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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports African Review of Maritime Affairs and Transportation Juillet 2010 * N°2 Semestriel * ISSN en cours Sous la direction de : Martin NDENDÉ Professeur à l’Université de Nantes Directeur de l’Institut Eurafrique Export Expert juridique international Articles et études doctrinales La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ? Martin NDENDÉ L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffisances du Droit face au trafic illicite de déchets dangereux Marie BOURREL et Joseph BREHAM Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit Ohada Franck Tolérance KINANGA-MUYABI Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit de la responsabilité Mady Marie BOUARE • Les concessions portuaires Robert RÉZENTHEL Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest : quels impératifs de gouvernance ? Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP, Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA Chroniques et informations Bibliographie Textes et documents Co-directeur : Éric DIBAS-FRANCK Docteur en Droit Chargé de cours à la Faculté de Droit de l’Université Marien NGOUABI Une publication de l’Institut Eurafrique Export Avec le soutien de l’Université de Nantes et de la MSH Ange Guépin. RAMATRANS

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports African Review of Maritime Affairs and Transportation

Juillet 2010 * N°2 Semestriel * ISSN en cours

Sous la direction de :Martin NDENDÉProfesseur à l’Université de NantesDirecteur de l’Institut Eurafrique ExportExpert juridique international

Articles et études doctrinales• La sécurité maritime en Méditerranée :

quelle politique européenne ? ■ Martin NDENDÉ

• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffi sances du Droit face au trafi c illicite de déchets dangereux ■ Marie BOURREL et Joseph BREHAM

• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI

• Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE

• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL

• Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest : quels impératifs de gouvernance ? ■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER,

Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP, Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA,

Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA

Chroniques et informations

Bibliographie

Textes et documents

Co-directeur :Éric DIBAS-FRANCKDocteur en DroitChargé de cours à la Faculté de Droit de l’Université Marien NGOUABI

Une publicationde l’InstitutEurafrique Export

Avec le soutien de l’Université de Nantes et de la MSH Ange Guépin.

RAMATRANS

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Les perspectives d’avenir du Port Autonome de Pointe-Noire se fondent sur la mise en œuvre du programme d’investissement prio-ritaire, dont l’une des principales composan-tes est l’aménagement, la gestion et l’exploi-tation d’un terminal à conteneurs moderne, dans le cadre d’un partenariat public/privé. A cet effet une convention de concession du terminal à conteneurs a été signée le 23 décembre 2008 entre le Port Autonome de Pointe-Noire et le Groupement Bolloré.Le programme d’investissements prioritaires qui se chiffre à 454 milliards de FCFA, dont 374 milliards FCFA à la charge du Groupe-ment Bolloré et 80 milliards de FCFA à la charge du Port Autonome de Pointe-Noire et des Bailleurs de fonds (Agence Française de Développement, Banque Européenne d’In-vestissement et Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale) comprend les opérations suivantes :- le rempiétement et l’allongement du quai

G afi n d’obtenir un linéaire accostable de 800 m à une profondeur de -15 m ;

- le rempiétement du quai D sur une lon-gueur 750 m à une profondeur de -13 m ;

- l’aménagement d’un terminal à conteneurs de 38 ha et d’une zone logistique d’empo-

tage et de dépotage de 4,5 ha ;- l’allongement de la digue extérieure de pro-

tection du port de 300 mètres linéaires ;- les dragages d’approfondissement du che-

nal d’accès et du bassin portuaire ;- la réhabilitation et l’extension des réseaux

d’électricité, d’eau et d’assainissement ;- la mise en place des équipements de

manutention comprenant à terme, entre autres, 14 portiques de quai et 34 portiques de parc de type RTG ;

- l ’acquisition des remorqueurs de grande puissance et des vedettes de pilotage, de lamanage et hydrographique ;

- etc.

Les appels d’offres internationaux relatifs aux travaux du quai G et de la digue de protec-tion ont étés lancés en août 2009. Les appels d’offres pour les autres lots du programme, réseaux d’eau et d’électricité ont étés lancés en novembre 2009.Le démarrage des travaux est prévu pour juillet 2010 et la durée d’exécution de l’en-semble du programme est de 42 mois en-viron.La réalisation de ce programme ambitieux permettra au port de Pointe-Noire de faire

un véritable saut technologique, de béné-fi cier d’une capacité de traitement du trafi c de plus d’un million de conteneurs par an et de recevoir des navires porte-conteneurs de type Aframax transportant 7000 EVP.Elle permettra également de faire de Pointe-Noire la porte d’entrée du Congo et de son hinterland comprenant tout le bassin du Con-go et les corridors de Bangui à Brazzaville, de Kinshassa à Kisangani et de Pointe-Noire au Cabinda d’une part et d’autre part, la plate-forme de transbordement de la Côte Ouest Africaine.Au-delà du programme d’investissements prioritaires, le Port Autonome de Pointe-Noire a ciblé un certain nombre d’actions à entreprendre à court et moyen terme. Celles-ci concernant :1. la facilitation des procédures de passage

portuaire de la marchandise2. la création d’un guichet unique3. la mise en œuvre d’une politique de ges-

tion des ressources humaines axées sur une adaptation tant quantitative que qua-litative du personnel qui se traduit par le rajeunissement des effectifs et la résorp-tion du défi cit en personnel qualifi é dans les différents emplois portuaires.

Une position géographique privilégiéeSitué dans le golfe de Guinée, à mi-chemin entre le Sud et l’Ouest de l’Afrique, le Port de Pointe-Noire occupe une position géo-graphique stratégique. Cette situation est un avantage essentiel pour les compagnies de navigation, car, à la croisée des grands axes maritimes, le Port sert de relais entre l’Eu-rope Atlantique, la Côte Est des Etats Unis, la Côte Est de l’Amérique du Sud, d’une part, et l’Afrique du Sud, le sous continent Indien, et l’extrême Orient d’autre part. Le Port de Pointe-Noire est surnommé Porte Océane de l’Afrique Centrale.

Un Port aux accès faciles et sûrsLe Port de Pointe-Noire est fi er d’être parmi les Ports de la Côte Ouest Africaine à présen-ter des caractéristiques physiques et des faci-lités de navigation attractives. Port extérieur gagné sur la mer, il est sur la Côte Ouest de l’Afrique au-dessous de Dakar l’un des rares ports en eau profonde, allant jusqu’à -13,20 m, et pouvant recevoir des navires calant 34 pieds et mesurant 234 m de lon-gueur. L’entrée et sortie des navires s’effec-tuent dans des conditions d’accès excellentes à travers un bassin portuaire d’une superfi cie de 84 ha qui s’ouvre sur la baie par une passe d’entrée de 180 m de largeur, prolongée par un chenal d’accès d’une longueur de 1 200 m

dragué à -11,50 m. Son bassin est l’un des plus tranquilles de la sous-région parce que protégé par une digue intérieure longue de 1 800 m. En outre, les conditions océaniques et climatiques font du Port de Pointe-Noire un Port aux accès faciles.

Des infrastructures adaptées2 861 m linéaires de quai, dont :• 2 135 m pour le Port Commercial avec 11

postes en eau profonde allant de -7,30 m à -13,20 m et 4 postes à quai de faible pro-fondeur allant de -3,70 m à -9 m.

• 726 m pour la zone logistique pétrolière, avec des fonds de -4 m à -6 m.

• Le terminal pétrolier de Djeno situé à 3 800 m de la côte, est le site de charge-ment en mer des cargaisons pétrolières.

Des installations spécialisées• Un terminal à conteneurs de 38 ha en cours

d’aménagement.• Des parcs à bois d’une superfi cie totale de

188 873 m2.• Deux installations frigorifi ques.• Des dépôts de stockage d’hydrocarbures.• Un silo à ciment d’une capacité de 10 000

tonnes.• Un silo à céréale d’une capacité de 15 000

tonnes.

Des services de qualitéLe Port fonctionne 24 heures sur 24. Il met à la disposition de sa clientèle les services suivants :• Le pilotage et le remorquage réalisés par un

personnel hautement qualifi é ;• La répartition navale avec un slip way d’une

capacité de 700 tonnes et un chantier de réparation disposant d’un important équi-pement en machines outils ;

• Les avitaillements en eau douce et en hy-drocarbures sont assurés par oléoduc ou camion citerne ;

• Deux sociétés d’avitaillements maritimes approvisionnent les navires en vivres ou denrées ;

• L’acconage, la manutention, le transit, le stockage, la consignation sont concédés à des opérateurs privés effi caces et expéri-mentés ;

• La sécurité de l’exploitation, grande priorité de l’administration portuaire fait de ce port l’un des plus sûrs d’Afrique.

Une assistance permanente aux opéra-teursLe personnel, disponible et à l’écoute perma-nente de la clientèle, apporte une assistance régulière et soutenue à tous les intervenants portuaires grâce à sa nouvelle politique com-merciale plus dynamique.

Perspectives de développement du Port Autonome de Pointe-Noire

Atouts et potentialités du Port Autonome de Pointe-Noire

PUBL

ICIT

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M e s s a g e d u P o r t A u t o n o m e d e P o i n t e - N o i r e

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Pour tout contact ou renseignements, s’adresser aux coordonnées ci-dessous :

Institut Eurafrique Export – c/o Prof. Martin NDENDÉComplexe scientifi que Stade Marcel Saupin (MSH - IEA nord-sud)

5 allée Jacques Berque - 44021 Nantes Cedex 1 (France)Tél : 00-(336)-09-87-37-13 / Tél-Fax. 00-(332)-40-14-15-87 / Tél-Fax. 00-(332)-40-48-39-53

[email protected]

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Chroniques et informations• Les Règles de Rotterdam - Conférence de signature - 21-23 septembre 2009 • Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime

12-16 octobre 2009 - Durban (Afrique du Sud)• « La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation »

Séminaire international - 16-27 novembre 2009 - Nantes (France)• Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc

et la République du Congo• Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français• « Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? » - Séminaire international

18-19 mars 2010 - Yaoundé (Cameroun) • Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo• Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports

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Articles et études doctrinales• La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ?

■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et Sécurité des Activités maritimes et océaniques », Directeur de l’Institut Eurafrique Export

• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffi sances du Droit face au trafi c illicite de déchets dangereux ■ Marie BOURREL, Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, et Joseph BREHAM, Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET

• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des Affaires, Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II Soa

• Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privé, Maître Assistant Associé, Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)

• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL, Docteur en droit,

Chargé de cours à l’Université de Lille II

• Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest : quels impératifs de gouvernance ? ■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP, Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA (chercheurs)

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Bibliographie• Ouvrages parus • Thèses soutenues• Thèses en préparation• Vous trouverez dans vos journaux…

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Textes et documents• Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo• Joola : abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Sommaire Juillet 2010 • N°2 / 5

S O M M A I R E

Maquette : Monodia Nantes • Traductions : Constance Cournède (MSH-IEA) • Impression : Rézo La Haye-Fouassière • Diffusion : L’Harmattan 5-7 rue de l’Ecole Polytechnique 75005 Pariswww.editions-harmattan.fr

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Comité scientifi que6/ Juillet 2010 • N°2

Présidents d’honneur :

Président exécutif :Martin NDENDE

Professeur à l’Université de NantesDirecteur de l’Institut Eurafrique Export

Secrétaire Général :Eric DIBAS-FRANCK

Docteur en DroitChargé de cours à l’Université Marien NGOUABI (Brazzaville, Congo)

Membres :- Ahmet BA, Avocat au Barreau de Dakar (Sénégal), Spécialiste de Droit maritime- Jean-Pierre BEURIER, Professeur émérite de l’Université de Nantes, Directeur honoraire du CDMO, Expert international - Victor-Emmanuel BOKALLI, Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Yaoundé II - Soa (Cameroun) - Isabelle BON-GARCIN, Maître de conférences à l’Université de Lyon-II (Lumière), Directrice Scientifi que de l’IDIT (Rouen) - Fatima BOUKHATMI, Professeur à l’Université d’Oran (Algérie), Directrice du Laboratoire de Droit des Transports et des Activités Portuaires - Pierre CARIOU, Professeur d’Economie maritime et portuaire à l’Université Maritime Mondiale (Malmö, Suède)- Cécile de CET-BERTIN, Maître de conférences à l’Université de Brest, Directrice du Master Droit des Espaces et Activités maritimes- Alexandre CHARBONNEAU, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux-I, Spécialiste de Droit social maritime- Patrick CHAUMETTE, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur de l’Observatoire des Droits des marins- Karim COULIBALY, Directeur Général de l’Académie Régionale des Sciences et Techniques de la Mer, ARSTM (Côte d’Ivoire) - Philippe DELEBECQUE, Professeur Université de Paris-I (Panthéon-Sorbonne), Président de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris- Stéphane DOUMBE-BILLE, Professeur à l’Université de Lyon-III, Directeur du Master et du Centre de Droit international, Expert ONU et OIF- Joseph EGWURUBE, PhD Political Sciences, Lecturer in the English and Maritime Departments, University of Nantes (France)- Jacques GUILLAUME, Géographe, Professeur à l’Université de Nantes, Géolittomer, UMR 6554 LETG-CNRS- Patrick GUILLOTREAU, Maître de conférences à l’Université de Nantes, Spécialiste d’Economie maritime, Expert auprès de l’IRD- Ibrahima KHALIL DIALLO, Maître de conférences à l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar, Sénégal), Spécialiste de Droit maritime - Lilia KHODJET El KHIL, Docteur en Droit, Chargée de programmes Organisation Maritime Internationale / REMPEC (Malte)- Emeric LENDJEL, Maître de conférences et Directeur du Master de Transports internationaux, Université de Paris-I (Panthéon Sorbonne)- Miloud LOUKILI, Professeur, Université Mohammed V, Rabat-Agdal, Maroc, Pdt Assoc. Marocaine d’Etudes et de Recherches Internationales- Didier R. MARTIN, Professeur émérite, Université Paris XI-Sceaux- Gaston NGAMKAN, Docteur en Droit, Spécialiste de Droit maritime, Avocat au Barreau du Cameroun (Douala)- Joseph NGUENE NTEPPE, Docteur en Droit, Enseignant à l’Université de Douala, Juriste au Conseil National des Chargeurs du Cameroun, CNCC- Françoise ODIER, Présidente honoraire de l’Association Française du Droit Maritime, Consultante M.O. Conseil (Paris)- Gwénaele PROUTIERE-MAULION, Maître de conférences à l’Université de Nantes, Directrice du CDMO- Robert REZENTHEL, Docteur en Droit, Secrétaire Général du Grand Port de Dunkerque- Guy ROSSATANGA-RIGNAULT, Professeur à l’Université Omar BONGO ONDIMBA (Gabon), Conseiller et Expert national- Patrice SALINI, Consultant, Professeur associé à l’Université Paris-IV (Sorbonne), Spécialiste d’Economie des Transports- Louis SAVADOGO, Juriste au Greffe du Tribunal International du Droit de la mer (Hambourg), Maître de conférences Université Cergy-Pontoise- Abdul SHERIFF, Professor, Executive Director of Zanzibar Indian Ocean Research Institute, ZIORI (Zanzibar, Tanzania)- Nora TALBI, Professeur à l’Université Mohamed V – Rabat Souissi (Maroc), Directrice LP-Droit des transports de marchandises- Paul TOURRET, Directeur de l’Institut Supérieur d’Economie Maritime, ISEMAR (Saint-Nazaire, France) - Imed ZAMMIT, Head of Unit Maritime and Inland Water Transport, African Union Commission (Addis Ababa, Ethiopia)

Contacts avec le Comité scientifi que et l’équipe rédactionnelle de la RevueInstitut Eurafrique Export c/o Prof. Martin NDENDE

Complexe Scientifi que du Stade Marcel Saupin (MSH-IEA Nord Sud)5, Allée Jacques Berque – B.P. 12105 – 44021 Nantes Cedex 1 (France)

Tél : 00(336)09-87-37-13 / Tél-Fax : 00(332)40-14-15-34 / Tél-Fax : 00(332)40-48-39-53Mail : [email protected] ou [email protected]

Site internet : www.msh.univ-nantes.fr (voir rubrique : La Recherche / Projets agrées / « Programmes Thématiques »)

C O M I T É S C I E N T I F I Q U E

M. Samir AMINProfesseur Emérite de Sciences Economiques

des Universités de Poitiers, Paris et DakarDirecteur du Forum du Tiers-Monde

Président du Forum Mondial des Alternatives

M. Pierre BONASSIESProfesseur Emérite de l’Université d’Aix-Marseille III

Président honoraire de l’Association Française du Droit MaritimePremier Vice-Président de l’Institut Méditerranéen

des Transports Maritimes, IMTM

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Notwithstanding absence of empirical studies on the re-lation between ‘rule of law’ (2) and development (3), one will not challenge reason by the conclusion of their inter-

relation (4). And, without claiming expertise in this specifi c do-main, and which should interest Africa, a typical development region, cooperation between African shipping lawyers is expec-ted to support African development (5).

Governmental institutions in Africa and the Arab World did not regretfully pay much attention to private shipping law; it mi-ght be a low priority for their agendas which are full with rather complicated political matters.

One should not disregard due critique to follow academics and their institutions; since they are the lighthouse of their concerned countries in this regard. Academics from developing world do not have many excuses; thanks to the benefi ts of globalization, they enjoy a variant means of low cost communication, and which would enable them to better serve issues of maritime rule of law in their countries. It is true that we still have limited fi nancial resources for such mission, but through cooperation between the different nongovernmental institutions the burden will be redu-ced and attainable outputs will be received.

In the Arab World we do not have a periodical that traces and supports development of maritime law, something like that of the Droit Maritime Français (DMF). Absence such enlightening

guidance is among the reasons of limited academic research and confused applica-tion of international maritime conventions in Arab courts. Researchers are left with al-most primary resources of information and courts are not assisted with interpretative academic guidance.

With cooperation among shipping law academics of the Arab World and their African colleagues, an open-source of shipping law guidance might be put to the benefi t of the developing so-cieties. This will help building up expertise, and bring the deve-loping countries in a better active participation with the interna-tional process of creating and developing maritime law (6).

Uniform law is not created by few countries, it is the compro-mise of all, under a consensus; the African Mediterranean Arab countries once shared in the development of the medieval lex marcatoria and which included a sub-department of a lex mari-tima (7). Nothing prevents them from doing it again; it is advised for a renaissance.

In this context, the author extends a plea to the shipping law academia of the Arab World, namely in North Africa to support the initiatives of Prof. Martin NDENDE in sharing active role in an African maritime forum comprised of two projects: the Institute Eurafrique Export and la Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports. Africa and the Arab World share the same agenda of needs for a better rule of law, an essence for development.

Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Éditorial Juillet 2010 • N°2 / 7

É D I T O R I A L

(1) Created by The Arab League (21 member States) in Alexandria, Egypt, (http://www.aast.edu). Author’s Email: [email protected]

(2) Different defi nitions are given to the concept of ‘rule of law’; the author aligns with that which refers to supremacy of law. See, Okoye, A. “The Rule of Law and Sociopolitcal Dynamics in Africa”, in: Human Rights, the Rule of Law and Development in Africa, Ed., Zeleza, T., and McConnaughay, Ph., University of Pennsylvania Press, 2004, p. 27.

(3) See the conclusion of this statement mentioned at the proceedings of the American Bar Association (ABA), on the “Rule of Law and Sustainable De-velopment”, April 16, 2007, New York, and which the ABA calls the “white paper”, at p. 3, footnote 6. Available at <http://www.abanet.org/intlaw/committees/division_chair/section/Economic_Development_White_Pa-per.pdf> (last visited June 20, 2010).

(4) It has been stated that “Security of property rights and integrity of contract underpin, respectively investment and trade, which in return fuel economic growth and development”. Cited from: Haggard, S., Maclnryve, A., and Tiede, L., “The Rule of Law and Economic Development”, 11 Annual Review of Political Science 205 (2008).

(5) Only four Maritime Law Associations from the Africa enjoy full membership to the CMI, two of them from Arab countries. The MLAs belong to: Morocco, Nigeria, Tunisia and South Africa. The author wishes to refer also to the Arab Society for Commercial and Maritime Law, ASCML, and which he represents as a board chairman. ASCML enjoys a consultative status with CMI and ma-naged to attract the attention of both the CMI and UNCITRAL in its annual conferences (CMI in its 2009, and UNCITRAL in both 2009 and 2010).

(6) Lately, Mr. Castellani from the UNCITRAL called upon both African countries and Arab World for further participation in the creation and adoption of modern international trade law. See, Catellani L., “International Trade Law Reform in Africa”, 10 Yearbook of Private International Law 547 (2008) also his paper presentation under the title of “Promoting the Adoption of the United Nations Convention on Contracts for the International Sale of Goods (CISG) in the Arab world”, a paper presented in the 4th Arab Conference for Commercial and Maritime Law Conference on “The Economic and Legal Aspects for the Development of Seaborne Trade in the Euro-Med: In Com-memoration of the 30th Anniversary of the CISG”, Bibliotheca Alexandrina, May 29-30, 2010.

(7) Prof. Albert Kritzer states that through the medieval Norman Occupation of Tunisia, and which used to be called at the time “Ifriqiyya”, many concepts of Muslim law (namely Maliki doctrine) helped development of the com-mon law of England, also “The lex mercatoria owes its establishment to the international trade fairs, of which, much can be attributed to the Islamic and Eastern infl uences”. See his paper “Infl uence of Islam on the Western Legal Culture: Part II”, distributed in the 4th Arab Conference for Commercial and Maritime Law Conference, op. cit. On lex maritima William Tetley, “The General Maritime Law – The Lex Maritima”, 20 Syracuse Journal of Interna-tional Law and Commerce 105 (1994).

Arab-African Maritime Law Cooperation:A plea for a common cause of development

by Prof. Nader M. IBRAHIM (1) Associate Professor of Commercial and Maritime Law,

Arab Academy for Science, Technology and Maritime Transport

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La communauté internationale en général, l’Afrique ainsi que son pays le Cameroun en particulier, ont récemment appris, avec un

profond regret, le décès de M. le Juge Paul Ba-mela Engo, survenu à Yaoundé le 26 avril 2010, à l’âge de 79 ans. M. le Juge Bamela Engo fut en effet Membre du Tribunal International du Droit de la mer (TIDM), de 1996 à 2008. Cette éminente juridiction internationale, basée à Hambourg en Allemagne, nous a fait l’honneur de nous communiquer, pour les besoins de cet hommage rendu par notre Revue, l’époustoufl ant curriculum vitae de son regretté membre, ainsi que la lettre de son Président à la famille du dé-funt (voir ce document p. 104). Qu’elle en soit sincèrement re-merciée au nom de l’ensemble du continent, et au nom de tous ceux qui, à travers le monde, ont côtoyé, connu ou simplement apprécié ce remarquable juriste.

Avant son élection en qualité de Juge au Tribunal, Son Excellence Paul Bamela Engo exerça diver-ses fonctions internationales au service de son pays, notamment celles d’Ambassadeur et de Représentant permanent du Cameroun auprès de l’Organisation des Nations Unies. Le TIDM se plait à rappeler qu’il joua un rôle majeur en tant que Président de la Première Commission de la Troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer (1973-1982). Celle-là même qui devait conduire à l’élaboration de la Convention des Nations-Unies de 1982 (dite Convention de Montego-Bay) sur le Droit de la mer. C’est donc l’un des « Pères spirituels » de la Charte suprême de la mer et des océans que nous honorons à tra-

vers ces modestes lignes, pour son action, son courage, et pour l’exemplarité et l’universalisme de son noble magistère.

Que la terre de ses ancêtres africains lui soit légère…

Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Hommage au Juge Engo8/ Juillet 2010 • N°2

H O M M A G E

Repères biographiques

Lieu et date de naissance : (Cameroun) le 5 octobre 1931. Formation : Avocat, juriste, admis au barreau anglais (Middle Temple Inn, Londres, 1959). Membre du Tribunal du Droit international de la mer depuis le 1er octobre 1996 ; réélu à dater du 1er octobre 1999, jusqu’en 2008.

Parcours professionnel : Conseiller juridique de la Couronne (Her Ma-jesty’s Crown Counsel), circonscriptions judiciaires de Lagos (Nigeria) et des Southern Cameroons (1959-1961) ; magistrat, Southern Came-roons (1961-1965) ; haut membre de la Commission judiciaire fédérale du Cameroun (1961-1969) ; Ministre plénipotentiaire, hors hiérarchie (depuis 1969) ; agent adjoint du Cameroun dans l’affaire Northern Cameroon (Cameroun c. Royaume-Uni) devant la Cour internationale de Justice (1963) ; ministre conseiller à l’ambassade du Cameroun à Bonn, Allemagne (1964) et à l’ambassade du Cameroun à Washington (1965-1968) ; Représentant permanent adjoint du Cameroun auprès de l’Organisation des Nations Unies (1968-1973) ; conseiller technique au cabinet du Ministre des affaires étrangères (1973-1982) ; chargé de cours sur le droit de la mer à l’Institut des relations internationales du Cameroun, Université de Yaoundé (1973-1979) ; chargé de cours sur la Common Law anglaise à l’Ecole nationale d’administration et de magis-trature (ENAM) (1973-1979) ; Ambassadeur, Représentant permanent du Cameroun auprès de l’Organisation des Nations Unies (1984-1991, et de 1996 à son élection en qualité de juge au TIDM) ; conseil principal du Cameroun dans l’Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c. Nigeria) devant la Cour internatio-nale de Justice (de 1995 à son élection en qualité de juge au TIDM).Qualité de membre et autres fonctions : Barreaux camerounais et nigérian (depuis 1959) ; délégation camerounaise : deuxième Confé-rence au sommet des chefs d’Etat africains au Caire (conseiller juridique 1964), sessions de l’Assemblée générale des Nations Unies (1965-1990, 1996), Comité spécial des principes du droit international touchant les

relations amicales et la coopération entre les Etats (ONU) (président du comité de rédaction 1966, président 1967), Sixième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies (vice-président 1969, prési-dent 1970), Comité ad hoc chargé de l’étude des utilisations pacifi ques du fonds des mers et des océans au-delà des limites de la juridiction nationale (ONU) (président du Sous-Comité I 1971), Comité des utilisa-tions pacifi ques du fonds des mers et des océans au-delà des limites de la juridiction nationale (ONU) (président de la première Commission 1972-1973), troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer (Représentant spécial du chef de l’Etat camerounais à compter de 1973, président de la Première Commission 1973-1982), Commission présidentielle sur le droit de la mer (président 1980-1984), Conseil pour la Namibie (président du Comité permanent III, 1984); Président du Groupe africain qui a négocié la Déclaration sur la situation économi-que critique en Afrique à l’Assemblée générale (président 1984-1985), Chef de délégation (1984-1990); Commission des droits de l’homme des Nations Unies (vice-président 1985), Commission du désarmement des Nations Unies (vice-président 1985-1988 ; président du Groupe de travail III, 1985-1988), Conférence ministérielle de l’Organisation de l’Unité Africaine à Lomé (Rapporteur général et chef de la délégation camerounaise 1985), Comité préparatoire de la Conférence internatio-nale sur la relation entre le désarmement et le développement (1985-1986), troisième Conférence pour les annonces de contributions à la Campagne mondiale pour le désarmement (vice-président 1986), Chef de délégation à la première mission de sensibilisation du Conseil des Nations Unies pour la Namibie en Asie (Singapour, 1986), Vice-Prési-dent de l’Assemblée générale des Nations Unies (1987-1988), Conseil d’administration de l’UNICEF (vice-président du Bureau 1989). Associa-tion du droit international de l’environnement (Gouverneur pour la ré-gion Afrique 1989-1996) ; membre de la délégation camerounaise au Comité consultatif (Nigeria et Cameroun) sur les questions relatives à la délimitation des frontières (1996).Publications : Auteur de nombreux ouvrages et articles sur le droit international, dont Africa’s contribution to Development of International Law : Africa and International organizations.

In memoriam Paul Bamela Engo(1931-2010)

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Articleset études doctrinales

• La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ? ■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et Sécurité des Activités maritimes et océaniques », Directeur de l’Institut Eurafrique Export

• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffi sances du Droit face au trafi c illicite de déchets dangereux ■ Marie BOURREL, Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, et Joseph BREHAM, Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET

• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des Affaires, Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II Soa

• Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privé, Maître Assistant Associé, Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)

• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL, Docteur en droit, Chargé de cours à l’Université de Lille II

• Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest : quels impératifs de gouvernance ?

■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP, Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA (chercheurs)

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La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ?

Introduction

Chacun le sait, la Méditerranée se présente comme une mer intracontinentale et semi-fermée autour de laquelle se penchent l’Europe, l’Afrique et l’Asie (1). Faut-il d’ailleurs rappe-ler qu’étymologiquement, cette « Mare medi terra », selon l’ex-pression rendue célèbre par Isidore de Séville au VIIe siècle, doit son nom du fait qu’elle est littéralement une « mer au milieu des terres » ? C’est ce qui fait son immense richesse et toute sa complexité socio-politique, mais c’est aussi ce qui lui confère

une dimension géostratégique majeure, car paradoxalement cette mer semi-fermée constitue un lieu de passage privilégié des échanges internationaux et intercontinentaux.

• Un espace hautement stratégique La Méditerranée est un espace politique de première impor-

tance qui regroupe 22 Etats et territoires riverains, et qui comp-te près de 430 millions d’habitants, soit 7% de la population mondiale. L’Union européenne représente, de loin, le principal partenaire maritime d’un très grand nombre d’Etats de cette région (notamment ceux du Maghreb), et le transport maritime se taille la part du lion dans les échanges de marchandises en-tre les deux rives de cette mer.

En 2000, pratiquement 146 millions de tonnes de marchan-dises ont été exportées ou importées par voie maritime par l’UE, en direction ou en provenance des Partenaires méditerranéens, soit près de 74% (en tonnage) de l’ensemble des échanges (2). C’est en effet une zone importante pour le trafi c maritime sur les routes du Moyen orient et d’Asie : 1900 navires commer-ciaux y circulent chaque jour, soit 30% du trafi c mondial ; 28%

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par ■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et Sécurité des Activités maritimes et océaniques » Directeur de l’Institut Eurafrique Export

(1) Les Pays qui bordent la Méditerranée sont : - Au Nord : la France, Monaco, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-He-

rzégovine, le Monténégro, l’Albanie, la Grèce et la Turquie.- Au Sud : le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, et l’Egypte.- A l’Est : le Liban, la Syrie, Israël, et le Territoire palestinien de Gaza.- A l’Ouest : l’Espagne et le Royaume-Uni (avec Gibraltar).- Au Centre : Malte et Chypre.Les principales îles de la Méditerranée sont :- A l’Est : Chypre, la Crète et Rhodes.- Au Centre : la Corse, la Sardaigne, la Sicile et Malte.- A l’Ouest : Les Baléares.Pour une étude juridique approfondie des zones maritimes dans cette ré-gion, v° Institut du Droit Economique de la mer : « Les zones maritimes en Méditerranée », Revue de l’INDEMER, Actes du Colloque de Monaco, 4-6 octobre 2001, n°6.

SummaryThe Mediterranean sea is both a highly strategic area, a sea well known in the fi eld of claims for its numerous accidents and

risks, and from an environmental point of view a fragile area often assaulted by pollution of all kinds. All bordering states are very concerned. Given the immensity and urgency of the issues involved, the European Union seems to want and bring a boost to joint action: the EU wants to lead the states in the sub-region to move from a traditional policy of membership and collaboration on regional normative instruments to a new policy of enhanced cooperation in security and maritime safety.

(2) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport » - Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 fi nal, p.5.

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du trafi c mondial des hydrocarbures y transitent, ce qui renforce notamment la place stratégique du Détroit de Gibraltar et du Canal de Suez.

En ce qui concerne en particulier le transport maritime d’hy-drocarbures, il ressort que le commerce maritime de produits pétroliers et dérivés entre l’UE et les 12 Partenaires méditer-ranéens (imports/exports) atteignait déjà en 2001 quelque 63 millions de tonnes (3). Si, plus globalement, l’on inclut tous les produits pétroliers et dérivés qui transitent par la région euro-méditerranéenne, on atteint alors aujourd’hui le chiffre de 395 millions de tonnes transportées par quelques 800 tankers (4)

sillonnant en permanence la Méditerranée. Il s’agit d’un trafi c particulièrement dense dans une zone éminemment fragile d’un point de vue environnemental. Les récents naufrage de l’Erika et Prestige font planer le spectre d’une catastrophe similaire dans les eaux méditerranéennes, dont les effets seraient encore plus désastreux (5). Rien que le port de Marseille-Fos reçoit 3800 pétroliers par an, et c’est à juste titre le premier port pétrolier de la Méditerranée, mais aussi forcément l’un des plus exposés.

• Une sinistralité de très grande ampleur La décennie 70-80 a laissé quelques affreux souvenirs avec

plus de 90 déversements accidentels de pétrole : - Explosion du pétrolier « Urquiola » le 12 mai 1976 dans la Baie

de la Corogne en Espagne, avec un déversement de 100.000 tonnes de pétrole brut.

- Accidents en 1978 du « MT Pavlos », et du « MV Sophia D » (mazout lourd).

- Accident du « MT Chemical Venturer » (1979).- Accident du « MV Maria Speranza » (1980).- I ncendie du pétrolier grec « Cavo Cambanos » au large de Tar-

ragone avec 220.000 tonnes de naphte.- Incendie et explosion du pétrolier « Irènes Sérénades » au

large des côtes grecques (Pylos) en 1980 : déversement de 40.000 tonnes.

Les années 90 ont été tout aussi préoccupantes, avec pas moins 53 accidents, dont 11 cas de pollution par hydrocarbures combinant des accidents d’ampleur moyenne avec de véritables catastrophes.

Citons en premier la catastrophe du super pétrolier chypriote « Haven » devant Gênes (Italie) le 11 avril 1991 : 133.000 ton-nes. Ce fut la plus importante marée noire en Méditerranée (6). Mais à côté du « Haven », il est possible de déplorer pas moins de 7 autres accidents majeurs en méditerranée au cours de ces dernières années (7).

En marge des accidents, les pollutions volontaires par dé-gazages représentent 600.000 tonnes par an dans cette région. De même la pollution par les déchets toxiques se révèle ex-trêmement alarmante, avec notamment d’importants déverse-ments de mercure, de cadmium, ou autres produits hautement toxiques (8), et c’est le cas par exemple du déversement dans les eaux libanaises de 2411 tonnes de déchets de la Sté Jelly Wax en septembre 1987, ou encore les déversements répétés du cargo « Zanoobia ». Enfi n, les pollutions d’origine tellurique, particulièrement désastreuses et dévastatrices (9), semblent laisser les Etats dans une situation d’impuissance et de total désarroi…

Dans un article publié en 2007 dans le Courrier international, un expert rappelait à juste titre que la Méditerranée est mal-heureusement la mer la plus polluée du monde !!! (10)

• Une préoccupation majeure pour l’Agence Européen-ne de la Sécurité Maritime

Selon l’Agence Européenne de la sécurité maritime (AESM) qui se préoccupe beaucoup de la situation qui prévaut en Médi-terranée (11), l’on a dénombré au cours de la seule année 2007, pas moins de 128 sinistres (contre 110 sinistres en 2006), et parmi lesquels : 11 naufrages, 20 échouements, 63 abordages, 20 cas d’incendie ou d’explosion, 14 autres types de sinistres… En ce qui concerne, par exemple, le transport des passagers, il nous suffi ra de citer la terrible catastrophe du ferry « Al-Salam Bocaccio 98 » dans les eaux égyptiennes le 02 Février 2006, avec près de 1400 morts (12).

Selon la même Agence Européenne, la sinistralité totale en Méditerranée représente 17% de la sinistralité maritime en Eu-rope. Il apparaît, enfi n, dans cette étude que la majorité des accidents maritimes en Méditerranée (soit 90%) surviennent entre les côtes grecques et italiennes ; et que dans l’ensemble, en marge des pollutions accidentelles causées par les navires, les abordages représentent, selon les années, entre 40 et 50% des accidents dans cette région maritime.

• Une mer exposée à de multiples autres dangersOutre d’être devenue un grand carrefour des circuits de l’im-

(3) Eurostat. Programme Medstat.(4) Etude réalisée par BEICIP dans le cadre du projet MEDA « Soutien aux grou-

pes Ad Hoc du Forum euro-méditerranéen de l’énergie ».(5) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen

sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport » - Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 fi nal, p.14.

(6) E. AMATO : « Un Programme de restauration environnementale 12 ans après : l’épave du Haven », Communication aux journées d’information du CEDRE du 6 oct. 2003 sur « Le traitement des épaves potentiellement polluantes ».

(7) Nous citerons notamment : - l’accident de la « Val Rosendra » en 1990 (produits chimiques liquides).- la collision entre le pétrolier « Agip Abruzzo » et le ferry « Moby Prince »

le 10 avril 1991 en face de Livourne, provoquant 140 morts dans l’in-cendie.

- l’accident de l’ « Alessandro Primo » (1991).

- celui du « Gerol Chernomorya » en 1992 (pétrole brut).- celui de l’ « Iliad » en 1993 (pétrole brut).- celui du « Giovanna » en 1998 (essence).- celui du « Castor » en 2001 (essence). - ou encore celui du pétrolier « Al Samidoun » : déversement de 10.000 m3

(8.600 tonnes) de brut de brut dans le canal de Suez en 2004. (8) Angelo TURSI : « Les différentes formes de pollution de la mer : La Médi-

terranée et les déchets toxiques », in « Les incidences de la pollution du milieu marin méditerranéen sur le Droit maritime », 4-5-6 Juillet 1991, Université Saint-Esprit Kaslik (USEK), Faculté de droit JBEIL-BYBLOS, Commu-nauté des Universités méditerranéennes, Ecole Universitaire de droit pour les pays méditerranéens, Liban 1992, pp.39 et suiv.

(9) Pascale HILBERER-ROUZIC : « La protection des mers européennes fermées ou semi-fermées contre la pollution marine d’origine tellurique (Mer du Nord, Mer Baltique, Mer Méditerranée) », Thèse Droit, Paris-I, 1996, 571 pages.

(10) Pablo LINDE : « Méditerranée : la mer la plus polluée du monde », Courrier international du 27 juillet 2007.

(11) AESM : Revue des accidents maritimes en 2007, Agence Européenne de la Sécurité Maritime, AESM (EMSA en Anglais), Publiée en 2008 - http://www.emsa.europa.eu

(12) V° P. NGO MBOGBA : « De l’urgence des MOU dans les pays du Sud », Revue Africaine des Affaires maritimes et des Transports (Ramatrans), éd. L’Harmattan, n°1- 2009, pp.19 et suiv.

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migration clandestine par voie maritime, la Méditerranée est aussi, hélas, une gigantesque « autoroute du cannabis »

Les menaces terroristes constituent également une pré-occupation majeure des Etats de cette sous-région. Depuis les évènements du 11 septembre 2001, le secteur touristique y a accusé une baisse sensible d’activité, en particulier en Egypte, Israël, Jordanie, Syrie et Turquie. Cette baisse est d’autant plus préoccupante que le secteur touristique pèse d’un poids im-portant dans le PIB de la plupart de ces pays et constitue une source d’entrée de devises non négligeable (13).

Les guerres y apportent également leur lot de désolation. Faut-il rappeler qu’au cours de la Guerre du Golfe de 1991, par exemple, 700.000 tonnes d’hydrocarbures (au moins) furent déversées dans la Méditerranée orientale à la suite des consé-quences des bombardements des installations pétrolières ?

Qui pourrait également oublier les conséquences désastreu-ses des bombardements israéliens du 14 juillet 2006 de l’aire de stockage de fi oul de la centrale électrique de Jiyeh au Liban, à une vingtaine de kilomètres au sud de Beyrouth ? En effet, près de 15 000 tonnes de fi oul furent directement déversées en mer Méditerranée, souillant tout le littoral libanais, du sud de Beyrouth jusqu’aux rivages syriens, avec des dégâts considé-rables sur la faune et la fl ore, mais également sur les activités portuaires, touristiques et halieutiques (14). En valeur absolue, ce drame fut comparé à celui de l’Erika survenu en France en 1999.

Face à l’immensité et à l’urgence des enjeux en présence, l’Union Européenne semble vouloir apporter un coup d’accélé-rateur à l’action commune : elle veut entraîner les Etats de la sous-région à passer d’une politique traditionnelle d’adhésion et de collaboration à l’égard des instruments normatifs régionaux (I) à une politique nouvelle de coopération renforcée en ma-tière de sécurité et de sûreté maritimes (II).

I • Une politique traditionnelle d’adhésion et de collaboration à l’égard des instruments normatifs régionaux sur la Méditerranée

Bien avant la signature des principales Conventions interna-tionales en vigueur, et notamment celle de Barcelone de 1976, le souci de coopération des Etats méditerranéens s’était traduit par l’organisation d’une « Conférence intercommunale organisée par la Fédération mondiale des villes jumelées Cités-Unies », à Beyrouth en Juin 1973. L’Europe en tant que communauté politique y était absente (15), ce qui traduisait parfaitement à cette époque les limites (voire l’absence totale) d’une politique européenne de sécurité maritime et de protection de l’envi-ronnement en Méditerranée (16). Dans le premier « Programme d’action de la Communauté Européenne pour l’environnement » daté du 22 novembre 1973, la Méditerranée en tant que telle n’est d’ailleurs mentionnée que de façon très marginale.

Dans son « Deuxième programme d’action… » en date du 17 mai 1977, la Communauté européenne s’était tout juste bor-née à mentionner la Convention de Barcelone de 1976 et à indiquer que la Commission s’efforcera de favoriser sa mise en œuvre.

C’est à partir de son « Troisième programme d’action… », en 1983, que la Communauté européenne commencera à expri-mer sa volonté politique de prendre des initiatives spécifi ques en faveur de la Méditerranée et de la coopération dans cette région. En réalité, un accident était passé par là…

En effet, le premier accident qui a rendu nécessaire une coopération internationale et la mobilisation des Etats euro-péens dans le cadre du Protocole d’urgence de la Convention de Barcelone et en faveur d’un Etat riverain sinistré fut le naufrage survenu le 7 juin 1980 du navire « Ro/Ro Zénobia », au large de Larnaca à Chypre, et qui provoqua une fuite de 275 tonnes de mazout lourd de l’épave. A cette époque, Chypre qui n’avait pas de moyens suffi sants pour faire face à une pollution d’une telle envergure en fut sinistré, et obligé de faire appel à la coo-pération régionale et internationale (17). C’est alors que la Com-munauté européenne a entrepris de se préoccuper davantage et plus fermement des problèmes de sécurité maritime dans l’espace méditerranéen.

(13) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport » - Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 fi nal, p.5.

(14) M. FABRE-MAGNAN et M. NDENDE : « Brèves réfl exions sur la pollution des côtes libanaises suite aux bombardements israéliens », Article publié à la Revue Maritime, n°477, Décembre 2006, p.84.

(15) Cette Conférence avait établi une « Charte de Protection de la Méditerra-née » instituant trois organismes intercommunaux, et notamment :- une Commission d’arbitrage chargée d’assurer l’application des Conven-

tions internationales et trancher les confl its de pollutions entre villes membres ;

- un Bureau de liaison, chargé d’élaborer une réglementation de l’envi-ronnement, voire un Code international des Villes du Bassin Méditer-ranéen ;

- un Fonds commun, alimenté par les pays industrialisés, les pays produc-teurs de pétrole et les organisations internationales concernées.

V° Joseph KARAM : « Unifi cation des règles applicables aux eaux de la mer Méditerranée – Mesures juridiques de protection », in « Les incidences de la pollution du milieu marin méditerranéen sur le Droit maritime », 4-5-6 Juillet 1991, Université Saint-Esprit Kaslik (USEK), Faculté de droit JBEIL- BYBLOS, Communauté des Universités méditerranéennes, Ecole Universi-taire de droit pour les pays méditerranéens, Liban 1992, pp.55 et suiv.

(16) Pour une étude du processus de maturation très progressive de cette politique, v° L. KRÄMER : « Actions de l’Union Européenne pour la protec-tion de l’environnement marin dans la Méditerranée », Institut du Droit Economique de la mer : « Convergences méditerranéennes », in Revue de l’INDEMER, Actes du Colloque n°3, Monaco, 9-10 Juin 1994, pp.142 et suiv.

(17) CEDRE, op.cit.

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A• L’adhésion de la Communauté au dispositif normatif régional sur la sécurité maritime en Mé-diterranée

Alors que la ratifi cation des Conventions internationales est avant tout une démarche propre aux Etats, l’Union Européenne a voulu traduire son implication dans le domaine de la sécu-rité maritime et de la protection de l’environnement marin en Méditerranée en adoptant depuis des décennies, un nombre considérable de mesures législatives ou réglementaires condui-sant à intégrer l’arsenal normatif méditerranéen dans le Droit communautaire (18).

C’est ainsi qu’une Décision 77/585/CEE du Conseil en date du 25 juillet 1977, permet à la Communauté d’adhérer à la Con-vention de Barcelone de 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, ainsi qu’au Protocole relatif à la prévention de la pollution de la mer Méditerranée par les opé-rations d’immersion effectuées par les navires et aéronefs. Dans la même lancée, la Communauté a adhéré par une Décision 81/420/CEE du Conseil en date du 19 mai 1981, au Protocole adopté par les Etats côtiers en 1976 concernant la coopération en matière de lutte contre la pollution de la mer Méditerranée par les hydrocarbures et autres substances nuisibles en cas de situation critique (dit « Protocole d’urgence »). C’est ce Protocole qui a conduit à la création du REMPEC (Centre Régional Méditer-ranéen pour l’Intervention d’Urgence contre la Pollution Marine Accidentelle, basé à Malte) qui est devenu le principal levier opérationnel de la coopération euro-méditerranéenne dans le domaine de la prévention des accidents et pollutions marines en Méditerranée.

En 1999, le Conseil a adopté une série d’autres décisions relatives aux modifi cations de la Convention de Barcelone, si bien qu’en 2002 on pouvait déjà comptabiliser l’adhésion de la Communauté européenne à un total de seize protocoles autour de la Convention de Barcelone. Le Protocole créant le REMPEC a été complètement amendé en 2001 (Nouveau « Protocole d’ur-gence ») et également adopté récemment en Droit communau-taire par une Décision 2004/575/CE du Conseil, en date du 29 avril 2004. De même, l’UE collabore activement à la « Stratégie régionale de prévention contre la pollution de l’environnement marin par les navires » adoptée en 1997 par les Etats riverains de la Méditerranée.

Cette politique juridique volontariste, qui couvre beaucoup d’autres sujets, a ainsi permis à la Communauté de mettre ses Etats membres au diapason des règles régissant la sécurité ma-ritime et la protection de l’environnement marin en Méditerra-née, ce qui a permis une unifi cation appréciable du Droit dans cet espace géographique.

B• Le partenariat des Etats au sein du Mémoran-dum sur la Méditerranée (MOU-Med)

• Une création soutenue par l’Union EuropéenneLa création d’un Mémorandum régional sur le contrôle des

navires par l’Etat du port en Méditerranée a été décidée, avec les encouragements de la Communauté européenne, à la sui-te de la Résolution A.682 (17) de l’OMI adoptée en 1991 sur « la coopération régionale en matière de contrôle des navires et rejets ». C’est ainsi que différentes autorités maritimes vont signer le 11 juillet 1997 à la Valette (à Malte) le Mémorandum de Méditerranée (en abrégé « MOU-Med ») qui était ouvert à tous les Etats riverains qui n’étaient pas signataires du Mémo-randum de Paris de 1982. Parmi les Etats signataires de cet ins-trument, on pouvait ainsi mentionner l’Algérie, Chypre, l’Egypte, Israël, Malte, le Maroc, la Tunisie, la Turquie, la Jordanie, le Liban et l’Autorité palestinienne. Cependant, la Lybie et la Syrie ont décidé ne pas y adhérer. Pour confi rmer son soutien et sa soli-darité l’Union Européenne en tant qu’organisation communau-taire ainsi que certains Etats membres pris individuellement (et notamment l’Espagne, la France, la Grèce et l’Italie) vont déci-der de se joindre à ce Mémorandum en qualité d’observateurs, aux côtés de diverses autres organisations internationales telles que l’OMI, l’OIT et l’AISC.

• Un dispositif fi dèlement inspiré du Mémorandum de Paris de 1982

Bien qu’ayant fi xé modestement son taux de contrôle à 15% au lieu de 25%, le Mémorandum de Méditerranée a été fi dèle-ment calqué sur celui de Paris dans toutes ses principales dis-positions, c’est-à-dire aussi bien en ce qui concerne les objectifs généraux, que les procédures d’inspection ou d’immobilisation des navires (19). C’est ainsi qu’il est prévu un contrôle visant à faire respecter les Conventions pertinentes de l’OMI (20) ; il com-prend :

- d’une part, une obligation d’information sur les navires sous-normes, et notamment l’établissement d’une liste noire des navires sous-normes en circulation dans l’espace régional du MOU,

- et d’autre part, la centralisation de l’information reçue du Centre d’information (basé à Casablanca au Maroc) par un Se-crétariat du MOU (basé à Alexandrie en Egypte) qui construit une base de données et établit des statistiques.

Ce dispositif rejoint ainsi d’autres Mémorandums du même type en vigueur à travers le monde

• Mais c’est un dispositif à parfaire… Outre ses diffi cultés internes (insuffi sance de moyens hu-

mains, faiblesses en formation des inspecteurs, manque d’in-frastructures, défaillance des Etats en matière de cotisations au budget du MOU mais également sur les contrôles à effectuer), on relève certaines diffi cultés qui concernent plus spécifi que-

(18) V° L. KRÄMER : « Actions de l’Union Européenne pour la protection de l’environnement marin dans la Méditerranée », v° Institut du Droit Econo-mique de la mer : « Convergences méditerranéennes », Revue de l’INDE-MER, Actes du Colloque n°3, Monaco, 9-10 Juin 1994, pp.142 et suiv.

(19) Lilia KHODJET EL KHIL : « La pollution de la mer Méditerranée du fait du transport maritime de marchandises », Bibliothèque du Centre de Droit Maritime et des Transports, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2003, pp.261 et suiv.

(20) Lignes de charge (1966), SOLAS (1974, et ses protocoles), MARPOL (1973/1978), STCW (1978), COLREG (1972), OIT n°147 sur les normes minima à bord des navires marchands (1976), Code ISM (1993), etc.

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ment la présence européenne (21). Nous laisserons de côté le cas de Chypre et de Malte qui, avant l’entrée dans l’Union Européenne, constituaient de très mauvais élèves au sein du MOU-Med. Au-delà des Etats membres, des études sérieuses considèrent, en effet, que la « régionalisation du Port state con-trol » au niveau méditerranéen constitue un échec puisque le MOU-Med ne concerne que les ports des Etats du Sud et de l’Est de la Méditerranée, les Etats de l’Union européenne c’est-à-dire ceux du Nord de la Méditerranée étant déjà tous engagés dans le Mémorandum de Paris.

Selon les mêmes experts, l’écart s’est encore creusé depuis la communautarisation du Mémorandum de Paris par la Direc-tive communautaire de 1995 qui rend obligatoire les contrôles par l’Etat du port au sein de l’Union Européenne, alors que ces contrôles demeurent facultatifs dans le cadre du MOU-Med ce qui en fait en défi nitive un instrument ineffi cace fondé sur du « droit mou » (soft law). On se retrouve, en conséquence, en présence d’une « fracture régionale », avec au Nord de la Mé-diterranée le respect d’un contrôle plus rigoureux et renforcé (avec les conséquences juridiques qui en découlent, et notam-ment la possibilité de déclencher des recours en manquement devant les juridictions communautaires), et au Sud et à l’Est de la Méditerranée, le constat d’un contrôle laxiste, voire large-ment illusoire ou inexistant.

II • Une politique nouvelle de coopération renforcée dans le domaine de la sûreté et de la sécurité maritimes

Suite aux catastrophes de l’Erika et du Prestige, la Com-mission européenne a immédiatement réagi, dans le sens d’une politique de renforcement de la coopération maritime, en proposant l’application accélérée des « Paquets Erika », un certain nombre d’initiatives complémentaires concernant plus particulièrement les problèmes posés par le transport par mer de produits très polluants comme le fi oul lourd, ainsi qu’une coordination renforcée au sein de l’Organisation Maritime In-ternationale (22). La Commission estime qu’il est fondamental que ces propositions trouvent leur prolongement au plan euro-méditerranéen, afi n de tirer pleinement les conséquences de ces dernières catastrophes. Ceci passe par un rapprochement, et à terme une harmonisation, des législations des Partenaires méditerranéens avec l’acquis communautaire et la législation internationale (23).

Loin de se confi ner à la sécurité des navires et à la pro-tection de l’environnement marin, cet effort considérable de coopération recouvre également aujourd’hui la question déli-cate et voisine de la « sûreté maritime » (terrorisme, piraterie, trafi cs de stupéfi ants, immigration clandestine…). L’ensemble se décline en une multiplication (parfois un peu déroutante)

de « Programmes » et « Plans », mais aussi par le sentiment rassurant d’un nouvel élan en faveur d’une coopération plus diversifi ée et intégrant désormais « sécurité » et « sûreté » maritimes dans les objectifs des Etats.

A• La multiplication des Programmes et Plans communautaires sur la sécurité maritime en Médi-terranée et leurs limites

• Création d’un cadre institutionnel Euro-Méditerra-néen pour la coopération dans les transports

Au niveau régional, un Forum Euro-méditerranéen des Transports a été créé en 1998 et constitue l’enceinte de ré-férence pour le développement de la coopération régionale dans le secteur des transports. Il est organisé et présidé par la Commission européenne, et se compose des haut-fonction-naires des transports des Etats Membres de l’UE et des Parte-naires méditerranéens. De manière plus opérationnelle a été également instituée une « Conférence euro-méditerranéenne des Ministres des transports ». Dans ce double cadre, l’UE et les Partenaires méditerranéens discutent et arrêtent conjoin-tement les principes et modalités de la coopération dans le domaine de la sécurité maritime, dans le droit fi l des Paquets Erika et des mesures « Prestige » (24). Parmi les grands principes souvent réaffi rmés au sein de ces deux instances de coopéra-tion maritime, on pourrait rappeler :- l’interdiction du transport de fi oul lourd par des pétroliers à

simple coque, - la nécessité de renforcer les sanctions pénales contre les res-

ponsables d’accidents de pollution résultant de négligences fl agrantes,

- l’instauration de mesures de protection renforcée des eaux côtières, en particulier la mer territoriale et la zone économi-que exclusive (ZEE),

- le bon exercice des compétences de l’Etat du pavillon,- le suivi et le contrôle du trafi c (VTMIS méditerranéen, inspec-

tions par l’Etat du port),- le renforcement de la sécurité et de la sûreté des navires et

des installations portuaires dans la région,- l’urgence de la mise en place d’un Plan d’action régional des

transports.C’est également au sein de cette instance binaire que se

décident toutes les politiques de programmation et de planifi -cation dans le domaine de la sécurité maritime, en s’inscrivant en outre, en ce qui concerne la protection de l’environnement marin, dans le cadre des programmes d’action pluriannuels éla-borés par l’Union Européenne (25).

(21) Lilia KHODJET EL KHIL : « La pollution de la mer Méditerranée du fait du transport maritime de marchandises », op.cit., p.269.

(22) COM (2002) 681 fi nal du 3/12/2002, Communication de la Commis-sion au Parlement européen et au Conseil suite au naufrage du pétrolier « Prestige ».

(23) Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport » - op.cit., p.14.

(24) Cf. COM (2002) 681 fi nal. Ces propositions concernent l’interdiction du transport de fi oul lourd par des pétroliers à simple coque, l’introduction de sanctions pénales pour les responsables d’accidents de pollution résul-tant de négligences fl agrantes, la mise en place d’un système d’agrément communautaire des certifi cats de compétence des marins délivrés en de-hors de l’UE, le renforcement du système de “reporting” par les pilotes de ports, et des mesures de protection renforcée des eaux côtières, en particulier la mer territoriale et la zone économique exclusive (ZEE).

(25) Pour une étude détaillée de cette importante politique de planifi cation, v° L. KRÄMER : « Actions de l’Union Européenne pour la protection de l’envi-ronnement marin dans la Méditerranée », v° Institut du Droit Economique de la mer : « Convergences méditerranéennes », Revue de l’INDEMER, Actes du Colloque n°3, Monaco, 9-10 Juin 1994, pp.142 et suiv.

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Depuis la Conférence euro-méditerranéenne des Ministres de transport tenue à Marrakech en 2005, l’Union Européenne avait en effet présenté un exposé sur la coopération euro-mé-diterranéenne en matière de transport, en identifi ant notam-ment certaines priorités (par exemple dans le domaine de la sûreté) et en les mettant en exergue dans un document straté-gique appelé « Plan régional de transport 2007-2013 ».

• Le Programme MEDA de Coopération régionale en-tre l’Union Européenne et ses Partenaires méditerra-néens (26)

Pourquoi un tel dispositif et en quoi consiste-t-il ?Le programme MEDA se veut un « Programme de par-

tenariat économique euro-méditerranéen » mis en place par l’Union Européenne pour favoriser, dans le cadre de la Con-vention de Barcelone et de ses Protocoles, la lutte contre la pollution de la Méditerranée. Il s’agit plus concrètement d’un programme de partenariat et de fi nancement européen : - pour faire face à l’immobilisme des Etats méditerranéens en

matière de politiques de protection de l’environnement ma-rin (27),

- pour soutenir l’action du REMPEC en matière de lutte contre les pollutions,

- pour combattre la pollution opérationnelle provenant des na-vires (28),

- et enfi n pour encourager la mise en place d’un Plan d’Action visant à doter les ports méditerranéens d’installations de ré-ception des déchets et résidus polluants provenant des navi-res, dans le respect des exigences de la Convention MARPOL et de la Directive communautaire du 27 novembre 2000 (29).

En effet, un état des lieux du contexte méditerranéen et certains rapports avaient laissé apparaître ces dernières années et dénoncé fortement (30) : - la faible amélioration de la situation d’organisation des Etats

méditerranéens en matière de lutte contre la pollution de la mer par les rejets provenant des navires ;

- l’absence d’une volonté politique suffi samment forte pour fai-re face individuellement et conjointement à leurs problèmes communs ;

- l’absence de moyens fi nanciers pour assurer la construction d’installations de réception, ou la modernisation d’installa-tions existantes ;

- l’insuffi sance d’une mise en œuvre effective par les Etats, des réglementations en matière de sécurité maritime et des sanctions appropriées

- le manque de personnel qualifi é dans de nombreux ports méditerranéens ;

- ou encore l’absence de coordination régionale satisfaisante et de coopération régionale pour le contrôle des navires par l’Etat du port et pour la surveillance des voies de navigation.

• Le Programme « SAFEMED »Le programme SAFEMED (ou « Projet de coopération

euro-méditerranéenne sur la sécurité maritime et la pré-vention de la pollution par les navires ») qui a été lancé en novembre 2005 constitue, dans son domaine, l’une des réalisa-tions majeures de l’Union Européenne de ces dernières années. Doté initialement d’un fi nancement européen de 4,5 millions d’euros, ce projet vise deux objectifs majeurs et globaux :- l’amélioration durable de la protection des eaux méditerra-

néennes contre les risques d’accidents en mer et de pollution marine ;

- et la réduction, dans le sillage de l’activité de l’OMI et la dyna-mique du Programme MEDA, du fossé existant entre le cadre réglementaire international et la législation effectivement ap-plicable dans l’espace méditerranéen en matière de sécurité maritime.

Ce Projet s’attaque ainsi très concrètement :- à la mise en œuvre effective de la législation sur les pavillons

nationaux et le contrôle effectif des sociétés de classifi ca-tion ;

- au renforcement du contrôle de la sécurité de la navigation, à travers notamment l’établissement d’un système de suivi du trafi c méditerranéen, compatible avec les systèmes en vi-gueur au sein de l’Union Européenne notamment depuis une Directive communautaire du 27 juin 2002 (31) ;

- la protection accrue de l’environnement méditerranéen, en mettant un accent particulier sur le respect des engagements issus de la Convention de Barcelone, l’éradication des obsta-cles à l’application des conventions internationales de l’OMI, et la lutte contre les rejets illicites d’hydrocarbures en mer ;

- et enfi n, la formation et le renforcement qualitatif et quanti-tatif des effectifs de fonctionnaires des administrations mari-times des pays de l’espace méditerranéen.

Lors de la 4ème réunion du « Forum Euro-méditerranéen des transports » tenue à Bruxelles le 7 Février 2008, les représen-tants de l’Union Européenne ont informé les membres du Fo-rum qu’à la lumière de l’expérience positive du projet SAFEMED, il avait été décidé de conclure à compter de 2009 et avec la collaboration de l’OMI et du REMPEC, un nouvel accord baptisé

(26) Programmes 2000-2006 INTERREG III A Espagne / Maroc ; III B MEDOC et ARCHIMED.

(27) C’est ainsi que l’Union Européenne fi nance à hauteur d’environ 1.750.000 euros un « Projet régional pour le développement de zones mariti-mes et littorales protégées dans la région de la Méditerranée », dit Projet MedMPA, et qui vise notamment à réaliser des actions concrètes aidant les Etats riverains à assumer leurs obligations relatives à l’applica-tion de la Convention de Barcelone et de son protocole concernant la les zones spécialement protégées et la bio-diversité (dit Protocole SPA).

(28) V° sur ce problème, J.N. BREHON : « La prévention contre les déballas-tages en mer », Le Monde Economie, 4 novembre 2000, p. IV ; M. LE TALLEC : « Pollutions volontaires : début du combat », Le Marin, 8 déc. 2000, n°2787, p.6.

(29) V° le « Plan d’action concernant la mise en place d’installations de ré-ception portuaires adéquates dans le Bassin Méditerranéen », Le Caire (Egypte), 16-19 déc. 1991, Malte éd. OMI/PNUE/REMPEC, 1991, réf. REM-PEC/WG.4/4-Appendice IV.A l’échelle intra-européenne, la mise en place de telles installations a été organisée et obéit en effet à une Directive 2000-59/CE du Parlement et du Conseil en date du 27 novembre 2000, JOCE n°L.332 du 28/12/2000, p.0081.

(30) « Rapport de la réunion des Experts nationaux sur les installations de ré-ception portuaires en Méditerranée », Le Caire (Egypte), 16-19 déc. 1991, Malte éd. OMI/PNUE/REMPEC, 1991, réf. REMPEC/WG./4.Adde : Lilia KHODJET EL KHIL : « La pollution de la mer Méditerranée du fait du transport maritime de marchandises », Bibliothèque du Centre de Droit Maritime et des Transports, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 2003, pp.261 et suiv.

(31) Directive du Parlement et du Conseil du 27 juin 2002, JOCE, L.208, du 5 août 2002 – Pour un commentaire de ce texte, v° P.BONASSIES : « Le droit positif français en 2002 », DMF H.S n°7-Juin 2003, ss. n°7, pp.11-12

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SAFEMED-II, pour la mise en œuvre du nouveau projet MEDA, et destiné à succéder et à compléter le dernier projet SAFEMED, avec un budget global de 5,5 millions d’euros (32).

On le voit donc, l’Union Européenne s’investit ici, directe-ment et très fortement, aux côtés de ses partenaires méditer-ranéens, et en particulier dans l’intérêt des moins développées, pour soutenir leur action et pour favoriser une véritable dyna-mique régionale dans le domaine de la sécurité maritime et de la protection de l’environnement marin. Et il est clair que cette coopération est appelée à se renforcer davantage encore avec le projet européen de développement des autoroutes de la mer dans le Bassin méditerranéen (33) et surtout face aux grands défi s liés à l’insécurité dans la région.

• Les faiblesses et limites de la coopération commu-nautaire

Comme en matière d’aide au développement tout le pro-blème reste à savoir jusqu’où doivent aller de telles politiques et dans quelle mesure elles ne risqueraient pas de déresponsa-biliser les principaux concernés. Il règne également un certain sentiment de confusion devant la grande diversité et l’empile-ment des « Plans » et « Programmes » communautaires. Cer-taines initiatives nationales ou bilatérales semblent par ailleurs constituer un double emploi avec les dispositifs internationaux ou communautaires :- le cas du « Réseau Virtual Regional Maritime traffi c center »

initié par la marine italienne et crée pour partager l’informa-tion maritime qui recoupe certaines missions du MOU-Med ;

- le cas de l’Accord franco-italo-monégasque relatif à la pro-tection des eaux du littoral méditerranéen, signé à Monaco le 10 mai 1976, qui a prévu une collaboration étroite entre les services compétents des trois gouvernements pour lutter contre la pollution de leurs eaux territoriales et intérieures, entre St-Raphaël et La Spezia. On a ici le sentiment d’une fragmentation, d’une balkanisation, ou d’une miniaturisation d’une coopération initialement voulue comme régionale et plus élargie.

On pourrait également, entre autres, déplorer :- une mauvaise coordination entre les actions visant spécifi -

quement la sécurité maritime avec les autres actions déve-loppées dans le cadre de la coopération dans les secteurs de la justice, de l’immigration, et des douanes.

- une coordination peu satisfaisante entre le MOU-Med sur le

contrôle des navires par l’Etat du port (34) et le Mémorandum de Paris.

Face à l’immobilisme et au manque d’effi cacité des ad-ministrations maritimes des Etats riverains l’on se demande aujourd’hui s’il n’est pas souhaitable que ces administrations puissent devenir membres « associés » de l’Agence européen-ne pour la sécurité maritime. Mais la question n’est pas à l’ordre du jour, et pour l’instant cette Agence n’offre pleinement ses services qu’aux Etats membres de l’Union, et propose excep-tionnellement quelques services de formation et d’assistance technique aux partenaires méditerranéens lorsqu’ils en font la demande (35). Ce qui est déjà, somme toute, fort appréciable…

B• Les perspectives nouvelles de la coopération communautaire en matière de sécurité et de sûreté maritimes

• Le renforcement de la sûreté des installations mari-times et portuaires

Depuis les évènements tragiques du 11 septembre 2001 et les attentats terroristes contre le pétrolier français « Limburg » et le patrouilleur américain « USS Cole » au large du YEMEN, la question de la sûreté des installations maritimes et portuaires est devenue une préoccupation majeure à travers le monde, et encore plus dans l’espace méditerranéen qui est malheu-reusement connu pour être un espace souvent instable et une zone de tensions permanente. C’est ainsi que tous les Etats se sont sentis concernés par l’entrée en vigueur de la Convention ISPS (International Code for Ship and Port Security) adoptée à la Conférence diplomatique de l’OMI du 12 décembre 2002, et qui constitue désormais le cadre juridique du combat mondial contre ce fl éau dans les mers et dans les ports.

La Méditerranée avec un trafi c maritime surchargé et plus de 300 ports ne pouvait échapper à une telle dynamique. Ainsi, la Commission européenne dans sa communication de 2003 au Conseil et au Parlement avait conclu que, de son point de vue, la coopération euro-méditerranéenne devrait s’articuler autour des axes suivants, notamment en ce qui concerne le renforce-ment de la sécurité et de la sûreté maritimes (36) :- promouvoir, tant au niveau bilatéral que régional, l’harmoni-

sation des législations des Partenaires méditerranéens avec l’acquis communautaire et la législation internationale dans le domaine de la sécurité maritime ;

- favoriser l’adoption par les Partenaires méditerranéens des règles internationales en matière de sûreté maritime et aé-rienne et la mise en place par ces pays de mécanismes de contrôle effi cace du respect de ces règles ;

(32) V° compte-rendu du « Forum Euro-méditerranéen des transports - Groupe de travail sur le transport maritime, Sous-groupe de travail sur la sécurité maritime », 4ème réunion, Bruxelles, 7 Février 2008.

(33) Il est clair, selon les autorités européennes, que le Bassin méditerranéen constitue un terrain privilégié pour le développement de ces Autoroutes de la Mer qui seront donc un élément-clé du réseau euro-méditerranéen de transport. Ainsi, dans le cadre de l’exercice de révision des orientations communautaires du réseau transeuropéen de transport, amorcé dans le cadre du Groupe Van Miert, une priorité va être accordée à plusieurs Auto-routes de la Mer en Méditerranée, reliant Malte et Chypre au reste de l’Union européenne ainsi qu’aux pays des rives Sud et Est de la Méditerra-née. Une autoroute de la mer reliant le nord de la Grèce au Sud-Est de la Turquie et au Proche-Orient, et desservant la région des Balkans ainsi que Chypre, pourrait également être envisagée. V° Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Euro-péen sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de trans-port » - Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 fi nal, p.7.

(34) Le MOU méditerranéen a été signé en 1997 par l’ensemble des Partenai-res méditerranéens et a son secrétariat basé à Casablanca. L’adhésion de Malte et Chypre à l’UE constituera un lien fort entre le MOU méditerra-néen et le Mémorandum de Paris dans la perspective d’une Méditerranée plus sûre et plus propre.

(35) V° sur ce point, Compte-rendu du « Forum Euro-méditerranéen des trans-ports - Groupe de travail sur le transport maritime, Sous-groupe de travail sur la sécurité maritime », 4ème réunion, Bruxelles, 7 Février 2008.

(36) V° Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen sur « Le développement d’un réseau euro-méditerranéen de transport » - Bruxelles, 24.6.2003, COM(2003) 376 fi nal.

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- en fonction des disponibilités fi nancières du programme MEDA et des contributions attendues des partenaires euro-méditerranéens, mettre en place un Institut euro-méditerra-néen de la sécurité et de la sûreté dans l’un des Partenaires méditerranéens.

Dans sa Directive 2005/65/CE relative à la sûreté des ins-tallations maritimes et portuaires, la Commission introduit cette nouvelle politique dans l’arsenal juridique communautaire et insiste sur la nécessaire coopération régionale et en particulier avec les partenaires méditerranéens.

• La lutte contre les trafi cs illicites et les circuits d’im-migration clandestine

Ces questions sont devenues une préoccupation majeure de l’Union Européenne dans ses rapports avec ses partenaires de méditerranéens. A côté des questions traditionnelles concer-nant la sécurité maritime, elles trouvent un écho renforcé dans le Rapport du Parlement européen (dit Rapport Willi PIECYK) du 21 avril 2008, ainsi que dans le « Livre bleu » de la Commission sur une politique maritime intégrée (PMI) du 10 octobre 2007 qui tient compte lui-même du « Livre vert élaboré dans la Com-mission : « Vers une politique maritime de l’Union : une vision européenne des océans et des mers » (37).

Le Rapport du Parlement européen met, notamment, l’ac-cent sur le rôle crucial de l’espace méditerranéen et des régions ultra-périphériques dans la lutte contre la contrebande et l’im-migration clandestine, et éventuellement contre les risques de piraterie et invite l’Union Européenne à renforcer ses dispositifs de coopération en leur direction.

• Quelles nouvelles perspectives dans le cadre de

l’Union pour la Méditerranée ?Lancé en 1995, dans le cadre du Processus de Barcelone

dit « EUROMED », le Projet politique d’une « Union pour la Mé-diterranée » a été solennellement réaffi rmé au cours de l’ap-pel de Rome du 20 déc. 2007 par le Président français Nicolas SARKOZY. Il s’en était suivi une Réunion des Chefs d’Etats et de Gouvernements le 13 juillet 2008 à Paris. Mais une « Union » pour quoi faire ? Et quel intérêt pour la mer ? Dans l’esprit des décideurs politiques, ce grand projet devait permettre la réali-sation d’objectifs urgents et particulièrement bénéfi ques pour

l’intérêt commun de tous les Etats de la région : - Instituer un partenariat entre les pays du pourtour de la Mé-

diterranée,- Créer un espace de libre-échange économique,- Favoriser une coopération renforcée dans les tous les domai-

nes (y compris dans le domaine des affaires maritimes, des transports et de l’environnement).

