LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXIONS SUR...

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UNIVERSITE LILLE II – Droit et Santé Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales Ecole doctorale n° 74 Mémoire pour obtenir le diplôme de DEA de Droit Social présenté par VIGNOLO Tony, année 2002-2003. LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXIONS SUR L’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL. Directrice de mémoire : Mme EVRAERT-DUMONT Document téléchargé sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr

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UNIVERSITE LILLE II – Droit et SantéFaculté des sciences juridiques, politiques et socialesEcole doctorale n° 74

Mémoire pour obtenir le diplôme de DEA de Droit Social présenté par VIGNOLO Tony,année 2002-2003.

LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXIONS SUR

L’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL.

Directrice de mémoire : Mme EVRAERT-DUMONT

Document téléchargé sur : http://edoctorale74.univ-lille2.fr

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UNIVERSITE LILLE II – Droit et SantéFaculté des sciences juridiques, politiques et sociales

Mémoire pour obtenir le diplôme de DEA de Droit Social présenté par VIGNOLO Tony,année 2002-2003.

LA REVISION DES 35 HEURES, REFLEXION SUR

L’AMENAGEMENT DU TEMPS DE TRAVAIL.

Directrice de mémoire : Mme EVRAERT-DUMONT

Je tiens à remercier :

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Mes parents et ma sœur pour leur patience et leur soutien.

Mme EVRAERT- DUMONT pour la liberté qu’elle m’a laissée.

Mes amis : Arni, Monchat, Gniessou, Juju, Mouloud, Golgo, Polak, Seb laillec., Caro, Manu,Francky, Sylvio, Romain, Sylvain, Cyrille, P’tit Jef, J-Raf (pour les 12 travaux), Max etMarie, Samir, Abel, Anne, Will et tous les autres…

Le FCV et ses membres.

L’IST.

En mémoire de Damien, grand romantique incapable de supporter les désenchantementsde la vie.

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SOMMAIRE :

INTRODUCTION.

1ère PARTIE : LA LOI FILLON : ENTRE ASSOUPLISSEMENT ETREVISION DES 35 HEURES.

Chapitre 1 : Les apports de la loi Fillon.

Section 1 : Les dispositions de la loi :

Section 2 : Harmonisation du SMIC et assouplissement des 35 heures : une réponse à l’attente des acteurs économiques.

Chapitre 2 : Les limites du dispositif Fillon.

Section 1 : Les interrogations liées à la loi.

Section 2 : La résistance des accords Aubry : entre souhaits des salariés et freins des partenaires sociaux.

2ème PARTIE : LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA DUREEDU TRAVAIL EN FRANCE ET EN EUROPE.

Chapitre 1 : Le temps de travail envisagé par les courants alternatifs.

Section 1 : Les 32 heures pour un partage du temps de travail.

Section 2 : Les limites du projet des 32 heures.

Chapitre 2 : Le temps de travail en Europe : entre réduction et libéralisation.

Section 1 : Les réglementations européennes de la durée du travail et les réalisations enmatière de réduction du temps de travail.

Section 2 : Les réflexions menées dans les différents pays européens sur la réduction du tempsde travail.

CONCLUSION.

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TABLES DES ABREVIATIONS :

BTP : Bâtiment et Travaux Publics.

CE : Comité d’Entreprise.

CET : Compte Epargne Temps.

Coll. : collection.

Ed. : édition.

GMR : Garantie Mensuelle de Rémunération.

PIB : Produit Intérieur Brut.

PME : Petite et Moyenne Entreprise.

RTT : Réduction du Temps de Travail.

SMIC : Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance.

TPE : Très Petite Entreprise.

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INTRODUCTION :

Les débats sur le temps de travail font s’affronter de manière passionnée les partisans d’une

réduction du temps de travail et leurs opposants. En effet, ce sujet pose des questions

fondamentales telles que le rôle de l’homme dans la société, le partage du travail ou

l’amélioration des conditions de vie183. Ces débats ont engendré des luttes sociales récurrentes

à partir du 18ème siècle, date à laquelle la réglementation du travail ne va plus être du ressort

des corporations ouvrières mais va devenir le fait des patrons.

En effet, les lois d’Allarde et Le Chapelier de 1791, adoptées au nom de la libre entreprise, en

supprimant les corporations, vont avoir pour conséquence indirecte de mettre les salariés dans

une situation peu envieuse puisque désormais l’employeur fixe unilatéralement les horaires de

travail ainsi que l’âge minimal d’entrée dans la vie active. On va alors constater une

augmentation de la durée annuelle du travail et l’emploi d’enfants plus jeunes et par

conséquent l’augmentation du temps de travail sur une vie. Toutefois, pour Freyssinet184, la

mise en place d’horaires de travail collectifs, permanents et uniformes ne constitue en rien le

produit d’une revendication ouvrière, mais elle est le résultat d’une dure bataille menée par le

patronat contre l’indiscipline ouvrière. Une fois de tels horaires imposés, le souhait des

ouvriers auraient alors été que ce pouvoir soit encadré par la voie de la loi et de la négociation.

Une autre évolution est à remarquer, mise en évidence par Sue 185et Legoff186 : le passage

d’une organisation du temps de travail dominée par le religieux à une organisation soumise à

la sphère marchande (la cloche qui régule le temps est remplacée par la précision de l’horloge,

ordre mécanique et rationnel). L’employeur n’a quasiment plus de limite à son pouvoir dans la

fixation des horaires avec l’effacement du religieux et la disparition des corporations, il n’est

alors borné que par les limites physiques de ses employés. Marx dénonçait également la

paupérisation continue des masses salariales.

Dés lors, les luttes sociales sont justifiées par l’amélioration de la vie des salariés, voire par

des considérations de survie. Elles s’engagent au début du 19ème siècle avec la volonté de

diminuer la durée du travail mais cette lutte va être longue et ses acquis seront maigres et

souvent propres à chaque catégorie de personnes : enfants, femmes…

183 CAHUC (P.) et GRANIER (P.), La réduction du temps de travail : une solution pour l’emploi ? Economica,Paris, 1997.

184 FREYSSINET (J.), « L’évolution du temps de travail : le déplacement des enjeux économiques et sociaux »,in Droit Social n°9/10 1998 p753.

185 SUE (R.), Temps et ordre social, PUF 1994186 LEGOFF (J.), Pour un autre moyen-âge. Temps, travail et culture en Occident, Gallimard 1977

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Pour exemple, nous pouvons citer la loi de 1841 qui limite l’accès au travail des enfants à

l’âge de 8 ans et impose une durée maximale de travail pour ceux- ci à 8 heures par jour, pour

les 12- 16 ans, la limitation est de 12 heures quotidiennes. Cette loi est inspirée par le rapport

du Docteur Villermé établi en 1840 qui dénonce les conditions de travail dans les

manufactures de soie, coton et laine et leurs conséquences sur l’état physique et moral des

ouvriers, plus particulièrement chez les enfants.

Le premier texte prenant en compte la durée du travail des adultes187 est un décret du 2 mars

1848 qui fixait la durée journalière de travail à 10 heures à Paris et 11 en Province. Mais la loi

du 9 septembre 1848 revient sur cette avancée en fixant une durée de travail de 12 heures

pour tous les adultes.

La loi du 19 mai 1874 prévoit l’entrée dans la vie active des enfants à 12 ans, elle interdit le

travail de nuit des femmes et crée 15 inspecteurs divisionnaires, rémunérés par l’Etat, chargés

de contrôler le respect des dispositions relatives à la durée du travail.

La loi du 30 mars 1900 fixe la durée du travail à 11 heures pour l’ensemble des salariés.

La loi du 13 juillet 1906 parvient enfin à imposer l’instauration du repos hebdomadaire.

Celui-ci avait été posé dans son principe par une loi de 1814 mais il était peu appliqué pour

être finalement supprimé en 1880. Ces adversaires craignant l’oisiveté des salariés, la baisse

de la production et la fermeture des pâtisseries le dimanche !

La journée de 8 heures et la semaine de 48 heures s’imposent avec des dérogations en 1919.

Pour la première fois, on apprécie la durée de travail sur un modèle hebdomadaire et non

quotidien.

Le Front Populaire va marquer les esprits par sa loi du 21 juin 1936, l’avancée sociale est ici

importante puisque le temps de travail est désormais limité à 40 heures par semaine et deux

semaines de congés payés par an sont instituées. Il répond donc à une vielle revendication de

l’Internationale ouvrière de 1871(à l’origine du 1er mai) : la journée de 8 heures. Les troisième,

quatrième et cinquième semaines de congés payés vont s’imposer grâce aux lois de 1956,

1963 puis 1982.

Un tournant dans l’évolution législative a lieu avec la loi du 25 février 1946 qui, dans une

logique de reconstruction d’après guerre, permet aux employeurs de dépasser légalement la

durée hebdomadaire de travail par le recours aux heures supplémentaires. Ce recours est

possible dans la limite de 20 heures par semaine sur autorisation de l’inspecteur du travail.

Une majoration de salaire est alors prévue.

187 D’après le travail des étudiants de Lille 2 organisateurs du colloque du 1er avril 2003 : « Les 35 heures, bilanet perspectives ».

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Pour la première fois, la législation est plus favorable aux patrons qu’aux salariés, toutefois,

elle s’explique par le contexte et « l’intérêt supérieur de la nation ».

A nouveau dans une situation de crise, cette fois de crise pétrolière, le législateur intervient

pour permettre la mise en place d’horaires individualisés. La loi apparaît comme un progrès

car elle permet aux salariés de reporter des heures d’une semaine sur l’autre. On considère

qu’il s’agit d’une première base du temps choisi et d’une amélioration des conditions de

travail. A cette même époque apparaissent les premières réflexions sur le partage du temps de

travail. Les rapports du plan envisage une réduction du temps de travail comme une réponse à

la montée du chômage. C’est dans cette logique que la loi du 16 juillet 1976 va mettre en

place le repos compensateur et réduire le contingent d’heures supplémentaires.

Avec l’arrivée du Parti Socialiste au pouvoir en 1981, cette solution se confirme puisque le

gouvernement va impulser le passage de la semaine de 40 à 39 heures et va instituer la 5ème

semaine de congés payés. On observe trois innovations majeures :

- le passage d’un régime de durée légale du travail impératif à un régime de durée légale

qui est un seuil, l’usage des heures supplémentaires dans le cadre du contingent n’étant

plus soumis à autorisation.

- La possibilité de déroger par accords collectifs étendus au contingent d’heures

supplémentaires dans un sens plus ou moins favorable ainsi que de fixer d’autres

modes de répartition des horaires collectifs.

- Annualisation du temps de travail par le biais de la modulation de la durée du travail.

Afin que cette réduction du temps de travail soit acceptée, le Gouvernement a fait des

concessions importantes en permettant une plus grande flexibilité des horaires plutôt

défavorable aux salariés pour lesquels la stabilité est un gage de qualité de vie. La loi, tant

qu’elle encadre ces pratiques, reste protectrice du salarié mais l’évolution est troublante, elle

ne prend plus que le seul intérêt des salariés en compte mais également celui de l’entreprise.

Si une certaine flexibilité peut-être nécessaire, elle n’est toutefois pas un moyen usuel de lutte

contre le chômage.

Elle est accompagnée d’un allègement des charges sociales afin que la compensation salariale

soit possible. Cette compensation était totale pour le SMIC ; pour les autres salaires, la

négociation a été laissée aux partenaires sociaux. On a pu constater peu de difficultés en

pratique, la réduction n’étant que d’une heure.

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Toutefois, certains employeurs ont tenté d’imposer unilatéralement une baisse de salaire et

dans certaines branches, la compensation n’a été que partielle (dans le secteur chimique, la

compensation était de l’ordre de 66,66%188).

L’ordonnance de 1982 a été un relatif échec en ce qu’elle n’a permis de créer qu’entre 30 000

et 150 000 emplois. Pour les économistes, les raisons de cet échec sont d’abord politiques, la

réduction ayant été imposée par l’Etat et n’a pas donné lieu à un consensus avec les

partenaires sociaux ; puis économiques, l’ordonnance imposait une compensation salariale

intégrale189 (pour le SMIC), ce qui avait pour conséquence une augmentation du coût du

travail et elle ne prévoyait pas de délai d’application pour permettre la réorganisation de la

production.

La loi du 28 février 1986 instaure l’annualisation du temps de travail et développe les

différents types de modulation. Le troisième type de modulation créé prévoit que, dans une

certaine mesure, les heures effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire ne sont pas

majorées et n’ouvrent pas droit au repos compensateur (celui-ci ayant été créé afin de se

substituer au paiement des heures supplémentaires). Dans cette période, les gouvernants vont

privilégier les politiques d’incitations financières à la réduction du temps de travail. Ainsi, le

Plan Emploi de 1989 accordait des crédits d’impôts sur trois années aux entreprises qui

diminuaient la durée hebdomadaire de travail sans réduire la durée d’utilisation des

équipements.

La loi du 20 décembre 1993, dite loi quinquennale sur l’Emploi, le Travail et la Formation

professionnelle, va créer le temps partiel annualisé et va permettre de baisser

concomitamment la durée du travail et la rémunération correspondante. Associée à de fortes

subventions, cette loi devait permettre de lutter efficacement contre le chômage. Elle a relancé

la solution et l’intérêt pour une politique de réduction du temps de travail. Mais cette loi, pas

plus que les précédentes, n’a réussi à déclencher un mouvement vers une réduction de la durée

du travail.

La loi du 25 juillet 1994 est à l’origine de la création du compte épargne temps et de la

pluriannualisation du temps de travail. Ainsi, les salariés peuvent stocker sur un compte les

jours de congé pour les utiliser les années suivantes.

188 NIEL (S.), « Va-t-on réduire les salaires à 35 heures ? », in Semaine Sociale Lamy, 7 juin 1999, pp 6 – 8.189 « La compensation salariale est une hausse du salaire horaire qui vient compenser la baisse du nombre

d’heures travaillées par semaine ou par mois. La compensation intégrale signifie que, si le temps de travailest par exemple diminué de 10%, le salaire horaire sera augmenté de 10% de façon à maintenir le salairemensuel. » LIPIETZ (A.), La société en sablier, Editions La Découverte, Paris, 1996, p.158. D’autresméthodes de compensation sont envisageables comme l’usage d’un complément différentiel.

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Les accords ANI du 31 octobre 1995 vont confirmer l’évolution favorable à l’association

aménagement / réduction du temps de travail et création d’emplois. Ils favorisent la

négociation en permettant le mandatement syndical dans les entreprises dépourvues de

délégué syndical. On peut noter que s’agissant de la négociation, les efforts tendant à son

développement sont continus. En effet, les lois Auroux ont introduit en 1982 l’obligation de

négocier annuellement l’organisation et la durée du travail au sein de l’entreprise, alors que la

loi Delebarre du 26 février 1986 a tenté d’accentuer le rôle des négociations de branche en

introduisant la possibilité de négocier, à ce niveau, un repos compensateur contre le paiement

d’heures supplémentaires. Enfin, ces accords posent le principe de validation des accords

dérogatoires, conclus dans certaines conditions, par des commissions paritaires.

La loi de Robien, votée en juin 1996, renforce l’article 39 de la loi Quinquennale. Elle permet

l’allégement de charges sociales en cas d’accord dit offensif190. Cette loi vise à inciter les

entreprises à diminuer d’au moins 10% la durée du travail par voie de convention ou d’accord

de branche étendu, ou par accord d’entreprise ou d’établissement aux fins de créer des

emplois. Cette incitation se traduit donc par l’allégement des cotisations sociales à la charge

de l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations

familiales. Cet allégement est de 40% du montant des cotisations la première année, 30% les 6

années suivantes (il est accordé pour une durée de 7 ans par convention avec l’Etat). Il est de

50% la première année et 40% ensuite en cas de réduction de 15% de la durée du travail et de

l’embauche de salariés équivalent à 15% au moins de l’effectif annuel moyen de l’entreprise.

Dans l’hypothèse d’un accord dit défensif191, l’incitation à la réduction du temps de travail192

vise à éviter les licenciements collectifs pour motif économique. L’allégement est là aussi de

40 puis 30%, ou 50 puis 40% en cas de RTT de 10 ou 15%. L’accord d’entreprise ou

d’établissement détermine le nombre de licenciements évités, la durée de maintien des

emplois (il s’agit d’un engagement de l’employeur, généralement de deux ans), ainsi que les

conditions de compensations salariales. En pratique, les accords ont prévus une compensation

salariale intégrale dans 60% des cas et partielle dans les autres.

De tels dégrèvements de charges sociales conduisent à une très forte prise en charge du coût

de la création d’emploi par la collectivité, puisque la baisse des charges couvre environ 95%

du coût des embauches supplémentaires la première année et 75% les années suivantes193.

190 Article 1er de la loi n°96- 502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réductionconventionnels du temps de travail dite loi de Robien (du nom de son initiateur, Gilles de Robien).

191 Article 2, loc. cit.192 « RTT »193 TIMBEAU (X.), Réduction du temps de travail : quelles modalités ? , in Lettres de l’OFCE, n°158, 31

janvier 1997.

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En principe, un tel allégement fait barrage à l’octroi d’autres types d’exonération de

cotisations194. Par contre, les accords ou conventions de RTT antérieurs à la loi peuvent ouvrir

droit au bénéfice de ces dispositions195. Il en va de même pour les accords conclus entre

entreprise et Etat dans le cadre de l’a rticle 39 de la loi du 20 décembre 1993196.

Les statistiques de la DARES indiquent qu’environ 90 000 salariés sont couverts par des

conventions signées dans le cadre de la loi de Robien. Pour la CFDT, elle aurait permis de

créer 25 000 emplois et d’en sauver 17 000. Cette loi représente donc un certain succès. Elle

révèle bien que la RTT doit être impulsée par le biais d’une mesure nationale incitative forte

si elle veut- être efficace, les seules négociations décentralisées étant inaptes à insuffler un tel

mouvement. Une des explications de ce constat pourrait être qu’en 1994-1995, 62% des

français préfèrent un accroissement de leur salaire à une diminution de la durée du travail.197

C’est dans cette lignée que le gouvernement socialiste Jospin198 va lancer, d’abord

prudemment, les 35 heures par la loi du 13 juin 1998. Ne constituant pas l’un des thèmes

phares de la campagne socialiste, cette avancée ne faisait pas l’unanimité dans les rangs de la

« majorité plurielle ». Cette situation explique, en plus des contestations extérieures, la

solution retenue consistant à annoncer le passage aux 35 heures et à prévoir des aides

incitatives mais en laissant une part de l’initiative aux partenaires sociaux et en renvoyant à

l’année 2000 l’adoption de la loi définitive sur le passage aux 35 heures. Par précaution, le

gouvernement attendait de dresser un « bilan sur le déroulement et la conclusion des

négociations, sur l’évolution de la durée effective et conventionnelle du travail et l’impact des

dispositions sur l’emploi et l’organisation des entreprises199 ». Afin de bien comprendre

l’évolution apportée par la loi Fillon du 17 janvier 2003, il convient d’étudier les dispositions

de cette loi, ainsi que celles de la Loi Aubry 2, avec précision.

L’article 1er de la loi de 1998 dispose qu’à partir du 1er janvier 2002, la durée légale du travail

sera fixée à 35 heures dans les établissements et les professions mentionnés à l’article L.200-1

du code du travail ainsi que pour les établissements agricoles, artisanaux et coopératifs. Pour

les entreprises dont l’effectif est de plus de 20 salariés200, cette durée sera applicable au 1er

janvier 2000.

194 Principe du non cumul des cas ouvrant droit à exonération de cotisations.195 Article 5 de la loi de 1996, loc. cit. 196 Article 6 de loi de 1996, loc. cit.197 Commissariat Général du Plan, 1995.198 La loi de Robien est de l’initiative d’un député de droite, et a été adopté sous le régime d’un gouvernement

de droite (Mr Juppé était alors Premier ministre).199 Article 13 de la loi n°98- 461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de

travail dite loi Aubry 1 du nom de la Ministre de l’emploi et de la solidarité.200« L’effectif est apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L421-1 ».

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L’article 2 appelle à la négociation des syndicats et groupements d’employeurs et des

syndicats de salariés quant aux modalités de RTT afin qu’elles soient adaptées à la situation

de chaque branche et de chaque entreprise.

L’article 3 reprend un mécanisme proche de celui de la loi de Robien puisqu’il crée un

mécanisme d’incitation au passage aux 35 heures de manière anticipée (soit avant 2000 pour

les entreprises de plus de 20 salariés et avant 2002 pour les entreprises de moins de 20

salariés). En effet, elle accorde des aides201 aux entreprises qui effectuent ce passage en

application d’un accord collectif et qui procèdent à des embauches ou préservent des emplois

sous certaines conditions (que nous allons voir de manière non exhaustive) :

- l’entreprise ne doit pas être monopolistique ou dépendre de l’Etat, un accord

spécifique viendra régler leur situation.

- La RTT doit être d’au moins 10% de la durée initiale du travail.

- Elle doit être organisée par un accord d’entreprise ou d’établissement, ou par une

convention collective ou un accord de branche (sous certaines conditions).

- Une des innovations majeures consiste en la possibilité pour une ou plusieurs

organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national de mandater un

salarié afin qu’il participe aux négociations dans les entreprises dépourvues de

délégués syndicaux ou de délégués du personnel. Ce salarié doit être indépendant du

patronat, ses droits et obligations doivent être stipulés dans son mandat, le temps passé

à la négociation est rémunéré. Enfin, il bénéficie de la protection de l’article L. 412-18

du code du travail. Le législateur a préféré cette solution à celle du recours au

référendum des salariés. Cette solution est également moins attentatoire aux

prérogatives traditionnelles des syndicats que ne l’aurait été la signature d’un accord

par des représentants élus du personnel.

- En cas d’accord offensif, l’embauche doit représenter au moins 6% de l’effectif, l’aide

est majorée si les embauches correspondent à 9% de l’effectif et que la RTT

correspond à 15% de la durée initiale. L’employeur doit s’engager au maintien de

celui-ci. L’aide est attribuée par convention entre l’Etat et l’entreprise pour 5 ans.

- Les exigences en cas d’accord défensif sont similaires avec pour seule variante que

l’aide est en principe attribué pour 3 ans avec une possibilité d’accorder 2 années

supplémentaires202.

201 Elle peut atteindre jusqu’à 18 000 francs (2744 euros) par salarié la première année et permettre ainsi lacompensation salariale.

202 Comme pour la loi de Robien, on vise à éviter les licenciements prévus dans le cadre d’une procédurecollective de licenciement pour motif économique.

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- L’aide vient en déduction du montant global des cotisations dues par l’employeur pour

la période considérée. Elle est majorée si l’employeur s’engage en faveur de l’emploi

des jeunes. Ici aussi, le principe du non cumul des exonérations joue. L’aide peut être

régionale. Une aide peut également être apportée aux syndicats pour leur action de

formation des mandatés.

L’article 4 prévoit que la RTT est possible sous forme de jours de repos par accord

d’entreprise ou d’établissement. Ce dernier précise les délais maxima dans lesquels ces repos

doivent être pris. Une partie de ces repos peuvent alimenter le compte épargne temps.

L’article 5 donne pour la première fois une définition légale du travail effectif203. « La durée

du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et

doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations

personnelles ».

L’article 6 impose un repos quotidien d’une durée minimum de 11 heures consécutives (sauf

accord collectif étendu dérogatoire). Une pause d’une durée minimale de 20 minutes doit être

accordée au salarié dés lors que la durée du travail atteint 6 heures.

Ces articles constituent l’apport essentiel de la loi Aubry 1. Celle-ci a fait l’objet d’un recours

devant le Conseil Constitutionnel selon la procédure de l’article 61 alinéa 2 de la

Constitution.204 Ce recours se fondait notamment sur la mise en cause par cette loi de la liberté

d’entreprendre205, le passage aux 35 heures étant impératif et risquant de faire peser des

charges nouvelles aux employeurs, et sur la méconnaissance de sa compétence du législateur,

celui-ci renvoyant aux partenaires sociaux. Mais le Conseil constitutionnel n’a pas été sensible

à ses arguments et à déclarer conforme à la Constitution les dispositions des articles 1, 2, 3 et

13 de la loi dans sa décision du 10 juin 1998.

Au cours des débats, si l’intérêt des 35 heures pour l’emploi a été nettement contesté

notamment par des experts du FMI 206, l’apport de celles-ci en matière d’amélioration de la vie

des travailleurs et de droit au temps libre a été soulevé207.

Pour autant, cette loi est à l’origine de nombreuses interrogations et contestations.

203 La définition tenait jusque là de la jurisprudence, voir notamment les arrêts de la Cour de Cassation Chambresociale du 24 novembre 1993, du 1er mars 1995 (Lublin) et du 28 octobre 1997 : « constitue un travaileffectif, le fait pour un salarié de rester en permanence à la disposition de l’employeur ».

204 Saisine par 60 Députés.205 On peut noter que certains députés de droite avaient estimé que la lutte contre le chômage (et donc le droit

d’obtenir un emploi) ne justifiait pas l’atteinte à la liberté d’entreprendre.206 Dont la sagesse et la science économique peuvent être attestées par la population de nombreux pays

d’Afrique et d’Amérique Latine !207 Pour Gremetz, il s’agit d’une condition de l’exercice de la citoyenneté. In JO Débats, 2ème séance, 24 mars

1998.

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Les interrogations portaient notamment sur l’évolution du montant de la rémunération et sur le

sort des salariés en cas de refus de modification du contrat de travail208.

Pour ce qui est du montant des rémunérations, l’orientation générale des pouvoirs publics est

favorable à une compensation intégrale au moment de la RTT et à une modération salariale

durant les quelques années suivantes pour assurer « le bouclage économique de l’opération ».

L’aide devrait être calibrée de manière telle qu’elle permette une compensation intégrale au

niveau du SMIC (comme pour la loi de Robien). Pour autant, des difficultés restent présentes.

En effet, la Ministre de l’emploi s’est prononcée pour le maintien du SMIC mensuel, or celui-

ci est également défini de manière horaire. L’entreprise devrait donc fournir la différence sous

forme d’indemnité compensatrice, mais cette indemnité serait indexée seulement sur

l’inflation et non sur la progression annuelle du salaire ouvrier moyen. Autre lacune : les

travailleurs à temps partiel ne devraient pas en profiter, il y aurait donc rupture d’égalité,

celle-ci serait propre à encourager les entreprises à recourir massivement à ce type de contrats

précaires. Pour certains économistes, il vaudrait mieux que les entreprises acceptent d’assurer

la même rémunération mensuelle aux smicards et négocier une modération salariale les autres

années209.

Les changements d’horaires et de rémunération constituent en principe des modifications du

contrat de travail qui doivent être acceptées par le salarié pour entrer en vigueur. Ce dernier

est en droit de les refuser mais il s’expose alors au licenciement (ce cas ne devrait pas se poser

souvent en pratique car en cette période de chômage élevé, peu de salariés prendront le risque

de perdre leur emploi). Les auteurs se sont alors interrogés sur la nature de ce licenciement, la

modification n’étant pas justifiée par un motif économique mais par un impératif légal. Est- ce

que c’est la signature d’un accord collectif qui donnera au licenciement son caractère réel et

sérieux ?

Pour Jean Pélissier210, le licenciement prononcé suite au refus du salarié serait fondé sur la

faute du salarié (motif personnel) si la convention collective prévoit des clauses plus

favorables. Par contre, le licenciement serait fondé sur un motif économique si la convention

contient des dispositions moins favorables. La loi ne serait pas un gage de simplicité en la

matière !

La question de la modification du contrat de travail se pose en des termes nouveaux, car si la

jurisprudence est claire sur le régime des modifications liées à une décision patronale,

208 Sur ces questions, voir notamment GALLERNE (J. F.), 35 heures : incertitudes sur les conséquences enmatière de rémunération, in option finance n°514, 14 septembre 1998 p22

209CHEVALLARD (L.), « Loi Aubry : l’épineux problème du SMIC », in Option finance 21 juin 1999.210 PELISSIER (J.), La loi dire des « 35 heures » : contrats et perspectives, in Droit Social n°9/10 sept. 98

p.793.

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l’hypothèse où la modification découle de la loi est nouvelle. Il n’y aurait pas modification du

contrat sur la durée de travail lors du passage à l’horaire légal de 35 heures ?

S’agissant des contrats à temps partiels, des contrats à durée déterminée et des contrats

forfaitisés, le fait que les horaires soient contractualisés implique qu’il y aura forcément

modification du contrat de travail. Pour les autres contrats, on s’est interrogé quant à savoir si

la stipulation des horaires constituait une simple information ou une véritable

contractualisation de celui-ci engendrant automatiquement sa modification211. La

jurisprudence s’est rapidement prononcée sur le régime des modifications du contrat de travail

liées à une RTT. Elle a confirmé le caractère contractuel de la durée du travail et de la

rémunération correspondante. « Constitue une modification du contrat de travail, la RTT de

38h30 à 35h30 dés lors que le nouvel horaire réduit durée et rémunération212 ». Par contre, les

heures supplémentaires peuvent être supprimées par décision unilatérale de l’employeur.

Une autre interrogation est relative à la hiérarchie des normes. Est-ce que les dispositions

d’une convention collective signée par un syndicat minoritaire (affilié à un syndicat

représentatif) non présent dans l’entreprise (puisqu’il peut utiliser la voie du mandatement)

s’imposent aux salariés ? Dans l’hypothèse où la durée du travail résulte de normes

individuelles, que va-t-il arriver si une convention collective impose une RTT ? En principe,

une convention collective ne peut modifier un contrat de travail sauf de manière plus

favorable. Mais par rapport à quel référent va être apprécié ce caractère plus favorable ?

Philippe Langlois 213se prononce pour une appréciation individuelle : la clause doit être plus

favorable au regard de la situation personnelle du salarié, or si la RTT s’accompagne d’une

diminution de la rémunération, la clause sera considérée comme défavorable et ne pourra

s’imposer au salarié ! D’autres auteurs postulent par contre pour une appréciation générale du

caractère favorable de la clause de la convention collective prévoyant la nouvelle durée du

travail. Celle- ci serait plus favorable dés lors qu’elle contribue à maintenir des emplois. La

conclusion serait plus nuancée en cas de création d’emplois, l’appréciation ne s’effectuant a

priori que par rapport aux salariés déjà présents dans l’entreprise.

Certaines incertitudes pèsent également quant aux conséquences de la RTT sur les contrats à

temps partiel. En effet, ils sont définis comme ceux dont l’horaire est inférieur d’au moins

1/5ème à la durée légale ou conventionnelle du travail dans l’entreprise. La durée maximale des

contrats à temps partiel passerait donc à 27 heures ?

211 RAY (J. E.), « Quelques questions autour de la loi Aubry 1 », loc. cit. p.764.212 Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 19 novembre 1997 « UIMM 98 ».213 LANGLOIS (P.), « La réduction du temps de travail et la rémunération », in Droit social n°9/10 septembre

1998 p785 à 792.

16

Enfin, la formation serait-elle menacée par le passage aux 35 heures214 ? En effet, les

entreprises vont pouvoir sortir le temps consacré à la formation du temps de travail effectif

afin de réduire le coût des 35 heures, celle-ci ne faisant plus partie du temps de travail, elle ne

sera plus forcément rémunérée. On menace alors la compétitivité des entreprises et

l’employabilité des salariés.

Certains auteurs, comme Jean Emmanuel Ray, craignent que la loi de 1998 en renvoyant à

une loi postérieure les modalités définitives de la RTT, constitue un frein au passage aux 35

heures, les entreprises souhaitant éviter tout risque d’avoir à reprendre toute la procédure en

l’an 2000. Toutefois, Henry José Legrand retient une logique différente. En effet, il estime que

les employeurs ont intérêt à anticiper le passage aux 35 heures en soumettant les nouvelles

embauches à la future durée légale du travail afin d’éviter les problèmes liés à la transition

(dans la mesure où l’horaire collectif stipulé à la convention collective n’y fasse pas barrage).

Comme lors de la dernière réduction du temps de travail en 1982, la RTT s’accompagne de

concessions au patronat. Ainsi, on peut redouter que la RTT soit accordée en contre partie de

plus de flexibilité, notamment avec le recours à l’annualisation ou avec la possibilité de poser

des règles dérogatoires au principe du repos quotidien (par un syndicat majoritaire). Maryse

Dumas (secrétaire confédérale de la CGT) craignait effectivement que cette loi développe

précarité et flexibilité et entraîne une compression du pouvoir d’achat. Il tient aux syndicats de

défendre les acquis puisque beaucoup est remis à la négociation, mais les syndicats sont

affaiblis (perte de légitimité, quel poids aura un salarié mandaté face au patron ?). Marimbert

remarque que l’article 4 de la loi de 1998 créé une « mini modulation » en ouvrant la

possibilité d’organiser la réduction de la durée de travail sous forme de jours de repos.

Toutefois, l’annualisation préexistait à cette loi et elle demeure un dispositif dérogatoire.

Gilles Bélier 215dénonce l’inapplicabilité de cette loi, l’axe temps- production- rémunération

n’existant plus que dans certains emplois industriels encore empreints du taylorisme. De plus,

il craint que les salariés soient conduits à faire le même volume de travail en seulement 35

heures. Enfin, il s’interroge sur la possibilité de trouver des personnes susceptibles de vouloir

travailler le week-end.

Pour Dominique Tellier216, du CNPF, la RTT est inefficace en matière de lutte contre le

chômage, preuve en est avec les Etats-Unis où la durée du travail est plus longue et où le taux

214 In Entreprise et carrières du 27 avril 1999 p.23 à 26 « La formation, otage ou effet de levier des 35heures ? »

215 BELIER (G.), in Droit Social n°9/10 1998 p757.216 TELLIER (D.), loc. cit. p761.

17

de chômage est plus faible. On peut toutefois objecter à Mr Tellier que si le chômage aux

Etats-Unis est faible, c’est en partie grâce à la précarisation du travail ; si la moyenne de la

durée annuelle de travail est plus élevée aux Etats-Unis qu’en France, certaines personnes sont

contraintes d’occuper des « petits boulots » de 5 ou 10 heures par semaine auxquels

correspondent des salaires proportionnels, donc extrêmement bas. Certains économistes

s’alarment d’ailleurs de l’augmentation du nombre de personnes qui vivent en deçà du seuil

de pauvreté dans les pays Anglo-Saxons. Il remarque également que si cette solution était

viable, les autres pays l’auraient appliqué ( !). Enfin, il préconise l’abaissement du coût du

travail comme remède au chômage (alors que la part des coûts salariaux est de plus en plus

faible dans les coûts de production).

Toutefois, des points positifs ont été soulevés. Gilles Bélier met en avant l’intérêt pour les

entreprises d’avoir à revoir leur organisation. Elles ont ainsi l’opportunité d’améliorer leur

compétitivité tout en tenant compte des aspirations des salariés. Jean-René Masson217,

membre de la commission exécutive de la CFDT le rejoint sur ce dernier point.

De plus, la loi Aubry 1 vient renforcer la négociation. Jean Marimbert218 s’en félicite, il avait

remarqué que « la négociation sur l’organisation du travail reste encore un phénomène

minoritaire rapporté à l’ensemble du tissu économique de ce pays ». On facilite la négociation

au niveau de l’entreprise qui est le niveau le plus adéquat pour retenir des mesures adaptées.

La loi impose la consultation du Comité d’entreprise à l’ouverture de la négociation et, au

plus tard, avant la signature de l’accord. Elle impose aussi l’effet utile de cette consultation,

l’objet de la négociation devant être déterminé au moment où le CE est contacté.

Une absence de consultation constitue un délit d’entrave219. Au niveau des sanctions civiles,

l’arrêt EDF/GDF du 5 mai 1998 retient que l’absence de consultation du CE n’entraîne ni

nullité, ni opposabilité de l’accord collectif. Pierre Lyon- Caen 220propose un système de

responsabilité dans lequel le juge des référés pourrait suspendre les négociations et faire

injonction au chef d’entreprise de consulter le comité d’entreprise.

On avait reproché à la loi de 1982 une réduction autoritaire de la durée du travail ; pour Jean

Pélissier221, cette erreur a été évitée avec cette loi, le recours aux heures supplémentaires et au

chômage partiel permettant de moduler les horaires. De plus, un temps d’adaptation est laissé

217 MASSON (J. R.), loc. cit. p759.218 Directeur des relations du travail au ministère de l’emploi et de la solidarité, loc. cit. p779.219 Il s’agit d’une infraction pénale.220LYON CAEN (P.), loc. cit. p. 777.221PELISSIER (J.), loc. cit. p. 793.

