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UNIVERSITE Lille 2 – Droit et santé Ecole doctorale n° 74 Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales LA REGLE DU STANDARD MINIMUM COMMUNAUTAIRE ET LE DROIT DES CONFLITS DE LOIS (Une étude limitée à la protection du consommateur) Mémoire présenté par Kanza BENMBAREK-LESAFFRE Sous la direction de Mme Dorothée PARDOEL pour l’obtention du master droit recherche mention « droit des contrats » Année universitaire 2003-2004 Mémoire publié après autorisation du jury sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr 1

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UNIVERSITE Lille 2 – Droit et santé

Ecole doctorale n° 74

Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales

LA REGLE DU STANDARD MINIMUMCOMMUNAUTAIRE

ETLE DROIT DES CONFLITS DE LOIS

(Une étude limitée à la protection du consommateur)

Mémoire présenté par Kanza BENMBAREK-LESAFFRESous la direction de Mme Dorothée PARDOEL pour l’obtention du master droit

recherche mention « droit des contrats »

Année universitaire 2003-2004

Mémoire publié après autorisation du jury sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr

1

« La faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dansle présent rapport. Ces opinions devront être considérées comme propres à leur auteur».

2

Je remercie vivement Madame Dorothée PARDOEL pour le soutien et

l’attention qu’elle a portés à mon travail .

3

SOMMAIRE

Introduction………………………………………………………………………………….…6

Chapitre 1 : La règle du standard minimum : une méthode communautaire et originale…...17

Section 1 : Une méthode communautaire………………………………………..…...19

Section 2 : Une méthode originale…………………………………………………....39

Chapitre 2 : La règle du standard minimum : l’influence possible sur le conflit de lois……65

Section 1 : La perturbation du conflit de lois…………………………………………66

Section 2 : L’enrichissement du conflit de lois en matière de protection du

consommateur………………………………………………………………………...88

Conclusion…………………………………………………………………………………..104

4

Table des abréviations

CJCE………………………………………… Cour de justice des Communautés européennes

D………………………………………………………………………………………….Dalloz

GEDIP….............................................................Groupe Européen de Droit International Privé

J.D.I……………………………………………………………...Journal de Droit International

J.O.C.E…………………………………….....Journal Officiel des Communautés Européennes

RAE…………………………………………………………....Revue des affaires européennes

R.C.A.D.I……………………………………… Recueil des Cours de l’Académie de La Haye

RCDIP……………………………………. ………Revue Critique de Droit International privé

REDC………………………………………. Revue Européenne de droit de la Consommation

TCE……………………………………………...Traité instituant la Communauté Européenne

5

INTRODUCTION

6

INTRODUCTION

Aujourd’hui se développe, à un rythme soutenu, une « stratégie d’harmonisation

généralisée »1 en vue de supprimer les entraves aux échanges intracommunautaires. Aucun

secteur n’échappe à cette intervention du droit communautaire2. C’est le cas du droit

international privé, qui est frappé de plein fouet par l’interventionnisme communautaire : le

phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur, au point qu’actuellement l’idée d’un « droit

international privé communautaire »3 se développe. Il semble dès lors peu réaliste d’étudier le

droit international privé des Etats membres sans prendre en compte la Communauté4.

L’intervention du droit communautaire en droit international privé a atteint son

paroxysme avec l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam5. La coopération judiciaire en

matière civile est passée dans la sphère du « communautaire », alors qu’auparavant, elle était

dans celle de l’intergouvernemental6. Le Conseil s’est vu alors reconnaître la compétence pour

adopter des textes relevant du droit international privé7. Cette communautarisation s’est

manifestée par l’adoption de nombreux règlements communautaires en matière de droit

international privé sur la base de l’article 65 TCE8, à commencer par le reformatage de la1 Oppetit (B.), « L’eurocratie ou le mythe du législateur suprême », D., 1990, chr. p. 73, selon cet auteur, en1990, le volume normatif communautaire s’élevait à plus de 20000 directives et règlements communautaires envigueur dans la CEE. 2 Oppetit (B.), Ibid., « Aucun secteur ne leur échappe, qu’il s’agisse des marchés publics, des mouvements decapitaux, de la bourse, des valeurs mobilières, de la banque, de l’assurance, de la construction, des transports,des professions libérales, de la concurrence, des sociétés, de la propriété industrielle et intellectuelle, desproduits industriels comme alimentaires, de la sécurité sociale, des consommateurs, de la fiscalité, del’audiovisuel, des télécommunications, et on en oublie certainement… ». 3 Fallon (M.), « Les conflits de lois et de juridictions dans un espace économique intégré, l’expérience de laCommunauté Européenne », R.C.A.D.I., 1995, Tome 253, p. 229. 4 V. à ce sujet Struycken (A. V. M.), « Les conséquences de l’intégration européenne sur le développement dudroit international privé », R.C.A.D.I. 1992, Tome 232, p. 261. 5 V. sur les conséquences d’une telle compétence, Wilderspin (M) et Rouchaud-Joët (A-M), « La compétenceexterne de la Communauté européenne en droit international privé », R.C.D.I.P., 2004, n° 1, p. 1. 6 En effet, la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, sur la compétence judiciaire, la reconnaissance etl’exécution des décisions en matière civile et commerciale, et celle de Rome du 19 juin 1980, sur la loiapplicable aux obligations contractuelles sont des conventions intergouvernementales conclues par les Etatsmembres sur la base de l’article 293 (ex art. 220) TCE.7 Gaudemet-Tallon (H.), « Le droit international privé communautaire : émergence et incidences, Brefs proposintroductifs », Petites affiches, 12 décembre 2002, n° 248, p. 3. 8 L’article 65 TCE prévoit que « Les mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans lesmatières civiles ayant une incidence transfrontière, qui doivent être prises conformément à l’article 67 et dansla mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur, visent entre autres à : a) améliorer et

7

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire, la

reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, en un règlement

communautaire en date du 22 décembre 2000. Un projet de révision de la Convention de

Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et sa transformation

en règlement communautaire est également à l’ordre du jour9.

Toutefois, l’influence du droit communautaire sur le droit international privé ne date

pas de l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, le 1er mai 199910. En effet, à partir des

années 80 plusieurs directives communautaires comportant des règles de conflit11 ont vu le

jour. Il semblerait que la Communauté ait considéré que sa compétence pour régir un secteur

déterminé incluait celle d’adopter des règles de conflit relatives à ce domaine12. Ainsi,

plusieurs secteurs du droit ont vu apparaître dans les directives communautaires les

concernant des règles de droit international privé. Ce phénomène a touché le droit des

assurances13, mais aussi la protection de certaines parties faibles comme le consommateur14,

l’acquéreur d’un droit d’utilisation à temps partiel d’un bien immobilier15 ou le salarié16.

Ces règles de conflit sectorielles, bien qu’étant toutes issues de directives

communautaires, ne répondent pourtant pas à un modèle unique de rédaction. Alors que

simplifier : le système de signification et de notification transfrontière des actes judiciaires et extrajudiciaires ;la coopération en matière de l’obtention des preuves ; la reconnaissance et l’exécution des décisions en matièrecivile et commerciale, y compris les décisions extrajudiciaires ; b) favoriser la compatibilité des règlesapplicables dans les Etats membres en matière de conflits de lois et de compétence ; c) éliminer les obstacles aubon déroulement de procédures civiles, au besoin en favorisant la compatibilité des règles de procéduresapplicables dans les Etats membres ». 9 Livre vert, sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003.10 Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997.11 L’expression « règle de conflit » est employée ici dans son sens général de règle permettant de résoudre unconflit de lois.12 Jayme (E.) et Kohler (C.), « L’interaction des règles de conflit contenues dans le droit dérivé de laCommunauté Européenne et des conventions de Bruxelles et de Rome », R.C.D.I.P., 1995, p. 25.13 V. notamment les directives 88/357/CEE du 22 juin 1988, « assurance non vie », J.O.C.E., n° L 172/1, et92/49/CEE du 18 juin 1992, J.O.C.E. n° L228/1 ; les directives 90/619/CEE du 8 novembre 1990 « assurancevie », J.O.C.E. n° L 330/50 et 92/96/CEE du 10 novembre 1992, J.O.C.E. n° L 360/1. . 14 V. notamment la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contratsconclus avec les consommateurs, J.O.C.E. n° L 95/29. 15 Directive 94/47/CE du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects descontrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel d’un bien immobilier, J.O.C.E. n° L280/83.16 V. notamment la directive 96/71 du 16 décembre 1996, concernant le détachement du travailleur effectué dansle cadre d’une prestation de service, J.O.C.E. n° L 218.

8

certaines désignent la loi applicable17, d’autres ont une finalité matérielle18. Par ailleurs, ces

deux types de règles ne sont pas susceptibles d’avoir le même impact sur le droit des conflits

de lois.

En effet, les premières, intervenant dans le domaine de l’assurance, ne poseront a

priori pas de difficultés de coordination puisque la Convention de Rome exclut de son champ

d’application les contrats d’assurance lorsque le risque est situé dans un Etat membre de la

Communauté (art. 1 § 3 de la Convention de Rome)19. En revanche, les secondes sont

susceptibles d’exercer une influence non négligeable sur le droit des conflits de lois

puisqu’elles interviennent dans un domaine couvert par la Convention de Rome mais ne

semblent pas tenir compte de l’existence de celle-ci.

En effet, cette dernière, tout en autorisant le consommateur et le travailleur à faire un

choix quant à la loi applicable au contrat, met en place, pour chacune de ces parties réputées

« faibles », une règle de conflit protectrice visant à limiter les effets de la loi choisie20. Or, la

règle de conflit communautaire intervenant en matière de protection du consommateur ou du

travailleur entend également limiter le choix de la loi fait par les parties. Dès lors, il est tout à

fait envisageable que ces règles de conflit de sources différentes entrent en conflit. La

déclaration adoptée lors de la signature de la Convention de Rome invitait pourtant les

institutions des Communautés européennes à s’efforcer d’adopter des règles de conflit en

harmonie avec celles de la convention21. Il semblerait, au vu des règles de conflits contenues17 C’est précisément le cas pour les directives en matière d’assurance. Ainsi, la directive « assurance non vie »88/357/CEE précitée, énonce que « La loi applicable aux contrats d’assurance visés par la présente directive etcouvrant des risques situés dans les Etats membres est déterminé conformément aux dispositions suivantes : a)Lorsque le preneur d’assurance a sa résidence habituelle ou son administration centrale sur le territoire del’Etat membre où le risque est situé, la loi applicable au contrat d’assurance est celle de cet Etat membre.Toutefois, lorsque le droit de cet Etat le permet, les parties peuvent choisir la loi d’un autre pays » (art. 7). 18 La règle de conflit contenue dans les directives mettant en place un régime protecteur du consommateur, telleque celle concernant la protection du consommateur contre les clauses abusives, a une finalité matérielle en ceciqu’elle entend faire prévaloir une certaine issue du litige. Cette règle de conflit a pu être rapprochée de celle del’article 5 de la Convention de Rome mettant en place un régime protecteur du consommateur. Duintjer Tebbens(H.), « Les règles de conflit contenues dans les instruments de droit dérivé », in Les conflits de lois et le systèmejuridique communautaire, Dalloz, éd 2004, p. 112, « L’article 5 relatif aux contrats conclus par lesconsommateurs prévoit une démarche analogue, même si les conditions d’application ne sont pas les mêmes ». 19 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), « Les relations entre le droit communautaire et les règles de conflit de lois desEtats membres », R.C.D.I.P., 2002, p. 289. 20 Article 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 concernant le consommateur et article 6 concernant letravailleur.21 « Soucieux d’éviter dans toute la mesure du possible la dispersion des règles de conflit de lois entre demultiples instruments et les divergences entre ces règles, souhaitent que les institutions des Communautéseuropéennes, dans l’exercice de leurs compétences sur la base des traités qui les ont instituées, s’efforcent,lorsqu’il y a lieu, d’adopter des règles de conflit qui, autant que possible, soient en harmonie avec celles de la

9

dans les directives communautaires, que leurs auteurs n’aient pas tenu compte des règles de

conflit mises en place par la Convention de Rome22.

Ce type de règle, garantissant une protection à la partie faible, répond à deux modèles

de rédaction. Certaines directives énoncent que le droit harmonisé sera applicable « quelle que

soit la loi applicable au contrat » et mettent en place un critère de rattachement fixe. C’est le

cas de la directive du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains

aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens

immobiliers23. Une version quelque peu similaire a été adoptée par la directive du 16

décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une

prestation de services24. D’autres, les plus nombreuses à ce jour, n’interviennent que si les

parties ont choisi le droit d’un Etat tiers pour régir leur contrat, elles sont alors nettement plus

restrictives25.

Ces règles, issues du droit communautaire dérivé, ont pour objectif la protection de la

partie « faible ». Cette protection résulte du fait que la règle communautaire impose aux Etats

membres de prendre les mesures nécessaires afin que la partie faible (consommateur ou

travailleur), ne soit pas privée de la protection accordée par la directive communautaire

lorsque cette partie a choisi la loi d’un Etat tiers comme droit applicable au contrat, alors qu’il

existe un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres. La règle

communautaire entend faire bénéficier la partie faible d’un standard minimum de protection

communautaire.

On pourrait, de prime abord, se réjouir de l’émergence de telles règles de conflit à

visée protectrice de la partie faible. Pourtant, la règle du standard minimum communautaire,

intervenant dans un domaine couvert par la Convention de Rome, soulève de nombreuses

difficultés. Ces difficultés tiennent non seulement à la nature de l’instrument dont elle est

convention », J.O.C.E. 1980, n° L 266/14 ; Jayme (E.) et Kohler (C.), précité, p. 16.22 Jayme (E.) et Kohler (C.), Ibid.23 Art. 9 « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que, quelle que soit la loi applicable,l’acquéreur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive, si le bien immobilier est situédans un Etat membre ». 24 Art. 3 « Les Etats membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, lesentreprises visées à l’article 1 § 1 garantissent au travailleur détaché sur leur territoire les conditions de travailet d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’Etat membre sur le territoire duquel le travail estexécuté, sont fixées ».25 C’est le cas notamment de l’article 6 § 2 de la directive 93/15/CE précitée.

10

issue, mais également au rôle qui incombe au juge dans le cadre de sa mise en œuvre, et au

manque de précisions quant à la position de cette règle par rapport aux autres méthodes de

règlement des conflits de lois.

L’étude de la règle de conflit communautaire et de son influence sur le droit des

conflits de lois permettra de situer cette règle communautaire par rapport aux autres méthodes

du droit international privé, et de mesurer l’impact qu’elle est susceptible d’avoir sur le

conflit de lois.

Il peut paraître étonnant de s’intéresser à la règle de conflit telle qu’elle figure dans la

directive communautaire, étant donné que la directive sera transposée, mais cette approche

offre une vision plus globale de la règle du standard minimum communautaire et de ses

caractéristiques essentielles. En effet, la seule étude de la règle transposée par les différents

Etats membres ne permettrait pas d’avoir cette vision puisque lors de la transposition, la règle

peut subir des variations non négligeables. L’étude de la règle de conflit, telle que figurant

dans l’instrument de droit communautaire dérivé, permet, en outre, de mieux mesurer les

effets de la transposition sur la règle de conflit et par là même, de mettre en avant les

inconvénients que présente l’utilisation de la directive comme instrument d’édiction de règles

de conflit de lois. Enfin, la directive communautaire laissant une certaine marge de manœuvre

à l’Etat lors de la transposition de la règle26, celui-ci peut légitimement adopter une rédaction

similaire à celle de la directive communautaire. L’examen de la règle du standard minimum

communautaire telle qu’elle figure dans la directive communautaire permet, ainsi, de mettre

en avant les caractéristiques essentielles de cette règle de conflit.

Si la règle intervient aussi bien pour protéger le consommateur que le travailleur, il

semblerait que ce soit son intervention en matière de protection du consommateur qui soit la

plus sujette à controverses. En effet, devant les insuffisances de la Convention de Rome en

matière de protection du consommateur27, la règle de conflit communautaire peut s’avérer être

un précieux outil. Seulement, la règle du standard minimum communautaire peut également

26 « La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instancesnationales la compétence quant à la forme et aux moyens », art. 249 TCE.27 V. notamment Lagarde (P.), « Heurs et malheurs de la protection internationale du consommateur dans l’Unioneuropéenne », Etudes offertes à Jacques Ghestin, Le contrat au début du XXIè siècle, L.G.D.J., p. 511, 2001.

11

être l’occasion de conflits de méthodes lorsqu’elle intervient alors que le consommateur

bénéficie de la protection offerte par la Convention de Rome28.

De plus, en matière de protection du consommateur, la règle du standard minimum

communautaire revêt différentes formes. Ainsi, la directive de 1993 concernant les clauses

abusives énonce que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que le

consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait du

choix du droit d’un pays tiers comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente

un lien étroit avec le territoire des Etats membres…»29. Celle de 1997, concernant la

protection des consommateurs en matière de contrats à distance30, énonce que « les Etats

membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la

protection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d'un pays tiers comme

droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire d'un ou

de plusieurs des Etats membres ». Celle de 2002, concernant la commercialisation à distance

de services financiers auprès des consommateurs et modifiant, notamment, celle de 199731

énonce que « les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que le

consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive du fait que

la loi choisie pour régir le contrat serait la loi d'un État tiers, si le contrat présente un lien

étroit avec le territoire d'un ou plusieurs Etats membres »32.

Ces différentes rédactions, si elles ne sont pas strictement identiques, obéissent

néanmoins à un modèle unique. En effet dans toutes ces variantes, la règle du standard

minimum communautaire se présente sous la forme d’une règle unilatérale et conditionnelle,

obéissant à un critère de rattachement vague, invitant le praticien, si le contrat est soumis à

une loi tierce, à comparer la protection offerte par la loi tierce à celle résultant de la directive

communautaire33.

28 Art. 5 Convention de Rome du 19 juin 1980.29 Art. 6 § 2 de la directive 93/15/CE précitée. 30 Art. 12 de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière decontrats à distance (directive modifiée par celle du 23 septembre 2002), J.O.C.E. n° L 144/19.31 Article 12 de la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance deservices financiers auprès des consommateurs et modifiant les directives 90/619/CEE et 97/7/CE et 98/27/CE,J.O.C.E. n° L 271/16.32 Ces différences de rédaction n’emportent pas de conséquences sur l’effet de la règle du standard minimumcommunautaire c’est pourquoi nous utiliserons indifféremment l’une ou l’autre de ces rédactions.33 Duintjer Tebbens (H.), précité p. 112.

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Cependant, il est une directive qui se démarque de manière significative de ce modèle :

il s’agit de la directive concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des

contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens

immobiliers34. Cette directive comporte une règle qui garantit l’application du régime

protecteur à l’acquéreur, quelle que soit la loi applicable au contrat, si l’immeuble est situé sur

le territoire d’un Etat membre. La règle de conflit que comporte cette directive ne reprend

aucune des caractéristiques de la règle du standard minimum communautaire classique. Ce

modèle a d’ailleurs pu être rapproché de celui des lois de police35. Il est tout à fait concevable

qu’une telle règle soit inspirée du principe d’attraction des immeubles en droit international

privé et que ce soit ce principe qui justifie cette soumission au droit communautaire,

d’avantage que le souci de protéger le consommateur par un seuil de protection minimal

communautaire en cas de lien avec le territoire d’un Etat membre.

De fait, il est admis que le modèle « standard » soit celui de la directive de 1993 sur les

clauses abusives36. Cette directive est en effet la première à comporter une règle du standard

minimum communautaire explicite, bien que l’on pouvait auparavant voir dans la directive

de 199037 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait une règle pouvant interférer sur

le conflit de lois, puisque selon l’article 5 § 3 de cette directive, il ne pouvait être dérogé par le

moyen d’une clause contractuelle à la responsabilité de l’organisateur en cas d’inexécution du

contrat, ce qui revenait indirectement à limiter la faculté de choix des parties quant à la loi

applicable au contrat38.

La règle du standard minimum communautaire est en train de prendre de l’ampleur. En

effet, la CJCE, saisie d’une question préjudicielle en interprétation, a montré son attachement

34 Directive 94/47/CE précitée.35 Duintjer Tebbens (H.), précité, p. 108, « La règle de sauvegarde de la protection des acquéreurs contenue àl’article 9 de la directive, revêt ainsi une fonction plus proche de l’article 7 de la convention [de Rome], tout endépassant l’article 5 de cette dernière ». 36 Il est généralement admit que le prototype de la règle du standard minimum communautaire soit celui de ladirective 93/15/CE précitée. Monsieur Lagarde, dans son article « Heurs et malheurs de la protectioninternationale du consommateur dans l’Union européenne » précité, s’y réfère comme étant le modèle standardde ce type de règles. 37 Directive 90/314/CEE du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, J.O.C.E. n° L158/59. 38 Duintjer Tebbens (H.), précité. p. 107.

13

à l’application du droit communautaire lorsqu’il existe un lien avec le territoire des Etats

membres.

En effet, dans un arrêt en date du 9 novembre 2000, la CJCE semble faire application

d’une règle qui garantit, à l’agent commercial, exerçant son activité sur le territoire d’un Etat

membre, un régime protecteur issu du droit harmonisé, alors même que la directive mettant en

place ce régime protecteur ne comporte pas expressément une règle de conflit de ce type39.

Dans cette affaire, une société de droit anglais (Ingmar GB Ltd) était l’agent commercial,

d’une société de droit californien (Eaton Leonard Technologies Inc), sur les territoires

britanniques et irlandais depuis 1989. Le contrat prit fin en 1996 et la société Ingmar

introduisit une action en justice afin d’obtenir le paiement d’une commission ainsi que la

réparation du préjudice causé par la cessation de leur relation contractuelle. La société Ingmar

a fondé ses prétentions sur une législation britannique transposant la directive de 198640. La

société Eaton opposa à cela le fait que le contrat d’agence commerciale était régi par le droit

californien du fait de la clause de choix du droit applicable dans leur contrat. La court of

appeal, saisie du litige, a estimé nécessaire d’interroger la CJCE sur le fondement de l’article

234 TCE41 afin de savoir si la directive en question était applicable au contrat alors que la loi

choisie par les parties pour régir celui-ci était la loi d’un Etat tiers à la Communauté

européenne. Le 9 novembre 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a apporté

une réponse en ces termes : « Les articles 17 et 18 de la directive 86/653/CEE du Conseil, du

18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les

agents commerciaux indépendants , qui garantissent certains droits à l’agent commercial

après la cessation du contrat d’agence, doivent trouver application dès lors que l’agent

commercial a exercé son activité dans un Etat membre, et alors même que le commettant est

39 CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, aff. C-381/98, Rec. p.I-9305. 40 Directive 86/653/CEE du 18 juillet 1986, relative à la coordination des droits des États membres concernantles agents commerciaux indépendants, J.O.C.E. n° L 382/17. 41 Art. 234 TCE : « La Cour de Justice est compétente pour statuer à titre préjudiciel :a) sur l’interprétation du présent traité,b) sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de la communauté et la BCE,c) sur l’interprétation des statuts des organismes crées par un acte du conseil lorsque ces statuts le prévoient.Lorsqu’un telle question est soulevée devant une juridiction d’un des états membres cette juridiction peut, si elleestime qu’un décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la cour de justice destatuer sur cette question.Lorsqu’une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont lesdécisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne cette juridiction est tenue de saisirla cour de justice. »

14

établi dans un pays tiers et que, en vertu d’une clause du contrat, ce dernier est régi par la loi

de ce pays ».

La réponse est affirmative, la CJCE fait abstraction du choix de la loi par les parties,

et, par là même, du principe d’autonomie de la volonté pour y substituer une directive

communautaire.

La solution de la Cour dans cette affaire a été rapprochée de la notion de loi de

police42, mais il est tout à fait concevable de la considérer comme la consécration d’une règle

du standard minimum communautaire. Il ne peut, en effet, être nié qu’une telle solution

reproduit le schéma de la règle du standard minimum communautaire présente dans de

nombreuses directives protectrices de la partie faible.

Inquiétante ou rassurante selon les points de vue, une chose est certaine, cette

jurisprudence aura des répercussions sur l’effet des directives communautaires et leur

influence sur le droit des conflits de lois. On pourrait s’attendre, selon cette jurisprudence, à

ce que les directives mettant en place un régime protecteur d’une partie faible soient toutes

susceptibles de porter en elles une règle garantissant un seuil minimal communautaire de

protection, bien que ne le mentionnant pas expressément43.

Tout porte à croire que la règle du standard minimum communautaire gagne du terrain.

Le projet de révision de la convention de Rome comporte d’ailleurs une proposition visant à

instaurer une règle générale dont le but serait d’assurer une protection communautaire par

l’application d’un « standard minimum communautaire » lorsque certaines conditions sont

satisfaites44.

42 Il a même été affirmé que s’il est « un arrêt célèbre sur les rapports entre lois de police et droitcommunautaire, il s’agit incontestablement de l’arrêt Ingmar », Pataut (E.), « Lois de police et ordre juridiquecommunautaire », in Les conflits de lois et le système juridique communautaire, Dalloz, 2004, p. 120. 43 Wilderspin (M) et Lewis (X), Les relations entre le droit communautaire et les règles de conflit de lois desEtats membres, R.C.D.I.P., 2002, p. 1.44 Livre vert, sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003, p. 21,Il a été suggéré de rédiger une clause en des termes suivants : « Le choix par les parties de la loi d’un Etat tiersne peut, lorsque tous les éléments de la situation étaient, au moment de la conclusion du contrat, localisés dansun ou plusieurs Etats membres, porter atteinte à l’application des dispositions impératives du droitcommunautaire ».

15

Dès lors, l’importance que tend à avoir cette règle dans notre système de droit

international privé justifie l’intérêt que l’on peut porter à une telle méthode et à son influence

sur le conflit de lois. La règle du standard minimum communautaire soulève en effet de

nombreuses interrogations. Ces dernières tiennent à la nature de la règle, mais également à

l’impact qu’elle est susceptible d’avoir sur le droit des conflits de lois. On peut, en effet, se

demander où se situe aujourd’hui cette règle de conflit communautaire par rapport aux autres

méthodes de droit international privé et quelle influence, elle est susceptible d’exercer ? La

méthode communautaire pourrait-elle être un remède à l’état de « délabrement » constaté45, de

la protection du consommateur en droit international privé ou ne va-t-elle qu’y participer ?

L’étude de la règle du standard minimum communautaire, à travers ses caractéristiques

essentielles et son influence sur le conflit de lois, nous permettra de mesurer l’impact que

cette règle est susceptible d’avoir sur le droit des conflits de lois.

Une fois étudiée la physionomie de la règle du standard minimum communautaire et

mis en avant les caractéristiques qui en font la spécificité, nous nous interrogerons sur

l’influence, aussi bien néfaste que salutaire, que cette règle peut avoir sur le conflit de lois.

Chapitre 1 : La règle du standard minimum : une méthode communautaire et originale

Chapitre 2 : La règle du standard minimum : l’influence possible sur le conflit de lois

45 Lagarde (P.), précité.16

Chapitre 1 :

La règle du standard minimum : uneméthode communautaire et originale

17

Chapitre 1 : La règle du standard minimum : une méthode

communautaire et originale

La règle du standard minimum, que l’on rencontre aujourd’hui dans de nombreuses

directives communautaires protectrices de la partie faible, tend à garantir l’application d’un

seuil minimum communautaire de protection lorsque le choix des parties s’est porté sur le

droit d’un Etat tiers. La garantie de l’application d’un seuil minimum communautaire de

protection témoigne de l’objectif principal de la règle de conflit communautaire, qui est celui

de protéger la partie faible du choix d’un droit tiers qui pourrait s’avérer moins protecteur de

ses intérêts que le droit harmonisé, alors qu’il existe un lien étroit entre le contrat et le

territoire d’un ou de plusieurs Etats membres.

Les mécanismes protecteurs de la partie faible ne sont pas inconnus de notre système

de droit international privé. En effet, la Convention de Rome prévoit un mécanisme protecteur

très proche de celui mis en place par la règle de conflit communautaire. Seulement, la règle du

standard minimum ne peut être totalement assimilée aux mécanismes classiques mis en place

par la Convention de Rome, tant au titre de sa qualité de règle de conflit communautaire,

qu’en ce qu’elle est irréductible à une méthode existante.

La description de la règle du standard minimum passe par sa spécificité ; il s’agit là

d’une méthode communautaire (Section I), mais également d’une méthode originale

(Section II).

18

Section 1 : Une méthode communautaire

La règle du standard minimum est certes une méthode communautaire en ce qu’elle

provient de directives communautaires. Mais la source de la méthode n’est cependant pas le

seul élément permettant de qualifier la règle de « méthode communautaire ».

En effet, si la règle de conflit communautaire entend principalement protéger la partie

faible, soumise à une loi tierce ne respectant pas le seuil de protection imposé aux Etats

membres par le droit communautaire, la règle de conflit poursuit également un autre objectif.

Elle prend en charge la sauvegarde des intérêts économiques de la Communauté en raison du

lien étroit que la relation entretient avec le territoire des Etats membres.

Le standard minimum est conditionné par l’existence d’un lien étroit avec le territoire

d’un ou plusieurs Etats membres, lien que la Cour de justice des Communautés européennes a

eu l’occasion de préciser.

Paragraphe 1 : Une méthode de source Communautaire

Ce qui caractérise le droit international privé c’est la diversité des sources qu’il

connaît46. Longtemps essentiellement jurisprudentielle, la matière connaît à l’heure actuelle un

renouvellement complet de ses sources ; le développement des conventions internationales,

aussi bien bilatérales que multilatérales47, les interventions législatives48, sans oublier le rôle

joué par la doctrine49 sont autant de sources qui font la richesse de la matière mais également

46 Gannagé (L.), La hiérarchie des normes et les méthodes du droit international privé, Etude de droitinternational privé de la famille, L.G.D.J. , 2001.47 Brière (C.), Les conflits de conventions internationales en droit privé, L.G.D.J., 2001.48 Les interventions législatives en droit international privé concernent essentiellement le droit de la famille. 49 Oppetit (B.), « Le droit international privé, droit savant », R.C.A.D.I., 1992, III, p. 333 ; Jestaz (Ph.), Jamin(C.), La doctrine, Dalloz, 2004, p. 5.

19

sa complexité. Aujourd’hui c’est à une « communautarisation » de la matière que nous

sommes confronté.

Le droit communautaire est resté longtemps en retrait. Ce n’est que depuis la fin des

années 80 que le droit communautaire intervient de manière plus significative en droit

international privé.50 Cette intervention s’est traduite notamment par l’insertion de règles de

droit international privé dans les directives communautaires, règles destinées à garantir à la

partie faible une protection minimale, lorsque certaines conditions sont réunies. Les directives

communautaires imposent à leurs destinataires, que sont les Etats membres, un objectif à

atteindre avant une certaine date.