La Déclaration commune du Sommet de Paris du 13 juillet 2008 souligne par exemple « l’urgence d’une dépollution de la Méditerranée à l’horizon 2020 » (car elle constitue un vrai trait d’union entre les peuples riverains, et pour qu’elle redevienne vraiment la « Grande Bleu » selon l’expression de l’Ambassa-deur Alain ROY, Responsable du projet). Cette Déclaration rap-pelle également le projet de la mise en place des « autoroutes maritimes » (notamment entre Alexandrie et Tanger), et elle réaffi rme, enfi n, la nécessité d’accorder une attention particu-lière à la « coopération dans le domaine de la sûreté et de la sécurité maritimes », dans la perspective d’une intégration globale da la région méditerranéenne.

Il est cependant bien clair que cet ambitieux projet commu-nautaire suscite beaucoup de scepticisme des deux côtés des rives de la Méditerranée. Beaucoup observent, avec regret, qu’il ne s’agit pas véritablement d’« intégration », mais d’une simple « coopération », ce qui à leurs yeux s’avère très insuffi sant et très peu novateur compte tenu des enjeux en présence.

D’autres s’interrogent plus malicieusement : ne veut-on pas simplement se servir du Sud de la Méditerranée comme un « pare-choc » entre l’Europe et l’Afrique ? D’autres, enfi n, n’y voient qu’un simple prétexte pour imposer à toute la région la véritable et sempiternelle préoccupation de l’Europe, à savoir la lutte contre les trafi cs illicites et les circuits de l’immigration clandestine.

Mais quel que soit le bien fondé de ces critiques ou accu-sations, le fait est incontestable : l’Europe et les différents Etats des deux rives de la Méditerranée sont indéfectiblement liés dans un environnement commun, et ont bien compris la néces-sité et l’urgence de faire de la « Mare medi terra » un lieu de dialogue et d’action communautaires, mais également un cadre écologique à préserver et un lieu de sécurité commune. L’heure est certainement venue, aujourd’hui, de donner un nouveau coup d’accélérateur à ce noble projet… ■

(37) Bruxelles, 7 juillet 2006, COM(2006) 275 fi nal.

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L’Affaire du « Probo Koala »ou les insuffi sances du Droit face au trafi c illicite de déchets dangereux

La plupart des indicateurs statistiques publiés récemment montrent que les sociétés actuelles doivent faire face à une forte augmentation du volume des déchets produits dont une proportion grandissante de déchets toxiques. Ainsi près de 300 millions de tonnes de ces déchets autres auraient été produits à travers le monde en 2000 (3). Si l’information disponible sur les mouvements transfrontières de ce type de déchets s’est particu-lièrement améliorée ces vingt dernières années, il demeure très diffi cile de délivrer une estimation précise des quantités de dé-chets produits et transportés au niveau mondial. Toutefois, selon les informations rapportées par les Parties à la Convention de Bâle en 2000, près de 3,5 millions de tonnes de déchets dange-reux auraient fait l’objet de mouvements transfrontières (4).

Malgré un dispositif juridique a priori abouti en la matière et dont la préoccupation principale est de limiter les mouvements transfrontières de déchets dangereux, la mise à jour de réelles fi lières établies entre pays développés et pays sous-développés

ou en développement reste toujours d’actualité. De tels trafi cs permettent encore à des sociétés de traiter avec des Etats sou-verains souvent très endettés et avides de devises étrangères, tout ceci sur fond de transports effectués au moyen de navi-res exploités sous pavillon de libre immatriculation plus connus sous le terme de « pavillons de complaisance ».

La prise de conscience de la Communauté internationale en matière de mouvements transfrontières de déchets dangereux remonte au début des années 1980 avec tout d’abord le scan-dale des fûts de dioxine de l’usine Seveso (5), puis les affaires des navires Khian Sea (6), Karin B (7) et Zanoobia (8) et enfi n la

par ■ Marie BOURREL (1),Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, et Joseph BREHAM (2),Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET.

(1) Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes.

(2) Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET. (3) Global Environment Outlook (GEO) 4, L’environnement pour le développe-

ment, PNUE, 2007, p.317. (4) GEO4, L’environnement pour le développement, PNUE, 2007, p.319.

(5) A la suite de la catastrophe de l’usine chimique ICMESA plus connue sous le nom de « catastrophe Seveso » survenue le 10 juillet 1976 en Italie, 41 fûts contenant des déchets issus du démantèlement des installations en l’occurrence de la dioxine, avaient en effet disparus après leur passage de la frontière franco-italienne. Ils seront retrouvés en mai 1983 en France dans l’Aisne, dans un abattoir désaffecté où ils avaient été transportés illégalement.

(6) En 1986, ce cargo est devenu tristement célèbre après avoir tenté de se dé-barrasser dans différents ports sud-américains de sa cargaison de cendres toxiques (15 000 tonnes) chargées à Philadelphie. Disparu un moment, le navire réapparaît en 1998 à Singapour sous le nouveau nom de Pelicano. V. COOKE(A) et CHAPPLE (W), Guilty by Association ? The Case of the Karin B Scare, European Journal of Law and Economics, vol.5, 1998, pp.5-12.

(7) Ce cargo construit en 1987 et qui navigue encore aujourd’hui sous le nom

SummaryDespite an important legal framework dedicated to shipment of waste at both global and regional scale, illegal shipments still

growing especially between developed and less developed countries. The illegal discharge of toxic waste from the Probo Koala in 2006 in Ivory Coast, highlighted the diffi culty of taking binding action against all stakeholders involved whereas injured people have to own up to the failures and gaps of legal existing tools. This is even more critical concerning ship generated waste and cargo resi-dues. Indeed, due to maritime specifi cities, this type of waste is not included in the general legal framework. Consequently, specifi c rules must be applied. Although the Probo Koala called at several european ports, none decided to stop the ship. Nevertheless, if the Port State Control could have been used as initially predicted, the ship should not have been able to leave the european waters and fi nally drop illegal waste in environmentally unsound facilities.

As long as no priority would be given at the global scale to punish and to compensate damages, through criminal sanctions, illegal shipment of waste will increase.

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mise à jour de plusieurs contrats d’exportation de milliers de tonnes de déchets dangereux aux fi ns d’élimination conclus en-tre des sociétés implantées dans des pays développés et cer-tains pays du tiers-monde. La Société civile découvre alors que les déchets produits en masse dans les pays industrialisés et dont il devient très coûteux de se débarrasser sont transportés et abandonnés dans des pays économiquement moins avancés et rarement pourvus des installations adaptées. C’est sur cette carence en savoir faire et en équipement que le marché d’ex-portation de déchets se construit. Les coûts de traitement et d’élimination proposés alors par les pays d’importation excluent de leur logique les exigences sanitaires et sécuritaires érigées pourtant en standards dans les pays développés, permettant ainsi aux mécanismes économiques traditionnels que sont l’of-fre et la demande d’asseoir un peu plus la pérennité de tels trafi cs. Dès lors, les déchets produits et transportés dans ces pays sont généralement abandonnés sans qu’aucun véritable contrôle ou une gestion adaptée pour la santé humaine ou la protection de l’environnement ne soit pris en compte.

Le déversement sauvage des déchets transportés par le na-vire Probo Koala en Côte d’Ivoire, dans la nuit du 19 au 20 août 2006, en est une parfait illustration. C’est l’étude de ce cas qui fait l’objet de la présente communication.

Le Probo Koala, vraquier battant pavillon du Panama (9), ap-partenant au moment des faits à une société armoriale grec-que (10) et affrété par la Société TRAFIGURA (11) disposant de son centre opérationnel à Londres (Royaume-Uni), de son adresse fi scale à Amsterdam (Pays-Bas) et de son siége social à Lucerne (Suisse), a en effet servi à acheminer des déchets répondant à la qualifi cation de « déchets dangereux » au sens du droit inter-

national (12) et communautaire (13) en Côte d’Ivoire en août 2006 et ce, via les ports européens d’Amsterdam (Pays-Bas) (14), de Paldiski (Estonie) (15) et de Las Palmas (Espagne) (16). Ces déchets ont par la suite été déposés dans dix huit sites à travers Abidjan entraînant l’empoisonnement de milliers d’habitants et le décès de seize d’entre eux.

A l’origine de cette catastrophe sanitaire et environnemen-tale, le manquement à l’obligation communautaire d’envergure internationale de déposer les résidus de cargaison du navire dans le port d’Amsterdam. En effet, après d’âpres négociations entre l’affréteur (la Société TRAFIGURA) et la société agréée (la Société Amsterdam Port Services - APS) (17) pour la réception des déchets et une hausse soudaine des tarifs demandés par celle-ci pour procéder aux opérations (18), les résidus ont été rechargés à bord du navire sur ordre de l’affréteur. Le navire est alors reparti sans encombre pour l’Estonie où il arrive le 9 juillet et en repart trois jours plus tard. Trois escales suivent : l’une à Las Palmas (Iles Canaries), la deuxième à Lomé (Togo) et la troisième à Lagos (Nigeria). Pendant ce trajet, la société PUMA ENERGY CI, fi liale de TRAFIGURA en Côte d’Ivoire (19), prend attache avec la société TOMMY (20) pour que celle-ci assure le

(3) de Patara, toujours sous pavillon italien, avait alors servi en 1987 à trans-porter 6 000 bidons de déchets toxiques qui après plusieurs tentatives auprès de nombreux ports européens avaient illégalement été déchargés sur la plage de Koko au Nigeria. Sous les pressions répétées du gouverne-ment nigérian et de la Communauté internationale, l’Italie avait fi nalement réimporté les déchets en 1988 ; GREENHOUSE (S), Toxic Waste Boome-rang : Ciao Italy !, New York Times, 3 septembre 1988. Voir également COOKE(A) et CHAPPLE (W), Guilty by Association ? The Case of the Karin B Scare, European Journal of Law and Economics, vol.5, 1998, pp.5-12.

(8) Cargo immatriculé en Syrie, le Zanoobia a écumé toutes les mers du globe de l’Italie à Salonique en passant par Djibouti pour déposer sa cargaison de 200 tonnes (10 876 barils) de déchets toxiques provenant de plusieurs entreprises italiennes rattachées à des multinationales suisses dont CIBA GEIGY, SANDOZ et SIKA. Il arrive fi nalement en Italie en 1988 sans avoir pu se débarrasser de ses déchets.

(9) Ce navire à simple coque de 48 077 tonnes de port en lourd, construit en 1986, a longtemps été exploité sous pavillon britannique et norvégien. Il opère aujourd’hui sous le nom de Gulf Jash.

(10) Il s’agissait de la société PRIME MARINE MANAGEMENT. Le Gulf Jash appar-tient aujourd’hui à la société GULF NAVIGATION HOLDING PJSC.

(11) La société TRAFIGURA a été créée en 1993 par Claude Dauphin, actuel président du conseil d’administration, et Eric de Turckheim. Cette mul-tinationale est spécialisée dans le négoce des marchandises comme le pétrole brut, les produits raffi nés, les concentrés de métaux et les métaux raffi nés. Elle fournit également les navires et les installations nécessaires à leur transport et à leur stockage. La Société mène ses activités à travers plusieurs entités, notamment la société-mère, TRAFIGURA BEHEER BV qui est basée au Pays-Bas ; la fi liale londonienne, TRAFIGURA LIMITED, en charge de la gestion des opérations du groupe et enfi n le groupe de société PUMA dont fait partie PUMA INTERNATIONAL CI basée en Côte d’Ivoire et dont la participation à la catastrophe survenue à Abidjan ne peut être réfutée.

(12) Selon l’article 1 §1 de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouve-ments transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adop-tée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 5 mai 1992, les déchets dangereux sont défi nis comme tels soit par les législations nationales, soit en combinant les annexes I et III de la Convention. Texte in Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1673, 1992, p.57 et s.

(13) V. l’article 1 § 4 de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décem-bre 1991, relative aux déchets dangereux ; JOCE, n°L 377, 31 décembre 1991, p. 20 et s.

(14) Le navire accoste en effet au port d’Amsterdam le 2 juillet 2006 et re-prend la mer le 5 juillet 2006.

(15) Le navire restera au port de Paldiski entre le 9 et le 12 juillet 2006. (16) Le navire accoste le 23 juillet 2006 au port de Las Palmas. (17) Le navire s’était en effet manifesté auprès de la société APS afi n de dé-

barquer dans le port 554 m3 de résidus de cargaisons liquides contenant des hydrocarbures, désignés généralement sous le terme de « slops ».

(18) Les coûts présentés pour réaliser de telles opérations ont en effet été fortement augmentés, passant de 20 €/m3 à 900 €/m3 du fait de la présence en quantité de substances inhabituelles pour des résidus de cargaison traditionnels.

(19) La société TRAFIGURA est l’actionnaire unique de la société PUMA INTER-NATIONAL CI dont l’objet social est le stockage et la vente des produits pétroliers sous douane. Il appert de différents documents que la société PUMA INTERNATIONAL CI est intervenue de manière active dans le mou-vement transfrontière des déchets toxiques à l’origine de l’empoisonne-ment de la population ivoirienne et des atteintes à l’environnement. Pour preuve, le message électronique envoyé le 17 Août 2006 par M. Marrero (responsable des opérations pour l’essence, le GPL et le Naphta) à M. Ka-blan (administrateur général adjoint de PUMA INTERNATINAL CI) précisant la nature et la composition de la cargaison et les informations transmises par M. Ugborugbo (Société WAIBS) à M. Kablan au sujet des règlements consécutifs au déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire.

(20) Les statuts de cette compagnie, adoptés le 10 mai 2006, ont été enre-gistrés le 24 mai 2006 à la Direction du recouvrement de la Direction générale des impôts à Abidjan. Il ressort de ces statuts que la compagnie TOMMY a pour objet : la vidange, l’entretien des navires, la fourniture de matériels mécaniques, électriques, frigorifi ques et divers, la représenta-tion commerciale, l’importation, l’exportation et la commercialisation de divers produits, la construction, la restauration de bâtiments et l’exploita-tion de tout établissement industriel ou commercial. La Société TOMMY venait juste d’obtenir son agrément et d’hériter de ces opérations jusque là détenues par une société concurrente, l’INDUSTRIE DE TECHNOLOGIE ET DE L’ENERGIE. Malgré son peu d’expérience, TOMMY va présenter au commandant du port, l’agrément du ministre des transports l’autorisant à réceptionner les déchets et à les déverser à la décharge d’Akouédo.

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déchargement des déchets (21). Le navire arrive fi nalement le 19 août 2006 dans le port d’Abidjan où les déchets sont confi és à divers prestataires qui procéderont à leur déversement sauvage dans plusieurs sites inadaptés autour de la capitale ivoirienne (22). Dès le lendemain, plusieurs plaintes sont déposées par des ha-bitants « gênés » par les odeurs putrides qui se répandent dans les différents districts de la capitale ivoirienne. Le Centre ivoirien anti-pollution (CIAPOL) déclenche alors une enquête destinée à déterminer la provenance de ces odeurs. Le Probo Koala est im-médiatement identifi é comme étant à l’origine des émanations suffocantes. Devant le refus de l’équipage de laisser monter les inspecteurs du CIAPOL à bord, seuls des prélèvements effectués sur des matières tombées à quai à l’occasion des opérations de transbordement seront analysés. Les résultats mentionneront la présence d’une forte dose de sulfure d’hydrogène et par voie de conséquence la haute toxicité des déchets déversés. Alors que l’immobilisation du navire s’imposait, les autorités ivoiriennes le laissent quitter le port d’Abidjan le 22 août 2006. Le navire ne sera fi nalement bloqué qu’un mois plus tard au port de Paldiski.

L’OCDE fut la première à s’atteler à l’élaboration d’instru-ments juridiques spécifi ques destinés à contrôler effi cacement les mouvements transfrontières de déchets dangereux. Aussi le Conseil des ministres de l’OCDE a-t-il adopté en 1984, une Dé-cision-Recommandation enjoignant les Etats membres à « con-trôler les mouvements transfrontières de déchets dangereux et, à cet effet, [à] veiller à ce que les autorités compétentes des pays concernés reçoivent en temps utiles des informations ap-propriées concernant de tels mouvements » (23). Cette décision est d’ailleurs généralement présentée comme constituant le premier acte normatif à l’origine d’une stratégie globale desti-née à mieux contrôler les mouvements transfrontières de dé-chets dangereux (24).

Par la suite, plusieurs principes fondamentaux développés dans ce cadre ont été repris en droit international (25) et inté-grés par le droit communautaire des déchets (26). Trois grands principes ont ainsi été dégagés : le principe du traitement des déchets dans le pays d’origine, le principe de non-discrimination et le principe de la responsabilité du producteur de déchets.

L’apport majeur de ce développement normatif réside en l’adoption d’un texte à portée internationale : la Convention de Bâle entrée en vigueur le 5 mai 1992 et qui compte aujourd’hui plus de 170 Etats Parties (27). Outre de proposer une uniformisa-tion de la notion de « déchets dangereux » (28), cette conven-tion pose comme principe fondamental, l’interdiction absolue d’exporter des déchets dangereux vers un Etat qui en interdit l’importation, qui n’a pas donné son autorisation spécifi que à l’importation ou qui n’a pas les moyens de les gérer selon des « méthodes écologiquement rationnelles » (29) et enfi n, l’expor-tation des déchets vers un Etat non partie ou vers l’Antarcti-que.

Le principe d’interdiction est par ailleurs complété par la procédure dite de « consentement préalable en connaissance de cause » selon laquelle toute exportation effectuée sans con-sentement serait réputée illicite. Il en est de même pour les mouvements de déchets à destination ou en provenance d’Etats non parties à moins qu’il existe un accord spécial les autori-sant. Le texte envisage également de prévenir à la source de telles expéditions en contraignant les Parties à s’assurer que les déchets dangereux soient « gérés de manière écologiquement rationnelle ».

Pourtant, malgré une position tranchée de la Communauté internationale et les efforts entrepris pour aboutir à l’adoption d’un cadre juridique global contraignant destiné à prévenir les mouvements transfrontières de déchets toxiques, plusieurs af-faires nées de contrats conclus entre de hauts fonctionnaires gouvernementaux des pays du Sud et des entreprises situées

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(21) Le groupe TRAFIGURA a choisi la COMPAGNIE TOMMY SARL comme principal prestataire pour « l’enlèvement et le traitement » des déchets toxiques. Voir le courriel adressé le 18 août 2006 par M. Paul Short (TRAFIGURA) à M. David Adja (WAIBS SHIPPING) et autres. Il ressort de ce courriel que la société WAIBS SHIPPING est mandatée pour éliminer les « eaux sales ». TRAFIGURA donne ordre à WAIBS SHIPPING de « coordonner cette opéra-tion [élimination des déchets toxiques] avec la société COMPAGNIE TOMMY SARL ».

(22) Voir le courriel du 17 août 2006 envoyé par M. Marrero à M. Kablan et ainsi libellé : « [… Veuillez noter que nous aimerions décharger environ 528 m3 d’eaux sales du PROBO KOALA […] ». Voir également la réponse de M. Marrero contenue dans le point 2.6 du questionnaire envoyé par la Commission Nationale d’Enquête sur les Déchets Toxiques dans le District d’Abidjan (CNEDT) commission à M. Marrero et M. Short, selon laquelle TRAFIGURA est l’affréteur à terme du Probo Koala ; réponse au question-naire de la Commission Nationale d’Enquête sur les Déchets Toxiques dans le District d’Abidjan. Voir également le courriel envoyé par M. Short à M. Adja, représentant de WAIBS SHIPPING et dans lequel il nomme la société WAIBS SHIPPING en qualité d’« affréteur » et la société TOMMY comme agent en charge de « l’élimination d’eaux sales ».

(23) Décision et Recommandation du Conseil de l’OCDE du 1er février 1984, sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux, COM(83)180 Final.

(24) Cette stratégie s’est vue par la suite progressivement affi née au moyen de l’adoption de plusieurs instruments juridiques tels que la Résolution du Con-seil du 20 juin 1985 relative à la coopération internationale en matière de mouvements transfrontières de déchets dangereux, C(85)100 ; la Décision-Recommandation du 5 juin 1986 sur les exportations de déchets dangereux à partir de la zone de l’OCDE, C(86)64 Final ; la Décision-Recommandation du 27 mai 1988 sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux, C(88)90 Final; la Résolution du Conseil des 18 et 20 juillet 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux, C(89)112 Final ou encore la Décision C(92)39/Final du 30 mai 1992.

(25) Et plus spécifi quement par les Lignes Directrices du Caire sur la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux adoptées le 17 juin 1987 sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l’Environ-nement (PNUE) (Décision 14/30) et la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimi-nation adoptée le 22 mars 1989 ; Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1673, 1992, p.57..

(26) Notamment la directive 84/631/CEE du Conseil des Communautés euro-péennes du 6 décembre 1984 relative à la surveillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers de déchets dange-reux (JOCE, n°L 326, 13 décembre 1984, p.31), modifi ée par la directive 86/279/CEE du Conseil du 12 juin 1986 ; JOCE, n°L 181, 4 juillet 1986, p.13.

(27) En effet, au 23 juillet 2009, 172 Etats parties étaient recensés. Voir le site de la Convention de Bâle consultable à l’adresse suivante : http://www.basel.int/ratif/convention.htm.

(28) La Convention de Bâle retient une défi nition large de la notion de « dé-chets dangereux » puisqu’elle prévoit dans son article 1er que seront con-sidérés comme tels les déchets appartenant à l’une des quarante-cinq catégories listées dans son Annexe I ainsi que ceux dont la législation nationale de l’Etat d’exportation, d’importation ou de transit les classe comme tels ; Convention de Bâle, art.1 § 1.

(29) L’article 2 § 8 de la Convention de Bâle stipule que « la gestion écologi-quement rationnelle » s’entend de « toutes mesures pratiques permettant d’assurer que les déchets dangereux ou d’autres déchets sont gérés d’une manière qui garantisse la protection de la santé humaine et de l’environ-nement contre les effets nuisibles que peuvent avoir ces déchets ».

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majoritairement dans des pays du Nord ont été révélés (30). Face à l’affl ux des déchets toxiques sur le continent africain, l’Orga-nisation de l’unité Africaine (OUA) adopte lors de la Conféren-ce d’Addis-Abeba de 1988 (31), une résolution dans laquelle le déversement de déchets toxiques sur le continent africain est qualifi é de « crime contre l’Afrique et les populations africai-nes » (32). Les entreprises et multinationales concernées par ces déversements sont ainsi enjointes à cesser de telles pratiques et à prendre en charge la dépollution des zones contaminées. Cette initiative développée au niveau régional est malheureu-sement restée sans réelles conséquences, essentiellement du fait d’un défaut de valeur juridiquement contraignante. C’est d’ailleurs en grande partie pour cette raison, ajoutée au mé-contentement des pays africains face au texte de la Convention de Bâle, que l’OUA parvient à faire adopter la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer les déchets dangereux en Afrique et le contrôle de leurs mouvements transfrontières (33). Adopté le 30 janvier 1991 (34) et entré en vigueur le 20 mars 1996, ce texte reprend les principes fondamentaux de la Con-vention de Bâle tels que les principes de notifi cation et l’obliga-tion de réimporter. La Convention de Bamako retient toutefois un champ d’application plus large que celui de la Convention internationale dont il s’inspire (35) en ce qu’elle interdit toutes les importations en Afrique des déchets dangereux en provenance des Etats non parties, ainsi que les déversements des déchets en mer et dans les eaux intérieures.

Ce dispositif juridique est par ailleurs complété par de nom-

breuses dispositions du droit communautaire adoptées en vue de prévenir les expéditions de déchets dangereux en prove-nance de la Communauté européenne. Le droit communautaire occupe une place importante dans l’affaire du Probo Koala car l’enchaînement des faits à l’origine de la catastrophe écologique et sanitaire a eu lieu sur le territoire européen. En matière de transport international des déchets, deux textes communautai-res sont à retenir : le règlement 259/93 du 1er février 1993 relatif à la surveillance et au contrôle des transferts des déchets à l’intérieur, à l’entrée et à la sortie de la Communauté (36) qui intègre les dispositions de la Convention de Bâle dans le corpus juridique communautaire, ainsi que le règlement 1013/2006 du 14 juin 2006 sur les transferts frontaliers de déchets (37) qui ren-force et clarifi e le cadre juridique applicable et qui interdit l’ex-portation des déchets pour élimination dans les pays non-mem-bres de l’Union Européenne ou de l’Accord Européen de Libre Echange (AELE). Sur la base des prescriptions contenues dans ces textes, les transports de déchets sont soumis, en théorie, à de nombreuses procédures et à de multiples contrôles destinés à garantir le respect des principes issus du droit international.

Mais là encore l’affaire du Probo Koala démontre que l’ar-ticulation des diverses règles énoncées soulève des diffi cultés, notamment au regard du régime juridique spécifi que applicable aux déchets d’exploitation et résidus de cargaison correspon-dant respectivement aux déchets produits par le fonctionne-ment du navire et à ceux produits à l’occasion du transport de la cargaison. Du fait de leur particularisme, ces déchets ne sont pas couverts par la Convention de Bâle mais relèvent de la Con-vention internationale pour la prévention de la pollution par les navires adoptée à Londres le 2 novembre 1973 sous les auspices de l’Organisation maritime internationale (OMI), telle que modifi ée par le Protocole du 17 février 1978 (38) y afférent (Convention MARPOL), et au plan régional, par la directive com-munautaire 2000/59/CE du 20 novembre 2000 (39). Selon ces textes, le navire a l’obligation de déposer ses déchets à terre, les Etats parties et Etats membres devant disposer d’installa-tions de réception portuaires adéquates.

Dans l’affaire du Probo Koala, toutes ces prescriptions res-tèrent lettre morte. Le navire réussira fi nalement à déposer sa cargaison toxique loin des côtes européennes c’est-à-dire loin d’un corpus juridique qui se veut contraignant.

L’étude des faits à l’origine de ce qui est désormais présenté comme la pire catastrophe sanitaire et environnementale que la Côte d’Ivoire ait connue, démontre le rôle central du non- respect de l’obligation de réception portuaire des résidus de cargaison du navire dans la matérialisation du trafi c illicite ( I ), auquel les

(30) Ainsi en octobre 1987, un contrat de ce type fut signé entre la Guinée-Bissau et la société suisse INTERCONTRACT SA. Son objet prévoyait que le pays de réception acceptait « le dépôt sur son territoire, de déchets in-dustriels toxiques en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord » et ce, pour 50 000 tonnes de déchets au minimum par an contre 40 dollars par tonne de déchets déversés. Cet accord assurait ainsi une rentrée annuelle de 2 milliards de dollars pour la République de Guinée-Bissau. V. ROE-LANTS DU VIVIER (F), Les vaisseaux du poison, eéd. Sang de la terre, Paris, 1988, pp.19 et s. ; PAMBOU TCHIVOUNDA (G), L’interdiction de déverser des déchets toxiques dans le tiers-monde : le cas de l’Afrique, A.F.D.I., vol.34, 1988, p.716. Un deuxième exemple mérite d’être relevé : celui du contrat conclu en janvier 1988 entre SESCO Ltd et le gouvernement du Bénin. L’entreprise parvien à négocier l’envoi de 5 millions de tonnes de déchets toxiques par an et ce, pour une durée de 10 ans en échange du paiement par la société de 2,5 dollars la tonne. Sous la pression de l’Entente européenne pour l’environnement (E.E.E), du Nigeria et du Togo, le Bénin a fi nalement abandonné le projet.

(31) Résolution du 23 mai 1988 du Conseil des ministres relative au déverse-ment des déchets nucléaires et industriels en Afrique, CM/Res. 1153 (XL-VIII). Il est par ailleurs intéressant de relever que la Côte d’Ivoire a adopté le 17 juillet 1988, à la suite de cette résolution, une loi punissant d’une peine allant jusqu’à vingt ans de réclusion et amende, la personne qui se-rait impliquée dans un achat, vente, importation ou stockage de déchets dangereux ; International Legal Materials, 1989, vol.28, p.391 et s.

(32) CM/Res. 1153 (XLVIII), paragraphe 1. (33) Convention de Bamako du 30 janvier 1991 sur l’interdiction d’importer

les déchets dangereux en Afrique et le contrôle de leurs mouvements transfrontières in Droit International de l’Environnement – Accords Mul-tilatéraux, Kluwer International, London, The Hague, Boston, 1991, BzUB7/11/93, 991 :08.

(34) Parmi les 51 Etats africains qui ont participé à l’élaboration de la Con-vention, 12 l’ont signée le 30 janvier 1991. Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, du Burundi, de la Centrafrique, de la Côte d’Ivoire, de l’Egypte, de la Guinée, de la Jamahiriya Arabe Libyenne, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo ; in Registre des Traités internationaux et autres Accords dans le domaine de l’environnement, 1993.

(35) Sur ce point voir PEREZ MARTIN (M.T), Que fait le village planétaire de ses déchets dangereux ?, Bruylant, Bruxelles, 2001, pp.28 et s.

(36) Règlement 259/93 du Conseil, du 1er février 1993 relatif à la surveillance et au contrôle des transferts des déchets à l’intérieur, à l’entrée et à la sortie de la Communauté ; JOCE, n°L 30, 6 février 1993, pp.1 et s.

(37) Règlement 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ; JOUE, n°L190, 12 juillet 2006, pp.1 et s.

(38) La Convention MARPOL est entrée en vigueur le 2 octobre 1983 ; Texte de la Convention in Recueil des traités et accords de la France, 1983, n°49, pp. 15 et s.

(39) Directive 2000/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 no-vembre 2000 sur les installations de réception portuaires pour les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargaison ; JOCE, n°L 332, 28 décembre 2000, pp.81 et s.

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mécanismes juridiques de réparation et de sanction n’apportent qu’une réponse limitée et donc insatisfaisante ( II ).

I • Du non-respect de l’obligation de ré-ception portuaire des résidus de cargaison du navire au transfert manifestement illicite des déchets

Désireuse de faire face aux menaces potentielles consti-tuées par les déchets dangereux pour la vie humaine et l’envi-ronnement, la Communauté internationale est intervenue pour adopter des mécanismes de prévention destinés à anticiper sur les conséquences des mouvements transfrontières de déchets dangereux. Le contrôle par l’Etat du port constitue un maillon important de cette approche préventive. Tout dysfonctionne-ment peut alors devenir lourd de conséquences, notamment lorsqu’un navire parvient à passer outre à l’obligation de dé-pôt de ses résidus de cargaison dans une installation portuaire adaptée (A). Car si la production de déchets dangereux ne cons-titue pas en soi un acte illicite ou interdit, tel n’est pas le cas du transport non autorisé et non contrôlé. Force est d’admettre ce-pendant que le système de responsabilité prévu en la matière peut se révéler lacunaire et défaillant (B).

A• La nature particulière des déchets du navire à l’origine du transfert illicite.

Les résidus de cargaison ne répondent pas à la classifi cation traditionnelle opérée entre les déchets en fonction de leur ca-ractère banal et/ou de leur dangerosité car il s’agit, par nature, d’éléments à fort potentiel de nuisances. C’est d’ailleurs ce type particulier de « déchets de navire » que nous retrouvons à l’ori-gine des faits de l’affaire du Probo Koala. Ayant enfreint l’obliga-tion de déposer ces résidus lors de son passage dans les eaux et ports sous juridiction communautaire (1), le navire a permis d’acheminer illégalement jusqu’en Côte d’Ivoire une cargaison de déchets toxiques constituée principalement de ses propres résidus de cargaison dont la nature juridique s’est trouvée mo-difi ée au cours du voyage (2).

1. La problématique de la réception portuaire des dé-chets générés par l’exploitation normale des navires.

Les résidus de cargaison peuvent être classés en deux ca-tégories : les solides et les liquides. Les premiers englobent les résidus de cargaison de produits chimiques secs transportés en vrac et les résidus solides liés à d’autres types de cargaison. Les résidus de cargaison liquides peuvent quant à eux être subdivi-sés entre ceux contenant des hydrocarbures et ceux contenant des produits chimiques. Les résidus contenant des hydrocarbu-res correspondent aux eaux de nettoyage de citernes mélan-gées aux hydrocarbures ainsi qu’aux résidus restant en fond de citerne après dessèchement. Ils sont généralement désignés sous le terme de « slops ». Les résidus contenant des produits chimiques sont principalement identifi és en fonction du plus ou moins fort degré de dangerosité qu’ils représentent. Ainsi, cer-tains sont des produits dits « spécialisés » du fait justement de leur dangerosité particulière ou de leur nature et nécessitent

un traitement particulier. D’autres correspondent à des produits courants et n’imposent aucune condition particulière de manu-tention.

Sur les navires récents, ces différents types de résidus sont clairement identifi és et séparés les uns des autres afi n d’en fa-ciliter l’abandon (40). Les vraquiers polyvalents de plus ancienne construction tel que le Probo Koala produisent des déchets d’ex-ploitation et des résidus de cargaison particulièrement diffi ci-les à récupérer et à traiter. En effet, cette catégorie de navires désignés également sous le terme d’ « OBO », présente pour particularité de pouvoir transporter simultanément ou successi-vement des hydrocarbures (Oil), du vrac solide ou liquide (Bulk) et des minerais (Ore), ce qui explique que les eaux de lavage des soutes à cargaison sont généralement très « sales » et re-connues pour la complexité de leur gestion.

Le droit applicable aux déchets d’exploitation des navires et résidus de cargaison relève principalement du droit interna-tional et plus particulièrement des règles contenues dans les annexes I (« prévention de la pollution par les hydrocarbures »), II (« par les substances liquides nocives transportées en vrac »), IV (« par les eaux usées des navires ») et V (« par les ordures des navires ») de la Convention MARPOL (41).

Du point de vue régional, la Communauté européenne a intégré l’exigence de mise en place d’installations de récep-tion portuaires en adoptant, le 27 novembre 2000, la directive 2000/59/CE (42) sur les installations de réception portuaires pour les déchets d’exploitation des navires et les résidus de cargai-son. Cette directive, entrée en vigueur le 28 décembre 2000, s’applique à tous les navires quel que soit leur pavillon, qui font escale ou opèrent dans le port d’un Etat membre (43), ainsi qu’à tous les ports des Etats membres (44).

Le dépôt des déchets et résidus dans les installations de réception est au regard du droit communautaire applicable, une obligation qui ne souffre de dérogations que dans des cas pré-cis (45) et dont le respect doit être prouvé aux autorités portuai-res par une attestation ou un certifi cat remis par l’exploitant des installations de réception (46).

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(40) En pratique, les ports réceptionnent généralement les résidus de cargai-son à quai ou au moyen d’appontements reliés par canalisations à des stations de déballastage. Il peut également s’agir de quais ou d’apponte-ments équipés de bacs de plus faibles dimensions et capables de recevoir les « slops » à titre temporaire avant leur reprise et leur retraitement par l’industrie pétrolière.

(41) Notons que les annexes I et II de cette convention internationale entrée en vigueur le 2 octobre 1983 ont été ratifi ées par les Pays-Bas, l’Estonie et l’Espagne.

(42) Directive 2000/59/CE, préc. (43) Directive 2000/59/CE, art.3 al.a). (44) Directive 2000/59/CE, art.3 al.b).(45) Par exemple, un navire pourra être autorisé à prendre la mer pour le port

d’escale suivant sans avoir déposé ses déchets d’exploitation s’il s’avère qu’il dispose d’une capacité de stockage suffi sante à moins qu’il y ait de bonnes raisons de croire que le port prévu pour procéder au dépôt, ne dispose pas d’installations adéquates ; directive 2000/59, art.7 § 2. Par contre, dans le silence de la directive européenne, aucune dérogation ne peut être admise pour les résidus de cargaison.

(46) Lorsque pour les navires effectuant des lignes régulières l’obligation de dépôt est assouplie, l’exigence de justifi cation par le capitaine du navire d’un certifi cat de dépôt ou d’un contrat de dépôt et du paiement de la redevance est maintenue. L’attestation de dépôt devra d’ailleurs être vali-dée par les autorités portuaires.

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La directive 2000/59/CE ne contient aucune disposition par-ticulière sur des transferts potentiels de déchets d’exploitation et/ou de résidus de cargaison même si son article 12 dispose que l’Etat membre de réception des déchets du navire doit con-sidérer cette opération comme une mesure de libre pratique (47) et, par conséquent, empêcher que les mesures douanières na-tionales ne constituent un obstacle à la libre circulation de ces substances au sein du marché communautaire. Aussi, si aucune installation de traitement appropriée n’existe à proximité d’un port national mais qu’une telle structure existe dans un autre pays de la Communauté européenne, alors le transfert doit pou-voir s’effectuer librement au nom du principe de libre circulation des marchandises. Autrement dit, les déchets provenant des navires entrent dans le régime du droit commun régissant la matière à partir du moment où ils sont mis à terre.

Sur le fondement du principe pollueur-payeur, la directive 2000/59/CE permet d’imputer au pollueur le coût social de la pollution qu’il engendre. Par voie de conséquence, les Etats membres, sur le fondement du principe de subsidiarité, ont pour obligation de veiller à la mise en place d’une redevance perçue sur les navires et devant permettre de couvrir les coûts d’utilisation des installations de réception portuaires engendrés par le dépôt des résidus de cargaison (48). En matière de résidus, le paiement de la redevance incombe à l’utilisateur de l’instal-lation et le recours aux prestataires privés pour réceptionner les déchets du navire peut expliquer une hausse des charges.

Le droit international de la mer encadre la répression des infractions aux règles internationales de prévention de la pollu-tion par les navires en mettant à la charge des Etats du pavillon, des Etats côtiers et des Etats du port, le soin d’élaborer des lois et règlements utiles à la préservation et à la maîtrise de la pollution (49). C’est d’ailleurs sur ce fondement que les actions et stratégies entreprises par la Communauté européenne en la matière placent les inspections effectuées au titre du contrôle par l’Etat du port (PSC) (50) au cœur de leur dispositif. Sur la base des obligations contenues dans la directive 2000/59/CE, ces inspections doivent permettre de s’assurer, au moyen du con-trôle des registres et certifi cats, que les navires se trouvant dans un port de la Communauté respectent les prescriptions relatives

au dépôt de leurs déchets d’exploitation et de leurs résidus de cargaison.

L’affaire du Probo Koala met en évidence l’existence de failles importantes dans le dispositif juridique communautaire relatif à la réception portuaire des déchets d’exploitation et rési-dus de cargaison. Le navire a ainsi pu passer d’un port d’un Etat membre à l’autre sans avoir à attester du dépôt de ses résidus auprès des autorités portuaires alors même que le déroulement des faits de l’espèce permettent d’envisager que le navire était non seulement dans l’incapacité de se conformer à l’obligation de dépôt dans le port estonien (« prochain port d’escale ») du fait d’un défaut d’installations de réception adaptées mais aussi dans l’impossibilité de présenter les documents justifi ca-tifs nécessaires. Il est par ailleurs diffi cile de comprendre que l’autorisation de recharger ses résidus à bord lui a été donnée au port d’Amsterdam (51). Ces éléments ont pourtant échappé aux mailles des prérogatives du contrôle par l’Etat du port d’au moins trois Etats membres (Pays-Bas, Estonie et Espagne) et sont totalement passés sous silence par l’inspection menée le 11 juillet 2006 au port de Paldiski au terme de laquelle seules deux irrégularités sans rapport avec les résidus de cargaison ont été relevées.

Pourtant tout porte à croire que si les obligations prévues par les différents actes de droit dérivé mentionnés jusqu’ici avaient été respectées, le navire et sa cargaison de déchets toxiques auraient été identifi és dès le port de Paldiski et, pour peu que l’on fasse preuve d’un peu d’imagination ou de pragmatisme, les résidus n’auraient pas pu être rechargés sur le navire à Amster-dam. D’ailleurs, il est intéressant de relever que si l’affréteur (52) s’efforce depuis lors à présenter les résidus déchargés du navire lors de son passage aux Pays-Bas comme étant constitués d’un mélange de gazole, d’eau et de soude caustique résultant du ballastage du navire (53), les résultats publiés le 14 mai 2009 par l’Institut d’analyse légale des Pays-Bas (54) mentionnent que l’odeur « d’œuf pourri » qui se dégageait du navire dès le 2 juillet, lors de son entrée dans le port d’Amsterdam, provenait certainement du sulfure d’hydrogène (55) c’est-à-dire un com-posé de soufre connu pour ses propriétés létales notamment lorsqu’il est inhalé (56). S’il est vrai que le sulfure d’hydrogène est naturellement présent dans le pétrole, le gaz naturel ou les gaz volcaniques ; il peut aussi être généré par différentes opérations industrielles tel que le traitement des eaux usées ou le raffi nage de pétrole. Or, c’est bien à un raffi nage clandestin que le navire est suspecté de s’être livré. Cette hypothèse est par ailleurs con-

(47) Le principe de libre pratique conduit à ce que des produits en provenance d’Etats tiers à la Communauté mais ayant subi les formalités douanières prévues puissent librement circuler sur l’ensemble du territoire commu-nautaire.

(48) Directive 2000/59, art.10. (49) Une certaine marge de manœuvre est tolérée si ce n’est que tous les Etats

concernés doivent veiller à ce que leurs lois et règlements ne soient pas moins effi caces que les règles et normes internationales. Toutefois, sous réserve de certaines conditions, le droit international accepte que des normes nationales plus sévères puissent être adoptées, notamment pour lutter contre les rejets des navires ; Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, art. 211. Texte de la Convention in Nations Unies, Recueil des Traités, vol.1834, p.3.

(50) Directive 95/21/CE du Conseil, du 19 juin 1995, relative aux contrôles des navires par l’Etat du port (JOCE, nºL 157, 7 juillet 1995, pp.1-19) com-munautarisant les prescriptions du droit international contenues dans le Mémorandum d’entente sur le contrôle des navires par l’Etat du port si-gné le 26 janvier 1982 (Memorandum of Understanding, « MoU »), la directive 95/21/CE fait du seuil d’inspection de 25 % une obligation communautaire qui pourra alors être sanctionnée par une condamna-tion pour manquement émanant de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).

(51) A noter que dès décembre 2006, la mairie d’Amsterdam, par la voix de l’adjointe au maire, admettait publiquement être « responsable des erreurs commises au port », erreurs qui ont permis au navire de recharger ses déchets et de quitter le port ; Amsterdam s’estime aussi responsable de la pollution du « Probo Koala », La Croix, 7 décembre 2006.

(52) La société TRAFIGURA BEHEER BV. (53) Journal de la Marine Marchande, 22 septembre 2006, pp.14-15. (54) Ces analyses scientifi ques ont été menées à partir de prélèvements ef-

fectués à Abidjan et ordonnées par la justice néerlandaise dans le cadre d’une procédure qui s’est ouverte en juin 2008 à l’encontre de TRAFIGURA, du capitaine du Probo Koala, la Ville d’Amsterdam et la société APS.

(55) Selon cette étude, les déchets déversés illégalement en Côte d’Ivoire contenaient au moins deux tonnes de cette substance.

(56) CESSOU (S), Probo Koala : premier élément de preuve contre Trafi gura, RFI,15 mai 2009.

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fortée par le fait que s’il s’agissait des seuls résidus de cargaison générés par le navire, la société APS n’aurait eu aucune raison de majorer les coûts de réception et de traitement inhérents au dépôt de ces produits.

2. La modifi cation de la nature des déchets considérés.

Engoncé dans des défi nitions variées et de plus en plus opportunistes, le déchet reste un bien particulier pour lequel il est impossible de donner une défi nition stricte. Pour autant, au regard de la défi nition retenue par la Convention de Bâle, reprise par le droit communautaire (57) et de nombreuses légis-lations nationales, sont des « déchets » les « (…) substances ou objets qu’on élimine, qu’on a l’intention d’éliminer ou qu’on est tenu d’éliminer en vertu des dispositions du droit national » (58). Au sein de cette catégorie générale, se dresse la summa divi-sio opposant « déchets dangereux » et « déchets inertes ». Si la gestion des déchets inertes concentre son attention sur les problématiques de valorisation et d’élimination, celle des « dé-chets dangereux » impose la prise en compte d’impératifs spé-cifi ques. Ce type de déchets défi nis de manière extensive par la Convention de Bâle (59), présentent pour particularité d’être identifi é comme tel du fait de son impact potentiel à l’égard de la santé humaine et de l’environnement.

Sont toutefois exclus du champ d’application de la Conven-tion de Bâle les déchets radioactifs (60) et les déchets générés par l’exploitation normale des navires (61). Or, en l’espèce, les déchets déchargés à Amsterdam correspondent ab initio à cette exclusion. La question se pose alors de savoir si le fait de les avoir déchargés puis rechargés à bord du navire ne fait fi nale-ment pas obstacle au maintien de cette qualifi cation.

Il ressort en effet d’une lecture combinée de la Convention de Bâle et de la Convention MARPOL que la notion de « rejet » est au cœur de l’identifi cation de la catégorie des déchets de navire (62). Or, selon la Convention MARPOL, est « rejet » « (…) tout déversement provenant d’un navire, quelle qu’en soit la cause, (et comprend) tout écoulement, évacuation, épanche-ment, fuite, déchargement par pompage, émanation ou vidan-

ge » (63). Il est clair que cette défi nition ou plus précisément les éléments qu’elle envisage comme susceptibles de constituer un « rejet » correspondent bien à l’opération de pompage par la-quelle les résidus de cargaison sont généralement réceptionnés au port. De fait, deux remarques s’imposent.

Premièrement, les déchets rechargés à Amsterdam furent présentés comme étant des résidus de cargaison traditionnels et nécessitaient donc d’être pompés par la société agréée du port. Dès lors, non seulement le fait d’avoir rechargé ces dé-chets à bord à l’issue des négociations commerciales entre l’af-fréteur et ladite société ne saurait constituer un « rejet » au sens des conventions internationales pertinentes mais de plus, cette initiative semble avoir entraîné une modifi cation de la na-ture des déchets considérés. Il ne s’agit alors plus du tout de déchets provenant de l’exploitation normale du navire (64) exclus du champ d’application de la Convention de Bâle mais d’une cargaison de déchets chargée à bord du navire. Par voie de conséquence, toute opération née à partir de ce moment précis obéit à un régime juridique différent de celui retenu en ma-tière de déchets d’exploitation et résidus de cargaison, régime juridique en principe adapté à la dangerosité de tels déchets et aux risques que leur transport occasionne à l’égard de la santé humaine et de l’environnement naturel. A l’appui de cette considération, le fait que le texte de référence en matière de réception portuaire des déchets des navires, c’est-à-dire la Con-vention MARPOL, ne prévoit dans aucune de ses dispositions la possibilité de recharger de tels déchets à bord d’un navire. Une telle omission s’explique tout d’abord par l’objectif général pour-suivi par la Convention MARPOL qui est de prévenir la pollution du milieu marin en permettant aux navires de décharger leurs déchets d’exploitation et résidus lors de leur passage dans les ports et non de se livrer à des opérations de déchargement-re-chargement qui amplifi ent le risque de pollution. Ensuite parce que l’idée maîtresse qui gouverne le principe de réception por-tuaire des déchets d’exploitation et résidus de cargaison est de recueillir à terre des substances nuisibles susceptibles de porter atteinte à l’environnement en général et au milieu marin en particulier (65).

Deuxièmement, l’analyse des faits porte à croire que les déchets présentés par le Probo Koala à la Société APS ne pou-vaient bénéfi cier de la qualifi cation de déchets provenant de l’exploitation normale d’un navire dans la mesure où le seuil de produits toxiques présents dans les échantillons révélait une altération des résidus auxquels on peut légitimement s’attendre en matière de réception portuaire. C’est d’ailleurs uniquement pour cette raison que la Société APS a informé l’affréteur de l’augmentation du coût de réception et de traitement des dé-chets. Dès lors, n’est-il pas possible de suggérer que ces déchets particuliers et dont la dangerosité a été démontrée (66), ne peu-vent être perçus que comme étant des « déchets dangereux » soumis aux dispositions de la Convention de Bâle, de la Conven-tion de Bamako et du droit communautaire ?

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(63) Convention MARPOL, art.2 § 3, al.a).(64) Convention de Bâle, art.1 § 4.(65) Convention MARPOL, 1er considérant.(66) La toxicité des déchets du navire semble acquise notamment pour l’Orga-

nisation mondiale de la santé (OMS) qui s’est prononcée dans ce sens. V. la note d’information sur les déchets toxiques à Abidjan rédigée par l’OMS – Région de l’Afrique, 15 septembre 2006.

(57) Dès 1975, une défi nition du « déchet » est proposée en droit commu-nautaire notamment par la directive 75/442/CE du Conseil, du 15 juillet 1975 relative aux déchets (JOCE, nºL 194, 25 juillet 1975) modifi ée par la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006 relative au aux déchets (JOUE, n°L 114, 27 avril 2006). A noter que la Communauté européenne adhère à la Convention de Bâle en 1993 (décision 93/98/CE du Conseil, du 1er février 1993; JOCE, nºL 39, 16 février 1993, pp.1 et 2) et en intègre les dispositions au moyen du règlement 259/93 du Conseil, du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’intérieur et à la sortie de la Commu-nauté (JOCE, n°L 30, 6 février 1993, pp.1-28).

(58) Convention de Bâle, art.2 § 1. (59) En effet, puisqu’elle prévoit dans son article 1er que seront considérés

comme tels les déchets appartenant à l’une des quarante-cinq catégories listées dans son Annexe I ainsi que ceux dont la législation nationale de l’Etat d’exportation, d’importation ou de transit les classe comme tels ; Convention de Bâle, art.1 § 1.

(60) Convention de Bâle, art.1 § 3.(61) Convention de Bâle, art.1 § 4.(62) Ainsi l’article 1 § 4 de la Convention de Bâle stipule que « les déchets

provenant de l’exploitation normale d’un navire et dont le rejet fait l’objet d’un autre instrument international sont exclus du champ d’application de la présente Convention ».

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Si la Société TRAFIGURA avait voulu faire entrer dans la caté-gorie des déchets provenant de l’exploitation normale des navi-res les résidus générés à l’occasion des opérations de raffi nage clandestin dénommé « blending » (67), auxquelles le navire est suspecté de s’être livré avant son arrivée à Amsterdam et ce, dans le but d’échapper aux prescriptions contenues dans cet arsenal juridique, il est fort à parier qu’elle n’aurait pas procédé autrement.

B• Une articulation défaillante et lacunaire du système de responsabilité relatif au transfert illicite de déchets.

Dès lors que des déchets dangereux sont exportés dans un pays autre que celui dans lequel ils ont été produits, l’opération d’exportation nécessite une autorisation, un suivi et un contrôle de la part de l’Etat d’exportation. Les procédures relatives à ces différentes prescriptions doivent en effet permettre de préve-nir tout transfert illicite de déchets toxiques et permettre par là même aux différentes autorités impliquées de réagir effi ca-cement avant que les déchets soient déplacés et abandonnés sans que les précautions nécessaires n’aient été prises. Si le régime juridique gouvernant les situations de transferts illicites de déchets toxiques peut sembler abouti (1), il demeure que les systèmes de contrôle et de responsabilité qui en découlent manquent tragiquement d’effi cacité en pratique (2).

1. Le régime juridique du trafi c illicite.

La question de la responsabilité encourue du fait d’un trafi c illicite de déchets dangereux est abordée par l’article 9 de la Convention de Bâle. Selon cette disposition, sera réputé illicite le mouvement de déchets toxiques effectué sans qu’aucune no-tifi cation n’ait été donnée à tous les Etats concernés (68) ou lors-que le mouvement de déchets a été effectué sans le consente-ment écrit de l’Etat importateur (69) ; lorsque le mouvement de déchets a été effectué avec le consentement écrit de tous les Etats concernés mais dont le consentement aurait été obtenu par falsifi cation, fausse déclaration ou fraude (70), le mouvement de déchets non conforme aux documents de suivi (71) ou enfi n le mouvement de déchets qui entraîne une élimination délibérée de déchets en violation des dispositions de la Convention et des principes généraux du droit international (72).

Dans l’esprit de la Convention de Bâle, celui qui se livre à un trafi c illicite de déchets dangereux envisage volontairement et consciemment de passer outre les prescriptions qu’elle contient. De fait, une telle expédition constitue une forme aggravée de mouvement transfrontières de déchets dangereux justifi ant de l’ériger en infraction pénale (73) et de la sanctionner comme telle.

Outre cette obligation de principe, la Convention impose que dans l’hypothèse où les déchets ne peuvent êtres élimi-nés selon des méthodes écologiquement rationnelles, les dif-férentes parties concernées seront tenues individuellement (74) ou solidairement (75) de veiller au retour des déchets dans le pays d’exportation. A défaut, les personnes identifi ées comme ayant concouru aux dommages pourront voir leur responsabilité engagée. La première d’entre elles est le producteur de déchets présentée par la Convention de Bâle comme celle « (…) dont l’activité produit des déchets dangereux ou d’autres déchets (...) » (76). Il pourra s’agir d’une personne physique ou morale.

Lorsque le producteur est inconnu, la Convention établit une présomption à la charge de la personne en possession et/ou possédant le contrôle des déchets (77). En dehors de cette hypo-thèse, le fait que le producteur soit à l’origine du risque exercé sur la santé humaine et l’environnement alors même qu’il s’en-richit de cette activité, suffi t à le désigner comme responsable des dommages nés de cette activité. De plus, si un transport de déchets toxiques est organisé pour lui permettre de procéder à l’élimination de ses déchets, cela implique de confi er cette opération à un éliminateur, ce qui engendre de nouveaux ris-ques. Il semble alors légitime de faire peser sur le producteur l’obligation de choisir un transporteur et une entreprise d’éli-mination dotés du savoir-faire nécessaire pour acheminer les déchets de manière conforme aux précautions requises par le texte de portée international afi n de prévenir toute atteinte à la vie humaine et à l’environnement (78).

Face à l’implication potentielle de multiples acteurs liés par ce mouvement de déchets, la Convention de Bâle propose en cas de dommages nés d’une telle expédition de retenir en pre-mier lieu la responsabilité du producteur des déchets dange-reux puis celle de l’exportateur qui a organisé le transport, du transporteur à proprement parler et enfi n celle de l’importateur chargé de la réception des déchets dangereux avant leur trans-fert à une personne en charge de leur élimination.

La réparation qui est envisagée par la Convention interna-tionale ressort du droit privé dont l’objectif est de parvenir à ré-parer le dommage occasionné et doit donc être dissociée de la responsabilité internationale. Mais, silencieuse quant aux mé-canismes de responsabilité et d’indemnisation à enclencher en

(67) L’Association Robin des Bois avançait, dès septembre 2006, que le Probo Koala aurait, au moyen du procédé « Merox » et de catalyseurs, procédé au raffi nage clandestin de sa cargaison chargée en juin à Gibraltar ; v. le dossier de presse de l’association consultable à l’adresse suivante : http://www.cawa.fr/IMG/pdf/probo_koala_dossier_de_presse.pdf

(68) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.a. (69) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.b.(70) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.c.(71) Convention de Bâle, art.9, § 1, al.d. (72) Et notamment le Principe 21 de la Déclaration de Stockholm adoptée lors

de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement qui s’est tenue à Rio de Janeiro (Brésil) du 5 au 16 juin 1992, qui stipule que « conformé-ment à la Charte des Nations Unies et aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain d’exploiter leurs propres ressources selon leur politique d’environnement et ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommage à l’environnement dans d’autres Etats ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ». V. le texte de la Déclaration in RGDIP, vol.77, 1973, pp. 350 et s.

(73) Convention de Bâle, art.4, § 3. (74) Convention de Bâle, art. 9 § 2, al. a).(75) Convention de Bâle, art. 9 § 3 et art. 9 § 4. (76) Convention de Bâle, art. 2 § 18. (77) Convention de Bâle, art.2 § 18.(78) Le paragraphe 5 du Préambule de la Convention de Bâle souligne à ce

titre que « les Etats devraient veiller à ce que le producteur s’acquitte des obligations ayant trait au transport et à l’élimination des déchets dange-reux et d’autres déchets d’une manière qui soit compatible avec la protec-tion de l’environnement, quel que soit le lieu où ils sont éliminés ».

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cas de dommages occasionnés par un trafi c illicite, la Conven-tion de Bâle confi e le soin aux législations nationales de prévoir des mécanismes appropriés pour prévenir et sanctionner de tels comportements ; d’où l’importance de pouvoir compter sur un ensemble harmonisé de règles de droit interne relatives à la responsabilité et à l’indemnisation des victimes (79). A défaut, il est fort probable de voir se mettre en place des fi lières de trans-port de déchets dangereux vers des Etats dotés de législations laxistes permettant ainsi aux industriels de se débarrasser de leurs déchets toxiques aux moindres coûts fi nanciers, sociaux et environnementaux.

En l’espèce, le déversement de 530 tonnes de déchets toxi-ques déversés dans le district d’Abidjan répond aux éléments de défi nition du trafi c illicite et ce, à plusieurs titres. Non seulement aucun des Etats cités dans les faits ne s’est vu notifi er le mouve-ment de déchets dangereux mais aucune autorisation expresse d’importation n’a été délivrée par la Côte d’Ivoire, pays impor-tateur. De plus, aucun document de suivi spécifi que ne semble avoir été émis. Enfi n, il est incontestable que le déversement des déchets en Côte d’Ivoire puisse être qualifi é « d’élimination délibérée » réalisée en violation des dispositions de la Conven-tion et des principes du droit international ce que pudiquement, le rapport de la mission d’assistance technique de la Convention de Bâle en Côte d’Ivoire avance en affi rmant que « ces déchets n’auraient jamais dû être éliminés de façon indiquée dans la description des éléments » (80).

Sur le fondement des éléments de droit mentionnés ci-des-sus et notamment l’article 9 para. 5 de la Convention de Bâle, il incombait aux Etats impliqués de sanctionner pénalement l’expédition de déchets toxiques effectuée entre Amsterdam et Abidjan via les ports de Paldiski, de Las Palmas, de Lomé, et de Lagos. Le déroulement des faits de l’espèce traduisent sur ce point une inertie généralisée.

2. L’ineffectivité du système de responsabilité relatif au trafi c illicite.

Parce que l’objectif premier du dispositif mis en place par la Convention de Bâle est de prévenir les atteintes susceptibles d’être causées à la santé humaine et à l’environnement (81), plu-sieurs obligations pèsent sur les Etats concernés ou susceptibles de l’être par un mouvement transfrontières de déchets dange-reux. Certaines de ces obligations visent tout particulièrement les exportations par navire. Plusieurs cas sont envisagés. Tout d’abord, l’Etat d’importation et l’Etat d’exportation doivent em-pêcher le départ du navire qui transporterait des déchets si le pays de destination n’a pas donné son accord (82). De plus, ces

mêmes Etats sont tenus de bloquer toute cargaison dangereuse pour laquelle l’Etat d’importation n’aurait pas donné par écrit son accord spécifi que (83). L’Etat d’exportation doit par ailleurs interdire une telle expédition s’il a toutes les raisons de croire que les déchets ne seront pas gérés selon des méthodes éco-logiquement rationnelles (84) et, corrélativement, l’Etat d’impor-tation est tenu d’empêcher toute entrée sur son territoire s’il sait que ces méthodes font défaut (85). Enfi n, toutes les Parties sont tenues d’interdire l’importation et/ou l’exportation de tout déchet vers des Etats non Parties (86).

Conformément à la possibilité reconnue par le droit inter-national de conclure des accords régionaux dans des domai-nes déjà couverts par une norme générale de droit internatio-nal (87), la Convention de Bamako vient ici en principe opposer des obligations confortatives. En effet et à l’instar de ce qui est prévu dans la Convention de Bâle, la Convention de Bamako interdit tout mouvement transfrontières de déchets dangereux vers l’Afrique (88). Par conséquent, les Etats africains ont bien la possibilité d’effectuer des mouvements de déchets entre eux nullement en dehors du périmètre défi ni par le droit régional. Cette limite est par ailleurs renforcée par le texte de 1991 qui reprend à son compte l’incrimination pénale dégagée à l’égard du trafi c illicite de déchets dangereux en provenance de parties non contractantes (89) et enjoint à son tour les Parties à adopter une législation nationale appropriée pour imposer des sanctions pénales (90) à toute personne impliquée (91) dans de tels trafi cs.

Dans l’affaire du Probo Koala, aucune de ces obligations n’a été respectée et aucun dispositif de contrôle n’a fonctionné ap-portant ainsi la preuve pratique des limites du droit international de l’environnement et de ses mécanismes d’application.

Se pose alors la question de la réaction de chacun des Etats concernés. En effet, ainsi que cela a été mentionné dans les dé-

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(83) Convention de Bâle, art.4 § 1, al.c.(84) Convention de Bâle, art.4 § 2, al.e.(85) Convention de Bâle, art.4 § 2, al.g.(86) Convention de Bâle, art.4 § 5. (87) Le fait que la Convention de Bamako ait été adoptée postérieurement

à la Convention de Bâle et qu’un confl it de normes du fait de la ratifi ca-tion de traités successifs portant sur la matière puisse apparaître pourrait pousser le juriste à s’interroger sur la validité de la Convention signée en 1991. Or, eu égard aux principes contenus dans la Convention de Vienne sur le droit des traités, l’articulation de ces deux conventions ne pose aucune diffi culté. Il suffi t en effet de mentionner que le traité postérieur, en l’occurrence la Convention de Bamako est compatible avec le traité antérieur c’est-à-dire la Convention de Bâle et que conformément à l’ar-ticle 41 paragraphe 1 de la Convention de Vienne de sur le droit des trai-tés, la conclusion d’accords régionaux est permise par la norme générale dès lors que seront prévues, dans la norme particulière, des dispositions équivalentes ou plus strictes que les dispositions qu’elle contient. Cela est d’ailleurs envisagé à l’article 11, paragraphe 2 de la Convention de Bamako conformément à ce qui avait été préalablement dégagé par la norme générale et plus précisément par l’article 11 de la Convention de Bâle. Texte de la Convention de Vienne sur le droit des traités in Nations Unies, Recueil des Traités, vol.1155, p.331 et s.

(88) Convention de Bamako, art.4 § 1.(89) Convention de Bamako, art. 6 § 16. (90) La Convention de Bamako précise par ailleurs que de telles sanctions

devront être « suffi samment sévères pour punir ces actions et avoir un effet préventif » ; Convention de Bamako, art.9 § 2.

(91) A ce titre, pourront être pénalement sanctionnées, les personnes qui pla-nifi ent, commettent ou collaborent à des trafi cs illicites ; Convention de Bamako, art.9 § 2.

(79) Cet objectif de disposer de règles nationales harmonisées entre elles était par ailleurs visé dans les Lignes directrices et Principes du Caire relatifs à la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux et notam-ment dans son Principe 29. V. la Décision 14/30 du Conseil d’administra-tion du PNUE du 17 juin 1987.

(80) V. le rapport de la mission d’assistance technique de la Convention de Bâle en Côte d’Ivoire (20 novembre-1er décembre 2006) dans le contexte de la Décision V/32, annexé à la note du Secrétariat de la Convention de Bâle relative à la Décision VIII/1 sur la Côte d’Ivoire, en date du 2 juillet 2007, UNEP/CHW/OEWG/6/2.

(81) Convention de Bâle, principe 1 du Préambule. (82) Convention de Bâle, art.4 § 1, al.b.

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veloppements précédents, l’une des obligations imposée par la Convention de Bâle aux Etats Parties est d’intégrer dans l’ordre juridique interne des dispositions permettant à défaut de préve-nir, de sanctionner pénalement le trafi c illicite. La réponse a été des plus limitées. C’est d’ailleurs sur ce constat que le rapport de la mission d’assistance technique de la Convention de Bâle en Côte d’Ivoire a souligné que de « graves défaillances dans l’ap-plication des règlements pertinents, tant au titre de la Conven-tion de Bâle, de la Convention MARPOL que de la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique et la gestion des déchets dangereux produits en Afrique » (92).

II • Réparation et sanction des comporte-ments illicites.

La Convention de Bâle ne résout pas la question de la res-ponsabilité à retenir en présence d’un dommage né d’un mou-vement transfrontières de déchets dangereux, mettant ainsi en lumière l’inopérabilité et les faiblesses des mécanismes d’in-demnisation et de sanction prévus en théorie (A) au profi t d’un recours forcé à des mécanismes de sanction et de réparation plus généraux (B).

A• Inopérabilité et faiblesses des mécanismes d’indemnisation et de sanctions spécifi ques.

Les efforts fournis par la Communauté internationale pour parvenir à imposer un régime harmonisé de responsabilité et d’indemnisation applicable en cas trafi c illicite de déchets dan-gereux notamment au travers du Protocole de Bâle, ne permet-tent pas pour l’heure, une réponse adaptée (1). Dans l’attente d’une entrée en vigueur de ce dispositif, les questions de l’in-demnisation des préjudices occasionnés et des sanctions possi-bles relèvent des ordres juridiques nationaux (2).

1. L’inapplicabilité du Protocole de Bâle.

Conscient de la nécessité de parvenir à une position inter-nationale harmonisée en matière de responsabilité des Parties impliquées dans un trafi c illicite de déchets toxiques, le PNUE a mandaté un Groupe de travail chargé d’élaborer un protocole additionnel à la Convention de Bâle sur la responsabilité et l’in-demnisation (93). La Conférence des Parties a quant à elle, adop-té une décision intitulée « Responsabilité et indemnisation » par laquelle elle a décidé de créer un groupe de travail spécial en charge d’étudier et de mettre au point un projet de pro-

tocole sur la responsabilité et l’indemnisation des dom mages résultants des mouvements transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux (94). Ce Protocole sur la responsabilité et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux (Pro-tocole de Bâle) a fi nalement été adopté le 10 décembre 1999 lors de la cinquième réunion de la Conférence des Parties à la Convention de Bâle. Son objectif premier est d’établir un régime de responsabilité et d’indemnisation adéquate et rapide et ce, même en présence d’un cas de trafi c illicite. Cet objectif répond aux exigences contenues dans le Principe 13 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (95) selon lequel les Etats sont tenus d’élaborer une législation nationale relative à la responsabilité et l’indemnisation des victimes de pollution et d’atteintes à l’environnement dans des « (..) zones situées au-delà des limites de leur juridiction par des activités menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle » (96).

Eu égard à l’article 3 paragraphe 1 du Protocole sont con-cernés les « dommages résultant d’un incident survenant au cours du mouvement transfrontière ou de l’élimination de dé-chets dangereux et autres déchets, y compris le trafi c illicite (…) » (97). La notion d’ « incident » recouvre quant à elle « tout événement ou série d’événements ayant la même origine qui occasionne un dommage ou constitue une menace grave et imminente du dommage » (98). Les dommages indemnisables sont défi nis comme correspondant à « la perte de vie humaine ou tout dommage corporel » (99), « la perte de tout bien ou les dommages causés à tout bien autre que les biens appartenant à la personne responsable (…) » (100), « la perte de revenus qui proviennent directement d’un intérêt économique fondé sur l’exploitation de l’environnement, résultant d’une atteinte à l’en-vironnement (…) » (101), « les coûts des mesures de restaura-tion de l’environnement endommagé (…) » (102) et « le coût des

(92) V. le paragraphe 3 al e) du rapport de la mission d’assistance technique de la Convention de Bâle en Cote d’Ivoire (20 novembre-1er décembre 2006) dans le contexte de la décision V/32 annexé à la note du Secrétariat de la Convention de Bâle relative à la Décision VIII/1 sur la Côte d’Ivoire, 2 juillet 2007, UNEP/CHW/OEWG/6/2.

(93) V. le rapport du directeur exécutif du PNUE remis le 7 juillet 1992, à la première réunion de la Conférence des Parties à la Convention de Bâle, UNEP/CHW.1/2. Voir aussi la Résolution 3 de la Convention de Bâle du 7 juillet 1992, UNEP/CHW.1/4 ainsi que la Résolution des Nations Unies 44/226 du 22 décembre 1989 « on trafi c in and disposal, control and transboundary movement of toxic and dangerous products and wastes », reprinted. In Kwiatkowska/Soons (1993), p.84.

(94) Décision de la Conférence I/5, UNEP/CHW.1/24, 1992.(95) Cette Déclaration fut adoptée par la Conférence des Nations Unies sur

l’environnement et le développement qui s’est tenue à Rio de Janeiro (Brésil) du 3 au 14 juin 1992 ; A/CONF.151/26 (Vol.I). Elle est disponible à l’adresse suivante : http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm#three.

(96) Le Principe 13 de la Déclaration de Rio stipule en effet que « Les Etats doivent élaborer une législation nationale concernant la responsabilité de la pollution et d’autres dommages à l’environnement et l’indemnisation de leurs victimes. Ils doivent aussi coopérer diligemment et plus réso-lument pour développer davantage le droit international concernant la responsabilité et l’indemnisation en cas d’effets néfastes de dommages causés à l’environnement dans des zones situées au-delà des limites de leur juridiction par des activités menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ».

(97) Convention de Bâle, art.3 § 1. (98) Convention de Bâle, art.2 § 2 , al.h). Notons que cette défi nition renvoie à

celle retenue pour le terme « événement » dans la Convention de Lugano sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereu-ses pour l’environnement adoptée sous l’égide du Conseil de l’Europe le 21 juin 1993 (non en vigueur) et dont l’article 2 paragraphe 16 précise qu’il s’agit de « tout fait instantané ou continu, ou toute succession de faits ayant la même origine, qui cause ou qui crée une menace grave et imminente de dommage ». Le texte de la Convention de Lugano est consultable à l’adresse suivante : http://conventions.coe.int/treaty/FR/Treaties/Html/150.htm

(99) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), i.(100) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), ii. (101) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), iii.(102) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), iv.

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mesures préventives (…) » (103). Malgré l’ambition dégagée par sa rédaction et le caractère innovant des modes de réparation envisagées, ce Protocole n’est, faute de ratifi cations nécessaires, toujours pas entré en vigueur (104).

2. Un recours insatisfaisant aux mécanismes natio-naux de responsabilité pour faute.

Par conséquent, la question de la responsabilité et des con-séquences juridiques qui découlent de dommages engendrés par un mouvement transfrontières de déchets dangereux relè-ve, en l’état actuel du droit, des lois nationales de chaque pays et ce, conformément au principe fondateur de la responsabilité aquilienne selon lequel celui qui occasionne un dommage à autrui est tenu de le réparer. Pour être actionné, ce régime né-cessite l’établissement d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité. Un grand nombre de législations admettent que la faute puisse être intentionnelle ou commise par négligence.

En matière de mouvements transfrontières de déchets dan-gereux, la faute pourra être constituée par le comportement du producteur qui violerait une obligation de faire ou de ne pas faire ou même s’il est établi qu’il y a manquement à la diligence que l’ordre juridique impose. Sur cette base, le producteur de déchets toxiques à l’origine d’une atteinte à la vie humaine et à l’environnement devra personnellement répondre des préju-dices occasionnés.

