence Cest la tautologie symbolique de lecirctre et du penser lun des lieux eacuteminents sinon le lieu mecircme de linstitution symbolique de la philosophie Cela implique que dans limmeacutediateteacute abstraite du comshymencement le concept soit tout dabord identique agrave lecirctre ou que dans son en-soi il soit eacutetant et mecircme leacutetant en geacuteneacuteral (lecirctre) toute meacutediation lui eacutetant exteacuterieure Et que par linteacutegration des meacutediations en lui au fil du mouvement il advienne comme concept en tant que tel-Ielaquo en tant queraquo supposant sa reacuteflexion dont Hegel agrave linstar de Fichte et contre Kant pense quelle peut ecirctre deacutetermineacutee par des lois celles de lengendrement (mais en est-ce un) dialectique ougrave les reacuteflexions senchaicircnent selon une syntaxe qui est censeacutee deacuteterminer la seacutemantique Cela explique deacutejagrave que la Science de la logique commence par lecirctre lecirctre cest le concept abstrait de tout rapport ou si lon veut la tautologie symbolique elle-mecircme agrave la fois dans sa forme (qui serait seulement logique cest de lagrave que part Fichte en 1794) et dans son contenu dans limplosion reacuteciproque du concept et de lecirctre de la syntaxe et de la seacutemantique Labstraction est donc moins ici labstraction de tout contenu (cest la forme qui est ici le contenu) que labstraction de tout rapport qui ramegravene agrave labsolument immeacutediat du moins en apparence On nest pas loin de labsolue identiteacute schellingienne sauf preacuteciseacutement on le sait quelle nest ici quune apparence parce quil faut commencer par le plus geacuteneacuteral le plus inchoatif du moins pour nous (cf aussi WdL 54 57-58) On ne comprend que par lagrave le fait que Hegel puisse dire dans le mecircme mouvement que luniteacute (lidentiteacute) du pur concept et du (pur) ecirctre soit concregravete concregravete elle lest seulement dans la mesure ougrave elle est mouvement et mouvement (nous allons y venir plus preacuteciseacutement) ougrave malgreacute lidentiteacute du penser et de lecirctre clignote en eacuteclipses reacuteciproques leur diffeacuterence la premiegravere la plus pure cest-agrave-dire la plus abstraite deacutefinition de labsolu est rappelle Hegel (WdL 59) laquolidentiteacute de lidentiteacute et de la non-identiteacute raquo ce qui comme tel est intenable mais prendra sa premiegravere figure concregravete avec le devenir

Ajoutons enfin avant de commencer que le paradoxe est aussi que concept et ecirctre et de mecircme neacuteant et devenir ont dans la langue

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE

philosophique une signification Dans nos termes cela signifie quagrave ces mors sont lieacutes ce que nous nommons des aperceptions de langue mais que prises dans le contexte heacutegeacutelien ces aperceptions sont vides de tout objer ou plutOt et Hegel y reviendra plusieurs fois des aperceptions sans intuitiviteacute des aperceptions sans aucune intuition -lintuition intelshylectu(~lIe eacutetant pour Hegel une intuition indiffeacuterencieacutee sans contenu Autrement dit si le concept purest comme tel (comme ce qui se tient de la con(cpuumlon de la penseacutee) aperception Hegel nous enjoint agrave penser cene situation Iregraves inteacuteressante dune aperception sans aucune intuitiviteacute Nous allons y revenir plus preacuteciseacutement car il est temps agrave preacutesent den venir au tCXI(~

IAN( Hm lANOAGE ET CLIGNOTEMENT PHEacuteNOMEacuteNOLOGIQUE

Lecirctre CS I i prendre selon Hegel au sens de la proposition kantienne en VCltu de laquelle il nest pas une proprieacuteteacute (des objets) ou un preacutedicat reacuteel (real) il na cn lui-mecircme aucune deacutetermination de contenu puisquil najoute rien au contenu (du concept empirique) dune chose (cf WdL 71) II est donc si lon veut forme mais en un autre sens que la forme logique traditionnelle cest pour ainsi dire la forme (syntaxique) hypershydense de la reacutefeacuterence (seacutemantique) en geacuteneacuteral cest-agrave-dire laperception pure sans intuition de la langue

Lecirctre est donc laquolimmeacutediat indeacutetermineacuteraquo (WdL 66) il est laquoseushylement identique (gleich) agrave lui-mecircmeraquo et pareillement laquo non-identique agrave leacutegard de lautre raquo nayant pas de laquodissemblance (Verschiedenheit) agrave linteacuterieur de soi ni non plus vers le dehorsraquo (Ibid) il est en reacutealiteacute sans autre et sans dehors en raison de son indeacuteterminiteacute Il ny a preacutecise Hegel laquo rien agrave intuitionner en lui raquo ou il nest que ce pur intuitionner vide II y a donc tout aussi peu agrave penser en lui ou il nest pareillement que ce penser vide (WdL 66-67) Il nest en reacutealiteacute que le neacuteant (Nichts) Le neacuteant reprend donc les mecircmes caractegraveres que lecirctre (identiteacute simple agrave soi-mecircme complegravete vacuiteacute absence de deacutetermination et de contenu indiffeacuterence cn lui-mecircme) Mais eu eacutegard au penser ou agrave lintuitionner il nesl pas indiffeacuterent de penser ou dintuitionner quelque chose (etwas) Cl de Ile

penser ou de ne nintuitionner rien Par conseacutequent ne rien penser ou Ill

rien inluitionner fait que le neacuteant y est (existe) ou plut(l qu il lll1l lintuitionnerou le penser vides eux-mecircmes (en vertu de l irnrIl6dhhh~ ) 1

cela en tant que lecirctre pur (cf WdL 67) laquoLecirctre pur et le n6unt pill ~H III

donc le mecircmeraquo (Ibid) Dougrave vient alors le double retournellleni dl l eil dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Dougrave vient mulgreacute lH h IU

181 180 MARC RICHlR

diffeacuterence On pressent par le sens (Bedeutung) de la langue philosophique que dans le cas de lecirctre tout quelque chose quelconque non encore deacutelimiteacute (deacutefini en langue heacutegeacutelienne deacutetermineacute) y est confondu alors que dans le cas du neacuteant il en est distingueacute mis agrave distance Mais cela preacutesupposerait que lon se donne deacutejagrave le laquoquelque chose raquo cest-agrave-dire plus primitivement le Dasein lecirctre-lagrave ou lexisshytence qui pour Hegel est deacutejagrave et toujours ecirctre-lagrave ou existence finie Cest pourquoi toute agrave lexercice de sa laquo magie raquo la penseacutee heacutegeacutelienne en passe par la meacutediation du devenir envisageacute en trois moments ceux de son uniteacute de sa diffeacuterence (les moments du devenir) et de sa sursomption (Aujhebung) Cest lagrave que nous allons toucher au cœur

Tout dabord de lidentiteacute de lecirctre pur et du neacuteant pur Hegel va tirer que laquo ce qui est la veacuteriteacute ce nest ni lecirctre ni le neacuteant mais cela que lecirctre shynon pas passe - mais est passeacute (uumlbergegangen ist) dans le neacuteant et que le neacuteant est passeacute dans lecirctreraquo (WdL 67) Formule capitale en ce que pour ainsi dire la penseacutee pure (qui est lecirctre pur et donc le neacuteant pur) ne peut tout dabord assister au passage lui-mecircme au retournement reacuteciproque lun dans lautre de lecirctre et du neacuteant mais vient en quelque sorte toujours deacutejagrave trop tard Le double retournement est donc immaicirctrisable (pour Hegel non meacutediatisable dans ces termes eux-mecircmes) et cest cette si tuation que nous deacutesignons par le clignotement reacuteciproque de lecirctre et du neacuteant qui est aussi le clignotement (louverture et la fermeture immaIcirctrishysables) de leur di ffeacuterence

Car il reste eacutenigmatiquement leur diffeacuterence que nous navons encore saisie que par rapport agrave ce que signifie penser ou intuitionner quelque chose Hegel enchaicircne en effet aussitocirct

Mais la veacuteriteacute est tout autant non pas leur indiffeacuterence (sei de lecirctre et du neacuteant) mais cela quils ne sont pas le m2me quils sont absolument diffeacuterents mais pareillement inseacutepareacutes et inseacuteparables et que cest immeacutediatement que chacun disparart dans son contraire Leur veacuteriteacute est donc ce mouvement du disparaicirctre immeacutediat de lun dans lautre le devenir un mouvement dans lequel les deux sont diffeacuterents mais par une diffeacuterence qui sest pareillement dissoute (auflosen) immeacutediatement (Ibid)

On ne pourrait mieux selon nous caracteacuteriser le clignotement luishymecircme cest-agrave-dire le double retournement ou passage incessant de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Mais ce qui reste difficile agrave penser cest que en un sens il ne sagit lagraveque du double passage du vide dans le vide et que tout tient apparemment dans une double attribution du vide une fois comme ecirctre lautre fois comme neacuteant Et comme ils sont le mecircme leur diffeacuterence aussitocirct seacutevanouit Comment degraves lors peut-elle

LANGAGE ET LANGUE PHrLOSOPHlQUE

ressurgir Notons deacutejagrave que le point de vue de leur diffeacuterence est le point de vue du mouvement Hegel neacutecrit plus que lecirctre (le neacuteant) est passeacute dans le neacuteant (dans lecirctre) mais que chacun disparaicirct (verschwindet) imshymeacutediatement cest-agrave-dire sans la maicirctrise que pourrait confeacuterer la meacutediation dans son contraire ce disparaicirctre de lun dans lautre eacutetant leur veacuteriteacute Notons encore car Hegel va y venir dans lanalyse des moments du devenir que les deux laquodisparaicirctreraquo ne sont pas eacutequivalents puisque la disparition de lecirctre dans le neacuteant est un eacutevanouissement (Vergehen) et puisque la disparition du neacuteant dans lecirctre est un surgissement (Entstehen) Le devenir le clignotement est en reacutealiteacute celui dun eacutevanouissement et dun surgissement

Il Il empecircche avant dy revenir que quelque chose comme la diffeacuterence doit hien pour le moins permettre damorcer le mouvement Hegel sen explique comme en passant dans sa seconde Remarque (WdL 78)

Leur diffeacutercnce (sci de lecirctre et du neacuteant) est compleacutement vide hu ulI des deux est lindeacutetermineacute de la mecircme maniegravere elle ne reacuteside (ltstcht) degraves lors pas en eux-mecircmes mais seulement dans un umiddotoisiegravell1e dnns le viser (Meinen) Mais le viser est une forme du subjectif qui ne relegraveve pas de celle suite (Reihe) de lexposition (Darftdlfl8) Neacuteanmoins le troisiegraveme en lequel ecirctre et neacuteant se trouvent (11 IJestelren haben) doit aussi survenir (vorkommen) ici et [Jccst le devenir En lui ils sont comme diffeacuterents

Texte qui peut seacutedalrerpar le suivant tireacute de la premiegravere remarque au sect 88 de lEncyclopeacutedie de 1830 laquo Mais parce que la diffeacuterence ne sest pas encore deacutetermineacutee ici car ecirctre et neacuteant sont preacuteciseacutement encore limmeacutediat elle est telle quelle est en eux lindicible la simple viseacutee raquo Autrement dit les mots nous font deacutefaut nous manquent dans la langue philoshysophique pour fixer les aperceptions pures de lecirctre et du neacuteant dans leur diffeacuterence et ce sans doute parce quelles sont aperceptions pures sans intuitiviteacute Ne reste que la viseacutee mecircme si elle est laquoagrave vide raquo viseacutee (aperception) de limmeacutediat comme ecirctre brut dans le premier cas donc viseacutee indiffeacuterencieacutee qui ne voit rien parce que rien nest deacuteterIIUgraveneacute et degraves lors viseacutee vide dans le second cas aperception vide du neacuteant parce que le neacuteant nest ici envisageacute par Hegel que comme le neacuteant de toute deacutetermination ou si Jon veut agrave la maniegravere de Heidegger comme neacuteant de toul eacutetant On voit comment par ce biais cest toute la langue philoshysophique toutes ses aperceptions de langue qui pegravesent par leur suspens nous osons dire leur eacutepochegrave deacutelibeacutereacutee mais peut-ecirctre pas nous allons y venir clairement situeacutee Epochegrave par surcroicirct hyperbolique dans une sorte dhyperbole hyper-carteacutesienne puisque cest toute la langue philoshysophique qui se trouve suspendue rapporteacutee au neacutegatif qui va se mettre agrave