La règle de conflit communautaire figure parmi ces objectifs que l’Etat membre doit

atteindre. Mais si l’Etat membre est lié par l’objectif à atteindre, il reste cependant libre dans

le choix des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.51 Ainsi il peut choisir d’adopter une

loi de police en vue de garantir un seuil minimum de protection à la partie faible ou choisir

une autre méthode permettant d’atteindre cet objectif. L’Etat peut, à l’extrême, ne pas

transposer une directive si la législation en vigueur est conforme à l’objectif imposé par la

directive52. Par contre, la liberté laissée à l’Etat membre quant aux moyens de parvenir au

résultat peut conduire à une différence de législation nationale d’un Etat membre à l’autre.

C’est précisément ce qui est reproché à la directive communautaire en tant que mode

d’édiction de règles de droit international privé. De fait, si la relation contractuelle entretient

un lien étroit avec le territoire de plusieurs Etats membres, le juge, sera amené à faire un choix

parmi les lois des Etats membres avec lesquels le contrat présente un lien étroit. Cependant,

les législations des différents Etats membres, bien que pouvant être différentes, sont au moins

équivalentes quant au seuil minimal de protection. Or, l’objectif essentiel de la règle de conflit

communautaire est d’assurer, de fait, un minimum de protection à la partie faible impliquée

dans une relation contractuelle soumise à la loi d’un Etat tiers. Cet objectif sera satisfait dès

lors que c’est la loi d’un Etat membre quelconque qui est appliquée.

50 Jayme (E.) et Kohler (C.), précité.51 « La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instancesnationales la compétence quant à la forme et aux moyens », art. 249 TCE.52Isaac (G.) et Blanquet (M.), Droit communautaire général, 8ème édition, p. 227.

20

Cet objectif de protection de la partie faible, bien qu’étant l’objectif clairement affiché

par la règle de conflit communautaire, n’est pas le seul poursuivi par elle. La sauvegarde de

l’intérêt économique communautaire est également prise en charge par la règle du standard

minimum communautaire.

Paragraphe 2 : Une méthode poursuivant des objectifs communautaires

Au vu des directives qui édictent, en droit international privé, des règles de conflit de

lois, on peut constater que toutes concernent la protection d’une partie, dite « faible »,

impliquée dans une relation contractuelle déséquilibrée.53

I- la protection de la partie faible

La protection de la partie faible, et plus particulièrement celle du consommateur, entre

dans le champ de compétence de la Communauté européenne54. En effet, l’article 153 TCE

prévoit l’intervention de la Communauté, concernant la protection du consommateur, dans

différents domaines. Celle-ci intervient pour « promouvoir les intérêts des consommateurs et

assurer un niveau élevé de protection » au titre de leur santé, de leur sécurité, de leurs intérêts

économiques, de leur information et de leur éducation « afin de préserver leurs intérêts ».

53 Les directives prévoyant un « standard minimum » interviennent essentiellement pour protéger une partieprésumée « économiquement faible » et dont on pense qu’elle n’a pu librement consentir au choix de la loi qui varégir la relation contractuelle. On peut citer à titre d’exemple la directive concernant les clauses abusives dans lescontrats conclus avec les consommateurs, 93/13/CEE précitée, celle concernant la commercialisation à distancede services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et98/27/CE, précitée. 54 Le consommateur a longtemps été absent du paysage communautaire. Ce n’est qu’au Sommet de Paris du 7 et8 octobre 1972 que la volonté de développer la protection du consommateur à l’échelle européenne s’estexprimée. La politique communautaire de protection du consommateur sera consacrée par le traité sur l’UnionEuropéenne dans son article 153. Le consommateur est protégé au titre de sa santé, de sa sécurité mais aussi deses intérêts économiques. Dubouis (L.) et Blumann (C.), Droit matériel de l’Union européenne, 2001, éd.Montchrestien, p. 603.

21

Le droit communautaire est de ce fait omniprésent pour ce qui est de la protection du

consommateur. Cette protection concerne les contrats de consommation « internes », régis par

la loi d’un Etat membre, mais également les contrats « internationaux », soumis à la loi d’un

Etat membre. Cette soumission à la loi d’un Etat membre peut être le fruit du choix de la loi

d’un Etat membre par les parties, du jeu de la règle de conflit subsidiaire à défaut de choix, de

la désignation par l’article 5 de la Convention de Rome, de l’intervention du standard

minimum communautaire ou enfin de celle des lois de police55. Nombreux sont donc les

moyens susceptibles de soumettre un contrat international au droit harmonisé.

La règle de conflit communautaire56 ne fera qu’accroître ce phénomène. En effet, dans

ce cas de figure, alors que la loi d’un Etat tiers est choisie par les parties, le contrat sera

soumis au droit harmonisé, s’il présente un lien étroit avec le territoire d’un Etat membre. Le

consommateur « international », soumis à la loi d’autonomie57, n’est pas toujours à même de

mesurer la portée de son « choix » quant à la loi applicable. Il pourrait, de ce fait, se voir

imposer des conditions d’exécution abusives, résultant de la loi tierce, bien qu’il existe un lien

réel et suffisamment étroit avec le territoire d’un Etat membre, Etat membre où de telles

conditions d’exécution sont interdites par le droit harmonisé. Or, il n’appartient pas en

principe au droit international privé de rétablir l’égalité et la justice au sein de la relation

contractuelle. En effet, l’objectif premier du droit international privé est de résoudre un conflit

55 On peut admettre l’intervention de la législation harmonisée protectrice du consommateur en tant que loi depolice si le juge saisi estime que la loi dont il est question présente le caractère d’une loi de police. 56 Dans cette hypothèse on distingue la loi de police de la règle de conflit communautaire. Il sera examiné dans lapartie consacrée à « l’originalité de la règle de conflit communautaire » ce qui distingue celle-ci des lois depolice. 57 « Le rôle reconnu à la volonté des parties présente évidemment des dangers encore plus grands pour la partiefaible. Le choix, en fait dicté par l’autre partie grâce à sa position de supériorité, risque de se porter sur une loiqui n’assure qu’une protection faible voire inexistante ; d’autant que selon la tendance moderne, suivie par laConvention de Rome, les parties peuvent désigner une loi qui n’a aucun lien avec le contrat. La clause de choixde la loi n’est donc pas une clause parmi d’autres dans le contrat ; elle conditionne le régime de l’entiercontrat, et peut neutraliser tout le régime protecteur élaboré par la loi du pays avec lequel le contrat présenteles liens les plus étroits». Mayer (P.), « La protection de la partie faible en droit international privé » in laprotection de la partie faible dans les rapports contractuels, L.G.D.J., 1996, p. 514 ; « Le développement de lagrande industrie a fait apparaître sous un éclairage plus cru que la liberté contractuelle entre personneséconomiquement inégales aboutissait à l’oppression du faible par le fort », Batiffol (H.), Aspectsphilosophiques du droit international privé, Dalloz, éd. 2002, p. 73. En pratique, le consommateur ne sait pas s’ila la possibilité de choisir la loi applicable au contrat. Il pense que le contrat est soumis, à la loi du lieu de sarésidence, à celle du lieu de conclusion ou d’exécution du contrat ou à sa loi nationale. Il n’imagine pas que lecontrat peut être soumis à une autre loi. Lorsque le choix d’une loi est stipulé dans le contrat, la clause estsouvent noyée dans les « conditions générales » que le consommateur confiant, ne lit pas. Lorsque leconsommateur est conscient de son « choix », il ne s’agit souvent que d’une condition imposée par lecommerçant dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

22

de lois et/ou un conflit de juridictions, sans se soucier des conflits d’intérêts privés58.

Cependant, certaines méthodes de droit international privé tendent à privilégier une solution,

généralement dans le but de protéger une partie dite « faible». Il semblerait que les règles de

droit international privé communautaires entrent dans cette catégorie.

L’objectif poursuivi par la règle de conflit communautaire est donc bien celui de

protéger le consommateur contre les risques que pourrait présenter pour lui le choix d’une loi

tierce non, ou moins, protectrice du consommateur, alors que le contrat présente un lien étroit

avec la Communauté. Cet objectif de protection ne fait pas de doute, le consommateur est

d’ailleurs également protégé par d’autres instruments de droit international privé. On peut

citer la Convention de Rome qui limite le jeu de la loi d’autonomie s’agissant de certains

contrats conclus par le consommateur59. Cependant, derrière ce souci de protection de la partie

faible se dissimule un autre objectif : un objectif d’ordre économique, visant à limiter le

recours à la loi d’autonomie par les entreprises étrangères60, dans leurs relations avec le

consommateur, lorsque leur choix se porte sur la loi d’un Etat tiers, économiquement plus

avantageuse.

II- La sauvegarde de l’intérêt économique de la Communauté

Le choix d’une loi en matière contractuelle peut avoir des répercussions financières

importantes. Une législation très protectrice du consommateur, comme c’est la cas en France,

obligeant le commerçant à informer, conseiller et garantir, le consommateur sur le « produit »

qu’il propose, laissant au consommateur un délai de réflexion et de rétractation après

58 Mayer (P.), précité, p. 513.59 L’article 5 de la Convention de Rome limite le jeu de la loi d’autonomie concernant les contrats « ayant pourobjet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usagepouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés aufinancement d’une telle fourniture ». Dans cette hypothèse, « le choix par les parties de la loi applicable ne peutavoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives dela loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ». Il faut pour cela que « la conclusion du contrat ait étéprécédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité , et que le consommateur aitaccompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou si le cocontractant du consommateurou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou, si le contrat est une vente demarchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé lacommande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur àconclure une vente ». 60 L’expression « entreprises étrangères » est employée ici pour désigner les entreprises « non Européennes ».

23

réception du produit, limitant les clauses abusives, présente un coût élevé pour le

professionnel61. Ce coût sera d’ailleurs répercuté sur le prix du produit proposé au

consommateur.

La protection du consommateur étant aujourd’hui une protection européenne, tous les

Etats membres sont tenus de respecter la législation en la matière. Le coût engendré par la

réglementation protectrice du consommateur sera supporté par toutes les entreprises dont les

contrats sont soumis à la réglementation harmonisée protectrice du consommateur. Soumettre

leurs contrats à une loi tierce, ne prévoyant pas une telle protection, sera une économie pour

l’entreprise étrangère. N’ayant pas à répercuter le coût résultant de la législation harmonisée

sur son produit, celui-ci sera moins coûteux. Elle sera donc plus concurrente sur le marché

que les autres entreprises et ce pour un même produit62.

Cette situation pourrait s’apparenter à une fraude à la loi. Le contrat est rattaché à une

loi tierce, moins contraignante pour le commerçant mais corrélativement plus dangereuse pour

le consommateur, bien qu’il existe un lien étroit avec le territoire d’un Etat membre.

La règle de conflit communautaire rendra inefficace le choix de la loi par les parties

pour y substituer le droit harmonisé. Mettre à l’écart la loi choisie par les parties en y

substituant le droit harmonisé permet de contraindre les entreprises étrangères à respecter le

droit communautaire de la consommation et donc de les soumettre aux mêmes conditions que

les entreprises sur le territoire communautaire, lorsqu’il existe un lien étroit avec le territoire

d’un ou de plusieurs Etats membres63.

61 A. G., « La loi applicable », Revue de droit bancaire et financier, 2003, n°2, p. 138. 62 « La rupture des conditions d’harmonisation de la réglementation applicable provoquerait ipso facto undéséquilibre concurrentiel entre les opérateurs économiques exerçant leur activité sur le territoire de laCommunauté, ce qui irait à l’encontre des objectif de la directive », Léger (P.), Conclusions sur CJCE 9novembre 2000, Ingmar, RJDA, 1er février 2001, p. 115, n°68. 63 Ce qui est dit ici pour le droit de la consommation est aussi valable pour toute la législation harmoniséeprotectrice d’une partie faible. A l’occasion de l’arrêt Ingmar, dans ses conclusions, Monsieur Léger présentel’application du droit communautaire à la relation contractuelle comme une sanction légitime. « Or, nous avonsvu que l’affectation de la concurrence sur le territoire de la Communauté par des entreprises qui n’y résidentpas rend légitime l’application de sanctions à leur encontre, en raison précisément de la localisation territorialedu comportement incriminé. Rien ne s’oppose donc à ce que l’exercice effectif d’une activité économique, dèslors qu’il se déroule sur ce territoire, soit régi par le droit communautaire matériellement applicable », M.Léger (P.), conclusions sur CJCE 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 42.

24

Lorsque les parties n’ont pas choisi de loi applicable à leur contrat, la règle de conflit

communautaire n’entrera pas en jeu. En effet, s’il existe des liens justifiant l’application du

droit harmonisé, la loi d’un Etat membre sera désignée par la règle de conflit à défaut de

choix64, cette règle de conflit étant elle-même basée sur le principe de proximité.

Si l’objectif affiché par la règle du standard minimum communautaire est celui de

protéger la partie faible, cet objectif n’est pas unique. La règle du standard minimum

communautaire entend également préserver les intérêts économiques de la Communauté65. Cet

objectif, qui n’est pas clairement affiché par la règle telle qu’elle figure dans les directives

communautaires, l’est davantage dans l’arrêt Ingmar. La règle du standard minimum

communautaire présente d’autres spécificités parmi lesquelles l’exigence d’un lien étroit avec

le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres. Cette condition est nécessaire à la mise en

œuvre de la règle communautaire et justifie son intervention.

Paragraphe 3 : Une méthode conditionnée par l’existence d’un lien étroit avec le

territoire des Etats membres

La légitimité de la règle de conflit communautaire provient de ce que la relation

contractuelle entretient un lien étroit avec le territoire des Etats membres. La règle du standard

minimum communautaire se veut applicable aux seuls litiges qui concernent étroitement la

communauté et l’arrêt Ingmar est riche d’enseignements à cet égard.

64 Article 5 § 3 de la Convention de Rome : « Nonobstant les dispositions du paragraphe 4 et à défaut de choixexercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sarésidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article ». 65 La protection des intérêts de la Communauté s’est d’abord manifestée en matière de concurrence où la CJCEavait décidé la trans-nationalité du droit de la concurrence en 1988. CJCE, 27 septembre 1988, pâte de bois, Rec.p. 5193, la simple mise en œuvre de comportements anti-concurrentiels sur le territoire d’un Etat membreentraîne la compétence des autorités communautaires et de la réglementation communautaire ; Guinchard (M.),« les conflits de lois et le droit communautaire dans le secteur l’aéronautique », Revue française de droit aérien,1er avril 2002, p. 129 ; Idot (L.), « les conflits de lois en droit de la concurrence », J.D.I. 1995, p. 321.

25

A l’occasion de cette affaire, la Cour de justice des Communautés européennes a

appuyé sa décision sur le fait que l’exercice de l’activité d’agence commerciale s’exécutait sur

le territoire d’un Etat membre, ce qui justifiait l’application de la législation favorable à

l’agent commercial, instaurée par la directive communautaire de 1986, malgré le choix de la

loi d’un pays tiers comme loi applicable au contrat.

Ce n’est qu’en raison du lien particulier qui existe entre les Etats membres et le

contrat, qu’une entorse peut être faite aux règles de conflit traditionnelles en matière de

contrats et plus particulièrement au principe de la loi d’autonomie.

Le principe de proximité, matérialisé par la notion du « lien le plus étroit », est au

coeur de notre système de règlement des conflits de lois en matière contractuelle. Omniprésent

dans les conventions internationales portant sur les conflits de lois en matière contractuelle, et

plus particulièrement dans la Convention de Rome de 198066 où il est énoncé clairement en

tant que fondement de la règle de conflit de l’article 4, le principe préconise un rattachement à

la fois réaliste et flexible.

Cela dit, le principe de proximité est le principe selon lequel « un rapport de droit

devrait être régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ».67 Dans une

mise en œuvre directe, et sans qu’il soit assorti du principe concurrent de la loi d’autonomie,

le principe de proximité reviendrait à trancher le conflit de lois en faveur de la loi la plus

proche du litige en fonction d’un certain nombre d’éléments. Or, la règle du standard

minimum communautaire n’entend pas désigner la loi qui entretient les liens les plus étroits

avec le contrat. La règle de conflit communautaire ne cherche pas à satisfaire le principe de

proximité, mais bien de s’en servir comme justificatif pour l’application du droit

communautaire. On pourrait parler ici d’un principe de proximité atténué.

66 La Convention de Rome n’est pas un acte communautaire mais une convention intergouvernementale dont lesEtats signataires sont les Etats membres de la Communauté. Le principe de proximité est au cœur de cetteconvention. Les règles de conflit qu’elle énonce à défaut de choix de la loi par les parties sont toutes fondées surle principe général énoncé à l’article 4 § 1 selon lequel : « … le contrat est régi par la loi qui présente les liensles plus étroits …» . 67 Lagarde (P.), « Le principe de proximité en droit international privé contemporain », R.C.A.D.I., 1986, Tome196, p. 11.

26

L’existence d’une condition au sein de la règle permet à celle-ci de ne trancher que les

conflits qui ont un lien particulier avec l’ordre juridique dont elle émane. Le reste des contrats

sera soumis au droit commun des contrats internationaux. Il s’agira des contrats qui

n’entretiennent pas de liens avec la Communauté, et/ou ceux où il n’a pas été fait de choix de

loi par les parties.

Dans cette hypothèse, les seules possibilités de bénéficier, devant le juge français68, de

la législation d’un Etat membre (par transposition d’une directive) sera, pour les parties, de

choisir comme loi applicable au contrat, la loi d’un Etat membre (si cela est autorisé en la

matière)69, ou de se voir appliquer la loi d’un Etat membre en tant que loi applicable à défaut

de choix par les parties70, ou enfin, si la législation en question est applicable en tant que loi

de police71.

En ce qui concerne ces contrats, et plus particulièrement ceux où il n’a pas été fait de

choix de loi par les parties, et qui ne remplissent par conséquent pas les conditions posées par

la règle de conflit communautaire, la législation communautaire ne sera applicable que si la

règle de conflit à défaut de choix, désigne la loi d’un Etat membre ayant transposé la directive

comme loi applicable au contrat (en réservant l’hypothèse des lois de police). Si l’on prend

68 L’obligation de trancher le conflit de lois conformément aux règles de conflit du for ne se pose dans ces termesque devant le juge national. Devant un arbitre, l’approche serait différente puisque ce dernier n’est pas tenu derespecter les règles de conflit du for. En effet, l’arbitre n’a pas de for. La seule obligation qui lui incombe estcelle de respecter l’acte de mission qui délimite ses pouvoirs. L’acte de mission peut lui confier la mission derégler le litige conformément au droit d’un Etat membre. Dans une telle hypothèse, on peut se demander sil’arbitre doit tenir compte des règles de conflit communautaire et donc écarter la loi éventuellement choisie parles parties pour régir le contrat. L’arbitre amiable compositeur quant à lui, ayant mission de statuer en équitépourra régler le litige conformément au droit d’un Etat membre s’il estime que la solution qu’il apporte estéquitable. Mais en toute hypothèse, l’arbitre ne sera pas dans l’obligation de respecter les règles de conflit de loiscommunautaires. Il est même fort peu probable que l’arbitre mette en œuvre de telles règles de conflit.69 En matière contractuelle la loi d’autonomie est un principe largement consacré : « La vente est régie par la loidu pays désigné par les parties contractantes », art. 2, Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loiapplicable aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels ; « La loi interne choisie par lesparties régit le rapport de représentation entre le représenté et l’intermédiaire », art. 5, Convention de La Hayedu 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à la représentation ; « Le contrat est régipar la loi choisie par les parties », art. 3 § 1, Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable auxobligations contractuelles.70 Lorsque les parties n’ont pas choisi de loi applicable à leur contrat, il existe dans les différentes conventionsdes règles de conflit subsidiaires. Si l’on prend l’exemple de la Convention de Rome, la règle de conflit énonceque : « Dans la mesure où la loi applicable n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, lecontrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits » art. 4 § 1. Cette loi estprésumée être celle du « … pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de laconclusion du contrat sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, sonadministration centrale. » art. 4 § 2.71 Art. 16, Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à lareprésentation ; art. 7, Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles.

27

l’exemple de la directive sur les clauses abusives, seul l’effet du choix de la loi applicable est

restreint par la directive. La directive dans sa version finale n’a pas suivi la solution

préconisée par la Commission72 selon laquelle les clauses abusives devaient être interdites

« indépendamment de la loi applicable »73. Une telle solution aurait-elle étendu le champ

d’intervention du droit harmonisé ?

On peut s’interroger sur les raisons d’une telle restriction. Des contrats ayant un lien

avec la Communauté pourront-ils être privés de la protection offerte par la directive, et ce,

alors même que les parties n’ont pas choisi la loi d’un Etat tiers et pouvaient peut être même

légitimement s’attendre à ce que la loi d’un Etat membre soit applicable ? Une telle hypothèse

est-elle envisageable en pratique ? L’énoncé de la règle de conflit le laisse penser.

Si l’on envisage tous les cas de figures pouvant se présenter devant le juge d’un Etat

membre, il semblerait que la condition du choix de la loi tierce restreigne le champ

d’application du droit harmonisé protecteur dans trois hypothèses. En effet, si aucun choix de

loi n’a été fait par les parties, et que la loi désignée par la règle de conflit à défaut de choix est

celle d’un Etat tiers, il sera rare de trouver un lien étroit avec un Etat membre, puisque la plus

part des règles de conflit subsidiaires en matière de contrats internationaux sont fondées sur le

principe de proximité et sont censées conduire à la désignation de la loi qui entretient les liens

les plus étroits avec la relation litigieuse. Si toutefois, il existe un lien étroit avec la

Communauté, dans ce cas le juge ne serait pas en mesure de mettre en œuvre la règle de

conflit communautaire puisqu’il manquerait la condition du choix de la loi tierce. Si, toujours

dans l’hypothèse d’un défaut de choix de la loi par les parties, la loi désignée par la règle de

conflit subsidiaire ou la loi de police est celle d’un Etat membre, l’application du droit

harmonisé se fera indépendamment de la règle de conflit communautaire. Cependant, si l’Etat

membre dont la loi a été désignée par la règle de conflit à défaut de choix, n’a pas transposé la

directive protectrice de la partie faible et présente un seuil de protection inférieur à celle-ci, il72 « Les Etats membre doivent interdire l’usage de clauses abusives dans tout contrat conclu avec unconsommateur par un professionnel, indépendamment de la loi applicable… », Proposition modifiée dedirective du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs, J.O.C.E.1992 n° C 73/10, art. 7.73 Comme le font remarquer messieurs Jayme (E.) et Kohler (C.), art. précité, certains contrats conclus par lesconsommateurs pourront échapper à la protection prévue par la directive, bien que soumis à la loi d’un Etat tierset ayant un lien étroit avec le territoire de la Communauté. Il s’agit entre autres des contrats qui n’entrent pasdans le cadre de l’article 5 de la Convention de Rome, où il n’a pas été fait de choix de la loi par les parties et oùla loi applicable en vertu de l’article 4 est celle d’un Etat tiers. La directive n’a pas opté pour un élargissement duchamp d’intervention de la règle de conflit communautaire malgré la proposition de la Commission en ce sens.

28

ne sera pas possible de mettre en œuvre le standard minimum communautaire puisqu’il n’est

applicable que si les parties ont choisi une loi tierce pour régir leur contrat. La solution sera

identique si les parties ont choisi la loi d’un Etat membre n’ayant pas transposé la directive et

ayant un seuil de protection inférieur à celui imposé par le droit harmonisé74. Dans ces deux

hypothèses, la partie faible sera privée de la protection accordée par le standard minimum

communautaire, mais l’objectif du standard minimum communautaire est de protéger une

partie faible contre la loi tierce et non de remédier aux manquements des Etats membres à

leurs obligations communautaires.

De fait, la seule véritable hypothèse où l’exigence du choix de la loi tierce conduit à

réduire le champ d’application du seuil minimum de protection, est celle où la loi tierce est

non pas choisie par les parties, mais désignée par une règle de conflit à défaut de choix. Or le

droit commun des obligations contractuelles, mis en place par la Convention de Rome, étant

motivé par des considérations de proximité du contrat avec la loi désignée par la règle de

conflit, si le contrat a réellement un lien étroit avec le territoire d’un Etat membre, il est fort

probable que ce soit la loi de cet Etat qui soit désignée comme lex contractus, par le

mécanisme de la règle de conflit, ou par celui de la clause d’exception75. La rédaction actuelle

de la règle de conflit communautaire ne conduira à restreindre le champ d’intervention du

seuil minimum communautaire que dans des hypothèses limitées.

Le conflit de lois prend une figure particulière en présence de règles de conflit

communautaires. Si l’on part de l’hypothèse selon laquelle le juge saisi est celui d’un Etat

membre, car si cela n’est pas le cas, le juge ne sera pas dans l’obligation de respecter ce type

74 Wilderspin (M.), « Le droit international privé des contrats (autres que les contrats conclus par lesconsommateurs) », R.A.E, 2001-2002, p. 430. L’auteur précise à propos de l’article 6 de la directive 93/13/CEEconcernant les clauses abusives que « … il ne s’applique que si la loi applicable est celle d’un pays tiers, et nepeut donc pas être invoqué dans l’hypothèse où la loi applicable est celle d’un Etat membre qui n’a pascorrectement transposé la directive… ». 75 La clause d’exception est un mécanisme prévu par la Convention de Rome destiné à écarter la loi applicable aucontrat en vertu des paragraphes 2, 3 et 4 de l’article 4, lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que lecontrat présente des liens plus étroits avec un autre pays. Cette disposition laisse une certaine marge demanœuvre au juge afin de rectifier la règle de conflit, basée sur une présomption de proximité, lorsqu’ellemanque à son objectif.

29

de règles de conflit76, le conflit met en présence une ou des loi(s) tierce(s)77 ainsi que le droit

communautaire, bien que ce dernier ne soit pas parfaitement homogène78. La Communauté

européenne est appréhendée dans ce conflit comme un Etat fédéral dont la loi doit être

appliquée de préférence à toute autre, en raison du lien étroit qui unit la situation à la

Communauté. La condition essentielle de mise en œuvre de la règle de conflit communautaire

reste donc celle « du lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres ».

Le lien dont il est question dans la règle de conflit communautaire est un lien

« territorial », en effet, la règle de conflit mentionne le « lien étroit avec le territoire d’un ou de

plusieurs Etats membres ». Aurait-on pu adopter une approche plus large de ce type de lien ?

Une approche plus large aurait eu pour conséquence d’élargir considérablement le

champ d’intervention du droit communautaire. Un rattachement tel que celui de la nationalité

de la partie faible, ne serait sans doute pas conforme à l’objectif poursuivi par la règle de

conflit communautaire. Cela dit, la relative imprécision du rattachement retenu par la règle de

conflit communautaire, à savoir un « lien étroit avec le territoire d’un ou plusieurs Etats

membres », en fait une règle de conflit suffisamment souple pour permettre au juge saisi de

trancher le litige en application du droit communautaire harmonisé, bien qu’il existe des liens

tout aussi étroits, voire plus étroits encore, avec le territoire de l’Etat tiers dont la loi a été

choisie par les parties.

Le Juge a un rôle primordial dans la mise en œuvre de la règle de conflit

communautaire. Il lui incombe de déterminer quels éléments pourraient caractériser le « lien

étroit avec le territoire d’un ou plusieurs Etats membres ». Face à une règle de conflit aussi

souple, le juge doit faire preuve de sagesse et ne pas profiter de cette flexibilité pour attraire,

sous l’empire de la règle du standard minimum communautaire, des situations qui devraient76 Le juge saisi du litige international est dans l’obligation de respecter les règles de droit international privé quifont partie de son système juridique. Si le juge saisi n’est pas celui d’un Etat membre, il n’aura pas à tenir comptedes règles de conflit communautaires puisqu’il apportera une solution au conflit de loi en application de sonpropre droit international privé. Au mieux, la prise en compte de telles règles pourra se faire si l’on considèrequ’il s’agit de lois de police. Mais encore, dans cette hypothèse, il ne pourra s’agir que de lois de policeétrangères, d’application facultative pour le juge. 77 Le choix de « la loi » par les parties pour régir leur contrat peut consister en le choix d’une ou de plusieurs loispuisque la Convention de Rome de 1980, qui constitue le droit commun en matière d’obligations contractuelles,autorise les parties à soumettre leur contrat à différentes lois. Art. 3 « … les parties peuvent désigner la loiapplicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».78 En effet, les Etats membres étant libres quant aux moyens à mettre en oeuvre pour parvenir au résultat prescritpar la directive communautaire, des différences de degré dans les législations pourront apparaître.

30

rester sous l’empire de la loi d’autonomie. La situation dans laquelle le juge se trouve face à

ces règles de conflit communautaires pourrait être rapprochée de celle du juge qui met en

œuvre la clause d’exception. La clause d’exception aurait même davantage pu être l’occasion,

pour le juge, de faire preuve de forisme, ce qu’il n’a pas fait79. Ce dernier a su interpréter la

clause d’exception conformément à son objectif, et il est probable qu’il en soit de même pour

les règles de conflit communautaires.

La mise en œuvre de la règle de conflit et le champ d’application du droit harmonisé

protecteur de la partie faible dépendent de l’interprétation par le juge, de cette notion de « lien

étroit ». La Cour de justice des Communautés européennes, à l’occasion de l’arrêt Ingmar, a

fourni une illustration de ce que pouvait être la notion de « lien étroit avec la Communauté ».

Paragraphe 4 : Le rôle de la CJCE dans la consécration du standard minimum

communautaire

La Cour de justice des Communautés européennes, à l’occasion de l’arrêt Ingmar, a

été confrontée au problème du conflit de lois mettant en présence le droit harmonisé d’un Etat

membre et la loi d’un Etat tiers choisie par les parties.

Le raisonnement suivi par la Cour semble être calqué sur celui de la règle de conflit

communautaire, bien que la directive du 18 décembre 1986 ne prévoie pas de règle de conflit

communautaire, ce qui fait en partie l’originalité de la solution. La CJCE pose clairement le

principe d’un standard minimum communautaire de protection en ce qui concerne le contrat

d’agence commerciale exécuté sur le territoire d’un Etat membre ; mais la généralité des

termes employés par la Cour laisse à penser que la solution pourrait s’étendre au-delà du seul

contrat d’agence commerciale.

79 La pratique a montré que le juge n’a pas profité de la souplesse offerte par la clause d’exception pour désignerla loi du for comme loi applicable au contrat. Le juge est même allé jusqu’à mettre en œuvre la claused’exception pour écarter la loi française désignée par la règle de conflit. CA Versailles, 6 février 1991,R.C.D.I.P., 1991, p. 745, note Lagarde (P.).

