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African Scientific Journal ISSN : 2658-9311 Vol : 3, Numéro 8, Octobre 2021 www.africanscientificjournal.com Page a La Finance Islamique au cœur de la réalisation du développement durable : Cas des sukuks verts Auteur 1 : Anass TOUIL, Auteur 2 : Zakaria BENJOUID, Auteur 3 : Aziz BABOUNIA Anass TOUIL 1 , (Doctorant) 1 Université Ibn tofail university / ENCG-Kenitra, Maroc Laboratoire de Recherche en Sciences d’organisation [email protected] [email protected] Zakaria BENJOUID 2 , (PH) 2 Université Hassan 1er/ Faculté d’Economie et de Gestion Settat, M roc Laboratoire de Recherche en Économie, Gestion et Management des Affaires (LAREGMA) [email protected] Aziz BABOUNIA 3 , (PH) 3 Université Ibn tofail university / ENCG-Kenitra, Maroc Laboratoire de Recherche en Sciences d’organisation [email protected] [email protected] [email protected] Déclaration de divulgation : L’auteur n’a pas connaissance de quelconque financement qui pourrait affecter l’objectivité de cette étude. Conflit d’intérêts : L’auteur ne signale aucun conflit d’intérêts. Pour citer cet article : TOUIL .A , BENJOUID.Z & BABOUNIA .A .(2021) « La Finance Islamique au cœur de la réalisation du développement durable : Cas des sukuks verts », African Scientific Journal « Volume 03, Numéro 8 » pp: 053-075. Date de soumission : Septembre 2021 Date de publication : Octobre 2021 DOI : 10.5281/zenodo.5625047 Copyright © 2021 ASJ

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La Finance Islamique au cœur de la réalisation du

développement durable : Cas des sukuks verts

Auteur 1 : Anass TOUIL,

Auteur 2 : Zakaria BENJOUID,

Auteur 3 : Aziz BABOUNIA

Anass TOUIL 1, (Doctorant) 1 Université Ibn tofail university / ENCG-Kenitra, Maroc

Laboratoire de Recherche en Sciences d’organisation

[email protected]

[email protected]

Zakaria BENJOUID 2, (PH) 2 Université Hassan 1er/ Faculté d’Economie et de Gestion – Settat, M roc

Laboratoire de Recherche en Économie, Gestion et Management des Affaires (LAREGMA)

[email protected]

Aziz BABOUNIA 3, (PH) 3 Université Ibn tofail university / ENCG-Kenitra, Maroc

Laboratoire de Recherche en Sciences d’organisation

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Déclaration de divulgation : L’auteur n’a pas connaissance de quelconque financement qui

pourrait affecter l’objectivité de cette étude.

Conflit d’intérêts : L’auteur ne signale aucun conflit d’intérêts.

Pour citer cet article : TOUIL .A , BENJOUID.Z & BABOUNIA .A .(2021) « La Finance Islamique au

cœur de la réalisation du développement durable : Cas des sukuks verts », African Scientific Journal «

Volume 03, Numéro 8 » pp: 053-075.

Date de soumission : Septembre 2021

Date de publication : Octobre 2021

DOI : 10.5281/zenodo.5625047

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Résumé

Cet article traite l’importance des « sukuks » verts sous l’angle de sa contribution à la mise en

place de l’Accord de Paris. Dans un premier point nous donnerons un bref aperçu sur le rôle de

la finance islamique dans la promotion du développement durable. Le deuxième focalisera sur

les réponses que cette finance alternative propose aux questions environnementales et sociales.

Enfin, nous évoquerons les principales conclusions et les recommandations pour une gestion

saine de l’environnement. Nous proposerons dans ce dernier point une feuille de route qui

conduirait les décideurs à créer un marché vert de « sukuk » au Maroc.

Mots clés : Finance verte, RSE, ESG, Finance Islamique, Finance Conventionnelle, les projets

d’énergie renouvelable, développement durable, obligations vertes, « sukuks » verts.

Abstract

This article discusses the importance of green « sukuks » and its role in achieving the

Sustainable Development Goals (SDGs). In a first point we will give a brief overview on the

role of Islamic finance in promoting sustainable development. The second will focus on the

answers that this alternative finance offers to environmental and social issues. Finally, we will

discuss the main conclusions and recommendations for sound environmental management. We

will propose in this last point a roadmap that would lead the decision makers to create a green

market of « sukuk » in Morocco.

Keywords: Green Finance, CSR, ESG, Islamic Finance, Conventional Finance, Renewable

Energy Projects, Sustainable Development, Green Bonds, Green « sukuks ».

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Introduction

Le 25 septembre 2015, l'accord de Paris a été adopté et ratifié par 178 pays, ce qui oblige

pratiquement tous les pays à déployer des efforts ambitieux pour lutter contre le changement

climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’apporter une contribution

financière, et autres soutiens, aux pays en développement. L'une des exigences clés de l'accord

historique (COP21) est la transition énergétique afin de promouvoir la protection du climat et

de l’environnement par le biais d’investissements dans des mesures d’amélioration de

l’efficacité énergétique (i.e. une utilisation accrue des énergies renouvelables).