IH MARC RICH IR

travailler agrave lexception notable de lecirctre immeacutediat indeacutetermineacute et indiffeacuterencieacute qui pour cette raison va se trouver emporteacute dans la tourmente dans la dissolution du devenir - le commencement neacutetant quun commencement ou un faux commencement puisque on le sait il ny a pas agrave la veacuteriteacute de commencement (pour Hegel il nyen a que pour

nous) Par lagrave cest bien toute la langue philosophique qui clignote dans le

devenir entre sa condensation en implosion dans lecirctre pur et son eacutevaporation indiffeacuterencieacutee dans le neacuteant pur comme si dans le prerriler cas elle eacutetait tout lecirctre et dans le second aucun - ou comme si dans le premier cas ele pensait tout lecirctre et sans reste et dans le second ne pensait quele-mecircme sans voix ou sans mots devant limmeacutediat indifshyfeacuterencieacute La diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant est bien dans la viseacutee de la langue et dans linquieacutetude hyperbolique de son inaniteacute onto-Iogique et cette diffeacuterence lui eacutechappe du moins agrave ce moment de lexposition puisque Hegel pensera toujours que linteacutegration du travail du neacutegatif dans la discursiviteacute de la langue lui permettra de dire tout le pensable et tout lecirctre De la sorte dire ici comme Hegel que la figure laquologiqueraquo de la viseacutee est le devenir cest dune certaine maniegravere accomplir un coup de force ougrave tout est preacutesupposeacute sans avoir lair de lecirctre Cette prerrilegravere impression on va le voir va se renforcer Avanccedilons deacutejagrave que si la difshyfeacuterence de lecirctre et du neacuteant est indicible elle ne lest peut-ecirctre que dans lagencement mis en place par Hegel de la langue philosophique et que la viseacutee pourrait bien ecirctre autre chose quunelaquo forme du subjectifraquo agrave savoir certes recodeacutee dans les termes de la langue philosophique la forme de laperception pure matricielle de toute langue dans ce qui fait il est vrai eacutenigmatiquement chaque fois que nous parlons linseacuteparabiliteacute de sa syntaxe et de sa seacutemantique Dans ce cas laperception pure vide cest encore vrai de toute intuition (de toute aperception deacutetermineacutee) ne serait pas vide en geacuteneacuteral mais seulement vide daperceptions de langue etce qui en congruence avec une autre ligne du texte heacutegeacutelien serait preacutecishyseacutement aperccedilu ne serait autre que la penseacutee mais non pas cette fois la penseacutee pure (cest du vide Hegel laquoa vu justeraquo) mais la penseacutee qui court entre les lignes et les mots chaque fois que nous parlons et eacutecrivons Cette penseacutee qui est le mouvement insaisissable en concepts du sens se faisant et qui court laquo agrave traversraquo et laquoderriegravereraquo la langue relegraveve de ce que nous nommons le langage en lui-mecircme irreacuteductible parce queacutechappant agrave tout codage symbolique agrave une quelconque meacuteta-langue 1 Nous serions tenteacute de dire dans ce contexte qui est le nocirctre que pour ecirctre indicible ou ineffable

Cf notre ouvrage Lexpeacuterience du penser Pheacutenomeacutenologie philosophie mythoshylogie JeacuteTOcircme Millon Coll laquo Krisis Grenoble 1996

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la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant nest pas pour autant impensable reste agrave voir comment dans cette prerrilegravere seacutequence de la Logique Hegel va travailler cette ambiguiumlteacute fondamentale quant au penser sans laquelle sa penseacutee nexisterait mecircme pas

Passons donc agrave lanalyse des moments du devenir Analyse tout aussi cruciale que celle de leur sursomption Hegel reprend tout dabord le devenir comme passage eacutenigmatique de la laquo repreacutesentationraquo CI aperception pure de langue) agrave son indicibiliteacute immeacutediate lecirctre et le neacuteant laquosont dans cette uniteacute (sei du devenir) mais en tant que disparaissant seulement comme sursumeacutes (Aufgelwbene) Ils sombrent (herabsinken) depuis leur auto-consistance (SelbstsUindigkeit) tout dabord repreacutesenteacutee pour [devenir] des moments encore diffeacuterents mais en mecircme temps sursumeacutesraquo (WdL 92) Cest cette Aujhebung quil sagit de comprendre de plus pregraves par lanalyse des laquo moments raquo Hegel poursuit

Saisis tous deux (sie) dapregraves cette diffeacuterence (Unlerschiedenheit) qui est la leur chacun est en elle comme uniteacute avec lautre Le devenir contient donc ecirctre et neacuteant comme deux uniteacutes de cette sorte dont chacune est elle-mecircme uniteacute decirctre et de neacuteant lune [est] lecirctre comme immeacutediat et comme relation au neacuteant lautre [est] le neacuteant comme immeacutediat et comme relation agrave lecirctre les deacuteterminations ne sont pas de mecircme valeur dans ces uniteacutes (Ibid)

De prime abord Hegel ne fait ici comme il le fera toujours quinteacutegrer dans chacun des termes la meacutediation avec lautre le terme est lui-mecircme immeacutediatement et meacutediatement sa relation avec lautre Il ne sagit apparemment que dun jeu logique ougrave linteacuteriorisation ou limshymanentisation de la relation doit conduire agrave lAujhebung agrave la sursomption par ce mouvement de chacun des termes ainsi enrichis dans une nouvelle uniteacute qui de la sorte plus riche sera deacutesigneacutee par un nouveau terme paraissant par lagrave engendreacute agrave sa place (syntaxe) et dans sa signification vraie (seacutemantique) Mais cette uniteacute sera elle-mecircme censeacuteelaquo stabiliseacuteeraquo comme laquo momentraquo ce sera ici le Dasein

Notre interrogation porte neacuteanmoins sur ce qui se passe laquo derriegravereraquo ce processus logique Et Hegel doit bien y toucher lui-mecircme si preacuteciseacutement le processus logique doitecirctre autre chose quun jeu avec les concepts Cest pourquoi justifiant lineacutegale valeur des deux moments (des deux deacuteterminations) dans les deux uniteacutes quils constituent Hegel poursuit

Le devenir est de cette maniegravere dans une double deacutetermination dans lune le neacuteant est en tant quimmeacutediat cest-agrave-dire quelle est commenccedilante agrave partir du neacuteant qui se rapporte agrave lecirctre ce qui veut dire passe en lui dans lautre lecirctre est en tant quimmeacutediat ces(shy

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

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Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

nouvelles publications de seacuteminaires ou colloques etc

Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

susceptibles drsquointeacuteresser les lecteurs de Richir ou bien si vous disposez drsquoune version informatique

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Page 3: LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé,

177 176 MARC RICHIR

on reconnaicirct la dialectique - bien ajusteacute par ses sauts du positif au neacutegatif et du neacutegatif au positif permettait de fractionner en les inteacutegrant toutes les eacutenigmes et les opaciteacutes qui demeuraient dans la philosophie de lidentiteacute Cest ainsi que Hegel a pu croire avoir laquo accompliraquo lideacutealisme allemand et par lagrave agrave ses yeux la philosoprue elle-mecircme

Quest-ce que cela veut dire plus concregravetement En fin de compte et pour aller droit agrave lessentiel que larticulation des trois principes de la W-L de 179495 pour peu quelle soit purifieacutee de tout rapport agrave une exteacuterioriteacute de tout rapport dune conscience agrave un objet - ce agrave quoi Hegel pense ecirctre arriveacute agrave la fin de la Pheacutenomeacutenologie avec le savoir absolu - donc pour peu que cette articulation soit penseacutee dans la stricte immanence dun mouvement agrave lui-mecircme est censeacutee livrer larticulation matricielle de la meacuteta-langue agrave travers laquelle la langue philosophique va pouvoir se redeacuteployer agrave la fois dans sa syntaxe-lagencement reacutegleacute des concepts - et dans sa seacutemantique - le sens strict censeacute rigoureusement deacutetermineacute par lagencement de chacun de ces concepts On retrouve ainsi au comshymencement de la Science de la logique dans la seacutequence qui fait passer de lecirctre au neacuteant du neacuteant au devenir et du devenir agrave lecirctre-lagrave une reacuteeacutelaboration en quelque sorte quintessencieacutee des trois principes fichteacuteens de la W-L (du Moi absolu au Moi limiteacute) quintessencieacutee en cela quil ne sagit plus du Moi (et du Non-Moi) mais de leur pointe ultime dans la penseacutee pure ougrave tout sujet (Moi limiteacute) est censeacute secirctre englouti dans tout objet (Non-Moi) au sein de luniteacute absolue (lidentiteacute schelshylingienne) des deux donc de la penseacutee pure et de lecirctre pur Par lagrave se joue en reacutealiteacute un eacutetrange jeu extrecircmement subtil qui fait toute la laquo magieraquo du texte heacutegeacutelien la meacuteta-langue eacutetant censeacutee articuler la langue en mettant en place son lexique et son articulation la langue ainsi reacuteorganiseacutee au fil dune tacircche quil faut reconnaicirctre comme gigan tesque finira par seacutegaler agrave la meacuteta-langue et la Darstellung du systegraveme avec le systegraveme lui-mecircme (ce sera lEncyclopeacutedie) Si bien quagrave linverse dans cette version radicale de lideacutealisme absolu cest tout autant la meacuteta-langue dans sa faccedilon deacutepuiser la langue en la reacuteorganisant qui finira au fil de cet eacutepuisement par inteacutegrer la langue en elle-mecircme selon ce qui apparaicirct comme un inexorable processus de laquo digestion raquo On comprend degraves lors que la meacutetashylangue est elle-mecircme comme mouvement dialectique sans origine - dans nos termes elle en est toujours deacutejagrave et pour toujours linstitution symbolique- quelle a toujours deacutejagrave eu lieu et devra toujours encore avoir lieu et que le commencement de la Darstellung quumli est le conunencement du systegraveme ne peut en ecirctre comme dans la Science de la logique avec la seacutequence qui va de lecirctre agrave lecirctre-lagrave que la version la plus abstraite seul point dentreacutee possible pour la langue philosophique qui est une langue

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE

abstraite depuis ce qui a toujours deacutejagrave eu lieu vers ce qui a lieu et aura toujours encore lieu On sait que la progression dans leacutenonceacute du systegraveme est tout agrave la fois reacutegression vers lexpression plus concregravete du mouvement de labsolu et que la fin nest que le commencement deacuteveloppeacute reconnu en son eacuteterniteacute comme leacuteterniteacute du mouvement (cf sect 577 de lEncycloshypeacutedie version de 1830) Cela donne limpression quil ny a rien dautre (agrave penser) que ce mouvement ou que ce mouvement dans la forme quil prend au travers de la langue philosophique (battement de la positiviteacute et de la neacutegativiteacute absorption reacuteciproque de la positiviteacute et de la neacutegativiteacute) est la matrice en quelque sorte transcendantale non seulement de toute penseacutee mais aussi de tout ecirctre (assimileacute par lagrave agrave la penseacutee)

Cest lagrave que degraves leacutepoque de Hegel sest insinueacute le malaise de maniegraveres il est vrai fort diverses et avec plus ou moins dintelligence Car il y a lagrave nous le disions une sorte de laquomagieraquo ou de laquo tour de passeshypasseraquo dont Hegel lui-mecircme dans lincroyable force aveugle de son geacutenie aeacuteteacute lui-mecircme la victime Sil a reacuteussi il est vrai agrave construire cet objet quest le systegraveme si en son genre ce systegraveme est bien absolu quelle langue (encore philosophique) pourrait encore parler celui qui ne sy sent pas agrave laise qui sent que quelque chose ne marche pas degraves lors que cest tout ce qui est et tout ce qui est pensable (et sensible) qui sont censeacutes ecirctre eacutepuiseacutes mis en place Une consigne critique qui vaut pour toute philosophie est plus que jamais de mise avec Hegel fait-il bien accomplit-il bien ce quil dit quil fait quil accomplit Cest ce que nous voudrions mesurer ici avec la premiegravere seacutequence de la Science de la logique

Avantdy venir et pour achever de mettre en place les cadres de notre lecture il nous faut ajouter quelques remarques Dans la partie de lIntroshydUCTion consacreacutee agrave la division geacuteneacuterale de la logique Hegel eacutecrit

La logique serait deacutetermineacutee comme la science du pur penser qui a pour son principe le savoir pur luniteacute non pas abstraite mais vivante et concregravete par lagrave quen elle lopposition de la consshycience dun eacutetant subjectivement pour soi et dun objectif est sue comme surmonteacutee et que lecirctre est su comme pur concept en soishymecircme et le pur concept su comme le veacuteritable ecirctre Ceux-ci sont degraves lors les deux moments qui sont contenus dans le logique Mais ils sont agrave preacutesent sus comme inseacuteparables et diffeacuterents [dans] une uniteacute non pas abstraite morte immobile (unbewegend) mais ccedil()Ilcr~(e (WdL 42-43)

Ll(~ lors laquo le concept entier est agrave consideacuterer une fois comme concepT frol( lHUll( fois en tant que concept lagrave [comme] seulement concept en

soi de lu reacutealiteacute ou de lecirctre ici [comme] concept en tant que tel concept