18

puisque de 35 à 39 heures, il ne s’agit pas encore d’heures supplémentaires avant l’échéance

de 2000 ou de 2002, elles n’ont donc pas à être majorées.

Cette loi impose de nouvelles règles en matière de repos, celles-ci sont désormais plus

protectrices des salariés.

La considération principale demeure tout de même l’emploi. Comme le dit Jean Marimbert,

« le problème de l’emploi justifie bien de dépasser les problèmes juridiques ».

En pratique, cette loi a eu des répercussions modestes voire décevantes car elle n’a pas

véritablement incité les entreprises à réduire leur temps de travail. En effet, au 22 septembre

1999, seules 15 831 entreprises avaient conclus un accord de RTT, soit seulement 1,3% des

entreprises concernées.

Toutefois, ces accords touchaient tout de même près de 2 millions de salariés.

Conformément à ce qui avait été annoncé, le gouvernement, à partir du bilan tiré de la loi de

1998, a élaboré une seconde loi. Celle-ci a été adoptée le 19 janvier 2000222. Répond-t-elle aux

interrogations restées en suspens suite à la première loi ?

Satisfait-elle les points de contestations soulevées ? Dans quelle logique s’inscrit-elle ?

Dans un chapitre 1er, intitulé durée légale du travail et régime des heures supplémentaires, la

loi vient confirmer les échéances de passage aux 35 heures, soit au 1er janvier 2000 pour les

entreprises de plus de 20 salariés et au 1er janvier 2002 pour celles de moins de 20 salariés223.

L’article 2 vient donner des précisions sur la notion de travail effectif. Sont compris dans la

définition, les temps nécessaires à la restauration et aux pauses dés lors qu’ils satisfont aux

critères de l’alinéa 1er de l’article L.212-4. Si ces temps ne devaient pas être reconnus comme

du temps de travail, ils peuvent tout de même faire l’objet d’une rémunération par voie

conventionnelle ou contractuelle. Le temps consacré à l’habillage, si le port d’une tenue est

imposé et si il a lieu dans l’entreprise, doit faire l’objet de contreparties financières ou sous

forme de repos.

L’article 4 donne une définition de l’astreinte : « une période d’astreinte s’entend comme une

période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de

l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure

d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention

étant considéré comme du temps de travail effectif ». Elle donne droit à une compensation

financière ou sous forme de repos. La compensation est fixée par convention collective ou par222 Loi n°2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail dite loi Aubry 2.223 Article 1er de la loi Aubry 2.

19

l’employeur après avis du comité d’entreprise. Ces périodes doivent être programmées un

mois à l’avance.

L’article 5 pose le régime des bonifications et majorations des heures supplémentaires.

De 35 à 39 heures, ces heures ouvrent droit à 25% de bonification en temps de repos, sauf

accord collectif prévoyant une majoration de salaires.

De 40 à 43 heures, ces heures sont majorées de 25%, un accord collectif peut toutefois

remplacer cette majoration par des repos compensateur.

Après 43 heures, on applique une majoration de 50%.

Toutes ces dispositions sont applicables sous réserve d’un accord collectif plus favorable.

Pour les entreprises de moins de 20 salariés, les règles de bonification et de majoration sont

les suivantes :

De 35 à 39 heures, ces 4 heures ouvrent droit à une bonification de 10% en temps de repos,

sauf accord collectif prévoyant une majoration de salaire. Cette disposition n’est applicable

qu’à partir de 2002, la durée légale de travail restant de 39 heures pour les petites entreprises

jusqu’à cette date.

De 40 à 43 heures, ces heures sont majorées de 25%.

Après 43 heures, on applique une majoration de 50%.

Là aussi, ces dispositions sont applicables sous réserve d’un accord collectif plus favorable.

Le contingent d’heures supplémentaires est fixé à 130 heures224. Toutefois, un décret du 1er

janvier 2000225 précise qu’il est réduit à 90 heures par an et par salarié lorsque la durée

hebdomadaire varie en fonction d’un accord de modulation226. Mais cette réduction ne

s’applique pas si l’horaire varie dans les limites de 31 à 39 heures ou si il est effectué moins

de 70 heures supplémentaires par an.

S’agissant des heures supplémentaires imputables sur le contingent, le législateur a créé des

seuils à partir desquels ces heures sont imputables. Ce seuil est fixé à 37 heures pour l’année

2000, ou 1690 heures par an en cas de modulation. Il est fixé à 36 heures pour 2001, ou 1645

heures annuelles. Les seuils sont équivalents pour les entreprises de moins de 20 salariés mais

pour les années 2002 et 2003. Par ailleurs, les heures supplémentaires ouvrant droit au repos

compensateur de remplacement ne s’imputent pas sur le contingent annuel (article L.212-5 du

224 La CGE- CGC souhaitait que le contingent légal soit fixé à 110 heures, le MEDEF se prononçait pour 188heures !

225 Décret n°2000-82 du 31 janvier 2000 relatif à la fixation du contingent d’heures supplémentaires prévu àl’article L.212-6 du code du travail.

226 La CFDT souhaitait qu’il soit réduit à 50 heures alors que FO voulait que le recours aux heuressupplémentaires soit alors impossible.

20

Code du travail), tout comme les heures effectuées en cas de travaux urgents (article L.221-12

du code du travail).

L’article 6 précise que la durée hebdomadaire de travail ne peut dépasser en principe 44

heures sur douze semaines.

Le chapitre 2 est intitulé répartition et aménagement du temps de travail. Il développe les

possibilités de flexibilité.

L’article 8 prévoit qu’en cas de modulation, la durée hebdomadaire moyenne est de 35 heures,

soit 1600 heures par an. La modulation doit être justifiée par des données économiques et

sociales. Elle doit être soumise pour avis au comité d’établissement ou aux délégués du

personnel. En cas de modification, il doit être consulté à nouveau.

L’article 9 énonce la possibilité de maintenir l’horaire à 39 heures avec la création de repos

compensateur d’une journée ou d’une demi-journée.

Le chapitre 3 s’adresse aux cadres. L’article 11 crée trois catégories de cadres dont certains

sont exclus de l’application de la RTT. Il s’agit des cadres dirigeants définis comme « les

cadres auxquels sont confiés des responsabilités dont l’importance implique une plus grande

indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des

décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les

niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou leur

établissement ».

Par contre, la RTT trouve bien à s’appliquer aux cadres dits salariés qui sont des cadres

intégrés dans une équipe soumise à un horaire collectif ainsi qu’à la troisième catégorie de

cadres (qualifiés d’ « autres cadres »).

La possibilité est ouverte au profit des cadres de conclure des conventions de forfait en heures

sur l’année ou en jours (on limite alors à 217 le nombre de jours travaillés). La rémunération

doit alors être équivalente à celle d’un cadre bénéficiant d’une majoration ou de bonifications.

Le chapitre 4 traite du temps partiel et des contrats intermittents.

L’article 12 modifie le code du travail sur la définition des salariés à temps partiel. Ceux-ci

sont tout simplement définis comme les salariés dont la durée du travail est inférieure à la

durée légale du travail ou à la durée fixée dans la branche, à la durée mensuelle résultant de

l’application de la loi et à la durée de travail annuelle.

21

Les heures complémentaires sont limitées au 1/10ème de la durée normale de travail sur la

semaine ou le mois prévue au contrat. Néanmoins, un accord collectif peut permettre de

dépasser cette limite, mais, dans tous les cas, la durée doit rester inférieure à la durée légale du

travail. Les heures complémentaires au-delà du 1/10ème sont majorées de 25%. Les contrats

prévoyant la durée du travail et la répartition des horaires, le salarié peut refuser d’effectuer

les heures complémentaires au-delà des limites prévues par le contrat. Ce refus ne constitue

pas une faute, ni un motif de licenciement. De même, le salarié peut refuser une modification

de la répartition de sa durée du travail quand bien même elle aurait été prévue

contractuellement, dés lors que ce changement n’est pas compatible avec des obligations

familiales impérieuses.

La loi pose le principe de l’égalité des travailleurs à temps partiel et des travailleurs à temps

complet vis-à-vis des possibilités de promotion, de carrière…

La modulation est possible, l’accord doit alors fixer les catégories de salariés concernés, la

durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle, les modalités de répartition des

horaires.

L’article 14 se préoccupe des travailleurs intermittents. Ces derniers doivent bénéficier des

mêmes droits que les travailleurs à temps complet. Les heures au-delà du 1/10ème de la durée

du travail prévue au contrat sont soumises à une majoration de 25%.

Le chapitre 6 traite du compte épargne temps. L’article 14 prévoit que les congés doivent être

utilisés dans un délai de 5 ou 10 ans. Peuvent être affectées au compte épargne temps, les

heures acquises au titre des bonifications et une partie des jours de repos issus de la RTT.

Le nombre de jours pouvant être affectés au compte est limité à 22 jours par an. Ce compte

peut être utilisé pour rémunérer le temps de formation effectué hors du temps de travail.

Le chapitre 7 sur la formation et la RTT réduit le temps de formation compris comme temps

de travail effectif. En effet, l’article 17 de la loi déduit de l’obligation d’adaptation du salarié à

son emploi qui pèse sur l’employeur, que seules les heures de formation suivie par le salarié

dans le cadre de cette obligation constitue un temps de travail effectif. Toute autre formation

peut être organisée pour partie hors du temps de travail effectif.

Le chapitre 8 traite du développement de la négociation et de l’allégement des cotisations

sociales. L’article 19 restreint les possibilités de bénéficier de l’allégement à la signature de

certains types d’accords :

22

- accord collectif d’entreprise ou d’établissement pour les entreprises de plus de 50

salariés.

- Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou un accord de branche pour les

entreprises de moins de 50 salariés.

La convention doit alors déterminer la durée du travail, les catégories de salariés concernés,

les modalités d’organisation et de décompte du temps de travail, les incidences sur la

rémunération et le nombre d’emplois préservés ou créés227… Elle doit faciliter le passage à

temps complet comme celui à temps partiel, et favoriser l’égalité hommes- femmes.

L’accord doit être signé par une ou des organisations syndicales représentatives dans

l’entreprise228 . Si cette condition n’est pas remplie, un syndicat minoritaire peut demander la

consultation du personnel. L’accord, pour être appliqué, devra recevoir la majorité des

suffrages exprimés.

- Si l’entreprise est dépourvue de délégué syndical et de délégué du personnel, l’accord

pourra être conclu par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale

représentative au niveau national (ou départemental pour les DOM). La loi Aubry 2

reprend donc le mécanisme choisi en 1998. Les conditions restent également

inchangées : le salarié doit être indépendant du chef d’entreprise, il y a une obligation

d’information du mandataire, le mandant peut mettre fin au mandat, l’accord sera

soumis à l’approbation des salariés, le mandaté peut être accompagné d’un salarié de

l’entreprise et bénéficie de la protection de l’article L.412-18 du code du travail.

- Les délégués du personnel peuvent négocier un accord en cas d’absence de délégués

syndicaux et de salarié mandaté. Cet accord doit également recevoir l’approbation des

salariés à la majorité des suffrages exprimés.

- Dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’accord donne droit à l’allégement de

cotisations dés que les salariés l’approuvent à la majorité des suffrages exprimés.

Le bénéfice de l’allégement peut être supprimé ou suspendu si l’employeur, en contradiction

avec sa déclaration, ne réalise pas d’embauche à l’expiration du délai d’un an.

L’article 20 ouvre le bénéfice de l’aide aux entreprises qui se créent et travaillent à 35 heures

si elle verse un salaire mensuel au moins égal à 169 fois le salaire minimum de croissance.

Cette rémunération minimale est revalorisée en fonction de l’évolution de l’indice des prix à

la consommation et de la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire mensuel de

base ouvrier.

227 L’employeur dispose d’un an pour embaucher.228 Un syndicat est majoritaire dans une entreprise lorsqu’il a obtenu la majorité des suffrages exprimés lors des

dernières élections au comité d’établissement ou des délégués du personnel.

23

L’aide est majorée si l’entreprise pratique une durée du travail de 32 heures hebdomadaires ou

1460 heures annuelles.

Un décret du 31 janvier 2000229 donne la liste des organismes ne pouvant bénéficier de

l’allégement en raison de leur situation de monopole ou du concours de l’Etat : les aéroports

de Paris, Electricité et Gaz de France, La Poste…

L’article 23 permet d’effectuer la RTT par étape : 3 étapes sont à franchir pour arriver à

l’objectif du 1er janvier 2002. On s’adresse donc aux petites entreprises, celles pour lesquelles

le passage aux 35 heures est le plus délicat. Elles bénéficient d’une aide calculée au prorata.

Le chapitre 9 est consacré à la sécurisation juridique. Son apport est important car l’article 30

règle le problème de la qualification du licenciement suite au refus opposé par le salarié au

passage à 35 heures. Il établit un article L.212-3 ainsi rédigé : « la seule diminution du nombre

d’heures stipulées au contrat de travail, en application d’un accord de RTT, ne constitue pas

une modification du contrat de travail ». En cas de refus du salarié d’une modification de son

contrat de travail en application d’un accord RTT, son licenciement est un licenciement

individuel ne reposant pas sur un motif économique. Si plusieurs salariés refusent

concomitamment une modification, il y aura autant de licenciements individuels. La loi Aubry

2 vient donc créer un licenciement sui generis.

Le chapitre 10 règle le problème de la rémunération. Selon l’article 32, les salariés passés à 35

heures en 1998 ne peuvent recevoir après 2000 un salaire inférieur au produit du salaire

minimum de croissance en vigueur à la date de la réduction par le nombre correspondant à la

durée collective qui leur était applicable, dans la limite de 169 heures. Cette garantie est

assurée par le versement d’un complément différentiel de salaire. Ce dernier est revalorisé au

1er juillet en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation et de la moitié de

l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire mensuel de base ouvrier (on ne prend pas en

compte le taux d’inflation).

Les salariés à temps partiel dont la durée du travail est réduite, perçoivent un salaire calculé à

due proportion.

Les nouveaux embauchés230 occupant des emplois équivalents aux salariés dont la durée du

travail a été réduite, bénéficient de la même rémunération que ces derniers (ils profitent donc

du complément différentiel).

229 Décret n°2000-83 du 31 janvier 2000 relatif au champ de l’allégement de cotisations sociales prévu parl’article L.241-13-1 du code de sécurité sociale.

230 C'est-à-dire les personnes à temps complet embauchées après la réduction collective de la durée du travail.

24

Les apprentis bénéficient également de la garantie, comme les personnes handicapées.

Enfin, le chapitre 11 prévoit l’application de la loi aux professions agricoles.

La loi Aubry 2 vient donc donner un certain nombre de réponses aux interrogations soulevées

par la première loi. Pour autant, des incertitudes demeurent, de nouvelles difficultés

apparaissent et certaines dispositions sont sujettes à polémiques.

S’agissant de la rémunération, le gouvernement a suivi la voie annoncée, c'est-à-dire

privilégier le maintien des salaires soit par l’octroi d’un minimum garanti, soit par le jeu de la

négociation. Pour ce qui est de la négociation, les premières conclusions conduisent plutôt à

un constat d’échec car dans de très nombreuses branches, les minima conventionnels sont

inapplicables puisque dépassés depuis longtemps par les réévaluation périodiques du SMIC.

85% des accords prévoyaient l’absence de perte immédiate sur le salaire231 mais le gel des

rémunérations pour les mois ou les années à venir.

Pour ce qui est du SMIC, certains syndicats souhaitaient une hausse ciblée du SMIC

compensant intégralement les effets de la RTT, c'est-à-dire une modification de son taux

horaire.

Mais le gouvernement a fait le choix d’un minimum composé de la rémunération mensuelle

minimum établie sur 151,66 heures232 et d’un complément différentiel de salaire. On a donc

retenu un système proche de celui du RMI.

Il était important que le SMIC soit garanti car il assure un pouvoir d’achat minimum et donc

des moyens de subsistance pour le travailleur et sa famille, et par là même, la participation au

développement économique de la nation.233

Bénéficient de ce minimum garanti, tous les salariés dont l’horaire collectif a été réduit en

deçà de 39 heures, qu’ils travaillent dans une entreprise de plus ou de moins de 20 salariés.

Pour les travailleurs à temps partiel qui connaissent une réduction de leur temps de travail, le

complément différentiel est alors calculé « à due proportion « de l’horaire effectif.

Une telle application aux travailleurs à temps partiel est logique car 1/3 de ses salariés sont

rémunérés au SMIC (soit 800 000 personnes) et cette précarité est renforcée par le fait qu’ils

travaillent le plus souvent au titre d’un contrat à durée déterminée. Mais elle entraîne une

discrimination entre les salariés dont la durée de travail est réduite et ceux pour lesquels elle

231 Dans 100% des cas pour le SMIC.232 (35 heures*52 semaines)/12 233 RADE (C.), « SMIC et réduction du temps de travail : la politique des petits pas », in Droit Social n°12,

décembre 1999, p986.

25

reste inchangée. En effet, le coût horaire est modifié par le complément, ainsi la rémunération

pour 30 heures de travail suite à la réduction équivaut à la rémunération d’un salarié resté à 32

heures.

Il y a également une discrimination entre salariés à temps complet et salariés à temps partiel

puisque ces derniers ont l’avantage de bénéficier d’une majoration de salaire de 25% dés la

première heure complémentaire alors que les autres ont droit à une bonification en temps de

repos.

Le principe de l’article L.212-4-2 « à travail égal, salaire égal » est bafoué. La seule solution

qui aurait pu permettre de maintenir l’égalité eût été une majoration du SMIC horaire de

11,42% de l’ensemble des salariés passés à 35 heures.

Le minimum garanti bénéficie également aux salariés embauchés postérieurement à la RTT

qui travaillent 35 heures (ou à temps partiel avec une RTT) sur un emploi équivalent.

La notion d’emploi équivalent a soulevé bien des questions. L’Assemblée Nationale avait

refusé d’y substituer la notion de postes et fonctions, et d’y apporter des précisions

supplémentaires.

Martine Aubry a alors indiqué que cette notion est identique à celle qui s’impose en matière

de priorités de réembauche d’un salarié et de réintégration : « deux emplois équivalents ne

sont pas identiques, ils peuvent s’exercer dans des lieux ou des services différents, mais leur

rémunération et leur place dans la hiérarchie sont équivalentes ». Pour Christophe Radé, il

s’agit d’une restriction discriminante.

Malgré le refus de mener une véritable politique de relèvement des bas salaires, le

gouvernement a voulu favoriser l’extension aux entreprises nouvellement créées par la voie de

l’incitation à la RTT et l’exonération de charges patronales, dés lors que le salaire est

maintenu.

La continuité de l’allégement est assurée en cas de changement dans la situation juridique de

l’employeur : si l’entreprise est cédée, l’employeur est tenu de continuer de verser le

complément différentiel.

Comment calcule-t-on alors le montant dù au titre des heures supplémentaires ? Faut- il

prendre en compte le complément différentiel ? En principe, le calcul va être opéré à partir du

salaire seul car le calcul se fait à partir d’une base horaire, ici le SMIC horaire. De plus, les

heures supplémentaires sont calculées sur le salaire et l’ensemble des éléments

complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni, or le

complément différentiel n’est pas versé en contrepartie directe du travail fourni mais découle

de la RTT.

26

En cas d’absence du salarié, le complément diminue à due proportion.

La revalorisation périodique s’effacera lorsque l’augmentation du SMIC horaire aura permis

de combler l’écart initial entre le minimum garanti, établi sur le montant du SMIC figé au 1er

juillet 1999, et la rémunération mensuelle minimum qui continuera d’évoluer chaque année.

Sa disparition est programmée entre 2003 et 2005. Le minimum garanti doit donc progresser

moins vite que la rémunération mensuelle minimum (dépendante de l’augmentation du SMIC

horaire).

Pour ce qui est du régime du complément, on peut penser a priori qu’il s’agit du même régime

que le salaire dont il constitue une extension. Il entre donc en principe dans le calcul des

primes, accessoires de salaires…

Pour Christophe Radé, l’article s’est fixé un projet ambitieux puisqu’il tente de concilier le

principe de maintien de la rémunération des smicards, l’égalité entre les salariés et la

sauvegarde de la compétitivité des entreprises. Ce choix du complément différentiel, plutôt

que de l’augmentation du SMIC horaire, a été fait pour satisfaire le patronat et les experts de

l’OCDE qui stigmatisaient le trop fort niveau de rémunération des travailleurs français les

moins qualifiés.

Les problèmes liés aux modifications du contrat et à la qualification du licenciement ont été

réglés par le chapitre 9 de loi de 2000 (dans son article 30).

Pour ce qui est de la formation, conformément aux craintes soulevées précédemment, la loi a

fait le choix de distinguer entre temps de formation compris comme temps de travail effectif

car dans l’intérêt de l’entreprise, et temps de formation exclu du temps de travail effectif.

Enfin, s’agissant du problème des travailleurs à temps partiel, la loi Aubry 2 donne une

nouvelle définition de cette nouvelle catégorie de travailleurs. En effet, elle se conforme à la

définition communautaire (qui devait être transcrite au 20 janvier 2000) : il s’agit de salariés

dont la durée du travail est inférieure à la durée légale du travail (à celle d’un travailleur à

temps plein). L’ancienne définition posait des difficultés, plus particulièrement à l’encontre

des salariés qui se trouvaient dans une « zone limitrophe 234» et ne bénéficiaient pas des

avantages des travailleurs à temps partiel (droit de priorité au temps plein, protection en cas

d’usage important des heures supplémentaires, réduction de charges), sans toutefois travailler

à temps plein. La catégorie des travailleurs à temps partiel est donc plus large, par contre, la

loi confirme l’orientation prise par la loi Aubry 1 puisqu’elle constitue un véritable coup

234 Avant la RTT, il s’agissait des salariés travaillant entre 32 et 38 heures par semaines.

27

d’arrêt aux avantages financiers235. En effet, alors que les lois du 31 décembre 1992 et du 20

décembre 1993 avaient pour but d’inciter à user du travail à temps partiel, la loi Aubry 1

cantonne son utilisation en réduisant le champ des incitations236 alors que la loi Aubry 2 va

tout simplement supprimer l’abattement de 30% des charges sociales patronales lié à

l’embauche d’un travailleur à temps partiel. Le recours au temps partiel n’apparaît plus alors

comme un instrument de la politique de l’emploi. Cette mesure peut s’expliquer néanmoins

par le fait que le travail a temps partiel a un caractère subi dans 42% des cas237, notamment en

raison de la faiblesse de rémunération qui en découle.

D’autres alternatives étaient toutefois envisageables. Ainsi, le rapport Génisson, sur l’égalité

professionnelle hommes- femmes, proposait de réserver l’abattement au seul temps partiel

choisi. Le rapport de Gilbert Cette n’envisageait l’octroi de l’aide qu’à condition que le temps

partiel ait fait l’objet d’un accord collectif réduisant les inégalités entre temps plein et temps

partiel.

La loi Aubry 2 va accroître le recours à la négociation collective puisqu’un accord est

désormais nécessaire à la mise en place du temps partiel ainsi qu’aux conditions pour qu’une

annualisation ou une modulation soit possible. Elle tente d’offrir des garanties individuelles

comme une plus grande prévisibilité, le contrat de travail devant mentionner la répartition de

la durée du travail au sein de chaque journée travaillée (le salarié a droit d’en refuser la

modification).

La loi Aubry 2 apporte donc des réponses aux premières difficultés constatées suite à la loi de

2000. Pour autant, de nouveaux points d’accroche sont apparus.

La loi a un chapitre consacré aux cadres238 . L’application des 35 heures semble logique car les

cadres ne sont pas exclus de la réglementation du travail et du paiement des heures

supplémentaires239. De plus, les cadres du privé travaillent en moyenne 46 heures par

semaine240. Mais une réduction du temps de travail des cadres pose des difficultés241. En effet,

235 FAVENNEC- HERY (F.), « Le travail à temps partiel : changement de cap », in Droit Social n°12,décembre 1999, p1004 à 1008.

236 L’aide n’est plus accordée qu’aux contrats prévoyant une durée du travail entre 18 et 32 heures pourbénéficier de la baisse des charges contre une durée de 16 à 32 heures auparavant.

237 INSEE janvier 1999.238 Chapitre 3.239 Arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 14 juin 1990, Bull. civ. N°285, RJS 90.240 Source : INSEE.241 ANTONMATTEI (P. H.), « Les cadres et les 35 heures : la règle de trois ! », in Droit Social n°12,

décembre 1999 pp.996 - 1003.

28

l’objet du contrat des cadres repose sur une mission à réaliser et non sur l’accomplissement

d’une certaine durée du travail. On voit mal les cadres recourir à la pointeuse.

La loi de 1998 n’a pas traité du temps de travail des cadres, elle a renvoyé aux partenaires

sociaux qui ont opté pour un compte épargne temps afin de bénéficier de plus de jours de

repos.

La loi de 2000 crée trois catégories de cadres.

La catégorie des cadres dirigeants, désormais définie à l’article L.212-15-1, est imprécise.

Pour le rapport Gorce, il faut y faire rentrer les directeurs siégeant au comité de direction et les

membres du comité de direction ayant une totale latitude dans leur domaine d’activité. Faut-il

retenir les seuls cadres inscrits dans le collège des employeurs aux élections prud’homales ?

Les critères de responsabilité (doit-elle être importantes ?), d’autonomie et de rémunération

(doit-elle être élevée ? Comprendre les stocks options ?...) ne permettent pas d’arrêter une

catégorie précise. Ce sera alors à la jurisprudence et aux conventions collectives de compléter.

Ces cadres ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au travail de

nuit, au repos quotidien et hebdomadaire ainsi qu’aux jours fériés.

Les cadres intégrés au service sont soumis à la durée légale du travail mais ils peuvent

accepter une convention de forfait si celle-ci fait référence à un horaire dont la limite tient

dans le contingent d’heures supplémentaires et sous certaines conditions de rémunération.

Les « autres cadres » doivent bénéficier d’une RTT, la loi ne précise pas dans quelle

proportion242. Cette réduction peut passer par l’octroi de jours de repos ou par la technique du

forfait. Ce dernier doit être fixé par convention individuelle (accord express du salarié), il est

établi sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle243.

La loi de 2000 modifie le dispositif d’allégement des cotisations sociales244. En effet, elle ne

fait plus référence à un pourcentage d’emplois créés ou préservés rapporté à l’effectif de

l’entreprise pour pouvoir bénéficier de l’aide. On s’en remet donc aux partenaires sociaux,

eux seuls seront en mesure d’exiger un certain niveau d’embauche. L’allégement sera

suspendu si elles ne sont pas réalisées.

La loi impose toujours la signature d’un accord collectif. On retrouve le fait majoritaire (le

syndicat, en plus d’être représentatif, doit être majoritaire) et le recours au référendum en cas

d’accord signé par un mandataire ou un syndicat minoritaire. Dans les entreprises de plus de

242 Si aucune convention de forfait n’est conclue, les cadres de la 3ème catégorie sont a priori soumis aux 35heures.

243 Voir Annexe sur les cadres.244 AUZERO (G.), Droit Social n°12, décembre 1999, pp.1026 - 1034.

29

50 salariés, l’accord peut être conclu avec les délégués du personnel, il sera alors soumis au

référendum et devra être validé dans les trois mois par une commission paritaire. De même,

dans les entreprises de moins de 11 salariés, l’employeur peut arrêter unilatéralement un

document RTT dont l’application sera subordonnée à l’octroi de la majorité simple des

suffrages exprimés lors de la consultation du personnel et à la validation par la commission

paritaire.

Selon l’article 19, l’accord doit mentionner certaines dispositions obligatoires : durée du

travail, catégories de personnel concernées… Une incertitude demeure quant aux sanctions

applicables en cas de méconnaissance de cet article, la nullité de l’accord ou le retrait du droit

à l’allégement semble des sanctions lourdes compte tenu du silence de la loi.

Le montant de l’allégement est calculé pour chaque mois, pour chaque salarié. Il est a priori

composé d’un minimum, soit un montant forfaitaire de 4000 francs (609 euros) par salarié et

par an, et d’un allégement dégressif de cotisations sociales. Le niveau de salaire ne

conditionne pas le droit à l’aide mais son montant, celui-ci varie également en fonction de la

durée collective de travail fixée dans l’entreprise. L’allégement intégral représente 21 500

francs (3277 euros).

Cet allégement peut être cumulé avec l’aide de l’article 3 de la loi de 1998 (on encourage ainsi

les entreprises passées à 35 heures avant 2000), avec l’aide de la loi de Robien et avec l’article

L.241-14 du code de la sécurité sociale au titre de l’obligation de nourriture. Mais le montant

des aides est alors minoré, leur total ne peut excéder le montant total des cotisations dues par

l’employeur. Toutes les autres exonérations sont exclues, dont celles allouées dans le cadre du

travail à temps partiel (sauf si le contrat est conclu avant le 1er janvier 2000, ou si le contrat ne

donne pas lieu à l’allégement en raison de l’absence de RTT).

Le dispositif doit être financé par la création d’un fond par la loi de financement de la sécurité

sociale qui assurera la compensation intégrale. Ce fond devrait être financé par la « ristourne »

Juppé245, la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe sur les activités polluantes et les

droits sur les alcools. Il devait également l’être par une partie du produit des heures

supplémentaires (une disposition prévoyait la taxation des heures supplémentaires entre 35 et

39 heures dans les entreprises n’ayant pas effectué le passage à 35heures), mais cette

disposition a été invalidée par le Conseil constitutionnel.

245 C’est une réduction de cotisations sur les bas salaires, depuis les lois Aubry, elle ne concernait plus que lesentreprises qui n’ont pas signé d’accord RTT. Elle s’élève à 2 460 euros pour les salariés rémunérés auniveau du SMIC et à 2,52 euros pour les salariés qui touchent 1,3*le SMIC (soit 1 464,32 euros).

30

La loi innove en ce qu’elle introduit dans l’article L.321-4-1 un nouvel alinéa 2246. Celui-ci est

issu de l’amendement présenté par Mr Gorce lors de la troisième séance de débat à

l’Assemblée nationale le 7 octobre 1999. Cet amendement, dit amendement Michelin, a été

présenté en réaction à l’annonce de la suppression par Michelin de 7 500 emplois en Europe

alors que les profits de l’entreprise étaient en progression de 17%. Il impose l’antériorité de la

négociation sur la durée du travail à l’établissement du plan social. Ainsi, le plan social

devient le dernier recours, quand toutes les autres pistes ont été explorées. On applique alors

au plan social une formule généralement réservée au licenciement. Toutes les possibilités

concernant l’aménagement du temps de travail doivent donc être envisagées avant

l’élaboration du plan social. Cette solution peut paraître curieuse, il est important d’envisager

la RTT comme une réponse au problème du licenciement, mais pourquoi ne pas l’associer au

plan social ? En cas de non respect de la négociation de la RTT, faut- il prononcer la nullité du

plan social ?

La conclusion d’un accord de RTT n’est pas obligatoire, la loi impose seulement l’obligation

de négocier loyalement247 et sérieusement.

L’amendement a fait des déçus, en effet, il ne remet pas en cause le fondement des

licenciements économiques dans une entreprise bénéficiaire, la jurisprudence admettant quant

à elle que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise constitue une cause

réelle et sérieuse248. Il ne remet pas non plus en cause l’éventuel concours de l’Etat au

financement du plan social. Mais celui-ci suppose tout de même l’accord préalable de

l’autorité administrative compétente, il n’y a pas d’automaticité dans son octroi. D’après les

conventions FNE, les aides n’ont pas vocation à accompagner des licenciements destinés à

améliorer la compétitivité d’entreprises en bonne santé. Ces aides sont souvent accordées à

condition que l’entreprise envisage des mesures significatives d’aménagement / réduction du

temps de travail. Ces détracteurs lui reprochent de ne pas prévoir un système de responsabilité

de l’employeur pour lui faire supporter le coût des licenciements subi par la collectivité.

Enfin, ils regrettent que le licenciement puisse être justifié alors que l’entreprise n’est pas

passée aux 35 heures, la loi n’imposant que la négociation de la RTT.

246COUTURIER (G.), « Les paralogismes de l’amendement Michelin », in Droit Social n°12, décembre 1999p1034 à 1038.

247 Pour Mme Saugues, « la loyauté, c’est le respect des organisations syndicales et la volonté de trouverréellement un accord avec elles. La loyauté, c’est de ne pas considérer les salariés comme une simple variabled’ajustement, c’est accepter de s’asseoir à une table de négociation pour essayer par tous les moyens desauver des emplois avant de présenter la note à l’Etat. La loyauté s’est engager des négociations sans faireplaner au-dessus des salariés le spectre de suppressions massives d’emplois ».

248Arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 26 novembre 1996.

31

Un premier bilan peut être tiré de l’application de ces lois Aubry 1 et 2. Celui-ci est assez

sombre. La législation devait redynamiser le dialogue social, or en pratique, on a constaté une

détérioration des relations sociales dans bon nombre d’entreprises. Il s’agit en fait plus du

problème de la négociation en France, les 35 heures n’en sont qu’un révélateur. Les

entreprises essayent de se mettre en conformité avec la loi plutôt que de réfléchir à une

réorganisation du travail. Les négociations sont menées dans la précipitation249.

La loi a engendré des complications au niveau de l’élaboration du bulletin de paye250, certaines

entreprises ayant prévues 14 formules d’organisation du temps de travail entre les salariés à

temps partiel bénéficiant d’une RTT et ceux n’en bénéficiant pas, les nouveaux embauchés

mais sur un poste non équivalent…

S’agissant des cadres, le débat sur les 35 heures a également servi de révélateur au malaise qui

couvait dans l’encadrement (surcharge de travail, plus de 45 heures de travail par semaine),

mais l’on peut craindre une accentuation du malaise par le choix d’un décompte en jours et

non en heures, on évacue alors tout débat sur la charge réelle de travail.

D’autres craintes sont soulevées : on craint que les contentieux se multiplient, que les

inspecteurs du travail soient débordés, que les entreprises délocalisent compte tenu de la

hausse provoquée par les 35 heures du coût de production, que les investisseurs étrangers se

détournent de la France251, que la formation pâtisse de la distinction peu aisée entre formation

destinée à développer les compétences personnelles du salarié (qui peut être écartée du temps

de travail effectif) et formation destinée à assurer l’adaptation du salarié à son emploi (qui est

du temps de travail effectif). Certains salariés se plaignent de ne plus pouvoir arrondir leur fin

de mois par le biais des heures supplémentaires, les salaires étant à la diète depuis 1974, leur

seul espoir de les voir augmenter avec la reprise de la croissance vient d’être déçu par le

passage à 35 heures252. On craint alors une augmentation du travail au noir.

D’autres salariés sont insatisfaits en raison de l’inégalité de traitement à l’intérieur de

l’entreprise ou entre les entreprises, ainsi que de l’intensification du travail ; les pauses253, les

249 « Le bug des 35 heures », in Liaisons Sociales/Magasine, mars 2000, pp.16 - 28.250DENKIEWICZ (B.) et JOURDAN (D.), « Les incidences du nouveau dispositif sur la confection du 1er

bulletin de paye de l’an 2000», in Droit Social n°12, décembre 1999, p1009 à 1011.251 LANDRE (M.), « Notre arsenal social fait peur aux investisseurs », in Liaisons sociales/Magasine,

décembre 2001 pp.14 - 18. Si la France reste attractive de par ses infrastructures et la qualification de sessalariés et qu’elle reste le 4ème pays d’accueil des investissements internationaux, elle investit plus qu’elle nereçoit (elle a connu une augmentation de 20% des investissements reçus de l’étranger alors qu’elle aaugmenté ses investissements à l’étranger de 74%). On dénonce un coût du travail élevé, une réglementationétouffante et une culture du conflit. La France est le pays d’Europe qui affiche la croissance de la productivitépar tête la plus faible d’Europe.

252 La plupart des accords ayant prévu le gel des salaires pour plusieurs années (disposition contraire àl’obligation annuelle de négocier).

253 Celles-ci ont souvent disparues du fait de la dénonciation de l’ancienne convention ou de l’usage qui lesprévoyait.

32

coupures pour la prise de repas, l’habillage ayant souvent été exclus du temps de travail

effectif. Ces temps devaient donner lieu à des contreparties, en temps de repos ou financières,

négociées par les partenaires sociaux, mais la plupart des conventions collectives restent

muettes sur ce point254. Il ne demeure que l’obligation légale de prendre une pause de 20

minutes après 6 heures de travail effectif255, celle-ci devant donner lieu à compensation

salariale. On constate une véritable chasse aux temps morts, tout gain de productivité est le

bienvenu.