Par voie de conséquence, recourir à un agent économique douteux, non qualifi é ou insuffi samment qualifi é, suffi rait à permettre de rechercher la responsabilité du producteur (105), a fortiori si ce dernier avait connaissance que le transporteur ou l’éliminateur allait traiter les déchets dangereux de manière il-licite ou « non écologiquement rationnelle ». Il incombera alors au plaignant de démontrer les éléments constitutifs de la faute. Dans tous les cas, dès lors que l’action sera engagée sur le fon-dement de la responsabilité pour faute, le producteur ne pourra être tenu pour responsable que s’il est possible de démontrer qu’il a failli à ses obligations de vérifi er que toutes les disposi-tions pratiques et légales devant présider au transport de dé-chets dangereux ont été respectées. Cette obligation de moyen qui pèse sur le producteur devrait selon nous être interprétée de telle sorte qu’elle permette de retenir une obligation de résultat c’est-à-dire parvenir à traiter ses déchets de manière écologi-quement rationnelle. Rester sur une interprétation primaire de cette obligation conduirait à admettre qu’il suffi t au producteur de déchets dangereux de démontrer que toutes les précautions ont été prises pour répondre à l’obligation de diligence (« due diligence ») et ainsi à s’exonérer de sa responsabilité, concep-tion qui semble dépassée dans le cadre de dommages occa-sionnés aux populations et/ou à l’environnement du fait d’un transport illicite de déchets toxiques.

Dans le cas de l’affaire qui nous intéresse, la Côte d’Ivoire, qui ne dispose pas des installations adaptées au traitement des déchets toxiques, aurait pu exiger de la part du producteur des déchets toxiques c’est-à-dire la Société TRAFIGURA que les dé-chets illégalement déversés soient repris (106) afi n d’être élimi-nés de manière conforme aux dispositions de la Convention de Bâle. Si cette possibilité a été envisagée, elle aura été absorbée par le règlement transactionnel de la situation.

B. Le recours à des mécanismes de sanction et de réparation plus généraux.

L’extrême faiblesse, voire l’inadéquation, des mécanismes de sanctions prévus par les instruments internationaux perti-nents couplés à une incorporation lacunaire de ces mécanismes dans les législations nationales ont obligé les avocats et juris-tes intéressés par l’affaire du Probo Koala à mettre en œuvre « les forces imaginantes du droit » si chères à Mireille Delmas- Marty (107). Le caractère multinational de cette catastrophe a, dés le départ, engendré de multiples diffi cultés de compétences ju-ridictionnelle et/ou législative. Les conditions dans lesquelles le Probo Koala était exploité au moment des faits parlent d’elles-mêmes : un groupe de sociétés anglo-suisses, créé et dirigé par des Français, affrétant un vraquier battant pavillon panaméen, opéré grâce à un équipage d’origine russe, déchargeant en Côte d’Ivoire des déchets produits dans les eaux internationales… Les chefs de compétences envisageables (civils et /ou pénaux) à travers le prisme des différentes législations susceptibles d’ac-cueillir une action, étaient légion.

La justice ivoirienne fut la première à se prononcer dans l’affaire du Probo Koala (1) mais fort de la certitude qu’une re-cherche judiciaire de la responsabilité des auteurs principaux de cette tragédie ne pourrait prospérer en Côte d’ivoire, des fors alternatifs ont été recherchés (2).

1. Les limites de la procédure ivoirienne.

La première réaction des autorités ivoiriennes fut d’inculper et de placer sous mandat de dépôt MM. Dauphin et Valentini, respectivement président du conseil d’administration et respon-sable pour l’Afrique de l’Ouest de TRAFIGURA, alors présents en Côte d’Ivoire. Dès le 18 septembre 2006, ils furent avec M. Ka-blan, administrateur général adjoint de PUMA INTERNATIONAL CI (fi liale de TRAFIGURA en Afrique), inculpés et placés sous man-dat de dépôt pour avoir violé les dispositions de la loi ivoirienne portant protection de la santé publique et de l’environnement contre les effets des déchets industriels toxiques et nucléaires et des substances nocives ; plusieurs dispositions du Code pénal ivoirien (108) ; les dispositions de la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontières des déchets dangereux ainsi que plusieurs articles du Code de l’environnement ivoirien (109).

En parallèle, les 5 et 17 octobre 2006, l’Etat ivoirien a assigné les sociétés TRAFIGURA BEHEER BV, TRAFIGURA Ltd et la société

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(106) Convention de Bâle, art.9 § 2, al. a). (107) DELMAS-MARTY (M), Les forces imaginantes du droit, Seuil, 2004,

439 p. (108) Et plus précisément, les articles 342 al. 4, 343 et 348 du Code pénal

ivoirien.(109) Tels que les articles 97, 99 et 101 du Code de l’environnement ivoirien.

(103) Convention de Bâle, art.2 § 2, al.c), v. (104) Selon l’article 29 du Protocole de Bâle, ce dernier entrera en vigueur le

90e jour suivant le dépôt du 20e instrument de ratifi cation, d’accepta-tion, de confi rmation formelle, d’approbation ou d’adhésion. Au 28 juillet 2009, seuls 13 Etats (le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Danemark, la Finlande, la France, la Hongrie, le Luxembourg, Monaco, la Suède, la Suisse, la Yougoslavie et le Royaume-Uni) ont signé le Protocole.

(105) SMETS (H), Les actes de l’OCDE sur les mouvements transfrontières de déchets dangereux, Séminaire sur les aspects juridiques internationaux de la gestion des déchets, Bruxelles, 28 février 1991.

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PUMA ENERGY CI devant les tribunaux civils ivoiriens, aux fi ns d’obtenir leur condamnation solidaire au versement immédiat d’une somme provisionnelle de 100 milliards de francs CFA (110) ainsi qu’au paiement de sommes devant être déterminées par un collège d’experts désignés par le Tribunal.

Cependant, le 22 décembre 2006, Messieurs Dauphin et Va-lentini ont bénéfi cié d’une ordonnance de mise en liberté pro-visoire prononcée par le juge en charge de l’instruction ouverte devant le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau. Celle-ci fut frappée d’appel par le Procureur de la République.

Finalement, après la signature entre les Parties TRAFIGURA et l’Etat de Côte d’Ivoire, le 13 février 2007, d‘un protocole d’ac-cord à la légalité contestable, Messieurs Dauphin, Valentini et Kablan ont été remis en liberté (111). Aux termes de ce protocole, les Parties TRAFIGURA se sont engagées à verser à l’Etat de la Côte d’Ivoire la somme forfaitaire et défi nitive de 95 milliards de Francs CFA, environ 145 millions d’Euros, répartie comme suit : 73 milliards de Francs CFA destinés à la réparation des préjudices subis par la Côte d’Ivoire ainsi qu’à l’indemnisation des victimes (112) et 22 milliards de Francs CFA destinés au rem-boursement des frais de dépollution (113). Par ailleurs, l’Etat de Côte d’Ivoire, souhaitant construire une usine de traitement des déchets ménagers dans le District d’Abidjan, les Parties TRAFI-GURA se sont également engagées, à travers la société PUMA, à payer, sous forme d’aide à l’Etat de Côte d’Ivoire, la somme de 5 milliards de Francs CFA (114). L’Etat ivoirien s’est quant à lui engagé à « garantir les Parties Trafi gura qu’il fera son affaire de toute réclamation au titre des événements » et à « prendre toutes les mesures appropriées visant à garantir l’indemnisation des victimes des événements » (115). En conséquence de quoi, l’Etat s’est désisté « formellement de l’action en responsabilité et en dommages et intérêts actuellement pendante devant la première chambre du Tribunal de première instance d’ABIDJAN-PLATEAU et de sa constitution de partie civile devant les juri-dictions d’instruction dans les poursuites engagées contre les Parties Trafi gura » (116).

Trois remarques s’imposent quant à la légalité de ce proto-cole d’accord. Tout d’abord, cet accord ne mettait pas, au regard de la stricte orthodoxie juridique, fi n aux possibilités de pour-suites pénales puisque, ainsi que le rappelait le Procureur de la République prés le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, il n’intervenait que sur la partie civile, les poursuites au pénal étant alors maintenues (117). Par ailleurs, le fait que le protocole d’accord signé entre l’Etat ivoirien et TRAFIGURA soit assimilable, au regard du droit ivoirien et plus spécifi quement à l’article 2044 du Code civil ivoirien (118), à une transaction, sup-

posait que seules les parties signataires ne se trouvent liées sans pour autant que cela empêche la poursuite du Ministère public. Dès lors et parce que seul l’Etat de Côte d’Ivoire avait signé ce protocole, aucune autre victime, personne physique ou morale, ne pouvait donc se voir tenue par ses termes. Rien dans ce protocole d’accord ne pouvait légalement empêcher les victimes de chercher à obtenir à la fois l’indemnisation de leurs préjudices et la sanction des responsables, que ce soit devant les juridictions ivoiriennes ou étrangères.

La deuxième remarque qui semble s’imposer tient au fait que selon l’article 2046 du Code civil ivoirien (119), il est possible de transiger sur les intérêts civils d’un délit sans pour autant abolir la poursuite du Ministère public. Or, les personnes nom-mément désignées par cette plainte étaient poursuivies en Côte d’Ivoire non seulement pour des délits mais également pour complicité de crime d’empoisonnement. Ainsi, au regard du droit ivoirien (120), la validité de cette convention semble des plus contestables.

Enfi n, le fait que la signature de ce protocole soit interve-nue la veille de la libération de Messieurs Dauphin, Valentini et Kablan suggère une implication de la sphère politique dans le règlement de cette affaire. Si certaines voix se sont faites en-tendre pour s’insurger contre une interaction possible entre la signature du protocole et la libération des prévenus, il demeure que la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire a bien émise une lettre de crédit documentaire pour assurer le paiement des montants dus au titre de la tran-saction passée entre le président de Côte d’Ivoire et les Parties TRAFIGURA.

Cette immixtion du politique dans le judiciaire a convaincu les différents observateurs qu’il ne serait pas possible d’obtenir que la justice ivoirienne se penche sereinement sur les respon-sabilités dans cette catastrophe. Des fors alternatifs ont alors été recherchés.

2. La nécessaire délocalisation des instances.

Hors de Côte d’Ivoire, les juges anglais, français et hollandais pouvaient se voir reconnaître compétents. Les trois fors ont été saisis, avec des résultats pour le moins contrastés.

Pour des raisons procédurales évidentes, les juges français ont vu engager devant eux la responsabilité pénale des auteurs, les juges anglais ont, pour leur part, connu de la responsabilité civile de TRAFIGURA et les juges hollandais se sont vu saisis des événements produits sur le territoire néerlandais, à savoir le débarquement et rembarquement des déchets en violation des conventions internationales sus mentionnées.

Le droit processuel civil français ne permettant pas d’actions de groupe, les victimes ont fait le choix d’engager la responsa-bilité pénale de la société TRAFIGURA. La compétence pénale française se fonde, en premier lieu, sur le principe de territo-

(110) Ce qui correspond à un peu plus de 150 millions d’euros au 16 novembre 2009.

(111) Remise en liberté qui interviendra le 14 février 2007. (112) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.2.1

al.1er.(113) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.2.1

al.2er.(114) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.2.4. (115) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.3.(116) Protocole d’accord entre l’Etat de Côte d’Ivoire et TRAFIGURA, art.4.2.(117) Interview du Procureur de la République près le Tribunal de première

instance d’ABIDJAN PLATEAU, Le Matin d’Abidjan, 22 février 2007.(118) Selon l’art.2044 du Code civil ivoirien, le protocole était une transaction

défi nie comme étant « (…) un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ».

(119) Selon l’art.2046 du Code civil ivoirien, « on peut transiger sur l’intérêt civil qui résulte d’un délit. La transaction n’empêche pas la poursuite du ministère public».

(120) Droit ivoirien qui était applicable en ce qui concerne la légalité formelle de l’acte en vertu du principe « locus regit actum ».

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rialité, selon lequel les juridictions françaises - et partant la loi française - sont compétentes pour toute infraction commise sur le territoire de la République. Mais ce principe de territorialité a été élargi par la jurisprudence avant d’être repris dans le Code pénal de 1994. Depuis, deux autres principes peuvent éven-tuellement fonder la compétence des juridictions françaises : le principe de compétence universelle et le principe de com-pétence personnelle. Si le principe de compétence universelle est réservé à un certain type d’infraction extrêmement limité, le principe de compétence personnelle peut quant à lui, être invoqué pour quasiment toutes les incriminations. Ce principe se fonde sur les articles 113-6, 113-7 et 113-8 du Code pénal en vertu desquels les juridictions françaises sont compétentes pour les infractions commises à l’étranger sous certaines conditions. Rappelons qu’en matière pénale la compétence législative suit la compétence juridictionnelle ; en d’autres termes les juridic-tions françaises appliqueront le droit pénal français et lui seul.

Tout d’abord, il est nécessaire que l’auteur (compétence fon-dée sur le principe de personnalité active) ou la victime (com-pétence fondée sur le principe de personnalité passive) de l’in-fraction soit française. Ensuite, la compétence est fonction de la qualifi cation de l’infraction.

Le droit pénal a vocation à poser les limites de l’interdit, à défi nir - en creux - le contrat social. C’est la justifi cation de cette gradation dans la reconnaissance de la compétence des juridictions pénales françaises. En d’autres termes, une contra-vention ne trouble pas suffi samment l’ordre public pour que les juridictions françaises s’en saisissent lorsqu’elle est commise à l’étranger, le trouble causé par un délit ne justifi e la compétence des juridictions françaises que si le contrat social du pays où l’infraction est commise est lui aussi troublé et sous réserve que le comportement soit incriminé dans le pays de commission. Un crime est, pour sa part, en lui-même une atteinte suffi samment grave au contrat social, un trouble suffi samment important à l’ordre public pour que, quel que soit son lieu de commission, les juridictions françaises soient compétentes dès lors que son auteur et/ou sa victime sont de nationalité française. Cette gra-dation de la reconnaissance de la compétence française, si elle est justifi ée en théorie, cause des diffi cultés pratiques impor-tantes.

En premier lieu, il convenait de s’interroger sur l’adéquation possible entre la qualifi cation de l’infraction et le trouble réel à l’ordre public causé par l’infraction. Si d’aucuns n’hésitent pas à appeler de leurs vœux la corporation des atteintes graves à l’en-vironnement dans le corpus des crimes contre l’humanité (121), la réalité du droit pénal en est encore loin. En effet, outre un défi cit de sanction des plus criants - que nombre d’acteurs dé-noncent à juste titre - l’arsenal punitif est des plus limités. Loin de couvrir l’intégralité du spectre des peines potentielles, les infractions les plus sévèrement sanctionnées ne sont que des délits. Or il ne fait aucun doute, et l’affaire du Probo Koala en est un exemple des plus fl agrants, que toute atteinte à l’environne-ment a pour conséquence - outre la destruction des biotopes, de la faune et de la fl ore – d’engendrer d’importants dommages

à la vie humaine. La répression en France des atteintes à l’en-vironnement, quand bien même les auteurs ou des complices français sont bénéfi ciaires, voire instigateurs, est des plus com-pliquées.

Les autres diffi cultés causées par cette gradation de la re-connaissance de la compétence française ne sont que la con-séquence de cette inadéquation conceptuelle. Nombre de pra-ticiens du droit, conscients des injustices induites par ces règles, tentent de les contourner. Ainsi pour éviter le « fi ltre du par-quet », qui est la diffi culté pratique la plus importante, il est nécessaire d’arracher une qualifi cation criminelle, quitte à forcer les concepts.

Dans l’affaire du Probo Koala, la compétence française n’aurait, a priori, pas dû poser de diffi cultés insurmontables, trois victimes étant franco-ivoiriennes et les dirigeants de l’entreprise TRAFIGURA de nationalité française.

En outre, les faits de déversement illégal de déchets toxi-ques commis en Côte d’Ivoire pouvaient recevoir, outre l’évi-dente qualifi cation d’homicide involontaire, une qualifi cation criminelle.

La qualifi cation d’empoisonnement ne pouvait toutefois pas être retenue. En effet, depuis les arrêts de la cour de Cassation relatifs à l’affaire « du sang contaminé », l’empoisonnement est un meurtre spécial qui nécessite comme tous les homicides vo-lontaires un dol spécial c’est-à-dire la volonté de tuer (l’ « ani-mus necandi »). Une simple comparaison exégétique des textes et plus spécifi quement des articles 221-1 (122) et 221-5 (123) du Code pénal suffi t à démontrer que dans l’esprit de ses rédac-teurs un empoisonnement n’était pas un meurtre par l’emploi de substance mortifère mais un attentat à la vie d’autrui par l’utilisation de substance de nature à entraîner la mort. Ainsi, l’élément moral nécessaire pour que soit constitué un empoi-sonnement n’est nullement la volonté de donner la mort à autrui mais seulement la volonté d’administrer une substance de nature à entraîner la mort.

Si la différence peut apparaître comme subtile, elle a, com-me souvent en matière de droit, des conséquences pratiques importantes. En l’espèce, il ne fait aucun doute et personne ne l’a soutenu que les auteurs des déversements aient voulu la mort des seize Ivoiriens et les atteintes à l’intégrité physique des centaines de milliers d’autres victimes. Ainsi, une qualifi ca-tion de meurtre ne pouvait pas être envisagée.

Malgré tout, deux autres qualifi cations criminelles pouvaient être retenues : l’administration de substances nuisibles ayant en-traîné la mort et la destruction d’un bien avec un produit de na-ture à mettre en danger la vie des gens, lorsque la circonstance aggravante que l’infraction aura conduit à ce qu’une personne subisse une interruption temporaire de travail est réalisée.

L’administration de substances nuisibles, défi ni par l’article 222-15 du Code pénal, est un empoisonnement qui, au lieu d’utiliser des substances mortifères, se contente de substances

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(122) Le meurtre est défi ni en l’article 221-1 du Code pénal comme « (..) le fait de donner volontairement la mort à autrui ».

(123) L’article 221-5 du code pénal défi nit l’empoisonnement comme « le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort (…) ».

(121) L. NEYRET (L), Le crime contre l’humanité, Que sais-je ?, PUF, 2009, 128 p.

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nuisibles. Cette infraction ne nécessite pas d’ « animus necan-di » et lorsqu’elle a eu comme conséquence d’entraîner la mort d’autrui, alors elle reçoit une qualifi cation criminelle. Cette qua-lifi cation fut évidemment envisagée mais assez vite écartée, en ce que les résidus de cales du Probo Koala n’étaient pas des substances nuisibles mais bien des substances mortifères.

Ainsi, la qualifi cation criminelle la plus évidente restait l’in-fraction défi nie aux articles 322-6 et suivants du Code pénal, c’est-à-dire « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui par l’effet d’une substance explo-sive, d’un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes (...) ».

Parce que l’élément matériel (124) et l’élément moral (125) auxquels pouvaient être apportées des circonstances aggra-vantes (126) semblaient constitués, la catastrophe du Probo Koala était bien susceptible de revêtir une question criminelle.

Finalement et contre toute attente, la Chambre de l’Instruc-tion de Paris dans un arrêt du 11 avril 2008 a confi rmé l’irre-cevabilité de la constitution de partie civile des plaignants ivoi-riens. Ainsi, à suivre la Cour d’appel, l’infraction de dégradation de biens d’autrui avec un produit de nature à mettre en danger la vie des gens nécessiterait un dol spécial : la volonté explicite de porter atteinte aux biens d’autrui.

En parallèle, les victimes avaient décidé de saisir les juridic-tions anglaises. Le Royaume-Uni reconnaît un système d’action de groupe qui a permis à plus de 31 000 victimes de devenir parties à la plus importante instance jamais ouverte devant un juge anglais.

Le système de « Group Action » à l’anglo-saxonne diffère grandement de la « Class Action » américaine. Le principe res-te néanmoins similaire dans sa construction : une faute ou un comportement à l’origine de dommages similaires subis par un groupe de plaignants. Afi n de ne pas submerger le tribunal en charge de l’action de groupe, les pays reconnaissants ce type d’action ont tous recours à un mécanisme de représentation. En Angleterre, il revient au juge de choisir parmi les parties de-manderesses un ou plusieurs «test claimants» dont le cas est un « test case », c’est-à-dire dont la solution aura force de loi. Pour délimiter le groupe victime, deux mécanismes existent : l’ « opt in » ou l’ « opt out ». Selon le mécanisme de l’ « opt-out », issu

du système américain, sont considérés comme membres du groupe les personnes qui ne se sont pas manifestées et celles qui ont expressément manifesté leur volonté d’agir dans le ca-dre de cette action de groupe. A contrario, ne sont pas membres du groupe ceux qui ont expressément dit ne pas vouloir agir dans le cadre de cette action, un délai d’exclusion étant parfois fi xé par le juge.

Le mécanisme de l’ « opt-in » impose la conclusion d’un ac-cord explicite pour faire partie du groupe. Le groupe ne sera constitué que de ceux qui ont expressément manifesté leur volonté d’être représentés à l’instance. L’action repose sur un mandat exprès et le silence vaut refus. C’est la méthode qui a été retenue par le droit anglais.

Une fois le groupe constitué et le « solicitor principal » dési-gné pour mener les poursuites au nom des requérants, l’action est introduite par une demande intitulée « Group Litigation Or-der ». L’action de groupe fait ensuite l’objet d’une décision sur la recevabilité distincte du jugement à l’issue de laquelle le juge autorise ou non l’exercice de l’action. Pour être autorisée, l’action de groupe doit préalablement remplir certaines conditions dites de recevabilité et défi nies par chaque législation nationale. Si les conditions de recevabilité sont remplies (127), le juge autori-sera l’action de groupe.

En règle générale, la transaction peut être conclue à toute étape de la procédure. Elle doit faire l’objet d’une notifi cation et être approuvée par le juge. L’homologation n’est cependant pas prévue dans le système anglais dans la mesure où la transaction n’oblige pas nécessairement l’ensemble des parties à l’action et n’empêche pas la poursuite de l’action. A défaut de règlement amiable et si l’action de groupe est déclarée recevable, le juge se prononcera sur le fond du litige.

Dans notre affaire, le Group Litigation Order avait été rendu

et 31 000 Ivoiriens avait décidé de se joindre à la procédure. Les divers éléments apportés par les demandeurs avaient conduit TRAFIGURA a reconnaître qu’elle avait effectivement commis un «breach of duty of care» en faisant déverser les déchets dans tout le district d’Abidjan. Pour faire un parallèle imparfait avec notre responsabilité délictuelle, le « breach of duty of care » correspond à notre faute délictuelle. Ainsi, ne restait plus qu’à démontrer les dommages subis par les victimes et le lien de causalité entre ces dommages et le déversement des déchets.

C’est à cet instant que TRAFIGURA et les victimes ont dé-cidé de transiger (128). Les 31 000 victimes ont donc obtenu 31 000 000 euros en échange, une fois encore, de l’abandon des poursuites à l’égard du Groupe.

Quant aux poursuites engagées devant le juge hollandais, la Société APS a été condamnée le 5 février 2009 pour violation des lois de protection de l’environnement. En conséquence, elle a dû s’acquitter d’une amende de 450 000 euros. Par ailleurs,

(124) Notamment en ce qui concerne les biens protégés par cette incrimina-tion (atteinte aux habitations des plaignants), les moyens utilisés (toxi-cité avérée), la détérioration des biens (perte de la valeur patrimoniale des habitations des plaignants).

(125) L’infraction réprimée par l’article 322-6 du Code pénal est intentionnelle. L’auteur de l’infraction doit avoir agi en connaissance de l’effi cacité du moyen mis en œuvre et du danger qu’il représente pour les person-nes. Quant à la connaissance de l’effi cacité du moyen, les mis en cause ne pouvaient ignorer que déverser des déchets hautement toxiques et extrêmement malodorants au milieu d’une zone habitée allait, entre autres nuisances, entraîner une détérioration des habitations environ-nantes. Pour ce qui est de la connaissance du danger pour les personnes, les représentants de TRAFIGURA, spécialistes en produits pétroliers, ne pouvaient ignorer que le « raffi nage sauvage » auquel s’est adonné le navire entraîne la création de déchets composés d’éléments sulfurés et d’hydrogène sulfuré, hautement toxiques.

(126) Telle que celle prévue par l’article 322-7 alinéa 1 du Code pénal (lors-que l’infraction a entraîné une incapacité totale de travail inférieure à 8 jours) ou encore celle prévue par l’article 322-10 du Code pénal (lorsque l’infraction a entraîné la mort).

(127) En règle générale, il faut que les questions de droit soulevées soient communes ou identiques, similaires ou connexes aux membres du groupe, que l’action de groupe présente un avantage par rapport aux autres procédures et que le requérant soit un représentant approprié des membres du groupe.

(128) Transaction intervenue le 19 septembre 2009.

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l’un de ses anciens dirigeants a également été condamné à 240 heures de travaux d’intérêt général, dont la moitié avec sursis (129).

Le 1er juin 2010, s’est ouvert à Amsterdam, un procès à l’encontre de TRAFIGURA, le capitaine du Probo Koala (130), le consignataire du navire (131), la Société APS, l’ancien directeur de celle-ci (132) et la ville d’Amsterdam. Le verdict a été rendu le 23 juillet 2010. Au terme du jugement rendu par la Cour néerlandaise statuant au pénal (133), TRAFIGURA a été reconnue coupable d’infraction à la législation néerlandaise relative aux mouvements transfrontières de déchets dangereux (134) et con-damnée à s’acquitter du paiement d’une amende s’élevant à 1 million d’euros. Le capitaine a été reconnu coupable des chefs de « (…) complicité dans la livraison de marchandises, sachant que de telles marchandises présentaient des dangers à l’égard de la vie et de la santé humaine, et pour avoir dissimulé la na-ture dangereuse de ces marchandises » (135), ainsi que de faux en écriture (136). Il a par conséquent été condamné à une peine d’emprisonnement de cinq mois avec sursis avec une mise à l’épreuve de deux ans. Le consignataire du navire a quant à lui été reconnu coupable du même chef d’accusation imputé au capitaine (Section 174, Code pénal néerlandais) mais ac-quitté du chef d’accusation de faux en écriture. Le Président de la Cour néerlandaise a prononcé à son égard une condamnation en paiement d’une amende de 25 000 euros. La société APS et son ancien directeur ont tous les deux été reconnus coupables de violation à la loi sur l’environnement (137) mais in fi ne acquit-tés, la Cour ayant reconnu qu’ils avaient commis une « erreur juridique excusable » (138).

Si cette décision présente une importance incontestable dans le traitement juridique accordé jusque-là à l’affaire du

« Probo Koala », en permettant notamment le prononcé de peines autre que des dédommagements fi nanciers, il est néan-moins dommageable que la Cour se soit déclarée incompétente pour juger de la responsabilité de la Ville d’Amsterdam. Le rôle des autorités nationales et notamment des entités en charge des pouvoirs de police qui auraient du permettre l’immobilisa-tion du navire au port, est prépondérant dans l’enchainement des faits de l’affaire. La Commission européenne, saisie par les associations ROBIN DES BOIS et SHERPA (139), d’une plainte pour non respect du droit communautaire aura à se prononcer pro-chainement sur le rôle des autorités nationales dans la surve-nance de la catastrophe. Par ailleurs, la Cour d’appel de La Haye saisie par GREENPEACE en 2009, statuera dans quelques jours sur la recevabilité d’une plainte déposée contre TRAFIGURA pour le déversement illégal des déchets en Côte d’Ivoire. Tout porte donc à affi rmer que l’affaire du « Probo Koala » est loin d’être arrivée à son terme et peut nous réserver encore de nombreux rebondissements.

Conclusion

L’affaire du Probo Koala a non seulement mis en évidence que le trafi c de déchets dangereux vers les pays en dévelop-pement est une réalité et ce, malgré les efforts réalisés par la Communauté internationale et l’Union Européenne mais aussi qu’il existe une faille entre l’articulation des différents instru-ments juridiques pertinents. Force est d’admettre qu’il est et restera diffi cile pour les victimes de ce genre de catastrophe d’obtenir une indemnisation des préjudices dont elles souffrent et ce, sans que des modifi cations des systèmes de prévention et de sanction ne soient envisagées sur les plans national, régional et international.

Ainsi que l’illustrent tragiquement les faits développés, le trafi c illicite des déchets dangereux et ses conséquences sur la santé humaine et l’environnement constituent de nouveaux défi s auxquels les mécanismes juridiques classiques permettent diffi cilement de répondre alors même que peu d’incidents font l’objet d’un compte rendu et que ce type de trafi c augmente de manière exponentielle, charriant avec lui la mise en place de fi lières toujours plus opaques et dont les ramifi cations avec les trafi cs d’armes et de stupéfi ants sont aujourd’hui clairement établies. A ce titre, les institutions de la Convention de Bâle ont décidé de coopérer avec l’Organisation mondiale des doua-nes et l’Organisation internationale de police criminelle (Inter-pol) (140) pour prévenir et déceler les cas de trafi c illicite de dé-chets dangereux.

Si la Communauté internationale a pensé pouvoir réagir en opposant au problème des mouvements transfrontières de dé-chets toxiques l’adoption d’instruments juridiques spécifi ques

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(139) Plainte déposée le 2 avril 2010. (140) Le Secrétariat de la Convention de Bâle et Interpol ont conclu le 4 no-

vembre 1999 un Mémorandum d’accord destiné à permettre un déve-loppement et un renforcement de la coopération entre les deux orga-nismes. Le texte du Mémorandum est disponible en anglais à l’adresse suivante : http://www.interpol.int/public/ICPO/LegalMaterials/coope-ration/agreements/Basel1999.asp

(129) La société APS condamnée dans l’affaire du Probo Koala, AFP, 6 février 2009 ; Déchets toxiques du Probo Koala/ La société Amsterdam Port Services condamnée, All Africa, 6 février 2009.

(130) Sergueï CHERTOV. (131) Naeem AHMED. (132) Evert UITTENBOSCH. (133) La Cour néerlandaise a statué en tant que tribunal de district (Rechtbank).

L’équivalent dans le système juridique français serait le Tribunal de gran-de instance. Aux Pays-Bas, le tribunal de district voit sa formation évoluer selon la nature en contentieux (civil, administratif, pénal). Dans l’affaire du « Probo Koala », c’est la Chambre criminelle qui a statué.

(134) Section 10.60, Europese Verordening Overbrenging Afvalstoffen (Environ-nement Management Act). Il s’agit du texte transposant en droit national les obligations nées de la ratifi cation par les Pays-Bas de la Convention de Bâle et de l’intégration des exigences communautaires y relatives, adoptées par voie de directives et de règlements.

(135) « (…) complicity in the delivery of goods, in the knowledge that these goods are harmful to the life or the health of persons, and for having con-cealed this harmful nature », traduction non offi cielle de la Section 174 du Code pénal neerlandais (Section 174, Wetboek van Strafrecht).

(136) Section 225, Wetboek van Strafrecht.(137) Section 10.37, Wet milieubeheer. (138) Le fait justifi catif tel qu’il est admis en droit néerlandais correspond à

« (…) an excusable error of the law » ; Summary of verdicts in BOOM II Case, 23 juillet 2010, traduction non offi cielle. Pour la Cour, cela ressor-tait de l’autorisation qui avait été donnée initialement à la Société APS par les services d’inspection environnementaux de la Ville d’Amsterdam de recharger les déchets à bord du navire. A noter que ce fait justifi -catif semble emprunter les caractères principaux de ceux reconnus en droit français et plus particulièrement ceux de « l’ordre de la loi » et du « commandement de l’autorité légitime » (C.pé, art.122-4). Considérant en effet que l’infraction avait été autorisée par le biais des ordres reçus d’une autorité supérieure, la Cour a jugé que la Société APS et son ancien directeur en tant qu’agents, pouvaient bénéfi cier de l’impunité.

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destinés à en réglementer la gestion, il demeure que le déve-loppement de normes juridiques toujours plus contraignantes dans les pays développés producteurs de déchets et le renfor-cement de la concurrence internationale encouragent les indus-triels à contourner les réglementations existantes et les pays d’importation, à bénéfi cier de cette manne leur permettant de s’émanciper de l’exportation de matières premières caractéri-sée par une grande instabilité et de fortes spéculations.

Pour autant, la capacité des écosystèmes à éliminer les dé-chets toxiques étant quasi-inexistante, les conditions de leur gestion impose que des précautions drastiques soient prises afi n de réduire au maximum les atteintes subies par les indivi-dus et l’environnement. Encore faut-il admettre qu’eu égard au principe de souveraineté des Etats, seuls ceux qui l’ont expressé-ment accepté pourront se voir liés par d’éventuelles avancées. C’est justement pour dépasser cet obstacle qu’il nous apparaît primordial de développer, sur le plan international, un système de contrôle de la légalité et qu’un droit de recours des indivi-dus, des organisations internationales et des Etats soit consacré en matière d’atteintes transfrontières à l’environnement et à la santé humaine.

La priorité doit toutefois être donnée aujourd’hui au renfor-cement du cadre juridique existant et à la prévention des ex-péditions illicites de déchets toxiques. De fait, d’autres solutions sont à envisager.

En premier lieu, un soutien technique et fi nancier devrait être assuré par les pays industrialisés en faveur des Etats afri-cains. C’est d’ailleurs ce qu’encourage la Convention de Bâle dans son article 10 consacré à la « Coopération internationale ». Au cœur de ce dispositif, la formation d’experts africains et le dé-veloppement de programmes de gestion adaptée des déchets dans cette zone. C’est sur ce fondement qu’un projet a été lancé récemment par le PNUE afi n d’aider la Côte d’Ivoire et d’autres pays africains à améliorer la gestion des déchets dangereux tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs frontières (141).

Un effort signifi catif devrait en outre être consenti sur le plan international afi n d’obtenir une harmonisation de la notion de « déchets dangereux » et des sanctions pénales applicables en matière de trafi c illicite.

Enfi n et parce que les contrôles effectués en amont consti-tuent la pierre angulaire de cette stratégie, un renforcement des contrôles exercés par les autorités compétentes et notamment par les autorités portuaires est indispensable à la prévention des trafi cs illicites. ■

(141) V. le communiqué de presse intitulé « Côte d’Ivoire : le PNUE lance aujourd’hui un projet pour mieux gérer les déchets dangereux », émis par le PNUE le 17 juin 2008.

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Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit Ohada

La responsabilité s’entend de la capacité de prendre une décision sans en référer préalablement à une autorité supé-rieure (1). Dans le langage juridique, la responsabilité désigne l’obligation de réparer le préjudice résultant soit de l’inexécution d’un contrat (c’est en d’autres termes, la responsabilité contrac-tuelle), soit de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui par son fait personnel, ou du fait des choses dont on a la garde, ou des personnes dont on doit répondre (il s’agira selon les cas, de la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle du fait personnel, ou des choses dont on a la garde, ou des personnes dont on répond) (2). Le commissionnaire de transport peut encourir une responsabilité contractuelle et dé-lictuelle. Seule sa responsabilité contractuelle sera traitée dans le cadre de la présente étude. La responsabilité contractuelle ne peut être prononcée que lorsqu’il y a inexécution d’une obliga-tion contractuelle, un dommage et un lien de causalité entre les deux (3).

Intermédiaire de commerce (4), le commissionnaire de trans-port est « chargé d’organiser ou de faire exécuter sous sa res-ponsabilité les opérations d’acheminement des marchandises selon les modes de son choix pour le compte du commettant » (art. 2-21 Code Communautaire de la Marine Marchande de la CEMAC, ci-contre CCMM).

Le régime de responsabilité du commissionnaire de trans-port a connu un éclatement avec l’avènement du droit uniforme

par ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des AffairesJuriste à Congo Terminal, Pointe-Noire

(1) V. Dictionnaire Le petit Larousse.(2) Sur la responsabilité civile, V. Code civil, art. 1382 et s. ; sur la responsabilité

contractuelle, cf. : MAZEAUD (H, L et J), (ouvrage collectif), Leçons de droit civil, Paris, Montchrestien, T.2, 1973, 1184p. ; TERRE (F), et al. Droit civil : Les obligations, Paris, Dalloz, 8ème éd. 2002.

(3) FABRE-MAGNAN (M), Les obligations, Paris, PUF 2004, p. 572.

(4) Voir à propos des intermédiaires de commerce, le Livre IV de l’AUDCG portant sur « Les intermédiaires de commerce », notamment l’art. 137 : « L’intermédiaire de commerce est celui qui a le pouvoir d’agir, ou entend agir, habituellement et professionnellement pour le compte d’une autre personne, le représenté, pour conclure avec un tiers un contrat de vente à caractère commercial ». Le Titre II du Livre IV précité consacre une place de choix au commissionnaire en matière de vente et d’achat : « ... (c’) est celui qui se charge d’opérer en son propre nom, mais pour le compte du commettant, la vente ou l’achat de marchandises moyennant une com-mission » (art. 160). L’AUDCG assimile le commissionnaire de transport au commissionnaire à la vente ou à l’achat et lui reconnaît par conséquent la qualité d’intermédiaire de commerce : « Le commissionnaire expéditeur, ou agent de transport qui, moyennant rémunération et en son propre nom, se charge d’expédier ou de réexpédier des marchandises pour le compte de son commettant, est assimilé au commissionnaire... » (art.172). Cette assimilation nous semble tout à fait logique, dans la mesure où l’art. 3 de l’AUDCG reconnaît aux opérations de transport la qualité d’actes de com-merce.

SummaryThe liability of the freight forwarder has seen an explosion in Africa with the advent of the OHADA uniform law, especially since

the entry into force of the Uniform Act relating to general commercial law. The upheaval just seems apparent since the foundation of contractual liability of the forwarder remains the same i.e. the fault. But in reality the legal consequences of this real big bang are far more important.

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OHADA (5), notamment depuis l’entrée en vigueur de l’Acte uni-forme relatif au droit commercial général (ci-contre AUDCG). Ce bouleversement semble simplement apparent dans la mesure où le fondement de la responsabilité contractuelle du commis-sionnaire de transport demeure le même à savoir, la faute. Cette faute pouvant résulter selon les cas, soit du retard à la livraison, soit des pertes et avaries survenues à la marchandise (6).

Contrairement à la position adoptée par la Cour de cassation française dans le débat qui l’opposait à la doctrine, au doyen Ro-dière (7) en l’occurrence, il est désormais acquis en droit OHADA, que le commissionnaire de transport peut engager sa responsa-bilité soit en qualité de transporteur de la marchandise, soit en qualité d’auxiliaire de transport, sur le fondement unique de la faute contractuelle, résultant soit du fait du retard à la livraison, soit du fait des pertes et avaries survenues à la marchandise. Il ressort en effet des dispositions de l’article 173 in fi ne de l’Acte uniforme portant droit commercial général que le com-missionnaire de transport « n’en est pas moins soumis, en ce qui concerne le transport des marchandises, aux dispositions qui régissent le contrat de transport ». L’exégèse de ce texte montre clairement que le commissionnaire de transport qui assure lui-même tout ou partie du transport de la marchandise revêt, par le fait de la loi, la qualité de transporteur pour cette phase de l’opération, et demeure commissionnaire de transport pour les autres phases, y compris le reste du transport, s’il ne transporte lui-même la marchandise que sur une partie du trajet total. Ainsi, le commissionnaire de transport peut-il exciper de deux qualités distinctes dans une opération que son cocontractant considère comme unique (8). Par conséquent, lorsqu’un dommage survient

à la marchandise, la responsabilité du commissionnaire peut être recherchée soit en tant que commissionnaire de transport, soit en tant que transporteur, s’il a effectué lui-même tout ou partie du transport. Il ne s’agit pas ici d’une option donnée à la victime mais d’une exigence de procédure.

Le choix opéré par le législateur OHADA relatif à la dualité des régimes de responsabilité du commissionnaire de transport suscite quelques interrogations. Comment la victime peut-elle mettre en œuvre la responsabilité du commissionnaire de trans-port, dès lors que ce dernier peut se prévaloir de deux qualités distinctes et être par conséquent soumis à deux régimes de res-ponsabilité ? Quelles sont les incidences de la distinction opérée par l’article 173 de l’AUDCG ?

Le commissionnaire de transport agissant en cette qualité ou en qualité de transporteur est soumis à une obligation de résultat. Il pèse donc sur lui une présomption de responsabilité en cas de dommage à la marchandise ou de retard à la livrai-son. Cependant, la mise en œuvre de sa responsabilité et le régime de réparation des dommages causés à la victime varient selon que le commissionnaire de transport a agit en qualité de transporteur de la marchandise ou d’auxiliaire de transport ; d’où l’intérêt de cette étude. Considérons successivement la respon-sabilité du commissionnaire agissant en qualité d’auxiliaire de transport (I), et qualité de transporteur de la marchandise (II).

I • La responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité d’auxiliaire de transport

La responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité d’auxiliaire de transport peut être envisagée au ni-veau de sa mise en œuvre (A) d’une part, et de la réparation des dommages causés à la victime d’autre part (B).

A. La mise en œuvre de la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité d’auxiliaire de transport

Pour mettre en œuvre la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en cette qualité, la victime doit au préala-ble adresser à ce dernier des réserves au moment de la livraison de la marchandise (1), avant de s’adresser au juge compétent dans les délais de prescription (2), au risque de forclusion.

1. Des réserves à la livraison

« La morale du droit des réserves, écrit M. SERIAUX (9), pour-rait se résumer ainsi : dans nombre de contrats qui font naître à la charge de l’une des parties une obligation de transférer matériellement une chose à l’autre partie, cette dernière a tout intérêt à vérifi er avec soin les biens qui lui sont remis. Si tel ou tel aspect lui paraît sujet à critique, qu’elle n’accepte de rece-voir ces biens qu’en faisant des réserves précises sur les points

(5) « Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, anté-rieure ou postérieure » (art.10 Traité OHADA). V. à propos de la suprématie du droit OHADA : POUGOUE (P.G.), Présentation générale et procédure en OHADA, PUA, Yaoundé, 1998 ; KENFACK DOUAJNI (G.), « L’abandon de souveraineté dans le traité OHADA », Recueil Penant, N° 830, mai-août 1999, p. 125.

(6) V. à propos du fondement de la responsabilité contractuelle du commis-sionnaire de transport, notre étude : « La condition juridique des auxiliaires des transports maritimes dans la CEMAC », Mémoire DEA droit des Affaires, Yaoundé II, 2005, pp. 64-69 ; Lamy transport (sous la dir. BRUNAT P.), t. 2 ; éd. Lamy, Paris 1987, p. 61 et s.

(7) En France, un débat a divisé la doctrine et la jurisprudence. Lorsqu’à l’occa-sion d’une même opération, une entreprise intervient successivement en tant que transporteur et en tant que commissionnaire de transport, et que survient un dommage au cours du déplacement exécuté par ses soins, la responsabilité de cette entreprise sera-t-elle celle d’un transporteur ou d’un commissionnaire ? Autrement, il s’agit de savoir s’il convient, en pareille hypothèse, d’appliquer l’adage « l’accessoire suit le principal » (et, donc, de rattacher au régime de l’activité dominante toutes les opérations annexes accomplies par l’entreprise) ou, au contraire, de « dépecer » la prestation (et, donc, d’attribuer à l’entreprise, à chaque stade, la qualité juridique correspondant à la nature effective de son intervention). Quoique visible-ment dans l’embarras, le Doyen Rodière penchait plutôt pour cette seconde solution (Traité général de droit maritime, t. III, n° 931 in fi ne), mais la ju-risprudence paraît, au contraire, s’orienter vers l’unicité de régime juridique par rattachement de l’accessoire au principal (Paris, 8 juillet 1974 ; 17 mars et 6 mai 1982 ; 18 janvier 1983...).

(8) Il convient de signaler ici que le législateur uniforme OHADA consacre, par les dispositions de l’art. 173 in fi ne de l’AUDCG, un droit de modifi ca-tion unilatérale du contrat en la faveur du commissionnaire de transport qui peut, s’il le souhaite, devenir transporteur et bénéfi cier d’un régime de responsabilité plus favorable que celui réservé au commissionnaire de transport (V. à propos de ce régime de responsabilité la partie II de cette étude). De même, le législateur OHADA consacre un droit de résiliation unilatérale du contrat de transport de marchandise par route, par le seul fait du transporteur routier (art. 7 al.2-3, 8 al.3 AUCTMR). (9) SERIAUX (A), note sous Aix-en-Provence, 18 mars 1982, D. 1983. 583.

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litigieux... Le résultat de ce laborieux exercice ne sera pas seu-lement de faciliter la preuve du dommage constaté. Bien sou-vent, les réserves du réceptionnaire constitueront la condition nécessaire pour la sauvegarde de son éventuel recours contre son cocontractant. Le contrat de transport en est une célèbre il-lustration ». L’exigence des réserves n’est cependant pas propre au droit des transports ; il déborde largement ce cadre (10).

Toutes les règlementations régissant les transports de mar-chandises par mer, air ou terre (11), font obligation au destina-taire de faire des réserves en cas de pertes ou de dommages. Certaines exigent même des réserves en cas de retard à la li-vraison (12).

Les réserves impliquent que le destinataire (ou l’expéditeur) tient l’exécution du contrat pour imparfaite ou défectueuse et qu’il entend, éventuellement, rechercher la responsabilité du commissionnaire de transport. En d’autres termes, par le tru-chement des réserves, le réceptionnaire indique au commis-sionnaire de transport que les marchandises lui sont parvenues soit en mauvais état ou en quantité inférieure à celle portée au document de transport, soit qu’elles lui ont été livrées au delà du délai convenu. En l’absence de stipulation relative à la durée de l’opération, le commissionnaire doit respecter un délai rai-sonnable en fonction des circonstances (13). Par les protestations, l’ayant droit à la marchandise fait part au commissionnaire de transport de ses griefs éventuels à l’issue du transport. Elles assurent donc, au préalable, une fonction d’information au bé-néfi ce du commissionnaire de transport. Vue sous cet angle, l’obligation de faire des réserves s’apparente quelque peu à une véritable obligation de renseignement à la charge du réception-naire (14). Le manquement du réceptionnaire à cette obligation

peut s’avérer fatale pour ce dernier. En effet, faute de réserve, les marchandises sont réputées livrées dans les délais conve-nus ou raisonnables d’une part et en bon état et en quantité indiquée dans le document de transport d’autre part. Un tel ré-ceptionnaire perd en défi nitive tout recours contre le commis-sionnaire de transport, par sa propre négligence.

En défi nitive, un réceptionnaire diligent doit examiner minu-tieusement la marchandise avant d’en accuser réception. En cas de retard à la livraison, perte ou avarie, il doit faire constater ce retard, cette perte ou cette avarie, par l’entremise d’un huissier de justice ou d’un commissaire aux avaries. Ce constat lui per-met de conserver son recours contre son cocontractant.

2. De la saisine du juge compétent

La saisine du juge requière de préciser avec exactitude deux éléments d’une importance capitale. Il s’agit d’agir dans les dé-lais d’une part, et de s’adresser au juge compétent d’autre part.

En vertu des dispositions de l’article 3 de l’AUDCG, le com-missionnaire de transport est commerçant, étant donné qu’il accomplit des actes de commerce et en fait sa profession ha-bituelle, comme l’indique l’art.2 du même texte. Pour engager sa responsabilité, la victime doit agir dans les délais prescrits par l’art. 18 de l’AUDCG qui dispose : « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre com-merçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes ». La computation des délais court en principe à partir de la date convenue pour la livraison. A défaut de livraison, ce délai court à partir de la date à laquelle un commissionnaire diligent était censé livrer la marchandise. Dépassé ce délai de cinq ans, l’ayant droit à la marchandise perd défi nitivement son recours contre le commissionnaire.

Lorsqu’elle agit dans les délais de recours, l’ayant droit à la marchandise doit s’adresser au juge territorialement et maté-riellement compétent.

La compétence matérielle (ratione materiae) du juge étant déterminée par la qualité du défendeur (du commissionnaire de transport en l’espèce), l’ayant droit à la marchandise doit adresser sa requête aux fi ns d’indemnisation, soit au tribunal de commerce, soit à la chambre commerciale du tribunal de première instance, du tribunal d’instance ou de grande instance, selon les Etats.

Quant à la détermination de la juridiction territorialement compétente, on tient généralement compte du domicile du défendeur (du commissionnaire de transport en l’occurrence). L’ayant droit à la marchandise s’adressera ainsi au juge du siège social ou du principal établissement du commissionnaire de transport. Les parties peuvent également déterminer elles- mêmes le juge territorialement compétent. A défaut d’un tel ac-

(10) En matière de construction de bâtiments à usage d’habitation par exem-ple, le maître de l’ouvrage doit signaler les désordres soit au moyen des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception, soit par voie de notifi cation écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception (art. 1792-6, al. 2 C.civ, issu de la loi du 4 janvier 1978). En l’absence de telles réserves, la garantie de parfait achèvement ne jouera point pour les désordres apparents lors de la réception (J-L. COSTA, La responsa-bilité des constructeurs d’après la loi du 4 janvier 1978, D. 1979, Chr. P. 35 ; P. MALINVAUD, P. JESTAZ, Commentaire de la loi du 4 janvier 1978, Des responsabilités, JCP 1978. I. 2900). En matière de vente mobilière, la réception sans réserves interdit à l’acquéreur de demander la résolution de la vente pour non-conformité apparente de la marchandise vendue (Com, 12 fév. 1980, D. 1981. 278, note Ch. AUBERTIN). En matière de bail, il a été jugé que la réception sans réserves par le bailleur des locaux en fi n de bail éteint son action en réparation pour vices apparents (Paris, 9 juillet 1979, G.P 1981. I. Som. 8. ; Trib. Inst. Pontarlier, 19 juillet 1974, G.P. 1975. I. Som. 156).

(11) A l’exception de la convention de Berne qui prévoit un mode particulier de constatation des dommages, V. art. 45 et s.

(12) AKAM AKAM (A), Les réserves à la livraison : Etudes des diligences des ré-ceptionnaires dans les transports maritimes, terrestres et aériens, Thèse, Aix-Marseille, 1991, p. 2.

(13) V. à propos du délai raisonnable, NGOMO MBASSA (Y.S), La notion du rai-sonnable en droit des contrats, Mémoire DEA droit des Affaires, Yaoundé II, 2005, 81 p. ; Paris, 23 mars 1983. D. 1983. IR. 125 ; FORTIER (V), « Le contrat du commerce international à l’aune du raisonnable », JDI, II. 1992 ; KHAIRALLAH (G), « Le raisonnable en droit privé français : développe-ments récents », RTD civ, 1984, p. 441 et s. ; LEGROS (R), « L’invitation au raisonnable », Rev rég. de droit, Namur Luxembourg, 1976. I. 5 et s. ; PERELMAN (Ch.), « Le raisonnable et le déraisonnable en droit », Archives de la philosophie de droit, t. 23, 1978, p. 35 et s.

(14) Sur l’obligation de renseignement en général, V. De JUGLART, « Obligation de renseignement dans les contrats », RTD civ. 1945. 1 et s. ; ALISSE : L’obligation de renseignement dans les contrats, Thèse, Paris, 1975 ;

(24) BOYER (Y), L’obligation de renseignement dans la formation du contrat, Thèse, Aix, 1977 ; FABRE-MAGNANT, De l’obligation d’information dans les contrats, Thèses Paris I, éd. 1992 ; Le TOURNEAU (Ph.), « De l’allégement de l’obligation de renseignement ou de conseil », D. 1987, Chr. P. 101.

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cord, le demandeur est recevable d’engager l’action en respon-sabilité du commissionnaire de transport devant la juridiction dans le ressort de laquelle le contrat s’exécute ; ce qui peut être soit le lieu de la prise en charge, soit celui de la livraison (15).

La reconnaissance de la responsabilité du commissionnaire de transport donne à l’ayant droit à la marchandise le droit à la réparation du préjudice subit.

B. La réparation des dommages causés par le commissionnaire de transport agissant en qualité d’auxiliaire de transport

Lorsque sa responsabilité est mise en jeu, le commission-naire de transport agissant en qualité d’auxiliaire de transport peut soit en être exonérée (1), soit réparer le dommage causé à la victime (2).

1. Les causes d’exonération du commissionnaire de transport

Le commissionnaire de transport bénéfi cie des mêmes cau-ses d’exonération, qu’il soit poursuivit en qualité de commission-naire ou de transporteur. A chaque fois qu’il évoque une cause d’exonération, le commissionnaire de transport doit apporter la preuve suffi sante que le dommage survenu à la marchandise est imputable à cette cause seule. Lorsqu’il ne va pas au bout de sa démonstration, il est présumé être lui-même responsable. La règle est consacrée en droit civil : « Actori incumbit probatio », celui qui allègue une prétention doit la prouver. La preuve que le dommage survient d’une cause d’exonération pèse unique-ment sur le commissionnaire de transport. L’article 173 in fi ne de l’AUDCG énumère deux causes d’exonération du commis-sionnaire de transport : le fait d’un tiers et la force majeure ; à cela s’ajoutent la faute ou l’ordre de l’ayant droit et le vice propre de la marchandise. Nous analyserons le fait d’un tiers et la faute ou l’ordre de l’ayant droit d’une part (a), et la force majeure et le vice propre de la chose d’autre part (b).

a) Le fait d’un tiers et de la faute ou de l’ordre de l’ayant droit pouvant exonérer le commissionnaire de transport

C’est une règle consacrée en droit des obligations : le fait d’un tiers peut être considéré comme cause d’exonération, lorsque ce fait a constitué pour le débiteur un obstacle à la réalisation de ses engagements. Cette cause d’exonération du commissionnaire de transport trouve son fondement dans l’arti-cle 173 de l’AUDCG. Seulement, le législateur n’exprime pas la plénitude de sa pensée. Le texte aurait sans nul doute gagné en clarté, en défi nissant le tiers au contrat de commission, ou

plus largement dans le contrat de transport de la marchandise ; la notion de tiers au contrat étant aujourd’hui controversée (16). Ce mutisme législatif est critiquable dans la mesure où l’AUDCG était adopté alors qu’en France, le débat sur les parties et les tiers au contrat était encore pendant (17). Ce débat opposait les tenants de la théorie dite du bloc contractuel, à ceux qui prô-naient un élargissement des parties au contrat (théorie du lien contractuel). Le législateur OHADA a certainement jugé qu’il se-rait précoce de se prononcer en faveur de telle ou telle autre thèse, dans un débat qui ne lui semble pas encore clos. Le légis-lateur OHADA se prononcera certainement à l’avenir, à l’occasion d’une révision éventuelle de l’AUDCG.

Le contrat de commission, en vertu duquel le commission-naire s’engage à faire acheminer les marchandises d’un point à l’autre, met en présence plusieurs opérateurs. Si à l’origine, seules deux personnes (le commettant et le commissionnaire de transport) sont liées, la réalisation des opérations connexes du transport ainsi que le déplacement de la marchandise fait toujours appel à d’autres intervenants. Ces derniers peuvent être considérés comme des tiers au contrat de commission liant l’expéditeur au commissionnaire. Mais, l’éclatement du contrat de commission en plusieurs contrats (transport, acconage, tran-sit...) fait indubitablement éclater le bloc contractuel qui existait au moment de la formation. Dès lors, le contrat de commission peut s’étendre à plusieurs parties. Ainsi, l’acconier, le transitaire et le transporteur qui interviennent dans les différentes phases de l’exécution du contrat de commission ne peuvent pas être considérés comme des tiers. Ils sont de plein droit des parties au contrat. Le commissionnaire ne peut donc pas invoquer, pour s’échapper de sa responsabilité, un fait quelconque imputable à l’un de ces professionnels. En France, le Code de commerce fait d’ailleurs bien de souligner que le commissionnaire de transport est garant du fait du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse la marchandise. On en déduit qu’il répond d’une ma-nière générale, de toute personne au service duquel il recourt pour la réalisation de ses engagements.

Le tiers au contrat de commission est donc celui qui n’a aucun lien contractuel, à quelque degré que se soit, en rapport avec le déplacement de la marchandise. Il peut s’agir d’un acco-nier qui cause un dommage à la marchandise, qu’il n’était pas mandaté de charger ou décharger. C’est la position que devrait retenir la jurisprudence de la Cour Commune de Justice d’Arbi-trage (CCJA), en prônant un élargissement des parties au contrat de transport des marchandises.

Le fait d’un tiers peut conduire à une exonération partielle du commissionnaire de transport lorsqu’il a contribué à la réali-sation du dommage sans pour autant constituer un cas de force majeure pour la personne poursuivie. Ce qui signifi e que le dommage a deux causes et plus précisément, que la personne

(15) V. Cass. civ, 13 janvier 1983, G.P. 1982. II. 243, obs. VIATTE ; TGI Brazzaville, 27 mai 1995, Marc Foulquié C/ SOCOPAO-Congo, note LOKO- BALOSSA (E.J.), Juridis Périodique n° 31, p 74 et s. En l’espèce, un contrat est con-clu à Abidjan entre Marc Foulquié et la SOCOPAO-Air service dans le but de faire acheminer par voie aérienne le véhicule automobile du sieur Marc Foulquié d’Abidjan à Brazzaville. Le véhicule automobile est livré avec retard considérable et de nombreuses avaries. Après avoir cité la SOCOPAO devant la chambre commerciale du TGI de Brazzaville, à la suite d’une exécution défectueuse et tardive de l’obligation contractuelle, Marc Foulquié obtint gain de cause.

(16) V. à propos des tiers au contrat : GHESTIN (J), « La distinction des parties et des tiers au contrat », JCP. 1992. I. 3628 ; du même auteur, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers », JCP. 1994, p. 777 ; THIBIERGE-GUELFUCCI (C), « De l’élargissement de la notion de partie au contrat... à l’élargissement de la portée du prin-cipe de l’effet relatif », RTD civ. 1994, p. 257 et s. du même auteur : « Libres propos sur la transformation du droit des contrats », RTD civ. 1997, p. 357 et s.

(17) Idem.

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poursuivie et le tiers sont coauteurs. Or, en matière de respon-sabilité civile délictuelle, lorsque plusieurs auteurs ont contribué à la réalisation d’un même dommage, ils sont tenus in solidum de le réparer (18).

Cependant, lorsque le fait du tiers présente les caractères de la force majeure, il est traité comme telle c’est-à-dire qu’il rompt le lien de causalité. En d’autres termes, le défendeur est totale-ment exonéré, et c’est ce tiers que la victime doit naturellement poursuivre, sur le terrain de la responsabilité délictuelle.

Outre le fait du tiers, le Commissionnaire de transport peut également être exonéré en cas de faute ou de l’ordre de l’ayant droit.

La faute ou l’ordre de l’ayant droit, est une attitude fautive de ce dernier qui entrave la bonne exécution du contrat de transport. Ainsi, dans une espèce, la Cour d’appel de Paris a-t-elle déchargé le transporteur de sa responsabilité en estimant qu’il a pris toutes les dispositions de route nécessaire et que le retard survenu avait pour cause exclusive l’insuffi sance des pièces destinées à la douane dont l’établissement incombait à l’expéditeur (19).

L’ordre de l’ayant droit qui exonère le transporteur est une instruction donnée à ce dernier soit au moment de la signature du contrat, soit au moment au cours de son exécution. Cet ordre doit revêtir un caractère fautif et direct avec le dommage. Dans l’AUCTMR, cet ordre peut revêtir plusieurs formes. Commet ainsi une faute pouvant exonérer le transporteur, le chargeur qui ad-met expressément dans la lettre de voiture que la marchandise soit transportée à bord des véhicules ouverts et non bâchés. Il en est de même lorsqu’il emballe mal les marchandises, y appose maladroitement des marques et numéros, ou lorsque la manutention, le chargement, l’arrimage ou le déchargement de la marchandise est effectuée par l’expéditeur ou le destinataire ou par des personnes agissant pour le compte de l’un d’entre eux (art. 17 AUCTMR). Dans ce cas, le défaut d’arrimage et de calage des marchandises est imputable à l’expéditeur (20).

Quid de la force majeure et du vice propre de la marchan-dise ?

b) La force majeure et le vice propre de la marchandise

La force majeure (21) est tout événement imprévisible, ir-résistible et insurmontable, empêchant le débiteur d’exécuter

son obligation. Elle marque la rupture du lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation contractuelle et le dommage causé à la victime. La force majeure rend en effet impossible l’exé-cution de l’obligation et anéantit par conséquent la faute du débiteur ainsi que sa responsabilité. L’exécution de l’obligation étant impossible par suite d’un cas de force majeure, c’est tout le contrat qui disparaît, sans aucune compensation possible pour le débiteur de l’obligation devenue impossible. Le commis-sionnaire qui n’exécute pas son obligation par suite d’un cas de force majeure, ne peut pas non plus réclamer le paiement à son cocontractant. Il supporte cependant la charge de la preuve.

Il a été jugé que la faute du transporteur auquel le commis-sionnaire a eu recours ne saurait constituer un cas de force ma-jeure (22). Mais un incendie qui a pris naissance dans une maison voisine et qui s’est étendu aux locaux d’un commissionnaire de transport, détruisant les colis qui y étaient entreposés, constitue pour ledit commissionnaire un cas de force majeure l’exonérant de toute responsabilité (23).

La force majeure est également une cause d’exonération pour le Commissionnaire agissant en qualité de transporteur. L’article 17-1 AUCTMR l’énonce en ces termes : « Le transporteur est exonéré de responsabilité s’il prouve que la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause...des circonstances que le transpor-teur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait remédier ». L’article 18 de la convention de Montréal cite également la force majeure comme cause d’exonération du transporteur aérien de marchandises. La solution est la même en droit maritime : « Le transporteur est responsable du préju-dice résultant des pertes ou dommages subis par les marchan-dises ainsi que du retard à la livraison... à moins qu’il ne prouve que lui-même, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour évi-ter l’événement » (art. 5-1 Règles de Hambourg).

Outre la force majeure, le commissionnaire de transport peut être également exonéré, en invoquant la nature ou le vice propre de la marchandise.

La notion de vice propre de la marchandise est susceptible d’interprétations diverses. Rodière et Mercadal soutiennent que le vice propre de la chose résulte de la « nature intrinsèque de cette chose ». Ils citent en exemple le caractère périssable de certaines denrées et précisent que le vice n’est pas un défaut de la chose. Pour d’autres auteurs cités par Noukeu Kelojo (24), ce qui caractérise le vice propre, c’est la tare qui affecte la chose remise au transporteur et qui l’expose de ce fait à une détério-ration au cours du transport. Ainsi en est-il en cas de pré réfri-gération d’une denrée périssable transportée sous température dirigée (25) ou d’un défaut de fabrication, ou encore de denrées attaquées par des bactéries.

(18) Civ. 4 déc. 1939, DC, 1941. 124, note HOLLEAUX : « Chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leur faute respective, doit être condamné in solidum, à la réparation de l’entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu’il ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel les juges du fond ont prononcé entre les coauteurs et qui n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l’étendue de leur obligation au regard de la partie lésée ».

(19) Paris, 2 décembre 1981, B.T. 1982, p. 76, cité par NOUKEU KELOJO (S.A.), in La responsabilité du transporteur de marchandises par route, Mémoire de DEA, Yaoundé II, 2003

(20) Cass. Com, 3 oct. 1989, Bull. civ. IV, n° 245. (21) V. à propos de la force majeure : ANTONMATTEI (PH), Contribution à

l’étude la force majeure, LGDJ, 1992, préf. B. TEYSSIE ; du même auteur, « L’ouragan sur la force majeure », JCP. 1996, éd. G.I. 3907 ; RADOUANT (J), Du cas fortuit et de la force majeure, Thèse, Paris 1919.

(22) Cass. Com, 12 mai 1969, B.T. 1969, p. 234.(23) Cass. Com, 26 janvier 1953, BAC, 1953, p. 26.(24) Op. cit.(25) Com, 13 avril 1970, B.T., p.189 ; Paris, 15 février 1991, B.T.L. 1981, p.289

qui a exonéré le transporteur pour des avaries subies par la viande livrée en état de quasi putréfaction en statuant, que la cargaison serait parvenue en parfait état à destination si avant sa remise au transporteur, la réfrigéra-tion avait été effectuée conformément à la réglementation en vigueur.

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Faute d’exonération, le commissionnaire de transport a l’obligation de réparer le préjudice causé à l’ayant droit à la mar-chandise.

2. La réparation des dommages causés par le commis-sionnaire de transport

Lorsque le commissionnaire de transport n’est pas exonéré, il est tenu de réparer le préjudice subit par l’ayant droit à la marchandise conformément au régime de réparation résulte de droit commun des contrats. L’article 1147 du Code civil français dispose à cet effet : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement des dommages et intérêts, soit à raison de l’inexé-cution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifi e pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée... ». Ainsi, le commissionnaire de transport doit-il réparer l’entier préjudice subi par son cocontractant résultant du retard à la livraison ainsi que des pertes et avaries. Il rembourse à ce dernier la valeur de la marchandise perdue ou endommagée, les frais dépensés pour les besoins de transport et les formalités y relatives, majo-rés le cas échéant, des intérêts calculés par le juge.

Le commissionnaire de transport poursuivit en qualité de transporteur, bénéfi cie d’un régime de responsabilité plus fa-vorable que lorsqu’il intervient en qualité d’auxiliaire de trans-port.

II • La responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité de transpor-teur terrestre, maritime ou aérien

Comme dans la première partie, la responsabilité du com-missionnaire de transport agissant en qualité de transporteur comprend deux volets : sa mise en œuvre d’une part (A), et la réparation des dommages d’autre part (B).

A. La mise en œuvre de la responsabilité du com-missionnaire de transport agissant en qualité de transporteur de la marchandise

Pour mettre en œuvre la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité de transporteur, la victime doit avant tout émettre des réserves contre ce dernier, au moment de la livraison de la marchandise (26). Il faut en outre prouver qu’il a agit en qualité de transporteur de la marchandise (1), et s’adresser au juge compétent (2).

1. La preuve de la qualité de transporteur

En droit civil français, la charge de la preuve incombe au demandeur (art. 1315 C.civ). Lorsque survient un dommage à la marchandise à la suite d’un contrat de commission, la charge de la preuve du dommage pèse sur le demandeur c’est-à-dire, l’ayant droit à la marchandise. Il doit prouver en effet que le

dommage causé à la marchandise est survenu par le fait et à l’occasion du contrat de commission. Le problème se pose lors-que le commissionnaire cesse de ne se comporter comme sim-ple organisateur, et devient lui-même transporteur et souvent à l’insu de son cocontractant. Comment ce dernier apportera-t-il la preuve de cette nouvelle qualité ? En pratique, l’ayant droit à la marchandise se bornera à rechercher la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en cette qualité. C’est plutôt au commissionnaire de transport qui estime s’être com-porté comme transporteur maritime, terrestre ou aérien d’en apporter la preuve. Il y aura alors renversement de la charge de la preuve. Il est ainsi lorsque le connaissement, la lettre de voiture ou la lettre de transport aérien aurait été émis au nom du commissionnaire de transport. Ce document pourra servir de preuve que le commissionnaire a entendu prendre la qualité de transporteur maritime, routier ou aérien. Il devra donc assumer la responsabilité y relative (27).

La question de la preuve de l’intervention du commission-naire de transport en qualité de transporteur ayant été résolue, reste alors celle des délais et des voies de recours.

2. Les délais et les voies de recours

Les délais de recours dont dispose l’ayant droit à la mar-chandise pour engager la responsabilité du commissionnaire de transport agissant en qualité de transporteur varient selon le mode de transport utilisé par ce dernier.

Le délais de recours est d’une année lorsqu’il s’agit du trans-port par route. L’article 25-1 de l’AUCTMR dispose à cet effet : « Toute action découlant d’un transport régi par le présent Acte uniforme se prescrit par un an à compter de la date de livraison ou, à défaut de livraison, de la date à laquelle la marchandise aurait dû être livrée. Toutefois, dans le cas de dol ou de faute équivalente au dol, cette prescription est de trois ans ». L’alinéa 2 de ce texte ajoute que pour être recevable, l’action en respon-sabilité contre le transporteur routier doit obligatoirement être précédée d’une réclamation écrite faite au transporteur ou au dernier transporteur au plus tard soixante jours après la date de la livraison de la marchandise ou, à défaut de livraison, au plus tard six mois après la prise en charge de la marchandise.

Cette exigence est proche à la procédure administrative contentieuse en ce que le requérant qui veut poursuivre l’ad-ministration par la voie contentieuse est tenu de formuler un recours administratif préalable. L’option de la réclamation écrite préalable faite au transporteur routier peut s’avérer périlleuse pour le demandeur (ayant droit à la marchandise). D’une part, il peut voir sa demande rejetée par le juge au motif qu’il n’a pas adressé de réclamation écrite préalable ; d’autre part, pour aboutir aux mêmes fi ns, le transporteur peut feindre de ne ja-mais avoir reçu une quelconque réclamation écrite de la part de l’ayant droit à la marchandise. La réclamation écrite préalable doit alors se faire par lettre recommandée avec accusé de ré-ception ou par tout autre moyen laissant trace écrite. Pour ga-rantir le recours de l’ayant droit à la marchandise, le législateur

(26) Cf. première partie, sous-titre 1) Des réserves à la livraison. (27) Lamy transport (S/dir. BRUNAT P.), t. 2, Paris 1987, p. 60.

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aurait dû trouver une formule faisant obligation au transporteur routier d’informer le chargeur qu’en cas de retard à la livraison, perte ou avarie, ce dernier devrait préalablement informer le transporteur au moyen d’une réclamation écrite. Il pèse de ce fait sur l’ayant droit à la marchandise une véritable obligation d’information (28) à l’endroit du transporteur d’une part. Et d’autre part, une obligation légale de solutionner préalablement tout litige né d’une exécution défectueuse du contrat par un arrange-ment amiable avec le transporteur fautif, avant d’envisager un quelconque recours au juge. Cependant, le législateur OHADA n’indique pas le délai qui doit s’écouler entre la réclamation préalable faite au transporteur et la saisine du juge, lorsqu’à la suite de ladite réclamation, la victime n’a pas obtenu gain de cause. Le problème des délais étant l’un des piliers de la pro-cédure, le législateur est vivement invité à se prononcer sur la question. Dans l’attente de cette prononciation, le juge fera sans doute application de la notion du délai raisonnable.

Il en résulte que le manquement au devoir d’information et à l’obligation de recours préalable fait perdre à la victime son recours contre le transporteur fautif.

Il est à première vue très étonnant de constater que le lé-gislateur uniforme OHADA s’accroche à l’écrit lorsque se posent des problèmes de mise en œuvre de la responsabilité du trans-porteur routier de marchandises. Au moment de la conclusion du contrat en effet, l’écrit n’est requis qu’à titre de preuve, son défaut n’affectant point l’effi cacité même du contrat (29). Mais à l’analyse, il s’agit ici de la consécration d’une formule bien connue dans les transports de marchandises. Le réceptionnaire doit s’assurer que les marchandises reçues sont livrées dans les délais conformes, sans dommage quelconque. Il s’agit en d’autres termes de l’obligation faite au réceptionnaire d’émettre des réserves (30) contre le transport routier, afi n de sauvegarder son recours contre ce dernier.

Le délai de prescription est deux ans lorsque le commission-naire effectue le transport maritime ou aérien des marchandi-ses : « Toute action relative au transport de marchandises par mer en vertu de la présente convention est prescrite... dans un délai de deux ans » (art. 20 Règles de Hambourg, voir aussi l’art. 35 Convention de Montréal).

Quant aux voies de recours, rappelons que le commission-naire est commerçant (tout comme le transporteur) ; la victime s’adressera donc au tribunal de commerce comme indiqué plus haut (31).