179 178 MARC RICHIR

eacutetant pour soi raquo etlaquo la logique serait par lagrave tout dabord agrave diviser dans la logique du concept comme ecirctre et du concept comme concept dans la logique objective et la logique subjectiveraquo (WdL 43) Autrement dit le savoir pur le pur penser (le reacutesultat de la Pheacutenomeacutenologie comme savoir absolu) est comme principe de la logique par-delagrave lopposition du sujet et de lobjet lidentiteacute laquo vivante raquo cest-agrave-dire en mouvement du concept et de lecirctre ce que nous nommons quant agrave nous leur tautologie symboshylique en vertu de laquelle en langue heacutegeacutelienne ils sont tout agrave la fois inseacuteparables et diffeacuterents cest-agrave-dire indiscernables malgreacute leur diffeacuterence Cest la tautologie symbolique de lecirctre et du penser lun des lieux eacuteminents sinon le lieu mecircme de linstitution symbolique de la philosophie Cela implique que dans limmeacutediateteacute abstraite du comshymencement le concept soit tout dabord identique agrave lecirctre ou que dans son en-soi il soit eacutetant et mecircme leacutetant en geacuteneacuteral (lecirctre) toute meacutediation lui eacutetant exteacuterieure Et que par linteacutegration des meacutediations en lui au fil du mouvement il advienne comme concept en tant que tel-Ielaquo en tant queraquo supposant sa reacuteflexion dont Hegel agrave linstar de Fichte et contre Kant pense quelle peut ecirctre deacutetermineacutee par des lois celles de lengendrement (mais en est-ce un) dialectique ougrave les reacuteflexions senchaicircnent selon une syntaxe qui est censeacutee deacuteterminer la seacutemantique Cela explique deacutejagrave que la Science de la logique commence par lecirctre lecirctre cest le concept abstrait de tout rapport ou si lon veut la tautologie symbolique elle-mecircme agrave la fois dans sa forme (qui serait seulement logique cest de lagrave que part Fichte en 1794) et dans son contenu dans limplosion reacuteciproque du concept et de lecirctre de la syntaxe et de la seacutemantique Labstraction est donc moins ici labstraction de tout contenu (cest la forme qui est ici le contenu) que labstraction de tout rapport qui ramegravene agrave labsolument immeacutediat du moins en apparence On nest pas loin de labsolue identiteacute schellingienne sauf preacuteciseacutement on le sait quelle nest ici quune apparence parce quil faut commencer par le plus geacuteneacuteral le plus inchoatif du moins pour nous (cf aussi WdL 54 57-58) On ne comprend que par lagrave le fait que Hegel puisse dire dans le mecircme mouvement que luniteacute (lidentiteacute) du pur concept et du (pur) ecirctre soit concregravete concregravete elle lest seulement dans la mesure ougrave elle est mouvement et mouvement (nous allons y venir plus preacuteciseacutement) ougrave malgreacute lidentiteacute du penser et de lecirctre clignote en eacuteclipses reacuteciproques leur diffeacuterence la premiegravere la plus pure cest-agrave-dire la plus abstraite deacutefinition de labsolu est rappelle Hegel (WdL 59) laquolidentiteacute de lidentiteacute et de la non-identiteacute raquo ce qui comme tel est intenable mais prendra sa premiegravere figure concregravete avec le devenir

Ajoutons enfin avant de commencer que le paradoxe est aussi que concept et ecirctre et de mecircme neacuteant et devenir ont dans la langue

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE

philosophique une signification Dans nos termes cela signifie quagrave ces mors sont lieacutes ce que nous nommons des aperceptions de langue mais que prises dans le contexte heacutegeacutelien ces aperceptions sont vides de tout objer ou plutOt et Hegel y reviendra plusieurs fois des aperceptions sans intuitiviteacute des aperceptions sans aucune intuition -lintuition intelshylectu(~lIe eacutetant pour Hegel une intuition indiffeacuterencieacutee sans contenu Autrement dit si le concept purest comme tel (comme ce qui se tient de la con(cpuumlon de la penseacutee) aperception Hegel nous enjoint agrave penser cene situation Iregraves inteacuteressante dune aperception sans aucune intuitiviteacute Nous allons y revenir plus preacuteciseacutement car il est temps agrave preacutesent den venir au tCXI(~

IAN( Hm lANOAGE ET CLIGNOTEMENT PHEacuteNOMEacuteNOLOGIQUE

Lecirctre CS I i prendre selon Hegel au sens de la proposition kantienne en VCltu de laquelle il nest pas une proprieacuteteacute (des objets) ou un preacutedicat reacuteel (real) il na cn lui-mecircme aucune deacutetermination de contenu puisquil najoute rien au contenu (du concept empirique) dune chose (cf WdL 71) II est donc si lon veut forme mais en un autre sens que la forme logique traditionnelle cest pour ainsi dire la forme (syntaxique) hypershydense de la reacutefeacuterence (seacutemantique) en geacuteneacuteral cest-agrave-dire laperception pure sans intuition de la langue

Lecirctre est donc laquolimmeacutediat indeacutetermineacuteraquo (WdL 66) il est laquoseushylement identique (gleich) agrave lui-mecircmeraquo et pareillement laquo non-identique agrave leacutegard de lautre raquo nayant pas de laquodissemblance (Verschiedenheit) agrave linteacuterieur de soi ni non plus vers le dehorsraquo (Ibid) il est en reacutealiteacute sans autre et sans dehors en raison de son indeacuteterminiteacute Il ny a preacutecise Hegel laquo rien agrave intuitionner en lui raquo ou il nest que ce pur intuitionner vide II y a donc tout aussi peu agrave penser en lui ou il nest pareillement que ce penser vide (WdL 66-67) Il nest en reacutealiteacute que le neacuteant (Nichts) Le neacuteant reprend donc les mecircmes caractegraveres que lecirctre (identiteacute simple agrave soi-mecircme complegravete vacuiteacute absence de deacutetermination et de contenu indiffeacuterence cn lui-mecircme) Mais eu eacutegard au penser ou agrave lintuitionner il nesl pas indiffeacuterent de penser ou dintuitionner quelque chose (etwas) Cl de Ile

penser ou de ne nintuitionner rien Par conseacutequent ne rien penser ou Ill

rien inluitionner fait que le neacuteant y est (existe) ou plut(l qu il lll1l lintuitionnerou le penser vides eux-mecircmes (en vertu de l irnrIl6dhhh~ ) 1

cela en tant que lecirctre pur (cf WdL 67) laquoLecirctre pur et le n6unt pill ~H III

donc le mecircmeraquo (Ibid) Dougrave vient alors le double retournellleni dl l eil dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Dougrave vient mulgreacute lH h IU

181 180 MARC RICHlR

diffeacuterence On pressent par le sens (Bedeutung) de la langue philosophique que dans le cas de lecirctre tout quelque chose quelconque non encore deacutelimiteacute (deacutefini en langue heacutegeacutelienne deacutetermineacute) y est confondu alors que dans le cas du neacuteant il en est distingueacute mis agrave distance Mais cela preacutesupposerait que lon se donne deacutejagrave le laquoquelque chose raquo cest-agrave-dire plus primitivement le Dasein lecirctre-lagrave ou lexisshytence qui pour Hegel est deacutejagrave et toujours ecirctre-lagrave ou existence finie Cest pourquoi toute agrave lexercice de sa laquo magie raquo la penseacutee heacutegeacutelienne en passe par la meacutediation du devenir envisageacute en trois moments ceux de son uniteacute de sa diffeacuterence (les moments du devenir) et de sa sursomption (Aujhebung) Cest lagrave que nous allons toucher au cœur

Tout dabord de lidentiteacute de lecirctre pur et du neacuteant pur Hegel va tirer que laquo ce qui est la veacuteriteacute ce nest ni lecirctre ni le neacuteant mais cela que lecirctre shynon pas passe - mais est passeacute (uumlbergegangen ist) dans le neacuteant et que le neacuteant est passeacute dans lecirctreraquo (WdL 67) Formule capitale en ce que pour ainsi dire la penseacutee pure (qui est lecirctre pur et donc le neacuteant pur) ne peut tout dabord assister au passage lui-mecircme au retournement reacuteciproque lun dans lautre de lecirctre et du neacuteant mais vient en quelque sorte toujours deacutejagrave trop tard Le double retournement est donc immaicirctrisable (pour Hegel non meacutediatisable dans ces termes eux-mecircmes) et cest cette si tuation que nous deacutesignons par le clignotement reacuteciproque de lecirctre et du neacuteant qui est aussi le clignotement (louverture et la fermeture immaIcirctrishysables) de leur di ffeacuterence

Car il reste eacutenigmatiquement leur diffeacuterence que nous navons encore saisie que par rapport agrave ce que signifie penser ou intuitionner quelque chose Hegel enchaicircne en effet aussitocirct

Mais la veacuteriteacute est tout autant non pas leur indiffeacuterence (sei de lecirctre et du neacuteant) mais cela quils ne sont pas le m2me quils sont absolument diffeacuterents mais pareillement inseacutepareacutes et inseacuteparables et que cest immeacutediatement que chacun disparart dans son contraire Leur veacuteriteacute est donc ce mouvement du disparaicirctre immeacutediat de lun dans lautre le devenir un mouvement dans lequel les deux sont diffeacuterents mais par une diffeacuterence qui sest pareillement dissoute (auflosen) immeacutediatement (Ibid)

On ne pourrait mieux selon nous caracteacuteriser le clignotement luishymecircme cest-agrave-dire le double retournement ou passage incessant de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Mais ce qui reste difficile agrave penser cest que en un sens il ne sagit lagraveque du double passage du vide dans le vide et que tout tient apparemment dans une double attribution du vide une fois comme ecirctre lautre fois comme neacuteant Et comme ils sont le mecircme leur diffeacuterence aussitocirct seacutevanouit Comment degraves lors peut-elle

LANGAGE ET LANGUE PHrLOSOPHlQUE

ressurgir Notons deacutejagrave que le point de vue de leur diffeacuterence est le point de vue du mouvement Hegel neacutecrit plus que lecirctre (le neacuteant) est passeacute dans le neacuteant (dans lecirctre) mais que chacun disparaicirct (verschwindet) imshymeacutediatement cest-agrave-dire sans la maicirctrise que pourrait confeacuterer la meacutediation dans son contraire ce disparaicirctre de lun dans lautre eacutetant leur veacuteriteacute Notons encore car Hegel va y venir dans lanalyse des moments du devenir que les deux laquodisparaicirctreraquo ne sont pas eacutequivalents puisque la disparition de lecirctre dans le neacuteant est un eacutevanouissement (Vergehen) et puisque la disparition du neacuteant dans lecirctre est un surgissement (Entstehen) Le devenir le clignotement est en reacutealiteacute celui dun eacutevanouissement et dun surgissement

Il Il empecircche avant dy revenir que quelque chose comme la diffeacuterence doit hien pour le moins permettre damorcer le mouvement Hegel sen explique comme en passant dans sa seconde Remarque (WdL 78)

Leur diffeacutercnce (sci de lecirctre et du neacuteant) est compleacutement vide hu ulI des deux est lindeacutetermineacute de la mecircme maniegravere elle ne reacuteside (ltstcht) degraves lors pas en eux-mecircmes mais seulement dans un umiddotoisiegravell1e dnns le viser (Meinen) Mais le viser est une forme du subjectif qui ne relegraveve pas de celle suite (Reihe) de lexposition (Darftdlfl8) Neacuteanmoins le troisiegraveme en lequel ecirctre et neacuteant se trouvent (11 IJestelren haben) doit aussi survenir (vorkommen) ici et [Jccst le devenir En lui ils sont comme diffeacuterents

Texte qui peut seacutedalrerpar le suivant tireacute de la premiegravere remarque au sect 88 de lEncyclopeacutedie de 1830 laquo Mais parce que la diffeacuterence ne sest pas encore deacutetermineacutee ici car ecirctre et neacuteant sont preacuteciseacutement encore limmeacutediat elle est telle quelle est en eux lindicible la simple viseacutee raquo Autrement dit les mots nous font deacutefaut nous manquent dans la langue philoshysophique pour fixer les aperceptions pures de lecirctre et du neacuteant dans leur diffeacuterence et ce sans doute parce quelles sont aperceptions pures sans intuitiviteacute Ne reste que la viseacutee mecircme si elle est laquoagrave vide raquo viseacutee (aperception) de limmeacutediat comme ecirctre brut dans le premier cas donc viseacutee indiffeacuterencieacutee qui ne voit rien parce que rien nest deacuteterIIUgraveneacute et degraves lors viseacutee vide dans le second cas aperception vide du neacuteant parce que le neacuteant nest ici envisageacute par Hegel que comme le neacuteant de toute deacutetermination ou si Jon veut agrave la maniegravere de Heidegger comme neacuteant de toul eacutetant On voit comment par ce biais cest toute la langue philoshysophique toutes ses aperceptions de langue qui pegravesent par leur suspens nous osons dire leur eacutepochegrave deacutelibeacutereacutee mais peut-ecirctre pas nous allons y venir clairement situeacutee Epochegrave par surcroicirct hyperbolique dans une sorte dhyperbole hyper-carteacutesienne puisque cest toute la langue philoshysophique qui se trouve suspendue rapporteacutee au neacutegatif qui va se mettre agrave