On peut ainsi voir des entreprises dans lesquels la fréquence des réunions est strictement

limitée comme le nombre de participants et sa durée.

La RTT devait favoriser le temps libéré, celui-ci apparaissant en priorité consacrée à la

famille256. Mais il n’y a pas d’équivalence RTT- amélioration de la vie familiale, car la RTT

s’est traduite pour certains par des horaires tardifs voir par du travail le week-end.

Toutefois, la loi comporte des éléments consacrés spécifiquement à la vie familiale, elle

consacre la prévisibilité des horaires (le salarié doit par exemple être informé sept jours à

l’avance en cas de modification de la répartition de la durée du travail), le salarié peut refuser

une modification de ses horaires si celle-ci est incompatible avec des obligations familiales

impérieuses, on permet aux parents d’enfants de moins de 16 ans de capitaliser l’épargne

temps sur une période de 10 ans au lieu de 5. Cette politique d’équilibre du temps de travail

touche également l’égalité des sexes (selon l’INSEE, 2/3 du travail domestique reste à la

charge des femmes).

D’autres enfin se sentent laissés pour compte, tels que les avocats, médecins…

Ils résultent de ces deux lois une modélisation du temps de travail, la négociation a produit un

tassement et une uniformisation de la durée moyenne hebdomadaire (un seul accord sur 300

signés en Aquitaine instaurait une semaine de 32 heures et de 4 jours de travail).

Elle a permis l’accroissement du recours à la flexibilisation. Si l’usage de la modulation des

horaires devait être justifié par des données économiques et sociales, Daugareihl constate en

pratique que la justification est toujours minimaliste et symbolique (les accords évoquent la

variabilité des commandes et l’imprévision des marchés). On retrouve les mêmes termes

quelque soit le secteur d’activité, l’organisation du travail choisi… On banalise la variabilité

des horaires. Le pouvoir du comité d’entreprise de déterminer les périodes d’activité est le

plus souvent laissé au libre arbitre du chef d’entreprise.

254 DAUGAREILH, IRIART et LACOSTE : « le contenu des accords collectifs sur les 35 heures », in DroitOuvrier, juillet 2001, p277 à287.

255 Interprétation donnée par l’arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 13 mars 2001.256 REMY (P. L.), « Réduction du temps de travail et vie familiale », in Droit social n°12, décembre 1999,

p1012.

33

Le recours à l’annualisation, en revanche, n’a pas à être motivé. Elle consiste en l’attribution

de jours de repos dans un cadre annuel. Ces jours sont choisis par le salarié et l’employeur.

Mais en pratique, les choix du salarié sont très encadrés, certaines dispositions

conventionnelles prévoyant sur quelle période ce dernier peut prendre ces jours de repos. Or,

le salarié risque de perdre ces jours si il ne les utilise pas pendant la période de référence.

Certaines entreprises mélangent annualisation et modulation, d’autres usent de la

flexibilisation par l’utilisation généralisée de la modification des horaires avec des délais de

prévenance dérogatoire (réduit à 3 jours au lieu des 7 jours prévus par la loi) sans véritable

justification, ni contrepartie.

Au nom de l’équilibre intérêt de l’entreprise- intérêt des salariés, beaucoup d’usages ont été

dénoncés, souvent par les préambules des accords de RTT. Le patronat a ainsi réussi à

supprimer de nombreux avantages en matière de rémunération (suppression de primes…), de

temps de repos (suppression des jours de congés supplémentaires accordés en fonction de

l’ancienneté, pour des événements familiaux …).

Des incertitudes fortes existaient en 2000, d’abord sur le passage aux 35 heures des

fonctionnaires257. En effet, l’Etat s’est montré réticent à engager des négociations avec ses

interlocuteurs syndicaux alors qu’il avait promis l’entrée relative des 35 heures dans

l’administration pour le début 2002. Les intéressés sont sceptiques, ils ne s’attendent pas à une

réorganisation des services et encore moins à des recrutements, l’Etat souhaitant absolument

éviter de creuser le déficit public et d’alourdir les prélèvements obligatoires. Le rapport Roché

de février 1999 met en évidence des régimes de temps de travail disparates, une absence de

réflexion sur l’organisation du travail et l’opacité et la complexité de la gestion des agents

(l’Etat ne connaît avec précision ni le nombre de ses fonctionnaires, ni leur position

statutaire). La réflexion n’a été entamée que dans le milieu hospitalier suite aux menaces de

grève.

Les doutes sont aussi forts sur le passage aux 35 heures des entreprises de moins de 20

salariés. En effet, au 1er janvier 2000, seules 1% d’entre elles avaient décidé d’anticiper la

RTT et de conclure un accord. Elles ont été dissuadées d’effectuer un tel passage compte tenu

des difficultés qu’il engendrait, ces entreprises étant dépourvues de services juridiques et

imaginant mal les possibilités de réduction applicables à un faible nombre d’employés, le

recours au système du groupement d’employeurs ou du cadre à temps partagé n’ayant en effet

rien d’évident. Ces difficultés s’ajoutaient à celles récurrentes de trouver de la main d’œuvre

257 « 35 heures, plus de deux ans de valse- hésitation », in Liaisons Sociales/Magasine, février 2000, pp. 16 -18.

34

dans certains secteurs tels que la restauration258 ou le BTP. Pour les entrepreneurs, les 35

heures ne sont pas adaptées à la nécessaire souplesse des PME. De plus, les conséquences

financières sont lourdes : réaliser une embauche dans une petite entreprise n’a pas les mêmes

implications que pour une grande firme.

Au 1er août 2001, elles étaient seulement 4% à avoir franchi le cap259 (soit 6% des salariés :

240 000). Elles sont nombreuses à attendre un assouplissement ou un report des 35 heures

(mesure présentée comme propre à relancer la croissance) voire un renversement de majorité

aux élections de printemps 2002.

Sans doute ont-elles eu raison puisque le gouvernement, par son décret du 15 octobre 2001, a

augmenté le seuil d’heures supplémentaires à 180 heures pour les PME ayant conclu un

accord sur les 35 heures, ce qui leur permet de maintenir une semaine de 39 h. Ce seuil est

réduit à 170 heures pour 2003 et à 130 heures pour 2004.

En matière d’emplois, les pronostics étaient partagés. Pour Patrick Artus, directeur des études

économiques à la Caisse des dépôts et consignations, la loi doit entraîner la disparition de

200 000 emplois d’ici 2002-2003 ! La loi est qualifiée de « malthusienne »puisqu’elle

engendrerait une baisse de la production, une hausse du coût de la main d’œuvre…autant

d’effets néfastes conduisant les entreprises à licencier face aux difficultés économiques.

L’Observatoire Français de la Conjoncture Economique prévoyait en 1997 la création de

1 400 000 emplois. En 2000, elle a revu ses prévisions à la baisse puisqu’elle ne prévoit plus

que 700 000 emplois créés en 5 ans avec un sacrifice salarial. La loi de 1998 aurait permis la

création de 160 000 emplois, mais il est délicat de distinguer les emplois dus à la croissance

des emplois liés à la RTT.

On peut alors s’interroger sur le recul opéré par le gouvernement socialiste avec le décret du

15 octobre 2001, ne vient-il pas confirmer la thèse260 selon laquelle la loi a en fait pour

objectif d’assurer une augmentation des salaires de 1 à 2% ? En effet, une partie des

socialistes, dont Emmanueli, ne croyait pas aux effets d’une RTT sur l’emploi, ils ont alors

profité de la loi pour assurer une augmentation des salaires par la voie de la majoration

salariale des heures effectuées entre 35 et 39 heures. Ne remet-on pas en grande partie en

cause la construction réalisée entre 1998 et 2001 ? Ce courant s’oppose aux idées de Michel

258 Avant la loi de 2000, la durée légale du travail dans l’hôtellerie était fixée à 43 heures. 259 MOREAU (I.), « Aie ! Ma petite entreprise passe aux 35 heures », in Liaisons Sociales/Magasine, novembre

2001, pp.16 - 23. 260 Thèse défendue notamment par LARROUTUROU (P.), « Les 35 heures : le double piège », édition Belfond,

Paris 1998.

35

Rocard ou Jacques Rigaudiat qui espérait que la RTT à 35 puis à 32 heures soit créatrice

d’emplois.

Ces débats vont prendre un tour nouveau avec l’alternance politique de 2002. Les adversaires

des socialistes attendaient beaucoup du retour de la droite…

Dés lors on peut s’interroger sur la finalité de la réduction du temps de travail. Pourquoi avoir

révisée cette loi ? Quels sont les enjeux qu’elle soulève ?

Dans une chapitre premier, nous allons étudier les apports de la Loi Fillon et notamment

l’évolution qu’elle entraîne au niveau de la négociation.

Dans un chapitre second, nous allons observer les autres conceptions de la RTT à travers ses

différents mécanismes et les idéaux qui la guident.

36

Première partie :

LA LOI FILLON : ENTRE ASSOUPLISSEMENT ET

REVISION DES 35 HEURES

38

Il paraissait évident qu’avec le changement de majorité au gouvernement, les 35 heures, telles

qu’elles avaient été mises en place sous Martine Aubry, allaient être menacées. Jacques

Chirac avait promis lors de la campagne présidentielle de ne pas abroger la loi sur les 35

heures tout en permettant à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus. On voyait en effet

mal le Président remettre en cause intégralement une loi qui a donné lieu à 35 000 accords

signés par an, qui concerne près de 9 millions de salariés et qui aurait créé directement

300 000 emplois entre 1997 et 2001. Cette ambition de travailler plus pour gagner plus, va

devenir le leitmotiv de l’avant projet sur lequel Messieurs Rafarin et Fillon, respectivement 1er

Ministre et Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, ont eu à se pencher dés

le mois de mai 2002.

François Fillon donnait un indice sur la méthode qui allait être suivie en annonçant qu’il

s’agirait de rendre plus facile et moins coûteux l’usage des heures supplémentaires soit en

augmentant le contingent d’heures supplémentaires ou en faisant jouer le taux de majoration

(un décret aurait alors suffi), soit en jouant sur le seuil de déclenchement des heures

supplémentaires (une loi est alors obligatoire).

Le gouvernement a précisé qu’il avait pour objectif de renouer avec les partenaires sociaux.

Une partie de ces derniers souhaitaient une réforme de la loi mais l’on a pu constater un

manque d’uniformité dans leurs attentes, le MEDEF exigeant le relèvement du contingent

d’heures supplémentaires à 200 heures contre l’avis de la CGT qui voyait dans cet acte la

volonté de vider de sens la loi sur la RTT. La CJD proposait une mutualisation des heures

supplémentaires (par exemple pour une entreprise de 10 salariés, celle-ci gérerait les 1300

heures mises à sa disposition), la CFTC se montrait favorable à un assouplissement des 35

heures pour les entreprises de moins de 20 salariés par un recours au compte épargne temps.

Plusieurs syndicats mettaient en avant l’intérêt de privilégier la négociation de branche.

Pour d’autres syndicats, au contraire, une telle révision ne présentait pas d’intérêt puisque des

mesures existaient déjà : le décret du 15 octobre 2001 permettait aux entreprises de moins de

20 salariés de profiter d’un contingent d’heures supplémentaires de 180 heures, ce qui pouvait

les conduire à pratiquer un horaire collectif hebdomadaire de 39 heures pour l’an 2002. Ce

contingent sera ramené à 170 heures pour 2003 et 130 pour 2004. Dans certains secteurs où le

recours aux heures supplémentaires apparaissait nécessaire, beaucoup de branches

(métallurgie, textile, boulangerie), ont laissé la possibilité à leurs entreprises d’augmenter ce

contingent par un accord interne.

39

Ainsi, des accords ont fait passer le contingent à 220 heures pour le secteur de la charcuterie, à

320 heures pour la pâtisserie… Enfin, dans les grandes entreprises, un accord pouvait prévoir

de remplacer la majoration par une bonification en temps de repos. Une entreprise pouvait

ainsi rester aux 39 heures tout en respectant les dispositions de la loi sur les 35 heures, il lui

suffisait pour cela de donner une semaine de congés supplémentaire par

an.261

Le dispositif définitif a été soumis aux partenaires sociaux le 6 septembre 2002 à l’occasion

de la réunion de la Commission nationale de la négociation collective. Seul Robert Buguet,

Président de l’Union professionnelle artisanale, s’est montré satisfait de cet avant projet262.

La CFTC et la CGT ont dénoncé un système qui accroît la subordination des salariés au bon

vouloir de leurs employeurs. Le MEDEF, quant à lui, s’inquiétait d’une hausse substantielle

du SMIC et réclamait toujours l’augmentation du contingent d’heures supplémentaires par

décret. Il est d’ailleurs quelque peu paradoxal de constater que le MEDEF qui se plaint

habituellement de l’interventionnisme étatique demande en l’espèce lois et décrets. Peut-être

craint-il que le dialogue social conduise à une solution contraire à ses intérêts ?

Cet avant projet proposait en fait une harmonisation du SMIC, un régime unique pour les 8

premières heures supplémentaires, un compte épargne temps plus fonctionnel, une

prédilection pour la négociation de branche et une généralisation des aides aux entreprises

pour les bas salaires.

Sur la question de l’harmonisation du SMIC, la loi Aubry ayant créé autant de garantie de

rémunération mensuelle263 qu’il y a d’années écoulées depuis son adoption, le MEDEF

souhaitait une annualisation du SMIC qui conduirait à exclure sa revalorisation annuelle, il

espérait également que les critères tiennent désormais de l’économique et non du politique. La

réforme des 35 heures apparaissait comme une bonne opportunité de réviser en profondeur le

SMIC en laissant l’Etat garantir un minimum d’aide sociale ou fiscale alors que les entreprises

seraient libres dans la fixation du reste du salaire264. La CGT proposait toujours de pratiquer

une augmentation du taux horaire de 11,4%.

261 BARIET (A.) et FRANCHET (S.), « Le gouvernement face aux 35 heures », in Entreprises et Carrières n°622 du 21 au 27 mai 2002, pp. 4 - 6.

262 FRANCHET (S.), « Les 35 heures mettent le feu aux poudres », Entreprises et Carrières n°634 du 3 au 9septembre 2002, pp. 4 - 6.

263 La garantie mensuelle de rémunération, ou GMR, est égale à la somme du SMIC de l’année x et del’indemnité différentielle.

264 « La nouvelle bataille des 35 heures », in Liaisons sociales quotidien, Revue de presse n°2538, 11septembre 2002, pp. 1 - 4.

40

En dehors de ces débats, la jurisprudence rend ses premiers arrêts de principe sur la base des

lois Aubry 1 et 2. Ainsi, la Cour de cassation a rendu un arrêt très remarqué par sa chambre

sociale le 4 juin 2002 relativement à un accord cadre adopté dans le secteur des établissements

et services pour personnes handicapées. Celui-ci, dans son article 14, stipulait que la durée du

travail est fixée à 35 heures à partir du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20

salariés , et à compter du 1er janvier 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés. Des

salariés d’entreprises qui sont restées à 39 heures vont alors demander à bénéficier en plus de

la majoration de salaire liée à l’accomplissement d’heures supplémentaires entre la 35ème et la

39ème heure, l’allocation de l’indemnité différentielle sensée compenser la perte de salaire liée

au passage à 35 heures.

La Cour de cassation va retenir d’après les termes de la convention, l’obligation du passage

aux 35 heures et va donner droit à la demande des salariés265.

Elle a estimé en effet que si la loi donne un seuil non impératif, il n’en va pas de même de la

convention. Françoise Favennec-Héry266 s’interrogeait sur les motivations de cet arrêt, si le

souhait de la Cour était un souci égalitariste visant à faire profiter à tout le monde de ce

dispositif. Pour Christine Stagnara, il s’agit d’un véritable « dérapage », qui conduit à payer 44

heures des salariés en travaillant 39 puisqu’en plus des 35 heures normales, les salariés ont

alors la possibilité de percevoir les 4 heures d’indemnité différentielle, auxquelles on ajoute

les 4 heures travaillées de 35 à 39 heures qui, si elles ouvrent droit à une bonification de 25%,

portent à quasiment 44 heures l’équivalent en rémunération.267

Un second arrêt de la Cour de cassation a trait au temps d’astreinte. Dans son arrêt du 10

juillet 2002 Syndicat libre des exploitants de chauffage contre Société Dalkia268, la chambre

sociale reprend la distinction posée par la loi Aubry entre astreinte et temps de travail effectif

mais elle ne s’arrête pas là puisqu’elle dissocie également clairement l’astreinte du temps de

repos. En effet, elle va considérer qu’un salarié ne bénéficie pas de son repos hebdomadaire

lorsqu’il est d’astreinte. Ainsi, l’astreinte ne constitue ni un temps de travail, ni un temps de

repos. Elle juge, comme le fait le droit européen, que seul le temps d’intervention doit être

considéré comme temps de travail.

265 GOASGUEN (C.) et DUPAYS (A.), « Accord 35 heures : la lettre l’emporte sur l’esprit », in SemaineSociale Lamy n°1085 du 29 juillet 2002, pp. 5 - 6.

266 FAVENNEC- HERY (F.), « le cumul de paiement des heures supplémentaires et du droit à l’indemnitéconventionnelle de RTT », in Droit Social 2002, pp. 868 - 870.

267 STAGNARA (C.), « Le dérapage des 35 heures : 39 heures payées 44 ! », in Semaine Sociale Lamy n°1097 du 21 novembre 2002, pp. 5 - 9. Voir aussi, CHEVILLARD (A.), « Indemnité de RTT…sans RTT :quelle place pour les partenaires sociaux, entre juge et législateur ? », in Droit Social n°12, décembre 2002,pp. 1059 - 1063.

268 In JCP E n°47 du 20 novembre 2002 p 2085, note d’Agnès VIOTTOLO.

41

La Cour reprend le point de vue de Philippe Waquet : « quelque soit la liberté dont jouit le

salarié pour organiser son temps, il n’est pas entièrement maître de sa personne. La contrainte

que fait peser sur lui l’obligation d’astreinte porte atteinte à sa vie personnelle. L’obligation de

respecter les temps de repos journaliers, hebdomadaires et annuels n’est pas respectée lorsque

le salarié est d’astreinte269 ».

Cet arrêt prend le contre-pied de la circulaire administrative du 3 mars 2000 qui estimait

qu’une position d’astreinte sans intervention pendant une période de repos ne constituait pas

en tant que telle une infraction aux règles relatives au repos. Mais cette situation ne doit pas

conduire à placer le salarié systématiquement en astreinte pendant ces périodes de repos.

La situation ne va pas en s’arrangeant pour le gouvernement de droite, en effet, la nouvelle loi

en préparation s’inscrit dans un contexte délicat avec l’augmentation du chômage, la

multiplication des plans sociaux et des restructurations (chez Alcatel, Hewlet Packard, Matra,

Bayer…). Ces derniers sont perçus comme un signe d’urgence car généralement les

entreprises se préfèrent discrètes et pratiquent les licenciements au compte goutte pour éviter

les plans sociaux. Le gouvernement appelle à l’embauche des jeunes et à la confiance en

l’avenir, comme en 1993. Le CNPF avait répondu à l’époque que cela dépendrait de

l’évolution de la conjoncture internationale270.

De plus, les syndicats dénoncent l’attitude du gouvernement qui, s’il annonce renouer le

dialogue social, présente des mesures en dehors de toute concertation. La CFDT demande des

actes alors que la CGT s’inquiète que sous couvert d’assouplissement des 35 heures, Fillon ne

prépare une réforme plus profonde du code de travail sur le travail de nuit… Pour FO, « les

lois Aubry 1 et 2 ont creusé les traces, le nouveau gouvernement creuse à son tour le même

sillon » (pouvoir d’achat écorné, conditions de travail dégradées, acquis sociaux amputés…).

Pour Michel Jamain, les mesures Fillon sont avant tout idéologiques avant de répondre à un

besoin réel des entreprises ou des salariés. Elles sont également incohérentes puisque l’on

perçoit les premiers signes positifs sur l’emploi en pleine période d’augmentation du

chômage. Le MEDEF énonce que seule une baisse des charges peut créer des emplois.

Le gouvernement Rafarin découvre donc les soucis « du ménage à trois » Etat, syndicats,

patronat271.

269 WAQUET (P.), in Droit Social 2002, p 963.270« Le projet de loi Fillon à l’Assemblée Nationale », in Liaisons sociales quotidien, revue de presse n°2542 du

9 octobre 2002, pp. 6 - 7.271« François Fillon marche sur des œufs », in Liaisons sociales quotidien, Revue de presse n°2537 du 4

septembre 2002, pp. 4 - 5.

42

Pour autant, si une contestation existe, elle est relativement faible car les syndicats ne sont pas

unifiés et la majorité des salariés, s’ils refusent tout retour en arrière, ne sont pas prêts à se

mobiliser pour une loi aussi complexe que la loi Aubry qui a apporté dans les entreprises

annualisation et intensification du travail. Ils craignent toutefois une baisse de leur

rémunération ainsi que de leur temps de repos272.

Malgré tous ces remous, la loi est passée quasiment sans modification car, sur 577 députés,

l’hémicycle compte 365 députés UMP et 28 députés UDF ralliés à leur cause. La gauche n’a

présenté qu’une opposition résignée avec seulement 150 amendements et 3 motions de

censure. On peut également noter le puissant lobbying exercé par le MEDEF auprès des

députés. La loi va finalement être adoptée en 1ère lecture par 373 voix contre 160273.

Le Sénat va tout de même neutraliser une infime partie de la réforme du contingent

conventionnel d’heures supplémentaires274. Entre temps, conformément à ce qui était annoncé

depuis 5 mois, un décret a été adopté le 16 octobre 2002275, celui-ci porte le contingent

d’heures supplémentaires à 180 heures pour toutes les entreprises jusqu’en 2005, y compris

celles de moins de 20 salariés pour lesquelles le décret du 15 août 2001 ne trouve plus à être

appliqué. Seul le contingent de 90 heures, prévu par la loi Aubry, est maintenu en cas

d’accord de modulation. Toutefois, le décret ne s’applique ni aux cadres dirigeants, ni aux

cadres intégrés régis par une convention de forfait en jours ou en heures sur une base annuelle.

En sont également exclus, les salariés itinérants non cadres régis par une convention de forfait

annuel en heures. Ce décret transitoire sera réexaminé le 1er juillet 2004 après avis de la

commission nationale de la négociation collective et du Conseil économique et social, et après

avoir tiré un bilan de la pratique. Pour certains auteurs, ce décret sonne le glas de la RTT

puisqu’accorder aux employeurs la possibilité de recourir à 180 heures supplémentaires par an

revient approximativement à un retour à 39 heures par semaine. Pour d’autres auteurs, il n’en

est rien, car pour recevoir application, ces dispositions doivent-être reprises par un accord de

branche ou d’entreprise.

Appelée à répondre à divers mécontentements, la loi Fillon a beaucoup fait parler avant son

entrée en vigueur (le 17 janvier 2003 après que le Conseil constitutionnel rende sa

décision276). Avec pour préalable le décret du 16 octobre 2002, elle a beaucoup inquiété les

272 « Le projet de loi Fillon sur les rails », in Liaisons sociales quotidien, revue de presse n°2540 du 25septembre 2002, pp. 1 - 4.

273 « Adoption en 1ère lecture », in Semaine sociale Lamy n°1094 du 21 octobre 2002, pp. 2 - 5.274 « 1ère lecture par le Sénat », in Semaine Sociale Lamy du 4 septembre 2002, pp.2 - 3.275 PANSIER (F. J.) et CHARBONNEAU (C.), « Présentation du décret n°2002-1257 » publié au JO n°242

du 16 octobre 2002 p17 082, in Les cahiers sociaux du barreau de Paris n°144 du 1er novembre 2002, p431.276 DC 13 janvier 2003.

43

partenaires sociaux. Nous allons analyser les apports de la loi (chapitre 1) à partir de l’étude

de son contenu (section 1) et des satisfactions qu’elle a engendré (section 2). Pour ensuite

mettre en avant ses limites (chapitre 2), c'est-à-dire les questions qui demeurent après son

adoption et les interrogations qui sont propres à son dispositif (section1) ainsi que les

résistances rencontrées en pratique à cette loi (section 2).

44

CHAPITRE 1 :

LES APPORTS DE LA LOI FILLON :

Une analyse de son contenu va nous permettre de mettre en évidence les avancées et les

réponses attendues, celles-ci étaient assez nombreuses notamment en matière de

rémunération. Ensuite, nous verrons que cette loi est loin de tout résoudre et qu’entre

interrogations et résistances, son application risque d’être mesurée.

SECTION 1- LES DISPOSITIONS DE LA LOI :

La loi est partagée en 3 parties inégales. La première est relative au SMIC. La seconde est

intitulée dispositions relatives au temps de travail et a trait aux règles concernant les heures

supplémentaires, l’astreinte… Enfin, la dernière partie traite des aides aux entreprises en

matière d’emplois.

§1- Dispositions relatives au SMIC :

L’article 1er vise à uniformiser les différents SMIC, en effet, avec les 35 heures, nous avions

vu que la création d’une garantie mensuelle de rémunération avait eu pour conséquence la

coexistence de 6 SMIC. A côté du SMIC des salariés restés à 39 heures, on pouvait observer

une GMR différente suivant l’année de passage aux 35 heures, celle-ci venant assurer aux

salariés un « salaire mensuel qui ne pouvait être inférieur au produit du salaire minimum de

croissance en vigueur à la date de la réduction par le nombre d’heures correspondant à la

durée collective qui leur était applicable, dans la limite de 169 heures ». Ainsi, il y avait 5

GMR entre lesquelles existaient une certaine disparité (le montant de la GMR de 1998 était

inférieur de près de 5% à celle de 2002). De plus, l’évolution de la GMR et celle du SMIC

diffèrent.

45

La loi Fillon vient donc modifier le mécanisme de l’article 32 de la loi Aubry afin de faciliter

la gestion pour les entrepreneurs et d’assurer une meilleure égalité entre les salariés.

L’aménagement consiste à laisser subsister une GMR au profit des salariés qui subissent une

RTT mais celle-ci sera dans tous les cas calculée en fonction du salaire minimum en vigueur

au 1er juillet 2002. On ne conserve donc que la GMR 5, les autres GMR devant s’aligner petit

à petit sur celle-ci pour parvenir à l’équilibre au 1er juillet 2005. Dans la même période, on va

revaloriser le SMIC horaire afin que l’écart entre les montants soit comblé en 2005 (il doit

intégrer la GMR de 2002277), pour ce faire, des « coups de pouce » devraient être accordés

pour accélérer la convergence. Les revalorisations de la GMR et du SMIC ne vont s’opérer

qu’à partir de la référence à l’évolution des prix à la consommation des ménages urbains dont

le chef de famille est ouvrier ou employé. On abandonne donc la référence à l’évolution du

pouvoir d’achat du salaire mensuel de base ouvrier jusqu’au 1er juillet 2005. Celui-ci

représentait tout de même 40% de la revalorisation du salaire minimum.

§2- Dispositions relatives au temps de travail :

La loi Fillon a notamment conduit à la suppression de la référence à la durée de 35 heures.

Dans plusieurs hypothèses, on ne fait plus référence qu’au plafond annuel de 1600 heures.

Ainsi, le temps partiel est évalué à partir d’une base annuelle de 1600 heures, une durée de

travail inférieure à 1600 heures constituera donc un temps partiel278.

A- La majoration des heures supplémentaires :

L’article 2 de la loi vient modifier les majorations des heures supplémentaires.

Désormais, on privilégie la négociation de branche puisque le taux est fixé librement par un

accord ou une convention de branche étendu (on n’a pas souhaité retenir les accords

d’entreprise alors qu’il y aurait eu une certaine pertinence à le faire afin que l’accord soit le

mieux adapté à la situation). La loi donne seulement un taux minimum impératif de 10%.

La loi n’a qu’un rôle supplétif. Elle retient un taux de majoration unique pour les 8 premières

heures supplémentaires (entre 35 et 43 heures), ce taux est de 25%. Le taux de majoration est

porté à 50% pour les heures suivantes. Le système Fillon préfère la majoration des heures

supplémentaires à la bonification en temps de repos, la disposition de la loi Aubry voulant que

277 Voir Annexe sur les GMR.278 Il n’est également plus fait mention de la déduction des congés légaux et des jours fériés (article L.212-4-2

du Code du travail). In Revue Fiduciaire de Droit Social, janvier 2003, pp. 10 - 11.

46

les 4 premières heures supplémentaires donnent obligatoirement lieu à repos compensateur

disparaît donc. Toutefois, il est toujours possible de substituer au paiement des heures

supplémentaires et de leurs majorations l’octroi d’un repos équivalent à condition qu’un

accord collectif de branche ou d’entreprise le prévoie (ou, à défaut d’accord, que le comité

d’entreprise ne s’y oppose pas).

A noter, la possibilité de mensualiser la rémunération des heures supplémentaires entre 35 et

39 heures, qui n’était qu’une disposition transitoire, est, selon la circulaire de la Direction des

Relations du Travail, maintenue dans l’attente d’une prochaine modification législative279.

B- Le rôle des contingents conventionnels et réglementaires relativement au repos

compensateur :

L’article 212-5-1 est également modifié par la loi Fillon. La réforme touche la répartition des

rôles entre le contingent conventionnel et le contingent réglementaire, ainsi que le seuil qui

ouvrait droit au repos compensateur. En effet, la loi Aubry fixait un seuil de 10 salariés. Pour

les entreprises de moins de 10 salariés, les heures effectuées à l’intérieur du contingent

n’ouvraient pas droit au repos compensateur, seules les heures effectuées au-delà donnaient

droit à un repos équivalent à 50% des heures supplémentaires travaillées. Dans les entreprises

de plus de 10 salariés, dés la 41ème heure, le salarié avait droit à un repos compensateur de

50% pour les heures à l’intérieur du contingent.

Pour les heures effectuées au-delà du contingent, le repos était équivalent à 100%. Ce repos

vient en plus de la majoration financière dans les entreprises de plus de 10 salariés.

La loi Fillon conserve le même système mais en portant le seuil à 20 salariés. On facilite donc

le recours aux heures supplémentaires dans les petites entreprises surtout que le contingent de

référence n’est plus le contingent réglementaire mais le contingent conventionnel (quand il

existe). Désormais, le contingent fixé par les partenaires sociaux constitue d’une part le seuil

au-delà duquel l’autorisation de l’inspecteur du travail doit être sollicitée pour accomplir des

heures supplémentaires, et d’autre part, le seuil de déclenchement des repos compensateurs.

Le Conseil constitutionnel a tout de même tempéré ce principe puisque si le contingent

conventionnel dépasse 180 heures, alors qu’il a été fixé par un accord antérieur à la loi Fillon,

on applique le contingent légal pour déclencher le repos compensateur obligatoire. Cette

interprétation a pour origine la contestation devant le Conseil constitutionnel de l’article 2 B

de la loi qui disposait que les accords conclus antérieurement à celle-ci se soumettaient à la

nouvelle règle selon laquelle le contingent conventionnel fixe le seuil de déclenchement du

279 « Circulaire sur la réforme Fillon 2 », in Semaine Sociale Lamy n°1119 du 22 avril 2003 pp. 2 - 3.

47

repos compensateur. Or les députés de l’opposition ont fait valoir devant le Conseil que les

accords antérieurs ne prévoyaient pas une telle disposition, les signataires de l’accord, quand

ils ont fixé la durée du contingent conventionnel, ne pouvaient pas penser que celle-ci

servirait de référence au déclenchement du repos compensateur. L’article porte donc atteinte

au principe de non rétroactivité de la loi et à la sécurité juridique des conventions. Pour les

députés, il y a violation du principe de liberté contractuelle et du principe de faveur.

Le Conseil constitutionnel va décider que cette atteinte était justifiée par des motifs d’intérêt

général suffisants tels que le droit au repos du onzième alinéa du Préambule de la Constitution

de 1946, en ce qu’il est favorable aux salariés si on l’interprète de la manière qui suit : « que

c’est donc le dépassement du plus bas de ces deux contingents qui déclenchera le repos

compensateur obligatoire 280». Cette interprétation ne concerne que les accords conclus avant

la loi Fillon.

Le nouvel article L.216-6 du code du travail offre donc la possibilité aux partenaires sociaux

de déterminer par une convention ou un accord collectif de branche étendu un contingent

d’heures supplémentaires à un « volume supérieur ou inférieur à celui fixé » au contingent

réglementaire (sans qu’il ne s’agisse d’une dérogation à la loi puisque l’accord ne fait que

satisfaire à une obligation légale281).

C- Les règles en matière de modulation :

En cas de modulation, un accord pouvait faire varier l’horaire hebdomadaire, les heures

effectuées au-delà de la durée légale n’étaient alors pas considérées comme des heures

supplémentaires. Cet accord devait respecter un double plafond de 35 heures travaillées en

moyenne sur la semaine et de 1600 heures sur l’année. Désormais, la loi ne fait plus référence

qu’à la limite de 1600 heures par an. L’employeur bénéficie donc d’une plus grande latitude.

Ainsi, les majorations des heures supplémentaires seraient détachées des règles

hebdomadaires, les seuils de déclenchement des heures à 25 et 50% seront appréciés sur

l’année. Selon Dominique Jourdan, pour les entreprises de moins de 20 salariés pendant la

période transitoire, seront des heures majorées à 25%, celles accomplies au-delà de 1783

heures, tandis que les heures majorées à 50% seront celles qui dépassent le seuil de 1966

heures. Il aurait alors été judicieux que le législateur précise les seuils annuels des

majorations.

280 CHARBONNEAU (C.), « Présentation des dispositions relatives au temps de travail et aux salaires de loin°2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi »,in les Cahiers Sociaux Du Barreau de Paris du 1er mars 2003.

281 JOURDAN (D.), « Le nouveau régime des heures supplémentaires », in Semaine Sociale Lamy n°1122 du12 mai 2003.

48

Pour la Revue Fiduciaire de droit Social282, sont aujourd’hui considérées comme des heures

supplémentaires, les heures effectuées au-delà de la limite maximale hebdomadaire fixée par

l’accord collectif (limite haute de modulation) et les heures effectuées au-delà de 1600 heures

ou d’un plafond inférieur.

Il règne donc une grande incertitude dans ce domaine.

D- La définition des cadres intégrés :

L’article 2 VII entraîne un changement dans la définition des cadres « intégrés ». Nous avions

vu qu’il existe trois catégories de cadres dont celle-ci à laquelle on applique les règles

relatives au temps de travail. Les cadres intégrés sont maintenant définis comme ceux « dont

la nature des fonctions les conduit à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du

service ou de l’équipe au sein de laquelle ils sont intégrés ». La loi Fillon abandonne donc un

des critères posés par la loi Aubry qui consistait en la possibilité de déterminer par avance la

durée de leur temps de travail.

Un deuxième critère est modifié, il s’agit du suivi de l’horaire collectif. Il est actuellement fait

référence à la nature de leurs fonctions qui les amène à suivre l’horaire collectif. Selon la

circulaire de la direction des relations de travail, l’expression doit être comprise comme les

cadres dont le rythme de travail peut épouser l’horaire collectif283 (ils peuvent donc arriver un

peu en avance et partir un peu en retard), il n’est pas nécessaire que leurs horaires propres

s’identifient exactement ou en permanence à celui-ci. Ces modifications devraient conduire à

une extension du champ d’application de la notion de cadres intégrés.

E- Les règles de fonctionnement du CET :

L’article 227-1 du code du travail modifie le compte épargne temps284. Ce compte permet aux

salariés d’accumuler des droits à congé rémunérés. L’alimentation du compte provient, dans la

limite de 22 jours par an285, du report de congés payés, de jours de repos issus de la RTT, des

bonifications en temps de repos des 4 premières heures supplémentaires, ainsi que du repos

282 Revue fiduciaire de Droit Social, janvier 2003, pp. 10 – 11.283 « Circulaire sur la réforme Fillon 2 », in Semaine Sociale Lamy n°1119 du 22 avril 2003 p 2 et 3.284 « CET »285 22 jours alors que le projet gouvernemental souhaitait le faire porter à 30 jours. De même, le délai

d’utilisation du compte devait être généralisé à 10 ans, or ce délai de 10 ans n’est applicable que danscertaines conditions restrictives : avoir un enfant de moins de 16 ans et qu’un des parents est dépendant ou àplus de 75 ans.

49

compensateur de remplacement. Ces congés doivent être pris dans un délai de 5 ans à partir de

la date à laquelle le salarié a accumulé un nombre de jours de congé au moins égale à deux

mois, ce délai est modulable par accord.

