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Vol : 3, Numéro 8, Octobre 2021
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La Finance Islamique au cœur de la réalisation du
développement durable : Cas des sukuks verts
Auteur 1 : Anass TOUIL,
Auteur 2 : Zakaria BENJOUID,
Auteur 3 : Aziz BABOUNIA
Anass TOUIL 1, (Doctorant) 1 Université Ibn tofail university / ENCG-Kenitra, Maroc
Laboratoire de Recherche en Sciences d’organisation
Zakaria BENJOUID 2, (PH) 2 Université Hassan 1er/ Faculté d’Economie et de Gestion – Settat, M roc
Laboratoire de Recherche en Économie, Gestion et Management des Affaires (LAREGMA)
Aziz BABOUNIA 3, (PH) 3 Université Ibn tofail university / ENCG-Kenitra, Maroc
Laboratoire de Recherche en Sciences d’organisation
Déclaration de divulgation : L’auteur n’a pas connaissance de quelconque financement qui
pourrait affecter l’objectivité de cette étude.
Conflit d’intérêts : L’auteur ne signale aucun conflit d’intérêts.
Pour citer cet article : TOUIL .A , BENJOUID.Z & BABOUNIA .A .(2021) « La Finance Islamique au
cœur de la réalisation du développement durable : Cas des sukuks verts », African Scientific Journal «
Volume 03, Numéro 8 » pp: 053-075.
Date de soumission : Septembre 2021
Date de publication : Octobre 2021
DOI : 10.5281/zenodo.5625047
Copyright © 2021 – ASJ
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Résumé
Cet article traite l’importance des « sukuks » verts sous l’angle de sa contribution à la mise en
place de l’Accord de Paris. Dans un premier point nous donnerons un bref aperçu sur le rôle de
la finance islamique dans la promotion du développement durable. Le deuxième focalisera sur
les réponses que cette finance alternative propose aux questions environnementales et sociales.
Enfin, nous évoquerons les principales conclusions et les recommandations pour une gestion
saine de l’environnement. Nous proposerons dans ce dernier point une feuille de route qui
conduirait les décideurs à créer un marché vert de « sukuk » au Maroc.
Mots clés : Finance verte, RSE, ESG, Finance Islamique, Finance Conventionnelle, les projets
d’énergie renouvelable, développement durable, obligations vertes, « sukuks » verts.
Abstract
This article discusses the importance of green « sukuks » and its role in achieving the
Sustainable Development Goals (SDGs). In a first point we will give a brief overview on the
role of Islamic finance in promoting sustainable development. The second will focus on the
answers that this alternative finance offers to environmental and social issues. Finally, we will
discuss the main conclusions and recommendations for sound environmental management. We
will propose in this last point a roadmap that would lead the decision makers to create a green
market of « sukuk » in Morocco.
Keywords: Green Finance, CSR, ESG, Islamic Finance, Conventional Finance, Renewable
Energy Projects, Sustainable Development, Green Bonds, Green « sukuks ».
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Introduction
Le 25 septembre 2015, l'accord de Paris a été adopté et ratifié par 178 pays, ce qui oblige
pratiquement tous les pays à déployer des efforts ambitieux pour lutter contre le changement
climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’apporter une contribution
financière, et autres soutiens, aux pays en développement. L'une des exigences clés de l'accord
historique (COP21) est la transition énergétique afin de promouvoir la protection du climat et
de l’environnement par le biais d’investissements dans des mesures d’amélioration de
l’efficacité énergétique (i.e. une utilisation accrue des énergies renouvelables).
Pour faire face à des catastrophes climatiques dévastatrices dans le monde entier, les Nations
Unis organisent depuis 1995 des conférences annuelles. Dernièrement, la COP 24 a été
organisée en Pologne dans le but de finaliser les directives d’application de l’Accord de Paris
sur le changement. Parmi les objectifs qui ont été fixé il y a notamment un encouragement de
l’Investissement Socialement Responsable (ISR) qui consiste à intégrer dans le processus de
décision d’investissements le respect des critères extra financiers et traduit une pratique
développée de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Parallèlement, les efforts
déployés par la communauté internationale ont abouti à la mise en place de la « Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ».
La finance islamique - telle que présentée lors de la Troisième Conférence internationale sur le
financement du développement à Addis-Abeba en juillet 2015 - peut à la fois compléter et
constituer une alternative aux sources de financement traditionnelles pour la réalisation des
ODD. Les principales catégories d'actifs de la finance islamique comprennent les banques
islamiques (76%), les marchés islamiques d'actions et de fonds (3,3%), et « Takaful » (1,3%),
ainsi que les marchés des capitaux islamiques (IFSB 2018). Dans nouveau rapport, Thomson
Reuters estime que la finance islamique a beaucoup progressé au cours de ce siècle: ses actifs
financiers conformes à la charia devraient s'élever à 3 800 milliards de dollars d'ici 2022. Cela
représente une hausse par rapport aux 2 200 milliards de dollars enregistrés en 2016, avec
environ 1 400 institutions financières islamiques opérant dans 80 pays.