Pour faire face à des catastrophes climatiques dévastatrices dans le monde entier, les Nations

Unis organisent depuis 1995 des conférences annuelles. Dernièrement, la COP 24 a été

organisée en Pologne dans le but de finaliser les directives d’application de l’Accord de Paris

sur le changement. Parmi les objectifs qui ont été fixé il y a notamment un encouragement de

l’Investissement Socialement Responsable (ISR) qui consiste à intégrer dans le processus de

décision d’investissements le respect des critères extra financiers et traduit une pratique

développée de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Parallèlement, les efforts

déployés par la communauté internationale ont abouti à la mise en place de la « Convention-

cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ».

La finance islamique - telle que présentée lors de la Troisième Conférence internationale sur le

financement du développement à Addis-Abeba en juillet 2015 - peut à la fois compléter et

constituer une alternative aux sources de financement traditionnelles pour la réalisation des

ODD. Les principales catégories d'actifs de la finance islamique comprennent les banques

islamiques (76%), les marchés islamiques d'actions et de fonds (3,3%), et « Takaful » (1,3%),

ainsi que les marchés des capitaux islamiques (IFSB 2018). Dans nouveau rapport, Thomson

Reuters estime que la finance islamique a beaucoup progressé au cours de ce siècle: ses actifs

financiers conformes à la charia devraient s'élever à 3 800 milliards de dollars d'ici 2022. Cela

représente une hausse par rapport aux 2 200 milliards de dollars enregistrés en 2016, avec

environ 1 400 institutions financières islamiques opérant dans 80 pays.

Il est confirmé aujourd’hui que le système financier islamique a continué à se développer en

l’espace de plus de trente ans en recherchant l'innovation et la diversité des produits, de la

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clientèle et des marchés, car il facilite les fonctions de prêt, d’emprunt et d’investissement sur

la base du partage des risques. C’est un système fondé sur des valeurs qui vise principalement

à assurer une croissance économique durable et des opportunités équitables pour tous. Ainsi, il

s'est développé dans des domaines tels que « sukuk », Takaful, fonds communs de placement,

gestion d'actifs, gestion de patrimoine, immobilier, finance d'entreprise, gestion de la liquidité,

dérivés, swaps, marchés à terme, bourse islamique…etc.

La Finance islamique est considérée comme une forme de finance éthique, inclusive et

socialement responsable, car elle vise principalement à assurer le bien-être moral et matériel de

l’individu et de la société dans son ensemble. Le but de la finance et de la banque islamique est

d’améliorer les conditions de vie et le bien-être social tout en étant en parfaite harmonie avec

les questions de développement durable. Qui « a été établi par les travaux de la commission

Brundtland en 1987 pour le compte de l’Organisation des Nations Unies de la manière

suivante : le développement durable est un développement qui satisfait les besoins actuels sans

compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins »1.

Pratiquement, les banques islamiques contribuent à la réalisation du développement durable par

le biais de 4 dimensions principales : premièrement, la dimension sociale à travers la collecte

de « ZAKAT » et sa distribution aux bénéficiaires (i.e. les plus démunis), ainsi que par la

réalisation de diverses activités sociales. Deuxièmement, la dimension environnementale

contribue à la protection des ressources financières contre les déchets générés par des

utilisations sans réel avantage. Troisièmement, Les banques islamiques peuvent jouer un rôle

actif dans le développement durable grâce à la dimension économique de leurs diverses

activités, ce qui contribue au traitement de nombreux déséquilibres économiques et à la

recherche de solutions pratiques pour surmonter ces obstacles et activer et développer leur rôle

dans la réalisation du développement durable. Quatrièmement, la dimension technologique :

c’est-à-dire, selon un rapport de Thomson Reuters, la Fin Tech, ou les technologies financières,

permettent à la finance islamique d’attirer plus de clients, d’accroître l’efficacité, de réduire les

coûts et d’offrir une gamme plus large de produits, aidant ainsi le secteur à devenir plus

compétitif par rapport à la finance conventionnelle sans compromettre les marges bénéficiaires,

1Demaria CYRIL : Développement durable et finance, Paris 2004, cité par Laila BOUCHARI, « La finance islamique : un modèle alternatif en faveur du développement durable » in Revue Internationale des Finance N° 2/2017, p.6

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mais cette technologie financière doit prendre en considération les objectifs du développement

durable.

Le Maroc à son tour s’est engagé ces dernières années dans un processus d’implémentation

d’une vision volontariste du développement durable visant à limiter le changement climatique.

C’est pour cette raison qu’il encourage davantage les projets d’énergies renouvelables. Cela dit,

comment l’ingénierie financière islamique contribue-t-elle au développement durable ? Sous

quelles conditions les banques peuvent attirer des entrepreneurs dans les projets socialement

responsables (ou les projets écologiquement viables) ? Les « sukuks » verts peuvent-ils

permettre de sauver la planète ?

1. Le rôle de la Finance Islamique dans la promotion du développement durable

La finance islamique est devenue un outil efficace pour financer le développement dans le

monde entier, y compris les pays non musulmans, et pourrait être un contributeur important à

la réalisation des ODD. Pour ses multiples dimensions, la finance islamique est considérée

comme une condition préalable pour offrir suffisamment de financement et de flexibilité aux

investisseurs. En outre, les principes fondamentaux de la finance islamique, peuvent participer

d’une manière directe ou indirecte à favoriser des investissements financiers dans des

techniques moins polluantes. Alors la philosophie de la finance islamique nous permet de

« répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de

répondre aux leurs »2.

