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Université Lille II, droit et santé
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
La faute disciplinaire du salarié
Dans les arrêts de la Cour d’appel de
Douai
Pour le DEA en droit social
présenté et soutenu par Alice MONROSTY
Sous la direction de Monsieur le Professeur
Bernard BOSSU
Année 2001/2002
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REMERCIEMENTS
Je tiens d’abord à remercier Monsieur Le Professeur Bernard BOSSU, mon
directeur de mémoire, pour son aide, ses conseils et le soutient qu’il m’a apporté
durant la rédaction de ce mémoire.
Je remercie également Madame Dorothée BOURGAULT, de l’Atelier de
Jurisprudence Régional pour l’accès inconditionnel aux arrêts de la Cour d'appel
de Douai qu’elle m’a laissé.
Je remercie enfin Monsieur Patrick ROSSI, magistrat à la Cour d'appel de Douai,
pour m’avoir introduit au sein du greffe de la chambre sociale de la Cour d'appel.
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SOMMAIRE
Chapitre 1 La notion de faute disciplinaire
Section 1 L’appréciation du comportement fautif par l’employeur
§ 1 La liberté d’appréciation de l’employeur
§ 2 Les limites légales
Section 2 La classification des fautes
§ 1 Le non-respect d’une règle collective
§ 2 Le non-respect d’une obligation contractuelle
§ 3 La mauvaise exécution du contrat de travail
Chapitre 2 La qualification de la faute
Section 1 Le contrôle judiciaire
§ 1 L’objet du contrôle
§ 2 La portée du contrôle
Section 2 La prise en compte de circonstances particulières
§ 1 Les circonstances atténuantes
§ 2 Les circonstances aggravantes
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INTRODUCTION
Selon l’article L 122-40 du code du travail constitue une faute tout comportement
considéré comme fautif par l’employeur. Par conséquent c’est à l’employeur que revient
la tâche de qualifier un comportement de faute, c’est lui qui possède le pouvoir
d’incrimination. Selon le vocabulaire juridique de l’association Capitant la faute
disciplinaire est la « violation par […] un travailleur des obligations professionnelles
résultant de la discipline »1. Il s’agit donc du non-respect des règles de discipline.
Il existe différents degrés de faute. D’abord la faute simple ou légère peut être
définie comme étant le « comportement, volontaire ou non, qui s’écarte peu du
comportement qu’aurait eu dans les mêmes circonstances le bon père de famille »2. Elle
ne permet pas à l’employeur de licencier le salarié, tant elle est de faible importance. La
faute sérieuse est celle suffisamment importante pour justifier un licenciement, mais
sans que la cessation immédiate des relations contractuelles ne soit indispensable. Le
salarié peut donc effectuer son préavis. Elle ne prive pas le salarié de ses indemnités de
rupture. La faute grave est celle dont la gravité est telle qu’elle impose la rupture
immédiate du contrat de travail. Elle prive le salarié de ses indemnités de licenciement
et compensatrice de préavis mais le salarié conserve le droit à l’indemnité
compensatrice de congés payés. La faute lourde est caractérisée par un comportement
d’une exceptionnelle gravité, manifestant l’intention de nuire à l’employeur. Elle prive
le salarié de toutes les indemnités de rupture. De plus, elle engage la responsabilité du
salarié si la faute a causé un préjudice à l’employeur.
Ensuite, selon le dictionnaire de vocabulaire juridique G. Cornu, la sanction dans un
sens large est « toute mesure-même réparatrice-justifiée par la violation d’une
obligation, ou encore tout moyen destiné à assurer le respect et l’exécution effective
d’un droit ou d’une obligation »3.
1 CORNU (G), Vocabulaire Juridique, Quadrige, Presses Universitaires de France, Paris, 2001, 932 p.,2 ibid.3 ibid.
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L’article L 122-40 du code du travail définit quant à lui la sanction comme « toute
mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur ». Le code du travail
ne définit pas précisément la sanction. L’administration a donc du précisé cette notion.
D’abord « toute mesure », c’est une expression extrêmement large. Elle englobe tout
type de sanctions, aussi bien les sanctions classiques (avertissement …) que les
sanctions atypiques, comme le retard dans l’avancement, ou encore l’utilisation d’une
clause de mobilité à titre disciplinaire4. La faute peut donc être un acte positif ou une
abstention. Ensuite « autres que les observations verbales », la sanction sera donc
nécessairement écrite. Puis « prise par l’employeur », le pouvoir de prononcer la
sanction appartient donc à l’employeur, et à toute personne à qui il a délégué cette
fonction. Ensuite la décision de l’employeur doit être consécutive à un agissement du
salarié. La faute du salarié est une condition nécessaire à la sanction. Sans faute il n’y a
pas de sanction possible. C’est en tout cas ce que décide la Cour de cassation concernant
l’insuffisance professionnelle. L’insuffisance professionnelle ne sera pas fautive si elle
résulte de l’incapacité du salarié à effectuer correctement la prestation de travail. Cela
n’empêche pas l’employeur d’utiliser son pouvoir de gestion pour affecter le salarié à
un poste correspondant à ses capacités. Elle pourra même constituer un motif de
licenciement quand elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au
salarié. La Cour de cassation a eu l’occasion de décider qu’elle ne constituait pourtant
pas une faute disciplinaire5. L’insuffisance du salarié n’est pas une faute car elle est
involontaire, le salarié est physiquement ou intellectuellement inapte à son travail. Par
contre lorsque « l’insuffisance » résulte de la mauvaise volonté du salarié, on parle alors
de mauvaise exécution du travail, elle pourra constituer une faute disciplinaire. Ce n’est
plus qu’il est inapte c’est qu’il ne veut pas exécuter correctement son travail.
La Cour d'appel de Douai dans l’affaire LOEUIL C/ SA AQUA COUP INDUSTRIE6
décide d’accorder la qualification de faute grave en ces termes « la répétition des fautes,
malfaçons et erreurs pour lesquelles il avait auparavant reçu un avertissement, ne peut
que relever d’une mauvaise volonté délibérée ». C’est bien là la différence essentielle
entre la mauvaise exécution du travail, délibérée et qui peut donc être sanctionnée par
4 Soc. 11 juillet 2001, Bull. Civ. V, n°2685 Soc. 9 mai 2000, RJS juin 2000, n° 6396 Cour d'appel de Douai, 31 mai 2002, J.P.LOEUIL C/ SA AQUA COUP INDUSTRIE, n°675-02
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une sanction disciplinaire, et l’insuffisance professionnelle qui ne constitue pas une
faute.
Enfin le dernier élément de définition de la sanction impose que la mesure soit de
nature à affecter la relation contractuelle. L’administration7 a précisé ceci en estimant
que la décision est une sanction si elle modifie immédiatement et défavorablement la
situation du salarié dans l’entreprise, ou si elle permet à terme de fonder une décision
affectant la situation du salarié. Cette précision permet de prendre en compte en tant que
sanction l’avertissement et le blâme, qui comme nous le verrons ci dessous n’affecte pas
réellement la présence du salarié dans l’entreprise.
Il existe une échelle des sanctions. Au premier rang de cette échelle on trouve
l’avertissement. C’est une simple mise en garde, qui n’est pas susceptible d’avoir des
incidences directes sur la situation du salarié dans l’entreprise, il n’emporte aucune
conséquence. Il est généralement prononcé à l’encontre du salarié qui a commis une
faute mineure, légère. Pour être considéré comme une sanction il doit être notifié par
écrit au salarié, puisque selon l’article L 122-40 du code du travail, les observations
verbales ne sont pas des sanctions.
Au second rang on trouve le blâme, c’est à dire un simple reproche. Pendant
longtemps le blâme était assimilé à l’avertissement, malgré leurs différentes définitions.
Ces deux sanctions relevaient de la même procédure et emportaient les mêmes
conséquences. Cependant récemment la Cour de cassation a marqué une différence
importante entre l’avertissement et le blâme, notamment le blâme inscrit au dossier du
salarié. Il existe deux types de blâmes. Le premier relève toujours de la procédure
simplifiée et emporte les mêmes conséquences qu’auparavant, c’est le blâme sans
inscription au dossier du salarié. Pour le second, le blâme qui fait l’objet d’une
inscription au dossier du salarié, la Cour de cassation décide qu’il constitue « une
sanction susceptible d’avoir une influence sur la carrière du salarié »8 et que par
conséquent il doit faire l’objet de la procédure en trois étapes, que nous verrons un peu
plus tard.
Au troisième rang, se trouve la mise à pied disciplinaire. C’est une suspension
temporaire du contrat prononcée à titre de sanction. Elle se différencie de la mise à pied
conservatoire, qui elle ne constitue pas une sanction mais une mesure conservatoire. La
7 Circ. DRT, 5-83, du 15 mars 19838 Soc. 7 décembre 1999, Bull. Civ. V, n°476
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privation de rémunération qui en résulte ne s’analyse pas en une sanction pécuniaire, qui
comme nous le verrons plus tard est interdite.
Au quatrième rang, il y a la rétrogradation. C’est un déclassement professionnel.
L’employeur revoit, à la baisse, les fonctions du salarié ce qui entraîne un changement
de sa position dans la grille de classification et une baisse corrélative de rémunération.
Pendant longtemps elle a été assimilée à une sanction pécuniaire interdite mais la Cour
de cassation a décidé que lorsque la diminution de rémunération est la conséquence de
la modification des fonctions ou des responsabilités elle ne devait pas s’analyser en une
sanction interdite9. Dès lors qu’elle entraîne une modification du contrat de travail, le
salarié est en droit de refuser la rétrogradation. Cependant en cas de refus du salarié, le
pouvoir disciplinaire de l’employeur n’est pas épuisé et il pourra prendre une autre
sanction au lieu et place de la rétrogradation refusée par le salarié.
Au cinquième rang se trouve la mutation disciplinaire. Elle consiste en une
modification du poste ou du lieu de travail du salarié à titre de sanction. A la différence
de la rétrogradation le salarié conserve sa qualification et sa rémunération antérieures, il
n’y a pas déclassement professionnel. Tout comme la rétrogradation, si la mutation
implique une modification du contrat le salarié n’est pas tenu d’accepter.
Enfin la sixième sanction possible est le licenciement disciplinaire. Comme nous le
verrons c’est le cas le plus fréquemment soumis au contrôle a posteriori du juge. Il
s’agit ici de la rupture définitive du contrat de travail. Cette sanction n’est applicable
qu’en cas de faute suffisamment sérieuse.
Troisièmement le terme disciplinaire mérite lui aussi quelques remarques. Qu’est ce
que le droit disciplinaire ? On a déjà dit que c’est l’employeur, en qualifiant un
comportement de fautif, qui déclenche l’application du droit disciplinaire. En fait « le
droit disciplinaire constitue un cadre juridique dans lequel l’employeur est tenu
d’exercer le pouvoir disciplinaire qui lui est reconnu »10. Le droit disciplinaire
s’applique dans toutes les entreprises du secteur privé, sans condition aucune d’effectif.
Dans les entreprises pourvues de règlement intérieur, c’est à dire les entreprises d’au
moins 20 salariés, le droit disciplinaire est contenu dans le règlement intérieur qui doit
notamment déterminer la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.
9 Soc. 24 mars 1988, Bull. Civ. V, n°20310 RF Social, janvier 2002, Cahier juridique, « Application du droit disciplinaire », p. 5
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Si le règlement intérieur prévoit une sanction particulière pour un comportement précis,
l’employeur n’a pas le choix de la sanction il doit appliquer ce qui est prévu par le
règlement intérieur. Enfin il est à noter que le pouvoir disciplinaire ne s’applique pas
aux travailleurs intérimaires qui travaillent dans l’entreprise. En effet, le pouvoir du chef
d’entreprise ne s’applique qu’à l’égard de ses propres salariés.
Le droit disciplinaire est constitué de dispositions légales qui ont pour objectif de
limiter le pouvoir de l’employeur dans le temps (par les délais de prescriptions des
fautes) et d’assurer le respect des droits de la défense, par la mise en place d’une
procédure.
Il existe deux types de procédures qui sont fonctions de la sanction envisagée.
Si la sanction est mineure, c’est à dire qu’elle n’affecte pas immédiatement ou non
la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération (par
exemple un avertissement), l’employeur peut utiliser la procédure dite simplifiée. Cette
procédure consiste à notifier par écrit au salarié la sanction et son motif précis.
L’employeur n’est pas obligé d’utiliser un recommandé avec accusé de réception mais
cela facilite quand même la preuve. Il s’agit ici de la procédure applicable aux
avertissements et au blâme sans inscription au dossier du salarié.
Dans le cas d’une sanction qui est de nature à affecter la présence du salarié dans
l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, une procédure dite normale, en
3 étapes, doit être respectée.
La première étape consiste en une convocation à un entretien préalable. Elle se fait
par écrit et contient nécessairement l’objet de l’entretient, la date, l’heure et le lieu de
l’entretien et la possibilité pour le salarié de se faire assister. La lettre de convocation
peut être remise en main propre ou être envoyée en recommandé avec accusé de
réception. Un délai doit être respecté entre la convocation et l’entretien. Dans les
entreprises ne disposant pas de représentants du personnel le délai doit être d’au moins 5
jours. Dans les entreprises avec représentants du personnel, la loi ne précise pas le délai
et se contente de réclamer un délai suffisant. La jurisprudence considère que 24 heures
ne sont pas suffisantes.
La seconde étape de la procédure est l’entretien préalable. Selon l’administration11
l’entretien est l’occasion de dissiper les éventuels malentendus. Il doit permettre au
11 Circ. DRT 5-83 du 5 mars 1983
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salarié de connaître les griefs qui lui sont reprochés et de s’en expliquer. L’entretien doit
permettre à l’employeur de prendre sa décision en toute connaissance de cause.
La troisième étape est la notification de la sanction. Elle est nécessairement faite par
écrit et soit remise en main propre soit envoyée en recommandé. La notification doit
exposer précisément les griefs retenus contre le salarié et mentionner la sanction
choisie. Il est très important pour l’employeur de mentionner les faits reprochés car en
cas de litige c’est la lettre de notification qui fixe les limites du litige. La notification
doit se faire dans le délai minimum d’un jour franc après l’entretien préalable. Ce délai
minimum est censé permettre à l’employeur de réfléchir sur les explications données par
le salarié lors de l’entretien. La notification se fera au plus tard dans le mois qui suit
l’entretient afin de ne pas laisser le salarié dans l’incertitude trop longtemps. La
notification clôt la procédure, sauf contestation du salarié.
Il convient de remarquer ici que la procédure applicable aux sanctions disciplinaires
est semblable à la procédure applicable en cas de licenciement. Cette extension a pour
but de préserver les droits du salarié. L’employeur étant seul juge du comportement du
salarié et de la sanction à appliquer, il est normal de garantir au salarié le respect de ses
droits les plus élémentaires.
Enfin notre étude porte sur les arrêts de la Cour d'appel de Douai. Il est très difficile
de tirer des règles générales à partir des arrêts de la Cour d'appel parce que chaque
espèce est appréhendée différemment et que s’agissant de la faute disciplinaire, notion
qui n’est pas définie précisément, l’appréciation des faits d’espèce est très importante.
Ainsi pour des faits semblables on peut trouver des solutions totalement différentes. La
prise en compte de circonstances, atténuantes ou aggravantes, n’aide pas à la cohérence.
Comme nous le verrons tout au fil de cette étude, il est très difficile de déterminer quel
élément précis la Cour d'appel prend en compte, c’est souvent un ensemble d’éléments
qui lui permet de prendre sa décision.
Dans un second temps il convient de s’attarder sur les rapports entre faute
disciplinaire et faute contractuelle.
La faute disciplinaire peut être définie comme la violation des obligations
professionnelles résultant de la discipline. La faute contractuelle quant à elle résulte, de
l’inobservation, par le débiteur, d’une obligation née du contrat qui engage sa
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responsabilité12. S’agissant du contrat de travail, les obligations principales des parties
sont pour l’employeur l’obligation de rémunérer la prestation de travail, et de fournir le
travail, pour le salarié c’est l’obligation d’effectuer le travail demandé et de se
soumettre à la discipline de l’employeur. Dans la mesure où le salarié a l’obligation de
se soumettre à la discipline de l’employeur, s’il ne le fait pas la question est posée de
savoir si l’employeur peut engager sa responsabilité contractuelle. En théorie il y a
mauvaise exécution du contrat donc la réponse devrait être oui. Cependant en matière de
droit du travail, la responsabilité du salarié ne pourra être engagée que dans l’hypothèse
de la faute lourde13. La Cour de cassation, début des années 90, a assimilé faute lourde
et faute intentionnelle. En effet toutes deux nécessitent un élément matériel, la faute,
mais aussi un élément psychologique l’intention de causer le dommage. De même
lorsque le salarié cause un dommage à autrui pendant l’exercice de ses fonctions
l’employeur est solidairement responsable de ce dommage, art. 1384 alinéa 2 C. Civ. La
victime du dommage peut donc demander réparation de son préjudice soit au salarié,
soit directement à l’employeur, soit encore aux deux à la fois. L’employeur qui a du
réparer le préjudice causé peut se retourner contre le salarié en exerçant une action
récursoire contre lui14. De plus si la faute est établie et si les circonstances le justifient
l’employeur peut prononcer une sanction disciplinaire contre le salarié. M. BOSSU15 se
pose alors la question de savoir quelle responsabilité l’employeur doit il faire prévaloir
en présence d’une faute lourde. Il peut être intéressant pour l’employeur d’engager la
responsabilité contractuelle du salarié pour lui faire supporter le préjudice causé.
Cependant en pratique il est très rare que l’employeur n’engage la responsabilité du
salarié, il trouve sans doute une compensation assez importante dans la privation de
toutes les indemnités de rupture, ou encore, comme le souligne M. BOSSU, peut être
l’employeur préfère rester dans la sphère disciplinaire qui ne relève que de son pouvoir
plutôt que de se soumettre au juge. Quoiqu’il en soit pour M. BOSSU dès que l’on se
12 CORNU (G), Vocabulaire Juridique, Quadrige, Presses Universitaires de France, Paris, 2001, 932 p.,13 Soc. 22 mai 1975, Bull. Civ. V, n°26514 Civ. 1ère ch. 20 mars 1979, D. 1980, 2915 BOSSU (B), la faute lourde du salarié : responsabilité contractuelle ou responsabilité disciplinaire ?,
Dr. Soc. Janvier 1995, p. 26
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place sur le terrain du droit disciplinaire « on peut difficilement se situer sur le chemin
de la responsabilité civile pour en analyser les conséquences »16.
L’objet de cette étude est de voir comment la Cour d'appel de Douai appréhende la
notion de faute disciplinaire. Pour cela nous essayerons de déterminer quels sont les
comportements que la Cour d'appel reconnaît comme étant fautifs. Qu’est ce qui
constitue une faute et qu’est ce qui ne peut être sanctionner par l’employeur ? Quelle est
la place laissée à la liberté de l’employeur ? Notre étude s’articulera donc sur deux axes.
Le premier concerne la notion de faute disciplinaire. Nous verrons que la décision de
sanctionner un comportement appartient à l’employeur. C’est lui qui décide si un
comportement est fautif ou non. Dès lors face à la multiplicité des comportements
sanctionnés nous essayerons d’établir une classification de ces comportement.
Le second axe concerne la qualification de la faute. Quel est le pouvoir de la Cour
d'appel de Douai en matière de contrôle de la faute disciplinaire ? Quels sont les
éléments qu’elle prend en compte pour l’appréciation de la faute ? Cette tâche est
d’autant plus difficile que le pouvoir du juge s’exerce a posteriori et que la majorité, si
ce n’est la totalité, des arrêts qui ont servi à cette étude porte sur des licenciements. De
plus les circonstances de la cause étant très importantes il n’est pas possible d’aboutir à
une définition de la faute.
16 Bossu (B), op. cité note 14
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CHAPITRE 1 : LA NOTION DE FAUTE
DISCIPLINAIRE
Il s’agit ici de s’intéresser aux éléments qui constitue une faute disciplinaire. Selon
l’article L 122-40 du code du travail, la faute est tout comportement considéré comme
fautif par l’employeur. Par conséquent c’est l’employeur qui détermine ce qui constitue
ou non une faute disciplinaire. Avant de s’attacher à la classification des fautes (section
2), il convient de s’interroger sur l’appréciation du comportement par l’employeur
(section 1).
SECTION 1 : L’APPRECIATION DU COMPORTEMENT
FAUTIF PAR L’EMPLOYEUR
Nous l’avons déjà dit c’est à l’employeur de déterminer si le comportement est fautif.
En ne le soumettant à un aucun contrôle a priori, administratif ou judiciaire, la loi laisse
à l’employeur une grande liberté d’appréciation du comportement (§ 1). Liberté qui se
voit tout de même limitée par des règles légales (§2).
§ 1 la l iberté d’appréciation de l’employeur
L’employeur est responsable de la bonne marche de l’entreprise. C’est à lui qu’il revient
de prendre les décisions en matière de gestion et il pourra être tenu responsable de la
faillite de l’entreprise s’il ne prend pas les bonnes décisions. En contre partie de cette
responsabilité, la loi confie à l’employeur le soin de diriger son entreprise comme il
l’entend. Dès lors c’est à lui que revient la tâche d’organiser le travail et la discipline
dans l’entreprise. C’est d’ailleurs lui qui établit le règlement intérieur de l’entreprise.
Dès lors il semble logique de lui confier le pouvoir de sanctionner les éventuelles
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atteintes à cette discipline (A). Un pouvoir aussi important confié à une seule personne
peut cependant engendrer des abus (B).
A. pouvoir de qualification
« Constitue une sanction toute mesure […] prise par l’employeur à la suite d’un
agissements du salarié considéré par lui comme fautif »17. On déduit de cet article que
l’employeur dispose du pouvoir de qualifier de faute le comportement des salariés
placés sous son autorité. C’est lui qui décide si le comportement est fautif ou non.
Ce pouvoir de qualification de l’employeur est le corollaire de son pouvoir de
direction, qui peut trouver à s’appliquer même pendant la suspension du contrat de
travail. Par exemple l’employeur est en droit de sanctionner un salarié qui pendant son
congé maladie exerce une activité professionnelle.
Tout comme il est libre de qualifier le comportement de faute, l’employeur est libre
de choisir la sanction. Aucun contrôle a priori ne s’exerce sur la décision qu’il prend et
qui pour un même fait peut aller de l’avertissement au licenciement. La jurisprudence
considère que l’employeur, en tant que responsable de la bonne marche de l’entreprise,
est seul juge de l’exercice de son pouvoir disciplinaire18.
Quelques hésitations ont été soulevées quant à la possibilité pour l’employeur de
sanctionner différemment des salariés ayant participé à une même faute. Ce fût
notamment le cas dans un arrêt du 15 mai 1991. Il s’agit de plusieurs grévistes qui font
obstacle à la liberté du travail, ce qui constitue une faute lourde19. Tous sont convoqués
à un entretien préalable mais obtiennent une sanction différente. Certains n’ont rien,
d’autres un avertissement et d’autres encore sont licenciés. Les salariés licenciés
demandent au juge l’annulation de la sanction. La Cour d’appel infirme le jugement du
CPH qui donne raison aux salariés. Les salariés forment un pourvoi en cassation avec
comme motivation la discrimination.