Il est confirmé aujourd’hui que le système financier islamique a continué à se développer en
l’espace de plus de trente ans en recherchant l'innovation et la diversité des produits, de la
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clientèle et des marchés, car il facilite les fonctions de prêt, d’emprunt et d’investissement sur
la base du partage des risques. C’est un système fondé sur des valeurs qui vise principalement
à assurer une croissance économique durable et des opportunités équitables pour tous. Ainsi, il
s'est développé dans des domaines tels que « sukuk », Takaful, fonds communs de placement,
gestion d'actifs, gestion de patrimoine, immobilier, finance d'entreprise, gestion de la liquidité,
dérivés, swaps, marchés à terme, bourse islamique…etc.
La Finance islamique est considérée comme une forme de finance éthique, inclusive et
socialement responsable, car elle vise principalement à assurer le bien-être moral et matériel de
l’individu et de la société dans son ensemble. Le but de la finance et de la banque islamique est
d’améliorer les conditions de vie et le bien-être social tout en étant en parfaite harmonie avec
les questions de développement durable. Qui « a été établi par les travaux de la commission
Brundtland en 1987 pour le compte de l’Organisation des Nations Unies de la manière
suivante : le développement durable est un développement qui satisfait les besoins actuels sans
compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins »1.
Pratiquement, les banques islamiques contribuent à la réalisation du développement durable par
le biais de 4 dimensions principales : premièrement, la dimension sociale à travers la collecte
de « ZAKAT » et sa distribution aux bénéficiaires (i.e. les plus démunis), ainsi que par la
réalisation de diverses activités sociales. Deuxièmement, la dimension environnementale
contribue à la protection des ressources financières contre les déchets générés par des
utilisations sans réel avantage. Troisièmement, Les banques islamiques peuvent jouer un rôle
actif dans le développement durable grâce à la dimension économique de leurs diverses
activités, ce qui contribue au traitement de nombreux déséquilibres économiques et à la
recherche de solutions pratiques pour surmonter ces obstacles et activer et développer leur rôle
dans la réalisation du développement durable. Quatrièmement, la dimension technologique :
c’est-à-dire, selon un rapport de Thomson Reuters, la Fin Tech, ou les technologies financières,
permettent à la finance islamique d’attirer plus de clients, d’accroître l’efficacité, de réduire les
coûts et d’offrir une gamme plus large de produits, aidant ainsi le secteur à devenir plus
compétitif par rapport à la finance conventionnelle sans compromettre les marges bénéficiaires,
1Demaria CYRIL : Développement durable et finance, Paris 2004, cité par Laila BOUCHARI, « La finance islamique : un modèle alternatif en faveur du développement durable » in Revue Internationale des Finance N° 2/2017, p.6
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mais cette technologie financière doit prendre en considération les objectifs du développement
durable.
Le Maroc à son tour s’est engagé ces dernières années dans un processus d’implémentation
d’une vision volontariste du développement durable visant à limiter le changement climatique.
C’est pour cette raison qu’il encourage davantage les projets d’énergies renouvelables. Cela dit,
comment l’ingénierie financière islamique contribue-t-elle au développement durable ? Sous
quelles conditions les banques peuvent attirer des entrepreneurs dans les projets socialement
responsables (ou les projets écologiquement viables) ? Les « sukuks » verts peuvent-ils
permettre de sauver la planète ?
1. Le rôle de la Finance Islamique dans la promotion du développement durable
La finance islamique est devenue un outil efficace pour financer le développement dans le
monde entier, y compris les pays non musulmans, et pourrait être un contributeur important à
la réalisation des ODD. Pour ses multiples dimensions, la finance islamique est considérée
comme une condition préalable pour offrir suffisamment de financement et de flexibilité aux
investisseurs. En outre, les principes fondamentaux de la finance islamique, peuvent participer
d’une manière directe ou indirecte à favoriser des investissements financiers dans des
techniques moins polluantes. Alors la philosophie de la finance islamique nous permet de
« répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs »2.
La finance islamique peut atteindre des taux stables de développement durable en soutenant et
en maintenant la stabilité financière dans les sociétés musulmanes. Ainsi celle-ci, peut jouer un
rôle important et efficace dans la libération des ressources financières nécessaires pour répondre
à la demande énorme d'infrastructures. Les objectifs de développement durable ne peuvent être
atteints sans une amélioration des infrastructures et le financement conventionnel à son tour ne
peut à lui seul satisfaire la demande d'infrastructures essentielles. A cette fin, les banques et les
institutions financières islamiques doivent activer et développer leur rôle dans la réalisation du
développement durable et à tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.
Les principes de la finance islamique, offrent un système socio-économique juste et équitable
où il existe un fort engagement pour le bien-être de la société. L’un des objectifs les plus
importants de l’Islam est de réaliser et de promouvoir une plus grande justice dans la société
2 Rapport Brundtland, 1987.
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humaine. Selon les statistiques officielles publiées en 2018 dans le site de la Banque Mondiale,
la croissance de cette nouvelle alternative a été rapide, de 10 à 12% par an au cours des deux
dernières décennies. En 2015, le secteur avait dépassé la somme de 1 888 milliards de dollars
américains.