La finance islamique peut atteindre des taux stables de développement durable en soutenant et

en maintenant la stabilité financière dans les sociétés musulmanes. Ainsi celle-ci, peut jouer un

rôle important et efficace dans la libération des ressources financières nécessaires pour répondre

à la demande énorme d'infrastructures. Les objectifs de développement durable ne peuvent être

atteints sans une amélioration des infrastructures et le financement conventionnel à son tour ne

peut à lui seul satisfaire la demande d'infrastructures essentielles. A cette fin, les banques et les

institutions financières islamiques doivent activer et développer leur rôle dans la réalisation du

développement durable et à tout mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.

Les principes de la finance islamique, offrent un système socio-économique juste et équitable

où il existe un fort engagement pour le bien-être de la société. L’un des objectifs les plus

importants de l’Islam est de réaliser et de promouvoir une plus grande justice dans la société

2 Rapport Brundtland, 1987.

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humaine. Selon les statistiques officielles publiées en 2018 dans le site de la Banque Mondiale,

la croissance de cette nouvelle alternative a été rapide, de 10 à 12% par an au cours des deux

dernières décennies. En 2015, le secteur avait dépassé la somme de 1 888 milliards de dollars

américains.

Sur le plan social, en 2017 près de 783 millions (10,9% de la population mondiale) vivent dans

une pauvreté extrême : les objectifs de développement durable devraient continuer à poursuivre

les objectifs ultimes des OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), à savoir

transformer le monde pour un développement durable à l’horizon 2030 (World Bank, 2018) 3.

De plus, sur le plan environnemental, l’écart de financement le plus important dans la réalisation

des objectifs de développement durable concerne le changement climatique et l’énergie, tandis

que l’écart le plus faible concerne la santé et les télécommunications (voir la figure 1)4.

Figure 1: Investment gaps in reaching SDG

Sourse : World Bank, Global Economic Prospectif, January 2017

En outre, de nombreux observateurs estiment que le système financier islamique joue un rôle

primordial dans la réalisation des cinq principaux aspects qui sont les vecteurs de

3 https://www.uneca.org/sites/default/files/uploaded-documents/HLPD/2018/if_and_sdgs-shsh-june21-2018-single.pdf 4 https://www.uneca.org/sites/default/files/uploaded-documents/HLPD/2018/if_and_sdgs-shsh-june21-2018-single.pdf

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développement durable : l’inclusion financière, le développement des infrastructures, la

stabilité financière, la résolution des problèmes sociaux et environnementaux.

En effet, le concept de développement durable et de la Charia se rejoignent. Et la loi religieuse

islamique impose aux Croyants d’inscrire leurs activités quotidiennes, notamment

économiques, dans le respect de l’environnement et les générations à venir. La Charia impose

ainsi aux Croyants de se comporter de manière « socialement responsable »5. En outre, les

critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) qui constituent généralement

les trois piliers de l'analyse extra-financière, s’inscrivent parfaitement dans le programme de la

finance islamique qui vise à améliorer le principe de l’équité sociale et environnementale.

Le cœur de la réalisation de la vision Bruthdland repose sur trois facettes : la croissance

économique, l’inclusion sociale et la protection de l’environnement. Or, la finance islamique à

son tour joue un rôle crucial aussi dans la réalisation de ces aspects. Nous pouvons clarifier

cette philosophie dans la deuxième figure ci-dessous. Cela peut être utile pour comprendre

comment ce système peut contribuer à un développement durable.

Figure 2 : L’effet de la Finance Islamique dans le processus du Développement Durable

Source : Standard and Poor’s, 2016

5 Laila BOUCHARI, « La finance islamique : un modèle alternatif en faveur du développement durable », in Revue Internationale des Finances N° 2/2017, pp6-7.

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2. Les préoccupations environnementales dans la Finance Islamique

Le changement climatique a des effets néfastes sur l’environnement. Il perturbe l’agriculture,

la société humaine, les ressources naturelles, etc. Ainsi, la question environnementale est

devenue une préoccupation mondiale. Dans cette optique, la banque islamique peut jouer un

rôle de soutien à l’amélioration de l’environnement. En effet, dans le système bancaire

islamique, les autorités religieuses (i.e. Sharia Board) sont appelées à vérifier toutes les

transactions de la banque avec les entrepreneurs, les concepts de l’éthique et le respect de

l’environnement. Ceux-ci font partie des questions auxquelles le « Sharia Board » accorde une

importance particulière. Plus particulièrement, comme dans le système bancaire conventionnel,

les banques islamiques ne doivent pas chercher à avantager un domaine au détriment d’un autre

ou oublier l’un par rapport aux autres même-si le projet conforme à la Charia.

En effet, la finance islamique est un système éthique socialement responsable qui n’a aucun

effet négatif sur l’environnement, interdit d’ailleurs le financement de toutes les activités

illégales (par exemple, alcool, tabac, drogue, viande de porc, les jeux de hasard, etc.). À cet

effet, nous pouvons dire que l’investissement dans des projets écologiques nuisibles est interdit

puisque les lois islamiques considèrent les humains comme protecteurs de la nature.