IH MARC RICH IR

travailler agrave lexception notable de lecirctre immeacutediat indeacutetermineacute et indiffeacuterencieacute qui pour cette raison va se trouver emporteacute dans la tourmente dans la dissolution du devenir - le commencement neacutetant quun commencement ou un faux commencement puisque on le sait il ny a pas agrave la veacuteriteacute de commencement (pour Hegel il nyen a que pour

nous) Par lagrave cest bien toute la langue philosophique qui clignote dans le

devenir entre sa condensation en implosion dans lecirctre pur et son eacutevaporation indiffeacuterencieacutee dans le neacuteant pur comme si dans le prerriler cas elle eacutetait tout lecirctre et dans le second aucun - ou comme si dans le premier cas ele pensait tout lecirctre et sans reste et dans le second ne pensait quele-mecircme sans voix ou sans mots devant limmeacutediat indifshyfeacuterencieacute La diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant est bien dans la viseacutee de la langue et dans linquieacutetude hyperbolique de son inaniteacute onto-Iogique et cette diffeacuterence lui eacutechappe du moins agrave ce moment de lexposition puisque Hegel pensera toujours que linteacutegration du travail du neacutegatif dans la discursiviteacute de la langue lui permettra de dire tout le pensable et tout lecirctre De la sorte dire ici comme Hegel que la figure laquologiqueraquo de la viseacutee est le devenir cest dune certaine maniegravere accomplir un coup de force ougrave tout est preacutesupposeacute sans avoir lair de lecirctre Cette prerrilegravere impression on va le voir va se renforcer Avanccedilons deacutejagrave que si la difshyfeacuterence de lecirctre et du neacuteant est indicible elle ne lest peut-ecirctre que dans lagencement mis en place par Hegel de la langue philosophique et que la viseacutee pourrait bien ecirctre autre chose quunelaquo forme du subjectifraquo agrave savoir certes recodeacutee dans les termes de la langue philosophique la forme de laperception pure matricielle de toute langue dans ce qui fait il est vrai eacutenigmatiquement chaque fois que nous parlons linseacuteparabiliteacute de sa syntaxe et de sa seacutemantique Dans ce cas laperception pure vide cest encore vrai de toute intuition (de toute aperception deacutetermineacutee) ne serait pas vide en geacuteneacuteral mais seulement vide daperceptions de langue etce qui en congruence avec une autre ligne du texte heacutegeacutelien serait preacutecishyseacutement aperccedilu ne serait autre que la penseacutee mais non pas cette fois la penseacutee pure (cest du vide Hegel laquoa vu justeraquo) mais la penseacutee qui court entre les lignes et les mots chaque fois que nous parlons et eacutecrivons Cette penseacutee qui est le mouvement insaisissable en concepts du sens se faisant et qui court laquo agrave traversraquo et laquoderriegravereraquo la langue relegraveve de ce que nous nommons le langage en lui-mecircme irreacuteductible parce queacutechappant agrave tout codage symbolique agrave une quelconque meacuteta-langue 1 Nous serions tenteacute de dire dans ce contexte qui est le nocirctre que pour ecirctre indicible ou ineffable

Cf notre ouvrage Lexpeacuterience du penser Pheacutenomeacutenologie philosophie mythoshylogie JeacuteTOcircme Millon Coll laquo Krisis Grenoble 1996

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 183

la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant nest pas pour autant impensable reste agrave voir comment dans cette prerrilegravere seacutequence de la Logique Hegel va travailler cette ambiguiumlteacute fondamentale quant au penser sans laquelle sa penseacutee nexisterait mecircme pas

Passons donc agrave lanalyse des moments du devenir Analyse tout aussi cruciale que celle de leur sursomption Hegel reprend tout dabord le devenir comme passage eacutenigmatique de la laquo repreacutesentationraquo CI aperception pure de langue) agrave son indicibiliteacute immeacutediate lecirctre et le neacuteant laquosont dans cette uniteacute (sei du devenir) mais en tant que disparaissant seulement comme sursumeacutes (Aufgelwbene) Ils sombrent (herabsinken) depuis leur auto-consistance (SelbstsUindigkeit) tout dabord repreacutesenteacutee pour [devenir] des moments encore diffeacuterents mais en mecircme temps sursumeacutesraquo (WdL 92) Cest cette Aujhebung quil sagit de comprendre de plus pregraves par lanalyse des laquo moments raquo Hegel poursuit

Saisis tous deux (sie) dapregraves cette diffeacuterence (Unlerschiedenheit) qui est la leur chacun est en elle comme uniteacute avec lautre Le devenir contient donc ecirctre et neacuteant comme deux uniteacutes de cette sorte dont chacune est elle-mecircme uniteacute decirctre et de neacuteant lune [est] lecirctre comme immeacutediat et comme relation au neacuteant lautre [est] le neacuteant comme immeacutediat et comme relation agrave lecirctre les deacuteterminations ne sont pas de mecircme valeur dans ces uniteacutes (Ibid)

De prime abord Hegel ne fait ici comme il le fera toujours quinteacutegrer dans chacun des termes la meacutediation avec lautre le terme est lui-mecircme immeacutediatement et meacutediatement sa relation avec lautre Il ne sagit apparemment que dun jeu logique ougrave linteacuteriorisation ou limshymanentisation de la relation doit conduire agrave lAujhebung agrave la sursomption par ce mouvement de chacun des termes ainsi enrichis dans une nouvelle uniteacute qui de la sorte plus riche sera deacutesigneacutee par un nouveau terme paraissant par lagrave engendreacute agrave sa place (syntaxe) et dans sa signification vraie (seacutemantique) Mais cette uniteacute sera elle-mecircme censeacuteelaquo stabiliseacuteeraquo comme laquo momentraquo ce sera ici le Dasein

Notre interrogation porte neacuteanmoins sur ce qui se passe laquo derriegravereraquo ce processus logique Et Hegel doit bien y toucher lui-mecircme si preacuteciseacutement le processus logique doitecirctre autre chose quun jeu avec les concepts Cest pourquoi justifiant lineacutegale valeur des deux moments (des deux deacuteterminations) dans les deux uniteacutes quils constituent Hegel poursuit

Le devenir est de cette maniegravere dans une double deacutetermination dans lune le neacuteant est en tant quimmeacutediat cest-agrave-dire quelle est commenccedilante agrave partir du neacuteant qui se rapporte agrave lecirctre ce qui veut dire passe en lui dans lautre lecirctre est en tant quimmeacutediat ces(shy

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

wwwlaphenomenologierichirienneorg

Site consacreacute agrave la penseacutee de Marc Richir

Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

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Page 4: LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé,

179 178 MARC RICHIR

eacutetant pour soi raquo etlaquo la logique serait par lagrave tout dabord agrave diviser dans la logique du concept comme ecirctre et du concept comme concept dans la logique objective et la logique subjectiveraquo (WdL 43) Autrement dit le savoir pur le pur penser (le reacutesultat de la Pheacutenomeacutenologie comme savoir absolu) est comme principe de la logique par-delagrave lopposition du sujet et de lobjet lidentiteacute laquo vivante raquo cest-agrave-dire en mouvement du concept et de lecirctre ce que nous nommons quant agrave nous leur tautologie symboshylique en vertu de laquelle en langue heacutegeacutelienne ils sont tout agrave la fois inseacuteparables et diffeacuterents cest-agrave-dire indiscernables malgreacute leur diffeacuterence Cest la tautologie symbolique de lecirctre et du penser lun des lieux eacuteminents sinon le lieu mecircme de linstitution symbolique de la philosophie Cela implique que dans limmeacutediateteacute abstraite du comshymencement le concept soit tout dabord identique agrave lecirctre ou que dans son en-soi il soit eacutetant et mecircme leacutetant en geacuteneacuteral (lecirctre) toute meacutediation lui eacutetant exteacuterieure Et que par linteacutegration des meacutediations en lui au fil du mouvement il advienne comme concept en tant que tel-Ielaquo en tant queraquo supposant sa reacuteflexion dont Hegel agrave linstar de Fichte et contre Kant pense quelle peut ecirctre deacutetermineacutee par des lois celles de lengendrement (mais en est-ce un) dialectique ougrave les reacuteflexions senchaicircnent selon une syntaxe qui est censeacutee deacuteterminer la seacutemantique Cela explique deacutejagrave que la Science de la logique commence par lecirctre lecirctre cest le concept abstrait de tout rapport ou si lon veut la tautologie symbolique elle-mecircme agrave la fois dans sa forme (qui serait seulement logique cest de lagrave que part Fichte en 1794) et dans son contenu dans limplosion reacuteciproque du concept et de lecirctre de la syntaxe et de la seacutemantique Labstraction est donc moins ici labstraction de tout contenu (cest la forme qui est ici le contenu) que labstraction de tout rapport qui ramegravene agrave labsolument immeacutediat du moins en apparence On nest pas loin de labsolue identiteacute schellingienne sauf preacuteciseacutement on le sait quelle nest ici quune apparence parce quil faut commencer par le plus geacuteneacuteral le plus inchoatif du moins pour nous (cf aussi WdL 54 57-58) On ne comprend que par lagrave le fait que Hegel puisse dire dans le mecircme mouvement que luniteacute (lidentiteacute) du pur concept et du (pur) ecirctre soit concregravete concregravete elle lest seulement dans la mesure ougrave elle est mouvement et mouvement (nous allons y venir plus preacuteciseacutement) ougrave malgreacute lidentiteacute du penser et de lecirctre clignote en eacuteclipses reacuteciproques leur diffeacuterence la premiegravere la plus pure cest-agrave-dire la plus abstraite deacutefinition de labsolu est rappelle Hegel (WdL 59) laquolidentiteacute de lidentiteacute et de la non-identiteacute raquo ce qui comme tel est intenable mais prendra sa premiegravere figure concregravete avec le devenir

Ajoutons enfin avant de commencer que le paradoxe est aussi que concept et ecirctre et de mecircme neacuteant et devenir ont dans la langue

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE

philosophique une signification Dans nos termes cela signifie quagrave ces mors sont lieacutes ce que nous nommons des aperceptions de langue mais que prises dans le contexte heacutegeacutelien ces aperceptions sont vides de tout objer ou plutOt et Hegel y reviendra plusieurs fois des aperceptions sans intuitiviteacute des aperceptions sans aucune intuition -lintuition intelshylectu(~lIe eacutetant pour Hegel une intuition indiffeacuterencieacutee sans contenu Autrement dit si le concept purest comme tel (comme ce qui se tient de la con(cpuumlon de la penseacutee) aperception Hegel nous enjoint agrave penser cene situation Iregraves inteacuteressante dune aperception sans aucune intuitiviteacute Nous allons y revenir plus preacuteciseacutement car il est temps agrave preacutesent den venir au tCXI(~

IAN( Hm lANOAGE ET CLIGNOTEMENT PHEacuteNOMEacuteNOLOGIQUE

Lecirctre CS I i prendre selon Hegel au sens de la proposition kantienne en VCltu de laquelle il nest pas une proprieacuteteacute (des objets) ou un preacutedicat reacuteel (real) il na cn lui-mecircme aucune deacutetermination de contenu puisquil najoute rien au contenu (du concept empirique) dune chose (cf WdL 71) II est donc si lon veut forme mais en un autre sens que la forme logique traditionnelle cest pour ainsi dire la forme (syntaxique) hypershydense de la reacutefeacuterence (seacutemantique) en geacuteneacuteral cest-agrave-dire laperception pure sans intuition de la langue

Lecirctre est donc laquolimmeacutediat indeacutetermineacuteraquo (WdL 66) il est laquoseushylement identique (gleich) agrave lui-mecircmeraquo et pareillement laquo non-identique agrave leacutegard de lautre raquo nayant pas de laquodissemblance (Verschiedenheit) agrave linteacuterieur de soi ni non plus vers le dehorsraquo (Ibid) il est en reacutealiteacute sans autre et sans dehors en raison de son indeacuteterminiteacute Il ny a preacutecise Hegel laquo rien agrave intuitionner en lui raquo ou il nest que ce pur intuitionner vide II y a donc tout aussi peu agrave penser en lui ou il nest pareillement que ce penser vide (WdL 66-67) Il nest en reacutealiteacute que le neacuteant (Nichts) Le neacuteant reprend donc les mecircmes caractegraveres que lecirctre (identiteacute simple agrave soi-mecircme complegravete vacuiteacute absence de deacutetermination et de contenu indiffeacuterence cn lui-mecircme) Mais eu eacutegard au penser ou agrave lintuitionner il nesl pas indiffeacuterent de penser ou dintuitionner quelque chose (etwas) Cl de Ile

penser ou de ne nintuitionner rien Par conseacutequent ne rien penser ou Ill

rien inluitionner fait que le neacuteant y est (existe) ou plut(l qu il lll1l lintuitionnerou le penser vides eux-mecircmes (en vertu de l irnrIl6dhhh~ ) 1

cela en tant que lecirctre pur (cf WdL 67) laquoLecirctre pur et le n6unt pill ~H III

donc le mecircmeraquo (Ibid) Dougrave vient alors le double retournellleni dl l eil dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Dougrave vient mulgreacute lH h IU

181 180 MARC RICHlR

diffeacuterence On pressent par le sens (Bedeutung) de la langue philosophique que dans le cas de lecirctre tout quelque chose quelconque non encore deacutelimiteacute (deacutefini en langue heacutegeacutelienne deacutetermineacute) y est confondu alors que dans le cas du neacuteant il en est distingueacute mis agrave distance Mais cela preacutesupposerait que lon se donne deacutejagrave le laquoquelque chose raquo cest-agrave-dire plus primitivement le Dasein lecirctre-lagrave ou lexisshytence qui pour Hegel est deacutejagrave et toujours ecirctre-lagrave ou existence finie Cest pourquoi toute agrave lexercice de sa laquo magie raquo la penseacutee heacutegeacutelienne en passe par la meacutediation du devenir envisageacute en trois moments ceux de son uniteacute de sa diffeacuterence (les moments du devenir) et de sa sursomption (Aujhebung) Cest lagrave que nous allons toucher au cœur