17 Art. L 122-40 Code du Travail18 Soc. 31 mai 1967, Bull. civ. IV, n° 43119 Soc. 12 janvier 1983, D. 1983, 227
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Selon M. WAQUET20, la loi ne pose pas de principe général d’égalité des sanctions.
En fait le droit pénal pose même un principe, dit de proportionnalité des peines qui
permet de sanctionner différemment les coauteurs d’un même délit. Pour M. WAQUET
ce principe de personnalité des peines doit trouver application en droit disciplinaire.
Par contre la loi prohibe certaines discriminations tel que le fait de prendre en
compte l’appartenance à un syndicat ou le fait d’être une femme (L 122-45 du code du
travail). Mais ces discriminations sont énoncées limitativement par le texte.
Pour M. WAQUET la différence de traitement disciplinaire n’équivaut pas à une
discrimination prohibée.
En jurisprudence la Cour de cassation21 avait posé le principe de liberté de
l’employeur sous réserve du détournement de pouvoir. Mais deux arrêts sont venus
remettre en question ce principe. Dans un arrêt du 1er décembre 198822 elle décide que
le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant participé avec d’autres à des arrêts
de travail alors que les autres salariés n’ont pas été licenciés revêt un caractère
discriminatoire.
Le second arrêt émane de la chambre criminelle23. Dans cet arrêt la Cour énonce
« chacun des participants à un mouvement aurait dû enCourir la même sanction ».
Cependant dans cet arrêt la Cour retient que les sanctions litigieuses avaient été prises
en considération des activités syndicales des salariés concernés. Dès lors on ne peut pas
réellement savoir ce que la Cour souhaitait sanctionner, la discrimination ou la
différence de sanction.
Quoiqu’il en soit pour M. WAQUET ces arrêts ne signifient pas que l’employeur soit
obligé d’appliquer les mêmes sanctions aux auteurs d’une même faute. Il est partisan
pour admettre des sanctions différentes pour une même faute. Jean Emmanuel RAY
semble être du même avis quand il énonce qu’ « il n’est ni de l’intérêt de l’entreprise, ni
de l’intérêt des salariés de réclamer la même peine pour tous les auteurs ». Pour lui à
partir du moment où il est en mesure de se justifier, c’est à dire s’il n’y a pas
20 WAQUET (P), la sanction doit elle être la même pour tous les auteurs d’une même faute ?, Dr. Soc.
1991, p. 619,21 Soc. 16 décembre 1986, Bull. n° 489, p. 59022 Soc. 1er décembre 1988 non publié mais cité dans Dr. Soc. 1990, p. 10723 Crim. 7 février 1989, Dr. Soc. 1989, 509
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détournement de pouvoir, l’employeur peut appliquer des peines différentes aux auteurs
d’une même faute.
M. WAQUET conclut en se demandant s’il faut suivre la voie ouverte par l’arrêt de
1988 et obliger l’employeur à appliquer la même sanction aux auteurs d’une même
faute. Selon lui continuer dans cette voie amènerait sans doute les employeurs à oublier
toute indulgence et à une plus grande sévérité. La seconde solution est de rappeler le
principe de personnalité des peines. Dans ce cas l’employeur pourrait choisir des
sanctions appropriées sous réserve d’un détournement de pouvoir et des discriminations
de l’article L 122-45 CT.
Cette proposition a été entendue et la chambre sociale est revenue sur la position en
considérant que « s’il est interdit à l’employeur, à peine de nullité de la mesure, de
pratiquer une discrimination au sens de l’article L 122-45 du code du travail, il lui est
permis, dans l’intérêt de l’entreprise et dans l’exercice de son pouvoir
d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés
ayant participé à une même faute »24. Ce pouvoir d’individualisation des sanctions est la
conséquence du pouvoir de qualification. En effet, puisque la loi confie à l’employeur le
soin de déterminer quels sont les comportements fautifs, il est logique qu’il puisse
également apprécier la gravité de la faute et sanctionner le comportement du salarié
compte tenu des circonstances, de fonctions du salarié, de ses responsabilités etc.
Enfin il convient de rappeler ici que le pouvoir de l’employeur est un pouvoir
finalisé. Il doit l’utiliser dans l’intérêt de l’entreprise. S’il se sert de son pouvoir pour un
dessein contraire à l’intérêt de l’entreprise sa décision pourra être contestée pour
détournement ou abus de pouvoir, même s’il ne s’agit pas d’une discrimination
interdite.
Le pouvoir de l’employeur ne faisant l’objet d’aucun contrôle a priori, il est source
d’abus.
24 Soc. 1er février 1995, Bull. Civ. V, n°45
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B. Tendance à l’exagération
Une étude réalisée par l’Atelier Régional de Jurisprudence en 1999 montre que dans
de nombreux cas la Cour d'appel de Douai écarte le grief retenu par l’employeur ou
atténue la faute du salarié. Cette étude démontre implicitement que les employeurs ont
une tendance à exagérer la faute du salarié. L’intérêt de cette manœuvre est très simple
puisque si l’employeur retient la faute grave ou lourde il prive le salarié de tout ou partie
de ses indemnités. Un second intérêt existe dans le fait qu’invoquer la faute grave ou
lourde est le seul moyen pour l’employeur de rompre certains contrats, notamment le
contrat d’apprentissage ou encore le contrat suspendu par un accident du travail ou une
maternité. C’est notamment le cas dans l’affaire SARL CADENCE C/ POTIER25, dans
laquelle la salariée en CDD est partie en congés payés sans l’accord de son employeur.
La Cour d'appel de Douai décide alors « qu’un tel comportement caractérise une faute
grave selon la définition de celle ci et rend légitime conformément à l’article L 122-3-8
alinéa 1 du code du travail la rupture à effet immédiat du contrat de travail durée
déterminée de Mme Potier ».
C’est à l’employeur de prouver le comportement du salarié et la gravité de cette
faute. Dans de nombreux arrêts la Cour d'appel de Douai rejette la qualification de
l’employeur car ils ne démontrent pas la matérialité des faits. Ceci est encore plus vrai
en cas de faute grave. Pour pouvoir invoquer la faute grave l’employeur doit se montrer
cohérent avec la définition de celle ci. Dans certains cas l’employeur licencie le salarié
pour faute grave mais soit ne procède pas rapidement au licenciement de l’intéressé, soit
le réintègre après une mise à pied conservatoire pour le temps de la procédure, ou
encore n’empêche pas le salarié d’effectuer son préavis, tous ces comportements étant
en contradiction totale avec la qualification de faute grave qui nous le rappelons ici se
caractérise par l’impossibilité de garder le salarié dans l’entreprise même pendant la
durée du préavis sans risquer de nuire à l’entreprise. Dans l’affaire P. WATTRELOS C/
SARL SERVITEX26, elle rejette la qualification de faute grave aux motifs que « ces faits
ayant été connus dès le début du mois de juillet […] l’employeur ne pouvait plus les
invoquer au soutien de son licenciement pour faute grave dans la mesure où le salarié
25 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SARL CADENCE C/ POTIER n° 593/9826 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, P. WATTRELOS C/ SARL SERVITEX, n° 604/94
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était resté présent dans l’entreprise pendant 6 semaines ce qui est incompatible avec la
notion de faute grave ». Dans l’affaire SARL DISTRIBUTION PEINTURES DU NORD C/
KEAN27, l’employeur avait licencié un salarié pour insubordination. Il avait en effet
refuser d’exécuter un ordre de son employeur sans justification satisfaisante.
L’employeur avait invoqué à son égard la faute grave. La Cour d'appel de Douai rejette
la qualification de faute grave aux motifs que l’employeur avait réintégré le salarié
après une période de mise à pied à titre conservatoire, ce qui démontre pour la Cour que
l’employeur ne pensait pas réellement que garder le salarié pendant le préavis risquait
de nuire à l’entreprise. En effet, la faute grave est définie comme celle qui empêche le
salarié d’effectuer son préavis si l’employeur estime que le salarié peut être réintégré
avant son licenciement c’est qu’il considère qu’il n’y a pas de risque pour l’entreprise.
On voit bien ici que ce n’est pas le souci de préserver l’entreprise du danger que
constitue la présence du salarié qui motive la qualification de faute grave. Dès lors on
est en droit de penser que la motivation de l’employer réside dans la privation des
indemnités de rupture.
Comme nous l’avons vu, l’employeur étant seul juge de l’opportunité de la sanction, il
est normal que la loi vienne limiter ce pouvoir.
§ 2 les l imites légales
L’employeur peut être tenté de se servir du droit disciplinaire afin de servir un intérêt
autre que celui de l’entreprise. Afin d’éviter cette dérive, la loi interdit à l’employeur de
prendre certaines mesures (A) ou de sanctionner certains comportements (B).
A. les sanctions illicites
Il s’agit ici de sanctions qui sont purement et simplement interdites par la loi. Elles sont
illicites soit parce qu’elles révèlent de la part de l’employeur une intention de nuire au
salarié (1 et 2), soit parce qu’elle sanctionne l’exercice ou le respect d’un droit (3).
27 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, SARL DISTRIBUTION PEINTURE DU NORD C/ KEAN, RG S
93/06804
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1. les sanctions pécuniaires
L’article L122-42 interdit les amendes ou autres sanctions pécuniaires. Cet article
prévoit également que toute stipulation contraire est réputée non écrite. Dès lors même
si le règlement intérieur prévoit des amendes pour certains agissements, il sera
impossible à l’employeur de se prévaloir de cette disposition.
Sont donc interdites les retenues pour mauvaise exécution du travail. Dans l’affaire
MITUB C/ WAS, le salarié fait l’objet d’un prélèvement sur son salaire pour mauvaise
exécution du travail, l’employeur ayant du faire appel à trois autres salariés pendant 1a
journée pour refaire le travail mal fait par M. WAS. La Cour d'appel de Douai vient
déclarer que cette sanction est une sanction prohibée par l’article L 122-42 du code du
travail28. Cette position de la Cour d’appel est contraire à celle de l’administration qui
permettait toutes les retenues pour exécution anormale de la prestation de travail, que
celle ci soit non exécutée ou mal exécutée29.
Sont également interdites les réductions ou suppressions de gratification en liaison
avec des fautes reprochées au salarié. Une distinction est cependant à opérer ici. En
effet, pour les primes occasionnelles ou exceptionnelles la Cour de cassation estime que
si l’employeur décide de verser une prime il peut la subordonner à certaines conditions,
moins de tant jours d’absence sur une période donnée ou encore production d’au moins
tant. Dans ce cas si les objectifs ne sont pas remplis la prime peut être réduite ou
supprimée sans qu’il y ait sanction illicite, sous réserve toutefois que le règlement
intérieur le prévoit et que le salaire minimum légal soit versé. Par contre si la prime a
été versée de façon constante, fixe et générale elle acquière un caractère obligatoire et
fait partie du salaire. La Cour de cassation se montre quand même très sévère à l’égard
de ces sanctions ou suppressions de prime. Elle considère de façon générale que si la
suppression de prime intervient concomitamment avec une sanction disciplinaire, la
suppression de prime revêt un caractère disciplinaire et est donc interdite.
Les suppressions de primes en considération de l’insuffisance professionnelle ne sont
pas, généralement, considérées comme des sanctions et donc sont licites. Ceci
s’explique par le fait que l’insuffisance professionnelle n’est pas une faute, ce qui
28 Cour d'appel de Douai, 29 janvier 1999, MITUB C/ WAS, RG S 94/0746629 Circ. DRT, n° 5-83, 15 mars 1983, BO trav. n° 83/16
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n’empêche pas l’employeur de la sanctionner, mais le droit disciplinaire ne s’applique
pas.
La sanction du non-respect de cette interdiction est une amende de 3 750 € et en cas de
récidive d’une amende de 7 500 €30.
Cette interdiction souffre cependant d’exceptions. En effet, certaines sanctions à
caractère pécuniaire sont parfaitement admises.
On pense notamment à la mise à pied disciplinaire. C’est une sanction qui a pour
effet de suspendre momentanément le contrat de travail et qui implique donc une
retenue correspondante de salaire. Le salarié ne peut pas prétendre à un salaire puisqu’il
n’a pas effectué le travail correspondant. Dans l’affaire MITUB C/ WAS31, le salarié avait
fait l’objet d’une retenue sur salaire pour « sabotage » et d’une seconde retenue
consécutive à une mise à pied pour non respect des règles de sécurité. La Cour d'appel
de Douai déclare illicite la retenue pour « sabotage » mais admet la retenue pour mise à
pied. A noter cependant que si le salarié conteste en justice le bien fondé de la mise à
pied et que le juge lui donne raison, la rémunération correspondant à la durée de la mise
à pied doit être versée au salarié.
On pense aussi à la rétrogradation. Elle se distingue de la sanction pécuniaire
prohibée en ce que même si le salarié continue d’effectuer le travail, le contenu de la
prestation a été modifié (diminution de qualification ou de hiérarchie), cette
modification entraînant une baisse de salaire. Dès lors que la rétrogradation se traduit
par une affectation à une fonction ou à un poste différent et de niveau inférieur, la
diminution de salaire correspondant ne constitue pas une sanction pécuniaire prohibée32.
Enfin les retenues pour absences sont également admises. Pour l’administration33 si
la prestation de travail n’a pas été fournie normalement, l’employeur peut diminuer en
conséquence la rémunération. Dans ce cas la retenue sur salaire n’a pas la nature d’une
sanction pécuniaire. Ce principe autorise donc l’employeur a opéré une retenue
correspondant à la durée de l’absence du salarié, en cas de maladie sous réserve
30 Art. L 152-1-5 CT31 Cour d'appel de Douai, 29 janvier 1999, précité note 2432 soc. 22 janvier 1992, n°88-43.050, Bull. Civ. V, n° 2733 Circ. DRT, n° 5-83, 15 mars 1983, BO trav. n° 83/16
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l’hypothèse où la convention collective prévoit un complément, versé par l’employeur,
aux indemnités de sécurité sociale. La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que
si la retenue excède le temps de travail non fourni elle s’analyse en une sanction
pécuniaire34.
Il est également licite d’opérer une retenue pour temps non travaillé du fait d’une
grève dans la mesure où cette retenue a pour but d’adapter la rémunération au travail
fourni. La Cour de cassation prohibe les retenues qui ne sont pas proportionnelles à la
diminution de production. Ici encore il faut que la retenue soit proportionnelle au temps
de non-travail qui cause une diminution de production. A défaut ce serait la grève qu’on
sanctionne et pas seulement le travail non fourni.
Le Conseil d’Etat estime quant à lui illicite la clause du règlement intérieur qui prévoit
une diminution voir suppression de la prime de fin d’année pour absences, entre autre
pour fait de grève, car il considère que cette clause crée une discrimination contraire à
l’article L 521-1 du code du travail35.
2. les sanctions discriminatoires
L’article L 122-45 du Code du Travail interdit toute sanction d’un salarié en raison de
son origine, son sexe, de ses mœurs, de ses orientations sexuelles, de son âge, de sa
situation de famille, de son appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une race, de
ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions
religieuses, de son apparence physique, de son patronyme, de son état de santé ou de
son handicap sauf inaptitude médicale constatée. Certaines de ses discriminations sont
également interdites parce qu’elle constitue un droit que le salarié peut exercer,
notamment la liberté syndicale.
Si une sanction est prise à l’encontre d’un salarié pour l’un quelconque de ses motifs la
décision de l’employeur sera nulle.
34 Soc. 8 juillet 1992, n° 89-42.563, Bull. Civ. V, n° 44535 CE, 12 juin 1987, n°81252, STE HAPAIN, FRERES
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La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a étendu la liste des motifs
discriminatoires et a étendu le bénéfice de cette protection au témoin d’agissements
discriminatoires.
Cependant dans l’arrêt ASSOCIATION VISA C/ M.S RAISON36, la Cour d'appel de Douai
rappelle que « si selon les dispositions de l’article L 122-45 du code du travail, aucun
salarié ne peut, à peine de nullité de la mesure, être licencié en raison de son état de
santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ces
dispositions ne s’opposent pas au licenciement motivé non pas par l’état de santé du
salarié mais par la situation objective de l’entreprise qui se trouve dans la nécessité de
pourvoir au remplacement d’un salarié dont l’absence prolongée ou les absences
répétées perturbent le fonctionnement ». Mais comme le dit à juste titre la Cour d'appel
ce n’est pas l’état de santé qui motive le licenciement mais la perturbation qu’entraîne
les absences.
Elle réitère sa position dans l’arrêt J.C CARREIN C/ SA SEVEL NORD37, dans laquelle elle
précise l’hypothèse dans laquelle l’employeur peut licencier le salarié : « les absences
répétées du salarié pour maladie constituent néanmoins une cause réelle et sérieuse […]
dès lors [qu’elles] ne permettent plus à l’employeur de compter sur une collaboration
efficace du salarié, empêchent toute intégration dans un groupe de travail, occasionnent
une surcharge de travail pour les autres salariés devant accomplir en plus de leur activité
celle du salarié absent et que l’employeur éprouve des difficultés à pourvoir
durablement à son remplacement définitif ».
Si l’employeur ne peut pas prendre une sanction pour un motif discriminatoire à
l’inverse il peut sanctionner le salarié qui se rend coupable d’une telle discrimination38.
La Cour d'appel de Douai a eu l’occasion de décider que le fait pour un salarié de tenir
des propos racistes à l’encontre d’un autre salarié, en présence de client, constituait une
faute grave39.
36 Cour d'appel de Douai, 30 mars 2001, ASSOCIATION V.I.S.A C/ M.S RAISON, RG 00/0174437 Cour d'appel de Douai, 21 décembre 2001, J.C CARREIN C/ SA SEVEL NORD, RG 98/0823438 Article L 122-50 du Code du Travail39 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, M. CLEMENT EXERÇANT SOUS L’ENSEIGNE LE RESTAURANT LE CLUB
C/ V. ALLARD, RG S 97/04438
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3.l’exercice d’un droit ou le respect d’un droit en vigueur
Premièrement le droit disciplinaire protège les salariés contre les éventuelles atteintes à
leurs droits. Il s’agit essentiellement ici des règles concernant le travail à temps partiel.
Ainsi l’employeur ne peut pas imposer à un salarié travaillant à temps plein de
travailler à temps partiel. L’article L 212-4-9 du code du travail énonce que le refus du
salarié dans ce cas ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement.
De même un salarié à temps partiel peut refuser un changement de ses horaires.
L’article L 212-4-3 du code du travail prévoit que la répartition des heures de travail est
mentionnée dans le contrat de travail. Dès lors, comme ils sont contractualisés, les
horaires de travail ne peuvent être modifiés qu’avec l’accord du salarié, car il s’agit
d’une modification du contrat. Ce même article prévoit que ne saurait être considéré
comme une faute le fait pour un salarié de refuser un changement de la répartition des
heures de travail à moins que le contrat ne prévoit précisément cette possibilité. En effet
si le contrat prévoit par exemple que les horaires peuvent être modifiés pendant les
congés en fonction des nécessités du service le salarié ne peut plus refuser sans
commettre une faute puisqu’il ne s’agit plus d’une modification du contrat mais
simplement de l’exécution de celui ci. Cependant même si le contrat prévoit une telle
modification des horaires mais que le changement est incompatible avec certaines
obligations énumérées par la loi telles que les obligations familiales impérieuses le refus
du salarié ne pourra pas être considéré comme fautif.
Ensuite ne saurait être considéré comme fautif le refus du salarié d’effectuer des
heures complémentaires au-delà de la limite fixée par le contrat ou dans les limites mais
qu’il est prévenu moins de trois jours avant la date prévue pour effectuer les heures.
Toutes ces mesures ont pour objectif de protéger les droits des salariés à temps partiel.
Deuxièmement le code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné
pour avoir exercé un droit.
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L’exercice du droit de grève ne constitue pas une faute. L’article L 521-1 prévoit
cependant que la faute lourde commise à l’occasion de la grève peut être sanctionnée
par un licenciement. Mais ce n’est pas le droit de grève qui est sanctionné dans ce cas
mais la faute commise à l’occasion de la grève.
De même l’exercice du droit syndical ne peut constituer un motif de licenciement.
La liberté syndicale étant considérée comme une liberté fondamentale, constitutionnelle,
elle est protégée à deux titres. D’abord l’article L 122-45 du code du travail prévoit la
nullité du licenciement prononcé en raison de l’appartenance ou la non-appartenance à
un syndicat. Ensuite l’article L 412-2 du code du travail interdit à l’employeur de
prendre en considération l’appartenance syndicale pour arrêter ses décisions, notamment
en matière de discipline et de congédiement. S’il passe outre cette interdiction sa
décision sera considérée comme abusive et il pourra même se voir condamné à verser
des dommages et intérêts au salarié.
L’article L 122-45 protège également le droit d’opinion du salarié et emporte
comme conséquence la nullité de la sanction prise au motif de l’expression d’une telle
opinion. Par contre les activités politiques, comme l’organisation d’une réunion
politique, ne sont pas autorisées dans l’entreprise. L’accord national interprofessionnel
du 25 avril 1983 relatif au personnel d’encadrement reconnaît au cadre un droit de
critique ou de désaccord. Cet accord prévoit que le personnel d’encadrement doit
disposer d’une information spécifique sur la marche de l’entreprise et doit avoir la
possibilité de donner son point de vue. Cependant une opposition systématique ou le
dénigrement sont considérés comme des fautes.
Ensuite aucun salarié ne peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire pour s’être
retirer d’une situation dont il pouvait raisonnablement penser qu’elle présentait un
danger grave pour sa santé ou sa sécurité40. Cependant si la situation de travail ne
présente pas réellement de danger grave pour la sécurité des salariés et qu’ils ont utilisé
leur droit de retrait, la jurisprudence a admis que le licenciement disciplinaire était
fondé41. Les faits d’espèce sont cependant importants afin de ne pas tirer de l’arrêt des
conséquences trop hâtives. Dans cette affaire, les salariés refusaient de travailler
estimant la situation dangereuse pour leur sécurité. Le CHSCT est alors intervenu et a
déclaré que la situation de travail ne présentait pas de danger. Suite à cela l’employeur a
40 Article L 231-8-1 Code du Travail41 Soc. 6 décembre 1990, n°4485 D TEMBOURY C/ CAMUS
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mis en demeure les salariés de reprendre le travail et suite à leur refus il a procédé aux
licenciements. La Cour de cassation admet le licenciement mais ce qui est sanctionné ici
ce n’est pas l’exercice du droit de retrait mais plutôt le refus injustifié des salariés.
Le salarié peut toujours bénéficier du droit de retrait et ce n’est que lorsqu’il est établi
que la situation de travail n’est pas dangereuse et que le salarié persiste dans son refus
de travailler que l’employeur peut utiliser son pouvoir disciplinaire, pour sanctionner
non plus le droit de retrait mais plutôt un abandon de poste de la part du salarié.