Sur le plan social, en 2017 près de 783 millions (10,9% de la population mondiale) vivent dans
une pauvreté extrême : les objectifs de développement durable devraient continuer à poursuivre
les objectifs ultimes des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), à savoir
transformer le monde pour un développement durable à l’horizon 2030 (World Bank, 2018) 3.
De plus, sur le plan environnemental, l’écart de financement le plus important dans la réalisation
des objectifs de développement durable concerne le changement climatique et l’énergie, tandis
que l’écart le plus faible concerne la santé et les télécommunications (voir la figure 1)4.
Figure 1: Investment gaps in reaching SDG
Sourse : World Bank, Global Economic Prospectif, January 2017
En outre, de nombreux observateurs estiment que le système financier islamique joue un rôle
primordial dans la réalisation des cinq principaux aspects qui sont les vecteurs de
3 https://www.uneca.org/sites/default/files/uploaded-documents/HLPD/2018/if_and_sdgs-shsh-june21-2018-single.pdf 4 https://www.uneca.org/sites/default/files/uploaded-documents/HLPD/2018/if_and_sdgs-shsh-june21-2018-single.pdf
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développement durable : l’inclusion financière, le développement des infrastructures, la
stabilité financière, la résolution des problèmes sociaux et environnementaux.
En effet, le concept de développement durable et de la Charia se rejoignent. Et la loi religieuse
islamique impose aux Croyants d’inscrire leurs activités quotidiennes, notamment
économiques, dans le respect de l’environnement et les générations à venir. La Charia impose
ainsi aux Croyants de se comporter de manière « socialement responsable »5. En outre, les
critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) qui constituent généralement
les trois piliers de l'analyse extra-financière, s’inscrivent parfaitement dans le programme de la
finance islamique qui vise à améliorer le principe de l’équité sociale et environnementale.
Le cœur de la réalisation de la vision Bruthdland repose sur trois facettes : la croissance
économique, l’inclusion sociale et la protection de l’environnement. Or, la finance islamique à
son tour joue un rôle crucial aussi dans la réalisation de ces aspects. Nous pouvons clarifier
cette philosophie dans la deuxième figure ci-dessous. Cela peut être utile pour comprendre
comment ce système peut contribuer à un développement durable.
Figure 2 : L’effet de la Finance Islamique dans le processus du Développement Durable
Source : Standard and Poor’s, 2016
5 Laila BOUCHARI, « La finance islamique : un modèle alternatif en faveur du développement durable », in Revue Internationale des Finances N° 2/2017, pp6-7.
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2. Les préoccupations environnementales dans la Finance Islamique
Le changement climatique a des effets néfastes sur l’environnement. Il perturbe l’agriculture,
la société humaine, les ressources naturelles, etc. Ainsi, la question environnementale est
devenue une préoccupation mondiale. Dans cette optique, la banque islamique peut jouer un
rôle de soutien à l’amélioration de l’environnement. En effet, dans le système bancaire
islamique, les autorités religieuses (i.e. Sharia Board) sont appelées à vérifier toutes les
transactions de la banque avec les entrepreneurs, les concepts de l’éthique et le respect de
l’environnement. Ceux-ci font partie des questions auxquelles le « Sharia Board » accorde une
importance particulière. Plus particulièrement, comme dans le système bancaire conventionnel,
les banques islamiques ne doivent pas chercher à avantager un domaine au détriment d’un autre
ou oublier l’un par rapport aux autres même-si le projet conforme à la Charia.
En effet, la finance islamique est un système éthique socialement responsable qui n’a aucun
effet négatif sur l’environnement, interdit d’ailleurs le financement de toutes les activités
illégales (par exemple, alcool, tabac, drogue, viande de porc, les jeux de hasard, etc.). À cet
effet, nous pouvons dire que l’investissement dans des projets écologiques nuisibles est interdit
puisque les lois islamiques considèrent les humains comme protecteurs de la nature.
De surcroît, le système bancaire classique ne supporte aucune responsabilité en ce qui concerne
les aspects environnementaux, il met l’accent seulement sur l’échéance du remboursement
majoré avec intérêt. En revanche, les principes fondamentaux de la finance islamique sont liés
intimement aux exigences environnementales. Les spécialistes existants dans la banque
islamique sont tenus de vérifier que le projet ne doit pas nuire aux générations de demain (en
sens large, en incluant les aspects sociaux et moraux). En outre, l’effet de complémentarité entre
le développement durable et la finance islamique, pourra entrainer une forte corrélation en ce
qui concerne une ambiance entrepreneuriale éthique et responsable, ainsi qu’encourager de
nouvelles innovations et produits convenables à l’environnement.