Tout dabord de lidentiteacute de lecirctre pur et du neacuteant pur Hegel va tirer que laquo ce qui est la veacuteriteacute ce nest ni lecirctre ni le neacuteant mais cela que lecirctre shynon pas passe - mais est passeacute (uumlbergegangen ist) dans le neacuteant et que le neacuteant est passeacute dans lecirctreraquo (WdL 67) Formule capitale en ce que pour ainsi dire la penseacutee pure (qui est lecirctre pur et donc le neacuteant pur) ne peut tout dabord assister au passage lui-mecircme au retournement reacuteciproque lun dans lautre de lecirctre et du neacuteant mais vient en quelque sorte toujours deacutejagrave trop tard Le double retournement est donc immaicirctrisable (pour Hegel non meacutediatisable dans ces termes eux-mecircmes) et cest cette si tuation que nous deacutesignons par le clignotement reacuteciproque de lecirctre et du neacuteant qui est aussi le clignotement (louverture et la fermeture immaIcirctrishysables) de leur di ffeacuterence

Car il reste eacutenigmatiquement leur diffeacuterence que nous navons encore saisie que par rapport agrave ce que signifie penser ou intuitionner quelque chose Hegel enchaicircne en effet aussitocirct

Mais la veacuteriteacute est tout autant non pas leur indiffeacuterence (sei de lecirctre et du neacuteant) mais cela quils ne sont pas le m2me quils sont absolument diffeacuterents mais pareillement inseacutepareacutes et inseacuteparables et que cest immeacutediatement que chacun disparart dans son contraire Leur veacuteriteacute est donc ce mouvement du disparaicirctre immeacutediat de lun dans lautre le devenir un mouvement dans lequel les deux sont diffeacuterents mais par une diffeacuterence qui sest pareillement dissoute (auflosen) immeacutediatement (Ibid)

On ne pourrait mieux selon nous caracteacuteriser le clignotement luishymecircme cest-agrave-dire le double retournement ou passage incessant de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Mais ce qui reste difficile agrave penser cest que en un sens il ne sagit lagraveque du double passage du vide dans le vide et que tout tient apparemment dans une double attribution du vide une fois comme ecirctre lautre fois comme neacuteant Et comme ils sont le mecircme leur diffeacuterence aussitocirct seacutevanouit Comment degraves lors peut-elle

LANGAGE ET LANGUE PHrLOSOPHlQUE

ressurgir Notons deacutejagrave que le point de vue de leur diffeacuterence est le point de vue du mouvement Hegel neacutecrit plus que lecirctre (le neacuteant) est passeacute dans le neacuteant (dans lecirctre) mais que chacun disparaicirct (verschwindet) imshymeacutediatement cest-agrave-dire sans la maicirctrise que pourrait confeacuterer la meacutediation dans son contraire ce disparaicirctre de lun dans lautre eacutetant leur veacuteriteacute Notons encore car Hegel va y venir dans lanalyse des moments du devenir que les deux laquodisparaicirctreraquo ne sont pas eacutequivalents puisque la disparition de lecirctre dans le neacuteant est un eacutevanouissement (Vergehen) et puisque la disparition du neacuteant dans lecirctre est un surgissement (Entstehen) Le devenir le clignotement est en reacutealiteacute celui dun eacutevanouissement et dun surgissement

Il Il empecircche avant dy revenir que quelque chose comme la diffeacuterence doit hien pour le moins permettre damorcer le mouvement Hegel sen explique comme en passant dans sa seconde Remarque (WdL 78)

Leur diffeacutercnce (sci de lecirctre et du neacuteant) est compleacutement vide hu ulI des deux est lindeacutetermineacute de la mecircme maniegravere elle ne reacuteside (ltstcht) degraves lors pas en eux-mecircmes mais seulement dans un umiddotoisiegravell1e dnns le viser (Meinen) Mais le viser est une forme du subjectif qui ne relegraveve pas de celle suite (Reihe) de lexposition (Darftdlfl8) Neacuteanmoins le troisiegraveme en lequel ecirctre et neacuteant se trouvent (11 IJestelren haben) doit aussi survenir (vorkommen) ici et [Jccst le devenir En lui ils sont comme diffeacuterents

Texte qui peut seacutedalrerpar le suivant tireacute de la premiegravere remarque au sect 88 de lEncyclopeacutedie de 1830 laquo Mais parce que la diffeacuterence ne sest pas encore deacutetermineacutee ici car ecirctre et neacuteant sont preacuteciseacutement encore limmeacutediat elle est telle quelle est en eux lindicible la simple viseacutee raquo Autrement dit les mots nous font deacutefaut nous manquent dans la langue philoshysophique pour fixer les aperceptions pures de lecirctre et du neacuteant dans leur diffeacuterence et ce sans doute parce quelles sont aperceptions pures sans intuitiviteacute Ne reste que la viseacutee mecircme si elle est laquoagrave vide raquo viseacutee (aperception) de limmeacutediat comme ecirctre brut dans le premier cas donc viseacutee indiffeacuterencieacutee qui ne voit rien parce que rien nest deacuteterIIUgraveneacute et degraves lors viseacutee vide dans le second cas aperception vide du neacuteant parce que le neacuteant nest ici envisageacute par Hegel que comme le neacuteant de toute deacutetermination ou si Jon veut agrave la maniegravere de Heidegger comme neacuteant de toul eacutetant On voit comment par ce biais cest toute la langue philoshysophique toutes ses aperceptions de langue qui pegravesent par leur suspens nous osons dire leur eacutepochegrave deacutelibeacutereacutee mais peut-ecirctre pas nous allons y venir clairement situeacutee Epochegrave par surcroicirct hyperbolique dans une sorte dhyperbole hyper-carteacutesienne puisque cest toute la langue philoshysophique qui se trouve suspendue rapporteacutee au neacutegatif qui va se mettre agrave

IH MARC RICH IR

travailler agrave lexception notable de lecirctre immeacutediat indeacutetermineacute et indiffeacuterencieacute qui pour cette raison va se trouver emporteacute dans la tourmente dans la dissolution du devenir - le commencement neacutetant quun commencement ou un faux commencement puisque on le sait il ny a pas agrave la veacuteriteacute de commencement (pour Hegel il nyen a que pour

nous) Par lagrave cest bien toute la langue philosophique qui clignote dans le

devenir entre sa condensation en implosion dans lecirctre pur et son eacutevaporation indiffeacuterencieacutee dans le neacuteant pur comme si dans le prerriler cas elle eacutetait tout lecirctre et dans le second aucun - ou comme si dans le premier cas ele pensait tout lecirctre et sans reste et dans le second ne pensait quele-mecircme sans voix ou sans mots devant limmeacutediat indifshyfeacuterencieacute La diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant est bien dans la viseacutee de la langue et dans linquieacutetude hyperbolique de son inaniteacute onto-Iogique et cette diffeacuterence lui eacutechappe du moins agrave ce moment de lexposition puisque Hegel pensera toujours que linteacutegration du travail du neacutegatif dans la discursiviteacute de la langue lui permettra de dire tout le pensable et tout lecirctre De la sorte dire ici comme Hegel que la figure laquologiqueraquo de la viseacutee est le devenir cest dune certaine maniegravere accomplir un coup de force ougrave tout est preacutesupposeacute sans avoir lair de lecirctre Cette prerrilegravere impression on va le voir va se renforcer Avanccedilons deacutejagrave que si la difshyfeacuterence de lecirctre et du neacuteant est indicible elle ne lest peut-ecirctre que dans lagencement mis en place par Hegel de la langue philosophique et que la viseacutee pourrait bien ecirctre autre chose quunelaquo forme du subjectifraquo agrave savoir certes recodeacutee dans les termes de la langue philosophique la forme de laperception pure matricielle de toute langue dans ce qui fait il est vrai eacutenigmatiquement chaque fois que nous parlons linseacuteparabiliteacute de sa syntaxe et de sa seacutemantique Dans ce cas laperception pure vide cest encore vrai de toute intuition (de toute aperception deacutetermineacutee) ne serait pas vide en geacuteneacuteral mais seulement vide daperceptions de langue etce qui en congruence avec une autre ligne du texte heacutegeacutelien serait preacutecishyseacutement aperccedilu ne serait autre que la penseacutee mais non pas cette fois la penseacutee pure (cest du vide Hegel laquoa vu justeraquo) mais la penseacutee qui court entre les lignes et les mots chaque fois que nous parlons et eacutecrivons Cette penseacutee qui est le mouvement insaisissable en concepts du sens se faisant et qui court laquo agrave traversraquo et laquoderriegravereraquo la langue relegraveve de ce que nous nommons le langage en lui-mecircme irreacuteductible parce queacutechappant agrave tout codage symbolique agrave une quelconque meacuteta-langue 1 Nous serions tenteacute de dire dans ce contexte qui est le nocirctre que pour ecirctre indicible ou ineffable

Cf notre ouvrage Lexpeacuterience du penser Pheacutenomeacutenologie philosophie mythoshylogie JeacuteTOcircme Millon Coll laquo Krisis Grenoble 1996

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 183

la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant nest pas pour autant impensable reste agrave voir comment dans cette prerrilegravere seacutequence de la Logique Hegel va travailler cette ambiguiumlteacute fondamentale quant au penser sans laquelle sa penseacutee nexisterait mecircme pas

Passons donc agrave lanalyse des moments du devenir Analyse tout aussi cruciale que celle de leur sursomption Hegel reprend tout dabord le devenir comme passage eacutenigmatique de la laquo repreacutesentationraquo CI aperception pure de langue) agrave son indicibiliteacute immeacutediate lecirctre et le neacuteant laquosont dans cette uniteacute (sei du devenir) mais en tant que disparaissant seulement comme sursumeacutes (Aufgelwbene) Ils sombrent (herabsinken) depuis leur auto-consistance (SelbstsUindigkeit) tout dabord repreacutesenteacutee pour [devenir] des moments encore diffeacuterents mais en mecircme temps sursumeacutesraquo (WdL 92) Cest cette Aujhebung quil sagit de comprendre de plus pregraves par lanalyse des laquo moments raquo Hegel poursuit

Saisis tous deux (sie) dapregraves cette diffeacuterence (Unlerschiedenheit) qui est la leur chacun est en elle comme uniteacute avec lautre Le devenir contient donc ecirctre et neacuteant comme deux uniteacutes de cette sorte dont chacune est elle-mecircme uniteacute decirctre et de neacuteant lune [est] lecirctre comme immeacutediat et comme relation au neacuteant lautre [est] le neacuteant comme immeacutediat et comme relation agrave lecirctre les deacuteterminations ne sont pas de mecircme valeur dans ces uniteacutes (Ibid)

De prime abord Hegel ne fait ici comme il le fera toujours quinteacutegrer dans chacun des termes la meacutediation avec lautre le terme est lui-mecircme immeacutediatement et meacutediatement sa relation avec lautre Il ne sagit apparemment que dun jeu logique ougrave linteacuteriorisation ou limshymanentisation de la relation doit conduire agrave lAujhebung agrave la sursomption par ce mouvement de chacun des termes ainsi enrichis dans une nouvelle uniteacute qui de la sorte plus riche sera deacutesigneacutee par un nouveau terme paraissant par lagrave engendreacute agrave sa place (syntaxe) et dans sa signification vraie (seacutemantique) Mais cette uniteacute sera elle-mecircme censeacuteelaquo stabiliseacuteeraquo comme laquo momentraquo ce sera ici le Dasein

Notre interrogation porte neacuteanmoins sur ce qui se passe laquo derriegravereraquo ce processus logique Et Hegel doit bien y toucher lui-mecircme si preacuteciseacutement le processus logique doitecirctre autre chose quun jeu avec les concepts Cest pourquoi justifiant lineacutegale valeur des deux moments (des deux deacuteterminations) dans les deux uniteacutes quils constituent Hegel poursuit

Le devenir est de cette maniegravere dans une double deacutetermination dans lune le neacuteant est en tant quimmeacutediat cest-agrave-dire quelle est commenccedilante agrave partir du neacuteant qui se rapporte agrave lecirctre ce qui veut dire passe en lui dans lautre lecirctre est en tant quimmeacutediat ces(shy

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

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Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

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Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

susceptibles drsquointeacuteresser les lecteurs de Richir ou bien si vous disposez drsquoune version informatique

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Bonnes lectures

Page 5: LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé,

181 180 MARC RICHlR

diffeacuterence On pressent par le sens (Bedeutung) de la langue philosophique que dans le cas de lecirctre tout quelque chose quelconque non encore deacutelimiteacute (deacutefini en langue heacutegeacutelienne deacutetermineacute) y est confondu alors que dans le cas du neacuteant il en est distingueacute mis agrave distance Mais cela preacutesupposerait que lon se donne deacutejagrave le laquoquelque chose raquo cest-agrave-dire plus primitivement le Dasein lecirctre-lagrave ou lexisshytence qui pour Hegel est deacutejagrave et toujours ecirctre-lagrave ou existence finie Cest pourquoi toute agrave lexercice de sa laquo magie raquo la penseacutee heacutegeacutelienne en passe par la meacutediation du devenir envisageacute en trois moments ceux de son uniteacute de sa diffeacuterence (les moments du devenir) et de sa sursomption (Aujhebung) Cest lagrave que nous allons toucher au cœur