Enfin les salariés « bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le
contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail »42. L’article L461-1
du code du travail prévoit que les opinions émises par les salariés dans le cadre de ce
droit à l’expression ne peuvent motiver une sanction disciplinaire, et ne constitue pas un
motif de licenciement. Dans l’affaire PLANTEFEVE LEFAUX C/ AFDPED LES PAPILLONS
BLANCS43, une salariée est licenciée car elle a contresigné un courrier adressé à la
présidence de l’UNAPEI, courrier qui selon la direction visait à discréditer l’action de
l’association. La Cour relève que la salariée licenciée, cadre, n’avait pas obtenu les
réponses qu’appelaient ses interrogations et rappelle que l’article L 461-1 du code du
travail institue un droit à l’expression des salariés et proscrit toute sanction émise dans
l’exercice de ce droit. La Cour d'appel de Douai conclut que les dispositions de cet
article « interdisent le licenciement fondé sur un comportement critique à l’égard de la
direction quand bien même les appréciations émises par le salarié […] révéleraient un
profond désaccord sur le choix de la politique menée par les dirigeants ». Elle expose
cependant deux limites. « la Cour réserve toutefois deux exceptions à cette interdiction
de principe : celle où le comportement du salarié révèle une intention délibérée de nuire,
et lorsque le désaccord publiquement manifesté sur la politique de l’entreprise révèle un
élément d’une telle animosité telle qu’il rend impossible la poursuite de la relation
salariée »44.
Le droit à l’expression des salariés est donc limité. Dans l’affaire M. JOUENNE C/ ETS
DESPATURES45, la Cour d'appel de Douai énonce « si les opinions que les salariés […]
42 Article L 461-1 Code du Travail43 Cour d'appel de Douai, 14 janvier 1994, PLANTEFEVE LEFAUX C/ AFDPED LES PAPILLONS BLANCS,
RG S 5-92/0912944 idem45 Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, JOUENNE C/ ETS DESPATURES, RG 95/09956
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émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un
licenciement, il en va différemment lorsque le salarié émet des critiques à l’égard d’un
supérieur mettant en cause ses connaissances professionnelles ». Ainsi le droit à
l’expression est limité, il ne doit pas être l’outil d’une vengeance entre salarié et son
supérieur. Ici le droit d’expression n’était pas utilisé à bon escient puisque les critiques
formulaient par la salariée n’allaient pas améliorer les conditions de travail, d’autant
plus quand la Cour rappelle qu’il n’appartient pas au salarié de juger les compétences
professionnelles de son supérieur. Dans l’affaire SA GREEN FOREST C/ M. SCHUTT46, le
salarié fait l’objet d’une mise en garde pour plusieurs erreurs de pointage. Sous le
couvert du droit à l’expression, il affiche la lettre sur son lieu de travail. La Cour d'appel
de Douai relève alors « cette manière de procéder, dont l’ensemble du personnel en a eu
connaissance, qui ne rentre pas dans le cadre de la liberté d’expression à l’intérieur de
l’entreprise, constitue une atteinte critique et publique, une atteinte à l’égard de la
hiérarchie et un dénigrement certain de celle ci ». Ici encore la Cour d'appel permet à
l’employeur de sanctionner le comportement du salarié car il ne s’agit pas de l’usage du
droit d’expression mais d’une vengeance du salarié à l’égard de sa hiérarchie.
L’employeur ne peut donc pas prendre n’importe quelle sanction, il doit faire son choix
parmi les sanctions licites. De même certains comportement du salarié ne peuvent être
sanctionnés.
B. les fautes qui ne peuvent être sanctionnées
Il s’agit ici de comportements qui sont fautifs mais qui ne peuvent pas être sanctionnés,
soit parce que la loi prévoit leur amnistie (1), soit parce que les comportements fautifs
sortent de la sphère professionnelle (2) ou encore parce que l’employeur a été trop long
à prendre sa décision (3).
1. fautes et sanctions amnistiées
Après chaque élection présidentielle, le parlement vote une loi d’amnistie, c’est à
dire une loi qui ôte à certains faits leur caractère fautif. Les lois d’amnistie publiées en
1981, 1988 et 1995 ont pour originalité d’avoir amnistier des faits ayant antérieurement
46 Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, SA GREEN FOREST C/ M. SCHUTT, RG S 92/03024
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donné lieu à des sanctions disciplinaires ou susceptibles d’y donner lieu. Ces lois
d’amnistie produisent des effets sur les faits déjà sanctionnés ou non. Ainsi si les faits
ont déjà été sanctionnés, la sanction n’est pas annulée mais l’employeur ne pourra plus
les invoquer à l’appui d’une nouvelle sanction. C’est comme si la prescription était
atteinte.
Si les faits n’ont pas encore été sanctionnés, l’employeur ne peut plus engager de
poursuites disciplinaires et les procédures en cours doivent être interrompues.
En principe la loi d’amnistie ne couvre pas les faits ayant entraîné une
condamnation pénale, ni les faits qui constituent des manquements à la probité, aux
bonnes mœurs ou à l’honneur.
Par exemple la loi de 1995 amnistiait les délits commis à l’occasion de conflits du
travail ou à l’occasion d’activités syndicales et revendicatives, les délits en relation avec
les élections, quelles qu’elles soient. La loi excluait de son bénéfice les délits prévus par
le code de la route, les infractions d’atteinte involontaire à la vie d’autrui commises à
l’occasion de la conduite d’un véhicule.
Enfin il est à noter que la loi d’amnistie concerne également les employeurs. Par
exemple en 1995, étaient amnistiées les infractions concernant le non-paiement des
salaires ou encore celles relatives au repos hebdomadaire.
2. les faits relevant de la vie personnelle
En principe les faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peuvent pas faire l’objet
de sanction disciplinaire. Cette interdiction paraît tout à fait justifiée dans la mesure où
le pouvoir de l’employeur est circoncit à la sphère professionnelle. La vie personnelle
du salarié ne le regarde pas. Par vie personnelle il convient d’entendre la vie privée
stricto sensu, dont le respect est en outre garanti par l’article 9 du code civil et par la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, mais aussi la vie extra-
professionnelle, c’est à dire les agissements des salariés en dehors du temps de travail
tels que les loisirs, les activités politiques…
La Cour de cassation ne cesse de le rappeler : lorsqu’un fait imputé au salarié relève de
sa vie personnelle l’employeur ne peut le qualifier de faute47.
47 Soc. 16 décembre 1996, Bull. Civ. V, n°441
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La question s’est également posé concernant la délinquance du salarié. En principe la
délinquance du salarié en dehors du temps et du lieu de travail ne peut pas constituer
une cause réelle et sérieuse de licenciement. Cependant dans certaines situations,
notamment lorsque les faits délictueux sont susceptibles de causer un préjudice à
l’employeur, il est possible de prononcer le licenciement du salarié. Par exemple le
licenciement d’un salarié condamné pour outrage public à la pudeur est justifié en ce
que la présence du salarié crée un risque sérieux de trouble48. Cette notion de risque
sérieux de trouble est importante car lorsqu’elle fait défaut l’employeur ne peut licencier
le salarié. La Cour d’appel de Douai avait jugé que le fait pour un clerc de notaire d’être
condamné pour aide au séjour irrégulier constituait une cause réelle et sérieuse de
licenciement49. Dans cette affaire la condamnation du salarié avait été relatée dans la
presse et l’office notarial, estimant alors les conséquences désastreuses pour l’image de
l’office, avait licencié l’intéressé pour faute grave. Le Conseil des Prud’Hommes avait
déclaré la sanction justifiée et la Cour d'appel de Douai également. Cependant la Cour
de cassation a censuré la décision aux motifs que ce qui été reproché au salarié relevait
de sa vie personnelle et que l’employeur ne pouvait sanctionner que les faits qu’il
estime répréhensible dans la sphère professionnelle50.
L’incarcération du salarié est elle une cause réelle et sérieuse de licenciement ? La
solution va dépendre du temps de l’incarcération. Si elle est brève, l’incarcération ne
constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par contre si elle s’avère
longue, l’employeur a la possibilité de constater la rupture du contrat pour force
majeure, ou de procéder au licenciement.
Il existe une possibilité de tenir compte du comportement du salarié durant sa vie
personnelle, mais pas d’un point de vue disciplinaire. En effet, ce que condamne la Cour
de cassation c’est de se placer sur le terrain du droit disciplinaire pour sanctionner un
comportement qui s’est produit en dehors de la sphère professionnelle. Mais la Cour de
cassation admet que l’employeur sanctionne un tel comportement s’il estime, selon la
48 Soc. 19 avril 1963, Bull. Civ. V, n°32649 Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, G. DELEMAERE C/ OFFICE NOTARIAL RYSSEN ET BLONDEL,
RG S 93/0619550 Soc. 16 décembre 1995, Bull. Civ. V, n°441
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formule consacrée par la Cour, que le comportement « crée un trouble objectif
caractérisé dans l’organisation ou le fonctionnement de l’entreprise »51. La notion de
« trouble objectif caractérisé » est appréciée de manière restrictive par les tribunaux. Par
exemple le fait pour un salarié d’une concession automobile d’acheter un véhicule d’une
marque différente ne constitue pas un trouble objectif caractérisé52. De plus il faut que
l’employeur démontre que l’entreprise a subi un préjudice. Cela a été le cas pour le
licenciement d’un négociateur d’une agence immobilière qui avait été condamné pour
escroquerie et abus de confiance pour des faits relevant de sa vie personnelle. La Cour
de cassation avait alors admis le licenciement dans la mesure où aux yeux des clients le
fait de traiter avec un escroc risquait d’avoir des conséquences préjudiciables pour
l’entreprise.
Dans tous les cas le licenciement d’un salarié pour des faits tirés de sa vie privée ne
saurait être un licenciement disciplinaire.
3. fautes ou sanctions prescrites ou déjà sanctionnées
D’abord, selon la règle non bis in idem, l’employeur ne peut pas sanctionner une
faute déjà sanctionnée. La jurisprudence est constante à ce sujet. Le prononcé de la
sanction épuise le pouvoir disciplinaire de l’employeur53. C’est ce que décide la Cour
d'appel de Douai dans l’affaire R. DARQUES C/ SA TAPISIF54 dans laquelle le salarié
avait d’abord fait l’objet d’un avertissement puis avait été licencié pour les même
motifs. La Cour décide alors que dans la mesure où « ces griefs constituent la
reproduction des motifs de l’avertissement collectif susmentionné » c’est à bon droit
que les premiers juges ont déclaré le licenciement abusif.
Cette interdiction ne fait pas obstacle à ce que l’employeur prononce une mise à
pied conservatoire en attendant l’issue de la procédure. Cependant si à l’issue de la
procédure l’employeur décide de prononcer une sanction autre qu’un licenciement pour
faute grave ou lourde, il devra alors rémunérer la période de mise à pied du salarié.
51 Soc. 21 novembre 2000, Bull. Civ. V, n°28352 Soc. 22 janvier 1992, Bull. Civ. V, n°3053 Soc. 16 juin 1988, Bull. Civ. V, n°36754 Cour d'appel de Douai, 29 mars 2002, R. DARQUES C/ SA TAPISIF, RG R 96/07492
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D’autre part, la récidive de faute déjà sanctionnée est une circonstance aggravante.
Si un salarié déjà sanctionné persiste dans ce comportement l’employeur pourra évoquer
la faute précédente pour justifier le prononcé d’une sanction plus sévère, à condition
toutefois de respecter les délais de prescription.
Il y a deux types de prescriptions.
Premièrement l’article L 122-44 alinéa 1 du code du travail énonce « aucun fait
fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà
d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à
moins que ce fait n’ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites
pénales ».
On en retire 3 choses :
Ø le délai de prescription des fautes est de deux mois
L’objectif de la prescription est de forcer l’employeur à réagir rapidement. On part
du principe que s’il tarde à réagir c’est que le comportement du salarié n’est pas
perturbateur au point de justifier la sanction., En tardant trop l’employeur laisse penser
que le comportement ne mérite pas une sanction.
Ø sauf s’il y a répétition de la faute (« à lui seul »)
La prescription de la faute n’empêche pas l’employeur d’utiliser le comportement du
salarié à l’appui d’une autre sanction si le comportement fautif a été répété ou s’il s’est
poursuivi dans le délai. L’article L 122-44 laisse cette possibilité quant il énonce « a lui
seul », cela sous-entend bien que si le comportement se reproduit ou s’il se poursuit
l’employeur pourra se servir du premier comportement, non sanctionné, à l’appui de la
sanction du deuxième comportement.
Ø sauf si l’employeur engage des poursuites pénales. En effet si l’employeur
engage des poursuites pénales contre le salarié, deux options s’offrent à lui. Soit il
décide de sanctionner immédiatement le comportement fautif. Soit il décide d’attendre
le résultat de l’action devant le juge pénal pour prononcer sa sanction. Dès lors qu’il
décide d’attendre la décision du juge pénal, le délai de prescription ne court plus. Mais
les poursuites pénales doivent être engagées dans le délai de deux mois. Une incertitude
persiste en la matière c’est celle de savoir si le fait de porter plainte contre X suffit à
faire courir la suspension ou s’il faut que la plainte concerne une personne précise. On
peut penser que la seule plainte contre X suffit puisque l’employeur, s’il ne connaît pas
l’auteur du comportement fautif, ne peut pas le sanctionner. Certains estiment par contre
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que la plainte contre X ne constitue pas « la poursuite » exigée par le texte, dès lors
seule une citation directe ou une plainte avec constitution de partie civile pourraient
permettre de suspendre le délai de 2 mois.
Quelques notions méritent d’être précisées.
D’abord, l’acte d’engagement des poursuites. Pour la Cour de cassation l’acte
d’engagement des poursuites disciplinaires résulte uniquement de la lettre de
convocation à l’entretien préalable. Pour la Cour la manifestation écrite de l’employeur
relevant le fait fautif et tirant les conséquences de la faute ne constitue pas l’acte
d’engagement des poursuites55.
Ensuite le délai ne court pas à compter du jour où les faits sont commis mais à partir
du jour où l’employeur en a eu connaissance.
Si le fait fautif est sanctionné plus de deux mois après sa commission, c’est à
l’employeur de démontrer qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois
précédents l’engagement des poursuites disciplinaires. Le délai n’est pas suspendu par
la maladie ou l’accident de travail du salarié.
Enfin par employeur il faut entendre non seulement la personne ayant le pouvoir de
sanctionner, c’est à dire le représentant légal de l’employeur tel que le directeur des
ressources humaines, mais aussi, depuis 199756, le supérieur hiérarchique direct de
l’intéressé, peu important le rang occupé par ce dernier dans la hiérarchie ou le fait qu’il
ne dispose pas du pouvoir de sanctionner.
La conception de l’employeur de l’article L122-44 du code du travail est donc très
large.
Deuxièmement il y a la prescription de la sanction. L’article L 122-44 pose
également une prescription de la sanction. On sait qu’un fait ne peut être sanctionné
deux fois. Cependant on sait également qu’une faute déjà sanctionnée peut être utilisée
par l’employeur pour sanctionner un fait qui s’est répété ou qui s’est poursuivi. Par
exemple le salarié est sanctionné par un avertissement pour un retard. De nouveau en
retard l’employeur décide de le sanctionner plus sévèrement car ce fait s’est déjà
55 Soc. 18 janvier 195, n°90-42.087, Bull. Civ. v, n°2856 Soc. 30 avril 1997, n° 94-41.320, Bull. Civ. V, n°148
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produit. C’est ce cas de figure qu’encadre l’article L 122-44 en prévoyant une
prescription de la sanction de 3 ans « aucune sanction antérieure de plus de 3 ans à
l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une
nouvelle sanction ».
Cet article autorise l’employeur à sanctionner la récidive mais pendant un certain
temps. Passé ce délai de trois ans la faute est comme amnistiée.
Lorsqu’il prend en compte des fautes déjà sanctionnées l’employeur doit les
mentionner dans la notification de la nouvelle sanction. S’il ne mentionne pas les
sanctions précédentes, cette référence n’a aucune valeur. Il faut qu’il évoque de façon
précise les sanctions antérieures.
Maintenant que nous avons vu que c’est l’employeur qui dispose du pouvoir,
finalisé et limité, de décider quel comportement est fautif il convient d’étudier les
comportements en question. Pour une question de simplification, il nous est apparu
opportun de classer les différents comportements dans des catégories.
SECTION 2 LA CLASSIFICATION DES FAUTES
Il est difficile de déterminer des catégories de fautes. Souvent elles sont classées en
deux catégories : les infractions à des règles collectives et les infractions à des règles
individuelles. Cependant certaines fautes peuvent relever de ces deux catégories ou
encore ne relever d’aucune catégorie précisément. Cette difficulté, ajoutée à celle,
inhérente au sujet, d’étudier des arrêts de Cour d'appel, nous a contraint à opter pour une
classification particulière. Nous avons donc choisi de classer les comportements en trois
catégories. La première contient les infractions aux règles de disciplines applicables à
tous, que ces règles soient issues de la loi ou encore du règlement intérieur (§1). La
deuxième catégorie contient les comportements contraires aux obligations découlant du
contrat de travail, qui pourraient éventuellement être comprise dans la première
catégorie mais qui nous a paru judicieux de classer dans une catégorie propre (§2).
Enfin la troisième catégorie contient les comportements qui révèlent une mauvaise
exécution du contrat de travail, qui pourrait aussi être appelée le non respect des règles
individuelles (§3).
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§1 le non-respect d’une règle s’ imposant à tous
Il s’agit ici principalement des règles légales ou conventionnelles ou prévues par le
règlement intérieur, par conséquent elle s’applique indifféremment à tous les salariés.
A. L’interdiction d’introduire de l’alcool sur le lieu de travail
L’article L 232-2 du Code du Travail pose l’interdiction d’introduire des boissons
alcoolisées sur le lieu de travail. La plupart du temps cette interdiction légale est reprise
par le règlement intérieur. Le non-respect de ces dispositions constitue une faute que
l’employeur peut sanctionner, éventuellement par un licenciement. Dans l’affaire SA
BECK CRESPEL C/ HORVATH57 M. Horvath a été licencié pour avoir introduit et
consommé de l’alcool sur le lieu de travail. Le conseil de prud’hommes déclare le
licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur interjette appel. La cour d'appel
de Douai reconnaît que la consommation d’alcool sur le lieu de travail est constitutive
d’une faute, cependant elle décide que le salarié bénéficie de circonstances atténuantes
et rejette la qualification de faute grave pour lui préférait celle de faute sérieuse.
De même dans l’affaire SARL BLANCHET C/ P. DEMADE58, le salarié avait été
licencié pour faute grave pour avoir été pris en état d’ébriété, qui le rendait en outre
agressif et injurieux, alors que le règlement intérieur prévoyait une interdiction de
pénétrer sur le lieu de travail en état d’ébriété ou de consommer de l’alcool sur le lieu de
travail. Le CPH avait rejeté la qualification de faute grave au profit de celle de faute
sérieuse. La Cour d'appel de Douai confirme la qualification de faute. sérieuse et retient
pour rejeter la faute grave que « les faits imputés au salarié n’étaient pas de nature à
rendre impossible, sans risque pour l’entreprise, la poursuite des relations
contractuelles, même pendant la durée limitée du préavis ». Une fois encore la Cour
d'appel de Douai rejette donc la qualification de faute grave pour ce qui est de la
consommation d’alcool.
57 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SA BECK CRESPEL c/ HORVATH, RG S 95/0382758 Cour d'appel de Douai, 12 décembre 1999, SARL BLANCHET C/ P. DEMADE, RG 94/10351
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Dans l’affaire SA LA RUCHE PICARDE C/ VIART59, la Cour d'appel de Douai énonce
clairement que pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement la
consommation d’alcool doit être suffisante. En effet, elle déclare « il convient de relever
que le fait de consommer une bière pour le repas du midi ne saurait présenter un
caractère de gravité suffisante pour justifier un licenciement alors que l’employeur ne
prétend nullement que cette consommation fût exagérée ». On en déduit que la
consommation d’alcool est certes constitutive d’une faute disciplinaire mais qu’elle ne
peut être sanctionnée par un licenciement que si elle est exagérée. C’est la première fois
que la Cour d'appel de Douai fait appel à cet argument pour annuler la décision de
l’employeur.
Dans l’arrêt S.E.R.P C/ J.A.BOURGAIN60, la Cour d'appel de Douai retient la faute
grave pour la consommation d’alcool dans la mesure où le salarié était amené à
conduire des véhicules pendant son temps de travail et qu’il avait déjà fait l’objet
d’avertissements concernant son état d’ébriété. On en déduit donc que la faute grave
peut être retenue lorsque l’état d’ébriété est un fait répété pour le salarié. En outre, et
bien que la Cour d'appel de Douai ne le mentionne pas, il est évident qu’un chauffeur en
état d’ébriété représente un danger pour la circulation.
Enfin dans l’affaire ASSOCIATION MONS TENNIS CLUB C/ A. MOERMAN6161, la Cour
d'appel de Douai retient également la faute grave à propos du licenciement d’un salarié
pour état d’ébriété. Elle semble prendre en compte le fait que le salarié ait déjà fait
l’objet de remontrance à ce sujet et que de surcroît le salarié avait un « comportement
déplacé » et injurieux vis à vis du président du club et d’un adhérent.
Ainsi la consommation d’alcool sur le lieu de travail constitue bien un
comportement fautif de la part du salarié. La sanction d’un tel comportement est
souvent un licenciement, pour faut grave quand les circonstances le justifient.
De même le fait de fumer dans un lieu non prévu à cet effet et / ou en dehors des temps
de pause revêt un caractère fautif. Dans l’affaire LECAT C/ SA PPG62, la Cour d'appel de
59 Cour d'appel de Douai, 28 octobre 1999, SA LES HYPERMARCHES DE PICARDIE VENANT AUX DROITS DE
L’HYPERMARCHE « LA RUCHE PICARDE » C/ A. TIERTANT – ASSEDIC DU PAS DE CALAIS, RG S 94/073636060 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, S.E.R.P C/ BOURGAIN, RG S 94/023606161 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, ASSOCIATION MONS TENNIS CLUB C/ A. MOERMAN, RG S
94/043436262 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, LECAT C/ SA PPG Industries, RG S 95/06326
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Douai reconnaît le caractère de faute sérieuse justifiant un licenciement le fait pour un
salarié de fumer en dehors des temps de pause, ce qui était interdit par le règlement
intérieur. Cependant il semble que cette qualification soit admise dans la mesure où le
salarié avait déjà fait l’objet d’observations à ce sujet (par une note interne) et où le
salarié était chef d’équipe et que par conséquent il était censé avoir un comportement
digne de ses responsabilités.
Ici encore le fait de ne pas respecter le règlement intérieur en fumant en dehors du
temps de pause et dans un endroit non prévu à cet effet, constitue une faute. Cependant
cet arrêt laisse subsister des doutes quant à la possibilité de sanctionner ce
comportement par un licenciement quand ce fait est commis par un salarié, non cadre, et
qu’il présente un caractère exceptionnel. L’employeur devra sans doute choisir une
sanction moins sévère.
B. Le non respect des règles d’hygiène et sécurité
Le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité peut également constituer une
faute. Dans l’affaire SNC PRODIM C/ R. BOUTELEUX6363, la Cour d'appel de Douai
retient la faute grave à l’encontre d’un responsable de rayon boucherie qui avait laissé
des denrées périmées dans les rayons. Elle déclare « attendu qu’en sa qualité de
responsable de la boucherie il lui incombait de veiller à l’absence de denrées périmées
dans les rayons accessibles à la clientèle et dans les chambres de conservation ; Que son
manque certain de vigilance était fautif ». Cependant elle semble prendre en compte la
qualité de responsable du salarié ainsi que les précédents avertissements dont il avait
fait l’objet [« attendu que ces faits n’étaient pas isolés mais constitutifs d’une récidive »]
pour prononcer la faute grave. Cela laisse une place au doute dans l’hypothèse où le
non-respect des règles de sécurité est le fait d’un salarié sans responsabilité.