31

I- Un raisonnement calqué sur la règle de conflit communautaire

La CJCE ne laisse pas place à l’ambiguïté. Les dispositions de la directive de 198680,

qui garantissent certains droits à l’agent commercial après la cessation du contrat d’agence,

« doivent trouver application dès lors que l’agent commercial a exercé son activité dans un

Etat membre et, alors même que le commettant est établi dans un pays tiers et que, en vertu

d’une clause du contrat, ce dernier est régi par la loi de ce pays ».

Dans la solution dictée par la Cour, on retrouve les éléments essentiels de la règle de

conflit communautaire. L’expression « lien étroit », bien que ne figurant pas expressément

dans la solution, est présente au travers de l’exigence d’exercice de l’activité dans un Etat

membre, elle l’est également au titre des arguments en faveur de la mise à l’écart de la loi

80 Il s’agissait ici en particulier des articles 17 et 18 de la directive du 18 juillet 1986 précitée, relative à lacoordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, qui ont pour objetla protection de l’agent commercial après cessation du contrat. Art. 17, « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer à l'agent commercial, aprèscessation du contrat, une indemnité selon le paragraphe 2 ou la réparation du préjudice selon le paragraphe 3. 2. a) L'agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où:- il a apporté de nouveaux clients au commettant ou développé sensiblement les opérations avec les clientsexistants et le commettant a encore des avantages substantiels résultant des opérations avec ces clients et - le paiement de cette indemnité est équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment descommissions que l'agent commercial perd et qui résultent des opérations avec ces clients. Les États membrespeuvent prévoir que ces circonstances comprennent aussi l'application ou non d'une clause de non-concurrenceau sens de l'article 20.b) Le montant de l'indemnité ne peut excéder un chiffre équivalent à une indemnité annuelle calculée à partir dela moyenne annuelle des rémunérations touchées par l'agent commercial ou cours de cinq dernières années et,si le contrat remonte à moins de cinq ans, l'indemnité est calculée sur la moyenne de la période.c) L'octroi de cette indemnité ne prive pas l'agent commercial de faire valoir des dommages et intérêts. 3. L'agent commercial a droit à la réparation du préjudice que lui cause la cessation de ses relations avec lecommettant. Ce préjudice découle notamment de l'intervention de la cessation dans des conditions:- qui privent l'agent commercial des commissions dont l'exécution normale du contrat lui aurait permis debénéficier tout en procurant au commettant des avantages substantiels liés à l'activité de l'agent commercial, - et/ou qui n'ont pas permis à l'agent commercial d'amortir les frais et dépenses qu'il a engagés pour l'exécutiondu contrat sur la recommandation du commettant.4. Le droit à l'indemnité visé au paragraphe 2 ou la réparation du préjudice visée au paragraphe 3 naîtégalement lorsque la cessation du contrat intervient à la suite du décès de l'agent commercial.5. L'agent commercial perd le droit à l'indemnité dans les cas visés au paragraphe 2 ou à la réparation dupréjudice dans le cas visés au paragraphe 3 s'il n'a pas notifié au commettant, dans un délai d'un an à compterde la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.6. La Commission soumet au Conseil, dans un délai de huit ans à compter de la notification de la présentedirective, un rapport consacré à la mise en oeuvre du présent article et lui soumet, le cas échéant, despropositions de modifications. » ; Art. 18, «L'indemnité ou la réparation visée à l'article 17 n'est pas due:a) lorsque le commettant a mis fin au contrat pour un manquement imputable à l'agent commercial et quijustifierait, en vertu de la législation nationale, une cessation du contrat sans délai;b) lorsque l'agent commercial a mis fin au contrat, à moins que cette cessation ne soit justifiée par descirconstances attribuables au commettant ou par l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial en raisondesquels la poursuite de ses activités ne peut raisonnablement plus être exigée de lui;c) lorsque, selon un accord avec le commettant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'ildétient en vertu du contrat d'agence ».

32

tierce choisie par les parties81. La Cour semble poser un principe général selon lequel « une

directive communautaire n’est applicable que si la situation présente un lien étroit avec la

Communauté »82. L’exercice de l’activité d’agence commerciale par l’agent, sur le territoire

d’un Etat membre, est un indice qui démontre l’existence d’un lien étroit permettant

l’application du droit harmonisé83.

La précision apportée par la Cour selon laquelle « et alors même que le commettant est

établi dans un pays tiers et que, en vertu d’une clause du contrat, ce dernier est régi par la loi

de ce pays »84 met l’accent sur le fait que l’existence d’une quantité de liens avec un Etat tiers

ne suffit pas à écarter le droit communautaire applicable en vertu de la règle du standard

minimum qu’elle énonce. Un lien étroit, même unique, est suffisant pour attraire la relation

contractuelle sous l’empire du droit harmonisé. La loi d’autonomie en matière contractuelle,

bien qu’elle soit un principe fondamental85 en droit international privé, ne peut faire échec à

l’application du droit harmonisé lorsque l’existence d’un lien étroit avec la Communauté est

établie. Cette condition du lien étroit, essentielle à la règle de conflit communautaire, est bien

exigée par la Cour.

La règle de conflit communautaire, telle qu’elle est énoncée par les directives érige le

choix d’une loi tierce par les parties au rang de condition de mise en œuvre de la règle, tout

comme les Régulations transposant la directive de 1986 dans leur article 1§3. Le choix d’une81 « Force est de constater qu’il est essentiel pour l’ordre juridique communautaire qu’un commettant établidans un pays tiers, dont l’agent commercial exerce son activité à l’intérieur de la Communauté, ne puisse éluderces dispositions par le simple jeu d’une clause de choix de loi. La fonction que remplissent les dispositions encause exige en effet qu’elles trouvent application dès lors que la situation présente un lien étroit avec laCommunauté, notamment lorsque l’agent commercial exerce son activité sur le territoire d’un Etat membre,quelle que soit la loi à laquelle les parties ont entendu soumettre le contrat », CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar,précité, point 25. 82 Idot (L.), note sous l’arrêt CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, R.C.D.I.P. 2001, p. 118. 83 L’utilisation de l’expression « notamment » laisse penser qu’il pourrait exister d’autres indices susceptiblesd’établir l’existence de liens étroits avec la communauté. CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 25. 84 CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 26.85 « Les parties au principal, les gouvernements du Royaume-Uni, et allemand et la Commission s’accordent àreconnaître que la liberté des parties à un contrat de choisir la loi qu’elles désirent voir régir leurs relationscontractuelles est un principe fondamental du droit international privé et que cette liberté ne cesse qu’enprésence de dispositions impératives », CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 15; Verhagen (H.L.E.),« The tension between party autonomy and european union law: some observations on Ingmar Gb Ltd V EatonLeonard Technologies Inc », International and comparative law quarterly, january 2002, “Party autonomy hasbeen declared by the institute de droit international to be one of the "fundamental principles of privateinternational law”. The principle is firmly entrenched in the laws of EU Member states (and indeed was beforethe Rome Convention had been ratified), in many other jurisdictions as well as in many internationalconventions. In EU law too, party autonomy is regarded as a fundamental right and essential for the properfunctioning of the international market”.

33

loi tierce par les parties ne figure pas expressément dans la décision en tant que condition de

mise en œuvre de la règle du standard minimum communautaire énoncée par la Cour, cela dit

nous avons pu voir précédemment que la condition du choix par les parties d’une loi tierce

n’avait qu’un impact réduit sur le champ d’application de la règle de conflit communautaire,

la condition essentielle étant celle du lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs Etats

membres. Il est tout à fait concevable que la Cour ait voulu étendre le bénéfice de la

protection accordée par les directives communautaires aux relations contractuelles ayant un

lien avec le territoire d’un Etat membre, mais soumises, en vertu des règles de conflit à défaut

de choix, à la loi d’un Etat tiers. Toutefois, le choix d’une loi tierce par les parties, bien que ne

figurant pas en tant que condition de mise en œuvre de la règle du standard minimum

communautaire dans la décision de la Cour, est néanmoins envisagé par elle, puisque le

contrat litigieux entre dans ce cas de figure. L’extension de la règle de conflit communautaire

à d’autres hypothèses semble peu probable, bien que la Cour ait fait emploi de l’expression

« quelle que soit la loi choisie par les parties »86.

Les éléments de la règle de conflit communautaire sont présents, bien qu’ils ne soient

pas utilisés par la Cour d’une manière strictement identique à celle de la règle de conflit

communautaire. Cependant, le résultat auquel parvient la Cour, est, quant à lui, bien celui que

l’on pourrait attendre de l’application d’une règle de conflit communautaire. Les parties au

contrat ont choisi une loi tierce pour régir le contrat qui les unit conformément au principe de

la loi d’autonomie, il existe cependant un lien étroit avec la communauté et il s’agit d’une

matière pour laquelle une directive prévoit un régime protecteur de la partie faible ; par

conséquent, ce choix sera écarté au profit du droit harmonisé. Le résultat est identique à celui

vers lequel tend la règle de conflit communautaire. On en vient à se demander si la Cour ne

fait pas application d’une règle de conflit communautaire contenue dans la directive de 1986.

Or, la directive de 1986 ne comporte pas de règle de conflit communautaire et n’envisage

même pas expressément le contrat d’agence commerciale internationale, ce qui fait toute

l’originalité de la solution87.

86 «… quelle que soit la loi choisie par les parties… », CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 25.87 Wilderspin (M.), « Le droit international privé des contrats (autres que les contrats conclus par lesconsommateurs) », R.A.E, 2001-2002, p. 431. L’auteur considère que la directive de 1986 comporte une règle deconflit « occulte ».

34

II- Une solution Originale

La Cour, dans cette affaire, était saisie de l’interprétation de la directive de 1986 sur

l’agent commercial88. La question était de savoir si les dispositions transposant la directive et

garantissant certains droits à l’agent commercial après la cessation du contrat d’agence

devaient trouver application « dès lors que l’agent commercial a exercé son activité dans un

Etat membre et alors même que le commettant est établi dans un pays tiers et que, en vertu

d’une clause du contrat, ce dernier est régi par la loi de ce pays »89. En d’autres termes, la

Cour devait déterminer le champ d’application de la législation harmonisée garantissant une

protection à l’agent commercial en fin de contrat.

La directive de 1986 ne définit pas son champ d’application. Elle ne contient pas de

règle de conflit visant directement la situation du contrat d’agence commerciale international,

comme c’est le cas dans la directive portant sur les clauses abusives. La Cour a donc dû

définir le champ d’application de la directive et, par là même, de la loi la transposant. On

pourrait se demander s’il n’aurait pas été possible d’arriver à la même solution sans avoir

recours à l’interprétation de la Cour, puisque les Commercial Agents Regulations 1993,

transposant la directive au Royaume-Uni dans leur article 1 paragraphe 3, qui définit le champ

d’application de la loi, énoncent que « Les articles 3 à 22 ne s’appliquent pas lorsque les

parties ont convenu que le contrat d’agence sera régi par la loi d’un autre Etat membre ». Les

Commercial Agents Regulations n’interviendront pas lorsqu’un choix de loi a été fait par les

88 La Cour de justice était saisie d’une question préjudicielle en interprétation sur la base de l’article 234 TCE. 89 La question préjudicielle posée par la Court of Appeal (England & Wales) était la suivante : « selon les règlesdu droit anglais, il y a lieu de faire application de la loi choisie par les parties comme loi applicable sauf si unmotif d’ordre public, tel qu’une disposition impérative s’y oppose. Dans ces conditions, les dispositions de ladirective 86/653/CEE du conseil, telles que transposées dans les législations des Etats membres, et enparticulier celles relatives au paiement d’une réparation aux agents, à l’expiration de leur contrat avec leurcommettant, sont, elles, applicables lorsque :a) un commettant désigne un agent exclusif au Royaume-Uni et en Irlande pour y assurer la vente de sesproduits, et que b) s’agissant de la vente de ces produits au Royaume-Uni, l’agent exerce ses activités au Royaume-Uni, et quec) le commettant est une société constituée dans un Etat tiers, et plus précisément dans l’Etat de Californie,Etats-Unis d’Amérique, dans lequel elle est également établie, et qued) la loi expressément choisie par les parties comme loi applicable au contrat est celle de l’Etat de Californie,Etats-Unis d’Amérique ? », CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 13.

35

parties et que ce choix porte sur la loi d’un Etat membre. En effet, si l’objectif de la directive

est d’être appliqué aux agents commerciaux qui exercent leur activité dans un Etat membre,

comme cela est énoncé au paragraphe 2 du même article, lorsque la loi choisie par les parties

est celle d’un Etat membre, cet objectif est satisfait, puisque tous les Etats membres sont dans

l’obligation de transposer la directive. Car si solutions adoptées par les différents Etats

membres ne sont pas identiques, une protection minimale sera néanmoins garantie à l’agent

commercial.

Le fait d’exclure du champ d’application de la directive les contrats régis par la loi

d’un Etat membre montre bien que, a contrario, et dans des conditions similaires, à savoir

l’exercice par un agent commercial de son activité en Grande Bretagne, conformément à

l’article 1 paragraphe 2, à condition que le choix des parties se soit porté sur une loi tierce, les

Commercial Agents Regulations sont applicables. En effet il n’existe que trois alternatives

pour les parties : choisir la loi d’un Etat membre, auquel cas les Regulations ne seront pas

applicables, choisir la loi d’un Etat tiers, ou ne pas faire de choix, et dans ce cas les

Régulations seront susceptibles de s’appliquer. Pour arriver à ce résultat il aurait fallu que le

juge anglais applique cette règle de droit international privé « implicite »90 contenue dans les

Regulations. Or, face à cette règle « implicite » que l’on pourrait énoncer ainsi : lorsqu’un

agent commercial exerce son activité en Grande Bretagne et que la loi d’un Etat tiers a été

choisie par les parties pour régir leur contrat, ou lorsqu’ aucun choix n’a été fait, les

Regulations sont applicables, nous avons la loi d’autonomie. Loi d’autonomie qui, loin d’être

implicite, est reconnue comme étant un principe fondamental du droit international privé,

consacré dans de nombreuses conventions internationales, contrairement à cette règle

« implicite » dont la valeur n’est pas précisée91. Cependant, le juge disposant d’un pouvoir en

la matière aurait pu élever cette règle au rang de loi de police92, ce qui lui aurait permis de

balayer la loi d’autonomie.

90 On pourrait qualifier cette règle de conflit « d’implicite » puisqu’elle ne figure pas expressément dans lesRegulations. Elle est le résultat d’un raisonnement a contrario. 91 Ni la directive ni les Régulations ne précisent la valeur des règles garantissant une protection à l’agentcommercial.92 Le juge aurait pu considérer que la législation en question, étant d’origine communautaire et en raison desobjectifs qu’elle poursuit, avait le caractère d’une loi de police. Cette interprétation lui aurait permis d’appliquerdirectement les Regulations.

36

Le juge anglais n’a pas fait usage de ce pouvoir, il a saisi la CJCE en interprétation

pour connaître la valeur et le champ d’application de la réglementation protectrice de l’agent

commercial. La Cour a alors défini le champ d’application de la directive. La législation

harmonisée est applicable à l’agent commercial qui exerce son activité sur le territoire de

l’Etat membre, alors même qu’une loi tierce a été choisie par les parties pour régir leur

contrat. La Cour de justice énonce ici une règle de droit international privé. Le principe

énoncé par la Cour est identique à la règle de conflit « implicite » que l’on aurait pu déduire

des Regulations.

La solution est originale puisqu’elle reprend les éléments de la règle de conflit

communautaire alors qu’aucune règle de conflit ne figure dans la directive de 1986. La Cour

s’inspire ici du droit international privé « communautaire »93 pour élaborer des règles de

conflit de lois dans des domaines où elles ne sont pas prévues par un acte de droit

communautaire dérivé. Cependant, elle semble respecter l’esprit de la règle de conflit

communautaire, ses objectifs et son fondement. C’est en ceci que la décision pourrait dépasser

le cadre du contrat d’agence commercial et être vue comme la consécration jurisprudentielle

de la règle du standard minimum communautaire94.

III- La consécration jurisprudentielle du standard minimum communautaire

L’arrêt Ingmar, comme nous avons pu le voir, reproduit le schéma de la règle du

standard minimum communautaire. Le lien étroit avec le territoire d’un Etat membre ne fait

pas de doute et le choix des parties quant à la loi applicable au contrat s’est bien porté sur une

loi tierce. Par conséquent, l’agent commercial, exerçant sur le territoire d’un Etat membre,

bénéficiera de la législation protectrice mise en place par la directive de 1986, bien que cette

directive ne prévoie pas expressément ce type d’application.

93 On entend par « droit international privé communautaire » les règles de conflit de lois contenues dans les actesde droit communautaire dérivé.94 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 295 et 297. « Il ne peut être exclu qu’une règle contenue dans unedirective doive être interprétée comme étant une disposition impérative au sens décrit même sans quel’instrument communautaire dans lequel la directive figure contienne des précisions dans ce sens […] Parconséquent, il n’est pas exclu que d’autres directives doivent être interprétées comme contenant de tellesdispositions impératives occultes… » Les règles de conflit « occultes » seront l’occasion de divergencesd’interprétation, l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 28 novembre 2000 en estun parfait exemple.

37

Cela dit, l’interprétation de la Cour, dans le cadre d’une question préjudicielle en

interprétation, a vocation à intégrer l’acte interprété lui-même et aura, de ce fait, même valeur

que ce dernier95. La solution apportée par l’arrêt Ingmar fait donc corps avec la directive de

1986 et l’on peut considérer dès lors qu’en matière d’agence commerciale, le principe posé

par l’arrêt Ingmar a la même autorité que les dispositions de la directive de 1986.

La généralité des motifs de la décision, à savoir le souci de « supprimer les restrictions

à l’exercice de la profession d’agent commercial, uniformiser les conditions de concurrence à

l’intérieur de la Communauté et accroître la sécurité des opérations commerciales » (point

23)96 et la nécessité, selon la Cour, d’observer les dispositions en question sur le territoire de

la Communauté afin de réaliser les objectifs de traité (point 24), sont des motifs assez

généraux pour justifier l’application du même principe à d’autres contrats.

Ce principe jouit d’une certaine légitimité. Il respecte l’esprit de la règle de conflit

communautaire présente dans de nombreuses directives et reproduit son mécanisme à

l’identique. La Cour reprend les conditions de la règle de conflit communautaire, et en

particulier la nécessité d’un lien étroit avec la Communauté, pour appliquer le mécanisme de

façon autonome et sans le relais d’une règle de conflit expresse, contenue dans la directive. La

Cour donne le sentiment de vouloir étendre la méthode du standard minimum à des domaines

où une partie faible est concernée, mais où la directive ne met pas expressément en place une

règle de conflit. Le résultat n’est pas choquant puisque la Cour respecte l’esprit de la méthode

telle que énoncée dans les directives, et ne fait qu’exprimer l’essence de la règle de conflit

communautaire en des termes suffisamment généraux, pour en faire un principe général

transposable à d’autres matières. C’est en ce sens que l’on peut parler d’une consécration, par

la jurisprudence communautaire, du standard minimum.

95 L’interprétation s’intègre automatiquement à la règle juridique interprétée. La commission juridique duParlement européen le 15/09/1969 a déclaré que « l’interprétation de la Cour fait corps et acquière la mêmevaleur que la disposition qu’elle interprète », Parlement européen : doc. Séance 1969-1970, n° 94, p. 21.96 Cette motivation a été fortement critiquée, notamment eu égard aux conséquences qu’elle implique. Ilsemblerait toutefois, selon Madame Idot, que la Cour ait été guidée par « les conclusions de l’avocat généralLéger, qui a construit l’essentiel de son argumentation sur une comparaison avec le champ d’applicationterritorial des règles de concurrence », et qu’elle n’ait sans doute pas envisagé les conséquences extrêmes quecela pouvait entraîner. Idot (L.), note sous l’arrêt Ingmar, précité, p. 116.

38

La Cour, par cette décision, précise le degré d’impérativité du droit communautaire

harmonisé pour les parties à un contrat d’agence commerciale, lorsqu’un lien étroit avec la

Communauté existe. Le droit harmonisé a un tel degré d’impérativité qu’il est susceptible de

mettre à l’écart la loi tierce choisie par les parties. Mais, elle nous éclaire aussi plus

généralement sur les conditions de mise en œuvre de la règle de conflit communautaire.

La solution semble inspirée d’un principe général de droit international privé

communautaire qui pourrait être énoncé de la manière suivante : le droit communautaire

harmonisé, protecteur de la partie faible, prime sur la loi d’autonomie, lorsqu’un lien étroit

unit la relation contractuelle au territoire des Etats membres. La décision de la Cour pourrait

être le premier pas vers la reconnaissance d’un tel principe, principe à mi-chemin entre le

droit communautaire et le droit international privé. Un principe, ou une méthode générale,

propre au droit communautaire, destiné à garantir un standard minimum de protection à la

partie faible, lorsqu’il existe un lien avec le territoire des Etats membres, ce qui en fait une

méthode de règlement des conflits de lois plutôt inhabituelle.

Section 2 : Une méthode originale

La règle du standard minimum est, comme nous avons pu le voir, principalement issue

de directives communautaires. Or, les règles de droit international privé en matière de conflits

de lois sont habituellement d’origine nationale ou conventionnelle. Il s’agit donc là d’une

source tout à fait originale. Cependant, l’originalité de la méthode communautaire ne se limite

pas à sa source. Sa nature se démarque et emprunte à la fois, aux règles classiques du droit

international privé. Enfin, la mise en œuvre de la règle de conflit communautaire laisse une

marge de manœuvre très importante au juge, ce qui rend incertaine l’issue du conflit de lois en

une matière où l’on voudrait davantage de sécurité. C’est à lui seul que revient le pouvoir de

déclencher le mécanisme du standard minimum communautaire, s’il juge réunies les

39

conditions de mise en œuvre, et de bouleverser, de ce fait, l’économie initiale du contrat. La

règle de conflit communautaire se démarque sur bien des points des règles et mécanismes

classiques du droit international privé.

Paragraphe 1 : L’originalité de la source des règles de conflit communautaire

La règle du standard minimum communautaire se rencontre dans les directives

communautaires prévoyant un régime protecteur pour la partie faible. Le droit

communautaire, et plus particulièrement la directive communautaire, est un mode inhabituel

d’édiction des règles de conflit de lois. En effet, les règles de droit international privé sont

principalement issues de conventions internationales ou de législations internes. Cependant,

l’originalité de la règle de conflit communautaire, au titre de sa source, est plus spécialement

due au choix de la directive en tant que mode d’édiction des règles de conflit de lois.

L’utilisation d’un autre instrument, tel le règlement communautaire, n’aurait sans doute pas

présenté autant d’originalités.

La règle du standard minimum communautaire, étant contenue dans une directive, est

destinée à être transposée dans la législation nationale des différents Etats membres. L’Etat

membre peut, lors de la transposition, conserver la règle de conflit communautaire telle

qu’elle est énoncée par la directive communautaire, ou adopter une autre formulation. En

effet, l’Etat est libre quant aux moyens à mettre en œuvre pour parvenir au résultat prescrit par

la directive communautaire. Dès lors, il existe un risque de divergence quant à la formulation

du standard minimum communautaire après transposition par les Etats membres.

En effet, la règle de conflit communautaire contient, comme nous avons pu le voir, des

conditions de mises en œuvre. Il s’agit de la condition du lien étroit avec le territoire d’un Etat

membre et de celle du choix de la loi d’un Etat tiers. Si, lors de la transposition, le législateur

national méconnaît les conditions de la règle de conflit « indicative »97 contenue dans la

97 On désigne la règle de conflit communautaire contenue dans la directive par ces termes car celle-ci est destinéeà être transposée par l’Etat membre. C’est l’Etat membre qui « prendra les mesures nécessaires » pour garantirl’application du droit harmonisé, selon les termes mêmes de la règle de conflit communautaire. C’est à lui querevient la charge d’édicter une règle de droit international privé qui remplit cet objectif.

40

directive, l’objectif de la règle de conflit transposée et ses conséquences seront différentes.

Ainsi, si le législateur national se contente d’un « simple lien avec le territoire d’un Etat

membre » au titre des conditions de mise en œuvre de la règle du standard minimum

communautaire, la règle adoptée n’aura pas la même portée ni le même objectif que la règle

de conflit communautaire. Cette règle de droit international privé aura davantage le caractère

d’une loi de police du for destinée à régir toutes les situations dont est saisi le juge d’un Etat

membre sans nécessité d’un lien particulier avec la Communauté98, dès lors que le choix des

parties quant à la loi applicable au contrat s’est porté sur la loi d’un Etat tiers, si cette

condition est toutefois reprise par la législation de transposition. Il n’est d’ailleurs pas certain

qu’une telle règle de conflit soit conforme au droit international public. La portée de la règle

en question serait, comme on peut le voir, bien plus importante que celle de la règle de conflit

communautaire telle qu’énoncée par la directive. La finalité de la règle de conflit

communautaire serait elle aussi méconnue. En effet, la règle du standard minimum

communautaire n’écarte le droit tiers non protecteur des intérêts de la partie faible, que parce

qu’il existe un lien réel avec la Communauté. C’est l’étroitesse du lien qui justifie l’intrusion

du droit communautaire et l’entorse faite au principe de la loi d’autonomie. Il en sera de

même, si la règle de conflit transposée ne précise pas l’objectif de la règle de conflit

communautaire, à savoir le souci de protéger la partie faible d’une loi tierce moins protectrice

de ses intérêts que le droit harmonisé. Le domaine de la règle du standard minimum

communautaire s’en trouvera modifié. En effet, une règle de conflit ne reprenant pas cette

précision autoriserait le juge à écarter la loi tierce choisie par les parties dès lors qu’il existe

un lien étroit avec la Communauté européenne. Or, le standard minimum communautaire n’a

pas pour but d’attraire sous l’empire du droit harmonisé toutes les situations qui ont un lien

étroit avec la Communauté, mais seulement certaines relations contractuelles où la partie

faible est soumise à une loi tierce moins protectrice de ses intérêts que le droit harmonisé. La

loi tierce peut tout à fait s’avérer plus protectrice du consommateur.

La transposition présente un risque certain pour la règle de droit international privé. Le

règlement communautaire aurait donc été plus approprié, en tant que mode d’édiction des

règles de conflit de lois.

98 Il peut s’agir aussi du juge d’un Etat tiers qui prendrait en compte la disposition en question en tant que loi depolice étrangère.

41

Par ailleurs, si l’on considère que l’Etat membre doit, lors de la transposition,

concrétiser la notion de lien étroit, il y aura un risque de divergence quant au rattachement

retenu par les différentes législations nationales de transposition99. En effet, le lien étroit avec

le territoire d’un Etat membre peut être concrétisé par le lieu de conclusion du contrat, le lieu

du domicile d’une ou des deux parties au contrat, ou encore par le lieu d’exécution de

l’obligation essentielle du contrat ou de l’une quelconque des obligations découlant du

contrat100. Concrétiser la notion de lien étroit peut avoir pour conséquence d’élargir le champ

d’intervention du droit harmonisé ou de le réduire, selon que le rattachement reflète, plutôt

que le « lien étroit », le simple « lien » ou, inversement, le « lien le plus étroit ».

Certains Etats membres peuvent choisir de ne pas concrétiser cette notion de lien

étroit101. Ils pourront soit conserver la formulation du standard minimum communautaire, telle

qu’elle figure dans la directive communautaire à l’origine de la transposition, soit conserver le

rattachement souple que constitue « le lien étroit avec le territoire d’un Etat membre », et

reformuler la règle de conflit communautaire. Une telle solution présente certains avantages.

En effet, un rattachement fixe ne permettrait pas au juge d’apprécier les situations au cas par

cas et d’apporter une solution adaptée à chaque espèce conformément à l’objectif de

protection poursuivi par la règle de conflit communautaire.

La divergence de critères de rattachement au sein des Etats membres est regrettable,

particulièrement dans une matière où l’on souhaite parvenir à une certaine harmonie des

solutions. Le risque est essentiellement dû à la nature de l’instrument communautaire utilisé.

Une transposition à l’identique de la règle de conflit issue de la directive aurait été sans doute

plus souhaitable puisque la concrétisation du critère de rattachement entraîne inévitablement

des divergences qui auront une conséquence certaine sur le champ d’application du droit

harmonisé.

99 Jayme (E.) et Kohler (C.), précité, p. 25. 100 Art. L. 135-1 du Code de la consommation français « Nonobstant toutes stipulations contraires, lesdispositions de l’article L. 132-1 sont applicable lorsque la loi qui régit le contrat est celle d’un Etat quin’appartient pas à l’Union européenne, que le consommateur ou le non professionnel a son domicile sur leterritoire de l’un des Etats membres de l’Union européenne et que le contrat y est proposé, conclu ou exécuté ». 101 Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations, transposant la directive sur les clauses abusives, “TheseRegulation shall apply notwithstanding any contract term which applies or purports to apply the law of a nonmember State, if the contract has a close connection with the territory of the member state”.

42

Il est possible d’adresser une autre critique à l’utilisation de la directive

communautaire comme mode d’édiction des règles de droit international privé. Les directives

peuvent, en effet, être transposées à des moments différents par les Etats membres puisque

seule leur est imposée une date limite pour atteindre l’objectif prescrit. Ce même délai peut

varier d’un Etat membre à l’autre102. Si les différents Etats membres ne transposent pas au

même moment la directive, la législation harmonisée ne sera imposée qu’aux relations

contractuelles ayant un lien étroit avec le territoire des Etats membres, pour lesquelles les

parties ont choisi le droit d’un Etat tiers et qui sont soumises au juge d’un Etat membre ayant

transposé la directive communautaire en question. Une telle situation nuit à l’harmonie des

solutions, recherchée en droit international privé, et pourrait être évitée par le recours au

règlement communautaire pour l’édiction des règles de droit international privé.