De surcroît, le système bancaire classique ne supporte aucune responsabilité en ce qui concerne

les aspects environnementaux, il met l’accent seulement sur l’échéance du remboursement

majoré avec intérêt. En revanche, les principes fondamentaux de la finance islamique sont liés

intimement aux exigences environnementales. Les spécialistes existants dans la banque

islamique sont tenus de vérifier que le projet ne doit pas nuire aux générations de demain (en

sens large, en incluant les aspects sociaux et moraux). En outre, l’effet de complémentarité entre

le développement durable et la finance islamique, pourra entrainer une forte corrélation en ce

qui concerne une ambiance entrepreneuriale éthique et responsable, ainsi qu’encourager de

nouvelles innovations et produits convenables à l’environnement.

3. Combattre le changement climatique avec les obligations vertes

3.1. Présentation des Green Bonds

Comme n’importe quelle obligation ordinaire, le terme «obligations vertes» désigne les

obligations dont le produit est utilisé pour financer des projets respectueux de l'environnement

(Mercer 2015), telles que les énergies renouvelables, l'efficacité de l'eau et de l'énergie, la

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bioénergie et les transports à faible émission de carbone (Campiglio 2016)6. Ce type des

obligations est un titre de créance à long terme émis sur le marché obligataire et destiné à des

investisseurs institutionnels tels des fonds de pension, des banques, des compagnies d’assurance

et d’autres acheteurs nationaux et internationaux.

Caractérisées par une demande forte, les obligations vertes sont facilement cessibles sur le

marché international. De même, elles sont devenues accessibles aux entreprises et aux

collectivités locales autant qu’émetteurs.7

Depuis la COP 21 à Paris, les obligations vertes sont considérées comme une option

d’investissement pouvant aider les pays à respecter leurs engagements financiers en matière de

changement climatique. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que le passage à

une économie à faibles émissions de carbone compatible avec l’objectif de maintien d’une

hausse des températures ne dépassant pas 2 ° C coûtera 500 millions de dollars par an d’ici

2020 et un billion de dollars par an entre 2020 et 2050 (AIE, 2014).

Depuis les premières émissions par la Banque Mondiale et la Banque Européenne

d’Investissement en 2007, jusqu’en 2012, l’univers des Green bonds est resté réservé aux

émetteurs supranationaux. A partir de 2013, année qui a connu une émission d’un milliard de

dollars par l’IFC entièrement souscrite au bout d’une heure, des acteurs du secteur privé (ex. :

EDF et Bank of America) ont investi ce créneau marquant ainsi un tournant dans la structure

du marché comme en atteste la forte croissance des montants des émissions. En effet, contre

1.22 milliards de dollars émis en 2011, le marché des Green bonds a représenté près de 37

milliards de dollars à travers le monde en 2014 et plus de 41 milliards en 2015. En 2016, le

montant des émissions a déjà dépassé 60 milliards de dollars8.

6 BANGA Josué « The green bond market: a potential source of climate finance for developing countries », in Journal of Sustainable Finance & Investment, 2018, p.2 [consulté le 13 Juillet 2018]. 7 OUBDI Lahsen et ELOUALI Jaouad « FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS VERTS L’EXPERIENCE

MAROCAINE » 7èmes journées scientifiques internationales du FEM sous le thème de l’«Economie verte, croissance et développement : Etat des lieux et perspectives», Université Ibn Zohr – Maroc, p10 8 Guide de l’Autorité Marocaine du marchés des capitaux sous le thème « Green bonds », 2016. P4

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Figure 3 : Graphique représentant l’évolution des obligations vertes dans le monde entier :

Source : Climate Bond initiative et SFI

3.2. Les types des obligations vertes

Par ailleurs, en fonction de la nature du recours ou de la garantie dont dispose l’investisseur, on

peut distinguer les types d’émissions suivants9 :

- Green use of proceeds bonds : où une entité privée ou publique émet des

obligations avec un recours général sur l’émetteur ;

- Green use of proceeds revenue bonds : où des revenus de l’émetteur sont présentés

en garantie du paiement des sommes dues au titre de l’émission ;

- Green project bonds : où les fonds sont spécifiquement destinés à un ou plusieurs

projets, avec un recours sur les actifs du ou des projet(s) concernés uniquement;

- Green securitized bond : où le recours porte sur un ensemble de projets éligibles

groupés ensemble et générant les flux destinés au paiement de l’obligation, par

exemple dans le cadre d’une opération de titrisation.

4. Les « sukuks » verts : un potentiel immense

4.1. Présentation des sukuk verts

Le terme « Sukuk » est le pluriel de « sakk » qui en arabe désigne un titre représentatif d’une

créance. Le terme français « chèque » dérive de cette racine arabe. Sa légitimité historique est

avérée par son utilisation constante au fil des siècles, Al Ya’qubi précisant que deuxième

9 Guide de l’Autorité Marocaine du marchés des capitaux sous le thème « Green bonds », 2016. P17

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khalife, Omar ibn al khattab fut le premier à l’utiliser10. Aujourd’hui les sukuks désignent des

titres représentant une quote-part de la propriété d’un actif générateur de flux financiers

(marchandise, société). Ces titres offrent aux investisseurs un droit à rémunération sur les

bénéfices dégagés par les actifs et les exposent aux pertes à hauteur de leur part de propriété11.