Dans l’affaire MITUB C/ WAS6464, la Cour d'appel de Douai répond en partie à cette
question puisqu’elle déclare qu’une mise à pied de 5 jours pour non respect des règles
de sécurité est une sanction proportionnée à la faute. On peut donc en déduire que le
licenciement ne peut pas être prononcé pour le non respect des règles de sécurité
occasionnel.
6363 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SNC PRODIM C/ R. BOUTELEUX, RG S 97/044356464 Cour d'appel de Douai, 29 janvier 1999, MITUB C/ WAS, RG S 94/07466
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C. Le non respect des directives internes
Dans l’affaire SA FOTO NEWS C/ S. PROVENCE6565, la Cour d'appel de Douai rejette
la qualification de faute lourde au profit de celle de cause réelle et sérieuse à propos du
licenciement d’une salariée. En l’espèce la salariée n’avait pas respecté les consignes
internes pour des annulations de tickets, des ouvertures de tiroir. Pour l’employeur la
salariée avait détourné des fonds de la société, le non-respect des procédures applicables
lui permettant ce détournement de fond. Cependant même si le détournement de fond
n’est pas explicitement invoqué, on peut se demander ce que la Cour d'appel de Douai
sanctionne ici, est ce que c’est réellement le non-respect des procédures ou est ce que
c’est le fait que ce non-respect ait permis à la salariée de détourner des fonds.
Dans l’affaire SA EUROMARCHE C/ I. MOREL6666, la Cour d'appel de Douai retient la
qualification de cause réelle et sérieuse à propos du licenciement d’une salarié pour le
non-respect du règlement intérieur concernant les procédures d’échange et de
remboursement. En l’espèce la salariée avait échangé un vêtement pour sa belle sœur.
Après avoir relevé que ce fait n’était pas inhabituel dans l’entreprise la Cour d'appel de
Douai relève que la salariée a cependant profité de l’absence du chef de caisse, qu’elle
est allée elle-même vérifier en rayon le prix des articles remboursés au lieu de demander
à la personne en charge de cette tâche et se faisant pour cela remplacer à son poste de
travail. Qu’en outre le règlement intérieur prescrit de ne pas faire passer des membres
de sa famille à sa caisse et prévoit également que pour s’absenter de son poste il faut
prévenir un responsable, qu’il interdit également de pénétrer dans les locaux avec des
paquets ou des colis. Au vu de tous ces faits la Cour d'appel de Douai relève que la
6565 Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, SA FOTO NEWS C/ S. PROVENCE, RG S 94/049286666 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA EUROMARCHE C/ I. MOREL, RG S 93/07929
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salariée a « incontestablement transgressé le règlement intérieur » et déclare le
licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Dans l’affaire SA BEFRAM INTERMARCHE C/ DEUDON6767, la Cour d'appel de Douai
retient la qualification de faute grave concernant le licenciement d’une caissière pour
non-respect des procédures d’échange. En l’espèce il était reproché à la salariée d’avoir
échangé de l’espèce contre un chèque personnel, sans provision, et d’arrondir les
chèques des clients en leur donnant l’appoint en pièces, ce qui était contraire aux
directives de la direction. La Cour d'appel de Douai relève que « une telle pratique ne
peut qu’engendrer une méfiance de la part de l’employeur rendant désormais impossible
la poursuite du contrat de travail même pendant la durée limitée du préavis sans risque
de nuire à l’intérêt de l’entreprise ». La décision est sévère mais elle se base sur la
confiance que l’employeur doit avoir en ses salariés.
Dans l’affaire SA SODENA C/ A. LEFEBVRE6868, la Cour d'appel de Douai retient la
cause réelle et sérieuse à propos du licenciement d’un salarié qui n’a pas respecté les
procédures de commande parce que la commande était passé non pas pour un client ou
pour l’entreprise mais pour un ami du salarié dont ce dernier voulait qu’il bénéficie de
la remise applicable à son entreprise. La Cour d'appel de Douai retient que les
agissements du salariés ont causé une perte de confiance de la part de l’employeur qui
justifie un licenciement.
Enfin dans l’affaire SA LES HYPERMARCHES DE PICARDIE C/ A. TIERTANT6969, la
Cour retient la qualification de cause réelle et sérieuse pour le licenciement d’une
salariée suite à des manipulations de caisse qu’elle avait effectué. En l’espèce la salariée
avait pris de l’argent dans la caisse et deux jours plus tard avait couvert l’écart de caisse
par un chèque personnel. La Cour d'appel de Douai relève que cette pratique était
habituelle dans l’entreprise. Néanmoins elle déclare le licenciement fondé sur une cause
réelle et sérieuse car elle note que le comportement de la salariée « dénote un manque
de rigueur certain » et que « l’employeur ne pouvait plus avoir confiance en la salariée
ce qui justifie un licenciement pour cause réelle et sérieuse ».
6767 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA BEFRAM INTERMARCHE C/ DEUDON RG S 92/023186868 Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, SA SODENA C/ A. LEFEBVRE, RG S 92/071136969 Cour d'appel de Douai, 28 octobre 1998, SA LES HYPERMARCHES DE PICARDIE VENANT AUX DROITS
DE L’HYPERMARCHE « LA RUCHE PICARDE » C/ A. TIERTANT – ASSEDIC DU PAS DE CALAIS, RG S
94/07363
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Dans tous ces arrêts concernant le non-respect des procédures, on remarque que la
Cour d'appel de Douai sanctionne non seulement le non-respect des procédures mais
aussi le comportement du salarié qui implique une perte de confiance de la part de
l’employeur.
Le fait d’introduire dans les locaux une personne étrangère à l’entreprise a pu être
considéré comme une faute. Dans l’affaire WATTRELOS C/ SARL SERVITEX70, la Cour
d'appel de Douai estime fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d’un
salarié aux motifs qu’il avait donné les clés d’un établissement de l’entreprise à un ami
pour qu’il aille chercher un fax. L’employeur l’avait alors licencié pour faute grave .La
Cour d'appel de Douai ne reteint pas la faute grave dans la mesure où le licenciement
était intervenu trop longtemps après la connaissance des faits mais elle retient quand
même la cause réelle et sérieuse. En l’espèce le salarié tentait de s’exonérer en arguant
qu’il attendait ce fax très important qu’il ne pouvait se rendre lui-même à
l’établissement étant en déplacement. Il ajoutait que la personne étrangère à l’entreprise
n’avait eu accès à aucun document confidentiel. La Cour d'appel de Douai ne semble
pas penser que ces circonstances exonèrent le salarié de sa faute.
Enfin s’est posée la question de savoir si l’employeur pouvait sanctionner le salarié
à cause de sa tenue vestimentaire. Dans l’affaire DUTHOIT C/ SARL LECOCQ71, le salarié
fait l’objet d’une mesure de licenciement parce qu’il refuse de porter une tenue
vestimentaire adapté à son travail. En l’espèce le salarié effectuait les tâches de jardinier
et de livreur, l’employeur lui reprochait de nuire à la bonne réputation de l’entreprise en
effectuant les livraisons en tenue de jardinier. La Cour d'appel de Douai retient la faute
grave mais se fonde non pas sur la tenue vestimentaire mais sur le refus réitéré du
salarié de se conformer aux directives de l’employeur. La question reste donc posée de
savoir si un salarié peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire pour tenue
vestimentaire non conforme au travail. Pour la Cour de cassation, en principe, les
salariés ont le droit de s’habiller à leur convenance. Mais le règlement intérieur peut
apporter certaines limitations, qui doivent être justifiées par l’activité exercée et
proportionnées à l’objectif recherché.
D. les violences et insultes
70 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, P. WATTRELOS C/ SARL SERVITEX, RG S 93/1126671 Cour d'appel de Douai 26 septembre 1997, M. DUTHOIT C/ SARL LECOCQ, RG S 94/0835
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Dans l’affaire J. SERRA C/ SA CENDRY72, la Cour d'appel de Douai retient la
qualification de faute grave pour les actes de violences d’un salarié envers un supérieur,
il s’agissait en l’occurrence d’un coup de tête au niveau de la mâchoire.
Dans l’affaire SA PRESSE NORD C/ NOGENT73, la Cour d'appel de Douai nous donne
des précisions sur l’importance des circonstances de la faute. En l’espèce deux salariés
avaient eu une altercation. L’une des salariés a déposé une plainte qui sera classée sans
suite par le juge pénal. La Cour d'appel, étant liée par la décision du juge pénal, ne se
prononce pas sur le grief de « coups et blessures ». Après avoir examiné les autres
griefs, à savoir insultes, elle décide que le licenciement est abusif aux motifs que les
deux salariés se sont insultés et qu’il n’existe aucun rapport hiérarchique entre les deux
salariés. On en retire que si les salariés sont plusieurs à participer à la rixe, on ne peut
pas sanctionner seulement un, ce qui semble contraire au pouvoir d’individualisation de
l’employeur. Et d’autre part, le fait que le salarié « victime » soit un supérieur
hiérarchique entre de façon importante en ligne de compte.
Dans l’affaire SA PRESSE NORD C/ NOGENT74 la Cour d'appel de Douai rejette la
qualification de cause réelle et aux motifs que « la mésentente persistante entre les deux
salariés au point de perturber le fonctionnement du service n’est nullement rapportée ».
La Cour d'appel nous apprend alors que les insultes entre salariés créant une mésentente
entre eux, si elles ne perturbent pas le bon fonctionnement du service ou de l’entreprise,
ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement
Le fait de tenir des propos injurieux et agressifs envers ces collègues de travail est
également constitutif d’une faute disciplinaire, d’autant que ces faits se sont produits
devant des clients de l’entreprise75. Par contre lorsque les faits se sont produits devant
des collègues uniquement et que ce comportement était isolé, la Cour d'appel de Douai
rejette la qualification de cause réelle et sérieuse76 mais admet tout de même le caractère
répréhensible d’un tel comportement.
On retire de ces arrêts que les violences entre salariés constituent une faute que
l’employeur a la possibilité de sanctionner au besoin par un licenciement. Les
72 Cour d'appel de Douai, 14 octobre 1994, J. SERRA C/ SA CENDRY, RG S 91/0878373 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA PRESSE NORD C/ C. NOGENT, RG S 92/0393974 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA PRESSE NORD C/ NOGENT, RG S 92/0393975 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, J.P AERNOUDTS C/ STE EXPERTISE DIFFUSION, RG S 93/1116376 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SA FLANDRES AUTO C/ V. LESAFFRE, RG 95/08461
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circonstances entourant la faute sont primordiales pour apprécier le comportement du
salarié. En effet, la victime de ses violences, la présence de clients, mais surtout la
perturbation du service qu’occasionnent les violences sont aussi importantes que les
violences elles-mêmes.
Le règlement intérieur peut donc prévoir certaines interdictions, et le non respect de
ces interdictions entraînent la possibilité pour l’employeur de sanctionner le salarié. La
majorité des cas étudiés concernent des licenciements mais on comprend bien à la
lecture des arrêts que certains comportements, à eux seuls, ne peuvent pas faire l’objet
d’un licenciement. On voit également combien les circonstances de fait influent sur la
gravité de la faute.
§ 2 le non-respect d’une obligation
contractuelle
Le contrat de travail, outre les obligations mentionnées au contrat, implique les
respect de certaines obligations à la charge du salarié. Le non-respect de ces obligations
peut être sanctionné par l’employeur au titre de son pouvoir disciplinaire.
L’employeur va pouvoir sanctionner le non-respect de l’obligation de loyauté contenu
dans le contrat de travail. Cette obligation découle de l’article 1134 alinéa 3 du code
civil qui énonce : « elles [les conventions] doivent être exécutées de bonne foi ». La
jurisprudence en a dégagé un principe général de loyauté contractuelle. Le non-respect
de cette obligation de loyauté par le salarié permet à l’employeur de le sanctionner.
Le contrat de travail suppose en outre un devoir de réserve et de courtoisie du salarié
envers son employeur. Tout manquement à ce devoir pourra lui aussi faire l’objet d’une
sanction.
A. Les agissements déloyaux.
Même en l’absence de clause de non concurrence, le salarié commet une faute s’il
exerce une activité directement ou indirectement concurrente de celle son employeur.
Même après la rupture du contrat certains actes demeurent interdits, indépendamment
encore une fois de l’existence ou non d’une clause. Dans l’affaire SA RESITHENE C/ B.
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GUETTE77, le contrat de travail du salarié, VRP, contenait une clause d’exclusivité qui
soumettait le salarié à l’accord de l’employeur avant d’accepter une nouvelle carte. Le
salarié a accepté les cartes de sociétés concurrentes sans l’accord de son employeur, qui
décide alors de le licencier pour faute grave. Le CPH dit le licenciement non fondé sur
une faute grave. La Cour d'appel de Douai réforme la décision du CPH et déclare le
licenciement fondé sur une faute grave. La Cour d'appel prend donc très à cœur de
sanctionner le non respect de l’obligation de loyauté. Cependant à la lecture de l’arrêt
on ne sait pas précisément si c’est le comportement déloyal qui motive sa décision, ou si
c’est le fait qu’il ait persisté dans ces agissements malgré les demandes de son
employeur pour l’arrêt de ces activités concurrentes, ou si ce sont les deux, agissements
et persistance, qui déterminent la sévérité de la Cour.
Dans l’affaire A. DURIEZ C/ SA MONTECOLINO78, le contrat de travail contenait une
clause d’exclusivité. Le salarié a cependant accepté la carte d’une société concurrente
de l’employeur, qui le lui fait savoir par lettre recommandé. Face au refus du salarié de
respecter la clause, l’employeur procède à son licenciement. La Cour d'appel de Douai
interprète la clause en ce sens « attendu qu’il ressort de ces dispositions et en l’absence
de dispositions contractuelles contraire, que M. Duriez était lié à son employeur par une
obligation de loyauté et de fidélité ». La Cour d'appel de Douai dégage donc du contrat
une obligation de loyauté qui va l’amener à décider que le salarié avait bel et bien violer
les obligations essentielles du contrat de travail, que cette violation est constitutive
d’une faute grave « liée à son insubordination et justifiant la rupture immédiate de la
relation contractuelle ». La Cour d'appel de Douai sanctionne expressément
l’insubordination et non pas les agissements déloyaux. Comme dans l’affaire citée ci
dessus, la Cour d'appel sanctionne l’insubordination du salarié et pas uniquement le
comportement déloyal.
Dans l’affaire G. LESUR C/ BANQUE SCALBERT DUPONT79, un salarié avait démarché
la clientèle de la banque afin de lui vendre des produits financiers, qui n’étaient pas
ceux de la banque. Le salarié se défendait en déclarant qu’il n’avait pas vendu des
produits financiers mais présentait aux clients un prescripteur qui vendait des produits
d’assurance pure que la banque ne proposait pas. La Cour d'appel de Douai relève
77 Cour d'appel de Douai, 30 avril 1998, SA RESITHENE C/ B. GUETTE, RG S 95/0708378 Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, A. DURIEZ C/ SA MONTECOLINO, RG 95/1009779 Cour d'appel de Douai, 28 mai 1999, G. LESUR C/ BANQUE SCALBERT DUPONT, RG 95/03861
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« attendu qu’il résulte des éléments analysés si dessus que le comportement de M.
LESUR est à l’évidence constitutif d’agissements déloyaux envers l’employeur » et
déclare le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. La Cour d'appel
sanctionne bien le comportement déloyal mais ne retient pas de faute grave.
Dans l’affaire SARL LE MOLITOR C/ A. ROLLANT80 une salariée, apprentie, s’était
fait embaucher à l’issue d’un arrêt maladie par un autre employeur. La SARL LE
MOLITOR avait alors pris acte de la rupture du contrat. La salariée a porté réclamation au
CPH en estimant que les règles relatives à la rupture du contrat d’apprentissage
n’avaient pas été respectées. Elle obtient gain de cause en première instance. La Cour
d'appel de Douai réforme le jugement du CPH aux motifs que la salariée s’étant fait
embaucher par un autre employeur « l’apprentie a de la sorte mis fin délibérément à ses
relations contractuelles avec la SARL LE MOLITOR » et d’ajouter « cet abandon
constitue une faute grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage au
tort de la salariée ». Ici la Cour d'appel de Douai semble considérer que la concurrence
déloyale de la salariée constitue une faute grave, sans doute parce qu’il y a en plus de la
concurrence, abandon de poste.
Ainsi concernant la concurrence déloyale, la Cour d'appel admet le caractère fautif
d’un tel comportement. Elle admet le licenciement pour de tels agissements et retient
même la qualification de faute grave si le comportement déloyal a été accompagné soit
d’une insubordination du salarié, soit d’un abandon de poste.
B. Le dénigrement
C’est le fait pour un salarié de « critiquer publiquement la qualité du travail produit
par son employeur ou la compétence des dirigeants de son entreprise »81. Ici c’est le
manque au devoir de réserve et de courtoisie vis à vis de son employeur ou de son
représentant qui est sanctionné.
80 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SARL LE MOLITOR C/ A. ROLLANT, RG 99/0303581 Dictionnaire RF social, Groupe Revue Fiduciaire, Paris, 2002, 1084 p.
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Dans l’affaire YSARD C/ SA SOGREPRINT82, un salarié avait envoyé des lettres au
PDG et au directeur de la société dont le contenu apparaissait diffamant et insultant. Il a
donc été licencié. La Cour d'appel de Douai relève que le contenu de ses lettres est
« discourtois voire insultant à l’égard de leur destinataires difficilement compatible avec
le devoir de réserve et de courtoisie vis à vis de ses supérieurs » et d’ajouter que cela
constitue une « insubordination […] justifiant à elle seule le licenciement de YSARD
pour faute grave ». Ici ce n’est pas la diffamation ou dénigrement qui est sanctionné
dans la mesure où les lettres étaient des correspondances privées et qu’elles ne jettent
donc pas le discrédit sur la société. La Cour d'appel motive alors sa décision sur
l’insubordination du salarié. Nous le verrons plus tard, l’insubordination fait un peu
office de motif « fourre tout », on ne sait pas précisément ce que la Cour d'appel entend
par insubordination. On a l’impression que lorsqu’elle admet le caractère fautif d’un
comportement mais qui ne peut être justifié par un comportement précis, elle admet la
sanction pour insubordination.
Dans l’affaire M. JOUENNE C/ ETS DESPATURES83, une salariée qui fait l’objet d’un
avertissement à cause de son mauvais travail conteste la sanction en envoyant à la
direction un courrier. Dans ce crier elle répond à la demande de la direction de faire
appel à sa supérieure en cas de problèmes en ces termes « elle ne me serait pas d’un
grand secours vu qu’elle ne sait pas faire le travail ni aller sur les machines ».
L’employeur décide alors de procéder à son licenciement. La Cour d'appel de Douai
relève que « si les opinions que les salariés […] émettent dans l’exercice du droit
d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement, il en va différemment
lorsque le salarié émet des critiques à l’égard d’un supérieur mettant en cause ses
connaissances professionnelles » et d’ajouter « il n’appartient pas au salarié de porter
une appréciation sur les capacités et les qualités professionnelles de son supérieur ; qu’il
s’agit bien là d’un dénigrement ». La Cour d'appel de Douai estime donc que la salariée
n’a pas simplement fait usage de son droit à l’expression mais qu’elle a dénigré son
supérieur en portant un jugement sur ses qualités professionnelles.
C. Les vols et détournements
82 Cour d'appel de Douai, 28 octobre 1994, J. YSARD C/ ME DARROUSEZ, LIQUIDATEUR DE LA SA
SOGREPRINT-ASSEDIC DU PAS DE CALAIS, RG S 92/0218183 Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, M. JOUENNE C/. ETS DESPATURES, RG 95/09956
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Dans l’affaire M.C. HELINCK C/ M. GRASSET84, une salariée est licenciée pour faute
grave aux motifs de l’utilisation à des fins personnelles du téléphone de l’entreprise. La
Cour d'appel de Douai décide alors que « la salariée qui a ainsi abusé du téléphone de
son employeur à des fins personnelles pendant plusieurs années sans offrir de
rembourser l’employeur a commis un manquement grave à ses obligations
professionnelles ce qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail ». La décision
est sévère, mais on peut penser que ce qui détermine la sévérité de la Cour c’est que le
comportement de la salariée s’est étalé dans le temps.
Dans l’affaire STE MALBRANQUE C/ G. GARDONIO85, le salarié licencié avait aidé
son supérieur hiérarchique à détourner des fonds de l’entreprise en « gonflant » les
factures. La Cour d'appel de Douai n’estime pas devoir atténuer la responsabilité du
salarié parce qu’il agissait sous les ordres son supérieur et décide que « en sa qualité de
cadre, sa position de responsable des approvisionnements en qui la direction pouvait et
devait légitimement avoir placé sa confiance, [il] ne pouvait accepter et aider
activement son supérieur hiérarchique à nuire aux intérêts de l’entreprise en
connaissance de cause ; qu’il ne pouvait accepter d’exécuter ainsi activement de tels
ordres sans supprimer la confiance de son employeur justifiant ainsi la cessation de la
relation contractuelle même pendant le temps du préavis ». Pour la Cour d'appel de
Douai le fait que le salarié soit un cadre de la société entre incontestablement en compte
dans l’appréciation de la faute. Elle semble en outre vouloir sanctionner la complicité
aussi sévèrement que le vol lui-même.
Dans l’affaire LABORATOIRE D’ANALYSES MEDICALES VANDEVILLE C/ C.
HAQUETTE86, la salariée avait détourné de l’argent appartenant à la société en ne
procédant pas à l’encaissement de certaines sommes. L’employeur l’a licencié pour
faute lourde. La Cour d'appel de Douai admet la faute lourde aux motifs que « les faits
commis par la salariée sont suffisamment grave pour justifier un licenciement pour faute
lourde, l’employeur ne pouvant plus garder à son service la salariée même pendant la
durée limitée du préavis sans risque de nuire à l’intérêt de l’entreprise et le
comportement de la salariée ne pouvant s’expliquer que par la volonté délibérée de lui
84 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, M.C. HELINCK C/ M. GRASSET, n° 497/9485 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, STE MALBRANQUE C/ G. GARDONIO, n° 631/9486 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, LABORATOIRE D’ANALYSES MEDICALES VANDEVILLE C/ C.
HAQUETTE, n° 625/94
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nuire ». Dans cet arrêt la Cour d'appel de Douai va très loin puisqu’elle admet la faute
lourde pour un détournement. Cette décision s’explique sans doute en partie par le
montant des fonds détournés, plus de 100 000 francs.
Dans l’affaire COMPTOIR LAINES A MATELAS C/ J.GONCALVES87, la salariée a volé
des cônes de laines pour la bobiner avec le matériel dans l’entreprise pour en faire un
usage privé. L’employeur la licencie pour faute grave. La Cour d'appel de Douai admet
la qualification de faute grave.
Dans l’affaire SNC TRANSPORTS WILLE C/ PAUWELS88, le salarié se livrait à un
commerce de palette pour son compte personnel pendant le temps de travail et avec le
véhicule de la société. La Cour d'appel de Douai retient ces faits « caractérisent un
comportement rendant impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du
préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur ». Elle admet
donc la qualification de faute grave encore une fois.
