Vacances de Hegel

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BRANKO ALEKSIC

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BRANKO/ALEKSIĆ

Vacances de Hegel

NOEL BLANDIN

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© Noël BLANDIN, Paris, 1991 ISBN 2-907695-32-0

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VACANCES DE HEGEL

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L'USAGE DE DE LA PEINTURE

Quand on a perdu presque tout Le tout qui reste n'est pas d'avoir l'espoir Ceci continuera à ne pas être un chasseur Au bord de la corde de la nuit nécessaire Le saint Graal dans le domaine enchanté du casino de

Knokke-le-Zoutte Chaque tableau ovale étant le lieu de résolution d'un

chiffre peint Beau comme un œuf de coucou pêché Que la jeune femme aux seins nus montre à un lion

sur le chemin de terre voilée Sortant d'une région familière de la mer déchirée Sur une même ligne de rencontre du peintre et du poète

dessinateurs des proverbes abrégés Au bord du transfert nécessaire deux embarcations

se rencontrent front à front paysage de l'Esthétique de Hegel œil contre œil cœur contre cœur

Et comme le veut le poème de Paul Eluard dédié à René Magritte « cœur sans respect à l'aise dans les draps »

Et derrière les draps doubles levés

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Al-Magriti dans une longue lettre à Eluard reconnaissait que celui-ci est vraiment un grand... peintre, et que Magritte est fier d'être son ami

Avec ceci continuant à ne pas être un chasseur Holderlin du bord de la forêt noire du Neckar ou d'une

forêt de Hambourg avec les manifs de carabins Rêvant sur une revue qui aurait dû s'appeler « Iduna »

et qui ne paraîtra jamais — je reprends —

Rêvant sur un livre dépourvu d'érudition dont Hegel et lui seront les auteurs si seulement Hegel venait à Francfort réjouissant pleinement Holderlin de sa présence, et dans la même longue lettre du 20 novem- bre 1796 :

Adieu, cher Hegel ! Ecris-moi bientôt de nouveau. Si seulement tu avais déjà quitté le territoire de Berne !

Ton Holderlin

Et, comme dans le film, Margarethe von Trotta viendrait le prendre par la main et le conduire au Festival de Venise derrière le rideau de fer en les Années de plomb et sur le Lion d'or gagné

Adieu Eleusis épistolaire En 1803 le troisième condisciple, Schelling, trouvait lui,

Hölderlin, dans un état d'absence totale d'esprit Holderlin fou deviendra le spectacle le plus triste que

Schelling ait vu depuis son voyage en France parc- mètres plâtrés, ce voyage qu'il appelait le voyage fatal (la lettre à Hgl, 11.07.1803)

Œil contre œil voyant le radeau de la Méduse dans le ciel

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avec les bombes de peinture multicolores Hölderlin embarqué

Tous les noms du monde dont il répond et Tous les rideaux du monde perdu tirés sur ses yeux A sa rencontre dans la Forêt Noire

... « Se portent les jeunes Kepler et Hegel » Et André Breton y tiendra (dans Mont de Piété)

Tres homines faciunt collegium-perroquet Le monde était libéré des perruques lourdes bouclées Adieu Eleusis dans le poème épistolaire Hgl dans son voyage s'intéresse aux nouvelles de son

perroquet J. L. Borges prenant son petit déjeuner dans le jardin

d'hiver de son hôtel se plaindra au reporter du « Monde » que son perroquet était malade dans l'avion de Buenos Aires

Hélas Le perroquet de Celia de Hegel et de Borges va mourir Trois perroquets font le bruit infernal du sentiment dans

la cuisine du néant en détail Qui va maintenant donner les noms propres aux amants

futurs par hasard pareils Gudrun Ensslin a été baptisée la « petite fille de Hegel » C'est le temps de plomb quand j'ai besoin de la rivière La Seine ma sœur quand pendant l'enfance on se regarde

dans le même lit Et il faut plus encore Que le peuplier argenté émane du jardin où l'étoile Vénus

touche le sol avec les pieds des silencieux agents tendant une souricière

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Dans les rêves concentrationnaires porteurs de la joie future

Aleksandra, « Ali » ( « A l i » = Mme Mais) a souhaité que Branko soit la traduction du nom grec Alexandre

A. M. D. 1974 Anno Mirabilis Dei

ou dans Manufacture Opposée Après-Marcel-Duchamp

En 1978 : Branka, « Bami » et les Trois petites Bami poèmes (dans la revue Gordogan n° 5-6, Zagreb selon le nom alpiniste du roi dramaturge de R. Ivsic composé de la combinaison de Gordon's gin et du nom du metteur en scène Gordon Craig)