Avec la nouvelle loi, le législateur a modifié la finalité du compte épargne temps puisque

celui-ci permet aux salariés, en plus de l’accumulation des droits à congés rémunérés, de se

constituer une épargne (sous réserve de l’accord des partenaires sociaux286). Le CET permet

alors un accroissement personnalisé du temps de travail. Ainsi, lorsque la RTT sera organisée

sous forme de jours de repos, ces jours pourront être travaillés et être affectés au CET pour

être rémunérés. Le salarié profitera d’une rémunération plus importante alors que l’entreprise

bénéficiera de temps de travail supplémentaire pour un moindre coût puisque les heures

effectuées ne sont pas des heures supplémentaires287.

En effet, les droits affectés au CET peuvent être valorisés en argent.

Le Sénat va limiter cette possibilité de « monétarisation » à 5 jours de congés288. Il a ainsi

garanti au salarié le bénéfice d’un congé payé annuel d’au moins quatre semaines (seuil

minimum imposé par la directive européenne du 23 novembre 1993).

Certains auteurs, tels qu’Anne Bariet289, regrettent que l’on n’ait pas envisagé d’utiliser ce

compte dans le cadre d’un coinvestissement formation. Cette disposition va en tout cas

permettre de régulariser les accords qui envisageaient une telle possibilité avant la loi Fillon si

ils respectent les conditions prévues par la nouvelle loi. Par contre, cette disposition n’est

valide qu’à la date d’entrée en vigueur de la loi, cette dernière n’ayant pas d’effet rétroactif.

Pour Michel Morand, il s’agit d’une modification en profondeur de la conception du droit de

la durée du travail. En effet, le salarié peut alors faire le choix entre temps de repos et salaire

et définir un véritable projet individuel d’organisation du temps de travail.

F- Le régime de l’astreinte :

L’article 3 est relatif à l’astreinte, il prend le contre-pied de la jurisprudence du 10 juillet 2002

et de la loi Aubry puisque par une formule courte il énonce qu’ « exception faite de la durée

d’intervention, la période d’astreinte est décomptée dans les durées minimales visées aux

articles L.220-1 et L.221-4 », c'est-à-dire imputée dans les temps de repos quotidien et

286 Le CET doit résulter d’un accord collectif étendu, d’un accord d’entreprise ou d’établissement. Celui-cidétermine si le CET permet de constituer un temps de repos capitalisé ou une épargne ou les deux à la fois, endistinguant ce qui pourrait alimenter le temps de repos ou l’épargne.

287 MORAND (M.), « le compte épargne rémunération ou le moyen de choisir son temps de travail », inSemaine Sociale Lamy n°1122 du 12 mai 2003.

288 « 1ère lecture par le Sénat », in Semaine Sociale Lamy du 4 novembre 2002, pp. 2 - 3.289 BARIET (A.) et FRANCHET (S.), « 35 heures, ce qui va changer », in Entreprise et Carrières n°639 du 8 au

14 octobre 2002, pp. 14 - 23.

50

hebdomadaire. Cet article résulte d’un amendement de l’Assemblée Nationale. Elle illustre

encore une fois le dialogue entre la Cour de cassation et le législateur.

Le Sénat a voté le texte car la jurisprudence de la Cour remettait effectivement en cause

« l’ensemble de l’organisation du travail dans certains secteurs où l’astreinte constitue une

pratique courante inhérente à leur activité, notamment dans les secteurs médicaux et sociaux.

Cet arrêt a, en effet, pour conséquence d’interdire toute astreinte de nuit pour un salarié ayant

travaillé la journée, ou toute astreinte le week-end pour un salarié ayant travaillé la semaine ».

Pour autant, le dispositif inquiète notamment les organisations syndicales. Car s’il ne viole

pas le droit européen en la matière, il n’offre pas de garanties aux salariés. Les partenaires

sociaux sont donc invités à préciser le régime des astreintes par la voie de la négociation

interprofessionnelle et à en définir les contreparties.

Cet article ne donne pas de véritable solution de fond. En effet, faut-il considérer que la

période de repos n’est que suspendue par une intervention, ou qu’au contraire, l’intervention,

constituant un temps de travail effectif, interrompt la période de repos laquelle doit être

continue 290? Dans le dernier cas de figure, on serait conduit à octroyer à nouveau au salarié 11

nouvelles heures de repos après chaque intervention. De même, s’agissant du repos

hebdomadaire, aucune astreinte ne pourrait être programmée dés lors qu’il y aurait un risque

d’intervention.

C’est vers cette solution que tend la circulaire du 3 mars 2000 : l’astreinte est décomptée dans

les temps de repos tant que le salarié n’est pas amené à intervenir. Si une astreinte a lieu, le

repos intégral doit être donné à compter de la fin de l’intervention (sauf si le salarié a

bénéficié entièrement, avant le début de son intervention, de la durée minimale de repos

continue prévue par le code du travail, soit 11 heures consécutives pour le repos quotidien et

35 heures consécutives pour le repos hebdomadaire).

Toutefois, si l’intervention faite au cours de l’astreinte répond aux besoins de « travaux

urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des mesures de sauvetage,

pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au matériel », le

repos hebdomadaire peut être suspendu (le salarié a alors droit à un repos compensateur d’une

durée égale au repos supprimé) et il peut être dérogé au repos quotidien.

Le texte législatif perd donc une grande partie de sa valeur, la situation d’astreinte ne se

justifiant que par la possibilité d’intervention du salarié. Le texte ne règle pas non plus le sort

des salariés qui sont d’astreinte les jours fériés, les jours de RTT ou les jours non travaillés

des cadres ayant conclu un forfait jours291.290 Article L.220-1 et L.221-4 du Code du travail.291 MORAND (M.), « S’astreindre à être de repos », in Semaine Sociale Lamy n°1122 du 12 mai 2003, p 11.

51

G- Le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de 20 salariés au plus :

L’article 5 modifie l’article 5 de la loi Aubry 2 en prévoyant une prolongation jusqu’au 31

décembre 2005 (en attendant un accord de branche étendu) du régime transitoire applicable en

matière d’heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus. Ainsi, les 4

premières heures supplémentaires font toujours l’objet d’une majoration salariale (et non d’un

repos compensateur de remplacement) et le taux de majoration reste de 10% (et non 25%).

Cette dernière disposition avait soulevé une certaine indignation chez les partenaires sociaux

car elle ne figurait pas dans la note qui leur a été remise par le gouvernement, ils n’ont ainsi

pas pu faire savoir tout le bien qu’il pensait de celle-ci.

Pour les entreprises passées à 35 heures depuis le 1er janvier 2003, la règle a été maintenue

que seules les heures au-delà de 36 heures s’imputent sur le contingent pour 2003.

H- Règles de versement de l’indemnité différentielle dans le secteur des établissements

médicaux sociaux :

L’article 8 intervient de manière spécifique dans le secteur des établissements médicaux

sociaux en réaction à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation et ses

arrêts du 4 juin 2002. Elle vient préciser le régime applicable au complément différentiel de

salaire dans ces établissements. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation conduisait à

faire bénéficier les salariés de ce type d’établissement travaillant 39 heures, en plus de la

majoration salariale pour les heures effectuées entre 35 et 39 heures, de l’indemnité

différentielle destinée à compenser la perte de salaire liée au passage à 35 heures ! La loi est

donc venue corriger le tir en prévoyant que le complément différentiel de salaire n’est dû qu’à

compter de la date d’agrément de l’accord collectif. C’est donc l’agrément ministériel qui

marquera l’entrée en vigueur de ces accords.

§3- Dispositions relatives au développement de l’emploi :

L’article 9 est relatif à la réduction des cotisations à la charge de l’employeur. C’était encore

une fois l’un des engagements de Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle.

Cette mesure était justifiée par la volonté d’éviter aux entreprises de supporter intégralement

le choc lié à l’augmentation du SMIC. Elle s’inscrit également dans le cadre des politiques en

faveur de l’emploi car l’exonération est un outil majeur de ce type de politique que l’on peut

52

voir utiliser dans le secteur des transports ou en faveur de certaines catégories comme les

jeunes ou les chômeurs de longue durée292.

Dorénavant, elle est détachée de la RTT, elle est justifiée par le soutien aux entreprises pour

les bas et moyens salaires. Elle a remplacé depuis le 1er juillet 2003 la réduction unique

dégressive sur les bas salaires293 et l’allégement Aubry 2. Elle s’adresse donc à plus

d’entreprises. Ses modalités de calcul font l’objet de dispositions transitoires pendant ses deux

premières années d’application. Elle a été critiquée par une fraction de la droite car elle ne

compensait pas totalement la hausse du SMIC.

A- Champ d’application :

La réduction de cotisations patronales de sécurité sociale s’applique aux salariés, c'est-à-dire

aux personnes titulaires d’un contrat de travail (on exclut donc les mandataires sociaux), au

titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation d’assurance contre le risque de privation

d’emploi. Elle s’applique également aux salariés des établissements publics industriels et

commerciaux, des sociétés d’économie mixte, aux employeurs relevant des régimes spéciaux

de sécurité sociale des marins, des mines, des clercs et employés de notaire ainsi qu’aux

employeurs de salariés agricoles.

B- Formalisme :

Contrairement à la loi Aubry 2, la loi ne prévoit aucune obligation déclarative pour pratiquer

la réduction de cotisations. Toutefois, un contrôle a posteriori des conditions d’ouverture ainsi

que des modalités de pratique de cette réduction, pourra être opéré par les URSSAF à

l’occasion de contrôles. Les entreprises sont tenues à cet effet de tenir à disposition de ces

organismes certains documents.

C- Mode de calcul :

La réduction porte sur les cotisations patronales dues au titre des assurances sociales, des

accidents du travail et maladies professionnelles et des allocations familiales assises sur les

gains et rémunérations de l’article L.241-1 du code de la sécurité sociale, versées au cours

d’un mois civil.

292 BARIET (A.), « Refonte des charges sociales, l’heure des comptes », in Entreprise et carrières n°636 du 17au 23 septembre 2002, pp. 4 - 7.

293 Dite « ristourne Juppé ».

53

La réduction est calculée chaque mois civil et pour chaque salarié. Elle est égale au produit de

la rémunération par un coefficient. Le mode de détermination de ce coefficient sera fixé par

décret en fonction de la rémunération horaire de chaque salarié.

Pour la période transitoire du 1er juillet 2003 au 30 juin 2005, pour les entreprises bénéficiant

au 30 juin 2003 de l’allégement Aubry, le coefficient maximal est de 0,26 ; il s’applique au

salaire minimum (SMIC et GMR). Il est dégressif, et nul quand les rémunérations atteignent

170% du salaire minimum.

Pour les autres entreprises, le coefficient maximal est fixé à 0,208 à compter du 1er juillet

2003, il est nul pour une rémunération horaire égale au SMIC majoré de 50%. Ce coefficient

sera porté à 0,234 au 1er juillet 2004. Il sera nul pour une rémunération horaire égale au SMIC

majoré de 60%. Un décret fixera un coefficient pour les salariés dont la rémunération ne peut

être déterminée selon un nombre d’heures de travail effectuées ou pour lesquels des

dispositions particulières en matière de durée maximale de travail sont applicables.

A partir du 1er juillet 2005, le coefficient maximum sera de 0,26 pour les smicards et sera nul

pour un salaire minimum de croissance majoré de 70%.

Un décret fixera la majoration de la réduction prévue en faveur de certaines entreprises

Corses294et pour les entreprises tenues de s’affilier à une caisse de congés payés.

D- Règles de cumul :

Enfin, la loi Fillon pose comme ses semblables le principe de non cumul des exonérations

partielles ou totales de cotisations patronales. Elle aussi prévoit des exceptions. Le cumul est

ainsi possible pendant la période transitoire seulement avec l’abattement pour temps partiel295

si l’entreprise n’est pas passée aux 35 heures et avec l’allégement dit « Robien ». Le cumul est

toujours possible avec l’aide de l’article 3 de la loi du 13 juin 1998, toutefois, la réduction

sera alors minorée296 ; ainsi qu’avec la réduction forfaitaire de l’article L.241-14 du Code de la

sécurité sociale297et avec le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprises issu de la

loi du 29 août 2002298.

294 Pour les entreprises situées en Corse qui remplissent les conditions prévues par l’article 1466 C du Codegénéral des impôts.

295 Exonération des deux premiers alinéas de l’article L.322-12 du code du travail.296 La réduction est cumulable jusqu’au terme des accords ou conventions conclus au titre de la loi de 1998.

Aucun nouvel accord ne peut par contre prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 3. 297 Réduction de cotisations patronales au titre de l’avantage en nature dans le secteur des hôtels, cafés,

restaurants.298 DERUE (A.), « La nouvelle réduction des cotisations patronales de sécurité sociale », in Semaine Sociale

Lamy n°1122 du 12 mai 2003.

54

L’article 15 prévoit que les accords conclus par des salariés mandatés ou des délégués du

personnel avant l’entrée en vigueur de la loi continuent à produire leurs effets, ils peuvent être

renouvelés ou révisés selon la même procédure. Par contre, ce mode de négociation est

abandonné pour les accords à venir. Cette innovation reprise par les accords Aubry n’a donc

pas été maintenue299. Si elle facilitait la participation syndicale dans les petites entreprises, elle

posait des problèmes de légitimité. En effet, si l’accord devait être approuvé par la majorité

des salariés, il n’en reste pas moins qu’à la table des négociations, le salarié mandaté se

retrouvait seul face à l’employeur.

Un dernier article, l’article 16, est relatif à la sécurisation juridique des accords collectifs

conclus sous l’emprise des lois Aubry 1 et 2, ceux-ci sont désormais réputés conclus sur le

fondement de la loi Fillon.

La loi Fillon sans être particulièrement prolixe comporte tout de même un certain nombre de

dispositions importantes. Elle semble bien répondre aux attentes des entrepreneurs sur certains

points :

SECTION 2- HARMONISATION DU SMIC ET ASSOUPLISSEMENT DES 35 HEURES :

UNE REPONSE A L’ATTENTE DES ACTEURS ECONOMIQUES.

§1- La nécessité de la réforme du SMIC :

La critique était quasiment unanime pour dénoncer le système mis en place par les lois Aubry.

On lui reprochait de renvoyer trop de points à la négociation collective, celle-ci conduisant à

des résultats non satisfaisants : les accords fixaient des minima trop faibles, à un niveau

inférieur au SMIC après revalorisation par exemple.

D’autre part, le système de garantie mensuelle de rémunération, en plus d’être complexe, ne

remplissait pas son objectif qui était d’assurer l’égalité entre les travailleurs.

299 Cette pratique a été introduite par l’arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 25 janvier 1995 « dameCharre contre comité français de la faim » (un accord collectif peut être conclu par un salarié mandaté par uneorganisation syndicale) et admise par la loi du 22 novembre 1996. Mais il n’a jamais été un mode général deconclusion des accords collectifs d’entreprise en l’absence de représentation syndicale. Cette possibilité n’aété ouverte que dans le cadre des accords RTT et privilégiée dans les entreprises de moins de 50 salariésdépourvues de représentants syndicaux. BELIER (G.), « Les novations dans le droit de la négociationcollective », in Droit Social n°12, décembre 1999.

55

En effet, il ne bénéficiait pas automatiquement aux nouveaux embauchés (seuls 17 % des

accords prévoyaient son application immédiate aux nouveaux embauchés) et l’article 32, en

prévoyant d’étalonner le montant de la GMR sur le montant du SMIC « en vigueur à la date

de réduction », a fait en sorte que des disparités de rémunération apparaissaient entre les

salariés passant aux 35 heures suivant la date du passage. Ainsi, on a pu constater des

différences de rémunérations de plus de 50 euros entre les salariés passés aux 35 heures en

1998 et ceux passés aux 35 heures en 2002.

Il s’offrait alors au gouvernement deux solutions : soit créer un SMIC 35 heures aligné sur le

montant de la GMR 5 (ce qui aurait entraîner une hausse brutale du SMIC), soit assurer

l’harmonisation comme le prévoyait la loi Aubry mais en accélérant celle-ci (son

aboutissement était finalement prévu pour 2007 !) en gelant la création des garanties

mensuelles de rémunération, en faisant converger les différentes GMR sur la GMR de juillet

2002 (GMR 5) et en ralentissant leur réévaluation par rapport au SMIC.

C’est bien sûr cette dernière solution que le gouvernement a adoptée.

Cette réforme était bien indispensable car la vocation du SMIC est de garantir à l’ensemble

des salariés « une » rémunération minimum.

A- La méthode retenue :

Le gouvernement a donc choisi d’assurer une double convergence des GMR entre elles sur la

base de la GMR la plus élevée (la GMR 5) tout en revalorisant sur la même période le SMIC

horaire afin de combler l’écart. On pratique donc une harmonisation vers le haut. En

moyenne, les salariés gagneraient 2,16% en plus chaque année, soit 6,5% sur 3 ans. La

répartition de l’augmentation se ferait comme ceci : + 4,7 pour la GMR 1 à + 0,5 pour la

GMR 4 la première année.

Le gouvernement veut ainsi relancer la consommation des plus bas salaires, le SMIC devant

augmenter dans le même temps de 11,4% sur 3 ans.

Mais la GMR 5, sur laquelle s’alignent les autres garanties, augmente elle-même chaque

année, complexifiant ainsi l’harmonisation. Le gouvernement devrait alors accorder des

« coups de pouce » chaque année aux 4 premières GMR entre 0,2 et 1,6%.

De plus, les critères de revalorisation de la GMR sont proches de ceux du SMIC, dés lors,

l’évolution de ce dernier dépend largement encore une fois des « coups de pouce »

gouvernementaux, c'est-à-dire de choix politiques plus que de conditions économiques.

56

La réévaluation des GMR dépend désormais de l’indice des prix à la consommation des

ménages urbains dont le chef de famille est ouvrier ou employé ; la modification des critères

des GMR n’a pas fondamentalement changé la donne.

Elle a plutôt entraîné certaines inquiétudes chez les partenaires sociaux qui ont craint que la

modification des critères du SMIC ne soit pas provisoire, voire qu’elle cache une future

réforme de celui-ci, réforme très attendue par le MEDEF.

B- Le coût de la réforme :

Le coût de l’augmentation du SMIC, comme nous l’avons dit plus tôt, sera en partie compensé

grâce à la réforme de la politique d’exonération de charges sociales. Celle-ci est tournée vers

les bas salaires, elle devrait conduire à ce que seulement 4,6% de l’augmentation des salaires

reste à la charge des entreprises sur 3 ans, soit moins que le coût de l’augmentation normale

du SMIC qu’elles auraient du avoir à supporter.

On met donc à contribution le Fonds pour la réforme des cotisations patronales. Le

gouvernement annonçait que celui-ci devait retrouver l’équilibre en 2003 (alors que le

gouvernement précédent avait creusé sa dette pour 2000 à plus de 1,5 milliards d’euros).

Pour Christophe Radé300, l’augmentation de salaire va essentiellement profiter aux salariés

restés à 39 heures, pour les autres, l’augmentation pourrait être de seulement 0,6% (suivant la

date de passage à la RTT). Le pouvoir d’achat ne serait alors que faiblement revalorisé.

Certaines personnes au SMIC ne vont bénéficier d’aucune augmentation, elles sont placées

dans une situation d’inégalité. Pour Radé, elles financent en partie l’harmonisation.

Toutefois, l’harmonisation sera forcément inégalitaire dans son procédé, puisqu’elle doit

permettre de sortir d’une situation inégalitaire.

D’autres auteurs ou politiciens, comme Louis Sauvet301, s’inquiètent des conséquences d’une

hausse du SMIC sur la création d’emplois. En effet, augmenter d’un point le SMIC détruirait

1,5% des emplois concernés. De plus, cette nouvelle hausse, en étant dramatique pour

l’emploi, aurait des répercussions sur les recettes fiscales de l’Etat, sur le financement de la

Sécurité sociale, l’AGS et l’assurance chômage. On peut toutefois espérer qu’un tel constat

soit relativisé par le mécanisme d’exonération de charges pour les bas salaires.

Un autre effet pervers de la mesure a pu être soulevé : en augmentant le SMIC, on augmente

le nombre de smicards et d’emplois peu rémunérés. Cette critique, si elle ressort de la pure

logique et ne doit pas être occultée, n’est néanmoins pas de celles qui doivent conduire à300 RADE (C.), « SMIC et RTT, la fin du cauchemar », in Droit Social janvier 2003, pp. 14 - 18.301 Rapport n°35 devant le Sénat.

57

empêcher une mesure d’harmonisation ou d’augmentation du SMIC. En effet, elle conduirait

à un immobilisme, à un statut quo défavorable aux smicards qui ne pourraient compter que sur

l’évolution liée aux critères de réévaluation, évolution de 1 à 2% par an.

Le bilan de la réforme touchant au SMIC, même si il est prématuré, semble satisfaisant.

L’harmonisation va largement simplifier l’usage du salaire minimum302 et va lui rendre son

rôle d’une garantie unique visant à permettre à toutes les personnes qui le perçoivent de vivre

de manière décente. Toutefois, on peut craindre qu’elle freine à l’avenir toute augmentation

du SMIC. Un autre point tenait à cœur les entrepreneurs :

§2- Le recul sur la RTT dans les entreprises de 20 salariés au plus :

Les petites entreprises sont concernées par plusieurs dispositions de la loi (majoration limitée

à 10% pour les 4 premières heures…), mais elles sont également touchées de près par le

décret de 2002 (contingent porté à 180 heures). Ces entreprises sont restées pour la grande

majorité aux 39 heures, en effet, aux 1er septembre 2002, elles étaient approximativement 90%

à ne pas avoir franchi le pas des 35 heures.

Loin d’être une réticence purement idéologique, il paraissait peu évident à bien des égards

pour les TPE303 de passer à 35 heures. Le grand patron du MEDEF, Ernest Antoine Seillière

parlait d’une véritable « aberration ». Voyons ce qui a conduit le gouvernement à assouplir les

35 heures au profit de ces entreprises, puis nous analyserons les conséquences de cette prise

de position.

A- Une réponse aux pressions patronales :

Beaucoup d’entrepreneurs appréhendaient le passage aux 35 heures, par peur du coût de la

RTT mais aussi par manque d’informations. Pourtant, des réunions étaient organisées dans

chaque branche, mais celles-ci se sont raréfiées et le nombre de leurs participants est allé

décroissant. Une enquête réalisée par l’Observatoire des 35 heures304du 28 février au 5 mars

2001 auprès de chefs d’entreprises de moins de 50 salariés révèlent les principales raisons

évoquées par ceux-ci pour expliquer le fait qu’ils ne sont pas passés à 35 heures. Ainsi, pour

302 La période transitoire promet toutefois de réserver quelques surprises.303 « Très Petites Entreprises ».304 Cet Observatoire a été créé par l’Institut français des experts comptables et l’Union nationale des

commissaires aux comptes).

58

25% d’entre eux, le blocage vient du caractère compliqué de la loi, 33% d’entre eux

redoutaient l’importance des coûts qu’elle engendrerait tandis que 53% arguait des difficultés

et de la lourdeur d’application de cette législation.

Cette situation traduisait bien le scepticisme ambiant, le peu de foi en cette mesure et l’attente

d’un revirement.

La réduction du temps de travail était présentée comme cadrant mal avec la nécessaire

souplesse des petites entreprises. Souplesse dans l’organisation avec l’habitude dans certains

secteurs de régler à l’amiable les horaires d’activité, au jour le jour, afin que la main d’œuvre

soit disponible pendant les périodes d’activité importante, lors des grosses commandes. Cette

souplesse était remise en cause par les diverses exigences de la loi Aubry en matière de

prévisibilité des horaires. Souplesse financière également, la comptabilisation des heures

supplémentaires étant loin d’être stricte. Ces facteurs de souplesse sont présentés comme des

éléments clefs de la réussite économique des PME. Les TPE sont d’ailleurs réputées être la

catégorie la plus compétitive de l’économie française305.

La RTT devait aussi avoir un coût insupportable. En effet, entre les heures supplémentaires

qui devront être payées et l’éventuelle nécessité d’embaucher une personne en plus pour

compenser la RTT, les entrepreneurs craignaient de devoir fermer boutique ou du moins de

devoir faire de savants calculs afin de maintenir un budget équilibré.

Enfin, en lien avec le déficit d’informations, certains employeurs redoutaient d’entamer des

négociations en tête à tête avec leurs employés sans être au point sur les 35 heures. On peut

déplorer la quasi absence des interlocuteurs sociaux et le manque lié à l’absence de services

juridiques dans ce type de structures.

Les employeurs ont alors préféré attendre un assouplissement comme a pu en concéder le

gouvernement socialiste avec la circulaire du 17 octobre 2001 qui permet aux PME de

continuer de percevoir l’allégement Aubry sans qu’elles ne réalisent d’embauche si cette

impossibilité tient à la faiblesse de l’offre de main d’œuvre dans le secteur, mais surtout avec

le décret du 15 octobre 2001 qui permettait un passage aux 35 heures par étapes avec un

contingent de 180 heures supplémentaires pour 2002 (170 puis 130 heures les deux années

suivantes). Puis un véritable recul avec la loi Fillon, celle-ci facilitant le recours aux heures

supplémentaires dans une telle mesure que bon nombre de TPE seront tentées de rester à 39

heures. On a alors pu craindre que ces entreprises ne connaissent jamais les 35 heures :

305 MOREAU (I.), « Aie ! Ma petite entreprise passe aux 35 heures », in Liaisons sociales/ Magasine,Novembre 2001, pp. 16 - 23.

59

B- Les effets pervers de la loi Fillon :

Entre un contingent d’heures supplémentaires fixé à 180 heures, la possibilité de « monétiser »

le compte épargne temps, la majoration de seulement 10% pour les 4 premières heures

supplémentaires…, la loi Fillon permet véritablement aux entreprises de moins de 20 salariés

d’user des heures supplémentaires de telle sorte d’assurer un maintien de l’horaire

hebdomadaire moyen à 39 heures.

Si cette loi répond aux attentes des entrepreneurs, on peut craindre des effets pervers. En effet,

cette situation pourrait conduire à un salariat à deux vitesses entre d’une part, les salariés des

grandes entreprises à 35 heures depuis 2000 et jouissant de repos supplémentaires sans

grosses pertes de salaires, et d’autre part, les salariés des TPE qui sont restés à 39 heures sans

avantage salarial306. Ceux-ci redoutent d’être mis à l’écart.

Par ailleurs, certains syndicats envisagent les 35 heures comme un argument attractif pour la

main d’œuvre. En effet, dans la restauration, le commerce, l’artisanat ou le bâtiment, les

employeurs connaissent des difficultés à recruter ainsi qu’à conserver leur main d’œuvre.

Ce phénomène est le plus perceptible dans la restauration où la durée légale était encore à 43

heures. Le cumul d’un travail fastidieux (43 heures par semaine), rémunéré au SMIC dans

60% des cas, avait souvent vite fait de décourager les volontaires. Le passage aux 35 heures

semble pouvoir apporter des solutions, il a d’ailleurs été adopté par un certain nombre

d’entrepreneurs.

C- Les petites entreprises aux 35 heures :

Elles sont donc près de 10% à avoir franchi le pas. Souvent, ces employeurs passés aux 35

heures sont des personnes soucieuses du respect du droit du travail qui souhaitent notamment

éviter tout procès devant les Prud’hommes. Il s’agit aussi de personnes intéressées par le fait

de donner une bonne image de leur entreprise ou qui saisissent cette opportunité pour en

modifier l’organisation. De meilleures conditions sont généralement un facteur de stabilisation

de la main d’œuvre.

Pour ce qui est du problème du coût du passage aux 35 heures, les entrepreneurs semblaient

satisfaits de l’aide apportée par le dispositif Aubry307, espérons que le nouveau dispositif

d’allégement de cotisations sociales ne bouleverse pas fondamentalement la donne. Pour

306 « La nouvelle bataille des 35 heures » in Liaisons Sociales Quotidien, Revue de presse n°2538 du 11septembre 2002, pp. 1 - 4.

307 REY (F.), « Les bons tuyaux des pionniers de la RTT », in Liaisons Sociales/ Magasine de novembre 2001,pp. 24 - 28.

60

éviter de supporter intégralement le coût d’une embauche, certaines entreprises ont mis en

place un système de personnel « volant » d’une entreprise à l’autre. D’autres entreprises se

sont engagées auprès d’agences d’intérim à faire appel régulièrement à certains intérimaires308.

Certaines entreprises ont profité des possibilités de flexibilisation en utilisant par exemple

l’annualisation par capitalisation, les heures supplémentaires sont récupérées (et non payées)

pendant les périodes creuses déterminées.

Dans le secteur du bâtiment, premier secteur à réclamer les 35 heures pour attirer de la main

d’œuvre, un accord de branche prévoit une RTT par étapes avec 4 possibilités de modulation.

Ainsi, l’étape 3 était marquée par le passage à une semaine de 36 heures sur 4 jours, avec 6

jours de congés supplémentaires (et une embauche).

Il ne faudrait pas non plus donner une image trop idyllique des 35 heures dans les TPE, en

effet, comme dans les grandes entreprises, elles se sont aussi traduites par une dégradation du

climat social liée à un blocage des salaires ou au changement de décompte du temps de

travail. Parfois, les salariés ont alors proportionné leur investissement personnel à leur paye !

Dans d’autres cas, les 35 heures se sont traduites par une intensification du travail, les

demandes de hausse de la productivité individuelle se sont accompagnées d’un changement

d’ambiance pendant les réunions (les restrictions horaires ont éliminé les rencontres ponctuées

par des dégustations et collations). Pour M. Klein309, cette intensification est importante car les

entreprises n’auraient en fait réduit le travail que de 2 heures 30 minutes puisque dans les

entreprises à 39 heures, le temps de travail effectif est estimé à 37h30, il y aurait donc sur les

39 heures près d’une heure 30 minutes de temps consacré aux pauses… qui aurait été

supprimée avec le passage à 35 heures.

De plus, le dialogue social n’a pas toujours été facile, surtout dans les secteurs où le droit du

travail est peu appliqué.

Toutefois, ces illustrations montrent bien que même si elle pose des difficultés, la RTT dans

les TPE est un objectif accessible, la plupart des patrons qui ont mis en place celle-ci avouent

être contents de l’avoir fait. De plus, la plupart des dispositions telles que le taux de

majoration de 10% et le contingent réglementaire ne sont pour l’instant que des mesures

transitoires.

308 Cette possibilité est douteuse, elle détourne quelque peu l’institution. Les intérimaires ne pouvant sesuccéder sur un même poste, leur recours doit être justifié par un accroissement temporaire d’activité…

309 M. Klein, représentant de l’UIMM, le 1er avril 2003, lors du colloque « Les 35 heures, bilan etperspectives », loc. cit.

61

Si la loi Fillon était destinée à résoudre les difficultés posées par la loi Aubry, elle l’a en partie

réalisée concernant le SMIC ou l’application des 35 heures aux TPE. Pour autant, tous les

problèmes ne sont pas réglés :

CHAPITRE 2 :

LES LIMITES DU DISPOSITIF FILLON :

Plusieurs points théoriques ont été soulevés après les lois Aubry, la loi Fillon semble soit

déplacer le problème, soit n’apporter aucune solution. De plus, en pratique, une certaine

désillusion fait que la loi ne devrait pas entraîner de profonds changements.

SECTION 1- LES INTERROGATIONS LIEES A LA LOI :

§1- Les difficultés posées par la loi :

62

La loi Fillon avait pour idéologie plus ou moins masquée de permettre aux entreprises de

rester à 39 heures (avec un taux de majoration qui peut être fixé à 10% par accord de branche)

mais surtout de permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus.

A- Améliorer sa rémunération :

Si cette opportunité est envisageable par le biais du compte épargne temps en « monétarisant »

une partie des jours RTT, cette possibilité est tout de même réduite par les règles de recours

aux heures supplémentaires. En effet, quoi qu’il arrive, c’est le chef d’entreprise qui a

l’initiative du recours aux heures supplémentaires et non le salarié, ce dernier sera donc

subordonné à la décision de son employeur. De plus, on a pu observer que les grandes

entreprises n’utilisaient que 30 à 50% du contingent annuel quand celui-ci était encore fixé à

130 heures (soit un recours en moyenne aux heures supplémentaires par salarié de 50 heures).

Les possibilités d’accroître sa rémunération sont donc limitées.

B- Augmenter le recours aux heures supplémentaires :

La loi Fillon devait permettre aux entreprises passées à 35 heures de recourir plus facilement

aux heures supplémentaires afin de conserver un horaire hebdomadaire proche de 39 heures et

de ne pas pâtir de la RTT notamment en terme d’organisation de l’entreprise. C’était une des

motivations du relèvement du contingent d’heures supplémentaires. Pour autant, cette faculté

est limitée au bon vouloir du salarié. En effet, si les salariés ne peuvent refuser d’accomplir

des heures supplémentaires (sauf dans certaines circonstances exceptionnelles) dans la limite

du contingent, le recours de manière régulière et massive à des heures supplémentaires

entraîne une modification du contrat de travail (la RTT est au moins stipulée dans une

convention collective, elle constitue donc un avantage acquis). Or le salarié peut refuser une

telle modification. Ainsi, il a été jugé que le recours habituel aux heures supplémentaires le

samedi constitue une modification du contrat de travail, de même, un bouleversement de la

répartition des horaires est une modification.

La loi Aubry avait éludé ce type de difficultés en posant le principe que la seule diminution du

nombre d’heures en application d’un accord RTT ne constitue pas une modification du contrat

de travail (article L.212-3 du Code du travail).

63

La jurisprudence a d’ailleurs largement confirmé cette position. En effet, la Cour de

cassation, par sa chambre sociale, a rendu un arrêt le 16 février 2003310 par lequel elle décidait

qu’une salariée à temps partiel qui passe d’un horaire de 65 heures à 58 heures 50 sans

modification du salaire (son taux horaire a été augmenté de 11,43%) en raison d’une RTT

résultant d’un accord d’entreprise conclu dans le cadre de la loi de 1998, ne peut se prévaloir

de sa qualité de salariée protégée pour refuser ce changement d’horaire.

Une RTT sans modification de la rémunération dés lors qu’un accord a été conclu s’impose à

tous les salariés. Elle ne constitue pas une modification du contrat de travail. La Cour occulte

la question de la modification de la structure de rémunération. Elle fait prévaloir le fait que la

disposition est plus favorable. Elle ne pratique pas de comparaison, elle affirme simplement

que l’accord collectif de RTT avec maintien du salaire antérieur est forcément plus favorable,

il prévaut donc sur le contrat de travail.

La cour privilégie donc l’intérêt collectif (l’emploi) sur l’intérêt individuel.

La primauté de l’accord collectif est également affirmée sur le statut protecteur des

représentants du personnel ce qui est plus contestable, la Cour passe en effet outre le fait

qu’aucune modification comme aucun changement des conditions de travail ne puissent être

imposés à un salarié protégé sans son accord311. La chambre sociale n’a d’ailleurs pas pris la

peine de vérifier que cette solution porte atteinte à la protection exceptionnelle et exorbitante

de droit commun dont jouit le salarié protégé ou à la possibilité d’exercer normalement son

mandat. Ce changement d’horaire pouvant conduire le représentant du personnel à ne plus

voir une partie des salariés embauchés à un horaire différent. Cet arrêt prend le contre-pied de

la jurisprudence antérieure sur la protection des représentants du personnel312.

Par contre, pour la loi Fillon, le contrat de travail pourrait bien être un bastion de résistance à

l’augmentation du temps de travail313.

Dans beaucoup d’entreprises, des salariés très satisfaits des 35 heures, ont refusé d’effectuer

des heures supplémentaires (notamment, chez PSA, dans la grande distribution…).

310 « RTT et modification du contrat de travail » in Semaine Sociale Lamy n°1113 du 10 mars 2003 pp. 10 -11 ; MILLET (L.), « Accord de RTT sans perte de salaire et statut des élus et mandatés » in RPDS n°696avril 2003 ; THOMAS (C.), « Accord de réduction du temps de travail Loi Aubry 1 », in RJS mai 2003, pp.371 - 375.

311 Arrêt de la Cour de cassation chambre commerciale du 25 novembre 1997. 312 Par exemple l’arrêt de la cour de cassation chambre sociale du 23 janvier 2002 selon lequel les salariés

protégés ne peuvent pas refuser par avance aux dispositions d’ordre public instituées pour protéger leurmandat.