Un «sukuk» vert est la version d’une obligation verte conforme à la Charia et représente des

investissements conformes à la Charia dans l’énergie renouvelable et autres biens

environnementaux. Le « sukuk » vert prend en charge les préoccupations de la Charia en termes

de protection de l’environnement. Les projets verts financés par les « sukuk » sont, notamment,

l’énergie, le transport en commun, la conservation de l’eau, la foresterie et les technologies à

faible émission de carbone. Ces initiatives de financement vertes intègrent également des

investissements socialement responsables conçus pour améliorer les vies des peuples et des

communautés. Ils sont aussi conçus pour encourager les investisseurs à transférer les capitaux

dans des sociétés qui insufflent des normes élevées de gouvernance dans les domaines de la

diversité, de l’obligation de rendre compte et de la transparence »12.

4.2. Le rôle de la Banque Islamique de Développement (BID) dans le financement du

changement climatique

La protection de l’environnement et la durabilité s’inscrivent parfaitement dans le programme

de la BID qui vise à améliorer le bien-être de la société. Depuis sa création, cette banque

envisage d’augmenter son soutien financier à la réalisation des objectifs du développement

durable, notamment le financement des projets d’énergies renouvelables dans ses pays

membres.

Dans un nouvel article13, le financement total des projets d’énergies renouvelables par la BID

s’élève à 2,75 milliards (USD). De plus, 6% de ses activités ont été affectées à des projets

d’atténuation des changements climatiques. Cela implique que les allocations annuelles ont

régulièrement augmenté pour atteindre 16% en 2016 (voir la figure 4). Ses actions en faveur de

la protection de l’environnement et de la réduction des risques liés au changement climatique

10 BENMANSOUR Hacène, Op. cit., p. 65. Cité par Michaël MOATÉ, La création d’un droit bancaire islamique, Jacques BOUINEAU et Hassan ABD EL-HAMID, thèse, droit, université de la ROCHELLE, 2011, p.126. 11 AAOIFI, 2004-5a, Standard on Investment sukuk. Cité par Michaël MOATÉ, La création d’un droit bancaire islamique, Jacques BOUINEAU et Hassan ABD EL-HAMID, thèse, droit, université de la ROCHELLE, 2011, p.126. 12 Report of a group of the Islamic Development Bank « Climate Change Financing: Role of Islamic Finance » November 2016, p8. 13 Mohammed OBAIDULLAH (2018), « Managing Climate Change: Role of Islamic Finance », in Islamic Economic Studies No. 1, 2018, p53, [consulté le Juillet 2018].

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comprennent : (a) la prise en compte de la protection de l’environnement dans tous les

documents relatifs à son projet, (b) le lancement du programme des énergies renouvelables pour

la réduction de la pauvreté (REPoR), (c) l’adoption d’une politique énergétique préconisant un

financement accru des EnR. En outre, les projets financés par la BID sont, notamment, les

projets d’énergies renouvelables, les projets hydroélectriques, le transport en commun, et la

conservation de l’eau.

Ainsi, les projets de la BID liés à l’atténuation du changement climatique sont répartis dans

quatre régions : Afrique subsaharienne (ASS), Asie, pays en transition (CIT) et MENA. Environ

57% de ces projets sont situés en Asie, principalement en raison de l'abondance des ressources

hydroélectriques (voir la figure 5). Les tendances émergentes en matière de financement

montrent toutefois l’importance croissante de la région d’Afrique subsaharienne, qui possède

également des ressources considérables en énergies hydraulique, solaire et éolienne. Voici

quelques exemples de réussites dans ce segment:

- (2004) : Mini centrales hydroélectriques au Tadjikistan ;

- (2009) : Mini système solaires domestiques au Bangladesh ;

- (2012-15) : projets de développement des EnR et projets d’efficacité énergétique en

Turquie.

Figure 4 : Graphique représentant le financement total des projets d’énergies renouvelables par

la BID

Source : PowerPoint presentation by: The Islamic Development Bank and Islamic

Research & Training Insitute14

14http://www.irti.org/English/Research/Documents/webinars/presentations/Responsible%20Finance%20from%20the%20Islamic%20Finance%20Perspective.pdf

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Figure 5 : Graphique représentant le financement du climat par la BID dans les quatre régions

Source : PowerPoint presentation by: The Islamic Development Bank and Islamic

Research & Training Insitute15

4.3. L’exemple des « sukuks » verts en Malaisie

La finance islamique a récemment commencé à soutenir les technologies vertes. En 2010, le

gouvernement malaisien a crée un fonds d’un milliard de dollars pour les prêts spécifiquement

dédiés aux projets socialement responsables. Citons l’exemple particulier de la « commission

des valeurs mobiliers de Malaisie » en 2014, qui a été parmi les pionniers en ce qui concerne

les « sukuks » ISR. Ainsi, ce type de des « sukuks » joue un rôle important pour soutenir le

programme qui est destiné à encourager les investissements dans des projets écologiques ou

durables en créant un marché pour la finance verte islamique.