3. Combattre le changement climatique avec les obligations vertes
3.1. Présentation des Green Bonds
Comme n’importe quelle obligation ordinaire, le terme «obligations vertes» désigne les
obligations dont le produit est utilisé pour financer des projets respectueux de l'environnement
(Mercer 2015), telles que les énergies renouvelables, l'efficacité de l'eau et de l'énergie, la
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bioénergie et les transports à faible émission de carbone (Campiglio 2016)6. Ce type des
obligations est un titre de créance à long terme émis sur le marché obligataire et destiné à des
investisseurs institutionnels tels des fonds de pension, des banques, des compagnies d’assurance
et d’autres acheteurs nationaux et internationaux.
Caractérisées par une demande forte, les obligations vertes sont facilement cessibles sur le
marché international. De même, elles sont devenues accessibles aux entreprises et aux
collectivités locales autant qu’émetteurs.7
Depuis la COP 21 à Paris, les obligations vertes sont considérées comme une option
d’investissement pouvant aider les pays à respecter leurs engagements financiers en matière de
changement climatique. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que le passage à
une économie à faibles émissions de carbone compatible avec l’objectif de maintien d’une
hausse des températures ne dépassant pas 2 ° C coûtera 500 millions de dollars par an d’ici
2020 et un billion de dollars par an entre 2020 et 2050 (AIE, 2014).
Depuis les premières émissions par la Banque Mondiale et la Banque Européenne
d’Investissement en 2007, jusqu’en 2012, l’univers des Green bonds est resté réservé aux
émetteurs supranationaux. A partir de 2013, année qui a connu une émission d’un milliard de
dollars par l’IFC entièrement souscrite au bout d’une heure, des acteurs du secteur privé (ex. :
EDF et Bank of America) ont investi ce créneau marquant ainsi un tournant dans la structure
du marché comme en atteste la forte croissance des montants des émissions. En effet, contre
1.22 milliards de dollars émis en 2011, le marché des Green bonds a représenté près de 37
milliards de dollars à travers le monde en 2014 et plus de 41 milliards en 2015. En 2016, le
montant des émissions a déjà dépassé 60 milliards de dollars8.
6 BANGA Josué « The green bond market: a potential source of climate finance for developing countries », in Journal of Sustainable Finance & Investment, 2018, p.2 [consulté le 13 Juillet 2018]. 7 OUBDI Lahsen et ELOUALI Jaouad « FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS VERTS L’EXPERIENCE
MAROCAINE » 7èmes journées scientifiques internationales du FEM sous le thème de l’«Economie verte, croissance et développement : Etat des lieux et perspectives», Université Ibn Zohr – Maroc, p10 8 Guide de l’Autorité Marocaine du marchés des capitaux sous le thème « Green bonds », 2016. P4
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Figure 3 : Graphique représentant l’évolution des obligations vertes dans le monde entier :
Source : Climate Bond initiative et SFI
3.2. Les types des obligations vertes
Par ailleurs, en fonction de la nature du recours ou de la garantie dont dispose l’investisseur, on
peut distinguer les types d’émissions suivants9 :
- Green use of proceeds bonds : où une entité privée ou publique émet des
obligations avec un recours général sur l’émetteur ;
- Green use of proceeds revenue bonds : où des revenus de l’émetteur sont présentés
en garantie du paiement des sommes dues au titre de l’émission ;
- Green project bonds : où les fonds sont spécifiquement destinés à un ou plusieurs
projets, avec un recours sur les actifs du ou des projet(s) concernés uniquement;
- Green securitized bond : où le recours porte sur un ensemble de projets éligibles
groupés ensemble et générant les flux destinés au paiement de l’obligation, par
exemple dans le cadre d’une opération de titrisation.
4. Les « sukuks » verts : un potentiel immense
4.1. Présentation des sukuk verts
Le terme « Sukuk » est le pluriel de « sakk » qui en arabe désigne un titre représentatif d’une
créance. Le terme français « chèque » dérive de cette racine arabe. Sa légitimité historique est
avérée par son utilisation constante au fil des siècles, Al Ya’qubi précisant que deuxième
9 Guide de l’Autorité Marocaine du marchés des capitaux sous le thème « Green bonds », 2016. P17
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khalife, Omar ibn al khattab fut le premier à l’utiliser10. Aujourd’hui les sukuks désignent des
titres représentant une quote-part de la propriété d’un actif générateur de flux financiers
(marchandise, société). Ces titres offrent aux investisseurs un droit à rémunération sur les
bénéfices dégagés par les actifs et les exposent aux pertes à hauteur de leur part de propriété11.
Un «sukuk» vert est la version d’une obligation verte conforme à la Charia et représente des
investissements conformes à la Charia dans l’énergie renouvelable et autres biens
environnementaux. Le « sukuk » vert prend en charge les préoccupations de la Charia en termes
de protection de l’environnement. Les projets verts financés par les « sukuk » sont, notamment,
l’énergie, le transport en commun, la conservation de l’eau, la foresterie et les technologies à
faible émission de carbone. Ces initiatives de financement vertes intègrent également des
investissements socialement responsables conçus pour améliorer les vies des peuples et des
communautés. Ils sont aussi conçus pour encourager les investisseurs à transférer les capitaux
dans des sociétés qui insufflent des normes élevées de gouvernance dans les domaines de la
diversité, de l’obligation de rendre compte et de la transparence »12.