En conclusion on remarque que la Cour d’appel se montre particulièrement sévère
en ce qui concerne les vols et autres détournements dans l’entreprise. Certes la prise en
compte de circonstances telles que le montant du préjudice, ou la position hiérarchique
du salarié, entre en compte dans l’appréciation, mais même sans ces circonstances la
Cour admet la faute grave. Dans tous cas arrêts le fait que l’employeur ne peut plus
avoir confiance dans le salarié est récurent.
§ 3. mauvaise exécution du contrat de travail
A. Les absences, retards et abandon de poste
Nous avons choisi de traiter ici de ces trois motifs dans la mesure où ils concernent tous
la présence du salarié dans l’entreprise.
1. Les absences et retards non justifiés ou justifiés tardivement
87 Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, COMPTOIR LAINES A MATELAS C/ J. GONCALVES, n°966/9488 Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, SNC TRANSPORTS WILLE C/ PAUWELS, n°1079/99
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Dans l’affaire SARL DESSENNE FRERES ET SŒURS TEXTILES C/ C. GELLF89, le salarié
était arrivé en retard à son travail sans raison valable, et avait falsifié sa carte de
pointage pour que son absence ne soit pas révélée. La Cour d'appel de Douai décide
alors « il a eu recours à des moyens frauduleux pour couvrir une absence irrégulière, ce
qui constitue en soi une faute grave ayant justifiée à elle seule […] la rupture du contrat
de travail sans préavis ni indemnité ». La Cour d'appel de Douai sanctionne plus la
falsification de la carte de pointage que l’absence non autorisée.
Dans l’affaire DESCAMPS C/ « LA XAVIERE » ROUFFLELAERS90, la salariée s’était absenté
précipitamment de son poste pour ne revenir que six jours plus tard. L’employeur
décide alors de la licencier pour faute grave dans la mesure où son attitude et son
absence avaient désorganisé le service. Selon la Cour d'appel de Douai « la
désorganisation répétée, qu’elle a provoqué dans le service du restaurant risquant de
nuire à sa bonne réputation, justifiait la cessation de la relation de travail même pendant
le temps du préavis ». La Cour admet la faute grave parce que le comportement de la
salariée a causé une désorganisation du service, que son absence a crée un préjudice
pour l’entreprise.
Dans l’affaire SARL OVO SERVICES C/ C. VERCRUYSSE91, le salarié est licencié pour
faute grave consistant en des absences répétées et des arrêts maladie justifiés
tardivement. La Cour d'appel de Douai rappelle que la maladie du salarié suspend le
contrat sans le rompre mais à condition que le salarié justifie son état à l’employeur
dans un délai raisonnable. En l’espèce le salarié deux fois en arrêt maladie n’avait
justifié son état qu’à la demande de l’employeur et à l’issue des congés maladie. La
Cour d'appel de Douai retient alors que « le non-respect de cette obligation [prévenir
son employeur dans un délai raisonnable] peut entraîner une gêne pour l’employeur
dans l’organisation du service ce qui constitue une cause réelle et sérieuse de
licenciement ». Elle rejette cependant la faute grave, malgré le fait que ce fait n’était pas
isolé et qu’il avait déjà été sanctionné, parce qu’elle estime que la preuve de
l’impossibilité de garder le salarié pendant le temps du préavis n’est pas apportée.
89 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SARL DESSENNE FRERES ET SŒURS TEXTILES C/ C. GELLF,
n°564/9490 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, S. DESCAMPS C/ « LA XAVIERE » ROUFFLELAERS, n°642/9491 Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, SARL OVO SERVICES C/ C. VERCRUYSSE, n°854/94
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Dans l’affaire C. BYKOFF C/ SA NORTENE TECHNOLOGIES92, la Cour d'appel de Douai
rappelle qu’en cas de maladie le salarié a l’obligation de prévenir son employeur dans
un délai raisonnable. En l’espèce la salariée avait présenté un certificat médical plus de
8 jours ouvrés après le début de son absence. La Cour estime alors que c’est un délai
trop long et décide « que l’absence de la salariée non justifiée dans les délais constituait
une cause réelle et sérieuse de licenciement ».
Cependant lorsque les absences ou retards injustifiés ne perturbent pas l’organisation de
l’entreprise la Cour d'appel de Douai opte pour une position plus favorable au salarié.
Dans l’affaire D. MORVAN C/ STE MUTUELLE D’ASSURANCE DES COLLECTIVITES
LOCALES ET ASSOCIATIONS93, la Cour d'appel de Douai déclare le licenciement abusif
car l’employeur n’est pas en mesure de démontrer que les absences ont perturbé le bon
fonctionnement du service. De même dans l’affaire MANOIR INDUSTRIES C/
DACHICOURT94, la matérialité des absences était établie mais la perturbation du service
invoquée par l’employeur était contredite par le témoignage de certains salariés, la Cour
d'appel de Douai refuse la qualification de causer réelle et sérieuse.
Dans l’affaire F. DELLAL C/ SCP GASNIER – GOSSART – COPIN – PARENT95, ce qui est
intéressant c’est la situation de fait. En l’espèce il s’agit d’un contrat d’apprentissage, et
la Cour d'appel de Douai déclare fondé le licenciement de la salariée aux motifs qu’elle
a été absente aux cours. Elle fonde sa décision sur le fait que la salariée s’est absenté des
cours sans l’autorisation de son employeur « manifeste sa volonté de refuser la
discipline dans le travail ». Elle ajoute « que le caractère délibéré et réitéré d’un acte
d’indiscipline constitue une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de
travail à durée déterminée ».
Dans l’affaire DESROUSSEAUX C/ SA GEHO INDUSTRIE LSI NORD96 la Cour d'appel de
Douai reconnaît le droit à un employer de notifier un avertissement à un salarié qui,
étant en rendez vous jusque 10h15, a été absent toute la matinée.
92 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, C. BYKOFF C/ SA NORTENE TECHNOLOGIES, n° 632-9893 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, D. MORVAN C/ STE MUTUELLE D’ASSURANCE DES COLLECTIVITES
LOCALES ET ASSOCIATIONS, n°668/9894 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, MANOIR IDUSTRIES C/ A. DACHICOURT, n° 571/9895 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, F. DELLAL C./ SCP GASNIER-GOSSART-COPIN-PARENT, n° A-
753/9896 Cour d'appel de Douai, 27 octobre 2000, B. DESROUSSEAUX C/ ME MARTIN MANDATAIRE
LIQUIDATEUR DE LA SA GEHO INDUSTRIE LSI NORD, n°a-1342
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Ainsi la Cour d'appel de Douai admet le caractère fautif de l’absence, cependant ce
comportement ne pourra être sanctionné par un licenciement que s’il est répété et/ou
injustifié.
2. L’abandon de poste
Cette situation est très semblable à l’absence du salarié. La différence réside peut être
dans le fait que la justification de l’absence est satisfaisante alors que dans le cas d’un
abandon de poste le salarié n’a pas de raison valable de s’être absenté.
Dans l’affaire SARL ROCANGE C./ C. BOBB97, la salariée, suite à une remontrance de
son employeur, a quitté précipitamment et sans autorisation son poste de travail. La
Cour d'appel de Douai admet le licenciement considérant que les faits sont constitutifs
d’un abandon de poste.
Dans l’affaire O.P.GLEBIOWSKI C/ SA CORA COURRIERES98, le salarié est licencié pour
faute grave au motif d’un abandon de poste. La Cour d'appel de Douai retient que « la
présence du salarié était essentielle sur le site » et que « le fait de quitter son poste de
travail sans autorisation ni justification constitue un abandon de poste caractérisé ».
Il n’y a pas abandon de poste si l’employeur empêche le salarié de reprendre son poste.
Dans l’affaire R. DEGEZELLE C/ F. DELEMARLE99, le salarié suite à une absence pour
maladie pour laquelle il n’avait pas de certificat souhaite reprendre son travail,
l’employeur l’empêche de le faire et le licencie pour abandon de poste quelque temps
après. La Cour d'appel de Douai déclare le licenciement abusif dans la mesure où
« l’abandon de poste reproché à M. Delemarle n’est nullement démontré ; qu’il est au
contraire établit que M. Degezelle ne voulait plus voir M. Delemarle travailler chez
lui ». Il ne saurait donc y avoir abandon de poste lorsque c’est l’employeur qui empêche
le salarié de reprendre son travail.
97 Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, ME DUQUESNOY MANDATAIRE LIQUIDATEUR DE LA SARL
ROCANGE C/ C. BOBB, n° A125198 Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, O.P.GLEBIOWSKI C/ SA CORA COURRIERES, n°A-27099 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, R. DEGEZELLE C/ F. DELEMARLE, n° A-536/98
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3. Le non respect des dates de congés
Enfin dans la catégorie des absences et retard la prise de congés en dehors des dates
fixées par l’employeur, ou le non retour de congés à la date prévue peut exposer le
salarié à une sanction.
Dans l’affaire SARL CADENCE C/ POTIER100, la salariée est licencié pour faute grave
après avoir pris ses congés malgré le refus de son employeur. La Cour d'appel de Douai
retient que «un tel comportement caractérise une faute grave selon la définition de celle-
ci et rend légitime conformément à l’article L122-3-8 alinéa 1 du code du travail la
rupture à effet immédiat du contrat de travail à durée déterminée de Mme Potier.
Dans l’affaire DESROUSSEAUX C/ SA GEHO INDUSTRIE LSI NORD101, la Cour d'appel de
Douai admet l’avertissement notifié au salarié qui, devant revenir de congé maladie le 3
janvier, ne s’était présenté au travail que le 4 janvier.
B. L’insubordination
L’insubordination se décompose en trois comportements. Il s’agit dans les trois cas d’un
refus du salarié, soit de travailler (1), soit d’exécuter un ordre (2) ou encore le refus
d’une sanction (3), qui peut motiver une autre sanction.
1. Le refus de travailler
Dans l’affaire M. KOLODZIECJACK C/ SARL INITIATIVES ET CROISSANCE102, la Cour
d'appel de Douai rappelle que « le contrat de travail suppose l’exécution par le salarié de
son travail et que son refus a donc été jugé à bon droit par les juges du CPH d’Arras
comme constituant une cause réelle et sérieuse ».
Cependant si l’employeur ne verse plus le salaire, le refus de travailler ne saurait
constituer une faute disciplinaire. C’est que la Cour d'appel de Douai décide dans l’arrêt
MEDO C/ FOULON60103 lorsqu’elle énonce « le comportement de l’employeur qui a
100 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SARL CADENCE C/ R POTIER, n° 593/98101 Cour d'appel de Douai, 27 octobre 2000, DESROUSSEAUX C/ SA GEHO INDUSTRIE LSI NORD n°a-1342102 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, M. KOLODZIECJACK C/ SARL INITIATIVES ET CROISSANCE, n°590-
98103. Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, F. MEDO C/ G. FOULON, n°a-1192
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commis un manquement sérieux dans l’exécution d’une des obligations essentielles lui
incombant, rend légitime le refus du salarié ».
2. Le refus d’exécuter un ordre
Dans l’affaire LEVOYE C/ SA DANCOINE ET FILS104, le salarié avait emmené chez lui un
dosser appartenant à l’entreprise, malgré l’ordre contraire de son employeur. La Cour
d'appel de Douai admet alors la qualification de faute lourde à l’égard de ce salarié.
Dans l’affaire DI MALTA C/ SARL SETRADIS105, la salariée refuse de remplacer une
collègue malade sous prétexte d’une affection nerveuse. Pour la Cour d'appel de Douai
« le refus de la salariée constituant un acte d’insubordination envers son supérieur dès
lors qu’il ne reposait sur aucun fondement médical sérieux » et estime donc le
licenciement fondé.
Dans l’affaire DUTHOIT C/ SARL LECOCQ106 le salarié est licencié pour faute grave aux
motifs qu’il refusait d’exécuter l’ordre de l’employeur concernant sa tenue
vestimentaire. En l’espèce le salarié refusait de porter la tenue adéquate pour les
livraisons et persister à porter sa tenue de jardinier, le salarié effectuant les tâches de
jardinier et de livreur pour le compte de son employeur. L’employeur quant à lui
soutenait que le fait d’effectuer les livraisons en tenue de jardinier nuisait à la bonne
marche de l’entreprise. La Cour d'appel de Douai retient que « le refus constant du
salarié était un acte d’insubordination, encourant la qualification de faute grave ». Selon
Mme. EVERAERT-DUMONT, « c’est ici la répétition du comportement fautif qui a été
sanctionné, car cette indiscipline entre en contradiction directe avec le pouvoir de
direction de l’employeur »107. Ce n’est pas tant le refus du salarié qui constitue le motif
de la sanction, mais plus la réitération du refus.
104Cour d'appel de Douai, 15 mai 1992, LEVOYE C/ SA DANCOINE ET FILS, n°4256/91105Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, DI MALTA C/ SARL SETRADIS, n° 662/94106 Cour d'appel de Douai 26 septembre 1997, précité note 34107 note sous Cour d'appel de Douai 26 septembre 1997, M. DUTHOIT C/ SARL LECOCQ, n°94/00835
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D’ailleurs dans l’affaire SA BELMART C/ G. BOULOIS108 dans laquelle la salariée refusait
de procéder à des modifications des horaires, la Cour d'appel de Douai déclare le
licenciement abusif car elle considère que « le refus de la salariée […] ne constitue
cependant pas ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors
qu’il s’agit d’un acte isolé ne traduisant pas un comportement habituel ou même
simplement répété d’insubordination ».
La Cour d'appel de Douai admet donc que le refus est fautif mais s’il est isolé il ne peut
pas constituer un motif de licenciement.
Dans l’affaire SAINT GUILHEM C/ STE ROQUETTE FRERES109, le salarié est licencié pour
faute grave pour insubordination. En l’espèce suite à une réorganisation du service il se
trouve placé sous les ordres d’un responsable dont il refuse l’autorité, et qu’il dénigre. Il
va jusqu’à renvoyer les notes de service de ses supérieurs. La Cour d'appel de Douai
relève « le refus de M. Saint Guilhem de se trouver soumis à l’autorité de M. Lumaret et
les actes d’insubordination imputables à celui ci […] sont cependant une cause réelle et
sérieuse de licenciement ».
Dans l’affaire SARL PROTECTION CANINE C/ C. HAENTJENS110, la Cour d'appel de
Douai admet le licenciement d’un salarié parce qu’il a été pris en train de lire pendant
son service alors que suite à la demande du client l’employeur avait fait une note de
service. La Cour semble montrer ici une certaine sévérité vis à vis du salarié dans la
mesure où la lettre de licenciement invoquait simplement « l’inobservation des
consignes de notre client » sans autre précision, tout en reconnaissant que le libellé du
motif est insuffisamment précis elle déclare quand même le licenciement fondé.
Dans l’affaire D. VANDESQUILLE C/ SA INTERNATIONAL MOQUETTE DISTRIBUTION111,
c’est le refus de mutation, contractuellement prévue, qui est sanctionné. Le contrat de
travail du salarié prévoyait une mobilité sur le territoire du Nord Pas de Calais. Suite à
une mésentente entre deux collègues, M. VANDESQUILLE demande à ne plus travailler
avec cette personne et qu’elle soit mutée dans un autre magasin. L’employeur décide de
muter non pas l’autre salarié mais M. VANDESQUILLE. Celui ci refuse la mutation.
108 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, SA BELMART C/ G. BOULOIS, n° A-660/98109 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, F. SAINT GUILHEM C/ STE ROQUETTE FRERES, n° 574/98110 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1999, SARL PROTECTION CANINE C/ C. HAENTJENS, n°A-999111 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, D. VANDESQUILLE C/ SA INTERNATIONAL MOQUETTE
DISTRIBUTION, n°743/98
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L’employeur décide alors de le licencier. La Cour d'appel de Douai, relevant que la
mutation s’inscrivait bien dans les conditions prévues par le contrat, retient « qu’il y
avait donc bien […] simple changement des conditions de travail prévue au contrat et
non modification unilatérale de ce dernier » et d’ajouter « qu’en refusant de se rendre au
lieu de travail désigné par l’employeur, et ce de façon réitérée, M. Vandesquille n’a pas
respecté son obligation contractuelle de mobilité inhérente à son engagement et a
commis de ce fait une faute grave ».
Dans l’affaire RUFFIN C/ SARL PHARMACIE BENARD112, elle opte pour une position plus
clémente à l’égard du salarié. En l’espèce l’employeur décide une modification des
horaires de travail. La salariée refuse et est licenciée pour faute grave. La Cour d'appel
de Douai après avoir relevé « qu’il n’est pas établi […] que l’horaire de travail a
constitué […] une condition substantielle l’accord », donc après avoir noté que la
décision de l’employeur ne constituait pas une modification mais bien un changement
des conditions de travail, la Cour d'appel décide que le refus de la salariée constitue une
cause réelle et sérieuse mais pas une faute grave.
La Cour d'appel de Douai relève dans l’arrêt VERHOEST C/ SARL SETRALOG113, « qu’en
refusant l’application de cette clause de mobilité à laquelle elle avait pourtant souscrit
[…] Mme VERHOEST a commis un acte d’indiscipline justifiant le licenciement ».
La Cour d’appel de Douai se montre particulièrement sévère avec le refus du salarié
d’exécuter les consignes de l’employeur, allant la plupart du temps jusqu’à admettre le
licenciement de l’intéressé.
3. refus d’une sanction
Dans l’affaire SARL NORD BROCHAGE PLIAGE C/ G. COULOT114, le salarié fait l’objet
d’une sanction pour état d’ébriété, retards et absences injustifiées. Il conteste alors le
bien fondé de cette fonction. Pour toute réponse l’employeur procède à son licenciement
pour faute grave, les motifs invoqués étant ceux de la précédente sanction. La Cour
d'appel de Douai déclare le licenciement abusif dans la mesure où les faits invoqués par
l’employeur ne sont pas prouvés. On en déduit que le salarié peut refuser une sanction
112 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, F. RUFFIN C/ SARL PHARMACIE BENARD, RG S 94/03074113Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, C. VERHOEST C/ SARL SETRALOG, RG S 94/06960114 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, SARL NORD BROCHAGE PLIAGE C/ G. COULOT, n° 718/98
Page 52
lorsque celle ci n’est pas fondée sans risque de se voir appliquer une nouvelle sanction.
A contrario si la première sanction était justifiée et que le salarié l’a refuse l’employeur
est en droit de lui appliquer une nouvelle sanction. La question se pose de savoir si dans
l’hypothèse où la première sanction ne permettait pas de licencier le salarié l’employeur
acquière le droit de licencier. Il paraît logique que si la faute ne permet pas de licencier
le salarié, la deuxième sanction prise par l’employeur ne saurait être un licenciement.
Cependant on peut aussi penser que l’employeur peut licencier le salarié car en plus de
la faute commise il commet une insubordination en refusant la sanction justifiée. La
jurisprudence ne s’est pas encore prononcé clairement sur ce sujet.
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CHAPITRE 2 : LA QUALIFICATION DE LA
FAUTE
Le juge joue un rôle qu’il ne faut pas négliger en matière de droit disciplinaire. Même si
son rôle ne s’exerce qu’a posteriori, la loi de 1982 a renforcé ce contrôle. Il convient
donc de voir en quoi consiste le contrôle du juge sur la sanction (Section 1) mais aussi
quels sont les éléments qui participent à l’appréciation de la sanction (Section 2).
SECTION 1 LE CONTROLE EXERCE PAR LE JUGE.
L’article L 122-43 du code du travail énonce « en cas de litige, le conseil de
prud’hommes apprécie la régularité de la procédure et si les faits reprochés au salarié
sont de nature à justifier une sanction ». Cet article confie donc au juge le contrôle a
posteriori de la sanction disciplinaire. Selon M. Ardant115 « l’apport essentiel de la loi
du 4 août 1982 réside, peut être, dans l’extension du contrôle juridictionnel du conseil
de prud’hommes ». L’employeur demeure seul juge de l’opportunité de la sanction mais
il voit sa décision contrôlée par le juge. S’il l’estime abusive le juge a la possibilité
d’annuler la décision de l’employeur, sans pour autant pouvoir se substituer à lui pour
prononcer une autre sanction. Toutes les sanctions peuvent faire l’objet d’un contrôle du
juge. Le juge va vérifier que le droit disciplinaire a été respecté. En matière de
licenciement, il va contrôler le respect des règles relatives au licenciement, qui sont
applicables aux licenciements disciplinaires. Avant de s’attarder à la portée du contrôle
du juge, il convient d’étudier l’objet de celui ci.
115 ARDANT (P), les libertés publiques dans l’entreprise. Introduction au débat, Dr. Soc. 1982, p. 428
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§ 1 l’objet du contrôle
En matière de droit disciplinaire, le juge ne possède pas de contrôle a priori, il ne peut
que vérifier a posteriori si les conditions légales sont réunies. Le deuxième alinéa de
l’article L 122-43 du code du travail offre au juge la possibilité d’annuler la sanction
« irrégulière en la forme[1] ou injustifiée[2] ou disproportionnée[3] »
A. Le contrôle de la procédure
Il s’agit d’un contrôle de la régularité formelle de la procédure. Après avoir vérifié
qu’il est bien en présence d’une sanction, et pas seulement une mesure de gestion, le
juge va vérifier si l’employeur a utilisé la procédure correspondant à la sanction. Nous
avons vu précédemment que la procédure va différer selon qu’il s’agit d’une sanction
mineure ou lourde. Dès lors le juge va devoir vérifier que l’employeur a utilisé la
procédure correspondant à la sanction qu’il décide.
Le contrôle de la procédure implique également que le juge vérifie l’application
d’une procédure conventionnelle plus favorable au salarié, qui doit normalement être
contenue dans le règlement intérieur.
Dans l’affaire A. DULEU C/ SA NORD SOLS116, la Cour d'appel de Douai déclare
abusif le licenciement d’un salarié dont la lettre de notification contenait simplement un
rappel de l’entretien préalable sans indiquer précisément de motif. Elle rappelle qu’
« aux termes des dispositions de l’article L 122-14-2 du code du travail, l’employeur est
tenu d’énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement prévue à
l’article L122-14-1 du code du travail ; que le défaut d’énonciation des motifs ou leur
imprécision équivaut à une absence de motif privant le licenciement de cause réelle et
sérieuse ; que peu importe les motifs allégués antérieurement ou au cours de la
procédure ». Elle rappelle ici la position constante de la Cour de cassation en matière de
licenciement.
116 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, A. DULEU C/ SA NORD SOLS, RG S 94/01860
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Dans l’affaire SA INTERMARCHE SENICE C/ M. PORQUET117, c’est la notification
tardive qui est étudiée par les juges. La Cour d'appel de Douai considère que
« l’employeur n’a pu, en l’espèce, procéder valablement au licenciement pour faute plus
de deux mois après l’entretien préalable ». En effet, comme nous l’avons déjà dit
l’employeur doit notifier la sanction au salarié dans le mois qui suit l’entretien
préalable.
Suite à une annulation pour irrégularité se pose la question de savoir si l’employeur
peut régulariser la procédure. La Cour de cassation répond en partie à cette question
dans deux arrêts des 17 et 18 janvier 1995118.