Tadau Energy a émis le premier « sukuk » vert en Malaisie en juillet 2017 pour 250 millions de

ringgits malaisiens (58 millions de dollars) pour financer un projet solaire dans le pays. Après

ces débuts, nous avons vu une poignée d'autres « sukuk », émis en Malaisie, conformément au

cadre d'investissement durable et responsable du pays, et un en Indonésie, où le gouvernement

a émis en mars 2018 le plus grand « sukuk » vert à ce jour (Voir tableau suivant)16.

15http://www.irti.org/English/Research/Documents/webinars/presentations/Responsible%20Finance%20from%20the%20Islamic%20Finance%20Perspective.pdf 16 Corinne B Bendersky and Timucin Engin (Sept 16, 2018) « Credit FAQ : What Are The Prospects For Green Sukuk Issuance? »,p1,

57%18%

17%

7%

Asia

CIT

SSA

MENA

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Tableau 1 : L’émission des « sukuks » verts en Indonésie et Malaisie (jusqu’à avril 2018)

Issuer Issuer Issue date currency Funds

raised

(Mill.

$)

Used of Funds

Tadau

Energy Bhd

Malaysia Jul-17 MYR 58 Solar power project

Quantum

Solar Park

Semenanjung

Sdn Bhd

Malaysia Oct-17 MYR 236 Solar power project

PNB

Merdeka

Ventures Sdn

Bhd

Malaysia Dec-17 MYR 461 Real estate

development in

Kuala Lumpur

complying with

certain green

building

accreditations

Mudajaya

Group

Berhad

(Sinar Kamiri

Sdn Bhd)

Malaysia Jan-18 MYR 63 Solar power project

Indonesia Indonesia Mar-18 USD 1,250 Various green

projects

UiTM Solar

Power Sdn

Bhd

Malaysia Apr-18 MYR 57 Solar power project

Source : Bloomberg17

4.4. Exemple des « sukuks Orasis » et le financement des projets d’énergies

renouvelables

Tableau 2 : les « sukuks Orasis » et le financement du climat

Emetteur Coentreprise et société à responsabilité limité

Structurer Legendre patrimoine

Echéance 15 ans avec option d’achat à 10 ans

Coupan Sous forme de loyer de 7%. Le loyer est augmenté chaque année de 1%

(le loyer de la deuxième année est de 7.07%)

Prix d’émission 5, 425 €

Secteur d’activité Energie solaire

Type de contrat Moucharakah-Ijarah

Source : Salina KASSIM and Adam ABDULLAH18

17 www.spglobal.com/ratingsdirect 18 Salina KASSIM and Adam ABDULLAH, « Pushing the Frontiers of Islamic Finance Through Socially

Responsible Investment Sukuk », in AL-SHAJARAH, 2017, p206, [consulté le Novembre 2017].

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Un exemple spécifique de « sukuk » SRI pour le secteur de l'environnement est le « sukuk »

vert Orasis, qui est le premier « sukuk » vert émis en France en août 2012 par une société

d’énergie solaire connue sous le nom « Legendre Patrimoine ». Une série d'ajustements

juridiques et fiscaux a été introduite dans le système financier français avant l'émission de ce

« sukuk » afin de garantir la neutralité fiscale19. Or, « Ces produits, baptisés Orasis et ouverts

aux particuliers et institutionnels, prennent la forme de droits aux bénéfices sociaux. Ces droits

sont émis par une société qui acquiert, grâce aux fonds collectés auprès des investisseurs, des

panneaux solaires, lesquels sont loués auprès de sociétés d’exploitation et de production

d’énergie verte ensuite vendus à EDF. Les loyers « ijara » ainsi perçus sont reversés aux

investisseurs. Le rendement annuel, contractuellement proposé, est de 7 %, il est net d’impôts

pendant 10 ans et bénéficie d’un abattement de 71 % au-delà de cette période.

Ces « sukuks » verts sont passés sous les fourches caudines du Comité indépendant de la finance

islamique en Europe (CIFIE) en charge de la conformité islamique du produit »20. L’objectif de

ce « sukuk » est de financer des centrales électriques photovoltaïques installées en France

métropolitaine et aux Dom-Tom.21

En dépit de son attrait, Orasis n’a pas été considéré comme un succès après deux ans d’émission

en raison de nombreux facteurs : l’Europe était toujours aux prises avec la crise financière

mondiale qui a sévi en Grèce et dans d’autres régions d’Europe22. Cependant, sa structure peut

soutenir plus efficacement les projets liés au changement climatique, notamment les projets

d’énergies renouvelables.

On constate que les actifs solaires auraient généré 1 000 mégawatts (en utilisant 2 000 hectares

de terres et 5 millions de panneaux solaires). Or, selon la « Solar Energy Industries

Association », le nombre de foyers alimentés par 1 MW d'énergie solaire est en moyenne de

164 logements. Cela implique donc que pour 1 000 MW, elle couvrira 164 000 maisons en

19 A. Hassoune, « Islamic financial solution for Green Energy in France », Hassoune Conseil, (October, 2012).

Cité par Salina KASSIM et Adam ABDULLAH, « Pushing the Frontiers of Islamic Finance Through Socially

Responsible Investment Sukuk », in AL-SHAJARAH, 2017, p207, [consulté le Novembre 2017]. 20 https://www.agefi.fr/asset-management/actualites/hebdo/20151210/tout-premier-sukuk-made-in-france-152673 21 Groupe El Khawarizmi de la France « Les Sukuks : une nouvelle alternative de financement pour le Maroc »,

2012, p97, 22 A. Hassoune, « Islamic financial solution for Green Energy in France », op. cit. Cité par Salina KASSIM and

Adam ABDULLAH, « Pushing the Frontiers of Islamic Finance Through Socially Responsible Investment

Sukuk », in AL-SHAJARAH, 2017, p206, [consulté le Novembre 2017].