Lorsqu’il y a certitude que le commissionnaire de transport a agi en qualité de transporteur, et que la victime réclame répara-tion dans les délais, elle doit être indemnisée selon les disposi-tions régissant le mode de transport en présence.

B. La réparation des dommages causés par le commissionnaire de transport agissant en qualité de transporteur de la marchandise

Le commissionnaire de transport agissant en qualité de transporteur terrestre, maritime ou aérien peut également être exonéré de tout ou partie de sa responsabilité, comme indiqué précédemment (32). A défaut d’être exonéré, le commissionnaire agissant en qualité de transporteur répare les dommages cau-sés à la victime, tout en bénéfi ciant d’un régime légal de pla-fonnement ou de limitation de responsabilité (1), régime qu’il peut perdre dans certaines circonstance (2).

1. De la limitation de la responsabilité du commission-naire de transport agissant en qualité de transporteur terrestre, maritime ou aérien

Ce régime varie selon le mode de transport utilisé par le commissionnaire de transport.

En cas d’avarie, perte totale ou partielle de la marchandise, l’indemnité due par le transporteur routier ne peut excéder 5.000 Francs CFA par kilogramme de poids brut de la marchan-dise (art.18 AUCTMR). Lorsqu’il y a retard à la livraison, si l’ayant droit prouve qu’un dommage supplémentaire a résulté du re-tard, le transporteur est tenu de payer pour ce préjudice une indemnité qui ne peut dépasser le prix du transport.

Aux termes de l’article 6 des Règles de Hambourg, le trans-porteur maritime est en droit de limiter sa réparation sur les pertes, avaries ou dommages sur les marchandises à hauteur de 835 DTS par colis ou unité ou alors, 2,5 DTS par kilogramme (soit 1700 F. cfa). L’article 6-1-a des Règles de Hambourg dispose : « La responsabilité du transporteur pour préjudice résultant des pertes ou dommages subis par les marchandises... est limitée à une somme équivalent à 835 unités de compte par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées ». Lorsqu’il y a retard à la livraison, cette responsabilité équivaut à une somme correspondant à deux fois et demi le fret payable pour les marchandises ayant subi le retard mais n’excédant pas le montant total du fret payable en vertu du contrat de transport de marchandise par mer (art. 6-1-b Règles de Hambourg).

En cas de dommage subit à la suite d’un transport aérien, la responsabilité du transporteur aérien est limitée à la somme de 4150 DTS. Mais l’on peut aussi retenir une limitation de 17 DTS par kilogramme (art.22 Convention de Montréal).

(28) V. De JUGLART, « Obligation de renseignement dans les contrats », RTD civ. 1945. 1 et s. ; ALISSE : L’obligation de renseignement dans les contrats, Thèse, Paris, 1975 ; BOYER (Y), L’obligation de renseignement dans la formation du contrat, Thèse, Aix, 1977 ; FABRE-MAGNANT, De l’obligation d’information dans les contrats, Thèses Paris I, éd. 1992 ; Le TOURNEAU (Ph.), « De l’allégement de l’obligation de renseignement ou de conseil », D. 1987, Chr. P. 101.

(29) « Le contrat de transport de marchandise existe dès que le donneur d’ordre et le transporteur sont d’accord pour le déplacement d’une mar-chandise moyennant un prix convenu » (art. 3 AUCTMR). Commentant ce texte, Mme Dorothé SOSSA, in (Additif) OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, dit que le contrat de transport de marchandises par route se forme « solo consensu » - comme en matière de vente civile : la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » (art. 1583 C.civ) – dès l’accord sur le déplacement de la marchan-dise et le prix.

(30) V. à propos des réserves : AKAM AKAM (A.), Thèse précitée.

(31) V. première partie : La saisine du juge compétent. (32) Cf. Première partie, 1) Les causes d’exonération du commissionnaire de

transport.

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Le principe légal de limitation de responsabilité des dom-mages causés à la victime du fait du transport des marchandi-ses est très favorable au transporteur seul, au grand damne des chargeurs et des ayants droit à la marchandise qui se trouvent privés du bénéfi ce des règles de droit commun relatives à la réparation intégrale des dommages subis. Le législateur a sans doute pris en compte les risques inhérents aux transports des marchandises et la diffi culté pour les transporteurs de couvrir tous les risques y relatifs. Cette limitation est d’ailleurs assortie de déchéances.

2. La perte de la limitation de la réparation

Il n’est pas exclu que le transporteur routier, maritime ou aérien se voie refuser le bénéfi ce du plafonnement de la res-ponsabilité. Ce refus peut résulter soit du comportement de l’ex-péditeur, soit de celui du transporteur lui-même.

L’expéditeur qui par précaution, voudrait éviter de se voir opposer par le transporteur la limitation de sa responsabilité, est tenu de faire une déclaration de valeur ou une déclaration d’intérêt spécial à la livraison. Cette déclaration doit fi gurer dans

la lettre de voiture, le connaissement, la lettre de transport aé-rien ou dans tout autre document en tenant lieu.

Par ailleurs, le comportement fautif du transporteur, de ses préposés ou de ses mandataires peut lui faire perdre le bénéfi ce de la limitation de responsabilité. Ainsi, lorsque le transporteur se trouve coupable d’un acte ou d’une omission qu’il a commis, soit avec l’intention de provoquer cette perte, cette avarie ou ce retard, soit témérairement et en sachant que cette perte, cette avarie ou ce retard en résulterait probablement (art. 21-1 AUCTMR ; art. 8 Règles de Hambourg). Ce principe découle du droit commun des contrats notamment, de l’article 1147 du Code civil français qui pose comme limite au bénéfi ce du droit à l’exonération, la mauvaise foi du débiteur ; la jurisprudence y assimile la faute lourde (33) ou inexcusable.

Dans tous les cas, lorsque le transporteur perd le bénéfi ce du plafonnement de la réparation, il est soumis au régime de droit commun et répare alors tout le préjudice dans son inté-gralité. ■

(33) Com, 7 mai 1980, JCP. 1990. II. 19473, note Rodière.

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1. Prolégomènes. A l’image d’autres catastrophes mari-times survenues dans le monde (1), la tragédie du “JOOLA” (2) apparaît pour l’Etat du Sénégal comme une mesure d’incapa-cité de remplir ses obligations de protection et de direction de

l’ordre public économique. Au-delà, elle montre les limites de “ l’informel ” dans la gouvernance des affaires publiques. Cette tragédie, il faut en convenir est répétitible (3). Il apparaît donc pertinent de s’interroger sur la responsabilité du transporteur maritime de passagers, qui révèle un questionnement confl ic-tuel par rapport aux principes généraux du droit de la respon-sabilité.

Aujourd’hui, notoirement on peut souligner la forte compé-tition économique qui oppose le transport transocéanique de

(1) Le naufrage le 6 mars 1987 du car-ferry britannique Herald-of-free- enterprise, survenu après l’accident de l’aéroglisseur Princess Margaret à Douvres le 30 mars 1985, rapproche considérablement comme les grands naufrages des années 1940 ou 1950 (Lamoricière, Champollion, Andréa-Doria), l’Europe, si soucieuse de sécurité maritime, de catastrophes qui paraissaient réservées aux pays du tiers-monde (25 mai 1983 : 326 morts sur le Nil. – 23 mars 1985 : 250 morts au Bengla-Desh. – 11 juin 1985 : 103 morts à Timor. – 14 août 1985 : 161 morts, encore au Bengla-Desh. – 18 janvier 1986 : 108 morts en Indonésie. – 11 avril 1986 : 129 morts en Chine. - 20 avril 1986 : 200 morts au Bengla-Desh. – 25 mai 1986 : 224 morts au Bengla-Desh. – 11 novembre 1986 : 200 morts à Haïti, et, tout récemment, le naufrage aux Philippines, le 20 décembre 1987, du Doña-Paz avec ses 1 600 morts, au moins...) ou même aux pays de l’Est (5 juin 1983 : 250 morts dans le naufrage de l’Alexandre Souvarov. – 1er septem-bre 1986 : 398 morts dans le naufrage de l’Amiral Nakhinov).

(2) Le navire M/S le “Joola” assurant la liaison maritime Dakar Ziguinchor et dont la gestion nautique et la gestion commerciale avaient été confi ées à la Marine nationale a appareillé le jeudi 26 septembre 2002 aux environs de 13 h par temps calme. Il a mouillé à l’escale de Karabane à 16 h 30 mn pour ensuite appareiller à 18 h 05 mn à destination de Dakar. Le dernier contact qu’il a eu avec la Marine nationale remonte à 22 h : aucun inci-dent n’avait alors été signalé. C’est au large des côtes sous juridiction gam-bienne, aux environs de 23 h qu’il a connu des diffi cultés de manœuvre à 16,8 nautiques de la pointe de SANIANG à la position latitude 13° 12,8 N – Longitude 017° 05,6 W. Il devait chavirer quelques minutes plus tard (vers 23 h 10 mn). Il avait à son bord de très nombreux passagers estimé

(2) à 1220, mais aussi du fret. Seuls soixante cinq (65) rescapés auront été recensés à la suite des opérations de secours organisées dès le lendemain du drame. Ce naufrage intervenu aux larges des côtes gambiennes dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002 a fait quelque 1863 morts d’après le discours sur la politique générale du premier ministre sénégalais Idrissa Seck en date du 3 février 2003 Ce bilan est plus important que celui du Titanic en 1912.

(3) Voir CISSE Abdoullah, « Tragédie du Joola ou le mal sénégalais », revue Africajuris n°35/ 2002, p.4. En témoignent aussi l’état du réseau routier et du parc automobile où des “cercueils roulants” défi ent tout entende-ment humain devant la force publique muette et aveugle, n’osant prendre aucune mesure tendant à assurer la sécurité des personnes et des biens. Pis encore, des occupations anarchiques et l’irrespect des règles de cons-tructibilité induisent des interrogations essentielles relatives à l’inexistence ou à l’ineffectivité de schémas directeurs, de plan d’occupation des sols ou d’urbanisme, tant il ne se passe pas un mois sans que le “vouloir” légitime d’habitation des populations ne conduise à leur perte dans l’écroulement de leur lieu de vie ne répondant pas aux règles de l’art en la matière.

Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit de la responsabilité

par ■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privéMaître Assistant AssociéUniversité Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)

SummaryLike other maritime disasters that occurred in the world, the tragedy of «JOOLA” appears for the State of Senegal as the measure

of its inability to fulfi ll its obligations for the protection and management of public economic policy. Beyond that, it shows the limits of the «informal» in the governance of public affairs. This tragedy, we must admit, can be repetitive. It therefore seems appropriate to consider the responsibility of the passenger shipping line, which reveals a confl ictual questioning in relation to general principles of tort law.

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passagers au transport aérien, pour affi rmer néanmoins la très forte résistance du commerce maritime de passagers qui est très loin de disparaître. Ce dernier est des plus visibles et il est même plausible que le volume annuel de passagers déplacé soit supérieur à ce qu’il était au moment des grands chantiers navals. Singulièrement, il faut relever dans ce sillage, la multi-plication d’une autre utilisation des déplacements sur les océans que constitue la croisière maritime qui postule un aspect positif de récréation, de délassement, mais dont le contentieux juridi-que n’est guère distinctif des litiges du transport de passagers proprement dit. Dans cette perspective, si un événement ac-cidentel venait à se produire, inévitablement la question des responsabilités se poserait.

Du latin Responsus, la responsabilité signifi e l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les conséquences pénales et civiles, soit envers la victime, soit à l’égard de la société. Le droit de la responsabilité est un droit né des confl its, il est donc aisé d’y voir une réponse naturelle au progrès des techniques, à la multiplication des machines, engins, appareils, tout spécialement des autos. Cependant des auteurs comme Fauconnet (4) trouvent dans la responsabilité non plus un attribut appartenant à la personne consciente et libre, mais une réalité sociale, l’ensemble des émotions collecti-ves que suscite le crime.

Le naufrage du navire le “JOOLA” appartenant à l’Etat Sé-négalais a impliqué donc la question de la responsabilité. Loin d’obérer le confl it juridique qu’elle pose, cette responsabilité est aisée à défi nir dans la mesure où c’est l’Etat sénégalais par sa plus haute représentation qui s’est déclaré être responsa-ble de la tragédie du JOOLA (II). Cette déclaration lourde de conséquences nous impose à opérer une première lecture sur l’obligation générale de sécurité qui pèse sur le transporteur maritime de personnes (I).

I • L’obligation générale de sécurité du transporteur maritime

2. Législation applicable. Elle est composée pour l’essen-tiel, du Code de la marine marchande et de la pêche (loi n°62-32 du 22 mars 1962) plus précisément dans son livre II portant obligations commerciales en matière maritime, et de la loi (63-62 du 10 juillet 1963) relative à la partie générale du code des obligations civiles et commerciales (COCC) et qui dans sa deuxième partie (livre IV) traite du contrat de transport terrestre. En effet, le transport terrestre nous intéresse relativement à la tragédie du “JOOLA” dans la mesure de l’appréciation de l’article 640 « les dispositions du présent titre s’appliquent au contrat de transport terrestre, ferroviaire ou fl uvial de personnes ou mar-chandises ». Il est acquis que le navire le “JOOLA” effectuait bien une partie de son trajet sur le fl euve Sénégal avant de rejoindre les eaux maritimes. S’il faut reconnaître que ce passage est de moindre importance et en conséquence, faire application de la

théorie de l’accessoire, pour en défi nitive ne reconnaître que le trajet maritime, il importe cependant de considérer l’ensemble de la trajectoire dans la mesure de l’appréciation des diligences de sécurité pour asseoir la responsabilité du transporteur. Il dé-coule de ce constat qu’il faille combiner dans cette tragédie à la fois le code de la marine marchande aux dispositions relatives du code des obligations civiles et commerciales en matière de transport terrestre, ferroviaire ou fl uvial.

A ce droit interne, il convient de souligner que le Sénégal est partie en matière maritime à la Convention de Bruxelles de 1924, révisée en 1978 et en 1979, et à la Convention de Hambourg de 1978 qui a renforcé la matière et est entrée en vigueur le 1er novembre 1992. Ainsi, le Sénégal a dénoncé la Convention de Bruxelles amendée. S’agissant du transport de passagers, deux conventions internationales viennent complé-ter ce dispositif. Il s’agit d’une part de la Convention de Bruxel-les du 29 avril 1961 qui unifi e certaines règles en matière de transport de passagers par mer, et d’autre part de la Convention d’Athènes du 13 décembre 1974 afférente au transport par mer de passagers et de leurs bagages.

Ces Conventions n’intéressent pas a priori la tragédie du “JOOLA” dans la mesure où le trajet considéré demeure dans les eaux territoriales sénégalaises, le navire quittant un port local à destination d’un autre port sénégalais. Il faut cependant nuancer cette affi rmation. En effet, le naufrage a lieu au large des côtes de la Gambie, ce qui peut impliquer la prise en considération des conventions internationales, même si ces dernières régis-sent principalement le transport de marchandises.

En droit sénégalais, le contrat de transport est défi ni aux articles 639 à 641 du COCC comme le contrat par lequel le trans-porteur s’oblige à transporter par mer, sur un trajet défi ni, un voyageur qui s’oblige à acquitter le prix du passage. Il faut en conséquence déterminer ce que sont les obligations principales du transporteur maritime de passagers et leur nature juridique (A) avant d’examiner la faute du transporteur qui découle de la mauvaise exécution du contrat de transportabilité et de navi-gabilité (B).

A. Variations théoriques sur l’obligation de sécu-rité du transporteur maritime

3. Obligations principales du transporteur maritime de passagers. Le transport maritime ou fl uvial de passagers s’inscrit dans le cadre classique des relations contractuelles en-tre un transporteur et un passager. Il faut de ce fait constater que le passager doit non seulement payer le prix du transport, mais relativement à son comportement être diligent et prudent car pèse sur lui une obligation générale de respect des consi-gnes de sécurité. Cette dernière peut être appréciée par rapport au comportement normal d’un bon père de famille. Il faut tout de même faire remarquer que l’appréciation de ces relations incombant au voyageur demeure de moindre importance com-parativement à celles pesant sur le transporteur qui est caracté-ristiques d’une rigidité et d’une lecture moins confortable. Tradi-tionnellement elles ont trait aux concepts de “transportabilité” et de “navigabilité” d’une part et aux mesures propres à assurer la sécurité du passager d’autre part. Dans le naufrage du bateau (4) Etude durkheimienne, la responsabilité, 1920.

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le “JOOLA”, la navigabilité et la transportabilité ne se dépar-tissent point de l’obligation générale de sécurité qui à notre sens recouvrent les obligations de moyens et de résultat qui induisent l’arrivée à bon port du passager aux termes des dispo-sitions contractuelles obligeant le transporteur au passager.

4. Navigabilité du “JOOLA” et sécurité des passagers.

Le concept de navigabilité implique que le navire soit en état d’assurer techniquement et matériellement le trajet et ce der-nier doit s’apprécier durant toute la durée d’exécution du con-trat. On peut de ce fait dans un premier temps s’interroger sur l’état du navire. Cela implique concrètement des appréciations techniques relatives à l’âge du bateau, au tonnage ou aux révi-sions essentielles obligatoires. Au delà dans cette perspective, il est nécessaire de dépasser l’approche des éléments techniques et matériels et intégrer des éléments extérieurs qui ont une infl uence sur la navigabilité. A cet effet, la prise en considéra-tion des éléments qui gouvernent l’environnement paraît im-portante. Ces considérations ont trait à l’élément sur lequel le navire va transporter ses passagers à savoir, la mer, le fl euve ou la rivière, mais aussi aux données variables météorologiques. Enfi n, navigabilité et transportabilité obligent à l’effectivité de la sécurité des voyageurs et des marchandises, en sus de la confortabilité du voyage. Au demeurant ces paramètres con-damnent toutes surcharges de passagers ou de bagages.

Nonobstant ces remarques d’usage, la navigabilité tradi-

tionnellement commande l’observation par le transporteur d’un navire de passagers de toute une contraignante réglementation technique. Cette dernière dérive au plan national, d’une trans-position de la Convention de Londres de 1974 dite SOLAS (5). Et l’appréciation de la nature juridique des obligations incombant au transporteur ne semble pas aisée d’un premier abord. Mais l’on s’accorde généralement relativement aux conséquences de leur inexécution ou mauvaise exécution à reconnaître soit une obligation de moyen soit une obligation de résultat. En effet, toute impossibilité ou toute interruption dans le processus de transportabilité offre au transporteur en invoquant la force ma-jeure, la possibilité de dégager sa responsabilité. Dès lors l’on est en droit de penser que ce dernier est bien tenu d’une obli-gation de résultat.

5. Commencement et fi n de l’obligation de sécurité. A notre sens, les différentes approches relativement au contenu de l’obligation de sécurité doivent être entendues par rapport à la question de savoir si l’on est dans le cadre d’une obligation de moyen ou de résultat ? En droit sénégalais, la combinaison des articles 7 et 645 alinéas 1 du code des obligations civiles et commerciales permettent d’apporter une réponse précise. En effet, si l’article 7 offre une option au débiteur qui peut garantir au créancier l’exécution d’une obligation précise ou s’engager simplement à apporter tous les soins d’un bon père de famille à l’exécution de son obligation, l’article 645 alinéa 1 du code des obligations civiles et commerciales dispose clairement que tout transporteur est tenu de conduire le voyageur sain et sauf. En cette dernière occurrence, il est incontestable que l’obligation de sécurité peut être circonscrite en une obligation de résultat.

Cette conception qui permet d’arrimer l’obligation de sécurité à celle de résultat trouve un début d’explication d’une part en la professionnalisation du débiteur qui s’est spécialisé dans le transport et en a fait son activité principale. En conséquence, la relation de confi ance qui s’installe induit la dichotomie tra-ditionnelle admise entre le professionnel et le consommateur. Ce dernier bénéfi ciant d’une acception au terme de laquelle, la confi ance placée lui interdit une appréciation des moyens et de la qualité de l’engin utilisé par le débiteur. D’autre part, l’explication peut aussi être recherchée d’une manière géné-rale par rapport au comportement passif du voyageur qui outre l’obligation d’acquitter le prix du voyage doit s’abstenir de tout mouvement susceptible de créer un risque dans le transport.

Le contrat de transport consacre donc l’obligation de sécurité qui prend naissance à sa formation. Aussi tout naturellement il est usuel de se poser la question de savoir quand naît cette obligation ? En d’autres termes le débiteur est-il tenu à partir du moment où le voyageur s’est libéré de son obligation de payer le prix convenu ? Le constat est qu’une réponse affi rmative peut d’emblée occulter certaines situations où indéniablement, le débiteur serait dans l’impossibilité d’y répondre. Tel est le cas par exemple d’une situation précontractuelle où effectivement il y a un commencement d’exécution nécessitant un achat du titre de transport avec cependant un différé du commencement du voyage. Il faut bien considérer dans ce cas que le contrat est juridiquement acceptable, mais son effectivité pose bien des interrogations relativement à l’obligation de sécurité qui s’agrège intrinsèquement à la personne du voyageur, dés lors qu’il commence le voyage. En effet, l’absence de concordance entre la date de validité du contrat et le début de commence-ment du voyage commande à considérer dans cette hypothèse l’inexistence de l’obligation de sécurité. Les mêmes incertitudes interrogatives demeurent dans les hypothèses de transport où le voyageur subit des contraintes d’attente alors que le billet est effectivement acquitté. Il importe en effet de déterminer dans toutes ces hypothèses, le moment où effectivement le débiteur est tenu par cette obligation de sécurité.

Sur ces questions, le droit sénégalais ne se départit point des solutions dégagées prétorienne ment par le droit français. En ef-fet aux termes de l’alinéa 2 de l’article 645 du code des obliga-tions civiles et commerciales « l’obligation de sécurité pèse sur le transporteur dès l’instant où le voyageur accède au véhicule ou, le cas échéant, aux installations spécialement aménagées par le transporteur en vue du transport ». L’effectivité du contrat de transport se conçoit dans le cadre de l’accès au navire ou aux quais d’embarquement. Il s’agit là véritablement de principes de solution justes et acceptables à la défi nition du commencement de l’obligation de sécurité où le voyageur est en droit d’attendre que sa personne soit assurée d’éventuels risques du fait du con-trat qu’il a passé avec le transporteur.

Evidemment si l’on accepte que l’obligation de sécurité est assurée à partir de l’accès au navire ou aux quais, celle-ci ne saurait prospérer au delà à savoir à partir du moment où le voyageur a quitté le navire ou les emplacements prévus à son embarquement. Cette obligation de sécurité implique cependant à notre sens que le débiteur puisse exercer une surveillance sur le voyageur. Dans les hypothèses d’achat préalable de billet et (5) Solas (Safety of life at sea) du 1er décembre 1974.

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d’attente dans des emplacements prévus à cet effet, la rigueur de ce principe peut être quelque peu atténuée par la liberté d’aller et de venir du voyageur. C’est donc qu’il faut reconnaître l’ineffectivité de cette obligation dans le sens d’une interruption provisoire. C’est aller dans le sens de l’opposition de la respon-sabilité personnelle du transporteur à celle du voyageur dés lors que ce dernier ne s’est pas comporté en véritable bon père de famille dans sa liberté de mouvance.

6. Déterminants de la responsabilité du transporteur

maritime de passagers. La caractérisation des déterminants de la responsabilité peut être recherchée par rapport aux fac-teurs déclenchants de la mesure, par rapport aux spécifi cités de l’action en responsabilité. En cette occurrence, l’effectivité de l’obligation de prudence et de diligence est suffi sante à dégager la responsabilité du transporteur, d’autant plus qu’il appartiendra à la victime ou à ses ayants droits d’apporter la preuve du non-respect de cette obligation. Il faut cependant en toute hypo-thèse considérer l’événement accidentel. S’agit-il d’un accident individuel, isolé ou, au contraire, d’un accident collectif ? L’acci-dent collectif est sans aucun doute le déclenchant qui peut être imputé aisément au transporteur en apportant la preuve d’un dysfonctionnement de l’entreprise de transport. Cette situation est caractéristique du cas du naufrage du navire le “JOOLA”, où de facto la doctrine reconnaît l’imputation d’une présomption de faute à l’encontre du transporteur. Cette responsabilité affi r-mée et reconnue n’offre d’autre alternative au responsable que de prouver l’absence de faute personnelle ou de ses préposés. Ce qui pratiquement entraîne la perte des différentes limitations de responsabilité dés lors qu’il est apporté la preuve d’un dol ou de faute inexcusable de sa part, relativement au dommage cor-porel. Faute inexcusable appréciée en général comme le fait ou l’omission personnelle... commis témérairement et avec cons-cience qu’un dommage en résulterait probablement.

B. La faute : mauvaise exécution des obligations de navigabilité et de transportabilité

7. Notion de la faute. D’origine ancienne, cette notion peut être appréciée à travers le fait de faillir ou de manquer à quelque chose. Ce que défi nit le droit sénégalais comme le manquement à une obligation préexistante de quelque nature que ce soit (6). On voit ainsi qu’elle a un contenu très large et peut ne pas toujours être soutenue par la culpabilité. Il faut cependant noter que généralement cette conception de dé-faillance, faillite ou manquement est consubstantielle à la faute juridique. Dans cette perspective, il est impliqué une idée de sanction, de réprobation sociale à l’encontre du débiteur qui a manqué ou inexécuté son obligation. Dans cette logique l’on est amené indubitablement à émettre un jugement personnel qui en défi nitive est un jugement fondé sur la réalité en fonc-tion d’une valeur sociale acceptée ou attendue. Cette thèse est unanimement admise et en matière de responsabilité, que la faute traduit une défi nition subjective ou objective, il existe tou-jours le sentiment d’une culpabilité au moins sociale. Le man-quement à une obligation s’inscrit dans l’idée de faire quelque chose qu’on n’aurait pas dû faire ou de ne pas faire quelque chose qu’on aurait dû faire (7).

8. Défi nition de la faute. Si le droit français ne défi nit pas la faute (8), le droit sénégalais aux termes de l’article 119 du code des obligations civiles et commerciales la défi nit comme tout manquement à une obligation préexistante de quelque na-ture que ce soit. Cette défi nition large au contenu fl ou, voire malléable doit néanmoins à notre sens être rapprochée dans une acception large de la négligence et l’imprudence qui sont des fautes, ou de la référence au concept de bon père de fa-mille relativement à la détermination de la théorie de la faute contractuelle.

Il y a dans la caractérisation de la faute immanquablement une inclination à la révélation des traits négatifs dans le com-portement de l’auteur de la faute. Il s’agit de la recherche d’un standard qui permet de mesurer la distance entre le modèle dit normal et le déterminant dit fautif. En défi nitive, la faute souli-gne l’absence de diligence et de prudence, de raisonnabilité par rapport à une norme de comportement de l’agent impliqué à respecter ses obligations fondamentales inhérentes ou non au

(7) Aujourd’hui, le rôle de la faute dans le droit de la responsabilité civile pourrait être ainsi résumé : si elle occupe toujours une place essentielle en théorie, son importance pratique a considérablement décru. Le rôle théo-rique capital que conserve la faute en droit positif s’explique de plusieurs façons. D’une part, toute faute dommageable continue à avoir vocation à engager la responsabilité personnelle de son auteur ; et une faute simple suffi t en principe. Réciproquement la faute est, en principe, nécessaire pour mettre en oeuvre la responsabilité du fait personnel. Ces principes sont exprimés par le droit positif. Ils ne souffrent que de rares exceptions, dont la portée est d’ailleurs limitée. Dans le domaine de la responsabilité du fait personnel, il existe donc toujours un principe général de responsabilité civile pour faute ; la faute est le fondement de cette responsabilité. Le rôle de la faute demeure, d’autre part, important au stade de la contribution à la dette lorsqu’il existe plusieurs personnes obligées à la réparation du dom-mage. C’est la faute qui, bien souvent, fonde alors le recours du solvens. De même, dans les rapports entre le responsable et la victime, la faute de celle-ci conserve un effet partiellement exonératoire de responsabilité. Enfi n, dans la responsabilité du fait d’autrui, la faute semble demeurer au moins une condition de mise en oeuvre de la responsabilité, si elle n’en est plus toujours le fondement. Telle est spécialement le cas de la responsabilité délictuelle des commettants du fait de leurs préposés où la faute du préposé est exigée pour engendrer la responsabilité du commet-tant, même si le comportement de ce dernier est indifférent. Pourtant, ce rôle que conserve la faute dans les principes, est aujourd’hui en net recul au regard de ses applications pratiques. Les responsabilités indirectes du fait des choses et du fait d’autrui ne sont pas toutes fondées sur la faute du responsable, bien au contraire. On sait en effet que la jurisprudence a créé de toutes pièces un véritable principe général de responsabilité de plein droit du fait des choses, par une interprétation audacieuse. Quant aux responsabilités du fait d’autrui, elles peuvent souvent être engagées indépendamment de toute faute prouvée contre le responsable (cas du commettant notamment). Tout ceci confi rme la tendance objectiviste mar-quant l’évolution du droit de la responsabilité civile ; tendance qui, à n’en pas douter, se développera dans l’avenir. Ainsi, le domaine effectif de la responsabilité pour faute se restreint-il progressivement à mesure que la responsabilité objective gagne du terrain. Ceci au point que l’on a par-fois parlé de « principe de responsabilité subsidiaire », tellement est vaste aujourd’hui le domaine des responsabilités sans faute. De fait, il semble bien en effet que, désormais, la faute n’ait plus en pratique qu’un rôle de dernier recours des victimes qui ne peuvent se prévaloir de dispositions plus favorables. Mais, quoique subsidiaire, le principe de la responsabilité pour faute n’en demeure pas moins essentiel, car il constitue pour les victi-mes un minimum de protection que le droit leur assure pour la réparation de leurs dommages. D’ailleurs, dans la responsabilité contractuelle, la faute conserve un rôle essentiel à jouer. Et il en va de même en certains domai-nes (atteinte à un droit de la personnalité, concurrence déloyale...) où elle demeure la seule source de responsabilité.

(8) H. et L. Mazeaud et A. Tunc, Traité de la responsabilité civile, t. I, 6e éd. n° 380.(6) Art 119 du code des obligations civiles et commerciales du Sénégal.

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contrat engagé. C’est ce qu’exprime une doctrine autorisée en énonçant que la faute est une « erreur de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par la personne la plus avisée… » (9). Cette thèse est au demeurant partagée par la majeure partie de la doctrine (10), même si certains restent très hésitants sur la question de la disparition de l’élément subjectif d’imputabi-lité (11).

9. Appréciation et synthèse. En conclusion, la faute n’est autrement déterminée que par des devoirs ou obligations dont le manquement assoie la faute génératrice de responsabilité. Et l’on s’accorde à reconnaître que ces violations peuvent être classées en une obligation de résultat ou en une obligation de moyens. Et dans ce sens, l’écart de conduite serait beaucoup plus constitutive de l’obligation de moyen, car, relativement à l’obligation de résultat l’on est fondé à croire la faute présumée dés l’instant où l’obligation déterminée attendue n’est pas at-teinte. En défi nitive, la défi nition donnée par le droit sénéga-lais à savoir que la faute n’est autre qu’un manquement à une obligation préexistante de quelque nature que ce soit permet d’unifi er les thèses classiques et modernes qui ont été émises sur la faute. Même si cette défi nition creuse ne permet point d’occulter la controverse relative à la question de savoir si la faute doit ou non conserver une coloration morale ?

10. Ambiguïté d’une responsabilité contractuelle et délictuelle. Les obligations de résultat constituent la prémisse dans le droit positif de la responsabilité contractuelle. La con-vention qui lie les parties constitue un accord sur les éléments essentiels sur lesquels les cocontractants se sont accordés. Cha-cun devant remplir ses obligations sous peine de voir le contrat dénoncé. Et les stipulations contractuelles précisent l’issue, le résultat effectif, et non pas seulement les diligences mises en œuvre de part et d’autre pour arriver à une réelle satisfaction des parties. Dans ce champs contractuel, pèse donc sur le dé-biteur une obligation très lourde qui implique que le créancier soit tenu quelque peu à une réserve de non réciprocité tant que le débiteur ne se sera pas libéré de son obligation. Cette cons-tante se retrouve aussi dans le cadre de la responsabilité dans la mesure où le comportement incriminé et sanctionné repose sur la non exécution d’un devoir déterminé sans se préoccuper de savoir si le débiteur a oui ou non mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour s’accorder à la norme.

11. L’innavigabilité du “JOOLA” : une faute ? Le navire sénégalais était-il en état de prendre la mer ? En d’autres ter-mes, ce navire était-il complètement apte à exécuter le dépla-cement promis dans de bonnes conditions de sécurité tant pour le navire lui-même que pour les personnes et la marchandise ? A la navigabilité nautique, le rapport de la Commission d’en-

quête technique rendue le 4 novembre 2004 relève un grand nombre d’irrégularités (12). Ainsi le navire ne répondait à aucune des normes de sécurité prescrites en matière de navigabilité. En effet, la navigabilité implique que le navire détienne tous les certifi cats de sécurité (13) délivrés par la marine marchande sénégalaise. Au jour du naufrage le navire ne disposait d’aucun de ces titres de sécurité.

Relativement à la navigabilité commerciale, il convient de souligner que la capacité permise par le constructeur pour re-cevoir des passagers est de 580 passagers y compris les mem-bres d’équipage du navire. Or il découle des enquêtes de la Commission que le navire avait appareillé avec un chargement d’environ 1220 passagers estimé à 96,6 tonnes. Ce chiffre à notre sens ne tient pas compte des clandestins « resquilleurs » avec ou sans la complicité des membres de l’équipage. Ce que témoigne le bilan offi ciel de l’ordre de 1800 passagers, qui est contesté par certains, car devant être revu à la hausse.

Concernant le fret, la Commission a relevé après auditions et études des manifestes de chargement, qu’il n’y avait point de marchandises en cales et que toute la cargaison était disposée dans le garage à l’avant et dans les racks sans aucun système de saisisage conformément aux dispositions réglementaires, alors que ledit système existait. Il en est de même des quatre voitu-res légères à l’avant, un Pick up 4X4, un camion isotherme et un camion moyen pour un poids total estimé à trente tonnes, soit dans le garage un tonnage total de 55 tonnes.

A ce chargement, il faut additionner l’existence dans les fonds ou œuvres vives de 103,1 tonnes de combustibles, d’eau douce et de provision. Dans ces conditions, il faut souligner que le navire “JOOLA” avait une réserve de stabilité très faible, à peine supérieure aux minima imposés par l’Organisation Mari-time Internationale (OMI) concernant les critères de stabilité.

Le concept d’innavigabilité est à rebours de la navigabilité qui implique que le transporteur a exercé une diligence raison-nable pour mettre son navire en bon état pour naviguer en mer.

12. Vice caché du navire “JOOLA” ? Le rapport d’enquête technique série dans le temps et les causes du naufrage deux défaillances au niveau de la conception du navire. En effet, la Commission relève d’une part que tous les ballasts sont cen-traux, ce qui ne permet aucunement de redresser une gîte par un transfert ou embarquements de ballast. Et les seules citernes latérales sont réservées au combustible ; la capacité de la pompe de transfert installée sur ces tanks (2m3/heure) est très insuffi sante à redresser une éventuelle gîte. Elle note par

(9) (H. et L. Mazeaud et A. Tunc, Traité préc. n° 439. – Adde, H., L. et J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons, n° 453).

(10) Parmi lesquels, V. P. Esmein : RTD civ. 1933, p. 649. – G. Marty et P. Ray-naud, op. cit., M. Dejean de la Batie, Cours d’Aubry et Rau, préc. et Ap-préciation in abstracto et appréciation in concreto en droit civil français, . – Ph. Le Tourneau, op. cit., – A. Bénabent, – Rappr. B. Starck, H. Roland et L. Boyer, Droit civil, Obligations, librairies techniques, 4e éd., t. I, n° 279 et 307. – Adde, A. Rabut, A. Pirovano, M. Puech, J. Penneau.

(11) (G. Viney, op. cit., n° 444 in fi ne et 593. – J. Flour et J.-L. Aubert, op. cit., n° 601 s.).

(12) Ce rapport de la commission technique est consultable sur le site : www.Kassoumaye.com/

(13) Un acte d’immatriculation qui est en général composé d’un certifi cat ou titre de nationalité et d’un certifi cat d’origine ; un rôle d’équipage, un permis de navigation en cours de validité ; les certifi cats ou brevets de compétences des offi ciers ; un certifi cat de franc-bord ou d’exemption ; un certifi cat de sécurité matériel armement ; un certifi cat de sécurité in-cendie, un certifi cat de sécurité radio ; un certifi cat de sécurité de cons-truction ; un certifi cat de sécurité pour navire à passagers ; une licence d’exploitation radio ; un certifi cat international de jaugeage ; un certifi cat de classifi cation coque et machine ; un certifi cat MARPOL ; une patente de santé ; enfi n un certifi cat de dératisation et de désinsectisation.

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ailleurs que les hublots du pont principal sont si bas (franc-bord faible c’est-à-dire 1,008 m) qu’ils embarquent de l’eau à partir de 20° de gîte). Il est vrai par ailleurs que l’OMI exige aux navi-res passagers d’éviter d’avoir une gîte supérieure à 10° (critères de stabilité à l’état intact).

La question de l’innavigabilité du navire sénégalais relati-vement à une responsabilité du constructeur a bien été posée par la Commission chargée de l’enquête technique à la suite du naufrage. Il faut en effet comprendre qu’au titre de la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité, le vice caché afférent à l’in-navigabilité prend une importance considérable dans la mesure où il permet au transporteur d’apporter la preuve qu’il a mis en œuvre tous les moyens nécessaires, raisonnables à assurer la navigabilité du bateau. Ainsi dans cette perspective, seul le regard d’un expert ou du transporteur professionnel, qualifi é en la matière aurait pu poser la question de l’empêchement du navire de prendre la mer. Autrement, relativement à ce vice, on peut dire que le transporteur ne serait tenu qu’à une obligation de moyens qui lui permettrait de dégager sa responsabilité s’il en apportait la preuve. D’ailleurs ce qu’admet la Convention de Bruxelles aux termes de son article 4.

Les vices cachés qui ont été constatés par la Commission d’enquêtes sont ils de nature à exonérer le transporteur ? Rela-tivement à l’obligation de sécurité qui pèse sur le transporteur, obligation qui défi nit à la fois celle de moyens et de sécurité, la jurisprudence se positionne restrictivement quant à l’admission de ce vice caché, dés lors qu’il est apporté la preuve que le dé-biteur de l’obligation de transport maritime connaissait ou aurait pu connaître, au prix d’un examen simple et normal, le défaut dont souffrait le navire (14).

Le navire le “JOOLA” n’a bénéfi cie d’aucun des certifi cats de sécurité imposés par la loi et les conventions internationales. En effet, concrètement, il est admis que la production des certifi -cats des sociétés de classifi cation peut permettre au transpor-teur d’apporter la preuve que toutes les mesures diligentes et prudentes ont été consacrées pour assurer la sécurité du navire et donc sa navigabilité. Il faut cependant souligner qu’en doc-trine (15) comme en jurisprudence (16), la production des dits cer-tifi cats ne dégage pas de facto le débiteur de sa responsabilité. Il n’y a là qu’une présomption simple qui peut être aisément combattue, même si, la compétence et la technicité des so-ciétés de classifi cation rendent cette défense diffi cile. Il reste qu’une expertise permet néanmoins de la combattre (17).

Le navire le “JOOLA”, propriété de l’Etat du Sénégal est bien un navire de type transbordeur à passagers adapté aussi bien en navigation en rivière qu’en navigation maritime dans la li-mite de 84 nautiques, c’est-à-dire à 6 heures de la côte. A ce titre sa navigabilité impliquait le respect total des normes de sécurité en la matière. L’ampleur du naufrage jamais égalé à ce jour témoigne à la fois de disfonctionnement dans sa gestion, mais aussi d’irrespect total de la l’obligation générale de sécu-rité en transgressant toute la réglementation et les conventions signées par l’Etat sénégalais. A ce titre sa responsabilité est largement engagée et reconnue. Cette responsabilité politique doit cependant être dépassée, en posant la question de la mise en danger de la personne d’autrui. D’où l’affi rmation d’une res-ponsabilité pénale des personnes concernées.

II • Une responsabilité déclarée de l’Etat sénégalais

13. Faute inexcusable des autorités étatiques. Dans une allocution radiotélévisée (18), quelques jours après le nau-frage, le président de la république a reconnu publiquement la responsabilité de l’Etat sénégalais. Ce dernier est pleinement et entièrement responsable et toutes les mesures tendant à établir la vérité, ainsi que les modalités d’indemnisation et les sanctions à l’encontre des personnes reconnues coupables par la justice seront effectivement prises pour assurer aux victimes et à leurs ayants droits la reconnaissance de cet Etat. En procédant ainsi, la controverse sur la responsabilité n’avait plus lieu d’être, elle reposait sur la reconnaissance explicite de la faute étatique, faute au demeurant inexcusable qui excluait une hypothétique limitation de responsabilité. Le concept de faute inexcusable a trouvé une première application en droit aérien. Aujourd’hui la notion a un champs d’expression beaucoup plus large, car on la retrouve notamment en droit du travail, mais aussi en matière de législation sur les accidents de la route (19).

Dans le naufrage du “JOOLA” la faute inexcusable demeure le fondement de la responsabilité de l’Etat propriétaire et trans-porteur de passagers maritimes. Il convient cependant de souli-gner que sa détermination pose l’interrogation de son arrimage par rapport à un référentiel donné. En d’autres termes, la faute inexcusable doit elle relever d’une appréciation inhérente au fait que son auteur avait conscience du danger et de ses consé-quences, ou sa caractérisation doit elle être axée sur le modèle comportemental d’un individu normal placé dans les mêmes circonstances de la cause ? Plus juridiquement la faute inexcusa-ble doit elle être appréciée concrètement ou abstraitement ?

Le droit sénégalais qui en la matière ne diverge point du droit français va dans le sens d’une appréciation in concreto dans la mesure où l’obligation de sécurité qui commande la

(14) Se reporter, par exemple à l’abondante jurisprudence citée par Rodière, Traité, op. cit., t. II, n. 649, p. 286, note 6 ; en dernier lieu Rouen 27 oct. 1983, Saint-Dominique : Dr. mar. fr. 1984, p. 240, qui refuse de considé-rer comme un examen sérieux, une simple vérifi cation superfi cielle du navire).

(15) Rodière, Traité, op. cit, t. II, n. 650.(16) (exemple Rouen 8 nov. 1952 : Dr. mar. fr. 1953, p. 84.(17) (Cass. com. 30 nov. 1948 : Dr. mar. fr. 1950, p. 115) : « l’examen de l’instal-

lation par le Bureau Veritas, avant le chargement du navire, ne suffi t pas à démontrer la diligence raisonnable du transporteur, en vue de prévoir et d’empêcher tout accident ».Sur la question des vices cachés : M. de Juglart, Le vice de la chose en droit maritime : essai de synthèse : Dr. mar. fr. 1982, p. 67.)

(18) Le 1er Octobre 2002.(19) Cf. G. Brière de l’Isle, La faute inexcusable : D.S. 1970, chr. 73. - Y. Saint-

Jours, La notion de faute inexcusable en matière d’accidents du travail : J.C.P. 81, II, 19642, sous un arrêt de l’Ass. plén. 18 juill. 1980. – J. Caban-nes, Erreur de navigation et faute inexcusable du droit aérien : D.S. 1974, 48. – R. Rodière, La faute inexcusable du transporteur aérien : D.S. 1978, chr. 31).

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responsabilité du transporteur maritime impose la prise en con-sidération de tout facteur accidentogène, ce qui à notre sens implique la conscience du transporteur maritime. Une étude des décisions rendues dans le domaine de la faute inexcusable abonde dans le sens d’un parallélisme avec la faute lourde. Ce faisant la jurisprudence privilégie une appréciation in abstracto, la recherche de la conscience du danger n’est nullement utile à l’engagement de la responsabilité du transporteur maritime de passagers (20). En conséquence la question de l’évaluation de la lourde responsabilité qui pèse sur les autorités chargées de l’exploitation nautique et commerciale du JOOLA doit être posée (A). Cette responsabilité au demeurant classique qui peut déri-ver vers une responsabilité pénale, n’écarte point cependant la possibilité pour le législateur sénégalais réformer le code pénal pour incriminer la mise en péril de la personne d’autrui (B).

A. Variations théoriques d’une responsabilité pé-nale à une responsabilité politique

14 Faute civile et faute pénale. L’une des interrogations qui paraît capitale dans le naufrage du JOOLA est de savoir si les responsables qui ont été désignées et reconnues coupables ont oui ou non commis une faute pénale ou simplement une faute civile ? A notre avis, il est important de dissocier les deux notions. En effet, la faute pénale implique un paramétrage « personnel » relativement à la spécifi cité de chaque incrimina-tion. Ce qui au demeurant est à l’opposé d’une appréciation très large qu’on peut avoir de la faute civile. Il convient cependant de nuancer ce propos dans la mesure du rapprochement con-temporain de la faute pénale à la faute civile dans la caracté-risation des infractions involontaires aux termes du code pénal français où peuvent être poursuivis ceux qui par « maladresse, imprudence, inattention, négligence » ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements auront, selon les cas, commis un homicide ou causé une incapacité de travail. La généralité des termes utilisés bien que ne dérogeant point au sacro saint principe de la légalité des délits semble à notre sens consacrer une réelle corrélation à la faute civile (21), même si la doctrine criminaliste est relativement réservée (22) sur ce point. En défi nitive pour les opposants péna-listes, la faute pénale doit recevoir une appréciation concrète par opposition à une appréciation abstraite qui relèverait de la faute civile.

Relativement au naufrage du JOOLA, le rapprochement de la faute pénale de la faute civile ne nous incommode point. Il est vrai qu’en théorie et en logique juridique, cette confusion peut être utilement critiquée (23). Cependant on peut aussi lo-giquement admettre cette thèse dès lors qu’il est accepté au

pénal comme au civil, que toute attitude contraire à la norme générale de conduite prudente et diligente peut et doit être sanctionnée. Ainsi, la faute traduite comme un manquement à un devoir général exprimé unifi e cette dualité dans la mesure où l’on concevrait mal qu’un même comportement soit consi-déré au civil comme une imprudence, mais non au pénal. A ce titre l’inexcusabilitè du non respect des règles prudentielles les plus élémentaires en matière de transport maritime de passa-gers fonde plus que jamais la caractérisation et l’acceptation d’une faute pénale des autorités immédiates en charge de la gestion nautique et commerciale, et plus lointaine des autorités politiques par la mise en danger de la personne d’autrui.

15. A la recherche des responsables du naufrage du bateau “JOOLA”. Traditionnellement l’Etat constitue un abs-tractum susceptible cependant d’exercer un pouvoir de direc-tion et de coercition par le biais des différentes institutions qui le représentent. Sa fi nalité est la vocation générale, la satisfaction des intérêts supérieurs de la Nation. En ce sens l’engagement de sa responsabilité civile ou pénale paraît diffi cile en raison de la fi ction qu’il constitue. Si en théorie, il en est ainsi, la res-ponsabilité de l’Etat se dévoile cependant à travers ses organes représentatifs, qu’ils soient moraux ou à travers des personnes physiques travaillant au nom et pour le compte de cet Etat. L’Etat n’est donc pas de facto irresponsable, dans la mesure où la représentativité offre la possibilité de la reconnaissance de sa responsabilité. En l’espèce le démembrement institutionnel étatique est le ministère du transport et par défi nition le mi-nistre du transport chargé d’assurer le respect des mesures de sécurité en matière de transport, même si la gestion nautique et commerciale fut confi ée au ministère des forces armées. La responsabilité au demeurant politique, civile, voire subsidiaire-ment pénale, s’arrime donc en défi nitive par rapport à ce double commandement exercé sur le navire “JOOLA”.

Le ministre du transport avait la charge d’assurer la trans-portabilité des passagers et la navigabilité du bateau. Donc en défi nitive, de faire respecter les réglementations en vigueur relativement à la sécurité des personnes et des biens dans le domaine du transport. A ce titre la lourde mission qui pesait sur lui l’obligeait par rapport à sa fi nalité de service public d’infl uer fortement de son poids politique et de sa mission régalienne à l’effectivité des mesures sécuritaires, en s’opposant à la mise en service d’un navire qui ne répondait à aucune des normes de sécurité. Il faut en déduire qu’il a commis une faute et ceci de manière délibérée. Cette faute dont l’inexcusabilité fonde à notre sens la pénalité, est constitutive de la mise en danger de la personne d’autrui. L’objection selon laquelle le fait que la ges-tion ait été confi ée au ministère des forces armées ne saurait faire disparaître la pleine et entière responsabilité du ministre du transport. En effet, il est vrai qu’on peut ergoter dans l’esprit d’une certaine hiérarchisation et d’un classement des ministères (20) G. Légier, La faute inexcusable de la victime d’un accident de la circulation

régi par la loi du 5 juillet 1985, D.S. 1985, chr. 97). (21) Cass. civ., 18 déc. 1912 : S. 1914, 1, p. 249, note Morel ; DP 1915, 1, p. 17.

L’unité des fautes ne vaut toutefois que pour les infractions involontaires entraînant des dommages corporels, non pour les délits d’imprudence n’entraînant que des dommages matériels.

(22) C. Rokofyllos, Le concept de lésion et la répression de la délinquance par imprudence, LGDJ 1963. – A. Pirovano, Faute civile et faute pénale, LGDJ 1966. – Y. Hannequart, La responsabilité pénale de l’ingénieur, Liège 1959. – A. Chavanne, Le problème des délits involontaires : Rev. sc. crim. 1962, p. 241.

(23) Ph. Bonfi ls, L’action civile, Essai sur la nature juridique d’une institution, PUAM, 2000, n°335 et s., p. 383 et s. Du même auteur Commentaire, Cour de Cassation, 2e civ. 16 sept. 2003. Dalloz 2004, n° 11. p 721 et s. Cet arrêt aux dire de cette doctrine a consacré la dualité des fautes civile et pénale non intentionnelle. Confi rmant ainsi, la Loi du 10 juillet 2000 qui avait supprimé le principe d’identité des fautes pénale et civile même si sa portée avait pu sembler incertaine.

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dans le gouvernement, pour ainsi déclarer que le rôle dévolu à l’armée et donc l’utilisation du navire entrait dans un objectif plus global de sécurisation mais aussi de pacifi cation de la zone sud en rébellion depuis plus d’une quinzaine d’année. En con-séquence le défaut des certifi cats de sécurité et la mise en con-formité par rapport aux conventions internationales dépassaient logiquement, les élémentaires obligations d’assurer la sécurité du transport du ministère concerné. Ce faisant la responsabilité du ministre concerné ne saurait être engagée.

Cette analyse à notre avis ne peut être soutenue, tant il est vrai que si deux logiques peuvent s’affronter, la sécurité des biens et des personnes dans le domaine du transport en général prends une importance capitale qui ne saurait souffrir d’un privi-lège d’intérêt général supérieur du ministère des forces armées. Il ne saurait y avoir de variabilité d’importance des missions de service public dans un pays en voie de développement. La compétence primant, dés lors que l’on ne saurait défendre les intérêts de l’Etat par rapport à la spécifi cité du ministère, il faut prendre le courage de démissionner et non de cautionner un comportement politique coupable en fermant les yeux sur la navigabilité d’un navire défaillant (24).

16. Une responsabilité politique avérée. Il n’est plus be-soin de démontrer le rattachement de la faute commise par le ministre chargé du transport dans le cadre de ses fonctions. Cet-te infraction caractérisée pose indibutablement la question de sa responsabilité politique. En tant qu’entité appartenant à un gouvernement, on aurait pu poser la question d’une responsabi-lité plus que collective, tant, il ne s’agit point d’un seul ministère mais de deux ministères dont les agissements coupables ont été couverts par leur supérieur hiérarchique. Ce serait donc une démission du gouvernement en place et non simplement de la sanction des deux ministres, et ceci pour plus de cohérence et de lisibilité dans la gouvernance des affaires publiques. Poser cette interrogation relative à une sanction collégiale implique deux observations. Il faut en effet relever d’une part que cette pos-sibilité était offerte au Président de la République qui par cette décision prenait toute la mesure des incroyables dysfonctionne-ments et incompétences de l’action de son gouvernement. Par là même il déterminait sa responsabilité et démontrait à son peuple qui venait de le porter à la magistrature suprême, qu’il rompait avec la politique de ses prédécesseurs de clientélisme, de gabegie et d’incompétence notoire. Que la confi ance qu’il venait à peine de recevoir deux ans plus tôt s’inscrivait dans une relation de responsabilisation et de détermination dans la conduite d’une politique de satisfaction de l’intérêt général. Le limogeage et redéploiement des deux ministres responsables n’ont pas à notre avis opéré cette rupture nécessaire (25). Par ailleurs, il faut aussi souligner que l’opposition sénégalaise aurait pu se saisir de la question et appeler légalement à la démission du gouvernement devant l’insuffi sance des mesures prises par

le Chef de l’Etat. En effet, cette possibilité est ouverte dans le cadre de la Loi fondamentale sénégalaise en présentant une motion de censure. Dans cette optique, nous sommes fondé à croire que leur inaction est caractéristique d’une complicité dans le sens de la complicité d’une politique de démagogie et de protection des intérêts réciproques d’un aérophage politique aux dérives manifestes (26).

Les contours de cette responsabilité politique et pénale achevés soulèvent incontestablement l’urgence pour le législa-teur sénégalais de moderniser son code pénal en consacrant le délit de mise en danger de la personne d’autrui.

B. Réforme du Code pénal : incriminer la mise en péril de la personne d’autrui

17. Le délit de risques causés à autrui. Le droit Pénal sénégalais ne connaît pas du délit de mise en danger de la personne d’autrui. Introduit dans le dispositif répressif français, il est destiné à prévenir surtout l’insécurité routière et les acci-dents du travail. Ce délit de risques causés à autrui peut être défi ni comme le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infi rmité permanente par la violation mani-festement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Cette infraction nouvelle postule que la notion de risque puisse servir de point de départ à des poursuites. Cette position n’est pas nouvelle, car elle se manifestait déjà en droit pénal des affaires relativement au délit d’abus de biens sociaux à travers le risque d’exposition de la personne morale à des sanctions pénales ou fi scales. Ce qui est caractéristique à travers cette incrimination, est la déter-mination du comportement dangereux que ce dernier ait abouti conscencieusement ou non vers un objectif déterminé ou pas. Il y a donc une stigmatisation du caractère comportemental, peu importe le but d’atteinte effective à la vie ou à l’intégrité physique (27). En défi nitive, on peut dire que cette incrimination révèle une fonction pédagogique et une fonction de responsa-bilisation et cette infraction est consommée par le seul fait des comportements périlleux. Relativement au naufrage du JOOLA, cela concerne le fait d’affréter un navire sans aucun certifi cat de sécurité et en surcharge, comportement irresponsable de nature à porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui sans qu’il en résulte la mort ou des blessures graves.

18. La violation d’une obligation de sécurité ou de pru-dence. Le code de la marine marchande du Sénégal aux termes de son article 35 prévoit que les navires doivent être munis de titre de sécurité à savoir un permis de navigation et un certifi cat de franc-bord. Et ces navires doivent remplir relativement à la délivrance des dits certifi cats, des conditions techniques prévues par décrets, conditions qui sont examinées par des commissions de visite, dont la commission centrale de sécurité, la commis-sion de visite de mise en service, et la commission de visite

(26) Mady Marie Bouare, Le délit d’abus de biens sociaux : approche compara-tive critique de la transposition du droit français au Sénégal. Thèse, ANRT diffusion février 2004.

(27) P. Philippot, Les infractions de préventions, Thèse Nancy II, 1977.

(24) Les commissions de visite technique art 37 ; les visites de partance art 39 et les mesures d’interdiction d’appareiller art 40 du Code de la Marine marchande sénégalaise étaient applicables au Joola, c’est-à-dire que le ministère de l’équipement et des transports conservait ses prérogatives légales vis-à-vis de ce navire.

(25) Il faut cependant nuancer cette critique, dans la mesure où le 5 novembre 2OO2, le premier ministre et tout son gouvernement étaient démis de leurs fonctions.

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annuelle. Enfi n aux termes de l’article 39 du dit code, les navires peuvent être contrôlées à l’occasion de visite de partance.

Il y a donc tout un corpus juris, une réglementation effective qui détermine un ensemble d’obligation à fi nalité sécuritaire que l’armateur du “JOOLA” aurait dû respecter avant d’entamer les différentes rotations entre la région de la Casamance et de Dakar. En cela comparativement à l’élément légal du délit prévu par le droit français, la mise en danger des passagers du “JOOLA” est établie. Il faut en outre souligner que cette violation doit résulter d’un comportement manifeste. A ce titre, il faut dire d’une part que concernant la commission de visite de mise en service que cette dernière a pour fi nalité de vérifi er que le na-vire répond bien à toutes les règles de sécurité avant d’être mis en exploitation. Elle délivre les premiers certifi cats de sécurité, ensuite de quoi, elle rédige le rapport de mise en service dans lequel on trouve tous les éléments et équipements liés à la sé-curité du navire et se trouvant à son bord. Il s’agit d’un document de référence pour suivre l’évolution de la sécurité du navire. Ce document de visite de mise en service n’a pas été retrouvé dans le dossier de sécurité du navire. Par ailleurs, relativement à la commission de visite annuelle, celle-ci est chargée de l’examen des navires en vue du renouvellement éventuel des titres de sécurité. Or la Commission d’enquête a eu connaissance de six rapports de visites annuelles, ce qui laisse supposer que la visite n’était pas effectuée régulièrement. Cette commission conclut que pour son dernier voyage, le bateau le “JOOLA” a appareillé sans attendre la visite de la commission de sécurité.

Ces comportements dangereux des autorités chargées de la gestion nautique et commerciale du bateau “JOOLA” constituent des violations manifestes de la diligence et de la prudence in-hérentes à l’obligation spécifi que de sécurité du transporteur de passagers maritimes. En conséquence, il y a manifestement ex-position de la personne d’autrui à des blessures et dangers mor-tels. La qualifi cation de mise en danger est déterminée dans ce naufrage. Elle l’est d’autant plus que le commandant du navire ainsi que ses supérieurs connaissaient le risque qu’encourait le bateau relativement à la violation des dispositions sécuritaires spécifi ques au navire mais aussi à l’acharnement dans la gestion commerciale par une surcharge impensable. Le risque de voir ce bateau couler était réel, et celui de réel naufrage collectif des passagers effectif.

19. L’exposition d’autrui à risque de mort ou de bles-sures. Les différentes interrogations relatives au délit de mise en danger peuvent se résumer à la question de savoir s’il y a réellement mise en danger de la personne d’autrui. Sans doute il existe un risque à toute entreprise de transport, fut-il un transport maritime. En conséquent, ce risque est intrinsèque au contrat et l’obligation de sécurité et les mesures envisagées et prises effectivement ne peuvent l’obérer. Il faut de ce fait conclure que le risque zéro n’existe pas dans ce domaine. Une telle analyse à notre sens, ne prend pas à sa juste mesure les déterminants du contrat de transport maritime à savoir le glis-sement accepté des obligations de moyen et de résultat en une obligation plus lourde de sécurité. Cette dernière implique nonobstant l’aléa, le dépassement du risque normal, éventuel, par la prise en considération du risque anormal qui se défi nirait comme d’une extrême gravité, direct et immédiat du fait de la

conjonction du comportement dangereux du transporteur à des événements extérieurs qu’il ne maîtrise point. Il appert qu’en ce qui concerne ce naufrage le plus important à ce jour qu’est celui du “JOOLA”, qu’il faille aller dans le sens de la défi nition d’une présomption irréfragable de mise en danger de la per-sonne d’autrui. En cela nous allons manifestement dans le sens contraire de la jurisprudence au terme de laquelle l’exposition d’autrui à un risque mortel ne doit découler que de l’ensemble des circonstances de fait qui entourent cette violation au mo-ment même où elle a eu lieu et qu’il faut donc interpréter la gravité au cas par cas (28).

Si cette position est totalement admissible surtout en ma-tière de circulation routière et matière d’accident du travail, il faut à notre sens considérer que le transport maritime constitue un domaine spécial. En effet si l’on peut aisément dans ces do-maines maîtriser les éléments environnements, l’on peut diffi ci-lement y faire face en matière maritime. Il faut de ce fait redou-bler les diligence et prudence dans les tentatives de maîtrise de ses différents composants dans la mesure où la violation de la norme de prudence ou de sécurité est de nature à coup sur à créer un accident corporel. L’on n’ergote pas en terme de probabilité, mais de l’assurance effective de la survenance d’un accident mortel. Ainsi pour paraphraser un auteur célèbre, « Ce n’est pas une simple indiscipline que l’on cherche à sanctionner, mais un danger réel par l’indifférence volontaire aux valeurs sociales que manifeste l’agent (29).

20. Les autorités concernées peuvent être poursuivies pénalement. A l’image de l’histoire du sang contaminé que la France a connu la fameuse formule « responsables mais pas coupables » utilisée par les différentes autorités politiques in-criminées ne saurait être réitérée dans la tragédie du navire Joola. A notre entendement, la responsabilité n’emporte pas toujours la culpabilité. Mais tel n’est pas le cas dans le nau-frage du “JOOLA” où la responsabilité plus qu’avérée implique une culpabilité plus que corrélative. Que celle politique puisse être le limogeage ne saurait effacer la responsabilité pénale des concernées. Même si le droit sénégalais méconnaît le délit de mise en danger de la personne d’autrui, ce dernier peut dériver de la lourde responsabilité qui pèse sur les ministres des pays en voie de développement. En effet, dans ces pays, il y a une sorte de consécration et de l’offi cialisation de la compétence. Les meilleurs parmi les meilleurs, telle devrait être la devise, et fort logiquement rejeter le fatalisme culturel qui empêche de ne pouvoir poursuivre quelqu’un si manifestement il a manqué à ses obligations les plus essentielles et qui ont été constitutives non seulement de l’exposition de la personne d’autrui à une mort certaine, mais ont entraîné réellement la mort dans le plus grand naufrage du monde. Parce qu’ils ont méconnu toutes les mesures de prudence et de diligence, parce qu’ils ont méconnu les valeurs essentielles, le respect de la vie humaine, les auto-rités politiques doivent être considérées pénalement responsa-

(28) CA Douai, 26 oct.1994, Bull. inf.C.Cass.1994, p.1207 ; D.1995, Jur.p.172, note P. Couvrat et Massé) a relaxé le conducteur d’une voiture fi able et bien entretenue qui s’était rendu coupable d’un très grand excès de vi-tesse sur une autoroute déserte, rectiligne et sèche, en de bonnes condi-tions météorologiques.

(29) Y. Mayaud, la volonté à la lumière du nouveau code pénal, Mélanges Larguier, 1993, p.203.

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bles et encourir de lourdes sanctions. Effectivement, la prison, nonobstant l’indemnisation des victimes et les peines complé-mentaires d’interdiction d’exercice d’une activité politique nous paraissent légitimes. Ce faisant, il s’agit d’instaurer une réelle visibilité et transparence, un réel décodage des missions et des fonctions des élus de la République.

21. Les peines encourues. Dans la perspective de l’ins-tauration d’un délit de mise en danger de la personne d’autrui, il appartiendra au législateur des prévoir des sanctions très lour-des afi n d’éviter que pareil catastrophe ne puisse se reproduire au Sénégal. Aussi, il faut convenir que cette incrimination peut recouvrer un domaine d’application très large. Ainsi en sera-t-il dans le domaine du transport quel qu’il soit, de la protection de l’environnement du fait des industries chimiques qui ne respec-tent aucune norme de sécurité pour les populations environnan-tes, de la santé publique et enfi n dans le domaine de la construc-tion. Les personnes reconnues coupables pourront encourir une peine d’emprisonnement effective ainsi que de fortes amendes. Si aux termes d’une politique préventive, il est avéré que les mesures de prudence, diligence et de sécurité pour prévenir le risque potentiel n’ont pas été respectées, et que le résultat a en-traîné une mort d’homme ou des blessures, il faudra considérer l’aggravation des facteurs risques et sanctionner les personnes reconnues coupables beaucoup plus lourdement. A cette peine devra également s’ajouter obligatoirement l’interdiction d’exer-cer directement ou indirectement à titre défi nitif ou pour une durée déterminée une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales, voire des activités à titre d’élus politiques.

22. Epilogue Sénégalaise. Le 07 août 2003, le Procureur général prés la Cour d’appel de Dakar concluait à un non lieu de la procédure pénale déclanchée à la suite de la tragédie du “JOOLA” dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002 au motif que seul le Commandant du bateau était responsable. Ce dernier ayant péri dans le naufrage, l’action publique s’éteignait en con-séquence. Cette thèse ne nous satisfait point dans la mesure où il est aisément démontré d’une part que ce dernier était sous le commandement de la Marine nationale, et que d’autre part, c’est en connaissance de cause que le ministère du transport a laissé navigué un bateau dépourvu de tous les certifi cats de sécurité obligatoires en matière de transport maritime. Il en ré-sulte que ces responsables politiques pouvaient et devaient être poursuivies sous le fondement d’homicide et blessures involon-taires du fait d’une violation manifeste et délibérée d’une obli-gation de sécurité. Par ailleurs, même si notre analyse n’aborde point cet aspect, les responsables concernés relevaient aussi de l’incrimination pénale de défaut d’assistance de personnes en péril dans la mesure il est effectivement prouvé que les passa-gers du bateau suite au naufrage sont restés de 23 h à 6 h du matin sans être secourus.

23. Epilogue des Autorités Judiciaires Françaises. La Justice française a été saisie par les familles des victimes fran-çaises en 2003 et a ouvert une instruction du chef d’homici-des involontaires et non assistance à personne en péril. Le 13 septembre 2008, le juge d’instruction français du Tribunal de Grande Instance d’Evry a lancé des mandats d’arrêt contre des personnalités sénégalaises, dont un ex-Premier ministre, dans le cadre de l’information judiciaire ouverte en France sur le nau-

frage du “JOOLA” à la suite de la plainte de familles de victimes françaises de ce drame.

Il faut à notre sens considérer deux arguments d’importance dans cette affaire à savoir d’une part la question de la Con-vention d’entraide judiciaire du 29 mars 1974 qui lie la France au Sénégal et d’autre part la question de la compétence d’une juridiction française dans le naufrage du “JOOLA”. S’agissant de la première, le constat est que à plusieurs reprises, les Autorités sénégalaises ont refusé l’exécution des commissions rogatoires internationales délivrées le 21 novembre 2003 et le 10 juin 2005 en invoquant une atteinte portée à la souveraineté, la sécurité et l’ordre public du Sénégal. Argument au demeurant recevable puisque prévus par la Convention de 1974. Et fi nale-ment, quant le Sénégal a autorisé le juge d’instruction à se ren-dre au Sénégal du 14 au 18 janvier 2008, ce juge n’a pu à cette occasion, effectuer tous les actes d’enquête envisagés et au sujet de desquels, il avait reçu des assurances. S’agissant en se-cond lieu de la compétence des juridictions françaises, il résulte de l’article 689 du Code de procédure pénale et l’article 113 ali-néa 7 du Code pénal que les auteurs ou complices d’infractions commises hors du territoire français peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises lorsque la Loi française est applicable. En droit français, seule la qualité de Français de la victime directe de l’infraction commise à l’étranger en l’espèce la compétence personnelle passive, attribue donc compétence aux lois et juridictions françaises.

C’est dans ce contexte que le juge d’instruction, afi n de pour-suivre son enquête a délivré neuf mandats d’arrêt. Il s’agit d’une décision strictement judiciaire et qui trouve un fondement dans le fait que le juge d’instruction français a la compétence de décerner des mandats d’arrêt internationaux aux personnes visées dans la plainte des familles de victimes, surtout lorsque ces personnes n’ont jamais déféré à ses convocations. En effet, il résulte de l’ar-ticle 131 du Code de procédure pénale français que si la personne est en fuite ou si elle réside hors du territoire de la République française, le juge d’instruction, après avis du Procureur, peut dé-cerner contre elle un mandat d’arrêt si le fait comporte une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave.

24. Quid de la suite de ces mandats d’arrêts interna-tionaux ? A l’analyse du droit positif sénégalais deux obstacles s’opposent à l’exécution de ces mandats. Ils relèvent d’une part du fait que la hiérarchisation du Parquet sénégalais et le fort lien de dépendance du Procureur général prés la Cour d’Appel de Dakar, au ministre de la Justice constituent une limite exécutoire à cet ordre donné à la force publique de rechercher la personne désignée et de la conduire à la maison d’arrêt désignée dans le mandat. D’autre part, aussi bien le droit sénégalais que le droit français s’oppose à ce que leur propre citoyen puisse faire l’ob-jet d’une extradition relativement à une infraction commise sur leur propre territoire en invoquant la nationalité de la victime du pays demandeur. Il faut en conclure l’impossibilité d’exécuter ces mandats tant que les personnes visées demeureront sur le territoire sénégalais. Leur fi nalité n’est donc en défi nitive que de régler la procédure entamée sans que les personnes visées par ces mandats aient été entendues. En cela même, le juge d’ins-truction reste dans son offi ce qui est de pourvoir à la diligence de toutes les mesures nécessaires pour entendre les personnes concernées et à défaut justifi er de la délivrance d’un mandat d’arrêt qui n’a pas prospéré. ■

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BIBLIOGRAPHIE

DISPOSITIONS SPECIFIQUES SENEGALAISES

Loi 63-22 du 07 mars 1963 portant Constitution sénégalaise.Loi 63-62 du 10 juillet 1963 portant Code des obligations civiles

et commerciales.Loi 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal.Loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale.Loi 66-70 du 13 juillet 1966 portant Code des obligations relati-

ves aux contrats spéciaux.

BIBLIOGRAPHIE GENERALE

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Les grandes infrastructures de transport (aérodromes, ports, canaux, autoroutes, voies ferrées...) sont indispensables à tou-tes les économies nationales, et sont réalisées et exploités par l’Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics ou concédées à des entités de droit public ou de droit privé.

En matière portuaire, l’Etat s’est intéressé aux concessions d’outillage public principalement à partir de la circulaire ministé-rielle du 30 janvier 1915 à laquelle étaient annexés des cahiers des charges type, qui n’avaient pas de valeur réglementaire. A diverses reprises ces documents ont été modifi és, mais n’ont jamais reçu de consécration législative ou réglementaire. C’est également le cas pour le cahier des charges type des conces-sions de ports de plaisance annexé à la circulaire ministérielle n° 69 du 29 décembre 1965.

Le Code des ports maritimes a toutefois prévu une procédure d’instruction (1) préalable à l’octroi des concessions d’aménage-ment et d’exploitation d’outillage public portuaire ou de ports de plaisance, à laquelle s’ajoute la procédure relative à l’octroi des délégations de service public résultant de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifi ée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (dite « loi Sapin »).

La notion de concession est parfois galvaudée, de simples autorisations d’occupation du domaine public sont qualifi ées à tort de « concessions » (2), sauf lorsque la convention confère également la gestion d’un service public (3). Dans les ports ma-ritimes, les autorisations d’outillage privé avec obligations de service public ne sont pas des concessions, il s’agit en pratique d’équipements utilisés pour les besoins propres du pétitionnai-re, lequel peut les mettre occasionnellement à la disposition du public. Il n’y a pas dans cette hypothèse de service public organisé.