313 MORAND (M.), « Augmenter le temps de travail », in Semaine Sociale Lamy n°1095 du 28 octobre 2002,pp. 7 - 10.

64

De plus, l’application des nouvelles règles en matière de contingent, suppose la signature d’un

nouvel accord collectif, ce qui ne va pas sans poser certains problèmes (voire chapitre 2,

section 2, §2).

Néanmoins, si les heures supplémentaires sont inscrites à l’horaire collectif et qu’elles sont

justifiées par les nécessités de l’entreprise, qu’elles soient prévisibles ou non, l’entreprise peut

les utiliser de manière structurelle et ainsi rester à 39 heures314. Elles doivent donc être

motivées par des raisons économiques (surcroît d’activité, commande particulière), de

compétitivité, d’organisation des horaires…On retombe alors sur le problème de la

rémunération. En effet, si le salarié travaille à nouveau en moyenne 39 heures en dehors d’un

accord de modulation, on peut imaginer qu’il sera alors privé de l’indemnité différentielle ou

que celle-ci sera réduite (elle amortirait l’accomplissement d’heures supplémentaires). Si la

RTT s’est traduite par une augmentation du taux horaire, la rémunération sera en plus

augmentée du nombre d’heures supplémentaires réalisées grâce à la majoration.

La loi Fillon pose donc de nouvelles difficultés. Cette situation est d’autant plus dommageable

que certaines difficultés demeurent depuis les lois Aubry.

§2- Les problèmes non résolus :

De nombreux points d’accroche subsistent : la loi Fillon n’a rien prévu s’agissant des

questions relatives au temps de formation (comment distinguer le temps de formation

nécessaire à l’adaptation du salarié de celui utilisé pour son compte personnel ?), elle n’a pas

véritablement simplifié le régime de l’astreinte, elle ne règle rien au niveau de l’intensification

du travail et si elle harmonise les différentes GMR, de nombreuses interrogations relatives à la

rémunération restent en suspens dés lors que l’entreprise est restée à 39 heures ou pour le

maintien des salaires supérieurs au SMIC notamment.

Ici, nous allons nous attarder sur deux dispositifs particuliers repris par la loi Fillon. Le

premier est relatif à la négociation, le suivant au régime des cadres.

A- Les problèmes posés par le recours à la négociation collective :

314 Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 9 mars 1999 : « les heures supplémentaires imposées parl’employeur dans la limite du contingent dont il dispose légalement et en raison des nécessités de l’entreprise,n’entraîne pas une modification du contrat de travail».

65

Les lois Aubry ont été largement novatrices en matière de négociations, elles ont notamment

créé la notion de négociations loyales et sérieuses « tendant à la conclusion d’un accord de

réduction du temps de travail » (article L.321-4-1 du Code du travail) comme préalable à

l’établissement d’un plan social. La loi Fillon a éliminé beaucoup de ces innovations.

La loi Fillon a ainsi supprimé la possibilité pour les salariés mandatés et les délégués du

personnel de signer de nouveaux accords de RTT. Ils peuvent simplement réviser ou

renouveler des accords antérieurs à la loi du 17 janvier 2003. Dommage, la CFDT voyait dans

le mandatement une opportunité pour le renouveau du syndicalisme. En effet, celui-ci

permettait aux syndicats de pénétrer les PME.

En supprimant le dispositif d’incitation au passage aux 35 heures (dispositif d’allégement de

la loi Aubry 2), la loi Fillon supprime également le recours aux accords dits majoritaires qui

imposaient que l’accord soit signé par un (ou plusieurs) syndicat non seulement représentatif

dans l’entreprise mais qui ait également recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des

dernières élections du comité d’entreprise ou des représentants du personnel. Ce type d’accord

avait les faveurs d’une partie de la doctrine et était mis en avant par le précédent

gouvernement car il semble plus légitime.

La légitimité du signataire étant d’autant plus importante que les négociateurs ne cherchent

plus à acquérir plus d’avantages mais plus de contre parties315. Pour autant, ce système n’est

pas la panacée. En effet, le taux d’abstention aux élections professionnelles est généralement

élevé, un syndicat peut être considéré comme majoritaire aux vues des scrutins exprimés alors

qu’il peut être dans le même temps largement minoritaire relativement au nombre d’inscrits316.

Une autre carence objectée aux accords majoritaires est que, dans beaucoup d’hypothèses,

aucun accord ne sera possible sans la CGT ou la CFDT.

Enfin, dans certaines situations, il pouvait être fait appel au vote direct des salariés sur le

projet d’accord. Ici aussi, cette solution empreinte de légitimité pose tout de même des

difficultés : la question posée aux salariés l’était-elle en toute objectivité ? Est-il normal que

l’ensemble des salariés répondent sur la nécessité d’une mise en place d’une modulation aux

effets négatifs qui ne concerne qu’un groupe restreint d’entre eux ?

Ces dispositifs présentent des carences mais il est dommage que la loi Fillon n’ait pas tenté de

les reprendre quitte à les aménager (en accordant le statut de syndicat majoritaire aux

315 RAY (J. E.), « Les grandes manœuvres de la négociation collective (à propos des articles 11 et 15 de la loiAubry)» in Droit Social janvier 2000 op. cit.

316 Cela nuit à la légitimité du syndicat, toutefois, on peut objecter que les problèmes d’abstention ne concernentpas uniquement les élections professionnelles. En effet, des cas de figure similaires peuvent être rapportéeslors d’élections …présidentielles par exemple !

66

syndicats s’ils obtiennent effectivement la majorité relativement au nombre d’inscrits, comme

pour le droit d’opposition, et non par rapport au nombre de scrutins exprimés).

Comme la loi Aubry, la Loi Fillon pose une incitation à négocier si forte qu’elle frise

l’obligation. En effet, pour pouvoir bénéficier des dispositions de la nouvelle loi, un accord

doit être conclu. La loi Fillon met en avant, quant à elle, la négociation de branche. Seuls les

accords de branche étendus peuvent déroger à la loi, on accentue ainsi le poids de leur nature

réglementaire ainsi que leur autonomie par rapport à la loi. L’arrêté d’extension qui rend les

clauses dérogatoires applicables, ressemble à un agrément donné par le ministre.

Jacques Barthélémy 317parle d’une contractualisation du droit de la durée du travail.

Pour autant, l’auteur montre également la résistance du règlement. En effet, celle-ci résulte du

peu de confiance de l’Etat dans les corps intermédiaires, le progrès social n’étant jamais venu

de la politique contractuelle ( !). Il y a ainsi une multiplication des décrets.

On peut également y voir la volonté de protéger les salariés par l’adoption de mesures

obligatoires d’application nationale. A l’origine, on reconnaissait à la loi cette qualité. Cette

norme nationale impérative censée incarner la volonté populaire était la mieux à même

d’assurer un minimum de protection aux salariés. Les lois d’Allardes et Le Chapelier, en

supprimant les corporations, ont coupé le lien entre les représentants des travailleurs et la

réglementation du travail, et ont ainsi permis la toute puissance de la loi.

Mais avec la multiplication des grèves, l’Etat a souhaité un retour à la paix sociale et il a donc

redonné un rôle aux coalitions de travailleurs (loi de 1868). Afin de ne pas en rester à un

simple armistice et instaurer une véritable paix sociale, les lois de 1920 et 1921 ont conféré la

personnalité juridique aux syndicats et leur ont reconnu la capacité de conclure des

conventions collectives. Désormais, si les salariés sont insatisfaits de leurs conditions de

travail, c’est à leurs syndicats, à leurs représentants, qu’ils doivent d’abord s’adresser.

Mais cette mutation n’a pas été sans difficulté entre un Etat omnipotent et des syndicats plus

habitués à la contestation qu’aux pourparlers. Toutefois, l’évolution a bien eu lieu, facilitée

entre autre par les interventions du législateur : loi sur la représentativité (1950), sur le

paritarisme…Les partenaires sociaux sont de plus en plus amenés à participer au pouvoir

décisionnel.

Pourtant, on peut réfléchir sur le fait que l’objectif de protection des travailleurs soit transféré

de l’Etat aux partenaires sociaux. La négociation en France a été relancée par les dernières lois

sur la durée du travail. Aux vues des difficultés rencontrées, on peut s’interroger sur l’aptitude317 BARTHELEMY (J.), « Droit de la durée du travail : la tendance à la contractualisation », in Droit Social

janvier 2003 pp. 25 - 32.

67

des syndicats à négocier en France. En effet, les négociations ont parfois commencé par des

grèves et ont souvent été longues pour des résultats non satisfaisants. De plus, le système de

représentativité laisse perplexe et a été souvent critiqué ; son caractère immuable, la perte

d’intérêt pour les élections professionnelles, la faiblesse des adhésions, le manque de

pertinence des critères de représentativité et la possibilité d’affiliation à un syndicat

représentatif, sont autant de facteurs qui font douter de la légitimité des syndicats pour

négocier et signer des accords au nom des travailleurs318. Dés lors, des hésitations entre

recourir au pouvoir réglementaire ou législatif et recourir aux syndicats sont possibles. Qui est

le mieux à même de protéger le salarié ? Qui peut le mieux le représenter ?

La loi Fillon reprend le système des lois Aubry, elle pose des limites à l’intérieur desquelles

les partenaires sociaux sont habilités à négocier, ils ne sont donc pas totalement libres

( des accords dérogatoires sont toutefois possibles comme nous l’avons vu par voie d’accord

de branche étendu).

Ils sont toutefois le « dernier rempart » contre les aspirations du patronat à réaugmenter la

durée du travail ou à modifier la majoration des heures supplémentaires.

B- Quels cadres pour quel régime ?

A force de remaniement, le régime applicable aux cadres en a perdu en clarté. La loi Fillon

s’inscrit-elle dans le sillage de la loi Aubry 319?

Elle reprend la distinction de la loi du 19 janvier 2000 entre trois types de cadres mais elle

abandonne par contre le critère permettant de les distinguer, à savoir si le cadre pouvait ou

non prédéterminer sa durée de travail.

S’agissant des cadres dirigeants, cadres quasiment exclus du champ de la durée du droit du

travail, la loi Fillon n’a pas apporté de modification à la définition. Ce sont donc les cadres

« auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande

indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps et qui sont habilités à prendre des

décisions de façon largement autonome ». La jurisprudence320a contribué à rappeler le

caractère restrictif de cette définition, qui est en effet plus réduite que celle des cadres

318 ROSSANVALON (P.), « La question syndicale », Plon 1995. Voire aussi LABBEE (D.) et ANDOLFATTO(D.), « Sociologie des syndicats », Repères 2001.

319 FAVENNEC- HERY (F.), « Loi Fillon : Quels cadres pour quel régime ? », in Semaine Sociale Lamy n°1122 du 12 mai 2003, pp. 21 - 26.

320 TGI Paris, 19 décembre 2000, Fédération française des syndicats CFDT des banques et des sociétésfinancières c/ Société Diac, RJS 4/01, n°461.

68

supérieurs. Elle ne concerne en fait que les cadres de direction ayant un pouvoir

d’infléchissement de la politique de l’entreprise ou de l’établissement. Il aurait paru

souhaitable que la loi Fillon reprenne la jurisprudence et rappelle l’impossibilité pour l’accord

collectif d’étendre la définition à d’autres catégories de personnel n’ayant pas ce niveau

d’autonomie et ce pouvoir décisionnel.

Nous l’avons vu, la loi du 17 janvier 2003 modifie la définition des cadres intégrés. Ceux-ci

sont soumis au droit commun de la durée du travail. Ils étaient définis à partir de deux

critères : la soumission à l’accord collectif et la prédétermination de la durée du travail. Il

n’était fait référence ni à la nature des fonctions exercées, ni au niveau de responsabilité. Ils

sont censés travailler au même rythme que les personnes qu’ils encadrent d’où leur

soumission au droit commun. Pourtant, leurs horaires ne doivent pas être calqués sur ceux de

leurs subordonnés.

La loi va donc éliminer la référence à la prédétermination du travail et définir ces cadres

comme ceux « dont la nature des fonctions les conduit à suivre l’horaire collectif applicable

au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ». La circulaire

d’application321 précise que ces salariés « peuvent effectuer des heures supplémentaires en

nombre limité. Tel est le cas, par exemple, pour permettre la transmission de consignes ou

préparer le travail des jours suivants…Par exemple, ils peuvent en différentes occasions

arriver un peu avant le reste des membres de l’atelier ou du service ou partir un peu plus tard.

L’horaire collectif garde néanmoins son rôle structurant dans le rythme de travail de ces

cadres »

On ne voit pas en quoi l’accomplissement d’heures supplémentaires remet en cause l’horaire

collectif. S’il est intéressant de mettre en avant les critères de la nature des fonctions et de

l’indépendance qu’elle confère, on ne peut pas dire que la nouvelle définition enferme la

catégorie dans des critères précis.

Dans certaines conditions, les cadres intégrés peuvent bénéficier de conventions de forfait.

Toutefois, cette possibilité est d’avantage prévu en faveur des cadres autonomes et dans une

moindre mesure au profit des salariés itinérants non cadres.

Les cadres autonomes étaient définis par défaut dans la loi Aubry 2, il s’agissait des cadres ni

intégrés, ni dirigeants. On utilisait donc les critères de définition des cadres intégrés pour

déterminer celle-ci, à savoir que leur durée du travail ne pouvait être prédéterminée et qu’ils

321 Circulaire DRT n°2003-06.

69

ne relevaient pas de l’accord collectif. Or, avec la suppression du premier critère et la

modification du second, cette définition n’est plus pertinente.

La loi Aubry distinguait également entre les cadres pouvant bénéficier d’une convention de

forfaits jours des autres. Il s’agissait de cadres « dont la durée du travail ne peut être

prédéterminée du fait de la nature de leur fonctions, des responsabilités qu’ils exercent et du

degré d’autonomie dont ils bénéficient dans l’organisation de leur emploi du temps ». La loi

laissait à l’accord collectif le soin de préciser le champ d’application de la convention de

forfait. La jurisprudence s’est montrée là aussi très stricte dans l’analyse de ses trois

conditions.

La loi du 17 janvier 2003 prévoit désormais simplement que la « convention ou l’accord

définit, au regard de l’autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, les catégories

de cadres concernés ». L’autonomie devient donc l’unique critère.

Or celui-ci est également utilisé pour qualifier les cadres dirigeants et les itinérants non-

cadres. L’autonomie est un critère inhérent à la nature même des cadres, on voit mal comment

il pourrait constituer un critère de distinction entre les différentes catégories de cadres322. Pour

Jean Emmanuel Ray, se référer à l’autonomie dont dispose les cadres pour leur ouvrir l’accès

au forfait jours amène à pouvoir appliquer à tous les cadres cette possibilité323.

La distinction entre cadres pouvant être soumis au forfait jours et cadres pouvant bénéficier

d’un forfait heures incombe aux accords collectifs.

On peut penser que les juges seront tentés dans de telles circonstances de recourir à nouveau

aux critères de prédétermination de la durée du travail, de la nature des fonctions et des

responsabilités exercées.

Pour ce qui est des salariés itinérants non cadres, la loi Aubry leur permettait de bénéficier

d’une convention de forfait annualisée en heures dés lors que leur durée du travail n’était pas

« prédéterminable » et qu’ils disposent d’une réelle d’autonomie dans l’organisation de leur

emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées. La loi Fillon va

étendre le bénéfice du forfait heures ; en effet, elle conserve les mêmes critères mais les fait

jouer de manière alternative. Cela revient en quelque sorte à substituer le critère de

l’autonomie à celui de l’absence de prédétermination du temps de travail.

322 FAVENNEC-HERY (F.), « Mutations dans le droit de la durée du travail », in Droit Social janvier 2003,pp. 33 - 39.

323 RAY (J. E.), « 35 heures : le forfait jours désormais applicable à plus de cadres », in Le Monde 4 février2003.

70

La loi Fillon assouplit donc les critères de définition des différents types de cadres mais les

réponses apportées sont peu satisfaisantes et elles laissent en plus subsister des incertitudes.

En effet, certaines questions se posent notamment quant à la portée des clauses des accords

collectifs relatives aux cadres. La loi laisse une large part aux accords pour déterminer qui

peut bénéficier d’un forfait jours. Pour autant, les juges du fond n’ont pas abandonné la

définition aux partenaires sociaux. Ils ont effectué, nous l’avons dit, un contrôle strict. Ainsi,

la Cour d’Appel de Lyon avait précisé que « l’indétermination de la durée du temps de travail

doit résulter d’une impossibilité objective et non pas d’une décision des partenaires sociaux

ou des parties au contrat de travail de reconnaître au salarié, dans l’organisation de son emploi

du temps, une liberté qui ne découlerait pas nécessairement de la nature de ses fonctions et de

son niveau de responsabilité ».

Avec la loi Fillon, il y a, a priori, un recul de la loi sur l’accord collectif puisque l’appréciation

de l’autonomie est largement laissée aux partenaires sociaux. On peut dorénavant se poser la

question de savoir quel sera l’étendue du contrôle du juge ? Est-ce qu’il y aura une complète

autoréglementation de la durée du travail des cadres par les partenaires sociaux ?

D’autres interrogations ont trait au sort des accords passés antérieurement. En effet, la loi

Fillon régularise-t-elle les conventions qui ne satisfaisaient pas aux critères posés par la loi

Aubry mais qui sont valides par rapport à la nouvelle loi ?

Il semble que ce soit le cas dés lors que les accords définissent les cadres concernés et que les

partenaires sociaux les aient considérés comme suffisamment autonomes pour bénéficier

d’une convention de forfait (l’autonomie étant l’unique critère applicable). Ces accords sont

donc valides pour une période postérieure à la loi du 17 janvier 2003 (sauf s’ils ont fait l’objet

de réserves car ne définissant pas les catégories de cadres), ils échappent à d’éventuelles

poursuites.

Qu’advient-il des accords antérieurs passés en conformité avec les dispositions de la loi

Aubry ?

La circulaire d’application de la loi prévoit que « les partenaires sociaux conservent la

possibilité de négocier un avenant s’ils souhaitent élargir les catégories de cadres concernés au

regard de cette nouvelle définition ».

Les dernières interrogations ont trait à la compatibilité des Lois Aubry et Fillon. En effet, si la

loi Fillon reprend une partie du dispositif de la loi Aubry relatives aux cadres, la différence de

philosophie existant entre les deux lois nous amène à nous interroger sur l’interprétation à

donner à certaines dispositions.

71

Ainsi, un cadre bénéficiaire d’une convention de forfait jours peut-il toujours se prévaloir du

fait que cette convention ne respecte pas les règles de réduction du temps de travail ?

Faut-il toujours se référer à la charge de travail ?

Enfin, la loi Fillon ne répond pas aux difficultés liées au fait que le forfait jours a été décroché

de toute notion horaire alors que le droit du travail fait largement référence à un calcul horaire.

En effet, les cadres autonomes restent soumis, contrairement aux cadres dirigeants, à la

réglementation du travail relative au repos hebdomadaire et quotidien, au travail de nuit…Or,

faut-il exclure toutes les dispositions impliquant un décompte des heures ?

Une telle solution conduirait à ne pas leur appliquer les règles relatives au repos

compensateur, les règles relatives au temps de pause après 6 heures de travail324… Certains

pensent qu’il faut également les exclure du repos dominical en conséquence de leur autonomie

(alors qu’ils ne figurent pas sur la liste des personnes exclus).

La loi Aubry voulait apporter de la souplesse, permettre l’autogestion, ce choix du forfait

jours s’il répondait à l’attente de certains (« on ne va pas faire pointer les cadres ») n’en reste

pas moins contestable puisqu’il conduit à apporter une réponse partielle à la surcharge de

travail des cadres. En effet, s’ils bénéficient de plus de jours de repos, leur charge de travail

par jour n’a pas changé, voire a augmenté pour compenser leur jours de non présence. La loi

Fillon a élargi le champ d’application du forfait jours, Françoise Favennec-Héry craint qu’elle

n’ouvre une brèche vers une dérogation générale au droit de la durée du travail. La loi Aubry

souhaitait un aménagement du décompte du temps de travail et non soustraire une catégorie

de cadres de la protection de la famille, de la santé…

La loi Fillon laisse donc subsister des interrogations quant à l’application et à la compatibilité

des systèmes résultant des diverses lois relatives à l’aménagement du temps de travail. A côté

de ces difficultés, on va rencontrer sur le terrain de larges réticences à une modification des

acquis des lois Aubry 1 et 2.

SECTION 2- LA RESISTANCE DES ACCORDS AUBRY : ENTRE SOUHAITS DES

SALARIES ET FREINS DES PARTENAIRES SOCIAUX:

La loi Fillon était très attendue par une partie du patronat et des salariés car elle devait

apporter des solutions aux insatisfactions liées aux lois Aubry. Nous avons vu qu’elle était

324 FAVENNEC- HERY (F.), « Le forfait jours : une dérogation générale au droit de la durée du travail », inSemaine Sociale Lamy du 20 janvier 2003, n°1106, pp. 8 - 9.

72

loin de fournir toutes les réponses souhaitées. A côté de cette carence, on va s’apercevoir

qu’elle a une application limitée et ce pour deux raisons :

§1- Le fruit de la volonté salariale :

Si la RTT n’est pas considérée comme la mesure la plus efficace pour réduire le chômage par

les français sondés par l’IPSOS en mai 2000325 (seulement 8% pensent que c’est « l’arme » la

plus efficace, contre 25% en faveur d’allégement de charges sur les bas salaires), six français

sur dix estimaient en effet que l’abaissement à 35 heures de la durée légale du travail est peu

(30%) ou pas du tout (29%) efficace pour créer des emplois.

Parmi les 35% de personnes croyant au bien fondé de cette mesure, on constate qu’une

majorité vient du secteur public, qu’elle est constituées de cadres ou d’anciens chômeurs, et

surtout, de bénéficiaires d’une réduction de leur temps de travail. Pour 37% d’entre eux, cette

mesure doit être accompagnée d’allégements de cotisations sociales (soit le modèle des lois

Aubry). On observe un fort niveau d’attente en matière de réorganisation de l’entreprise.

Au 31 mai 2000, la réduction du temps de travail concernait 37% des salariés, dont 54% du

personnel des grandes entreprises. Parmi eux, dans 57% des cas, le passage à 35 heures a été

sans conséquence sur le salaire. Pour 6%, l’augmentation de leur salaire a été plus faible,

contre 8% qui ont connu une baisse de salaire et 25% qui ont subi un gel de celui-ci. En avril

2003, elle concernerait 78% des salariés.

La RTT s’est traduite par des congés supplémentaires pour 28% des salariés, par une

réduction des horaires quotidiens pour 24%.

30% des salariés à 39 heures déclarent accepter une baisse de leur salaire en contrepartie

d’une RTT. Ces statistiques contrebalancent les affirmations du gouvernement actuel sur la

volonté des français de vouloir gagner plus. On peut d’ailleurs citer à nouveau l’exemple des

ouvriers de PSA qui ont refusé d’effectuer des heures supplémentaires tant ils semblaient

satisfaits par leur nouveau rythme de vie.

L’utilisation du temps libéré est majoritairement orientée vers la vie familiale et les loisirs.

Peu de salariés profitent de cette opportunité pour s’engager dans la vie associative ou pour

suivre une formation professionnelle.

Enfin, les ouvriers sont massivement opposés au travail du dimanche (73%) ou du samedi

(53%).

325 « Passage aux 35 heures : l’essayer s’est l’adopter ». www.IPSOS.com

73

Quatre français sur dix estiment le bilan des 35 heures positif, si l’on restreint l’étude aux

seules personnes bénéficiant d’une RTT, on observe qu’elles sont 63% à avoir cet avis et à ne

pas souhaiter un retour en arrière. Selon une étude réalisée par la DARES de novembre 2000 à

janvier 2001326, 59% des salariés pensent que la mise en place de la RTT représente une

amélioration de leur vie quotidienne, contre 13% qui estiment qu’elle constitue une

dégradation (sans doute des victimes du travail le week-end ou du travail dit tardif).

Pour 26% des salariés sondés, la mise en place de la RTT constitue une amélioration de leur

condition de travail, contre 28% qui l’assimilent à une dégradation des conditions de travail.

Ils sont donc tout de même 46% à affirmer que la RTT n’a pas provoqué de changement.

Relativement aux conditions de travail, la RTT s’est traduite par une exigence de polyvalence

accrue pour 48% d’entre eux, par moins de temps pour effectuer les mêmes tâches pour 42%

et par davantage de stress dans son travail pour 32%. Mais 24% des salariés dénoncent

également une durée du travail effectif supérieure à celle prévue dans l’accord de RTT.

La RTT ne fait pas l’unanimité auprès des salariés car elle est souvent synonyme de

polyvalence, d’intensification du travail voire de dégradation, pour autant, pour les personnes

en bénéficiant, 52% d’entre elles pensent que la RTT doit constituer une priorité contre 40%

pour l’ensemble des français.

Un sondage du CSA du 17 septembre 2002 (http://www.csa-tmo.fr) montre également les

différences de résultats selon que l’on s’adresse aux salariés ou à l’ensemble des français. A la

question : « vous savez que le gouvernement souhaite profondément modifier le système des

35 heures notamment en autorisant les entreprises à recourir davantage aux heures

supplémentaires et à racheter à leurs salariés leurs RTT. Personnellement, souhaitez-vous que

le système des 35 heures :

- soit profondément modifié comme le souhaite le gouvernement ?

- reste comme il est actuellement ? »

51% des français ont répondu dans le sens d’un changement et 43% pour l’inertie (6% sont

sans opinion). Ce souhait était plus particulièrement marqué chez les femmes (53% espéraient

une modification contre 41% qui se prononçaient pour un statut quo), chez les plus de 65 ans

(66% contre 23%) et bien sûr chez les partisans de la droite (76% contre 20%).

Parmi l’échantillon masculin des sondés et parmi les cadres, les positions étaient relativement

équilibrées. En effet, 49% étaient favorables à une modification contre 46% en faveur du

maintien du système Aubry (48% et 45% pour les cadres).326 In Rapport d’information de Joseph Ostermann au nom de la Commission des finances, du contrôle

budgétaire et des comptes économiques de la nation.

74

En revanche, 51% des employés et professions intermédiaires (contre 45%) et 55% des

ouvriers (contre 42%) auraient préféré conserver le dispositif Aubry. De même, ils étaient

53% des 25 à 34 ans à soutenir celui-ci contre 43%.

A gauche, ils étaient en moyenne 60% à se prononcer pour le maintien du système contre

34%. Cette tendance était plus particulièrement observable au P.C. (71% contre 29%) alors

que chez les verts, ils n’étaient que 51% à souhaiter que le système reste identique à ce qu’il

était avant la loi Fillon.

On ne peut donc pas dégager de manière tranchée à partir des sondages si un système est

davantage souhaité que l’autre. Globalement, les réfractaires aux 35 heures sont les inactifs et

les retraités ainsi que les cadres pour lesquels les lois Aubry n’ont pas fondamentalement

changé la donne, alors que ses partisans sont les « jeunes » ainsi que les ouvriers et les

employés.

§2- Des négociations hypothétiques :

C’est l’un des points fondamentaux qu’il faut soulever : la loi n’a qu’un rôle supplétif, si elle

remet effectivement en cause la RTT, l’essentiel des assouplissements ne sont applicables que

sous réserve de négociations de branche voire d’entreprise. Or, après d’âpres négociations, qui

ont parfois durée plus de deux ans comme à la FNAC de Paris327, peu d’entreprises veulent

remettre en cause l’équilibre trouvé. La RTT est véritablement entrée dans les mœurs.

Par la négociation, M. Fillon a voulu réécrire une loi sur la RTT mieux adaptée aux

entreprises et aux salariés. Le patronat voulait une hausse du contingent d’heures

supplémentaires et une diminution corrélative de la majoration de celle-ci. Mais en pratique,

peu d’employeurs sont passés à l’acte, privilégiant la paix sociale328. Ainsi, on a pu constater

un piètre succès de la monétisation du compte épargne temps et de l’extension du champ du

forfait des cadres.

Pourtant les disfonctionnement liés à la loi Aubry existent. Mais les commissions de suivi de

la loi Aubry permettent les réajustements : organisées chaque année, elles donnent l’occasion

aux partenaires sociaux de rediscuter les points litigieux de l’accord.

La loi Fillon organise quant à elle la négociation au niveau des branches. Ce choix, s’il peut

paraître judicieux à certains égards, risque tout de même de mettre en avant les dissensions

entre les volontés des syndicats locaux et les directives des confédérations.

327 « Accord 35 heures, le délicat équilibre », in Entreprise et carrières n°658 du 25 février au 30 mars 2003, p3.

328 « Les accords RTT résistent à la loi Fillon » in Entreprise et carrières n°658, pp. 14 - 19.

75

Les branches ont 18 mois pour faire des propositions au gouvernement, mais dans les

télécoms, la chimie, les transports ou les organismes de formation, la loi Fillon n’est pas à

l’ordre du jour329.

Dans le secteur propreté, les négociations lancées actuellement concernent l’épargne salariale,

la formation professionnelle et les primes. Dans le secteur des transports, les préoccupations

du moment sont relatives aux transports sanitaires et aux conditions salariales.

Les branches n’ont pas digéré les 35 heures et jugent l’apport de la loi Fillon insuffisant,

celui-ci ne justifierait pas d’ouvrir de nouvelles négociations dont le coût et les risques

inhérents sont trop élevés.

En effet, plusieurs branches ne se satisfont pas des évolutions proposées par la loi Fillon tant

sur les cadres autonomes, les itinérants ou encore les agents de maintenance et les techniciens

SAV pour lesquels le forfait annuel en heures est mal adapté. La métallurgie est mécontente

sur le maintien du contingent d’heures supplémentaires qui reste à 90 heures en cas d’accord

de modulation alors que pour d’autres branches, le recours au contingent est quasiment inutile.

L’UIMM se plaint également de ne pas pouvoir ouvrir la possibilité du forfait jours à plus de

personnes.

Le compte épargne temps présente certains avantages mais il pose des problèmes de

trésorerie. En effet, il entraîne une certaine imprévisibilité financière du fait que les salariés

peuvent choisir d’être payés ou de cumuler des jours de repos, il en résulte des problèmes de

gestion à court et à moyen terme.

La loi Fillon permet de négocier sur 4 points : le contingent conventionnel d’heures

supplémentaires, la majoration des heures supplémentaires (qui doit être supérieure à 10%), le

repos compensateur (à partir de combien d’heures travaillées est-il déclenché ?) et sur les

possibilités de monétiser ou non le compte épargne temps. On peut se demander s’il y aura de

nombreux syndicats prêts à signer un accord prévoyant une majoration des heures

supplémentaires de seulement 10%. Les négociations sur les 35 heures ont amené les

syndicats à transiger sur les contreparties accordées au patronat en échange de la réduction du

temps de travail. Or la loi Fillon ne semble pas permettre un équilibre puisque les évolutions

proposées sont nettement à l’avantage des employeurs avec de biens faibles contreparties pour

les salariés (au mieux la perspective d’un salaire plus élevé), on ne peut pas parler de système

gagnant- gagnant ou d’accord donnant- donnant comme avec les lois Aubry.

329 « Branche professionnelle : le débat n’aura pas lieu » in Entreprise et carrières n°658du 25 février au 30mars 2003.

76

En effet, la loi Aubry s’inscrit dans la logique du droit précédent puisqu’elle concilie

aspirations sociales (RTT) et contraintes économiques (flexibilité) alors que la loi Fillon ne

fait que développer la modulation et l’annualisation, tout en abandonnant la RTT. Pour

Françoise Favennec-Héry, il y a un déplacement de la protection de la santé des salariés vers

des impératifs d’organisation et de défense de l’entreprise330.

La loi Fillon n’impose pas la négociation puisque celle-ci est déconnectée de l’abattement de

cotisations. Ainsi, des entreprises, comme la FNAC qui a mis deux ans pour trouver un accord

qui sera approuvé par la majorité du personnel, ne vont pas risquer de briser cet équilibre

compte tenu du coût des négociations et de l’incertitude de parvenir à des résultats probants.

Elcobrandt quant à elle, a du renégocier un nouvel accord en raison de la cession d’une partie

de l’entreprise. Loin d’en profiter pour intégrer les apports de la loi Fillon, l’entreprise a

conservé les acquis et s’est simplement attaché à résoudre les disfonctionnements liés au

précédent accord331.

Parmi les grandes entreprises, seule Toyota s’est montrée intéressée par les dispositions de la

nouvelle loi. En effet, étant sans cesse à la recherche d’heures disponibles, elle avait déjà

prévu que les heures supplémentaires effectuées alors que le délai de prévenance n’était pas

respecté donnaient automatiquement droit à une majoration de 50% (au lieu des 25%).

Désormais, elle mise sur l’intérêt des salariés pour la monétisation du compte épargne temps.

Les PME, nous l’avons vu, sont également susceptibles d’être intéressées par le dispositif

Fillon, mais les tentations de rester à 39 heures sont contrebalancées par la nécessité de

devenir attractif pour la main d’œuvre dans certains secteurs.

La simplicité n’est pas de mise et les entreprises se retrouvent face à des choix cornéliens.

La loi Fillon prend donc nettement le contre-pied des dispositions des lois Aubry. L’idéologie

qui guide ces deux auteurs est différente. Pour Martine Aubry, ces lois avaient pour principal

objet la création d’emplois et ont eu pour conséquence indirecte l’amélioration de la vie non

professionnelle pour beaucoup avec un accroissement des loisirs332 mais aussi parfois une

dégradation des conditions de travail à cause de son intensification.

La loi Fillon était attendue pour répondre aux carences liées au système de RTT des lois

Aubry ; pour partie, elle a permis d’échapper au moins momentanément au passage aux 35

330 FAVENNEC- HERY (F.), « Mutations dans le droit de la durée du travail », in Droit Social janvier 2003,pp. 33 - 39.

331 LACOURCELLE (C.), FRANCK (E.) et BARIET (A.), « Renégociation : on ne change pas un accord quimarche », in Entreprise et carrières n°658.

332 Et la reconnaissance d’un droit à la paresse cher à Lafargue ?

77

heures. Elle devait permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus par un recours

facilité aux heures supplémentaires. Elle irait donc à l’encontre de la création d’emplois. Le

ministre de l’emploi ne présente pourtant pas sa loi comme telle, celle-ci est également

destinée à dynamiser le marché du travail en offrant davantage de liberté aux entreprises et

aux salariés. On peut être quelque peut sceptique sur les effets de la loi Filon en matière de

créations d’emplois, seul le maintien de l’allégement de cotisations patronales au profit des

bas et moyens salaires fait illusion. Le gouvernement n’est pas dupe. Il a d’ailleurs pris un

certain nombre de mesures pour l’emploi en dehors de la loi relative aux salaires, au temps de

travail et au développement de l’emploi.

Ainsi, il souhaite inciter à l’embauche des jeunes non qualifiés par les entreprises en leur

offrant « contrairement au gouvernement socialiste, des emplois non précaires » puisque les

emplois proposés aux 16-22 ans non titulaires du bac doivent être pourvus grâce à un contrat à

durée indéterminée (à temps complet ou à temps partiel). Cette incitation consiste en le

versement d’une aide sur 3 ans par exonération de charges333.

Le gouvernement relance le contrat initiative emploi en octroyant de manière plus favorable

l’aide aux entreprises qui embauchent un demandeur d’emploi en difficulté. En effet, l’aide

est accordé pour l’embauche d’un chômeur depuis 18 mois contre 2 ans auparavant. De plus,

l’aide est portée de 2 à 5 ans pour l’embauche d’une personne de plus de 50 ans et le

versement de l’aide est devenu trimestriel.

Il favorise la reprise d’activité avec le RMA qui complète le RMI334.

Il réforme les CES et les CEC. Ceux-ci profiteront à plus de personnes (de 160 000 à

240 000). La prise en charge par l’Etat de 95% pour les jeunes est pérennisée.

Il crée le Civis pour l’insertion des jeunes qui est une mesure d’accompagnement vers la

création et la reprise d’entreprises. Il favorise également les emplois d’utilité sociale dans les

associations.

Le gouvernement va doubler le budget consacré aux cellules de reclassement afin d’aider les

salariés qui perdent leur emploi dans des conditions difficiles notamment en raison de

mutations économiques.

L’Etat va favoriser la reprise ou la création d’entreprises par des personnes en difficulté. Les

primes et droit de tirage sur des prestations de conseil et d’accompagnement devraient

concernés de 8 000 à 11 000 bénéficiaires

333 CHAMPEAUX (F.), « Assouplissement des 35 heures, SMIC, allégement des charges », in Semaine SocialeLamy n°1089 du 16 septembre 2002.