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consommation d'électricité.23 Nous présentons dans ce qui suit la structure du premier Green

« sukuk » émis en 2012 par la France. Il s’agit du « sukuk » ORASIS de type « Mouchara-

Ijara »24.

Figure 6 : Schéma général du fonctionnement d’un Sukuk Orasis

- (1) Les investisseurs souscrivent aux « sukuks » ORASIS ;

- (2) La société de participation se charge de la gestion de « sukuk », elle achète,

moyennant les fonds collectés par l’émission de Sukuk, les panneaux solaires ;

- (3) Ces derniers sont loués (via des contrats Ijara) à des compagnies d’exploitation

qui vont se charger de la production de l’énergie solaire ;

- L’énergie produite est vendue à la compagnie Electricité de France (EDF) (4) qui va

la distribuer aux consommateurs finaux (5).

5. Les « sukuks » verts sont-ils un alternatif des obligations vertes ?

Comparées aux obligations vertes conventionnelles, les « sukuks » verts sont liés intimement à

l’actif sous-jacent, ils ne peuvent pas donner lieu à un paiement d’intérêt fixe comme c’est le

cas pour une obligation verte conventionnelle. Ainsi, ils exigent une Fatwa émise par un comité

charia sur la conformité. De plus, « il faut garder à l’esprit que les relations entre contractants,

sont en principe gouvernées par le partage du risque, et donc des bénéfices ou des pertes, lors

23 Z. Hagadone, « Megawhat? How many homes can you power with a single megawatt? », Note Boise Weekly

(Mar. 18, 2015). Accessed on May 26, 2017, 24 Rachid BOUTTI et Fadma EL MOSAID « Sukuk ou les green sukuk : une opportunité prometteuse pour le

financement des énergies renouvelables », in Revue CREMA, Volume 1, N°1, 2015, p5, [consulté le 1 septembre

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de l’investissement »25, car les caractéristiques de partage des risques de ces instruments

peuvent potentiellement renforcer la stabilité des marchés financiers (Ahmed et al. 2015). En

revanche, les obligations vertes sont des instruments à revenu fixe (i.e. basées sur la dette) qui

réunissent aussi des fonds destinés à financer des projets précis comportant des avantages

tangibles sur le plan de l’environnement. Dans ce sens, nous pouvons dire que les obligations

classiques ne s’accommodent pas avec la charia, car l’Islam interdit le prêt à l’intérêt. De

surcroît, de nombreux observateurs estiment que les « sukuks » verts engendrent les

caractéristiques positives des obligations vertes et les qualités attrayantes de la finance

islamique.

Tableau 3 : Comparaison entre obligations et « sukuks »

Obligations « Sukuks »

Les obligations ne sont pas liées à des actifs Les « sukuks » représentent chacun une part

de propriété des actifs sous-jacents à

l’opération

Les obligations donnent droit à un revenu

fixe

Les souscripteurs n’ont pas de revenu fixe

mais plutôt lié à l’activité sous-jacente

Les obligataires ne sont pas concernés par les

résultats de l’émetteur

Les souscripteurs perçoivent une part de

profit mais support également les partes

éventuelles

L’échéance des obligations est indépendante

de la fin de l’activité ou du projet financé

Le terme des « sukuks » correspond

généralement à la fin du projet qui est financé

Source : Legendre Patrimoine26

Le Maroc s’est engagé ces dernières années dans un processus d’implémentation d’une vision

volontariste du développement durable visant à limiter le changement climatique. C’est pour

cela il encourage plus les projets d’énergies renouvelables. L’objectif principal est d’assurer

son indépendance énergétique en exploitant ses moyens naturels. Ainsi, il est indispensable

d’avoir des moyens de financement à la hauteur de cette ambition. L'ODD 7 (énergie propre et

25 MOATE Michaël, thèse sous le thème « La création d’un droit bancaire islamique », 2011, pp 126-127 26 Cité par : https://ribh.wordpress.com/2013/04/09/france-la-finance-islamique-pour-financer-la-transition-energetique/ [consulté le 9 Avril 2013].

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abordable) est directement lié au développement des énergies renouvelables et à la garantie d'un

accès inclusif à des services énergétiques fiables, durables, modernes et abordables.