Les directives communautaires énonçant des règles de droit international privé

présentent un autre inconvénient. Elles ne permettent pas au juge, à elles seules, de résoudre

efficacement le conflit de lois. Ce n’est pas une source « autonome et suffisante » de règles de

droit international privé103. Pour une matière donnée, la règle de conflit de lois communautaire

permettra au juge d’écarter la loi tierce choisie par les parties et de déclarer le droit harmonisé

compétent. Cela se fera sans difficulté si le contrat entretient un lien étroit avec le territoire

d’un seul Etat membre. Mais le mécanisme du standard minimum peut être déclenché par le

juge, si le contrat présente « un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs Etats

membres ». Si le contrat présente un lien étroit avec plusieurs Etats membres, le juge ne

dispose d’aucun élément lui permettant de résoudre le conflit de lois. Certes, ce sera le droit

harmonisé qui sera applicable, mais chaque Etat membre est en droit de prendre les mesures

qu’il souhaite pour parvenir au résultat prescrit par la directive communautaire énonçant la

règle du standard minimum communautaire. Ainsi, un Etat membre peut prévoir un seuil de

protection plus élevé pour le consommateur, que celui exigé par la directive

102 Concernant la protection de l’agent commercial, la directive du 18 décembre 1986 fixait un délai différentpour l’Irlande et le Royaume-Uni. L’article 22 § 3 précise que « Toutefois, en ce qui concerne l'Irlande et leRoyaume-Uni, la date du 1er janvier 1990 visée au paragraphe 1 est remplacée par celle du 1er janvier 1994 ».103 Idot (L.), « L’incidence de l’ordre juridique communautaire sur le droit international privé, le droitinternational privé communautaire : émergence et incidences », Toulouse, 22 mars 2002, Petites affiches, 12décembre 2002, n° 248, p. 27. L’auteur fait remarquer que « même dans les hypothèses très limitées, où desrègles de conflit autonomes ont été adoptées, comme par exemple en droit des sociétés ou de la propriétéintellectuelle, le conflit de lois subsiste, ne serait-ce que parce que l’ordre juridique communautaire n’est pascomplet et ne suffit pas à lui-même ».

43

communautaire104. La directive communautaire peut aussi laisser une marge de manœuvre à

l’Etat membre quant à la mise en œuvre de certaines dispositions105. Le droit harmonisé

n’étant pas tout à fait homogène, le juge devra faire un choix quant à la loi de l’Etat membre

qui permettra d’apporter une solution au litige.

Les directives communautaires contenant des règles de conflit de lois ne sont d’aucun

secours pour le juge confronté à une telle situation. Le juge n’a d’autre choix, semble t-il, que

de recourir aux instruments plus classiques du droit international privé. Il est possible de

régler ce type de conflit par le recours aux règles de conflit de lois à défaut de choix.

Cependant, il est fort probable que ces règles de conflit conduisent à la désignation de la loi

d’un Etat tiers. Or, l’objectif est de trancher un conflit de lois de type particulier. Le conflit de

lois dont il s’agira dans une telle hypothèse est en quelque sorte un conflit « secondaire ». En

effet, ce conflit de lois intervient alors qu’un premier conflit de lois, opposant l’ordre

juridique communautaire et le droit d’un Etat tiers, a été tranché en faveur de l’ordre juridique

communautaire. Le principe de proximité pourrait être ici d’un grand secours pour le juge.

Une mise en œuvre directe du principe permettrait de trancher le conflit de lois en faveur de la

loi de l’Etat qui entretient les liens les plus étroits avec le conflit, exclusion faite des Etats

tiers. Le principe serait donc limité à l’ordre juridique communautaire. Il ne s’agit pas de

désigner la loi qui entretient les liens les plus étroits avec le litige106, mais la loi « de l’Etat

membre » qui entretient les liens les plus étroits avec le litige. Une telle solution laisse un

pouvoir important au juge, l’issue du conflit de lois sera certes imprévisible, cependant il ne

semble pas y avoir d’autres alternatives. L’imprévisibilité de la solution du conflit de lois,

dans une telle hypothèse, résulte moins du pouvoir accordé au juge, que de la règle du

standard minimum communautaire.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue le fait que la différence de législation d’un Etat

membre à un autre ne sera généralement que minime une fois la directive transposée. La règle

104 « Les Etats membres peuvent adopter des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurerau consommateur un niveau de protection plus élevé », art. 11 de la directive 99/44/CE du 25 mai 1999précitée ; « Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, desdispositions plus strictes compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé auconsommateur… », art. 14 de la directive 97/7/CE précitée. 105 La directive du 18 décembre 1986, concernant la protection de l’agent commercial, dans son article 17, laisseaux Etats membres une certaine marge de manœuvre quant au mode de calcul de l’indemnité de rupture ducontrat d’agence commerciale. 106 Lagarde (P.), « Le principe de proximité en droit international privé contemporain », précité.

44

de conflit communautaire vise à imposer un minimum de protection pour certaines parties,

lorsque la relation a des liens avec le territoire des Etats membres. L’objectif de la règle de

conflit communautaire est bien que cette protection soit assurée, il n’est pas de trancher un

conflit de lois. Si les législations à l’intérieur de la Communauté, après transposition de la

directive, peuvent s’avérer différentes, elles sont au moins équivalentes et respectent

nécessairement le minimum imposé par les directives. L’application de l’une quelconque de

ces lois (issues indirectement du droit communautaire)107, parviendra au résultat recherché, à

savoir soustraire la relation contractuelle de l’empire d’une loi tierce moins protectrice,

souvent conséquence de la domination d’une partie au contrat sur l’autre.

La directive est une source d’édiction de règles de droit international privé originale.

Son originalité est principalement due au fait que la directive est destinée à être transposée par

les différents Etats membres, il ne s’agit donc pas d’une source « stable », comme c’est le cas

des autres sources du droit international privé. Cette spécificité en fait un mode inadéquat

d’édiction des règles de droit international privé108. Il ne s’agit pas non plus d’une « source

autonome et suffisante » de règlement du conflit de lois. La combinaison avec d’autres

instruments du droit international privé est parfois rendue nécessaire. Cela, sans doute en

raison de l’objet de la règle de conflit communautaire, qui n’est pas directement celui de

résoudre un conflit de lois, comme c’est le cas des autres règles de droit international privé,

mais de protéger la partie faible.

Paragraphe 2 : L’originalité de l’objectif poursuivi par la règle de conflit

communautaire

Les règles de droit international privé « classiques » ont pour objectif premier de

résoudre un conflit de lois ou de juridictions. Le souci de protéger une des parties au contrat,

107 Il est cependant souhaitable que la loi protectrice applicable en vertu de la règle de conflit communautaire soitéquivalente au seuil minimum fixé par la directive communautaire. L’application d’une loi de transposition bienplus protectrice du consommateur que le seuil minimum fixé par la directive ne répondrait pas à l’objectif de larègle de conflit communautaire qui est celui de garantir à la partie faible une protection minimale issue de ladirective communautaire. 108 Gaudemet-Tallon (H.), « Le droit international privé communautaire : émergence et incidences , Brefs proposintroductifs », précité, p. 3.

45

bien que pouvant être présent, ne constitue pas l’objectif essentiel de la règle. Si l’on prend

l’exemple de la règle de conflit de l’article 5 de la Convention de Rome, elle a pour principal

objectif de déterminer la loi applicable au contrat conclu par le consommateur. Cette

détermination de la loi se fera dans un souci de protection des intérêts du consommateur.

S’agissant de la règle de conflit communautaire, l’objectif principal est la protection de

la partie faible. Le procédé est inverse. La règle de conflit intervient, non pas pour désigner la

loi applicable au contrat, puisque par hypothèse les parties l’ont choisie, mais précisément

pour protéger les parties d’un choix qui s’avérerait moins avantageux que celui de la loi d’un

Etat membre. La règle de conflit communautaire ne prend pas accessoirement en compte le

souci de protection de la partie faible, comme c’est le cas pour la règle de conflit de l’article 5,

mais elle en fait sa raison d’être. L’objectif essentiel est bien celui « de garantir un minimum

de protection » à la partie faible109. Or, un tel objectif est de nature communautaire.

La règle de conflit communautaire pourrait être regardée comme une règle régissant

les situations internationales, au service de la Communauté. En ceci, elle pourrait rejoindre la

loi de police qui, elle, sert les intérêts nationaux. Cependant bien que pouvant se rapprocher

de la méthode des lois de police, la règle du standard minimum communautaire reste très

originale.

Paragraphe 3 : Originalité de la méthode par sa nature

A première vue, la règle du standard minimum communautaire ne semble pas très

différente des méthodes traditionnelles du droit international privé. En effet, la règle de conflit

communautaire présente certaines caractéristiques que l’on peut retrouver chez des méthodes

plus classiques. Cependant, ces similitudes sont trompeuses et cachent en réalité une méthode

à la nature particulière.

109 Idot (L.), « L’incidence de l’ordre juridique communautaire sur le droit international privé, le droitinternational privé communautaire : émergence et incidences », précité, p. 27.

46

I- Les apparentes similitudes

Nombreux sont les mécanismes et méthodes du droit international privé auxquels on

pourrait assimiler la méthode communautaire. Cependant, les apparences sont trompeuses, et

si la méthode peut leur emprunter certaines caractéristiques, elle ne peut pour autant leur être

totalement assimilée. C’est la diversité des méthodes et mécanismes dont la règle de conflit

s’inspire qui en fait la particularité.

A- Les similitudes avec l’article 3 paragraphe 3 de la Convention de Rome

La règle de conflit communautaire se rapproche singulièrement de la règle, énoncée

dans la Convention de Rome, selon laquelle «Le choix par les parties d’une loi étrangère,

assorti ou non de celui d’un tribunal étranger, ne peut, lorsque tous les autres éléments de la

situation sont localisés au moment de ce choix dans un seul pays, porter atteinte aux

dispositions auxquelles la loi de ce pays ne permet pas de déroger par ce contrat, ci-après

dénommées dispositions impératives »110. Cette disposition, destinée à prévenir les cas de

fraude à la loi, se rapproche indéniablement de la règle du standard minimum

communautaire111. Elle permet au juge d’imposer aux parties les dispositions impératives de la

loi du pays où tous les autres éléments de la situation sont localisés. La lutte contre la fraude à

la loi, bien qu’elle ne soit pas un objectif affiché clairement par la règle de conflit

communautaire, ne lui est pas, pour autant, totalement étrangère.

Dans certaines hypothèses de fraude à la loi, où les parties ont choisi une loi tierce en

espérant ainsi éviter l’application du droit harmonisé, plus contraignant pour le professionnel,

la fraude pourra être déjouée par la règle de conflit communautaire. La « loi étrangère » de la

110 Art. 3 § 3 de la Convention de Rome.111 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 295. « … l’article 3, point 3, de la Convention de Rome auquel elleest en quelque sorte analogue ».

47

Convention de Rome, pourrait en effet, être assimilée à la « loi tierce » du standard minimum,

et « le pays » au territoire de la Communauté.

Cependant, le standard minimum n’exige pas, pour entraîner l’application du droit

communautaire, que « tous les autres éléments de la situation » soient localisés dans la

Communauté. Un lien étroit suffit. Par ailleurs, l’objectif poursuivi par le standard minimum

n’est pas directement celui de déjouer les tentatives de fraude à la loi. Cela ne constitue

qu’une conséquence possible de la mise en œuvre de la règle du standard minimum

communautaire.

La règle de conflit communautaire présente cependant des similitudes avec d’autres

méthodes du droit international privé, elles aussi fondées sur des considérations de proximité.

B- Les similitudes avec la clause d’exception

La règle de conflit communautaire peut être assimilée, de par le rôle accordé au juge

lors de sa mise en œuvre, à la clause d’exception112. La fonction correctrice de cette dernière

lui permet de revenir à la loi qui entretient les liens les plus étroits avec le litige lorsque les

rattachements retenus par la Convention de Rome sur une présomption de proximité échouent

dans leur fonction de désignation de la loi présumée entretenir les liens les plus étroits avec le

litige.

Il est tout à fait concevable que la mise en œuvre du standard minimum

communautaire conduise à l’application, par le juge, de la loi qui entretient les liens les plus

étroits avec le litige. Cela, si la loi désignée par le juge, en vertu de la règle du standard

minimum communautaire, est celle qui entretient, non seulement un lien étroit avec le

territoire d’un Etat membre, mais également les liens les plus étroits avec celui-ci.

112 Art. 4 § 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980.

48

Toutefois, il ne s’agit pas là d’un objectif poursuivi par la règle du standard minimum

communautaire mais bien d’un simple cas de figure pouvant se présenter lors de sa mise en

oeuvre. Par ailleurs, ni le mécanisme, ni le résultat ne sont identiques : en effet, la clause

d’exception permet de corriger les rattachements fondés sur une présomption de proximité et

non de corriger un choix de loi effectué par les parties. La clause d’exception et la méthode

communautaire auraient pu jouer un rôle similaire, si la règle de conflit communautaire

n’érigeait pas, au rang de condition de mise en œuvre, le choix par les parties d’une loi tierce.

Dans une telle hypothèse, si la loi désignée par la règle de conflit à défaut de choix est celle

d’un Etat tiers et que le contrat entretient les liens les plus étroits avec le territoire d’un Etat

membre, l’application du droit d’un Etat membre, en vertu de la règle de conflit

communautaire, aura une fonction correctrice. Cependant, le standard minimum n’a pas, en

l’Etat actuel, un objectif d’une telle nature. La clause d’exception permet la désignation de la

loi entretenant effectivement des liens plus étroits avec le contrat. Elle est l’illustration même

du principe de proximité. Le standard minimum, bien qu’inspiré du principe de proximité, ne

vise aucunement à désigner la loi qui entretient les liens les plus étroits. Le lien étroit n’est

pas, pour le standard minimum, une finalité, mais plutôt une façon de légitimer l’attraction

exercée par le droit communautaire sur la situation contractuelle. Par ailleurs, la clause

d’exception peut conduire à la mise à l’écart de la loi du for, si celle-ci ne satisfait pas à la

condition de proximité. Une telle possibilité n’est pas offerte au juge dans le cadre du standard

minimum communautaire puisqu’il ne peut mettre à l’écart que le droit tiers.

S’il y a bien des similitudes entre ces deux méthodes, il y a principalement des

différences. Cependant, la méthode peut être rapprochée d’un autre type de règles de droit

international privé à visée protectrice de la partie faible.

C- Les similitudes avec la règle de conflit à coloration matérielle

49

La règle de conflit communautaire permet la mise à l’écart de la loi choisie par les

parties pour en désigner une autre, plus protectrice des intérêts de la partie faible. La règle de

conflit dite à coloration matérielle intervient, elle aussi, dans le processus de désignation de la

loi applicable, pour privilégier un résultat plus juste pour la partie faible au contrat113.

Le procédé est, dans ces deux cas de figure indirect. Le juge n’applique pas

directement une règle matérielle propre aux relations internationales, mais désigne la loi d’un

Etat dont les dispositions permettront de trancher le litige. Cependant, si le juge n’applique

pas directement une règle substantielle au litige, une certaine issue est visée. La démarche est

loin d’être neutre. La méthode a un objectif : celui de protéger une partie par l’application du

droit harmonisé qui, lui, est destiné à trancher directement le litige.

Le standard minimum invite le juge saisi du litige à examiner le contenu des lois en

présence, tout comme la règle de conflit de lois à coloration matérielle prend, elle aussi, en

compte la substance des lois en présence. En effet, la loi tierce ne sera écartée que si elle prive

la partie faible de la protection accordée par le droit harmonisé. La loi de l’Etat tiers peut tout

à fait se révéler plus protectrice des intérêts de la partie faible que celle d’un Etat membre.

Dans une pareille hypothèse, la méthode communautaire ne devrait pas conduire à la

désignation du droit harmonisé comme loi applicable, cela ne respecterait pas l’objectif de la

méthode qui est de protéger la partie faible lésée par le choix d’une loi tierce. Par ailleurs, une

loi tierce plus protectrice du consommateur sera aussi plus coûteuse pour le professionnel et

n’engendrerait pas, à priori, un déséquilibre concurrentiel au détriment des entreprises, situées

sur le territoire des Etats membres puisque l’entreprise étrangère serait soumise à des

conditions plus strictes et plus coûteuses que celles résultant de droit communautaire.

Le standard minimum, tout comme la règle de conflit à coloration matérielle de la

Convention de Rome, agit en vue d’un certain résultat, mais les similitudes entre ces deux

méthodes ne se limitent pas à l’objectif poursuivi par elles. En effet, les deux méthodes visent

113 Art. 5 § 2, « … le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver leconsommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sarésidence habituelle… » ; Art. 6 § 1 « … dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicablene peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impérativesde la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article », Convention deRome du 19 juin 1980.

50

à garantir à la partie faible un seuil minimal de protection que l’exercice de la loi d’autonomie

aurait pu réduire à néant.

Seulement, dans le cadre de la règle de conflit, à coloration matérielle, de l’article 5

paragraphe 2 de la Convention de Rome, les dispositions impératives de la loi de résidence

habituelle du consommateur agissent comme un « seuil minimum », en dessous duquel la loi

choisie par les parties ne peut aller. En ce qui concerne la règle de conflit communautaire,

c’est le droit harmonisé contenu dans la directive qui agit comme un « seuil minimum » en

dessous duquel la loi tierce, choisie par les parties, ne peut aller. S’agissant de l’article 5

paragraphe 2 de la Convention de Rome, aucune loi choisie par les parties ne peut franchir le

seuil représenté par la loi de résidence du consommateur, tandis que pour ce qui est de la règle

de conflit communautaire, seule la loi tierce choisie par les parties est concernée par cette

limitation. Ainsi, la loi d’un Etat membre choisie par les parties pour régir leur contrat pourra

franchir le seuil minimal de protection fixé par la loi de résidence du consommateur, si le

contrat dont il s’agit n’entre pas dans le cadre de l’article 5 de la Convention de Rome, lequel

fixe des conditions assez restrictives pour la mise en œuvre de la règle de conflit protectrice

du consommateur.

Le mode d’action reste identique à bien des égards. Dans certaines hypothèses, la règle

de conflit communautaire et la règle de conflit de l’article 5 de la Convention de Rome

conduiront à la désignation de la même loi. Ce sera le cas s’agissant d’une relation

contractuelle remplissant cumulativement les conditions de la règle de conflit de l’article 5 de

la Convention de Rome et celles de la règle de conflit communautaire, dont le consommateur

réside habituellement sur le territoire d’un Etat membre, Etat membre jugé avoir un lien étroit

avec le contrat. Dans une telle hypothèse, la loi tierce choisie par les parties ne pourrait

franchir le seuil fixé par la loi de résidence du consommateur, qui est, par hypothèse, celle

d’un Etat membre. La mise en œuvre de l’une ou de l’autre méthode par le juge saisi du litige

aboutira à la désignation de la même loi.

Au delà de la protection d’un intérêt privé, nous avons vu que le standard minimum

avait un objectif d’ordre économique. Or, dans notre système de droit international privé,

certaines méthodes sont orientées vers de telles préoccupations. Le standard minimum peut

51

donc à certains égards être rapproché de tels outils du droit international privé, cela en raison

des objectifs qu’il poursuit ou du mécanisme qu’il utilise.

D- Les similitudes avec la loi de police

Le standard minimum communautaire peut être rapproché de la méthode des lois de

police114. Primant sur la règle de conflit classique, ne nécessitant pas, au préalable, la mise en

œuvre de la méthode indirecte, la loi de police jouit d’une position privilégiée dans la

hiérarchie des méthodes de règlement des conflits de lois. La loi de police, tout comme la

règle de conflit communautaire, procède par éviction de la loi choisie par les parties pour y

substituer la loi de police ou le droit harmonisé, dans la mesure de l’éviction.

Cependant, la loi de police, classiquement, permet au juge de mettre à l’écart la lex

contractus, que celle-ci soit choisie par les parties ou qu’elle soit le résultat d’une désignation

sur la base de la règle de conflit à défaut de choix, et non pas uniquement, comme c’est le cas

pour la règle de conflit communautaire, la loi tierce choisie par les parties. Le mécanisme

d’éviction de la loi de police est de ce fait plus important que celui de la règle de conflit

communautaire. La règle du standard minimum communautaire ne pourra être mise en œuvre

dans l’hypothèse, évoquée auparavant, où les parties n’ont pas choisi de loi applicable à leur

contrat et où, en vertu de la règle de conflit à défaut de choix, la loi d’un Etat tiers est la loi

applicable au contrat ; contrat ayant, malgré cette désignation de la loi d’un Etat tiers fondée

sur des considérations de proximité selon la Convention de Rome, un lien étroit avec le

territoire d’un Etat membre.

Dès lors, si le mécanisme utilisé par les deux méthodes est similaire, son champ

d’application est différent. La transposition par l’Etat membre des dispositions protectrices de114 Convention de Rome Du 19 juin 1980, art. 7 § 1 « Lors de l’application, en vertu de la présente convention,de la loi d’un pays déterminé, il pourra être donné effet aux dispositions impératives de la loi d’un autre paysavec lequel la situation présente un lien étroit, si et dans la mesure où, selon le droit de ce dernier pays, cesdispositions sont applicable quelle que soit la loi régissant le contrat. Pour décider si effet doit être donné à cesdispositions impératives, il sera tenu compte de leur nature et de leur objet ainsi que des conséquences quidécouleraient de leur application ou de leur non application ». Art. 7 § 2, « Les dispositions de la présenteconvention ne pourront porter atteinte à l’application des règles de la loi du pays du juge qui régissentimpérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat ».

52

la directive sous forme de loi de police, inconditionnelle, leur conférerait un champ

d’application plus important, dépassant celui du standard minimum contenu dans la directive.

Une telle qualification pourrait même être le moyen, pour le juge, de mettre à l’écart la loi

choisie par les parties ou désignée par la règle de conflit à défaut de choix, pour y substituer

de façon automatique la loi du for, sans que la loi tierce ne franchisse le seuil minimum fixé

par la directive. Or, l’objectif n’est pas celui d’écarter la loi tierce applicable au contrat pour y

substituer la loi de l’Etat membre de manière systématique, mais de protéger la partie faible

par l’application des dispositions protectrices de la législation harmonisée, lorsque les parties

ont choisi une loi tierce pour régir leur contrat et que celui-ci présente un lien étroit avec le

territoire d’un Etat membre.

Des similitudes peuvent être relevées à d’autres niveaux. En effet, les deux méthodes

sont inspirées par des considérations de proximité. La loi de police du for entretient un lien

étroit avec le contrat en ce qu’elle appartient à l’ordre juridique du juge saisi. Or, les règles de

conflit de juridictions sont inspirées par des considérations de proximité115, la loi du juge saisi

aura donc, dans la majorité des cas, un lien étroit avec le litige. Quant à la loi de police

étrangère116, la notion de lien étroit, avec l’Etat dont elle émane, apparaît en tant que préalable

nécessaire à son application par la juge.

Par ailleurs, les lois de police comme le standard minimum semblent servir des intérêts

similaires. « La sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays »117

caractérise la loi de police. Cette définition des lois de police a d’ailleurs été reprise par la

CJCE dans un arrêt Arblade118.

115 Les règles de conflit de juridictions respectent, pour l’essentiel, le principe de proximité. Le juge saisi seradans la majorité des cas celui du domicile du défendeur, le principe est consacré par la Convention de Bruxellesdu 27 septembre 1968 et le règlement du 22 décembre 2000 (article 2 al. 1er ). Le tribunal du « lieu oùl’obligation qui sert de base à l’action a été ou doit être exécutée » (art. 5°1) peut lui aussi être saisi par lesparties en matière contractuelle. 116 Art. 7 § 1 de la Convention de Rome.117 Francescakis (Ph.), Rep. Dalloz droit international, conflits de lois, n°137, « Lois dont l’observation estnécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale, ou économique du pays ». 118 La CJCE a précisé, à l’occasion de l’arrêt, qu’il convenait d’entendre par l’expression lois de police et desûreté « … les dispositions nationales dont l’observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde del’organisation politique, sociale ou économique de l’Etat membre concerné, au point d’en imposer le respect àtoute personne se trouvant sur le territoire national de cet Etat membre ou à tout rapport juridique localisé danscelui-ci ». CJCE, 23 novembre 1999, Arblade, R.C.D.I.P., 2000, p. 710, note Fallon (M.).

53

Le standard minimum, parallèlement à un objectif de protection de la partie faible,

poursuit effectivement un objectif d’ordre économique. Les deux méthodes semblent de prime

abord répondre aux mêmes critères.

Les conclusions de l’avocat général Léger, à l’occasion de l’affaire Ingmar, font

d’ailleurs expressément référence à la notion de loi de police. Un certain nombre d’auteurs

ont, sans doute, sur la base de ces similitudes, qualifié la méthode de « loi de police » dans le

cadre de l’affaire Ingmar119. Or, la CJCE, dans cette affaire, ne fait nullement référence à la

notion de loi de police120. Le principe qu’elle énonce semble davantage se rapprocher de la

méthode communautaire, telle qu’énoncée dans les directives instaurant un régime protecteur

de la partie faible. La Cour de justice, sans mentionner expressément la notion de loi de

police, aurait tout à fait pu reprendre la définition donnée dans l’arrêt Arblade, rendu deux ans

auparavant. Or, la CJCE n’évoque ni la notion de loi de police, ni même les éléments qui

caractérisent cette méthode du droit international privé, précédemment énoncés par elle. Il

semble que la Cour se place, ici, sur un terrain tout à fait différent. Si l’on se livre à une

comparaison des deux espèces, on peut relever qu’à l’occasion de l’arrêt Arblade, la Cour se

réfère à « l’organisation politique, sociale ou économique de l’Etat membre concerné »121. Il

s’agissait de la qualification d’une disposition nationale de loi de police. A l’occasion de

l’arrêt Ingmar, c’est de « l’ordre juridique communautaire » dans sa globalité qu’il s’agit122, et

non pas d’une disposition d’origine purement nationale.

Dès lors, il semble clair que la volonté de la Cour n’est pas de confondre les deux

méthodes, mais bien au contraire d’énoncer la méthode communautaire en des termes

119 « La Cour de Justice en est donc venue naturellement aux méthodes du droit international privé et traite ladirective exactement comme une loi de police du for », Jacquet (J-M.), commentaire de l’arrêt Ingmar, CJCE 9novembre 2000, J.D.I. 2001, p. 511 ; « Les dispositions de la directive du 18 décembre 1986, en ce qu’ellesassurent une indemnisation de l’agent commercial en fin de contrat, présentent le caractère d’une loi depolice… », Mainguy (D.), « Loi de police : to be or not to be ? », Droit et patrimoine, n° 96, septembre 2001 ;« …c’est bien de lois de police dont il s’agit pour le juge communautaire », Nourissat (C.), note sous CJCE,Ingmar, 9 novembre 2000 et Cass. com., 28 novembre 2000, petites affiches, 2001, n° 124, p. 10. 120 Il n’est pas certain qu’il s’agisse là de la méthode des lois de police. « Il est possible d’un point de vuethéorique de discuter sur le point de savoir si la règle communautaire relève bien de la technique de la loi depolice ou s’il s’agit d’une autre catégorie de règles de conflit à finalité protectrice », Idot (L.), « L’incidence del’ordre communautaire sur le droit international privé », Petites affiches, 12 décembre 2002, n° 248, p. 27. 121 CJCE, 23 novembre 1999, Arblade, précité, point 30.122 CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 25.

54

suffisamment généraux, pour la doter d’une certaine autonomie. Il s’agit donc bien d’une

« notion autonome » que certains ont pu qualifier de « loi de police communautaire »123.

La Cour de Cassation française a d’ailleurs expressément écarté une telle

qualification124. La Cour affirme à juste titre que « la loi du 25 juin 1991, codifiée dans les

articles L. 134-1 et suivants du code de la consommation, loi protectrice d’ordre public

interne, applicable à tous les contrats en cours à la date du 1er janvier 1994, n’est pas une loi

de police applicable dans l’ordre international ». Cela dit, si la Cour de Cassation écarte la

qualification de loi de police, et ce, nous semble t-il, sans véritablement contredire la CJCE

dans l’affaire Ingmar, puisque cette dernière n’évoque à aucun moment la notion de loi de

police, la Cour de Cassation ne met pas en œuvre la règle du standard minimum énoncée par

la CJCE, standard minimum ne résultant pas directement de la directive, mais de

l’interprétation par la Cour de justice de celle-ci. La position de la Cour est tout à fait

justifiable en ce qui est de la mise à l’écart de la qualification de loi de police, elle ne l’est

cependant pas, en ce qui est de l’inapplication du standard minimum communautaire.

De nombreuses similitudes ont pu amener à penser qu’il s’agissait là de la même

méthode. Une méthode que le droit communautaire aurait empruntée au droit international

privé pour assurer à la législation harmonisée une position que seule la loi de police, dans

notre système de droit international privé, pouvait lui conférer. Cependant, le standard

minimum n’a nul besoin du renfort de la loi de police pour occuper une place supérieure à

celle des règles de conflits, en tout cas pour ce qui est du droit commun des obligations. En

effet, la Convention de Rome prévoit à l’article 20 une clause de compatibilité avec le droit

communautaire125. Cette clause prévoit la priorité du droit communautaire126.

123 Gaudemet-Tallon (H.), « Quel juge ? Quelle loi ? (compétence juridictionnelle et loi applicable) », précité,« … elle a dégagé une notion autonome de loi de police communautaire ». 124 Cass. com. 28 novembre 2000, J.D.I., 2001, p. 511.125 Art. 20 de la Convention de Rome, « La présente convention ne préjuge pas l’application des dispositionsqui, dans des matières particulières, règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles et quisont ou seront contenues dans les actes émanant des institutions des Communautés européennes ou dans leslégislations nationales harmonisées en exécution de ces actes ». 126 Certains auteurs ont pu critiquer un tel fondement. Messieurs Wilderspin et Lewis se sont clairementprononcés contre un tel fondement : « Il est beaucoup moins certains que l’article 20 de la Convention de Romecouvre les dispositions qui édictent une règle d’application immédiate, telle que celles figurant dans lesdirectives 93/13, 94/47 et 97/7 », Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 309. Pour d’autres, « l’article 20 dela Convention consacre la priorité du droit communautaire, et plus particulièrement la priorité de règles dedroit international privé relevant d’actes communautaires, qui introduiraient des règles dérogatoires à celles dela convention » et évoquent à titre d’illustration la directive concernant les clauses abusives. Van Huffel (M.),« Protection du consommateur par le droit applicable – Obstacles et perspectives », R.A.E, 2001-2002, p. 446. Le

55

Le standard minimum est donc, à plusieurs égards, différent des lois de police.

L’objectif poursuivi par le standard minimum est plus large que celui poursuivi par la loi de

police classique, il prend en compte les intérêts de la Communauté, mais également ceux des

particuliers. Une disposition de la Convention de Rome, prévoit expressément la supériorité

du droit communautaire. La méthode communautaire dispose de ce fait d’une certaine

autonomie par rapport à la loi de police. Le juge n’intervient que pour vérifier l’existence des

conditions de mise en œuvre du standard minimum, dont l’existence d’un lien étroit avec la

Communauté. La raison d’être de la supériorité des règles de conflit communautaires sur les

règles de conflit conventionnelles se trouve dans le principe de primauté du droit

communautaire et non pas, comme c’est le cas pour la loi de police, dans les objectifs de

« sauvegarde d’intérêts étatiques prépondérants » poursuivis par la législation. Le standard

minimum communautaire, s’il se rapproche de la loi de police, ne devrait pas pour autant lui

être totalement assimilé127. Une telle assimilation conduirait à la déformation de la catégorie

des lois de police, alors qu’il existe, au sein même de la Convention de Rome, une

reconnaissance explicite des règles de conflit communautaires.