En l’absence de défi nition précise de la concession d’outilla-ge public portuaire, c’est la jurisprudence qui contribue à clarifi er ce concept.

I • La notion de concession

Les juridictions tant administratives que judiciaires ne sont jamais tenues par la qualifi cation donnée par les parties, il revient au juge d’en vérifi er le bien-fondé. Les concessions, comme les affermages et leurs sous-traités font partie de la catégorie des délégations de service public.

(1) Art. R 122-8 et R 122-9, R 132-1, R 141-2, R 611-2, R 623-2 du Code des ports maritimes.

Les concessions portuaires

par ■ Robert RÉZENTHELDocteur en droitChargé de cours à l’Université de Lille II

SummaryContrary to appearances, the concept of port concession is poorly defi ned and is therefore often overused. Nevertheless, Case

law tries to bring a little more clarity. A better understanding of the legal environment of this contract and its proper management in port environment require to better defi ne its purpose and scope, better specify its duration and its fi nancial conditions, and better organize the details of its extinction at the end of the contract.

(2) CAA Marseille 5 juin 2008 – C.C.I d’Avignon et de Vaucluse – req. n°06MA01656

(3) CAA Bordeaux 4 septembre 2008 – C.C.I de Rochefort et de Saintonge – req. n° 05BX01758

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Selon l’article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifi ée, « Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confi e la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».

Ce texte fi xe la ligne de partage entre la concession et le marché public. Le mode de fi nancement du prestataire de servi-ces et la prise de risques liée à l’exploitation constituent les prin-cipaux critères de distinction entre la concession et le marché public. La rémunération substantielle versée par les usagers (4) sous la forme d’une redevance caractérise la délégation de ser-vice public, et donc la concession. Les ressources de la conces-sion peuvent provenir pour partie des subventions accordées au concessionnaire par des tiers (5).

Le fait de confi er l’exploitation d’ouvrages existants à un tiers constitue une convention d’affermage (6). Ainsi, le renouvelle-ment d’une concession sans obligation de construire de nou-veaux ouvrages doit être qualifi é d’affermage. La courte durée d’exploitation d’un ouvrage public peut également constituer un critère de l’affermage (7).

Pour sa part, le marché public donne lieu au paiement de la prestation par le maître d’ouvrage ou la personne publique bénéfi ciaire, et non par des tiers. C’est ainsi qu’une concession a été requalifi ée en marché public par le juge (8).

La jurisprudence communautaire adopte les mêmes critères de distinction que la jurisprudence interne française. C’est ainsi que la Cour de justice des communautés a jugé que : « La dif-férence entre un marché de services et une concession de ser-vices réside dans la contrepartie de la prestation de services (9). «Un marché public de services» au sens des directives 2004/18 et 2004/17 comporte une contrepartie qui est payée directe-ment par le pouvoir adjudicateur au prestataire de services (10). L’on est en présence d’une concession de services lorsque le mode de rémunération convenu tient dans le droit d’exploiter le service et que le prestataire prend en charge le risque lié à l’ex-ploitation des services en question (11) » (12). Nous verrons que malgré la distinction entre les deux catégories de conventions, certaines règles communes leur sont applicables.

Il convient également de distinguer la concession par rap-port à la convention de terminal (ou d’exploitation de terminal). Tandis que dans la première hypothèse, il y a nécessairement

aménagement d’ouvrages publics ou exploitation d’un service public, dans le cas du terminal, l’exploitant assure une activité purement industrielle (la manutention) qui ne constitue pas en principe une activité de service public (13).

Enfi n, la concession se distingue de la convention de parte-nariat « public-privé » résultant de l’Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 modifi ée. Selon l’article 1er de ce texte : « Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l’Etat ou un établissement public de l’Etat confi e à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d’amortisse-ment des investissements ou des modalités de fi nancement re-tenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur fi nancement à l’exception de toute participation au capital. Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la concep-tion de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée... La rémunération du cocontractant fait l’objet d’un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle est liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant. Le contrat de partenariat peut prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l’usager fi nal de prestations revenant à cette dernière ». Ces contrats de partenariat sont des marchés publics ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat (14).

Ajoutons que récemment, à propos de la notion de conces-sion, le Tribunal administratif de Nice a jugé (15) que l’agrément d’une entreprise de lamanage par le directeur du port cons-tituait une délégation de service public, donc une concession ou un affermage. En réalité, selon le Conseil d’Etat (16), c’est la forme juridique de l’agrément qui détermine son régime, ainsi lorsqu’il est accordé par une décision unilatérale il s’agit en prin-cipe d’une mesure de police, tandis que lorsqu’il résulte d’une convention, c’est une délégation de service public.

L’environnement juridique de la concession est sur certains aspects commun à d’autres contrats d’occupation du domaine public portuaire.

II • L’environnement juridique de la con-cession

La concession est un contrat administratif soumis aux princi-pes généraux de cette catégorie de contrats, avec la particula-rité que le droit d’exploiter un service public ou de réaliser des ouvrages publics donne lieu à une autorisation d’occupation du domaine public portuaire.

(4) CE 30 juin 1999 – syndicat mixte du traitement des ordures ménagères Centre-Ouest, Seine-Marnais – Rec. p. 229.

(5) CE 20 octobre 2006 – Commune de Andeville – req. n° 289234.(6) CE 29 avril 1987 – Commune d’Elancourt – Rec. p. 153. (7) CE 3 juin 1987 – société nîmoise de tauromachie et de spectacles – LPA

15 juin 1988.(8) CE 11 décembre 1963 – Ville de Colombes – Rec. p. 612. (9) CJCE 10 septembre 2009, WAZV Gotha, C-206/08, point 51.(10) CJCE 13 octobre 2005, Parking Brixen, C-458/03, Rec. p. I-8585, point 39.(11) CJCE 13 novembre 2008, Commission/Italie, C-437/07, points 29 et 31.(12) CJCE 15 octobre 2009 – Acoset SpA – C-196/08, point 39.

(13) Avis CE Sect. Trav. Public. 14 avril 2009.(14) CE 29 octobre 2004 – Jean-Pierre R... - req. n° 26981. (15) TA Nice 7 juillet 2009 – SARL Service maritime du port de Nice e.a.- req.

n° 0603279, DMF 2009 p. 856 note R. Rézenthel. (16) CE 22 mars 2000 – M et Mme Lucien X... - req. n° 207804.

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En droit interne, la liberté de choix du concessionnaire cons-titue depuis longtemps l’un des grands principes du régime de la concession (17), et le juge administratif a considéré (18) que les dispositions relatives au droit de la concurrence étaient sans effet sur le maintien en vigueur de ce principe. Toutefois, les règles de transparence et de mise en concurrence ont été es-sentiellement imposées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifi ée, avec une exception importante, à savoir que selon l’article 41 b) de ce texte les règles relatives aux délégations de service public ne s’appliquent pas, en particulier la mise en concurrence : « Lorsque ce service est confi é à un établisse-ment public sur lequel la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de ses activités pour elle et à condition que l’activité déléguée fi gure expressément dans les statuts de l’établissement ».

La jurisprudence communautaire rappelle que si les conces-sions ne sont pas soumises aux règles des marchés publics, elles doivent néanmoins respecter le droit de la concurrence et l’obligation de transparence (19). L’exception prévue en droit interne au profi t des établissements publics, au premier rang desquels il y a les chambres de commerce et d’industrie con-cessionnaires de l’outillage public, connaît des limites. En effet, dans les ports à gestion décentralisée, ces établissements relè-vent de l’Etat et la collectivité territoriale n’exerce pas un pou-voir de tutelle sur ces derniers. En outre, en cas de transfert sans mise en concurrence de la concession portuaire à une société portuaire, ainsi que le permet l’article 35 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, encore faut-il que l’intégralité du capital soit détenu par des personnes de droit public (20). Or, récemment, la Cour de Justice a estimé que si en cours de contrat, le capital de l’en-treprise concessionnaire (ou titulaire d’un marché public) était ouvert, même partiellement, aux actionnaires privés, la mise en concurrence devenait obligatoire tant que le contrat n’est pas arrivé à expiration (21).

En tout état de cause, dès lors que selon l’article L 410-1 du Code de commerce, les règles relatives à la concurrence : « s’appliquent à toutes les activités de production, de distribu-tion et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délé-gation de service public », il est interdit aux concessionnaires de pratiquer un abus de position dominante (par exemple sur les tarifs) ou des ententes illicites par la conclusion de contrats d’exclusivité (22).

Pour la réalisation des travaux dans le cadre de la conces-sion d’outillage public ou de port de plaisance, le concession-naire est soumis à la procédure d’instruction de droit commun :

permis de construire pour les superstructures, et en tant que de besoin, l’étude d’impact, l’enquête publique, l’autorisation ou la déclaration au titre de la loi sur l’eau, consultation du conseil portuaire sauf dans les ports maritimes non autonomes ou dans les grands ports maritimes.

Il convient de souligner la situation singulière imposée par la loi n° 2008-660 du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, en tant qu’elle interdit aux grands ports maritimes de posséder à l’avenir des outillages publics (dont les « biens de retour » concédés), et par voie de conséquence, d’accorder des conces-sions d’outillage public. Il s’agit d’une mesure qui pénalisera les chargeurs et les entreprises de manutention en cas de carence du secteur privé pour la gestion des grands équipements de manutention.

III • La gestion des concessions portuaires

Le recours à la concession n’est pas systématique, certains outillages publics peuvent donner lieu à des autorisations d’oc-cupation temporaire du domaine public dès lors que leur gestion n’intervient pas dans le cadre d’un service public. Cette faculté de choix a été reconnue (23) par le Conseil d’Etat pour l’exploita-tion d’une forme de radoub et de ses abords. Les conventions d’exploitation de terminal (ou de terminal) peuvent également permettre l’exploitation des outillages publics par l’opérateur, en même temps qu’il utilise ses outillages privés.

Contrairement aux concessions aéroportuaires soumises à un cahier des charges type approuvé par voie réglementaire, le concédant d’outillage public portuaire et de port de plaisance dispose d’une liberté assez étendue pour établir le cahier des charges de la concession.

1 – L’objet et le périmètre de la concession

Il convient de défi nir un objet ni trop étroit, ni trop large. L’étendue des missions confi ées au concessionnaire ne doit pas être détaillée à l’excès. Il est possible de faire le parallèle avec la « spécialité » des établissements publics, à propos de laquelle le Conseil d’Etat a admis que des missions complémentaires pouvaient être implicitement admises (24).

Il y a lieu de considérer que le concessionnaire de l’outillage public dans un port maritime ou fl uvial ne saurait avoir l’exclu-sivité de l’exploitation des outillages portuaires. Les entreprises de manutention ne sont pas tenues d’utiliser l’outillage public, mais l’usage d’outillages privés peut être soumis à des mesures de police ayant pour objet d’assurer la sécurité des personnes et des biens sur le port.

Le périmètre de la concession contribue à déterminer les ouvrages concédés, circonstance qui permet de défi nir les

(23) CE 10 juin 2009 – Port autonome de Marseille – req. n° 317671.(24) Avis CE Ass. 7 juillet 1994 annexé à l’étude de S.Rodriguez sur l’ « Ac-

tualité du principe de spécialité des entreprises publiques » - RFDA 1994 p. 1146.

(17) CE 16 avril 1986 – C.L.T – Rec. p.97. (18) CE 23 juillet 1993 – Compagnie générale des eaux – Rec. p. 226. (19) CJCE 6 avril 2006 – ANAV – C-410/04 point 21. (20) CJCE 15 octobre 2005 – Parking Brixen GmbH – C-231/03 point 58.(21) CJCE 10 septembre 2009 – Société SEA – C-573/07 point 53 ; « Les sociétés

portuaires fragilisées par la jurisprudence communautaire » R. Rézenthel – JMM 18 septembre 2009 p. 11.

(22) Cass. Com. 7 juillet 2009 – société Lafarge ciments – pourvois n° 08-15609 et 08-16094.

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responsabilités en cas de dommages. La concession doit être exploitée sur des terrains appartenant au gestionnaire du port (autorité concédante), mais pas obligatoirement à l’intérieur des limites administratives du port. Lorsque le périmètre concédé se situe à la fois sur le domaine public et sur le domaine privé, ce sont les règles de la domanialité publique qui s’appliquent pour l’ensemble de la concession (25).

2 – La durée des concessions

L’article R 631-3 du Code des ports maritimes dispose que : « Les concessions d’établissement ou d’exploitation d’infras-tructures ou de superstructures portuaires ne peuvent être con-senties pour une durée supérieure à cinquante ans. Les autres concessions, conventions et autorisations d’occupation de toute nature du domaine public ne peuvent être consenties pour une durée supérieure à trente-cinq ans ». Ce texte appelle deux re-marques, d’une part, il est inclus dans le livre VI du code des ports maritimes consacré aux ports relevant des collectivités ter-ritoriales ou de leurs groupements, et d’autre part, il ne saurait primer les dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifi ée. Il résulte en effet de l’article 40 de cette loi que : « Les conventions de délégation de service public doivent être limi-tées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l’investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d’amortissement des installations mises en œuvre ».

Le texte poursuit : « Une délégation de service public ne peut être prolongée que :

a) Pour des motifs d’intérêt général. La durée de la prolon-gation ne peut alors excéder un an ;

b) Lorsque le délégataire est contraint, pour la bonne exécu-tion du service public ou l’extension de son champ géo-graphique et à la demande du délégant, de réaliser des investissements matériels non prévus au contrat initial, de nature à modifi er l’économie générale de la déléga-tion et qui ne pourraient être amortis pendant la durée de la convention restant à courir que par une augmenta-tion de prix manifestement excessive ».

Le législateur a voulu éviter la création de rentes de situa-tion qui favoriseraient les concessionnaires en place. C’est éga-lement la position de la Cour de justice des communautés qui a estimé (26) qu’une concession d’une durée de vingt ans ne pou-vait pas être prorogée pour une durée de dix ans.

La question s’est posée de savoir si les limites de la durée des conventions fi xées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifi ée s’appliquaient aux contrats de concession en vigueur à cette époque. Le Conseil d’Etat a jugé (27) qu’il y avait lieu de ne pas porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle,

mais que l’application des normes nouvelles aux contrats en cours est envisageable s’il existe un motif d’intérêt général suf-fi sant lié à un impératif d’ordre public. La Haute Juridiction a considéré que la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 modifi ée « répond à un impératif d’ordre public qui est de garantir, par une remise en concurrence périodique, la liberté d’accès des opérateurs économiques aux contrats de délégation de service public et la transparence des procédures de passation », et que cet impératif implique « non seulement qu’aucune stipulation relative à la durée du contrat, convenue entre les parties après la date d’entrée en vigueur de la loi, ne peut méconnaître les exigences prévues par son article 40, mais en outre, que les clauses d’une convention de délégation de service public qui auraient pour effet de permettre son exécution pour une durée restant à courir, à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi, excédant la durée maximale autorisée par la loi, ne peuvent plus être régulièrement mises en œuvre au-delà de la date à laquelle cette durée maximale est atteinte » (28).

3 – Les aspects fi nanciers de la concession

En règle générale, le cahier des charges des concessions d’outillage public ou de port de plaisance met les travaux d’amé-nagement et d’entretien à la charge du concessionnaire. Tou-tefois, certaines charges ne peuvent pas incomber au conces-sionnaire, comme l’intervention de la police nationale ou de la gendarmerie (29) ou les contrôles douaniers (30) ou sanitaires (31).

Le concessionnaire verse de surcroît au concédant une re-devance, qui, outre un terme fi xe, peut comporter un terme variable eu égard au volume d’activité réalisé ou au chiffre d’af-faires.

S’il a été jugé qu’une redevance d’occupation du domaine public ne constitue pas nécessairement la contrepartie d’un ser-vice rendu, elle doit cependant prendre en compte les avanta-ges (32) dont bénéfi cient les occupants en raison de leur locali-sation près des ouvrages d’infrastructure. Une redevance très faible (33) pourrait être considérée comme une aide d’Etat (34) au sens du traité CE, tandis qu’une redevance élevée pourrait être qualifi ée d’abus de position dominante.

Le concessionnaire peut à son tour percevoir une redevance d’occupation de la part de ses sous-traitants et des occupants du domaine concédé, de même qu’il perçoit les redevances d’usage des outillages publics concédés. Le barème de ces re-devances est approuvé à l’issue d’une instruction administrative

(28) CE Ass. 8 avril 2009 – compagnie générale des eaux – req. n° 271737. (29) CE Ass. 30 octobre 1996 – Christine Wajs – req. n° 136071 et 142688 ;

pour l’exercice de la police municipale (CAA Marseille 30 avril 2003 – Compagnie générale de stationnement – req. n° 99MA01946).

(30) CJCE 11 août 1995 – Société Edouard Dubois et fi ls – aff. n° C-16/94, Rec. p. I-2421 points 18 et 19.

(31) CJCE 5 février 1976 – Bresciani – aff. n° 87/75, Rec. p. 129 point 10. (32) CE 10 février 1978 - ministre de l’économie et des fi nances c/ Scudier

- Rec. p. 66.(33) Une redevance symbolique constitue un revenu au regard du droit fi scal,

elle justifi e l’assujettissement de l’occupant à la taxe foncière (CE 16 no-vembre 1998 - ministre de la mer c/ Commune d’Arcachon - recours n° 47.685 et 47.741).

(34) A propos du port de Cruxhaven (Allemagne) - Décision de la Commission n° 85/515/CEE du 11 février 1987 - JOCE. n° L 295 du 20 octobre 1987 p. 25.

(25) L’ensemble des terrains aménagés pour l’exploitation de la concession font partie du domaine public (Avis CE sect. Int. Et T.P du 31 janvier 1995 – EDCE 1995, n° 47, p. 407.

(26) CJCE 9 mars 2006 – Commission c/ Espagne – C-323/03 point 44. (27) CE 29 novembre 2002 – commune de Barcarès c/ M. Attal – DMF 2003 p.

617 note R. Rézenthel et A. Lemonnier de Gouville.

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comportant l’avis du conseil portuaire dans les ports non auto-nomes, il a un caractère réglementaire (35).

Le contrôle du barème des tarifs d’usage des outillages pu-blics par le concédant doit être fondé sur le respect de l’intérêt général, un refus d’homologation ne saurait être justifi é par le niveau « suffi sant » de la rémunération du concessionnaire (36).

Certains aspects fi nanciers peuvent apparaître en fi n de la convention à l’occasion du rachat ou du retrait de la conces-sion.

4 – L’échéance des concessions portuaires

Le terme fi xé par le cahier des charges détermine la fi n de la concession. Toutefois, celle-ci peut être anticipée soit pour un motif d’intérêt général, soit à titre de sanction en cas de faute grave de la part du concessionnaire. Dans la première hypo-thèse, il n’y a pas lieu d’entendre le point de vue du concession-naire, car il ne lui revient pas de discuter du bien-fondé du motif d’intérêt général, en revanche, dans la seconde hypothèse, il s’agit d’une sanction, et il y a lieu pour le concédant de respecter les droits de la défense en invitant le concessionnaire à exposer son point de vue avant de prendre la décision de retrait.

La fi n de la concession implique l’exécution de plusieurs obli-gations. Si le cahier des charges le prévoit, le concessionnaire peut être tenu de remettre les lieux dans leur état initial ; il doit céder les biens de reprise si le concédant en fait la demande (37). Dans l’hypothèse où la concession se poursuit avec un autre concessionnaire, le concessionnaire initial peut supporter la re-mise en état des ouvrages.

En cas de résiliation anticipée de la convention, le conces-sionnaire a le droit en principe à une indemnité de rachat. Celle-ci correspond en règle générale à la moyenne des sept derniers exercices comptables (avant le retrait) déduction faite des deux moins bons. L’annuité ainsi obtenue est versée au concession-naire jusqu’au terme initialement prévu de la concession.

Sauf lorsque le retrait intervient pour faute du concession-naire, le concédant supporte les annuités d’emprunts (souscrits dans l’intérêt de la concession) restant à courir. En outre, le con-cédant doit reprendre le personnel (38) affecté à la concession en application de l’article L 1224-1 du Code du travail.

La question se pose en fi n de concession de la situation des sous-traités. En principe ils arrivent à expiration en même temps que la concession, toutefois l’article 21 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 relative à l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés autorise, avec l’accord du concédant, la conclusion de droits d’une durée excédant celle de la convention de délégation de service public. Ce texte a pour objectif d’encourager le fi nancement d’ouvrages réalisés sur le domaine public, dans l’intérêt des services publics locaux (39).

A la suite de la décentralisation résultant de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 modifi ée, les collectivités territoriales ou leurs groupements ont été substitués à l’Etat pour la gestion des ports maritimes, et par voie de conséquence, ont perdu la qualité de concessionnaire lorsqu’ils l’étaient. La Cour admi-nistrative d’appel de Marseille a jugé que malgré la disparition du concessionnaire, les contrats de sous-traités subsistaient (40). Cette position avait été défendue par le Professeur Jean Dufau, considérant que le législateur n’a pas voulu porter atteinte à l’existence des contrats.

CONCLUSION

Le régime de la concession constitue depuis longtemps une forme de partenariat « public-privé », mais aujourd’hui, sous l’infl uence du droit communautaire, et des règles de l’économie de marché, il y a lieu de le faire évoluer.

Le partenariat ne peut être envisagé que dans le contexte d’un rapport de force équilibré. Les grands investisseurs, surtout dans le domaine portuaire, ne sont pas attachés à un marché national, leurs interventions sont planétaires. De plus, alors que la concession fait peser un contrôle étroit sur les activités concé-dées, la différence de culture et d’expérience entre le concédant et le concessionnaire peut être une source de confl it entre eux.

La convention de terminal instaurée dans les pays de l’Eu-rope du Nord et utilisée à présent dans les grands ports ma-ritimes français, a pour vocation de répondre à l’attente des opérateurs, c’est-à-dire la reconnaissance d’une véritable auto-nomie de gestion, sous réserve toutefois du respect du droit de la concurrence. ■

(39) « L’extension des autorisations domaniales dans les ports maritimes » R. Rézenthel – Rev. « Les annales de la voirie » 2009 – n° 136 – juillet/août – p. 21.

(40) CAA Marseille 15 mai 2003 – Commune de Saint-Laurent-du-Var – req. n° 02MA01389.

(35) CE 28 mai 1984 - association des usagers du port de Bandol - req. n° 35.587 ; C.E. 31 mars 1995 - M. Desaunay - A.J.D.A. 1995 p. 562 concl. M. J. Arrighi de Casanova

(36) CE 31 octobre 1980 – ministre de l’équipement et de l’aménagement du territoire c/ société du port de pêche de Lorient – Rec. p. 397.

(37) A défaut d’accord sur le prix de cession, il appartient au tribunal saisi de trancher.

(38) Cass. Soc. 14 janvier 2003 – commune de Théoule-sur-mer – DMF 2003 p. 415 note R. Rézenthel. Toutefois, l’article L 1224-1 du code du travail ne s’applique pas pour le directeur de la concession si le concessionnaire initial est une personne de droit public (CE 14 mai 2003 – C.C.I de Nîmes-Uzès-Bagnols-le-Vigan c/ M. Vidal – DMF 2003 p. 689 note R. Rézenthel.

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(1) Ce travail a été réalisé dans le cadre du programme de recherche européen en coopération (INCO) intitulé « Cohérence des politiques de conservation et de développement des aires protégées marines et côtières en Afrique

Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest : quels impératifs de gouvernance?

par ■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLECentre for the Economics and Management of Aquatic Resources (CEMARE), Department of Economics, University of Portsmouth1-8 Burnaby Road, Portsmouth, PO1 3AE, Hants, Royaume-Uni ; [email protected] ■ Moustapha DEME, Centre de recherches océanographiques de Dakar Thiaroye (CRODT)PO Box 2241, Dakar, Sénégal■ Abdoulaye DIOP, Parc national des oiseaux du Djoudj (PNOD), Saint-Louis, Sénégal■ Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Centro de Investigaçao Pesqueira Aplicada (CIPA)Avenue Amilcar Cabral, CP 102 Bissau, Guinée Bissau■ Abou DAIM DIA, Institut Mauritanien de recherche Océanographique et des Pêches (IMROP)Casando, BP41, Nouadhibou, Mauritanie■ Alphonse BAKALAKIBA, Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche (PMEDP), Pointe noire, Congo

RésuméLes APECM de l’Afrique de l’Ouest sont aujourd’hui l’objet d’un processus d’exposition de leurs économies aux marchés internationaux

et régionaux sans aucune mesure avec ce qui a pu être observé jusqu’à présent. Ce phénomène, que l’on peut qualifi er « d’extraversion croissante », au sens d’une immixtion de plus en plus forte des forces du marché extérieur dans le fonctionnement des économies autochtones, est en train de saper les fondements mêmes de la création des APECM : assurer la protection de la faune et de la fl ore.

L’absence de prise en compte des dynamiques commerciales par les institutions en charge de la gestion des APECM, focalisés sur la conservation d’espèces emblématiques, a conduit progressivement à la dissolution du tissu économique et social de base et la mise en place d’une économie de rente, à la solde d’agents allochtones. Pour l’élaboration d’une gouvernance effective, cela constitue un défi de taille.

de l’Ouest » (programme initié par l’auteur principal de l’article) et du « Programme pour des moyens d’existence durables dans la pêche » de la FAO.

Le cas du Parc national de Conkouati-Douli (Congo), du Parc national du Banc d’Arguin, (Mauritanie), du Parc national des oiseaux du Djoudj (Sénégal), de la Réserve de biosphère du Delta du Saloum (Sénégal), et de la Réserve de biosphère de l’archipel des Bijagos-Bolama (Guinée Bissau) (1)

SummaryCoastal, Estuary and Marine Protected Areas (CEMPA) in West Africa are nowadays subject to increased pressure of exposure of the

economies of international and regional markets, without any comparison to what has been observed so far. This phenomenon can be described as an increasing opening-up of CEMPA’s economies in the way that external market forces are interfering more and more with indigenous economies,which result in undermining the foundations of the creation of protected areas in this case: the protection of fauna and fl ora. The current lack of consideration of commercial dynamics by the institutions in charge of managing the CEMPA, who still focused on the conservation of emblematic species, will gradually lead to the dissolution of the local livelihoods, and it is replaced by an economy of rent controlled by foreign businessmen. For the development of effective governance, this constitutes a major challenge.

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Introduction

Tant que les poissons abondaient le long des côtes et dans les estuaires ouest-africains, peu de pêcheurs s’aventuraient dans les APECM (2) en raison de leur diffi cile accès et leur éloi-gnement des lieux de débarquement et de consommation. La dégradation des écosystèmes marins et estuariens a progressi-vement changé cet état de fait et conféré un rôle nouveau aux APECM : celui de dernier réservoir de biodiversité aquatique, regorgeant de poissons à capturer ! En résulte, depuis quelques années, une augmentation sans précédent des activités de cap-ture et de cueillette des ressources halieutiques (3). Au premier abord, cela prouve l’effi cacité des méthodes de protection de la biodiversité marine utilisées. Un regard plus perspicace y verra plutôt le résultat d’un concours de circonstance : la protection des ressources halieutiques a été garantie au sein des APECM par effet induit car l’objectif initial de la création des aires proté-gées portait uniquement sur la conservation de l’avifaune (Banc d’Arguin, Djoudj, Saloum, Bijagos) et des espèces embléma-tiques comme les tortues marines à Conkouati et aux Bijagos ou encore des hippopotames marins, toujours dans les Bijagos. En outre, les ressources aquatiques étaient considérées comme une simple source de nourriture pour les espèces protégées, d’où l’intégration de zones aquatiques dans les frontières des aires protégées. En quelque sorte, les APECM sont aujourd’hui victimes de leur succès, même si celui-ci est fortuit !

Un autre regard, de nature plus économique, verra, dans l’in-térêt croissant porté par les pêcheurs aux APECM, une ouverture des économies des populations résidentes au reste du monde et plus particulièrement au marché international et régional. Le constat du contrôle des activités de capture, de transformation et de commercialisation par des agents allochtones ou par une population résidente à leur solde, instille toutefois un premier doute dans les capacités des populations autochtones à tirer

parti d’une telle ouverture. Un second doute, encore plus pro-noncé, s’installe dès lors que l’on met à jour l’effet déstructurant de l’ouverture économique sur le tissu économique et social des populations. Ainsi, il semble que l’ouverture actuelle des APECM au monde extérieur s’apparente à un processus d’extraversion croissante en cela que le développement des activités extrac-tives, de transformation et de commercialisation est impulsé depuis l’extérieur et qu’il modifi e à la fois le fonctionnement des économies locales avec les structures sociales.

L’objectif du présent article est de présenter le phénomène d’extraversion croissante des économies des APECM et les im-plications en matière de gouvernance. Le terme gouvernance désigne le processus institutionnel et décisionnel à même de concilier les objectifs du développement durable, à savoir la croissance économique, l’équité sociale et la protection de l’en-vironnement. Son utilisation, dans le contexte ouest-africain, signifi e que l’ère de la gestion des ressources naturelles sans considération des activités humaines et les aspirations des po-pulations en matière de bien être économique et social est tout simplement révolu. En d’autres termes, tandis que le concept de gestion renvoie à la protection du vivant, celui de gouvernance induit la cohérence des actions de protection de la nature et d’amélioration du bien-être des populations.

Trois parties structurent cet article. La première montre les dynamiques spatiales de l’exploitation des ressources halieuti-ques ainsi que les aires d’infl uences des populations résidentes. La deuxième présente la dynamique de commercialisation des produits halieutiques en soulignant tout d’abord la manière dont les APECM se trouvent de plus en plus sollicités pour satisfaire une demande commerciale exogène et ensuite la prédominan-ce des acteurs allochtones dans la mise en valeur des ressour-ces naturelles. La troisième partie propose trois impératifs de conservation, de bien-être et de re-connexion, destinés à servir de support à l’élaboration d’une gouvernance des APECM.

(2) L’expression « Aires Protégées Estuariennes, Côtières et Marines (APECM) » est utilisée de manière générique pour désigner les cinq aires protégées désignées en tant que parc ou réserve et réparties de la Mauritanie au Congo (voir carte ci-après). Mis à part le Djoudj, les quatre APECM étudiées représentent, avec les aires protégées de Gamba et Mayoumba, situées au Gabon, les plus vastes zones de conservation du milieu côtier et marin de l’Afrique de l’Ouest. Le Parc national du Banc d’Arguin en Mauritanie constitue avant tout une aire protégée côtière et marine (avec une grande étendue terrestre) dont les chenaux marins ne sont que les formes résiduelles d’un ancien estuaire. Le Parc national des oiseaux du Djoudj au Sénégal, situé en amont du fl euve Sénégal, demeure infl uencé par le régime des eaux douces mais subit quel-ques infl uences maritimes avec notamment la salinisation croissance de certaines terres. La Réserve de biosphère du Delta du Saloum toujours au Sénégal subit d’avantage encore que le Parc national des oiseaux du Djoudj l’infl uence de la mer, surtout depuis l’ouverture d’une brèche dans la pointe de Sangomar. La Réserve de biosphère de l’archipel des Bijagos-Bolama en Guinée Bissau est à la fois sous infl uence estuarienne puisqu’elle reçoit les eaux de l’estuaire de la rivière Bissau et sous infl uence maritime puisque l’archipel se trouve à la limite sud de l’upwelling ouest-africain. Le Parc na-tional de Conkouati-Douli au Congo dispose d’une façade maritime et d’un système estuarien, principalement sous la forme de lagunes. Afi n d’alléger le texte, le nom des APECM est mentionné de la manière suivante :

Parc National du Banc d’Arguin (Banc d’Arguin) : Banc d’ArguinParc National des oiseaux du Djoudj (PNOD) : DjoudjRéserve de Biosphère du Delta du Saloum (Saloum) : SaloumRéserve de Biosphère de l’Archipel Bijagos-Bolama (Bijagos) : BijagosParc National de Conkouati-Douli (PNCD) : Conkouati.

(3) Aspects présentés dans le précédent numéro de la Revue Africaine des Af-faires maritimes et des Transports (Ramatrans) n°1, Juillet 2009, pp. 44-49. Figure 1 : localisation des 5 APECM.

Parc national du Banc d’Arguin

Parc national des oiseaux du Djoudj

Réserve de la biosphère du Delta du Saloum

Réserve de la biosphère de l’Archipel Bijagos-Bolama

Parc National de Conkouati-Douli

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Du plus loin au plus près : des pêcheries hors de contrôle

Les aires d’exploitation marines varient considérablement d’une APECM à une autre. L’explication se trouve en grande par-tie dans la nature de l’embarcation utilisée (planche à voile pour le Banc d’Arguin, pirogue motorisée pour le Saloum, pirogue monoxyle pour les Bijagos, Djoudj et Conkouati) (voir la fi gure ci-dessous). Les populations résidentes du Banc d’Arguin, Djou-dj, Bijagos, Conkouati ne sortent pas des limites de leur APECM pour exploiter les ressources, alors que les pêcheurs sénégalais du Saloum sont pour la grande majorité d’entre eux dispersés le long des côtes du Sénégal et des pays voisins.

La fi gure ci-dessous présente le schéma de l’exploitation des ressources naturelles (4) dans les cinq APECM en y intégrant la présence des pêcheurs et transformateurs étrangers. Les prin-cipales sources de revenu (illustrées par des fl èches plus ou moins marquées) sont terrestres pour les populations résiden-tes du Djoudj, Saloum, Bijagos et Conkouati mais marines pour le Banc d’Arguin. Il existe à ce titre une certaine complémenta-rité (ou saisonnalité) entre les activités marines elles-mêmes et marines et terrestres (tout comme terrestres elles-mêmes) qui permet une fl exibilité de l’exploitation des ressources naturelles (elle évite dans bien des cas la surexploitation et l’extermination de certaines espèces).

Si l’entièreté de la valeur marchande des ressources est réa-lisée le long de la frange côtière au Banc d’Arguin, c’est essen-tiellement à l’extérieur du Delta du Saloum que les pêcheurs résidents du Saloum créent de la richesse. Le ramassage des coquillages (5) et les activités de pêche de subsistance sur les îles Bijagos confi nent les exploitants aux plages et mangroves, voire à quelques encablures du rivage. Il existe, pour le domaine marin, une corrélation positive entre la distance et le caractère commercial de l’activité. Par exemple, les Imraguens pratiquent la pêche à l’épervier depuis le rivage pour leur substance et capturent le mulet à l’aide de fi lets d’épaule alors que les acti-vités commerciales nécessitent des sorties quotidiennes en mer (qu’ils considèrent d’ailleurs comme étant de plus en plus lon-gues et lointaines).

Les aires d’infl uence et de contrôle sont aussi limitées que celles d’exploitation des ressources marines pour les mêmes raisons : impossibilité de s’aventurer en pleine mer pour les pê-cheurs Imraguens, Bijagos et Vili du fait de leurs embarcations non motorisées et surtout de l’absence de connaissance du mi-lieu marin distant. Cela signifi e qu’ils ne sont pas à même de contrôler ce qui se passe dans ces espaces marins. A l’opposé, les pêcheurs du Delta du Saloum, et plus généralement du Sé-négal, opèrent avec des longs rayons d’action et se retrouvent de la sorte à contrôler des espaces-ressources le long des côtes ouest-africaines qui ne peuvent l’être par les populations cô-tières.

Ce qui ressort de cette présentation, c’est l’immixtion des pêcheurs étrangers et plus particulièrement sénégalais dans les deux APECM de la Mauritanie et de la Guinée Bissau ainsi que celle des pêcheurs migrants et des chalutiers étrangers et na-tionaux à Conkouati. Si dans le Banc d’Arguin, cela relève de l’activité illégale, dans les Bijagos, le relevé des licences montre que certains pêcheurs s’en acquittent tandis que d’autres pas-sent outre (6). De même, si à Conkouati, les maîtres d’eau régle-mentent l’accès aux lagunes, étangs et rivières, il apparaît que celui de la zone côtière est peu réglementé et surtout qu’aucun contrôle n’est actuellement opéré (7). Plus spécifi quement :

• Les pêcheurs étrangers pêchent dans les deux aires ma-rines qui sont bien pourvues en ressources. Le Saloum, malgré la faiblesse de son capital naturel marin, accueille des Gambiens et Guinéens pendant la saison à la cre-vette et des femmes gambiennes pendant la saison des huîtres. Cela reste toutefois limité à la pêche à pied ou la cueillette et tient pour partie à l’absence de pêcheurs étrangers migrants dans la sous-région hormis les Séné-galais (8) et pour partie à la faible capacité des écosys-tèmes saumâtres à produire des espèces à forte valeur commerciale (excepté les crevettes). Le Saloum apparaît

(4) Le cas des ressources terrestres n’est pas traité ici.

(5) La collecte des mollusques dans les Bijagos concerne essentiellement celle des arches sur l’estran. Celle des huîtres se fait principalement dans la partie insulaire de Bolama.

(6) Seulement 200 licences ont été enregistrées en 2003. La majorité d’entre elles étaient des licences prises par des nationaux qui agissent comme prête nom pour les pêcheurs étrangers. A partir de 2004, le prix des « licences étrangers et nationaux » est pratiquement le même (alors qu’il était signifi cativement plus bas auparavant pour les nationaux) pour la plus part des catégories afi n de lutter contre ces abus.

(7) Un projet de contrôle et de surveillance de la zone maritime du Parc, initié par le World Conservation Society (qui gère le Parc) est à l’étude en 2006.

(8) Une ambiguïté subsiste toutefois encore aujourd’hui : les pêcheurs sénéga-lais qui pêchent dans le Saloum sont-ils tous résidents de la réserve ?

Figure 2 : Limites et importance de l’exploitation des ressources naturelles et plus particulièrement marines des cinq APECM par les populations résidentes et étrangères.Note : Les fl èches en noir représentent les sources de revenu des populations résidentes, celles en gris des exploitants allochtones. Les fl èches sont plus ou moins larges selon leur importance relative.

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donc comme une réserve sans pouvoir d’attraction pour les pêcheurs non-résidents (9). Ce qui est tout l’opposé de les Bijagos, du Banc d’Arguin et de Conkouati.

• Aucun contrôle ne peut être exercé par les populations résidentes sur les espaces marins où exercent les pê-cheurs étrangers. Même si certaines zones sont conco-mitantes, le contrôle n’est pas possible : dans le Banc d’Arguin, les pêcheurs étrangers s’introduisent surtout la nuit alors que les Imraguen pratiquent une pêche jour-nalière diurne. L’idée en vogue de comité de plage afi n de contrôler les activités des pêcheurs locaux et étran-gers ne peut trouver ici d’écho, ni d’ailleurs aux Bijagos ou à Conkouati, où les pêcheurs résidents sont confi nés au rivage.

Au rythme où vont les choses, la question de la sécurité alimentaire va très vite être devenir une préoccupation cen-trale des administrations des APECM. Les Bijagos ne jettent plus les fi lets à l’eau : les ressources sont devenues tellement rares autour des îles qu’ils renoncent à la pêche (10).

Une empreinte extérieure de plus en plus marquée

Des APECM au service de l’approvisionnement des mar-chés internationaux et régionaux

L’effet combiné de la diminution des captures de poissons démersaux dans les eaux européennes et l’augmentation de la consommation de poisson par habitant s’est traduit au cours des deux dernières décennies par une augmentation signifi cative des importations européennes de produits halieutiques de forte valeur commerciale (démersaux, crevettes, céphalopodes) en provenance des pays africains (Failler P. et al., 2006). Cela s’est traduit par un accroissement signifi catif du pouvoir d’attraction des APECM mais aussi par une structuration de nouvelles fi lières de produits halieutiques. La fi gure ci-dessous présente et quan-tifi e les quatre principales fi lières qui peuvent être esquissées à partir des profi ls de commercialisation de chacune des APECM : démersaux, pélagiques, sélaciens et mollusques.

La fi lière la plus importante en volume est la fi lière des pé-lagiques transformés dont la majeure partie est destinée aux marchés africains. Cette fi lière revêt une importance capitale pour l’approvisionnement des populations autochtones, péri-phériques mais aussi pour celles des régions enclavées grâce notamment à la forte valeur protéinique et énergétique de ces espèces. Cette fi lière est très dynamique de par l’abondance de petits pélagiques tout au long de la façade ouest-africaine et de par les facultés d’adaptation aux changements de condi-tions d’exploitation (environnementales, politiques,…) dont font preuve les acteurs de la fi lière, qui se traduit par une mobilité importante des activités d’exploitation.

La fi lière des sélaciens ressemble fort à celle des petits péla-giques, du moins en ce qui concerne les carcasses. Les marchés principaux sont ceux du Golfe de Guinée (Ghana et Nigéria en tête) et les transformateurs de ces produits sont caractérisés par une mobilité impressionnante (nous avons rencontré des transformateurs ghanéens, maliens, guinéens au Banc d’Arguin, Saloum et Bijagos). Les ailerons possèdent quant à eux leur fi lière spécifi que dont la production sous-régionale est rassem-blée en Gambie avant d’être expédiée vers les marchés asiati-ques (Anonyme, 2000).

L’autre fi lière d’importance est celle des démersaux, prin-cipalement commercialisés en frais à destination des marchés européens et dans une moindre mesure des villes de Nouak-chott, Dakar et Pointe noire. L’importance de cette fi lière tient plus à la valeur de la production qu’au volume qu’elle génère. Les prix pratiqués sur les marchés internationaux pour des espè-ces démersales de qualité sont tels que la majorité des captures est exportée pour alimenter les marchés occidentaux, le second choix étant souvent écoulé sur les étals des grandes villes sus-mentionnées.

Les mollusques ne sont que peu exportés et si une quelcon-que commercialisation existe, elle est faite localement pour des sous produits transformés. Cette activité reste essentiellement une activité de subsistance et revêt une grande importance en tant que source de protéine animale pour les populations lo-cales. L’approvisionnement local (11) est aussi le fait d’une partie des pélagiques frais et transformés qui ne transitent pas par les circuits de distribution nationaux et internationaux et des démersaux de seconde qualité impropres pour les marchés oc-cidentaux.

(9) Ou d’un pouvoir très limité dans la mesure où elle attire les pêcheurs Guinée et Sénégalais ciblant l’ethmalose, une espèce dépourvue de tout intérêt commercial hors de la Guinée et des zones en périphérie de la réserve du Saloum. En d’autres termes, c’est aujourd’hui d’avantage l’ab-sence de ressources de forte valeur ajoutée, tant à l’échelle du Saloum que de celle de la sous-région, qui conduit à la résurgence de productions fl eurissantes par le passé mais abandonnées à la fi n des années 1980 et 1990 faute de débouchés.

(10) Les chefs de village, les pêcheurs bijagos ainsi que les pêcheurs étrangers interrogés formulent tous ce même constat de disparition progressive de la pêche côtière des Bijagos.

(11) Le terme local s’entend ici au sens large, avec une partie du poisson consommé directement dans les villages de production et dans la région alentour.

Démersaux

etcrevettes

16000t

Pélagiques22500 t

Mollusques3000 t

Frais premierchoix 10000 t

Europe

10000 t

Afrique19000 t

Auto-

consommation

7560 t

Frais secondchoix 4300 t

Frais 4000 t

Transformé18500 t

Frais 600 t

Transformé2400 t

Sélaciens1500 t

Carcasses1460 t

Ailerons 40 t

Asie Sud Est40 t

Transformé1700 t

Marché

Domestique6400 t

Figure 3 : Schéma global des fl ux de produits des APECM (estimations équi-valent poids vif). Source : rapports nationaux et missions de terrain.

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Une main mise structurelle et structurante des acteurs al-lochtones

Le lien tributaire des APECM vis-à-vis de l’extérieur par l’en-tremise des pêcheurs, transformateurs et commerçants alloch-tones est davantage mis en exergue à l’examen du contrôle des principales fi lières halieutiques. Le tableau suivant en présente les principales caractéristiques. Le terme « I » signifi e Interne ou le fait de la population résidente, par opposition, le terme « E », veut dire Exogène ou réalisé par des exploitants, transfor-mateurs ou commerçants allochtones nationaux ou étrangers. L’utilisation de deux teintes (clair et foncé) a pour objectif de faire ressortir la démarcation entre pratique résidente et prati-que allochtone. Les notations entre parenthèse visent à rensei-gner un peu plus sur la nature du contrôle des fi lières. A noter enfi n que seules les principales confi gurations rencontrées sont mentionnées ici.

Tableau 1 : Contrôle des fi lières halieutiques dans les cinq APECM

Une confi guration III est généralement le fait d’un proces-sus d’autoconsommation, rencontré pour de nombreux produits transformés ou pas. Négligée lors de l’examen de la valeur éco-nomique de l’exploitation et de la valorisation des ressources halieutiques des APECM, elle est pourtant essentielle pour l’ali-mentation des populations résidentes. Par exemple, dans cer-taines îles, comme Orango (Bijagos), les populations consom-ment plus 130 kg de poisson par an et par habitant (équivalent poids vif) à raison de trois repas de poisson par jour (une forte

consommation à également été observé autour des lagunes à Conkouati). Dans le Banc d’Arguin, l’autoconsommation dé-cline, non pas par manque de poisson débarqué, mais parce que les pêcheurs Imraguen ciblent des espèces commerciales au détriment de celles pour la consommation familiale. Dès lors, les prises débarquées sont accaparées par les commer-çants au détriment de la population. Cela atteint un tel point, que se procurer du poisson frais pour le repas du soir dans les villages Imraguen relève du défi et que, paradoxalement, la consommation de sardines en boîtes en provenance du Maroc y augmente chaque mois un peu plus ! Tout aussi préjudiciable est la diffi culté croissante qu’éprouvent les femmes Imraguen à s’approvisionner en mulet pour la préparation des produits traditionnels (Tichtar, Dhin, Lekhlia) car la majeure partie de la production est commercialisée en frais. Aussi, la fi lière des produits dits traditionnels (confi guration IIE) connaît-elle une ré-gression signifi cative.

A l’opposé, les confi gurations EEE sont en plein essor. Elles correspondent, pour l’essentiel, à l’exploitation, la transforma-tion et la commercialisation par des allochtones d’espèces de forte valeur marchande commercialisées en frais (pêchées de manière légale ou pas) et, dans une moindre mesure, à celle, par des femmes allochtones, des huîtres dans le Delta du Sa-loum et des coquillages dans les Bijagos et au Djoudj. Entre ces deux confi gurations opposées (III et EEE) se trouvent un certain nombre d’arrangements où résidents et allochtones se répar-tissent les tâches. Par delà leur présentation, il faut retenir que les fi lières qui se terminent par E sont toutes commercialement importantes. Cela signifi e en clair que les populations résidentes des cinq APECM sont dépourvues du contrôle du processus de commercialisation de des ressources halieutiques d’importance marchande (et dans bon nombre de cas de celui de la transfor-mation : salé/séché, par exemple). Les fi lières mixtes (IEE) et exogènes (EEE) gagnent de l’importance grâce à l’application d’un savoir faire de la part des transformateurs étrangers et de la mise en place de fi lières d’exploitation fl exibles, disposant d’un marché et de canaux de distribution fi ables, capables de s’adapter rapidement aux changements de conditions climati-ques ou politiques (12). L’augmentation de la pêche étrangère dans les Bijagos (on passe de 9 campements de pêche étran-gers sur les Bijagos en 1991 à 30 en 2000 illustre bien l’ampleur du phénomène (da Silva, A. O., 2002).

Un examen plus approfondi du contrôle des moyens de production, de transformation et de commercialisation révèle que certains chaînons des fi lières qualifi és I devraient recevoir l’appellation E (tel qu’indiqué entre parenthèses dans le tableau ci-dessus). Ce sont des maillons de fi lière qui sont contrôlés fi nancièrement par les commerçants dits résidents en raison de leur fi liation avec les familles résidentes mais qui ont installé leur famille dans un centre urbain afi n de pouvoir bénéfi cier de meilleures conditions de vie (13). Ils tirent avantage de leur ascendance et plus encore de leur positionnement social pour infl uencer l’exploitation des ressources halieutiques dans les APECM et transmutent la dépendance sociale en dépendan-

(12) La forte mobilité des commerçants et des transformateurs d’une AMCP à une autre est éloquente.

(13) Essentiellement : possibilité de scolariser les enfants ; accès aux soins de santé, à l’eau et l’électricité.

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ce économique (Ould Cheikh, A. W., 2003). Par exemple, les commerçants dans le Banc d’Arguin, s’ils s’apparentent à des Imraguen, agissent comme les commerçants allochtones en ne réinvestissant pas les bénéfi ces issus de la vente du poisson dans le Banc d’Arguin : ils le font dans les centres urbains de Nouakchott ou de Nouadhibou, prouvant de la sorte que leur engagement dans la fi lière halieutique est dicté par une moti-vation uniquement fi nancière individualiste.

Impératifs pour une gouvernance des APECM

La gouvernance peut être défi nie comme le processus ins-titutionnel et décisionnel à même de concilier les objectifs du développement durable, à savoir la croissance économique, l’équité sociale et la protection de l’environnement. Si le terme est abondamment utilisé aujourd’hui par les décideurs publics, les administrations des APECM ainsi que les ONG et bailleurs de fonds, sa déclinaison pratique fait encore malheureusement défaut. Cela s’explique pour l’essentiel par la mauvaise analyse de la situation (14), notamment des déterminants commerciaux ainsi que le manque d’expérience et de compétence qui se tra-duisent par l’application d’approches clé en main (15) de nature mécaniste et réductionniste. En d’autres termes, on parle de gouvernance mais on raisonne et agit toujours selon les princi-pes généraux de gestion des ressources naturelles (16).

La vulnérabilité croissante des populations et l’accélération des dommages environnementaux imposent pourtant une prescription d’ordre moral à agir sur les fronts du bien-être hu-main et de la conservation de la nature. A ces deux impératifs de gouvernance s’adjoint un troisième, celui de la re-connexion des populations résidentes avec leur milieu environnant. La présence humaine dans les APECM est consubstantielle aux espaces/ressources. Les tentatives actuelles de s’émanciper de la tutelle naturelle provoquent un effi lochage des liens qui unissent les populations et le milieu naturel sans pour autant générer ni conservation ni bien-être humain. Aussi, convient-il de proposer une gouvernance qui, vu l’urgence de la situation, s’appuie sur les impératifs de conservation, de bien-être et de re-connexion.

Impératifs de conservationLes impératifs de conservation sont de trois ordres : un

changement de regard sur les APECM et les objectifs de con-servation ; un changement des pratiques de conservation et une nécessité d’articuler les savoirs. Le changement de regard consiste avant tout à ne plus considérer les APECM comme des îlots d’abondance servant à préserver les ressources naturel-les d’intérêt mais bien comme des réservoirs où les acteurs économiques viennent abondamment puiser. Pour certaines APECM, le réservoir est déjà épuisé (Delta du Saloum) à l’ex-ception notable de certains stocks à vaste capacité reproductive (ethmalose, crevette), pour d’autres (Banc d’Arguin et Bijagos), la situation apparaît moins critique dans l’ensemble. La dispa-rition constatée de certaines espèces vulnérables comme les

requins et raies et poissons démersaux côtiers ((Ducrocq, M., 1999), (Bernardon, M., 1999), (Worms, J., 2002), (Deme, M., 2004)) constitue toutefois un signe avant-coureur de la menace qui pèse sur ces deux réservoirs. Les objectifs de conservation doivent dès lors être revus en intégrant à la liste des espèces à protéger, et pour lesquelles tous les efforts sont consentis, les espèces qui présentent un intérêt commercial et celles qui font l’objet d’une exploitation.

Le changement des pratiques de conservation porte sur la prise en compte de l’APECM comme des espaces/ressources formant plusieurs écosystèmes dont il importe, bien avant la protection des espèces phares, de penser le maintien de leur intégrité. Or, la santé des écosystèmes est encore de l’ordre du discours dans les trois APECM. A titre anecdotique, la préoccupa-tion récente pour la pêche dans le Banc d’Arguin survient alors même que sont mis en avant les conséquences néfastes des activités halieutiques pour les oiseaux. Comment en effet pro-téger les oiseaux ichtyophages alors que tous les poissons sont pris dans les fi lets des pêcheurs ? L’élaboration d’indicateurs (17) de santé des écosystèmes est à ce titre un pas vers la mise en place de nouvelles pratiques de conservation. Particulièrement attentifs aux changements altérant les espèces à la base des écosystèmes ou les qualités des milieux marins et côtiers, de tels indicateurs auraient le mérite de se situer très en amont des indicateurs classiques (nombre d’oiseaux, de nichées, etc.) et de dévoiler les changements qui passent inaperçus et dont les conséquences ne sont appréciées que trop tard.

La nécessité d’articuler les savoirs constitue une prémisse à la mise en place de toute gouvernance des APECM. Le constat sur l’aménagement des activités de pêche dans les trois APECM souligne l’ineffi cacité du système actuel basé sur une prise de décision unilatérale (haut vers le bas), une non-acceptation des mesures d’aménagement par les pêcheurs, une sous-utilisation des connaissances, une absence de confi ance réciproque (ad-ministration/pêcheurs), une transmission d’informations erro-nées et enfi n une communication défi ciente. Or pour conserver, il faut connaître ! Et pour connaître, il faut associer les savoirs des uns et des autres, en l’occurrence celui des pêcheurs, des scientifi ques et des administrateurs (de terrain surtout) par la mise en place d’une plate-forme d’articulation de ces savoirs, à la manière, par exemple, du modèle de co-viabilité déve-loppé par Le Fur et al. (1999). Un tel changement du processus d’élaboration de la décision aurait le mérite d’enclencher un processus participatif d’aménagement des activités halieutiques qui soit nourri d’un savoir commun (18) et basé sur une confi ance mutuelle (Chaboud et Cury, 1999).

Impératif de bien-êtreLes impératifs de bien-être portent sur quatre points : la

prise en compte du commerce comme élément moteur de la vie des APECM ; la mainmise des populations sur les fl ux de pro-duits ; l’application du principe de justice distributive et la mise

(14) Essentiellement parce que les APECM sont encore perçues comme des espaces de protection de la nature dont les préoccupations sociales et économiques sont largement ignorées.

(15) Que l’on retrouve dans les nombreux guides pratiques du WWF, IUCN et autres ONG.

(16) D’inspiration occidentale et également livré clé en main !

(17) Ainsi qu’un cadre analytique indispensable à la lecture des indicateurs formulés.

(18) Cela renvoie au concept de ‘savoir commun’ qui pour notre propos devrait s’articuler autour de trois points : les savoirs liés aux espaces/ressources ; les savoirs relatifs aux modes d’accès et de gestion des ces espaces-res-sources et ; les connaissances des paramètres économiques, fi nanciers, sociaux et politiques (Anonyme, 2002).

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en place d’une politique d’intégration des APECM dans le pay-sage national. La prise en compte du commerce est primordiale dans l’élaboration d’une gouvernance des APECM. Le commerce agit en effet comme vecteur premier de la transformation des activités économiques et habitudes de vie des populations. Il fait sauter tous les verrous de la gestion conçue dans le but de protéger les ressources halieutiques et ouvre les portes de l’ex-ploitation tous azimuts. Les populations s’y font prendre d’autant plus facilement qu’elles louent leur force de travail à cet exer-cice, sans trop bien se rendre compte qu’elles tuent la poule aux œufs d’or. Mais plus grave est l’attitude des administrations qui, au-delà de leur focalisation sur la gestion des ressources halieutiques, perçoivent le commerce comme un moyen prati-que d’apporter le progrès dans les APECM. Or le commerce, sous sa forme actuelle, fonctionne avant tout comme un vecteur de renforcement des inégalités à partir du moment où les termes de l’échange ne sont pas équitables. L’ensemble des handicaps qui touchent les systèmes productifs maritimes conforte une situation d’otage institutionnel, propre à la culture de rente dans l’agriculture, où les producteurs des APECM sont réduits à l’état d’obligés économiques de commerçants venus de l’extérieur. Il faut dès lors repenser le commerce dans les APECM à l’aune de ses effets, qui peuvent être bénéfi ques lorsqu’il est compris et encadré, mais désastreux dès lors qu’il est laissé à lui-même.

Les populations résidentes doivent maîtriser les fl ux de pro-duits afi n de concourir à leur émancipation. L’essentiel de la va-leur des productions halieutiques réalisées dans les APECM bé-néfi cie aux systèmes économiques externes aux APECM. L’ajout de valeur est réalisé par le commerce : les démersaux du Banc d’Arguin sont vendus quatre fois plus chers aux portes du Parc que dans les villages Imraguen ; le prix des crevettes fait plus que quintupler dès la sortie du Saloum. En bref, le commerce des produits maritimes ne profi te pas aux populations résidentes. Le prix de vente correspond bien plus à un dédommagement de la force de travail qu’à une valorisation de la production. Or, le développement des APECM ne peut faire l’économie d’une mainmise résidente sur l’exploitation, la valorisation et surtout le commerce des ressources extraites. De plus, les APECM ne peuvent se permettre de laisser des pêcheurs étrangers exploi-ter leurs ressources sans aucune considération des besoins des populations locales et de la santé des écosystèmes. Il est donc fondamental de trouver des moyens pour stopper le processus d’aliénation des populations résidentes de leurs espaces/res-sources. Cela permettrait aux populations de prendre en main leur avenir économique et faire des APECM des lieux de vie et non de simples endroits de travail. Elles retrouveraient une dignité qu’elles estiment avoir perdue (19).

L’application du principe de justice distributive (20) est un pas de plus dans l’élaboration de la gouvernance. Tout d’abord, le commerce engendre un éclatement progressif des structures sociales des populations résidentes selon les réussites fi nan-cières réalisées. La prévalence des phénomènes de tribalisme accentue l’accaparement de la richesse par une élite et réintro-duit en même temps une dépendance, économique et sociale, des populations vis-à-vis de celle-ci (21). Ensuite, le commerce,

sous sa forme actuelle opère un transfert de richesse depuis les APECM vers les centres urbains à leur périphérie. Les APECM participent ainsi à l’épanouissement des villes au détriment des populations résidentes qui ne profi tent que si peu des effets du commerce. Un mécanisme de gouvernance de justice distribu-tive qui opère une redistribution équitable des richesses géné-rées dans les APECM doit dès lors être mis en place afi n d’amé-liorer les conditions d’existence des populations résidentes.

La mise en place d’une politique d’intégration consiste à considérer les APECM comme des régions ou lieux ayant les mêmes besoins sociaux que n’importe quelle région du terri-toire national. La volonté de préserver les milieux et dans une certaine mesure les populations des méfaits des processus de développement qui prévalaient ailleurs a peu à peu conduit à mettre les APECM sous cloche. Les administrations des APECM, avec la complicité des donateurs internationaux, se sont substi-tuées aux administrations nationales de développement social et économique en mettant en œuvre leurs propres programmes sociaux. De là, l’État en a profi té pour s’alléger d’une charge. Or, le différentiel de développement social est de plus en plus fort entre les populations qui vivent au sein des trois APECM (plus particulièrement pour le Banc d’Arguin et les Bijagos) et celles qui vivent à l’extérieur. Le défi cit notable des infrastructures de santé et d’éducation présentes dans les trois APECM atteste de ce retard de développement social. De plus, le fait que les po-pulations résidentes ont développé des modes de production et de valorisation des ressources similaires à celles observées à l’extérieur des APECM oblige à considérer les APECM comme des entités géographiques au même titre que les zones cam-pagnardes ou côtières qui font l’objet d’un plan d’aménagement du territoire et de programmes de développement.

Impératif de re-connexion Les impératifs de re-connexion concernent pour l’essentiel

le renforcement des liens entre les populations et la nature. La perte de liens entre les populations et leur milieu naturel se fait sentir au fur et à mesure qu’elles ont l’illusion de s’affranchir de la tutelle de la nature pour la satisfaction de leurs moyens d’existence. L’introduction de marchandises importées à usage nourricier et domestique remplace les nombreux aliments et ustensiles qui provenaient jadis de productions naturelles et in-cite à penser que l’on peut facilement se passer des ressources locales. Plus grave sans doute est le fait que les populations considèrent maintenant les espaces/ressources sous un angle essentiellement marchand et non plus sous l’angle culturel qui prévalait jusqu’à présent. Elles s’estimaient alors comme partie prenante des espaces/ressources dans lesquels elles évoluaient. L’émancipation des populations vis-à-vis de la nature, que l’on peut considérer comme une forme d’entrée dans la modernité, s’accompagne ainsi de graves séquelles sociétales tant la rapi-dité des changements déconstruit le tissu social existant. Il est donc impératif que les populations renouent avec la nature et retrouve le fi l d’Ariane (22) qui leur a permis jusqu’à présent de subvenir à leurs besoins tout en protégeant la nature. Le rôle des Sages et des anciens est primordial dans le processus de re-connexion car leur pouvoir de persuasion est encore fort.

(22) De la pelote de fi l qu’Ariane remit à Thésée pour lui permettre de ne pas s’égarer dans le Labyrinthe.

(19) D’après les enquêtes réalisées dans le cadre du programme CONSDEV.(20) Se reporter à Roemer (1996) pour la formulation du concept.(21) Que les volontés démocratiques et les élans économiques de ces derniè-

res années avaient quelque peu estompées.

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Le rôle des femmes dans le tissage des liens naturels est également à relever. Elles perçoivent la nature comme une en-tité qui se renouvelle de manière périodique et à laquelle elles participent en mettant au monde des enfants et en les nour-rissant grâce à ce qu’elles puisent dans les espaces/ressources. Le temps des femmes est cyclique, celui des hommes linéaire (Naouri, A., 2004). Ainsi, la nature ne commence pas à leur naissance et ne fi nit pas à leur mort. La conception masculine de la nature est au contraire très rectiligne en cela que l’hom-me perçoit inconsciemment son environnement naturel comme commençant à sa naissance et s’achevant à sa mort. Il s’en-suit un comportement linéaire vis-à-vis de la nature qui incite à vouloir prendre autant que la nature peut fournir. Cela mon-tre l’importance à accorder aux femmes dans les processus de réhabilitation des espaces/ressources endommagés ainsi que dans l’amélioration des conditions de vie (Williams, S. B., A.-M. Kibongui, et C. E. Nauen, 2004). D’autant plus qu’elles peuvent être considérées comme les grandes perdantes de l’imprégna-tion des APECM par le commerce : la marchandisation des espa-ces/ressources est du ressort des hommes (Failler P., M. Deme, A. Mendy, A. Saine, and M. Koroma, 2005). L’exemple le plus illustratif est celui des femmes du Banc d’Arguin qui, face au déclin de la pêche au mulet, se sont non seulement retrouvées privées de leur fonction économique (transformation et condi-tionnement) mais aussi de source de nourriture et de revenus substantiels pour leur foyer (compensé partiellement par l’aug-mentation des revenus de leurs maris, pêcheurs).

Conclusion

L’extraversion croissante des APECM que l’on peut caracté-riser par une perte du contrôle des moyens de production, des processus de valorisation et de commercialisation des ressour-ces naturelles, a conduit progressivement à une aliénation des populations résidentes aux forces des marchés internationaux et régionaux. Les APECM de l’Afrique de l’Ouest s’apparentent de plus en plus à des espaces extractifs, tels des gisements miniers ou pétroliers. L’appellation (23) “Aire protégée estuarien-ne, côtière et marine” n’est ainsi qu’un trompe-l’œil qui cache, grâce à un phénomène de cécité collective et à une illusion de contrôlabilité, une exploitation à tout va des ressources qui ne correspond aucunement aux objectifs de conservation et ni d’amélioration des conditions de vie des populations. Par rapport à la combinaison des objectifs du développement durable sur lequel s’appuie la gouvernance (croissance économique, équité sociale et protection de l’environnement), cela se traduit par la formulation de trois impératifs catégoriques de conservation, de bien être et de re-connexion. La déclinaison pratique de ces trois impératifs est de nature à redonner un sens et contenu à l’appellation APECM et participer de la sorte à la mise en place du Plan d’Action du Sommet de la Terre. ■

(23) En 1994, l’IUCN a défi ni les Aires Protégées (marines et terrestres) comme des étendues « de terre et/ou de mer spécialement dédiées à la protec-tion de la diversité biologique et des ressources naturelles et culturelles qui y sont associées, et gérées par des moyens effectifs, législatifs ou autres. » (Kelleher, G. 1994).

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Chroniqueset informations

Les Règles de Rotterdam - Conférence de signature - 21-23 septembre 2009

Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime - 12-16 octobre 2009 - Durban (Afrique du Sud)

« La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation » - Séminaire international - 16-27 novembre 2009 - Nantes (France)

Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc et la République du Congo

Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français

« Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? » - Séminaire international - 18-19 mars 2010 - Yaoundé (Cameroun)

Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo

Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports

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Compte rendu de la Conférence de signature 21-23 septembre 2009 à Rotterdam

Par Aristide-Christian EBONGUEDoctorant à la Faculté de Droit

de Nantes (CDMO)Membre représentant

de l’Institut Eurafrique Export à la Conférence

L’historique édifi ce de la Van Nelle Design Factory de Rotterdam abritait, le 23 septembre 2009 dernier la cérémonie de signature de la convention des nations unies sur le contrat de transport de marchandises entièrement ou partiellement par mer. Organisée de mains de maître par la Cité de Rotterdam et ses partenaires, cette cérémonie fut le point culminant de trois jours de rencontres et d’échanges marqués par la tenue d’un colloque placé sous la direc-tion du professeur Van der Ziel. Ce fut l’occasion pour les nombreux juristes et autres professionnels venus d’horizons les plus divers, de se familiariser avec les principales dispositions de la nouvelle convention désormais connue sous le nom de Règles de Rotter-dam. Les travaux furent déclarés ouverts tout de suite après les chaleureux mots de bienvenue de M. Ernst Hirsch Ballin, Ministre de la justice des Pays-Bas, M. Renauld Sorieul, Secrétaire de la CNU-DCI et de Mr Karl-Johan Gombrii, Président du CMI qui saisit cette occasion pour rendre un vibrant hommage au professeur Francesco Beligieri pour sa contribution l’avènement des nouvelles Règles (1). Un important panel d’intervenants a alors été invité à se succéder sur la tribune afi n de présenter les principaux aspects des nouvelles Règles de Rotterdam (RR).

Ouvrant le bal, monsieur Kofi Mbiah, Président Directeur Géné-ral du Conseil ghanéen des chargeurs et par ailleurs chef de la dé-légation du Ghana lors des travaux préparatoires de la convention, s’est attelé, lors de sa présentation, à démontrer l’existence d’un certain « équilibre des relations entre chargeur et transporteur » dans le nouveau régime. Il est notamment revenu sur les circons-tances qui ont rendu nécessaire l’avènement des Règles de Rotter-dam, à savoir la coexistence dans l’ordre maritime international de plusieurs instruments aux régimes de responsabilité concurrents. Un travail aussi important, poursuivi-t-il, appelait nécessairement un corpus de règles conséquent d’où la densité de ce texte qui a le mérite d’être complet et explicite. D’aucuns ont décriés la grande complexité des nouvelles règles, mais il ne s’agit selon monsieur Mbiah que d’une apparence car, les Règles de Rotterdam recèlent en leur cœur une méthode claire et structurée. Héritières de sys-tèmes qui commençaient à montrer d’évidents signes d’essouffl e-ment, les nouvelles Règles constituent un régime assez équilibré, moderne et innovant, apportant plus de prévisibilité et de sécurité dans les relations commerciales, ce qui devrait faciliter son intégra-tion dans l’ordonnancement juridique international. De nombreux points d’achoppement subsistent cependant, notamment sur le

risque de confusion que pourrait engendrer le renversement de la charge de la preuve instauré par les nouvelles Règles (2).

A sa suite le professeur Hannu HONKA, président de l’association fi nlandaise de droit maritime et par ailleurs chef de la délégation de la Finlande lors des travaux préparatoires de la convention, re-venait sur les questions liées au champ d’application des nouvelles règles ainsi que la liberté contractuelle qui occupe une place cardi-nale dans ce nouveau dispositif. Son champ d’application dépasse désormais le cadre simplement maritime et s’ouvre également à d’autres moyens de transport, ce qui en fait donc une convention maritime “plus” : les contrats de transport conclus sous l’empire des nouvelles Règles couvrent certes le trafi c de ligne régulière, mais aussi le tramping par le biais de contrats d’utilisation de tout ou par-tie du navire et voire en cas d’émission d’un document de transport même émis sous forme électronique, ce qui est davantage clair que l’ancien régime. Comme tout instrument international, les Règles de Rotterdam s’imposent naturellement aux différentes parties au contrat mais plus encore, aménagent une importante sphère où peut s’exprimer la volonté de celles-ci, ce qui constitue un gage de rééquilibrage des rapports de force entre partenaires d’affaires dans le commerce international qui, faut-il le rappeler, est d’abord un droit conventionnel. L’expression la plus achevée de ce libéralisme accru sous Rotterdam reste sans doute l’instauration des contrats de volume (3), concept sur lequel s’étendit abondamment mon-sieur Abhinayan Basu Bal par une approche à la fois juridique et économique. Il s’employa en effet à mettre en relation les contrats de service bien connus outre atlantique et les nouveaux contrats de volume qui participeraient de l’impératif d’accroître la fl exibilité des engagements entre professionnels du transport et permettraient enfi n d’arrimer le contrat de transport de marchandises à l’évolution du droit commercial international ce qui était inévitable.

Une fois ces précisions apportées, il s’est ensuite agit pour Le professeur Diego Esteban Chami de l’Université de Buenos Aires d’aborder les questions de responsabilité soulevées par les nou-velles règles, ce qu’il fi t en détaillant les obligations contractuelles du transporteur ; désormais, outre ses obligations traditionnelles, le transporteur est astreint à une due diligence qui se veut main-tenant constante tout au long du voyage. Il sera également tenu de procéder de façon appropriée à la réception et la livraison des marchandises, ce dont il n’avait pas à se préoccuper sous l’ancien régime (4). Il pourra cependant faire jouer les clauses FIO qui sont désormais intégrées dans la convention afi n de limiter cette obli-gation. Sur le même ordre d’idée mais s’agissant cette fois des « obligations et responsabilités du chargeur », le professeur Ibrahi-ma Khalil Diallo de l’Université Cheikh Anta Diop a tenu à souligner l’apport indéniable des Règles de Rotterdam qui ont grandement enrichi les obligations du chargeur ; ainsi, à coté de ses obligations traditionnelles, il est désormais astreint à un devoir d’information (5) (sincérité et bonne foi), d’un véritable devoir de collaboration (6), tout comme l’obligation de chargement ou déchargement de la marchandise pourra désormais lui incomber sous l’effet de la clause

Les Règles de Rotterdam - 21-23 septembre 2009

(1) Cela remonte à l’époque où il ne s’agissait encore que d’un projet pré-liminaire d’instrument dont le CMI assurait le pilotage à la demande de la CNUDCI. Pour de plus amples informations à ce sujet, consulter : CNUDCI, document A/CN.9/WG.III/WP.21/Add.1, disponible sur Internet au lien : http://daccessdds.un.org/doc/UNDOC/LTD/V02/512/10/PDF/V0251210.pdf?OpenElement

(2) V. art. 17 R.R. Il appartient désormais au chargeur d’apporter la preuve de la faute du transporteur afi n d’engager sa responsabilité en cas de dom-mage, ce qui constitue un dangereux précédent en matière de transport international.