4.2. Le rôle de la Banque Islamique de Développement (BID) dans le financement du
changement climatique
La protection de l’environnement et la durabilité s’inscrivent parfaitement dans le programme
de la BID qui vise à améliorer le bien-être de la société. Depuis sa création, cette banque
envisage d’augmenter son soutien financier à la réalisation des objectifs du développement
durable, notamment le financement des projets d’énergies renouvelables dans ses pays
membres.
Dans un nouvel article13, le financement total des projets d’énergies renouvelables par la BID
s’élève à 2,75 milliards (USD). De plus, 6% de ses activités ont été affectées à des projets
d’atténuation des changements climatiques. Cela implique que les allocations annuelles ont
régulièrement augmenté pour atteindre 16% en 2016 (voir la figure 4). Ses actions en faveur de
la protection de l’environnement et de la réduction des risques liés au changement climatique
10 BENMANSOUR Hacène, Op. cit., p. 65. Cité par Michaël MOATÉ, La création d’un droit bancaire islamique, Jacques BOUINEAU et Hassan ABD EL-HAMID, thèse, droit, université de la ROCHELLE, 2011, p.126. 11 AAOIFI, 2004-5a, Standard on Investment sukuk. Cité par Michaël MOATÉ, La création d’un droit bancaire islamique, Jacques BOUINEAU et Hassan ABD EL-HAMID, thèse, droit, université de la ROCHELLE, 2011, p.126. 12 Report of a group of the Islamic Development Bank « Climate Change Financing: Role of Islamic Finance » November 2016, p8. 13 Mohammed OBAIDULLAH (2018), « Managing Climate Change: Role of Islamic Finance », in Islamic Economic Studies No. 1, 2018, p53, [consulté le Juillet 2018].
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comprennent : (a) la prise en compte de la protection de l’environnement dans tous les
documents relatifs à son projet, (b) le lancement du programme des énergies renouvelables pour
la réduction de la pauvreté (REPoR), (c) l’adoption d’une politique énergétique préconisant un
financement accru des EnR. En outre, les projets financés par la BID sont, notamment, les
projets d’énergies renouvelables, les projets hydroélectriques, le transport en commun, et la
conservation de l’eau.
Ainsi, les projets de la BID liés à l’atténuation du changement climatique sont répartis dans
quatre régions : Afrique subsaharienne (ASS), Asie, pays en transition (CIT) et MENA. Environ
57% de ces projets sont situés en Asie, principalement en raison de l'abondance des ressources
hydroélectriques (voir la figure 5). Les tendances émergentes en matière de financement
montrent toutefois l’importance croissante de la région d’Afrique subsaharienne, qui possède
également des ressources considérables en énergies hydraulique, solaire et éolienne. Voici
quelques exemples de réussites dans ce segment:
- (2004) : Mini centrales hydroélectriques au Tadjikistan ;
- (2009) : Mini système solaires domestiques au Bangladesh ;
- (2012-15) : projets de développement des EnR et projets d’efficacité énergétique en
Turquie.
Figure 4 : Graphique représentant le financement total des projets d’énergies renouvelables par
la BID
Source : PowerPoint presentation by: The Islamic Development Bank and Islamic
Research & Training Insitute14
14http://www.irti.org/English/Research/Documents/webinars/presentations/Responsible%20Finance%20from%20the%20Islamic%20Finance%20Perspective.pdf
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Figure 5 : Graphique représentant le financement du climat par la BID dans les quatre régions
Source : PowerPoint presentation by: The Islamic Development Bank and Islamic
Research & Training Insitute15
4.3. L’exemple des « sukuks » verts en Malaisie
La finance islamique a récemment commencé à soutenir les technologies vertes. En 2010, le
gouvernement malaisien a crée un fonds d’un milliard de dollars pour les prêts spécifiquement
dédiés aux projets socialement responsables. Citons l’exemple particulier de la « commission
des valeurs mobiliers de Malaisie » en 2014, qui a été parmi les pionniers en ce qui concerne
les « sukuks » ISR. Ainsi, ce type de des « sukuks » joue un rôle important pour soutenir le
programme qui est destiné à encourager les investissements dans des projets écologiques ou
durables en créant un marché pour la finance verte islamique.
Tadau Energy a émis le premier « sukuk » vert en Malaisie en juillet 2017 pour 250 millions de
ringgits malaisiens (58 millions de dollars) pour financer un projet solaire dans le pays. Après
ces débuts, nous avons vu une poignée d'autres « sukuk », émis en Malaisie, conformément au
cadre d'investissement durable et responsable du pays, et un en Indonésie, où le gouvernement
a émis en mars 2018 le plus grand « sukuk » vert à ce jour (Voir tableau suivant)16.