A défaut de pouvoir être totalement assimilée à la méthode des lois de police, la règle

du standard minimum communautaire pourrait être rapprochée de la méthode unilatérale de

façon plus générale.

E- Les similitudes avec la méthode unilatéraliste

commentaire de la Convention de Rome n’exclu pas de telles règles de conflit du champ d’application de l’article20. « Toute règle de conflit de lois en matière contractuelle qui serait contenue dans un règlement ou unedirective, ou dans une loi nationale harmonisée en application de ces actes, aurait le pas sur la convention »,Lagarde (P.), Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention deRome du 19 juin 1980, précité, p. 287. La règle du standard minimum communautaire entre bien dans ce schémalà. Il semblerait que cet article n’exclut pas la législation de transposition, lorsque celle-ci dépasse les objectifsfixés par la directive, alors que l’Etat membre y est autorisé, bien qu’il soit souhaitable que la règle du standardminimum soit limitée au minimum de protection exigé par la directive. 127 La notion de loi de police est interprétée restrictivement dans certains Etats membres. Ainsi, en Allemagneseule la disposition visant à « protéger des intérêts publics plutôt que des intérêts privés » est qualifiée de loi depolice, Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 311.

56

En effet, la règle de conflit communautaire semble être calquée sur la méthode

unilatéraliste. La mise en œuvre du standard minimum ne peut conduire à la désignation d’un

autre ordre que celui dont la méthode émane. L’ordre juridique dont il s’agit est celui de la

Communauté. Mais peut-on pour autant parler d’une méthode unilatérale ?

L’unilatéralisme se justifie par l’idée selon laquelle «un ordre juridique ne doit pas

donner compétence à la loi d’un autre Etat dans un cas où celui-ci ne veut pas qu’elle soit

appliquée » 128. Il ne semble pas que la justification du standard minimum soit celle-ci. S’il est

vrai qu’il ne peut conduire à la désignation d’une loi autre que celle du « for », il s’agit ici

d’un for « étendu ». Le for, au sens du standard minimum communautaire, comprendrait

toutes les lois transposant la directive protectrice des intérêts de la partie faible, en d’autres

termes, toutes les lois nationales des Etats membres résultant du droit communautaire. Le for

ne sera pas dans ce cas le reflet de l’ordre juridique auquel appartient le juge saisi du litige. Ce

pourrait être le cas si la Communauté constituait un véritable Etat fédéral, auquel cas, la

désignation par le juge de l’une quelconque des lois respecterait l’esprit de la méthode

unilatéraliste. Défendre l’idée selon laquelle la règle de conflit communautaire est une loi de

police revient à admettre, indirectement, une telle conception de la Communauté. Or,

l’unilatéralisme dans son esprit veut que le juge ne puisse désigner une autre loi que celle qui

appartient à son ordre juridique. Ici, le juge d’un Etat membre qui met en œuvre le standard

minimum peut conclure à l’application de la loi d’un autre Etat membre en raison du lien

étroit que le contrat pourrait avoir avec l’Etat membre en question. Une telle désignation n’est

en rien le reflet d’une méthode unilatéraliste puisqu’il n’y a pas de concordance entre le for et

l’ordre juridique auquel appartient le juge saisi du litige. La méthode communautaire oscille

entre unilatéralisme et bilatéralisme.

Au mieux pourrait-on considérer le droit harmonisé protecteur de la partie faible

comme faisant partie d’un ensemble de règles et de principes que la volonté des parties serait

impuissante à écarter. Une telle conception rapproche le standard minimum de ce que l’on

pourrait appeler « un ordre public communautaire ».

F- Les similitudes avec le mécanisme de l’ordre public128 Mayer (P.) et Heuzé (V.), Droit international privé, 7e éd., n° 116.

57

Le mécanisme de l’ordre public peut lui aussi être rapproché de la méthode

communautaire. Habituellement, le juge, après avoir déterminé la loi compétente peut se

rendre compte que l’application de cette loi est contraire à l’ordre public. Dans une pareille

hypothèse, la loi étrangère sera évincée et lui sera substituée la loi du for. Ce mécanisme

« d’éviction substitution » ou « effet négatif et positif »129, qui intervient toujours a posteriori,

se retrouve lors de la mise en œuvre de la règle de conflit communautaire.

Le juge, après avoir déterminé la loi compétente et s’être rendu compte que celle-ci ne

respecte pas le seuil de protection imposé par la directive communautaire, alors que le contrat

dont il s’agit remplit les conditions nécessaires à la mise en œuvre du standard minimum

communautaire, évincera la loi choisie par les parties pour y substituer la loi du for conforme

à la directive communautaire.

L’exception d’ordre public a pour principale vocation de défendre des « principes de

justice universelle considérés dans l’opinion française comme doués d’une valeur

internationale absolue »130, ou, à tout le moins des principes qui constituent « les fondements

politiques, sociaux de la civilisation française »131. L’exception a pu être mise en œuvre pour

assurer « la sauvegarde de certaines politiques législatives »132. Mais le mécanisme peut

recevoir une diversité d’applications. Une liste exhaustive serait impossible à dresser.

Toutefois, l’exception est traditionnellement mise en œuvre dans le cadre du droit

international de la famille. La défense des intérêts de la partie faible ne semble pas, a priori,

pouvoir entrer dans le cadre de l’exception. Quant à la défense des intérêts de la Communauté,

cette défense est assurée, habituellement par une autre méthode du droit international privé.

Cependant, la flexibilité de l’exception ne semble pas s’opposer à la prise en compte de tels

intérêts, et l’on pourrait admettre l’existence d’un ordre public communautaire qui

comprendrait les principes généraux du droit communautaire et le droit harmonisé.

129 Mayer (P.), Heuzé (V.), Ibid., n° 211.130 Civ. 25 mai 1948, Lautour, R.C.D.I.P., 1949, p. 89, note Batiffol (H.).131 Mayer (P.) et Heuzé (V.), Ibid., n° 201.132 Batiffol (H.), Lagarde (P.), Traité de droit international privé, t. I, 8ème édition, L.G.D.J., 1993 n° 359.

58

Le standard minimum emprunte des caractéristiques aux différentes méthodes et

mécanismes examinés. Mais il ne peut être totalement assimilé à une de ces méthodes en

particulier. Il s’agit bien d’une méthode autonome dont l’originalité est peut être d’emprunter

des caractéristiques aux différentes méthodes du droit international privé.

II- Tentative de définition de la méthode communautaire

L’examen de la règle de conflit communautaire et de ses apparentes similitudes avec

les autres méthodes du droit international privé nous amène à la conclusion selon laquelle le

droit communautaire, sans reproduire un modèle de règle de droit international privé, s’est

inspiré des différentes méthodes dont dispose la matière, pour élaborer une règle de conflit

originale. Sa nature n’en est que plus complexe à déterminer puisque tout en se rapprochant

des méthodes que nous connaissons, elle s’en démarque à plusieurs égards.

Assimiler la méthode communautaire à une loi de police, bien qu’elle en reproduit en

partie le mécanisme, serait nier d’autres caractéristiques de la méthode et notamment sa

fonction protectrice des intérêts particuliers, ou encore la prise en compte, par le juge, lors de

sa mise en œuvre, du résultat qu’aurait l’application de la loi tierce sur l’issue du litige.

Assimiler la méthode à l’exception d’ordre public permettrait de prendre en compte cet

aspect, mais nierait la prise en compte d’intérêts privés. Ainsi, la méthode communautaire

rassemble les caractéristiques essentielles de certaines méthodes classiques du droit

international privé mais aucune de ces méthodes ne suffit à rendre compte de la richesse de la

règle de conflit communautaire.

Elle pourrait être définie comme une méthode de source communautaire, destinée à

garantir l’application d’un seuil minimum de protection communautaire à certains

contractants, impliqués dans un contrat ayant un lien étroit avec la Communauté et soumis à la

loi d’un Etat tiers, méthode intervenant a posteriori pour évincer la loi tierce choisie par les

59

parties et lui substituer les dispositions protectrices du droit harmonisé. Une méthode ayant un

mécanisme « d’éviction » limité à la loi tierce, et de « substitution » limité au droit harmonisé,

intervenant pour protéger la partie faible au contrat.

Cumulant flexibilité pour le juge, primauté sur la règle de conflit et protection des

intérêts de l’ordre juridique dont elle émane, la méthode communautaire représente une réelle

menace pour la loi d’autonomie.

Paragraphe 4 : L’originalité du fonctionnement de la règle de conflit communautaire

La règle de conflit communautaire tire son autorité de l’article 20 de la Convention de

Rome. Le juge n’intervient pas pour qualifier une règle de standard minimum comme c’est le

cas pour la plupart des lois de police. Cela dit, le rôle du juge est loin d’être effacé. Il

intervient dans le cadre de l’examen des conditions de mise en œuvre de la règle de conflit

communautaire, et cet examen le dote d’un pouvoir crucial.

I- Les difficultés rencontrées par le juge lors de la détermination du lien étroit

Le juge, dans le cadre de la mise en œuvre du standard minimum n’est pas face à une

règle de conflit au rattachement fixe. Le standard minimum est conditionné, comme nous

avons pu le voir, par l’existence d’un « lien étroit » avec la Communauté. La détermination

d’un tel lien n’est pas chose aisée, puisque le juge ne dispose d’aucune directive en la matière.

Si le juge ne dispose d’aucune directive lui permettant de conclure à l’existence ou non

d’un lien étroit avec la Communauté, il peut néanmoins s’inspirer de la Convention de Rome

et des rattachements retenus par celle-ci, à défaut de choix de la loi par les parties, puisqu’il

s’agit de rattachements présumés refléter « les liens les plus étroits »133. Une telle

133 Art. 4 § 2, « … il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie quidoit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle… ».

60

interprétation du lien étroit a été envisagée par messieurs Jayme et Kohler dans leur rapport

présenté à la réunion de Barcelone du Groupe européen de droit international privé134. Cette

approche permettrait une certaine harmonie des solutions.

Seulement, la Convention de Rome utilise l’expression « les liens les plus étroits »

tandis que le standard minimum conditionne sa mise en œuvre par l’existence « d’un lien

étroit » avec la Communauté. L’utilisation de l’expression au pluriel, dans la Convention de

Rome, renforce l’idée d’un rattachement basé sur le principe de proximité. Principe de

proximité, dont l’une des caractéristiques est d’être basé sur une quantité d’indices135.

L’utilisation du terme « le plus » étroit, témoigne du réalisme du rattachement. L’élément de

rattachement retenu est censé conduire à la désignation de la loi qui entretient les liens les plus

étroits avec la situation, et non un simple lien. Il s’agira de la loi la plus adaptée au litige,

conformément au principe de proximité. Le standard minimum communautaire se contente

d’un « lien étroit » avec la Communauté. Il n’est pas nécessaire que ce lien soit le plus étroit,

le contrat pouvant tout à fait avoir le lien le plus étroit avec la loi tierce choisie par les parties.

Cela dit, la règle de conflit communautaire ne peut être mise en œuvre que si le juge

constate l’existence d’un lien étroit. Bien que celui-ci ne soit pas obligatoirement le plus

significatif, les objectifs poursuivis par la règle de conflit communautaire justifient le fait

qu’un seul lien soit suffisant, pourvu qu’il soit étroit. C’est précisément la référence à

l’étroitesse du lien qui fait de la règle de conflit une règle inspirée du principe de proximité.

Le simple lien ne saurait suffire à la mise en œuvre de la règle de conflit communautaire. Une

telle solution heurterait les principes du droit international public136.

Une relation contractuelle peut entretenir des liens avec une multitude d’ordres

juridiques différents. Cependant, les liens véritablement « étroits », seront limités. Il s’agira

souvent du lieu de conclusion137, du lieu d’exécution138 ou du lieu de résidence du débiteur de

134 Jayme (E.) et Kohler (C.), précité, p. 20.135 Lagarde (P.), « Le principe de proximité en droit international privé contemporain », précité.136 Combacau (J.) et Sur (S.), Droit international public, 5ème éd., Montchrestien, p. 345.137Le rattachement retenu en matière contractuelle au Moyen Age était celui du lieu de conclusion la lex lociactus, aujourd’hui ce rattachement est retenu pour ce qui est de la forme mais il est possible d’y déroger, Mayer(P.) et Heuzé (V.), précité, n° 690. 138 Rattachement retenu par la Convention de La Haye du 14 mars 1978 à l’article 6 : lorsqu’il y a coïncidenceentre le pays de l’établissement professionnel ou de résidence habituelle du représenté et le pays de l’exerciceprincipal de l’activité convenue.

61

la prestation caractéristique139. C’est au juge qu’il revient de déterminer si « un lien » avec la

Communauté est « étroit » et de ce fait déclencher le mécanisme du standard minimum. Le

rôle du juge est donc crucial dans la mise en œuvre du standard minimum communautaire et

les présomptions posées par la Convention de Rome peuvent être utiles au juge pour conclure

à l’existence d’un lien étroit. En effet, si les rattachements retenus par la Convention de Rome

sont censés refléter les liens les plus étroits, a fortiori ils pourront servir au juge pour

déterminer l’existence d’un lien simplement étroit. Bien entendu, le juge ne devra pas se

limiter à ce type de rattachements, puisqu’il peut se contenter d’un lien simplement étroit. Il

incombe donc au juge de découvrir au fil des litiges les liens qui pourront être qualifiés

d’étroits.

II- L’importance du rôle du juge

Le juge ne disposant d’aucune directive lui indiquant les liens pouvant être jugés

« étroits », les risques de divergence de solutions d’un juge à l’autre et d’une situation à l’autre

ne sont pas négligeables. Cependant, il est souhaitable, au regard des objectifs poursuivis par

la règle de conflit communautaire, que l’appréciation du juge soit adaptée à chaque espèce.

Le standard minimum ne devrait intervenir que si les objectifs et la fonction qu’il

remplit sont mis en péril par la loi tierce choisie par les parties. De fait, le juge devrait être très

attentif quant à la réalité du lien étroit et quant au résultat que pourrait avoir l’application de la

loi tierce. Pour cela une appréciation, au cas par cas, du lien étroit s’impose. En effet, il peut

exister des liens plus étroits avec l’Etat tiers dont la loi a été choisie, le standard minimum

n’ayant pas pour prétention de désigner la loi qui entretient les liens les plus étroits avec le

contrat et de pallier un choix qui ne satisferait pas au principe de proximité, comme le montre

l’arrêt Ingmar. L’objectif du standard minimum est tout simplement de protéger la partie

faible impliquée dans une relation contractuelle, soumise à une loi tierce moins protectrice, et

de sauvegarder l’intérêt économique de la Communauté. La fonction que remplit la règle de

conflit communautaire justifie la mise à l’écart de la loi tierce choisie. Le lien étroit avec la

Communauté légitimant une telle intervention du droit communautaire. La Cour de justice des

139 Rattachement retenu par l’article 4 § 2 de la Convention de Rome.

62

Communautés européennes, dans le cadre de l’arrêt Ingmar, a d’ailleurs précisé que «… La

fonction que remplissent les dispositions en cause exige en effet qu’elles trouvent application

dès lors que la situation présente un lien étroit avec la Communauté, notamment quand l’agent

commercial exerce son activité sur le territoire d’un Etat membre… »140.

Dans le cadre de cette affaire, bien qu’un certain nombre d’éléments convergeaient

vers l’Etat tiers, dont la loi avait été choisie par les parties, la loi tierce a été écartée au profit

du droit harmonisé. Il est vrai qu’un seul lien étroit suffit à mettre à l’écart la loi tierce choisie

par les parties, cependant, on voit bien que le lien dont il s’agit en l’espèce est suffisamment

étroit pour justifier la mise à l’écart de la loi choisie par les parties. Le standard minimum

communautaire repose donc bien sur le principe de proximité puisqu’un simple lien ne sera

pas suffisant. Le lien étroit avec le territoire d’un Etat membre peut donc être retenu s’agissant

de l’exercice de l’activité sur le territoire communautaire, autrement dit de l’exécution du

contrat. Il ne s’agit pas là du seul élément susceptible d’être retenu. L’utilisation du terme

« notamment » montre bien que l’illustration donnée par la Cour n’est pas exclusive de toute

autre. Cependant, le lien devra satisfaire à la condition d’étroitesse. Selon le juge saisi, et son

interprétation de la situation, le lien sera jugé étroit ou non. Un lien du même type peut être

jugé étroit dans une situation, et ne pas l’être dans une autre. Une appréciation, au cas par cas,

de l’étroitesse est nécessaire. Le juge ne peut se limiter à une série de rattachements sensés

témoigner d’un lien étroit avec le territoire d’un Etat membre, il ne semble pas y avoir d’autre

choix pour lui que de se livrer à une interprétation in concreto.

La détermination du lien étroit confère au juge un pouvoir très important puisqu’il ne

dépend que de lui de mettre en œuvre le standard minimum et de bouleverser l’économie du

contrat. Cela, d’autant plus que si les parties ont choisi une loi applicable au contrat, c’est

pour soustraire celui-ci aux risques de l’imprévisibilité. Ainsi, on pourrait imaginer que si les

parties ont pris le soin de choisir une loi tierce pour régir leur contrat, ce peut être précisément

dans le but d’éviter la désignation, par la règle de conflit, de la loi d’un Etat membre, en

raison du lien étroit que le contrat entretient avec le territoire de la Communauté.

Nous assistons aujourd’hui à l’entrée d’une nouvelle méthode en droit international

privé, une méthode, reflétant l’émergence du droit international privé communautaire. Le droit140 CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, précité, point 25.

63

international privé doit, en effet, maintenant, compter avec le droit communautaire. La règle

du standard minimum oblige, de fait, le juge à revoir la configuration traditionnelle du conflit

de lois. Le juge n’est, donc, plus face à un conflit de lois nationales, mais plutôt face un

conflit d’ordres juridiques. Il doit trancher le conflit de lois en faveur du droit tiers ou du droit

communautaire. Le droit des Etats tiers, tout comme celui des Etats membres, est perçu

comme un ensemble, pour les nécessités du conflit de lois, bien qu’ils ne soient ni l’un, ni

l’autre, homogènes. En matière de conflits de lois, une source et une méthode nouvelles font

désormais partie du paysage juridique, et la CJCE semble être attachée à la mise en œuvre

d’une telle méthode par le juge. Mais la reconnaissance d’une méthode supplémentaire en

matière de conflits de lois complexifie la donne. Les sources du droit international privé sont,

en effet, déjà bien nombreuses, et cet accroissement des sources et des méthodes de règlement

des conflits de lois a occasionné de nombreuses difficultés pour les juges141. Cependant,

l’émergence d’un ordre juridique communautaire a rendu nécessaire la création d’une

méthode propre au droit communautaire, constituant le trait d’union entre les deux matières.

Néanmoins, l’arrivée en droit international privé d’une méthode, à même de balayer la loi

d’autonomie, aura nécessairement une influence sur la configuration du conflit de lois en

matière contractuelle.

141 Notamment en matière de conflits de conventions.

64

Chapitre 2 :

La règle du standard minimum :

l’influence possible sur le conflit de lois

65

Chapitre 2 : La règle du standard minimum : l’influence possible

sur le conflit de lois

La règle du standard minimum communautaire, telle que rédigée dans l’essentiel des

directives communautaires protectrices du consommateur, est susceptible d’engendrer un

certain nombre de conflits de méthodes. Ces conflits ne sont pourtant que « potentiels »142, car

la règle du standard minimum communautaire est appelée à être transposée par les Etats

membres. Cependant, les Etats membres étant libres quant aux moyens à mettre en œuvre

pour parvenir aux résultats prescrits par la directive, ils peuvent tout à fait choisir de

transposer la règle de conflit sans modifier sa rédaction.

La règle du standard minimum conduit à la mise à l’écart de la loi tierce choisie par les

parties; de fait, s’il y avait une hiérarchie à établir entre ces deux méthodes, nul doute que la

première prévaudrait sur la seconde. Ainsi, d’une manière plus générale, on pourrait dire que

la règle du standard minimum communautaire prévaut sur la loi d’autonomie. Son influence

sur la hiérarchie des méthodes ne fait, alors, pas de doute. Si les répercussions sont certaines,

elles seront d’une intensité variable selon les contrats.

En certaines matières, l’arrivée de cette nouvelle méthode pourra accentuer les

difficultés de résolution du conflit de lois. Bien plus qu’une influence, cette intervention de la

règle de conflit communautaire peut être perçue comme une véritable perturbation du conflit

de lois. Ceci étant, l’influence que la règle de conflit communautaire a, sur le conflit de lois,

est limitée. En effet, cela ne concerne que la protection de la partie faible lorsque la relation

contractuelle concerne la Communauté. Elle n’affecte donc pas toutes les relations

contractuelles de caractère international.

Par ailleurs, cette influence peut s’avérer être utile en ce qui concerne le

consommateur car, le régime protecteur prévu par la convention de Rome, a montré ses142 Jayme (E.) et Kohler (C.), précité, p. 13.

66

insuffisances. La règle de conflit peut dès lors être un moyen de combler les lacunes du droit

commun des obligations contractuelles.

Si l’influence de la règle du standard minimum communautaire sur le conflit de lois

peut se traduire par une véritable perturbation de celui-ci (section 1), elle peut également

l’enrichir utilement en ce qui est de la protection du consommateur (section2).

Section 1 : La perturbation du conflit de lois

L’intervention du droit communautaire en droit international privé des contrats, par le

biais des directives instaurant la règle du standard minimum communautaire, est susceptible

de complexifier la résolution des conflits de lois.

Le juge voit, de fait, sa tache considérablement alourdie143. En effet, ce dernier ne

dispose pas d’éléments permettant de coordonner la règle de conflit communautaire avec les

autres méthodes existantes et susceptibles de se trouver en conflit avec elle. Sa position n’est

clairement définie que par rapport à la loi d’autonomie.

Il s’agit, non seulement d’une méthode supplémentaire dans un contexte de pluralité

de méthodes, ce qui accentue les difficultés de coordination, mais il s’agit, en plus, d’une

méthode « d’éviction substitution » de la loi applicable au contrat, susceptible d’occuper une

place de choix dans la hiérarchie des méthodes du droit international privé. Dès lors, des

conflits de méthodes pourront apparaître. Cependant, une nouvelle rédaction de la règle du

standard minimum communautaire pourrait pallier certains de ces inconvénients. Le

législateur national, lors de la transposition de la règle du standard minimum communautaire,

pourrait remédier à certaines insuffisances de celle-ci.

143 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 294, « …le juge du for serait donc obligé de réaliser un examencomparatif ».

67

Paragraphe 1 : Les conflits de méthodes potentiels

La multiplication des méthodes et des sources du droit international privé accroît les

difficultés de résolution du conflit de lois144. L’intervention du droit communautaire,

matérialisée par la règle du standard minimum, a renforcé, en effet, les difficultés de

coordination des méthodes au sein de la hiérarchie des méthodes.

Le juge, dans le cadre du conflit de lois, doit jongler avec divers instruments, mais

aussi diverses méthodes. L’agencement des différentes méthodes entre elles peut s’avérer, à ce

titre, être une tâche difficile. Le juge voit s’ajouter à la palette des méthodes permettant de

résoudre un conflit de lois une méthode supplémentaire, méthode dont la place dans la

hiérarchie des méthodes n’est, cependant, pas connue. Certains conflits, comme celui pouvant

se présenter entre la loi de police du for et la règle du standard minimum communautaire, ne

poseront pas de difficultés. Dans de telles hypothèses, nous pouvons supposer que le juge du

for ne se rendra même pas compte de l’existence d’un conflit, puisque la loi de police fait

faire l’économie d’un raisonnement145. En pratique, le juge saisi du litige et trouvant une loi de

police dans son ordre juridique l’appliquera sans se soucier de la loi applicable au contrat146. Il

en sera de même s’agissant du conflit pouvant se présenter entre la règle du standard

minimum communautaire et la Convention de La Haye de 1955 si le contrat conclu par le

consommateur est un contrat de vente. En effet, en vertu du principe selon lequel le spécial

déroge au général147, il semblerait q’une règle spécialement conçue pour les contrats conclus

144 Gannagé (L.), précitée, p. 3. « La multiplication des sources a contribué à remodeler la configurationgénérale de la matière. Emanant désormais d’autorités différentes, le droit international privé est le produitd’une élaboration compartimentée détachée de toute vision d’ensemble […] La matière est désormais semblableà toutes les branches du droit : elle accuse un éparpillement des sources qui conduit à un enchevêtrementirréversible des règles de droit. Les risques de contradictions et d’antinomies se multiplient ». 145 Francescakis (Ph.), précité.146 Une telle hypothèse devrait être exceptionnelle. Ce conflit supposerait que le litige concerne un contrat pourlequel les parties auraient choisi une loi tierce moins favorable que le droit harmonisé, qu’il y ait un lien avec leterritoire d’un ou de plusieurs Etats membres et qu’une loi de police du for revendique le même champd’application que le standard minimum communautaire mais qu’elle prévoit une solution substantielle différente.Quand bien même un tel conflit pourrait se produire, il semblerait que la loi de police doive conserver sa positionhiérarchique actuelle. La loi de police devrait primer la règle du standard minimum communautaire dans lahiérarchie des méthodes (sous réserve de sa conformité aux conditions fixées par l’arrêt Arblade du 23 novembre1999). 147 Audit (B.), Droit international privé, Economica, 3ème éd., n° 61.

68

par un consommateur doive prévaloir sur les règles issues d’une convention ne faisant pas de

distinction entre le consommateur et le professionnel dans le cadre d’un contrat de vente. Le

raisonnement serait analogue à celui concernant les rapports entre la Convention de Rome et

la Convention de La Haye du 1955148. Cependant si certains conflits peuvent être aisément

solutionnés, d’autres soulèvent des difficultés non encore résolues.

I- La coordination entre le standard minimum communautaire et la loi d’autonomie

La coordination entre la règle du standard minimum communautaire et la loi

d’autonomie est sans doute le point qui présente le moins de difficultés pour le juge du for. En

effet, d’une part ce conflit ne met en « concurrence » que deux méthodes de règlement des

conflits de lois, d’autre part, la solution du conflit est indiquée au juge par l’une des deux

méthodes en présence.

Ce sera, par exemple, le cas d’un contrat conclu avec un consommateur en 2000,

n’entrant pas dans le cadre de l’article 5 de la Convention de Rome, contrat dans lequel les

parties auraient fait un choix quant à la loi applicable, choix qui se serait porté sur la loi d’un

Etat tiers. Si pour la question soulevée devant le juge, une directive communautaire149 prévoit

un régime protecteur et que le contrat entretient un lien étroit avec le territoire d’un Etat

membre, deux règles de droit international privé seront susceptibles d’entrer en jeu. Un tel148 Audit (B.), précité, n° 809. Concernant les rapports entre la Convention de Rome, en ce qu’elle prévoit unerègle de conflit protectrice du consommateur, et la Convention de La Haye de 1955, l’auteur précise qu’ « Ilsemble préférable de déclarer applicable la Convention de Rome qui contient une règle spécifique. En effet, cetinstrument satisfait à la fonction de la règle de conflit propre aux contrats de consommation […] cette approcherejoint une proposition émise lors de la quatorzième session (1980) de La Haye où a été reconnue la possibilitépour les Etats de déroger à la Convention de 1955 pour les rapports de consommation, au profit de règles deconflits plus adaptées » ; Lagarde (P.), « Heurs et malheurs de la protection internationale du consommateur dansl’Union européenne », précité, p. 524, « La concurrence entre les conventions de Rome et de La Haye de 1955pourrait être aisément éliminée, au moins pour les ventes aux consommateurs, par un recours explicite à ladéclaration de La Haye de 1980 ». Il semblerait qu’une telle solution soit transposable à l’hypothèse d’un conflitentre la Convention de La Haye de 1955 et la règle du standard minimum communautaire issue des directivesspécifiques aux relations avec le consommateur. Le principe de primauté du droit communautaire pourraitégalement conduire à une telle solution. 149 On se référera pour les différents exemples à la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 précitée, art. 12 §2, « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que le consommateur ne soit pasprivé de la protection accordée par la présente directive du fait que la loi choisie pour régir le contrat serait laloi d’un Etat tiers, si le contrat présente un lien étroit avec le territoire d’un ou plusieurs Etats membres ». Cettedirective doit être transposée par les Etats membres au plus tard le 9 octobre 2004 (article 21).

69

contrat, bien que ne bénéficiant pas de la protection accordée par l’article 5 paragraphe 2 de la

Convention de Rome, entre dans le cadre de l’article 3 de la même convention, autrement dit,

du principe de la loi d’autonomie. Parallèlement à cela, on admet que le contrat entre dans le

champ d’application matériel d’une directive communautaire instaurant un régime protecteur

du consommateur et comportant une règle de conflit visant à assurer un seuil minimum de

protection pour le consommateur ; on admet par ailleurs que le contrat remplisse les

conditions nécessaires à la mise en œuvre de la règle du standard minimum communautaire de

la directive.

S’agissant d’un conflit « potentiel », on ne s’intéressera qu’aux conséquences

susceptibles de se produire du fait de l’intervention de la règle de conflit telle que rédigée

dans la directive. L’intérêt d’un tel examen réside dans la possibilité de mettre en évidence les

insuffisances de la règle de conflit avant transposition par les Etats membres ; sachant que les

Etats membres peuvent conserver la rédaction de la règle du standard minimum

communautaire telle qu’elle résulte de la directive communautaire.

Si l’on schématise le travail du juge, celui-ci va, dans un premier temps, qualifier lege

fori le problème juridique qui se pose, pour ensuite se tourner vers son système de résolution

des conflits de lois. S’agissant d’une question pour laquelle une directive communautaire

prévoit une règle du standard minimum communautaire, il trouvera dans son ordre juridique

deux instruments comportant des règles de conflit de lois pouvant trancher le conflit. Il s’agira

de la Convention de Rome d’une part, et de la disposition nationale transposant la directive

communautaire instaurant une protection du consommateur, d’autre part. La règle de conflit

issue de la Convention de Rome, convention internationale, prévoit que la loi applicable au

contrat est celle choisie par les parties (puisque par hypothèse le contrat n’entre pas dans le

cadre de l’article 5 de la dite convention). La règle de conflit issue de la directive

communautaire limite le jeu de la loi tierce choisie par les parties, lorsque le contrat présente

un lien étroit avec le territoire d’un Etat membre. Si le contrat présente effectivement un lien

avec le territoire d’un Etat membre, le droit tiers, selon la règle du standard minimum

communautaire, ne sera pas applicable si la protection qu’il met en place est moins importante

pour le consommateur que celle instaurée par la directive.