334 Voire le mémoire de Mr LECOCQ Jean-François, « Vers un revenu minimum d’activité », 2003.

78

Enfin, le gouvernement souhaite encourager l’emploi des seniors. Les entreprises qui

embauchent des plus de 45 ans seront exonérées de la contribution Delalande (au lieu de 50

ans).

Le gouvernement mise donc sur la liberté laissée aux entreprises et sur les dispositifs de

soutien financier, estimant de manière traditionaliste que seuls les allégements de cotisations

sociales sont à même de conduire les chefs d’entreprise à créer des emplois.

Pourtant, une politique de réduction du temps de travail ne peut-elle pas être envisagée pour

créer des emplois ? Quelle est la conception de la durée du travail chez nos voisins

européens ?

La vision française a-t-elle quelque chose d’universelle ? La révision opérée par la loi Fillon

tendrait-elle vers une harmonisation du temps de travail en Europe ?

79

PARTIE 2 :

LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA DUREE DU TRAVAIL EN

FRANCE ET EN EUROPE

81

La loi Fillon du 17 janvier 2003, nous l’avons vu, coupe la relation abaissement de la durée du

travail/création d’emplois. Cette perspective était pourtant partagée par de nombreux auteurs

qui voyaient en elle un des seuls moyens de sortir de la spirale du chômage mais aussi une

autre façon de concevoir la société (section 1). Pour autant, la RTT a-t-elle inspirée d’autres

pays, ou, au contraire, la révision opérée permet-elle aux entreprises françaises de rester

compétitives face à leurs concurrents étrangers (section2) ?

81

CHAPITRE 1 :

LE TEMPS DE TRAVAIL ENVISAGE PAR LES COURANTS

ALTERNATIFS :

La loi Fillon avait permis de lancer le débat sur le fait que, pour la première fois, la loi a

permis de réaugmenter le temps de travail. En effet, toutes les législations précédentes depuis

1841 ont conduit à une diminution du temps de travail335. On a alors pu observer des prises de

positions tranchées. Pour les progressistes, faisant valoir le poids de l’histoire, la réduction du

temps de travail est un processus logique au cours du siècle, la législation doit permettre sa

poursuite. Pour les conservateurs, ce n’est pas à l’Etat d’intervenir, il risquerait de troubler

l’ordre social. Dés lors, se prononcer contre la RTT serait accepter une société fondée sur le

travail, et se placer favorablement à celle-ci serait militer pour une société dans laquelle le

travail n’est plus le moyen d’insertion sociale et de réalisation de soi336. Tentant de dépasser

ces clivages, quelques auteurs essayent de démontrer l’utilité d’une réduction du temps de

travail pour l’emploi et la société.

SECTION 1- LES 32 HEURES POUR UN PARTAGE DU TEMPS DE TRAVAIL :

De nombreux auteurs ont développé le modèle d’une semaine de travail de 32 heures comme

réponse au chômage. Le premier a été sans doute Michel Rocard (d’après un projet initial de

Georges Marchais et de François Mitterrand). Ses idées ont été reprises par Jacques Rigaudiat,

conseiller du gouvernement Jospin sur les 35 heures et Pierre Larrouturou337, dont nous allons

exposer le projet ( §1). Les autres projets présentent des similitudes, nous mettrons également

en évidence leurs différences (§2).

335 Avec une exception préalable tout de même : le rallongement du temps de cotisation retraite dans le secteurprivé à 40 ans en 1993 sous l’impulsion d’Edouard Balladur.

336 Cf. HABERMAS (J.), « Ecrits politiques », Editions du cerf, Paris 1990 et GORZ (A.), Adieux auprolétariat, Galilée, Paris 1980.

337 LARROUTUROU (P.), « 35 heures, le double piège », Edition Belfond 1998.

82

§1- Le modèle de Pierre Larrouturou :

« Les êtres humains sont trop importants pour être traités comme de simples symptômes du

passé ». Lytton Strachey.

Pierre Larrouturou se pose comme un défenseur de la semaine de 4 jours. Partant du constat

que « la paix sociale a été achetée à crédit », les revenus et la protection sociale des chômeurs

étant financés par les déficits publics, que la société traverse une crise (de l’emploi,

économique, du lien social et humain, de la participation et de la représentation politique, du

sens et de l’identité) et que la croissance est insuffisante à elle seule à créer des emplois, il

propose un modèle alternatif d’une semaine de travail de 4 jours dont la compensation avec le

salaire antérieur serait assurée au moins partiellement par le financement de l’UNEDIC.

Cette mesure doit s’accompagner d’autres dispositions telles que l’abaissement du coût du

travail (afin d’éviter les délocalisations…), relance de la négociation sociale, élaboration

d’une politique internationale de la concurrence et amélioration de la qualification (par la

formation toute la vie par exemple).

Pour Pierre Larrouturou, un partage du temps de travail est nécessaire, ce partage allié à la

croissance pourrait créer des emplois. Pour démontrer le bien fondé de cette remarque, il

observe que tous les pays pratiquent un partage du temps de travail mais selon des modèles

différents. Ainsi, le faible taux de chômage au Japon serait en partie dû à la faible part des

femmes dans la population active, celles-ci restant au foyer. Aux Etats-Unis, le partage

s’effectue entre emplois qualifiés à temps plein et les emplois précaires où la personne est

occupée entre 10 et 15 heures. Le Royaume-Uni connaît une situation similaire avec 500 000

personnes employées moins de 5 heures par semaine (elles ne sont alors pas comptabilisées

comme chômeurs338). Aux Pays-Bas, le partage est réalisé par le biais du temps partiel. Les 32

heures ne constitueraient dés lors qu’une nouvelle forme de partage à vocation égalitaire

puisque s’appliquant à l’ensemble de la population.

Il reprochait au passage à 39 heures son caractère imposé puisqu’il n’a donné lieu à aucune

négociation dans l’entreprise, cette décision unilatérale d’application immédiate et générale

était impropre à créer des emplois. Par contre, il croyait aux 35 heures car elles ont donné lieu338 On a remarqué que l’espérance de vie à la naissance a commencé à diminuer pour la partie la plus pauvre de

la population britannique !

83

à un débat, il s’agit d’une réduction massive du temps de travail, la masse salariale est

inchangée. De plus, son application n’est pas immédiate et semble adaptée. Enfin, elles sont

accompagnées d’incitations fortes à embaucher.

Toutefois, il défend les 32 heures car il estime qu’une réduction du temps de travail équivalent

à seulement une heure par jour est inapplicable à certains secteurs et qu’elle ne créera que peu

ou pas d’emplois.

En effet, tant que les gains de productivité resteront supérieurs à la réduction du temps de

travail, elle ne permettra pas de créer des emplois. Il craint également que l’annualisation

élimine l’effet des 35 heures.

Dans son projet, Pierre Larrouturou souhaite une maîtrise de la masse salariale grâce à des

exonérations.

A- Le contrôle de la masse salariale :

Pierre Larrouturou se prononce pour une suppression des cotisations chômage pour les

entreprises qui passeront à 4 jours et créeront au moins 10% d’emplois. Cette suppression doit

amortir une partie majeure de la RTT et des nouvelles embauches. Il n’y aurait plus alors qu’à

baisser les salaires de 2 ou 3%, ou ne pas toucher aux bas salaires et diminuer seulement les

« gros salaires » de 5%.

Cette solution revient à faire le choix entre cotiser pour le chômage ou payer pour l’emploi.

B- L’organisation du travail :

Les 4 jours sont l’occasion de repenser fondamentalement l’organisation du travail. Ce

passage pourrait se faire « en douceur » sur plusieurs mois ou plusieurs années afin d’éviter

notamment que les entreprises aient à réaliser 10 à 15% d’embauches d’un coup de salariés

nouveaux, non formés.

Cette RTT se doit de satisfaire les aspirations des salariés quant à la gestion de leur temps.

Ainsi, il parle de 4 jours « à la carte » qui pourrait se concrétiser par une semaine libre toutes

les 5 semaines ou un mois de libre tous les 5 mois dans les entreprises à forte main d’œuvre.

Les choix de flexibilité interne sont alors étendus et pourront permettre de répondre aux pics

d’activités occasionnels et à la saisonnalité.

Pour les cadres, il préconise par contre une réduction journalière du temps de travail car elle

seule aurait un sens. Il répond ainsi à l’une des critiques de la loi Fillon.

Enfin, la réorganisation doit être combinée avec une réflexion sur la qualité.

84

C- Les problèmes posés par la semaine de 32 heures :

Certains mettent en avant que ce type de mesure est favorable au développement du travail au

noir. Le recours au travail au noir est déjà massif chez les artisans et les chômeurs qualifiés.

La lutte contre ce dernier passe donc par la lutte contre le chômage (objectif des 32 heures),

mais aussi par la baisse du coût du travail et par plus de sanctions à l’encontre des

contrevenants.

Le principal problème de ce projet est sans doute le peu de crédibilité accordé par les

politiques. En effet, ceux-ci ont une croyance forte en l’économisme et la croissance. De plus,

parler de baisse des salaires et d’un financement par l’UNEDIC est un sujet tabou. Pierre

Larrouturou déplore le manque de débats approfondis au sein des partis. La droite est

influencée par les idées ultralibérales et ne mène pas de réflexions à long terme en la matière.

Les blocages ne sont pas seulement politiques. En effet, on les retrouve dans la population, en

partie en raison d’un manque d’informations. On peut parler d’un blocage culturel : d’une

peur de la nouveauté, de l’inactivité pour certains. De plus, on remarque une tendance à plus

travailler et à survaloriser cette valeur en période de crise.

Les syndicats, quant à eux, sont plutôt favorables à une telle réduction mais ne se mobilisent

pas sur ce sujet. Le MEDEF s’y oppose tout naturellement car cette RTT va à l’encontre de la

flexibilité nécessaire aux entreprises (cet argument était soulevé par les syndicats de patrons

en 1893 pour maintenir le travail des enfants), elle risque d’augmenter le travail au noir. De

plus, le MEDEF se sert de la pression du chômage pour motiver une diminution des salaires.

D- Les effets escomptés :

Cette RTT doit créer 2 millions d’emplois. Dans certains secteurs, elle doit déjà permettre de

ne pas licencier. Dans d’autres, elle va entraîner une augmentation de la demande de travail.

C’est notamment le cas des secteurs dans lesquels il ne peut y avoir de gains de productivité

comme par exemple dans le domaine des transports en bus où une RTT se traduira

mécaniquement par des créations d’emplois, la RTT ne pouvant être compensée par une

intensification du travail.

Pierre Larrouturou attend beaucoup des 32 heures dans les PME, celles-ci étant censées plus

recruter que certaines grandes entreprises parfois victimes de sureffectifs.

Il prévoit un coût nul pour l’Etat. Les sommes versées aux caisses de chômage doivent être

utilisées pour créer des emplois par la RTT.

85

Celle-ci aura un contre coup positif puisque les nouveaux embauchés seront de futurs

consommateurs et augmenteront donc les recettes de TVA. De plus, leurs cotisations

viendront alimenter les caisses de l’UNEDIC.

Il espère que cette expérience va encourager l’Europe sociale à progresser dans cette voie.

Enfin, il considère les 32 heures comme une clé d’une nouvelle société.

En effet, alors qu’au début du siècle 50% de la vie éveillée d’un homme était consacrée au

travail, aujourd’hui, le pourcentage est tombé à 12%. En outre, plus de 50% des adultes ne

travaillent pas dans la sphère économique : étudiants, chômeurs, retraités, femmes au foyer…

Il rejoint des auteurs comme Gilliand ou Jon Eivind Kolberg qui souhaitent une évolution de

la notion de travail afin qu’elle comprenne toutes les activités nécessaires au maintien des

institutions sociétales telles que la garde de ses enfants, la prise en charge d’un membre de sa

famille malade… Ce concept est délicat pour les syndicats qui doivent alors représenter non

seulement les travailleurs mais également défendre les intérêts de l’ensemble des citoyens.

Il souhaite aussi une réponse collective au « bon usage » du temps libre, c'est-à-dire des

activités qui permettent de recréer des liens sociaux, qui permettent de donner un sens à sa

vie. Christine Delphy et Colette Guillaumin s’opposent à ce que le temps libéré au salariat

n’évolue pour les femmes en une hausse du temps dû au patriarcat (soit une hausse des tâches

domestiques).

Ainsi, les 32 heures sont une réponse à l’exclusion, offrant à chacun sa place.

En pratique, les 32 heures ont été appliquées par quelques entreprises dont EDF. Certaines

entreprises ont connu des difficultés financières ou économiques liées à son application.

L’entreprise Pasquier a par contre créé plus d’emplois que prévu grâce à cette mesure et

connaît une santé financière plus qu’honorable (sa convention collective a été conclue sous

l’empire de la loi de Robien). En Allemagne, la société Volkswagen est même allée jusqu’à

diminuer l’horaire collectif hebdomadaire de 7,2 heures, ramenant celui-ci à 28,8 heures.

Cette mesure a permis de sauver 30 000 emplois. Elle s’est accompagnée d’une compensation

salariale partielle339.

§2- Les réflexion des autres auteurs français sur la RTT :339 In « La durée et l’aménagement du temps de travail dans l’Union Européenne », Litec 1996 (d’après le

colloque de la confédération européenne des cadres de Luxembourg du 30 novembre 1995).

86

Une grande partie de ces réflexions se rapprochent de celles de Pierre Larrouturou, voir leurs

auteurs permet d’approfondir le raisonnement relatif à la RTT et d’en découvrir des facettes

différentes.

A- Le développement des réflexions sur la RTT :

Certains auteurs ont apporté des précisions relatives aux modèles de RTT.

A partir de simulations macroéconomiques, une partie de ces auteurs ont dégagé les effets

d’une RTT et déterminé les conditions censées garantir son efficacité sur l’emploi. Les autres

précisions ont trait à des réflexions plus générales.

Jacques Rigaudiat340 explique l’évolution du temps de travail au cours de ce dernier siècle

pour démontrer l’utilité de la RTT. Il constate en effet qu’en 1896 la France comptabilisait 20

millions d’actifs contre 22 millions en 1991. Or en 1896 l’Alsace Lorraine était allemande, ce

qui vient à relativiser le chiffre de 20 millions. L’augmentation de la population active

n’aurait alors été que de 16 000 personnes par an.

Il explique ce constat par la similitude entre l’augmentation du PIB (il a été multiplié par 5,24)

et de la productivité horaire (*5,67) entre 1950 et 1990. Or, il met en avant le rapport entre le

PIB et le temps de travail : le PIB est égal à la productivité horaire multipliée par la durée

annuelle de travail et par l’emploi total. Ainsi, si le niveau d’emploi a pu augmenter, c’est

grâce à une réduction annuelle du temps de travail.

Une croissance forte n’a pas été créatrice d’emplois car les gains de productivité ont été

excessifs, tout particulièrement dans les services marchands aux personnes et dans le secteur

agricole. Ce dernier représentait en effet 5,5 millions d’emploi en 1949 et seulement 1,2

millions en 1991. Cette évolution est commune à tous les pays, mais elle est d’autant plus

remarquable en France où l’emploi agricole était important.

Une étude historique affinée permet d’observer que les créations d’emplois ont, en fait, été

importantes au cours du 20ème siècle mais qu’elles ont été compensées en grande partie par des

destructions concomitantes.

Ainsi, près de 9,2 millions d’emplois ont été créés dans le secteur tertiaire principalement et

dans le même temps 7,6 millions d’emplois ont disparu dans l’agriculture et l’industrie. De

340 RIGAUDIAT (J.), « Réduire le temps de travail », Syros, Paris 1993.

87

plus, la population active a augmenté dans le même temps de 3,6 millions, cette augmentation

s’est traduite par une augmentation corrélative du nombre de chômeurs.

La création d’emplois a également été permise par la diminution du temps de travail sur la vie.

Celle-ci a effectivement diminué de 12% sur 20 ans, passant de 44 ans en 1969 à 39 ans en

1991 (soit une réduction de 20 000 heures).

Un autre phénomène a été l’accroissement de la population active féminine ; si pour Alain

Lipietz la hausse du travail des femmes après 1955 vient essentiellement du fait qu’elles sont

passées d’un travail informel à un travail formel, il n’en reste pas moins qu’elles sont venues

grossir les chiffres de la population active. Toutefois, cette augmentation ne s’est pas traduite

par une diminution du taux d’activité masculin des 25-55 ans. En effet, comme l’a mis en

évidence Margaret Maruani, elles ont occupé des emplois concentrés dans certains secteurs

(distribution…) où les hommes étaient peu employés, et selon des formules de travail

atypiques (elle casse ainsi le cou des arguments des « pro femmes au foyer » comme une des

solutions au chômage tels que le préconisent Lepen ou De Villiers).

Compte tenu de tous ces phénomènes, même si l’accroissement de la population active est

apparu relativement faible au 20ème siècle, la RTT aurait tout de même permis de créer 10,5

millions d’emplois sur cette période.

L’intérêt de la RTT ainsi démontrée, Jacques Rigaudiat se prononce en faveur d’une RTT sans

compensation salariale et avec une réorganisation des entreprises. D’un point de vue

économique, la RTT fournirait alors ses effets optimums.

Il se prononce également en faveur du recours aux accords défensifs afin d’éviter les

licenciements. Il cite à l’appui des entreprises telles que Potain Lyon (constructeurs de grue)

ou Thomson qui ont choisi cette solution dés 1991. Il montre qu’une perte de 9,4% des

emplois a ainsi pu être évitée grâce à une diminution de 5,3% de la durée hebdomadaire de

travail. Par contre, il remarque que dans certaines entreprises la solidarité n’a pas marché et

que les salariés ont préféré conserver leur salaire plutôt que d’éviter le licenciement de

certains de leurs collègues. Ce choix s’explique également par le fait que dans les secteurs

structurellement en crise comme ce fut le cas pour le bâtiment, les salariés qui acceptent une

diminution de leurs heures de travail et donc de leurs salaires, risquent en cas de faillite future

de leur entreprise de percevoir moins de cotisations chômage.

Les accords offensifs sont les plus intéressants en matière d’emplois mais ce modèle connaît

aussi des limites.

En effet, les créations d’emplois ne sont envisageables que si une réorganisation de

l’entreprise est possible : passage de 2 équipes travaillant 8 heures par jour à 4 équipes

88

travaillant 6 heures par jour, soit une utilisation des machines de 24 heures… Cette

réorganisation peut avoir un coût important pour l’entreprise si elle engendre de nouveaux

investissements en capital…

De plus, cette solution implique que les débouchés soient suffisants. Pourquoi produire plus si

il n’y a pas de demande ? La situation est aisée pour les entreprises implantées dans un

groupe international mais pour les autres ? Celles-ci semblent condamner à innover : créer des

produits nouveaux…

Pour Gilbert Cette et Alain Cubian341, une RTT a des effets positifs à long terme sur l’emploi

si le taux de croissance croît durablement, si l’on modifie le mode de formation des salaires

(politique de rigueur salariale). De plus, il faut que l’influence du chômage sur le revenu

salarial soit faible, les gains de productivité doivent être élevés, les réorganisations

importantes et la compensation salariale faible.

Alain Lipietz342 s’interroge s’il faut accompagner la RTT d’une obligation d’embauche. Il

rejoint la position de Guy Aznar qui s’oppose à une telle obligation dans les secteurs en

difficultés.

D’autres auteurs ont fait des choix différents de Pierre Larrouturou dans les modalités

d’application de la RTT :

B- Les différentes options dans la mise en œuvre de la RTT :

1. S’agissant des modalités de baisse des cotisations et de la garantie du revenu des salariés,

plusieurs méthodes sont possibles.

Une proposition Godinot- Rocard envisageait une baisse des cotisations sociales selon un

mode original puisque cette baisse aurait concerné les heures travaillées en dessous de 32

heures ; au-delà, il y aurait eu au contraire une augmentation des cotisations.

Ainsi, pour une cotisation moyenne à l’époque de 26 francs, les cotisations se seraient élevées

à 19 francs l’heure en dessous de 32 heures et à 48 francs au-delà de 32 heures.

341 CETTE (G.) et CUBIAN (A.), « Réduction de la durée du travail et emploi », p 32, dans l’ouvrage de PierreCAHUC et Pierre GRANIER, « La réduction du temps de travail », Economica 1997.

342 LIPIETZ (A.), « La société en sablier, le partage du temps de travail contre la déchirure sociale », EditionLa Découverte 1996.

89

Ce projet ambitieux risquait toutefois de provoquer un trou énorme pour la sécurité sociale si

plusieurs grandes entreprises avaient décidé de passer à 32 heures puisque le manque à gagner

est alors de 224 francs (32*7) par salarié passant à 32 heures.

Guy Aznar propose un complément de salaire en relation avec la RTT : « Comme il n’est pas

possible de percevoir le même salaire en travaillant moins, chacun touche un complément de

salaire, une indemnité de partage du temps de travail, que j’appelle également deuxième

chèque. Bien entendu, il ne s’agit pas d’un vrai chèque, mais d’un mécanisme de transfert qui

peut se concrétiser sous des formes diverses (exonérations de charges sociales par exemple)343.

»

Dominique Taddéi344 compte pour sa part sur une augmentation de la productivité pour

financer la RTT. S’agissant du type de mesure à adopter pour mettre en place la RTT, il pense

qu’une mesure centralisée risque d’être inadaptée et ne pas entraîner une réduction effective

de la durée du travail. Par contre, une mesure décentralisée présente le risque de n’être pas

« contagieuse ». Il propose alors une mesure entre les deux, une sorte de contrat social pour

l’emploi qui fixe un cadre général de référence permettant des modalités diversifiées

d’application suivant les situations des entreprises.

Il s’interroge sur la compatibilité du financement de la RTT et de la croissance ?

La croissance, facteur d’emploi, découle de la consommation des particuliers et de

l’investissement des entreprises. L’investissement est donc lié aux profits réalisés par les

entreprises et la consommation à la masse salariale. Ces deux derniers paramètres doivent

croître durablement et de manière équilibrée. Cet équilibre n’est pas toujours assuré par le

marché mais parfois grâce à l’Etat.

Le financement de la RTT ne peut passer par la taxation des entreprises car on augmenterait

par la même le coût de la production, ce qui aurait un impact négatif sur la consommation,

l’entreprise répercutant cette hausse sur les prix et sur les profits réalisés et donc sur la

croissance. L’entreprise aurait alors bien du mal à créer de nouveaux postes.

On ne peut diminuer le temps de travail et le salaire correspondant des salariés de manière

proportionnelle car on porterait une atteinte grave à leur pouvoir d’achat. Ainsi, la tendance

serait à l’augmentation de l’épargne (tendance constatée pendant toute période de rigueur) et à

343 AZNAR (G.), « Pour le travail minimum garanti », in Futuribles, n°184, février 1994, p 61.344 TADDEI (D.), Un contrat social pour l’emploi, par la croissance et la RTT, in « Le temps de travail en

Europe, organisation et réduction », sous la direction de HOFFMAN et LAPEYRE, édition Syros 1995,pp.85 -101.

90

la diminution de la consommation, élément défavorable à la croissance (du moins dans une

certaine mesure étant donné que l’épargne des ménages est réinvestie par les banques).

Enfin, on ne peut faire payer les caisses publiques car la marge des finances publiques est

insuffisante.

Dominique Taddéi propose là aussi un contrat social. Le patronat doit s’engager à augmenter

le pouvoir d’achat de l’heure de travail au rythme des gains de productivité afin de stabiliser le

pouvoir d’achat mensuel. Ces gains de productivité seront permis grâce à la réorganisation de

l’entreprise : allongement de la durée d’utilisation des machines, réduction des délais…

Les pouvoirs publics doivent s’engager pour leur part à utiliser les indemnités de chômage

économisées pour abaisser le coût des cotisations sociales quand les partenaires sociaux ou les

salariés ont accepté individuellement de travailler moins que la durée de référence.

Ces dispositions doivent s’accompagner de mesures d’incitation et de coercition notamment à

l’encontre de l’usage abusif des heures supplémentaires en les transformant par exemple en

repos compensateur et en surcotisant les employeurs. Les horaires effectifs doivent

correspondre à la durée de référence afin d’assurer une affectation prioritaire des gains de

productivité à la RTT.

2. De même, l’appréciation de la réduction du temps de travail peut varier.

Dominique Taddéi souhaite une RTT sous la forme du temps partiel choisi, des retraites

progressives et l’extension des congés parentaux.

Jacques Delors envisage le calcul de la durée du travail non sur la semaine ou l’année mais sur

la vie. Ainsi, les individus devraient être garantis de ne pas travailler plus de 40 000 heures sur

leur période d’activité (si l’on maintien la moyenne de travail annuel à 1600 heures, un

individu n’aurait plus qu’à travailler 25 ans !).

Mais pour tous, la RTT est le seul projet crédible permettant d’espérer une baisse du chômage.

Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une société plus solidaire qui doit tenir compte de l’écologie

et de l’épuisement des ressources de la planète345. Il a également un côté idéaliste inspiré par

les grands auteurs tels que Théophile Gautier346 pour qui « les sentiments de la nature est le

privilège des esprits cultivés, que les nécessités de la vie n’absorbent pas entièrement », voire

345 On a plus puisé dans les ressources de la planète lors du 20ème siècle que dans toute l’histoire de l’humanité !346 GAUTHIER (T.), « Contes extraordinaires ».

91

par Nietzsche347 qui percevait « sous la glorification de la valeur travail le moyen de capter les

forces créatrices et de les détourner de leur vocation naturelle (la pensée, le plaisir) pour les

investir dans des activités socialement utiles » et rejoignait Freud pour lequel la civilisation

est « quelque chose d’imposé à une majorité récalcitrante par une minorité ayant compris

comment s’approprier les moyens de puissance et de coercition ».

La RTT va dans le sens d’un développement de la vie familiale et des loisirs, de la satisfaction

des besoins intellectuels et sociaux.

Pour autant, elle présente des limites.

SECTION 2- LES LIMITES DU PROJET DES 32 HEURES:

Elles sont de deux types.

§1- Les limites inhérentes au modèle de Pierre Larrouturou :

A- Un faible impact sur la consommation :

D’abord, on peut craindre qu’une réduction du temps de travail crée essentiellement des

emplois faiblement rémunérés, que ce soit dans l’industrie, le commerce ou les services. Dés

lors, les effets escomptés d’une reprise de la consommation grâce au pouvoir d’achat de ces

nouveaux salariés ne doivent pas être exagérés. Ainsi, les recettes de TVA risquent de ne

croître que faiblement.

De plus, l’effet de la RTT sur le reste de la population active risque d’être plutôt négatif car

s’il se traduit par une diminution de 2% des salaires, le pouvoir d’achat des ménages va

diminuer d’autant. S’il ne touche que les salaires les plus importants à hauteur de 5%, les

conséquences risquent d’être encore plus lourdes.

B- L’impossible consensus :

On peut être sceptique sur un deuxième point : l’obtention d’un consensus sur la réduction du

temps de travail. La réussite du modèle de Pierre Larrouturou repose en bonne partie sur la

prise de conscience collective des effets destructeurs du chômage et sur la nécessité de

347 NIETZSCHE, « Aurore », Gallimard 1974.

92

partager le travail pour en réduire les effets. Cette prise de conscience doit conduire les

salariés à accepter des sacrifices au niveau de leur revenu et à fournir des efforts tendant à la

réorganisation de leur entreprise. Le patronat doit également accepter cette réduction en

occultant partiellement leurs intérêts et en octroyant des compensations salariales à partir des

gains de productivité réalisés par la réorganisation de leur entreprise. Les syndicats doivent

jouer le jeu de la négociation. Enfin, un rôle déterminant est attribué à l’Etat car il doit être

l’initiateur de la réduction afin qu’elle soit généralisée. C’est à lui de choisir les bonnes

options quant aux abaissements de cotisations…Ce consensus paraît bien illusoire compte

tenu des aspirations gouvernementales actuelles.

Le projet de Pierre Larrouturou présente des similitudes avec le modèle des lois Aubry :

incitations à l’embauche, exonérations de cotisations sociales au profit des entreprises qui

pratiquent une RTT… Le deuxième type de limites est commun, il a été mis en évidence par

un rapport d’information de Joseph Ostermann écrit au nom de la commission des finances,

du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, et présenté à l’Assemblée

Nationale le 16 mai 2001.

§2- Les limites des projets de réduction du temps de travail :

Ce rapport met l’accent sur deux faiblesses de ces projets en terme de financement et

d’emplois.

A- Les difficultés de financement :

Joseph Ostermann, à propos du financement des 35 heures, parle d’un coût exorbitant qui n’avait pas été prévu.

Ce financement passait par le recours à la FOREC (fonds de financement de la réforme des cotisations

patronales). Celui-ci avait un budget prévisionnel pour 2000 de 63.9 milliards de francs. Celui-ci a évolué pour

atteindre 67 milliards de francs. Mais finalement le coût pour 2000 a été évalué à 72 milliards de francs (10,98

milliards d’euros), soit un déficit de plus de 10 milliards de francs. Pour 2001, le coût a été de 92 milliards de

francs (14,03 milliards €), entraînant un nouveau déficit de 3,3 milliards de francs.

Schéma d'organisation du fonds en 2000 et 2001

Source : direction de la prévision ; note du 1er mars 2000 (en millions de francs)

93

Or, la direction de la prévision du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie avait

prévu qu’un solde positif pouvait être attendu de la RTT. En effet, elle espérait des retours

financiers par un accroissement des cotisations sociales engendré par l’évolution plus

dynamique de la masse salariale et par les gains d’indemnisation de chômage réalisés grâce

aux créations d’emplois.

De plus, elle comptait sur la participation de l’UNEDIC au financement de la RTT ainsi que la

contribution financière des régimes de sécurité sociale. Mais les partenaires sociaux vont

refuser cette participation vue la situation critique des caisses de sécurité sociale. Cette

décision aura d’autant plus d’importance que le Conseil constitutionnel va dans le même

temps annuler les dispositions relatives au financement de la RTT par le biais des heures

supplémentaires payés par les employeurs entre 35 et 39 heures dans les entreprises restées à

39 heures. Le déficit du FOREC va alors devenir structurel.

Le gouvernement socialiste avait alors tenté « d’arracher » une contribution de 15 milliards de

francs, pour permettre le financement des 35 heures, à l’UNEDIC. Cette somme était destinée

à l’origine à l’aide à l’emploi et n’avait donc pas à être affectée au financement de la RTT, le

Sénat va éviter leur détournement en précisant dans la loi de finances qu’elle est destinée aux

demandeurs d’emploi relevant du régime de solidarité.

Le gouvernement n’a donc pas su assurer un budget équilibré au FOREC. De plus, il est

légalement tenu de compenser ce déficit. Mais soucieux de ne pas creuser son budget sur la

question des 35 heures, il n’avait compensé celui-ci que partiellement.

Si ces analyses concernent les pratiques gouvernementales, le modèle de Pierre Larrouturou

repose lui aussi en grande partie sur l’espoir de retours positifs des créations d’emplois et sur

la contribution de l’UNEDIC. Or, les effets de retour sont faibles et les partenaires sociaux ne

sont pas favorables à la participation de l’UNEDIC348. Ce modèle repose donc sur des bases

des plus incertaines en matière de financement

B- Des résultats imprévisibles sur l’emploi :

Concernant les effets des 35 heures sur l’emploi, Joseph Ostermann parle d’une grande

inconnue. En 2000, 506 000 emplois ont été créés (soit 418 000 chômeurs de moins) dont

220 000 sont attribués à la RTT. Or, les performances en matière d’emplois sont moins

348 On peut remarquer que l’UNEDIC couvre une partie des frais de fonctionnement des syndicats.

94

flatteuses que celles de plusieurs pays européens (Irlande, Suède, Pays-Bas, Portugal ou

Espagne). Le taux de chômage français reste l’un des plus élevés des pays industrialisés :

De plus, les effets en matière d’emplois semblent avoir été les plus importants pour 2000 et

2001. En 2002, la quasi intégralité des entreprises est passé aux 35 heures, il ne restait que les

TPE dont on attend que peu de création d’emplois. Une enquête de l’Observatoire des 35

heures349 réalisée du 28 février au 5 mars 2001 auprès des chefs d’entreprise de moins de 50

salariés révèle que pour 67,1% d’entre eux, la réduction du temps de travail n’a rien changé.

Seul 8% pensent qu’elle va les conduire à recruter. Par ailleurs, 46% avouent avoir du mal à

recruter. Ce chiffre est porté à 59% dans le BTP.

Enfin, le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (Laurent Fabius) s’est montré

plus sceptique que le ministre de l’emploi et de la solidarité (Martine Aubry) sur le bilan des

35 heures en matière d’emplois. En effet, pour lui, seules 23% des créations d’emplois sont

liées à la RTT, soit seulement 116 380 postes créés. Pour le ministre de l’économie, le rôle de

la croissance est important, même pour les emplois créés par la RTT. Il prend le contre-pied

de la position de la Ministre de l’emploi pour laquelle un infléchissement de la croissance

n’aurait aucun impact sur le rythme de passage à 35 heures. Selon le ministre des finances,

« des perspectives de croissance moindre devraient limiter les difficultés de recrutement par

les entreprises et leur permettraient de réduire la durée du travail sans être contraintes par

l’embauche ( !) ».

Une moindre croissance serait donc favorable à la diffusion des 35 heures mais sans pour

autant avoir de fortes répercussions sur l’emploi.

Le gouvernement socialiste s’est servi des déclarations patronales de promesses d’embauche

pour évaluer le nombre d’emplois engendrés par la RTT. Mais ces chiffres ne sont

qu’apparents, Bercy n’a d’ailleurs pas été dupe, le gouvernement a généralement compté 3%

d’embauche quand les entreprises en annonçaient 6.

Le projet de Pierre Larrouturou envisage un passage à 32 et non à 35 heures. Toutefois,

l’expérience des 35 heures montre bien les problèmes de prévisibilité que posent une RTT sur

les chiffres du chômage. Les conditions de sa réussite sont aléatoires. La RTT n’a que

rarement des effets mécaniques sur la création d’emplois.

349 Observatoire créé par L’Institut français des experts comptables et l’Union Nationale des commissaires auxcomptes.

95

Voyons si ces modèles ont influencé les politiques de l’emploi des différents pays européens

et s’il existait des précédents, ou au contraire, si les aspirations des différents gouvernements

se rapprochent des idées de Fillon, à savoir plus de liberté aux entreprises quitte à augmenter

la durée du travail.

CHAPITRE 2 :

LE TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE: ENTRE REDUCTION ET

LIBERALISATION.

Nous nous intéresserons à la politique de nos voisins européens, et non à celle des autres pays,

car les évolutions connues à l’intérieur de l’Europe présentent des similitudes et une partie de

cette politique dépend des impulsions et des orientations de l’Union européenne.

Toutefois, quelques précisions sur les politiques américaines et japonaises sont intéressantes.

Les Etats-Unis sont considérés comme les précurseurs de la réduction du temps de travail.

Ainsi, Samuel Gompers, « père » du mouvement travailliste américain, déclarait en

1887 : « Tant qu’il y aura un homme qui cherche du travail et n’en trouve pas, on pourra dire

que la durée du travail est trop longue.»

Pourtant, le mouvement pour le développement du partage du temps de travail ne s’est jamais

développé aux Etats-Unis. Alors qu’ils ont été les initiateurs de la RTT, les américains

travaillent en moyenne 10% de plus sur l’année que les européens.

96

Depuis 1980, aucune revendication ne concerne la RTT et ce pour plusieurs raisons :

Cela tient d’abord a des facteurs macroéconomiques : le chômage est extrêmement faible aux

Etats-Unis (5,6% de la population active est au chômage), la RTT n’est donc pas motivée par

la volonté de créer des emplois, elle ne l’est que par la volonté d’améliorer les conditions de

vie. Or les salaires augmentent peu depuis plusieurs années et beaucoup de salariés sont

employés à temps partiel, les américains préfèrent alors gagner plus. Ainsi, tant que les

salaires n’augmenteront pas, il est peu probable de voir les salariés réclamer une RTT.

Un autre facteur est le manque de réglementation stricte en matière de durée du travail

notamment. Ainsi, il n’y a pas de durée légale du travail, les formalités de licenciement sont

réduites… Il y a une décentralisation du processus de fixation des salaires et de la durée du

travail, or la présence syndicale est faible. Le patronat est donc quasiment tout puissant. Un

quart des américains travaillent le samedi. 25 millions de salariés sont intérimaires ou

travaillent à temps partiel. Ils constituent une « armée de réserve », des travailleurs

« contingents » moins payés ne disposant souvent pas de couverture sociale.

La contre partie de la flexibilité aux Etats-Unis n’est pas la RTT mais le salaire et la

couverture sociale.