Tout dabord de lidentiteacute de lecirctre pur et du neacuteant pur Hegel va tirer que laquo ce qui est la veacuteriteacute ce nest ni lecirctre ni le neacuteant mais cela que lecirctre shynon pas passe - mais est passeacute (uumlbergegangen ist) dans le neacuteant et que le neacuteant est passeacute dans lecirctreraquo (WdL 67) Formule capitale en ce que pour ainsi dire la penseacutee pure (qui est lecirctre pur et donc le neacuteant pur) ne peut tout dabord assister au passage lui-mecircme au retournement reacuteciproque lun dans lautre de lecirctre et du neacuteant mais vient en quelque sorte toujours deacutejagrave trop tard Le double retournement est donc immaicirctrisable (pour Hegel non meacutediatisable dans ces termes eux-mecircmes) et cest cette si tuation que nous deacutesignons par le clignotement reacuteciproque de lecirctre et du neacuteant qui est aussi le clignotement (louverture et la fermeture immaIcirctrishysables) de leur di ffeacuterence

Car il reste eacutenigmatiquement leur diffeacuterence que nous navons encore saisie que par rapport agrave ce que signifie penser ou intuitionner quelque chose Hegel enchaicircne en effet aussitocirct

Mais la veacuteriteacute est tout autant non pas leur indiffeacuterence (sei de lecirctre et du neacuteant) mais cela quils ne sont pas le m2me quils sont absolument diffeacuterents mais pareillement inseacutepareacutes et inseacuteparables et que cest immeacutediatement que chacun disparart dans son contraire Leur veacuteriteacute est donc ce mouvement du disparaicirctre immeacutediat de lun dans lautre le devenir un mouvement dans lequel les deux sont diffeacuterents mais par une diffeacuterence qui sest pareillement dissoute (auflosen) immeacutediatement (Ibid)

On ne pourrait mieux selon nous caracteacuteriser le clignotement luishymecircme cest-agrave-dire le double retournement ou passage incessant de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre Mais ce qui reste difficile agrave penser cest que en un sens il ne sagit lagraveque du double passage du vide dans le vide et que tout tient apparemment dans une double attribution du vide une fois comme ecirctre lautre fois comme neacuteant Et comme ils sont le mecircme leur diffeacuterence aussitocirct seacutevanouit Comment degraves lors peut-elle

LANGAGE ET LANGUE PHrLOSOPHlQUE

ressurgir Notons deacutejagrave que le point de vue de leur diffeacuterence est le point de vue du mouvement Hegel neacutecrit plus que lecirctre (le neacuteant) est passeacute dans le neacuteant (dans lecirctre) mais que chacun disparaicirct (verschwindet) imshymeacutediatement cest-agrave-dire sans la maicirctrise que pourrait confeacuterer la meacutediation dans son contraire ce disparaicirctre de lun dans lautre eacutetant leur veacuteriteacute Notons encore car Hegel va y venir dans lanalyse des moments du devenir que les deux laquodisparaicirctreraquo ne sont pas eacutequivalents puisque la disparition de lecirctre dans le neacuteant est un eacutevanouissement (Vergehen) et puisque la disparition du neacuteant dans lecirctre est un surgissement (Entstehen) Le devenir le clignotement est en reacutealiteacute celui dun eacutevanouissement et dun surgissement

Il Il empecircche avant dy revenir que quelque chose comme la diffeacuterence doit hien pour le moins permettre damorcer le mouvement Hegel sen explique comme en passant dans sa seconde Remarque (WdL 78)

Leur diffeacutercnce (sci de lecirctre et du neacuteant) est compleacutement vide hu ulI des deux est lindeacutetermineacute de la mecircme maniegravere elle ne reacuteside (ltstcht) degraves lors pas en eux-mecircmes mais seulement dans un umiddotoisiegravell1e dnns le viser (Meinen) Mais le viser est une forme du subjectif qui ne relegraveve pas de celle suite (Reihe) de lexposition (Darftdlfl8) Neacuteanmoins le troisiegraveme en lequel ecirctre et neacuteant se trouvent (11 IJestelren haben) doit aussi survenir (vorkommen) ici et [Jccst le devenir En lui ils sont comme diffeacuterents

Texte qui peut seacutedalrerpar le suivant tireacute de la premiegravere remarque au sect 88 de lEncyclopeacutedie de 1830 laquo Mais parce que la diffeacuterence ne sest pas encore deacutetermineacutee ici car ecirctre et neacuteant sont preacuteciseacutement encore limmeacutediat elle est telle quelle est en eux lindicible la simple viseacutee raquo Autrement dit les mots nous font deacutefaut nous manquent dans la langue philoshysophique pour fixer les aperceptions pures de lecirctre et du neacuteant dans leur diffeacuterence et ce sans doute parce quelles sont aperceptions pures sans intuitiviteacute Ne reste que la viseacutee mecircme si elle est laquoagrave vide raquo viseacutee (aperception) de limmeacutediat comme ecirctre brut dans le premier cas donc viseacutee indiffeacuterencieacutee qui ne voit rien parce que rien nest deacuteterIIUgraveneacute et degraves lors viseacutee vide dans le second cas aperception vide du neacuteant parce que le neacuteant nest ici envisageacute par Hegel que comme le neacuteant de toute deacutetermination ou si Jon veut agrave la maniegravere de Heidegger comme neacuteant de toul eacutetant On voit comment par ce biais cest toute la langue philoshysophique toutes ses aperceptions de langue qui pegravesent par leur suspens nous osons dire leur eacutepochegrave deacutelibeacutereacutee mais peut-ecirctre pas nous allons y venir clairement situeacutee Epochegrave par surcroicirct hyperbolique dans une sorte dhyperbole hyper-carteacutesienne puisque cest toute la langue philoshysophique qui se trouve suspendue rapporteacutee au neacutegatif qui va se mettre agrave

IH MARC RICH IR

travailler agrave lexception notable de lecirctre immeacutediat indeacutetermineacute et indiffeacuterencieacute qui pour cette raison va se trouver emporteacute dans la tourmente dans la dissolution du devenir - le commencement neacutetant quun commencement ou un faux commencement puisque on le sait il ny a pas agrave la veacuteriteacute de commencement (pour Hegel il nyen a que pour

nous) Par lagrave cest bien toute la langue philosophique qui clignote dans le

devenir entre sa condensation en implosion dans lecirctre pur et son eacutevaporation indiffeacuterencieacutee dans le neacuteant pur comme si dans le prerriler cas elle eacutetait tout lecirctre et dans le second aucun - ou comme si dans le premier cas ele pensait tout lecirctre et sans reste et dans le second ne pensait quele-mecircme sans voix ou sans mots devant limmeacutediat indifshyfeacuterencieacute La diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant est bien dans la viseacutee de la langue et dans linquieacutetude hyperbolique de son inaniteacute onto-Iogique et cette diffeacuterence lui eacutechappe du moins agrave ce moment de lexposition puisque Hegel pensera toujours que linteacutegration du travail du neacutegatif dans la discursiviteacute de la langue lui permettra de dire tout le pensable et tout lecirctre De la sorte dire ici comme Hegel que la figure laquologiqueraquo de la viseacutee est le devenir cest dune certaine maniegravere accomplir un coup de force ougrave tout est preacutesupposeacute sans avoir lair de lecirctre Cette prerrilegravere impression on va le voir va se renforcer Avanccedilons deacutejagrave que si la difshyfeacuterence de lecirctre et du neacuteant est indicible elle ne lest peut-ecirctre que dans lagencement mis en place par Hegel de la langue philosophique et que la viseacutee pourrait bien ecirctre autre chose quunelaquo forme du subjectifraquo agrave savoir certes recodeacutee dans les termes de la langue philosophique la forme de laperception pure matricielle de toute langue dans ce qui fait il est vrai eacutenigmatiquement chaque fois que nous parlons linseacuteparabiliteacute de sa syntaxe et de sa seacutemantique Dans ce cas laperception pure vide cest encore vrai de toute intuition (de toute aperception deacutetermineacutee) ne serait pas vide en geacuteneacuteral mais seulement vide daperceptions de langue etce qui en congruence avec une autre ligne du texte heacutegeacutelien serait preacutecishyseacutement aperccedilu ne serait autre que la penseacutee mais non pas cette fois la penseacutee pure (cest du vide Hegel laquoa vu justeraquo) mais la penseacutee qui court entre les lignes et les mots chaque fois que nous parlons et eacutecrivons Cette penseacutee qui est le mouvement insaisissable en concepts du sens se faisant et qui court laquo agrave traversraquo et laquoderriegravereraquo la langue relegraveve de ce que nous nommons le langage en lui-mecircme irreacuteductible parce queacutechappant agrave tout codage symbolique agrave une quelconque meacuteta-langue 1 Nous serions tenteacute de dire dans ce contexte qui est le nocirctre que pour ecirctre indicible ou ineffable

Cf notre ouvrage Lexpeacuterience du penser Pheacutenomeacutenologie philosophie mythoshylogie JeacuteTOcircme Millon Coll laquo Krisis Grenoble 1996

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 183

la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant nest pas pour autant impensable reste agrave voir comment dans cette prerrilegravere seacutequence de la Logique Hegel va travailler cette ambiguiumlteacute fondamentale quant au penser sans laquelle sa penseacutee nexisterait mecircme pas

Passons donc agrave lanalyse des moments du devenir Analyse tout aussi cruciale que celle de leur sursomption Hegel reprend tout dabord le devenir comme passage eacutenigmatique de la laquo repreacutesentationraquo CI aperception pure de langue) agrave son indicibiliteacute immeacutediate lecirctre et le neacuteant laquosont dans cette uniteacute (sei du devenir) mais en tant que disparaissant seulement comme sursumeacutes (Aufgelwbene) Ils sombrent (herabsinken) depuis leur auto-consistance (SelbstsUindigkeit) tout dabord repreacutesenteacutee pour [devenir] des moments encore diffeacuterents mais en mecircme temps sursumeacutesraquo (WdL 92) Cest cette Aujhebung quil sagit de comprendre de plus pregraves par lanalyse des laquo moments raquo Hegel poursuit

Saisis tous deux (sie) dapregraves cette diffeacuterence (Unlerschiedenheit) qui est la leur chacun est en elle comme uniteacute avec lautre Le devenir contient donc ecirctre et neacuteant comme deux uniteacutes de cette sorte dont chacune est elle-mecircme uniteacute decirctre et de neacuteant lune [est] lecirctre comme immeacutediat et comme relation au neacuteant lautre [est] le neacuteant comme immeacutediat et comme relation agrave lecirctre les deacuteterminations ne sont pas de mecircme valeur dans ces uniteacutes (Ibid)

De prime abord Hegel ne fait ici comme il le fera toujours quinteacutegrer dans chacun des termes la meacutediation avec lautre le terme est lui-mecircme immeacutediatement et meacutediatement sa relation avec lautre Il ne sagit apparemment que dun jeu logique ougrave linteacuteriorisation ou limshymanentisation de la relation doit conduire agrave lAujhebung agrave la sursomption par ce mouvement de chacun des termes ainsi enrichis dans une nouvelle uniteacute qui de la sorte plus riche sera deacutesigneacutee par un nouveau terme paraissant par lagrave engendreacute agrave sa place (syntaxe) et dans sa signification vraie (seacutemantique) Mais cette uniteacute sera elle-mecircme censeacuteelaquo stabiliseacuteeraquo comme laquo momentraquo ce sera ici le Dasein

Notre interrogation porte neacuteanmoins sur ce qui se passe laquo derriegravereraquo ce processus logique Et Hegel doit bien y toucher lui-mecircme si preacuteciseacutement le processus logique doitecirctre autre chose quun jeu avec les concepts Cest pourquoi justifiant lineacutegale valeur des deux moments (des deux deacuteterminations) dans les deux uniteacutes quils constituent Hegel poursuit

Le devenir est de cette maniegravere dans une double deacutetermination dans lune le neacuteant est en tant quimmeacutediat cest-agrave-dire quelle est commenccedilante agrave partir du neacuteant qui se rapporte agrave lecirctre ce qui veut dire passe en lui dans lautre lecirctre est en tant quimmeacutediat ces(shy

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

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Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

nouvelles publications de seacuteminaires ou colloques etc

Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

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Page 6: LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé,