70

Le juge doit donc examiner les conditions de mise en œuvre de la règle de conflit

communautaire pour voir si celle-ci est applicable. Si c’est le cas (c'est-à-dire si le contrat

présente un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs Etats membres et si les parties ont

choisi une loi tierce dont la protection est inférieure à celle prévue par la directive

communautaire qui comporte la règle du standard minimum), les deux règles sont

concurrentes.

Le juge doit-il faire un choix parmi les règles de conflit ? Une combinaison des règles

de conflit peut-elle être envisagée ?

La portée des deux règles de conflit est différente. La règle de conflit de la Convention

de Rome entend désigner la loi applicable au contrat dans son ensemble. La règle de conflit

communautaire n’a pas une portée aussi grande. En effet, celle-ci n’entend pas désigner la loi

applicable au contrat dans sa globalité, mais uniquement à l’aspect du contrat pour lequel une

directive communautaire, prévoyant un régime protecteur, comporte une règle du standard

minimum (les clauses abusives dans le contrat conclu avec le consommateur par exemple). La

loi d’autonomie ainsi que la loi désignée par la règle de conflit communautaire, pourront régir

le contrat. Seulement, s’agissant du point de contact que constitue le domaine dans lequel

interviennent la règle du standard minimum communautaire et la loi d’autonomie, il y aura un

conflit. La combinaison ne sera pas possible puisque les deux méthodes désignent des lois

différentes (c’est d’ailleurs l’objet de la règle du standard minimum communautaire). Le juge

devra choisir entre la règle de conflit issue de la directive communautaire et la règle de la loi

d’autonomie, issue de la Convention de Rome.

Les deux règles de conflit ayant vocation à régir le même aspect du litige, et tendant

vers la désignation de deux lois différentes, le juge sera amené à faire un choix. Le choix est

d’autant plus nécessaire que la désignation de l’une ou l’autre loi n’aboutira pas à la même

solution au fond, puisque par hypothèse, la règle de conflit communautaire n’intervient que

parce que le droit tiers choisi par les parties pour régir leur contrat, est moins protecteur de la

partie faible que le droit harmonisé sur un point particulier de la relation contractuelle, ce qui

implique, par ailleurs, que le juge se soit préalablement livré à une étude comparative du

contenu des deux législations.

71

Ce type de conflit est alors très proche de celui qui mettrait en présence une loi de

police du for (dont la qualité de loi de police résulterait d’une disposition du législateur) et la

loi choisie par les parties. La seule différence est que le juge national, confronté à une loi de

police, l’appliquera immédiatement sans se soucier du contenu de la loi choisie par les parties,

alors que confronté au standard minimum communautaire, il doit se livrer à un tel examen.

Le juge est face à deux règles de conflit émanant de sources distinctes, mais

appartenant toutes deux à son ordre juridique. Sur quel(s) critère(s), le juge va-t-il se fonder

pour choisir l’une ou l’autre règle de conflit ?

Si l’on reprend l’exemple cité précédemment, nous avons vu que la détermination de

la loi applicable dans cette hypothèse relevait de la Convention de Rome et plus précisément

de son article 3. Cette convention comporte une clause de compatibilité qui prévoit la

primauté du droit communautaire150. Le juge pourra donc faire jouer la règle du standard

minimum communautaire. Dans ce cas, les deux méthodes s’articulent parfaitement.

Cependant, certains auteurs ont critiqué le recours à l’article 20, comme fondement de

la supériorité de la règle du standard minimum communautaire sur la règle de la loi

d’autonomie151. En effet, selon eux, cet article ne pourrait justifier que la supériorité des règles

de conflit classiques insérées dans les directives communautaires (telles les règles de conflit

en matière d’assurance152). Il serait, toujours selon ces auteurs, plus approprié de justifier la

supériorité de la règle du standard minimum communautaire par le recours à l’article 7 § 2 de

la Convention de Rome, autrement dit, d’attribuer à ce type de règle la qualité de loi de

police153. Mais nous avons vu que si la méthode dont se rapproche le plus la règle du standard

150 Art. 20 de la Convention de Rome.151 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 309. Les auteurs invoquent au soutien de leur point de vue unargument d’ordre linguistique. Selon eux, le texte anglais de la Convention de Rome adopte une expression plusrestrictive ne permettant pas de prendre en compte la règle du seuil minimum communautaire : « provisionswhich… lay down choice of law rules ». On pourrait répondre à cela que la Convention de Rome datant du 19juin 1980 ne pouvait exclure un type de règles qui n’existait pas encore lors de son élaboration. De fait, si laConvention de Rome prévoit la supériorité des règles de conflit d’origine communautaire, il faut entendrel’expression largement et y inclure la règle du standard minimum communautaire puisqu’elle permet, elle aussi,de trancher un conflit de lois en désignant le droit harmonisé. 152 Il s’agira par exemple des règles de conflit contenues dans la directive « assurance non vie » du 22 juin 1988,précitée.153 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 309, « Si l’expression figurant à l’article 20 n’est pas apte àcouvrir ce genre de règle, une autre voie qui s’offre est celle de l’article 7, point 2 de la Convention de Rome ».

72

minimum communautaire est celle des lois de police, un certain nombre d’éléments séparent,

pourtant, les deux méthodes. Par ailleurs, rien, dans l’énoncé de l’article 20 ne justifie la mise

à l’écart de la règle du standard minimum communautaire. Quand bien même les critiques de

ces auteurs auraient été fondées, la justification de la primauté de la règle de conflit

communautaire sur celle conventionnelle pourrait être trouvée ailleurs.

Seulement, bien que théoriquement limitée à la protection du consommateur et du

travailleur, on a pu voir en pratique qu’une telle règle pouvait intervenir en d’autres matières.

L’arrêt Ingmar, comme nous avons pu le constater, énonce une règle similaire à celles

contenues dans les directives communautaires protectrices du consommateur ou du

travailleur, à la seule différence qu’il s’agissait là d’une question touchant au contrat d’agence

commerciale internationale.

Certes, une directive communautaire prévoit dans ce domaine un régime protecteur

pour l’agent commercial, comme c’est le cas pour le consommateur ou le travailleur, mais

aucune règle de conflit imposant un standard minimum de protection n’est énoncée par la

directive de 1986. La Cour, saisie d’une question préjudicielle en interprétation à l’occasion

de l’affaire Ingmar a, en quelque sorte, pallié cette lacune. La règle énoncée par la Cour à

l’occasion de cette affaire, si elle ne concerne pas toutes les parties faibles qui ont choisi une

loi tierce moins protectrice que le droit harmonisé, concerne au moins le contrat d’agence

commerciale. Or, le contrat d’agence commerciale ne relève pas de la Convention de Rome.154

C’est la Convention de La Haye de 1978 qui permettra de déterminer la loi applicable. Cette

convention ne prévoit pas de disposition similaire à celle de l’article 20 de la convention de

Rome. La Convention de La Haye comprend certes une clause de compatibilité, mais celle-ci

vise les « instruments internationaux » et non pas le droit communautaire, comme c’est le cas

pour la Convention de Rome155.

La règle de conflit de la Convention de La Haye et la règle du standard minimum

communautaire, qui depuis l’arrêt Ingmar, doit être comprise comme faisant partie intégrante

154 Pour ce qui est des relations entre le représenté et l’intermédiaire, le contrat d’agence commerciale relève de laConvention de Rome lorsque le contrat dont il s’agit est un contrat de travail. Dans ce cas, la nature du contrat(contrat de travail) l’emporte sur l’objet. Art. 10 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978.155 Art. 22 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, « La Convention ne déroge pas aux instrumentsinternationaux auxquels un Etat contractant est ou sera partie et qui contiennent des dispositions sur lesmatières réglées par la présente convention ».

73

de la directive de 1986, proposent une issue différente au conflit de lois156. La Convention de

La Haye de 1978 consacre le principe de la loi d’autonomie à l’article 5 : les parties pouvant

choisir la loi applicable à leur contrat, leur choix pourra donc se porter sur la loi d’un Etat

tiers (qui peut être moins protectrice que le droit harmonisé, s’agissant d’un litige concernant

l’indemnité due à l’agent en fin de contrat).

Si les conditions de mise en œuvre de la règle du standard minimum communautaire

sont satisfaites157, le juge sera face à deux règles susceptibles de résoudre le conflit de lois,

l’une retenant le principe de la loi d’autonomie, et l’autre le limitant. Seulement, le juge ne

dispose pas en matière de contrats d’intermédiaires d’une règle similaire à celle de l’article 20

de la Convention de Rome, et la loi d’autonomie est un des piliers du droit des contrats

internationaux. Les seules méthodes en droit international privé permettant d’écarter la règle

de conflit sont le mécanisme de l’ordre public et la méthode de la loi de police. Or, il n’est pas

certain que la règle du standard minimum communautaire puisse être confondue à ces

méthodes, bien qu’elle s’en rapproche indéniablement.

Le fondement de la primauté qu’entend avoir la règle du standard minimum

communautaire sur la loi d’autonomie doit être recherché ailleurs158. Le juge face à ces deux

règles de conflit dispose d’un instrument lui permettant de trancher le « conflit de méthodes ».

La hiérarchie des normes pourrait justifier la primauté de la règle de conflit communautaire

sur la loi d’autonomie (qui est une règle de conflit d’origine conventionnelle)159.

156 En ce qui concerne l’affaire Ingmar, ni la Convention de Rome ni celle de La Haye n’étaient applicablespuisqu’il s’agissait d’un contrat conclu avant l’entrée en vigueur des deux conventions. En effet, la Conventionde La Haye de 1978 est entrée en vigueur le 1er mai 1992, celle de Rome est entrée en vigueur le 1er avril 1991 etson article 17 prévoit que celle-ci n’est applicable qu’aux contrats conclus après son entrée en vigueur. Or, danscette affaire, le contrat d’agence commerciale entre Eaton et Ingmar a été conclu en 1989.157 La règle du standard minimum communautaire en matière d’agence commerciale, énoncée par l’arrêt Ingmaret ayant vocation à intégrer la directive communautaire de 1986, conduit à limiter le jeu de la loi tierce lorsqu’ilexiste un lien étroit avec le territoire d’un Etat membre et que la loi tierce est moins protectrice des intérêts del’agent commercial que le droit harmonisé (résultant de la directive de 1986).158 Gannagé (L.), précitée, p. 3, « La matière est désormais semblable à toutes les branches du droit : elle accuseun éparpillement des sources qui conduit à un enchevêtrement irréversible des règles de droit. Les risques decontradictions et d’antinomies se multiplient, la hiérarchie des normes fait inévitablement son entrée dans lasphère des conflits de lois ». 159 Gannagé (L.), précitée, p.7, « Ce classement rigide, qui se déploie de manière implacable toutes les fois queles règles en conflit émanent de source différente, n’est pas pour autant dépourvu de toutes vertus. […] Face àla prolifération des sources du droit, il permet d’éviter que l’agencement des normes juridiques ne relève de laseule impulsion du juge ».

74

En effet, la règle du standard minimum communautaire émane de directives

communautaires (l’interprétation de la CJCE a la même valeur que la directive

communautaire qu’elle interprète). La règle de conflit désignant la loi d’autonomie quant à

elle émane d’une convention internationale. Dans la hiérarchie des normes, le droit

communautaire occupe une place privilégiée. Il prime aussi bien sur le droit interne que sur la

majorité des conventions internationales160. La règle de conflit communautaire pourra donc

limiter le jeu de la règle de conflit issue de la Convention de La Haye (dans la mesure de ce

qui franchit le seuil minimal de protection fixé par la directive communautaire). Le même

raisonnement pourrait être tenu s’agissant de la Convention de Rome. Etant une convention

internationale et indépendamment de l’article 20, celle-ci doit laisser place aux instruments

communautaires intervenant en matière de conflits de lois.

Si ce type de conflit, mettant en cause la loi tierce choisie par les parties et la règle du

standard minimum communautaire, trouve sa solution dans la hiérarchie des normes ou dans

l’article 20 de la Convention de Rome, il est d’autres situations bien plus complexes. Le

facteur de complication provient essentiellement de la multiplication des méthodes ou des

règles ayant vocation à régler le conflit de lois. Le conflit « règle du standard minimum, règle

à coloration matérielle de la Convention de Rome » en est un parfait exemple.

II- La coordination entre le standard minimum communautaire et l’article 5 paragraphe

2 de la Convention de Rome

La règle de conflit de l’article 5 paragraphe 2 de la Convention de Rome, tout comme

la règle du standard minimum communautaire, prévoit un mécanisme de protection du

consommateur. La coordination des deux règles, pour la résolution du conflit de lois peut160 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 309, L’article 307 TCE prévoit que « Les droits et obligationsrésultant de conventions conclues antérieurement au 1er janvier 1958 ou, pour les Etats adhérents,antérieurement à la date de leur adhésion, entre un ou plusieurs Etats membres, d’une part, et un ou plusieursEtats tiers, d’autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité ». Seule l’hypothèse d’uneconvention conclue avec un ou plusieurs Etats tiers avant l’entrée de l’Etat membre dans la communauté permetd’échapper au principe de primauté du droit communautaire sur les conventions internationales. « La Cour dejustice interprète de manière restrictive cette disposition. Ce n’est que l’engagement de l’Etat membre concernéde respecter les droits des Etats tiers qui est préservé. Par contre, les droits qui résultent pour cet Etat membresont évincés dans la mesure où ils sont incompatibles avec les obligations découlant du traité ou le cas échéantde l’instrument de droit dérivé concerné ».

75

s’avérer être très difficile puisque toutes deux revendiquent un même champ d’application

matériel.

Lorsque le contrat conclu par un consommateur entre dans le cadre de l’article 5 de la

Convention de Rome, le consommateur bénéficie d’un régime protecteur mis en place par la

convention : soit le consommateur n’a pas choisi la loi applicable au contrat, et dans ce cas se

sera la loi de son pays de résidence qui sera applicable, soit le consommateur a fait usage de

cette faculté de choix offerte par la Convention de Rome, et dans ce cas l’article 5 paragraphe

2 interviendra pour limiter les effets de la loi choisie. Le choix de la loi fait par le

consommateur ne pourra le priver de la protection que lui assurent les dispositions

impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle. Les dispositions

impératives de la loi du pays de résidence du consommateur agissent comme un seuil

minimum en dessous duquel la loi choisie ne peut aller.

Cet article ne pose cependant aucune limite au choix de la loi par le consommateur.

Ainsi, il sera possible pour ce dernier de choisir la loi d’un Etat tiers. Si tel est le cas, un autre

type de règle pourra intervenir (si les conditions de mise en œuvre en sont satisfaites). En

effet, la règle du standard minimum communautaire pourrait, elle aussi, avoir vocation à

résoudre le conflit de lois. En vertu de cette règle, la loi tierce qu’il aura choisi pour régir son

contrat ne pourra le priver de la protection accordée par la directive communautaire. Le juge

du for trouvera là encore, dans son ordre juridique, deux règles de conflits concurrentes,

revendiquant un même champ d’application matériel.

Le mécanisme de l’article 5 paragraphe 2 de la Convention de Rome se rapproche

particulièrement de celui de la règle de conflit communautaire. Les deux règles de conflit

assurent au consommateur un socle minimal de protection. Seulement, s’agissant de la règle

de conflit de l’article 5 paragraphe 2, aucune loi choisie par les parties ne pourra franchir le

seuil minimal que constituent les dispositions impératives de la loi de résidence habituelle du

consommateur, tandis que la règle du standard minimum communautaire ne limite que la loi

tierce choisie par les parties. Par ailleurs, la règle du standard minimum communautaire

garantit une protection issue du droit communautaire, tandis que l’article 5 paragraphe 2

76

garantit une protection issue des dispositions impératives de la loi de résidence habituelle du

consommateur, que cette loi soit celle d’un Etat membre ou non.

Il est tout à fait concevable qu’un contrat réunisse les conditions de mise en œuvre des

deux règles de conflit. Ce sera le cas d’un contrat entrant dans le cadre de l’article 5, où les

parties auraient fait le choix d’une loi tierce, et qui entretiendrait un lien étroit avec le

territoire d’un ou de plusieurs Etats membres. Un tel contrat bénéficierait cumulativement de

deux régimes protecteurs. La loi tierce choisie par les parties sera limitée par le droit

communautaire (au titre de la règle de conflit communautaire, si elle en remplit les conditions

de mise en œuvre), mais aussi par l’article 5 paragraphe 2 de la Convention de Rome. Une

difficulté réelle se pose pour coordonner les différentes règles de conflit et les lois qu’elles

désignent. Malheureusement, la règle de conflit communautaire est muette à ce sujet. Nous

disposons cependant de quelques éléments nous permettant de parvenir à une solution.

La règle de conflit communautaire garantit un seuil minimum de protection constitué

par le droit communautaire; par ailleurs les dispositions impératives de la loi de résidence

habituelle du consommateur constituent également un seuil que la loi choisie ne pourra

franchir (dans une telle hypothèse, ce sera nécessairement une loi tierce puisque sinon la règle

de conflit communautaire ne jouerait pas). La loi choisie par les parties devra donc respecter

le minimum imposé par la directive communautaire, qui comporte un standard minimum,

mais aussi celui résultant des dispositions impératives de la loi du pays de résidence.

Si l’on examine les différents cas de figure pouvant se présenter, s’agissant d’un

contrat entrant dans le cadre des deux règles de conflit, on se rend très vite compte des

difficultés de coordination que provoque l’intervention de la règle de conflit communautaire

dans certaines hypothèses.

Tout d’abord, il est possible que la loi tierce choisie par les parties soit aussi

protectrice, voire plus protectrice que le droit harmonisé et les dispositions impératives du

pays de résidence habituelle du consommateur161. Dans ce cas, la loi tierce choisie sera

161 De Matos (A-M.), « Consommation transfrontière : d’un espace cloisonné à un espace judiciaire européen »,REDC, 2000, p. 162. La protection résultant des dispositions impératives de la loi de résidence du consommateurn’est pas obligatoirement la plus favorable au consommateur. La protection tient davantage au fait que leconsommateur connaît mieux sa loi de résidence qu’une autre. Il s’agit en fait de « La protection à laquelle le

77

applicable sans aucune limitation (sauf intervention d’un autre mécanisme d’éviction du droit

international privé tel que celui des lois de police). Ni l’article 5 paragraphe 2 de la

Convention de Rome, ni la règle de conflit communautaire ne pourront corriger le choix fait

par les parties.

Si la loi tierce choisie par les parties ne respecte pas le seuil minimum de protection

fixé par la directive, mais respecte, en revanche, celui constitué par les dispositions

impératives de la loi de résidence habituelle du consommateur, la règle de conflit de l’article 5

paragraphe 2 n’aura pas à intervenir pour corriger le choix de la loi fait par les parties.

Cependant, la règle de conflit communautaire aura vocation à écarter la loi choisie, pour ce

qui est des dispositions qui franchissent le seuil fixé par le droit harmonisé. Dans cette

hypothèse, aucun problème de coordination ne va se poser, puisqu’une seule des deux règles

de conflit sera mise en œuvre. Il en sera de même si la loi tierce franchit le seuil minimum de

protection fixé par les dispositions impératives du pays de résidence, mais non celui fixé par

le droit harmonisé. Cette hypothèse suppose que les dispositions du pays de résidence soient

plus protectrices du consommateur que celles résultant de la directive communautaire. Il

pourra s’agir dans ce cas d’un pays tiers, mais il peut tout à fait s’agir d’un pays de la

Communauté ayant adopté une législation plus protectrice que celle, minimale, exigée au titre

du droit communautaire162. Dans ce cas, la règle de conflit communautaire n’interviendra pas.

Il n’y aura donc, là encore, pas de conflit possible entre les deux méthodes puisqu’une seule

des deux sera amenée à corriger la loi choisie par les parties.

On pourra parler d’un véritable « conflit de méthodes » lorsque les deux règles de

conflit seront appelées à trancher le conflit de lois. Autrement dit, il s’agira du cas de figure

où la loi tierce choisie par les parties ne respecte ni le seuil de protection fixé par la directive

communautaire protectrice du consommateur, ni celui constitué par les dispositions

impératives du pays de résidence habituelle du consommateur. En pareille situation, la règle

de conflit communautaire, tout comme l’article 5, évince la loi choisie par les parties. La règle

consommateur est habitué dans son propre Etat ».162 Pombieilh (D.), « Le point de vue des juridictions régionales sur la notion de consommateur », Droit etpatrimoine, octobre 2002, n° 108, p. 61, « Les directives consuméristes, tout en imposant aux Etats membresl’obligation de transcrire les dispositions contraignantes qu’elles contiennent, leur laissent cependant unecertaine marge de manœuvre pour préserver leurs droits internes. Cette marge de manœuvre tient déjà aucaractère minimal de ces directives duquel il résulte que les Etats membres sont libres de s’en tenir au niveaude protection imposé par la directive ou au contraire d’aller au-delà de ce niveau de protection communautaireen maintenant ou en adoptant des dispositions plus sévères ».

78

du standard minimum communautaire ne permet d’écarter que la loi choisie par les parties,

elle ne se prononce pas sur sa position par rapport à la loi non choisie (et résultant par

exemple de la désignation par l’article 5 paragraphe 2 des dispositions impératives de la loi de

résidence habituelle du consommateur). Dans cette hypothèse, il sera difficile de coordonner

les deux méthodes puisque le juge ne dispose d’aucune directive en la matière. La règle de

conflit communautaire est muette à ce sujet tout comme les directives dont elle est issue. De

fait, la hiérarchie des méthodes de règlement des conflits de lois ne sera d’aucun secours

puisque si nous connaissons la position de la règle de conflit par rapport à la loi d’autonomie,

nous ne savons rien de sa position par rapport aux autres méthodes.

Plusieurs déclinaisons de ce conflit sont, en effet, possibles. Les dispositions

impératives de la loi de résidence habituelle du consommateur (loi de résidence) peuvent, tout

en étant plus protectrices que la loi tierce choisie par les parties, être également soit plus

protectrices que le droit harmonisé, soit moins protectrices. Il se peut également que la règle

du standard minimum communautaire et l’article 5 paragraphe 2 conduisent à la désignation

de la même loi (ce qui implique que le consommateur réside habituellement sur le territoire

d’un Etat membre), auquel cas il y aurait un double emploi des règles de conflit en présence

et, ainsi, aucun conflit. Il se pourrait, enfin, que les lois désignées par les deux règles de

conflit prévoient une protection équivalente ; si cela était le cas, on pourrait appliquer l’une ou

l’autre des lois. Or il n’est pas du tout certain que les seuils fixés par les deux règles soient

identiques, le problème ne se pose réellement que lorsque les seuils fixés par les dispositions

impératives de la loi de résidence et par le droit communautaire sont différents. Quel seuil

faut-il alors retenir ?

Choisir parmi les seuils que représentent le droit harmonisé d’une part et les

dispositions impératives de la loi du pays de résidence, suppose qu’il y aurait une hiérarchie

entre les deux règles de conflit ; or, ce n’est pas le cas, puisque la méthode communautaire

n’occupe pas une place bien définie dans la hiérarchie des méthodes. Si l’on est sûr qu’en

pareille situation, la loi tierce choisie par les parties sera écartée, on ne sait pas, pour autant,

quelles dispositions lui substituer. Faut-il remplacer la loi tierce par le droit harmonisé, par les

dispositions impératives du pays de résidence du consommateur ou par une combinaison des

deux lois, et trouver en quelque sorte un seuil intermédiaire de protection ? Puisqu’il n’y pas

79

de hiérarchie établie entre ces deux méthodes (qui entendent toutes deux évincer la loi choisie,

mais désignent des lois au seuil de protection différent), la combinaison des deux régimes

pourrait être envisagée. Combiner les seuils de protection exigerait du juge qu’il se livre à une

étude comparative des deux seuils de protection (autrement dit des dispositions protectrices

résultant de la directive communautaire et des dispositions impératives du pays de résidence

habituelle du consommateur), alors que celui-ci s’est déjà livré à une étude comparative de

chacun de ces seuils par rapport à la loi tierce choisie. Puis, il serait amené à combiner les

deux régimes protecteurs du consommateur. Il faut convenir qu’une telle solution alourdirait

considérablement le travail du juge.

Par ailleurs, pour certains aspects du litige, la combinaison n’est pas réalisable. Ainsi,

si le droit harmonisé et les dispositions impératives de la loi de résidence du consommateur

prévoient toutes deux un délai de rétractation, mais dont la durée diffère, le juge devra faire un

choix. Il n’est pas souhaitable qu’il puisse « fabriquer » un régime protecteur à mi-chemin

entre le droit communautaire et les dispositions impératives de la loi de résidence du

consommateur. Une telle combinaison ne pourrait se faire sans une part certaine d’arbitraire.

La conclusion selon laquelle les règles de conflit issues du droit communautaire

priment sur celles issues du droit conventionnel confirme la supériorité de la règle du standard

minimum communautaire sur la loi d’autonomie, supériorité que revendique la règle elle-

même. Mais la règle du standard minimum communautaire ne livre aucune indication sur la

position qu’elle entend avoir par rapport à la règle de l’article 5 paragraphe 2 de la Convention

de Rome. Cependant, si les deux règles de conflit, qui revendiquent un champ d’application

identique, sans se prononcer sur leur position au sein de la hiérarchie des méthodes,

garantissent un seuil de protection différent, un choix s’impose.

Si la hiérarchie des méthodes n’est d’aucun secours, le conflit n’est pas pour autant

insoluble. En effet, l’article 5 paragraphe 2 est issu de la Convention de Rome, laquelle

prévoit, en l’article 20, la primauté du droit communautaire. Cet article pourrait être le moyen

de mettre à l’écart la règle de l’article 5 paragraphe 2.

80

Si la protection issue de la directive communautaire est plus avantageuse que celle

résultant des dispositions impératives de la loi de résidence habituelle du consommateur,

l’intervention de la règle de conflit communautaire aura profité au consommateur. La règle de

conflit communautaire aura eu pour effet de rehausser le niveau de protection du

consommateur, tout comme cela aurait été le cas si elle n’était en présence que de la loi

choisie par les parties. Mais si la protection résultant des dispositions impératives de la loi de

résidence est plus avantageuse pour le consommateur, celui-ci en sera privé par la mise en

œuvre du principe de primauté du droit communautaire. En effet, le recours à ce dernier

principe conduirait à écarter de façon systématique la règle de conflit conventionnelle, sans

avoir égard aux conséquences qui pourraient en découler. Or, l’objectif de l’intervention de la

règle de conflit communautaire est de protéger le consommateur et non pas de le priver d’une

protection dont il aurait bénéficié si celle-ci n’était pas intervenue. Cet élément est d’autant

plus valable que les liens unissant le consommateur à la loi de sa résidence habituelle sont

sans doute plus étroits que ceux le liant à la Communauté (puisque la mise en œuvre de la

règle de conflit communautaire se contente de l’existence d’un lien étroit).

La solution serait identique s’agissant d’un recours à la hiérarchie des normes. La règle

de conflit communautaire (et corrélativement le seuil qu’elle impose) prévaudrait sur celle

issue de la Convention de Rome. Le principe de primauté du droit communautaire, bien que

permettant de faire un choix objectif entre les deux seuils, ne conduit pour autant pas à des

résultats satisfaisants en pratique. « La confrontation de la logique du droit international privé

et de celle de la hiérarchie des normes pourrait-elle se résoudre au profit de celle des conflits

de lois ? »163.

Le recours au principe de primauté du droit communautaire ne permettant pas de

parvenir à une solution satisfaisante, d’autres principes du droit international privé le

permettent-il ?

Le principe de proximité, omniprésent en droit international privé des contrats,

pourrait être le critère permettant au juge de choisir entre le seuil de protection

communautaire et celui résultant des dispositions impératives de la loi du pays de résidence

du consommateur. La méthode qui sera retenue par le juge serait celle issue de l’ordre163 Gannagé (L.), précitée, p. 187.

81

juridique qui entretient les liens les plus étroits avec le contrat. Seulement, là encore, et

comme c’est le cas d’ailleurs pour l’appréciation du « lien étroit avec le territoire d’un Etat

membre » dans le cadre de la règle de conflit communautaire, le juge ne dispose d’aucune

directive lui indiquant quels liens sont présumés être les plus étroits. La mise en œuvre du

principe pourrait conduire à la mise à l’écart du seuil le plus protecteur, si celui-ci n’émane

pas de l’ordre juridique qui entretient les liens les plus étroits avec le contrat. Les

inconvénients d’un tel procédé sont donc identiques à ceux résultant du recours au principe de

primauté du droit communautaire, bien que dans le cadre du principe de proximité, la mise à

l’écart de l’une ou l’autre loi n’aurait pas un caractère systématique. Malheureusement, en cas

de mise à l’écart de la loi de résidence, si celle-ci est plus protectrice du consommateur que le

droit communautaire, ce dernier serait privé d’une protection dont il aurait pu bénéficier si la

règle de conflit communautaire n’était pas intervenue. Or, l’objectif de la règle de conflit

communautaire est d’améliorer la protection du consommateur et non de l’amoindrir. Le

recours au principe de proximité n’est donc pas non plus une solution satisfaisante.

Les règles de conflit « concurrentes », tendant toutes deux à améliorer la protection

dont bénéficie le consommateur ayant fait un choix quant à la loi applicable au contrat, la

solution qui semble la plus satisfaisante, au regard des objectifs poursuivis par les deux règles

de conflit, serait l’application de la règle qui impose le seuil le plus protecteur du

consommateur. En effet, l’objectif de la règle de conflit communautaire est de protéger les

intérêts de la partie faible, par ailleurs, elle n’est mise en œuvre que lorsque la loi tierce

choisie est moins favorable pour le consommateur. Autrement dit, elle n’intervient jamais

pour diminuer la protection dont bénéficie le consommateur du fait du choix d’une loi tierce.

Elle ne devrait donc pas intervenir pour diminuer la protection résultant d’autres règles de

conflit (que la loi d’autonomie) dont bénéficie le consommateur164. Le choix de la loi la plus

favorable est certainement la solution qui satisfait au mieux les intérêts du consommateur165.