En outre, les projets d’énergie verte nécessitent des investissements considérables et de longs

horizons d’investissement. De surcroît, la finance islamique est un recours à plusieurs pays pour

se financer. Par exemple, la banque islamique de développement (BID) joue un rôle majeur

dans le financement du climat. Elle investit des milliards de dollars dans divers projets

d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. La Turquie a reçu un financement de 100

millions de dollars de la BID pour financer des activités favorables au climat ou à

l’environnement, notamment le secteur d’énergie renouvelable. Les cinq premiers pays

bénéficiaires de cette institution internationale sont le Pakistan, l’Egypte, la Tunisie, la Syrie et

bien sûr le Maroc ne fait pas l’exception, en effet, il a bénéficié de financements de ce type

particulièrement grâce aux apports de la Banque Islamique de Développement (BID). En outre,

« sukuk offre aussi un grand potentiel pour le développement des énergies renouvelables au

Maroc, l’émission des sukuks étant désormais possible après l’amendement de la loi 33-06 liée

à la titrisation et introduisant le cadre d’émission sukuk au royaume ».27 La plupart des

investissements peut être mobilisés en réaffectant les investissements dans les énergies fossiles

aux énergies renouvelables.

6. Recommandations

Pour montrer comment le développement de la finance participative au Maroc pourrait être

positionné comme un mode de financement efficace intégrant le concept de durabilité dans les

projets d'infrastructure (notamment les projets d'énergies renouvelables) pour atteindre les

objectifs de développement durable. Nous proposons une feuille de route pour le

développement d'un marché du « sukuk » vert basé sur les facteurs de succès des marchés

existants du « sukuk » vert (par ex : Malaisie). La feuille de route aussi s'attaque à trois objectifs

clés - maintenir la stabilité financière, répondre aux besoins de financement pour le climat et

promouvoir le financement participatif.

Atténuer les changements climatiques et atteindre les objectifs de développement durable à

l’horizon 2030 nécessitent des engagements nationaux, une volonté politique et des partenariats

27 Rachid BOUTTI et Fadma EL MOSAID « Sukuk ou les green sukuk : une opportunité prometteuse pour le financement des énergies renouvelables », in Revue CREMA, Volume 1, N°1, 2015, p5, [consulté le septembre 2017].

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entre les secteurs public et privé. Ainsi, les efforts de communication et de sensibilisation sont

nécessaires pour attirer les investisseurs recherchant des investissements ayant un impact social

et environnemental. A cette fin, et comme il a été publié dans un rapport de la Banque Mondiale

en 2018, Le sukuk vert peut être utilisé pour traiter les trois dimensions du développement

durable: la sécurité énergétique, la pauvreté énergétique et la responsabilité environnementale.

Dans ce sillage, Le « sukuk » vert pourrait constituer un moyen novateur de financer les

infrastructures vertes. Il pourrait devenir une nouvelle classe d'actifs ciblant à la fois les

investisseurs islamiques et les investisseurs socialement responsables. Les premières émissions

de « sukuk » vert, en Malaisie, ont démontré l'acceptation par le marché de « sukuk »

d'infrastructures vertes de longue date.28 En outre, la construction d’un marché des « sukuks »

vert au Maroc pourra donc faciliter la réalisation de quatre objectifs qui seront les vecteurs du

développement durable :

- « Réduire la dépendance énergétique et contribuer à la réalisation des objectifs du

développement durable, en diversifiant les sources de financement ;

- Positionner la finance participative comme un mode de financement universel et

éthique ;

- Sensibiliser aux modes de financement islamique dits participatifs au Maroc et à la

responsabilité environnementale ;

- Aider au développement des marchés des capitaux nationaux et attirer les

investisseurs institutionnels ».29

28 Issues included the 16-year green sukuk by Tadau Energy (Edra Power) in 2017, the 18-year green sukuk by Quantum Solar Park (Semenanjung Sun BHD) in 2017, and the 18-year green sukuk by Mudajaya Group Berhad (Sinar Kamiri) in 2018. 29 Dalal Aassouli, Mehmet Asutay, Mahmoud Mohieldin and Tochukwu Chiara Nwokike « Green Sukuk, Energy

Poverty, and Climate Change : A Roadmap for Sub-Saharan Africa », in THE WORLD BANK, Report Number

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Conclusion

Atténuer les changements climatiques et atteindre les objectifs de développement durable à

l’horizon 2030 nécessitent des engagements nationaux, une volonté politique et des partenariats

entre les secteurs public et privé. Ainsi, les efforts de communication et de sensibilisation sont

nécessaires pour attirer les investisseurs recherchant des investissements ayant un impact social

et environnemental. Dans ce contexte, la finance participative doit s’inspirer de l’expérience

Malaisienne, qui compte parmi les plus « réussies » en matière de la finance islamique, afin de

soutenir le financement de projets qui aident à la réalisation des objectifs de développement

durable ODD.

Dans ce sillage, l’étude a montré que l’émission des « sukuks » verts peut soutenir plus

efficacement les projets liés au changement climatique, notamment le secteur d’énergie

renouvelable. Cette émission permettra aussi au Maroc de se financer à bon marché, compte

tenu des recettes fiscales qu’il percevra auprès des épargnants marocains sur le rendement. De

plus, les investisseurs bénéficieront des performances des entreprises figurant dans l’indice

boursier.

Aussi, pour fournir des ressources financières importantes et appuyer le financement du

changement climatique, ces obligations vertes islamiques doivent être destinées aux plusieurs

investisseurs institutionnels tels des fonds de pension, des banques participatives, des futures

assurances « Takaful » et d’autres acheteurs internationaux, à condition que ce type des

« sukuks » connaisse les mêmes caractéristiques que les obligations vertes conventionnelles en

matière de prix, de rendement, d’échéance, …etc.

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