IH MARC RICH IR

travailler agrave lexception notable de lecirctre immeacutediat indeacutetermineacute et indiffeacuterencieacute qui pour cette raison va se trouver emporteacute dans la tourmente dans la dissolution du devenir - le commencement neacutetant quun commencement ou un faux commencement puisque on le sait il ny a pas agrave la veacuteriteacute de commencement (pour Hegel il nyen a que pour

nous) Par lagrave cest bien toute la langue philosophique qui clignote dans le

devenir entre sa condensation en implosion dans lecirctre pur et son eacutevaporation indiffeacuterencieacutee dans le neacuteant pur comme si dans le prerriler cas elle eacutetait tout lecirctre et dans le second aucun - ou comme si dans le premier cas ele pensait tout lecirctre et sans reste et dans le second ne pensait quele-mecircme sans voix ou sans mots devant limmeacutediat indifshyfeacuterencieacute La diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant est bien dans la viseacutee de la langue et dans linquieacutetude hyperbolique de son inaniteacute onto-Iogique et cette diffeacuterence lui eacutechappe du moins agrave ce moment de lexposition puisque Hegel pensera toujours que linteacutegration du travail du neacutegatif dans la discursiviteacute de la langue lui permettra de dire tout le pensable et tout lecirctre De la sorte dire ici comme Hegel que la figure laquologiqueraquo de la viseacutee est le devenir cest dune certaine maniegravere accomplir un coup de force ougrave tout est preacutesupposeacute sans avoir lair de lecirctre Cette prerrilegravere impression on va le voir va se renforcer Avanccedilons deacutejagrave que si la difshyfeacuterence de lecirctre et du neacuteant est indicible elle ne lest peut-ecirctre que dans lagencement mis en place par Hegel de la langue philosophique et que la viseacutee pourrait bien ecirctre autre chose quunelaquo forme du subjectifraquo agrave savoir certes recodeacutee dans les termes de la langue philosophique la forme de laperception pure matricielle de toute langue dans ce qui fait il est vrai eacutenigmatiquement chaque fois que nous parlons linseacuteparabiliteacute de sa syntaxe et de sa seacutemantique Dans ce cas laperception pure vide cest encore vrai de toute intuition (de toute aperception deacutetermineacutee) ne serait pas vide en geacuteneacuteral mais seulement vide daperceptions de langue etce qui en congruence avec une autre ligne du texte heacutegeacutelien serait preacutecishyseacutement aperccedilu ne serait autre que la penseacutee mais non pas cette fois la penseacutee pure (cest du vide Hegel laquoa vu justeraquo) mais la penseacutee qui court entre les lignes et les mots chaque fois que nous parlons et eacutecrivons Cette penseacutee qui est le mouvement insaisissable en concepts du sens se faisant et qui court laquo agrave traversraquo et laquoderriegravereraquo la langue relegraveve de ce que nous nommons le langage en lui-mecircme irreacuteductible parce queacutechappant agrave tout codage symbolique agrave une quelconque meacuteta-langue 1 Nous serions tenteacute de dire dans ce contexte qui est le nocirctre que pour ecirctre indicible ou ineffable

Cf notre ouvrage Lexpeacuterience du penser Pheacutenomeacutenologie philosophie mythoshylogie JeacuteTOcircme Millon Coll laquo Krisis Grenoble 1996

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 183

la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant nest pas pour autant impensable reste agrave voir comment dans cette prerrilegravere seacutequence de la Logique Hegel va travailler cette ambiguiumlteacute fondamentale quant au penser sans laquelle sa penseacutee nexisterait mecircme pas

Passons donc agrave lanalyse des moments du devenir Analyse tout aussi cruciale que celle de leur sursomption Hegel reprend tout dabord le devenir comme passage eacutenigmatique de la laquo repreacutesentationraquo CI aperception pure de langue) agrave son indicibiliteacute immeacutediate lecirctre et le neacuteant laquosont dans cette uniteacute (sei du devenir) mais en tant que disparaissant seulement comme sursumeacutes (Aufgelwbene) Ils sombrent (herabsinken) depuis leur auto-consistance (SelbstsUindigkeit) tout dabord repreacutesenteacutee pour [devenir] des moments encore diffeacuterents mais en mecircme temps sursumeacutesraquo (WdL 92) Cest cette Aujhebung quil sagit de comprendre de plus pregraves par lanalyse des laquo moments raquo Hegel poursuit

Saisis tous deux (sie) dapregraves cette diffeacuterence (Unlerschiedenheit) qui est la leur chacun est en elle comme uniteacute avec lautre Le devenir contient donc ecirctre et neacuteant comme deux uniteacutes de cette sorte dont chacune est elle-mecircme uniteacute decirctre et de neacuteant lune [est] lecirctre comme immeacutediat et comme relation au neacuteant lautre [est] le neacuteant comme immeacutediat et comme relation agrave lecirctre les deacuteterminations ne sont pas de mecircme valeur dans ces uniteacutes (Ibid)

De prime abord Hegel ne fait ici comme il le fera toujours quinteacutegrer dans chacun des termes la meacutediation avec lautre le terme est lui-mecircme immeacutediatement et meacutediatement sa relation avec lautre Il ne sagit apparemment que dun jeu logique ougrave linteacuteriorisation ou limshymanentisation de la relation doit conduire agrave lAujhebung agrave la sursomption par ce mouvement de chacun des termes ainsi enrichis dans une nouvelle uniteacute qui de la sorte plus riche sera deacutesigneacutee par un nouveau terme paraissant par lagrave engendreacute agrave sa place (syntaxe) et dans sa signification vraie (seacutemantique) Mais cette uniteacute sera elle-mecircme censeacuteelaquo stabiliseacuteeraquo comme laquo momentraquo ce sera ici le Dasein

Notre interrogation porte neacuteanmoins sur ce qui se passe laquo derriegravereraquo ce processus logique Et Hegel doit bien y toucher lui-mecircme si preacuteciseacutement le processus logique doitecirctre autre chose quun jeu avec les concepts Cest pourquoi justifiant lineacutegale valeur des deux moments (des deux deacuteterminations) dans les deux uniteacutes quils constituent Hegel poursuit

Le devenir est de cette maniegravere dans une double deacutetermination dans lune le neacuteant est en tant quimmeacutediat cest-agrave-dire quelle est commenccedilante agrave partir du neacuteant qui se rapporte agrave lecirctre ce qui veut dire passe en lui dans lautre lecirctre est en tant quimmeacutediat ces(shy

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

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hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

wwwlaphenomenologierichirienneorg

Site consacreacute agrave la penseacutee de Marc Richir

Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

nouvelles publications de seacuteminaires ou colloques etc

Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

susceptibles drsquointeacuteresser les lecteurs de Richir ou bien si vous disposez drsquoune version informatique

(un document word ou un scan) drsquoun texte de Richir nrsquoheacutesitez pas agrave nous le faire savoir (nous nous

occupons nous-mecircmes de demander les autorisations pour la publication)

Pour nous contacter postmasterlaphenomenologierichirienneorg

Bonnes lectures

Page 7: LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE DANS LE DEVENIR CHEZ HEGEL · ne fait guère de doute qu'en 1812, date de parution du premier tome de la Science de la logique, Hegel n' ait pensé,

1 HII MARC R1CHIR

dl l( qudie est commenccedilante agrave partir de lecirctre qui passe dans le 6 11 111 - surgissement et eacutevanouissement (Ibid)

N IIIS voilagrave subitement beaucoup plus pregraves de quelque chose de tregraves lol u r tll le double passage le clignotement immaIcirctrisable de lecirctre et du lI eacuteant est le clignotement immlUcirctrisable du surgissement et de leacutevanouisshysement de laperception pure sans intuitiviteacute (qui est aussi bien ecirctre pur que neacuteant pur) clignotement au sens du clignotement dune eacutetoile dont on ne sait pas (en dehors de la science et de ses techniques dobservation) sil est le clignotement dune source de lumiegravere qui est ou le clignotement dune pure lumiegravere sans source Cest linsaisissabiliteacute mecircme de laperception pure de la penseacutee pure qui se pheacutenomeacutenalise elle-mecircme comme clignotement entre le surgissement et leacutevanouissement de laperception pure Et cest pourquoi nous nommons ce clignotement clignotement pheacutenomeacutenologique Nous sommes par ces profondeurs abyssales ougrave tout sujet deacutetermineacute et mecircme toute penseacutee deacutetermineacutee (toute aperception deacutetenruneacutee) sont mises hors circuit emporteacutees quelle sont par le clignotement au plus pregraves de comprendre lalaquo magieraquo heacutegeacutelienne

Cest tout dabord la penseacutee de Hegel elle-mecircme qui vacile sur ses bases neacutecrit

Les deux (sei surgissement et eacutevanouissement) sont le mecircme devenir et aussi en tant que ces deux directions ainsi diffeacuterentes ils se peacutenegravetrent et se paralysent reacuteciproquement (WdL 92-93)

Nous interrompons la citation pour demander pourquoi Pourquoi en effet degraves lors que rien ne paraicirct plus susceptible darrecircter en lui-mecircme le clignotement du surgissement et de leacutevanouissement laperception pure en son clignotement eacutetant le pheacutenomegravene en mecircme temps que lillusion transcendantale de la penseacutee pure (cette illusion transcendantale en tant que pheacutenomegravene) Car il faut bien comprendre contrairement agrave ce que Hegel laisse entendre ici que le surgissement et leacutevanouissement ne sont pas pour ainsi direlaquo simultaneacutes raquo mais se reacutepondent en eacutecho Cest ce que dans la vacillation (le clignotement ) de sa penseacutee Hegel explique aussitocirct

Lun est eacutevanouissement lecirctre passe dans le neacuteant mais le neacuteant est tout autant la contrepartie (Gegenteil) de lui-mecircme passage dans lecirctre surgissement Ce surgissement est lautre direction le neacuteant passe dans lecirctre mais lecirctre se sursume tout autant lui-mecircme et est plutocirct le passage dans le neacuteant est eacutevanouissement - Ils ne se sursument pas reacuteciproquement non pas lun exteacuterieurement lautre mais chacun se sursume en soishymecircme et est en lui-mecircme la contrepartie de soi (WdL 93)

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 185

Autrement dit et tel est en reacutealiteacute le clignotement pris en lui-mecircme les deux termes (ecirctre et neacuteant) sont bien supprimeacutes ou sursumeacutes dans Af~fl(~bung mais dans la mesure ougrave le surgissement revire de maniegravere immuIcircrrisablc dans leacutevanouissement et ougrave leacutevanouissement revire agrave son tour de maniegravere immlUcirctrisable dans le surgissement si bien quil ny a plus dons le champ du pensable que ce revirement alterneacute sans fin (et sans commencemenl en soi) du surgissement dans leacutevanouissement et de celuilti dans celui-lagrave Eumltre et neacuteant comme termes philosophiques avec leur siampuificarion philosophique sont eux-mecircmes radicalement hyperboshyIiqucmt nt suspendus (eacutepochegrave) Si ce neacutetait pas le cas le surgissement seacutevanouirait tout simplement dans le surgi (lecirctre) et pareillement leacutevanouissCment surgirait dans leacutevanoui (le neacuteant) et nous aurions une diffeacutennlte slUrique pour Hegel une diffeacuterence dentendement toute posi ti ve et exteacuterieure Nous comprenons par lagrave que ce quil y a dinllllaIcirctrisahle dans le clignotement est ce revirement lui-mecircme qui correspolld i œ que Platon dans le Parmeacutenide appelait lexaiphnegraves ltltlinstantuneacute)) ougrave lUn revire en mettant en suspens radical hypershybol ique lour touplc de contraires comme termes apparemment stables En t1 Sl~ns il esl vrai de dire que le clignotement et le revirement du surgir et de leacutevanouir uu sein du clignotement opegraverent l eacutepochegrave pheacutenomeacutenoshylogique hyperbolique de tout terme et donc de tous les termes (de toute aperception) de la langue philosophique et mecircme de toute langue Le fumeux mouvement de Hegel nest donc que cela sauf quil est nous allons le voir subrepticement utiliseacute pour la mise en place des concepts de la langue philosophique comme instant de dissolution ou de fluidification des concepts (et de la langue) qui ne seraient jamais que trouveacutes dans leur apparente contingence et fixiteacute par et dans lentendement

Rassemblons une derniegravere fois notre attention voyons comment Hegel va penser lAufheben lelaquo sur-sumer raquo parce quelaquo par en haut raquo du devenir Celui-ci est tout dabord eacutecrit-il laquo leacutequilibre (Gleichgewicht) en lequel se posent surgissement et eacutevanouissementraquo (Ibid) Admettons sans penser aussitocirct agrave leur paralysie reacuteciproque agrave laquelle il a eacuteteacute fait allusion que cet eacutequilibre est le clignotement mecircme du surgissement et de leacutevanouissement (ougrave mis hors circuit de faccedilon hyperbolique lecirctre et le neacuteant ne sont plus en question) dans leur revirement incessant (immaicirctrishysable) Le devenir comme ce clignotement mecircme est alors in-fini en soi sans commencement et sans fin assignables mecircme sil nous a fallu lhyperbole dune aperception pure sans intuitiviteacute pour y acceacuteder Or Hegel enchaicircne laquo Mais le devenir senferme (zusammengehen) pareilshylement en uniteacute au repos (ruhige Einheit) raquo (Ibid) Pourquoi cela Parce

186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

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eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

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Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

nouvelles publications de seacuteminaires ou colloques etc

Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

susceptibles drsquointeacuteresser les lecteurs de Richir ou bien si vous disposez drsquoune version informatique

(un document word ou un scan) drsquoun texte de Richir nrsquoheacutesitez pas agrave nous le faire savoir (nous nous

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186 MARC RICHIR

que Hegel revient et sans aucunement justifier ce retour agrave la langue philosophique n eacutecrit en effet tout de suite en utilisant tout dabord les

ressources de l eacutepochegrave hyperbolique

~tre et neacuteant ne sont en lui que comme disparaissant mais le devenir comme tel est seulement par leur diffeacuterence Leur dispashyraicirctre est degraves lors le disparaicirctre du devenir ou le disparaicirctre du disparaicirctre lui-mecircme Le devenir est une in-quieacutetude (Unruhe) sans tenue (haltungslos) qui seffondre (zusammensinkl) en un calme reacutesultat (Ibid)