Bien que l’on puisse émettre des réserves quant au résultat pratique d’une telle solution, celle-

164 Fallon (M.), précité, p. 218, « La règle d’applicabilité offre une protection minimale, de sorte que la loi depolice ne sera appliquée que si elle est plus favorable qu’une autre loi normalement compétente. Cettetechnique est utilisée en matière de protection du consommateur, par exemple dans la directive sur les clausesabusives : le consommateur peut compter sur l’application de la loi la plus favorable, soit celle qui a été choisiepar les parties, soit celle en vigueur dans un Etat membre avec lequel le contrat présente un lien étroit ». Si l’onsuit ce raisonnement, la règle du standard minimum communautaire ne devrait intervenir que pour améliorer laprotection du consommateur. 165 Pocar (F.), « La protection de la partie faible en droit international privé », R.C.A.D.I., 1984, V, p. 404.

82

ci semble néanmoins la plus satisfaisante eu égard aux objectifs poursuivis par les deux règles

concurrentes.

Seulement, il sera difficile de déterminer lequel des deux seuils est le plus favorable

pour le consommateur. En effet, il ne s’agit pas de comparer deux dispositions issues de

sources différentes mais bien de comparer deux régimes pour déterminer lequel est le plus

protecteur des deux. L’un pourrait être plus protecteur sur un point particulier du litige mais

l’être moins sur un autre. L’issue du conflit de lois sera dès lors empreinte d’une part certaine

d’arbitraire.

Si l’on enseigne traditionnellement que la coexistence des méthodes n’est pas « une

concurrence sauvage dans laquelle chacune d’elles chercherait à s’assurer le plus grand

domaine possible »166, il n’est pas certain que le schéma soit encore celui-ci depuis l’entrée de

la règle du standard minimum communautaire dans la hiérarchie des méthodes de règlement

des conflits de lois.

Ainsi, plus il y aura de méthodes en conflit et plus la résolution de celui-ci par le juge

sera difficile, puisque la règle du standard minimum communautaire, bien que

hiérarchiquement supérieure, au regard de sa source, aux autres méthodes, ne précise pas pour

autant sa place dans la hiérarchie des méthodes de règlement des conflits de lois.

Dès lors, il ne semble pas y avoir de solution totalement satisfaisante. La modification

de l’énoncé de la règle du standard minimum communautaire pourrait être une solution

permettant de résoudre certains conflits de méthodes.

Paragraphe 2 : La résolution des conflits de méthodes potentiels par une nouvelle

rédaction de la règle du standard minimum communautaire

166 Batiffol (H.), « Le pluralisme des méthodes en droit international privé », R.C.A.D.I., 1973, II, p. 145. 83

Les conflits de méthodes que peut provoquer l’intervention de la règle de conflit

communautaire sont essentiellement dus à la rédaction actuelle de celle-ci. En effet, la règle

de conflit communautaire ne permet d’écarter que « la loi tierce choisie » par les parties. Ses

effets sont donc limités. Ainsi, la loi désignée par la règle de conflit, à défaut de choix des

parties, ne pourra être écartée par la règle de conflit communautaire, bien que franchissant le

seuil minimum de protection fixé par la directive communautaire. De même, dans le cadre

d’un contrat remplissant les conditions de mise en œuvre de l’article 5 de la Convention de

Rome, si l’on peut être certain que la règle de conflit communautaire écartera la loi tierce

choisie par les parties dont le seuil de protection est inférieur à celui mis en place par la

directive communautaire, on ne peut préjuger que celle-ci puisse écarter les dispositions

impératives de la loi de résidence du consommateur, si elles s’avèrent moins protectrices que

le seuil minimum communautaire de protection. En effet, la règle en l’état actuel ne permet

d’écarter que la loi choisie. La loi de résidence du consommateur n’est pas une loi choisie par

le consommateur, mais bien une loi résultant de la désignation par la règle de conflit de

l’article 5 paragraphe 2 de la Convention de Rome.

Bien entendu, nous avons vu qu’un recours à la hiérarchie des normes pourrait, dans

cette hypothèse, permettre d’appliquer le seuil minimum communautaire. Cependant, une

reformulation de la règle du standard minimum communautaire pourrait-elle résoudre ce type

de conflits ?

I- L’intervention de la règle du standard minimum communautaire

« quelle que soit la loi applicable »

84

La formule « quelle que soit la loi applicable », bien moins restrictive que celle retenue

aujourd’hui par l’ensemble des directives protectrices du consommateur prévoyant un seuil

minimum de protection pour celui-ci (mis à part la directive « multipropriété »167),

augmenterait le champ d’intervention du seuil minimum de protection. Le régime protecteur

mis en place par la directive communautaire constituerait un seuil minimal à ne pas franchir,

pour la loi tierce choisie par les parties, mais également pour la loi tierce désignée par une

règle de conflit.

Une telle formulation recouvrirait également la situation dans laquelle le contrat serait

soumis à la loi d’un Etat membre qui n’aurait pas transposé la directive et dont le seuil de

protection serait inférieur à celui imposé par le droit communautaire. La loi de l’Etat membre,

non conforme au seuil minimal de protection, pourrait aussi bien être choisie par les parties

que résulter d’une désignation par la règle de conflit à défaut de choix.

Une telle rédaction ne permettrait pas seulement de faire bénéficier un nombre plus

important de consommateurs du seuil de protection minimal communautaire. Elle permettrait

également de remédier à certains conflits de méthodes. Il s’agira précisément du conflit

mettant en présence la règle du standard minimum communautaire et celle de l’article 5

paragraphe 2 de la Convention de Rome. Si la rédaction actuelle du standard minimum

communautaire ne permet pas de mettre à l’écart les dispositions impératives du lieu de

résidence habituelle du consommateur, lorsque le seuil qu’elles mettent en place s’avère

moins protecteur du consommateur que celui résultant de la directive communautaire, sauf à

faire usage dans une pareille situation de l’article 20 de la Convention de Rome, l’adoption de

la formule « quelle que soit la loi applicable » le permettrait.

Une telle formulation serait cependant incomplète si l’on n’y ajoutait pas la condition

selon laquelle le standard minimum communautaire n’intervient que pour améliorer la

protection du consommateur et non la diminuer.

167 L’article 9 de la directive multipropriété énonce que « Les Etats prennent les mesures nécessaires pour que,quelle que soit la loi applicable, l’acquéreur ne soit pas privé de la protection accordée par la présentedirective, si le bien immobilier est situé dans un Etat membre ». Directive 94/47/CE précitée.

85

II- La mise à l’écart de la loi moins protectrice

Sans cette condition, l’intervention du standard minimum pourrait avoir pour effet de

priver le consommateur d’une protection dont il aurait bénéficié si la règle du standard

minimum communautaire n’était pas intervenue. En effet, dans le cadre de l’article 5

paragraphe 2 de la Convention de Rome, le consommateur qui a fait un choix quant à la loi

applicable ne peut être privé de la protection résultant des dispositions impératives de la loi de

sa résidence. Or, si la loi choisie (puisque l’article 5 paragraphe 2 ne vise que l’hypothèse du

choix de la loi par le consommateur) franchit les deux seuils de protection (que constituent les

dispositions impératives de la loi du lieu de résidence du consommateur et le seuil minimal de

protection fixé par la directive), le standard minimum, après avoir écarté la loi choisie, s’il

était appliqué de préférence à la loi applicable quelle que soit celle-ci, sans égard à la teneur

de la loi de résidence, pourrait priver le consommateur de la protection que lui accorde les

dispositions impératives de la loi de sa résidence. Il est donc important de préciser que le

standard minimum communautaire n’intervient que pour améliorer la protection du

consommateur et que son intervention ne peut en aucun cas diminuer la protection dont

bénéficie le consommateur au titre d’autres règles de conflit concurrentes.

La règle du standard minimum communautaire remaniée pourrait être rédigée de la

manière suivante : les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour garantir au

consommateur, quelle que soit la loi applicable, le seuil minimum de protection issu de la

présente directive lorsqu’il existe un lien étroit avec le territoire d’un ou de plusieurs Etats

membres. L’intervention d’une telle règle ne peut priver le consommateur d’une protection

supérieure résultant d’une autre règle de droit international privé.

Une telle rédaction permettrait d’élargir le champ d’intervention de la règle du

standard minimum communautaire, tout en précisant sa position par rapport à d’autres

méthodes du droit international privé, dont la mise en œuvre conduirait à une protection plus

importante du consommateur. Le maintien du critère du « lien étroit » permettrait de laisser

une certaine souplesse au mécanisme. Bien que s’avérant plus délicat à mettre en œuvre qu’un

86

critère de rattachement fixe, le critère du « lien étroit » permet, néanmoins, au juge d’apporter

une solution adaptée à chaque litige.

Il n’est pas pour autant nécessaire de modifier la rédaction de la règle du standard

minimum communautaire dans la directive. Celle-ci étant destinée à être transposée par le

législateur national, celui-ci pourrait adopter une telle formulation de la règle dans la

législation de transposition. La directive sur les clauses abusives et sa transposition par le

législateur français est un exemple de remaniement de la règle du standard minimum

communautaire.

Paragraphe 3 : L’exemple de la transposition de la directive 93/13 par la France

Le législateur français, lors de la transposition de la directive communautaire 93/13

concernant la protection du consommateur contre les clauses abusives, a modifié l’énoncé de

la règle du standard minimum communautaire. Ainsi, l’article L. 135-1 du code de la

consommation se distingue à plusieurs égards de la règle de conflit telle que rédigée dans la

directive communautaire168.

Le législateur national a pris le parti de ne pas limiter le jeu de la règle du standard

minimum communautaire aux seuls contrats dont les parties ont choisi la loi169. La règle

transposée est sans doute plus conforme à la proposition de la Commission, antérieure à

l’adoption définitive de la directive, selon laquelle « Les Etats membres doivent interdire

l’usage de clauses abusives dans tout contrat conclu avec un consommateur par un

professionnel, indépendamment de la loi applicable… »170. Mais elle n’est pourtant pas

168 « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de laprotection accordée par la présente directive du fait du choix du droit d’un pays tiers comme droit applicableau contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire des Etats membres » article 6 § 2 de ladirective 93/13/CE, précitée. 169 Art. L. 135-1 du Code de la consommation « Nonobstant toute stipulation contraire, les dispositions del’article L. 132-1 sont applicables lorsque la loi qui régit le contrat est celle d’un Etat n’appartenant pas àl’Union européenne, que le consommateur ou le non professionnel a son domicile sur le territoire de l’un desEtats membres de l’Union européenne et que le contrat y est proposé, conclu ou exécuté ». 170 Proposition modifiée de directive du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avecdes consommateurs, J.O.C.E. n° C 73/1992, p. 10, art. 7.

87

identique, puisque la règle du standard minimum communautaire ne permet pas de mettre à

l’écart la loi d’un Etat membre qui n’aurait pas transposé la directive communautaire.

Si la directive limite le jeu de la règle du standard minimum communautaire aux seuls

contrats pour lesquels les parties auraient choisi une loi tierce applicable, il n’est pas

impossible pour le législateur national, lors de la transposition, d’élargir le champ

d’intervention de la règle de conflit communautaire. La directive n’impose, en effet, aux Etats

membres, qu’un objectif à atteindre. Cet objectif de protection de la partie faible peut être

satisfait par l’adoption d’une règle de conflit au champ d’application plus important.

La règle de conflit transposée à l’article L. 135-1 permet de mettre à l’écart la loi tierce

applicable au contrat que celle-ci soit choisie par les parties ou désignée par une règle de

conflit. Par ailleurs, elle concrétise la notion de lien étroit. Cette dernière ne sera mise en

œuvre que dans des conditions limitativement énumérées. Il s’agit du cas où le consommateur

ou le non professionnel « a son domicile sur le territoire de l’un des Etats membres de l’Union

européenne et que le contrat y est proposé, conclu ou exécuté ». De telles conditions de mise

en œuvre sont plus restrictives que la condition d’un « lien étroit ».

D’autres Etats membres ont choisi de ne pas concrétiser la notion de lien étroit171. Une

telle solution semble préférable pour les raisons déjà évoquées. Par ailleurs, l’adoption d’une

formulation différente de la règle de conflit communautaire selon les Etats membres aura des

répercussions certaines sur le champ d’application de la règle du standard minimum

communautaire, de telle sorte que, selon le juge national saisi du litige, le consommateur

pourra ou non bénéficier du seuil minimum de protection communautaire.

La règle du standard minimum communautaire peut être à l’origine d’un certain

nombre de conflits de méthodes. Cependant, il semble possible de remédier à certains de ces

conflits en reformulant l’énoncé de la règle. Cette dernière, qui devrait être alors plus précise,

dans sa rédaction, quant à son champ d’application et à ses effets, ne serait plus une méthode

171 Jayme (E.) et Kohler (C.), précité, p. 26, « Au Royaume Uni, les Unfair Terms in Consumer ContractRegulations 1994, adoptés aux fins de la transposition de la directive, contiennent au n° 7 une règle de conflitqui reprend, sans autre précision, le critère de rattachement (« lien étroit ») figurant à l’article 6, paragraphe2, de la directive ».

88

aussi perturbatrice du conflit de lois. Toutefois, il faut convenir qu’une nouvelle rédaction de

la règle du standard minimum communautaire ne serait pas suffisante puisqu’elle ne

permettrait pas de résoudre toutes les difficultés, et notamment celles engendrées par les

divergences de transposition. Cependant, il faut reconnaître qu’en l’état actuel de la

Convention de Rome, la règle de conflit communautaire permet de pallier certaines

insuffisances en ce qui est de la protection du consommateur.

Section 2 : L’enrichissement du conflit de lois en matière de

protection du consommateur

La règle du standard minimum communautaire, bien que pouvant occasionner des

perturbations certaines du droit des conflits de lois, ne concerne pourtant q’un type particulier

de litiges. En l’occurrence, il s’agit des litiges dans lesquels une partie faible est impliquée.

L’ensemble du droit des conflits de lois ne sera donc pas touché par ces perturbations puisque

le domaine d’intervention de la règle est restreint.

Par ailleurs, s’agissant de certaines parties faibles, la règle de conflit communautaire

s’avèrera être un précieux outil, malgré les perturbations que son intervention peut provoquer.

En effet, en ce qui concerne les contrats conclus avec un consommateur, l’apport de la règle

de conflit communautaire n’est pas négligeable.

89

Les mécanismes des lois de police, de l’ordre public ou de l’article 5 paragraphe 2 de

la Convention de Rome peuvent venir limiter le choix de la loi fait par les parties et donc

protéger la partie faible. Seulement, l’ordre public ainsi que les lois de police ne sont pas des

mécanismes permettant de garantir une protection efficace du consommateur puisqu’ils

dépendent en grande partie de l’interprétation des dispositions par le juge. L’article 5 de la

Convention de Rome, s’il fixe précisément son champ d’application et les conditions de sa

mise en œuvre, reste cependant assez restrictif.

La protection du consommateur à l’échelle internationale est donc insuffisante. La

règle du standard minimum communautaire pourrait compléter la protection de celui-ci,

s’agissant des contrats ayant un lien avec le territoire des Etats membres. Sa souplesse et son

champ d’application permettraient de combler les lacunes de l’article 5 de la Convention de

Rome. C’est ainsi qu’une coexistence des deux types de règles au service d’une meilleure

protection du consommateur est en l’état des textes nécessaire car lorsque l’on étudie de plus

près la question, on se rend aisément compte que ce sont les lacunes de la règle de conflit de

l’article 5 de la Convention de Rome qui nourrissent la règle du standard minimum

communautaire. L’intérêt de cette dernière tient, en effet, à l’insuffisance de la règle de conflit

applicable en matière de contrat conclu par un consommateur. Dès lors, une modification de

cette règle de conflit conventionnelle permettrait de reléguer la règle du standard minimum

communautaire au rang de doublon.

De fait, si l’enrichissement du conflit de lois en matière de protection du

consommateur ne fait pas de doute aujourd’hui, il n’est pas sûr que la règle de conflit

communautaire survive à la révision de la Convention de Rome.

Paragraphe 1 : Une règle de conflit nécessaire en matière de protection du

consommateur

90

Avant l’entrée en vigueur de la Convention de Rome, le consommateur ne bénéficiait

d’aucun mécanisme protecteur particulier. Le juge pouvait néanmoins utiliser les mécanismes

de l’ordre public et des lois de police pour faire bénéficier le consommateur d’une certaine

protection172. La Convention de Rome a introduit une règle de conflit protectrice de la partie

faible. Sans cette règle de conflit protectrice, qui vise à limiter le principe de la loi

d’autonomie, le professionnel pourrait soumettre le consommateur à une loi qui méconnaît les

intérêts de ce dernier. Seulement, malgré la mise en place par la Convention de Rome d’une

règle de conflit destinée à la protection du consommateur, le régime demeure insuffisant.

I- L’insuffisance de la protection offerte par l’article 5 de la Convention de Rome

Seuls les contrats « ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de

services » à un consommateur et les « contrats destinés au financement de telles fournitures »

sont concernés par la protection mise en place par l’article 5 de la Convention de Rome. De

fait, un contrat de prêt, s’il n’est pas affecté au financement d’une fourniture d’objets

mobiliers corporels ou de services ne serait pas couvert par le mécanisme protecteur de

l’article 5173. Par ailleurs, ces contrats doivent avoir été conclus dans des circonstances bien

précises. Il faut que « la conclusion du contrat ait été précédée dans le pays du consommateur

d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et que le consommateur ait accompli

dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat », ou que « le cocontractant du

consommateur ou son représentant ait reçu la commande du consommateur dans ce pays », ou

enfin, que « le consommateur se soit rendu à l’étranger et y ait passé commande alors que le

voyage était organisé par le vendeur ».

172 Lagarde (P.), « Heurs et malheurs de la protection internationale du consommateur dans l’Unioneuropéenne », précité, p. 511.173 Cass. 1ère Civ., 19 octobre 1999, R.C.D.I.P., 2000, p. 29, note Lagarde (P.).

91

De fait, seules sont visées les situations où le consommateur a été sollicité par le

professionnel174. Le consommateur « actif » ne bénéficie pas de la protection de l’article 5. Par

ailleurs, les critères retenus pour la mise en œuvre de cette règle de conflit ne sont plus

adaptés aux nouvelles techniques de commercialisation à distance175.

L’esprit de cette disposition est de protéger le consommateur qui est en droit de penser,

au vu des circonstances dans lesquelles il a contracté, que ce serait sa loi de résidence qui

serait applicable176. La règle opère un équilibre entre les intérêts du consommateur et ceux du

professionnel.

En la matière, il faut reconnaître que la règle de conflit a montré ses insuffisances. Les

affaires dites de la Grande-Canarie en ont été une illustration177. Ces affaires concernaient des

touristes allemands démarchés sur leur lieu de vacances pour acheter des objets de literies ou

souscrire des contrats d’acquisition à temps partiel de biens immobiliers. Les touristes de

retour dans leur pays de résidence ont voulu exercer le droit de rétractation que leur

reconnaissait la loi de leur pays de résidence. Or, les contrats n’entrant pas dans le cadre de

l’article 5 de la Convention de Rome et étant soumis à une loi ne reconnaissant pas ce droit de

rétractation178, les touristes allemands n’ont pu bénéficier d’aucun droit de rétractation.

L’article 5 de la Convention de Rome apparaît alors comme un instrument de

protection du consommateur à la fois incomplet et désuet179 : la principale critique adressée à

cette disposition tient à la différence de traitement qu’elle crée entre les consommateurs,174 Gaudemet-Tallon (H.), « Quel juge ? Quelle loi ? (compétence juridictionnelle et loi applicable) », précité, p.71, à propos du consommateur protégé par la Convention de Rome, on retrouve l’expression de consommateur« passif » ou consommateur qui a été sollicité chez lui par le professionnel. 175 Guillemard (S.), « Le « cyberconsommateur » est mort vive l’adhérent », J.D.I., 2004, n° 1, p. 7 ; Livre vert,sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles eninstrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003, p. 32. 176 Lagarde (P.), Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention deRome du 19 juin 1980, précité, p. 316.177 Bundesgerichtshof, 19 mars 1997, R.C.D.I.P., 1998, p. 610, note Lagarde (P.).178 Dans l’affaire concernant la vente d’objets de literies, le contrat était soumis à la loi espagnole laquelle n’avaitpas encore transposé la directive communautaire 85/577 du 20 décembre 1987 sur le démarchage.179 Dixième et onzième réunions du Groupe européen de droit international privé, Rome 15-17 septembre 2000 etLund 21-23 septembre 2001, Commentaire consolidé des propositions de modification des articles 3, 5, 6, 7, et 9de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, et de l’article 15du règlement 44/2001/CE (règlement « Bruxelles 1 »), consultable sur http://www.drt.ucl.ac.be/gedip,« L'expérience de l'application de la Convention de Rome montre que l'article 5, concernant les contratsconclus par les consommateurs, soulève certaines difficultés, liées au caractère restrictif du domaine couvertpar cette disposition, et d'autres difficultés pourraient découler d'une application de la disposition au commerceélectronique ».

92

tenant au type de contrat et aux circonstances de la conclusion de celui-ci. Le touriste qui

ferait des achats lors d’un séjour de vacances à l’étranger ou celui qui de retour chez lui ferait

une commande à un fournisseur rencontré en son lieu de vacances ne pourrait bénéficier de la

protection accordée par l’article 5 de la Convention de Rome180. Il serait soumis aux articles 3

et 4 de la Convention de Rome et ainsi, le professionnel pourrait le soumettre à une loi d’un

Etat non membre de la Communauté, sans que l’article 5 ne puisse intervenir pour garantir au

consommateur un minimum de protection.

Par ailleurs, l’article 5 ne permet pas de prendre en compte certaines situations de plus

en plus fréquentes qui tiennent au développement du commerce électronique181. Ainsi, le

consommateur qui effectue un achat par Internet à partir d’une connexion à son domicile ne

sera pas a priori protégé par l’article 5 de la Convention de Rome, bien que pouvant s’agir

d’un contrat « ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services », le

contrat n’aura pas été conclu dans les circonstances décrites par l’article 5. Si le

consommateur se rend sur un site Internet pour effectuer des achats après y avoir été invité par

une bannière publicitaire, il n’est pas certain qu’il puisse bénéficier de la protection offerte pas

l’article 5182. Or, le contrat conclu sur Internet pourrait être soumis à une loi non protectrice du

consommateur (du fait d’un choix de loi dont le consommateur n’aurait pas mesuré la portée,

ou de la désignation par la règle de conflit à défaut de choix).

S’agissant des contrats pour lesquels une loi tierce a été choisie par les parties, la règle

de conflit communautaire permettra de compléter efficacement la protection accordée par

l’article 5, puisque la règle se contente de l’existence d’un lien étroit avec le territoire d’un ou

de plusieurs Etats membres pour être mise en oeuvre. La règle du standard minimum

communautaire semble être un moyen permettant d’améliorer la protection du consommateur.

Les contrats n’entrant pas dans le cadre très restrictif de l’article 5 pourront bénéficier d’une

protection assurée par la règle du standard minimum communautaire, si le litige en cause entre

dans le champ d’application matériel d’une directive communautaire prévoyant une protection

minimale pour le consommateur. Depuis l’arrêt Ingmar, il est même permis de penser qu’une

180 Lagarde (P.), « Le nouveau droit international privé des contrats après l’entrée en vigueur de la Convention deRome du 19 juin 1980 », précité, p. 316.181 Van Huffel (M.), précité, p. 440.182 Van Huffel (M.), Ibid., « Un certain nombre de techniques (bannières, hyperliens,…) sont jugées difficiles àcatégoriser… ».

93

telle protection pourrait être accordée à la partie faible, en vertu de la directive

communautaire, alors même que celle-ci ne comporte pas de règle du standard minimum

communautaire183.

L’intervention de la règle du standard minimum communautaire ne permettra toutefois

pas d’accorder une protection à tous les consommateurs, puisque la règle est elle-même

limitée au cas où le consommateur a choisi une loi tierce applicable au contrat. Les contrats

n’entrant ni dans le cadre de l’article 5, ni dans celui de la règle du standard minimum

communautaire, seront exposés au risque de la loi d’autonomie, sauf à appliquer les règles

protectrices du consommateur comme lois de police du for. Ce sera précisément le cas des

contrats n’entrant pas dans le cadre de l’article 5 de la convention de Rome, mais où les

parties n’ont pas choisi de loi applicable au contrat, ou, ont choisi la loi d’un Etat membre

n’ayant pas transposé la directive protectrice du consommateur.

La règle de conflit communautaire n’est donc pas un remède pour tous les contrats

conclus par un consommateur. Néanmoins, en l’état actuel des deux dispositions, il est

nécessaire de faire coexister les deux méthodes pour une meilleure protection du

consommateur.

II- La nécessité actuelle de maintenir les deux règles de conflit.

La règle de conflit communautaire, tout comme la règle de l’article 5 de la Convention

de Rome présentent chacune des insuffisances et ne permettent pas isolément de couvrir

l’ensemble des contrats conclus par un consommateur. Il n’y a pas, en l’état actuel des textes,

de solution plus satisfaisante que de conserver les deux règles de conflits, car en dehors des

situations où elles entrent en conflit, nombreux sont les cas où elles permettent de résoudre

chacune, le conflit de lois de manière relativement efficace.

183 Wilderspin (M.) et Lewis (X.), précité, p. 1, « Quant au droit communautaire dérivé, si, au-delà de quelquesrègles de conflit imposées par certaines directives, il comporte des dispositions impératives qui réclament d’êtreexpressément observées quelle que soit la loi applicable, l’arrêt Ingmar montre qu’il en contient aussi qui ne leréclament qu’implicitement, ce qui ne va pas sans difficulté d’interprétation ».

94

Selon l’article 5 de la Convention de Rome, la partie faible, qu’elle ait ou non choisi la

loi applicable au contrat, se verra appliquer la loi de sa résidence habituelle, alors que la règle

du standard minimum communautaire ne pourra entrer en jeu que si les parties ont choisi la

loi applicable au contrat. Pour une situation identique, si le contrat dont il s’agit entre dans le

cadre des hypothèses visées par l’article 5 de la Convention de Rome, le contrat pour lequel

les parties n’ont pas choisi la loi applicable, sera soumis à la loi de la résidence habituelle du

consommateur, tandis que le même contrat ne pourra bénéficier de la protection accordée par

la règle du standard minimum communautaire.

Par ailleurs, l’article 5 de la Convention de Rome garantit au consommateur, dont le

contrat entre dans les hypothèses visées par cet article, l’application de la loi de sa résidence

habituelle (ou des dispositions impératives de celle-ci si le consommateur a choisi la loi

applicable au contrat) quelle que soit la loi qui aurait été applicable au contrat. Ainsi, le

consommateur est protégé contre toutes lois autres que celle de sa résidence habituelle

(autrement dit, celle dont il s’attend qu’elle sera applicable à ses relations contractuelles). Il ne

s’agit pas uniquement de faire « barrage » à la loi tierce, mais à toutes lois autres que celle de

la résidence habituelle du consommateur. Il peut s’agir d’une loi tierce au sens du standard

minimum communautaire, mais aussi de la loi d’un Etat membre dont la protection serait

inférieure à celle de la loi de résidence du consommateur, soit parce que celui-ci n’aurait pas

transposé une directive mettant en place un régime protecteur du consommateur, soit parce

que l’Etat de résidence habituelle du consommateur aurait dépassé le seuil de protection

imposé par le droit communautaire.

Par contre, la règle de conflit de l’article 5 ne couvre pas tous les types de contrats

conclus par le consommateur. L’intervention de la règle du standard minimum

communautaire permet de compléter la protection offerte au consommateur. Mais, cette règle

de conflit communautaire ne pourrait se suffire à elle-même, car, en effet, d’une part, la règle

du standard minimum communautaire ne permet pas de résoudre tous les conflits de lois, mais

uniquement ceux où un choix de loi tierce a été fait par les parties, d’autre part, les directives

communautaires existantes ne permettent pas de résoudre tous les types de litiges touchant le

95

contrat de consommation, seules les questions pour lesquelles il existe une directive

communautaire pourront être régies par la règle du standard minimum communautaire184.

Une combinaison des deux méthodes est, ainsi, nécessaire en l’état actuel des textes.

Cependant, il ne faudrait pas aboutir, du fait de cette juxtaposition de règles de conflit à

finalité protectrice pour le consommateur, à une surprotection de celui-ci.

La coexistence de deux méthodes protectrices du consommateur n’aboutit pas

nécessairement à une surprotection du consommateur. De fait, l’article 5 de la Convention de

Rome protège le consommateur qui a été sollicité par le professionnel chez lui : dans cette

hypothèse, il est fondé à penser que la loi de sa résidence est applicable.

La règle du standard minimum communautaire quant à elle, est potentiellement plus

protectrice. En effet, subordonnant son intervention à l’existence d’un lien étroit, elle pourrait

être mise en œuvre, alors qu’une quantité importante d’éléments convergent vers la

désignation de la loi choisie par les parties. Il est, alors, souhaitable que le juge interprète de

manière restrictive l’existence du lien étroit, de sorte que le consommateur ne bénéficie pas

d’une protection qu’il n’aurait, en quelque sorte pas méritée.

La règle de conflit communautaire devrait être interprétée dans le même esprit que

l’article 5 de la Convention de Rome. Seul le lien suffisamment étroit, qui aurait incité le

consommateur à penser que ce serait le droit harmonisé qui serait applicable, devrait être

retenu comme « lien étroit » par le juge. La CJCE semble, d’ailleurs, respecter une telle

interprétation car lors de l’affaire Ingmar, c’est le lieu d’exercice de l’activité d’agence

commerciale qui a caractérisé l’existence d’un lien étroit permettant la mise à l’écart de la loi

tierce choisie et sa substitution par le droit harmonisé. Une telle interprétation n’est pas

incompatible avec le maintien du critère de « lien étroit » lors de la transposition de la

directive. Il est certain que la concrétisation de la notion du lien étroit, lors de la transposition,

est le meilleur moyen de contenir le « potentiel protecteur » de la règle de conflit

184 Livre vert sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003, p. 21,« Le recours à un tel mécanisme ne suffit pas : outre un certain manque de lisibilité quant à la règle applicable,les directives sectorielles - comme l’indique leur titre – ne réglementent pas l’intégralité du droit civil, maisseulement certains aspects du droit des contrats ».

96

communautaire. Cependant, il est tout à fait possible de parvenir au même résultat grâce au

pouvoir d’interprétation laissé par cette règle de conflit au juge.

La règle de conflit communautaire est aujourd’hui une nécessité en raison des lacunes

du droit conventionnel. Malheureusement, cette règle de conflit ne permet pas de combler

toutes les lacunes. Les deux règles de conflit présentent chacune des insuffisances, mais

combinées, elles permettent une meilleure protection du consommateur par le droit

international privé. Cette coexistence ne peut se faire sans difficulté, il est donc nécessaire

d’organiser les rapports entre les deux règles, soit en fixant une hiérarchie entre les deux

méthodes, soit en tranchant le conflit de lois au cas par cas, en faveur de la règle la plus

protectrice du consommateur, ou de fixer précisément le domaine de chacune des règles en

évitant que celles-ci interviennent ensemble pour la résolution d’un même conflit de lois.