Dans l’arrêt DI MATTIA, le salarié est rétrogradé mais la lettre de notification de la
sanction ne mentionne pas les motifs de la décision et se contente de renvoyer au
contenu de l’entretien préalable. Dans une lettre ultérieure, suite à la demande du
salarié, l’employeur énonce les motifs retenus (L122-41 du code du travail). Les juges
du fond acceptent la régularisation et déclarent la sanction régulière. La Cour de
cassation censure. Elle étend aux procédures disciplinaires les règles applicables au
licenciement. En matière de licenciement la jurisprudence considère que la lettre de
notification fixe les limites du litige. Dès lors que la lettre de notification ne mentionne
pas de motif le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d’ajouter « peu important
les motifs allégués par l’employeur au cours de la procédure de licenciement ou
postérieurement à celle ci »119. En matière de licenciement elle refuse donc toute
régularisation de la forme.
Dans un arrêt du 13 octobre 1988120, la Cour avait rejeté la demande d’annulation
d’une sanction en relevant que la notification mentionnait des faits dont le salarié avait
eu connaissance et qui avait même été reconnu dans une lettre postérieure. On pouvait
donc penser que la Cour adoptait une position moins sévère concernant les procédures
disciplinaires. Cependant l’arrêt DI MATTIA vient remettre en cause cette jurisprudence
117 Cour d'appel de Douai, 27 mars 1998, SA INTERMARCHE SENICE C/ M. PORQUET, RG S 95/03351118 Soc. 17 janvier 1995, G. DI MATTIA C/ STE ALBIZATTI-GBA, et Soc. 18 janvier 1995, HAMMADI C/
STE SOGORAL
119 Soc. 12 janvier 1994, Dr Soc. 1994, 271120 Soc. 13 octobre 1988, Bull. V, n°496
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en étendant les règles relatives au licenciement. Le professeur SAVATIER121 semble
regretter cette extension et il estime que « la raison de douter du bien fondé de
l’extension […]tient à la différence d’objet des litiges consécutifs au défaut de
motivation dans l’un et l’autre cas »122. Le professeur SAVATIER regrette cette extension
dans la mesure où dans le cas du licenciement la régularisation prive le salarié d’un
droit alors que dans le cas de la sanction le salarié ne dispose pas de droit spécifique,
surtout si l’on considère que le juge a la faculté et non l’obligation d’accorder
l’annulation de la sanction.
Pour le professeur SAVATIER, permettre à l’employeur de régulariser n’est que
simplifier les choses, l’employeur n’aura pas à reprendre toute la procédure dont
notamment l’entretien préalable. De plus cette reprise « n’apporterait aucune garantie
supplémentaire au travailleur »123. En effet, contrairement à ce qui se passe pour le
défaut d’entretien préalable où là les droits du salariés ne sont pas respectés, en matière
de défaut de motivation dans la lettre de notification, les droits du salarié ont été
respecté il a eu le droit de se justifier et de se faire assister. Une nouvelle procédure
n’améliorerait pas la situation du salarié.
Dans l’arrêt HAMMADI, le problème de procédure concernait justement le défaut
d’entretien préalable. L’employeur suite à la décision d’annulation de la sanction
reprend une procédure et prononce une rétrogradation dans les formes cette fois. Le
salarié demande à nouveau l’annulation car le délai de prescription est dépassé. Le juge
refuse et déclare la sanction régulière. La Cour de cassation estime que le délai est
dépassé et censure la Cour d’appel. Dans une affaire d’annulation d’une sanction
disproportionnée la Cour de cassation124 avait étendu le délai de un mois prévu à
l’article L 122-44 du code du travail à l’hypothèse dans laquelle l’employeur suite à une
décision d’annulation prononce une autre sanction. Selon cet arrêt, l’employeur dispose
d’un délai de un mois à compter de la décision d’annulation pour prononcer une
nouvelle sanction.
121 SAVATIER (J), la régularisation d’une sanction disciplinaire irrégulière en la forme est-elle possible ?,
Dr. Soc. Avril 1995, p. 349122 idem123 idem124 Soc. 4 février 1993, M. BEL HADJ C/ STE DES LABORATOIRES NICHOLAS, Bull. Civ. V, n°42
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C’était le cas en espèce mais le problème était un peu différent dans le sens où
l’irrégularité commise était l’absence d’entretien préalable. En l’absence d’entretien
préalable le délai n’a jamais été interrompu, car comme nous l’avons dit l’acte
d’engagement des poursuites qui interrompt le délai est la lettre de convocation. S’il n’y
a pas de lettre, il n’y a pas d’engagement des poursuites et le délai court toujours. Même
si l’employeur avait agit dans le délai de un mois à compter de la décision de justice, le
délai étant dépassé la faute du salarié se trouvait éteinte par la prescription. Cette
solution paraît sévère puisque ce ne sont pas les faits qui sont contesté, la Cour ne se
prononce pas sur l’existence du comportement, mais simplement la procédure.
Cependant il ne s’agit pas de n’importe qu’elle irrégularité. Le défaut d’entretien
préalable est sanctionné sévèrement par la Cour car le principe du contradictoire n’est
pas respecté, il y a une atteinte aux droits du salarié.
Le professeur SAVATIER125 envisage une autre hypothèse. Si l’employeur, dans le
délai de 2 mois à compter de la commission des faits fautifs, prononce une autre
sanction régulière que se passe t-il ? Deux hypothèses :
• soit on estime que la 1ère sanction (celle qui est irrégulière) est une mesure
conservatoire, mais cette hypothèse n’est pas très concluante car la seule mesure
conservatoire admise est la mise à pied. Et le juge ne peut pas changer la
qualification donnée par l’employeur à la sanction
• soit on estime qu’en prononçant la 2ème sanction l’employeur rétracte la première
sanction. On peut alors se demander s’il lui faut l’accord du salarié comme pour le
cas d’un licenciement ? Pour le professeur SAVATIER126 l’accord du salarié n’est pas
nécessaire. Dans le cas d’un licenciement la jurisprudence réclame l’accord du
salarié car l’acte juridique que constitue le licenciement crée des droits au profit du
salarié alors que la sanction ne crée pas de droit pour le salarié, sauf celui de
demander l’annulation au juge mais il n’y a pas de réparation possible donc l’accord
du salarié ne semble pas nécessaire.
125 SAVATIER (J), la régularisation d’une sanction disciplinaire irrégulière en la forme est-elle possible ?,
Dr. Soc. Avril 1995, p. 349126 id
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Il convient de remarquer que la faculté du juge de ne pas annuler la sanction
s’exerce principalement ici. Cela se comprend dans la mesure où la sanction est justifiée
et proportionnée à la faute, et sous réserve que le défaut de procédure ne prive pas le
salarié d’un droit. Dans l’affaire SARL VERNISSAGE DU NORD C/ VANCOETSEM127, la
Cour d'appel de Douai, après avoir rappelé que la notification de la sanction ne peut
intervenir moins d’un jour franc après l’entretien préalable relève qu’en l’espèce « la
SARL Vernissage du Nord a notifié à M Vancoetsem sa mise à pied moins d’un jour
franc après l’entretien préalable ; que cependant aucun préjudice résultant du non
respect de la procédure n’étant démontré, ni même allégué, il n’y a pas lieu de
prononcer l’annulation de la sanction pour ce motif ». La Cour d'appel de Douai semble
ici permettre à l’employeur de faire une entorse à la procédure puisque cette entorse ne
porte pas préjudice au salarié. Elle semble subordonner l’annulation pour non respect de
la procédure à l’existence d’un préjudice pour le salarié.
Le non respect de la procédure ou la régularisation d’une sanction irrégulière en la
forme semble donc possible128, sous respect d’effacer les conséquences de la première
sanction et de respecter les formes légales.
Il faut réserver le cas de l’annulation pour le non respect des délai de prescription. Si
l’employeur n’a pas sanctionné le comportement fautif dans le délai de deux mois et que
sa décision est annulée par le juge, il ne lui est pas possible de reprendre la procédure.
B. Le contrôle de la justification de la sanction
Le juge est également amené à vérifier la justification de la sanction. Il devra alors
examiner la réalité des faits invoqués, et la qualification que l’employeur en a donné.
Le juge va ensuite s’assurer que les faits reprochés non pas déjà été sanctionné.
La sanction injustifiée est d’abord une sanction illicite, c’est à dire les sanctions
pécuniaires, discriminatoires, et de la sanction d’une faute prescrite.
C’est ensuite la sanction abusive, soit qu’elle ait été déguisée, soit qu’elle ait ignoré
le barème du règlement intérieur. Le juge va être amené ici à vérifier qu’il n’y a pas un
détournement de pouvoir de la part de l’employeur. Tel serait le cas si l’employeur
127 Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, SARL VERNISSAGE DU NORD C/ VANCOETSEM, RG S
92/04492128 Circ. DRT 5-83 du 15 mars 1983
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sanctionner le salarié pour un motif autre que la faute (par exemple parce que le salarié
est syndicaliste) ou encore si la sanction était prise dans un intérêt autre que celui de
l’entreprise.
Dans l’affaire SA INTERMARCHE SENICE C/ M. PORQUET129, la Cour d'appel de
Douai remet en cause la justification de la qualification de la faute en faute grave dans
la mesure où « en ne sanctionnant pas immédiatement, dès qu’il en a une connaissance
complète, la faute commise par le salarié par une mesure de licenciement, dans le
respect des règles de procédure, l’employeur manifeste qu’il ne tient pas l’agissements
reproché comme présentant le caractère de faute grave ». La Cour d'appel ne statue
même pas sur la gravité de la faute puisqu’en tardant à la sanctionner l’employeur
montre qu’elle ne présente pas le caractère d’une faute grave.
Dans l’affaire J.C REGNER C/ MD PEINTURE130, la Cour d'appel de Douai estime que la
qualification de faute grave n’est pas justifiée puisque l’employeur « n’établit pas que le
maintien de M. REGNER dans l’entreprise pendant la durée du préavis ait été de nature à
compromettre les intérêts de l’employeur compte tenu de la nature des reproches
exprimés ».
Dans l’affaire D. VILAIN C/ SARL MONCOMBLE131, il est reproché à l’employeur de
ne pas établir les griefs par des éléments objectifs. La Cour d'appel de Douai retient que
la lettre de licenciement contient des griefs qui ne peuvent être situés dans le temps, et
qui par conséquent doivent être écartés.
L’absence de justification pour annuler la sanction peut donc recouvrir deux
situations. Soit le juge estime que le comportement du salarié n’est pas fautif, dans ce
cas selon le professeur SAVATIER132, l’employeur ne pourra pas suite à l’annulation
prendre une autre sanction pour les mêmes faits. Soit le juge estime que le
comportement fautif n’est pas établi, dans ce cas selon l’administration133 l’employeur
ne peut pas non plus prononcer une autre sanction pour les mêmes faits.
Le contrôle de la justification ne laisse donc pas de place à une éventuelle
régularisation de la part de l’employeur.
129 Cour d'appel de Douai, 27 mars 1998, SA Intermarché Senice c/ M. Porquet, RG S 95/03351130 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, J.C REGNER C/ MD PEINTURE, RG S 97/00068131 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, D. VILAIN C/ SARL MONCOMBLE, RG S 94/03003132 Savatier (J), Les effets de l’annulation d’une sanction disproportionnée à la faute commise, Dr. Soc.
Mai 1993, p. 429133 Circ. DRT, n°5-83 du 15 mars 1983
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C. Le contrôle de la proportionnalité de la sanction
C’est là la grande innovation de la loi de 1982. Avant cette loi la Cour de cassation avait
admis a de nombreuses reprises que le juge ne pouvait « substituer son appréciation à
celle de l’employeur sur l’opportunité d’infliger une sanction » ou sur « la
proportionnalité de la sanction à la faute »134.
Depuis la loi de 1982 l’article L 122-43 ces arrêts de la Cour de cassation n’ont plus lieu
de s’appliquer. Certes l’employeur conserve l’opportunité des poursuites puisqu’il
décide seul de la sanction à infliger, mais il partage avec le juge l’appréciation de la
gravité de la faute. Pour M. BOUBLI « le juge devient une espèce d’instance disciplinaire
qui est moins un arbitre chargé de trancher un différend entre deux parties en litiges,
comme c’est normalement sa vocation, qu’une autorité appelée à apprécier la décision
d’une autorité inférieur : le juge devient le censeur des décisions patronales »135. Sous le
couvert du contrôle de la proportionnalité, le juge en vient à apprécier l’intérêt de
l’entreprise à la place de l’employeur. Ce contrôle est très difficile car le juge doit se
mettre dans la peau de l’employeur et apprécier l’intérêt de l’entreprise mais en même
temps la Cour de cassation a toujours admis que l’employeur était seul juge de l’intérêt
de l’entreprise.
Dans l’affaire SA LA RUCHE PICARDE C/ VIART136 la Cour d'appel de Douai utilise le
contrôle de la proportionnalité pour déclarer nul le licenciement d’un salarié. Elle
énonce en effet « le fait de consommer une bière […] ne saurait présenter un caractère
de gravité suffisante pour justifier un licenciement ». Autrement dit elle reconnaît qu’il
y a faute mais déclare la sanction trop sévère pour les faits en cause.
Dans l’affaire SA FLANDRES AUTO C/ V. LESAFFRE137, la Cour d'appel de Douai admet
le caractère répréhensible des faits imputable à la salariée mais « l’attitude adoptée par
la salariée le 20 mai 1994 ne peut seule justifier le licenciement ». Ici encore la Cour
admet que le comportement pouvait faire l’objet d’une sanction mais n’allant pas
jusqu’au licenciement.
134 par exemple Soc. 7 mai 1981, Bull. Civ. V, n°331135 BOUBLI (B), Juris-classeur, Exécution du contrat de travail, Droit disciplinaire, fascicule 18-40136 Cour d'appel de Douai, 20 janvier 1997, VIART C/ SA LA RUCHE PICARDE, RG 95/11756137 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SA FLANDRES AUTO C/ LESAFFRE, RG 95/08461
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La question s’est posée de savoir si suite à l’annulation d’une sanction disproportionnée
l’employeur pouvait prendre une nouvelle sanction. Pour le professeur SAVATIER138
l’employeur pourrait prendre une autre sanction au lieu et place de celle annulée par le
juge, cependant « il [l’employeur] devrait exécuter la décision judiciaire en effaçant les
effets de la première sanction, ce qui n’empêcherait pas la seconde sanction de produire
ses effets propres ». On considère que si le juge trouve la sanction disproportionnée
c’est qu’il admet que le comportement du salarié était fautif. Si l’employeur désire alors
prononcer une nouvelle sanction il n’a pas à recommencer toute la procédure, car
l’annulation de la sanction pour disproportion laisse subsister la procédure antérieure139.
L’employeur disposera alors d’un délai de un mois à compter de la décision
d’annulation pour prononcer la nouvelle sanction.
Le fait qu’à la suite d’une annulation l’employeur puisse prendre une nouvelle sanction
pose néanmoins des problèmes. En effet on voit mal l’intérêt que l’employeur peut avoir
à sanctionner un salarié plusieurs années après la commission des faits. Tout le monde
dans l’entreprise a oublié l’incident et de plus si le salarié a eu une conduite
irréprochable pendant le temps de l’instance est ce encore utile de le sanctionner ?
Toujours est il que la Cour de cassation le permet.
§ 2 la portée du contrôle
Avant toutes choses il faut signaler que le juge peut être amené à contrôler la
validité du règlement intérieur. Ce contrôle revient normalement à l’inspecteur du
travail. Cependant le juge peut contrôler les dispositions du règlement intérieur qui
n’ont pas été contrôlées par l’inspecteur du travail. Si le règlement intérieur prévoit une
sanction précise pour un comportement particulier le juge sera amené à contrôler le
règlement et si il estime qu’une disposition est illicite (par exemple s’il prévoit comme
sanction d’une faute légère un licenciement) il peut l’écarter140.
138 SAVATIER (J), précité note 132139 Soc. 4 février 1994, M. BEL HADJ C/ STE DES LABORATOIRES NICHOLAS, Bull. Civ. V, n°42140 Soc. 16 décembre 1992, D. 1993, p. 334, note PRETOT ; D. 1993, p. 267, note JEAMMAUD
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Pour apprécier la validité de la sanction le juge se prononce sur les éléments fournis
par l’employeur et qui ont motivé sa décision. Le salarié présente lui aussi les éléments
de nature à emporter la conviction du juge.
L’article L 122-43 confère au juge un pouvoir d’inquisition en énonçant : « le
conseil des prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, au besoin, toutes les
mesures d’instructions qu’il estime utiles ». Cette disposition vient pallier la difficulté
que rencontrent bon nombre de salariés à savoir trouver des preuves objectives à l’appui
de ses demandes, tous ces éléments se trouvant la plupart du temps dans l’entreprise.
L’article L 122-43 énonce également que si un doute subsiste il profite au salarié,
confirmant que le droit disciplinaire est un droit de protection.
Après s’être forgé sa conviction, le juge peut annuler la sanction irrégulière dans la
forme, injustifiée ou disproportionnée. La décision du juge entraînera une rétroactivité
dans certains cas alors que dans d’autres cas ce ne sera pas possible. En effet, si la
sanction est un licenciement ce sont les règles du droit commun des licenciements qui
s’appliquent donc ni le non respect des formes ni l’absence de cause réelle et sérieuse
n’entraînent la réintégration du salarié. Le salarié ne peut prétendre qu’à des dommages
et intérêts. Une hypothèse permet d’envisager la réintégration c’est le licenciement
prononcé en contradiction avec L 122-45 du code du travail. La Cour de cassation dans
un arrêt du 17 avril 1991141 n’écarte pas la possibilité d’une nullité du licenciement et
conçoit donc une éventuelle réintégration du salarié dans son emploi.
La question se pose également de savoir si le juge peut réviser la sanction. Cela
reviendrait à permettre au juge de se substituer à l’employeur pour prononcer une
sanction mieux adaptée. Cette position est très discutable. En effet, le juge n’est pas
l’arbitre du différend opposant le salarié et l’employeur. Il contrôle le pouvoir
disciplinaire et n’en est pas le titulaire, détenteur. Certains, comme M. BERRA142,
estiment que le juge peut prononcer une annulation partielle et sous ce couvert réviser la
peine. Cependant cette position est condamnée par la Cour de cassation qui prohibe
toute modification de la sanction143. Le juge n’a en effet pas le pouvoir de modifier la
sanction. Il ne peut que se prononcer sur le bien fondé de celle-ci. Il ne lui appartient
pas de substituer à la sanction prise par l’employeur une autre sanction qu’il estime
141 Soc. 17 avril 1991, Bull. Civ. V, n°201142 BERRA (D), Semaine Sociale Lamy, 183, n°174143 Soc. 23 avril 1986, Bull. Civ. V, n° 161
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mieux appropriée. Permettre au juge de choisir une sanction au lieu et place de celle
qu’il annule reviendrait à lui permettre de s’immiscer dans l’entreprise. Le pouvoir
disciplinaire est le corollaire direct du pouvoir de direction de l’employeur, il est donc le
seul à le détenir. La seule hypothèse dans laquelle on admet que le juge se « substitue »
à l’employeur c’est celle dans laquelle l’employeur a prononcé une sanction excédant
les limites fixées par le règlement intérieur. La Cour de cassation144 l’a admis à propos
d’une mise à pied. Le règlement intérieur prévoyait une durée maximale de 1 jour et
demi pour les mises à pied disciplinaires, l’employeur avait quand même prononcé une
mise à pied d’une durée supérieure à cette durée maximale. La Cour de cassation a
admis que le conseil des prud’hommes ramène la durée de la mise à pied à 1 jour et
demi.
SECTION 2 LA PRISE EN COMPTE DE
CIRCONSTANCES PARTICULIERES
Dans la plupart des arrêts de la Cour d'appel de Douai, ce n’est pas tant la faute elle
même qui justifie la décision du juge, que les circonstances qui entourent la faute. La
Cour donne autant d’importance aux faits fautifs qu’aux circonstances. Cela a pour effet
d’accentuer le flou dans lequel on se trouve dans la mesure où parfois on ne sait pas ce
qui motive précisément la Cour. Certaines circonstances vont intervenir en faveur du
salarié (§ 1) alors que d’autres viennent accentuer le caractère fautif de ses actes (§ 2).
Parfois une même circonstance interviendra tantôt en faveur du salarié tantôt en sa
défaveur.
§ 1 Les circonstances atténuantes
Ces circonstances dépendent bien sûr des faits de l’espèce. On peut néanmoins les
classer en trois catégories. Certaines circonstances seront le fait du salarié (A), d’autres
encore seront inhérentes à la faute commise (B). L’employeur, et sa participation dans
les actes fautifs, interviendra également à la décharge du salarié (C).
144 id
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On peut noter cependant que souvent la Cour d'appel de Douai ne tient pas compte que
d’une seule circonstance à la fois, elle utilise plusieurs excuses en même temps, aussi il
est difficile de savoir si une circonstance vaut plus qu’une autre. C’est plutôt un
ensemble de circonstance qui va déterminer la Cour.
A. Tenant au salarié
Concernant le salarié deux circonstances sont principalement prises en compte. Il
apparaît en effet logique de tenir compte de l’ancienneté du salarié pour apprécier son
comportement (1), tout comme l’état psychologique et la personnalité du salarié (2)
vient modifier l’appréciation de la Cour.
1. L’ancienneté
L’ancienneté du salarié est souvent pris en compte par les juges, ainsi que la qualité
du travail fourni par l’intéressé pendant cette période, afin d’écarter la qualification de
faute grave, voire même de dire le licenciement injustifié.
C’est souvent le fait que le salarié soit dans l’entreprise depuis un certain nombre
d’années qui induit l’indulgence de la Cour. On peut cependant imaginer que le fait
pour un salarié d’être depuis peu dans l’entreprise puisse atténuer sa faute dans la
mesure où il ne connaît pas les habitudes de l’entreprise.
Dans l’affaire SA COMPTOIR LILLOIS DE L’AUTOMOBILE contre MME HAQUETTE
épouse GILMANT145, la salariée a été licenciée pour manquement à l’obligation de
discrétion et violation du règlement intérieur qui prévoit cette obligation. L’employeur
qualifie les agissements de la salariée de faute grave. La Cour d'appel de Douai tout en
reconnaissant que la salariée avait manqué à son obligation décide qu’il n’y a pas lieu
de qualifier le comportement de faute grave en ces termes « attendu toutefois que la
salariée avait une ancienneté de près de 15 ans et un passé irréprochable, ce qui rendait
injustifié son congédiement immédiat ». La Cour écarte donc la qualification de faute
grave aux motifs que la salariée a une ancienneté importante et qu’elle n’a jamais
commis de faute auparavant, dès lors il semblait possible qu’elle effectue son préavis.
145 Cour d'appel de Douai,29 mai 1998, SA COMPTOIR LILLOIS DE L’AUTOMOBILE C/ HAQUETTE,
n°672/98
Page 65
Elle en décide de même dans l’affaire SARL FAMOS contre MME PISSON épouse
BENINATO146. Dans cette affaire la salariée est licenciée pour faute grave aux motifs
qu’elle a utilisé le téléphone de l’entreprise à des fins personnelles. La Cour d'appel de
Douai écarte la faute grave en considérant « que compte tenu d’une ancienneté de plus
de trois ans dans l’entreprise, cette utilisation à des fins personnelles […] ne peut
constituer à elle seule une faute grave dès lors que manifestement le maintien de la
salariée dans l’entreprise ne compromettait nullement les intérêts légitimes de
l’employeur ». Ici encore l’ancienneté joue en faveur de la salariée.