15http://www.irti.org/English/Research/Documents/webinars/presentations/Responsible%20Finance%20from%20the%20Islamic%20Finance%20Perspective.pdf 16 Corinne B Bendersky and Timucin Engin (Sept 16, 2018) « Credit FAQ : What Are The Prospects For Green Sukuk Issuance? »,p1,
57%18%
17%
7%
Asia
CIT
SSA
MENA
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Tableau 1 : L’émission des « sukuks » verts en Indonésie et Malaisie (jusqu’à avril 2018)
Issuer Issuer Issue date currency Funds
raised
(Mill.
$)
Used of Funds
Tadau
Energy Bhd
Malaysia Jul-17 MYR 58 Solar power project
Quantum
Solar Park
Semenanjung
Sdn Bhd
Malaysia Oct-17 MYR 236 Solar power project
PNB
Merdeka
Ventures Sdn
Bhd
Malaysia Dec-17 MYR 461 Real estate
development in
Kuala Lumpur
complying with
certain green
building
accreditations
Mudajaya
Group
Berhad
(Sinar Kamiri
Sdn Bhd)
Malaysia Jan-18 MYR 63 Solar power project
Indonesia Indonesia Mar-18 USD 1,250 Various green
projects
UiTM Solar
Power Sdn
Bhd
Malaysia Apr-18 MYR 57 Solar power project
Source : Bloomberg17
4.4. Exemple des « sukuks Orasis » et le financement des projets d’énergies
renouvelables
Tableau 2 : les « sukuks Orasis » et le financement du climat
Emetteur Coentreprise et société à responsabilité limité
Structurer Legendre patrimoine
Echéance 15 ans avec option d’achat à 10 ans
Coupan Sous forme de loyer de 7%. Le loyer est augmenté chaque année de 1%
(le loyer de la deuxième année est de 7.07%)
Prix d’émission 5, 425 €
Secteur d’activité Energie solaire
Type de contrat Moucharakah-Ijarah
Source : Salina KASSIM and Adam ABDULLAH18
17 www.spglobal.com/ratingsdirect 18 Salina KASSIM and Adam ABDULLAH, « Pushing the Frontiers of Islamic Finance Through Socially
Responsible Investment Sukuk », in AL-SHAJARAH, 2017, p206, [consulté le Novembre 2017].
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Un exemple spécifique de « sukuk » SRI pour le secteur de l'environnement est le « sukuk »
vert Orasis, qui est le premier « sukuk » vert émis en France en août 2012 par une société
d’énergie solaire connue sous le nom « Legendre Patrimoine ». Une série d'ajustements
juridiques et fiscaux a été introduite dans le système financier français avant l'émission de ce
« sukuk » afin de garantir la neutralité fiscale19. Or, « Ces produits, baptisés Orasis et ouverts
aux particuliers et institutionnels, prennent la forme de droits aux bénéfices sociaux. Ces droits
sont émis par une société qui acquiert, grâce aux fonds collectés auprès des investisseurs, des
panneaux solaires, lesquels sont loués auprès de sociétés d’exploitation et de production
d’énergie verte ensuite vendus à EDF. Les loyers « ijara » ainsi perçus sont reversés aux
investisseurs. Le rendement annuel, contractuellement proposé, est de 7 %, il est net d’impôts
pendant 10 ans et bénéficie d’un abattement de 71 % au-delà de cette période.
Ces « sukuks » verts sont passés sous les fourches caudines du Comité indépendant de la finance
islamique en Europe (CIFIE) en charge de la conformité islamique du produit »20. L’objectif de
ce « sukuk » est de financer des centrales électriques photovoltaïques installées en France
métropolitaine et aux Dom-Tom.21
En dépit de son attrait, Orasis n’a pas été considéré comme un succès après deux ans d’émission
en raison de nombreux facteurs : l’Europe était toujours aux prises avec la crise financière
mondiale qui a sévi en Grèce et dans d’autres régions d’Europe22. Cependant, sa structure peut
soutenir plus efficacement les projets liés au changement climatique, notamment les projets
d’énergies renouvelables.
On constate que les actifs solaires auraient généré 1 000 mégawatts (en utilisant 2 000 hectares
de terres et 5 millions de panneaux solaires). Or, selon la « Solar Energy Industries
Association », le nombre de foyers alimentés par 1 MW d'énergie solaire est en moyenne de
164 logements. Cela implique donc que pour 1 000 MW, elle couvrira 164 000 maisons en
19 A. Hassoune, « Islamic financial solution for Green Energy in France », Hassoune Conseil, (October, 2012).
Cité par Salina KASSIM et Adam ABDULLAH, « Pushing the Frontiers of Islamic Finance Through Socially
Responsible Investment Sukuk », in AL-SHAJARAH, 2017, p207, [consulté le Novembre 2017]. 20 https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/hebdo/20151210/tout-premier-sukuk-made-in-france-152673 21 Groupe El Khawarizmi de la France « Les Sukuks : une nouvelle alternative de financement pour le Maroc »,
2012, p97, 22 A. Hassoune, « Islamic financial solution for Green Energy in France », op. cit. Cité par Salina KASSIM and
Adam ABDULLAH, « Pushing the Frontiers of Islamic Finance Through Socially Responsible Investment
Sukuk », in AL-SHAJARAH, 2017, p206, [consulté le Novembre 2017].