L'inscription de la différence masculine — féminine

Dans une seule lettre Et en 1982 : Branislava, « Bana »

diminutif pareil à Branko-Bane L'un et l'autre comme les plis d'un rideau qui reproduit

fidèlement les formes d'une femme auprès d'un rideau dans la peinture imaginée un Aimant du pseudo-Magritte

Les trois femmes font une iduna coniecturalis mundi forma

En 1983 : Reine, « Bonnie » Et pendant mon absence le réceptionniste du collège

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recevant un message d'elle par le téléphone aphrodisiaque

Forcément : Ah, Reine — comme la reine de France ? — Hein Picatris Mais comme la reine des dernières neiges annoncée

prémonitoirement au rendez-vous avant la mémoire dans le jardin de l'infini

Est venue à la fin

reine Iduna embarquée Sur le tapis volant déchiré de la nostalgie de contes de

fées l'énigme dans le jardin botanique de Bruxelles où René Magritte a retrouvé sa belle bergère qui à leur premièrs rencontre était la fille de treize ans

L'un et l'autre comme les plis d'un rideau qui reproduit fidèlement les formes d'une femme auprès d'un rideau dans la peinture imaginée un Aimant du pseudo-Magritte

coniecturalis mundi forma On tape à contretemps pendant que Nerval cherche les

bergères sur l'île de Cythère Je m'arroge le droit De mettre le point final à l'œuvre sans fin

au cul une orange ouverte De finir et de commencer ou, quand et comme il me plaît

(comme l'approuverait Hgl à la manière d'Horace) Le mannequin Ourobouros traduisant Finnegans Wake

par la fin mais animé encore, Finn again Et plus encore

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A travers les épanchements de la caverne magique peinte par les effusions du premier chasseur

Il faut continuer les cent ving journées du sot Dôme Mordant la femme 100 têtes ni queues Dans 100 ans de solitude à trois et en plus en fourrure La bougie soufflée le vampire disparu des sens habite

la beauté des choses sèches de nouveau élevées Où quand et comment il nous plaît Ma petite iduna amoureuse m'invitant

à voler avec elle Lévitation en ville sur l'île Saint-Louis

où aujourd'hui se passe quelque chose d'extatique En pierre et en secret réunissant des îlots aux Vaches

et Notre-Dame C'est comme le deuil : la femme en face de moi sort un

petit carnet avec des feuilles dorées et j'ai sorti le mien et écrit ces mots

C'est comme le duel du jugement de Duchamp dans les temps picatris sur les îlôts

Quand sur le pont de Notre-Dame le copain de Watteau possédait une boutique

Ceci continuant à ne pas être le Chasseur vert sur les avis de recherche

Qui allait donner leurs noms aux amants doubles avec lesquels on ne finira jamais comme avec les chiens diables en pantoufles

Dans l'ordre des Templiers brûlé bien avant 1783 1983 le cinéma vengeur des Templiers Kichi-san et Sada dans l'Empire des sens

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Et aussi anonymes sur l'écran Paul et Jeanne dans le Dernier tango à Paris

Et la petite princesse Unica de Sombre Printemps avec l'Homme-Jasmin s'amusant à dessiner des Bonhommes-Poubelles devant le saut

Les passions rituellement meurtrières à la manque Fermées Dans le château de Silling au dehors des forces errantes qui habiteront les choses

à la fois grandes et petites La bande magnétique Le verre avec le miel et le vin chaud La bougie enflammée et la rose apprenant sa leçon dans

le flacon Fermées Dans la force qui flaire l'invisible

in perpetuum et sine fine (« Picatrix ») Les grenades lacrymogènes dans la ville Perdant sa forme tremblante Dans la forme de nos corps devenus musique Les colliers et les boucles d'oreille cassés dans

l'enlacement Pour finir encore et commencer où quand et comment

il nous plaît Sur l'île au trésor de l'oubli de la fin du féminin Cassant l 'Œuf du monde Pour le jus de la pluie tropicale compacte et chaude

quand l'iduna Bonnie sautait dans la rue de Manille.

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LA CONVERSATION AVEC HEGEL

Dans un grand parc, parmi la verdure, est assis Hegel. A côté de lui est sa secrétaire et traductrice.

Avec un verre dans la main, appuyé à une balus- trade, je m'adresse à lui :

— Saviez-vous qu'à l'Université, pour le travail du séminaire, j'ai écrit sur la place de la littérature grecque antique dans votre construction ?

(En quel langage je m adresse ? Je n'ai pas dit le sys- tème de « l'Esthétique », mais : la construction).

Après ça, je lui demande s'il travaille maintenant sur quelque chose de neuf ?

Oui, il travaille, il travaille ; il était justement en train de dicter...

Je m'éloigne d'eux le long d'une cascade. Hegel disait :

— Les, gens inconnus, des pays inconnus tout à fait au loin, et de la ville inconnue, avec le talent timide. Avec du talent, mais pas assez décisif : timide.