Dans l’affaire VANHOVE C/ SA SERIEN147 c’est l’ancienneté, ajoutée à la modicité
des marchandises volées, qui amène la Cour d'appel de Douai à rejeter la qualification
de faute grave, pour lui préférer celle de cause réelle et sérieuse.
Dans l’affaire SA DEBAUCHE C/ KHANFER148, la Cour d'appel de Douai rejette
encore un fois la qualification de faute grave aux motifs que le salarié avait « donné
satisfaction à son employeur pendant 18 années ».
La question se pose de savoir si la Cour d'appel de Douai réclame une durée
minimale d’ancienneté. Il semble que non dans la mesure où cette circonstance est
admise aussi bien quand le salarié a 18 ans d’ancienneté que quand il a trois ans
d’ancienneté. On pourrait éventuellement penser qu’il faut un minimum de deux ans,
délai qui semble être le plus courant en matière d’ancienneté, cependant rien ne vient
corroborer ou réfuter cette hypothèse.
2. La personnalité du salarié
La situation personnelle du salarié est prise en compte par les tribunaux pour
qualifier le comportement du salarié. Ainsi la mauvaise maîtrise du français ou
l’analphabétisme du salarié peut excuser ses écarts de langage ou sa mauvaise
compréhension des consignes. Dans l’arrêt SA DEBAUCHE contre M. KHANFER149 alors
qu’on reproche au salarié de ne pas porter ses lunettes de sécurité alors qu’une note de
service l’imposait aux salariés de l’entreprise la Cour d'appel de Douai nous dit « que
146 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SARL FAMOS C/ PISSION, n°560/98147 Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, J. VANHOVE C/ SA SERIEN, RG S 94/05098148 Cour d'appel de Douai,30 septembre 1994, SA DEBAUCHE C/ KHANFER, RG S 93/09306149 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, précité note 148
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cependant, Mr. KHANFER étant analphabète n’a peut être pas lu ces notes de services ».
La Cour de cassation applique la même solution à un salarié dont la mauvaise maîtrise
du français n’a pas permis à l’intéressé de mesurer la portée exacte du vocabulaire
employé pour répondre aux instructions de son employeur150.
D’autres éléments sont également pris en compte pour apprécier le comportement du
salarié. Ainsi l’état dépressif du salarié peut ôter au comportement du salarié tout
caractère fautif151.
La Cour d'appel de Douai décide que l’état psychologique du salarié doit être pris en
compte dans l’appréciation du comportement. Dans l’affaire SA EXPERTISE GALTIER
contre Mme DEQUIDT152 elle énonce que « la réaction de la salariée, qui pouvait
légitimement être émue par l’annonce de la mise en place d’une procédure de
licenciement avec mise à pied conservatoire […] n’est pas plus constitutive d’une cause
réelle et sérieuse ». Dans cette affaire l’employeur reprochait à la salariée d’avoir
participé à la dégradation du climat qui règne dans un service de l’entreprise et
notamment le fait d’avoir dénié bruyamment être la responsable de certaines rumeurs.
La Cour d'appel de Douai décide que la réaction de la salariée était légitime et qu’elle ne
constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dans l’affaire SA LA BRIQUE PICARDE contre Mme CAFEDE153, la salariée déchire un
cahier de notes personnelles suite à la réception d’une lettre de convocation à un
entretien préalable à un licenciement pour motifs économiques. L’employeur décide
alors de la licencier pour faute grave. La Cour d'appel de Douai décide que « ce
comportement a été concomitant de la remise à la salariée d’une convocation à un
entretien préalable » et dès lors, le cahier en question n’étant pas indispensable à la
bonne marche de l’entreprise, elle décide qu’il n’y a pas de faute grave, ni même de
cause réelle et sérieuse.
Alors qu’elle semble pardonné un geste d’humeur dans l’arrêt précité, la Cour d'appel
de Douai adopte une position plus sévère dans l’arrêt SARL ROCANGE C/ C. BOBB
154puisque après avoir admis que le geste de la salariée était légitime, quitté son poste de
150 Soc. 24 janvier 1989, Bull. Civ. V, n°83151 Soc. 26 janvier 1991, GAUTHIER
152 Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, SA EXPERTISE GALTIER C/ B. DEQUIDT, n°1000/94153 Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, SA LA BRIQUE PICARDE C/ A. CAFEDE, n° 297/99154 Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, SARL Rocange c/ Bobb, RG S 97/06684
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travail suite à une remontrance de son employeur, elle décide que les faits sont
constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dans l’affaire SARL DISTRIBUTION PEINTURE DU NORD C/ KEAN155, l’employeur
reprochait au salarié de lui avoir fait un bras d’honneur. La Cour d'appel de Douai
estime que « ce geste tout à fait blâmable, doit être replacé dans le contexte
d’énervement dans lequel se trouvaient les parties, la mère de M. KEAN venant en effet
d’accoucher d’un enfant trisomique et, dépressive comptant sur la présence de son fils le
soir même pour l’aider ». La Cour d'appel de Douai excuse le geste du salarié par son
état psychologique.
Ainsi même si le comportement du salarié est répréhensible, la Cour d'appel de Douai
admet qu’il n’y a pas de cause réelle et sérieuse. On peut imaginer que si M. KHANFER
avait su lire, la Cour n’aurait pas discuté la sanction de l’employeur. Cette circonstance
s’apprécie au cas par cas. Les faits d’espèce revêtent ici une importance toute
particulière.
B Les circonstances tenant à la faute
Le fait que la faute soit exceptionnelle (1) et qu’elle ne cause qu’un préjudice modeste à
l’entreprise (2) joue bien sûr en faveur du salarié.
1. Le caractère exceptionnel de la faute
Le caractère exceptionnel de la faute, le comportement habituellement irréprochable du
salarié sont très souvent retenus pour atténuer voire excuser la faute. Cette position est
aussi bien celle de la Cour de cassation que celle de la Cour d'appel de Douai. Ainsi la
Cour de cassation a t-elle jugé que le licenciement d’un salarié irréprochable pour une
absence unique et de courte durée était injustifié156.
La Cour d'appel de Douai décide elle aussi que le passé irréprochable du salarié doit être
une cause d’atténuation de la faute. Dans l’affaire SA FLANDRES AUTO contre Mme
LESAFFRE157 l’employeur reprochait à la salariée un comportement emporté envers une
155 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, SARL Distribution Peintures Nord c/ Kean, RG S
93/06804156 Soc. 25 juin 1980, Bull. Civ. V, n° 557
157 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SA Flandres Auto c/ V. Lesaffre, n°1302/00
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collègue de travail et une absence et l’a licencié pour faute grave. La Cour d'appel de
Douai vient dire que « attendu que l’incident non contesté du 20 mai 1994 est certes
répréhensible ; Attendu qu’il est isolé, l’employeur ne prouvant pas que la salariée ait eu
antérieurement le même comportement […] la Cour considère au vu de ces éléments
que l’attitude adoptée par la salariée […] ne peut seule justifier le licenciement ». La
Cour d'appel de Douai admet le caractère répréhensible de la faute mais décide que dans
la mesure où l’incident est isolé il ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de
licenciement. Elle use ici de son contrôle sur la proportionnalité de la sanction par
rapport à la faute commise. Il y a certes eu une faute de la part de la salariée, cette faute
méritait sans doute une sanction mais le licenciement n’est pas la sanction appropriée.
Dans l’affaire SA COMPTOIR LILLOIS DE L’AUTOMOBILE158 elle utilise conjointement
l’ancienneté du salarié et son passé irréprochable pour déclarer que le licenciement se
fonde sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave.
Dans l’affaire COQUEMPOT C/ SA SITRA FRANCE159, la Cour d'appel de Douai rejette la
qualification de faute grave à propos du licenciement d’un salarié ayant endommagé la
moitié d’un chargement, aux motifs qu’aucun document ne constate le caractère
habituel de ce comportement.
2. La faible importance du préjudice
Pour la Cour de cassation la gravité de la faute commise n’est pas proportionnelle au
préjudice qui en résulte pour l’employeur. Elle est même tout à fait indépendante de
l’existence d’un préjudice160. Toutefois dans de nombreux cas l’importance du préjudice
subi par l’entreprise est retenue comme circonstance atténuante ou aggravante selon les
cas. Dans l’affaire M. VANHOVE contre SA SERIEN161, la Cour d'appel de Douai en fait
une application. Dans cette espèce M. VANHOVE est licencié pour faute grave pour avoir
emporter un sac de chaux appartenant à l’entreprise sans l’autorisation de son
employeur. La Cour d'appel de Douai décide « attendu cependant que compte tenu […]
de la modicité du prix du sac (25 francs) la Cour estime que […] le licenciement n’est
pas fondé sur une faute grave mais présente une cause réelle et sérieuse ». Bien que
158 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, SA Comptoir Lillois de l’Automobile c/ Haquette, n°672/98159 Cour d’appel de Douai, 30 juin 1999, COQUEMPOT C/ SA SITRA FRANCE, n°RG S 94/07548160 Soc. 13 janvier 1988, Bull. Civ. V, n°28161 Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, VANHOVE C/ SA SERIEN, n° 257-98
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normalement le montant du préjudice n’a pas de conséquence sur la faute elle écarte la
faute grave au profit d’une faute sérieuse. Il est à noter que cette affaire elle prend
également en compte l’ancienneté du salarié.
Dans l’affaire SARL FAMOS contre Mme. BENINATO162, c’est la courte durée des
communications et de la période d’utilisation personnelle du téléphone, ainsi que
l’ancienneté, qui lui fait écarter la faute grave. Elle énonce en effet « le maintien de la
salariée dans l’entreprise ne compromettait nullement les intérêts légitimes de
l’employeur […] dès lors que l’essentiel des communications est de courte durée ».
Dans l’affaire SA LA BRIQUE PICARDE contre Mme CAFEDE163 la salariée, en apprenant
qu’elle va faire l’objet d’une mesure de licenciement pour motifs économiques, refuse
de rendre le cahier des modifications des procédures informatiques malgré la demande
de son supérieur hiérarchique. Elle déchire les pages écrites par elle et rend le cahier à
son supérieur. L’employeur décide alors de la licencier pour faute grave estimant que ce
cahier était très précieux pour l’entreprise. La Cour d'appel de Douai décide que les
éléments versés au débat révèlent « que ces notes étaient prises par celle ci [la salariée]
et qu’elles n’étaient pas nécessaires au bon fonctionnement du service ». La Cour rejette
alors la faute grave et même la cause réelle et sérieuse. Elle semble estimer que dans la
mesure où ce cahier n’était pas nécessaire à l’entreprise sa destruction partielle ne cause
pas un préjudice important pour la société et dès lors il n’y a pas lieu de retenir une
quelconque faute de la part de la salariée.
Dans l’affaire SARL TUTRICE AUTO SPORT C/ V. MARTINEZ164, la salariée avait fait
faire sa vidange par l’entreprise et acheté des pièces détachées pour son compte
personnel. La Cour d'appel rejette la qualification de cause réelle et sérieuse aux motifs
« que l’objet de l’erreur relevée est par ailleurs de faible importance ; […] qu’une
sanction de licenciement est disproportionnée ». Elle utilise ici le contrôle de la
proportionnalité pour rejeter la cause réelle et sérieuse.
162 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SARL FAMOS C/ PISSION, n°560/98163 Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, SA LA BRIQUE PICARDE C/ A. CAFEDE, n° 297/99164 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SARL TUTRICE AUTO SPORT C/ V. MARTINEZ, RG
99/00914
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C. Les circonstances tenant à l’employeur
Les circonstances tenant à l’employeur sont systématiquement des circonstances
atténuantes. En effet, le fait que l’employeur tolère certains comportements ou que ces
comportements soient une pratique courante dans l’entreprise (1) ne peut qu’intervenir
en faveur du salarié. De même si l’employeur a une quelconque responsabilité (2) dans
la faute commise il est logique d’en tenir compte pour alléger la faute du salarié.
1. Une pratique habituelle dans l’entreprise ou la profession
Lorsqu’une pratique est suivie dans l’entreprise avec constance, généralité, fixité elle
acquiert la valeur d’un usage. Dès lors tant qu’elle n’est pas dénoncée l’employeur ne
saurait reprocher au salarié son comportement.
La Cour de cassation nous en donne une illustration à propos du licenciement d’un
ouvrier-pâtissier qui avait pris un paquet de crêpes sur le présentoir du magasin, alors
qu’il est habituel dans les boulangeries que les salariés consomment des denrées
pendant leurs heures de travail165.
Dans l’affaire M. VANHOVE c/ SA SERIEN166 la Cour d’appel de Douai énonce « que
c’est en se prévalant de cet ancien usage, que le salarié avait pris un sac de chaux ;
attendu cependant que le nouvel employeur n’est nullement lié par cet usage et peut, en
vertu de son pouvoir général de direction, y mettre fin ». C’est parce que le nouvel
employeur n’est pas tenu par l’usage que la Cour d'appel n’admet pas cette circonstance.
Mais si il n’y avait pas eu un changement d’employeur, on peut penser que la Cour
aurait admis la contestation de la sanction.
De même l’ambiance dans l’entreprise semble venir atténuer la faute du salarié. La
Cour de cassation semble prendre en considération le niveau socioculturel des salariés et
l’ambiance dans l’entreprise pour apprécier la faute du salarié. Elle décide ainsi que
donner une gifle à un collègue, même investi de responsabilité, dans une entreprise où le
personnel ne possède pas une qualification élevée ne constitue pas une faute grave, ni
même une cause réelle et sérieuse de licenciement167.
165 Soc. 21 décembre 1989, SELLIN C/DERRIENNIC
166 Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, VANHOVE C/ SA SERIEN, n° 257-98167 Soc. 7 janvier 1988, STE ROUSSELOT C/ TARIS
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2. La responsabilité de l’employeur dans la faute commise
Les juges tiennent souvent compte des faits qui sont à l’origine de la faute, et
notamment du propre comportement ou des carences de l’employeur. Ainsi on va
prendre en compte les mauvaises conditions de travail pour excuser le comportement du
salarié, ou du mauvais état du matériel. De même si l’employeur a une attitude
provocatrice à l’égard du salarié le comportement du salarié pourra être en partie
excusée.
Dans l’affaire R. LEBRUN C/ SARL MIROITERIES DUBRULLE168, la Cour d'appel de
Douai ne tient pas responsable le salarié d’une dispute avec un supérieur dans la mesure
où ce supérieur a saisi le salarié par le bras. A partir du moment où l’employeur ou son
représentant s’en prend à un salarié, on ne peut plus reprocher au salarié la rixe qui s’en
suit.
Dans l’affaire MEDO C/ FOULON169, la Cour d'appel de Douai déclare légitime le refus de
travailler d’un salarié dès lors que l’employeur ne lui versait plus son salaire. On en
déduit que si l’employeur a une part de responsabilité dans la faute, cela a pour effet
d’atténuer, voir comme dans l’espèce d’ôter, le caractère fautif.
On pense également ici au manque de formation. L’employeur ne saurait reprocher la
mauvaise exécution du contrat ou des erreurs dans le travail si le salarié n’a pas été
suffisant formé.
Dans l’affaire SANTOS C/ SA CARRIERES RIGAIL170, la Cour d'appel de Douai refuse
également de qualifier de faute grave le coup de poing donné par un salarié à son
supérieur, aux motifs que l’employeur a contribué « pour partie à la commission des
faits ». Elle admet cependant le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Ensuite la tolérance de l’employeur envers le comportement du salarié l’empêche de
sanctionner gravement ce comportement. L’employeur perd le droit d’invoquer comme
motif de licenciement des faits qu’il a tolérés et qui n’ont fait l’objet d’aucun
avertissement. La Cour de cassation nous en donne une illustration dans un arrêt où le
salarié avait été licencié pour faute grave aux motifs de son intempérance. La Cour de
168 Cour d'appel de Douai, 21 décembre 2001, R. LEBRUN C/ SARL MIROITERIES DUBRULLE, n°1546-01169 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, F. MEDO C/ G. FOULON, n°a-1192170 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, M. SANTOS C/ SA CARRIERES RIGAIL, n°603/94
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cassation rejette la qualification de faute grave car cette intempérance avait été tolérée
pendant de nombreuses années171.
Certaines circonstances peuvent donc atténuer la faute, voir ôter tout caractère fautif au
comportement du salarié. A l’inverse certaines circonstances peuvent entraîner une plus
grande sévérité de la Cour.
§ 2 les circonstances aggravantes
D’abord la situation du salarié va entrer en ligne de compte pour apprécier le
comportement fautif qui lui est reproché (A). De même les circonstances de fait
entourant la commission de l’acte fautif sont également importantes pour l’appréciation
de ce comportement (B).
A. Tenant au salarié
Tout comme elle peut jouer en faveur du salarié, l’ancienneté peut constituer une
circonstance aggravante dans la mesure où l’employeur est en droit d’attendre une
meilleure connaissance des règles de discipline de la part d’un salarié qui est dans
l’entreprise depuis plusieurs années (1). De même il est en droit d’attendre des cadres
ou responsables qu’ils montrent l’exemple (2). Enfin le salarié qui, intentionnellement,
tente de nuire à l’employeur mérite lui aussi d’être sanctionné plus sévèrement (3).
1. L’ancienneté
Tout comme elle peut être une circonstance aggravante, l’ancienneté du salarié peut
également être une circonstance qui fait que l’on va juger plus sévèrement le
comportement du salarié. Les juges considèrent que l’ancienneté rend inadmissible le
manquement du salarié. Dans un arrêt la Cour de cassation décide en effet que
l’ancienneté d’un salarié, étant licencié pour avoir pris sans autorisation une plaque
d’acier appartenant à l’entreprise, lui permettait de connaître parfaitement le caractère
illicite de son comportement172. De même elle estime que le fait de ne pas arrimer le
171 Soc. 27 septembre 1984, Juri-Social 1984, S.J. 234172 Soc. 4 octobre 1989, ROSE C/ TIMKEN
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conteneur au véhicule constitue une faute lourde de la part d’un salarié ayant une
ancienneté de 20 ans.
2. La position hiérarchique
Plus la position hiérarchique du salarié est élevée plus la faute sera sévèrement
appréciée. Les juges considèrent en effet qu’un salarié occupant une position
hiérarchique élevée doit montrer l’exemple aux salariés placés sous ses ordres. Ainsi un
comportement fautif ne constituera pas une cause réelle et sérieuse pour un employé
alors qu’il sera un motif de licenciement pour un cadre. La Cour de cassation se montre
extrêmement sévère à l’égard des responsables. Ainsi la faute lourde a été retenue par la
Cour de cassation à l’encontre d’un chef d’escale d’une compagnie aérienne qui a
dérobé un colis, les juges ayant considéré ce fait comme un grave manquement à
l’obligation de probité, particulièrement indigne d’un cadre173.
Dans l’affaire LECAT C/ SA PPG174, la qualité de chef d’équipe vient aggraver la
faute qui consistait à fumer en dehors des temps de pause. La Cour d'appel de Douai
énonce en effet « son comportement est contraire aux missions du chef d’équipe, le
mettant dans l’impossibilité de faire respecter le règlement intérieur et les règles de
discipline générale par son équipe ». La Cour d'appel de Douai retient cette
circonstance, ainsi que le fait que le salarié avait déjà été averti que son comportement
était contraire au règlement intérieur, pour accueillir la qualification de cause réelle et
sérieuse.
Dans l’affaire STE MALBRANQUE C/ G. GARDONIO175, la Cour d'appel de Douai
prend également en compte la qualité de cadre en ces termes « en sa qualité de cadre, sa
position de responsable des approvisionnements en qui la direction pouvait et devait
légitimement avoir placé sa confiance, [il] ne pouvait accepter et aider activement son
supérieur hiérarchique à nuire aux intérêts de l’entreprise en connaissance de cause ».
Ici c’est le fait que le salarié était cadre et que du fait de sa participation à des
détournements l’employeur ne peut plus avoir une confiance légitime dans le salarié qui
est étudiée. Pour la Cour d'appel le fait que le salarié soit cadre implique une confiance
particulière entre le salarié et l’employeur.
173 Soc. 22 juillet 1986, BORRIGLIONE C/ AIR AZUR
174 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, LECAT C/ SA PPG Industries, n° 559-98175 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, STE MALBRANQUE C/ G. GARDONIO, n° 631/94
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Dans l’affaire O.P. GLEBIOWSKI C/ SA COURRIERES176, la Cour d'appel de Douai
retient la qualification de faute grave en raison des responsabilités du salarié « compte
tenu des fonctions exercées par M. Glebiowski au sein de l’entreprise, cet acte
d’insubordination est d’une gravité telle qu’il autorise la rupture immédiate du contrat
de travail ». L’insubordination est appréciée plus sévèrement lorsqu’elle émane d’un
cadre. Encore une fois les cadres sont censés montrer l’exemple et se plier, plus que les
autres à la discipline. Il est vrai qu’un cadre qui ne respecte pas lui même la discipline
ne peut plus la faire respecter par les salariés sous ses ordres.
3. L’intention frauduleuse
Il s’agit en outre de l’élément qui caractérise la faute lourde du salarié.
Une faute peut être grave sans procéder nécessairement d’une intention de nuire,
c’est encore ce qui différencie la faute disciplinaire de la faute civile. Mais a contrario
l’intention malveillante du salarié renforce nécessairement la gravité de la faute.
En présence de l’intention de nuire du salarié, l’employeur peut prononcer la
sanction la plus importante à savoir le licenciement pour faute lourde, privatif de toute
indemnité et non plus seulement des indemnités de rupture.
A l’inverse l’absence d’intention malveillante peut atténuer la gravité de la faute.
Dans l’affaire SARL TUTRICE AUTO SPORT C/ V. MARTINEZ177, la Cour d'appel de
Douai rejette la qualification de faute grave aux motifs « qu’il ne ressort pas du contenu
de ces pièces que Mme Martinez ait agit avec une intention frauduleuse ». Pourtant les
faits dans cette espèce étaient tendancieux. La salarié avait effectué une commande de
pièces détachées à des fins personnelles mais facturée à l’entreprise et avait fait faire la
vidange de son véhicule personnel. On l’a vu la Cour d'appel de Douai se montre
souvent moins indulgente en ce qui concerne l’utilisation personnelle des biens de
l’entreprise. On peut penser que c’est ici la faible importance du préjudice qui la décide
à rejeter le licenciement. La Cour de cassation opte pour la même position quand elle
décide que le fait pour un caissier d’avoir dissimulé pendant près de 15 jours un
excédent de caisse important ne constitue pas une faute grave dans la mesure où
l’employeur reconnaît l’absence d’intention malveillante178.
176 Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, O.P.GLEBIOWSKI C/ SA CORA COURRIERES, n°A-270177 Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, précité note 157178 Soc. 20 juillet 1989, STE RITZ HOTEL C/ L.
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B. Tenant à la faute
Ici encore on va retrouver des éléments qui peuvent être pris en compte pour
atténuer la faute. Trois circonstances sont principalement pris en compte par la Cour
d'appel de Douai. La présence de témoins (1) va se révéler une circonstance aggravante
dans la mesure où elle risque de porter préjudice à l’entreprise. De même l’importance
du préjudice joue en défaveur du salarié (2) tout comme le caractère répété de la faute
(3). Cependant nous verrons que ce n’est pas tant le comportement, même répété qui est
sanctionné, mais plus l’insubordination qui découle de la répétition.