Les travailleurs américains préfèrent donc ne pas réduire la durée de leur travail. Ce souhait

tient en grande partie à des considérations salariales. Ils travaillent plus car le niveau

d’imposition est faible et incite donc à effectuer des heures supplémentaires. De plus, les

salaires ayant régressé depuis 1970, il faut travailler plus pour maintenir son niveau de vie350.

Mais cette position pourrait évoluer, en effet, depuis 1990, la croissance ne s’accompagne non

seulement plus de création d’emplois mais, depuis l’administration Bush, la reprise se fait

avec des pertes d’emplois351 (déjà 3 millions d’emplois ont été supprimés en 2 ans !).

Au Japon, la durée moyenne de travail était de 1930 heures par an en 1995, à cette durée, on

pourrait ajouter des temps de transport souvent longs. En 1988, cette durée était de 2088

heures, soit une réduction de la durée du travail de 2,1% par an.

Pourtant la durée hebdomadaire conventionnelle était de 40 heures. La loi de 1993 reprend cet

acquis de la semaine de 5 jours sur une base de 40 heures et permet aux petites entreprises de

rester à 44 heures. La loi prévoit des contreparties à la RTT en terme de flexibilité.

350 BELL (L.), « Aspects sociaux et culturels de la politique du temps de travail aux Etats-Unis », in Le tempsde travail en Europe, Syros 1995, pp. 45 - 53.

351 BOULET- GERCOURT (P.), « Bush dans le bourbier », Le Nouvel Observateur, 28 août au 3 septembre2003, p.44.

97

Mais si la durée moyenne annuelle de travail est aussi longue, c’est en raison du recours

massif aux heures supplémentaires. En effet, les japonais effectuent en moyenne près de 130

heures supplémentaires par an (contre 50 en Allemagne ou en France).

Elles permettent de s’adapter aux fluctuations du marché. De plus, les congés annuels sont

seulement de 20 jours par an. Fait remarquable pour nous autres occidentaux, en 1993, les

japonais n’ont utilisé que 56% du congé annuel auquel ils ont droit ! Ils ont ainsi effectué 80

heures de travail non payées par an !

Enfin, le temps partiel concerne 12,6% des salariés.

On peut remarquer que le système japonais est fortement inégalitaire entre les salariés des

grandes firmes qui jouissent de contrat à vie, de possibilités importantes de promotions et qui

sont protégés par leur syndicat et les salariés des petites entreprises soumis à la précarité ainsi

que les femmes qui ont rarement une activité rémunérée.

Mais contrairement aux Etats-Unis, Les japonais aspirent à une RTT. Ainsi, certains syndicats

militent pour une réduction à 1800 heures de travail par an. De plus, ces dernières années, on

observe une percée du chômage alors qu’auparavant il y avait plutôt un problème de manque

de main d’œuvre. La réduction du temps de travail constitue une piste afin de créer des

emplois, on attend elle qu’elle permette également une réorganisation des entreprises (en

travail posté de 3*8 par exemple) et l’intégration des femmes352.

C’est finalement le Japon qui se rapproche le plus de la situation des pays européens.

En 1995, l’Union Européenne comptait 22,6 millions de chômeurs soit 11,2% de la

population active, c'est-à-dire un pourcentage supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE.

L’Institut syndical européen distingue 3 époques dans l’évolution de la durée du travail ces 40

dernières années.

De 1960 à 1973, on constate une baisse de la durée du travail d’origine conventionnelle, elle

concerne les secteurs dynamiques où les gains de productivité étaient forts, les salaires élevés

et le degré de concentration important. Elle est liée à la croissance de l’économie, à la

réorganisation du système productif et à une transformation des relations sociales.

En 1974, la baisse s’étend aux autres secteurs.

Depuis 1980, la diminution du temps de travail est liée à l’accroissement du recours au travail

à temps partiel. On observe parallèlement une diversification croissante de la durée du travail :

30% des salariés de l’Union Européenne travaillent le soir ou la nuit, 50% le week-end.

L’Angleterre a eu la première législation à limiter la durée du travail avec le factory act de

1833 qui limite notamment le travail des enfants de 13 à 18 ans de 10 à 12 heures.352 SEIFERT (H.), « Aspects culturels, économiques et sociaux de la politique du temps de travail au Japon »,

in Le temps de travail en Europe, op. cit. pp.55 - 62.

98

En 2002, la durée conventionnelle moyenne de temps de travail par semaine était de 38,2

heures en Europe : 40 heures pour la Grèce, 39 pour la Finlande, l’Irlande, le Portugal, la

Belgique et le Luxembourg, 38 heures en Italie, 37,2 au Royaume-Uni et … 35 heures en

France.

Voyons plus précisément ce qu’il en est dans quelques pays européens.

SECTION 1- LES REGLEMENTATIONS EUROPEENNES DE LA DUREE DU TRAVAIL

ET LES REALISATIONS EN MATIRE DE RTT:

§1- Quelques exemples de réglementations :

Celles-ci mettent en évidence des réalités différentes :

A- Les pays envisageant la RTT comme une amélioration des conditions de vie et comme un

instrument des politiques familiales:

C’est le cas de la Suède et de la Norvège.

Dans ces deux pays, une RTT généralisée n’est pas envisagée comme un moyen efficace pour

combattre les déséquilibres du marché du travail mais comme un dispositif propre à favoriser

l’égalité des sexes et la modulation individuelle de la durée du travail.

En Suède, la loi prévoit une durée hebdomadaire de travail de 40 heures et un contingent

d’heures supplémentaires limité à 200 heures (le travail de nuit est en principe interdit). La

législation est souple puisqu’elle permet aux partenaires sociaux de négocier au niveau de la

branche, ou de l’entreprise si celle-ci y renvoie, la durée journalière et hebdomadaire de

travail.

Certaines branches reprennent la législation telle qu’elle, d’autres ajoutent en flexibilité

comme dans le secteur de la métallurgie. On a donc une décentralisation de la politique

d’aménagement du temps de travail.

Une réduction de la durée du travail effectif est sensible sur les 30 dernières années, celle-ci

passant de 41 à 37 heures par semaine en moyenne. Toutefois, cette réduction n’est pas

homogène. En effet, la moyenne était de 39,2 heures dans le BTP et de 35,2 heures dans le

secteur public. On peut distinguer deux périodes au cours de cette réduction.

99

Tout d’abord de 1963 à 1982, période pendant laquelle la diminution est continue. Elle est due

à plusieurs facteurs. Grâce à une croissance économique forte et soutenue, les suédois ont

alors fait le choix de développer leurs loisirs plutôt que d’augmenter leur salaire.

D’autre part, l’entrée massive des femmes dans la population active s’est traduite par un fort

développement du temps partiel (assimilé à un emploi stable) et donc par une baisse de la

durée moyenne de travail. L’augmentation des emplois dans le secteur public et les services

où la durée du travail est plus faible contribue à la même logique.

Il y a également une augmentation du travail précaire qui correspond à une phase de

tâtonnement, de prérecrutement ou à un travail étudiant.

De nombreux accords interprofessionnels sont intervenus pour instituer une RTT soit par un

abaissement des horaires, soit en fixant un âge de la retraite plus bas.

Enfin, le gouvernement a lui-même contribué à cette réduction en instaurant les congés

parentaux afin de mieux répartir les responsabilités entre les hommes et les femmes en ce qui

concerne la prise en charge des enfants. Ce congé était de 15 mois en 1993. L’Etat garantissait

90% de la rémunération pour les douze premiers mois (cette garantie se fondait sur le revenu

des six mois précédents la naissance du 1er enfant). Le gouvernement a aussi développé la

formation qualifiante. Dans ces deux hypothèses, la personne retrouve son travail à l’issue de

la période de congé.

Ces possibilités de modulation constituent un mode de régulation des charges professionnelles

et familiales.

Si l’on constate encore des inégalités dans la répartition des tâches domestiques, on peut

observer une égalité dans le temps de loisirs : 39,5 heures par semaine en moyenne chez les

hommes et 38,5 chez les femmes. Ainsi, si les hommes participent moins aux tâches

ménagères que les femmes, ils fournissent plus de travail effectif.

De 1982 à 1993, on constate que plus aucune mesure incitative en faveur de la RTT n’a été

prise. On remarque même une tendance à l’allongement de la durée du travail en raison d’une

modification des horaires. En effet, plus de femmes travaillent à temps plein et le recours à un

travail à temps partiel long (de 19 à 34 heures) est plus fréquent. De plus, la diminution des

salaires réels associée à une diminution de l’imposition a encouragé les salariés à augmenter

leur temps de travail.

Les premières RTT ont donc permis une amélioration des conditions de vie. Le débat s’est

ensuite déplacé sur le partage des fruits de la croissance et sur le choix entre un plus grand

pouvoir d’achat ou plus de loisirs.

100

En 1989, près de 80% des salariés étaient satisfaits de leurs horaires de travail (10%

souhaitent une augmentation de leur durée de travail et 10% une diminution !). 51% préfèrent

une RTT à une augmentation de leur revenu (mais seulement 11% acceptent une RTT sans

compensation salariale). On observe une hétérogénéité des préférences individuelles en

matière d’aménagement du temps de travail. La tendance est à la recherche d’une flexibilité

négociée. La loi va donc faciliter l’annualisation et l’individualisation.

L’augmentation du chômage en 1992 n’a pas modifié la conception de la RTT, les

déséquilibres du marché du travail sont combattus par une politique active de l’emploi353.

La Norvège présente une situation comparable. Elle est dotée de syndicats puissants (55% de

taux de syndicalisation) animés par un esprit de coopération et le taux de chômage y est faible.

Les partenaires sociaux « internalisent » généralement les effets négatifs d’une évolution

salariale.

La durée hebdomadaire est de 37,5 heures par semaine depuis 1986 et la tentative de LO354

d’imposer une journée de travail de 6 heures. Cette mesure avait été motivée par la volonté

d’harmoniser la durée du travail des différentes catégories de salariés et entre les hommes et

les femmes. Les modalités d’application sont laissées aux partenaires sociaux. La réduction du

temps de travail s’est stabilisée depuis cette date. En 1986, seulement 5% des salariés étaient

favorables à une RTT. Globalement, il y a une certaine hostilité à l’égard des thèses relatives

au partage du temps de travail.

Les politiques de temps de travail, comme en Suède, sont liés à une politique familiale

ambitieuse notamment afin de permettre l’intégration des femmes et « une plus grande égalité

dans la répartition des tâches entre sphères professionnelles et domestiques ». Les critères de

justice sociale dominent le débat355.

B- Les pays utilisant la RTT comme une arme contre le chômage :

L’Allemagne a eu recours à une politique de RTT dans certains secteurs d’activité. Dans celui

de la métallurgie, le passage à 35 heures aurait permis d’éviter 50 000 licenciements. De

même, dans les services publics allemands, des conventions collectives ont réduit la durée

hebdomadaire du travail en échange de plus de flexibilité et ont permis une généralisation du

353 ANXO (D.), « Politiques et évolution du temps de travail en Suède », in Le temps de travail en Europe, op.cit. pp.126 - 142.

354 Confédération Générale du Travail.355 ANXO (D.) et LOCKING (H.), « Politiques et évolution du temps de travail en Norvège », in Le temps de

travail en Europe, pp.144 - 159.

101

travail à temps partiel volontaire. Cette réduction hebdomadaire s’est accompagnée d’une

diminution de salaire en principe proportionnelle (sauf quelques cas de compensations

partielles). Contrairement au modèle des lois Aubry, l’Etat n’assure pas de compensation et ne

prévoit pas d’incitation pécuniaire à l’embauche, ces conventions visant essentiellement à

limiter les licenciements économiques.

Le « deal » consiste donc à réduire les salaires contre une limitation ou une renonciation au

licenciement. Cette réduction n’est supportable que si les salaires sont à un niveau correct356.

L’Italie connaît un système comparable.

La question de l’organisation sociale du temps n’est jamais devenue l’enjeu principal des

syndicats, gouvernements…italiens. L’Italie se caractérise par une grande diversité dans ses

différents secteurs de l’économie, diversité empreinte de l’antagonisme entre le nord, riche et

industriel, et le sud, manuel et informel. On retrouve cette hétérogénéité dans les politiques du

temps de travail. Ainsi, dans le secteur commercial, la durée hebdomadaire moyenne est de 60

heures (avec des pointes à 74 heures) et il est assez courant de travailler le dimanche, jour

sacré traditionnellement chômé et réservé à la religion et au football. De même, le groupe Fiat

a développé le travail le samedi afin d’augmenter le nombre de jours ouvrés et permet des

variations d’horaires de 32 à 48 heures sans conséquence sur les salaires dans la limite de 7

semaines par an.

La RTT reste dans une logique instrumentale et non dans un besoin d’émancipation et de

loisirs. En effet, les italiens préfèrent généralement gagner plus afin de satisfaire leur

nécessaire besoin de « paraître », en achetant grosses voitures, vêtements… Ainsi, la RTT est

souvent utilisée pour avoir un deuxième travail au sein de la famille ou pour un autre patron.

Ils sont favorables au temps choisi, celui-ci passe généralement par des accords individuels

informels, en dehors des syndicats qui s’opposent à de telles pratiques.

On constate un recul des débats sur le temps de travail.

La législation italienne relative à la durée du travail est ancienne. En effet, la durée

hebdomadaire du travail est fixée à 48 heures depuis 1923 ! Elle prévoit une majoration de

salaire de 15% par heure supplémentaire mais seulement pour certains secteurs industriels.

On envisage donc un projet de loi prévoyant une durée de 39 heures, étendant le régime des

majorations pour heures supplémentaires ainsi qu’un changement dans la répartition des

charges (qui devraient être plus lourdes après 20 heures de travail).

356 MUCKENBERGER (U.), « Aménagement du temps de travail dans le contexte d’une politique syndicalemodernisée », in Le temps de travail en Europe, pp. 193 - 223.

102

C’est dans ce contexte peu propice que l’Italie, cultivant comme à son habitude le paradoxe, a

développé des projets ambitieux relativement au temps de travail.

Ainsi sont apparus les contrats de solidarité en 1993. Ils consistent à faire accepter une

réduction du temps de travail aux salariés afin d’éviter les licenciements. Ils reposent donc

comme en Allemagne sur le « deal » d’une perte de salaire contre le maintien des emplois.

Ces contrats sont conclus pour une durée de deux ans et font l’objet d’une aide incitative du

gouvernement.

Entre juillet 1993 et janvier 1994, ces contrats auraient permis de sauvegarder 22 000 emplois.

412 entreprises l’ont signé, soit 62 000 travailleurs qui l’ont accepté.

Les RTT vont de 10 à …80% (il s’agit alors de déguiser des situations de chômage

technique). On les rencontre surtout dans les secteurs de la mécanique, des textiles, de la

chimie, du commerce et de la construction.

Ce succès est lié au ministre du travail de l’époque (Gino Giugni), à la crise et au système

d’aides incitatives. Mais ces raisons sont conjoncturelles, de plus, le régime incitatif est remis

en cause, les crédits étant épuisés ! Par ailleurs, ces contrats n’ont pas permis une meilleure

prise en compte des aspirations individuelles357. Enfin, ils sont menacés par la politique

libérale de Silvio Berlusconi.

Un autre type de réflexion relative au temps a été menée dans certaines villes italiennes et

mérite que l’on si arrête. Ainsi, à Modène, Milan et Gênes, l’expérience « Tempi della città »

consiste à reconcevoir les horaires des différents services, administrations afin que leurs

horaires d’ouverture correspondent mieux aux besoins de la population. Il a donc fallu

recenser les courants et les structures de temps socialement importants qui coexistent dans la

ville, déterminer les besoins des habitants à travers l’analyse des budgets temps et mettre en

œuvre une procédure de concertation des acteurs et de coordination des structures. Ainsi, on a

tenté d’élargir l’offre en temps aux services qui concernent les activités liées à la famille afin

notamment de rendre la demande plus souple.

Limiter les lenteurs bureaucratiques et développer les loisirs de proximité sont également des

mesures qui sont apparues favorables aux gains de temps. Enfin, cette expérience doit

s’inscrire dans un souci de protection de l’environnement par la création de zones piétonnes et

cyclistes, et l’encouragement au développement des transports en commun.

357 PALIDDA (S.), « Le temps de travail en Italie », op. cit. pp. 226 - 246.

103

C- Les pays qui ont fait le choix de la flexibilité et de la déréglementation :

Nous allons étudier le cas de l’Espagne qui présente des similitudes troublantes avec les

objectifs poursuivis par la loi Fillon.

Ce pays présente des particularités notables :

Le travail temporaire concerne 33,6% de la population active (en 1994) et constitue un

passage quasi obligé pour obtenir une situation stable. La nouvelle réglementation de 1994

facilite son recours puisque désormais les contrats ne sont plus présumés conclus à durée

indéterminée.

Le taux d’activité est de 49,2% de la population en âge de travailler. Ce chiffre relativement

bas est lié à la faiblesse de l’activité féminine (malgré son développement récent) et à la

diminution constante de l’activité masculine (essentiellement les 16-20 ans et les plus de 55

ans).

Le chômage frappe plus de 24% de la population active. Les principales victimes sont les

jeunes à la recherche d’un (véritable) premier emploi et les chômeurs longue durée. Les

économistes espagnols expliquent le chômage qui touche leur pays par la fin du modèle

taylorien.

La durée du travail est fixée par la loi, mais on parle de loi concertée car la négociation

collective complète et améliore les dispositions légales. La loi devient subsidiaire.

En 1944, elle a abaissé la durée du travail à 48 heures par semaine et en 1976, à 44 heures.

C’est dorénavant la loi du 29 juin 1983 qui fixe celle-ci à 40 heures, elle précise également les

durées de travail maximales par jour, semaine… ainsi que la durée des congés annuels.

L’accord intersectoriel du 5 janvier 1980 permet des RTT mais aussi l’annualisation.

Les syndicats, favorables aux 35 heures, vont utiliser cette possibilité. Ainsi, on va constater

une réduction progressive du temps de travail moyen entre 1982 et 1993 de 110 heures sur une

base annuelle. Cette réduction n’a pas eu de conséquence sur les taux de productivité.

La loi de 1994 va marquer un tournant. Celle-ci développe la flexibilité « afin que le tissu

productif ait un maximum d’efficacité ». Elle ne rejette pas la RTT mais tout est renvoyé à la

négociation. Ainsi depuis cette date, seul le développement du travail à temps partiel devrait

permettre de contribuer à une diminution de la durée du travail. En effet, les négociations

traitent davantage de répartition et d’utilisation plus efficace du temps de travail que de RTT.

104

La réglementation de 1994 a eu plusieurs effets358 :

D’abord, elle a permis une utilisation plus flexible des dispositions relatives aux durées

maximales de travail et sur les heures supplémentaires grâce à la négociation. Ainsi, des

accords collectifs peuvent prévoir une durée de travail quotidienne supérieure à 9 heures et

une durée de travail de plus de 40 heures par semaine. Ils peuvent accroître le contingent

d’heures supplémentaires au-delà de 80 heures (les heures supplémentaires récupérées dans

les 4 mois ne sont pas comptabilisées dans le contingent). Le repos hebdomadaire peut être

calculé sur 14 jours. Le recours au travail de nuit est favorisé, la rémunération n’étant plus

tenue de respecter la majoration légale de 25%.

L’Espagne ne connaît pas de réglementation du contrat de travail aussi stricte qu’en France,

l’accord du salarié n’est pas forcément nécessaire en cas de modification de son contrat de

travail. Ainsi, le déplacement des salariés sur ordre de l’employeur entre des catégories socio-

professionnelles équivalentes ou non est possible s’il est justifié par des impératifs

d’organisation359. L’employeur est également relativement libre si la mesure est accompagnée

de la mobilité géographique. La seule limite tient en la présence de représentants du personnel

dans les entreprises au dessus d’un certain seuil de salariés.

La loi a facilité l’organisation du travail en équipe.

Elle a eu des points positifs comme la combinaison des périodes de travail et de formation.

La loi Fillon, en étant supplétive et en permettant les dérogations et plus de flexibilité, est

proche de ce système. La seule différence tient dans le fait que dans la loi espagnole, l’accord

des individus est nécessaire.

Comme nous avons pu le voir, les politiques de temps de travail représentent des réalités

multiples, mais dorénavant, si la durée moyenne de travail tend à se réduire, c’est

généralement en raison de l’accroissement du recours au temps partiel. Peut-on considérer

pour autant le travail à temps partiel comme un mode de partage du temps de travail ?

§2- Le travail à temps partiel : entre travail précaire et politique de RTT .

358 ROJO TORECCILIA (E.), « Flexibilité du temps de travail en Espagne : conséquence de la réforme de lalégislation du travail de 1994 », in Le temps de travail en Europe, p.247.

359 TEYSSIE (B.), « Le temps de travail dans les Etats de l’Union Européenne », in La durée et l’aménagementdu temps de travail dans l’Union Européenne, loc. cit.

105

Pour certains auteurs360, le travail à temps partiel ne rentre pas dans le cadre des politiques de

partage du temps de travail. C’est simplement un mode de flexibilité qui permet plus de

souplesse.

Il est très largement féminin et les conditions de travail qui lui sont attachées, notamment

salariales, sont moindres par rapport au temps complet. De plus, le recours au temps partiel est

concentré dans certains secteurs.

Il n’est donc pas un facteur d’égalité des sexes, il n’est pas diffusé dans tous les secteurs, il

implique des différences de salaires et de protection sociale, autant de conditions défavorables

qui conduisent à l’exclure des idéaux de partage du temps de travail.

Alain Lipietz parle du temps partiel en terme non de partage du temps de travail mais de

partage du chômage. Partager un poste de caissière à 1000 € le mois en 2 postes rémunérés

500€ ne constitue en rien une solution.

Pour Dieter Schulte361, le temps partiel ne fait pas partie des stratégies de RTT, c’est une

forme individuelle de répartition du temps personnel. L’employeur l’utilise pour restructurer

certains secteurs et réduire les coûts. Ces postes sont définis unilatéralement, ils sont peu

qualifiés, les perspectives de carrière et de promotion professionnelle sont limitées.

D’autres auteurs 362ont une vision moins tranchée.

Le temps partiel représente 14% des emplois dans l’Union Européenne en 1991, soit un

pourcentage allant de 7 à 33% suivant les pays. Il est surtout répandu dans les pays du Nord.

29% des femmes actives occupent un travail à temps partiel (60% en Hollande contre 7% en

Grèce) contre seulement 4% des hommes (les écarts varient ici entre 2% pour la Grèce et 16%

pour la Hollande). Il concerne surtout les petites et moyennes entreprises.

Aux Pays-Bas et au Danemark, le temps partiel correspond à la politique de l’emploi des

années 80 et à une volonté de partager le travail. Il doit permettre aux femmes de conquérir

leur indépendance économique. C’est le gouvernement qui a favorisé ce type d’emploi, il a été

suivi par les syndicats qui voyaient dans le temps partiel un moyen de redistribuer le travail.

Ainsi, dans le secteur hospitalier hollandais, 90% des emplois sont occupés par des

travailleurs à temps partiel avec des efforts tendant à l’égalité de traitement et au temps partiel

choisi.

360 ALALUF (M.), BOULIN (J. Y.) et PLASMAN (R.), « Durée et organisation du temps de travail : latension entre régulation collective et choix individuels », in Le temps de travail en Europe, pp. 16 - 45.

361 SCHULTE (D.), «RTT : stratégies syndicales en Europe », in Le temps de travail en Europe, pp. 77 - 83.362 FAGAN (C.), PLATENGA (J.) et RUBERY (J.), « Le temps partiel : une solution possible au problème de

l’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes », in Le temps de travail en Europe, pp. 162 - 192.

106

En revanche, au Royaume-Uni, le temps partiel ne s’inscrit pas dans le cadre des politiques de

l’emploi. Il est conçu comme un instrument de promotion de l’égalité des chances. Malgré

l’affirmation de cette conception, l’Etat ne va prendre aucune mesure favorable à la protection

des travailleurs à temps partiel.

Ces derniers constituent une réserve de main d’œuvre bon marché et disponible. De plus, les

employeurs qui y ont recours bénéficient d’exemptions de charges sociales. Le temps partiel

ne fait donc pas exception au Royaume-Uni, il est confronté à la déréglementation et à

l’exigence de flexibilité. Les exigences des syndicats pour la reconnaissance de plus de droits

en leur faveur, de meilleures conditions et du développement du temps partiel dans les

emplois qualifiés n’ont pas encore reçu d’échos.

Le recours au temps partiel par le patronat peut être justifié par plusieurs raisons. D’abord, il

permet d’allonger les heures de service et ainsi de satisfaire une demande fluctuante sans avoir

recours aux heures supplémentaires ou à une embauche à temps plein, ces deux dernières

solutions ayant un coût plus élevé. En effet, l’employeur n’aura pas à verser de majoration

pour heures supplémentaires, ni de primes pour horaires fluctuant. Enfin, l’Etat accorde

parfois des exemptions en cas de recrutement d’un salarié à temps partiel.

L’usage du temps partiel n’est pas égalitaire comme nous avons pu le voir. En effet, on le

retrouve beaucoup plus dans l’activité féminine. De plus, on constate souvent une inégalité de

rémunération entre les hommes et les femmes, mais également entre les femmes à temps plein

et celles à temps partiel, ces dernières menant leur activité dans des secteurs différents.

En effet, les femmes travaillant à temps partiel exercent, dans la majorité des cas, leur activité

dans le secteur des services ou de la distribution. Il s’agit de secteurs où la rémunération est

relativement plus faible et où l’on occupe un statut subalterne.

Ainsi, au Royaume-Uni, les femmes à temps plein perçoivent en moyenne 79% de la

rémunération d’un homme et les femmes à temps partiel perçoivent en moyenne 75% du

revenu d’une femme à temps complet (soit 58% du revenu d’un homme à temps plein).

Par contre, aux Pays-Bas, le système est beaucoup moins inégalitaire. En effet, 28% des

hommes occupent un emploi à temps partiel et ce type de contrat est également utilisé dans

des professions spécialisées (cadres…). De plus, on remarque une égalité de rémunération

entre les femmes travaillant à temps plein et celles exerçant à temps partiel. Il subsiste tout de

même une inégalité entre la rémunération des femmes et celle des hommes puisque celles-ci

perçoivent en moyenne seulement 73% du revenu d’un homme.

107

Ces différences entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas s’expliquent par le mode de fixation

des revenus. Aux Pays-Bas, le revenu ressort d’un salaire minimum national augmenté du fait

de la négociation des partenaires dans chaque branche.

Au Royaume-Uni par contre, il n’y a pas de salaire minimum et l’on déplore la faiblesse des

négociations, les salariés à temps partiel sont rarement couverts par des accords collectifs. Le

salaire horaire est généralement différent entre les salariés à temps complet et ceux à temps

partiel. Enfin, les travailleurs à temps partiel sont souvent exclus du bénéfice des primes au

titre des horaires décalés ou des heures supplémentaires même si ils dépassent l’horaire

journalier ou l’horaire individuel contractuel (aux Pays-Bas, les accords prévoient que les

primes sont perçues au prorata).

En dessous d’un certain salaire, les salariés sont exemptés de cotisations sociales au

Royaume-Uni, mais leurs droits aux pensions retraites… sont réduits d’autant.

Aux Pays-Bas, comme pour les primes, les droits sont calculés au prorata.

Les commentateurs nous donnent alors quelques mesures propres à atténuer l’inégalité de

traitement engendré par le temps partiel entre les hommes et les femmes et pour en faire une

véritable politique du temps de travail. Ainsi, il faudrait diversifier les professions organisées

sur la base du temps partiel, maintenir les perspectives de promotion et de carrières, allouer un

minimum d’heures à ce type de contrat (éviter comme aux Etats-Unis des contrats de 5 heures

par semaine). Au niveau du salaire, il faudrait assurer un salaire proportionnel identique à

celui du temps plein et faire bénéficier tous les travailleurs des primes. On pourrait souhaiter

une réforme des dispositifs de protection sociale et de retraite afin de mettre fin aux

discriminations. Il conviendrait d’améliorer les dispositions relatives au congé parental et

développer les structures d’accueil pour enfants, ce qui permettrait de dégager plus de temps

en faveur des femmes. Enfin, les auteurs plébiscitent une réduction des horaires de travail

pour les emplois à temps plein afin de tendre vers une harmonisation entre les deux catégories

de travailleurs.

Ainsi, pour l’Institut Syndical Européen, « aussi longtemps que le temps partiel sera considéré

comme un instrument de déréglementation et de flexibilisation du marché du travail, il ne sera

pas possible d’en attendre des effets positifs dans la lutte contre le chômage ». L’ISE

encourage le temps partiel volontaire avec des possibilités de retour à temps plein.

L’entreprise Siemens s’inscrit dans le cadre de ces réflexions. En effet, Rainer Sieg363 met en

évidence l’augmentation du recours au travail à temps partiel surtout chez les hommes mêmes363 SIEG (R.), « L’organisation du temps de travail chez Siemens », in La durée et l’aménagement du

temps de travail dans l’Union Européenne, op. cit.

108

hautement qualifiés. Ceux-ci travaillent la moitié d’un temps complet pour la moitié de leur

salaire.

Il permet aux jeunes travailleurs d’accéder à un premier emploi tout en menant parallèlement

leur thèse. Pour l’entreprise, l’embauche de jeunes ingénieurs permet des gains en matière

d’innovation. Cette mesure est facilitée par le développement des congés parentaux

d’éducation et par les départs en retraite progressifs.

Ce groupe a également développé les formules d’horaire à la carte. Le début et la fin du travail

sont choisis librement à l’intérieur de plages prédéfinies (dites plages de mobilité) et il existe

un système de crédits d’heures (genre de compte épargne temps) qui permet la transformation

des heures supplémentaires en heures, jours ou semaines libres, voire d’un départ à la retraite

anticipé.

Cette étude rapide des réglementations européennes en matière de temps de travail permet de

mettre en évidence les différentes priorités des gouvernements et les différentes méthodes

adoptées. Nous allons maintenant nous pencher sur les réflexions menées dans ces différents

pays pour avoir, peut-être, un aperçu des futures législations, entre utopie et désir d’un monde

meilleur.

SECTION 2- LES REFLEXIONS MENEES DANS LES DIFFERENTS PAYS

EUROPEENS SUR LA RTT :

En caricaturant, on peut distinguer deux aspirations : une tendant à la déréglementation et à la

confiance aux marchés, l’autre à la réduction du temps de travail et des inégalités.

§1- Les inspirations libérales : contre courant de la réduction du temps de travail ?

Elles recouvrent des idées très différentes, nous allons en présenter quelques unes.

Les auteurs libéraux recourent à l’idée de marché, notion abstraite, qui n’a pas de définition

juridique. Celui-ci est censé s’équilibrer par lui-même dés lors que l’Etat ou d’autres acteurs

n’entravent pas son fonctionnement par des normes impératives.

Le marché du travail relève de la même logique. Si l’Etat ne pose pas de règles, le marché

s’équilibre à partir des variables salariales et de temps. D’après cette théorie, le marché est

109

capable d’absorber tous les demandeurs d’emplois en jouant sur ces deux variables. Ainsi, en

période de plein emploi, la tendance est à la hausse des salaires et à l’augmentation de la durée

du travail si la main d’œuvre devient insuffisante. Par contre, en période de « plein

chômage », la tendance sera à une baisse des salaires et à une baisse du temps de travail.

S’inspirant de cette théorie économique, certains pays (de plus en plus nombreux) comme les

Etats-Unis et le Royaume-Uni (ces principaux représentants) ont opté pour la

« déréglementation », c'est-à-dire la suppression progressive des règles susceptibles d’altérer

le fonctionnement du marché. Ces règles sont généralement les règles de droit du travail : sur

le salaire minimum, la durée du travail… mais également des règles tenant aux libertés

individuelles ou au droit des étrangers (sur la possibilité des étrangers de pénétrer sur le

territoire et sur les conditions pour qu’ils puissent exercer un emploi).

Dans ces pays, afin de lutter contre le chômage, cette politique s’est traduite par une réduction

au strict minimum des règles du droit du travail. Ainsi, il n’y aucune garantie relative au

salaire, il y a une relative liberté quant à la fixation de la durée du travail et les procédures de

licenciement sont relativement souples.

Au contraire, le droit des étrangers s’est durci avec une restriction des possibilités de trouver

et surtout de conserver un emploi. En effet, pour pouvoir travailler plus d’un certain temps, la

personne doit prouver que le travail qu’elle occupe ne peut être effectué par un national !

En France, le système est inégalitaire puisque l’étranger ne peut pas travailler si il a un visa

d’un mois (visa touriste) qui est le visa le plus souvent accordé. L’étranger se trouve

rapidement en situation irrégulière avec aucune possibilité de subvenir à ses besoins. Aux

Etats-Unis, les perspectives d’intégration sont fortement réduites.

Cette déréglementation s’est traduite par des atteintes aux libertés individuelles : négligence

de la vie privée qui n’est pas protégée des interférences de la vie professionnelle, pas de droit

à une vie décente, à la protection sociale…

Cette politique libérale montre des réussites au niveau des statistiques du chômage puisque

moins de 6% de la population active est au chômage aux Etats-Unis. Mais ce succès cache une

réalité bien plus sombre. Nous l’avons vu, les conséquences relatives aux droits des personnes

sont affligeantes. D’un point de vue économique, si les chiffres du chômage font des envieux,

les répercussions de cette politique sur le niveau de vie de la population sont nettement moins

enthousiasmantes. En effet, elle a conduit à un accroissement des inégalités entre une partie

de la population qui occupe des emplois précaires, de parfois seulement quelques heures par

semaine, forcément mal rémunérés (peut on parler d’emploi alors que celui-ci ne permet pas

110

aux salariés de subsister ?) et une frange de la population bénéficiant d’emplois qualifiés et

dont la durée du travail à tendance à augmenter ! Cet accroissement des inégalités est allé si

loin que l’on constate dans ces deux pays une augmentation des personnes vivant en dessous

du seuil de pauvreté et même une diminution de l’espérance de vie à la naissance !

La théorie présente donc des limites dans la mesure où elle a des répercussions différenciées

suivant les tranches de population. En effet, à côté des variables revenu et temps, une

troisième est apparue : la précarité. Les salariés se retrouvant sans emploi ou au contraire

effectuant des horaires fluctuants au gré des besoins.

De plus, d’un point de vue strictement théorique, ce modèle a des limites puisqu’il ne prend

pas en compte la situation des autres Etats. En effet, même si l’Etat a une réglementation

souple, le jeu du marché sera toujours troublé par des éléments extérieurs (la réussite d’un

marché autorégulé n’est d’ailleurs pas prouvé). Ainsi, la politique salariale des pays voisins

peut influer sur celle de l’Etat qui souhaitera conserver sa main d’œuvre qualifiée, l’obligeant

à pratiquer une politique des salaires soutenue. Au contraire, une main d’œuvre bon marché

peut attirer les capitaux étrangers et favoriser les implantations d’usine étrangères.

Les limites de cette théorie n’altèrent guère son succès actuel. Dénoncer par les courants anti

et altermondialistes notamment, elle attire toujours les gouvernants. Ainsi, en Italie,

Berlusconi a tenté, avec son fameux projet d’article 18, de laisser libre court au pouvoir des

employeurs qui auraient pu licencier sans contrainte. Mais sous la pression de la population :

manifestations, pétitions…ce projet a été retiré.

En France, le gouvernement a également des tentations pour une politique libérale, il

dissimule pour l’instant celle-ci derrière la négociation collective. Le MEDEF quant à lui

n’hésite pas à invoquer le problème du chômage pour justifier une réforme du SMIC voire sa

suppression. Pourtant, de nombreux auteurs et politiciens français tels que Alain Lipietz,

André Gorz ou Guy Aznar ont influencé les réflexions menées au niveau européen sur la

réduction du temps de travail.

§2- Les réflexions sur le partage du temps de travail en Europe :

« …l’ouvrier a besoin d’un temps pour satisfaire ses besoins spirituels et culturels, lesquels

sont déterminés par le contexte culturel et général ». Marx.

111

La méthode est différente ainsi que l’idéologie dominante.

Ici, le travail est considéré dans ce cadre à partir de ses nombreuses fonctions : d’activité

rémunérée, d’intégrations sociales, d’utilité sociale et écologique. Il a une dimension

beaucoup plus humaine.

Les auteurs dressent plusieurs constats. D’abord qu’une croissance de 3% par an permettrait

seulement le maintien du niveau de l’emploi. Pour qu’il y ait création, il faudrait un taux de

5% minimum, ce taux est non seulement peu vraisemblable mais dangereux écologiquement.