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consommation d'électricité.23 Nous présentons dans ce qui suit la structure du premier Green
« sukuk » émis en 2012 par la France. Il s’agit du « sukuk » ORASIS de type « Mouchara-
Ijara »24.
Figure 6 : Schéma général du fonctionnement d’un Sukuk Orasis
- (1) Les investisseurs souscrivent aux « sukuks » ORASIS ;
- (2) La société de participation se charge de la gestion de « sukuk », elle achète,
moyennant les fonds collectés par l’émission de Sukuk, les panneaux solaires ;
- (3) Ces derniers sont loués (via des contrats Ijara) à des compagnies d’exploitation
qui vont se charger de la production de l’énergie solaire ;
- L’énergie produite est vendue à la compagnie Electricité de France (EDF) (4) qui va
la distribuer aux consommateurs finaux (5).
5. Les « sukuks » verts sont-ils un alternatif des obligations vertes ?
Comparées aux obligations vertes conventionnelles, les « sukuks » verts sont liés intimement à
l’actif sous-jacent, ils ne peuvent pas donner lieu à un paiement d’intérêt fixe comme c’est le
cas pour une obligation verte conventionnelle. Ainsi, ils exigent une Fatwa émise par un comité
charia sur la conformité. De plus, « il faut garder à l’esprit que les relations entre contractants,
sont en principe gouvernées par le partage du risque, et donc des bénéfices ou des pertes, lors
23 Z. Hagadone, « Megawhat? How many homes can you power with a single megawatt? », Note Boise Weekly
(Mar. 18, 2015). Accessed on May 26, 2017, 24 Rachid BOUTTI et Fadma EL MOSAID « Sukuk ou les green sukuk : une opportunité prometteuse pour le
financement des énergies renouvelables », in Revue CREMA, Volume 1, N°1, 2015, p5, [consulté le 1 septembre
2017].
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de l’investissement »25, car les caractéristiques de partage des risques de ces instruments
peuvent potentiellement renforcer la stabilité des marchés financiers (Ahmed et al. 2015). En
revanche, les obligations vertes sont des instruments à revenu fixe (i.e. basées sur la dette) qui
réunissent aussi des fonds destinés à financer des projets précis comportant des avantages
tangibles sur le plan de l’environnement. Dans ce sens, nous pouvons dire que les obligations
classiques ne s’accommodent pas avec la charia, car l’Islam interdit le prêt à l’intérêt. De
surcroît, de nombreux observateurs estiment que les « sukuks » verts engendrent les
caractéristiques positives des obligations vertes et les qualités attrayantes de la finance
islamique.
Tableau 3 : Comparaison entre obligations et « sukuks »
Obligations « Sukuks »
Les obligations ne sont pas liées à des actifs Les « sukuks » représentent chacun une part
de propriété des actifs sous-jacents à
l’opération
Les obligations donnent droit à un revenu
fixe
Les souscripteurs n’ont pas de revenu fixe
mais plutôt lié à l’activité sous-jacente
Les obligataires ne sont pas concernés par les
résultats de l’émetteur
Les souscripteurs perçoivent une part de
profit mais support également les partes
éventuelles
L’échéance des obligations est indépendante
de la fin de l’activité ou du projet financé
Le terme des « sukuks » correspond
généralement à la fin du projet qui est financé
Source : Legendre Patrimoine26
Le Maroc s’est engagé ces dernières années dans un processus d’implémentation d’une vision
volontariste du développement durable visant à limiter le changement climatique. C’est pour
cela il encourage plus les projets d’énergies renouvelables. L’objectif principal est d’assurer
son indépendance énergétique en exploitant ses moyens naturels. Ainsi, il est indispensable
d’avoir des moyens de financement à la hauteur de cette ambition. L'ODD 7 (énergie propre et
25 MOATE Michaël, thèse sous le thème « La création d’un droit bancaire islamique », 2011, pp 126-127 26 Cité par : https://ribh.wordpress.com/2013/04/09/france-la-finance-islamique-pour-financer-la-transition-energetique/ [consulté le 9 Avril 2013].
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abordable) est directement lié au développement des énergies renouvelables et à la garantie d'un
accès inclusif à des services énergétiques fiables, durables, modernes et abordables.
En outre, les projets d’énergie verte nécessitent des investissements considérables et de longs
horizons d’investissement. De surcroît, la finance islamique est un recours à plusieurs pays pour
se financer. Par exemple, la banque islamique de développement (BID) joue un rôle majeur
dans le financement du climat. Elle investit des milliards de dollars dans divers projets
d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. La Turquie a reçu un financement de 100
millions de dollars de la BID pour financer des activités favorables au climat ou à
l’environnement, notamment le secteur d’énergie renouvelable. Les cinq premiers pays
bénéficiaires de cette institution internationale sont le Pakistan, l’Egypte, la Tunisie, la Syrie et
bien sûr le Maroc ne fait pas l’exception, en effet, il a bénéficié de financements de ce type
particulièrement grâce aux apports de la Banque Islamique de Développement (BID). En outre,
« sukuk offre aussi un grand potentiel pour le développement des énergies renouvelables au
Maroc, l’émission des sukuks étant désormais possible après l’amendement de la loi 33-06 liée
à la titrisation et introduisant le cadre d’émission sukuk au royaume ».27 La plupart des
investissements peut être mobilisés en réaffectant les investissements dans les énergies fossiles
aux énergies renouvelables.