1. La présence de témoins
Le fait que la faute soit commise en présence de témoins constitue toujours une
circonstance aggravante. La Cour de cassation décide ainsi que le fait pour un salarié de
s’enivrer pendant son travail au cours d’une réunion organisée par un client constitue
une faute grave179.
La Cour d'appel de Douai, dans l’affaire RESTAURANT LE CLUB C/ ALLARD180, prend
en compte la présence de client pour déclarer les insultes racistes envers une autre
salariée constitutives d’une faute grave. On imagine bien cependant que même sans la
présence des clients les insultes racistes constituent une faute grave dans la mesure où il
n’est plus possible pour les salariés de travailler ensemble.
De même dans l’affaire RESTAURANT « AUX DEUX MAGOTS » C/ MORONVAL181, la
Cour d'appel de Douai retient la faute grave, alors que le CPH avait retenu la cause
réelle et sérieuse, aux motifs que l’insubordination de la salariée s’était produite devant
la clientèle.
2. L’importance du préjudice
Comme nous l’avons dit la gravité de la faute n’est pas proportionnelle au préjudice
subi par l’entreprise. Cependant tout comme la faible importance du préjudice peut
179 Soc. 15 mars 1985, Bull. Civ. V, n°150180 Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, M. CLEMENT EXERÇANT SOUS L’ENSEIGNE LE RESTAURANT LE
CLUB C/ V. ALLARD, n°480/98181 Cour d'appel de Douai, 30 juin 1999, RESTAURANT « AUX DEUX MAGOTS » C/ MORONVAL, n°RG S
98/04093
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atténuer la gravité de la faute, l’importance du préjudice peut constituer une
circonstance atténuante.
Dans l’affaire LABORATOIRE D’ANALYSES MEDICALES VANDEVILLE C/ C.
HAQUETTE182, la Cour d'appel de Douai admet la faute lourde à l’encontre d’une salariée
ayant détourné des fonds de l’entreprise sans doute aux motifs que la somme détournée
avoisinait les 100 000 francs.
La Cour de cassation opte pour la même position concernant les négligences
professionnelles qui entraînent un préjudice grave pour l’entreprise183 ou encore pour le
non respect des consignes de sécurité entraînant un accident du travail184.
3. le caractère répété de la faute
Dans de nombreux arrêts la Cour d'appel de Douai prend en compte le fait que le salarié
avait déjà fait l’objet de remarques ou d’avertissements antérieurs pour apprécier la
sanction litigieuse. Bien souvent un comportement qui serait exceptionnel ne pourrait
justifier un licenciement mais si le salarié persiste dans son comportement c’est comme
si l’employeur acquière le droit de licencier. Cependant une question se pose c’est celle
de savoir si ce qui sanctionné c’est le comportement répété ou si c’est l’insubordination
dont fait preuve le salarié en refusant les consignes de l’employeur. Dans les arrêts de la
Cour d'appel de Douai on a souvent l’impression que c’est l’insubordination qui prend
le dessus sur le comportement fautif initial.
Dans l’arrêt ASSOCIATION MONS TENNIS CLUB C/ MOERMAN185, la Cour d'appel de
Douai prend en compte le fait que la consommation d’alcool de la part du salarié était
régulière.
Dans le cas d’une sanction pour absence la répétition de la faute va permettre à
l’employeur de prononcer la sanction ultime, le licenciement.
182 Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, précité note 43183 Soc. 17 mai 1977, Bull. Civ. V, n°323184 Soc. 15 novembre 1979, Bull. Civ. V, n°858185 Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, Association Mons Tennis Club c/ Moerman, RG S 94/04343
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TABLE DE JURISPRUDENCE
1. Cour d’appel de Douai, chambre sociale
Interdiction d’introduire de l’alcool dans les locaux / Etat d’ébriété
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SA BECK CRESPEL c/ HORVATH, RG S
95/03827
Ø Cour d'appel de Douai, 12 décembre 1999, SARL BLANCHET C/ P. DEMADE, RG
S 94/10351
Ø Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, SA LES HYPERMARCHES DE PICARDIE
VENANT AUX DROITS DE L’HYPERMARCHE « LA RUCHE PICARDE » C/ A.
TIERTANT – ASSEDIC DU PAS DE CALAIS, RG S 94/07363
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, S.E.R.P C/ BOURGAIN, RG S 94/02360
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, ASSOCIATION MONS TENNIS CLUB C/ A.
MOERMAN, RG S 94/04343
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, LECAT C/ SA PPG Industries, RG S
95/06326
Non respect des règles d’hygiène et sécurité
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SNC PRODIM C/ R. BOUTELEUX, RG S
97/04435
Ø Cour d'appel de Douai, 29 janvier 1999, MITUB C/ WAS, RG S 94/07466
Non respect des directives internes
Ø Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, SA FOTO NEWS C/ S. PROVENCE, RG S
94/04928
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA EUROMARCHE C/ I. MOREL, RG S
93/07929
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA BEFRAM INTERMARCHE C/ DEUDON,
RG S 92/02318
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, P. WATTRELOS C/ SARL SERVITEX,
93/11266
Page 78
Ø Cour d'appel de Douai 26 septembre 1997, M. DUTHOIT C/ SARL LECOCQ, RG S
94/00835
Ø Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, SA SODENA C/ A. LEFEBVRE, RG S
92/07113
Les violences et insultes
Ø Cour d'appel de Douai, 14 octobre 1994, J. SERRA C/ SA CENDRY, RG S
91/08783
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SA PRESSE NORD C/ C. NOGENT, RG S
92/03939
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, J.P AERNOUDTS C/ STE EXPERTISE
DIFFUSION RG S 93/11163
Ø Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SA FLANDRES AUTO C/ V.
LESAFFRE, RG S 95/08461
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, SARL DISTRIBUTION PEINTURE DU
NORD C/ KEAN, RG S 93/06804
Ø Cour d'appel de Douai, 21 décembre 2001, R. LEBRUN C/ SARL MIROITERIES
DUBRULLE, RG 99/02598
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, M. SANTOS C/ SA CARRIERES RIGAIL,
9202082
Ø Cour d'appel de Douai, 14 janvier 1994, PLANTEFEVE LEFAUX C/ AFDPED LES
PAPILLONS BLANCS, RG S 5-92/09129
Ø Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, SARL CLOIN C/ G. PETIT, RG S
93/08091
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, M. CLEMENT EXERÇANT SOUS L’ENSEIGNE LE
RESTAURANT LE CLUB C/ V. ALLARD, RG S 97/04438
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1999, SARL DAVOINE FRERES C/ R.
THERMONE, RG S 94-06879 et S 94/05662
Les agissements déloyaux
Ø Cour d'appel de Douai, 30 avril 1998, SA RESITHENE C/ B. GUETTE, RG S
95/07083
Ø Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, A. DURIEZ C/ SA MONTECOLINO, RG S
95/10097
Page 79
Ø Cour d'appel de Douai, 28 mai 1999, G. LESUR C/ BANQUE SCALBERT DUPONT,
RG S 95/03861
Ø Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SARL LE MOLITOR C/ A. ROLLANT,
RG S 99/03035
Le dénigrement
Ø Cour d'appel de Douai, 28 octobre 1994, J. YSARD C/ ME DARROUSEZ,
LIQUIDATEUR DE LA SA SOGREPRINT-ASSEDIC DU PAS DE CALAIS, RG S
92/02181
Ø Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, M. JOUENNE C/. ETS DESPATURES, RG S
95/09956
Ø Cour d'appel de Douai,29 mai 1998, SA COMPTOIR LILLOIS DE L’AUTOMOBILE
C/ HAQUETTE, RG S 94/02066
Ø Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, SA GREEN FOREST C/ M. SCHUTT,
RG S 92/03024
Les vols, détournements et destructions de matériel
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, M.C. HELINCK C/ M. GRASSET, RG S
93/01542
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, STE MALBRANQUE C/ G. GARDONIO,
RG S 94/01275
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, LABORATOIRE D’ANALYSES
MEDICALES VANDEVILLE C/ C. HAQUETTE, RG S 93/01619
Ø Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, COMPTOIR LAINES A MATELAS C/ J.
GONCALVES, RG S 92/01078
Ø Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, SNC TRANSPORTS WILLE C/ PAUWELS,
RG S 95/11672
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SARL FAMOS C/ PISSION, RG S 96/03290
Ø Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, VANHOVE C/ SA SERIEN, RG S
94/05098
Ø Cour d'appel de Douai, 31 mars 1999, SA LA BRIQUE PICARDE C/ A. CAFEDE, RG
S 94/06962
Ø Cour d’appel de Douai, 30 juin 1999, Coquempot c/ SA Sitra France, n°RG S
94/07548
Page 80
Ø Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, SARL Tutrice Auto Sport c/ V.
Martinez, RG 99/00914
Absences et retards
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1994, SARL DESSENNE FRERES ET SŒURS
TEXTILES C/ C. GELLF, RG S 93/07444
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, S. DESCAMPS C/ « LA XAVIERE »
ROUFFLELAERS, RG S 93/12069
Ø Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, SARL OVO SERVICES C/ C.
VERCRUYSSE, RG S 92/06539
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, C. BYKOFF C/ SA NORTENE
TECHNOLOGIES, RG S 94/03255
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, D. MORVAN C/ STE MUTUELLE
D’ASSURANCE DES COLLECTIVITES LOCALES ET ASSOCIATIONS, RG S 94/01825
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, MANOIR IDUSTRIES C/ A. DACHICOURT, RG
S 94/0017
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, F. DELLAL C./ SCP GASNIER-GOSSART-
COPIN-PARENT, RG S 94/04571
Ø Cour d'appel de Douai, 27 octobre 2000, B. DESROUSSEAUX C/ ME MARTIN
MANDATAIRE LIQUIDATEUR DE LA SA GEHO INDUSTRIE LSI NORD, RG
95/01274
Ø Cour d'appel de Douai, 30 mars 2001, ASSOCIATION V.I.S.A C/ M.S RAISON, RG
00/01744
Ø Cour d'appel de Douai, 21 décembre 2001, J.C CARREIN C/ SA SEVEL NORD, RG
98/08234
L’abandon de poste
Ø Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, ME DUQUESNOY MANDATAIRE
LIQUIDATEUR DE LA SARL ROCANGE C/ C. BOBB, RG S 97/06684
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, R. DEGEZELLE C/ F. DELEMARLE, RG S
94/01855
Page 81
Le non respect des dates de congés
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, SARL CADENCE C/ R POTIER, RG S
97/04401
Le refus de travailler
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, M. KOLODZIECJACK C/ SARL INITIATIVES
ET CROISSANCE, RG S 94/01708
Ø Cour d'appel de Douai, 22 septembre 2000, F. MEDO C/ G. FOULON, RG
98/02766
Le refus d’exécuter un ordre
Ø Cour d'appel de Douai, 15 mai 1992, LEVOYE C/ SA DANCOINE ET FILS, RG S
4256/91
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, DI MALTA C/ SARL SETRADIS, RG S
92/02777
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, SA BELMART C/ G. BOULOIS, RG S
94/0031
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, F. SAINT GUILHEM C/ STE ROQUETTE
FRERES, RG S 96/09782
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1999, SARL PROTECTION CANINE C/ C.
HAENTJENS, RG S 96/03029
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, D. VANDESQUILLE C/ SA INTERNATIONAL
MOQUETTE DISTRIBUTION, RG S 94/03070
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, F. RUFFIN C/ SARL PHARMACIE BENARD,
RG S 94/03074
Ø Cour d'appel de Douai, 29 octobre 1999, C. VERHOEST C/ SARL SETRALOG, RG
S 94/06960
Ø Cour d'appel de Douai, 30 septembre 1994, SA Debauche c/ S. Khanfer, RG S
93/09306
Ø Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, SA expertise Galtier c/ B. Dequidt,
RG S 92/03587
Ø Cour d'appel de Douai, 20 février 1998, O.P.Glebiowski c/ SA Cora Courrières,
RG S 94/04931
Page 82
Ø Cour d'appel de Douai, 30 juin 1999, RESTAURANT « AUX DEUX MAGOTS » C/
MORONVAL, n°RG S 98/04093
Ø Cour d'appel de Douai, 30 novembre 1994, G. DELEMAERE C/ OFFICE NOTARIAL
RYSSEN ET BLONDEL, RG S 93/06195
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, SAVIN C/ SA PASTELLA, RG S 97/00067
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mars 2002, R. DARQUES C/ SA TAPISIF, RG R
96/07492
Ø Cour d'appel de Douai, 31 mai 2002, J.P.LOEUIL C/ SA AQUA COUP INDUSTRIE,
RG R 97/02965
Le refus de la sanction
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, SARL NORD BROCHAGE PLIAGE C/ G.
COULOT, RG S 94/07815
Le non respect de la procédure
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, A. DULEU C/ SA NORD SOLS, RG S
94/01860
Ø Cour d'appel de Douai, 27 mars 1998, SA INTERMARCHE SENICE C/ M.
PORQUET, RG S 95/03351
Ø Cour d'appel de Douai, 16 décembre 1994, SARL VERNISSAGE DU NORD C/
VANCOETSEM, RG S 92/04492
La justification de la sanction
Ø Cour d'appel de Douai, 29 mai 1998, J.C REGNER C/ MD PEINTURE, RG S
97/00068
Ø Cour d'appel de Douai, 6 mai 1998, D. VILAIN C/ SARL MONCOMBLE, RG S
94/03003
La proportionnalité de la sanction
Ø Cour d'appel de Douai, 20 janvier 1997, VIART C/ SA LA RUCHE PICARDE, RG
95/11756
Page 83
2. Cour de cassation
Ø Ass. Plén. 19 mai 1988, D. 1988, 513
Chambre sociale
Ø Soc. 19 avril 1963, Bull. Civ. V, n°326
Ø Soc. 31 mai 1967, Bull. civ. IV, n° 431
Ø Soc. 17 mai 1977, Bull. Civ. V, n°323
Ø Soc. 15 novembre 1979, Bull. Civ. V, n°858
Ø Soc. 25 juin 1980, Bull. Civ. V, n° 557
Ø Soc. 7 mai 1981, Bull. Civ. V, n°331
Ø Soc. 12 janvier 1983, D. 1983, 227
Ø Soc. 27 septembre 1984, Juri-Social 1984, S.J. 234
Ø Soc. 27 janvier 1985, CORNUT C/ GREGOIRE
Ø Soc. 15 mars 1985, Bull. Civ. V, n°150
Ø Soc. 23 avril 1986, Bull. Civ. V, n° 161
Ø Soc. 22 juillet 1986, Borriglione c/ Air Azur
Ø Soc. 22 juillet 1986, Sté française des Nouvelles Galeries réunies c/ Mme Jorand
Ø Soc. 16 décembre 1986, Bull. n° 489, p. 590
Ø Soc. 7 janvier 1988, Sté Rousselot c/ Taris
Ø Soc. 13 janvier 1988, Bull. Civ. V, n°28
Ø Soc. 24 mars 1988, Bull. Civ. V, n°203
Ø Soc. 16 juin 1988, Bull. Civ. V, n°367
Ø Soc. 13 octobre 1988, Bull. V, n°496
Ø Soc. 10 novembre 1988, n°86-43.014, Bull. Civ. V, n°587
Ø Soc. 1er décembre 1988 non publié mais cité dans Dr. Soc. 1990, p. 107
Ø Soc. 24 janvier 1989, Bull. Civ. V, n°83
Ø Soc. 20 juillet 1989, STÉ RITZ HÔTEL C/ L.
Ø Soc. 4 octobre 1989, ROSE C/ TIMKEN
Ø Soc. 21 décembre 1989, SELLIN C/DERRIENNIC
Ø Soc. 6 décembre 1990, n°4485 D Temboury c/ Camus
Ø Soc. 26 janvier 1991, GAUTHIER
Ø Soc. 20 février 1991, n°90-41.119, Bull. Civ. V, n°83
Ø Soc. 17 avril 1991, Bull. Civ. V, n°201
Page 84
Ø soc. 22 janvier 1992, n°88-43.050, Bull. Civ. V, n° 27
Ø Soc. 22 janvier 1992, Bull. Civ. V, n°30
Ø Soc. 8 juillet 1992, n° 89-42.563, Bull. Civ. V, n° 445
Ø Soc. 16 décembre 1992, D. 1993, p. 334, note PRETOT ; D. 1993, p. 267, note
JEAMMAUD
Ø Soc. 4 février 1993, M. Bel Hadj c/ Sté Des Laboratoires Nicholas, Bull. Civ. V,
n°42
Ø Soc. 12 janvier 1994, Dr Soc. 1994, 271
Ø Soc. 17 janvier 1995, G. Di Mattia c/ Sté Albizatti-GBA,
Ø Soc. 18 janvier 1995, HAMMADI C/ STE SOGORAL
Ø Soc. 18 janvier 1995, n°90-42.087, Bull. Civ. v, n°28
Ø Soc. 1er février 1995, Bull. Civ. V, n°45
Ø Soc. 16 décembre 1995, Bull. Civ. V, n°441
Ø Soc. 16 décembre 1996, Bull. Civ. V, n°441
Ø Soc. 30 avril 1997, n° 94-41.320, Bull. Civ. V, n°148
Ø Soc. 19 novembre 1997, n°95-44.309, STE CIAPEM C/ METRAL ET AUTRES
Ø Soc. 7 décembre 1999, Bull. Civ. V, n°476
Ø Soc. 9 mai 2000, RJS juin 2000, n° 639
Ø Soc. 21 novembre 2000, Bull. Civ. V, n°283
Ø Soc. 11 juillet 2001, Bull. Civ. V, n°268
Chambre criminelle
Ø Crim. 7 février 1989, Dr. Soc. 1989, 509
Chambre civile
Ø Civ. 1ère ch. 20 mars 1979, D. 1980, 29
3. Conseil d’état
Ø CE, 12 juin 1987, n°81252, STE HAPAIN, FRERES
Page 85
BIBLIOGRAPHIE
I. Ouvrages généraux
Ø PELISSIER (J), SUPIOT(A), JEAMMAUD (A), Droit du travail, Précis, 20ème
édition, Paris, Dalloz, 2000, 1219 p.,
Ø LEFBVRE (F), mémento pratique, Social 2001, Paris, Francis Lefebvre, 2001, 1371
p.,
II. Etudes doctrinales et articles
Ø BOSSU (B), la faute lourde du salarié : responsabilité contractuelle ou
responsabilité disciplinaire, Dr. Soc. 1995, p. 26,
Ø SAVATIER (J), les effets de l’annulation d’une sanction disproportionnée à la faute
commise, Dr. Soc. 1993, p. 429,
Ø SAVATIER (J), la régularisation d’une sanction irrégulière en la forme est elle
possible ? Dr. Soc. 1995, p. 349,
Ø WAQUET (P), la sanction doit elle être la même pour tous les auteurs d’une même
faute ?, Dr. Soc. 1991, p. 619,
III. Revues et dictionnaires
Ø Légi social, septembre 1991, n° 206, p. 1 à 88,
Ø Légi social, septembre 1999, n°D-294, 1 à 66,
Ø RF Social, janvier 2002, pages spéciales, application du droit disciplinaire,
Ø RF social, mars 2002, pages spéciales, le licenciement pour faute du salarié,
Ø Lamy social p. 470 à 474,
Ø Dictionnaire permanent social, feuillets 199, p. 2231 à 2251,
Ø CORNU (G), vocabulaire juridique, association Henri Capitan, PUF, Paris,
quadrige, 2001, 931 p.
Page 86
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ........................................................................................................... 2
SOMMAIRE ..................................................................................................................... 3
INTRODUCTION .............................................................................................................. 4
CHAPITRE 1 : LA NOTION DE FAUTE DISCIPLINAIRE.................................. 12
SECTION 1 : L’APPRÉCIATION DU COMPORTEMENT FAUTIF PAR L’EMPLOYEUR ............ 12
§ 1 la liberté d’appréciation de l’employeur .......................................................... 12
A. pouvoir de qualification ................................................................................. 13
B. Tendance à l’exagération ............................................................................... 16
§ 2 les limites légales .............................................................................................. 17
A. les sanctions illicites ................................................................................... 17
1. les sanctions pécuniaires ............................................................................. 18
2. les sanctions discriminatoires ..................................................................... 20
3.l’exercice d’un droit ou le respect d’un droit en vigueur............................. 22
B. les fautes qui ne peuvent être sanctionnées................................................. 25
1. fautes et sanctions amnistiées ..................................................................... 25
2. les faits relevant de la vie personnelle ........................................................ 26
3. fautes ou sanctions prescrites ou déjà sanctionnées.................................... 28
SECTION 2 LA CLASSIFICATION DES FAUTES................................................................. 31
§1 le non-respect d’une règle s’imposant à tous .................................................... 32
A. L’interdiction d’introduire de l’alcool sur le lieu de travail........................... 32
B. Le non respect des règles d’hygiène et sécurité ............................................. 34
C. Le non respect des directives internes............................................................ 35
D. les violences et insultes .................................................................................. 37
§ 2 le non-respect d’une obligation contractuelle .................................................. 39
A. Les agissements déloyaux.............................................................................. 39
B. Le dénigrement............................................................................................... 41
C. Les vols et détournements .............................................................................. 42
§ 3. mauvaise exécution du contrat de travail ........................................................ 44
A. Les absences, retards et abandon de poste ..................................................... 44
1. Les absences et retards non justifiés ou justifiés tardivement .................... 44
2. L’abandon de poste ..................................................................................... 47
Page 87
3. Le non respect des dates de congés............................................................. 48
B. L’insubordination ....................................................................................... 48
1. Le refus de travailler ................................................................................... 48
2. Le refus d’exécuter un ordre ....................................................................... 49
3. refus d’une sanction .................................................................................... 51
CHAPITRE 2 : LA QUALIFICATION DE LA FAUTE.......................................... 53
SECTION 1 LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE JUGE. ........................................................... 53
§ 1 l’objet du contrôle............................................................................................. 54
A. Le contrôle de la procédure............................................................................ 54
B. Le contrôle de la justification de la sanction.................................................. 58
C. Le contrôle de la proportionnalité de la sanction ........................................... 60
§ 2 la portée du contrôle......................................................................................... 61
SECTION 2 LA PRISE EN COMPTE DE CIRCONSTANCES PARTICULIERES.......................... 63
§ 1 Les circonstances atténuantes........................................................................... 63
A. Tenant au salarié ............................................................................................ 64
1. L’ancienneté................................................................................................ 64
2. La personnalité du salarié ........................................................................... 65
B Les circonstances tenant à la faute .................................................................. 67
1. Le caractère exceptionnel de la faute.......................................................... 67
2. La faible importance du préjudice .............................................................. 68
C. Les circonstances tenant à l’employeur ......................................................... 70
1. Une pratique habituelle dans l’entreprise ou la profession......................... 70
2. La responsabilité de l’employeur dans la faute commise ........................... 71
§ 2 les circonstances aggravantes .......................................................................... 72
A. Tenant au salarié ............................................................................................ 72
1. L’ancienneté................................................................................................ 72
2. La position hiérarchique ............................................................................. 73
3. L’intention frauduleuse............................................................................... 74
B. Tenant à la faute ............................................................................................. 75
1. La présence de témoins............................................................................... 75
2. L’importance du préjudice.......................................................................... 75
3. le caractère répété de la faute...................................................................... 76
TABLE DE JURISPRUDENCE ........................................................................................... 77
Page 88
BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................ 85
TABLE DES MATIÈRES .................................................................................................. 86