Le deuxième constat est le coût du chômage. Celui-ci correspond au PIB de la Belgique pour

l’Europe si l’on considère les charges de prestations chômage ainsi que le déficit des recettes

fiscales et des cotisations de sécurité sociale. Le coût d’un chômeur est évalué à 17 000 euros

par an.

De 1981 à 1991, les salaires réels ont progressé moins vite que les gains de productivité alors

que dans le même temps le chômage a augmenté.

A partir de ces constats, les auteurs démontrent l’intérêt pour un réduction du temps de travail,

instrument de lutte contre le chômage et moyen d’intégration. Les modèles proposés sont plus

hétérogènes.

La Confédération Européenne des syndicats envisageait dés 1979 un passage à 35 heures dans

l’ensemble de l’Union ainsi qu’une généralisation des congés payés annuels à 6 semaines, la

retraite à 60 ans, la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et la mise en place de congés

formation. Depuis 1982, elle pousse pour l’abolition des heures supplémentaires et encourage

le temps partiel volontaire.

La CGIL de Lombardie préconise également une réduction du temps de travail à 35 heures

avec un prélèvement sur les caisses d’assurance chômage dans le cadre européen pour éviter

une concurrence ruineuse. La RTT aura une base quotidienne, hebdomadaire, annuelle et tout

au long de la vie (selon les idées développées par Jacques Delors). Elle souhaite également

l’abandon de la mythologie productiviste.

Ulrich Muckenberger est par contre opposé au fait de puiser dans les caisses de l’assurance

chômage (il s’oppose en effet à toute externalisation des coûts). Il préfère appeler à la

solidarité les hauts salaires et les salariés hors convention en espérant que la baisse de salaire

ne soit que provisoire. Il rejette également tout impôt sur les machines pour financer la

compensation salariale car un tel impôt risque de constituer un frein à l’innovation. Il reprend

112

par contre l’idée d’André Gorz d’une TVA sociale perçue sur la consommation, hormis

l’alimentation de base, et socialement échelonnée.

Pour Muckenberger, aucune augmentation de l’emploi n’est plus envisageable sans une RTT.

Celle-ci doit s’accompagner de promesse d’embauche, d’une renonciation aux heures

supplémentaires et aux licenciements économiques. Comme Oskar Lafontaine, il suggère une

réduction immédiate et importante, associée à une baisse du revenu pour ceux qui bénéficient

d’un emploi.

Les mesures seront jugées sur leur efficacité économique (coût de la main d’œuvre,

productivité…), leur réussite sociale (leur impact sur la vie familiale par exemple) et sociétale.

Il souhaite que les syndicats abandonnent la référence au temps plein et au modèle patriarcal

qui se sont marginalisés et qu’ils passent de la lutte des classes à une ouverture sur la société.

Ainsi, les syndicats doivent défendre les travailleurs mais également les tiers (il se rapproche

alors des idées de Jürgen Habermas). Les travailleurs sont devenus des citoyens dans

l’entreprise, on doit alors développer l’autogestion contre le pouvoir unilatéral de direction de

l’employeur.

Pour lui, l’opposition efficacité économique / aménagement du travail par le salarié n’est pas

évidente. Il cite pour exemple les techniques des cercles de qualité ou de responsabilisation

des salariés. Les salariés doivent pouvoir fixer leur durée contractuelle de travail (ils se

préservent ainsi contre les risques d’allongement du temps de travail). Le début et la fin de

journée seraient alors définis par la collectivité des salariés en fonction des besoins de

l’entreprise. Les employés pourraient bénéficier de congés longue durée.

Les salariés mécontents de leurs horaires pourraient se plaindre auprès d’un comité. Ainsi, ils

pourraient refuser des horaires de travail défavorables (travail en fin de semaine ou de nuit).

Ceux-ci seraient d’ailleurs limités aux seules branches de l’entreprise qui le nécessitent.

Alaluf, Boulin et Plasman364se prononcent également pour l’autogestion. Ils souhaitent

associer la lutte pour la maîtrise des temps dans les lieux de travail avec l’action dans les pays

pour la maîtrise des temps de la société (on peut rapprocher cette réflexion de celle menée

dans le projet « le temps des villes »). Ainsi, l’aménagement ne sera plus forcément

défavorable aux salariés. En effet, le temps dégagé par la RTT est le plus souvent un temps

prescrit qu’un temps choisi (horaires décalés, extension du travail le week-end, temps partiel

contraint), le salarié a donc intérêt à maîtriser sa structure temporelle.

364 ALALUF (M.), BOULIN (J. Y.) et PLASMAN (R.), loc. cit.

113

Cette autonomie repose sur des droits reconnus en Scandinavie. On parle d’un droit à

l’absence en Suède grâce aux congés parentaux, aux congés de formation…

Ces auteurs montrent l’influence socioculturelle du temps de travail : la vie est réglée par le

travail, les loisirs et la vie familiale s’adaptent. De l’organisation en horaires découle le

sentiment de pénurie du temps.

Enfin, ils dénoncent les effets de la décentralisation de la négociation. En effet, celle-ci

confère au patronat un tel poids qu’il obtient plus de flexibilité sans contre partie en terme de

réduction du temps de travail pour les salariés. « Là où la décentralisation est forte, les

standards minimaux sont peu nombreux et la variance des durées du travail fort

importante ».Les pertes de revenus, le développement du travail à des horaires atypiques et

l’exigence de polyvalence sont autant de freins à la RTT. Ainsi, une RTT avec perte de salaire

ne devrait être admise que si l’emploi est directement menacé.

Ce modèle d’autogestion est enthousiasmant à plusieurs égards, toutefois, en pratique, il

présente des limites. On peut citer pour exemple le cas de l’entreprise italienne de fabrication

d’électroménager Zanussi365. Celle-ci mène une politique sociale ambitieuse et a ainsi proposé

un accord sur l’autogestion du temps de travail. Cet accord prévoyait que les salariés gèrent en

autonomie complète leur temps de travail à condition que soit maintenu la durée

hebdomadaire d’utilisation des machines à 108 heures. Celui-ci a été plébiscité par tous les

syndicats et associations.

Mais cet accord fut un échec fracassant, aucune demande du personnel y ayant trait n’ayant été

formulée. Certains invoquèrent l’individualisme des ouvriers et la richesse de la région. Mais

l’explication est (malheureusement) peut-être plus simple. Une ouvrière aurait dit au directeur

de l’usine : « Avec cet accord, vous prétendez donc que non seulement nous continuions à

faire un boulot de merde, mais qu’en plus on s’occupe de s’autoorganiser le travail et tout le

bazar ! »

Selon les propos d’un des dirigeants nationaux des confédérations : « Vous savez, la

participation est une très belle chose, malheureusement, il y a les travailleurs… »

Ceux-ci révèlent bien le décalage entre les aspirations idéologiques de certains et la réalité des

usines où le mode de production tayloriste, un travail déqualifié sans gratification, usant et

inintéressant ne prête guère à des réflexions sur l’aménagement du temps de travail, les

salariés préférant recourir aux arrêts maladies avec la complicité d’un médecin, ou à d’autres

subterfuges.

365 In Le temps de travail en Europe, loc. cit. p.244.

114

Pierre Carditi se prononce pour une RTT à 33 heures et la création d’un service national du

travail ou d’une année consacrée aux travaux socialement utiles. Organisé selon des principes

sous jacents au service militaire, il devrait permettre la création d’1 300 000 emplois.

Enfin, Robert Taylor366croit en l’association compétitivité économique / amélioration des

normes sociales par la RTT. Celle-ci passe par une répartition du temps libre sur l’année et un

droit aux congés sabbatiques. La création d’emplois sera encouragée par les efforts fournis en

matière de formation et d’éducation. Il envisage également de renforcer les institutions du

marché du travail et modifier les systèmes d’imposition.

Il rappelle que les inventeurs de la démocratie à Athènes n’accordaient aucune valeur sociale

ou éthique au travail, que les « travailleurs heureux font du bon travail » et que tant que les

salariés ne réclament pas la RTT, tout changement est délicat.

Il souhaite que le dialogue soit encouragé au niveau européen.

A cette échelle, l’Union Européenne et le Conseil de l’Europe ont repris une partie de ces

idées.

Ils ont mis en avant lors de différents sommets les points positifs des différentes politiques

nationales en matière d’emplois. Ainsi, le modèle de formation allemand a été valorisé. Ils

souhaitent généraliser les congés de formation et le concept de formation toute la vie.

S’agissant de la réduction du temps de travail, celle-ci a été présentée comme un instrument

en faveur de la création d’emplois dans les secteurs à forte main d’œuvre et bénéficiaires.

Les insuffisances du livre blanc de la commission de Bruxelles pour la croissance, la

compétitivité et l’emploi, qui envisageait la lutte contre le chômage par la stimulation de la

croissance, l’abaissement du coût du travail et le développement des services au ménage, ont

donc été en partie corrigées.

366 Taylor (R.), « Un temps pour travailler, un temps pour vivre », in Le temps de travail en Europe, pp. 112 -117.

115

Taux de chômage dans l'Union européenne

(données standardisées)

juin-97 déc-00 Evolution Evolution relative

% % % %

Irlande 10,1 4,1 -6,0 -59,4

Suède 10,5 5,1 -5,4 -51,4

Pays-Bas 5,5 2,7 -2,8 -50,9

Portugal 6,8 4,3 -2,5 -36,8

Espagne 21 13,7 -7,3 -34,8

France 12,5 8,8 -3,7 -29,6

Finlande 12,7 9,3 -3,4 -26,8

Royaume-Uni 7,3 5,4 -1,9 -26,0

Autriche 4,4 3,3 -1,1 -25,0

Luxembourg 2,7 2,1 -0,6 -22,2

Allemagne 9,9 8,1 -1,8 -18,2

Italie 11,7 10 -1,7 -14,5

Belgique 9,4 8,3 -1,1 -11,7

Danemark 5,5 4,9 -0,6 -10,9

UE 15 10,7 8,1 -2,6 -24,3

116

Zone euro 11 11,6 8,7 -2,9 -25,0

Etats-Unis 5 4 -1,0 -20,0

Japon 3,4 4,7 1,3 38,2

Source : EUROSTAT

2000 2001

Ristourne de base 41.400 43.100

Extension de la ristourne 7.400 10.600

Aides incitative et structurelle 19.300 25.500

Total allégements 68.100 79.200

1.- Financement de la ristourne de base :

Droits tabac 39.298 39.860

Versement Etat 0 0

39.298 39.860

2.- Financement de l'extension de la ristourne

CSB 4.300 6.600

TGAP 3.200 4.000

7.500 10.600

3.- Financement des aides incitatives et structurelles

Droits alcools 5.600 8.160

Versement Etat 4.300 5.700

9.900 13.860

117

Total des financements 56.698 64.320

Solde du fonds d'allégements - 11.402 - 14.880

118

CONCLUSION :

Cet exposé nous ramène forcément à des réflexions sur le travail en tant que valeur. Le travail

n’est-il qu’une contrainte ? Pour les grecs, travailler c’est aliéner sa liberté au service de la

matière ou d’autrui, alors que sa nature devrait porter l’homme à s’en affranchir pour

commander à l’une ou à l’autre.

La tradition judéochrétienne voit dans le travail une malédiction divine. L’origine du mot

signifiait primitivement un instrument de torture367.

Puis le travail a été affirmé comme une valeur par le protestantisme et l’utilitarisme des

lumières. Il permet d’approfondir l’œuvre divine en faisant fructifier les richesses contenues

en germe dans la Création. Pour Kant368, la nature a voulu que l’homme conquière sa liberté

en développant ses virtualités par le travail. C’est une obligation morale car l’homme a le

devoir envers lui-même de développer ses facultés, sans lesquelles il resterait inachevé.

Le travail est alors une œuvre : une geste créateur et une action conforme au bien.

Adam Smith369 valorise ce travail productif notamment pour mettre en évidence l’oisiveté de

la noblesse.

Pour Hegel370, en travaillant pour un maître, le travailleur finit par prendre conscience de

l’étendue de son pouvoir sur les êtres et les choses et par là même du caractère libérateur du

travail initialement conçu pour l’asservir.

Nous l’avons vu, Nietzsche avait perçu derrière cette valorisation l’opportunité de détourner

l’individu de ses plaisirs pour consacrer son temps au travail. Ainsi, quelques nantis,

propriétaires des moyens de production, se sont en même temps appropriés les moyens de

puissance et de coercition. Dés lors, est apparue une divergence entre les ouvriers qui voyaient

dans le travail un instrument de libération et leurs employeurs pour lesquels il n’est qu’une

activité marchande. L’histoire a tranché en faveur de l’efficacité économique, conduisant

l’ouvrier à aliéner son travail.

Cette évolution a engendré l’exploitation et la paupérisation.

Les luttes sociales et les besoins d’une main d’œuvre qualifiée ont heureusement diminué les

effets de l’exploitation. La prise de conscience de l’improductivité des dernières heures de

367 Tripalium : instrument à ferrer les chevaux puis instrument de torture.368 KANT, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1789, Troisième proposition, Edition

Bordas, 1981.369 SMITH (A.), Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, (1776), Edition Gallimard,

1970.370 HEGEL, La phénoménologie de l’Esprit (1807), Edition Aubier, 1947.

119

travail a permis le développement des loisirs. Mais pour Jean Baudrillard371, le temps dégagé

par le travail n’est jamais assez libre pour être complètement soustrait aux exigences de la

production.

Aujourd’hui, le travail est considéré comme le principal facteur d’intégration. En effet, il est

impossible de vivre sans travailler, effet de la monétisation de la société, et il est pour

beaucoup l’un des principaux lieux de rencontres compte tenu notamment du temps qui lui est

consacré. Entre moyen de subsistance et instrument de valorisation, la tendance est donc à lui

conférer une grande importance.

Le gouvernement socialiste jospiniste a tenté de permettre un partage de celui-ci par la

réduction du temps de travail qui était présentée par beaucoup comme le seul et dernier

remède au chômage. Instrument de création d’emplois, elle devait permettre de limiter le

nombre des exclus et devenir par là même un vecteur de paix sociale. La branche écologiste

de l’ancienne majorité plurielle ne niait pas non plus voir dans cette mesure l’occasion de

reconsidérer les bases de notre société pour plus de solidarité et pour améliorer les conditions

de vie de chacun.

Mais pour n’avoir pas eu d’effet immédiat conséquent ni sur l’emploi372, ni à en croire les

médias, sur l’insécurité, gouvernement et lois Aubry ont été écartés avec le renouveau de la

majorité présidentielle. La droite, empreinte des valeurs de labeur, a encouragé le peuple à

« retrousser ses manches ». Leitmotiv repris par le MEDEF. Ainsi, la France doit se mettre au

travail, mise à part les quelques cinq millions de chômeurs, exclus et autres précaires…La loi

Fillon est donc venue permettre une telle politique par l’augmentation des contingents

d’heures supplémentaires et par un sursis accordé aux petites entreprises (notamment). Le

chômage doit être soigné selon le remède éprouvé d’une baisse du coût du travail par des

exonérations de cotisations. Remède dont l’OFCE prévoit qu’il permettra de … sauver près de

50 000 emplois par an !

Si les pronostics économiques sont d’une fiabilité incertaine, beaucoup d’auteurs militent

toujours pour une réduction du temps de travail et pour une autre société qui abandonne le

culte de la productivité. Leurs idées font chemin en Europe mais se heurtent au courant de

libéralisation.

371 BAUDRILLARD (J.), La Société de consommation », collection Idées, Edition Gallimard, 1970.372 Pour Jacques RIGAUDIAT, la réduction du temps de travail entraîne un réflexe d’intensification du travail

qui minore donc les effets sur l’emploi, et une contraction de la production. Mais l’intensification n’est qu’unprocessus à court terme, des effets bénéfiques importants peuvent être attendus par la suite.

120

BIBLIOGRAPHIE :

- Les ouvrages :

. CAHUC Pierre et GRANIER Pierre, La réduction du temps de travail, une solution pourl’emploi ? , Paris, éd. Economica, 1997, 353 p.

. HOFFMAN Reiner et LAPEYRE Jean, Le temps de travail en Europe, organisation etréduction, Paris, Syros, 1995, 295 p.

. LARROUTUROU Pierre, 35 heures, le double piège, Paris, Belfond, 1998, 321 p.

. LIPIETZ Alain, La société en sablier, le partage du travail contre la déchirure sociale,Paris, éd. La Découverte, 1996, 332 p.

. NIEL Sylvain, Réussir le passage aux 35 heures, Lamy / Les Echos, 1999.

. RIGAUDIAT Jacques, Réduire le temps de travail, coll. Alternatives Economiques, Paris,Syros, 1993, 231 p.

. TEYSSIE Bernard, La durée et l’aménagement du temps de travail dans l’UnionEuropéenne, Litec, 1996.

- Les ouvrages cités :

. BAUDRILLARD (J.), La Société de consommation, coll. Idées, éd. Gallimard, 1970.

. GAUTHIER Théophile, Contes Extraordinaires.

. GORZ André, Adieux au prolétariat, Galilée Paris 1980.

. HABERMAN Jurgen, Ecrits politiques, éd. Du Cerf, Paris, 1990.

. HEGEL, La phénoménologie de l’Esprit, éd. Aubier, 1947.

. KANT, Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, Troisièmeproposition, éd. Bordas, 1981.

121

. LEGOFF Jacques, Pour un autre Moyen Age. Temps travail et culture en Occident, Paris,Gallimard, 1977.

. LABBE Dominique et ANDOLFATTO Dominique, Sociologie des syndicats, Repères2001.

. MARX Karl, Le Capital, Paris, éditions sociales, 1975, livre 1er tome 1, 317 p.

. NIETZSCHE, Aurore, Gallimard 1974.

. ROSSANVALLON Pierre, la question syndicale, Plon 1995.

. SMITH Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, éd.Gallimard, 1970.

. SUE Roger, Temps et ordre social, Paris, PUF coll. Le sociologue, 1994.

- Les études doctrinales et les articles (par ordre d’apparition):

Dans l’introduction :

. FREYSSINET Jacques, L’évolution du temps de travail : le déplacement des enjeuxéconomiques et sociaux, Droit Social n°9/ 10, 1998, p. 753.

. NIEL Sylvain, Va-t-on réduire les salaires à 35 heures ? , in Semaine Sociale Lamy, 7 juin1999, pp. 6-8.

. TIMBEAU Xavier, Réduction du temps de travail : quelles modalités ? , Lettres de l’OFCE,n°158, 31 janvier 1997.

. CHEVALLARD Lucille, Loi Aubry : l’épineux problème du SMIC, Options Finance, 21juin 1999.

. GALLERNE (J. F.), 35 heures, incertitudes sur les conséquences en matière derémunération, Option Finance n°514, 14 septembre 1998, p. 22.

. PELISSIER Jean, La loi dite des 35 heures : contrats et perspectives, Droit Social n°9/10,septembre 1998, p. 793.

. RAY Jean Emmanuel, Quelques questions autour de la loi Aubry 1, loc. cit. , p. 764.

122

. LANGLOIS Philippe, La réduction du temps de travail et la rémunération, loc. cit. , pp.785-792.

. La formation, otage ou effet de levier des 35 heures ? , Entreprise et carrières, 27 avril 1999,pp. 23-26.

. BELIER Gilles, Droit Social n°9/10, septembre 1998, p. 757.

. TELLIER Dominique, loc. cit. , p.761.

. MASSON (J. R.), loc. cit. , p.759.

. LYON CAEN Pierre, loc. cit. , p.777.

. RADE Christophe, Smic et réduction du temps de travail : la politique des petits pas, DroitSocial n°12, décembre 1999, p.986.

. FAVENNEC HERY Françoise, Le travail à temps partiel : changement de cap, in DroitSocial n°12, décembre 1999, pp. 1004-1008.

. ANTONMATTEI Paul Henry, Les cadres et les 35 heures : la règle de trois ! , loc. cit. , pp.996-1003.

. AUZERO Gilles, loc. cit. , pp.1026-1034.

. COUTURIER Gérard, Les paralogismes de l’amendement Michelin, loc. cit. , pp. 1034-1038.

. DENKIEWICZ Bruno et JOURDAN Dominique, Les incidences du nouveau dispositif surla confection du 1er bulletin de paye de l’an 2000, loc. cit. , pp.1009-1011.

. LANDRE (M.), Notre arsenal social fait peur aux investisseurs, Liaisons sociales/Magasine, décembre 2001, pp. 14-18.

. DAUGAREILH (I.), IRIART (P.) et LACOSTE (V.), Le contenu des accords collectifs surles 35 heures, Droit Ouvrier, juillet 2001, pp. 277-287.

. REMY Paul Louis, Réduction du temps de travail et vie familiale, Droit Social n°12,décembre 1999, p. 1012.

123

. MOREAU Isabelle, Aie ! Ma petite entreprise passe aux 35 heures, LiaisonsSociales/Magasine, novembre 2001, pp. 16-23.

Dans la première partie :

. BARIET Anne et FRANCHET Sandrine, Le gouvernement face aux 35 heures, Entrepriseet carrière n°622, du 21 au 27 mai 2002, pp. 4-6.

. FRANCHET Sandrine, Les 35 heures mettent le feu aux poudres, Entreprise et carrière n°634, du 3 au 9 septembre 2002, pp. 4-6.

. La nouvelle bataille des 35 heures, Liaisons Sociales quotidien, Revue de pressse n°2538,11 septembre 2002, pp. 1-4.

. GOASGUEN Camille et DUPAYS Alain, Accord 35 heures : la lettre l’emporte surl’esprit, Semaine Sociale Lamy n°1085, 29 juillet 2002, pp. 5-6.

. FAVENNEC HERY Françoise, Le cumul de paiement des heures supplémentaires et dudroit à l’indemnité conventionnelle de RTT, Droit Social 2002, pp. 868-870.

. STAGNARA Christine, Le dérapage des 35 heures : 39 heures payées 44 ! , SemaineSociale Lamy n°1097, 21 novembre 2002, pp. 5-9.

. CHEVILLARD Alain, Indemnité de RTT… sans RTT : quelle place pour les partenairessociaux, entre juges et législateur ? , Droit Social n°12, décembre 2002, pp. 1059-1063.

. WAQUET Philippe, Droit Social 2002, p. 963.

. Le projet de loi Fillon à l’Assemblée Nationale, Liaisons Sociales quotidien, revue depresse n°2542, 9 octobre 2002, pp. 6-7.

. François Fillon marche sur des œufs, Liaisons Sociales quotidien, revue de presse n°2537, 4septembre 2002, pp. 4-5.

. Le projet de loi Fillon sur les rails, Liaisons Sociales quotidien, revue de presse n°2540, 25septembre 2002, pp. 1-4.

. Adoption en 1ère lecture, Semaine Sociale Lamy n°1094, 21 octobre 2002, pp. 2-5.

. 1ère lecture par le Sénat, Semaine Sociale Lamy, 4 septembre 2002, pp. 2-3.

124

. PANSIER Frédéric Jérôme et CHARBONNEAU Cyrille, Présentation du décret du 16octobre 2002, Les cahiers sociaux du barreau de Paris n°144, 1er novembre 2002, pp. 431.

. Circulaire sur la réforme Fillon 2, Semaine Sociale Lamy n°1119, 22 avril 2003, pp. 2-3.

. CHARBONNEAU Cyrille, Présentation des dispositions relatives au temps de travail etaux salaires de la loi du 17 janvier 2003, les cahiers sociaux du barreau de Paris, 1er mars2003.

. JOURDAN Dominique, Le nouveau régime des heures supplémentaires, Semaine SocialeLamy n°1122, 12 mai 2003.

. Circulaire sur la réforme Fillon 2, Semaine Sociale Lamy n°1119, 22 avril 2003, pp. 2-3.

. MORAND Michel, Le compte épargne rémunération ou le moyen de choisir son temps detravail, Semaine Sociale Lamy n°1122, 12 mai 2003.

. BARIET Anne et FRANCHET Sandrine, 35 heures, ce qui va changer, Entreprise etcarrière n°639, du 8 au 14 octobre 2002, pp. 14-23.

. MORAND Michel, S’astreindre à être de repos, Semaine Sociale Lamy n°1122, 12 mai2003, p. 11.

. BARIET Anne, Refonte des charges sociales, l’heure des comptes, Entreprise et carrières n°636 du 17 au 23 septembre 2002.

. DERUE André, La nouvelle réduction des cotisations patronales de sécurité sociale,Semaine Sociale Lamy n°1122, 12 mai 2003.

. BELIER Gilles, Les novations dans le droit de la négociation collective, Droit Social n°12,décembre 1999.

. RADE Christophe, Smic et RTT, la fin du cauchemar, Droit social, janvier 2003, pp. 14-18.

. La nouvelle bataille des 35 heures, Liaisons sociales quotidien, revue de presse n°2538, 11septembre 2002, pp. 1-4.

. REY Frédéric, Les bons tuyaux des pionniers de la RTT, Liaisons sociales/Magasine,novembre 2001, pp. 24-28.

125

. RTT et modification du contrat de travail, Semaine Sociale Lamy n°1113, 10 mars 2003, pp.10-11.

. MILLET Laurent, Accord de RTT sans perte de salaire et statut des élus et des mandatés,Revue pratique de droit social n°639, avril 2003.

. THOMAS Catherine, Accord de réduction du temps de travail loi Aubry 1, Revue dejurisprudence sociale, mai 2003, pp. 371-375.

. MORAND Michel, Augmenter le temps de travail, Semaine Sociale Lamy n°1095, 28octobre 2002, pp. 7-10.

. RAY Jean Emmanuel, Les grandes manœuvres de la négociation collective, Droit Social,janvier 2000.

. BARTHELEMY Jacques, Droit de la durée du travail : la tendance à la contractualisation,Droit Social, janvier 2003, pp. 25-32.

. FAVENNEC HERY Françoise, Loi Fillon : quels cadres pour quel régime ? , Semainesociale Lamy n°1122, 12 mai 2003, pp. 21-26.

. FAVENNEC HERY Françoise, Mutations dans le droit de la durée du travail, Droit Social,janvier 2003, pp. 33-39.

. RAY Jean Emmanuel, 35 heures : le forfait jours désormais applicable à plus de cadres, LeMonde, 4 février 2003.

. FAVENNEC HERY Françoise, Le forfait jours : une dérogation générale au droit de ladurée du travail, Semaine Sociale Lamy n°1106, 20 janvier 2003, pp. 8-9.

. Accord 35 heures, le délicat équilibre, Entreprise et carrières n°658, du 25 février au 30mars 2003, p. 3.

. Les accords RTT résistent à la loi Fillon, Entreprise et carrières n°658, loc. cit. , pp. 14-19.

. Branche professionnelle : le débat n’aura pas lieu, Entreprise et carrière n°638, loc. cit.

. LACOURCELLE Céline, FRANCK Emmanuel et BARIET Anne, Renégociation : on nechange pas un accord qui marche, Entreprise et carrières n°658, du 25 février au 3 mars 2003.

126

. CHAMPEAUX Françoise, Assouplissement des 35 heures, SMIC, allégement des charges,Semaine Sociale Lamy n°1089, 16 septembre 2002.

Dans la 2 ème partie :

. BOULET GERCOURT Philippe, bush dans le bourbier, Le Nouvel Observateur, 28 août au3 septembre 2003, p.44.

. Les autres textes sont issus des ouvrages précédemment cités : Le temps de travail enEurope et La durée et l’aménagement du temps de travail dans l’Union Européenne.

- Acte de colloque :

Colloque du 1er avril 2003 : « Les 35 heures, bilan et perspectives », organisé par les étudiantsde Lille 2 avec la participation de Jacques RIGAUDIAT, M. KLEIN (représentant del’UIMM), Maître PLATEL, M. LAINE (responsable des affaires sociales de la Caissed’Epargne des Flandres) et Mme ROYER (responsable régionale de la CFDT).

- Les rapports et les documents officiels :

. Loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et laréduction conventionnels du temps de travail, Journal Officiel 1996, pp.8719-8720.

. Loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du tempsde travail, Journal officiel 1998, pp.9029- 9033.

. Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail,Journal Officiel 2000, pp. 975-992.

. Décret n° 2000-81 du 31 janvier 2000 relatif au contrôle de la durée du travail et modifiantle code du travail, Journal Officiel 2000, pp. 1639 -1640.

. Décret n° 2000-82 du 31 janvier 2000 relatif à la fixation du contingent d’heuressupplémentaires prévu à l’article L.212-6 du code du travail, loc. cit. , p. 1640.

. Décret n° 2000-83 du 31 janvier 2000 relatif au champ de l’allégement de cotisationssociales prévu par l’article L.241-13-1 du code de la sécurité sociale, loc. cit.

127

. Décret n° 2000-84 du 31 janvier 2000 relatif à l’incitation financière à la RTT, loc. cit. ,pp.1640-1645.

. Circulaire de la DRT du 5 mars 2000.

. Rapport d’information de Joseph Ostermann au nom de la Commission des finances, ducontrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du 16 mai 2001.

. Circulaire DRT du 17 octobre 2001.

. Décret n° 2002-1257 du 16 octobre 2002, Journal Officiel 2002, p.17 082.

. Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et audéveloppement de l’emploi, Journal Officiel 2003, pp.1080-1084.

. Circulaire DRT n° 06 du 14 avril 2003 relative au temps de travail et au SMIC, SemaineSociale Lamy, 12 mai 2003, n° 1122, pp. 27-36.

- Les décisions de jurisprudence :

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 14 juin 1990, Bull. Civ. N°285, Revue deJurisprudence Sociale 90.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 1er mars 1995, Lublin.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 25 janvier 1995, Dame Charre contreComité Français de la Faim.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 26 novembre 1996.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 25 novembre 1997.

. Décision du Conseil constitutionnel n° 98- 401 du 10 juin 1998, Journal Officiel, pp. 9033-9037.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 9 mars 1999.

128

. Arrêt du TGI de Paris du 19 décembre 2000, Fédération Française des Syndicats CFDT desbanques et des sociétés financières contre société Diac, Revue de Jurisprudence Sociale,04/01, n°461.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 13 mars 2001.

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 23 janvier 2002.

. Arrêt de la Cour de cassation chambre sociale du 10 juillet 2002, Syndicat libre desexploitants de chauffage contre Société Dalkia, JCP E n°47 (20 novembre 2002, note d’AgnèsVIOTTOLO).

. Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale du 16 février 2003, revue de jurisprudencesociale, mai 2003, pp. 371-375.

. Décision du Conseil Constitutionnel n° 2002-465 du 13 janvier 2003, Journal Officiel,pp.1084-1085.

- Sur internet :

. Passage aux 35 heures : l’essayer c’est l’adopter, www.IPSOS.com.

. Durée du temps de travail en Europe, www.info.europe.fr

. Les français et l’avenir des 35 heures, www.csa.tmo.fr

- Mémoire :

129

LECOCQ Jean François, Vers un revenu minimum d’activité, DEA Droit Social 2003.

130

TABLE DES MATIERES :

Page de garde, feuillet de titre, remerciement, sommaire et table des abréviations (pp.1-7).

INTRODUCTION (pp. 7-37)

- Historique de la réduction du temps de travail du XVIII ème siècle à la loi de Robien(pp.7-13).

- Dispositif des lois Aubry 1 et 2 (pp. 13-36).- Problématique (p. 37).

1ère PARTIE : LA LOI FILLON ENTREASSOUPLISSEMENT ET REVISION DES 35 HEURES :(pp38-80)

INTRODUCTION (pp.39-44) :

- Avant projet- Débats- Jurisprudence sur l’astreinte et la rémunération.- Négociation avec les partenaires sociaux.- Vote de la loi.- Décret du 16 octobre 2002.- Annonce du plan de la 1ère partie.

CHAPITRE 1 : LES APPORTS DE LA LOI FILLON (pp. 45-62).

SECTION 1 : LES DISPOSITIONS DE LA LOI (pp. 45-55).

§1- DISPOSITIONS RELATIVES AU SMIC.

§2- DISPOSITIONS RELATIVES AU TEMPS DE TRAVAIL.

A- Majoration des heures supplémentaires.B- Distinction contingent conventionnel/réglementaire et repos

compensateur.C- Règles en matière de modulation.D- Définition des cadres intégrés.E- Règles de fonctionnement du compte épargne temps.F- L’astreinte.G- Le régime des heures supplémentaires pour les entreprises

de moins de 20 salariés.H- Etablissements médicaux sociaux.

140

§3- DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DE L’EMPLOI.

A- Champ d’application.B- Formalisme.C- Mode de calcul.D- Règles du cumul.

SECTION 2 : HARMONISATION DU SMIC ET ASSOUPLISSEMENTDES 35 HEURES : UNE REPONSE A L’ATTENTE DES ACTEURSECONOMIQUES (pp. 56-62).

§1- UN NECESSAIRE REFORME.

A- Choix de la méthode.B- Coût de la méthode.

§2- PETITES ENTREPRISES : LE RECUL SUR LES 35 HEURES .

A- Une attente des entrepreneurs.B- Les effets pervers de la loi Fillon.C- Les TPE aux 35 heures.

CHAPITRE 2 : LES LIMITES DU DISPOSITIF FILLON (pp. 63-80).

SECTION 1 : LES INTERROGATIONS LIEES A LA LOI (pp. 63-73).

§1- LES DIFFICULTES POSEES PAR LA LOI.

A- Améliorer sa rémunération.B- Augmenter le recours aux heures supplémentaires.

§2- LES PROBLEMES NON RESOLUS.

A- Les problèmes posés par le recours à la négociationcollective

B- Quels cadres pour quel régime.

141

SECTION 2 : LA RESISTANCE DES ACCORDS AUBRY : ENTRESOUHAITS DES SALARIES ET FREINS DES PARTENAIRES SOCIAUX(pp.73-80).

§1- LE FRUIT DE LA VOLONTE SALARIALE.

§2- DES NEGOCIATIONS HYPOTHETIQUES.

2ème PARTIE : LES DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LADUREE DU TRAVAIL EN FRANCE ET EN EUROPE (pp. 80-118).

CHAPITRE 1 : LE TEMPS DE TRAVAIL ENVISAGE PAR LESCOURANTS ALTERNATIFS (pp.82-97).

SECTION 1 : LES 32 HEURES POUR UN PARTAGE DU TEMPS DETRAVAIL (pp.82-92).

§1- LE MODELE DE PIERRE LARROUTUROU.

A- Une maîtrise de la masse salariale par une exonération decotisations sociales.

B- Une nouvelle organisation du temps de travail.C- Les problèmes posés par la semaine de 4 jours.D- Les effets escomptés.

§2- LES REFLEXIONS DES AUTRES AUTEURS FRANÇAIS SUR

LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL.

A- Le développement de la réflexion sur la RTT.B- Les différentes options dans la mise en œuvres de la RTT. 1°- Sur la garantie des salaires.

2°- Sur l’organisation de la RTT.

142

SECTION 2 : LES LIMITES DU PROJET DES 32 HEURES (pp.92-97).

§1- LES LIMITES INHERENTES AU MODELE DE PIERRE

LARROUTUROU.

A- Un faible impact sur la consommation.B- L’impossible consensus.

§2- LES LIMITES DES PROJETS DE RTT.

A- Les difficultés de financement.B- Des résultats imprévisibles sur l’emploi.

CHAPITRE 2 : LE TEMPS DE TRAVAIL EN EUROPE : ENTREREDUCTION ET LIBERALISATION (pp.98-118).

SECTION 1 : LES REGLEMENTATIONS EUROPEENNES DE LADUREE DU TRAVAIL ET LES REALISATIONS EN MATIERE DEREDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (pp. 101-111).

§1- QUELQUES EXEMPLES DE REGLEMENTATIONS.

A- Les pays envisageant la RTT comme une amélioration desconditions de vie.

B- Les états utilisant la RTT comme une arme contre lechômage.

C- Les pays qui ont fait le choix de la flexibilité et de ladéréglementation.

§2- LE TEMPS PARTIEL : ENTRE POLITIQUE DE RTT ET

EXPLOITATION DE LA MAIN D’ŒUVRE.

143

SECTION 2- LES REFLEXIONS MENEES DANS LES DIFFERENTSPAYS EUROPEENS SUR LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL(pp.111-118).

§1- LES INSPIRATIOS LIBERALES, CONTRE COURANT DE LA RTT.

§2- LES REFLEXIONS SUR LE PARTAGE DU TEMPS DE

TRAVAIL EN EUROPE.

CONCLUSION (pp.119-120).

Bibliographie (pp. 121-129).

Annexes (pp. 130-139).

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