(3) Défi nis à l’article premier-2, les contrats de volume constituent l’un des dispositifs des plus controversés des RR notamment en ce qu’ils permet-tent expressément aux parties de déroger aux dispositions de la con-vention en aménageant un régime plus souple que celui prévu par la convention. V. articles 79 et 80 RR.

(4) En effet l’article 12 des RR qui le prévoit ne trouve pas d’équivalent aussi bien dans les Règles de la Haye modifi ées (article 3) que les Règles de Hambourg (article 4).

(5) Articles 29, 32 RR.(6) Article 28 RR.

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FIO (7). En cas de manquement du chargeur à ces obligations, il verra sa responsabilité personnelle engagée et ce, même si les actes ou omissions qui lui sont reprochés sont plutôt imputables à un tiers à qui il a confi é l’exécution de ses obligations (8). La présentation de ces tiers fut l’objet de la communication du professeur Tomotaka Fujita de l’Université de Tokyo qui relevait la grande diversité de ces intervenants connus sous l’appellation de parties exécutantes qui bénéfi cient d’importants moyens de protection par le jeu de la clause Himalaya.

Sur la même lancée, le professeur Henry Hai Li, remplaçant son homologue le professeur Yuzhuo Si empêché, s’est interrogé sur « la nouvelle structure des bases de responsabilité du trans-porteur ». En effet, releva-t-il, la question de la responsabilité qui se trouve au cœur des nouvelles règles brille par le caractère très novateur de sa structure. Si la faute se trouve encore et toujours à la base du dispositif, le mécanisme du système de responsabilité sous Rotterdam n’a rien a voir avec tout ce que l’on a connu jusques à lors ; en cas de dommage, la charge de la preuve pèse désormais sur la personne du chargeur et le transporteur peut s’exonérer de toute responsabilité en invoquant l’un des cas exceptés prévu par la convention, ou prouver son absence de faute ou l’absence de faute des tiers auxquels il aurait confi é l’exécution de l’une quelconque de ses obligations. Mais l’ayant droit de la marchandise peut faire échec à ces manœuvres du transporteur s’il prouve que celui-ci ou ses préposés ont pris une part active à la réalisation de l’évè-nement exceptionnel dont il se prévaut, ou s’il est impossible de déterminer la cause du dommage (9).

Devant l’essor sans précédent de la conteneurisation et surtout face à l’échec de la convention de 1980 sur le transport multi-modal, il a beaucoup été question de régler une bonne fois cette question en donnant une dimension multimodale à ce texte mais devant le fl ou persistant, le professeur francesco Berlingieri précisa

que les Règles de Rotterdam n’avaient que des aspects multimo-daux. En effet, les questions liées au transport de marchandises ne se posent plus de la même manière. Anciennement de palan à palan (RHV) puis de port à port (RH) il devenait urgent de s’adapter à l’aire du temps puisque l’essentiel du transport de marchandise se fait aujourd’hui par conteneurs ce qui justifi e l’option d’un trans-port porte à porte. Les RR ne constituent pas une convention mul-timodale pour autant, ses dispositions n’ont en effet pas vocation à primer sur les autres conventions internationales susceptibles de recevoir application (10) dans le cadre de l’expédition qui doit seule-ment justifi er d’un segment maritime au moins.

Qui les détient les marchandises transportées et qui les con-trôle ? Entre les mains de qui doit être livrée la marchandise ? Ce sont ces interrogations qui ont balisé la présentation du professeur Charles Debattista de l’Université de Southampton selon lequel il est tout naturel que l’acheteur de la marchandise (destinataire) puisse en réclamer la livraison au moment et au lieu convenus (11). Mais ce peut aussi être le vendeur qui n’aura peut-être pas été payé et voire la banque qui aura peut-être accordé un crédit pour l’achat de marchandises elle aura donc intérêt à savoir ce qu’il advient de ladite marchandise. Dans ces derniers cas de fi gure, la livraison pourrait se faire au moyen d’un document de transport négociable qui peut également se présenter sous forme électronique (12), mais peut également être faite en l’absence de tels documents au quel cas certaines modalités doivent être observées (13). Le chargeur est en principe la seule autorité habilitée à donner au transporteur des instructions concernant la marchandise mais il peut transférer son droit de contrôle à un tiers lors du contrat de transport, ce sera bien souvent en faveur du destinataire (14). Si la marchandise est livrée endommagée, l’ayant droit est alors fondé à saisir les juridictions pour obtenir réparation.

Les professeurs Michael Sturley de l’Université du Texas et Ser-gey Lebedev de l’Institut des Relations Internationales de Moscou se sont respectivement penchés sur les questions inhérentes à la compétence ainsi qu’à l’arbitrage. Sous Rotterdam, comme sous Hambourg, les parties au contrat de transport disposent d’un droit d’action pour les litiges découlant d’un manquement à une obli-gation prévue par la convention. Il peut s’agir d’un recours juridic-tionnel et dans ce cas les parties soumettront leur litige devant la juridiction qu’ils auront choisie dans le cadre d’un accord exclusif d’élection de for si mention en avait été faite dans le contrat, autre-ment, elles disposent d’un vaste forum shopping (15). Mais il peut également s’agir d’un recours non juridictionnel, ce qui préfi gurerait l’existence d’une clause compromissoire valide insérée dans le con-trat (16). Toutefois, les dispositions sur la compétence et l’arbitrage s’étant révélées potentiellement explosives et afi n d’éviter d’atten-ter à la souveraineté des uns et des autres, elles ne lieront que les Etats contractants qui, conformément à l’article 91 de la conven-tion, déclarerons expressément vouloir s’y soumettre. Autant dire qu’elles ne sont qu’optionnelles (17) ce qui est à déplorer face à la nature de questions d’une telle importance.

Au terme de ce colloque, il se dégageait des relents de con-sensus, l’air ambiant en était littéralement imprégné et le senti-ment largement rependus que les véritables problèmes n’avaient pas été abordés était palpable. On n’avait fait que présenter la face émergée de l’iceberg, l’essentiel selon toute vraisemblance étant

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(7) Article 13-2 RR.(8) Articles 30 et 34 RR.(9) L’article 17 qui est le siège de la responsabilité du transporteur sous RR ne

brille ni par sa grande concision ni par sa grande clarté. On peut d’ors-et-déjà imaginer que le métier d’avocat va connaitre des jours glorieux dans un proche avenir car il faudra du temps avant qu’une jurisprudence solide soit bâtie afi n d’apporter d’indispensables lumières sur ce régime de res-ponsabilité qui s’apparente davantage à un parcours du combattant.

(10) Article 26 RR.(11) Article 43 RR.(12) Article 47 RR.(13) Articles 45 & 46 RR.(14) Articles 50 & 51 RR.(15) Article 66 RR.(16) Article 75 RR.(17) Articles 74 & 78 RR.

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le déclenchement du processus de signature et de ratifi cation de la convention. A l’annonce de la dernière signature seule une quinzai-ne d’Etats (18) s’étaient clairement engagés ce qui n’est pas grand-chose en soit. Ce qui l’est davantage c’est de considérer la qualité des Etats qui se sont engagé car même si l’absence des Royaumes Unis est symptomatique, on peut noter le grand intérêt de certaines grosses pointures comme les Etats Unis, l’Espagne et même la Fran-ce pour les Règles de Rotterdam, ce qui est plutôt de bon augure. S’il est également un point sur lequel tous les intervenants du col-loque semblaient s’accorder, c’est qu’il s’agit d’un texte assez diffus, dense et auquel une petite cure de précision et de concision n’aurait pas fait de mal. Mais, compte tenu des travaux préparatoires et des innombrables diffi cultés rencontrées, les Règles de Rotterdam sont le meilleur résultat auquel on pouvait parvenir, renchérissaient-ils en chœur, le but n’étant pas de faire une convention parfaite que personne n’aurait ratifi é, mais bien un texte utile et réaliste. En tout cas, le moins que l’on puisse dire c’est que l’engouement suscité par les Règles de Rotterdam est depuis retombé. Les premières ratifi cations suffi ront-elles à lui insuffl er une énergie nouvelle ? Le sort en est désormais jeté ! ■

(18) Il s’agissait notamment du Congo, du Danemark, de l’Espagne, des Etats-Unis d’Amérique, du Gabon, du Ghana, de la Grèce, la Guinée, Mada-gascar, le Nigéria, la Norvège, les Pays-Bas, hôtes de la cérémonie de signature, la Pologne, le Sénégal, la Suisse et le Togo, liste à laquelle il convient d’ajouter la France qui a signé plus tard dans la journée ainsi que l’Arménie, le Cameroun le Niger et le Mali dont la signature s’est respectivement faite le 29 septembre 2009 pour les deux premiers, et les 22 et 26 octobre 2009 pour les deux derniers, à New-York en raison vraisemblablement de complications procédurales internes. Ce qui fait un total de vingt-et-une signatures à ce jour, sachant que 20 dépôts d’instrument sont requis pour l’entrée en vigueur de la convention.

PUBL

ICIT

ÉPRÉSENTATION

Une situation exceptionnelleLe port Tanger Med est la pierre angulaire d’une plateforme multimodale performante grâce à sa situation stratégique sur le détroit de Gibraltar à la croisée des plus grandes routes maritimes, ses infrastructures de premier ordre et ses connections routières et autoroutières.Intégré dans un circuit logistique international, il servira les zones logis-tiques et industrielles actuelles et futures et stimulera la compétitivité des entreprises installées au Maroc en offrant un degré de connectivité intercontinentale inégalée dans la Région.

Des partenaires de premier planLe complexe portuaire de Tanger Med a réussi à rassembler autour de lui les meilleurs prestataires sur le marché du transport maritime. En ins-tallant dans le complexe portuaire les plus grands armements mondiaux (Maersk, MSC, CMA-CGM) ainsi que des leaders portuaires comme Euro-gate-Contship et PSA, Tanger-Med s’est inscrit dans les meilleures prati-ques techniques, logistiques et managériales de l’économie globale.

Un port de dernière générationLes équipements et l’infrastructure du port Tanger Med ont été conçus en vue de recevoir les plus grands navires porte-conteneurs au monde et de fonctionner aux meilleurs standards de productivité, de sécurité et de sûreté.

Depuis son ouverture en juillet 2007, le port Tanger Med a reçu une large panoplie de navires dont les plus grands porte-conteneurs du monde avec leurs 400 mètres de longueur.

Gestion et développementDans le cadre de sa stratégie de fi lialisation qui s’inscrit dans une logique d’organisation par métiers, l’Agence Spéciale Tanger Méditerranée crée une société dédiée aux activités portuaires appelée « Tanger Med Port Authority » (TMPA). Cette dernière récupère l’ensemble des actifs portuai-res de Tanger Med et se voit déléguer l’ensemble des missions et préro-gatives relatives à la gestion et au développement du complexe portuaire Tanger Med et agit par conséquent en qualité d’Autorité Portuaire.

TMPA assure ainsi :• la construction et la maintenance de l’infrastructure portuaire : digues,

dragages et ouvrages d’accostage ;• le développement continu des activités et des capacités du complexe

portuaire ;• la fonction d’autorité concédante des terminaux portuaires et des acti-

vités portant un caractère de service public ;• l’exploitation en direct de certaines activités portuaires ;• la fonction de police portuaire et la capitainerie du port ;• l’organisation et la régulation des relations et des échanges entre les

acteurs de la communauté portuaire ;• la promotion du port Tanger Med dans son ensemble.

> TMSASiège Social : Agence Spéciale Tanger Méditerranée, 23, rue Carnot, 6ème étage, 90 000 TangerBureaux Casablanca Adresse : Twin Center Tour A Etage 14 Bd Zerktouni Maarif 20100Tél : + 212 (0) 22 95 55 00 - Fax : + 212 (0) 22 95 89 75/76Email : [email protected] Website : www.tmsa.ma

Tanger Med

Notre représentant en compagnie de membres de la délégation française, M. Joret et le Professeur Delebecque.

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations Juillet 2010 • N°2 /71

Deuxième session de la Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime,12-16 octobre 2009, Durban (Afrique du Sud)

« Créer une industrie du transport maritime sûre, sécurisée et propre en Afrique »

Compte rendu de Joseph NGUENE NTEPPE

Docteur en DroitJuriste au Conseil National

des Chargeurs du Cameroun (CNCC)Enseignant à l’Université de Douala

(Cameroun)Rapporteur de la Conférence de Durban.

Reconnaissant l’importance croissante du secteur maritime pour une nouvelle dynamique de la construction africaine, la Com-mission de l’Union Africaine s’est engagée dans le renforcement d’une politique maritime intégrée, prenant en compte une appro-che globale de l’ouverture des pays africains sur la mer. Est-il besoin de signaler que la réussite économique de certains continents tel que l’Europe s’est construite avec l’utilisation des transports mariti-mes pour commercer avec le reste du monde ? Mais aussi fallait-il mettre en place une politique maritime capable de protéger et de soutenir l’activité économique.

Consciente de cet enjeu, la Commission de l’Union Africaine s’est activée à mettre en place une stratégie maritime globale, afi n de faire de l’industrie africaine du transport maritime un secteur vital pour les pays africains.

C’est dans ce contexte que la deuxième session de la Conférence des Ministres de l’Union Africaine en charge des transports mari-times s’est tenue du 12 au 16 octobre 2009 à Durban en Afrique du Sud, au Centre de Congrès Dr. Albert Luthuli (ICC) sur le thème « Créer une industrie du transport maritime sûre, sécurisée et propre en Afrique » et sous le patronage de Son Excellence Sibusiso NDEBELE, Ministre des Transports de la République d’Afri-que du Sud.

Cette conférence a connu un grand succès marqué notamment par une forte participation de la Communauté maritime et portuaire africaine, représentée au plus haut niveau par de nombreux Minis-tres en charge des transports maritimes.

De manière précise, ont pris part aux travaux, les représentants des Etats membres suivants : Algérie, Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cap Vert, Cameroun, Congo, République Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Djibouti, Egypte, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Kenya, Libéria, Libye, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Sénégal, Afrique du Sud, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Tchad, Togo et Zambie.

Les organisations régionales, continentales et internationales suivantes étaient également représentées : le Secrétariat du NE-PAD, l’Organisation Maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (OMAOC), l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (AGPAOC), l’Association de Gestion des Ports de l’Afri-que de l’Est et Australe (PMAESA), l’Association Panafricaine pour la Coopération Portuaire (PAPC), le MOU d’Abuja, l’Union des Con-seils des Chargeurs Africains (UCCA), l’Organisation Hydrographique

Internationale (OHI), l’Union Européenne, l’Organisation Maritime Internationale (OMI), la Commission des Nations Unies sur le Droit Commercial International (CNUDCI), la Communauté pour le déve-loppement de l’Afrique Australe (SADC), l’Autorité Intergouverne-mentale pour le Développement (IGAD).

Les intenses travaux menés sous la coordination des experts et consultants internationaux de haut niveau ont abouti à la défi nition d’une politique maritime globale, opportune, et pragmatique, à tra-vers l’adoption d’instruments pertinents de coopération et d’évalua-tion de la mise en œuvre de la politique préconisée.

I• La consécration d’une politique maritime intégrale et opportune

L’approche globale de l’ouverture sur la mer induit nécessaire-ment une ambition multisectorielle qui doit intégrer les moyens de développer et de tirer le meilleur parti d’une économie maritime en pleine expansion, tout en prenant en compte des impératifs de sécurité, de sûreté maritimes et de protection de l’environnement marin.

C’est dans cette optique que la Commission de l’Union africaine a préparé des instruments juridiques pertinents qui ont été adoptés par les Ministres en charge des transports maritimes, au cours de la Conférence de DURBAN. Il s’agit précisément de la Charte africaine des Transports maritimes et de la Résolution sur la sécurité, la sû-reté et la protection de l’environnement marin en Afrique.

A- Une approche globale de la politique maritime dans la Charte africaine des transports maritimes

Le texte de la charte adopté à Durban est le fruit des travaux d’actualisation de l’ancienne Charte africaine des transports mariti-mes adoptée en 1993 mais jamais en vigueur faute de ratifi cations étatiques suffi santes. Ce texte innove particulièrement dans le fond par l’intégration de nouveaux chapitres visant à l’adapter aux muta-tions politiques, économiques, juridiques et techniques intervenues dans l’industrie maritime.

Les préoccupations suivantes y ont ainsi été introduites : - Sécurité et sûreté maritimes ;- Protection de l’environnement marin ;- Compétitivité et synergie des acteurs du sous-secteur ;- Transport des marchandises et des personnes par les voies

navigables intérieures ;- Développement du transport multimodal- Création des bases de données ;- Renforcement des capacités ;- Financement des activités maritimes- Mécanismes de suivi de la mise en œuvre de la Charte ;- Dynamisation des Conseils des chargeurs.

Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime

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La Charte envisage par ailleurs une coopération basée sur un ensemble de principes et d’objectifs bien précis, de nature à redy-namiser profondément l’industrie maritime africaine.

De manière globale, on peut remarquer que la Charte révisée intègre d’importantes dispositions qui visent à l’adapter aux nou-velles problématiques que soulève actuellement le trafi c maritime, voire le transport multimodal international.

B- Une politique maritime opportune à travers l’adoption de la Résolution sur la sécurité, la sûreté et la protection de l’environnement marin en Afrique

A l’instar de la Charte, les Ministres ont également examiné et adopté la Résolution sur la sûreté, la sécurité maritimes et la protection du milieu marin en Afrique.

Cette résolution est opportune parce qu’elle intervient à un moment où les pays africains se sentent fortement interpellés par l’état préoccupant de la sûreté et de la sécurité du transport mari-time en Afrique, à travers notamment :

- l’augmentation spectaculaire du nombre d’incidents de pirate-rie et de vol à main armée au large des côtes de la Somalie, du Golfe d’Aden et du Golfe de Guinée, et par les conséquen-ces fâcheuses que ces actes entraînent pour l’économie ma-ritime africaine ; et

- le déversement des hydrocarbures et des déchets toxiques le long des côtes africaines.

L’adoption de cette Résolution sur la sûreté constitue donc un

sérieux engagement des Etats membres à respecter leurs obliga-tions en matière de sûreté et de sécurité maritimes ainsi que pour la protection du milieu marin tels que défi nies par les conventions internationales auxquelles ils sont parties.

Pour que les bonnes intentions contenues dans ces instruments de politique maritime ne restent pas lettres mortes, la Commission de l’Union Africaine a élaboré un plan d’action en vue d’assurer le suivi de la mise en œuvre de cette politique.

II• L’affi rmation d’une politique maritime volontariste et pragmatique par l’élaboration d’un plan d’action du transport maritime

Les orientations de la politique maritime africaine ne sont pas simplement globales, mais se veulent aussi volontaristes et prag-matiques.

Dans cette optique, un plan d’action du transport maritime a été adopté et actualisé par la Ministres en charge des transports mariti-mes, en vue, non seulement de transformer en actions concrète les engagements politiques pris, mais aussi de pouvoir évaluer l’état de leur mise en œuvre.

A- CONTENU DU PLAN D’ACTION DU TRANSPORT MARITIME

Les modalités de la mise en œuvre de la politique maritime et portuaire de l’Union Africaine sont défi nies dans le Plan d’action du transport maritime adopté à Abuja le 23 février 2007 et actualisé à Alger le 25 avril 2008, puis à Durban en 2009.

Ce plan est composé de sept grands groupes d’actions, défi -nissant chacun les objectifs poursuivis, les actions à entreprendre et les modalités de suivi et d’évaluation des activités. Ces groupes d’actions sont les suivants :

1) Mesures institutionnelles et juridiques ;2) Renforcement des capacités humaines ;3) Renforcement de la sécurité et de la sûreté du transport

maritime ;4) L’amélioration des performances portuaires ;5) Renforcement de la coopération interafricaine et internatio-

nale ;6) Facilitation et fi nancement des activités portuaires et mari-

times ;7) Perfectionnement des équipements de transport maritime.La réalisation de chacun de ces groupes d’actions est placée

sous la responsabilité d’une institution chef de fi le qui doit agir dans un délai bien déterminé et dont l’action est évaluée à partir des éléments de vérifi cation précis.

A l’heure actuelle, il n’existe pratiquement pas de mécanisme de vérifi cation de la mise en œuvre de ce plan d’action. D’où la né-cessité de mettre effectivement en place certains outils pertinents consacrés par la Charte africaine des transports maritimes.

B- PERSPECTIVES DE MISE EN ŒUVRE DU PLAN D’ACTION DU TRANSPORT MARITIME

La Charte africaine des transports maritimes prévoit au moins deux mécanismes susceptibles de favoriser une application fruc-tueuse de la politique maritime qu’elle défi nit et qui est transformée en actions concrètes par le plan d’action du transport maritime.

Il s’agit précisément de l’Unité continentale pour la coordination des activités de coopération régionale dans les domaines du trans-port maritime et des opérations portuaires (article 5 de la Charte), et du Comité de suivi de la mise en œuvre de la Charte (article 44). Ce Comité est chargé notamment de :

- Promouvoir la mise en œuvre des principes et des objectifs énoncés dans la Charte ;

- Contrôler et évaluer l’impact de la mise en œuvre de la Charte ;- Elaborer, soumettre par les soins de la Commission et à l’in-

tention des Etats parties, un rapport annuel et des recomman-dations sur l’état de la mise en œuvre de la Charte.

Il convient de signaler que la mise en place de ces organes de coordination et de suivi devrait constituer une grande priorité pour la Commission de l’Union Africaine, car en l’absence de tels orga-nes, la volonté politique théoriquement affi chée risquerait indéfi ni-ment de ne pas être suivi d’effets. Ces organes de coordination et de suivi auront vocation à favoriser une dynamique de coopération plus forte entre les Etats membres de l’Union Africaine dans tous les domaines visés par la Charte africaine des transports maritimes.

Cette vision est du reste conforme à la note d’espoir de réus-sir à créer une industrie du transport maritime sûre, sécuri-sée et propre en Afrique, affi rmée par Son Excellence Sibusiso NDE BELE, Ministre des Transports de la République d’Afrique du Sud, lors de son discours de clôture de la Conférence de DURBAN qui aura, à l’évidence, constitué un événement déterminant dans l’amélioration de la politique maritime africaine. ■

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations Juillet 2010 • N°2 /73

Séminaire International de l’Institut Eurafrique Export Nantes, 16-27 Novembre 2009Echos des travaux

Par Aristide Christian EBONGUEDoctorant au CDMO de Nantes

Du 16 au 27 Novembre 2009, se déroulait à Nantes un Sémi-naire de formation destiné aux praticiens du secteur des activités maritimes et des transports d’Europe et des pays ACP ainsi qu’à un important panel d’étudiants profi tant de cette occasion privilégiée pour approfondir leurs connaissances sur le fonctionnement du com-merce maritime international et ainsi avoir une meilleure compré-hension des principales problématiques en découlant. Ce séminaire qui se déclinait en deux parties longues d’une semaine et dont les travaux se sont déroulés sur les sites de l’IFREMER, de la Faculté de droit de Nantes et de la Maison des Sciences de l’Homme (MSH), s’inscrivait dans la dynamique pédagogique initiée depuis quelques années par l’Institut Eurafrique Export afi n notamment de favoriser le développement de la coopération économique Europe-ACP et la constitution d’un cadre scientifi que approprié d’étude, de formation et de recherche. La première semaine dite de « Formation collé-giale », était destinée à tous les séminaristes tandis que la seconde, facultative, visait spécifi quement un « encadrement individualisé » ouvert à ceux des participants qui en faisaient la demande afi n d’approfondir certaines thématiques abordée par les panelistes.

C’est le lundi 16 novembre dans la matinée que se sont ouverts les travaux par une cérémonie sobre mais riche en couleurs qui aura permis aux participants d’avoir une première approche des grands enjeux de ce séminaire et de découvrir de la bouche même du directeur de l’Institut Eurafrique Export, le Professeur Martin NDENDE, cet important outil scientifi que qu’est la « Revue Africaine des Affaires maritimes et des Transport », dernière réalisation de l’Institut. Son ambition est non seulement de rapprocher davantage l’information des professionnels et praticiens des pays du Sud et inversement, mais il s’agit encore et surtout d’une d’interface ma-térielle de vulgarisation du Droit et de la jurisprudence maritimes africaines.

« La maîtrise des activités maritimes et des transports dans un monde en mutation », volontiers engagée, le choix de cette thé-matique comme trame de fond de ce séminaire ne devait rien au hasard. En effet, les travaux visaient quatre objectifs majeurs lesquels ont gouverné de bout à bout les interventions des person-nalités qui se sont succédées sur les planches des tribunes qui leur étaient offertes.

I • Maîtrise des nouvelles réglementations internationales et communautaires du do-maine maritime et des transports

Il s’agissait ici pour les formateurs de revenir sur le produit du processus normatif actuel du droit maritime international et des transports afi n de mettre en relief sa relative complexité et d’en faciliter l’appropriation par les séminaristes ; ce fut ainsi l’occasion pour M. Yann RABUTEAU (Consultant à Brest) de partager son point de vue sur « La réforme des Conventions pétrolières et les méca-nismes indemnitaires depuis les catastrophes de l’Erika et du Pres-tige » après que le professeur NDENDE a passé au crible la nouvelle Convention de Rotterdam de 2009 dite Règles de Rotterdam, et

la problématique de la protection des intérêts des chargeurs. Ce furent autant de questions d’une brulante actualité sur lesquelles se sont largement étendus les panélistes, pour ensuite se retrou-ver dans une Table-ronde axée sur « La dynamique de commu-nautarisation du Droit des transports en Afrique » que modérait le professeur M. NDENDE. Toutefois, la maîtrise des règles régissant le commerce international n’est qu’une étape visant à préparer les professionnels et autres personnels à faire face à un contentieux qui tend à se développer dans les grande villes africaines à l’instar des grande cités européennes.

II • Maîtrise du contentieux des activités maritimes et des transports

Il existe en Afrique comme partout ailleurs un important conten-tieux des affaires maritimes et des transports certes moins ostenta-toire mais qui n’en existe pas moins. La maîtrise de ce contentieux continental nécessite au préalable que soient balisés et précisés un certain nombre de paramètres c’est ce que le Professeur NDENDE s’attela à établir en jetant un regard introspectif sur les différents contentieux liés aux affaires maritimes en Afrique (contentieux-car-gaisons dans le transport sous connaissement, accidents maritimes et aériens, contentieux du transport multimodal, etc..). Par la suite, le Professeur Christophe PAULIN (Université de Toulouse) est venu préciser l’étendue des responsabilités encourues par le commis-sionnaire de transport dont le fl ou qui entoure parfois sa condi-tion d’intermédiaire pose bien des diffi cultés dans l’appréciation de sa responsabilité. Parce que contentieux rime également souvent avec clauses attributives de compétence et clauses compromissoi-res, les parties au contrat de transport se trouvent bien souvent liées par de telles clauses dont elles n’ont pas envisagé toutes les incidences. D’où l’intervention du Professeur Philippe DELEBECQUE (Paris-I, Panthéon-Sorbonne) qui a saisi cette occasion pour préciser les contours des clauses d’élection de for et faire toute la lumière autour de la voie de l’arbitrage maritime sous le prisme français afi n de mettre en relief les incidences de l’une et l’autre solution.

Les Professeurs Henri MODI KOKO (Doyen de la faculté de Droit de Douala au Cameroun) et J.-P. PANCRACIO (de l’Université de Poi-tiers) se sont par la suite succédés à la tribune, le second pour présenter Le Tribunal international du Droit de la mer, juridiction maritime en développement et bien connue des maritimistes, et le premier pour présenter la « Cour de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA » basée à Abidjan, une juridiction communautaire afri-caine moins bien connue des Européens mais qui offre aux Etats africains de nouvelles et prometteuses perspectives en matière de contentieux maritime.

III • Maîtrise des enjeux modernes de l’Eco-nomie maritime et de la logistique portuaire et multimodale

Alors que des plans de relance économique étaient pénible-ment votés de part et d’autre de la sphère économique mondiale afi n de tenter de juguler les effets néfastes d’une crise fi nancière et économique devenue mondiale, une fi ne analyse des principaux mécanismes boursiers et fi nanciers qui on précipité les économies dans cette dangereuse posture s’imposait, ce d’autant que de la crise des sub-primes devenue crise économique, on est passé à une crise du shipping aux conséquences dramatiques sur le fi nan-cement et la construction des navires. Ce fut l’objet de la conférence

« La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation »

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du Professeur Yves PERRAUDEAU de l’Université de Nantes qui fut bientôt rejoint par Mme Françoise ODIER, Professeur Associée à l’Université Paris-I, dont le propos portait sur la libéralisation des transports maritimes internationaux avec un accent particulier sur la problématique de l’avenir des conférences maritimes depuis leur interdiction au niveau européen.

A sa suite, Monsieur Yann Alix, Directeur de l’IPER, remplaçant au pied levé le Dr. Romuald LACOSTE empêché, partagea avec les séminaristes ses réfl exions sur la dynamique portuaire et logisti-que en Afrique sub-saharienne et pour compléter cette interven-tion témoignant d’une riche expérience du terrain, monsieur Robert REZENTHEL qu’on ne présente plus et M. Laurent FEDI (Euromed-Marseille), sont successivement revenus, le premier sur l’évolution du régime des concessions portuaires qui s’apparentent de plus en plus à de véritables conventions de terminal, et le second sur les régimes d’exploitation des terminaux portuaires en relevant notam-ment les diffi cultés que soulève l’absence d’une défi nition formelle de la notion même de terminal portuaire qui rend tout aussi fl ous les contours du concept d’exploitant de terminal portuaire dont la reconnaissance par le droit maritime se fait toujours attendre. Une table ronde sur le régime des ports au Maghreb co-présidée par Mmes les Professeurs Nora TALBI de l’Université de Rabat-Souissi au Maroc, et Fatima BOUKHATMI de l’Université d’Oran en Algé-rie, favorisa de très riches et enrichissants échanges sur différents aspects de la logistique portuaire en Afrique, les cas du Maroc et de l’Algérie ayant servi de trame de fond aux débats. Cette table ronde a permis de revenir, entre autres, sur les grands atouts du port de Tanger-Med comme plate-forme logistique des échanges afro-asiatiques.

IV • Maîtrise de la sécurité et la lutte contre la criminalité dans les transports maritimes internationaux

L’on n’aurait su parachever un séminaire de formation sur les activités maritimes et le transport sans aborder des sujets d’une actualité aussi brulante que les questions de sécurité des person-nes et des biens impliquées dans les expéditions maritimes. Ainsi la piraterie et le terrorisme maritimes furent au centre des débats de cette dernière journée de séminaire. Selon le Bureau maritime international, plus de 4 000 actes de piraterie ont été enregistrés durant les vingt dernières années, un rapport de la RAND Corpora-

tion estime le nombre d’attaques et de tentatives d’attaques à 209 durant la période 1994-1999 et à 2 463 entre 2000 et fi n 2006, soit une augmentation exponentielle de ces pratiques depuis le début du XXIe siècle (1). Un état des lieux fut ainsi dressé par un important panel de conférenciers : d’abord le Colonel des troupes de Marines Marc FONTRIER, suivi de MM. François GUIZIOU et Denis OTSA’A NGUEMA tous deux Doctorants en Géographie à l’Univer-sité de Nantes (Laboratoire Géolittomer), sous la modération de M. J.-Pierre BEURIER, Professeur Emérite de l’Université de Nan-tes. Cette entrée en matière leur a permis d’évoquer les nouvelles stratégies de lutte contre la piraterie maritime qui ont connu un retentissement particulier avec l’affaire du Ponant, mais aussi les solutions nouvellement envisagées, à travers notamment l’adop-tion du fameux « Code de conduite de Djibouti » entre les Etats de l’Océan indien, avec le soutien de l’OMI.

A leur suite, les Professeurs Nora TALBI et M. NDENDE animaient une autre conférence-débat portant cette fois sur la problématique de la sécurité des transports maritimes en Méditerranée. Celle-ci fut suivie par la projection d’un fi lm sur le rôle du facteur humain dans la sécurité maritime réalisé par Mlle A. LE FRANCOIS, Doctorante au CDMO et par la suite élevée au grade de Docteur en Droit. Tous les membres de notre Institut s’associent pour saluer ici son remarqua-ble travail et lui adressent leurs plus chaleureuses félicitations.

Pour clôturer les travaux de ce remarquable séminaire, d’autres conférences-débats davantage portées sur des questions de sécuri-té maritime furent menées par deux doctorantes en Droit maritime du CDMO, l’une par Mlle Marie BOURREL, sur la tragique affaire du déversement des déchets toxiques par le navire « Probo Koala » à Abidjan en août 2006, et l’autre par Mme Awa SAM-LEFEBVRE, laquelle abordait la problématique des grandes catastrophes mari-times africaines, bien souvent méconnues outre-Atlantique, et no-tamment le naufrage du Joola (près de 2000 morts !).

Et, comme il est désormais de tradition pour les séminaires organisés par l’Institut Eurafrique Export, c’est par une séance solen-nelle de remise des attestations des mains des autorités académi-ques et des Professeurs de l’Université de Nantes, mais également par un dîner de gala hautement festif, que les divers participants se sont quittés. Et en se promettant d’autres nouvelles retrouvailles sous l’égide de l’Institut Eurafrique Export… ■

(1) The Maritime Dimension of International Security, RAND Corporation, 2008. Document disponible en ligne. Voir http://www.rand.org/pubs/monographs/2008/RAND_MG697.pdf

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Rabat - Le Maroc et la République du Congo Brazza-ville ont procédé, Mardi 23 février 2010 à Rabat, à la si-gnature d’un accord de coopération dans le domaine ma-ritime, avec pour objectifs la constitution d’assises solides pour le développement de la coopération sur le plan du transport maritime.

Cet accord qui porte essentiellement sur le développement d’une coopération à même d’assurer des services maritimes suf-fi sants pour couvrir les intérêts du commerce maritime entre les deux pays, a été signé par le ministre de l’équipement et des transports, Karim Ghellab, et le ministre délégué chargé de la marine marchande de la république du Congo Brazzaville, Martin Parfait Aimé Coussoud Mavoungou.

D’autres dispositions ont été consenties dans le cadre de cet accord, à savoir le traitement non discriminatoire des na-vires dans les ports respectifs des deux pays, le renforcement de la coordination dans les domaines de la sûreté et la sécurité maritime, la protection du milieu marin contre la pollution, la recherche et l’assistance en mer ainsi que sur la formation ma-ritime et portuaire.

L’accord ambitionne, en outre, le développement de la coo-pération dans le domaine de l’exploitation des ports maritimes, ainsi que l’institution d’une commission mixte permanente qui veille sur la bonne application de cet accord.

Ghellab a exprimé, à cette occasion, sa satisfaction pour la qualité des relations bilatérales entre les deux pays, soulignant que cet accord qui s’inscrit dans le cadre de la coopération sus-sud vient couronner un ensemble d’accords précédents conclus

entre les deux pays dans le domaine technique et l’échange d’expertises dans le domaine du transport maritime et la ges-tion des ports.

Et d’ajouter que cet accord constituera un signe fort pour les sociétés des transports maritimes pour ouvrir des lignes directes entre les ports de Casablanca et Tanger-Med d’une part et le Port Autonome de Pointe-Noire, d’autre part.

Une mesure qui permettra de développer les échanges commerciaux entre le Maroc et le Congo Brazzaville qui ont atteint 550 millions de dirhams en 2008, un chiffre qui reste en deçà des ambitions des deux pays, a noté le ministre, ajou-tant qu’il refl ète, cependant, une augmentation notoire dans le volume des échanges qui a connu une hausse de 100 pc par rapport à 2007.

Pour sa part, Martin Parfait Aimé, qui conduit une impor-tante délégation comprenant de hauts responsables des admi-nistrations portuaire et maritime du Congo, a affi rmé dans une déclaration à la presse « que cet accord a la particularité de favoriser et de faciliter les rapports commerciaux entre le Congo et le Maroc, particulièrement pour le port de Tanger, Casablanca et le Port Autonome de Pointe-Noire ».

Il a estimé également que les relations entre le Royaume et la République sont « excellentes » sur tous les plans, ajoutant que la délégation qu’il préside est « venue pour sceller cette disponibilité de la république du Gongo pour recevoir tous les produits qui viennent du Maroc ».

L’accord vient couronner une série de discussions bilatérales, visant l’établissement d’une formulation commune d’un cadre légal qui répond aux ambitions des deux parties dans le domai-ne du transport maritime, et qui ouvre de nouvelles horizons pour développer la coopération entre les deux pays. ■

Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc et la République du Congo

Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français

Juillet 2010 - Décoration en tant qu’Offi cier

dans l’Ordre du Mérite maritime français,

par Jean-François Valette,

ambassadeur de France au Congo,

de Monsieur Martin Parfait Aimé COUSSOUD MAVOUNGOU,

Ministre des Transports Maritimes et de la Marine Marchande

de la République du Congo.

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations76/ Juillet 2010 • N°2

RAPPORT DE SYNTHESE DU SEMINAIRE INTERNATIONAL SUR LES REGLES DE ROTTERDAM(Yaoundé - Cameroun, Hôtel Mont-Fébé, 18-19 mars 2010)

Rapport présenté par

Prof. Martin NDENDEExpert Juridique International

Professeur à l’Université de Nantes, FranceDirecteur du Master de Droit maritime et océanique

Directeur de l’Institut Eurafrique Export

* * *

Introduction

Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé des transports, représentant son Excellence Monsieur le Premier Ministre chef du Gouvernement,

Monsieur le représentant du Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Yaoundé,

Mesdames et Messieurs les représentants de la CNUDCI et des organisations Internationales et régionales,

Monsieur le Directeur Général du CNCC,Messieurs les Directeurs Généraux et Secrétaires Généraux,Honorables et chers collègues Professeurs,Distingués invités, Chers séminaristes,Mesdames et Messieurs,

Il m’échoit la lourde, mais agréable responsabilité, de clôtu-rer du point de vue scientifi que, les riches travaux de ce Sémi-naire international de Yaoundé, organisé du 18 au 19 mars 2010 autour de la nouvelle Convention maritime internationale signée sous l’égide des Nations-Unies le 23 septembre 2009, et désormais connue sous le nom de « Règles de Rotterdam ».

Qu’il me soit tout d’abord permis, au nom de tous les séminaristes, experts et conférenciers, de remercier très sin-cèrement et respectueusement le Gouvernement et les autorités camerounaises de cette magnifi que initiative.

C’est en effet, comme l’a si bien souligné son Excellence Mon-sieur le Ministre d’Etat chargé des transports, une occasion excep-tionnelle qui a permis d’ouvrir, pour la première fois en Afrique, un dialogue extrêmement sérieux avec la CNUDCI et les organisations internationales spécialisées, mais aussi des échanges approfondis et très opportuns entre les différents responsables et experts afri-cains autour de cette importante Convention internationale.

Nous profi tons de cette occasion pour féliciter chaleu-reusement Monsieur Auguste MBAPPE PENDA, le Directeur Général du CNCC, pour son investissement personnel et celui de l’ensemble de son équipe, mais également pour la coopéra-tion exemplaire et très fructueuse menée avec la CNUDCI et avec l’Union des Conseils de Chargeurs africains (UCCA) pour la réussite de cette grande rencontre maritime internationale en terre came-rounaise.

Qu’il me soit enfi n permis, à titre personnel, de vous con-fi er l’émotion sincère et la gratitude qui sont les miennes en tant qu’universitaire, Expert, et ressortissant camerounais de la diaspora, d’avoir été invité pour venir exposer devant vous, Mesdames et

Messieurs, le Rapport de synthèse de ce Séminaire international de Yaoundé.

La Convention internationale sur laquelle nous venons de nous pencher, pendant deux jours, est probablement, et nos travaux l’ont bien montré, l’un des textes juridiques les plus révolutionnaires de ce début du XXIe siècle.

Beaucoup d’experts à travers le monde n’ont-ils pas affi rmé qu’il s’agissait du texte juridique le plus audacieux du Droit des trans-ports et que par sa modernité elle mérite d’être considérée comme « la Convention internationale du IIIe millénaire » ?

Parallèlement, et a contrario, des voix ne se sont-elles pas éle-vées à travers le monde, y compris à travers l’Afrique, pour inciter les Etats à la prudence face à cette Convention jugée trop complexe et trop problématique ?

Il a été souligné que même si l’Afrique n’a pas été très présente aux premiers rendez-vous de sa rédaction au sein du Groupe III (2 délégués au début), elle s’est amplement rattrapée à Vienne et à New-York, lors des dernières sessions des Travaux de la CNU-DCI (avec plus de 20 délégués), et a tenu au cours des différentes rencontres à réaffi rmer son volontarisme à l’égard de ce texte in-ternational.

Comme le rappelait très justement M. le DG du Conseil Ga-bonais des chargeurs, il faut désormais mettre un terme à l’idée anachronique qui voudrait que l’Afrique soit toujours absente des grandes décisions qui gouvernent le monde.

On peut à ce propos observer, comme l’a confi rmé avec sa-tisfaction Mme Kate LANNAN, représentant de la CNUDCI, qu’aujourd’hui ce texte extrêmement décisif pour l’avenir du monde maritime a été signé par 21 Etats, représentant 25% du commerce mondial, et parmi lesquels on dénombre 11 Etats afri-cains, soit la moitié des signataires :

>> 7 d’Afrique de l’Ouest : Ghana, Mali, Niger, Sénégal, Guinée-Conakry, Nigéria,Togo

>> 3 d’Afrique centrale : Cameroun, Congo et Gabon>> 1 de l’Océan indien : Madagascar

« Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? »

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations Juillet 2010 • N°2 /77

1- Arménie 29 septembre 20092- Cameroun 29 septembre 20093- Congo 23 septembre 20094- Danemark 23 septembre 20095- Espagne 23 septembre 20096- Etats-Unis d’Amérique 23 septembre 20097- France 23 septembre 20098- Gabon 23 septembre 20099- Ghana 23 septembre 200910- Grèce 23 septembre 200911- Guinée 23 septembre 200912- Madagascar 25 septembre 200913- Mali 26 octobre 200914- Niger 22 octobre 200915- Nigéria 23 septembre 200916- Norvège 23 septembre 200917- Pays-Bas 23 septembre 200918- Pologne 23 septembre 200919- Sénégal 23 septembre 200920- Suisse 23 septembre 200921- Togo 23 septembre 2009

Monsieur le DG du CNCC a d’ailleurs souligné dans son Allo-cution d’ouverture combien le Cameroun est clairement favorable à ce texte adopté à l’Assemblée générale des Nations-Unies en présence de son Chef d’Etat, le Président Paul BIYA.

Mais la profondeur de nos travaux et la richesse de nos échan-

ges montrent bien que le volontarisme des Etats africains n’est pas synonyme d’aveuglement et que de nombreuses préoccupations existent et doivent s’exprimer sans démagogie.

De ce point de vue, l’intitulé retenu par les organisateurs de ce

Séminaire est parfaitement symptomatique des interrogations gé-nérées par ce texte à travers le continent, et illustre bien les espoirs et les attentes des Etats africains dont on sait qu’ils sont, pour l’ins-tant, majoritairement liés par les Règles de Hambourg de 1978.

La question qui nous est posée est franche et directe : « Les Règles de Rotterdam : Quel apport pour l’Afrique ? »

Le DG du CNCC, qui a d’emblée reconnu que cette Convention n’est pas une panacée, a exprimé dans son allocution le souhaitait que nos travaux puissent conduire à dire clairement aux Etats en quoi cette Convention serait meilleure que celle de Hambourg de 1978.

Et cette double problématique exigeait de nous des réponses toutes aussi franches et sans équivoque.

Et c’est bien ce qu’a voulu également rappeler très solen-nellement son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé des transports, en attirant l’attention des experts sur la nécessité de tirer toute la quintessence de la nouvelle Convention de manière à éclairer les Etats sur l’opportunité de la ratifi er ou d’y adhérer plus tard, et en ayant particulièrement conscience que les Etats africains n’ont plus aujourd’hui de compagnies d’armement maritimes et sont devenus des Etats essentiellement de chargeurs.

Je crois, Mesdames et Messieurs, que nous pouvons légiti-mement affi rmer que grâce à la CNUDCI et à tous les experts ici présents, nos travaux nous ont permis de mieux comprendre la grande richesse des Règles de Rotterdam et des enjeux d’avenir que cette nouvelle Convention représente pour le continent africain et pour l’ensemble de la communauté internationale.

1. Participation

Placé sous le haut patronage de Son Excellence Monsieur le Premier Ministre Chef du Gouvernement, le Séminaire international de Yaoundé a connu une participation massive d’experts et sémina-ristes venus de différents pays et de différents secteurs d’activités.

Les cérémonies d’ouverture et de clôture se sont déroulées sous la présidence effective du Ministre d’Etat, Ministre des Transports du Cameroun, représentant le Premier Ministre Chef du Gouverne-ment.

Les experts invités étaient originaires aussi bien des pays dé-veloppés que des pays en développement et représentaient la quasi-totalité des continents du monde, en l’occurrence, l’Afrique, l’Europe, l’Asie et l’Amérique.

Le Ministre d’Etat chargé des Transports pendant son allocution.

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Ont précisément pris part aux travaux, des séminaristes re-présentant des entreprises et des organisations professionnelles du secteur portuaire, maritime et para-maritime, la Douane, les Ministères des transports et des Relations extérieures, les Con-seils des chargeurs, les compagnies d’assurance, les universités, les Chambres de commerce, les cabinets d’avocats et les juridictions étatiques. Les pays africains suivants étaient représentés : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Gabon, le Ghana, la Guinée, le Mali, le Niger, le Nigéria, la République centrafricaine, le Sénégal et le Togo.

Les organisations internationales suivantes étaient également représentées : la Commission des Nations Unies Pour le Droit Com-mercial International (CNUDCI), le Comité Maritime International (CMI), l’Union des Conseils des Chargeurs Africains (UCCA) et la Commission Internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sanga (CI-COS).

2. Déroulement des travaux

Grâce à une judicieuse méthodologie dite de l’escalier, nos travaux se sont déroulés autour de 5 sessions parfaitement complémentaires et permettant une découverte progressive et par étapes de cette Convention.

SESSION I

La 1ère session présidée par M. Auguste MBAPPE PENDA, DG du CNCC, consistait en une « Introduction aux Règles de Ham-bourg », de manière à permettre aux participants de remonter à la genèse et aux sources de cette nouvelle Convention.

Partant du constat de l’absence d’un système juridique interna-tional véritablement satisfaisant, Mme Kate LANNAN a souligné que l’avènement des Règles de Rotterdam s’explique par la volonté d’une véritable harmonisation du Droit des transports maritimes internationaux prenant en compte les grandes mutations de l’in-dustrie maritime, et notamment la conteneurisation, le transport multimodal, et le développement du commerce électronique, et en mettant un terme à l’insécurité juridique qui prévaut actuellement à cause de la superposition nuisible de plusieurs conventions inter-nationales concurrentes.

A ses yeux, la participation directe de nombreuses organisa-tions professionnelles (BIMCO, FIATA, CCI, IUMI, etc) à sa rédaction, et aux côtés des Etats, confère à cette Convention à la fois un prag-matisme et un universalisme très appréciables et il n’est pas dès lors étonnant, à ses yeux, qu’elle ait été signée à la fois par de grandes nations maritimes et par des PVD, ce qui lui donne au pas-sage un avantage majeur sur les Règles de Hambourg.

Cette première session a également permis à notre collègue, M. le Prof. FUJITA, de souligner toute la richesse des Règles de Rotterdam qui ont volontairement réglé en détail, grâce à ses 96 articles, nombre de questions juridiques actuellement oubliées ou réglées de manière trop superfi cielle par les Règles de la Haye-Visby ou par les Règles de Hambourg, à l’image par exemple des règles sur les documents de transport, sur les contrats de volume, sur le commerce maritime électronique, ou même sur le transport multimodal trans-maritime.

L’orateur a ainsi tenté d’apporter une réponse à tous ceux qui critiquent régulièrement la longueur excessive et la complexité des Règles de Rotterdam.

A son avis, la CNUDCI a volontairement fait le choix de la clarté et de la précision dans sa politique normative, de manière à renfor-

cer la sécurité juridique et de répondre plus effi cacement aux be-soins précis des opérateurs du commerce maritime international.

Mr. KOFFI MBIA, DG du Ghana Shippers’ Council, a profi té de son allocution pour démontrer que la vertu majeure des Rè-gles de Rotterdam c’est de sortir de la conception fataliste et tra-ditionnelle selon la quelle les Règles de la Haye-Visby protègent essentiellement les armateurs, tandis que les Règles de Hambourg protègeraient davantage les intérêts des chargeurs.

A ses yeux, l’intérêt des Règles de Rotterdam c’est en effet d’effectuer plutôt une synthèse très appréciable, un savant mé-lange entre les deux anciennes conventions internationales, ce qui contribue à créer les conditions d’un véritable équilibre d’intérêts et des droits entre transporteurs et chargeurs, pratiquement comme dans un match de ping-pong.

De son point de vue, l’abondance de dispositions sur les obli-

gations des chargeurs (Chapitre 7, art. 27 et suiv.) constituent, non pas un alourdissement de leurs responsabilités par rapport à ceux des transporteurs, mais plutôt une clarifi cation très opportune de leur situation juridique.

Il a par conséquent conclu son propos en plaidant pour un arri-mage de l’Afrique aux Règles de Rotterdam qui constituent, à son avis, « le meilleur tunnel à prendre » pour aller à la rencontre de nos partenaires économiques étrangers.

Mais l’on notera que l’optimisme du conférencier n’a pas suffi t à dissiper les inquiétudes de certains intervenants (représentant du Ministère camerounais des transports, délégation ivoirienne, etc) qui ont attiré son attention sur la nécessité, pour les Etats africains, d’observer au préalable l’attitude des grandes nations maritimes et des nouvelles puissances économiques telles que la Chine, avant de s’engager dans cette nouvelle Convention.

Cette attitude prudente, réfl échie et rigoureuse a été parfaite-ment comprise par la représentante de la CNUDCI qui a indiqué que les Etats arabes (Déclaration d’Alexandrie) et les grandes nations comme l’Allemagne ont également choisi de prendre tout le temps nécessaire pour la réfl exion et la concertation, ce qui confi rme au passage l’immense intérêt du présent Séminaire organisé par le Cameroun.

SESSION II

La 2ème session présidée par M. Sérigne THIAM DIOP, Secré-taire Général de l’UCCA, mettait en évidence « les obligations et responsabilités des parties contractantes ».

Pour le Président de séance, les chapitres 4 à 7 régissant ces questions méritent un intérêt majeur, car ils constituent « l’épine dorsale de la Convention ».

Le Professeur Khalil DIALLO qui exposait sur les obliga-tions du transporteur (Chapitre 4, art. 11 et suiv.) a tout d’abord procédé à une comparaison entre les régimes des différentes con-ventions internationales en présence.

Revenant sur la problématique de la longueur et du souci de détail qui caractérisent la Convention de Rotterdam il a soutenu, rejoignant en cela M. KOFFI MBIA (du Ghana), que ce style anglo-saxon loin d’être un handicap constitue plutôt un véritable atout sur le plan de la rigueur normative.

Ce souci de rigueur normative lui a paru salutaire à propos des

différentes obligations du transporteur, par exemple en matière de navigabilité (nautique et commerciale).

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Saisissant habilement cette occasion pour mettre en exergue la mémorable tragédie du navire sénégalais Joola qui a fait près de 2000 morts en 2002 au large des eaux gambiennes, notre collègue a indiqué ici le rôle positif susceptible de jouer les Règles de Rotter-dam dans le sens d’un renforcement de la sécurité dans le transport maritime des marchandises en Afrique et dans le monde.

En conclusion il a salué la richesse de la nouvelle Convention

sur le traitement des obligations du transporteur, et y a relevé de véritables avancées par rapport à la Convention de Hambourg.

Le Professeur Anders MÖLLMANN du Danemark a mis l’ac-

cent sur l’article 17 de la Convention, texte fondamental et cen-tral sur la responsabilité du transporteur maritime.

Considérant que ce texte est plus clair que celui des Règles de Hambourg, il a souligné que la présomption de responsabilité prévue par lui n’était pas irréfragable puisque le dispositif prévoit la preuve contraire à travers l’absence de faute puis à travers de mul-tiples causes d’exonération reconnues au transporteur, mais égale-ment avec la possibilité pour le chargeur de ré-engager à nouveau cette responsabilité par la preuve d’une faute du transporteur, et ainsi de suite, comme dans une véritable partie de « ping-pong juridique ».

Mais un de mes voisins qui l’écoutait très attentivement a sou-

piré en se demandant « mais pendant combien de temps peut durer ce match, et est-ce que les chargeurs africains auront assez de moyens fi nanciers pour payer les expertises permettant de ba-lancer à leurs adversaires le smash victorieux ? ». Je pense que son soliloque médite réfl exion…

Le Prof. MÖLLMANN se prononçant sur les dangers possibles liés à la liberté contractuelle, a amplement relativisé ces dangers en soutenant que la Convention de Rotterdam avait prévu plusieurs garde-fous permettant très effi cacement de combattre les risques d’abus, par exemple la possibilité ouverte au chargeur d’exercer librement son choix entre le contrat classique soumis aux Règles de Rotterdam ou un contrat de volume prévoyant la liberté con-tractuelle.

Il en a conclu que les Règles de Rotterdam étaient, de son point de vue, assez appréciables par leur clarté et leur souplesse, et qu’elles constituaient une véritable chance d’uniformisation in-ternationale du Droit maritime, surtout face aux menaces de replis régionalistes qui se manifestent de plus en plus à travers le monde, y compris en Europe.

Maître Gaston NGAMKAN avait la délicate mission d’ex-poser les différentes obligations des chargeurs découlant du Chapitre 7 (article 27 et suiv).

Ayant observé au préalable que les Règles de Hambourg ont adopté en ce domaine quelques dispositions utiles mais très insa-tisfaisantes, l’orateur a indiqué que les Règles de Rotterdam appor-taient un renouveau très intéressant de la matière.

C’est le cas, par exemple, à travers l’apparition d’un per-sonnage nouveau appelé « chargeur documentaire » qui est en réalité bien souvent le vendeur FOB, mais également à travers par exemple une obligation de coopération et de fourniture d’infor-mations et d’instructions (art. 28 et 29).

Mais c’est aussi le cas à travers l’existence d’une obliga-tion spéciale de déclaration et d’information concernant les marchandises dangereuses (art. 32), toutes déclarations men-songères étant dans tous les cas sévèrement sanctionnées, d’autant plus que le chargeur ne pourra bénéfi cier d’aucune limitation légale de réparation en cas de dommages causés par ses marchandises.

Il a démontré que ce régime particulier, dicté par des besoins de

sécurité maritime et de protection de l’environnement, expliquait parfaitement les rigueurs de la nouvelle Convention, notamment en cas de dommages graves ou de mauvaise foi, et le conférencier reconnaît très sincèrement que les chargeurs ne sont pas sortis de l’auberge et auraient mérité les mêmes protections que tous les autres opérateurs de la chaîne de transport.

Plusieurs intervenants (le cas d’un assureur) ont fortement dé-ploré cette situation désavantageuse qui sera fortement pénalisante pour les chargeurs africains et ceux des PVD en général, et le Prof. DIALLO en a profi té pour suggérer une coopération renforcée entre assureurs et Conseils de chargeurs africains, pour une meilleure maîtrise de ce nouvel instrument juridique.

SESSION III

La 3ème session placée sous la présidence de Mme Kate LAN-NAN, Juriste à la CNUDCI, s’est préoccupée de répondre à la ques-tion de savoir « Que régissent les Règles de Rotterdam ? ».

Le Professeur FUJITA qui s’est penché sur la question du champ d’application a montré que la Convention pouvait, en plus des parties contractantes, couvrir les tiers aux contrats (par exem-ple la responsabilité de la « partie dite « exécutante », art. 1er §6 et 19, ou la responsabilité du transporteur pour fait d’autrui, art. 18), mais encore en vertu des articles 12 et 82, à la fois les transports de « port à port », et les transports « door to door », y compris dans le cadre d’un transport multimodal trans-maritime, ce qui constitue un attrait majeur de cette nouvelle Convention.

Par la suite, il est ressorti de la communication du Profes-seur Manuel ALBA que cette problématique particulière du trans-port multimodal trans-maritime trouve des réponses satisfaisantes non seulement dans l’article 82, mais encore dans l’article 26 qui tranche notamment la question délicate des confl its entre les Rè-gles de Rotterdam et les différentes Conventions unimodales susceptibles de s’appliquer avant ou après le transport par mer.

C’est le cas par exemple de la Convention CMR sur le transport routier, mais nous sommes nombreux à avoir également pensé ici à l’Acte uniforme OHADA sur le contrat de transport par route, ce qui ne manquera pas d’intéresser bon nombre d’Etats africains, et même certaines villes comme Yaoundé qui constitue au Cameroun, comme le rappelait le représentant du Délégué du Gouvernement, la ville de transit du transport multimodal à destination de l’Hinter-land et des Pays enclavés voisins que sont la RCA et le Tchad.

Le Professeur NDENDE et le Professeur ALBA.

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Le Professeur ALBA a conclu en démontrant combien ces rè-gles de confl it de sont respectueuses des autres Conventions inter-nationales et traduisent la souplesse et le caractère pratique des Règles de Rotterdam, même si toutes les zones d’ombre sont loin d’être aplanies.

Les débats très fournis qui ont clôturé cette 3ème session se sont poursuivis le lendemain matin.

SESSION IV

La 4ème session, placée sous la supervision de notre collègue le Professeur Tomotaka FUJITA, s’est intéressée à examiner en pro-fondeur certains « Aspects des transports régis par les Règles de Rotterdam ».

Le Prof. Manuel ALBA a d’abord tenu à expliquer que la mo-dernisation et l’uniformisation de la documentation applicable aux transports et voulues par les Règles de Rotterdam (notamment dans ses chapitres 3 et 8) constituent désormais une exigence ma-jeure de la mondialisation et une condition sine qua none de la facilitation du commerce maritime.

A ses yeux, la fl exibilité de cette Convention sur la transmissi-bilité et la négociabilité des documents, y compris pour les docu-ments électroniques et les documents de transport multimodal, font notamment de cette nouvelle Convention un instrument juridique parfaitement adapté aux besoins des échanges internationaux.

Prenant ensuite la parole, le Prof. Khalil DIALLO qui abor-dait la question de la livraison (chapitre 9, art. 43 à 49) a expliqué que les Règles de Rotterdam sont venues combler de nombreu-ses lacunes juridiques, par exemple en ce qui concerne le sort des marchandises en souffrance (art.48), ou l’exercice d’un droit de ré-tention par le transporteur (art.49), même si l’on peut déplorer, à ses yeux, un manque de précision sur la défi nition précise de la livraison ou sur la transmission de l’avis d’arrivée.

Il en a profi té pour attirer l’attention de l’assemblée sur les dif-fi cultés rencontrées en Afrique concernant le paiement du fret à

destination, l’identifi cation du destinataire, l’utilisation de faux do-cuments, ou concernant, les lourdeurs administratives et douaniè-res qui gênent souvent l’obtention d’un accusé de réception, et le conférencier a expliqué que les Règles de Rotterdam apportaient quelques réponses à ces différentes problématiques, tout comme d’ailleurs l’art.12 de l’Acte uniforme OHADA sur les sûretés.

Enfi n, le Prof. Anders MÖLLMANN qui avait volontairement choisi de limiter son exposé aux aspects principaux du droit de contrôle et des transferts des droits, a démontré que le problème central c’est que les différentes parties à une opération du com-merce international cherchent avant tout à préserver leurs intérêts, surtout en cas d’ouverture d’un crédit documentaire.

A son avis, la réglementation du « droit de contrôle » par la nouvelle Convention (art. 50 et suiv.) et la clarifi cation des méca-nismes de transfert de droits (art. 57 et suiv.) permettront néces-sairement une meilleure protection des intérêts des ayant-droit aux marchandises, et c’est une excellente chose pour tous les chargeurs du monde, et ceux d’Afrique en particulier.

Des débats très fructueux ont clôturé cette session, no-tamment sur la modalités de la vente par le transporteur des mar-chandises en souffrance, sur les diffi cultés d’enlèvement ou de li-vraison dans les ports africains, ou encore sur la complexité des règles relatives à l’exercice du droit de contrôle, le représentant du Bénin, M. DJIBRIL qui a participé aux travaux du Groupe III, y voyant même à ce niveau certaines contradictions rédactionnelles dans la Convention.

SESSION V

La 5ème et dernière session de notre Séminaire international, placée sous l’autorité de M. KOFI MBIAH, DG du Ghana Shippers’ Council, a été très largement processuelle et s’est focalisée sur le « Régime du contentieux » découlant de la nouvelle Conven-tion.

Cette Session a été complétée par un Atelier sur les connais-

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sements camerounais et des études de cas, ainsi que par un exposé complet sur l’abondante activité normative de la CNUDCI, par M. Arsène SINGA YONGA.

Maître NGAMKAN déplorant l’autisme des Règles de la Haye-Visby et soulignant les améliorations apportées par les Règles de Hambourg grâce à son système de forum shopping (art. 21 et 22), a affi rmé que la démarche des Règles de Rotterdam c’est, tout en s’inspirant du système du forum shopping, d’avoir très curieuse-ment prévu dans ses Chapitres 14 et 15 (art. 66 à 78), un système assez complexe et fi nalement préoccupant, par exemple à propos des « accords d’élection de for » prévus par l’art. 67.

Il a déploré à la fois l’excès de liberté contractuelle, la mauvaise lisibilité de ces textes et le risque de voir la Convention immoler les petits chargeurs.

Il a néanmoins salué les intéressantes dispositions prévues par la Convention en faveur de l’arbitrage (art.75 à 78), et en matière d’exécution des décisions judiciaires rendues à l’étranger, grâce no-tamment à l’art.73, ce qui est, à ses yeux, propres à rassurer les plaideurs.

Il a conclu son propos en indiquant que le nouveau Code CEMAC constituait à ses yeux un meilleur modèle, puisqu’il s’est efforcé de mieux concilier les systèmes de Hambourg et de Rotterdam.

Madame Kate LANNAN de la CNUDCI a pour sa part souligné

l’intérêt, l’originalité et les montants satisfaisants des nouveaux plafonds de limitation de réparation prévus par les Règles de Rot-terdam (Chapitre 12, art. 59 à 61).

Elle a souligné combien ces avancées étaient intéressantes pour les chargeurs, même si certains déplorent que les chargeurs ne puissent inversement bénéfi cier du même droit à la limitation.

Observant au passage qu’aucune Convention internationale ne prévoit une telle limitation en faveur des chargeurs, elle a indiqué que le Groupe III n’a pas réussi à faire évoluer cette problémati-que, mais qu’à l’inverse la nouvelle Convention a pu apporter des solutions satisfaisantes en matière procédurale, à commencer par un accord complet sur un délai de 2 ans pour l’exercice des actions en justice.

Conclusion

Excellence Monsieur le Ministre d’Etat chargé des transports, représentant son Excellence Monsieur le Premier Ministre chef du Gouvernement,

Monsieur le représentant du Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Yaoundé,

Mesdames et Messieurs les représentants de la CNUDCI et des organisations Internationales et régionales,

Monsieur le Directeur Général du CNCC,Messieurs les Directeurs Généraux et Secrétaires Généraux,Honorables et chers collègues Professeurs,Distingués invités, Chers séminaristes,Mesdames et Messieurs,

Pour conclure ce rapport de synthèse, il me plait de souligner que de mon point de vue, les travaux de notre séminaire ont permis de mettre en évidence trois enseignements majeurs qui caractérisent parfaitement cette Convention.

1• C’est d’abord une Convention voulue comme un instru-ment de compromis entre le système de la Haye-Visby et celui de Hambourg, et ce Séminaire nous a permis de mesurer toutes ses

ambitions en faveur d’une unifi cation défi nitive et très souhaitable du Droit des transports maritimes internationaux.

2• C’est ensuite une Convention extrêmement riche et novatrice et les nombreuses communications que nous avons écoutées pendant deux jours ont, je le crois, amplement convaincu les plus sceptiques d’entre nous.

3• Mais c’est aussi, et enfi n, comme toute œuvre humai-

ne, une Convention nécessairement imparfaite et forcément problématique, et les riches débats que nous avons suivi ont par-faitement mis en évidence un certain nombre de ses failles ou dangers.

Au moment de nous séparer, une mélodie bien connue d’un célèbre chanteur français parcourt certainement l’esprit de tous les responsables nationaux ici présents : « Et maintenant, que vais-je faire ? »…

« Et maintenant, que vais-je faire ? »…

Au risque de décevoir certaines attentes exprimées au début de ce Séminaire, il ne nous revient pas ici de pointer aux Etats africains la voie à suivre.

A vrai dire, cette voie se dessine déjà d’elle-même, par exem-ple avec les 11 signatures des Etats africains à Rotterdam, et il me plait de reprendre ici la formule de M. le DG du CNCC qui affi rmait, dans son allocution, que les Règles de Rotterdam annoncent de profondes mutations et l’avènement d’un nouvel ordre mari-time international en marge duquel le Cameroun et l’Afrique ne sauraient se placer.

Mais l’Afrique, qui a connu le naufrage de toutes ses compa-gnies maritimes par un libéralisme maritime trop féroce et étant désormais, à quelques exceptions près, un continent majoritaire-ment composée de chargeurs, doit savoir qu’elle n’aura plus le droit à l’erreur, puisque son industrie maritime se trouve déjà au bord du précipice.

L’Afrique doit donc impérativement, comme tous les autres continents, s’accorder le temps de la réfl exion et de la concertation, car la précipitation excessive est toujours mauvaise conseillère.

Alors tout en travaillant résolument pour Rotterdam, disons-le clairement et courageusement :

Festina lente, Festina lente… Hâtons-nous lentement, hâtons-nous lentement.

Mais avançons ensemble…

Et qu’il me soit permis, en votre nom à tous, de remercier à nouveau tous les participants et de rassurer Madame la représen-tante de la CNUDCI, en lui disant que si le Gouvernement came-rounais a tenu à organiser ce Séminaire africain à Yaoundé, la ville aux 7 collines, et en particulier ici à Mont-Fébé, c’est aussi parce depuis les hauteurs de cette colline la visibilité devient totale à des dizaines de kilomètres, et enfi n parce que nous sommes sur l’une des collines les plus fertiles où l’on plantait autrefois les premiers cacaoyers qui ont vu naître la ville de Yaoundé.

Alors soyez convaincue, Madame, que la graine que nous avons plantée ensemble ici à Yaoundé, au cours de ce Séminaire, n’est pas tombée dans un désert, mais sur l’un des sols les plus fertiles d’Afrique…

Je vous remercie de votre aimable attention. ■

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Mise en place au Congo d’un « Centre Opérationnel de la Marine » pour la sécurité et la sûreté du Golfe de Guinée : Cadre juridique et procédures opérationnelles

M. Thérard Doriant I. MIENAHOU, Offi cier de marine (Enseigne de vaisseau de 1ère classe), en service à la Division Doctrine d’Emploi de l’Etat-major de la Marine nationale du Congo, bénéfi cie actuelle-ment d’un séjour de formation à l’Université du Nantes, au Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO). Il est l’un

des boursiers 2010-2011 du Programme japonais de bourses d’études des Nations Unies et de la Nippon Foundation sur les affaires maritimes et droit de la mer. Son sujet de recherche a été placé, sur demande des Nations-Unies sous la direction du Prof. Martin NDENDE, Directeur du Master de « Droit et Sécurité des Activités Maritimes et Océaniques » et de l’Institut Eurafri-que Export à l’Université de Nantes.

Le Golfe de Guinée, de par sa position géostratégique ma-jeure (croisée des grands axes maritimes) et sa richesse incon-testée en ressources pétrolifères et halieutiques est en proie à une série menaces (piraterie maritime, risques d’accidents et de pollutions, enfouissement de déchets, exploitation frauduleuse des ressources halieutiques et océaniques, etc) à un rythme tel qu’il a été très rapidement classé comme zone maritime dangereuse par la communauté maritime Internationale . Cette situation a activement interpellé les différents pays riverains de cette région sensible.

Devant cette situation préoccupante et compliquée par une tendance récente à la « somalisation » de ce Golfe à très forte potentialité pétrolière, certains Etats riverains ont procédé à la réanimation de la CEEAC (Communauté Economique des Etats

d’Afrique Centrale) pour la hisser au rang de plateforme com-munautaire de sécurisation du Golfe de Guinée. Pour ce faire, il a été mis en place une équipe d’experts pour une Etude visant à mettre en place une « Stratégie commune de sécurisation des intérêts vitaux en mer des Etats ».

Aux fi ns de l’exécution des missions de ladite « Stratégie » fondée sur la coordination des unités navigantes des différentes marines militaires de ses Etats membres, le groupe d’experts a proposé la création de trois organes civilo-militaires dont le plus important pour cette recherche est le « Centre Opérationnel de la Marine » (COM). Le COM est l’organe de mise en œuvre tacti-que de la « Stratégie » nationale et communautaire. Il est situé dans chaque Etat membre. La recherche confi ée à M. MIENAHOU se focalise principalement autour du COM de la République du Congo, organe conduisant l’action tactique des unités coercitives sur le théâtre d’opérations et du cadre juridique d’évolution des forces engagées dans la stratégie.

L’objectif assigné à sa recherche qui s’inscrit dans le cadre de la sécurité et de la sûreté maritimes du Golfe de Guinée est par conséquent :- d’abord, d’élaborer une ébauche de chaîne fonctionnelle opé-

rationnelle d’un COM à l’instar de ceux des préfectures ma-ritimes françaises qui en sont dotées ainsi que les profi ls de personnels qui s’y rattachent ;

- ensuite, d’esquisser des procédures de déploiement d’une équipe de visite à l’égard d’un navire à contrôler, puis éven-tuellement à arraisonner ;

- et enfi n, la mise en place d’une sorte de bréviaire juridique (Guide de droit maritime) encadrant l’action des unités tacti-ques appelées à intervenir dans le cadre de la « Stratégie », afi n d’éviter des maladresses juridiques dans leur interaction (contrôle, arraisonnement) avec les navires à contrôler.

Mots clés : Golfe de guinée - Sécurité et sûreté maritimes - Centre opérationnel de Marine - Visites et arraisonnements - Procédures et Guide juridiques - Marines militaires - CEEAC et Congo - Action de l’Etat en mer - Harmonisation juridique.

Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo

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Par Martin NDENDEProfesseur à l’Université de Nantes

Directeur du Master de Droit Maritime et OcéaniqueDirecteur de l’Institut Eurafrique Export

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I • LÉGISLATION

1• Union Africaine - Charte africaine des transports maritimes - Adoption Le plus grand évènement juridique à l’échelle continentale, au cours des derniers mois, aura incontestablement été dans le domaine des transports, l’adoption le 16 octobre 2009 à Durban en Afrique du sud, de la nouvelle Charte africaine des transports maritimes (AU/MT/MIN/1 (II), Union Africaine, 2ème Conférence des Ministres de l’Union Africaine en charge des transports maritimes, Durban, 12-16 oct. 2009). Pour plus de détails sur cet important évènement et sur les principales dispositions de cet instrument normatif à vocation continentale (le seul du genre au monde), qu’il nous soit permis de renvoyer nos lecteurs à l’exposé circonstancié développé par le Dr. Joseph NGUENE NTEPPE dans la présente Revue (v° supra, Nouvelles et Informations, pp. 71-72). Qu’il nous suffi se donc de limiter notre propos ici à des considérations générales, qu’elles soient rétrospecti-ves ou prospectives. Rappelons tout d’abord, à titre rétrospectif, qu’une telle Charte n’est pas, à proprement parler une nouveauté dans le paysage maritime africain ou dans les Annales de l’Union Africaine (ex-OUA, Organisa-tion de l’Unité Africaine). En effet, la toute première Charte édictée sur le continent, dans le domaine maritime, fut la « Charte d’Abidjan » pour une politique communautaire des transports maritimes, élaborée le 6 mai 1975 par 17 Chefs d’Etats d’Afrique de l’ouest et du centre, et qui sera institutionnalisée à Accra, le 25 Février 1977 par la signa-ture de vingt Etats (v° Martin NDENDE : « La construction du Droit des transports maritimes en Afrique », in Mélanges offerts au Professeur Pierre BONASSIES, Editions Moreux, Paris 2001, pp.239 et suiv.; Nou-velle mouture enrichie publiée à la Revue Congolaise des Transports et des Affaires Maritimes n°1, 2004). Cette Charte régionale permettra la création de la toute première organisation communautaire des trans-ports maritimes en Afrique, sous le nom de Conférence Ministérielle des Etats d’Afrique de l’Ouest et du Centre sur les Transports Mariti-mes, CMEAOC/TM. Cette institution ayant son siège à Abidjan et qui a été rebaptisée OMAOC (Organisation Maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre) comprend aujourd’hui 25 Etats d’Afrique de l’Ouest et du Centre, Etats enclavés compris. On peut ainsi dire que cette première Charte fut, non pas un instrument juridique à vocation normative clas-sique (elle ne régissait aucune matière particulière), mais davantage le creuset organique et philosophique d’une politique maritime com-munautaire en gestation dans une région précise (l’Afrique de l’ouest et du centre). Quant à la deuxième Charte connue, elle fut élaborée à Addis-Abeba le 11 juin 1994 par l’OUA et se trouve ainsi aujourd’hui remplacée par celle qui nous intéresse ici. Elle constituait déjà un instrument juridique de portée normative visant, entre autres, la défi nition d’une politi-que maritime commune et l’harmonisation des législations maritimes des différents Etats membres de l’OUA dans des matières les plus diverses (Réglementation du trafi c, transport multimodal, cabotage, activité des auxiliaires de transport, fi nancement et développement des fl ottes marchandes, etc.). Mais les immenses bouleversements du contexte maritime mondial avaient compromis les chances d’ap-plication de cette Charte de 1994 et rendu rapidement son contenu anachronique ou problématique (par exemple à propos du sort du

Code de conduite des conférences maritimes de la CNUCED de 1974). D’où donc l’initiative de l’Union Africaine conduisant à l’adoption d’une nouvelle Charte au cours de la Conférence internationale de Durban de 2009. Cette nouvelle Charte se veut à la fois moderne, à portée continentale, et bien plus opérationnelle que la précédente. Elle se donne pour objectif de « défi nir, exprimer clairement et mettre en œuvre une po-litique harmonisée des transports maritimes, à même de promouvoir une croissance et un développement durables des fl ottes marchandes africaines et de promouvoir la coopération entre les Etats membres de la même région et entre les régions » (art.3) ; elle reconnaît, au préalable, dans son Préambule « le rôle des transports maritimes dans la facilitation et le développement du commerce entre l’Afrique et les autres régions du monde et la nécessité de mettre en œuvre une poli-tique effi cace en matière de transports maritimes en vue de promou-voir le commerce intra-africain et le commerce entre les Etats africains et les autres continents ». Elle y souligne également « la nécessité d’établir et de renforcer la coopération pour coordonner et harmoniser les politiques, règlements et procédures maritimes, portuaires et des voies de navigation intérieures tant au niveau des relations mutuelles que de celles avec les Etats tiers ». Pour ce faire, cette Charte com-porte jusqu’à 52 articles, traitant entre autres :- de la mise en place d’un cadre institutionnel permettant la coo-

pération maritime et portuaire (art. 5 et s.) et le renforcement de la coopération entre Compagnies maritimes ou entre Conseils des chargeurs (art. 9 et suiv.),

- du développement du commerce de transit et de la coopération entre Etats sans littoral et Etats de transit (art. 17 et suiv.),

- du développement du transport multimodal et de la gestion des ports (art. 21 et suiv.),

- de l’amélioration de la sécurité et de la sûreté maritimes (art. 23 et suiv.),

- de la protection du milieu marin (art. 28 et suiv.),- du développement des ressources humaines et renforcement des

capacités (art. 36 et suiv.),- des engagements des Etats à l’égard de la Charte, parmi lesquels la

mise en place de « Plans d’action nationaux » des transports mari-times et par voie navigable (art. 40 et suiv.) ainsi que de « Comités de suivi » (art. 44).

On pourrait cependant, à titre prospectif, s’interroger sur l’avenir de ce nouvel instrument juridique continental. Bien que sa mise en œuvre ait été prévue après « ratifi cation, acceptation ou approbation » d’au mois quinze Etats membres » (art.48-§2 et art.49), il ne s’agit pas pour autant d’une Convention internationale au sens classique du terme et avec toutes les conséquences qui en découleraient (notamment à travers son respect assuré par les Etats parties et par leurs tribunaux – V° sur cette problématique en France, Martin NDENDE : « La posi-tion du droit français au regard des conventions internationales de droit maritime privé », DMF déc. 2006, pp.931 et suiv.). Cette Charte ne constitue pas, non plus, une norme ayant le pouvoir coercitif d’un Règlement ou d’une Directive communautaires. Il s’agit plutôt d’un instrument normatif de politique maritime communautaire, régis-sant certes des matières bien déterminées, mais dont l’application rigoureuse n’est absolument pas garantie, et dont la violation ne fait nullement l’objet de sanctions précises de la part de la Commission de l’Union africaine ou de la future Cour de Justice africaine. Il s’agit donc de toute évidence d’un instrument de « soft law », c’est-à-dire de « droit mou », et dont l’absence de caractère coercitif risque de donner les mêmes résultats décevants que le MOU d’Abuja ou celui de Méditerranée (v° Amour Chr. ZINSOU : « Le MOU d’Abuja : un ac-cord administratif pertinent diffi cilement appliqué dans la région de l’Afrique de l’ouest et du centre », Rev. Afr. Aff. marit. & Transp. n°1,

Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports

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2009, pp.25 et suiv. ; adde : sur le même Mémorandum, Thèse Droit, Univ. Nantes, 2010). Il est craindre, en conséquence, que les Etats ne se limitent à faire de ce texte un instrument purement déclaratoire, au lieu de s’en servir comme un réel instrument juridique au service du développement. Puisse l’avenir nous prouver le contraire. Et ce serait alors une réelle bénédiction pour le secteur maritime africain…

2• Piraterie – Eaux africaines - Océan indien et Golfe d’Aden - Mesures de lutte et de coopération - Code de conduite de Dji-bouti de 2009 Pour faire face aux fl éaux de la piraterie et des nouvelles formes de criminalité en mer, les Etats africains n’assistent pas en spectateurs à la sécurisation de leurs espaces maritimes par des puissances étran-gères. Une réelle prise de conscience et une véritable politique de coopération bilatérale ou multilatérale se mettent progressivement en place et se développent. Dans les Etats du Golfe de Guinée quelques initiatives heureuses (bien qu’encore timides) ont été déjà prises, à l’image de l’Accord de sécurisation maritime du 6 mai 2009 (v° Martin NDENDE, Chron. Euro-africaine des affaires maritime, Rev.Afr. Aff. ma-rit. & Transp., n°1 Juill. 2009, p.75, ss. n°14). Les Etats de l’océan indien et du Golfe d’Aden sont allés encore plus loin que leurs homologues d’Afrique centrale. C’est ainsi qu’un Code communautaire – dit Code de conduite de Djibouti – a été mis en place par les Etats de cette sous-région, sous l’égide de l’OMI. Le Code de conduite de Djibouti tire son origine de la « Réunion sous-régionale sur la sûreté maritime, les actes de piraterie et les vols à main armée à l’encontre des navires à l’intention des États des régions de l’Océan Indien occidental, du Golfe d’Aden et de la Mer Rouge » qui s’était tenue à Djibouti du 26 au 29 janvier 2009. Dix-sept (des 21) États de la région y avaient assisté. En outre, 12 États qui n’étaient pas de la région (ex/ Canada, USA, Inde, Italie, Nigéria), quatre organes et programmes des Nations Unies, neuf organisations intergouverne-mentales (dont l’Union Européenne et INTERPOL) et trois organisations non gouvernementales (dont le PAM) y avaient également participé en tant qu’observateurs. Les Etats présents à cette réunion ont ainsi voté une Résolution sur l’adoption d’un Code de conduite « concernant la répression des actes de piraterie et des vols à main armée à l’encon-tre des navires dans l’océan Indien occidental et le golfe d’Aden ». Ce Code a été signé le 29 janvier 2009 par les représentants de Djibouti, de l’Éthiopie, du Kenya, de Madagascar, des Maldives, des Seychelles, de la Somalie, de la République-Unie de Tanzanie et du Yémen. Il reste ouvert à la signature d’autres pays de la région au Siège de l’OMI et a pris effet à la date à laquelle il a été signé (donc le 29 janvier 2009).Ainsi que le rappelle le Rapport de synthèse de l’OMI, les signataires du Code sont convenus de coopérer, d’une manière conforme au droit international, pour :a) arrêter les personnes que l’on soupçonne sérieusement d’avoir

commis des actes de piraterie et des vols à main armée à l’encon-tre des navires, mener des enquêtes à leur sujet et les traduire en justice, y compris celles qui incitent à commettre ces actes ou les facilitent intentionnellement ;

b) interdire et saisir les navires suspects et les biens qui se trouvent à leur bord ;

c) secourir les navires, les personnes et les biens qui font l’objet d’ac-tes de piraterie et de vols à main armée et simplifi er la prise en charge, le traitement et le rapatriement appropriés des gens de mer, des pêcheurs, du personnel de bord et des passagers qui ont fait l’objet de ces actes, en particulier ceux qui ont subi des actes de violence ; et

d) mener des opérations communes, aussi bien entre États signataires qu’avec les marines des pays qui ne sont pas de la région, comme, par exemple, désigner des agents de la force publique ou d’autres agents habilités qui embarqueront à bord de navires ou d’aéronefs patrouilleurs d’un autre signataire.

En outre, le Code prévoit le partage des renseignements connexes, par

l’intermédiaire d’un certain nombre de centres et de points de contact nationaux, au moyen des infrastructures et des dispositifs existants pour les communications navire/côtière/navire (à savoir, le Centre de coordination de sauvetage maritime régional de Mombasa (Kenya) et le Centre de coordination de sauvetage sous-régional de Dar es-Sa-laam (République-Unie de Tanzanie) ainsi que le centre d’information maritime régional qui est passe d’être établi à Sanaa (Yémen).Les signataires se sont également engagés à examiner leur législa-tion nationale afi n de s’assurer que les lois en place dans leur pays permettent de faire tomber sous le coup du droit pénal les actes de piraterie et les vols à main armée à l’encontre de navires et qu’il existe des dispositions appropriées permettant l’exercice du pouvoir juridictionnel, la conduite d’enquêtes et la poursuite en justice des auteurs présumés.Souhaitons que ce précieux instrument de coopération régionale con-tre la criminalité en mer connaisse un grand succès par son effi cacité sur le terrain, car la situation demeure encore très alarmante (v° Ass. Nationale de la République Française : « Rapport d’information n°1670 déposée par la Commission de Défense Nationale et des Forces ar-mées sur la piraterie maritime », et présenté par Christian MENARD, Député, Paris 13 mai 2009). Il faut justement se réjouir de ce qu’à côté de nombreux Etats, l’OMI, la Ligue Arabe, l’Union Européenne et l’Union Africaine (depuis le sommet de Durban de 2009) œuvrent auprès des Etats concernés pour renforcer cette effi cacité par une plus grande coopération internationale...

3• Criminalité en mer - Piraterie maritime et attaques à main armée contre les navires – Coopération Euro africaine – Opéra-tion Atalanta – Accord UE/SeychellesLes Etats africains confrontés au phénomène de la piraterie et de la criminalité en mer, et conscients de leurs limites militaires, ont pour la plupart résolument choisi de coopérer avec les organisations inter-nationales et des partenaires étrangers solides et fi ables pour lutter contre ce redoutable fl éau (Sur le cas des poursuites dirigées contre les pirates somaliens ayant attaqué le voilier français « Le Ponant », Cass.crim., 16 septembre 2009, Navire « Le Ponant », DMF nov. 2009, obs. Pierre BONASSIES). L’Accord conclu en décembre 2009 entre l’Union Européenne et la République des Seychelles est à ranger dans cette dynamique (Accord entre l’Union européenne et la République des Seychelles relatif au statut des forces placées sous la direction de l’Union européenne dans la République des Seychelles dans le cadre de l’opération militaire de l’Union européenne Atalanta, JO L. 323 du 10.12.2009, p. 14–19 - Décision 2009/916/PESC du Conseil du 23 octobre 2009). Pour fi xer le socle d’une coopération effi cace et se-reine, cet Accord a réglé par le menu les rapports entre les deux Par-ties contractantes. Selon ses termes (article 4) et pour les besoins de l’opération, l’État hôte accorde aux forces placées sous la direction de l’Union européenne (dites « EUNAVFOR ») et contribuant à l’opération ATALANTA la liberté de déplacement et de circulation sur son territoire, y compris ses eaux et son espace aérien. La liberté de déplacement dans les eaux de l’État hôte comprend notamment l’arrêt et le mouilla-ge en toutes circonstances. Pour les besoins de l’opération, l’EUNAV-FOR peut se livrer, sur le territoire de l’État hôte, y compris dans sa mer territoriale et son espace aérien, au lancement, à l’appontage ou à l’embarquement d’aéronefs ou d’engins militaires, sous réserve de l’obtention de l’autorisation de l’autorité de l’État hôte responsable pour la sécurité des vols. Pour ces mêmes besoins, les sous-marins de l’EUNAVFOR ne sont pas tenus de naviguer en surface ni d’arborer leur pavillon dans la mer territoriale de l’État hôte. L’EUNAVFOR et les moyens de transports qu’elle affrète peuvent utiliser les routes, ponts, transbordeurs, aéroports et ports sans devoir acquitter de redevan-ces, péages, taxes et droits similaires. L’EUNAVFOR n’est pas exemptée de contributions d’un montant raisonnable pour les services dont elle bénéfi cie à sa demande, dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour les forces armées de l’État hôte. L’article 5 fi xe les

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privilèges et immunités reconnus à cette force par l’Etat hôte : les ins-tallations de l’EUNAVFOR et ses navires et aéronefs sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’État hôte d’y pénétrer sans le consen-tement du commandant de la force de l’Union européenne. Lorsqu’ils entrent sur le territoire de l’État hôte, qu’ils le quittent ou qu’ils s’y trouvent, ils sont exemptés des dispositions en matière de passeport et de visa, des inspections menées dans le cadre des formalités d’im-migration et du contrôle douanier. Les installations de l’EUNAVFOR, leur ameublement et les autres objets qui s’y trouvent, ainsi que ses moyens de transport, ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution. L’EUNAVFOR, ainsi que les biens et les ressources dont elle dispose, où qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le détenteur, jouissent de l’immunité de juridiction. Les ar-chives et les documents et la correspondance offi cielle de l’EUNAVFOR sont inviolables à tout moment et en quelque lieu qu’ils se trouvent, etc. A l’inverse, cette force doit, selon les termes de l’article 2, respec-ter les lois et les règlements de l’État hôte et s’abstenir de toute action ou activité incompatible avec les objectifs de l’opération. L’EUNAV-FOR communique régulièrement au gouvernement de l’État hôte le nombre des membres de son personnel qui sont stationnés sur le territoire de l’État hôte, ainsi que l’identité des navires, aéronefs et unités opérant dans les eaux de l’État hôte ou faisant escale dans ses ports. Les véhicules, aéronefs, navires et autres moyens de transport de l’EUNAVFOR portent un marquage d’identifi cation et/ou des pla-ques d’immatriculation distinctifs, qui sont notifi és préalablement aux autorités compétentes de l’État hôte (article 3). L’EUNAVFOR a le droit d’arborer le drapeau de l’Union européenne et des signes distinctifs, tels qu’insignes militaires, titres et symboles offi ciels, sur ses installa-tions, véhicules et autres moyens de transport. Les uniformes du per-sonnel de l’EUNAVFOR portent un emblème distinctif. Les drapeaux ou insignes nationaux des contingents nationaux participant à l’opération peuvent être arborés sur les installations, véhicules et autres moyens de transport et uniformes de l’EUNAVFOR, selon la décision du com-mandant de la force de l’Union européenne.

4• Transports aériens Europe/Afrique – Zone UEMOA – Libéralisa-tion de services aériens - Accord aérien horizontal UE/UEMOAUn évènement de taille, et particulièrement novateur, vient de se tenir dans le ciel euro-africain. L’Union Européenne et l’UEMOA ont en effet signé à Bruxelles, le 17 décembre 2009, un accord horizontal (daté du 30 novembre) sur les services aériens (Accord entre la Communauté Européenne et l’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine sur certains aspects relatifs aux relatifs aux services aériens, JOUE n° L56, du 6 mars 2010, p.16 – adde : Cons. Déc. n°2010/144, 30 mars 2009 relative à la signature et à l’application provisoire dudit accord : JOUE n°L56, 6 mars 2010, p.15). C’est une première en Droit communau-taire, car cet accord multilatéral n’unit pas l’UE à un Etat, mais à un groupe d’Etats membres d’une organisation régionale (Bénin, Burkina, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, et Togo). Il inaugure ce qu’il conviendrait d’appeler désormais le « multi-bilatéralisme » (v° Loïc GRARD, Rev. Dr. transp. Mai 2010, Comm.120). Les accords dits « horizontaux » (et à la différence des accords dits « globaux » ou « mixtes » qui font intervenir simultanément l’UE et les Etats) ont la particularité de venir se superposer aux relations aériennes existantes et relèvent de la compétence exclusive de l’UE laquelle ne négocie, en la matière, que des questions relevant de l’Union, et à l’exclusion de toute intervention des Etats. Ce nouvel accord vient ainsi se super-poser à 47 accords bilatéraux sur les services aériens autrefois signés séparément par lesdits Etats ouest-africains avec leurs homologues européens (sur cette coopération ancienne et ses problèmes spéci-fi ques (v° A.TANKOANO : « L’Union Economique et Monétaire Ouest-africaine et l’Union Européenne : la question du transport aérien », in Loïc GRARD (ss. dir.) : « L’Europe des transports », La Documentation française, 2005, p.519). Et cet important accord a la grande particularité de venir soumettre les précédents accords aux exigences nouvelles du

Droit communautaire, et notamment en matière de libéralisation des services aériens. Ainsi, et pour faire suite aux célèbres arrêts « open sky » rendus par la CJCE le 5 nov. 2002 (Aff. C-466/98 à C-469/98, C-471/98, C-472/98, C-475/98 et C-476/98), il supprime les restrictions liées à la nationalité que comportaient les accords bilatéraux sur les services aériens. Très concrètement, il autorise les compagnies aériennes européen-nes à assurer les liaisons entre un Etat membre de l’UE où elles ont un établissement et tous les Etats membres de l’UEMOA quels qu’ils soient, si des droits de trafi c sont disponibles. Inversement, il élargit les possibilités ouvertes aux transporteurs de l’UEMOA d’exploiter des vols à destination de l’UE au départ d’autres pays de l’UEMOA que l’Etat leur ayant délivré une licence, en vertu d’une reconnaissance ré-ciproque (v° Rev. Dr. transp. Févr. 2010, Alertes, Veille 13, p.3). En clair, un transporteur ivoirien pourra acheminer des passagers en France ou en Belgique en provenance du Sénégal ou du Bénin, à condition qu’il ait un établissement dans ces deux Etats voisins membres de l’UEMOA. A n’en pas douter, dès lors que l’essentiel des destinations des compagnies de l’UEMOA sont européennes, cet accord constitue une étape importante dans l’ouverture du marché africain et la conso-lidation des relations euro-africaines en matière de transport aérien. De surcroît il aura incontestablement un « effet structurant » sur les compagnies aériennes africaines (reconnaissance internationale des licences et développement des établissements hors du pays du siège) et favorisera certainement une plus grande coopération entre l’UE et l’UEMOA sur nombre d’aspects importants tels que la sécurité et la sûreté aériennes. Malgré tout, ce nouvel accord ne manque pas de susciter quelques constats plus réservés. En effet, et comme l’observe très pertinem-ment notre éminent collègue bordelais Loïc GRARD (v° Rev. Dr. transp. op.cit.), l’on se demande si ce montage juridique ne contribue pas davantage à aider à la libéralisation du ciel africain qu’à libéraliser le ciel européen. A ce titre, nous partageons entièrement son point de vue selon lequel l’article 6 qui exclut toute initiative contraire au droit de la libre concurrence de l’UE va exactement dans cette même direction. Ceci revient simplement à dire que le dispositif instauré par l’accord favorise sournoisement les intérêts de l’UE et de ses compa-gnies aériennes au détriment des intérêts africains.Or, l’une des lignes politiques communautaires majeures défi nie au sein de l’UEMOA affi rme qu’« il est nécessaire que la Commission encourage les usagers à s’organiser pour être les contrepoids et les bénéfi ciaires de la libéralisation (amélioration de la qualité de service et baisse des prix liée à la concurrence) et élabore une réglementation protégeant les droits des usagers » (v° cette ligne politique in « Le Programme commun du transport aérien dans les Etats membres de l’UEMOA », Commission UEMOA, Juin 2002). Mais bien au-delà cette observation pessimiste, cet accord ne man-quera pas de soulever de nouvelles interrogations sur l’avenir de la commerce aérien entre l’UE et le reste de Afrique : en effet, quelles seront les relations futures avec les autres organisations régionales et notamment la CEMAC (six Etats d’Afrique centrale), ou la CEEAC (qui intègre à la CEMAC la RD-Congo et les Etats des Grands lacs) ? Quelle sera l’attitude de l’Union Africaine dont on connaît désormais l’enga-gement dans le secteur des transports ? Pourra-t-on s’orienter vers un accord global de continent à continent libéralisant l’ensemble de la relation aérienne ? (v° Maubert MASONAMA-MUANAMOSI : « Les rela-tions aériennes entre l’Afrique noire et la Communauté européenne », Université Libre de Bruxelles, 26 septembre 2007 ; « La libéralisation de l’accès aux marchés du transport aérien en Afrique (Yamoussoukro 1999) mise à l’épreuve par la politique américaine d’open skies : une approche d’encerclement des marchés aériens africains », Afrilex 2001). C’est donc dire que le ciel africain est au cœur de vastes interro-gations et projections juridico-politiques, et que les dirigeants africains ont intérêt à en mesurer, très rapidement, les enjeux et la portée…

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5• Transports aériens Europe/Afrique – Fiscalité des transports -Trafi cs internationaux France/Kenya – Accord de Naïrobi - Ac-cord fi scal contre les doubles impositions – Publication La France vient de promulguer un Décret n° 2010-285 du 16 mars 2010 portant publication de l’Accord signé à Naïrobi, le 12 janvier 1996, avec le Gouvernement de la République de Kenya, en vue d’éviter les doubles impositions en matière de transport aérien en trafi c international (JORF 19 mars 2010, p.5484). Cet Accord prévoit de s’appliquer aux impôts sur le revenu perçus pour le compte d’un Etat contractant ou de ses collectivités locales, quel que soit le système de perception (art.3). Sont considérés comme impôts sur le revenu les impôts perçus sur le revenu total, ou sur des éléments du re-venu, y compris les impôts sur les gains provenant de l’aliénation de biens, ainsi que les impôts sur les plus-values. Le Décret stipule que les bénéfi ces d’une entreprise d’un Etat contractant qui proviennent de l’exploitation d’aéronefs en trafi c international, y compris les re-venus d’activités accessoires à une telle exploitation, ne sont impo-sables que « dans l’Etat contractant où le siège de direction effective de l’entreprise est situé » (art.5), et il précise également que les gains d’une entreprise provenant de l’aliénation d’aéronefs exploités en tra-fi c international ou de biens mobiliers affectés à l’exploitation de ces aéronefs ne sont imposables que dans l’Etat contractant où le siège de direction effective de l’entreprise est situé. Les autorités compé-tentes des deux Etats sont appelées à échanger les renseignements nécessaires pour appliquer les dispositions du présent Accord, ou pour prévenir la fraude ou l’évasion fi scales en ce qui concerne les impôts visés par l’Accord (art.7). L’on mesure aisément, pour les transporteurs aériens des deux pays, le soulagement découlant de telles disposi-tions fi scales au regard de l’injustice et de la férocité de la pratique internationale des doubles impositions. Le Kenya qui est un grand pays touristique et qui comporte l’une des plus importantes et dynamiques fl ottes aériennes en Afrique (symbolisée par la Kenya Airways) ne pourra que s’en réjouir…

6• Burkina Faso – Ancien Code de l’aéronautique civile – Révi-sion – Adoption d’un Code de l’aviation civile En vigueur depuis le 12 mai 1969 et devenu largement obsolète, le « Code de l’aéronautique civile » du Burkina Faso nécessitait une révi-sion depuis 1986. Un audit systématique de supervision de la sécurité de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), effectué en septembre 2007 et octobre 2009 à Ouagadougou, avait constaté des insuffi sances et incohérences du vieux Code de l’aéronautique civile en vigueur dans le pays (v° OACI : « Rapport sommaire d’audit de la Direction de l’Aviation civile du Burkina-Faso », Mission d’audit de la supervision de la sécurité au Burkina Faso, Ouagadougou 11-15 oct. 1999). Il avait alors été recommandé que soit promulgué un nouveau Code qui soit en adéquation avec la réglementation communautaire et internationale, et avec l’organisation et les composantes du système de l’aviation civile nationale. Le Gouvernement du Burkina, à l’issue de cet audit, s’était engagé dans un « Plan d’action correctrice », à l’éla-boration et à l’adoption d’un Code qui réponde aux normes exigées par l’OACI, et tenant compte des accords régionaux et des dispositions de la convention de Chicago et ses annexes, signée le 7 décembre 1944 par 52 pays (v° D. Evariste OUEDRAOGO : « Burkina Faso: Révision du code de l’aéronautique civile du Burkina - Un nouveau plan de vol tracé à Tenko », L’Observateur Paalga, 25 Juin 2009). Dans le même temps, des événements majeurs étaient apparus dans le domaine de l’aviation civile, créant une situation nouvelle qui ne pouvait, en aucun cas, laisser les autorités nationales indifférentes. En particulier les évènements du 11-septembre aux Etats-Unis, qui ont bouleversé le monde entier, ont ouvert une nouvelle ère en matière de sécurité et sûreté aériennes, et donné un nouvel élan à l’aéronautique mondiale ainsi que de nouvelles exigences techniques que ne peuvent ignorer les Etats africains (nouveaux systèmes de communication et de navi-gation, gestion du trafi c, etc.). Sur le plan continental, une nouvelle

politique aéronautique africaine a été adoptée à travers la Déclaration de Yamoussoukro d’octobre 1988 qui a été révisée par la mise en œuvre d’une décision de 1999 relative à la libéralisation de l’accès au marché du transport aérien en Afrique. Au plan sous-régional, de nouvelles orientations ont été défi nies par l’UEMOA en vue d’un « Pro-gramme commun de transport aérien » avec pour principal objectif de lutter contre la marginalisation des pays membres et de contribuer du même coup, à la création d’un espace aérien sûr, effi cace et ordonné. En conséquence, réunis en séance plénière le mardi 06 avril 2010 et tenant compte de tout ce qui précède, les députés ont examiné et adopté (à l’unanimité) la loi portant Code de l’aviation civile (v° Larba YARO : « Le Burkina se dote d’un Code de l’aviation civile », L’hebdo-madaire du Burkina, n°571, du 09 au 15 avril 2010, www.hebdo.bf/spip.php). Ce nouveau Code apporte des réponses adéquates aux criti-ques et faiblesses relevées par l’OACI dans ses Rapports d’audit, autour de certains points principaux : la législation aéronautique de base, les règlementations d’exploitation spécifi ques, l’obligation en matière de délivrance de licences de certifi cation, d’autorisation et d’approbation et la résolution des problèmes de sécurité et de sûreté. Le nouveau texte adopté par les députés burkinabè comporte des innovations ma-jeures comme la nouvelle dénomination de la loi qui est désormais « Code de l’aviation civile » et non plus « Code de l’aéronautique ci-vile ». On retient aussi que l’ensemble des dispositions existantes ont fait l’objet de vérifi cations, et que les dispositions communautaires ont été prises en compte. Fait important, le nouveau Code prenant appui sur la Convention de Montréal de 1999, consacre un système moderne de responsabilité du transporteur aérien avec une meilleure indem-nisation des victimes et ayants-droit, ainsi qu’une obligation d’assu-rance, etc. Les principaux objectifs poursuivis par le Gouvernement burkinabè en élaborant ce texte de loi étaient de disposer d’un « Code de l’aviation civile moderne, effi cace, accessible à tous les utilisateurs (praticiens du droit, administrateurs, usagers, exploitants de l’aviation civile) ». Mission accomplie ! Il ne reste plus maintenant qu’à s’en imprégner et à l’appliquer dans l’intérêt de la promotion des transports aériens et d’une plus grande sécurité dans le ciel du Burkina…

7• Maroc – Nouveau Code de la route - AdoptionAprès trois années de débats au Parlement, entre Gouvernement, syndicats et professionnels et pas moins de 275 amendements au niveau de la Chambre des Représentants et 85 au sein de la Chambre des Conseillers, le nouveau Code de la route marocain a fi nalement été adopté en janvier 2010. Ce Code introduit le système des permis à points recapitalisables moyennant une formation. Le conducteur dis-posera à la base un crédit maximal de 30 points pour le permis défi ni-tif et 20 points pour le permis provisoire (le premier ayant une validité de dix ans et le second deux ans), qu’il perdra selon la gravité des infractions commises. Les contrevenants pourront récupérer les points perdus au bout de trois ans au lieu de 5 ans prévus dans le texte initial en suivant une formation, tandis que ceux qui se verront retirer leurs permis pourront repasser l’examen après 6 mois de suspension. Pour le Gouvernement marocain, il ne s’agit pas uniquement d’un texte à caractère coercitif mais plutôt d’une mesure qui procède d’une démar-che pédagogique, dont l’objectif est de dissuader les conducteurs à ne plus commettre d’infractions, en vue à terme de réduire le nom-bre des accidents de la route. Le nouveau Code prévoit trois classes d’amendes transactionnelles forfaitaires (ATF). La première, comprise entre 700 et 1400 dirhams (dhs) sanctionnera des infractions graves. Les amendes de deuxième classe vont de 500 à 1 000 dhs. Elles concerneront des infractions simples comme, l’usage manuel du télé-phone portable durant la conduite. Enfi n la troisième classe (de 300 à 600 dhs) sera relative au non respect des dispositifs d’accessoires et de sécurité sur les véhicules, comme le non-port de la ceinture de sécurité. Selon le Ministre marocain de l’Equipement et du Transport (M. Karim GHELLAB), l’application de ces amendes sera entourée de toutes les garanties de transparence et de légalité pour éviter les abus.

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Il a indiqué que « ce projet, qui a bénéfi cié d’un consensus rarement recueilli par d’autres textes, protègera les usagers, garantira les droits des professionnels et contribuera à la mise à niveau du secteur dans sa globalité » entrera en vigueur au début du mois d’octobre courant.

II • JURISPRUDENCE

8• ASECNA – Clauses attributives de compétence fi gurant dans les documents de l’Agence – Opposabilité aux compagnies aériennes – Relations d’affaires suiviesUn arrêt rendu dernièrement par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation française aurait pu être rangée dans les tiroirs des décisions « classiques » s’il ne s’était agi d’un contentieux international impli-quant l’ASECNA (Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar), à propos d’une question d’opposabilité des clauses attributives de juridiction aux compagnies aériennes africaines ou étrangères qui bénéfi cient de ses services (Cass.1ère Ch.civ., 17 févr. 2010, SA Demavia c/ Sté Hewa Bora Airways et autres, Juris-Data n°2010-051610, Rev. Dr. transp. Mai 2010, Comm.117, pp.32 et suiv., obs. Ph. DELEBECQUE – Pour un cas récent des diffi cultés rencontrées en matière d’opposabilité des clauses attributives de juridiction dans le contexte maritime africain, et retenant notamment, en l’espèce, l’inopposabilité de la clause à un destinataire gabonais : v° CA Rouen, 2ème Ch., 5 févr. 2009, Sté Omnium Gabonais d’Assurances et de Réas-surances et autres c/ Sté Bremen Overseas Chartering and Shipping GMBH (BOSC)et autres, navire « You King », Juris-Data n°001633-2009, DMF septembre 2009, p.690, obs. Aubin AMOUSSOU).L’on sait que cette Agence assure les services de contrôle aérien au-dessus du continent africain puis en facture le coût aux compagnies aériennes dont les avions survolent ce secteur. Parmi celles-ci fi gu-raient justement les deux adversaires de l’ASECNA, en l’occurrence la Société aérienne congolaise Hewa Bora Airways et la Société belge Demavia, celle-ci se présentant comme agent et simple mandataire de la société congolaise. Il était reproché à l’ASECNA et aux décisions rendues par les juges du fond d’avoir, à propos d’un litige portant sur le règlement de factures impayées, retenu la compétence du Tribunal de commerce de Paris conformément aux dispositions d’un document de l’Agence agrée par l’OACI, et alors selon le pourvoi formé par les deux sociétés, qu’une clause attributive de compétence ne peut être opposée à un plaideur qu’à la condition que ce dernier l’ait acceptée par écrit, ou verbalement avec confi rmation écrite, ou sous une forme réglementaire. Ce pourvoi est rejeté par la Cour de cassation. L’arrêt précité de la 1ère Chambre civile de ladite Cour énonce tout d’abord que l’ASECNA étant chargée par les Etats contractants d’assurer la sécurité du trafi c aérien sur la zone et obligation lui étant faite de prendre en charge tout avion la survolant, « il incombe aux compagnies aérien-nes opérant dans ce secteur, qui souscrivent un contrat d’adhésion, de prendre connaissance des conditions écrites de la convention, en particulier de la clause attributive de juridiction ». L’arrêt rappelle que ces conditions et clauses sont affi chées dans les aéroports de la zone et régulièrement adressées aux sociétés dont Hewa Bora Airways et Demavia. Enfi n cet arrêt, venant au soutien de la décision de la Cour d’appel, affi rme que, compte tenu de l’ancienneté de leurs relations d’affaires avec l’Agence aérienne, les deux sociétés ne pouvaient sou-tenir ignorer la clause attributive de juridiction reproduite sur chacune des factures de l’ASECNA. En clair, les prestations de l’ASECNA s’ins-crivant dans un véritable contrat d’adhésion (disons même un contrat forcé) et la preuve de l’existence de relations d’affaires suivies étant établie, la clause litigieuse doit pleinement être opposable aux socié-tés qui bénéfi cient de ses services (Sur les prérogatives de puissance publique de l’ASECNA, v° Martin NDENDE, Obs. sous Loi n°2007-11 du 04 janvier 2007, Chron. Euro-africaine des affaires maritime, Rev.Afr. Aff. marit. & Transp., n°1 Juill. 2009, p.70). Mais alors pourquoi le choix du Tribunal de commerce Paris par cette Agence publique ? La réponse

coule de source et fi gure également dans l’arrêt : l’ASECNA est un éta-blissement de droit public international dont le siège social est à Da-kar, et le siège administratif à Paris. Les tribunaux de Dakar et de Paris ont donc une égale vocation à connaître de son contentieux. Et surtout chacun sait que les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) comme l’ASECNA sont justiciables des juridictions de droit commun pour leur contentieux de droit privé, en l’occurrence ici le recouvrement de créances auprès de sociétés commerciales. Les compagnies aériennes locales ou fréquentant le continent africain de-vraient très attentivement s’imprégner de ce particularisme…

9• Transport maritime de grumes de bois - Litige en matière de mesurage d’un chargement de grumes provenant du Ga-bon - Contentieux du fret - Problématique du règlement d’un fret complémentaire – Importance des usages profession-nels.A quelles conditions le transporteur maritime qui découvre, à desti-nation, un chargement supérieur à celui déclaré au connaissement peut-il obtenir règlement d’un complément de fret à la mesure de son préjudice ? L’arrêt rendu le 08 juin 2010, par la Chambre commerciale de la Cour de cassation française (Arrêt n°08-17.623, 641, arrêt du 08 juin 2010, Juris-Data n°2010-008810, SAS Etablissements Pierre Robert & Compagnie Scierie de la Vallière c/Ibéria-West Africa Line SL) permet de rendre compte, dans le transport des grumes de bois (si important en Afrique sub-saharienne), de la place importante des usages, et donc de la Lex mercatoria, sur les modalités de règlement d’un tel fret. Une société espagnole s’était vue confi er l’acheminement sur un navi-re de plusieurs lots de grumes de Mayumba (Gabon) à Nantes au pro-fi t d’une société française. Au cours des opérations de déchargement, la société espagnole de transport avait constaté qu’une quantité su-périeure à la quantité déclarée avait été chargée. Un mesurage ayant confi rmé la surcharge, elle a émis une facture complémentaire de fret qui n’a pas été payée par la société française. La cour d’appel de Ren-nes (2ème Ch.comm.), dans un arrêt du 17 juin 2008, avait condamné la société française au paiement de la somme de 21 022,88 euros à la société espagnole, avec intérêts au taux légal à compter de l’assigna-tion et avec le bénéfi ce de la capitalisation de l’article 1154 du Code civil (C. civ., art. 1154). Ayant constaté que le document intitulé « Rè-gles de mesurage ATIBT », ayant valeur d’usage, énonçait que pour les lots de grumes défraîchis, une partie du roulant de la bille pouvait être déduite à titre de réfaction pour défraîchissement et que le vendeur devait alors faire apparaître dans la spécifi cation deux volumes, le « volume commercial » et le « volume réel », ce dernier étant pris en compte par les administrations et les transporteurs, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer les recherches évoquées à la deuxième branche que ses constatations rendaient inopérantes, n’a pas, selon l’arrêt rapporté de la Chambre commerciale, dénaturé ce document. En second lieu, ayant relevé que la société française ne justifi ait pas d’une quelconque dérogation par les parties à ces usages qu’elle ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnelle du bois, la cour d’appel n’a pas non plus, selon la Chambre commerciale, dénaturé la convention et les écritures de la société française. C’est incontestablement une intéressante illustration de la place des usages professionnels (même non codifi és) comme source du Droit. Les professionnels africains du commerce international sont donc prévenus…

10• Catastrophe maritime – Transport de passagers – Nau-frage du Joola – Sénégal - Poursuites pénales des autorités sénégalaises en FranceL’affaire de la tragédie du Joola vient de connaître son épilogue pénal en France. On se souvient que cette catastrophe maritime, souvent comparée à celle du Titanic, est survenue dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002 au large des côtes gambiennes. Le transbordeur M/S Joola, très

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mal entretenu par son armateur (La Marine Nationale sénégalaise), et naviguant en surcharge, transportait près de 2000 passagers partis de Casamance pour Dakar. On comptera offi ciellement dans ce terrible naufrage pas moins de 1863 morts. L’Etat sénégalais reconnaîtra immédiatement ses lourdes responsa-bilités et proposera une indemnisation transactionnelle et forfaitaire aux victimes. Mais ce fut sans compter que parmi celles-ci fi guraient des dizaines de touristes étrangers (et notamment français) qui dé-noncèrent l’impunité des autorités sénégalaises devant ce drame. Les victimes françaises porteront alors leur action devant des juridictions répressives de l’Hexagone (à Evry), en particulier contre le Premier Ministre du Sénégal (Mme Madior BOYE), le Ministre des Forces ar-mées (M. Youba SAMBOU), ainsi que diverses autres personnalités maritimes et publiques. Après moult péripéties politico-judiciaires (le Sénégal menaçant de poursuivre par mesure de rétorsion le Premier Ministre français et plusieurs autres responsables devant ses tribu-naux), la décision tant attendue a été enfi n rendue. La Chambre crimi-nelle de la Cour de cassation, par son arrêt du 19 janvier 2010, s’est en effet prononcée sur lesdites poursuites pénales à travers une décision très décevante pour les victimes (Cass. crim. 19 janv. 2010, Juris-Data n° 2010-051196, Rev. Dr. transp. Mars 2010, Comm.67, pp.24 et suiv., obs. M. NDENDE). Cet arrêt (voir p. 107) que nous espérons commen-ter plus profondément dans une prochaine livraison de notre Revue, retient en substance la solution suivante : le navire Joola ayant été mis en service pour permettre le désenclavement d’une région (la Casamance) et étant constaté que l’Etat sénégalais assurait ainsi une mission de service public non commercial, avec un navire géré par la Marine nationale, armé par un équipage militaire et ayant le statut de navire militaire, la Chambre de l’instruction a pleinement justifi é sa décision de prononcer l’annulation des mandats d’arrêts délivrés à l’encontre du Premier Ministre et du Ministre des Forces armées de cet Etat. L’arrêt ajoute que la coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d’un Etat étranger s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes, qui comme en l’espèce, relè-vent de la souveraineté de l’Etat concerné. Cet arrêt soulève d’abord la question du respect de certaines règles de procédure pénale et des droits fondamentaux à l’égard des personnes suivies : un mandat d’arrêt international vaut-il « mise en examen » ? Dans le cas contraire de telles personnes peuvent-elles être considérées comme « parties au procès » et habilitées à exercer les voies recours ouvertes aux personnes mises en examen ? Mais cet arrêt soulève surtout, avec grande acuité, la problématique centrale des immunités à reconnaître aux autorités maritimes et publiques étrangères. Pour notre part, nous émettons des doutes que ce navire de commerce, quoique armé par la Marine Nationale, puisse justifi er le bénéfi ce du statut de « navire de guerre ». Rappelons, à ce propos, que la Convention de Bruxel-les du 10 avril 1926 relative aux immunités des navires d’Etat (qui aurait dû être citée en référence dans cet arrêt pour fi xer le statut du Joola) considère très précisément que les navires d’Etat affectés à une activité commerciale sont assimilés aux navires privés et ne génèrent en conséquence aucune espèce d’immunités, qu’elles soient « de juridiction » ou « d’exécution » (art. 1er et 2). Seule en effet l’ac-tivité des navires d’Etat « affectés à une activité exclusivement gou-vernementale et non commerciale » est fondée à générer de telles immunités (v° art. 3 de la Convention de 1926, et sur l’ensemble de ce sujet, M. NDENDE : « Les armements d’Etat et leur participation au transport maritime », Thèse Droit, Université de Brest, 1990 ; adde : T. Kochu THOMMEN : « Legal status of government merchant ships in international law », Martinus Nijhoff, The Hague, Thesis London 1962). La solution rendue dans cette affaire nous semble donc des plus dis-cutables sous l’angle du Droit maritime international… Mais l’on pourrait rétorquer ici que l’immunité des navires n’est pas celle des hommes politiques. Certes. Mais l’arrêt ayant lié les deux questions son argumentation s’en trouve fortement fragilisée. L’im-

munité reconnue aux autorités étrangères doit-elle se transformer en instrument d’impunité ? Signalons, à titre de Droit comparé, que d’autres grandes nations se refusent courageusement à une telle ten-tation. C’est ainsi que dans sa décision de principe dans l’Affaire Ferrini rendue en 2004, la Cour de cassation italienne a décidé que, selon le droit international contemporain, les États étrangers ne peuvent plus bénéfi cier de l’immunité relativement à la juridiction civile des autres États, en cas d’atteintes graves aux droits humains ou au droit humanitaire, correspondant à des violations du Jus cogens. La Cour italienne a depuis maintenu cette position, sans fl échir, dans une série de décisions subséquentes, qui mériteraient d’être pris en exemple (v° Riccardo PAVONI et Stéphane BEAULAC : « L’immunité des États et le jus cogens en droit international. Étude croisée Italie/Canada », RJT 2009, n°43, pp.491 et suiv.). Le traitement de l’affaire du Joola nous laisse donc assez songeur…

11• Protection sociale des marins - Période de guerre - Guerre d’Algérie – Pension de retraite de marin français – Problémati-que du doublement de la durée dans le calcul de la pensionLes combattants de la Guerre d’Algérie peuvent-ils invoquer le béné-fi ce de l’article 11 du Code des pensions de retraite des marins fran-çais ? C’est à cette question délicate que répond un important arrêt de la Cour de cassation mettant ainsi un terme à un débat sensible qui semblait agiter ces derniers temps les deux rives normalement apai-sées de la Grande bleue (Cass. 2ème ch. civ., 3 septembre 2009, ENIM c/ Mahdad, Juris-Data n°2009-049362, Rev. Dr. transp. Déc. 2009, Comm.246, pp.26 et suiv., obs. Stéphane CARRE). L’on connaît le grand avantage prévu par ce fameux article 11 qui dispose que les temps de navigation active et professionnelle accomplis sur des bâtiments fran-çais en période de guerre entrent en compte pour le double de leur durée, pour le calcul des droits à pension de retraite. En effet, comme le rappelle notre collègue Stéphane CARRE, par cet avantage accordé aux marins, l’Etat français reconnaît la dangerosité des missions en mer en période de guerre. Face à cette problématique, la Cour d’appel de Paris adoptant une position fort hardie avait répondu par l’affi rmative à la question posée, profi tant d’un fl ou sur la notion de « période de guerre ». Le Code des pensions de retraite des marins n’y apporte notamment aucune précision, bien qu’il défi nisse à l’article R.6 des périodes de service en mer entrant dans ces temps de guerre. Et l’on sait que parallèle-ment, la Loi n°99-882 du 18 octobre 1999 relative à la substitution, à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », de l’expression « à la guerre d’Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc » (J.O. 20 oct. 1999, p.15647), vient modifi er par quatre fois des dispositions du Code des pensions militaires d’invalidité et des victi-mes de guerre, ainsi qu’une disposition du Code de la mutualité. Un certain fl ou régnait donc de toute évidence. La hardiesse de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris consistait donc à interpréter et à appliquer les textes précités de manière quelque peu généreuse à l’égard des com-battants de cette guerre qui a provoqué tant de déchirures des deux côtés de la Méditerranée. Cet arrêt est cependant censuré par la Cour de cassation. Il est rappelé que les conditions fi xées à l’article R.6 du Code des pensions, et donnant droit au doublement des temps réels de navigation, ne retiennent pas les services en mer durant la guerre d’Algérie. La Cour de cassation ajoute également que la Loi du 18 octobre 1999 n’a ni pour objet, ni pour effet, de conférer aux marins ayant servi pendant la Guerre d’Algérie, le bénéfi ce de la campagne simple accordé en application de l’article 11 du Code des pensions de retraite des marins français. Les lois sociales demeurent donc ici d’application sourcilleuse et restrictive…

12• Navires libérien et égyptien – Pollution marine volontaire – Eaux françaises - Sanctions pénales - Amendes records Les capitaines d’un cargo libérien et d’un cargo égyptien, poursuivis pour pollution volontaire, ont été condamnés le 24 juin 2009 à des

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amendes record de 1 et 2 millions d’euros par le tribunal correctionnel de Brest.L’armateur égyptien du navire « Al Esraa » devait payer 90 % de l’amende de 1 million d’euros, le reste étant à la charge du capi taine. Lors de l’audience du 6 mai, la Procureure du tribunal correctionnel de Brest avait requis 700.000 euros d’amende. Le 29 septembre 2008, le navire avait été survolé par un avion des douanes avec dans son sillage une nappe d’hydrocarbure longue de 14 km.De son côté, l’armateur grec du « Valentia », cargo libérien, a été condamné à payer 90 % de l’amende de 2 millions d’euros. Lors de l’audience du 3 juin, la procureure avait requis une amende de 300.000 euros, fustigeant « le comportement de marins pas dignes de la ma-rine marchande ». Le « Valentia », cargo roulier, avait été repéré au large des côtes bordelaises par un avion des douanes, en novembre 2008, avec dans son sillage une trace d’hydrocarbure de 18 km.Les capitaines des deux navires battant pavillons de deux Etats afri-cains étaient jugés dans le cadre des dispositions législatives entrées en vigueur en août 2008, qui ont porté les montants maximum des amendes pour pollution volontaire à 15 millions d’euros, au lieu d’1 million précédemment (sous l’égide de la Loi de 2004 dite Per-ben II). Cette évolution sévère et très remarquée est le fait de la Loi n°2008-757 du 1er août 2008 (JORF 2 août) « relative à la respon-sabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement » (Sur cette Loi, v° Rapport du Sénateur Jean BIZET, n°348, Sénat 2007-2008 ; et Rapport du Député Alain GEST, n°973, Ass.Nationale 19 juin 2008 ; Sur l’ensemble du système répressif applicable aux pollutions de la mer en France, v° Christophe MARQUES : « La répression des rejets illicites d’hydrocarbures - 1983-2003 : 20 ans d’évolution législative et juris-prudentielle », DMF 2004, p.307 ; ibid : « La répression de la pollution due aux rejets opérationnels des navires : un contentieux technique et économique », in « Le Droit pénal de la mer », ouvrage collectif, ss. di-rect. Annie CUDENNEC, Presses Univ. de Rennes, 2006, spéc. pp. 121 et suiv. ; B.BOULOC : « Rejets d’hydrocarbures : réfl exion sur la preuve de l’infraction et les dommages-intérêts », DMF Mars 2005, pp.195-204 ; ibid : « Apparences d’hydrocarbures et présomption d’innocence », DMF Juill-Août 2005, pp.589 et suiv. ; P. JEANSON : « Rejets polluants des navires : nouvelles dispositions répressives», Droit de l’Environ-nement, n°93, pp.250 et suiv. ; M. REMOND-GOUILLOUD : « MARPOL : mode d’emploi – De quelques avancées dans la répression des rejets prohibés d’hydrocarbures en mer », DMF Nov. 2002, p.899 ; P. BONAS-SIES : Chron. Droit positif, DMF Hors série n°8, Juin 2004, pp.11, au n°8, et p.8 au n°2). L’on peut se demander pourquoi les Etats africains (dont les mers sont souvent polluées impunément) ne pourraient pas, à leur tour, s’inspirer de telles législations pour une meilleure protec-tion de leur environnement marin et côtier…

III• PANORAMA D’ACTUALITÉ

13• Sécurité de la navigation aérienne en Europe - Liste noire des compagnies aériennes – Présence des compagnies afri-caines indexées – Régime et effectivité juridique des listes noiresLa Commission Européenne publie régulièrement la liste des compa-gnies aériennes étrangères considérées comme bannies, indésirables, et dangereuses dans l’espace communautaire. La dernière liste noire vient d’être publiée (Comm. UE, Régl. (UE) n°273/2010 du 30 mars 2010 modifi ant la liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté). Trois transporteurs étrangers (dont un africain) se trouvent soumis à une in-terdiction totale d’exploitation dans l’espace de l’U.E., en l’occurrence Ariana Afghan Airlines (Afghanistan), Siem Reap Airways International (Cambodge), et Silverback Cargo Freighters (Rwanda). Sont frappés d’interdiction tous les transporteurs de 17 pays, soit 278 compagnies

au total, et parmi lesquelles un grand nombre sont africaines : Angola, Bénin, RD-Congo, Djibouti, Guinée Equatoriale, Gabon (à l’exception de trois transporteurs soumis à des restrictions d’exploitation et à cer-taines conditions), Libéria, Congo, Sierra-Léone, Sao-Tomé et Principe, Soudan, Swaziland et Zambie. En France, un Parlementaire avait interrogé le Secrétaire d’Etat chargé des transports sur l’uniformisation communautaire des listes des com-pagnies aériennes interdites d’accès dans l’espace aérien de l’Union Européenne. Le drame survenu le 30 juin 2009 avec la Compagnie Yemenia Airways, dont l’avion (sous-normes) avait crashé dans l’océan indien (au large des Comores) provoquant 152 morts, a notamment démontré les limites de cette fameuse liste. Au point où un une Pro-position de loi a été immédiatement initiée (par Mme Odile Saugues) visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes fi gurant sur la liste noire de l’Union européen-ne (Sénat, Proposition de Loi n°2186 du 21 déc. 2009 (1)). Il est apparu clairement qu’il existe un décalage entre la liste noire communautaire et les « listes » nationales : une compagnie aérienne peut en effet être interdite de vol au sein de l’un des Etats membres et continuer à voler dans les autres pays de l’Union Européenne, faute d’inscription sur la liste noire communautaire (Rev. Dr. transp. Févr. 2010, Alertes 17, pp.4 et 6). Pourtant, et quoi qu’il en soit, l’on ne saurait méconnaî-tre une réelle effi cacité aux listes noires. Leur intérêt n’est pas en soi de générer des interdictions, mais d’améliorer la sécurité aérienne par leur caractère incitatif. Le Ministre interpellé au Parlement souligne, à ce propos, que depuis sa mise en place en 2005 la publication de la liste noire communautaire et sa mise à jour trimestrielle ont ainsi permis d’augmenter nettement la sécurité des passagers. Le processus d’interdiction de certains transporteurs aériens sur le territoire com-munautaire repose sur les décisions du Comité de sécurité aérienne. Tous les trois mois ce Comité étudie, sur la base des propositions des Etats, l’inscription ou le retrait, partiel ou total, des compagnies identi-fi ées par différentes sources (inspections au sol, audit des autorités de surveillance…) comme présentant de potentiels défauts de sécurité. Ce processus est et doit demeurer strictement communautaire, si bien qu’un Etat européen ne peut unilatéralement mettre une compagnie aérienne sur une liste d’interdiction nationale. L’harmonisation doit donc passer par un respect collectif et volontariste de la liste com-munautaire.

14• Coopération Euro-Africaine en matière d’aviation civile – Sécurité aérienne et Coopération technique, industrielle et commercialeLa première conférence Euro-africaine sur l’Aviation civile s’est tenue du 2 au 3 avril 2008 à Windhoek en Namibie sous les auspices de la Commission Européenne et de l’Union Africaine, avec pour ob-jectif « d’établir un dialogue politique sur les questions essentielles que pose l’Aviation civile en matière de sécurité et de coopération technique, industrielle et commerciale » (…). Cette heureuse initia-tive est à mettre au crédit du Vice-président de la Commission Euro-péenne chargé des Transports, M. Antonio TAJANI, et du Commissaire de l’Union Africaine chargé des Infrastructures, Dr Elham IBRAHIM, et elle a ensuite a été réaffi rmée lors du Sommet de l’UA à Addis Abeba en février 2009. Cette idée est partie du constat que l’aviation civile s’est considérablement développée ces dernières années et permet de renforcer les liens culturels et économiques entre l’Afrique et l’Eu-rope. Comme le soulignent les organisateurs, cette conférence, avait pour but « d’établir un dialogue politique sur les questions essentielles que pose l’aviation civile en matière de sécurité et de coopération technique, industrielle et commerciale et de prévoir une feuille de route pour une future coopération renforcée dans ce domaine ». Les questions abordées concernaient notamment les nouveaux dévelop-pements du marché et de la réglementation de l’aviation civile en

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(1) www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2186.asp

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Afrique et dans l’Union Européenne, les tendances du marché de l’in-dustrie aéronautique, la sécurité aérienne, les besoins et potentialités des infrastructures aéroportuaires, la gestion du trafi c aérien et la coo-pération technologique et industrielle dans ce domaine, l’impact en-vironnemental et les différentes perspectives de développement de la coopération euro africaine en matière d’aviation civile (v° sur cette importante initiative, v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle série n°5, Juillet 2009 et Agence Gabonews).

15• Renforcement de la coopération entre l’Union Européen-ne et l’Afrique en matière de transportsA l’occasion du forum Euro-africain tenu à Naples les 21 et 22 octobre 2009, la Commission européenne a manifesté son intention de ren-forcer la coopération entre l’Union européenne et l’Afrique dans le domaine des transports. En effet, le Vice-président de la Commission chargée des transports, M. Antonio TAJANI a constaté que la faiblesse des infrastructures et des services de transport en Afrique est de natu-re à entraver son développement commercial. Selon lui, « un système de transport effi cace est indispensable pour accélérer ce processus ». Constatant que l’Afrique n’est pas en mesure de faire face seule à ces défi s, il souligne qu’au contraire l’Union européenne dispose d’une expérience en la matière, notamment grâce au système RTE-T (Ré-seau Transeuropéen de Transport). Afi n d’encourager le développe-ment des transports, la Commission européenne élaborera donc un « Plan d’action » avec ses partenaires européens afi n d’examiner, sur une base permanente, les moyens d’amélioration et de renforcement les liaisons de transport entre l’Afrique et l’Union européenne. Ce plan devrait être rédigé avant la fi n de l’année 2010 (Source : Comm. UE, communiqué, IP/09/1560, 22 oct. 2009, adde : Rev. Dr. Transp. Déc. 2009, Veille, n°127, p.3). Cet outil de planifi cation et de renforcement de la coopération euro-africaine vient à point nommé…

16• Navigation fl uviale – RD Congo - Insécurité –Naufrage d’un bateau – Catastrophe fl uviale – Surcharge et méconnaissance de règles de sécurité Après l’amoncellement inquiétant des crashs d’avions qui ont placé, au cours des dix dernières années, ce pays en tête de peloton en matière d’insécurité dans les transports aériens, la RD Congo va-t-elle devenir également la championne des catastrophes et de l’insécurité de la navigation fl uviale ? On pourrait s’en inquiéter. Et pour cause… Au moins 140 personnes ont péri noyées, le 28 juillet 2010, lors du naufrage d’une embarcation transportant des passagers et des mar-chandises sur une rivière dans l’ouest de ce pays, région où les acci-dents de ce type sont fréquents en raison notamment de la surcharge des bateaux. Ce bateau transportait offi ciellement 180 passagers, et il n’est pas interdit de penser qu’il y en ait eu davantage (et corrélati-vement davantage de victimes) quand on mesure ici l’ampleur géné-ralisée et démentielle du transport des passagers clandestins. Selon les premiers éléments de l’enquête, seuls deux enfants ont survécu au drame. Le naufrage s’est produit sur la rivière Kasaï, un affl uent du fl euve Congo, qui traverse sept des onze provinces de la RD-Congo, du Bas-Congo (sud-ouest) au Katanga (sud-est) en passant par la province Orientale (nord-est). L’embarcation, une baleinière qui transportait des passagers et des marchandises, était partie de la localité de Mushie, située à une trentaine de kilomètres de Bandundu, chef-lieu de la pro-vince du même nom, en direction de Kinshasa. D’après le porte-parole du Gouvernement congolais (v° Le Point, 30 Juillet 2010), l’accident s’est produit très exactement dans la localité de Mangutuka, à la limite du Bandundu, lorsque la baleinière a « percuté des bancs de sable ». Cette autorité (avant même la publication des Rapports d’enquête) a mis en cause « la négligence du commandant de bord » qui aurait accepté « la surcharge de passagers et de marchandises ». C’est le lieu de rappeler ici qu’en fi n novembre 2009, pas moins de 73 personnes avaient déjà été tuées lors du naufrage de deux barges attachées l’une à l’autre sur le lac Mai-Ndombe, dans cette même province de

296.000 km2, arrosée par plusieurs cours d’eau. Le transport fl uvial est l’un des plus usités en RDC, qui dispose de nombreux lacs et rivières. Avec ses 4.700 kilomètres, le fl euve Congo est le plus important cours d’eau de ce pays, où les naufrages sont fréquents. Outre la surcharge des embarcations, les causes des accidents proviennent aussi très sou-vent du mauvais balisage des voies navigables, de l’absence de signa-lisation des bateaux et de l’inexpérience des pilotes. Enfi n, la plupart des embarcations ne remplissent aucune condition de sécurité (gilets, bouées de sauvetage, signalisations lumineuses, etc.). L’on peut, dans ces conditions, s’interroger fortement sur l’applicabilité et l’effi cacité, en ce pays, du Code de la navigation intérieure en zone CEMAC et en RDC élaboré et adopté par le Règlement communautaire n°14/99/CEMAC-036-CM-03 du 17 Décembre 1999. Rappelons que cet important Code communautaire applicable aux six Etats de la CEMAC (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée-Equatoriale, RCA et Tchad) ainsi qu’à la RD-Congo comprend pas moins de 155 arti-cles dont bon nombre se préoccupent fortement de la sécurité de la navigation dans les fl euves, lacs, rivières et canaux. Ainsi le Titre 2 (art. 3 à 17) se consacre à la sécurité dans les « voies de navigation intérieure » ; le Titre 3 (art.18 à 74) aborde amplement la sécurité proprement dite des « bâtiments de navigation intérieure » ; le Titre 4 (art.75 à 113) s’intéresse à la place et au rôle du « Personnel navi-gant », conscient de l’importance du facteur humain dans la sécurité de la navigation. Quant aux Titres suivants, ils fi xent et organisent res-pectivement les « Règles de route et de stationnement » (Titre 5, art. 114), la « Police sanitaire » (Titre 6, art.115 à 123), les « Dispositions relatives à l’environnement » (Titre 7, art.124 à 130), « L’inspection de la navigation intérieure » (Titre 8, art.131 à 141), ou encore « Le régime disciplinaire et pénal » (Titre 9, art. 142 à 151), sachant que la répression est souvent le meilleur gage du respect et de l’application des normes juridiques. Alors la question mérite d’être posée devant tant d’accidents : à quoi sert donc le Code communautaire de la navi-gation intérieure en zone CEMAC et en RDC ?....

17• Activités maritimes – Métiers de la mer – Formation – Ac-cord France / Tunisie – Accord de Tunis de 2008 A l’image de la Convention STCW et d’autres textes de l’OMI et de l’OIT, la réglementation internationale met régulièrement l’accent sur l’im-portance de la formation des gens de mer et des personnels engagés dans les activités maritimes et portuaires. Or celle-ci n’est pas toujours possible dans les pays en développement faute de moyens ou faute de cadres formateurs de haut niveau. La coopération internationale reste alors la meilleure solution. Un important accord en matière de formation aux métiers de la mer a été signé le 12 février 2010 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne (Accord de Tunis du 30 avril 2008, publié par Décret n°2010-133 du 10 février 2010, JORF 12 févr. 2010, p.2526). Les deux Parties s’y sont engagées, considérant d’une part, l’évolution du contexte mondial dans le secteur maritime et particulièrement ce-lui de la fl otte marchande, qui doit s’adapter à l’augmentation du trafi c maritime et doit faire face à une pénurie en personnel naviguant, estimée à plus de 40.000 offi ciers pour armer la fl otte mondiale ; et considérant d’autre part, la situation particulière de la Tunisie, qui entreprend une importante réforme dans les secteurs du transport, du tourisme et de la pêche et se lance dans une politique de grands projets maritimes tels que le port en eau profonde d’Enfi dha et la construction de marinas. Cet Institut a pour vocation de dispenser une formation professionnelle théorique et pratique, initiale et continue. Il a également pour vocation d’assurer la responsabilité de (i) l’in-génierie de la formation, (ii) la conception et le développement de programmes de formation spécifi ques aux métiers de la mer et de (iii) l’élaboration des outils pédagogiques nécessaires à l’apprentissage en milieu maritime et portuaire. Il aura, par ailleurs, une mission de faci-litation d’insertion des nouveaux diplômés dans la vie professionnelle. Les profi ls des formations pourront être de niveau pré et post bac,

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pour former des techniciens de niveau BTS, BTP et CAP ainsi que des formations complémentaires et spécifi ques STCW et des petits brevets de navigation maritime. Des complémentarités seront recherchées avec les structures tunisien-nes de formation maritime notamment pour augmenter le nombre d’offi ciers navigants formés en Tunisie pour la satisfaction des besoins notamment nationaux et européens. Par ailleurs, des synergies seront recherchées avec les structures françaises de formation dans le domai-ne maritime (formation de formateurs, envois de stagiaires tunisiens en France, convention d’utilisation de simulateurs de formation...).

18• Criminalité en mer - Piraterie et attaques à main armée contre les navires – Union Européenne - Politique communau-taire – Mesures d’auto protection et de prévention – Recom-mandationsLa politique de l’Union Européenne en matière de lutte contre les ac-tes de piraterie maritimes et les attaques à main armée contre les navires est en constante amélioration, par souci d’effi cacité et de réalisme. L’on connaissait déjà l’opération militaire NAVFOR-Atalanta visant à dissuader, prévenir et réprimer lesdits actes au large des côtes de Somalie, et qui va se prolonger jusqu’au 13 décembre prochain. Au-delà de cette opération incontestablement effi cace, mais sûrement perfectible, la Commission Européenne recommande parallèlement aux Etats membres de porter à la connaissance des opérateurs ma-ritimes les Circulaires OMI d’autoprotection (Comm. Recommandation 2010/159/UE, 11 mars 2010 relative aux mesures d’autoprotection et de prévention des actes de piraterie et des attaques à main armée contre les navires, JOUE n° L 67, du 17 mars 2010, p.13). Comme le rappelle notre collègue Loïc GRARD, il s’agit d’un véritable « roadmap » en cas d’attaque et/ou d’intervention militaire, à respecter avant de traverser le Golfe d’Aden ou de transiter par les eaux somaliennes. Le schéma retenu voudrait que la gestion du risque revienne d’abord à celui qui y est exposé. De manière plus globale, la sûreté maritime doit passer par la préparation des opérateurs aux dangers auxquels ils sont exposés. Il convient cependant de souligner, avec notre collègue, que les textes de l’OMI sont non obligatoires, et c’est bien la raison pour laquelle la Commission européenne se contente de les recom-mander (v° Loïc GRARD : « L’autoprotection des navires contre les actes de piraterie », Rev. Dr. transp. Mai 2010, Comm. 116, p.31).

19• Sécurité de la navigation maritime – Epaves dangereuses – Collision avec un navire en circulation – Côte d’Ivoire – Port d’Abidjan – Police portuaire - Problèmes juridiques Un navire battant pavillon portugais en provenance de Malte a heur-té, le 27 juillet 2010, une épave dans l’enceinte du port d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Le « Blumarlin » - c’est le nom du navire - a été très gravement endommagé et a subi d’importantes voies d’eau. Ce navire, un vraquier, a pu tout de même accoster aux quais 10 et 11. Des plongeurs ont été sollicités pour vérifi er l’ampleur des dégâts. Cet incident a créé une sorte d’émoi dans le milieu portuaire où l’on n’ose imaginer, après l’affaire du Probo-Koala, l’ampleur de la catastrophe si ce navire contenait des produits dangereux comme le pétrole ou les produits chimiques. Les agents des affaires maritimes et portuaires dont la mission est de procéder à l’inspection technique de la naviga-bilité en ce qui concerne la conformité aux règles environnementales, sécuritaires et de sûreté tout comme les gendarmes étaient égale-ment sous le choc. Beaucoup de spécialistes et observateurs de la vie maritime ivoirienne marquent leur étonnement devant cet accident que l’on aurait sans doute pu éviter. En effet, comme le fait remar-quer un journaliste averti, Lanciné BAKAYOKO, l’épave aurait dû être enlevée pour être jetée au cimetière des bateaux ou tout au moins parquée dans la zone balisée. Aussi s’interroge-t-il sur l’éventualité de la mise en cause de la responsabilité de l’autorité portuaire qui a la charge de créer les conditions favorables au débarquement et à l’embarquement des navires de commerce sur la plate-forme abidja-

naise. Une négligence d’autant incompréhensible, à ses yeux, que le Port Autonome d’Abidjan a été admis, il y a quelques mois, à peine, au code ISPS qui consacre sa certifi cation. Beaucoup plus révoltant, à son avis, est qu’un pilote commis par le port se trouvait à bord pour aider le Capitaine du navire à accoster sans problème et qu’en outre, en Côte d’Ivoire, n’existe pas (semble-t-il) de commission d’enquête permanente pour statuer sur de tels manquements… Cette affaire qui a fait plus de peur que de mal ne doit pas, en effet, être négligée et doit fortement interpeller les autorités maritimes et portuaires ivoiriennes et africaines sur la problématique de la gestion des épaves dangereuses ou polluantes et la question de leur enlève-ment. L’on sait à quel point la gestion de telles épaves est devenue très préoccupantes dans un grand nombre de pays africains. Les Etats doi-vent donc veiller à se doter de législations appropriées en ce domaine et s’investir résolument dans les opérations d’enlèvement de telles épaves dans leurs eaux sous juridiction nationale. C’est aussi le lieu de rappeler qu’un texte international a été adopté ces dernières années en ce domaine, et sous l’égide de l’OMI, pour aider les Etats côtiers à mieux gérer de telles épaves, notamment celles situées au-delà de la mer territoriale. Il s’agit de la Convention de Naïrobi du 18 mai 2007 sur l’enlèvement des épaves (v° sur l’analyse de ce texte, Adeline JUDE : « L’enlèvement des épaves », Mémoire DESS Droit maritime et Trans-ports, Université Aix-Marseille III, Année 2007-2008 ; Jean-Luc HALL : « Les menaces des épaves maritimes et la Convention internationale de Naïrobi sur leur enlèvement », 14ème Journées d’information du CE-DRE, INHES La Plaine St-Denis, 5 mars 2009). Cette Convention répond aux multiples préoccupations des Etats côtiers lorsqu’une épave qui se trouve dans leur zone économique exclusive constitue un danger pour la navigation ou l’environnement. Elle précise les droits et obligations des Etats pour l’enlèvement de telles épaves et veille notamment à ce que les armateurs demeurent strictement responsables des coûts afférents au marquage et à l’enlèvement de toute épave dangereuse ou polluante. Cette Convention constitue ainsi le premier instrument international qui prévoit une responsabilité absolue, une assurance obligatoire et une action directe en ce qui a trait aux épaves situées au-delà des eaux territoriales des Etats côtiers. Elle mérite pour toutes ces raisons de retenir très amplement l’attention des Etats africains et de l’ensemble de la communauté internationale.