Néanmoins, la règle du standard minimum communautaire est aujourd’hui une

nécessité. Son apport en matière de protection du consommateur n’est pas négligeable. En

l’état actuel de la règle de conflit conventionnelle, l’apport de la règle communautaire ne fait

pas de doute, mais c’est précisément grâce à l’insuffisance de la règle conventionnelle que la

règle communautaire a un intérêt.

Paragraphe 2 : Une règle de conflit probablement temporaire

La règle de conflit communautaire permet aujourd’hui d’enrichir la protection du

consommateur en droit international privé. Elle permet, en effet, de protéger le consommateur

qui n’entre pas dans le cadre de l’article 5 de la Convention de Rome. S’agissant du

consommateur qui a choisi une loi tierce applicable, l’apport de la règle de conflit est certain.

Ce dernier n’aurait bénéficié d’aucune protection sans l’intervention de la règle de conflit

communautaire. Cependant, cet apport reste insuffisant.

97

I- Un apport insuffisant

La règle n’intervient que dans la seule hypothèse du consommateur qui a fait le choix

d’une loi tierce : ce n’est, en effet, que dans cette situation que la règle de conflit limitera le

jeu de la loi d’autonomie. La valeur de la règle de conflit communautaire se mesure, alors, à

l’insuffisance de la règle de conflit conventionnelle. L’apport est limité, mais la nécessité est

certaine. Une autre rédaction aurait pu faire de la règle du standard minimum communautaire

un instrument de protection plus efficace, plus protecteur et moins perturbateur.

Quant aux difficultés que pose l’existence d’une règle de conflit communautaire, ils

sont bien plus importants185. Nous avons vu que cela pouvait conduire à soumettre un même

contrat à des règles de conflit différentes, et par là même à des solutions matérielles

différentes. La règle de conflit communautaire n’apporte pas de solution à un tel conflit. Par

ailleurs, nous avons vu que la règle de conflit communautaire alourdissait considérablement le

travail du juge qui doit alors se livrer à un examen comparatif de la substance des différentes

lois en présence, sans oublier les difficultés tenant à l’origine de la règle de conflit

communautaire. En effet, étant issue de directives communautaires, la règle est destinée à être

transposée. Il est vrai que, lors de la transposition, certaines solutions peuvent être apportées

aux différents problèmes que pose la règle de conflit telle qu’énoncée par la directive

communautaire ; cependant, il n’est pas certain que tous les Etats membres adoptent la même

transposition de la règle de conflit communautaire. Un autre problème surgit alors, celui du

défaut d’harmonie internationale des solutions. En effet, selon le juge national saisi, la

solution du conflit de lois peut être différente. Or, le consommateur en matière de conflit de

185 Lagarde (P.), « Heurs et malheurs de la protection internationale du consommateur dans l’Union européenne »,précité, p. 511, « On ne peut se satisfaire d’une telle diversité. L’éclatement des solutions du conflit de lois enmatière de protection des consommateurs est très regrettable, d’autant qu’on le constate à plusieurs niveaux. Ily a d’abord la divergence entre l’article 5 de la Convention de Rome et les directives, qui peut conduire à cequ’un même contrat soit soumis à des règles de conflit différentes, et par suite à des lois matérielles différentes,selon qu’il s’agit des dispositions protectrices du consommateur en général ou de celles qui concernent lesclauses abusives […] Il y a enfin des divergences de lois de transposition qui font que la solution du conflit etdonc la loi applicable ne sera pas la même selon que le litige sera porté dans tel ou tel Etat de l’Unioneuropéenne ».

98

juridictions a le choix de saisir le tribunal du lieu de sa résidence ou celui de la résidence du

professionnel186.

Les difficultés que provoque l’intervention de la règle de conflit communautaire sont

donc nombreuses. Une meilleure protection du consommateur passe t-elle obligatoirement par

le maintien de la règle de conflit communautaire ?

L’apport de la règle de conflit communautaire est finalement bien limité et il n’a

d’intérêt qu’au regard des insuffisances actuelles de la règle de conflit conventionnelle. Un

élargissement du champ d’intervention de l’article 5 rendrait inutile la règle de conflit

communautaire. Une telle solution offrirait sans doute une protection plus efficace au

consommateur que la combinaison de deux règles de conflit d’origine et d’inspiration

différentes, qui, plus est, ne parviennent pas à couvrir l’ensemble des contrats conclus par des

consommateurs.

II- L’existence de solutions alternatives

Une amélioration de la règle de conflit de l’article 5 est tout à fait envisageable. En

effet, le Groupe européen de droit international privé (GEDIP), lors de sa réunion tenue à

Rome en septembre 2000, a proposé une nouvelle rédaction de cet article187.

186 Les articles 15 à 17 du règlement du 22 décembre 2000 (et 13 à 15 de la Convention de Bruxelles du 27septembre 1968) offrent, pour le consommateur qui agit contre son cocontractant domicilié dans un Etat membre,le choix entre les tribunaux du domicile de son cocontractant ou ceux de son propre domicile. De fait, si les deuxEtats membres dont il est question ont transposé d’une manière différente la règle du standard minimumcommunautaire, selon le juge saisi, le consommateur ne bénéficiera pas obligatoirement de la même protection.187 Proposition de modification des articles 3, 5 et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 198, et de l’article 15de la proposition de règlement « Bruxelles I », précité, « Le présent article s'applique aux contrats ayant pourobjet la fourniture d'un bien mobilier ou immobilier ou d'un service à une personne, le consommateur, pour unusage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, par une personne agissant dansl'exercice de son activité professionnelle. 2. La loi applicable en vertu des articles 3, 4 et 9 ne peut priver leconsommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sarésidence habituelle au moment de la conclusion du contrat, à moins que le fournisseur établisse qu'il ignoraitle pays de cette résidence du fait du consommateur. L'alinéa précédent n'est pas applicable: a) lorsque leconsommateur s'est rendu dans le pays du fournisseur et y a conclu le contrat, ou b) lorsque le bien ou leservice a été ou devait être fourni dans le pays où était situé l'établissement en charge de cette fourniture, àmoins que, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur ait été incité par le fournisseur à se rendre dans ledit paysen vue d'y conclure le contrat ».

99

La rédaction proposée vise à élargir le domaine de la protection offerte au

consommateur par le biais de la règle de conflit conventionnelle. Ainsi, elle ne se limiterait

plus aux contrats « ayant pour objet la fourniture d’un bien mobilier ou d’un service et au

contrat de financement d’une telle fourniture ». Cette extension serait alors parallèle à celle en

matière de conflits de juridictions188. Tous les contrats seraient couverts par la protection mise

en place par cette règle de conflit protectrice. Sur ce point, la rédaction proposée se rapproche

de la règle du standard minimum communautaire dont le champ d’application n’est pas limité

par la nature du contrat en cause. Cette généralité procure aujourd’hui force et intérêt à la

règle de conflit communautaire. Une telle rédaction permettrait de prendre en compte la

protection du consommateur sur Internet tout en préservant un certain équilibre entre les

parties189.

Toutefois, le GEDIP n’entend pas faire bénéficier toutes les catégories de

consommateurs, quelles que soient les circonstances de conclusion du contrat, d’une

protection. Une attitude généralisée reviendrait, en effet, à imposer systématiquement au

professionnel, dans toute relation avec un consommateur, la loi de résidence de ce dernier. Le

GEDIP pose, en fait, deux limites à cette règle de conflit190. La rédaction proposée vise, en

effet, à conserver un certain équilibre des intérêts des deux parties191.

La nature de la protection offerte au consommateur serait de nature identique à celle

prévue par l’actuel article 5, s’agissant du contrat pour lequel les parties ont fait un choix de

188 Gaudemet-Tallon (H.), « Quel juge ? Quelle loi ? (compétence juridictionnelle et loi applicable) », précité, p.71, à propos du consommateur protégé par la Convention de Rome, on retrouve l’expression de consommateur« passif » ou consommateur qui a été sollicité chez lui par le professionnel. 189 Gaudemet-Tallon (H.), Ibid.190 Le GEDIP pose deux limites à cette règle de conflit protectrice : elle ne bénéficierait pas au consommateurqui se serait rendu dans le pays du fournisseur et y a conclu le contrat litigieux, elle ne bénéficierait pas non plusau consommateur si le bien ou le service a été ou devait être fourni dans le pays où était situé l’établissement encharge de cette fourniture, à moins que le consommateur n’ait été incité par le fournisseur à se rendre dans leditpays afin d’y conclure le contrat. 191Dixième et onzième réunions, Rome 15-17 septembre 2000 et Lund 21-23 septembre 2001, précité, « Legroupe estime qu’il y a lieu de maintenir l’objectif de l’article 5 de la Convention de Rome - à savoir préserverun équilibre des intérêts des parties contractantes tout en introduisant une dérogation aux règles générales derattachement - mais de procéder à un élargissement du domaine couvert par celui-ci. Cet élargissement viseraità permettre de rassembler l’ensemble des contrats de consommation sous une disposition unique et à dépasserla notion de consommateur passif ».

100

loi192. Le consommateur bénéficierait, quelle que soit la loi applicable, des dispositions

impératives de la loi de son pays de résidence habituelle.

La règle de conflit ainsi rédigée serait d’une mise en œuvre simple pour le juge,

comparativement à celle issue du droit communautaire, tout en offrant une protection plus

étendue que celle de l’actuel article 5. Le champ d’application d’une telle règle serait même

plus étendu que celui de la règle de conflit communautaire puisqu’elle garantit au

consommateur l’application des dispositions impératives de sa loi de résidence, quelle que

soit la loi applicable au contrat. Le mécanisme d’éviction d’une telle règle n’est pas limité à la

loi tierce choisie, mais bien à toute loi désignée par les parties ou par la règle de conflit à

défaut de choix. En outre, la règle de conflit ainsi rédigée protège le consommateur contre

toute loi autre que celle de sa résidence, qu’elle soit celle d’un Etat tiers ou celle d’un Etat

membre qui ne se serait pas mis en conformité avec le droit communautaire, ou qui aurait un

seuil de protection du consommateur plus faible que celui issu des dispositions impératives de

la loi du pays de résidence du consommateur.

Par ailleurs, la règle de conflit ne fait pas bénéficier le consommateur d’une protection

qu’il ne « mériterait » pas comme ce peut être le cas avec la règle de conflit communautaire.

En effet, seule lui est garantie l’application des dispositions impératives de sa loi de résidence,

ce qui pourrait correspondre à ses attentes légitimes. Tandis qu’en application de la règle de

conflit communautaire, le simple « lien étroit » peut suffire à la mise en œuvre de la règle de

conflit ; dès lors, le consommateur qui ne résiderait pas sur le territoire d’un Etat membre

pourrait bénéficier de la protection offerte par la règle de conflit communautaire193.

Cependant, il faut reconnaître que la reformulation de l’article 5, proposée par le

GEDIP reprend les avantages de chacune des deux règles de conflit (communautaire et

conventionnelle) protectrices du consommateur, tout en laissant de côté les inconvénients

192 La protection ne serait pas la même que celle offerte par l’article 5 au consommateur qui n’a pas choisi la loiapplicable au contrat. A défaut de choix, la loi désignée serait celle qui entretient les liens les plus étroits avec lecontrat en vertu des présomptions posées à l’article 4 § 2. Cependant, le consommateur bénéficierait de laprotection que peuvent lui offrir les dispositions impératives de la loi de son pays de résidence habituelle. 193 Madame Gaudemet-Tallon affirme pourtant à propos de la réforme de l’article 5 proposée par le GEDIP que«L’objectif commun à toutes ces directives est de ne pas priver le consommateur par le choix du droit d’un paystiers, de la protection que lui assure le droit du pays de sa résidence habituelle. Cet objectif serait atteint par letexte général de l’article 5 modifié… », « Quel juge ? Quelle loi ? (compétence juridictionnelle et loiapplicable) », précité, p. 71.

101

qu’elles pouvaient chacune présenter. Alliant efficacité, clarté et équilibre, l’adoption d’une

telle rédaction rendrait dans une certaine mesure inutile la règle du standard minimum

communautaire194.

Une telle rédaction pourrait voir le jour à l’occasion de la révision de la Convention de

Rome et conduire à la disparition de la règle de conflit communautaire. Cependant, au vu du

livre vert présenté par la Commission, le 14 janvier 2003, la disparition de la règle du standard

minimum communautaire n’est pas chose certaine.

En effet, parmi les solutions envisageables en vue de « remédier aux difficultés

rencontrées du fait de la multiplication et de la dispersion des règles ayant une incidence sur la

loi applicable présentes dans plusieurs instruments sectoriels de droit dérivé »195, figure la

possibilité de « prévoir une clause pour garantir l’application du standard minimum

communautaire lorsque tous les éléments ou certains des éléments du contrat sont localisés

dans la Communauté »196. Il s’agirait alors d’une sorte de règle du standard minimum

communautaire générale, visant à garantir l’application du droit communautaire lorsqu’il

existe un lien particulièrement significatif avec le territoire des Etats membres. Une telle règle

s’inspirerait de l’article 3 § 3 de la Convention de Rome qui vise à garantir l’application des

dispositions impératives du pays dans lequel se localisent tous les éléments de la situation au

moment du choix de la loi applicable au contrat. L’énoncé serait quasiment identique à celui

de l’article 3 § 3. La seule différence entre ces deux règles serait que l’une vise la situation

interne à un pays, et l’autre la situation interne à la Communauté, mais la logique à laquelle

répondraient les deux règles serait strictement identique197. Une telle solution reviendrait à

194 Dixième et onzième réunions, Rome 15-17 septembre 2000 et Lund 21-23 septembre 2001, précité, « Le texteproposé répondrait à l'objectif des règles d'applicabilité que contiennent certaines directives, comme l'article 6,paragraphe 2, de la directive n° 93/13 concernant les clauses abusives et la disposition analogue quecontiennent d'autres directives ultérieures. Il y aurait donc lieu d'abroger ces dispositions ».195 Livre vert, sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003, p. 20,question 3.196 Livre vert, sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003, point3.1.2, p. 20 et s. 197 Livre vert, sur la transformation de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligationscontractuelles en instrument communautaire ainsi que sur sa modernisation, Bruxelles, le 14 janvier 2003, p. 21,Il a été suggéré de rédiger une clause en des termes suivants : « Le choix par les parties de la loi d’un Etat tiersne peut, lorsque tous les éléments de la situation étaient, au moment de la conclusion du contrat, localisés dansun ou plusieurs Etats membres, porter atteinte à l’application des dispositions impératives du droitcommunautaire ».

102

traiter le contrat intracommunautaire comme un contrat interne sur le plan des conflits de lois,

et par là même à considérer la Communauté comme un Etat. Le contrat intracommunautaire

serait alors une variante du contrat interne. Une telle règle aurait une incidence certaine sur la

notion de contrat international dans le cadre de la Communauté198.

Cette conception du contrat intracommunautaire est bien celle qu’implique la règle du

standard minimum communautaire telle qu’elle figure dans les différentes directives

sectorielles protectrices du consommateur. L’introduction d’une telle règle dans la Convention

de Rome, sous l’article 3 § 3, ne ferait que renforcer cet aspect de la règle du standard

minimum communautaire. Seulement là, l’avantage serait que le standard minimum

communautaire serait une règle générale, claire et non issue d’un acte de droit dérivé destiné à

la transposition. La reprise par le futur règlement communautaire sur la loi applicable en

matière d’obligations contractuelles d’une règle du standard minimum communautaire

permettrait de pallier certaines difficultés. Ces dernières tiennent essentiellement à la nature

de l’instrument dont est issue aujourd’hui la règle du standard minimum communautaire

(comme le manquement de certains Etats membres à leur devoir de transposition ou comme la

transposition différente de la règle du standard minimum communautaire d’un Etat membre à

l’autre). Une telle règle permettrait également de garantir, de manière efficace, l’application

du droit communautaire, alors même que la directive qui a mis en place le régime protecteur

ne contient pas une règle du standard minimum communautaire. Enfin, une telle règle aurait

l’avantage de retenir la compétence du droit harmonisé sur le fondement de l’existence de

plusieurs liens avec le territoire des Etats membres (et non pas un simple lien étroit comme ce

peut être le cas avec la règle du standard minimum communautaire contenue dans les

directives).

198 Lagarde (P.), « Rapport de synthèse », Les conflits de lois et le système juridique communautaire, Dalloz, éd.2004, p. 291, « Dans le cadre communautaire, la notion d’internationalité d’une situation juridique se rétrécitet se relativise. Une situation dont les éléments sont répartis sur le territoire de plusieurs Etats membres estinternationale en ce qu’elle a des liens de rattachement avec le droit national de deux Etats différents, mais elleest interne au regard de la législation communautaire, commune par hypothèse à ces deux Etats membres, sousréserve des variations de transposition des directives. Il est donc logique de limiter la portée au regard de cettelégislation d’une electio juris de la même façon qu’on la limite au regard du droit d’un Etat déterminé, lorsquele contrat n’a de liens qu’avec cet Etat (art. 3 § 3 Convention de Rome) ».

103

Toutefois, la reprise d’une règle du standard minimum communautaire par le futur

règlement ne résoudra pas les difficultés de coordination avec l’article 5. Dans certaines

hypothèses, le conflit de lois pourra être tranché par les deux règles de conflit.

Par ailleurs, en cas de modification de l’article 5 (selon les suggestions faites par le

GEDIP), la règle du standard minimum communautaire risquerait de rester lettre morte en

matière de protection du consommateur, car l’article 5 couvrirait l’ensemble des contrats

conclus par un consommateur, et offrirait une protection plus efficace : celle des dispositions

impératives du pays de résidence du consommateur, et non pas seulement les dispositions

impératives du droit communautaire, qui peuvent présenter un seuil de protection inférieur.

La règle du standard minimum communautaire pourrait, selon une telle rédaction, être

utilisée à d’autres fins que celle de la protection de la partie faible. Cette nouvelle version de

la règle du standard minimum communautaire serait, alors, l’occasion de multiplier les

exceptions au principe de la loi d’autonomie dans tous les domaines où il existerait des

dispositions impératives de droit communautaire. L’arrêt Ingmar serait-il annonciateur d’une

telle tendance ?

Quelle que soit la solution adoptée par le règlement communautaire, la règle du

standard minimum communautaire, telle qu’elle est issue des directives communautaires, en

sera transformée. La disparition ou la transformation de cette règle est sans doute la seule

solution permettant de résoudre les nombreuses difficultés de coordination. Certes,

l’enrichissement du conflit de lois en matière de protection du consommateur est certain en

l’état actuel de l’article 5, cependant, une meilleure protection du consommateur pourrait tout

aussi bien résulter d’une amélioration de l’article 5 de la Convention de Rome. La disparition

de la règle du standard minimum communautaire en matière de protection du consommateur

devrait alors nécessairement s’accompagner d’un élargissement du champ d’application de

l’actuel article 5.

104

105

CONCLUSION

106

CONCLUSION

La règle du standard minimum et son influence sur le droit des conflits de lois ne

peuvent laisser, à l’heure actuelle, le juriste de droit international privé dans l’indifférence

d’autant que le phénomène semble prendre de l’ampleur, ce qui se perçoit non seulement dans

la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes mais également dans le

projet de révision de la Convention de Rome ou encore dans la multiplication des directives

communautaires contenant une règle garantissant l’application du droit communautaire

dérivé. Toutes ces manifestations laissent présager un bel avenir pour cette règle d’origine

communautaire.

Destinée à garantir une protection à la partie faible en apportant une limite à la loi

d’autonomie, la règle donne une impression de déjà vu. En effet, le mécanisme est très proche

de celui de l’article 5 de la Convention de Rome. Toutefois, bien que pouvant être, a priori,

assimilée à plusieurs méthodes du droit international privé, la règle du standard minimum

communautaire possède une grande part d’originalité car sa spécificité ne tient pas

uniquement à son origine communautaire. En effet, la règle emprunte des caractéristiques aux

différentes méthodes existantes, sans pour autant pouvoir leur être totalement assimilée.

Cependant, les traits de caractère qui font l’originalité de cette règle ne jouent pas en

sa faveur, car elle peut s’avérer d’une mise en œuvre très délicate pour le juge. Le manque de

précision quant à sa place dans la hiérarchie des méthodes de règlement des conflits de lois,

tout comme son apparente ignorance des mécanismes de protection prévus par la Convention

de Rome font de cette règle un élément perturbateur du conflit de lois. Ces difficultés se

présentent essentiellement lorsque la règle du standard minimum communautaire est appelée à

coexister avec l’article 5 de la Convention de Rome. Si une coordination est possible, elle ne

peut se faire qu’au prix d’une certaine part d’arbitraire, puisque aucune solution n’est

suggérée par la règle communautaire.

Cependant, bien qu’étant à l’origine de nombreuses difficultés, la règle de conflit

communautaire reste utile dans notre système actuel de droit international privé, s’agissant de107

la protection du consommateur. La valeur ajoutée de cette règle communautaire, en matière de

protection du consommateur, ne tient d’ailleurs qu’à cette insuffisance du droit conventionnel.

La Convention de Rome n’offrant une protection qu’à un certain type de consommateur, la

règle de conflit communautaire semble être, en effet, pour l’heure, un remède plus ou moins

satisfaisant à l’insuffisance de l’article 5 de ladite convention.

Toutefois, une telle solution n’est sans doute que temporaire puisque, dans le cadre de

la révision de la Convention de Rome, il est question de revoir la protection offerte au

consommateur. Si l’on s’en tient à la proposition de rédaction de l’article 5 faite par le

GEDIP, visant notamment à élargir le domaine d’intervention de cette règle de conflit, la règle

de conflit communautaire n’aurait plus grand intérêt et serait vouée à disparaître, sauf à

étendre l’application du droit communautaire de manière inopportune et injustifiée.

Une telle destinée n’est pas certaine. On pourrait voir apparaître dans le futur

règlement communautaire sur la loi applicable aux obligations contractuelles une règle du

standard minimum communautaire à caractère plus général dans un article 3 § 3 visant à

garantir l’application des dispositions impératives du droit communautaire lorsque tous les

éléments de la situation étaient localisés, au moment de la conclusion du contrat, dans un ou

plusieurs Etats membres. Cette solution permettrait de résoudre certaines difficultés liées à

l’instrument communautaire dont est issue la règle du standard minimum, mais également

d’appréhender le contrat intracommunautaire comme un contrat interne.

Mais à la lueur d’un examen plus poussé, il faut, néanmoins, reconnaître qu’une telle

règle serait très différente de celles contenues dans les directives communautaires protectrices

du consommateur. De fait, si la règle du standard minimum communautaire n’est pas rendue

inutile en raison de l’extension de l’article 5 de la Convention de Rome, elle sera au mieux

totalement transformée, et l’on peut s’en réjouir.

108

BIBLIOGRAPHIE

109

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113

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Batiffol (H.)

- Note sous, Civ. 25 mai 1948, Lautour, RCDIP, 1949, p. 89.

Fallon (M.)

- Note sous CJCE 23 novembre 1999, Arblade, RCDIP, 2000, p. 710.

Idot (L.)

- Note sous, CJCE 9 novembre 2000, Ingmar, RCDIP, 2001, p. 107.

Jacquet (J-M.)

- Commentaire, CJCE 9 novembre 2000, Ingmar et Cass. com., 28 novembre 2000,

J.D.I., 2001, p. 511.

Lagarde (P.)

- Note sous, CA Versailles 6 février 1991, RCDIP, 1991, p. 745.

Léger (P.)

- Conclusions sur, CJCE, 9 novembre 2000, RJDA, 1er février 2001, p. 115

- Note sous Cass. 1ère Civ., 19 octobre 1999, RCDIP, 2000, p. 29.

- Commentaire, Bundesgerichtshof 19 mars 1997, RCDIP, 1998, p. 610.

Nourissat (C.)

- Commentaire, CJCE 9 novembre 2000, Ingmar, et Cass. com., 28 novembre 2000,

petites affiches, 2001, n° 124, p. 10.

V- jurisprudence

Communautaire

-CJCE, pâte de bois, 27 septembre 1988, Rec. p. 5193.

- CJCE, 23 novembre 1999, Arblade, RCDIP, 2000, p. 710.

114

-CJCE, 9 novembre 2000, Ingmar, aff. C-381/98, Rec. p.I-9305.

Nationale

-Civ. 25 mai 1948, Lautour, RCDIP, 1949, p. 89.

- CA Versailles 6 février 1991, RCDIP, 1991, p. 745.

- Cass. 1ère Civ., 19 octobre 1999, RCDIP, 2000, p. 29.

- Cass. com. 28 novembre 2000, J.D.I., 2001, p. 511.

Etrangère

- Bundesgerichtshof, 19 mars 1997, RCDIP, 1998, p. 610.

VI- Avis, déclarations et propositions

- Proposition modifiée de directive du Conseil concernant les clauses abusives dans les

contrats conclus avec des consommateurs, JOCE n° C 73/1992, p. 10.

- Déclaration de la commission juridique du Parlement européen en date du

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- Livre vert, sur la transformation de la convention de Rome de 1980 sur la loi

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VII- Textes officiels

115

Traités

- Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 consultable sur http://europa.eu.int

Textes de droit communautaire dérivé

- Règlement du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire et l’exécution des

jugements consultable sur http://lexinter.net

-Directive 86/653/CEE du 18 juillet 1986, relative à la coordination des droits des

États membres concernant les agents commerciaux indépendants, JOCE n° L 382/17.

- Directives 88/357/CEE du 22 juin 1988, « assurance non vie », JOCE n° L 172/1.

- Directive 90/314/CEE du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à

forfait, JOCE n° L 158/59.

- Directive 90/619/CEE du 8 novembre 1990, « assurance vie », JOCE n° L 330/50.- Directive 92/96/CEE du 10 novembre 1992, « assurance vie », JOCE n° L 360/1.

- Directive 92/49/CEE du 18 juin 1992, « assurance non vie », JOCE n° L228/1.

- Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les

contrats conclus avec les consommateurs, JOCE n° L 95/29. - Directive 94/47/CE du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour

certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps

partiel d’un bien immobilier, JOCE n° L 280/83.- Directive 96/71 du 16 décembre 1996, concernant le détachement du travailleur

effectué dans le cadre d’une prestation de service, JOCE n° L 218.

- Directive 97/7/CE du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en

matière de contrats à distance, JOCE n° L 144.

- Directive 99/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties

des biens de consommation, JOCE n° L 171.

- Directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à

distance de services financiers auprès des consommateurs et modifiant les directives

90/619/CEE et 97/7/CE et 98/27/CE, JOCE n° L 271/16.

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- Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 consultable sur le site EUROPA,

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Haye de droit international privé, http://www.hcch.net/f/conventions/menu27f.html

- Convention de Rome du 19 juin 1980 en matière d’obligations contractuelles,

consultable sur le site Rome-convention.org,

http://www.rome-convention.org/instruments/i_conv_orig_fr.htm

117

TABLE DES MATIERES

118

TABLE DES MATIERES

Sommaire ……………………………………………………………………………….……..6

Table des abréviations………………………………………………………………………….7

Introduction………………………………………………………………………………...…..9

Chapitre 1 : La règle du standard minimum : une méthode communautaire et originale…....21

Section 1 : Une méthode communautaire........................................................................22

Paragraphe 1 : Une méthode de source Communautaire..............................................22

Paragraphe 2 : Une méthode poursuivant des objectifs communautaires.....................24

I- la protection de la partie faible............................................................................24

II- La sauvegarde de l’intérêt économique de la Communauté..............................27

Paragraphe 3 : Une méthode conditionnée par l’existence d’un lien étroit avec le

territoire des Etats membres..........................................................................................29

Paragraphe 4 : Le rôle de la CJCE dans la consécration du standard minimum

communautaire..............................................................................................................35

I- Un raisonnement calqué sur la règle de conflit communautaire.........................36

II- Une solution Originale.......................................................................................39

III- La consécration jurisprudentielle du standard minimum communautaire…....42

Section 2 : Une méthode originale...................................................................................44

Paragraphe 1 : L’originalité de la source des règles de conflit communautaire...........44

Paragraphe 2 : L’originalité de l’objectif poursuivi par la règle de conflit

communautaire..............................................................................................................50

Paragraphe 3 : Originalité de la méthode par sa nature.................................................51

I- Les apparentes similitudes...................................................................................52

A- Les similitudes avec l’article 3 paragraphe 3 de la Convention de

Rome..................................................................................................................5

2

119

B- Les similitudes avec la clause d’exception..................................................53

C- Les similitudes avec la règle de conflit à coloration matérielle...................55

D- Les similitudes avec la loi de police............................................................57

E- Les similitudes avec la méthode unilatéraliste............................................62

F- Les similitudes avec le mécanisme de l’ordre public...................................63

II- Tentative de définition de la méthode communautaire......................................65

Paragraphe 4 : L’originalité du fonctionnement de la règle de conflit

communautaire..............................................................................................................66

I- Les difficultés rencontrées par le juge lors de la détermination du lien

étroit........................................................................................................................66

II- L’importance du rôle du juge.............................................................................68

Chapitre 2 : La règle du standard minimum : l’influence possible sur le conflit de

lois.............................................................................................................................................72

Section 1 : La perturbation du conflit de lois...................................................................73

Paragraphe 1 : Les conflits de méthodes potentiels......................................................74

I- La coordination entre le standard minimum communautaire et la loi

d’autonomie............................................................................................................75

II- La coordination entre le standard minimum communautaire et l’article 5

paragraphe 2 de la convention de Rome.................................................................82

Paragraphe 2 : La résolution des conflits de méthodes potentiels par une nouvelle

rédaction de la règle du standard minimum communautaire........................................91

I- L’intervention de la règle du standard minimum communautaire « quelle que

soit la loi applicable ».............................................................................................92

II- La mise à l’écart de la loi moins protectrice......................................................93

Paragraphe 3 : L’exemple de la transposition de la directive 93/13 par la

France...........................................................................................................................94

Section 2 : L’enrichissement du conflit de lois en matière de protection du

consommateur.................................................................................................................97

Paragraphe 1 : Une règle de conflit nécessaire en matière de protection du

consommateur ..............................................................................................................98

I- L’insuffisance de la protection offerte par l’article 5 de la convention de

Rome.......................................................................................................................99

120

II- La nécessité actuelle de maintenir les deux règles de conflit..........................102

Paragraphe 2 : Une règle de conflit probablement temporaire...................................105

I- Un apport insuffisant........................................................................................106

II- L’existence de solutions alternatives...............................................................107

Conclusion..............................................................................................................................115

Bibliographie..........................................................................................................................118

Table des matières..................................................................................................................127

121