Faut-il comprendre que le devenir le clignotement na jamais eu lieu comme expeacuterience du penser sinon dans le clin dœil (Augenblick) aussitocirct disparu de lin-quieacutetude Cest ici mecircme que nous situons quant agrave nous le veacuteritable coup deforce (coup de pistolet) de Hegel revenant agrave la langue philosophique (lecirctre et le neacuteant) sans sen justifier un instant et tirant parti de son eacutepochegrave hyperbolique radicale il ne voit pas que le clignotement ne lest plus de lecirctre et du neacuteant mais du surgissement et de leacutevanouissement en geacuteneacuteral (eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique) et ce dans le revirement incessant de leur diffeacuterence leacutevanouissement surgissant de son mouvement mecircme de seacutevanouir et le surgissement seacutevanouissant de son mouvement mecircme de surgir linstant du revirement eacutetant insaisissable et immaitrisable neacutetant jamais la simultaneacuteiteacute des deux ou les faisant revirer en retournement lun dans lautre en phases alterneacutees (cest lorigine de la temporalisation et donc du langage - pas de la langue ) En outre Hegel substitue la diffeacuterence de lecirctre et du neacuteant agrave la diffeacuterence du surgissement et de leacutevanouissement et ce de faccedilon subreptice cest-agrave-dire sans travailler (comme le fera Fichte notamment en 1804 1) larticulation des deux Degraves lors l eacutepochegrave hyperbolique de lecirctre et du neacuteant est utiliseacutee par Hegel contre le devenir rameneacute agrave ses preacutemisses laquo logiquesraquo quils aient disparu au fil de cette eacutepochegrave signifie que le devenir lui-mecircme a disparu sest effondreacute en un laquo calme reacutesultat raquo mecircme si (ultime remords de Hegel ) il est laquo in-quieacutetude sans halte raquo Ce reacutesultat on le sait cest le Dasein le premier laquo lieu decirctreraquo de la penseacutee (ou de

l aperception pure) Le paragraphe suivant ougrave Hegel eacuteprouve quand mecircme la neacutecessiteacute de

se reprendre ne fait en fait quaggraver la situation reacuteaffirmant que le devenir est la disparition reacuteciproque de lecirctre dans le neacuteant et du neacuteant dans lecirctre et la disparition de lecirctre et du neacuteant en geacuteneacuteral (eacutepochegrave

1 Indiquons que pour Fichte dans la seconde version de la W -L de 1804 June des plus eacutelaboreacutees quil nous ait livreacutee ce que nous nommons le clignotement est penseacute comme la laquo genegravese par rapport agrave laquelle il sagit de situer la W -L comme savoir (ou science)

187LANGAGE ET LANGUE PHIWSOIHIQUE

hyp( ~rbolique) il reacuteaffirme encore que le devenir repose sur leur diffeacuterence et cn conclut que celle-ci ayant disparu le devenir se contredit en lui-mecircme (cf Ibid) et se deacutetruit Qu est-ce agrave dire sinon que les exigences laquologiquesraquo ont repris le dessus unilateacuteralement n ny a en effet nulle contra-diction intrinsegraveque dans le devenir comme clignotement en revirement du surgir et du seacutevanouir mais seulement instabiliteacute halllm~sl()e Unruhe in-quieacutetude qui ne se tient pas parce quelle ne sanCtc pas

Il ressort donc de tout cela que Hegel ne cherchait sans aucun doute dans la preacutecipitation agrave conclure que la stabiliteacute laquo logique raquo du concept Le deven ir n sjarnais eu lieu avons-nous suggeacutereacute sinon dans le clin dœil de linstnnlaneacute insaisissable donc inutilisable mais exploitable en sousshymain (d oillulaquo magieraquo) pour la mise en place laquo raisonneacutee raquo de faccedilon tregraves singuliegravere de la langue philosophique Theacuteacirctre dombres il est vrai puisque cc qui cn reacutesulte cest laquo lecirctre-disparu raquo la laquo simpliciteacute en reposraquo qui COlllOie rImI cst le Dasein Et lAujhebung la sur-somption pour nous traduction la plus intelligente parce quau plus pregraves du logique contient hicn toute cette laquo magie raquo comme une sorte de mystification de tour de passe-passe de substitution en prestidigitation dont Hegel luishymecircme aura eacuteteacute jusquagrave la fin la victime Mystification pourrait-on dire de lideacutealisme absolu qui sans cesse se preacutesuppose lui-mecircme tout en touchant agrave leacutenigme qui lui reste exteacuterieure pour sy conforter chaque fois quil en est besoin (on retrouvera plus loin ce mouvement et son Zusammensinkell notamment agrave propos du point crucial de la dialectique du fini et de linfini)

Quen reacutesulte-t-il cette fois pheacutenomeacutenologiquement pour lapershyception pure Nous ne pouvons ici que conclure dogmatiquement Nous avons dit plus haut que si laperception pure est vide de langue (dapercepshytion deacutetermineacutee) elle nest pas pour autant absolument vide Si le clignotement pheacutenomeacutenologique (le devenir heacutegeacutelien) degraves lors quil se met en jeu met ipso facto en eacutepochegrave pheacutenomeacutenologique hyperbolique toute langue deacutetermineacutee (symboliquement institueacutee) il ne met pas pour autant hors circuit toute penseacutee en tant quelle passe pour faire du sens entre les signes et les mots de la parole Bien au contraire cette eacutepochegrave la met en mouvement dans ce qui est tout dabord le clignotement du sens samorccedilant en sa temporalisation entre son surgissement et son eacutevanouisshysement cest-agrave-dire dans ce que nous nommons le pheacutenomegravene de langage -le langage neacutetant encore une fois ni la langue ni la meacuteta-langue mais celle masse inchoative et indistincte pour toute langue d laquo ecirctres raquo ou de Wesen de langage situeacutes agrave un autre niveau architectonique pour ainsi dire entre lecirctre et le neacuteant ni eacutetants ni non-eacutetants seacutevanouissant dans leur

188 MARC RICH IR

surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

Cf Lexpeacuterience du penser op cir ainsi que nos Meacutedirarions pheacutenomeacutenologiques J6-ocircme Millon Coll laquo Krisis raquo Grenoble 1992 en particulier la V Meacuteditation

LANGAGE ET LANGUE PHILOSOPHIQUE 189

eacutetants ni des non-eacutetants lambeaux impreacutepensables pour reprendre la languc du dernier Schelling et qui seulement entre-aperccedilus dans leurs foisonnements pluriels sont ce qui met en mouvement toute penseacutee -la langue dans ses aperceptions ayant pour effet de nen retenir que quelques uns scion ce qui fait chaque fois le pouvoir de Darstellbarkeit de ses aperceptions ougrave nous retrouvons le familier Eacutenigme du concret qui ne sahIcircme dans la neacutegativiteacute comme la cru Hegel degraves sa Pheacutenomeacutenologie que pour une langue trop exclusivement philosophique qui sen est toujours deacutejagrave eacuteloigneacutee Et cet eacuteloignement qui tente de se stabiliser en luishymecircme pour sautonomiserest finalement en quelque sorte la laquoformuleraquo mecircme de lideacutealisme absolu - laquophilosophieraquo seulement laquoneacutegativeraquo comme le disait fort bien encore une fois le dernier Schelling La Logique mais aussi bien tout le systegraveme lEncyclopeacutedie nest bien en fin de compte quun laquotheacuteacirctre dombres raquo mais dombres ayant agrave ce point oublieacute leur origine quelles ne sont que les ombres delles-mecircmes ou plus preacuteciseacutement dune eacutetincelle qui na fait que clignoter un instant dans linstantaneacute originaire lexaiphnegraves agrave lorigine de la longue phrase du systegravemc Y est-clic encore agrave la fin Si lon se reacutefegravere agrave la citation dAristote (MeacutetaphysiqU 1 dl 7 072 b 18-30) qui clocirct lEncyclopeacutedie cette eacutetincelle purifieacutee agrave lextrecircme nest autre que leacutetincelle de Dieu lui-mecircme Est-ce bien ccla que pensait Alistote avec lacte pur Sagit-il dans cette eacutequivoque ultime dune ultime ironie ou par ce renvoi agrave la philosophia perennis de lexpression dune radicale hybris bien moderne celle de la penseacutee dune non moins radicale immanence Immanence qui serait non moins celle du neacuteant que celle de lecirctre

Marc Richir

wwwlaphenomenologierichirienneorg

Site consacreacute agrave la penseacutee de Marc Richir

Marc Richir (1943-) est lrsquoun des principaux repreacutesentants actuels de la pheacutenomeacutenologie Son œuvre

aussi monumentale que complexe a longtemps eacuteteacute ignoreacutee Elle commence cependant agrave ecirctre eacutetudieacutee et

discuteacutee entre autres en France Belgique Espagne Allemagne ou encore en Roumanie

Nous sommes pour notre part convaincus de lrsquoimportance de travailler la penseacutee de Marc Richir

Aussi lrsquoobjectif de ce site est double drsquoune part mettre progressivement agrave la disposition du public

diffeacuterents textes de Marc Richir (en particulier ceux qui sont le plus difficilement accessibles

aujourdrsquohui) et sur Marc Richir Drsquoautre part reacutecolter et diffuser toutes informations concernant

lrsquoactualiteacute de la pheacutenomeacutenologie richirienne qursquoil srsquoagisse drsquointerventions publiques de Richir de

nouvelles publications de seacuteminaires ou colloques etc

Bien sucircr dans la reacutealisation de ce projet toute aide est utile Si donc vous avez des informations

susceptibles drsquointeacuteresser les lecteurs de Richir ou bien si vous disposez drsquoune version informatique

(un document word ou un scan) drsquoun texte de Richir nrsquoheacutesitez pas agrave nous le faire savoir (nous nous

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surgissement et surgissant dans leur eacutevanouissement donc seulement entre-aperccedilus dans leurs turbulences multiples et reacuteciproques avant toute aperception 1 Telle est selon nous lorigine qui a manqueacute agrave Hegel mais sans doute pas agrave Schelling qui dans sa Spegraveitphilosophie la reconnue dans la Potenz en tant que telle comme limpreacutepensable (Unvordenshykliche) deacutefaut propre agrave Hegel et qui lui a fait penser que la langue philosophique pouvait tout penser sans reste Belle et grandiose erreur dira-t-on et qui pour le moins nous aura eacuteteacute utile puisque une fois commise nous navons plus agrave la commettre Nous savons deacutesormais que le pouvoir de Darstellbarkeit des aperceptions de la langue philosophique nest pas le seul ou absolu dans sa veacuteriteacute mais que du passage de laperception pure sans intuitiviteacute aux aperceptions concregravetes avec leur Darstellbarkeit il y a de multiples versions et ce jusque dans le cœur de la philosophie elle-mecircme La penseacutee pour penser nest pas pour ainsi dire a priori condamneacutee ou voueacutee si elle se veut la plus pure agrave en passer par laperception pure comme telle puis aux aperceptions enchaicircneacutees de la langue philosophique comme si elle devait reacuteinventer implicitement la philosophie chaque fois quelle se met agrave penser Nous avons vu combien laperception pure dailleurs eacutetait agrave la fois le condenseacute extrecircme de la langue philosophique et son eacutevaporation agrave leacutetat de neacutegatif ou de neacuteant actif sil est vrai que laperception pure est vide de tout concept (et de tout ecirctre) deacutetermineacute sil est vrai quen ce sens comme Hegel nous donne presque malgreacute lui agrave le penser elle ne fait plus que clignoter entre le surgissement et leacutevanouissement en geacuteneacuteral il en reacutesulte agrave lautre bord le bord pheacutenomeacutenologique qui est le nocirctre que le surgissement et leacutevanouissement sont encore abstraits et que le clignotement entrevu par Hegel le temps dun clin dœil ny est pour ainsi dire que dans sa laquoforme logiqueraquo abstraite neacutetant que le clignotement lui-mecircme Certes nous lavons vu agrave la suite de Hegel et en partie par-delagrave Hegel le clignotement mis en jeu met du mecircme coup en jeu une eacutepochegrave hyperbolique des preacutemisses qui ont permis dy acceacuteder (ici lecirctre et le neacuteant) Mais du point de vue plus proprement pheacutenomeacutenologique cela signifie quil na preacuteciseacutement pas de preacutemisses en lui-mecircme quil se met en jeu de faccedilon immaicirctrisable laquolagrave ougrave il veut raquo dans nos termes chaque fois quil y a pheacutenomeacutenalisation dont il est agrave chaque fois le schegraveme in-fini sans archegrave et sans teacutelos Eacutenigme du pheacutenomegravene au sens pheacutenomeacutenologique cest-agraveshydire du pheacutenomegravene qui nadhegravere pas agrave lui-mecircme mais qui clignote en luishymecircme faisant surgir et seacutevanouir des lambeaux concrets de sa pheacutenomeacutenaliteacute qui sont des Wesen des laquo ecirctresraquo si lon veut mais pas des

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