6. Recommandations
Pour montrer comment le développement de la finance participative au Maroc pourrait être
positionné comme un mode de financement efficace intégrant le concept de durabilité dans les
projets d'infrastructure (notamment les projets d'énergies renouvelables) pour atteindre les
objectifs de développement durable. Nous proposons une feuille de route pour le
développement d'un marché du « sukuk » vert basé sur les facteurs de succès des marchés
existants du « sukuk » vert (par ex : Malaisie). La feuille de route aussi s'attaque à trois objectifs
clés - maintenir la stabilité financière, répondre aux besoins de financement pour le climat et
promouvoir le financement participatif.
Atténuer les changements climatiques et atteindre les objectifs de développement durable à
l’horizon 2030 nécessitent des engagements nationaux, une volonté politique et des partenariats
27 Rachid BOUTTI et Fadma EL MOSAID « Sukuk ou les green sukuk : une opportunité prometteuse pour le financement des énergies renouvelables », in Revue CREMA, Volume 1, N°1, 2015, p5, [consulté le septembre 2017].
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entre les secteurs public et privé. Ainsi, les efforts de communication et de sensibilisation sont
nécessaires pour attirer les investisseurs recherchant des investissements ayant un impact social
et environnemental. A cette fin, et comme il a été publié dans un rapport de la Banque Mondiale
en 2018, Le sukuk vert peut être utilisé pour traiter les trois dimensions du développement
durable: la sécurité énergétique, la pauvreté énergétique et la responsabilité environnementale.
Dans ce sillage, Le « sukuk » vert pourrait constituer un moyen novateur de financer les
infrastructures vertes. Il pourrait devenir une nouvelle classe d'actifs ciblant à la fois les
investisseurs islamiques et les investisseurs socialement responsables. Les premières émissions
de « sukuk » vert, en Malaisie, ont démontré l'acceptation par le marché de « sukuk »
d'infrastructures vertes de longue date.28 En outre, la construction d’un marché des « sukuks »
vert au Maroc pourra donc faciliter la réalisation de quatre objectifs qui seront les vecteurs du
développement durable :
- « Réduire la dépendance énergétique et contribuer à la réalisation des objectifs du
développement durable, en diversifiant les sources de financement ;
- Positionner la finance participative comme un mode de financement universel et
éthique ;
- Sensibiliser aux modes de financement islamique dits participatifs au Maroc et à la
responsabilité environnementale ;
- Aider au développement des marchés des capitaux nationaux et attirer les
investisseurs institutionnels ».29
28 Issues included the 16-year green sukuk by Tadau Energy (Edra Power) in 2017, the 18-year green sukuk by Quantum Solar Park (Semenanjung Sun BHD) in 2017, and the 18-year green sukuk by Mudajaya Group Berhad (Sinar Kamiri) in 2018. 29 Dalal Aassouli, Mehmet Asutay, Mahmoud Mohieldin and Tochukwu Chiara Nwokike « Green Sukuk, Energy
Poverty, and Climate Change : A Roadmap for Sub-Saharan Africa », in THE WORLD BANK, Report Number
WPS8680, 2018, p 20, [consulté le 18 Decembre 2018].
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Conclusion
Atténuer les changements climatiques et atteindre les objectifs de développement durable à
l’horizon 2030 nécessitent des engagements nationaux, une volonté politique et des partenariats
entre les secteurs public et privé. Ainsi, les efforts de communication et de sensibilisation sont
nécessaires pour attirer les investisseurs recherchant des investissements ayant un impact social
et environnemental. Dans ce contexte, la finance participative doit s’inspirer de l’expérience
Malaisienne, qui compte parmi les plus « réussies » en matière de la finance islamique, afin de
soutenir le financement de projets qui aident à la réalisation des objectifs de développement
durable ODD.
Dans ce sillage, l’étude a montré que l’émission des « sukuks » verts peut soutenir plus
efficacement les projets liés au changement climatique, notamment le secteur d’énergie
renouvelable. Cette émission permettra aussi au Maroc de se financer à bon marché, compte
tenu des recettes fiscales qu’il percevra auprès des épargnants marocains sur le rendement. De
plus, les investisseurs bénéficieront des performances des entreprises figurant dans l’indice
boursier.
Aussi, pour fournir des ressources financières importantes et appuyer le financement du
changement climatique, ces obligations vertes islamiques doivent être destinées aux plusieurs
investisseurs institutionnels tels des fonds de pension, des banques participatives, des futures
assurances « Takaful » et d’autres acheteurs internationaux, à condition que ce type des
« sukuks » connaisse les mêmes caractéristiques que les obligations vertes conventionnelles en
matière de prix, de rendement, d’échéance, …etc.
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