20• Immigration clandestine par voie maritime – Trafi cs illi-cites et criminels - Golfe de Guinée – Navire étranger – Mesu-res de police et d’enquêtes des Etats côtiers – Compétences pénalesLe VM Sharon, battant pavillon guinéen et dont le port d’attache est Conakry, aurait appareillé au Bénin fi n septembre et a été arraisonné, le 18 octobre 2009 au large de Libreville, avec près de 200 immigrés clandestins, avant d’être reconduit hors des eaux territoriales gabonai-ses en vue de son retour au Bénin. Selon les autorités béninoises qui ont ouvert une enquête, le nombre de passagers interceptés à bord de ce navire était de 187 hommes et femmes, dont deux mineurs. Parmi eux fi guraient 83 Béninois, 57 Togolais, 16 Maliens, 18 Burkinabès, 7 Sénégalais, 4 Ghanéens et 2 Ivoiriens. Les enfants présents à bord du navire avaient été immédiatement débarqués au Gabon (v° Info Coordination marée noire, 1er novembre 2009). Cette affaire soulève la délicate et chronique problématique des cir-cuits d’immigration clandestine sur les côtes ouest africaines et qui cachent souvent d’autres activités criminelles (esclavage d’enfants, ramassage d’enfants-soldats ou de travailleurs illégaux, fi lières de prostitution féminine ou de pédophilie, complicités des forces publi-ques et de certaines autorités dans divers trafi cs, etc.). Inversement, les mesures d’arraisonnement et d’enquête déployées par les deux Etats côtiers visités démontrent que la plupart des autorités maritimes locales demeurent vigilantes dans la sous-région. Malgré tout, cette affaire atteste de l’ampleur désespérante de certaines activités illici-tes attentatoires aux Droits de l’homme dans les espaces maritimes

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africains, et elle confi rme malheureusement l’inanité locale des textes juridiques nationaux, internationaux ou communautaires face à ces phénomènes criminels. Il est en effet à noter que nombre d’Etats de cette sous-région ont bien ratifi é la Convention de Montego Bay de 1982 sur le Droit de la mer qui permet d’apporter des réponses juridiques effi caces à ces situations. Rappelons que l’article 27 autorise l’Etat côtier à exercer sa juridiction pénale sur les navires étrangers (avec arrestations et ins-tructions pénales) en présence de certaines infractions ou en cas d’at-teinte à l’ordre public ; l’article 33 régissant la zone contiguë autorise l’Etat côtier à y exercer les contrôles nécessaires en vue de prévenir et de réprimer toutes infractions en matière douanière, fi scale, sani-taire, et d’immigration. L’Article 99 portant interdiction de transport d’esclaves dispose que « Tout Etat prend des mesures effi caces pour prévenir et réprimer le transport d’esclaves par les navires autorisés à battre son pavillon et pour prévenir l’usurpation de son pavillon à cette fi n… ». Les articles 100 et suivants incriminent et combattent la piraterie, tandis que l’article 108 organise la lutte et la répression con-tre les trafi cs illicites de stupéfi ants et de substances psychotropes. La même Convention prévoit de nombreuses autres mesures juridiques concrètes contre ces différents phénomènes criminels, et notamment un droit de visite du navire étranger (article 110) et un droit de pour-suite (article 111) par des navires de guerre (Pour une illustration dans les eaux africaines, v° Cass. crim. 29 avril 2004, Juris-Data n°048146, DMF nov. 2009, p.922, obs. Alexandra BELLAYER-ROILLE, à propos d’un cas de Trafi c de stupéfi ants en mer au large de la Guinée-Conakry, avec arraisonnement par un bâtiment de guerre français, suivi de dé-routement et de détention à bord). Enfi n, signalons également que les pays du Golfe de Guinée membres de la CEMAC ont à leur disposition un Code communautaire de la marine marchande élaboré en 1994 et révisé en 2001 (et actuellement à nouveau en cours de révision) qui complète ces différents moyens d’action (v° notamment sur les pas-sagers clandestins, chap. IV- Articles 435 et suiv.). Les outils juridiques sont donc bien disponibles en Afrique et prêts à l’emploi. Le reste relève du volontarisme politique des Etats… 21• Règles de Rotterdam – Quel avenir en Afrique et dans le monde ?Discussions et rencontres internationales se multiplient sur l’accueil, par les milieux scientifi ques et professionnels, des Règles de Rotter-dam adoptées par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 12 dé-cembre 2009, et ouvertes à la signature des Etats le 23 septembre 2009, et sur l’avenir de cette Convention dans le concert des Nations. Entre 2009 et 2010 plusieurs colloques, séminaires ou conférences se sont déjà tenus en Afrique sur cette importante Convention dans des villes emblématiques (Alexandrie, Casablanca, Alger, Cotonou, Dakar, Yaoundé… et bientôt Douala en novembre 2010). On se souvient que parmi les premiers signataires de cette nouvelle Convention fi guraient (en septembre 2009) une majorité d’Etats africains : 11 sur 21 (voir Tableau ci-dessous). Après ce premier mouvement de sympathie, le sentiment général qui semble actuellement se dégager à travers le continent, au fi l des rencontres, nous paraît plutôt être celui de la pru-dence et de l’attentisme, même si l’on a pu noter quelques positions franchement réservées voire hostiles à ce texte en Afrique du Nord (v° par exemple Dossier : « Les Règles de Rotterdam, un autre marché de dupes concocté par les puissances maritimes ? » in Le Phare, Journal des Echanges internationaux, des transports et de la logistique, n°131, Mars 2010 ; adde : « Séminaire sur les Règles de Rotterdam à Casa-blanca », v° spéc. pp.10 et suiv.).De son côté le continent européen se concerte également amplement (en Espagne, en Finlande, en Suisse, en Angleterre, en Italie, etc, et bien sûr… en France). A travers la plume avertie de trois personnalités reconnues dans le monde juridique des transports, la « Revue de Droit des transports » éditée par le Juris-Classeur LexisNexis a dressé des comptes-rendus du

Colloque organisé du 20 au 21 mai à Marseille par l’Institut Méditer-ranéen des Transports maritimes sur ce texte (v° Philippe DELEBECQUE et Valérie MAYER-BLIMONT : « Les Règles de Rotterdam seront-elles les règles du Droit maritime du XXIème siècle ? », Rev. Dr. des transp. Juill-Août 2010, Alertes, Focus 66, p.3 ; Laurent FEDI : « Les Règles de Rotterdam : le droit des transports maritimes du XXIème siècle – Syn-thèse du Colloque IMTM des 20 et 21 mai 2010, Rev. Dr. transp. sept. 2010, Etude 9, p.11, 8 pages). De cette rencontre marseillaise il semble se dégager un sentiment pa-radoxal que résument bien les deux premiers signataires : « si l’unani-mité se fait aisément sentir sur l’importance que revêt aujourd’hui le texte dans le cadre de l’unifi cation du droit international de transport de marchandises (le 1er jour des débats), en revanche les doutes, les interrogations, les oppositions sont chez certains, fortes quant à sa ra-tifi cation dans le contexte actuel (le 2ème jour) ». Ces auteurs observent également que tandis que les juristes « maritimistes » (F.BERLINGIERI, G. VAN ZIEL, A.VON ZIEGLER, S.ZUNARELLI, Ph.DELEBECQUE) soutiennent les Règles de Rotterdam et font observer qu’elles sont de nature à mo-derniser considérablement le droit positif et à régler de nombreuses questions diffi ciles,… en revanche chez les praticiens les opinions sont plus tranchées. Les deux comptes-rendus présentent des sensibilités et des convictions parfois assez différentes mais semblent en défi ni-tive s’accorder sur un point : s’agissant des perspectives de ratifi cation, à part l’Espagne (qui a d’ores et déjà signé et ratifi é la Convention) et les deux géants asiatiques (Chine et Corée) qui semblent vouloir se décider, « la prudence et l’attentisme sont plutôt de mise » (Allema-gne, Belgique, Maghreb, Ligue Arabe…). Et c’est bien pour cette rai-son que les partenaires les plus convaincus se mobilisent aujourd’hui et sillonnent, à juste titre, de nombreux pays du monde (y compris l’Afrique) pour tenter d’emporter la conviction des plus hésitants. En Afrique un véritable débat et des études approfondies s’imposent, comme dans toutes les autres régions du monde, car ce continent dont la marine marchande se trouve actuellement en plein naufrage a vraiment besoin d’être éclairé et de prendre le temps de la réfl exion… avant de se décider de franchir le dernier cap. Procéder autrement serait totalement irresponsable ou suicidaire …

État SignatureArménie 29/09/2009Cameroun 29/09/2009Congo 23/09/2009Danemark 23/09/2009Espagne 23/09/2009États-Unis d’Amérique 23/09/2009France 23/09/2009Gabon 23/09/2009Ghana 23/09/2009Grèce 23/09/2009Guinée 23/09/2009Madagascar 25/09/2009Mali 26/10/2009Niger 22/10/2009Nigéria 23/09/2009Norvège 23/09/2009Pays-Bas 23/09/2009Pologne 23/09/2009Sénégal 23/09/2009Suisse 23/09/2009Togo 23/09/2009

Au moment où nous mettons cette Revue sous presse, deux nouveaux Etats se sont ajoutés en 2010 : le Luxembourg et la RD-Congo (soit un total de 23 Etats signataires, dont 12 africains). (Source : CNUDCI)

Nantes, Eté 2010

Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Chroniques et informations92/ Juillet 2010 • N°2

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie Juillet 2010 • N°2 /93

Bibliographie

Ouvrages parus

Thèses soutenues

Thèses en préparation

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie94/ Juillet 2010 • N°2

Ouvrages parus

Algérie

Afrique de l’Ouest et du Centre Autres ouvrages et documents :

Côte d’Ivoire

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie Juillet 2010 • N°2 /95

Résumé : Le « Mémorandum d’entente d’Abu-ja pour le contrôle des navires par l’Etat du port dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre » a été signé le 22 octobre 1999 à la 3ème réunion sur la coopération en matière de contrôle des navires par l’Etat du port. Sur 19 Administrations maritimes ayant participé aux deux réunions préparatoires, 16 représen-tants des Administrations maritimes ont signé ce qu’il convient d’appeler désormais l’acte de naissance de la grande concertation de la sous-région en matière de contrôle des navi-res par l’Etat du port. La naissance du MOU d’Abuja consacre en Afrique les compétences de l’Etat du port en matière de contrôle des navires étrangers. C’est le développement du droit international qui a favorisé cette évolu-tion qui tempère le principe séculaire de la loi du pavillon auquel le navire obéissait depuis lors et qui n’a pas toujours bien fonctionné. Le MOU d’Abuja institue donc clairement le « port state control » qui consiste à en une visite à bord du navire en vue de vérifi er la validité des certifi cats et autres documents ap-propriés aux fi ns du Mémorandum, ainsi que l’état du navire, de son équipement et son équipage et les conditions de vie et de travail

de l’équipage. Il vise également la protection de l’environnement par le respect des Conven-tions internationales. Ayant encore la nature juridique de « soft law », le MOU d’Abuja ren-contre de nombreux obstacles pour sa mise en œuvre afi n de réduire et d’éliminer les navires sous normes qui fréquentent les ports africains. Même s’il est un accord pertinent par sa référence aux Conventions internationales en matière de sécurité et aussi un instrument de communautarisation du droit de la sécurité maritime en Afrique, il reste néanmoins fai-blement appliqué. Ne gagnerait-il pas à être communautarisé comme l’a été celui de Paris

dans une politique commune africaine de la sécurité des transports maritimes pour son effi cacité ? Mots clés : Accidents maritimes - Adminis-trations maritimes - Contrôle des navires - Conditions de vie et de travail - Etat du port - Mémorandum d’Abuja - OIT - OMI - Politique maritime commune - Protection de l’environ-nement - Sécurité maritime - Sécurité des transports maritimes - Sûreté maritime. ■

Le Mémorandum d’entente d’Abuja et le renforcement de la sécurité des transports maritimes en Afrique

par Amour Christian ZINSOU

- Thèse soutenue publiquement le mardi 04 mai 2010,Pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Nantes ; Discipline DROIT PRIVE

- Mention : Honorable.- Jury : M. Martin NDENDE - Professeur à l’Université de Nantes (Directeur de la Thèse) ;

M. Antoine VIALARD - Professeur Emérite à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV (Rap-porteur) ; Mme Cécile de CET-BERTIN - Maître de Conférences HDR à l’Université de Brest (Rapporteur) ; M. Arnaud MONTAS - Maître de Conférences à l’Université de Brest ; M. Pa-trick CHAUMETTE - Professeur à l’Université de Nantes (Président du Jury) ; M. Martin-Parfait Aimé COUSSOUD-MAVOUNGOU - Ministre Délégué à la Marine Marchande de la République du Congo, Président en Exercice du Mémorandum d’Entente d’Abuja.

Thèses et mémoires soutenus

Résumé : La notion de « transporteur de fait » a vu le jour avec la Convention de Gua-dalajara du 18 septembre 1961. Cette Conven-tion est remplacée depuis 1999 par celle de Montréal relative au transport aérien, laquelle défi nit le transporteur de fait comme : « celui qui, en vertu d’une autorisation donnée par le transporteur contractuel, effectue tout ou par-tie du transport contractuel, mais n’est pas, en ce qui concerne cette partie, un transporteur successif au sens de la Convention de Mon-tréal ; cette autorisation est présumée sauf preuve contraire ». Bien que la notion ait été conçue d’abord dans le transport aérien, elle a fi ni par se généraliser aux autres modes de transport. Ainsi, le transport maritime, fl uvial et ferroviaire se sont inspirés du modèle aé-rien en utilisant l’expression « transporteur substitué » au lieu de « transporteur de fait ».

A l’heure actuelle, seul le transport routier ne s’aligne pas sur les autres modes de transport en matière de sous-traitance. Ce mode de transport ne différencie pas le « transporteur contractuel » et le « transporteur de fait ». En un mot, le « transporteur de fait » se défi nit toujours par rapport au « transporteur contrac-tuel » et leur distinction s’inscrit dans le cadre de la sous-traitance.Mots clés : Transporteur de fait - transporteur substitué - affrètement arien - affrètement

maritime - contrat de transport - transporteur contractuel - agence de voyages - commis-sionnaire de transport - transporteur effectif - transporteur réel - sous-traitance - sous-trai-teur - sous-contrat - sous-commission - droit aérien - transport fl uvial - transport routier - transport ferroviaire - transport maritime. ■

Le transporteur de fait, contribution à la théorie du transportpar Hamadi Gatta WAGUÉ

- Thèse soutenue publiquement le 28 novembre 2008,Pour obtenir le grade de Docteur en Droit - Université Paris I Panthéon-Sorbonne

- Jury : M. Philippe DELEBECQUE, Professeur à l’Université ParisI (Panthéon-Sorbonne) (Direc-teur de la Thèse) ; M. Alain GHOZ, Professeur à l’Université Panthéon-Assas Paris II (Rappor-teur) et président du jury ; M. Thierry GRANIER, Professeur à l’Université d’Orléans (Rappor-teur) ; Fabrice PRADON, Docteur en droit et avocat à la Cour.

Résumé : L’importance du transport dans le développe-ment économique des Etats

de l’Afrique de l’ouest et du centre, a conduit ses dirigeants, au lendemain des indépendan-ces à mettre sur pied, de vaste chantiers de

communautarisation de leur droit des trans-ports.Les diffi cultés d’une telle entreprise, liées d’une part au découpage du continent en de nombreux Etats indépendants et souverains, et d’autre part à une interprétation excessive

de la souveraineté, impose une réfl exion sur les techniques juridiques utilisées. Cette thèse les examine tout en mettant en exergue les imperfections susceptibles de conduire à des idées nouvelles.La communautarisation par harmonisation au

La Communautarisation du Droit des Transports en Afrique : le cas de l’Afrique de l’Ouest et du Centre

par Jean BIAMO

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie96/ Juillet 2010 • N°2

départ consacrés, consiste en un rapproche-ment des législations nationales totalement différentes. Elle procède par la mise sur pied des institutions et des politiques, favorables, tout en tenant compte des infl uences des con-ventions internationales en la matière.L’ineffi cacité d’une telle démarche face au dé-fi s imposés par le nouvel ordre économique international, va amener les Etats à s’orienter vers la communautarisation par unifi cation, caractérisée par l’apparition sur la scène, d’un jurislateur communautaire ayant pour mis-sion de confectionner de véritables normes juridiques communautaires applicables direc-tement et immédiatement à tous les sujets,

ce qui suppose la substitution aux normes juridiques nationales, des normes juridiques communautaires.Mots clés : Communautarisation du droit des

transports - Harmonisation - Uniformisation - Unifi cation - Jurislateur communautaire - Normes juridiques communautaires - Normes juridiques nationales - Applicabilité et cohérences. ■

- Thèse de Doctorat en Droit soutenue publiquement le 10 novembre 2008, Université de Yaoundé ll-SOA (Cameroun)

- Mention très honorable avec félicitations du jury- Jury : Président : M. Victor-Emmanuel BOKALLI, Professeur à l’Université de Yaoundé ll-SOA. Rapporteurs : M. Bernard-Raymond GUIMDO NDOGMO, Maître de Conférences à l’Université de Yaoundé ll-SOA, et M. Jean GATSI, Maître de Conférences à l’Université de Douala.Membres : M. Martin NDENDE, Professeur à l’Université de NANTES (co-directeur de la thèse)et M. Magloire ONDOA, Professeur à l’Université de Yaoundé ll-SOA (co-directeur de la thèse).

Les instruments juridiques internationaux contemporains de lutte contre la piraterie : le cas de la Somalie

par Nidhi MORIN

Résumé : Depuis que la communauté inter-nationale a pris conscience de la nécessité d’éradiquer le fl éau qui met en péril la sécu-rité de la navigation maritime, la lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes s’organise à la fois sur le plan international avec l’élaboration d’une réponse juridique à la piraterie et sur le plan de la coopération inter étatique et régional avec la mise en œuvre des instruments juridiques internationaux. La lutte contre la piraterie passe dans un pre-mier temps par l’élaboration d’un cadre juri-dique cohérente et effi cace. Celle-ci s’appuie sur la Convention de Montego Bay qui fi xe le régime international général de la piraterie et sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ayant pour objet spécifi que la lutte contre la piraterie qui sévit au large des côtes somaliennes.

Une fois la réponse contre la piraterie juridi-quement organisée, ce sont les Etats qui vont intervenir puisqu’ils sont chargés de mettre en œuvre les instruments juridiques interna-tionaux de lutte contre la piraterie. Cela se manifeste par le déploiement de nombreuses forces sur la base d’une coopération inter éta-tique. La lutte contre la piraterie mobilise aussi les Etats riverains de la Somalie qui, sur la base de la coopération, vont notamment adopter le code de conduite de Djibouti qui fournit une réponse régionale à la piraterie. Par ailleurs, leur participation se manifeste sur le terrain de la répression où ils jouent un rôle essentiel.

En effet, à travers la conclusion d’accords avec les Etats qui ap-préhendent des pira-tes, les Etats riverains de la Somalie se voient confi er la charge de les juger. Mots clés : Convention de Montego Bay - Compétence universelle - Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime - Résolutions du Con-seil de sécurité des Nations Unies - Opération Atalante - OTAN - Code de conduite de Djibouti - Répression pénale des actes de piraterie - Accords bilatéraux - Kenya. ■

Résumé : La Convention régissant l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) ren-ferme les dispositions particulières dont l’objet est d’harmoniser les politiques de transports. Cela passe par l’ouverture des marchés na-tionaux des Etats membres aux opérateurs économiques, la suppression des restrictions à la libre prestation des services et d’établis-sement, l’interconnexion des infrastructures, etc. A partir des critères de validité formelle, factuelle et axiologique du droit, cette thèse a pour objet d’analyser les contraintes qui handi-capent ces politiques. Après avoir fait le cons-tat des diffi cultés liées au choix de la technique d’harmonisation des droits, l’étude se penche sur les limites dues à la non-observation des procédures d’admission des conventions dans les ordres juridiques internes, à la faiblesse des institutions, aux risques économiques,

fi nanciers et politiques. Elle suggère qu’il est nécessaire de remettre de l’ordre dans les systèmes juridiques, grâce à une politique de codifi cation et, à terme, de rechercher la sé-curité juridique, par l’uniformisation des règles en présence. Enfi n, face à la corruption, elle prend position pour un devoir d’ingérence de la Communauté internationale pour sécuriser

les ressources destinées à la modernisation des infrastructures routières. Mots clés : Libre circulation - libre concurren-ce - sécurisation du fi nancement des infras-tructures - contraintes juridiques - technique d’harmonisation - codifi cation du droit - uni-formisation du droit - validité du droit - devoir d’ingérence. ■

Les politiques de transport routier dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale

par Jean-Calvin ROBENATE

- Thèse de Doctorat en Droit soutenue publiquement le 22 octobre 2009, Université Lumière Lyon 2

- Jury : M.le doyen PhIlippe BLACHER, Professeur de droit public à l’Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse (Rapporteur) ; M. Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ, Professeur de droit public à l’Université Jean-Moulin Lyon III ; M. Hervé ISAR, Professeur de droit public à l’Université Paul Cézanne-AIx-Marseille (Rapporteur) ; M. Martin NDENDE, Professeur de droit privé à l’Université de Nantes, directeur de l’Institut Eurafrique Export ; M. le doyen Olivier NEGRIN, Professeur de droit public à l’Université Lumière Lyon II (Directeur).

Master 2 Droit et Sécurité des activités maritimes et océaniquesMémoire sous la direction de Mme Valérie Boré-Eveno, maître de conférenceUniversité de Nantes - Faculté de droit et de sciences politiques

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie Juillet 2010 • N°2 /97

Thèses en préparation

Résumé : La question de la libéralisation des transports maritimes

internationaux résulte des mutations profon-des en cours dans l’économie mondiale. Qu’el-les soient restrictives ou incitatives, les inter-ventions étatiques dans le transport maritime n’ont pas réussi à ébranler ou du moins écarter le libéralisme maritime qui est établi depuis des siècles comme règle de référence. La participation directe de l’Etat ou indirecte, à travers ses émanations, au commerce ma-ritime pose aussi un problème fondamental de droit international, celui de savoir quelles

règles appliquer au fond aux relations de l’Etat armateur, ou des sociétés d’Etat armateurs, avec les tiers, qu’il s’agisse des règles de fond ou de procédures applicables. Bien que les armateurs aient eux-mêmes li-mité leur liberté sur des lignes régulières, en concluant des conférences maritimes, et re-nonçant ainsi au modèle du free fl ow of ship-ping, les transports maritimes internationaux ont connu des restrictions d’origine étatique sous forme de réglementations unilatérales, bilatérales ou multilatérales. Le développe-ment récent au niveau de l’Union Européenne est illustratif. Les transports maritimes inter-

nationaux évoluent progressivement vers des pratiques concurrentielles et libérales. La raison de cet état de choses est le désen-gagement commercial sinon économique de l’Etat armateur. Les résultats de nos travaux devront situer le droit maritime dans le nou-veau rôle de l’Etat et le contexte nouveau dans lequel participeront les acteurs du commerce maritime. Mots clés : transports maritimes – libérali-sation – mutations – interventions étatiques – commerce maritime. ■

La sécurité des passagers en Droit maritimepar M. AKOHOU, Doctorant à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes (Centre de Droit Maritime et Océanique). Thèse de Doctorat, sous la direction de Martin NDENDE, Professeur à l’Univer sité de Nantes (France).

Résumé : Le 05 juillet 1996 à Libreville au Ga-bon, les six pays de la Communauté Economi-que et Monétaire d’Afrique Centrale (en abré-gé CEMAC) que sont le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad adoptaient une con-vention Inter-Etats sur le transport multimodal des marchandises s’exerçant dans leur zone d’infl uence, laquelle est entrée en vigueur le même jour. Le transport multimodal consiste à acheminer des marchandises en vertu d’un contrat unique, et en utilisant au moins deux modes de transport soumis à des régimes ju-ridiques différents, à partir d’un lieu situé dans un pays où les marchandises sont prises en charge par l’entrepreneur de transport multi-modal jusqu’au lieu désigné pour la livraison dans un pays différent. Cette convention de Libreville qui est la seule de nos jours, de tous les systèmes juridiques au monde, en termes de droit positif applicable en la matière, sert

rarement, après plus d’une décennie d’existen-ce, de base légale à une décision de justice ou à une sentence arbitrale. Dans cette optique, il en résulte le constat selon lequel, l’état des lieux du transport multimodal des marchandi-ses des pays d’Afrique Centrale se résume en une absence d’infl uence de la convention sur la pratique actuelle du transport multimodal dans la sous-région. Par conséquent, il sera question dans notre étude de présenter le contenu de cette convention de Libreville de 1996, c’est-à-dire ses dispositions dans une analyse critique, tout en démontrant concomi-tamment les conditions de sa meilleure ap-plicabilité. Nous examinerons ainsi le contrat de transport multimodal qui traite des parties au contrat et du document de transport mul-timodal, de la responsabilité de l’entrepreneur de transport multimodal qui traite du régime de sa responsabilité et du contentieux de la réparation en cas de litige , des avaries com-

munes et des questions douanières, tout en mettant en exergue les failles et les faiblesses de la pratique du transport multimodal dans la sous-région, lesquelles pourraient néanmoins être corrigées. Cette étude a pour fi nalité de montrer que le développement du commerce intracommunautaire des pays de la sous ré-gion Afrique Centrale, voire l’intégration de leurs économies, ou plutôt la réalisation d’un marché commun, objectif cher au traité de la CEMAC, à travers la libre circulation des mar-chandises via le transport multimodal, est su-bordonné à la maitrise de son support juridi-que qui passe par sa connaissance.

Mots clés : Transport multimodal - CEMAC - Afrique centrale - Convention inter Etats de 1996 - Contrats - Entrepreneur de transport multimodal - Responsabilités - Contentieux - Règles de Rotterdam - Commerce intra com-munautaire - Intégration régionale - OHADA ■

Le transport multimodal des marchandises dans l’espace CEMACpar Eulalie MAZIGUI NGOUE, Doctorante rattachée au Centre de Droit Maritime et Océanique (CDMO). Thèse en co-tutelle internationale, sous la direction de MM. Victor-Emmanuel BOKALLI, Professeur et Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Yaoundé-II (Soa, Cameroun), et Martin NDENDE, Professeur à l’Université de Nantes (France), Directeur de l’institut Eurafrique Export.

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Vous trouverez dans vos journaux…

Sélection 2007 à 2009 (suite) (1)

• Continent africain (en général)- ASECNA : « Le nouveau Plan stratégique

de l’ASECNA »Dans la lignée des différents plans que l’ASEC-NA a pris la tradition de mettre en oeuvre pour accomplir effi cacement sa mission, le Plan stratégique 2009-2013 est entré dans sa phase d’exécution. Les fondements de ce plan découlent des orientations stratégiques approuvées par le Comité des Ministres du 11 juillet 2008 à Malabo. Après avoir situé le contexte de son élaboration, ce Plan fait l’état des lieux en procédant à un diagnostic interne et externe de l’Agence, dégage une vision pour l’horizon 2013, fi xe les objectifs stratégiques permettant la réalisation de la vision, et défi nit la méthodologie de mise en œuvre du plan stratégique. (v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle série n°5, Juillet 2009).

- ASECNA : « Les Centres africains de for-mation en Aviation civile tiennent leur première conférence »L’Ecole Africaine de la Météorologie et de l’Aviation Civile (EAMAC), à Niamey, au Ni-ger, a abrité la 1ère Conférence des Centres Africains de Formation en Aviation Civile, du 17 au 19 février 2009. Cette rencontre pla-cée sous le co-parrainage de la CAFAC et de l’OACI fait suite à une recommandation 5/8 de la SRAN/AFI. Elle a enregistré la partici-pation de 127 personnes provenant d’Etats, institutions et centres de formation du conti-nent africain, d’Europe et d’Asie (v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle série n°5, Juillet 2009).

- ASECNA : « Signature d’un accord de coo-pération entre l’ASECNA et l’IATA »Un accord de coopération a été signé à Dakar, par MM Youssouf Mahamat, Directeur général sortant de l’ASECNA et Giovanni Bisignani, Di-recteur général de l’IATA. L’accord ainsi signé a pour objectifs essentiels l’intensifi cation de la coopération et des échanges en vue de promouvoir l’amélioration de la sécurité aérienne, le niveau de service, l’optimisation des coûts des services fournis, et la moder-nisation des infrastructures au bénéfi ce des compagnies aériennes. L’accord couvre plu-sieurs domaines importants, notamment la formation, les infrastructures CNS et/ou la mise en œuvre du plan de surveillance (plan d’équipement) en adéquation avec le plan de réalisation des infrastructures AFI et OACI (v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASEC-NA, Nouvelle série n°5, Juillet 2009).

- ASECNA : « Symposium sur les nouvelles solutions et technologies pour l’ATM à Yaoundé »Près de deux cent cinquante participants et d’éminents conférenciers venus d’Afrique et d’autres régions du monde ont répondu pré-

sents au symposium sur les nouvelles solu-tions et technologies pour l’ATM (gestion du trafi c aérien) organisé par l’ASECNA du 22 au 24 octobre 2008, à Yaoundé. L’objectif majeur de ce symposium international était de réfl é-chir sur l’instauration de nouvelles technolo-gies susceptibles de mieux gérer les services de la navigation aérienne. Autrement dit, pré-parer les centres d’exploitation de l’ASECNA à s’intégrer progressivement dans le nouveau contexte global de l’introduction du concept Communication – Navigation – Surveillance, en abrégé CNS, utilisé dans le cadre de la ges-tion du trafi c aérien. Il s’agissait également de répondre plus effi cacement au besoin crois-sant du trafi c aérien international par l’amé-lioration du niveau de sécurité des vols, celle du niveau et de la qualité des services rendus par l’agence. Objectif globalement atteint (v° Sécurité et Aviation, Magazine de l’ASECNA, Nouvelle série n°5, Juillet 2009).

- Mame Aly KONTE : « Pannes mécaniques, erreurs de pilotages, climats... : Le ciel encore plus fort que les avions »Si le nombre d’accidents est passé dans le monde de plus d’un millier en 1959 à quel-ques dizaines de crashs dans l’année, le ris-que est toujours là de voir un avion victime de panne mécanique, de la foudre, ou en-core de bombes. Cette étude fait le rappel de quelques grands accidents pour les an-nées 2000 et 2008, et montre que si l’Afri-que détient quelques records, elle est encore suivie par d’autres continents qui subissent également des crashs tous les ans (v° Sud Quotidien, 10 Juin 2009).

- Mame Aly KONTE : « Négligences techni-ques, avions et aéroports vétustes, ama-teurisme des compagnies...La sécurité aérienne en danger en Afrique »Après le crash de l’avion de la compagnie Air France sur l’océan atlantique faisant un peu plus de 200 victimes (228 passagers étaient à bord), beaucoup de questions de posent aujourd’hui à nouveau sur la sécurité des trans-ports aériens. Même doté de grandes compa-gnies, le continent africain a encore du mal à maîtriser la sécurité de la navigation aérienne. Et les raisons ne sont pas simples à compren-dre au regard du cumul de négligences notées dans le montage des sociétés de transports aériens. Si quelques grandes compagnies (Ethiopian Airlines, Kenya Airways, Royal Air Maroc, South Africa Airways) semblent sortir du lot en Afrique au sud du Sahara comme dans le nord du continent, le ciel est encore couvert par un nuage d’incertitudes pour nom-bre de sociétés d’aviation (v° Sud Quotidien, 11 Juin 2009).

- Frédéric MAURY : « Transport maritime – La CMA-CGM revient en force sur le con-tinent »Après avoir racheté Delmas à Bolloré, le numéro trois mondial investit dans sa fi -liale pour tirer parti de l’augmentation des échanges avec la Chine... (Voir Jeune Afrique n°2448 des 9-15 Décembre 2007, p.104).

- Jean-Michel MEYER : « Infrastructures : un défi à 1000 milliards de dollars sur

dix ans »Un Rapport sans concession de la Banque Mondiale chiffre pour la première fois le coût de la mise à niveau des infrastructures africai-nes : une facture de 930 milliards de dollars sur dix ans et une longue liste de réformes. Le constat est sans concession : l’état des infrastructures (énergie, transports, eau, as-sainissement, technologies de l’information et de la communication) est déplorable. Il ra-lentit la croissance de 2%, réduit la producti-vité des entreprises de 40%, et provoque des surcoûts considérables. Dans les transports routiers ces surcoûts tiennent davantage aux marges colossales des transporteurs mais aussi à l’état défectueux du réseau. Ces mar-ges peuvent ainsi atteindre 60% à 160% en Afrique centrale ou occidentale. (Voir Jeune Afrique n°2550 des 22-28 Novembre 2009, pp.80-81. Adde : Jeune Afrique n°2549 des 15-21 Novembre 2009, p.73).

- Ousmane SEMBENE : « Le docker noir »De nombreux journaux ont rappelé, à la suite de la disparition, le 9 juin 2007, de l’écrivain et cinéaste de talent sénégalais SEMBENE Ousmane, que ce dernier avait été l’auteur, en 1956, d’un ouvrage remarquable sur les doc-kers. Cet ouvrage raconte en effet un métier que l’auteur a bien connu, puisqu’il fut doc-ker au Port de Marseille à partir des années 1946... (Voir SEMBENE Ousmane : « Le docker noir », Présence Africaine, Paris 1956).

• Afrique subsaharienne (en général)- Cinéma : « Une affaire d’Etat »

Thriller en Françafrique… Un avion chargé d’armes explose au-dessus du Golfe de Gui-née et disparaît dans l’océan. Sa cargaison était destinée aux rebelles d’un pays d’Afri-que qui détiennent des otages français. L’af-fréteur de l’appareil, Victor BORNAND, un conseiller offi cieux de l’Elysée, a été char-gé d’obtenir leur libération en cette veille d’élection présidentielle qui s’annonce serrée dans l’Hexagone. C’est le début d’une affaire d’Etat… Un thriller politique donc, qui relate un épisode imaginaire (mais totalement im-probable) des relations « françafricaines » du dernier demi-siècle ». Avec une excellente interprétation de Rachida BRAKNI et André DUSSOLIER. Synopsis rédigé par Renaud de ROCHEBRUNE, in Jeune Afrique n°2550 des 22-28 Novembre 2009, p.22.

- Christophe BOISBOUVIER : « Mali – Le boeing de la coke »Un avion cargo (sans doute un boeing 707) venant du Venezuela et rempli de cocaïne a atterri en plein désert. L’équipage s’est volatilisé, ainsi que la cargaison. Après son déchargement, le pilote n’a pas réussi à faire redécoller sa machine. Les trafi quants ont alors mis le feu à l’appareil pour effacer tou-tes traces. Restent d’embarrassantes ques-tions pour les autorités de la région. (Voir Jeune Afrique n°2550 des 22-28 Novembre 2009, p.35).

- Olivier MENOUNA : « Sur les routes de la clandestinité »En taxi-brousse, dans le désert ou à Ceuta et

(1) Les articles recensés dans cette rubrique le sont simplement à titre d’information et d’ouverture, et les opinions qui y sont émises n’engagent pas notre Revue.

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Melilla… Pendant quatre ans, un journaliste intrépide a sillonné les chemins clandestins entre l’Afrique et l’Europe. Dans son livre, il décrit les rêves, la détresse et la détermi-nation de ces africains coincés au milieu de nulle part, livrés aux passeurs, et tournés vers une Europe qui s’éloigne. Un nouveau commentaire de l’ouvrage de Serge DANIEL intitulé « Les routes clandestines – L’Afrique des immigrés et des passeurs», Hachette Lit-tératures, 2008, 288 pages, 19 euros. (Voir Africa International n°418 de Mars 2008, pp.78-79 - Pour un commentaire d’un autre analyste, signalé dans notre Revue n°1 Juin /2009, voir Jeune Afrique n°2457 des 10-16 Février 2008, pp.95-97).

• Afrique du Nord et Méditerranée (en général)- Alain PIQUEMAL et Magalie LE HARDY :

« L’approche du droit international et du droit communautaire en matière de gestion intégrée des zones côtières : applications à la Méditerranée ». (Voir Annuaire de Droit maritime et océanique, ADMO, Université de Nantes, Tome XXVI-2008, pp.63 et suiv.).

- ISEMAR : « Enjeux maritimes et portuai-res du détroit de Gibraltar »Le détroit de Gibraltar est l’un des passages obligés de la grande route maritime Est-Ouest du commerce international. Il fi xe les grands courants d’échange et les activités littorales. Dans sa dimension Nord-Sud, il occupe également une place stratégique vis-à-vis des fl ux humains et de marchandises entre Europe et Afrique. Aujourd’hui c’est un espace en redéfi nition portuaire marqué par de nouveaux projets et une restructuration des arrière-pays, l’objectif étant que le seuil maritime devienne une véritable porte. Cette importante Note de Synthèse a été réalisée à la suite d’une rencontre avec les autorités portuaires de la baie d’Algeciras (APBA) et de Tanger-Med, TMSA. (Voir Institut Supérieur d’Economie Maritime, Saint-Nazaire, ISEMAR, Note de Synthèse n°105, Mai 2008).

- Tullio SCOVAZZI : « The developments within the « Barcelona system » for the protection of the Mediterranean sea against pollution ». (Voir Annuaire de Droit maritime et océanique, ADMO, Université de Nantes, Tome XXVI-2008, pp.201 et suiv.).

• Afrique de l’Ouest (en général) - Cécile MANCIAUX : « Forte odeur de pou-

dre… blanche »Selon un rapport de l’Offi ce international de contrôle des stupéfi ants, le trafi c de cocaïne ne cesse d’augmenter sans la sous-région. La consommation aussi. (Voir Jeune Afrique n°2462 des 16-22 Mars 2008, p.44 – V° aussi sur ce même sujet, Jeune Afrique n°2452 des 6-12 Janv. 2008, pp.68-69, et Continental-Magazine Panafricain, n°74 - Octobre 2008, pp.56-63).

• Algérie - Farid ALILAT : « Transport aérien – Pour-

quoi Air Algérie perd ses pilotes ? »Malgré sa fl otte moderne et ses bons résul-tats, la compagnie est confrontée à un exil de

ses commandants de bord. Enquête sur une mystérieuse fuite de cerveaux du ciel … (Voir Jeune Afrique n°2445 des 18-24 Novembre 2007, p.71).

- A.P.S. : « Santé des navigants - Nécessité de conférer une dimension régionale au CNEMPN »Les spécialistes du Centre National d’Expertise Médicale du Personnel Navigant (CNEMPN) ont affi rmé que les personnels de la navi-gation aéronautique et maritime militaire et civile sont exposés aux risques de maladies cardiovasculaires et rhumatismales et au dia-bète de 90 à 95% supérieurs aux travailleurs des autres secteurs en raison de l’altitude et de l’augmentation de la pression de l’air. Ce centre a été créé en 1969 à Blida et été transféré au nouveau siège de l’Hôpital Cen-tral de l’Armée de Ain Naâdja en 2004. Le CNEMPN répond aux normes internationales de l’Organisation Internationale de l’Avia-tion civile. Ce centre effectue 10 000 actes d’expertises par an au profi t des personnels aéronautiques et maritimes et aux plongeurs et sous mariniers. Sa capacité d’accueil est actuellement de 24000 travailleurs aéronau-tiques et maritimes militaires et civils et peut être élargie à 30 000. Son directeur, le Colo-nel Brahim SNOUSSI BRIKSI affi rme la néces-sité de conférer à ce centre «une dimension régionale à l’avenir» eu égard aux moyens techniques modernes et humains dont il dis-pose (v° La Tribune, 25 juin 2009).

• Angola - « Sécurité aérienne et changement du

statut organique du Ministère des Trans-ports »Le Conseil des Ministres a adopté mi-juin 2009 à Luanda, le changement du statut or-ganique du Ministère des Transports, en vue de la création d’un « Bureau de Prévention et d’Enquêtes des Accidents Aéronautiques ». Cet organe d’appui technique aura comme fonction de mener des enquêtes sur les ac-cidents engageant des avions civils, de par-ticiper aux programmes et aux politiques de prévention d’accidents, de mener des études et de proposer des mesures préventives vi-sant à réduire les accidents aériens. Son ac-tion s’inscrit dans le cadre de la Convention de Chicago, selon laquelle l’enquête sur les accidents aéronautiques doit être menée par un organisme indépendant de l’autorité qui régit l’aviation civile (v° Angola Press Agen-cy, 25 juin 2009)

• Cameroun - Georges DOUGUELI : « Yaoundé se résout

à enterrer la Camair »Après avoir été placée en liquidation, la Compagnie Nationale devait, par un ultime soubresaut, reprendre ses vols le 22 mars 2008. Mais aucune solution n’ayant été trou-vée pour une relance durable de l’activité, la Compagnie a été fi nalement liquidée. Camair c’est donc désormais du passé, mais le sort de ses anciens 800 salariés continue de pré-occuper. (Voir Jeune Afrique n°2463 des 23-29 Mars 2008, p.94).

- Georges DOUGUELI : « Ports – Douala à l’heure du guichet unique »

Créé en 1999, le Guichet unique des opéra-tions du commerce extérieur (Guce) regrou-pe, dans un même lieu, tous les intervenants publics et privés impliqués dans l’accomplis-sement des formalités à l’importation ou à l’exportation des marchandises au Port de Douala. Brève présentation. (Voir Jeune Afri-que n°2504 des 04-10 Janvier 2009, p.61).

- Muriel DEVEY : « A bord du Transcame-rounais »Voyage sur la ligne qui relie la capitale, Yaoundé, à l’une des principales villes du Nord, Ngaoundéré. Le train, chaque jour, est bondé. Sur les raisons de cette sur-fréquenta-tion et la problématique de la modernisation des chemins de fer au Cameroun (Voir Jeu-ne Afrique n°2504 des 04-10 Janvier 2009, pp.71-73).

- Jean-Claude NOUMBISSIE : Sécurité routiè-re « Douala-Yaoundé : l’axe de la mort »Sur la route qui relie Douala et Yaoundé (dite Axe-lourd…), frisson garanti à la vue des nombreuses carcasses de véhicules broyés ou calcinés. Accompagnant ce lugubre spectacle, des panneaux sur lesquels on peut lire : « Ici 17 morts », « Ici 30 morts », « Ici 7 morts »… Cet axe, surnommé « Massacre way », est l’un des plus meurtriers du monde. (Voir Con-tinental-Magazine Panafricain d’information, n°66- Décembre 2007, pp.44-45).

- Jean-Claude NGNINTEDEM : « La gestion portuaire au Cameroun : un enjeu de compétitivité » La gestion portuaire, outil de développement – La gestion portuaire, outil stratégique de compétitivité – La concession – Le contrat BOT – Le crédit bail (Voir Annuaire de Droit maritime et océanique, ADMO, Université de Nantes, Tome XXVI-2008, pp.671 et suiv.).

- Dossier réalisé par Roger NGOH YOM : « Quand l’Epervier s’attaque à l’Albatros »L’opération anti-corruption et d’assainisse-ment de la gestion des affaires publiques lan-cée en février 2006 s’attaque à ce qui est en passe d’être le plus gros scandale de ces der-nières années : l’Albatros, du nom de l’avion présidentiel acquis en 2003 et qui n’aura été utilisé qu’une seule fois par le Président de la république. Une véritable affaire d’Etat… (Voir Africa International, n°422, Août 2008, pp.14-21). Sur cette même affaire, v° égale-ment, Afrique Education, n°272- du 16 au 31 Mars 2009, pp.6-7, et Jeune Afrique, n°2514- du 15 au 21 Mars 2009, p.41).

- Jeanine FANKAM : « Le Port en eaux pro-fondes de Kribi dévoile ses contours »Pour la première phase de sa mise en œu-vre, le port en eaux profondes de Kribi exige la mobilisation de 282 milliards de francs. Le futur port sera une infrastructure mari-time de pointe sur la Côte ouest-africaine. Il comportera un terminal à conteneurs, un terminal fer, un terminal aluminium, un ter-minal hydrocarbures, et un terminal de ca-botage régional. La portée de ce projet sur l’économie camerounaise est certaine avec une accélération fortement envisagée de l’industrie nationale par la mise en exploita-tion de nombreuses ressources naturelles : le fer, le cobalt, la bauxite, le nickel, etc. Il aura, entre autres spécialités, le transport des minerais et des marchandises particu-

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lièrement lourdes, qui justifi ent la réalisation de l’ouvrage afi n de combler les lacunes du port de Douala. Il sera assorti d’autres projets d’accompagnement avec le raccordement aux voies terrestre et ferroviaire. Il est à cet effet prévu la construction d’un nouveau ré-seau routier et d’un tronçon de chemin de fer Edéa-Kribi. En mai 2008, lors de la première table ronde des investisseurs, le directeur du développement fi nancier des projets de la BDEAC (Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale) avait proposé à l’Etat du Cameroun de veiller à ce que le projet du port en eaux profondes de Kribi porte le label «Projet intégrateur de la CEMAC», un label qui pourra avoir des incidences positi-ves sur le développement de son ouverture sur le marché. Et c’est pourquoi, il est aussi prévu la construction d’un axe routier partant de Kribi jusqu’à Kisangani en RDC (Sources : Cameroon Tribune, 2 Mars 2009). Le ministre des Domaines et des Affaires foncières (Mindaf) a d’ores et déjà lancé sur place les travaux de la Commission de constat des droits et d’évaluation des biens dans le cadre des travaux de lancement de cette im-portante infrastructure (v° Alliance NYOBIA : « Port de Kribi - On pense compensa-tions », Cameroon Tribune, 12 Mars 2009).

• Congo- Arsène SEVERIN : « Pointe-Noire et ses

environs victimes de la pollution pétro-lière » Après les guerres civiles, le Congo a relancé son économie basée essentiellement sur le pétrole qui représente 90% des exportations du pays. Mais la prospérité économique affec-te l’environnement, notamment dans la zone côtière de Pointe-Noire où les populations dé-noncent la pollution des eaux, des sols et de l’air (v° Inter Press Service, 18 Mars 2009).

• Côte d’Ivoire- Marianne MEUNIER : « Marcel GOSSIO – Un

homme clé à la manœuvre » Le Directeur Général du Port Autonome d’Abi-djan s’appuie sur les bons résultats de la plus importante plate-forme d’échanges interna-tionaux de la région pour affi cher de grandes ambitions. (Voir Jeune Afrique n°2452 des 6-12 Janv. 2008, pp.68-69).

- Coulibaly SOULEYMANE : « Transports-CE-DEAO - Le processus de la mise en œuvre du plan d’action a démarré »La Côte d’Ivoire a accueilli la réunion con-jointe des Ministres des Transports de la zone CEDEAO. Pour permettre au secteur des transports de jouer effi cacement son rôle de support du développement économique et d’accélérer l’intégration régionale en Afrique de l’ouest, les différentes parties prenan-tes (Ministres des Transports/ Aviation ci-vile/Infrastructures / Finances/ des Pdg des compagnies aériennes de l’espace CEDEAO/ Bailleurs de fonds et partenaires au déve-loppement, etc.) se sont réunies à Yamous-soukro à la fondation Félix Houphouet-Boigny autour d’un Plan d’action inspiré par le pays d’accueil. Celui-ci prévoit la réglementation de l’espace aérien de la région ; la création d’une nouvelle compagnie aérienne sous-ré-

gionale qui devra collaborer avec celles déjà existantes ; la création d’une compagnie ma-ritime ; la levée des barrières routières ; la li-béralisation des marchés du transport aérien, etc (v° Fraternité Matin, 7 Juin 2009).

• Djibouti- Samy GORBAL : « Infrastructures : Dji-

bouti – Tête de pont » Djibouti mise sur les services portuaires pour s’imposer comme hub commercial inter-national. Géré par Horizon Djibouti Limited Terminal, fi liale d’Emirates National Oil Com-pany (ENOC, la société pétrolière publique de Dubaï), le nouveau terminal pétrolier est déjà opérationnel. Il en est de même de Do-raleh, le grand port de transbordement et d’éclatement. Dubaï comme modèle… (Voir Jeune Afrique n°2446 des 25 Novembre-1er Décembre 2007, pp.76-77).

• Ghana- Tom MBAKWE : « We want oil to be a

blessing for all »Ghana will joint the Club of global producers in either late 2009 or early 2010 when pro-duction starts in the Tano Basin of the Gulf of Guinea, off the coast of the Western Region where signifi cant oil deposits were discove-red last year… (See New African n°472, April 2008, pp.36-37)

• Guinée Bissau- Anne DISSEZ : « Plaque tournante du tra-

fi c de cocaïne ? »La Guinée Bissau devient-elle un narco-Etat ? L’inquiétude grandit en Afrique de l’ouest face à l’extension dans la région de l’activité des narcotrafi quants d’Amérique du sud. Le trafi c s’étend sur les îles des côtes bissau-guinéennes mais aussi au large du Sénégal, du Togo, de la Guinée et du Nigéria. (Voir Continental – Magazine panafricain d’infor-mation, n°66, Décembre 2007, pp.28-29).

• Guinée Equatoriale- Frédéric LEJEAL : « Transport - Comment

sécuriser le ciel ? »Longtemps considérée comme vétuste, la fl otte des compagnies aériennes est aujourd’hui soumise à un contrôle drastique. (Voir Jeune Afrique n°2448 des 9-15 Décem-bre 2007, p.88).

• Ile Maurice - Julien TUYAU : « Air Mauritius - Des per-

tes de Rs 3,8 milliards mais de l’opti-misme »L’exercice fi nancier annuel d’Air Mauritius, clos au 31 mars 2009, met en exergue les conséquences du hedging sur le carburant couplées à celles de la crise économique mondiale. La compagnie affi che un résultat net négatif de -84,343 millions d’euros soit Rs 3,8 milliards, alors que le turnover est de 447 millions d’euro (près de Rs 22 milliards).D’autres facteurs ont contribué à ce résultat, à savoir, la baisse du trafi c voyageur et aussi le débouclage du hedging à hauteur de 40%, ce qui équivaut à 50,8 millions d’Euros (Rs 2,3 milliards). Quant au turnover de la com-pagnie, on note une légère hausse de 0,2%.

Et cela, malgré la chute du taux de remplis-sage des avions. In L’Express 18 Juin 2009.

• Mali- In Dossier spécial Mali : « Autorité rou-

tière du Mali : Les péages pour de bon-nes routes »Compte tenu de l’immensité du pays et de sa position enclavée, le développement et la compétitivité de son économie dépendent plus qu’ailleurs de l’amélioration de l’effi ca-cité du fonctionnement de son système de transport. Le transport routier supporte l’es-sentiel des fl ux, environ 70% des échanges extérieurs et plus de 90% des échanges intérieurs. Pour contribuer à réaliser ce défi , 18 postes de péage sont prévus à terme par l’Autorité routière du Mali qui se présente comme un fonds d’entretien routier de 2ème génération. (Voir Africa International n°418 de Mars 2008, in Dossier spécial Mali).

- Idem : « Désenclavement intérieur et ex-térieur du Mali – Les nouveaux chantiers »Exposé des nouveaux chantiers du Gouver-nement malien en matière de transport et de désenclavement. (Voir Africa Internatio-nal n°418 de Mars 2008, in Dossier spécial Mali).

• Maroc- Leïla SLIMANI : « La guerre du kif »

Depuis 2004, les autorités mènent une lutte sans merci contre le trafi c de drogue, notam-ment la résine de cannabis. La Maroc reste l’un des principaux producteurs mondiaux et fournit à l’Europe 80% de sa consommation. Scanners à rayons X, appareils à ultrason, bateaux rapides, hélicoptères, 11000 per-sonnes déployées pour quadriller les mon-tagnes du Rif et les zones côtières. Objectif : éradiquer sa culture d’ici à 2018. (Voir Jeune Afrique n°2549 des 15-21 Novembre 2009, p.54).

• Mayotte (Immigration clandestine)- Romain MEYNIER : « Traqués et exploi-

tés : l’enfer des boat people »16 000 reconduites à la frontière en 2006 et au moins autant en 2007. Un nombre de clandestins estimé à un quart de la popu-lation totale de l’île, près de 200 000 habi-tants. A Mayotte, sur ce bout de terre fran-çais de 374 km2 de l’Archipel des Comores, au nord de Madagascar, l’immigration clan-destine est un drame quotidien. A bord de barques de résine, des milliers de Comoriens tentent, au péril de leur vie, de rejoindre ce nouvel Eldorado, rêvant de vie meilleure…et pour n’y trouver que la peur des contrôles de police et l’exploitation de leur misère sur fond de tensions sociales et diplomatiques. (Voir Africa International n°415, Décembre 2007, pp.51-55).

- Romain MEYNIER : « Patrouille avec la brigade nautique de la gendarmerie - Chasseurs de misère » Sur le lagon, un des plus grands du monde, les services de sécurité patrouillent presque 24 heures sur 24 à la recherche des « Kwas-sa-kwassa » (les barques de résines con-voyant les candidats à l’immigration). Une mission qui s’apparente plus à du sauvetage

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Bibliographie Juillet 2010 • N°2 /101

en mer qu’à une opération de police. (Voir Africa International n°415, Décembre 2007, p.56).

• RD Congo- « Congo-Kinshasa : Situation désespérée

des Lignes Aériennes Congolaises »En ce mercredi 15 avril 2009, l’opinion na-tionale croit rêver lorsque le ciel congolais, envahi d’aéronefs dépourvus de l’identité nationale, vibre sous les rugissements du « Léopard Volant ». Le Boeing 737 acquis sur fonds propres par les Lignes Aériennes Con-golaises atterrit à l’Aéroport international de N’Djili. Sur le tarmac, des milliers de patriotes congolais, en communion d’esprit, pleurent de joie en saluant fi èrement la renaissance d’un géant au coeur de l’Afrique. Le Ministre des Transports et Voies de Communication proclame solennellement le retour opéra-tionnel défi nitif de la Compagnie aérienne nationale dans la profession et annonce d’autres acquisitions imminentes. Et après, le cauchemar traumatisant revient avec plus d’acuité. Deux mois après ces manifestations euphoriques, le « Léopard Volant » prend du plomb dans l’aile et se trouve cloué au sol au lieu de sa réception grandiose dans le hangar technique à l’aéroport de N’Djili. Problèmes fi nanciers ? Risques techniques ? Handicap en ressources humaines disponi-bles et qualifi ées ? Enquête… (v° Le Poten-tiel, 22 Juin 2009)

• RD Congo-Ouganda- Marianne MEUNIER : « Et au milieu coule

une rivière »Le cours de la Semliki, frontière entre la RD Congo et l’Ouganda, a beaucoup dévié. La région est riche en pétrole. Des réserves de plus de 400 millions de barils ont été dé-couvertes dans la zone, côté Ougandais. Les deux pays n’arrivent pas à s’entendre sur un nouveau tracé. L’affaire pourrait aller jusqu’à la Cour internationale de justice… (Voir Jeune Afrique n°2549 des 15-21 Novembre 2009, p.48).

• Sénégal- Jean-Michel MEYER : « Sécurité aérienne

– Le Sénégal fait sécession… Jusqu’à quand ? »Dakar avait défi nitivement coupé les liens avec l’ASECNA. Le pays voulait gérer seul son espace aérien et s’approprier les rede-vances aéroportuaires. Un bras de fer risqué. (Voir Jeune Afrique n°2471 des 18-24 Mai 2008, p.95 et p.9)

- Marianne MEUNIER : « Turbulences dans le ciel sénégalais »En annonçant vouloir quitter l’ASECNA, Dakar a fait trembler l’organisation. Avant fi nale-ment de faire machine arrière. Explications. (Voir Jeune Afrique n°2446 des 25 Novem-bre-1er Décembre 2007, pp.95-97)

- Michael PORON : « Protection de l’envi-ronnement marin : Gorée, pas si propre et vert »L’île de Gorée est le premier site touristique d’Afrique de l’ouest. Le symbole universel de la traite négrière. D’une superfi cie de 28 hectares, classée au patrimoine mondial

de l’humanité, Gorée reliée au continent par une chaloupe et qui reçoit un fl ot ininter-rompu de touristes n’a aucune barge pour rapatrier ses déchets sur Dakar et pas d’inci-nérateur. Seule issue pour les 1100 habitants et pour les milliers de touristes : jeter leurs détritus à la mer. Enquête sur un dépotoir à ciel ouvert que compte éradiquer une Mu-nicipalité écologiste élue depuis 2002. (Voir Africa International n°415, Décembre 2007, pp.48-51)

- Jean-Pierre NAUDE : « Ce jour-là, 26 sep-tembre 2002 – Le naufrage du ferry sé-négalais le Joola »Rappel des circonstances du naufrage tragi-que du ferry sénégalais le Joola. Bilan : 2000 morts. Un véritable « Titanic » africain. (Voir Jeune Afrique n°2437 des 23-29 Septem-bre2007, p.49)

- Blandine FLIPO : « Ports et infrastructu-res – Comment Dubaï a gagné Dakar »La victoire de Dubai Ports World sur Bolloré confi rme la percée des Etats du Golfe au Sé-négal. (Voir Jeune Afrique n°2440 des 14-20 Octobre2007, p.99)

- Michael PAURON : « Réchauffement cli-matique : Une côte sous pression »Sous les effets conjugués du réchauffement climatique et de phénomènes naturels, la côte sénégalaise pourrait reculer de 6 à 20%. Devant l’ampleur de la situation et les répercussions économiques à craindre, l’Etat a lancé un Programme national de lutte con-tre l’érosion côtière ». (Voir Africa Internatio-nal n°413 Novembre 2007, pp.58-61)

- Charles GAIKY DIENE : « Les embouteilla-ges à Dakar coûtent 4 milliards par an aux usagers (Entretien avec l’ingénieur Serigne Mame Mor Sall) »Serigne Mame MOR SALL est un ingénieur, spécialiste en gestion du trafi c routier. Ma-nager général d’une société de transport, il s’est prononcé à l’occasion de la clôture de la 13e semaine de l’Association des Gestion-naires et Partenaires Africains des Routes (AGEPAR), sur les conséquences des embou-teillages dans la capitale sénégalaise. Ainsi, cet ingénieur, qui note des inadéquations entre les nouvelles infrastructures routières et celles qui existaient déjà, soutient que les embouteillages, en dehors des conséquen-ces négatives sur la santé, coûtent plus de 4 milliards de francs Cfa par an aux contribua-bles (v° Wal Fadjri, 26 Juin 2009).

- Pierre CISSE : « Naufrage du bateau Le Joola – Le mano à mano judiciaire entre paris et Dakar prend de l’ampleur » (Voir Afrique Diagnostic n°809, Octobre 2008, pp.22-24)

• Somalie- « Mobilisation contre les pirates soma-

liens »Depuis fi n 2008, une série d’attaques de pi-rates somaliens sur des navires dans le Golfe d’Aden et l’Océan indien bouleverse le trafi c maritime dans cette zone et a conduit au dé-clenchement d’opérations de lutte et à une mobilisation internationale sans précédent. (Voir Afrique Diagnostic n°809, Octobre 2008, p.31).

• Tunisie- D.B.S. : « Offi ce de la marine marchande

et des ports (OMMP) : Deux certifi cations ISO 9001 décrochées »L’Offi ce de la Marine Marchande et des Ports ne cesse, au fi l des dernières années, de relever les différents défi s fi xés. Après avoir été certifi é ISO 9001 en mai 2007, pour les prestations rendues aux navires du Port de La Goulette, l’OMMP a obtenu, une année après, une deuxième certifi cation, mais cette fois pour les activités d’accueil des passagers au Port de La Goulette. Récemment encore, deux autres certifi cations, selon les normes ISO 9001, ont été décernées à l’OMMP, pour couronner le système de management qua-lité du port de Bizerte, ainsi que les services assurés par la direction des gens de mer (v° La Presse, 12 Juin 2009).

- « Signature des accords de fi nancement de l’aéroport d’Enfi dha »TAV Tunisie (fi liale de l’opérateur turc d’aéro-ports), a signé, vendredi à Tunis, des accords de fi nancement à long terme avec les institu-tions fi nancières internationales partenaires du projet de l’aéroport d’Enfi dha. Le projet, d’un coût total de 560 millions d’Euros (un milliard de dinars), dont la banque africaine de développement (BAD) fi nance 70 millions d’Euros, prévoit la construction, l’exploitation et l’entretien du nouvel aéroport internatio-nal Zine EL-Abidine-Ben-Ali d’Enfi dha, pour une capacité initiale de 7 millions de passa-gers, ainsi que l’exploitation et l’entretien de l’aéroport actuel de Monastir. Ce projet re-présente la première concession dans le do-maine du transport en Tunisie et la première concession d’aéroport dans la région du Ma-ghreb (v° Tunisia Online, 27 Février 2009).

- Nadia CHAHED : « Industries aéronautiques - De nouveaux horizons en perspective »L’électronique de vol et de cabine, un mar-ché mondial de 8,6 milliards de dollars, constitue le segment ayant la plus forte croissance dans l’industrie des composants aéronautiques. Ce secteur est l’un des sec-teurs phare de l’industrie tunisienne (avec le secteur du textile-habillement et celui de l’agroalimentaire). Le nombre d’entreprises à participation étrangère exerçant dans ce sec-teur est aujourd’hui de 380 dont 220 dans les industries électriques et 160 dans les indus-tries mécaniques. Si la Tunisie attire autant d’investisseurs étrangers, c’est qu’elle a ac-quis durant les dernières années un certain nombre de critères qui la rendent hautement compétitive… (v° La Presse, 10 Juin 2009)

- Frida DAHMANI : « La pêche élève le ton »Epuisement des stocks de poissons et cherté des produits de la mer : le secteur est con-fronté à la crise que traversent tous les pays de la Méditerranée. La course à l’export a entraîné le pillage des fonds marins et la ca-rence d’application des règlements rend les pratiques illégales plus aisées. Une gestion durable des ressources marines passe par le repos biologique, par une approche participa-tive pour la protection et la régénération des fonds marins, mais aussi par une réduction du nombre de chalutiers et un contrôle plus strict de la pêche abusive (Voir Jeune Afrique n°2549 des 15-21 Novembre 2009, p.73).

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La Revue Africaine des Affaires Maritimes etdes Transports (RAMATRANS)

remplace désormais notre ancienne publication,la Revue Congolaise des Transports et des Affaires Maritimes,dont 6 numéros ont paru depuis Août 2004.

Travaux publiés par l’Institut Eurafrique Export.

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents Juillet 2010 • N°2 /103

Textes etdocuments

Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo (voir p. 8)

Joola : Abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents104/ Juillet 2010 • N°2

Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo

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Poursuites pénales en France d’autorités étrangères suite au naufrage d’un navire affecté à un service public

Le navire (le Joola) ayant été mis en service pour permettre le désenclavement d’une région (la Casamance) et étant constaté que l’État (le Sénégal) assurait ainsi une mission de service public non commercial, avec un navire géré par la Marine nationale, armé par un équipage militaire et ayant le statut de navire militaire, la chambre de l’instruc-tion a pleinement justifi é sa décision de prononcer l‘annu-lation des mandats d’arrêts délivrés à l’encontre du Premier Ministre et du Ministre des Forces armées de cet État. La coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales d’un État étranger s’étend aux organes et entités qui constituent l’émana-tion de l’État ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes, qui comme en l’espèce, relèvent de la souveraineté de l’État concerné

Casso crim., 19 janv. 2010, n° 09-84.818, F-P+F, Assoc. Fédération na-tionale des victimes d’accidents collectifs « Fenvac SOS Catastrophe » et a. : JurisData nO 2010-051196

[…] Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure

qu’à la suite du naufrage survenu le 26 septembre 2002, au large des côtes gambiennes, du navire Joola, battant pavillon sénégalais, ayant fait 1863 victimes, parmi lesquelles plusieurs ressortissants français, une information a été ouverte au tribunal de grande instance d’Evry des chefs d’homicides et blessures involontaires par violation manifeste-ment délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence et défaut d’assistance à personne en péril ;

Que le juge d’instruction a décerné mandat d’arrêt à l’encontre de neuf personnalités sénégalaises, à savoir : Mme Madior Boye, Premier ministre, Youba Sambou, ministre des Forces armées, Babacar Gaye, chef d’état-major général des armées, Ousseynou Kombo, chef d’état-major de la Marine nationale, Moddy Siguine, chef d’exploitation, Meïssa Tamba, chef d’état-major de l’air, Youssouf Sakho, ministre des Transports, Abdou Hamid Diop, directeur de la Marine marchande, Go-mis Diedhiou, chef du bureau de la sécurité maritime et de la gestion des fl ottes ;

Que, par ordonnance du 16 octobre 2008, le juge d’instruction a refusé de faire droit aux réquisitions du procureur de la République, tendant à la mainlevée des mandats d’arrêt délivrés à l’encontre de Mme Madior Boye et de Youba Sambou ; que le procureur général a interjeté appel de cette ordonnance ;

Que les neuf personnes visées par les mandats d’arrêt, ont, en application de l’article 173 du Code de procédure pénale, saisi la cham-bre de l’instruction d’une requête en annulation de la procédure pour incompétence du juge d’instruction français et, à titre subsidiaire, ont sollicité la mainlevée des mandats d’arrêt les concernant ;

Que cette juridiction, après jonction de l’appel du procureur général et de la requête en nullité de la procédure, a déclaré irrecevable la requête qui lui était soumise ; que, faisant application de l’article 206 du Code de procédure pénale, elle a prononcé la nullité des mandats d’arrêt délivrés à l’encontre de Mme Madior Boye et de Youba Sambou ainsi que de certains actes subséquents et qu’elle a déclaré sans objet l’appel du procureur général ;

En cet état; I - Sur le pourvoi de Youssoupha Sakho, Abdou Hamid Diop, Baba-

car Gaye, Ousseynou Kombo, Meïssa Tamba, Gomis Diedhiou et Mody Siguine :

Sur sa recevabilité : Attendu que, pour déclarer irrecevable la requête des demandeurs

tendant à l’annulation de l’information ouverte des chefs susvisés et, subsidiairement, à la mainlevée des mandats d’arrêt délivrés à leur encontre, l’arrêt énonce que la délivrance d’un mandat d’arrêt au cours de l’information, avant tout interrogatoire, ne confère pas à ceux qui en sont l’objet la qualité de personne mise en examen et, par voie de conséquence, celle de partie au sens de l’article 173 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que les demandeurs n’avaient pas davantage la qualité de témoin assisté et que les dispo-sitions des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme ne sont pas applicables en cas de recours formé contre un mandat d’arrêt, dont le seul objet est d’assurer la représentation en justice de la personne à l’encontre de laquelle il est délivré afi n, notamment, de permettre son interrogatoire par le juge d’instruction, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application de la loi ;

D’où il suit que le pourvoi doit être déclaré irrecevable comme émanant de personnes qui ne sont pas parties, au sens de l’article 567 du Code de procédure pénale ;

[…] Attendu que, pour prononcer l’annulation des mandats d’arrêts dé-

livrés à l’encontre de Mme Madior Boye et Youba Sambou, respecti-vement Premier ministre et ministre des Forces armées du Sénégal à l’époque des faits, les juges relèvent notamment que le navire avait été mis en service pour permettre à la région de Casamance de sortir de son enclavement et que l’État du Sénégal assurait ainsi une mission de service public non commercial ; qu’ils retiennent que le ministère des Forces armées avait confi é à la Marine nationale la gestion de ce navire, lequel était exposé à des attaques, était armé par un équipage militaire et avait le statut de navire militaire ;

Attendu qu’en cet état, la chambre de l’instruction a justifi é sa dé-cision ;

Qu’en effet, la coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d’un État étranger s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’État ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui, comme en l’espèce, relèvent de la souve-raineté de l’Etat concerné ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs : I - Sur le pourvoi de Youssoupha Sakho, Abdou Hamid Diop, Baba-

car Gaye, Ousseynou Kombo, Meïssa Tamba, Gomis Diedhiou et Mody Siguine :

Le déclare irrecevable ;

II - Sur les pourvois des parties civiles : Les rejette […].

Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents Juillet 2010 • N°2 /105

Joola : Abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais

NDLR : Nous invitons les magistrats, avocats, et autres juris-tes et praticiens intéressés par le développement de cette rubrique « Jurisprudence », de nous aider à l’alimenter par des décisions rendues dans leurs pays et à travers le con-tinent. Ces colonnes sont les vôtres et nous attendons vos propositions. Merci d’avance.

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports • Textes et documents106/ Juillet 2010 • N°2

Nouveau siègede l’InstitutEurafrique Export(au Complexe scientifi que du Stade Marcel Saupin •MSH - IEA nord-sud à Nantes)

Nous sommes à votre écoute…

(ici une partie de notre équipede chercheurs)

BULLETIN D’ABONNEMENT à compléter et à retourner à :Institut Eurafrique Export – c/o Prof. Martin NDENDÉComplexe scientifi que Stade Marcel Saupin (MSH - IEA nord-sud) - 5 allée Jacques Berque - 44021 Nantes Cedex 1 (France)Tél : 00-(336)-09-87-37-13 / Tél-Fax. 00-(332)-40-14-15-87 / Tél-Fax. 00-(332)-40-48-39-53

OUI, je souhaite m’abonner à RAMATRANS pour un an,soit 2 numéros (port compris)

Europe 40 € Afrique 46 € (30.000 FCFA) Reste du monde 50 € Abonnement de soutien(à votre entière discrétion)

Mes coordonnéesNom ............................................ Prénom ....................................................Société ............................................................................................................. Fonction ...........................................................................................................Adresse .............................................................................................................Code postal .................................. Ville ..........................................................Pays ............................................. Tél. ............................................................Email ........................................... @ ..............................................................

Mon règlement Chèque en euros (banque française) libellé à l’ordre de l’Institut Eurafrique Export

Virement sur le compte Institut Eurafrique Exportn° 14445 00400 08000476639 64domiciliation Caisse d’Epargne Bretagne - Pays de LoireBIC : CEPAFRPP444ou IBAN : FR76 1444 5004 0008 0004 7663 964

Je souhaite recevoir une facture acquittée.

(à photocopier)

Mail : [email protected]

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Chroniques et informations• Les Règles de Rotterdam - Conférence de signature - 21-23 septembre 2009 • Conférence de l’Union Africaine des Ministres en charge du transport maritime

12-16 octobre 2009 - Durban (Afrique du Sud)• « La Maîtrise des Activités Maritimes et des Transports dans un monde en mutation »

Séminaire international - 16-27 novembre 2009 - Nantes (France)• Signature d’un accord dans le domaine maritime entre le Maroc

et la République du Congo• Décoration dans l’Ordre du Mérite maritime français• « Les Règles de Rotterdam : quel apport pour l’Afrique ? » - Séminaire international

18-19 mars 2010 - Yaoundé (Cameroun) • Un « Centre opérationnel de la Marine » au Congo• Chronique euro-africaine des affaires maritimes et des transports

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Articles et études doctrinales• La sécurité maritime en Méditerranée : quelle politique européenne ?

■ Martin NDENDÉ, Professeur à l’Université de Nantes, Directeur du Master de « Droit et Sécurité des Activités maritimes et océaniques », Directeur de l’Institut Eurafrique Export

• L’Affaire du « Probo Koala » ou les insuffi sances du Droit face au trafi c illicite de déchets dangereux ■ Marie BOURREL, Doctorante au Centre de Droit Maritime et Océanique (C.D.M.O.), Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Nantes, et Joseph BREHAM, Avocat au barreau de Paris, Cabinet BOURDON-VOITURIEZ-BURGET

• Le big-bang de la responsabilité du commissionnaire de transport en droit Ohada ■ Franck Tolérance KINANGA-MUYABI, Doctorant en Droit des Affaires, Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaoundé II Soa

• Le transport maritime de passagers à l’épreuve des principes généraux du droit de la responsabilité ■ Mady Marie BOUARE, Docteur en Droit privé, Maître Assistant Associé, Université Gaston Berger (Saint-Louis, Sénégal)

• Les concessions portuaires ■ Robert RÉZENTHEL, Docteur en droit,

Chargé de cours à l’Université de Lille II

• Extraversion croissante des économies des aires protégées estuariennes, côtières et marines (APECM) en Afrique de l’Ouest : quels impératifs de gouvernance ? ■ Pierre FAILLER, Sonia CARRIER, Gilles Van de WALLE, Moustapha DEME, Abdoulaye DIOP, Djibril BALBÉ, Alfredo da SILVA, Abou DAIM DIA, Alphonse BAKALAKIBA (chercheurs)

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Bibliographie• Ouvrages parus • Thèses soutenues• Thèses en préparation• Vous trouverez dans vos journaux…

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Textes et documents• Hommage du Président du Tribunal International du Droit de la Mer au Juge Bamela Engo• Joola : abandon des poursuites contre deux ministres sénégalais

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Revue Africaine des Affaires Maritimes et des Transports Juillet 2010 • N°2

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